Compiled from ARCHIVES PARLEMENTAIRES documents.
SOCIÉTÉ ANONYME D'IMPRIMERIE. —PAUL DUPONT, DIRECTEUR, 41, rue J.-J.-Rousseau (Hôtel des Fermes).
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS sous Là DIRECTION DE
M. J. MAVIDAL
CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PETITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE
M. E. LAURENT
BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1789 à 1800)
TOME XI DU er MARS 1790
PARIS SOCIÉTÉ ANONYME D'IMPRIMERIE ET LIRRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER Paul DUPONT, directeur 41 , RUE JEAN-JACQUE -ROUSSEU ,41
1880
Séance du
La séance commence par la lecture d'une adresse de la ville de Moret en Gatinais portant adhésion à tous les décrets et offrandes en don patriotique de la somme de 3,000 livres. L'Assemblée permet aux dépulés de cette ville d'assister à la séance.
, député d'Angouléme, offre au nom de la paroisse des Maleville en Angoumois, un don patriotique de 325 livres 3 sols 3 deniers, montant du rôle du supplément des impositions des ci-devant privilégiés de ladite paroisse, pour les six derniers mois de 1789.
La ville de Rozoy en fîrie offre à la nation lu sacrifice, volontaire du produit des impositions des ci-devant privilégiés pour les 6 deniers mois de 1789 et déclare qu'elle adhère formellement à tous les décrets de l'Assemblée nationale dont elle invoque la protection dans la prochaine distribution des districts.
Il est fait lecture d'une délibération de la ville de Beaumont-sur-Oise "portant remerciement et adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale et offrande patriotique des contributions des ci-devant privilégiés pour les 6 derniers mois de 1789. Les députés de cette ville sont admis à assister à la séance.
, Vun des trésoriers des dons patriotiques, lit l'état de différentes offrandes
Les Génevois n'ont offert d'effectuer leur don qu'aux époques où on leur payerait les rentes viagères qui leur sont dues, et cela ressemble à un contrat d atermoiement entre un débiteur et ses créanciers. J'opine pour le refus.
Dans aucun cas la France ne peut accueillir une offre qui blesse sa dignité; elle doit être encore rejetée si elle contrarie la justice et si elle peut être regardée comme le prix de la servitude du peuple génevois, accablé par la plus dure aristocratie. Tandis que nous travaillons à assurer la conquête de notre liberté, pouvons-nous, sans manquer à nos propres principes, consolider chez une nation voisine un système qui a manqué de perdre la France? Une vaine politique peut vendre des secours que l'équité desavoue et condamne, mais un peuple généreux et libre ne doit jamais se conduire que par les maximes d'une saine morale. Je travaille a connaître les véritables motifs de cette munificence, que nous ne devons accepter que dans le cas où elle serait offerte par des Génevois résidant et domiciliés en France.
L'offre des Génevois étant faite par ceux qui gouvernent la République, on doit la. considérer comme un appat tendant à engager la France à la protection du gouvernement aristocratique; la confiance que nous devons avoir dans notre crédit et nos propres forces, ne doit pas nous porter à accepter des secours étrangers; j'ai vu, d'ailleurs, une lettre de Genève par ! laquelle on apsure que cette offre n'est point
l'effet de la volonté de toute la République, mais bien de ceux qui la gouvernent. Enfin, la seule chose juste en rejetant cette offre est de faire payer aux Génevois qui possèdent des terres en France le quart des revenus.
Je crois qu'il est convenable que M. le président écrive au ministre des finances pour s'instruire des causes de ce don et de 1 intention de ceux qui le font.
Depuis 35 ou 40 ans que la République de Genève est sou3 la garantie du gouvernement français, elle lui a coûté plus de 10 millions.
Plusieurs membres, interrompant : Dites plus de 20 millions.
J'ai entre les mains deux lettres de Genève, qui m'assurent que le don qui vous est offert n'émàne 'pas de la République. Je demande que la discussion soit ajournée.
L'Assemblée consultée ajourne à mardi soir l'affaire de Genève.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il y a quatre mois que les députés de Saint-Domingue sollicitent de l'Assemblée un décret qui autorise les colonies à recevoir des farines étrangères que la métropole ne peut leur fournir. Si la multitude des affaires ne vous permet pas d'entendre le rapport dont vous avez chargé, le 29 août, six membres du comité d'agriculture et du commerce, votre intention he pouvant pas être que la coloriie mahque de subsistance, Vous entendrez sans doute qu'elle se pourvoira elle-même.
Les colons ont pris Cette permission d'eux-mêmes et depuis bien longtemps ils ont ouvert leurs ports. D'ailleurs les farines sont $roportionnëllemént à meilleur marché dans la colonie que dans la métropole, puisque la farine ne s'y vend, que 4 sous la livre,
C'est une assertion dont l'orateur ne pourrait nous fournir la preuve.
Il me pai-aît très-douteux que la farine puisse être à un prix si modique à Saint-Domingue, d'après le cours du blé en France,
Il est indispensable que l'Assemblée s'occupe de cette affaire, parce que la permission que le gouvernement a donnée pour l'introduction des farines des Etats-Unis expire au 1er février prochain.
J'observe que cette affaire n'est point portée à l'ordre du jour,
L'affaire de Saint-Domingue est ajournée à, mardi après l'affaire de l'offrande de j&enève,
M. î)aignon, médecin ordinaire du Roi, offre à l'Assemblée plusieurs ouvrages de sa composition et un thermomètre de santé, monté ën or et garni de diamants* en se réservant la moitié de sa valeur.
La confrérie du Saint-Sacrement de Saint-
Roch fait un don patriotique de* 2,002 livres en espèces. Les personnes qui l'apportent sont autorisées à assister à la séance.
donne lecture du résultat du scrutin pour la nomination des nouveaux membres du comité des recherches. Les députés élus sont :
MM. Palasne de Champeaux, Buzot,
Goupil de Préfein, Gaultier de Biauzat, Bouteville-Dumetz, Alquier,
Le Goazre de Kervélégan, l'abbé Joubert, Gourdan, Salicetti,
Verchère de Reffye, Salomon de La Saugerie.
M. de Lafare, évêque de Nancy, qui avait eu le même nombre de suffrages que ce dernier, donne sa démission.
J'ai eu l'honneur le 2 de ce mois de prendre en présence de la nation un engagement solennel. Je viens vous prier de fixer le jour, après les fêtes, qu'il vous plaira d'accorder une audience entière pour entendre la dénonciation du ministre de la marine (1) et la lecture de toutes les preuves et pièces justificatives que nous sommes chargés de présenter à l'Assemblée nationale au nom de nos commettants.
Pour éviter, s'il est possible dans une cause aussi importante, que des" papiers ministériels ne travestissent mes paroles, comme certains l'ont déjà fait, et ne me fassent dire précisément le contraire de ce que j'aurais dit, je demande permission dé déposer par écrit sur le biirèau ces quatre mots, qui contiennent la requête que j'ai 1 honneur de vous présenter.
Quelques voix : A l'ordre, l'orateur !
Le dépôt annoncé n'a pas lieu et l'Assemblée n'ordonne rien sur la motiôn.
, député d'Henne-bon. Je suis chargé de présenter un don patriotique de la ville de Port-Louis, qui n'est peuplée que de vieux militaires retirés et de marins sans fortune. Cette population aurait donné de grandes sommes si elle n'avait consulté que son patriotisme et elle a fait de grands efforts pour vous offrir celle de. $47 livres. Les jeunes citoyens volontaires ont ouvert les premiers une caisse patriotique pour obtenir cette somme.
Lés officiers et soldats du bataillon auxiliaire des colonies me chargent également de vous offrir 2,250 livres.
Les officiers et soldats du 1èr bataillon de Bas-signy joignent à ees sommes, celle de 3,600 livres.
Le bataillon auxiliaire des colonies ne s'est pas borné à offrir la somme de 2,250 livres;
j'ajoute qu'une partie de ce bataillon employé au service du port de Lorient a versé dans la
caisse patriotique de cette ville une autre somme de 1,190 livres.
, député de Dijon, fait l'annonce d'Urt don patriotique de la part d'une dame, créancière d'une rente viagère de 60,000 livres. Elle fait remise et abandon i 1° du tiers de eette fente Viagère qui demeurera, pour l'avenir, réduite à 40,000 livrés^ 2° de 80,000 livres pour arrérages échos et arriérés.
Cette dame désire n'être pas connue, mais elle fait remettre à MM. les trésoriers dé la caisse patriotique un engagement ou soumission signée d'elle, eh vertu dë quoi jig pourront se faire représenter les. titres pour les revêtir dés mentions de réduction et de quittance^ nécessaire^
M. Tronchét à la parole pour faire un rapport sûr le mémoire dé M. le garde dës sceaux Concernant les difficultés qui se sont élevées pour Vêocécution du décret dès 8 et 9 octobre dernier sur ld procédure criminelle,
(1). Messieurs!, le mémoire que M. le garde des ScéàuX vous a fait remettre le 8 décembre Contient dix-huit questions, ou difficultés, qui ëe sont élevées! sur l'exécution dtt décret des 8 et 9 octobre dernier.
Indépendamment de ce mémoire, plusieurs honorables membres nous éh oht remis d'autres, dans lesquels nous avons distingué deux nouvelles questions* qui nous t^ paru devoir être ajoutées à celles présentées par M. le garde des seeaux.
Enfin, Messieurs, les députés de Béarn nous ont fait connaître, par deà mémoires particuliers, que les tribunaux des deux provinces du BéarU et (le Pfavarfe, avaient, qualnt à présent, une organisation toute. particulière,» d'après laquelle iï devenait nécessaire, pour pouvoir y appliqUèr la rèformation provisoire de la procédure Criminelle que Vous aVez décrétée, de leur donner Un règlement local ët provisoire, en attendant que l'orgatiisàtion générale du pouvoir judiciaire ait soumis Ces deux provinces au régime commUn à tout lé royaume.
Ainsi Cé rapport VOUs présente, en premier lieu, à discuter un àssez grand nombre de questions, dont la solution vous conduira à compléter, par lin décret, la loi générale de la réformation provisoire de la procédure criminelle ; en second lieu* à examiner leS.difficultés locales qui suspendraient l'exécution de la loi générale dans le Béarn et la Navarre, si ces difficultés n'étaient pas levées provisoirement jpàr un règlement particulier à ces provinces.
C'est avec frégret que je vous indiqué une Carrière un peu longue à parcourir; \e tâcherai
de soulager votre attention en simplifiant, le plus qu'il me sera possible, la discussion des
questions nombreuses qtie votre premier décret a fait nàitrè, inconvénient presque toujours
inséparable de la promulgation d une nouvelle loi.
Mémoire de M. le garde des sceaux et questions qu'il y faut àjôuter.
Ce mémoire est divisé et se divisé naturellement en trois sections.
La première comprend les questions relâtivës aux fonctions et aux devoirs des adjoints.
Là seconde comprend les questions relatives aux fonctions et aUx devoirs dU Conseil des accusés.
La dernière Comprend lëâ quësti&ns relatives à la forme dé l'instruction et deS jugerfléàts.
Cette division naturelle des questidiis pourra* Messietirs, Vous donner un moyetl dë soulager votre attention : vous sere« en effdt; les maîtres de couper le rapport ëtt trois parties, ?i VbUS le jugez à propos, et après avoir entendu le rapport des questions relatives à l'Uflé de ëë$ SëëtiortSj d'entendre lés articles du projet du décret qui y sefônt relatifs, et opérer ainsi sur chacune des troi§ sections.
Je suiv^i, à cet égard, l'ordre que l'Assemblée me prescrira.
PREMIÈRE SECTION.
Questions relatives auoô fonctions et attaû devoirs des adjoints*
Avant dë vous exposer ces questions et d'entrer dans le détail des réflexions que chacune d'elles peut occasionner, votre comité a cru qu'il était essentiel de voUs rappeler, en peU de mots, les motifs qui ont dicté l'institution des adjoints, et les principes qui servent à déterminer leur1 véritable caractère et à définir leurs fdnctiohs.
La publicité de la procédure criminelle, voilà le principal point de réformation provisoire que vous avez désiré, et que vous avez voulu opérer par votre décret des 8 et 9 octobre.
Deux grands ( motifs vous ont fait désirer une procédure criminelle publique : l'intérêt général de la société, l'intérêt particulier des accusés.
La société ëntière est doublement intéressée dans la poursuite des crimes publics: elle a intérêt qûe lë coupable, qui troublé l'ordre et la sûreté publique, n'échappe point à la peine qui doit garantir les individus de nouveaux attentats, et sërvir d'exemple à ceux que la morale île I retiendrait pas ; la société est encore intéressée à ce qu'aucun de ses membres he puisse devenir la victime d'une accusation Calomnieuse.
La préseficë du peuple, qui doit défendre la société de ces deux inconvénients, ne vous dispensait pasdç venir au secours de l'accusé d'Une manière plus directe.
L'humanité réclamait depuis longtemps, en Sa faveur, une procédure qui, déchirant le voile qUi Cachait à l'aéctisé la marche de l'accusateUr. pût le mettre à portée de combattre à armes égales aVeë l'accusateur et le juge.
Mais, en protégeant l'innocence, ta loi he devait pas favoriser l'impunité du coupable ï un règlement dont l'effet aurait été de soustraire ""presque tous les coupables à la punition eût été l'acte d'une piété barbare qui aurait reservé de nouvelles victimes aux forfaits d'un scélérat I enhardi par l'impunité.
| C'est cette importante considération qui vous a
forcés de distinguer deux parties dans la procédure criminelle : une première, à laquelle vous avez conservé l'ancienne forme du secret; une seconde, à laquelle vous avez donné la plus grande publicité. La justice n'aurait presque jamais atteint le coupable, si l'instruction qui précède le décret avait reçu la même publicité que celle qui Je suit.
Mais, en cédant à la nécessité qui vous forçait d'écarter la publicité de la première partie d§ la procédure, vous avez voulu accorder au double intérêt de la société et de l'accusé, un secours qui pût garantir contre les abus et les inconvénients inséparables des ténèbres qui enveloppaient jadis la première instruction, et qui pouvaient être aussi favorables au coupable que funestes à l'innocence.
De là ces adjoints, qui sont appelés au défaut du peuple, qui sont choisis par le peuple pour le représenter et pour remplir sa double fonction de protéger l'innocence et de s'opposer à l'indulgence qui épargnerait le coupable.
Les adjoints sont les représentants du peuple tant que l'intérêt-public ne lui permet pas d'assister à l'instruction; voilà le véritable caractère des adjoints.
Leur fonction est de surveiller les premiers actes de l'instruction, d'en assurer et d'en garantir la fidélité et l'impartialité qui seules peuvent attacher la confiance .publique au jugement d'absolution ou de condamnation.
En deux mots, ïa publicité de la procédure criminelle est la seule vraie sauve garde de l'intérêt de la société et de celui de l'accusé. L'institution des adjoints n'est qu'un moyen supplétoire de la publicité, tant que l'intérêt public ne permet pas de l'admettre dans toute son étendue.
Voilà le véritable esprit de votre décret des 8 et 9 octobre ; voilà le principe simple qu'il ne faut jamais perdre de vue, qui doit décider presque toutes les difficultés que son exécution a pu faire naître en ce qui concerne les fonctions et les devoirs des adjoints; et c'est spécialement ce principe qui va nous fournir la solution de quatre des neuf questions qui appartiennent à cette première section.
Ces questions sont les deuxième, troisième, quatrième et cinquième : elles supposent toutes l'accusé absent ou contumace, soit parce qu'il n'a point comparu sur le décret, soit parce que, sur plusieurs co-accusés. décrétés, il y en a seulement quelques-uns qui ont comparu, soit parce que l'on est dans le cas de rendre une nouvelle plainte et de faire une nouvelle information contre une personne qui n'avait point été comprise dans la première, soit enfin parce que l'accusé, qui avait comparu, refuse ensuite de se représenter et prend la fuite, cas particulier que les criminalistes désignent par l'expression de contumace de présence.
C'est pour tous ces cas que l'on demande si la présence des adjoints sera également nécessaire, s'il faudra les conserver ou les rappeler.
Votre comité avait cru avoir suffisamment prévu tous ces cas : d'un côté, en tirant une ligne de séparation entre la procédure qui précède le décret, époque à laquelle il a pensé que toute la procédure doit devenir véritablement publique ; et d'un autre Côté, en prononçant que l ordonnance de 1670 continuerait d'être observée dans tout le surplus.
Il s'est élevé cependant des difficultés relatives au cas de contumace, et on les a fait résulter tant du texte que de l'esprit de votre décret.
I Les articles 5, 6, 7 et 8 n'appelaient évidem-| ment les.adjoints qu'aux actes qui précédaient le décret. L'article 6 dit expressément : l'information qui précédera le décret.
Mais on a cru apercevoir une équivoque dans l'article 11 ; il porte : «Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur le décret d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel, tous les actes d'instruction seront
faits contradictoirementavec lui,publiquement.....
dès ce moment, l'assistance des adjoints cessera. » De ces termes , sera constitué prisonnier ou se sera présenté, quelques-uns ont conclu que la sèule présence de l'accusé pouvait faire cesser celle des adjoints.
Les partisans de ce système ont même cru pouvoir l'appuyer sur l'esprit de votre décret.
L'accusé absent doit-il être moins sous la protection de la loi que celui qui est présent ? Nos tribunaux français n'ont point admis la maxime barbare de certains jurisconsultes anciens, que le contumace est présumé coupable; un grand nombre de circonstances peuvent légitimer ou excuser son absence; il peut ignorer la poursuite. Pourquoi ne serait-on pas excusable quelquefois de fuir l'attaque d'un accusateur puissant ou artificieux et d'attendre du temps les moyens de faire triompher l'innocence?
D'autres cependant ont cru trouver, dans votre décret même et dans son esprit, la réponse à ces objections.
L'article 21 leur a paru suffisant pour autoriser le juge à se conformer littéralement à l'ordonnance de 1670, dans tous les cas qui ne sont pas textuellement prévus par votre décret.
Au fond, l'accusé qui fuit ne leur paraît plus conserver de droit à la bienveillance et à la protection de la loi; on ajoute que ce serait même nuire au contumace, de lui accorder le secours des adjoints. Sa comparution dans les cinq ans anéantit la contumace : la procédure faite dans cette époque ne peut nuire à l'accusé ; elle laisserait subsister un préjugé très-fort, une prévention morale, si elle était soutenue par l'autorité que lui donne la présence des adjoints.
Votre comité, en adoptant cette seconde opinion, ne croit pas cependant devoir la fonder sur les raisons que je viens de vous exposer.
Il suffit que l'absence puisse être quelquefois excusable, pour que l'on ne puisse pas dire qu'elle rende l'accusé indigne de toute protection de la loi.
D'un autre côté, c'est une erreur de supposer que la procédure faite pendant la contumace ne peut jamais produire aucun effet contre l'aceusé; le jugement tombe, mais la procédure ne tombe pas; le récolement des témoins subsiste : il y a même des cas dans lesquels l'ordonnance de 1670 laisse subsister dans toute sa force le récolement, encore que le témoin ne puisse plus être confronté.
Sans examiner les réformations dont pourra être susceptible un jour l'ordonnance de 1670, opération que vous avez cru devoir réserver à une autre époque, on peut, dès à présent, observer qu'il n est pas possible d'accorder à la représentation de l'accusé l'effet d'anéantir les actes d'instruction qui se sont faits pendant la contumace; ce serait donner trop d'avantage à l'accusé, au moins suspect : un laps de cinq années suffit pour faire dépérir toutes les preuves d'un crime réel. Ce serait assurer l'impunité à presque tous les criminels, de rendre absolument sans force contre eux les récolements, les addi-
tions d'information, en un mot, tous les actes d'instruction qui se font pendant son absence.
Ce n'est donc ni parce que ces procédures ne peuvent rien produire contre le contumace après sa représentation, ni parce que le contumace ne mérite aucune protection de la loi, que votre comité avait pensé et persiste à penser que l'absence ou la contumace de l'accusé décrété ne doit point faire conserver, ou rappeler, les adjoints aux actes postérieurs aux décrets.
Son motif est puisé dans les principes qui ont dicté votre loi.
La publicité de l'instruction et du jugement est le frein le plus puissant que la loi puisse opposer aux erreurs, à la faiblesse, à la négligence ou à la prévention du juge, à l'indiscrétion ou à la corruption des témoins. C'est cette publicité que l'Assemblée nationale a principalement désirée et voulu établir. L'institution des adjoints n'est qu'un remède secondaire pour suppléer la vraie publicité ; on n'aurait point eu recours à cet expédient, s'il avait été possible de rendre la procédure publique dès le premier acte de la
Procédure. L'assistance des adjoints cesse donc
e devenir nécessaire dés l'instant où la procédure doit devenir publique, au moment où l'instruction peut recevoir la forme qui est la plus efficace pour en purger les inconvénients, et cette forme doit être admise dès l'instant auquel on ne rencontre plus les motifs qui l'avaient fait suspendre.
Des quatre cas de contumace, pour lesquels on demande si l'assistance des adjoints sera nécessaire, il y en a deux dans lesquels la procédure devient nécessairement publique ; celui où, entré plusieurs accusés, il y en a de présents et d'autres absents; celui où il y a lieu d'informer contre un nouvel accusé, dans une procédure dirigée contre d'autres accusés décrétés et présents.
La procédure, nécessairement publique vis-à-vis des présents, le devient nécessairement vis-à-vis des absents, à cause de son indivisibilité.
Dans tous les cas de l'absence de l'accusé, il n'y a plus d'inconvénient à rendre la procédure publique dès lors qu'il a été décrété, puisqu'il est averti par le décret, et puisque l'unique objet du secret antérieur au décret a été de ne pas faciliter l'évasion du coupable. . Il ne reste donc que le seul cas où il s'agit d'informer contre un nouvel accusé qui a été compromis par une plainte incidente dans une accusation dirigée contre d'autres accusés présents; mais si Je complice a voulu fuir, il en a eu le temps, il a été suffisamment averti ; l'arrestation de se« complices, ou le décret décerné et exercé contre eux, lui ont dû inspirer la fuite, si sa conscience .le condamne ; et d'ailleurs, ces sortes de plaintes incidentes ne sortent ordinairement que des indices consignés dans les premières charges, que l'instruction contre les présents a précédemment rendus publics.
Ainsi la publicité de la procédure est la plus puissance sauvegarde de l'innocence, comme elle est le plus sûr garant de la vindicte qui intéresse la société. Cette publicité n'a plus d'inconvénient après les décrets, ni depuis qu'une première partie de la procédure est devenue publique; le ministère des notables n'est donc plus nécessaire pour les actes d'instruction qui ont lieu contre les absents ou contumaces, dans aucun des quatre cas prévus qui ont donné lieu à la question.
Cependant cette question s'est élevée; il suffit
u'il y ait eu un doute pour qu'il soit nécessaire
e le résoudre. Les termes dans lesquels a été rédigé l'article 11 du décret ont pu légitimer ces doutes. Votre comité a inséré en conséquence, dans le projet de décret, un article propre à résoudre les quatre questions qu'il vient de discuter.
La première des cinq autres questions de la première section du mémoire est celle de savoir si l'assistance des adjoints est nécessaire au rapport du jugement qui prononce le décret.
C'est encore l'article 11 de votre décret qui a donné lieu.à ce doute : il porte que l'assistance des adjoints cessera du moment où l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur un décret quelconque, et que les actes d'instruction seront faits contradictoirement avec lui et publiquement ; donc,a-t-on dit, la fonction des adjoints ne doit cesser qu'après le décret.
La conséquence est juste, mais l'application en est fausse. La fonction des adjoints ne doit cesser qu'après le décret, quant aux actes auxquels la loi leur a donné le pouvoir d'assister; mais la circonstance du décret non prononcé n'étend point la fonction des adjoints aux actes qui ne sont point de leur compétence.
Quels sont les actes pour lesquels la loi requiert l'assistance des témoins ?
L'article 1er ne les appelle qu'aux actes d'instruction : Ils assisteront à l'instruction du procès criminel. Il y a plus, ce même article ajoute : ainsi qu'il sera dit ci-après.
Les articles 3, 5, 6,7,8 n'appellent les adjoints qu'à la plainte, aux procès-verbaux de visites des personnes blessées, ou du corps mort, du lieu du délit, des effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, enfin à l'information qui précède le décret.
Ainsi, d'un côté, les adjoints ne doivent point être appelés à aucuns autres actes que ceux. désignés par la loi ; d'un autre côté, la loi 11e les appelle qu'aux actes d'instruction, et le décret est un jugement qui déclare qu'il existe au moins un commencement de preuve suffisant pour mettre un citoyen in reatu.
Le texte de la loi n'aurait donc pas dû permettre d'élever cette question. 11 n'y avait pas plue de matière à un doute sérieux, si l'on considérait le caractère propre des adjoints et la nature de leurs fonctions.
Les adjoints ne sont que les représentants du peuple jusqu'au moment où la publicité de la procédure peut lui permettre d'y assister : leur fonction est de surveiller au nom du peuple la fidélité et l'exactitude des actes qui doivent former la preuve du délit ou assurer la décharge de lïnnocent. Les adjoints, comme représentants du peuple, comme surveillants de la preuve, n'ont aucun caractère de juge. Ils n'ont des lors aucun avis ?t donner sur la question de fait et de droit, qui doit décider s'il y a lieu au décret, et la nature du décret. Il est inutile d'assister à un acte auquel on ne peut pas coopérer.
Les adjoints n'ont rien de commun avec les jurés d'Angleterre, que la loi de ce pays constitue juges du fait et même les ministres instrumen-taires de l'information. L'Assemblée nationale a réservé pour un autre moment de délibérer sur l'introduction des jurés, plan plus vaste, qui exigerait une réformation totale de nos lois criminelles, non-seulement sur la forme de la procédure, mais encore sur toutes nos lois pénales; elle n'a voulu qu'une réformation provisoire, qui pût admettre une publicité, en se conciliant avec
les institutions anciennes et les usages connus. Son comité a dû se renfermer dans les pouvoirs limités qui lui avaient été confiés, et sous ce point dé vue, il n'a pu admettre que des adjoints surveillants des actes d'instruction, et non des jugest ni exclusifs, ni même coopérateurs;
Nous pensons donc que le texte et l'esprit de la loi étaient assez clairs pour ne pas donner lieu à la question» L'Assemblée jugera s'il peut exister un doute assez raisonnable pour donner lieu à un décret, et s'il ne suffirait pas d'autoriser M. le garde deë sceaux à instruire les juges sur cé point ; nous avons néanmoins préparé un projet d'articles pour le cas où l'Assemblée croirait devoir prononcer directement sur cette question.
Deux autres questions doivent être réunies; à cause de leur liaison nécessaire : ce sont les sixième efc septième questions du mémoire de M. le garde des sceaux.
Ces deux questions présentent à ^résoudre Une question générale et des questions secondaires.
La fonction d'adjoint peut-elle être refusée? Telle est la question principale.
Si cette fonction ne peut pas être refusée, quelle est la peine que doit encourir le refus de l'accepter, ou d'en exercer les fonctions? Comment ce refUs sera-Hl constaté ? Par qui et comment la peine sera-t-ëlle prononcée? Voilà les deux questions Secondaires.
La première question paraît facile à décider, si l'on ne consulte que les principes de la morale. La fonction d'adjoint intéresse la société entière, autant que la personne de l'accusé. Le citoyen, qui Veut jouir personnellement de la tranquillité et de la paix publiques, peut-il se permettre de refuser d'y contribuer* lorsque la société réclame son secours? Peut-il ne pas regarder comme un devoir d'accepter une mission qui a pour objet le bod ordre et la sûreté publique* dont il doit profiter?
Mais la loi ne doit pas toujours convertir en obligation civile ce que la morale peut, commander. Gê serait inutilement que la loi imposerait une obligation au citoyen, si elle n'ajoutait point une peine à la contravention ; Obliger tout citoyen actif d'accepter la qualité d'adjoint sous ùne peine quelconque* fle serait-ce pas attaquer la liberté naturelle que doit Conserver tout individu, de ne prendre que les emplois analogues à ses talents, et même à son goût ? La loi qui prononce des peines sans nécessité est, eomme vous l'a si; bien dit votre comité de constitution, un attentat à la liberté individuelle; Vous n'avez pas cru pouvoir obliger aucun citoyen à accepter les emplois municipaux, et vraisetnblablemerit vous ne croirez pas pouvoir contraindre personne d'accepter les places de judicature
Mais d'un autre côté, si la loi n'oblige point impérativement tous lés citoyens actifs à remplir la fonction d'adjeint, lorsqu'ils y seront appelés par le suffrage de leurs concitoyehs, n'est-il pas a craindre que cette sage institution devienne illusoire? La question qui vous est présentée annonce que déjà un certain nombre de personnes témoignent de la répugnance pour cette fonction. S'il est permis de la refuser, bientôt l'exemple d'Un petit nombre deviendra général ; plus ceux qui auront refusé auront une réputation d'hon-nêteté, plus leur exemple deviendra une loi pour les autres.
Ainsi, d'un côté la liberté individuelle s'oppose à la contrainte que vous voudriez prononcer ; de l'autre côté, la nécessité de maintenir une institution si sage paraît commander cette contrainte.
Voilà les deux extrêmes entre lesquels vous avez à choisir, Messieurs; Votre comité n'a pas cru pouvoir se pehnettreun avis positif sur cettequestion ; il se contentera de vous proposer ses idées sur le genre de peine qui pourrait être établi^ si vous estimiez devoir prendre ce parti*
La manière la plus naturelle de proportionner les peines est d'en déterminer le genre par le genre même de la faute. Celui qui reftise de remplir les devoirs publics de citoyen* se montre indigne dé profiter de tous les avantages auquel son titre lui donne droit de participer;
La radiation de la liste des citoyens actifs, pour un temps, paraît donG être la peine véritablement analogue à la faute de celui qui refuse d'en remplir les devôirs.
Mais pour quel temps cette radiation sera-t-elle prononcée? La faute peut s'aggraver par degrés, et la faute doit être graduée en conséquence.
Le simple refus d'accepter la fonctiôn est le premier degré de la faute : il peut mériter la radiation d'un an.
La faute devient plus grave* si celui qui a accepté la mission, refuse d'en exercer les fonctions ; alors la radiation sera pour deux ans.
L'adjoint* quiacommenoéà exercer sa fonction dans un acte d'instructidn, et qui, un refusant de continuer, arrête le cours de la justice, commet une faute pliis importante par ses conséquences. Le cas n'est point hypothétique; le mémoire du garde des sceaux assure qu'il est arrivé. La loi doit le prévoir, et sa sévérité pourrait alors pouvoir se porter jusqu'à une radiation pour trois ans.
Enfin, un dernier degré de la faute est le cas où la retraite de l'adjoint, au milieu d'un acte commencé, est accompagné de faits de violence qui produisent un scandale et une émeute publique. Ce cas n'est point encore hypothétique. Alors il semble que la radiation peut être perpétuelle, et que l'adjoint peut même être poursuivi extraor-dinairement* suivant la nature des faits;
Si le refus, de la pdrt de l'adjoint, d'accepter les fonctions ou de les exercer, peut le soumettre à quelque peine; il faut une formé quelconque pour constater la faute ; mais il faut une forme simple, qui n'ait point l'appareil d'une procédure pour une simple faute, et qui n'arrête point et n'embarrasse point l'instruction du procès dans lequel "s'élève l'incident. Voici celle que votre comité a cru pouvoir vous proposer :
Le greffier, auquel la liste des adjoints doit être déposée, avertira verbalement, ou par écrit, ceux qiii y sont dénoncés de venir dans vingt-quatre heures accepter leur nomination. Faute d'être comparu dans ce délai, ou d'avoir proposé une exoine légitime; le ministère public fera sommer le non-comparant de se rendre dans un autre délai, et faute d'avoir souscrit son acceptation, ou proposé son exoine, la radiation pourra être prononcée sur le seul vu de la sommation M du certificat du greffier ds non-comparution.
Lorsque l'adjoint, qui aura accepté, sera requis par le plaignant, ou par le juge, au premier cas, il sera averti verbalement parle plaignant; au second cas, par l'huissier du siège. En cas de non comparution de l'adjoint aux lieu, jour et heure indiqués, il lui sera fait une sommation à un autre jour et heure ; et en cas de non-eomparu-tion, la radiation pourra être prononcée sur le vu de la sommation et du procès-verbal.
Enfin, par qui la radiation pourra-t-elle être prononcée? Votre comité pense que c'est par le
juge du siège où sera déposée la liste des adjoints 1 ou qui sera saisi de l'instruction à laquelle l'adu joint aura été appelé. Ge né sera point donner | au juge, une véritable autorité sur les corps municipaux et sur les individus* dés lors qu'il ne pourra prononcer que les peines prescrites par la loi dont il ne sera que l'organe.
C'est d'après ces vues générales que votre comité vous proposera 6 articles, destinés à statuer sur les sixième et septième questions du métnoire remis à l'Assemblée.
La huitième question mérite une attention plus particulière.
On vous demande si les adjoints sont récusables ou reprochables : en ce cas, à quel instant et par qui ils pourront être récusés-, enfin quel sera l'effet d'une récusation, ou d'un reproche jugé Valable?
La récusation proprement dite n'a lietl que Contre les juges, et dès lors ne paraît pas applicable aux adjoints qui n'ont, ni le caractère, ni les îonctiohs des juges.
Quoique les adjoints ne soient point deâ témoins. leur fonction les rapproche beaucoup de celle des témoins dont ils sont les surveillants. Ils dôivéttt inspecter les dépositions} ils doivent, par* les Observations et interpellations qii'ills peuvent indiquer aux juges de faire aux témoins, contribuer à assurer à leurs dépositions la clarté nécessaire; et ils sont les garants de la fidélité de la rédaction de ces dépositions.
On ne peut pas se dissimuler que la présence des adjoints, et surtout leurs observations, pour-roht beaucoup influer sur le fond même des dépositions. Quelle gêne pour la liberté d'un témoin que la présence d'un adjoint, très-proche parent, ami ou éhnemi capital de l'accusé, ou de l'accusateur ! Disons plus : les priticipeé d'une scrupuleUsè délicatesse poUrràient-ils permettre à un homme impartial d'assister à la déposition d'un témoin qui doit charger ou innocèhter ud accUsé, avec lequel il serait lié par la relation d'Une parenté très-proche? L'adjoint qui ne se récuserait pas lui-même en pareil cas, nie Se reridrait* il point par cela mêirte légitiniement suspëct d'avoir cru pouvoir tirer quelque avantagé de sa présence? Une pareille circonstance ne donnerait-elle pas .des armes très-fortés à l'accusé, ou à l'accusateUr, pour combattre leë dépositions, et ne mettrait-elle pas sdUvent la justice dans une cruelle perplexité lors du jugement?
Il vaut mieux chercher à prévenir l'inconvénient, que de se réserver uri remède dangereux, et qui pourrait fàiré tomber uné |)rèuVe légitime au rond. Votre comité a Cru pouvoir y parvenir en chargeant le juge, à l'oUvértore du procès-verbal :1° de déclarer aux adjoints les nom» des accusateurs et des accusés, si ceux-ci sont désignés dans la plainte ; 2 d'avertir les adjoints qu'ils doivent s'abstenir et se récuser, s'ils se trouvent parents des uns ou des autres, dans les degrés de père et fils, dè beau-pêre, gendre OU bru, de frère, d'oucie ët de neteu, même s'ils se trouvent dans une position qui puisse les rendre suspects, surtout d'une inimitié capitale contre l'Une ou l'autre des parties; 3° dans le cas où les accusés ne se trouveraient pas dénommés dans la plainte, d'avertir également les adjoints qu'ils doivent s'abstenir et se récuser, lorsque quelque déposition leur fera connaître les accusés, s'ils se trouvent dans l'un des cas ci-dessus désignés ; 4°dans les deux cas le juge avertira les adjoints qu'ils doivent déclarer le fait qni ne leur permet pas d'assister, à peine d'être
ravés pour toujours de la liste des Citoyens actifs.
Yotte comité a cru cet avertissement nécessaire : 1° pour éclairer les adjoints qui, quelquefois, dans les campagnes, pourraient être des personnes assez peu instruites pour ne pas sentir par eux-mêmes les causes qui doivent les porter à s'abstenir; 2° pour constituer en mauvaise foi les adjoints qui auraient dissimulé les causes qùi auraient dû les faire exclure.
Gomme il est des consciences trop timorées, ou des personnes qui s'écartent, par goût, de la fonction d'adjoint, il ne faut pas laisser à la pleine liberté de l'adjoint de se retirer; quand il se croira dans le cas de l'exoine, il sera tenu de la proposer au juge, qui la rejettera ou l'admettra, s'il y a lieu.
Avec ces précaution^, il y a lieu d'espérer qu'aucune procédure ne sera dans le cas d'être attaquée sur le fondement de la qualité des adjoints;
Si le cas se présentait (une loi doit tout prévoir), votre comité ne pense pas que la procédure faite avec un adjoint* qui aurait - dissimulé son incapacité doive être déclarée nulle, ainsi que. tout ce qui s'en serait ensuivi* par cette seule raison i ce serait mettre une arme terrible daûs la main d'un parent qui voudrait sauver un coupable. Il faut laisser à la prudence des juges de peser les circonstances, de combiner les preuves, en un mot, d'admettre ou de rejeter les preuves attaquées comme suspectes; Mais si elles se trouvent rejetées par lé jugement, il faut donner à la partie lésée, par la mauvaise foi de l'adjoint, unô action en dommages et intérêts, et il faut rayér définitivement le prévaricateur de la liste des citoyens actifs*
La neuvième et dernière question de la première section ne méritait peut-être pas d'bcouper les moments précieux de l'Assemblée nationale.
Mais les vains honneurs du pas agiteront encore longtemps les cœurs humains-, les adjoints ont demandé, jusque dai)s les chambreB des cours souveraines, une séance avec leB juges; De là une question : quelle est la place qui doit leur être assignée dans leurs différentes fonctions?
Nulle difficulté quand il s'agit d'un acte d'instruction fait par un juge seul et le greffier-, les adjoints peuvent être placés auprès du bureau aux.deux côtés du juge.
La difficulté në s ëst élevée que pbiïr Cërtains actes qui se font dans ik tëhkmbre tous les juges rassemblés : s'est élevée par exemple, àl'oc-casioti d'une plainte rendue ën cëtte forme pat-un procureur général d'une cour souveraine.
Les adjoints ont refusé de prendre-place au banc dëss getis du Roi, et ont vOUlu la prendre sdHës bancs des juges ; lëur motif a été cju'ils n'étaient point les adjoints dé la partie plaignante; qu'ils ne signaient point la plainte avec ellë, mais l'Ordonnance avec le Jtïge ; qu'ils ne demandaient rien et në devaient point être confondus aVec la partie.1
Mais les adjoints, quant à la plainte, ne sont que lès assistants du plaignant; ils sont choisis et amenés par lui. Leur place naturelle est donc àsescôtéfc. D'ailleurs, les adjoints n'ont ni le caractère, ni lëS fonctions de juges; et par conséquent hè pëdvent prendre séance avec eu*. Tel a été l'avis devotfë comité, et je n'abuserai pas plus longtemps dë voi motneUts sur iine question si peudigtie de fixer votre attention.
Mais cette Question ën athène une autre, C[ui rioùsaêté présentée par d'honorables membres : Votis Vetïèfl de icftr que la question dë la
séance des adjoints s'est élevée à l'occasion d'une plainte rendue par un procureur général. 11 n'est pas douteux, en effet, que votre décret assujettit le ministère public à la nécessité d'appeler des adjoints lorsqu'il rend plainte. Ces termes de l'article 3 « aucune plainte b ne souffrent aucune exception.
Nous ne devons pas cependant dissimuler que plusieurs procureurs du Roi se plaignent de cette disposition qu'ils regardent comme une espèce d'injure.
Votre comité n'a point été touché de cette observation. Le législateur qui ne peut confier l'exécution de sa loi qu'à des hommes, doit se prévenir contre tous les abus que la faiblesse humaine peut rendre possibles. La loi, qui prévient ces abus, n'offense et n'attaque aucun individu. Les juges ne se sont pas regardés comme offensés par l'obligation d'appeler des adjoints à leurs actes d'instruction. La même obligation n'est pas plus offensante pour les procureurs du Roi.
Votre comité a cru devoir vous prévenir de cette réclamation; mais ce n'est pas cet objet dont il se propose de vous occuper en ce moment. La loi qui soumet les plaintes du ministère public à l'assistance des adjoints est faite, et votre comité la croit juste. Mais elle peut être susceptible d'une exception raisonnable que nous vous proposons.
Il arrive souvènt que le ministère public, incidemment à une cause ou à un procès civil ou criminel, rend plainte. Si c'est dans un procès par écrit, la plainte est portée dans une requête, ou dans les conclusions par écrit du parquet. Si c'est dans une cause, la plainte est présentée à l'audience, et comprise dans les conclusions verbales, mais publiques, du ministère public. Ces sortes de plaintes ont une date certaine ; elles ne sont susceptibles d'aucun des abus que votre décret a voulu prévenir. Votre comité a donc cru pouvoir vous proposer d'excepter ces sortes de plaintes de la formalité prescrite par l'article 3 de votre premier décret.
Cette observation termine la discussion de toutes les questions qui concernent les adjoints.
SECONDE SECTION.
Questions relatives à la fonction du conseil de l'accuse'.
Les questions de cette seconde classe sont peu nombreuses, et ne demandent pas une longue discussion.
Qu'arrivera-t-il, si personne ne veut accepter la qualité de conseil de l'accusé, attendu la gravité du crime dénoncé ?
Que fera le juge, si l'accusé, pour prolonger la procédure, refuse obstinément tous les conseils qui lui auront été donnés ?
Faut-il donner un conseil à l'accusé contu-max?
Voilà les trois questions ; voici quelle a été l'opinion de votre comité :
Donner un conseil à l'accusé contumax, ce serait évidemment donner à cet accusé plus d'avantage qu'à celui qui obéit à justice. Le contumax, du fond de la retraite qui le cache, profitera, par le ministère de son conseil, de tous les avantages de l'accusé présent, et ne courra point les mêmes risques; il connaîtra la marche et les progrès de la procédure, et sé présentera ou fuira définitivement, selon qu'il se verra plus ou moins
menacé. C'est donc à l'accusé présent seul, que ta loi doit accorder la faveur du conseil.
La première question ramène la même difficulté qui s'est présentée à l'égard des adjoints. Forcer un citoyen d'accepter la qualité dè conseil, et l'y contraindre sous une peine, n'est-ce pas un attentat à la liberté ?
Votre comité a cependant un peu moins hésité sur cette seconde question.
Défendre un accusé, est une fonction si honorable pour l'humanité ! comment pourrait-elle être refusée par un citoyen quelconque? quel prétexte pourrait légitimer ce refus?
Ce n'est pas la gravité du crime ; l'accusé peut n'en être pas coupable. Plus l'accusation est grave, plus il a le droit d'être défendu, s'il est innocent.
La force des preuves acquises, et dont le conseil a pris connaissance, pourrait paraître un motif plus légitime pour se dispenser de continuer la fonction; mais ce serait, de la part du conseil, se rendre en quelque façon l'accusateur de celui que la loi a mis sous sa protection. Il se formerait une fausse idée de sa fonction, s'il croyait que la loi exige de lui qu'il mente à la justice, pour sauver un coupable. Il ne trahira point le secret de son client en retenant la qualité de conseil jusqu'au jugement. A cet instant, il lui sera permis de déclarer qu'il ne trouve aucun moyen légitime de justification, et qu'il ne peut que s'en rapporter à la justice.
Votre comité a donc pensé que la fonction de conseil de l'accusé ne peut être légitimement refusée, que c'est un devoir civique,; plus étroit encore que celui d'adjoint, et il vous proposera, par cette raison, sur le refus d'accepter ou d'assurer cette fonction, quelques dispositions à peu près semblables à celles qu'il a projetées pour les adjoints ; mais : 1° elles ne concerneront que les adjoints nommés par le juge. Le ministère de ceux requis par l'accusé ne peut être forcé ; de même que l'accusé donné sa confiance par choix, il doit être libre de l'accepter ou de la refuser ; 2° votre comité a pensé que l'on ne devait pas forcer tous les citoyens indistinctement d'accepter la qualité de conseil, et que l'on pouvait admettre comme exoine légitime et valable, celle que l'état, ou la profession du citoyen, ne lui a pas permis d'acquérir les connaisssances nécessaires pour remplir efficacement une pareille fonction.
Quant à la dernière question, elle ne présente pas une difficulté sérieuse. Le juge ne doit donner un conseil à l'accusé, que lorsque celui-ci le requiert. L'accusé qui l'a requis doit se confier à l'impartialité du juge, et ne peut pas récuser celui qui lui a été donné.
TROISIÈME SECTION.
Question relative à la forme de l'instruction et des jugements.
Nous voici parvenus à la dernière partie du mémoire, qui présente encore six questions ; mais il y en a trois qui ne méritent pas une discussion sérieuse.
Ainsi, lorsque l'on demande en premier lieu si le jugement de contumace doit être aussi précédé d'un rapport public et suivi d'une prononciation publique, nous répondons qu'un jugement qui peut compromettre l'honneur et la vie civile d'un citoyen doit être justifié aux yeux du public, et
que la société entière a intérêt qu'aucun accusé coupable ne soit déchargé.
Secondement, on n'aurait pas dû demander si la copie des actes d'instruction doit être donnée à l'accusé sans frais, lorsqu'il le requiert, puisque l'article 14 de votre premier décret le décide affirmativement.
Mais il faut convenir qu'il y aurait beaucoup d'inconvénients à obliger le greffier à donner autant de copies de tous les actes de l'instruction qu'il y aurait d'accusés, puisqu'il arrive quelque-lois qu'il y a vingt accusés et plus compromis dans une même procédure, et que ce serait rendre le jugement presque interminable.
On ne peut pas non plus se contenter de donner à chaque accusé une copie par extrait des charges en ce qui le regarde. Il est très-rare qu'un co-accusé n'ait point intérêt de connaître toutes les parties de la procédure.
Votre comité pense que l'on peut éviter ces deux inconvénients, en donnant la copie entière de tous les actes d'instruction au conseil des accusés, ou à l'un des conseils; s'ils en ont plusieurs, lequel en pourra donner communication à chacun d'eux.
Troisièmement, votre comité a pensé que les accusés ne doivent point être interrogés en présence les uns des autres. Celui qui est interrogé le premier ne doit et ne peut pas combiner ses réponses sur celles que fera le second; et la position de celui-ci ne peut pas être plus avantageuse que celle du premier. Les accusés quoique interrogés publiquement, doivent donc l'être séparément. Leur affrontation les mettra à portée de se répondre mutuellement, dans le cas où quelques-uns auraient chargé les autres.
Il est vrai que la présence du conseil et du public aux interrogatoires pourra souvent faire passer à ceux des accusés qui seront interrogés les derniers, la connaissance des réponses des autres, mais cette connaissance au moins ne sera pas aussi complète qu'elle le deviendrait si tous les accusés étaient présents à leurs interrogatoires respectifs, ou si on donnait aux seconds la copie de l'interrogatoire des premiers.
Quatrièmement, 1 on demande si la procédure doit devenir publique à l'instant où l'accusé est arrêté, quoiqu'il ne le soit qu'à la clameur publique et qu'il ne soit point encore décrété.
Cette question présente un peu plus de difficulté, Quelques tribunaux se sont décidés pour l'affirmative : on prétend même que le Chàtelet de Paris a déclaré nulles plusieurs procédures qui n'avaient point été faites dans la forme pnblique, et une procédure célèbre s'y instruit actuellement de cette manière, quoiqu'il n'y ait point encore de décret contre le citoyen qu'un cri public a fait arrêter.
On observe en faveur de cette opinion, que les adjoints ne sont appelés que pour veiller à l'intérêt de l'accusé absent, et que celui-ci ne doit pas être suppléé, quand il peut veiller lui-même. On se fonde même sur le texte de l'article 2 de votre décret, qui porte que la procédure sera faite publiquement aussitôt que Vaccusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté.
Votre comité vous avouera cependant qu'il n'avait pas cru que la rédaction de l'article pût autoriser une conséquence contraire à son intention.
Cette intention avait été de tirer une ligne de démarcation entre la procédure antérieure et celle postérieure au décret.,
L'article 6 portait : « L'information qui précédera le décret, continuera d'être faite secrètement. »
Les articles 9 et 10 parlent du décret.
Lorsque l'article 11 ajoute: « Aussitôt que l'accusé aura été constitué prisonnier, ou se sera présenté sur le décret d'assigné pour être ouï ou d'ajournement personnel, » il ne peut désigner qu'un accusé décrété. Un citoyen n'est véritablement constitué prisonnier que par un décret. Avant il est arrêté de fait, mais il ne l'est point de droit. Il n'est pas même accusé; et la loi ne peut le considérer comme un prisonnier légal.
Enfin, l'article 8 pouvait être regardé comme préjugeant au moins cette question, puisqu'il suppose une information faite sur le lieu même pour flagrant délit (cas qui suppose une personne saisie sur le fait), et puisque alors l'article permet de remplacer les deux adjoints, que l'on n'a pas la facilité d'appeler, par deux principaux habitants.
Au fond, il n'est pas exact de dire que les adjoints ne sont appelés que pour l'intérêt de l'accusé absent. Je vous l'ai déjà observé : ils le sont pour l'intérêt de la société entière, pour représenter le peuple, lorsque son propre intérêt exige que la procédure demeure encore secrète.
Ce motif subsiste dans toute sa force pour l'information qui se fait dans le cas d'uu citoyen arrêté à la clameur publique et pour le premier interrogatoire qu'il subit avant cette information et le décret. Ce sont ces premiers actes qui doivent faire connaître s'il y a des complices : la publicité de l'instruction pourrait les avertir plus promp-tement. On doit assurer aux témoins la plus grande liberté dans le moment où ils doivent à la justice et à la vérité le témoignage le plus ample. Il en est que la publicité pourrait contraindre et embarrasser.
Ce sont ces raisons qui ont toujours fait penser à votre comité qu'il fallait une séparation immuable entre la procédure qui précède et celle qui suit le décret, et que dans tous les cas où il n'y a point encore de décret, la procédure devait toujours demeurer secrète sans aucune distinction.
La seule difficulté qui pourrait subsister, serait celle de savoir si l'information, quoique secrète, ne devrait pas se faire au moins en la présence de l'accusé, lorsqu'il se trouve arrêté de fait, quoique non encore décrété. Il semble, au premier coup d'oeil, qu'on ne puisse pas lui refuser la faculté naturelle de faire dès lors aux témoins les observations qu'il croira propres à sa justification.
Mais votre comité a pensé qu'il était important de laisser aux témoins la plus grande liberté à cette première époque. La présence de l'accusé pourrait, dans bien des cas, leur imposer une contrainte qui gênerait leur conscience. L'accusé pourrait craindre la faiblesse des complices qui ne seraient point aussi endurcis au crime et dont il appréhenderait les aveux, et les faire avertir aussitôt qu'il les verrait prévenus.
Par toutes ces raisons, et pour établir une règle qui ne puisse être susceptible d'aucune exception ni interprétation, votre comité vous proposera de décréter que tout acte quelconque d'instruction, antérieur au décret, continuera de se faire secrètement et avec les adjoints.
Mais, comme il s'est formé des usages différents dans les divers tribunaux, et qu'il y a des procédures commencées publiquement'dans le cas dont il s'agit, il vous proposera de les confirmer.
Il est plus étonnant qu'il se soit formé des usages différents dans les tribunaux, sur Ja cinquième question, celle de savoir à quelle époque le conseil de l'accusé peut prendre la parole.
Il s'était, à la vérité, glissé une erreur de ponc-
tuation dans une première édition de votre décret. L'article 21 est ainsi conçu et ponctué dans la minute : « Le conseil pourra être présent pendant la séance entière (du rapport) et parler pour sa défense après le rapport fini, les conclusions (du ministère public) données, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, etc. » Au lieu d'une simple virgule à la suite de ces mois après le rapport fini, la première édition portait un point et une virgule, et elle portait un point et une virgule au lieu d'un point après ces mots: le dernier interrogatoire prêté. Cette fausse ponctuation rendait même très-inexacte la construction totale de l'article, puisque cette expression, les juges se retireront ensuite, aurait été très-vicieuse, si ces termes n'avaient pas été le commencement d'une phrase nouvelle, et n'avaient commencé qu'un membre de phrase générale, régie par l'adverbe, après le rapport fini.
Quoi qu'il en soit, M. le garde des sceaux s'étant hâté de faire corriger la faute d'impression, au-sitôt qu'il s'en est aperçu, il semble que la diversité des opinions aurait du cesser. Cependant on insiste encore, et l'on vous propose des réflexions comme propres à prouver que le ministère public doit avoir la parole après le conseil de l'accusé ; elles sont développées dans le mé moire de M. le garde des sceaux, page 22, avec toute la force dont elles sont susceptibles. Je me contenterai de vous présenter les réponses que votre comité croit y devoir opposer.
Il est de droit naturel que le défendeur puisse répondre le dernier ; et tout accusé est défendeur. Le devoir du ministère public est, sans doute, de protéger l'innocence, comme de provoquer la vengeance publique. Mais, si ses conclusions tendent à la décharge de l'accusé, il n'y a aucun inconvénient à permettre au conseil d'appuyer le ministère public. Si ses conclusions sont à charge, il n'est plus qu'accusateur, et l'accusé doit pouvoir lui répliquer.
Les prestiges de l'éloquence ne peuvent en imposer au juge froid et attentif, qui a suivi tous les détails de la procédure : la première impression aura le temps de se refroidir dans le calme du délibéré, lors duquel le rapporteur pourra reprendre toutes les Circonstances décisives, et les juges pourront revérifier les faits sur les pièces. Dans toutes les affaires civiles ou criminelles, il faut que quelqu'un parle le dernier ; et l'expérience prouve que celui qui a cet avantage, ne gagne pas toujours sa cause.
Votre comité ne voit donc aucune raison qui puisse vous déterminer à réformer un décret, qui ne peut plus faire naître aucune équivoque, depuis que la ponctuation en a été rétablie; mais il est nécessaire de faire cesser par une disposition nouvelle la diversité des usages actuels.
La dernière des questions comprises au mémoire de M. le garde des sceaux mérite une grande attention.
Vous avez, Messieurs, par l'article 12 de votre premier décret abrogé le serment de l'accusé dans ses interrogatoires La loi naturelle lui donne le droit de se défendre par tous les moyens possibles. Exiger que sa défense fût appuyée de la religion, c'était presque toujours en exiger un parjure, ou violer le droit naturel.
Mais on vous observe que souvent les aveux, ou les réponses d'un accusé deviennent une charge contre un autre co-accusé ; qu'alorâ le coaccusé, auquel on oppose la déclaration du premier, la rejette et soutient que l'on ne peut y
avoir aucun égard, attendu qu'elle n'est point soutenue par l'autorité du serment. En conséquence, on vous demande si l'interrogatoire ne doit pas être assujetti au serment, au moins dans la partie qui charge un co-accusé, et en ce cas à quelle époque ce serment pourra être exigé.
Mais votre comité persiste à penser que cette circonstance ne peut point autoriser à exiger le serment de l'accusé sur aucune partie de son interrogatoire ; la raison en est que ce serment ne pourrait rien ajouter à l'effet que peuvent produire ces sortes de réponses, et que le défaut de serment ne peut rien diminuer de l'effet que l'on peut leur accorder.
La déclaration d'un accusé qui fait charge contre un autre peut être envisagée sous trois rapports :
1° Si l'accusé, par sa déclaration, a pour objet de se décharger entièrement, en rejetant sur un autre le fait dont il est inculpé, il n'est qu'un accusateur; c'est Une défense à l'accusation dirigée contre lui. Il doit prouver son accusation ou sa défense. L'une et l'autre ne peuvent avoir de force, que celle qui résulte des preuves qui la soutiennent. .'.>.*
2° 11 en est de même, si la déclaration n'a pour objet que d'atténuer le délit de l'accusé, en en rejetant sur un autre les circonstances les plus aggravantes.
3° Si l'accusé, en s'avouant lui-même coupable, associe au délit un autre ou plusieurs complices, il est impossible de donner à une pareille déclaration la force et le caractère d'une déposition. L'accusé qui la fait est une personne infâme, à laquelle on ne peut donner l'autorité d'un témoin ordinaire. Le serment d'une personne infâme ne peut donner à cette personne l'autorité qu'elle n'a point par elle-mêrne. C'est dégrader l'autorité du serment de l'admettre en pareil cas.
Résultera-t-il de là que les déclarations des co-accusés ne pourront produire aucun effet contre eux? Non, sans doute; elles deviennent un renseignement et un indice, dont le juge doit suivre la trace : il examine si le fait, si la circonstance indiquée se trouvent déjà prouvés par les autres actes de l'instruction ; il saisit l'indication qui lui est faite, pour acquérir de nouvelles preuves. Les aveux de plusieurs co-accusés qui s'accordent à charger un tiers, qui s'accordent dans toutes les circonstances du local, du jour, de l'heure, de la manière dont le délit a été commis, deviennent sans doute des preuves très-considérables contre un seul qui persiste à nier. Mais ces déclarations, dans tous les cas, ne tirent et ne peuvent tirer leur force que des circonstances accessoires et étrangères, qui en soutien-nentla vérité. Le serment que vous exigeriez de celui qui fait de pareilles déclarations ne pourrait rien ajouter à une force qu'elles ne peuvent pas tirer de la qualité de la personne. C'est à la seule prudence du juge qu'il faut abandonner l'usage qu'il en peut faire; et rien ne peut dispenser le co-accusé, auquel on les oppose, d'y répondre.
Un jour viendra où la nation, en s'occupant d'une réformation générale des lois criminelles, pourra peut-être tracer aux juges, sur un point aussi important, des règles fixes de conduite. Mais une entreprise aussi vaste ne peut se joindre à un projet dont le seul objet a été de former une réforme provisoire de, la procédure dans les parties les plus essentielles.
Je termine, Messieurs, tout ce qui peut appartenir à la loi générale et commune à tout le
royaume, par une question qui nous a été faite par quelques honorables membres.
Un témoin est domicilié hors le ressort du juge, le lieu de son domicile est très-éloigné, il est hors d'état de pouvoir se transporter-, enfin, il est même domicilié en pays étranger.
Dans tous ces cas, l'usage était de donner une commission rogatoire au juge du domicile, ou une commission in partibus, quand le témoin était domicilié hors du royaume, pour faire le récolement, afin de se dispenser de l'obligation de transférer l'accusé.
On demande comment on procédera aujourd'hui, dans ce cas, au récolement qui doit être fait en présence de l'accusé.
La même question s'applique à la confrontation et aux additions d'information, procès-verbaux de visites, et autres actes de l'instruction qui peuvent suivre ce décret.
Votre comité a pensé que vous pourriez permettre au juge de l'instruction, suivant les circonstances, ou de faire transporter l'accusé dans les prisons du juge auquel il adressera la commission rogatoire, ou de donner à ce juge commission pour entendre ou récoler le témoin, auquel cas la déposition et le récolement se feront publiquement et en présence d'un fondé de procuration de l'accusé, s'il l'a requis.
Cette seconde forme serait la seule praticable dans le cas où le témoin, domicilié en pays étranger, ne pourrait pas se transporter.
Dans le cas où le témoin serait domicilié en France, le juge aurait le choix des deux formes, suivant la gravité du délit, et l'importance de la déposition. La règle générale serait toujours conservée, puisque l'instruction sera toujours publique et contradictoire avec l'accusé, au moins par un fondé de procuration.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport du mémoire qui lui a été remis de la part ae M. le garde des sceaux, considérant combien il est important de ne laisser aucun doute, quelque peu fondé qu'il soit, sur les formes d'une procédure qui peut compromettre l'honneur et la vie des citoyens, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les adjoints ne doivent point être appelés au rapport des jugements sur lesquels interviendront les décrets, ni aucun autre jugement quelconque.
Art. 2. L'assistance des adjoints aux actes d'instruction cessera aussitôt qu'il y aura un décret prononcé contre un accusé, ou des accusés, soit que l'accusé ou les accusés aient comparu sur le décret ou non, soit qu'il y ait une partie des accusés qui aient comparu, ou que tous soient contumax, soit qu'après avoir comparu, l'accusé ou l'un d'eux, ou tous se soient évadés, soit enfin qu'incidemment à un procès commencé contre (les accusés présents, il y ait lieu à recevoir incidemment une plainte, et à informer contre un tiers dénoncé comme complice : dans tous ces cas, l'instruction continuera d'être faite, ou sera faite publiquement après le premier décret ; et au surplus, la procédure de contumace, jusqu'à ce qu'il ait été autrement ordonné, sera instruite en la forme prescrite par l'article 17 de l'ordonnance de 1670.
Art. 3. Aussitôt que la liste des adjoints aura été déposée au greffe du tribunal, le greffier avertira les notables qui y seront compris. Chacun
d'eux sera tenu dans les 24 heures de l'avertissement de venir au greffe accepter sa nomination. Faute par l'adjoint d'avoir fait son acceptation dans ledit délai, il en sera sommé par un huissier à la requête du ministère public.
Art. 4. L'adjoint, qui aura accepté sa nomination ne pourra refuser son ministère, lorsqu'il en sera requis par le plaignant ou par le jugé.
Art. 5. Aucun citoyen actif ne pourra refuser d'accepter sa nomination, encore qu'il eût été déjà compris dans une liste précédente ; mais les corps municipaux auront l'attention de ne pas nommer trop souvent les mêmes personnes sans nécessité.
Art. 6. L'adjoint requis par le juge, qui aura commencé d'assister à un acte, ou à quelques actes d'instruction, ne pourra refuser de continuer son ministère à l'acte commencé, ou aux actes relatifs à la même instruction, à moins qu'il ne propose un exoine légitime pour les actes subséquents.
Art. 7. Si le refus, fait par l'adjoint de continuer son ministère était accompagné d'actes de violence, de scandales, ou d'autres circonstances capables de produire une offense à la justice, ou une émeute publique, l'adjoint pourra être poursuivi extraordinairement à la requête du ministère public.
Art. 8. Le citoyen actif, qui aura refusé d'accepter sa nomination, sera rayé de la liste civique pour un an. Celui qui aura refusé de prêter son ministère, après avoir accepté sa nomination, sera rayé de la liste civique pour deux ans. Celui qui refusera de continuer son ministère à un acte commencé, ou aux actes relatifs à l'instruction du même procès, sera rayé de la liste civique pour trois ans; il pourra même en être rayé pour toujours, si le refus est accompagné d'actes de violence, ou qui aient produit un scandale ou une émeute publique.
Art. 9. La radiation de la liste civique,dans tous les cas où elle sera encourue, pourra être ordonnée par le juge au greffe duquel la liste aura été déposée, ou par le juge saisi de l'instruction. L'ordonnance sera signifiée à l'adjoint et au corps municipal, et affichée à la porte de l'auditoire.
Art. 10. L'adjoint, requis par le plaignant, sera averti verbalement par celui-ci; l'adjoint, requis par le juge, sera averti verbalement, par l'un des huissiers du siège, du lieu, jour et heure à laquelle il devra se rendre. En cas de non-comparution de l'adjoint, il lui sera fait une sommation par huissier, à la requête du plaignant, ou du ministère public, s'il a été requis par Je juge, de comparaître à tel lieu, jour et heure; à défaut de la part de l'adjoint de se rendre aux lieu, jour et heure indiqués par la sommation, le juge pourra prononcer la peine encourue, selon les cas ci-des-sus indiqués, sur le simple vu de la sommation et du certificat du greffier, de non-comparution, ou du procès-verbal qui aura donné défaut contre l'adjoint, d'après le rapport de l'huissier qui aura été chargé de l'avertir.
Art. 11. A l'ouverture du procès-verbal du premier acte de l'instruction auquel comparaîtront des adjoints, le juge sera tenu :
1° De leur déclarer les noms, surnoms et qualités du plaignant ou des plaignants, ainsi que les noms, surnoms de l'accusé, ou des accusés, s'ils se trouvent dénommés dans la plainte;
2° De les avertir qu'ils doivent s'abstenir et se récuser eux-mêmes, s'il sont parents de l'une ou de l'autre des parties, au degré du père et du fils, beau-père, gendre ou bru, frère, oncle ou ne-
veu, même s'ils se reconnaissaient dans quelques-uns des cas qui pourraient les rendre suspects à l'une ou l'autre des parties.
Art. 12. Si l'accusé, ou les accusés, ne se trouvent point dénommés dans la plainte, le juge avertira les adjoints qu'ils doivent s'abstenir et se récuser eux-mêmes, aussitôt que les actes de l'instruction leur auront fait connaître les noms de l'accusé ou des accusés, s'ils se trouvent à leur égard dans l'un des cas indiqués en l'article précédent.
Art. 13. Les adjoints seront tenus de donner sur les avertissements qui leur auront été faits, leur réponse affirmative ou négative; et il sera fait mention spéciale au procès-verbal de l'avertissement du juge, à peine de nullité.
Art. 14. Sur la déclaration de l'adjoint et la réponse des adjoints, le juge prononcera, sans qu'il soit besoin des conclusions du ministère public, s'il y a lieu de retenir ou d'excuser les adjoints.
Art. 15. L'adjoint qui, sur l'avertissement du juge, aura fait une fausse déclaration, sera tenu des dommages et intérêts, ainsi, et envers qui il appartiendra, si l'acte ou les actes d'instruction auxquels il aura assisté viennent à être rejetés du procès sur une des causes qui auraient dû le faire abstenir ; mais l'acte, ou les actes auxquels il aura assisté ne pourront être déclarés nuls, ainsi que ce qui s'en sera suivi, sur le seul fondement que les adjoints ou l'un d'eux n'auront pas déclaré la cause qui aurait dû les porter à se récuser. Il est laissé à la prudence des juges d'avoir à ces actes tel égard que de raison.
Art. 16. Lorsqu'un acte d'instruction ne se fera que par le juge seul accompagné du greffier, les adjoints qui y assisteront prendront séance aux deux côtés du juge au même bureau ; si l'acte se fait en la chambre, le tribunal assemblé, les adjoints prendront séance au banc du ministère public et après lui.
Art. 17. Le ministère des adjoints ne sera point nécessaire pour les plaiates que le ministère public rendra incidemment à une cause, ou à un procès civil ou criminel, par requête, ou par des conclusions verbales ou écrites.
Art. 18. Tout citoyen actif, qui aura été nommé d'office par le juge/pour conseil d'un accusé, ou des accusés, ne pourra refuser de remplir cette fonction, s'il n'a une cause d'exoine légitime, et il sera tenu, dans les 24 heures de la signification qui lui aura été faite, de venir déclarer au greffe son acceptation, ou les motifs de son exoine.
Art. 19. Le citoyen actif, nommé conseil, pourra proposer comme exoine valable et légitime, que l'état ou la profession qu'il a embrassée ne lui a pas permis d'acquérir les connaissances requises pour remplir efficacement cette fonction.
Art. 20. Celui qui aura accepté la qualité de conseil, qui lui aura été déférée par le juge, ne pourra s'en démettre sans le consentement de l'accusé ou sans cause légitime. Il sera tenu d'en remplir fidèlement les fonctions, et notamment d'assister au jugement du procès, et d'y proposer les moyens de défense de l'accusé; mais il lui sera permis de déclarer qu'il n'en a trouvé aucun, si sa conscience et sa conviction personnelle le lui persuadent.
Art. 21. Le citoyen, qui n'aura point accepté dans le délai ci-dessus prescrit la qualité de conseil à lui déférée par le juge, ou qui n'aura point proposé son exoine, pourra être rayé pour un an de la liste civique, et cette radiation sera prononcée par le juge, signifiée et affichée en la
forme ci-dessus prescrite à l'égard des adjoints.
Art. 22. Celui qui, après avoir accepté la qualité de conseil, en aura négligé les fonctions, et notamment d'assister au rapport et au jugement, sans avoir justifié d'un exoine légitime, sera rayé pour 2 ans de la liste civique; cette radiation pourra être prononcée par le juge sur le simple vu du procès-verbal qui constatera son absence, et l'ordonnance sera signifiée et affichée ainsi qu'il a été dit à l'égard des adjoints.
Art. 23. L'accusé, ou les accusés, qui auront requis le juge de leur nommer un conseil, ne pourront refuser celui ou ceux qui leur auront été désignés.
Art. 24. Il ne sera donné aucun conseil à l'accusé ou aux accusés coutumax ou absents.
Art. 25. Le rapport des procès, instruits par coutumace, sera fait publiquement, et le jugement sera aussi prononcé publiquement.
Art. 26. Lorsqu'il y aura plusieurs co-accusés qui auront requis que la copie des pièces de la procédure leur soit délivrée sans frais, il ne sera délivré par le greffier qu'une seule copie pour tous, laquelle sera remise au conseil, ou à l'un des conseil des accusés.
Art. 27. Lorsqu'il y aura plusieurs accusés, chacun d'eux sera interrogé séparément, et il ne sera point donné copie des interrogatoires subis par les autres à ceux qui seront interrogés les derniers, si ce n'est après qu'ils auront eux-mêmes subi leur interrogatoire. ^ .
Art. 28. Le premier interrogatoire que subira celui qui aura été arrêté à la clameur publique, ne sera point fait publiquement ; il en sera de même de l'information qui précédera le décret, laquelle, ainsi que ledit interrogatoire, sera faite en présence de deux adjoints ou de deux principaux habitants, dans le cas indiqué en l'article 8 du décret des 8 et 9 octobre; pourront néanmoins les procédures qui auront été commencées publiquement, dans le cas du présent article, être continuées en la mémo rorme.
Art. 29. L'article 21 du décret des 8 et 9 octobre sera exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence le conseil de l'accusé, ou des accusés, aura toujours la parole après les conclusions données par le ministère public, et le dernier interrogatoire prêté.
Art. 30. L'article 12 du susdit décret sera pareillement exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence il ne sera exigé aucun serment de l'accusé lors de son interrogatoire, encore que ses réponses contiennent charges contre ses prétendus complices, sans préjudice de l'effet que ces réponses peuvent produire de droit, et suivant leur nature, et les autres preuves existantes au procès.
Art. 31. Les procédures, antérieures au présent décret, qui ne contiendront aucune contrava-vention aux dispositions de celui des 8 et 9 octobre, ou à celles non abrogées de l'édit de 1670, et des autres édits, déclarations et règlements relatifs à la procédure criminelle, ne pourront être attaquées de nullité, sous le seul prétexte qu'ils ne se trouveraient point conformes aux dispositions du présent décret.
lève la séance après avoir indiqué celle de samedi, 26 décembre, pour l'heure ordinaire.
à la séance de VAssemblée nationale du
Adresse des notables adjoints de Paris en exécution du décret concernant la procédure criminelle (1).
Messieurs, pour rassurer l'innocence, pour faciliter la justification des accusés, pour nonorer davantage le ministère des juges, vous avez décrété que dans toute l'étendue de l'empire il serait nommé des notables adjoints, chargés d'assister à l'instruction des procès criminels et choisis parmi les citoyens de bonnes mœurs et de probité reconnue.
Cette loi qui présente les bonnes moeurs et la probité comme formant les premiers titres à la confiance publique, cette loi qui a créé pour l'honneur une récompense flatteuse et encourageante, est attaquée dès sa naissance.
Au moment où près de 500 citoyens de Paris venaient de recevoir du choix libre de leurs concitoyens le prix d'une conduite irréprochable et pure, il a paru un mémoire de M. le garde des sceaux, en date du 8 décembre dernier, mémoire où le ministre qui est placé à la tête de la justice, et dont l'esprit éclairé est à la hauteur de sa place, vous adresse différentes questions relatives aux fonctions et aux devoirs des notables adjoints.
A la lecture de ces questions, une première inquiétude s'est répandue parmi nous; et lorsqu'à .ce mémoire est venu se joindre le rapport de votre comité judiciaire, nous nous sommes réunis presque spontanément. Dans la communication de nos craintes, dans le commerce de nos pensées, nous avons cherché à détourner de nous, s'il était possible, le sort humiliant dont nous étions menacés»
S'il n'était question dans le mémoire et dans le rapport que d étendre ou de restreindre les fonctions des notables adjoints, nous nous renfermerions dans le silence. Sans autre ambition que celle d'obéir à la loi, nous ne voyons rien au delà de ce qu'elle a vu, et nous serons honorablement partout où elle aura marqué notre place.
Mais on a rédigé, contre les notables adjoints, un code pénal dont les dispositions nous livrent au découragement.
Nous serait-il interdit de réclamer contre ce projet?Non, sans doute; et certains que nos observations auront ce caractère de respect qui est dû à l'Assemblée législative, nous ferons usage du droit de pétition que vos décrets ont reconnu appartenir à chacun des citoyens.
Pour rendre sensible, même sans aucune discussion, la justice de nos réclamations, peut-être suffirait-il d'offrir dans un même tableau, et à la suite les unes des autres, les questions que présentent contre les adjoints le mémoire et le rapport. On vous invite à décréter, Messieurs, que tout citoyen nommé notable adjoint sera liéjnalgré lui-même, par la seule volonté de ses commettants, à des fonctions de tous les jours et de tous les moments, non-seulement pour une année, mais plusieurs années de suite, mais toutes les années de sa vie, si tel est le bon plaisir des corps
municipaux qu'on autorisera à le continuer dans les mêmes fonctions, sous l'apparence de la nécessité. C'est surtout dans le projet du décret que se trouvent consignés et rapprochés les motifs qui nous pressent de réclamer au nom de tout citoyen actif. On veut lui enlever à la fois presque toutes les sortes de liberté :
Liberté de refuser une première nomination ;
Liberté de se démettre après avoir accepté ;
Liberté de refuser toutes les nominations subséquentes ;
Liberté de refuser son assistance au premier acte d'une instruction, toutes les fois qu'il sera appelé par le plaignant ou par le juge ;
Liberté de refuser son ministère à tous les actes relatifs à la même instruction ;
Liberté de se retirer au milieu d'un acte commencé en sa présence ;
Liberté de se récuser de lui-même, en l'astreignant à la nécessité de déclarer dans le procès-verbal les motifs de sa récusation.
A ces premières dispositions qu'on vous propose, il faut ajouter encore :
Qu'il ne suffira point au notable adjoint d'avoir prêté serment dans les mains de la municipalité pour prouver qu'il a accepté sa nomination ; le greffier du tribunal l'avertira de se rendre au greffe, dans les vingt-quatre heures de l'avertissement, pour signer son acceptation ;
Que faute par l'adjoint d'avoir fait son acceptation dans ledit délai, il en sera sommé par un huissier, à la requête du ministère public ;
Que, dans tous les cas où un notable adjoint, sur un avertissement verbal ou d'un plaignant ou d'un huissier, n'aura point comparu pour prêter son ministère, il lui sera fait une sommation par huissier.
Enfin, pour mettre le comble à cet assemblage de rigueurs, on vous invite, Messieurs, à prononcer contre le citoyen actif,nommé notable adjoint, radiation de la liste civique :
Pour un an, s'il refuse d'accepter sa nomination;
Pour deux ans, s'il refuse de prêter son ministère, après avoir accepté ;
Pour trois ans, s'il refuse de continuer sa présence à un acte commencé, ou aux autres actes relatifs à l'instruction du même procès ;
Pour toujours, enfin, si le refus est accompagné de violence ou de scandale.
Et cette radiation, dans tous les cas, sera ordonnée par le juge, signifiée à l'adjoint et au corps municipal, et affichée à la porte de l'audience.
Il nous semble, Messieurs, que ces diverses dispositions ainsi réunies, démontrent, sur un simple aperçu, qu'il est inutile de les combattre successivemént pour les ruiner toutes à la fois. Peut-être même pourrions-nous terminer ici notre adresse, sans rien craindre pour le succès de nos réclamations. Mais nous devons à l'intérêt de tous les Citoyens actifs de démontrer que ces dispositions sont directement contraires :
1° A la liberté individuelle ; 2° à l'honneur du citoyen ; 3° à la dignité des fonctions d'adjoint ; 4° en dernière analyse, au but de l'institution des notables.
Les dispositions proposées sont contraires à la liberté individuelle.
Faire des fonctions de notable adjoint une charge publique dont l'acceptation est forcée, et
le refus soumis à dès peines déshonorantes* c'est blesser tout citoyen dans l'une de ses propriétés les plus Sacrées, dans la propriété de son temps. La vîblation de celle-ci sêrait même, à l'égard du plus grand nombre* Uti attentat à leur personne et à leur fortune. Que de citoyens ont bësbin dé tout leur temps pour trouver dafls l'emploi de leur personne leur subsistance, ou du moins celle de leur famille! Gottibien d'autres c|iii, placés pliis hetireùsemehtj otit un besoin non moins impérieux de tous leurs jours pour ne pas laisser dépérir des entreprises, des établissements, un commerce nécessaire à léiir existence ! Où serait alors pour chacun la liberté recpnnUe par là déclaration des droits de l'homme et dti citpyep, de disposer de sa personne comme il le vèut et l'entend, sans nuire à autrui ? Attaché forcément à des fonctions qui exigent sa présence personnelle, hors de Sa maison, et le jouf et la nuit, selon t|ue les délits varient, le Français, par ces différentes dispositions. Serftit attaqué datiS sa II" berté beaucoup plus qu'il he le fût jamais par toutes les fonctions connues sur lé nom de charges publiques. Gelles-'ci, quoique soumises à une comptabilité, ne Sont en rien comparées à celles des notables adjoints. Ii suffit pour les remplir de sacrifier Un petit nombre de jours dans le courant d'uflé anfléé-, if ces jours niêmë, on a la liberté de les choisir à son gré : mais lé notable adjoint, asservi à l'incertitudé dés circonstances, est sans céSse, surtout danst lés grandes villes, au moment d'être appelé. Soû; temps et sa présencé personnelle appartiendront au premier juge, au premier plaignant qui duraient le droit dé le réguérir. Enlever éti citoyen nommé "notable adjoint la liberté de refuser ou Sa noihination ou son ministère, ce serait donc faire de lui un esclave qui compterait autant de maîtres qu'il aurait autour de lui de plaignants, de juges instructeurs ët dé tribunaux.
Votre comité judiciaire ô gi bien senti, Messieurs,. la force de Cette vérité, qu'il n'a pu s'empêcher de Se demander si, obliger tout citoyen actif d'accepter la qualité d'adjoint sous une peine quelconque.ce ne serait pas attaquer la liberté naturelle que doit conserver tout individu de ne prendre que les emplois analogues à ses talents et même à son goût.
Cette objection est pulssahtë, thème lorsqu'il n'est question que d'emplois analogues aux talents et au goût. II peut se faire cependant que l'intérêt public éxige qu'on n'ait aucun égard à un refus fondé sur ce double motif. Mais, Messieurs, il s'agit ici, non d'un sentiment intime d'incapacité, non d'une répugnance qu'on peut surmonter à force dé civisme.
Nous parlons d'une impossibilité absolue et presque générale pour le plus grand nombre des citoyens. Il en est peu à qui leurs affaires particulières, qui sont encore celles de la Société, il ën est peu qui puissent donner forcément ifhe
rande partie de leur temps aux fonctions pénibles
e notable adjoint. C'est un vol que la loi leur ferait ; et cë Vol serait d'autant plus funeste, qu'il attaquerait la masse de la richesse sociale, qui ne s'aCcroît et même ne se Conserve qu'à l'aidé du travail de chaque individu.
Les dispositions proposées sont contraires à l'honneur du citoyen.
La régénération sociale à laquelle travaille, avec tant d'ardeur et de gloire, l'auguste Assemblée
ne pourrait s'opérer, si l'on ne cherchait à développer et à étendre dans le coeur de tous les citoyens ce. sentiment profond de l'honneur que Montesquieu a distingué de la vertu,et qui cependant, examiné de prés, est la vertu même, C est-à-dire un dévouement généreux aux intérêts de la chose publique.
Tous les hommes, sans douté, n'ont pas ces qualités éminetites, ces talents distingués qui semblent marquer un individu pour les grandes places ; mais l'intérêt de la société veut que nous ayons tous le désir d'obtenir de nos concitoyens un témoignage honorable de leur confiance, un certificat authentique de probité reconnue et de mœurs Irréprochables. .
Or, ce sêrait démentir Ge témoignage, ou du moins le rendre douteux* que d'exiger une soumission forcée aux devoirs de notables adjoints. En vain apportera-t-on à les remplir l'assiduité* l'empressement et le zèle que l'honneur commande et Sait rendre faciles* L'opinion publique; qui ne perdra jamais de vue cette contrainte, ces peines que la loi aura prononcées^ ne laissera jamais le citoyen jouir du mérite de ses sacrifia ces. Mille n'y verra qu'un effet de la crainte des châtiments. Qui sait même si les parties ne se permettront pas souvent d'en menacer les adjoints,et si les juges, qui sont des hommes, n'iront pâs jusqu'à les infliger par des motifs personnels? Alors comment l'honneur des citoyens "nommés notables adjoints ne sera-t-il pas dégradé dans l'opinion publique ?
Sans doute, « tout citoyen actif, nommé notable adjoint, doit Be faire un honneur et un devoir d'accepter ce titre de la confiance publiquë ët continuer l'exercice d'un acte aussi distingué de patriotisme, à moins que sa profession, son commerce, » du même une vraie défiance de lui-même, « ne lui rendent cette fonction absolument impossible. » Mais c'est précisément parce qu'il doit s'en faire ufl honneur qu'il faut le laisser libre d'accepter, de refuser, de se démettre. L'honneur et la contrainte ne peuvent aller ensemble.
11 n'y a du mérite dans la vertu que parce que nous sommes libres de n'être pas vertueux. Celui qui n'aurait pas la liberté d'agir, ne recueillerait aucune gloire d'aucune de ses actions. La loi et la patrie peuvent demander de grands sacrifices', mais, pour les obtenir d'une manière qui ne dégrade pas celui qui les fait, il faut qu'elles s'interdisent toute violence, et laissent a l'honneur la satisfaction de les consentir.
Les dispositions proposées sont contraires à la dignité des fonctions d'adjoint.
Pour nous pénétrer de i'importance de nos devoirs (et cette importance ën fait toute la dignité), nous avons « scruté l'esprit général qui a dicté le décret de l'Assemblée nationale, * et nous avons vu, comme M. le garde des sceaux l'a si bien vu lui-même, que « la loi qui crée les notables adjoints, a voulu préposer deux hommes choisis par la confiance de leurs Conoitoyens, pour faire au juge instructeur les observations dictées par l'impartialité ; que ces hommes choisis ne sont pas les défenseurs de l'accusé ; qu'ils ne lui doiveflt ni secours ni protection, mais qu'ils doivent tous leurs soins à la véracité des preuves, à ce qu'on n'en al tère pas le caractère, et peut-être à ce qu'on n'en outre pas les conséquences pour en rendre les effets plus affligeants ; en un
mot, qu'ils sont, ën quelque sorte, les surveillants du juge instructeur » Nous avons vU, comme votre comité judiciaire, « que dans la partie secrète de la procédure, les notables adjoints sont appelés au défaut du peuple; qu'ils ont été choisis par le peuple pour le représenter et pour remplir la double fonction de protéger l'innocence et de s'opposer à l'indulgence qui épargnerait le coupable ; que leur devoir est de surveiller les premiers actes de la procédure; » et que si la publicité de l'instruction, supposé qu'il fût possible de l'admettre dans toute son étendue -, était regardée « comme le frein le plus puissant que la loi puisse opposer aux erredrs, à la faiblesse, à la négligence ou à la prévention du iuge, » les adjoints, qui sont « un moyen supplétoire de la publicité, » ont* par conséquent, la mission expresse de s'opposer à ces erreurs, à cette faiblesse, à cette négligence, à cette préVerition.
De ces pensées générales que nous avons trouvées répandues aussi dans les différents articles déjà décrétés par vous, Messieurs, et sanctionnés parle Roi, est née dans nos esprits une haute idée 4e l'importance des devoirs auxquels nous nous sommes volontairement liés par la religion du serment. Le bien que nous étions appelés à faire s'est montré tout entier à nos yeux. Peut-être même notre fidélité a-t-elle paru trop scrupuleuse, ou du moins trop circonspecte pour suivre-l'ancienne rapidité de l'instruction ; mais cette circonspection, que personne ne .nous reproche* sans doute, est au moins pour l'Assemblée nationale un témoignage authentique de l'idée religieuse que nous nous sommes formée de nos devoirs.
Or, si tel est le ministère important que lés notables adjoints tiennent de la volonté de la loi, si tels sont les sentiments qu'ils ont manifestés en se conformant à l'esprit qui a dicté la loi, comment les investigateurs de la vérité, les surveillants du juge, les représentants du peuple, peuvent-ils s'attendre à voir leur ministère conserver toute sa dignité au milieu de la contrainte qu'on leur prépare, et des peines dont on les menace ?
Nous supplions l'auguste Assemblée de se souvenir que ce code pénal n'existait pas même dans sa pensée, lorsque le peuple nous a choisis pour le représenter. Il nous a transmis ses fonctions, libres alors de toute peine flétrissante : peut-être serions-nous obligés de les lui remettre pures comme nous les avons reçues.
Les dispositions proposées sont contraires au but de l'institution des notables adjoints.
Si tout citoyen nommé notable adjoint était forcé d'accepter sa nomination, s'il ne pouvait ni se démettre de son titre, ni refuser son ministère, quelque répétées que fussent les réquisitions qu'on en ferait, ne serait-il pas à craindre qu'après avoir mis toute son adresse à dérober sa personne et son temps à la nécessité de ces fonctions, il ne cédât qu'à regret à cette nécessité ? et de là peut-être se manifesterait bientôt en lui cet esprit de découragement, d'indifférence et de dégoût, inséparable de tous lés devoirs pénibles où l'on n'est plus soutenu par le sentiment de la liberté et de l'honneur. L'assistance de ces investigateurs de la vérité, de ces surveillants du juge, de ces représentants du
Seuple, ne serait qu'une formalité de convenance, n la remplirait, sans doute, c'est-à-dire que les
notables adjoints, forcés d'apposer leur signature à tous les actes de l'instruction, se sôumetr traient à l'y apposer; mais, comme leur aèle né serait plus aiguillonné par l'honneur, comme leur âme serait même flétrie par l'image d'una peine avilissante, ils borneraient toute leur surveillance à une opération manuelle. Pressés de terminer des séances auxquelles ils seraient enchaînés malgré eux, ils se défendraient de les prolonger par des observations qui auraient conduit à Ta vérité.
Et qui sait s'ils n'en viendraient pas à ce terme : uniquement occupés de sauver leur temps, ils consentiraient à signer des plaintes et des dépositions qu'ils n'auraient point entendues? Il ne nous appartient pas de dénoncer les prévarications de ce gehre, passées en UBage dans la procédure civile ou criminelle qui subsiste encore. D'ailleurs, l'Assemblée nationale ne les ignore pas, et sa sagesse saura bien tin jour les réprimer. Nous dirons seulement que la crainte des peines ne les a point arrêtées. Lés officiers ministériels de la justice se sont accordés quelquefois une indulgence mutuelle. Or, telle est la connivence qui serait à craindre un jour entre les juges instructeurs et les notables adjoints, si ces derniers, menacés de peines, ne voyaient dans leurs fonctions qu'une corvée publique de tous les jours et de tous les instants.
Nous osons croire, Messieurs, que cette suite d'observations peut inspirer quelque défiàncë des nouvelles dispositions qu'on vous propose d'à-j outer à votre décret.
Il nous reste à répondre aux motifs qui semblent nécessiter que vous décrétiez, d'une part, la contrainte, et de l'autre, les peines.
De la contrainte;
Un certain nombre dé personnesi vous a-t-ott dit, témoignent déjà, de la répugnance pour cette fonction, et s'il est permis de la refuser, bientôt l'exemple d'un petit nombre deviendra général.
D'abord on peut répondre que cette répugnance actuelle ne prouve rien encore pour l'avenir ; dans ce moment où l'ouvrage de notre régénération s'élève au milieu de tant d'ennemis déclarés ou cachés, qui tous sont intéressés à lé combattre ou du moins à le retarder, il n'est pas étonnant que le civisme ne soit pas encore un sentiment universel ; mais qu'on laisse faire au temps, et la patrie ne manquera pas de citoyens qui s'honoreront de la servir dans tous les postes.
On peut ajouter ensuite qu'un moyen infaillible de faire redouter au citoyen, même lé plus dévoué, les devoirs de notable adjoint, c'est dé convertir ces devoirs en charge publique. On se sent avili à l'idée de la contrainte ; on s'honore de la liberté; celle-là nous repousse; celle-ci nous attire. L'Assemblée nationale qui, par son exemple, a réveillé l'amour de îa liberté dans le cœur de tous les Français, ne cherchera point, sans doute, à l'éteindre dans celui des notables adjoints.
On peut croire enfin que, si au lieu d'attacher aux fonctions de notable adjoint la défaveur qui suit les charges publiques, on faisait, ûoh pour nous, mais pour nos successeurs, de ce premier témoignage de la confiance des peuples, un titre nécessaire pour arriver à d'autres devoirs encore plus utiles à la |soçiété> les concurrents, au lieu de le fuir, se presseraient en plus grand
nombre autour de cet emploi devenu plus important. Nous livrons, Messieurs, cette pensée à votre sagesse; c'est à vous qu'il appartient de prononcer si elle a quelque analogie avec la nature du cœur humain.
Votre comité judiciaire, Messieurs, vous a rappelé que vous n'aviez pas cru pouvoir obliger aucun citoyen à accepter les emplois municipaux et il a ajouté que vraisemblablement vous ne croirez pas pouvoir contraindre personne d'accepter les places de judicature. Nous sollicitons de vous, Messieurs, la même justice pour les fonctions de notable adjoint. Sur quels motifs voudrait-on que vous les traitassiez plus rigoureusement ? Serait-ce parce qu'elles demandent souvent une continuité d'actions, hors de chez soi, au milieu des malfaiteurs, en présence des meurtres, du sang et des cadavres? Pour attacher à des devoirs aussi pénibles, aussi asservissants, osons même le dire, aussi repoussants, il n'est pas nécessaire de solliciter une loi de contrainte; elle serait impolitique, cette contrainte qui, au lieu d'exciter une généreuse émulation de civisme, chercherait à l'étouffer. Qu'on daigne voir encore que peut-être les emplois municipaux, et certainement les places de judicature, auront un traitement pécuniaire, quel qu'il soit, au lieu que les fonctions de notable adjoint ne peuvent et ne doivent jamais être salariées; tel est du moins le Vœu bien exprimé des adjoints de Paris, et (nous n'en doutons pas) de toute la France : ils ne veulent pour récompense de leurs services que l'honorable et juste liberté d'être utiles à la patrie sans se nuire à eux-mêmes.
Des peines.
C'est un tableau bien extraordinaire, Messieurs, que celui des peines auxquelles on voudrait soumettre les notables adjoints pour refus de service sur la réquisition verbale d'un plaignant ou d'un huissier ; votre sage équité a déjà vu, sans doute, qu'il n'y aurait ici aucune proportion entre la faute et le châtiment. Le projet de décret ne parle que de radiation de la liste civique, dans tous les cas où cette radiation serait le comble des rigueurs ; tandis qu'en prévoyant le seul délit contre lequel il faudrait peut-être la prononcer, on se contente de menacer d'une action en dommages et intérêts. Nous allons examiner, sous ce double point de vue, tout ce qui concerne les peines ; nous nous flattons de prouver ensuite qu'il est un autre moyen plus sûr et plus noble d'arriver à l'exactitude dii service, le seul motif raisonnable et légitime qu'on ait pu avoir pour solliciter de vous un code de rigueur.
De la disproportion des peines aux fautes.
L'Assemblée nationale a conçu une grande pensée, lorsqu'elle a projeté la liste civique; la probité, cette première vertu du citoyen, s'en est réjouie, dans la plus juste espérance qu'elle en deviendrait plus chère aux Français régénérés; mais, comme cete liste sera le premier titre qu'il faudra nécessairement produire pour aspirer à la confiance de la cité, la justice commande impérieusement qu'on . ne puisse être exclu de ce livre de vie que pour des délits contre l'honneur et la probité : tout ce qui est en deçà ou en delà de cette lignt, ou ne mérite
pas de châtiment, ou bien mérite un châtiment plus grave. Le citoyen indifférent à la chose publique doit être abandonné à son inutilité; un jour, qui n'est pas loin sans doute, ce sera une honte pour lui que de rester inutile au milieu de l'action de tous ses concitoyens ; mais être rayé de cette liste, ce serait être flétri ; cette peine ressemblerait trop à la mort civile donnée par le blâme et l'infamie que prononcent les tribunaux judiciaires.
Et cette ressemblance serait d'autant plus aisément adoptée par l'opinion publique, que dans le projet de décret, il est sans cesse question, contre les notables adjoints, de greffe, d'huissiers, de sommation, du juge du siège qui prononce la radiation, de signification et même d'affiche de l'ordonnance à la porte de l'auditoire. L'auguste Assemblée ne dédaignera pas d'examiner cet appareil de formes judiciaires, et n'infligera point une note flétrissante à une négligence, blâmable sans doute, mais bien éloignée de la nature d'un délit. Que serait-ce si l'on n'avait à punir qu'un simple oubli, assurément très-possible, de se rendre au lieu, au jour, à l'heure indiqués ?
Une autre considération non moins importante, qu'il ne nous est pas permis de négliger, c'est la possibilité que la sommation par huissier ne soit pas toujours fidèlement rendue. La malveillance, la haine ne sont pas difficiles dans le choix des moyens : or, dans cette supposition d'infidélité combinée, ou si l'on veut même, dans l'hypothèse d'une négligence ou d'un hasard, le notable adjoint qui n'aura pas été averti de comparaître, sur la simple déclaration d'un homme intéressé à ne point se démentir, sera livré à la rigueur d'une radiation prononcée par le juge, signifiée par huissiers, et affichée à la porte de l'auditoire. Nous n'avons pas besoin de prouver que tous ces cas peuvent n'être pas toujours hypothétiques ; il suffit d'interroger sur le passé la voix publique, qui souvent exagère, mais qui ne ment pas toujours.
Maintenant le projet de décret, article 8, suppose de la part du notable adjoint, un refus de service, accompagné d'actes de violence qui produisent un scandale ou une émeute publique. Dans le rapport, ainsi que dans le mémoire, on assure que ce cas n'est pas hypothétique.
Mais avant de répondre, ne peut-on pa8 demander s'il est présumable que la violence soit venue de la part du notable? La violenoe est un fait de celui qui veut en retenir un autre, et non pas de celui qui veut se retirer. Que prétend ce dernier? Une libre retraite : qu'on la lui permette, il en use, et là tout est fini. Le premier, au contraire, ferme les passages, et voilà la violence ; il est, par cela seul, l'unique auteur du scandale ou de l'émeute qui arrivent. Ainsi donc, au lieu de chercher quelle sera la peine à infliger à un notable coupable de ces excès envers le juge instructeur, n'eût-il pas été plus naturel de demander quelle peine sera prononcée contre le juge instructeur qui se sera permis des violences envers un notable ; et dans cette supposition, quelle conduite vous prescrirez à celui-ci de tenir, et par quel moyen la loi lui permettra de constater le délit ? Il est important que cette question soit résolue par le législateur et nous le supplions de la résoudre.
Mais supposons que la violence soit un fait du notable, alors il rentre dans la classe ordinaire des citoyens, et sous l'action de la loi, qui défend à tous les violences, les scandales et lea
émeutes. Ce n'est pas comme notable, mais comme j nitoyen violent, scandaleux et perturbateur qu'il doit être poursuivi. Si, comme notable, il est juste qu'il soit puni, qu'on le dénonce à ceux qui lui ont confié les fonctions qu'il exerce; à ses commettants, aux officiers municipaux qui ont reçu son serment; qu'il soit rayé du tableau des adjoints, sans préjudice du cours ordinaire de la justice.
D'un autre côté, l'article 15 suppose, delà part des adjoints, un délit véritable, c'est-à-dire une fausse déclaration faite après l'avertissement du juge, et inscrite dans l'acte de la procédure pour lequel ils ont été appelés. Certainement un pareil crime mérite une radiation absolue sur la liste civique ; jamais l'adjoint ne peut manquer plus essentiellement à ses devoirs que par un men songe à la justice. Quelle est cependant la peine que l'article propose ? Une action en dommages et intérêts ainsi et envers qui il appartiendra. Du reste, le notable adjoint demeure toujours honoré des mêmes fonctions ; il les a authentiquement outragées; n'importe, il est jugé digne encore do les exercer. Nous ne craignons pas, Messieurs, de le déclarer solennellement devant vous. Si jamais l'un d'entre nous se rendait coupable de ce crime, nous le méconnaîtrions pour notre collègue, et il nous serait impossible de nous résoudre à placer notre signature auprès de la sienne.
Et puisque l'ordre des matières nous a conduits à nous occuper de tout ce qui peut être soumis à des peines, nous négligerons pour un moment ce qu'on pourrait appeler notre intérêt particulier, pour nous élever à l'intérêt général par une question que nous vous supplions encore de vouloir bien résoudre.
Le notable adjoint doit, en son âme et conscience, faire au juge instructeur toutes les observations qu'il croira nécessaires à la connaissance de la vérité. Le juge est obligé d'insérer ces observations dans la plainte ou dans les autres actes de l'instruction. Il peut arriver cependant que le juge refuse d'adresser ces observations, soit au plaignant, soit au témoin, ou qu'après les leur avoir adressées, il ne veuille pas consigner dans l'acte^ les réponses qu'ils auront cru devoir faire. Dans* cettte circonstance délicate, quelle doit être la conduite des notables ? Leur est-il permis de con-tater ce déni de justice, et comment seront-ils aus-torisés à le constater ? Il nous suffit d'avoir appelé l'attention de l'auguste Assemblée sur cette question.
Mais peut-être voudra-t-on conclure de nos observations que nous prétendons à une liberté illimitée dans l'exercice de nos fonctions, tandis que le cours de la justice nécessite un service certain et régulier de notre part. Nous avouons cette nécessité ; et sans rien préjuger relativement au décret que vous allez prononcer, nous vous offrons, Messieurs, avec une confiance respectueuse, la pétition de près de 500 citoyens.
Moyens d'assurer l'exactitude du service des Notables adjoints.
C'est dans les mains des municipalités que le décret des 8 et 9 octobre veut que les notables adjoints prêtent le.serment qu'il exige d'eux.
Les municipalités pourraient donc être autorisées, chacune dans la maison communale, à former un bureau composé des notables adjoints pris tous les mois à tour de rôle.
Le tableau tics notables adjoints serait déposé
à ce bureau, auquel s'adresseraient les tribunaux, les juges instructeurs et les plaignants, qui requerraient le service des notables adjoints.
Ce service serait arrêté quelques jours d'avance selon l'ordre du tableau, et notifié de même aux notables dont le tour serait arrivé.
Ceux-ci, au jour indiqué, seraient tenus de se rendre au bureau, et de s'y tenir prêts à la première réquisition, les uns pour la nuit, les autres pour le jour..
Dans les petites villes, ainsi que dans les petites communautés où les notables sont peu nombreux, ce serait néanmoins à la maison communale que le juge s'adresserait pour requérir le service des adjoints, qui, là même, ne seraient tenus de servir que selon l'ordre du tableau.
Enfin, dans les grandes comme dans les petites municipalités, un certain nombre de notables réunis au corps municipal, ou total ou partiel, serait établi juge des oublis, des négligences, des fautes que le tribunal, ou le juge, ou les parties auraient à reprocher aux notables.
La punition de ces fautes serait des avis, des admonitions, et même quelquefois des suspensions momentanées de service prononcées en plein bureau.
Cette discipline ne serait point arbitraire, c'esd-à-dire abusive, comme celle qu'on a tant reprochée à certains corps qui s'étaient arrogé le droit de l'exercer. Ici tout se ferait par l'autorité et sur l'inspection de la loi, qui seule peut décerner des peines.
Et s'il est possible de présumer qu'un adjoint prévarique dans ses fonctions, la dénonciation du délit serait faite au bureau. L'accusé y comparaîtrait, et là, en présence d'un plus grand nombre d'officiers municipaux et de notables adjoints expressément convoqués, il serait rayé du tableau des adjoints pour le reste de l'année, et même, suivant l'exigence des cas, déclaré incapable d'exercer par la suite des fonctions de notables, sauf à la justice ordinaire à Je poursuivre lorsqu'il se serait porté à des violences accompagnées, ou de scandale, ou d'émeute publique, excès que la loi défend, non pas à tout notable, mais à tout individu.
Si ce moyen d'assurer le service paraissait à l'Assemblée "nationale digne d'être pris par elle en considération; s'il pouvait mériter surtout qu'elle fit de cette idée informe l'une de ses pensées souveraines, alors plus d'inquiétude à concevoir sur l'exactitude et la régularité du service plus de nécessité de constater ni la réquisition ni le refus; plus de connivence à craindre, soit entre les juges et les adjoints, soit entre les adjoints et les'plaignants; plus de procès-verbaux ; ' plus de sommation par huissier; plus d'ordonnance de radiation parle juge; plus de signification; plus d'affiche. Les tribunaux seraient servis; les juges instructeurs et les plaignants lu seraient aussi. Les notables adjoints, toujours surveillés par eux-mêmes et par leurs commettants, ne pourraient se retrancher dans l'impossibilité de prêter un service dont ils n'auraient prévu ni l'heure ni même le jour. Les plaignants ne perdraient pas un temps considérable à chercher des notables qu'ils ne trouvent pas toujours. En un mot, la liberté individuelle serait épargnée, l'honneur du citoyen respecté, la dignité des fonctions d'adjoint conservée, et le but de l'institution des notables rempli.
Nous terminons ici notre adresse, en suppliant l'Assemblée na'ionole de ne pas s'étonner si des
Français alarmés lui ont fait entendre ce- eri de l honneur.
Signé: deyeux, Ddfourny de vllllers, Fauconnier , Musnier des Clozaux, M-nard, roucher, thé venin, regnault,Legagneur - Leteljjer., Roussille de Chamseru, notables adjoints et commissaires.
Réflexions sur le plus ou le moins d'étendue des fonctions des notables adjoints dans l'instruction des procès criminels (1).
Le décret de l'Assemblée nationale des 8 et 9 octobre a donné lieu à M. le garde des sceaux de lui proposer de statuer sur diverses questions relatives à la -fonction des adjoints,
L'Assemblée nationale s'est occupée de l'exa-r men de ces questions , et déjà son comité de constitution judiciaire lui a fait un rapport qui sera mis à la discussion sous peu de jours. Ces questions sont au nombre de neuf. Les notables adj oints, alarmés des effets que pouvait produire sur leur bqnnepr personnel et sur la dignité de leurs fonctions le résultat des questions 6, 7 et 8, tel qu'on le lit dans le rapport, ont pris la liberté de faire aux législateurs de la nation leur§ respect,uéùsçs représentatipns. C'est la confiance de "nos cpnqtoyeqs qui nous a hpnorés du titre de notable adjoint, ont-Ils dit: c'est le patriotisme qui pous l'a fqït accepter. On nous charge de çepfésenter'le peuple pendapt le secret aè linstructlon j on ne pouyait nous revêtir de plus nobles fonctions. Noiis trouvons notre récompense dans nosveiiles et dans l'importance de notre ministère, dont noiis ne cherchons m^me pas à nqus enorgueillir ; mais la menace de peines qui ne teqdraient pas à moins qu'à entacher notre honneur, en nous rayant du tableau civique, si nous n'acceptions pas un poste dont on peut ayec vérité se croire incapable, ou si nous offrions notre démission, ou si nous commettions des délite dans notre exercice, cette menace nops affecte sensiblement, et porte le découragement dans nos âmes.
Il y a lieu de croire que ce cri de l'honneur, jeté par près de 500 bons citoyens, produira l'effet naturel qu'ils ont lieu d'en attendre, et nous ne nous permettrons pas de rien ajouter à des vœux que nous partageons.
Nous réduirons donc nos réflexions à des objets dont les notables adjoints ne se sont pas occupés, et sur lesquels peut-être ils ont gardé le silence par une respectable discrétion, dans la crainte qu'on ne présumât qu'ils eussent l'ambition de trop étendre leurs fonctions, et d'usurper en partie «elles des magistrats.
première question.
« Les adjoints doivent-ils assister au rapport sur lequel interviendra le jugement qui prononce un décret ou d'ajournement personnel ou de prise de corps? »
Le premier article du projet de décret du comité judiciaire porte que « les adjoints ne doivent être appelés au rapport des jugements sur lesquels interviendront les décrets, nï aucun autre jugement quelconque. »
Cependant le décret du mois d'octobre ne fait cesser l'assistance des adjoints qu'à l'instant où l'accusé se sera présenté sur le décret. À cette époque, le jugement api a prononcé ce même décret est rendu, et le rapport qui le précède est fait : donc l'assistance des adjoints au rapport qui précède le décret est jugée nécessaire, et est comprise dans la loi.
objections.
La conséquence, dit-on, est juste, mais l'application en est fausse. La fonction des adjoints ne doit cesser qu'après le décret, quant aux actes auxquels la loi leur a donné le pouvoir d'assister, mais la circonstance du déçret non prononcé n'étend pas la fonction des adjoints aux actes qui ne sont pas de leur compétence.
Ces actes sont la plainte, les procès-verbaux de visite des personnes blessées ou de corps mort, dés lieux du délit, des effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, çufrq à Vin-formation qui précède le décret.
La loi ne les appelle qu'à ces acjes d'instruction, et non au décret qui est un jugement qui déclare qu'il existe au moins un commencement de preuve suffisante pour mettre un citoyen in reatu.
C'est ainsi que, confondant le décret avec lçj rapport qui le précède, et qui actuellement est rendu par trois juges, devant qui'doit être fait ce rapport, on passe ensuite à la considération du caractère propre des adjoints, et de la nature de leurs fonctions, pour prouver qu'ils ne doivent pas assister, non au rapport dont on ne parie pas, mais au décret.
Les adjoints, dit-on, ne sont que les représentants du peuple, jusqu'au moment où la publi-r cité dé la procédure peut lui permettre d'y assister. Leur fonction est de surveiller, au nom du peuple, la fidélité et l'exactitude des actes qui doivent former la preuye du délit, ou assurer la décharge de l'innocent. Les adjoints, comme représentants du peuple, comme surveillants de la preuve, n'ont aucun caractère de iuge. Ils n'ont dès lors aucun avis à donner sur la question de fait et de droit, qui doit décider s'il y a lieu au décret, et la nature du décret; il est inutile d'assister à un acte auquel on ne peut pas coopérer. Les adjoints, ajoute-t-on, n'ont rien de commun avec les jurés d'Angleterre, que la loi de ce pays constitué juges du fait, et même les ministres instrumentales de l'information.
réponses.
L'assertion qui sert de fondement à l'objection est donc qu'il n'y a d'autres actes de la compétence des adjoints, que ceux que l'on a indiqués : on çn exclut le décret, et on confond lé décret avec le rapport qui le précède.
Mais l'op pense que le rapport est très-distinct du décret, que le rapport est un acte d'instruction, et quand même les adjoints ne devraient pas assistër au décret, ils doivent nécessairement assister au rapport.
Ën effet le rapport consiste dans la lecture que
fait au tribunal le rapporteur dp la plainte, des proGès-verhaux, des pièces gui constatent le délit, et de toutes les dépositions de l'information, indépendamment dp son avis.
Le décret, au contraire, est le jugement que le tribunal prononce contre le citoyen prévenu d'un délit, jugement qui doit, ou écarter l'accusation, ou décider contre l'accusé une suspension légale, et provisoirement l'interdire ou le suspendre dans l'exercipe de ses fonctions civiques.
Dp cette distinction, il résulte que le rapport est un acte d'instruction, et non le jugement même ; et, si c'est un acte d'instruction, l'assistance des adjoints y est donc indispensablemeiit nécessaire, puisque les adjoints sont appelés à tous les actes d'instruction, jusqu'à ce que l'accusé se soit présenté sur le décret.
Le rapport est évidemment un acte d'instruction, puisque, suivant l'expression même qui le caractérise, c'est lp réeit de tqus les actes du procès; c'est le rapport qui instruit le tribunal des circonstances et des preuves, tant à charge qu'à décharge, du délit contre le prévenu; et, quoique l'acte ne soit pas écrit, et qu'il ne soit que verbal, ce n'en est pas moins un acte d'instruction et l'acte le plus essentiel du procès, puisque de son exactitude dépend le jugement que le tribunal va ensuite délibérer et provisoirement prononcer centre l'honneur d'un citoyen.
Or, y a-t-il un moment où le caractère propre des adjoints et la nature de leurs fonctions exigent plus essentiellement leur présence, eomme représentants du peuple?
Pour enlever jusqu'au moindre doute à cet égard, il n'y a à consulter que ce que la loi prescrit, et ce qui sp pratique lorsque l'accusé est détenu, et lors du jugement définitif.
L'article 21 du décret du pois d'octobre est ainsi conçu :
« Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interrogatoire prêté, pt le jugement prononcé, le tout à l'au-diénce publique. L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire, après lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier; jpais son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense, après le rapport fini. Les conclusions données, le dernier interrogatoire prêté, les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique pour la prononciation du jugement. »
Si donc, lors du jugement définitif, le rapport se fait publiquement, si de plus il se fait en prépence du conseil, si le conseil a droit de parler après le rapport fini, par quel motif les adjoints, qui représentent le peuple dans la partie secrète de l'instruction , qui joignent à cette représentation le droit d'obServer, a charge et à décharge, la véracité dès faits, qui, pour le dire avant M. le garde des sceaqx, page 2 de son mémoire, sont en quelque sorte les surveillants de.s juges instructeurs, et préposés à l'investigation éxacte et imparjtialp de la yérité; par quelles raisons, disons-nous, ces représentants du peuple ne seraient-ils pas présents au rapport ? Et ne pouvons-nous pas en ce lieu invoquer, avec un avantage véritablement entraînant, les réflexions qu'on nt dans le mémoire de M. le garde des sceaux, pages 4 et 5?
| « Si on scrute, y est-il dit, l'esprit général qui a dicté le décret de l'Assemblée nationale, il èlt difficile d'écarter les adjoints d'un rapport qui va décider, sinon du sorf de l'accusé, au moins de la suspicion légale qui s'-étanlira, contre lui. Les adjoints, à la vérité, ne sont point ses défenseurs, ils ne lui doivent ni secours, ni protection; mais ils doivent tous leurs soins à la véracité des preuves, à ce qu'on n'en altère pas les caractères et peut-êtpe à ce qu'on n'en outre pas les conséquences,pour en rendre les effets plus affligeants. N'est-il pas naturel de penser qu'une lqi dictée par l'humanité, qui donne un conseil à l'accusé quand il qst présent, qui veut qu'au moment du jugement définitif, il soit défendu, même après le rapport et après les conclusions motivées du ministère public; qpi, avant que cet accusé Soit connu, avant que la justice ait pu l'appeler, a proposé deux nommes choisis par la Confiance de leurs concitoyens, pour faire au juge instructeur les observations dictées par 1 impartialité ; qui ne fait cesser leur assistance que quand il peut venir offrir sa justification et y présider lui-même ; n'est-il pas naturel de supposer, ou plutôt d'apercevoir qu'une telle loi a voulu la présence de deux adjoints au rapport qui terminera le degré de Sévérité dont la justice doit user dès le premier pas, et qu'à ce moment si important, ils fissent encore au juge, en lepr âme et conscience, les observations que la connaissance parfaite de l'instruction pourra leur fournir? »
Les adjoints ne coopèrent pasaux jugements; ils ne seront même pas* si l'on veut, juges du fait, comme lès jurés d'Angleterre ; mais ils éclaireront le tribunal, ils ne lui laisseront pas passer les nuances de ces faits dont ils sont pénétrés par l'audition qu'ils ont eue des dépositions, par la vue des lieux et des Corps de délit. Mis à la place du peuple, ils seront sûrs que tout aura été lu et dûment examiné. Gela, osons le dire sans rien diminuer du respect dû aux magistrats, et qu'ils méritent à tant de titres ; Cela ne devfent-il pas d'autant plus nécessaire dans ies grands tribunaux,que l'immensité des affaire? criminelles, le désir naturel qu'ont les magistrats d'én accélérer l'instruction, et de suffire à tout, pourraient leur faire apporter moins d'attention, Ou plus ou moins de précipitatioq dans cette première partie de l'instruction, si la présence des adjoints ne les astreignait pas, comme le ferait celle du public, à l'examen complet, quoique souvent fastidieux, de tous les détails de cette première partie de la procédure .criminelle, si grave dans ses effets contre des citoyens qu'elle va provisoirement entacher par l'espèce de flétrissure qu'entraîne la publicité d'un décret ?
Le but de la loi serait donc manqué,, si les adjoints n'assistaient pas au rapport, s ils étaient même empêchés de faire des observations après le rappoct, sauf aux juges ensuite, à délibérer particulièrement ; mais si les adjoints né sont pas présents au rapport, l'esprit 4e la loi n'est pas entièrement rempli^ il existera un moment, o# le procès s'instruira sans la préseriee du peuple, sans celle de ses représentants, qui sont les notables adjoints.
SECONDE QUESTION.
« La présence des adjoints est-elle nécessaire dans les différentes espèces proposées par M. jp garde des sceaux? » Questions 2, 3, 4 et 5. Elles supposent toutes l'accusé absent ou con -
tumax, soit parce qu'il n'a pas comparu sur le décret; soit parce que, sur plusieurs co-accusés décrétés,il y en a seulement quelques-uns qui ont comparu; soit parce que l'on est dans le cas de rendre une nouvelle plainte, et de faire une nouvelle information contre une personne qui n'avait point été comprise dstps la première; soit, enfin, parce que l'accusé qui avait comparu, refuse ensuite de se présenter,ou prend la fuite.
On a cru, ce semble, trancher la question, et rejeter la présence des adjoints dans tous ces cas, en proposant, par le comité de constitution judiciaire, un nouvel article conçu en ces termes :
« Le rapport des procès instruits par contumace sera fait publiquement, et le jugement sera aussi prononcé publiquement. »
Et comme la publicité de la procédure est, suivant le rapport fait à l'Assemblée nationale, l'esprit et la base du décret des 8 et 9 octobre, la présence des adjoints devient inutile dans toutes les espèces proposées. La publicité de la procédure est la plus puissante sauvegarde de l'innocence, comme elle est le plus sûr garant de la vindicte qui intéresse la société.
On convient que la publicité de l'instruction criminelle est une des portions fondamentales de la loi ; mais elle n'est pas la seule, et son esprit indique la nécessité de la présence, des adjoints toutes les fois que les accusés absents seraient exposés à souffrir du défaut de leur assistance.
On doit, en. effet, supposer que la loi est disposée à ne pas plus sacrifier les accusés absents que les présents. L'auteur du rapport dit lui-même qu'il suffit que l'absence puisse être quelquefois excusable, pour que Von ne puisse pas [aire qu'elle rende Vaccusé indigne de toute protection de la loi.
Or, les accusés présents ont, indépendamment de l'avantage de la publicité, celui, d'être pré-eents aux récolements, de pouvoir se défendre eux-mêmes, et d'avoir aussi des défenseurs.
L'absent, au contraire, ne peut se défendre, puisqu'il est absent, et n'a point de défenseurs.
Si les adjoints assistaient à l'instruction, ils pourraient, en leur âme et conscience, prendre les intérêts de l'absent, et faire des observations aux témoins dans le moment le plus important de la procédure, lors du récolement, même aux juges après le rapport.
La publicité de la procédure est donc une considération insuffisante. _
Comment se ferait-il qu'en matière aussi grave, quand il s'agit de l'honneur et de la vie d'un citoyen, on le privât de cette ressource, tandis qu'en matière civile on veille aux intérêts des absents avec tant de soin?
On reconnaît assurément que, dans l'esprit de la loi, les adjoints sont particulièrement établis pour être les représentants du peuple pendant la partie de l'instruction qui doit être secrète.
Mais leur présence n'est pas réduite à jouer un rôle mUet. L'auteur du rapport observe, avec toute vérité, que les adjoints ont aussi la double fonction de protéger l'innocence, et de s'opposer à l'indulgence qui épargnerait le coupable.
Or, on le demande, si on instruit, si on juge les procès contumaces sans adjoints, si on se contente de le faire publiquement, le peuple sera bien présent; mais la loi ne donnant pas au peuple le droit d'observation au juge, l'absent sera sans protecteur s'il est innocent, et sans surveillant s'il est coupable. Cela arrivera publiquement, mais cela n'en sera pas moins contre l'esprit d'humanité de la loi, contre cet esprit de bienfaisance et de justice, qui est l'âme de la loi
créatrice des adjoints.— L'absent peut être innocent, et le peuple verra qu'il est condamné sans être défendu; s'il est coupable, le peuple dira que s'il avait pu parler dans les informations, ou des adjoints pour lui, l'accusé n'aurait pas été renvoyé absous.
Ainsi, les deux grands motifs qui ont fait désirer une procédure criminelle publique pourront être illusoires, soit pour l'intérêt particulier des accusés, soit pour celui général de la société, faute d'adjoints qui aient la faculté : 1° d'observer aux témoins dans les dépositions, et aux juges avant et après le rapport; 2° de répondre aux charges que les accusés présents chercheraient à faire tomber sur les absents; 3° enfin, de soutenir avec impartialité les intérêts des absents, qui, accusés incidemment dans une procédure publique, ne pourraient jouir de la protection accordée aux accusés présents.
Quel inconvénient d'ailleurs, dans l'incertitude, y aurait-il d'appeler les adjoints à toute l'instruction de contumace ? Les juges sont, en général, trop animés du bon esprit de leur état pour trouver que cette assistance les contrarie. Les adjoints, de leur côté, ne murmureront sûrement pas non plus d'avoir des fonctions qui ajoutent à leur? travaux, puisqu'ils sauront qu'elles sont nécessaires et qu'elles les honorent. On ne peut apporter trop de soins, trop de vigilance et trop de veilles, pour rassurer les citoyens contre des surprises qui pourraient entraîner involontairement les juges à prononcer des jugements qui, quoique par défaut, auraient des suites évidemment funestes.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, commence la lecture du procès-verbal de jeudi 24 décembre.
Plusieurs membres demandent que la motion de M. de Gouy-d'Arsy, concernant le ministre de la marine, ne soit pas mentionnée au procès-verbal.
dit que M. le secrétaire est entré dans de trop longs détails au sujet des non catholiques et des comédiens.
Par suite de ces réclamations la lecture du procès-verbal est renvoyée à lundi prochain.
On fait lecture d'une adresse de la ville de Seure en Bourgogne ; elle contient félicitation à l'Assemblée nationale, adhésion à tous ses décrets; demande à être le chef-lieu d'un district et Je siège d'une justice royale. — Les députés envoyés par cette ville offrent, en son nom, le don patriotique de la somme de 3,377 liv. 17 s. 4 deniers. — M. le président, au nom de l'Assemblée, leur accorde la séance.
, député de Vitry et de Sainte-Menehould, demande qu'une erreur qui s'es
Le même député offre également un don patriotique, de la part du comité de cette ville, de la somme de 1,495 liv. 6 s. 6.d. en argent et effets savoir : 595 liv. 16 s. 6 d. provenant de la libéralité des citoyens de la ville et de l'élection ; 300 livres de celle des habitants de Vaudieulet, portée en leur délibération, dont il fait lecture ; et 600 livres en une délégation des habitants de Braux-Sainte-Gohière, à toucher, sur le prix de leurs bois, du receveur des domaines et bois de la généralité de Champagne.
Ce même député demande, au nom du même comité, que la liste des dons patriotiques qu'il représente soit imprimée avec l'extrait du registre des dons raits à l'Assemblée, ainsi que l'Assemblée l'a ordonné les 2fr novembre et 10 décembre, lors des offres et dons faits par la même ville, ce qui est agréé et décrété par l'Assemblée; ainsi que les listes des dons qui pourront être offerts par la suite, dans le même comité.
On annonce un don patriotique de la ville de Château-Chinon.
, député de Péronne, donne sa démission.
, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis pour le remplacer.
Un membre demande qu'il n'y ait point d'assemblée pour le soir afin de pouvoir hâter le travail de la division des provinces ; l'Assemblée décrète qu'il n'y aura pas d'assemblée pour le soir.
donne lecture d'une lettre de M. le contrôleur général, en ces termes :
Paris, le
« Je ne puis me dispenser. Monsieur, de vous demander avec instance de faire parvenir au plus tôt à la municipalité de Dreux, les intentions de l'Assemblée nationale sur la perception des impôts et des droits dépendants de la régie générale. Ces intentions né sont pas douteuses; elles sont très-connues et très-manifestées par l'Assemblée nationale à plusieurs reprises. Cette Assemblée a donné plusieurs décrets qui ordonnent formellement la continuation du payement de tous les impôts subsistants, jusqu'à ce qu'elle ait pourvu à la réforme de tout, le système des impositions. Ce système présente certainement bien des motifs, de désirer la réforme que l'Assemblée projette; mais l'Assemblée nationale sent que le changement de cette vaste organisation
exige de la maturité et du temps, et qu'en attendant, il est essentiel que les sources de la subsistance du Trésor public ne se tarissent pas subitement, et elle a eu droit de compter que l'assurance même qu'elle présentait aux peuples de ses soins, pour leur procurer, d'une manière prochaine, un soulagement solide et compatible avec le soutien des finances publiques , exciterait, entraînerait, autant par sentiment que par devoir, l'acquiescement des contribuables à la continuation momentanée de leurs contributions ordinaires, Cependant, Monsieur, quelques municipalités ou comités administratifs de plusieurs villes se refusent absolument à l'acquittement des impôts, ou veulent en ramener dès à présent la prestation à des modes nouveaux de perception que chacune de ces villes veut se donner à elle-même, en refusant tout payement exigé dans les formes anciennes. Les unes veulent. oien payer, mais pourvu que ce soit entre les mains de citoyens chargés du recouvrement, et non entre les mains de commis de la ferme ou de la régie; les autres ne veulent point payer les droits tels qu'ils sont établis, mais veulent les abonner dès à présent. Toutes ces nouvelles formes, précipitamment exécutées, entraîneraient, comme vous -le jugerez aisément, Monsieur, des difficultés, des inconvénients, des non-valeurs inappréciables. Point de connaissance des lois, de la matière et des tarifs de la part des citoyens qui seraient chargés de la perception, au lieu des commis; point de garantie assurée du versement dans la caisse publique des deniers recouvrés par ces citoyens qui n'auraient jamais une solvabilité suffisante pour en répondre, et dont la solidité ne serait pas plus garantie par l'engagement de la municipalité même qui, dans la plupart des lieux, n'a point de revenus. Voilà pour la première proposition, de charger des citoyens au lieu de commis ; même inconvénient de défaut de sûreté du versement des deniers d'après un abonnement, ce recouvrement aux échéances convenues ne portant que sur la bonne foi des municipalités, partout où elles n'ont pas de revenus communs, et mille circonstances survenues pouvant même, sans compromettre leur bonne foi, les mettre cependant au dépourvu des sommes qu'elles se seraient engagées de verser dans le Trésor public. Il y a encore d'autres inconvénients inévitables, et par-dessus lesquels il n'est pas possible de passer, dans l'acceptation d'abonnements locaux. Il est dans les perceptions de la régie générale des droits qu'il est indispensable, ou de percevoir en nature partout, ou d'abonner partout, mais qu'on ne peut pas percevoir en nature dans une ville, et suppléer par abonnement dans une autre ville : tels sont les droits sur les cuirs, sur les papiers et cartons, etc. L'une ou l'autre forme de perception, ou même l'alternative, au gré des. villes, pourrait être égale au fisc, mais ne le serait pas au commerce, parce que si les cuirs payent dans une ville, et ne payent pas de même dans une autre, le commeree des cuirs se détruira entièrement en peu de temps ; dans les premières, il ne s'y défendra quelque temps qu'à la faveur de la fraude, et tous les commerçants honnêtes en cuirs, dans ces Villes, seront ruinés, ne pouvant pas soutenir la concurrence avec les autres. Les villes ou les comités, peu versés dans ces sortes de vues d'administration, n'aperçoivent, rien de ces différentes difficultés, s'enivrent de l'idée vaguement conçue d'une décharge qu'il* croient intéressante pour les contribuables, et indifférente au Trésor royal, et de la spéculation
veulent tout de suite passer à l'exécution, en franchissant de leur seul mouvement tout l'intervalle qui devrait être entre leurs résolutions et les ordres de l'Assemblée nationale ou de l'administration. J'ai écrit à plusieurs de ces villes, à celle de Dreux en particulier, des lettres très-pres-santës, où j'insiste, non-seulement sur les observations qui doivent porter conviction, mais singulièrement sur le devoir de la subordination à l'égard des décrets précis et multipliés de l'Assemblée nationale, que ces villes paraissent méconnaître ; sur la confiance qu'elles devraient donner aux soins et aux travaux de l'Assemblée nationale et de l'administration, pour leUr soulagement prochain ; sur le danger même qu'elles courent de mettre des entraves au succès et à l'unité des vues de l'Assemblée nationale, par l'introduction précipitée de systèmes particuliers et bigarrés de perception; enfin, sur le préjudice énorme causé au Trésor royal par le refus des impositions, et sur l'injustice vis-à-vis des autres parties du royaume plus soumises, qui porteraient ainsi toute la charge en l'acquit des réfrac-taires. On ne savait plus sans doute à Dreux que m'opposer. Des députés sont venus de Dreux le 15 ou le 16 de ce mois-ci, et ont remis un mémoire que je ne connais pas, à M. Fréteau, alors président de l'Assemblée nationale. Ils sont retournés à Dreiix, y ont dit que leur mémoire était reçu, et qu'ils auraient incessamment réponse de l'Assemblée nationale. De ce moment, ils se croient hors de portée à toutes mes instances; comme si les décrets rendus et publiés jusqu'à présent par l'Assemblée nationale, -n'étaient plus rien du moment qu'on lui porte une réclamation 1 et on m'écrit de Dreux, qu'autant il est certain que la perception des impôts y sera rétablie aussitôt, si la réponse de l'Assemblée nationale l'exige, autant il est impossible de songer à la rétablir sans cette réponse. C'est donc cette réponse , Monsieur, que je vous demande avec instance de faire au plus tôt parvenir à Dreux ; voilà des mois consécutifs qui se passent en correspondances inutiles, et -pendant lesquels les perceptions restent interrompues. L'exéinpfe de la ville occasionné la Tjiême insurrection, et dans son territoire, et dans les petites villes vpjsfne'?j les grandës mêmes se modèlent les unes sur les autres, quand il s'agit de résistance à, l'administration, et qpe l'une d'elles prouve aux autres tiue cette résistance a du succès. Ainsi, Monsieur, je vous demande avec instance de faire três-promptemettt cesser celle de Dreux; vous ferez fccBser de mêmè ou vous prolongerez celle d'un nombre considérable de lieux circonvoîsins, Je suis assuré de votre zèle pour le soutien de la chose publique, de la volonté ferme de l'Assemblée nationale d'en assurer la consistance pâr le maintien des revenus indispensables à l'Etat, et trop grièvement altérés depuis du temps. Je ne doute point que Vous ne rendiez bien volontiers, et avec empressement, à la nation et au Roi, le service que je vous demande pour l'acquit de mon devoir, et que vous ne veuilUez bien écrire à Dreux une lettre très-positive et me .faire la grâce de m'en faire part.
J ai l'honneur d'être avèç le plus parfait attachement, mon sieur j votre très-humble ët Irès-otréissant serviteur.
Lambert.
Les derniers mots de la lettre de NL Lambert sont irrespectueux. Tous les minis-
tres, comme les autres citoyens, doivent en écrivant à celui qui préside l Aesémblée nationale, sé servir du mût respect.
, de sa voix de stentor. Le moyen d'obtenir le respect est de le mériter et non de l'exiger.
Un membre fait observer que la formule employée par M. le contrôleur général est probablement une inadvertance de secrétaire.
dit qu'il est impossible, avec la meilleure volonté, de payer aucune espèce de contribution en Champagne, où les propriétaires, éprouvant des refus pour la rentrée de leurs rentes et cens, ne peuvent s'acquitter pour ce qu'ils doivent à l'Etat; qu'ainsi il faut statuer que le rachat de ces cens et rentes soit au plus tôt déterminé, et que, jusqu'à ce que le rachat ait eu lieu, les censitaires seront tenus de payer.
trouve cette observation étrangère à la question du jour.
propose la formation d'un comité d'impositions, pour offrir un plan général sur cette partie essentielle de la fortune publique.
, en appuyant ce projet, vote pour que l'affaire de Dreux soit renvoyée à ce comité futur.
prend viveraént parti pour Je comité actuel des finances, il dit qu'il est suffisant pour cet objet, vu le nombre des membres qui le composent, et que çe serait lui faire une injure que son zèle n avait pas méritée, que de déférer à un autre comité la disposition d'un objet dont le comité s'est déjà sérieusement occupé, et dont il est sur 1$ point de soumettre le résultat à l'Assemblée.
, Un nouveau système général d'imposition? ! — La promesse jque vous fait votre comité n'est-elle point inconsidérée? ne sera-t-eUe point illusoire? (Il sél^ve quelques murmures,}
Oui, Messieurs, quelque chatouilleuses que soient les impressions de l'amour-prppre, elles ne m'empêchëront jamais de dire la vérité. Je ne sais si le préopinant, et je le nomme, M. Lebrun, s'est fait une idée juste système général d'impositions; mais je lui dis qu'jJ. est moralement, physiquement impossible de s'occuper avec succès, dans çe qjomept surtout, d'un semblable travail. Il faut avoir statué sur tout, avant de rien entreprendre sur le nouveau système d'jm-posi&oij; certes il nous reste egsore beaucoup a faire avant d avoir statué sur tout, je pense donç que vous ne devez, que vous ne pouvez vous occuper que d'un système provisoire. (On entend quelques oh! oh!) Telle esi mon opinion, et j'ai peur d'avoir mieux entendu la matière dont je parle, que ceux qui font oh! oh!
Je deman4e à appûyer la formation du comij^ d'imposition.
Je dois .d'abord consulter l'Assemblée sur cette, question : Le président écrira-Nil ià Ja municipalité 4e Dreux?
Les voix prises, l'Assemblée *jue le président écrira à là ville de freux*
L'ordre du jour appelle un rapport du comité de* finances sur la contribution patriotique (1).
Messieurs, l'article 7 de votre décret du 6 octobre dernier, concernant la contribution patriotique, ordonne que les déclarations seront faites au plus tard avant le 1er janvier prochain.
Cependant le concours d'une infinité de circonstances publiques et particulières, a suspendu et suspend toujours le zèle des citoyens.
Le créancier de l'Etat en proie à de vaines alarmes n'a pas douté de votre volonté, mais il a longtemps douté de votre pouvoir.
Tout ce qui est attaché à l'administration, tout ce qui est attaché aux tribunaux, tous les agents du fisc, tous ceux qui vivent ou s'enrichissent des bienfaits du prince ou de la cour, attendent les décrets qui doivent déterminer leur sort et la quantité de leur revenu.
Ceux qui furent privilégiés ne peuvent se rendre compte de leur fortune qu'après avoir calculé ce qu'en retrancheront les impositions,et les impositions ne sont pas encore assises.
Le commerçant, 1 homme de toutes les professions, a senti l'influence des événements publics : les calculs du présent ne Sont ni les calculs du passé, ni les calculs de l'avenir. .Le retour de la tranquillité leur promet le bénéfice ; mais pleins d'incertitude et d'indétermination, les corps, les communautés, les ecclésiastiques de tous les rangs, soumis a l'empire des lois que votre sagesse a prononcées, comptent sur votre justice, mais votre justice n'a point encore réglé leur destinée.
D'ailleurs, il est des consciences timides jusqu'au scrupule, il en est d'autres qui voudraient être hardies, et tous ces gens-là fatiguent votre comité et le conseil de consultation, sur toutes les espèces, sur tous les cas.
Enfin les municipalités qui subsistent encore n'osent user d'un pouvoir prêt à leur échapper. Des comités, formés par le hasard des circonstances, n'ont qu'une autorité précaire et mal assurée. Partout le citoyen attend l'impulsion des agents de la loi, pour déterminer son patriotisme.
Il est donc nécessaire de fixer un nouveau délai, et ce nouveau délai sera certainement utile, parce qu'il sera le dernier, parce que les municipalités nouvelles, soutenues par la confiance publique, revêtues d'une autorité incontestable, premier gage de cette liberté que nous attendons tous, premiers garants et premiers appuis de cette sécurité que nous avons achetée par tant d'inquiétudes et de dangers, rappelleront vos décrets avec plus d'énergie, et demanderont aux citoyens le prix que nous avons mis au bonheur et à la félicité commune.
Nous vous proposons en conséquence le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que les circonstances publiques et particulières, la variation que doit opérer dans les revenus l'heureuse révolution qui va réunir et régénérer les Français, l'inaction de la plupart de? municipalités, les doutes gui ont pu s'élever sur l'esprit et sur l'extension de la loi, Ont dû retarder les déclarations prescrites par son décret du 6 octobre dernier;
« Considérant qu'un nouveau délai est sollicité
« Qu'il sera accordé un délai de deux mois, à dater du jour de la publication du présent décret, pour faire les déclarations prescrites par son décret du 6 octobre dernier; que, ce nouveau délai expiré, les municipalités appelleront tous ceux qui seront en retard. »
propose d'ajouter au décret que les noms des contribuables patriotes seront imprimés avec la liste des sommes qu'ils se seront soumis à payer.
trouve cette méthode immorale et tendant à ouvrir une inquisition odieuse sur la fortune des citoyens.
propose d'inscrire sur la liste le nom seul du contribuable sans faire mention du chiffre de la contribution.
Je démande ppur les négociants la faculté de faire leurs déclarations en corps. Nous avons à cet égard l'exemple de la Hollande qui, ayant demandé une contribution patriotique, s'est contentée d'ouvrir un tronc où chaque citoyen déposait son offrande et inscrirait son nom.
voulait que les revenus provenant de l'industrie fussent soumis à la contribution patriotique.
Si'vous voulez éviter les fraudes et les fausses déclarations, il faut que les noms des contribuants patriotes soient imprimés avec le chiffre des sommes versées.
Vous avez adopté de confiance le plan de la contribution patriotique; vous devez laisser à la confiance le soin de l'exécuter et de lui faire porter ses fruits.
dit qu'un des plus grands inconvénients observés par ceux qui ont critiqué la contribution patriotique, c'est qu'elle peut donner une fausse iaée de la fortune nationale, pairce qu'on attribuerait les déficit assez probablé qu'elle éprouverait à toute autre cajise. On a craint que les circonstances, nécessairement passagères, les commotions communiquées à toutes les fortunes, et les inquiétudes répandues généralement, ne portassent quelque atteinte à cette contribution. Il fallait donc s'attendre à un produit beaucoup moindre que celui qu'on aurait dû naturellement espérer- Il suffirait donc d'imprimer les noms comme un ressort d'émulation, mais dè taire les sommes 1ue chacun aurait données.
La discussion ayant été fermée, on demandait la question préalable sur tous les amendements à la fois. Mais l'Assemblée a jugé qu'ils devaient être délibérés séparément.
Malgré une vive opposition, surtout d'un côté de la salle, il a d'abord été décrété que la liste des contribuants patriotes sera imprimée, ensuit^
qu'on imprimerait également la liste des sommes données par chacun d'eux.
La motion principale a passé alors de la manière suivante :
« L'assemblée nationale, considérant que les circonstances publiques et particulières, la variation que doit opérer dans les revenus l'heureuse révolution qui va réunir et régénérer les Français, l'inaction de la plupart des municipalités, tes doutes qui ont pu s'élever sur l'esprit et sur l'extension de la loi ont dû retarder les déclarations prescrites par son décret du 6 octobre dernier;
« Considérant qu'un nouveau délai est sollicité par les raisons les plus légitimes, qu'il importe surtout que les premiers actes de ces nouvelles municipalités qui vont être pour les peuples les gages et les garants de la liberté, de la sécurité, de toutes prospérités publiques et particulières, ne soient pas des actes de rigueur, mais de confiance et de patriotisme, a décrété et décrète :
« Qu'il sera accordé un délai de deux mois, à dater du jour de la publication du présent décret, pour faire les déclarations prescrites par son décret du 6 octobre dernier ; que, ce nouveau délai expiré, les municipalités appelleront tous ceux qui seront en retara; que la liste des noms des contribuables patriotes sera imprimée, avec la liste des sommes qu'ils se seront soumis à payer. »
donne lecture d'une lettre du garde des sceaux qui envoie à l'Assemblée deux expéditions en parchemin pour être déposées en ses archives :
1° Des lettres patentes sur le décret du 17 de ce mois, concernant les formes et modes de répartition à l'égard des taillables de la province ae Champagne, pour les impositions ordinaires de 1790, et de ceux des provinces de taille personnelle et mixte, où les départements ne sont pas encore faits;
2° Des lettres patentes pour l'exécution du décret du même jour, concernant les impositions et administration de la province du Dauphiné,
demande la parole pour faire une motion relative aux pensions. Il développe avec la plus grande vigueur la manière dont le revenu public était absorbé par les pensions; il a renouvelé la partie de la motion de M. Bouche, afin que les pensionnaires ne fussent payés qu'après avoir représenté leurs titres; mais il a ajouté qu'on leur donnerait, pour cet effet, l'intervalle de six mois, depuis le Ie'janvier prochain jusqu'au !•* juillet, et qu'en outre il fût déterminé qu'aucune pension ne pût passer 12,000 livres.
Voici son projet :
« 1° Que les sommes échues en 1789 pour pensions, traitements et dépenses légitimes arriérés, continueront à, être payées ainsi que parle passé;
« 2° Qu'à compter du 1er janvier 1790, il ne sera payé aucune autre somme que celles qui sont énoncées au rapport du comité des finances, du 18 novembre dernier, et ce, seulement par provision, et en attendant qu'il soit fait, sur les différentes parties, la réduction dont elles seront susceptibles;
3° Que toutes pensions, dons, traitements, gratifications, même ceux decesobjets qui seraient compris dans la dépense de quelques-uns des départements, dont l'état est annexé au rapport du comité des finances, les pensions sur la cassette du Roi exceptées, ne seront payés, pour ce
qui échoira, à compter du lw janvier 1790, qu'à commencer du 1er juillet suivant pour les six premiers mois de ladite année, pendant lequel temps desdits six premiers mois 1790, toutes les personnes qui auront des pensions, traitements, etc., présenteront leurs titres pour être vus, visés ou approuvés, réduits ou supprimés, s'il y a liêu ;
« 4° Que dans la séance du 2 janvier prochain, le comité des finances présentera un projet de règles, d'après lesquelles les pensions, traitements, dons, etc., doivent être vérifiés et jugés, et que, dans la même séance, il rendra compte de l'exécution du décret du 28 novembre dernier sur l'état des recherches faites sur l'abus des finances et des pièces qui ont dû lui être remises en exécution de ce décret. »
L'Assemblée applaudit vivement et témoigne qu'elle partage le sentiment de l'orateur.
La discussion de cette motion est ajournée à lundi, 2 heures.
Je consulte l'Assemblée sur une signature qui vient de m'être demandée pour attester que deux membres, qui ont signe un imprimé portant un avis du comité des rapports, sont bien membres de ce comité.
Les habitants de Bélesme ont dénoncé l'intendant d'Alençon et son subdélégué, le sieur Bayard de La Vingtrie ; le comité des recherches a déclaré qu'il n'y avait lieu à délibérer. La même demande a été introduite ensuite au comité des rapports et y a été jugée de la même façon. C'est sans doute pour notifier cette décision que la demande de signature a eu lieu. Je crois que dans de pareilles circonstances un comité n'a pas le droit de déclarer seul qu'il n'y a pas lieu de délibérer, sans que l'Assemblée soit appelée à se prononcer. Au surplus, je suis chargé du rapport de l'affaire de Bélesme et j'en demande l'ajournement à lundi.
La question qui vient de se produire ne peut être résolue que par un décret et je propose le suivant :
« Aucun des comités de l'Assemblée nationale ne pourra rendre public son avis, mais il sera tenu (dans tous les cas) de consulter l'Assemblée, qui, seule, pourra arrêter le parti qu'il conviendra de prendre. »
(Ce décret est mis aux voix et adopté.) -
Je demande qu'il soit défendu aux comités de renvoyer directement au pouvoir exécutif sans un prononcé de l'Assemblée.
(Cette motion n'est pas appuyée.)-V
demande que la pièce dont il vient d'être question soit rapportée sur le bureau ou au secrétariat et que si elle ne l'est pas dans le jour, M. le président écrive à Bélesme pour déclarer que cette pièce n'est pas un décret de l'Assemblée.
La motion est mise aux voix et adoptée.
"lève la séance après avoir indiqué celle de lundi pour 9 heures 1/2 du matin.
présidence dé m. démeunier.
Séance du
La séance commence par la lecture du procès-verbal de celle du samedi 26 de ce mois, quand on en est à l'article concernant l'affaire de Bé-lesme, M. le président dit qu'en conformité de la première partie du décret du 26, on lui a rapporté l'acte émané du comité des rapports au sujet de cette affaire; au moyen de quoi il est arrêté que la seconde partie du même décret n'aura aucune exécution.
, député du Perche, demande que le comité fasse incessamment le rapport de l'affaire de Bélesme; qu'il était d'autant plus instant de la terminer, qu'un grand nombre de personnes distinguées étaient dans les liens de différents décrets, à la suite des ruses et des artifices employés dans cette affaire, dont il demande à rendre compte sur-le-champ à l'Assemblée.
, membre du comité de3 rapports, qui a rapporté l'acte dont il s'agit, demande à répondre; mais comme il allait en résulter une discussion étendue, l'Assemblée renvoie au lendemain les développements de cette affaire.
On fait ensuite lecture de diverses adresses et délibération ; savoir :
Adresse des religieux minimes de la ville de Roanne en Lyonnais, qui, à l'exemple de leurs confrères de Lyon, abandonnent avec joie à la nation la disposition de leurs biens et de leurs personnes, et se soumettent d'avance, avec la plus grande confiance, à tout ce qu'il plaira à ses augustes représentants de statuer à leur égard.
Adresse des religieux bénédictins de l'abbaye de Saint-Savin en Lavedan, qui exposent, d'une manière aussi noble que touchante, les motifs sur lesquels ils se fondent pour demander, en cas de suppression, une pension viagère de 1,800 livres, et l'habileté à posséder les bénéfices-cures et à remplir les chaires de l'enseignement public avec la moitié seulement des honoraires attachés aux dites places.
Adresse de félicitations, remerclments et adhésion de la communauté de Saint-Julien-Molin-Molette en Forez. Les anciens tailliables font le don patriotique de tout reversement à leur profit du supplément d'impôts de la présente année à payer par les ci-devant privilégiés.
Adresse des juge et .consuls de la bourse commune des marchands delà ville de Montauban, qui, vivement pénétrés des malheurs dont la Martinique a été menacée par l'insurrection des nègres, expriment les alarmes des négociants et dés propriétaires des fonds de cette ville. Ils supplient l'Assemblée de prendre les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour rétablir Je calme dans nos colonies, et pour assurer la tranquillité et la prospérité du commerce.
Adresse de la ville de Melle en Poitou; elle demande d'être un chef-lieu de département.
Adresse du même genre des Provinciaux habitants de la Roche-sur-Yon, en Bas-Poitou; ils
font hommage à la nation des privilèges et exemptions dont leurs prédécesseurs ont joui.
Adresse du même genre de la ville de Cosignac en Provence; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Délibération de la commune d'Hulluin en Picardie, par laquelle elle applique au soulagement des pauvres la somme provenant des contributions des ci-devant privilégiés, pour les 6 derniers mois de.cette année: elle ose se flatter que l'Assemblée nationale daignera approuver cette délibération faite par une commune attachée avec ardeur à la nouvelle constitution française, à la personne de son excellent Roi, et à l'observation des lois.
Adresse de félicitations, remerclments et adhésion de la ville de Varennes-sur-Allier en Bourbonnais ; elle s'engage de payer exactement les impôts ; elle exprime le vœu qu'ils soient réduits à un seul, qu'il y ait une cour supérieure dans chaque 'département, et qu'elle soit le chef-lieu d'un district. Les habitants de cette ville finissent par protester qu'ils sacrifieront leurs biens et leur vie plutôt que de laisser échapper la précieuse liberté qu'ils doivent au Roi et à l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la ville de Mont-marsan eh Bourbonnais ; elle demande d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice, royale.
- Adresse du même genre de l'assemblée générale des habitants du bourg de Marcenat en Auvergne, et de sept paroisses limitrophes ; ils adhèrent notamment au décret concernant la contribution patriotique, et demandent l'établissement d'une cour souveraine dans la ville de Clermont-Ferrand, et d'Une assemblée de district dans ledit bourg.
Adresse du même genre de la ville de Château-Renard et de douze paroisses circonvoisines ; elles déclarent traîtres au Roi et à la nation tous ceux qui se permettraient de mal parler de l'Assemblée nationale, et qui de plus refuseraient d'obéir à ses décrets acceptés ou sanctionnés par le Roi, ou chercheraient à les discréditer ; elles demandent l'établissement d'une cour souveraine et d'une assemblée de département dans la ville de Mon-targis, celui d'une assemblée de district dans la ville de Château-Renard, et la conservation de son bailliage royal.
Délibération de la ville de Dinan en Bretagne, contenant l'expression d'une soumission parfaite à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et de son indignation contre la conduite de la chambre des vacations du parlement de Rennes.
Adresse de .neuf paroisses composant le comité de Berneuil près de Barbezieux en Saintonge, qui adhèrent, de la manière la plus formelle, aux décrets de l'Assemblée nationale, et veulent en adopter sans réserve toutes les opérations ; elles expriment de plus leur vœu pour rester toujours unies à la Saintonge, et que la ville de Saintes soit fixée pour chef-lieu ae département.
Adresse des officiers municipaux du bourg de Saint-Silvain près de Caen, qui renoncent, en faveur de la patrie, à leur part contingente dans la
taxe des privilégiés pour les six derniers mois de la présente année
Adresse de la ville de Saint-Pé en Bigorre, qui demande la conservation de la communauté des religieux de Saint-Maur, qui est dans ladite ville; et que partie des revenus de ce monastère, qui ont été transportés pour servir de dotation au collège de Pau depuis quelques années, ne soient pas dorénavant distraits de ladite communauté en faveur d'un collège absolument étranger à la province de Bigorre.
Adresse de l'Assemblée générale des habitants de la ville de Besse en Auvergne. Us renouvellent leur adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. Ils font don à la patrie du montant des impositions réparties sur les ci-devant privilégiés dans leur collecte pour 1789, et ils demandent que leur ville soit choisie pour centre du district pour l'administration et la justice.
, député du bailliage de Melun, lit en particulier une adresse de la communauté d'Audrezelle, contenant la remise au profit de l'Etat, de la portion de la taille que doivent supporter les privilégiés pour les six derniers mois de 1789, et pour l'année entière de 1790, et en outre l'offre d'un don patriotique de la somme de 1,174 livres 12 sous de la part du cûré, des laboureurs miliciens, des manouvriers, des veuves et aritres pauvres habitants du même lieu ; l'Assemblée Charge son président d'écrire à cette communauté, pour lui témoigner sa satisfaction.
Adresse des communautés de Bourg-lès-Valencé en Dauphiné, et de Saint-Andéol-la-Valla en Forez, Contenant la remise au profit de l'Etat de la portion de taille que doivent supporter les privilégiés pour les six derniers mois de 1789, et offre de 1,200 livres de don patriotique de la part des habitants dudit Saint-Andéol, en cas que le partage des communaux ait lieu dans ladite paroisse ainsi qu'il a été arrêté en 1787.
Offre de don patriotique de la part du sieur d'Arr&s, prévôt d'Essoyes en Champagne ; ledit don patriotique consistant dans la finance de son office de 2,700 livres, finance qui excède très-eonsidérablement le quart des jouissances du sieur d'Arras,
Offre par le sieur l'Air de Vauxelles de trois sommes différentes pour prix à remettre aux boUlahgers dé Paris : le premier, d'une somme de 300 livres pour le boulanger qui aura fait arriver le plus de grains et farines tirées des provinces sises au delà des quinze lieues d'arrondissement qui environnent Paris ;
Les déUx autres prix de 200 livres et de 100 livres pour les boulangers qui auront cul le plus de pain suivant une méthode nouvelle, dont l'indication est contenue dans un mémoire annexé, et qui sera déposé au comité d'agriculture et de commerce.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Verdun-sUr-Garonne ; elle demande l'établissément dans sou enceinte d'une assemblée de district et d'un tribunal secondaire.
Adresse de la municipalité de Ris près de Cla-meçy en Nivernais, contenant la déclaration des biens ecclésiastiques et du revenu du curé de la paroisse. Les hautes espérances que font concevoir aux habitants les glorieux travaux de l'Assemblée natiôpale les consolent des ïhaux qu'une extrême pauvreté leur fait essuyer.
Adresse des religieuses de Sainte-Claire de la ville de ïféraej qui adhèrent avec joie à tout ce que l'Assemblée nationale Ordonnera deiedrsbrt;
elles font le don patriotique des rentes de la somme de 16,000 livres, qu'elles ont placée sur le Trésor royal, et portent plainte contre le comité de la ville de la Plume, qui a fait arrêter du bois de charpente qu èlles avaient acheté pour faire des réparations,et queloues arbres qu'elles avaient fait couper dans leurs biens, à cette même fin. Elles implorent la justice de l'Assemblée pour obtenir la possession paisible de leurs biens pendant tout le temps qu elle jugera à propos de leur en laisser la jouissance,
, cure de Couvignon, député de Chau-moni, présente à l'Assemblée, au nom des curés, marguiliers. et paroissiens de l'église de Saint-Pierre de la ville de Bar-sur-Aube, un don patriotique de la valeur de 2,594 livres 15 sols, à quoi ont été évalués les 48 marcs 4 onces d'argent que présentent les différents meubles dont ils ont privé l'autel de leur église pour enrichir la caisse patriotique et subvenir aux besoins pressants de l'Etat.
L'honorable membre est assisté des sieurs Pierre Marcelin, Henri Fréjacques, Jean-Baptiste Pillard et Joseph Haumoht, tous quatre enfants de citoyens de ladite ville, faisant leur cours d'études en cette capitale, qui, après avoir recueilli les applaudissements de l'Assemblée, ont été admis à 1 honneur d'assister à la séance,
annonce que M. dé Comey-ras, avocat, fait un hommage a l'Assemblée d'un ouvrage sur la législation et que M. Thierry, docteur en médecine, fait pareillement hommage de deux brochures, l'une intitulée : «le vœu d'un patriote êur la médecine de France. » L'autre : « La vie de l'homme respectée et défendue dans ses derniers moments, ou, instruction sur les soins que F on doit aux morts. »
fait donner lecture de l'adresse suivante des religieuses Carmélites de France de la réforme de Sainte-Thérèse (1) î
Nosseigneurs, nous demandions à Dieu le succès de vos travaux, la conservation du Roi et la prospérité de la France, lorsqu'on est venu nous signifier que, dans toutes les communautés des deux sexes, vous aviez suspendu l'émission des Vœux. Il ne nous appartient pas de juger les motifs qui vous ont fait prononcer cette suspension ; les termes du décret noUs font espérer qu'elle ne sera que passagère; et en attendant que votre sagesse la révoque, notre devoir est de nous y conformer. -
Mais on veut nous persuader que la destruction de plusieurs maisons religieuses entre dans le projet de l'Assemblée nationale, ét que, malgré tout ce qu'un pareil projet a d'alarmant pour le repos des Cloîtres et la tranquillité des familles, l'effet en est plus prochain que nous ne pensons.
Serait-ii possible, Nosseigneurs, que des établissements, dont les uns sont si favorables à
la religion par la charité, les autres sont si favorables au sexe par l'édUcation, tous si
utiles à l'innocence pjr la retraite, fussent irrévocablement proscrits ! Aurions-nous à
craindre qu'un ordre qui, dans tous ïeg témps; a mérité la protection des souverains,
l'estime des peuples, fa reconnaissance de tant d'individus, nit voué à une réduction
désastreuse? et fouffrirez^-vpus qu'une maison* où, en refusant toute distinction»
Les richesses des carmélites n'ont jamais tenté la cupidité ; leurs besoins n'importunent pas la bienfaisance : notre fortune est cette pauvreté évangélique qui, en acquittant toutes les charges de la société, trouve encore moyen d'aider les malheureux, de secourir la patrie, et nous rend partout heureuses de nos privations.
La liberté la plus entière préside à nos vœux, l'égalité la plus parfaite règne dans nos maison : nous ne connaissons ici m riches ni nobles, et nous n'y dépendons que de la loi.
Comment un état qui offre sans cesse des secours'au besoin, des asiles à la vertu, des soutiens à la faiblesse, serait-il réprouvé par une Assemblée qui a pris sous sa protection l'homme vertueux, lés' mœurs publiques et le citoyen indigent?
Daignez vous informer, Nosseigneurs, de la vie qu'on mène dans toutes les communautés de notre ordre; n'en Croyez ni les préventions de la multitude ni les craintes de l'humanité. On aime à publier dans le monde que les monastères n'enferment que des victimes lentement consumées par les regrets; mais nous protestons devant Dieu, que s'il est sur la terre une véritable félicité, nous en jouissons à l'ombre du sanctuaire; et que s'il fallait encore opter entre le siècle et le cloître, il n'est aucune de nous qui ne ratifiât avec plus de joie encore son premier choix.
Vous n'avez point-oublié, Nosseigneurs, que les contrées du Canada ayant passé de la domination française à celle d'une puissance qui professe une religion différente de la nôtre, leurs nouveaux souverains non-seulement ont respecté, mais protégé tous les ordres qu'ils y ont trouvés établis.
Pourrions-nous ne pas attendre de la justice d'une Assemblée protectrice, ce que nos frères et nos sœurs obtinrent de la générosité d'un peuple victorieux! Tandis que vous travaillez avec tant de zèle au bonheur public, voudriez-vous répandre parmi nous une consternation générale ? et après avoir solennellement déclaré que l'homme est libre, nous obligerez-vous à penser que nous ne le sommes plus?
Non, vous ne nous arracherez pas de force à ces retraites où nous trouvons la source de toutes les consolations; vous les rouvrirez, et à la piété, qui y apporte une vocation éprouvée, et à l'infortune à qui elles offrent un asile décent : vous vous souviendrez de ces respectables étrangères qui, avec autant de confiance que de consolation, sont venues y chercher un port assuré chez une nation hospitalière, et vous penserez que des citoyennes qui, sous la protection des lois, se sont volontairement engagées dans un état qui fait le bonheur de leur vie, réclament de tous les droits, le plus inviolable, quand elles vous conjurent de les y laisser mourir en paix.
C'est au nom de toutes nos sœurs, dont les monastères sont répandus dans les différentes contrées du royaume, que nous avons, Nosseigneurs, l'honneur de mettre à vos pieds cette ^dresse. Chacune a signé, et aurait voulu le faire de son sang, qu'elle préférerait mille morts à un changement d'état qui ferait son martyre. Les témoignages de leur fidélité sont entre les mains d'un membre 4e votre auguste Assemblée, qui
vous les produira, lorsque vous l'ordonnerez (1). Nous osons le dire avec elles, et dans le plus grand concert; nous regarderions comme l'oppression la plus injuste et la plus cruelle celte qui troublerait des asiles que nous avons toujours regardés comme sûrs et inviolables.
Nous sommes avec un profond respect, Nosseigneurs,
Vos très-humbles et très-obéissantes servantes :
Sœur Nathalie de Jésus, prieure des carmélites, rue de Grenelle; Sœur Marie Louise de Gonzague, prieure des carmélites de la rue Saint-Jacques ; sœur Dorothée de Jésus, prieure des carmélites de Saint-Denis en France; sœur Thérèse du Saint-Esprit, prieure des carmélites de la rue Chapon.
fait l'annonce de diverses lëttres.
, député du bailliage de Rouen, demande la permission de s'absenter jusqu'à ce que sa santé soit rétablie. Cette demande est accordée.
, député de Carcassonne, demande que l'Assemblée veuille bien accepter sa démission, en cas que sa santé ne se rétablisse pas, et admettre M. le comte de Rochegude, son suppléant.
, député du bailliage de Caux, demande un congé de quelques jours pour affaires pressantes. Le congé est accordé.
Le bourg royal de Fontainebleau, envoie une adresse de dévouement qui est présentée par M. Giot, procureur syndic municipal, spécialement député à cet effet. Cette adresse est'ainsi conçue (2)
Nosseigneurs, si après vous avoir présenté une adresse de la plus entière et la plus respectueuse adhésion à tous vos décrets, les habitants de Fontainebleau font encore retentir leur voix auprès de vous ; ce n'est pas que leur dévouement pour le bien de la cause commune, et leur soumission à l'exécution de vos lois, ait souffert dans leur cœur la plus légère altération; non, sans doute, et ils se feront toujours un glorieux devoir de souscrire à ce que vous aurez réglé dans votre sagesse, pour la restauration de l'Etat que vous représentez si dignement.
Mais, Nosseigneurs, c'est par qne suite de leur extrême confiance dans la justice qui ne cesse de vous diriger, qu'ils osent prendre la respectueuse liberté d'intéresser votre impartiale équité en faveur de leur cause qu'ils ne craignent pas de dire particulière à celle de toutes les communes du royaume.
Par le mémoire qu'elle a eu l'honneur de vous présenter le 24 de ce mois, la commune de
Fontainebleau vous à offert un aperçu des obstacles multipliés qui s'opposent impérieusement
aux efforts du zèle dont elle brûle pour coopérer à la libération des dettes de l'Etat; elle
n'a emprunté que le langage de la vérité, en vous disant que, loin de lui être avantageuse,
sa situation locale lui était notoirement préju-
1° Revenu annuel du bourg royal de Fontainebleau.
Le revenu annuel du bourg royal de Fontainebleau consiste seulement dans un octroi de 5 sols par pièce de vin, qui se vend sur l'étape; on peut l'évaluer, année commune, à trois mille livres
environ, ci.......................
Il existe, en outre, une autre espèce de revenu, mais purement éventuel, puisqu'il ne peut avoir lieu que lors des grands voyages de Sa Majesté ; il consiste en un droit de 2 sols par toise de maisons et hôtels, et peut faire un objet de trois mille livres, ci.......
3,000 liv.
3,000
Total............... 6,000 liv.
Ce dernier article pourrait valablement être rangé parmi les charges, puisque les habitants seuls en supportent le prélèvement que, joint aux logements dits Craies qu'ils sont obligés de fournir gratuitement, l'on peut considérer comme une espèce de compensation d'une partie du bénéfice qu'ils retirent de la location de leurs maisons pendant ce temps.
2° impositions.
Le tableau des impositions présente un total infiniment plus considérable : la communauté des habitants n'en murmure point ; elle est seulement touchée sensiblement d'être forcée d'avouer son impuissance de subvenir au payement de nouvelles et plus fortes taxes.
Vingtièmes.
Le prélèvement annuel des vingtièmes sur les maisons à Fontainebleau, doit faire un objet de vingt-deux mille cent quarante livres cinq sols,
ci.......................... £2,140 liv. 5-S;
Capitation.:
Le montant de la capitation et deniers pour livres est de huit mille sept cent quatre-vingt-quatre livres, ci........ 8,784
Corvée.
La prestation en argent pour la corvée est de dix-sept cent quatre-vingt-deux livres, ci...
Taille.
1,782
Enfin, la taille est de quatre
cent vingt quatre livres, ci.... 424
Total aes impositions annuelles, trente-trois mille cent trente —:— livres cinq sols, ci........................33,130 liv.
Sur laquelle somme la justice du Roi, instruite de la détresse de Fontainebleau, accorde aux habitants une décharge d'environ 5,000 livres sur les vingtièmes, pour raison de maisons vacantes, a-u nombre de plus de 400 ; mais cette faveur n'a lieu que lorsque Sa Majesté vient en grand voyage.
Quelque soulagement qu'il semble devoir en résulter pour la commune, elle peut cependant prouver que l'exiguité de ses moyens fait forcément supporter au prélèvement de la capitation, taille, etc., une non-valeur annuelle de 600 livres.
3° charges réelles.
1° L'éclairage, cet objet d'absolue nécessité, présente une dépense annuelle d'environ douze cents livres, ci.....................................1,200 11v.
2° Surcroît de charge toujours existante sur le prix du pain, pouvant faire un capital annuel de dix-huit mille deux cent cinquante livres, ci. 18,250
Il est inutile de répéter que c'est absolument une charge gratuite pour les habitants, et que la position du Bourg sur un terrain aride et non productif la leur nécessite, en les forçant de tirer du dehors les grains, ainsi que tous les objets de nécessité qu'ils ne se procurent qu'à gros frais.
La commune croit en outre pouvoir ici représenter que, pour maintenir l'ordre public, et assurer sans troubles les effets de la révolution, elle a été, depuis le 20 juillet dernier, obligée à une dépense extraordinaire de trois mille livres, ci...... 3,000
Total des charges, vingt-deux mille-
quatre cent cinquante livres....... 22,450 liv.
A la vérité, le dernier objet pourra ne pas se perpétuer au même taux; cependant la nouvelle organisation entraînera toujours des frais inévitables, et que l'on ne peut encore apprécier.
RÉCAPITULATION.
mpQsitions de diverses natures, ci... Charges
réelles......
Revenu effectif........
R e v e nu éventuel.....
33,130 liv. 5 s. 22,450 3,000
55,580 liv. 5 s.
6,000
3,000
D'où il résulte que les . charges
excèdent le revenu de......... 49,580 liv. 5s.
et en y joignant les 3,900 livres de revenu accidentel, seulement pendant les' voyages de la cour, cet objet doit venir d'autant à l'accroissement des charges, ne produisant point une augmentation de bénéfice.
Après avoir prouvé combien son revenu est inférieur à ses charges, il convient que la commune fasse connaître , l'impossibilité absolue dans laquelle elle serait de subvenir à l'acquittement de nouvelles impositions que le département intermédiaire de Melun voudrait lui faire supporter, fondé sur la proclamation du Roi, du 16 octobre dernier, qui renvoie à la déclaration de Sa Majesté, du 11 août 1776, concernant la répartition de la taille dans la généralité de Paris.
D'après un calcul approximatif, le nouveau mode d'impositions sous la dénomination d'imposition réelle, imposition personnelle, imposition accessoire, capitàtion accessoire et corvée, les habitants de Fontainebleau se trouveraient chargés en plus d'une taxe excédant 50,000 livres.
C'est sur cet objet important que la communauté des habitants réclame la justice de Nosseigneurs, en leur exposant qu'étant notoirement hors d'état de payer une charge annuelle de 33,100 liv. 5 s., il est évident qu'elle ne saurait en acquitter une de 83,130 liv. 5 s.
Les habitants vous supplient de reconnaître la preuve de leur extrême détresse dans la modération de leur taille imposée à 424 livres : oui, Nosseigneurs, c'est avec reconnaissance et sensibilité qu'ils déclarent en être redevables uniquement à la bonté et à la justice de notre auguste monarque qui, pénétré de la gêne extrême de la fortune des habitants, a daigné leur prouver l'intérêt qu'il prend aux infortunés, en leur confirmant la jouissance des indemnités qui, selon les mêmes principes d'équité, leur ont été accordées par les rois prédécesseurs' de Sa Majesté, depuis le mois de février l'662.
Les lettres patentes du mois de décembre 1781, registrées en la Chambre des comptes le 20 février et en la Cour des aide3 le 14 mai 1782, s'expriment ainsi: « Confirmons pareillement lesdits habitants du bourg et paroisse de Fontainebleau dans les privilèges à eux accordés relativement à la perception de la taille ; voulons néanmoins que l'abonnement de ladite imposition, par eux ci-devant payée sur le pied de 200 livres par année, soit a l'avenir et pareillement par année acquitté sur le pied de 400 livres, quoi faisant lesaits habitants seront et demeureront à perpétuité exempts de toutes tailles et crues y jointes et généralement de toutes impositions et subsides. Faisons très-expresses inhibitions et défenses aux officiers de l'election, et à tous autres, d'exiger desdits habitants aucune autre somme que ladite somme de 400 livres. »
Quelque formellement que s^ soit manifestée la volonté du Roi, les habitants de Fontainebleau ne s'en prémunissent pas contre les décrets du sénat national.
Pauvres et suppliants, ils exposent humblement leur état, et font des efforts pour prouver à Nosseigneurs, que ce n'est point a titre de privilège que Sa Majesté leur a donné une marque aussi sensible de sa bienfaisance, mais bien à titre de pure indemnité, d'après la parfaite connaissance qu'elle avait de l'exiguïté de leurs facultés. La privation des voyages de la cour leur rend en effet leur existence infiniment précaire; ces. voyages seuls fournissent à Fontainebleau des moyens de subsister, puisque tout son avoir et toutes ses facultés se rapportent directement ou indirectement au service de la cour: mais aussi tout devient charge pour lui, quand ils manquent, ce qui n'arrive que trop souvent et depuis trop longtemps,
C'est encore d'après l'impulsion de leurs cœurs reconnaissants, Nosseigneurs, que les habitants de Fontainebleau croient devoir vous faire connaître que, loin de pouvoir tirer de leur propre fonds pour l'acquittement de nouvelles charges c'est également à la bonté paternelle de Sa Majesté a laquelle ils ont été forcés de recourir, qu'ils doivent d'avoir pourvu depuis longtemps à la subsistance d'un nombre considérable d'individus, leurs concitoyens réduits à la plus extrême détresse par le manque de voyages de Sa Majesté, qui font leur unique ressource, et encore par la fatalité inévitable des circonstances qui influent sur eux plus sensiblement que partout ailleurs.
Oui, Nosseigneurs, indépendamment d'une somme annelle de 6,000 livres que le gouvernement destine au soulagement de Fontainebleau, le Roi, père justement chéri de ses sujets, s'est fait une douce jouissance de verser depuis un an sur la classe indigente et nombreuse des habitants de ce bourg une somme de 18,000 livres.
Ses bienfaits pour les hôpitaux n'ont pas été moindres, et ils ont reçu les secours habituels,
Quelque considérable que paraisse cette ressource, jointe aux cotisations de bienfaisance du très-petit nombre de personnes en état de faire des sacrifices, elle n'eût cependant pas suffi, si Sa Majesté n'avait encore donné pour 3,700 livres de riz.
Après de pareilles et si positives attestations de détresse, est-il besoin d'une nouvelle preuve de l'épuisement, ou plutôt du néant des ressources des habitants et de la juste bienfaisance du Roi?
La commune s'empresse de vous la procurer, Nosseigneurs : elle se trouve dans la perte considérable que le gouvernement, instruit de la véritable position de Fontainebleau, vient de se décider à essuyer sur la vente des grains qu'il a procurés depuis six mois pour la subsistance du bourg ; cette ressource seule a été inappréciable pour les habitants.
D'après cet exposé trop vrai de, leur extrême gêne, les habitants de Fontainebleau seraient-ils assez malheureux pour ne pas exciter votre intérêt?
Non, ils ne sauraient se persuader Nosseigneurs, qu'une population de plus de 8,000 âmes, qui n'existe depuis longtemps que par les bontés du Roi, et qui, sans les voyages infiniment rares de Sa Majesté, se trouve sans aucune ressource, et comme isolée au milieu de ses murs, né ressente pas l'influence de votre bonté et de votre justice et,ne fixe pas au moins un moment votre attention bienfaisante.
Aux puissantes considérations déjà établies en leur faveur, ils vous supplient de joindre celle que, loin de leur être profitables les vastes bâtiments de leurs bourgs (sur la valeur desquels doit être faite Vassiètte des nouvelles impositions) leur produisant des charges énormes et sans cesse renaissantes de réparations et reconstructions, sans parler de l'ameublement, objet purement et uniquement de spéculation pour le3 voyages de la cour, mais évidemment ruineux par le défaut de ces mêmes voyages, et lés frais d'entretien qu'ils nécessitent.
Vous pouvez préjuger, Nosseigneurs, combien est immense et leur fait de tort le Vide qu'éprouvent leurs bâtiments, lorsque vous saurez que les voyages de la cour, qui seuls peuvent rétablir l'équilibre, et non l'aisance dans leur fortune, produisent une augmentation de population calculée de 15 à 18,000 personne^ auxquelles ils fournissent le logement. Cette ressource détruite, que leur restera-t-il? des charges.
Il serait encore une infinité de tnoyens puissants que la détresse de Fontainebleau pourrait vous présenter pour intéresser votre humanité; mais, Nosseigneurs, confiants dans votre justice, les habitants se persuadent que la loi que vous avez sagement portée contré les privilégiés ne sera point pour eux l'ordre et la nécessité de la misère la plus absolue, en les confondant dans la classe des véritables privilégiés. Ah! ce n'est point à ce titre qu'ils vous adressent leurs vœux et leurs suppliques respectueuses. Quels autres privilèges en effet lîur seront propres que ceux acquis à l'indigence sut des cœurs sensibles, qui se ront une loi inviolable de la justice et dé l'humanité?
Ils mettent donc tout leur bonheur à espérer qu'en appréciant leurs trop justes réclamations, dans lesquelles ils se gardent bien de tenter votre bienfaisance pour le petit nombre de Véritables privilégiés que renferme leur bourg, ét auxquels seul la fortune permet de donner des preuves effectives de patriotisme, vous daignerez faire transmettre à MM. les dépUtés du bureau intermédiaire de Melun vos dispositions à l'égard dé la classe nombreuse presque toute infortunée des habitants, relativement au nouveau mode d'impositions, qui, s'il était exécuté sans modifications, ferait leur désespoir en achevant leur ruine.
Ils croient superflu de vous répéter ici que, tels réunis que soient les efforts de leur dévouement et de leur patriotisme, s'ils ne peuvent constamment, d'après la déclaration dés receveurs, compléter le payement d'une charge annuelle de 33,130 liv. 5 s., il n'est que trop évident qu'ils ne sauraient en acquitter une de 83,130 liv. 5 s.
G'est donc l'ordre de la continuité de l'ancienne fixation qu'ils sollicitent de votre justice, et ils osent espérer qu'ils trouveront d'autant moins de difficultés à l'obtenir, que le commissaire lui-même, préposé à l'assiette des nouvelles impositions, par sa lettre au comité municipal, en date du 19 décembre, ne craint par de dire qu'il est autorisé par MM. de la commission intermédiaire à avancer que, « touchés de la position où se trouvent la plus grande partie des habitants de Fontainebleau, ils ne permettront point que leurs maux soient aggravés par un accroissement d'impôts ; ils feront, au contraire, tont ce qui dépendra d'eux pour les soulager, etc. »
Cette pbrase seule suffit sans doute pour confirmer la vérité de l'exposé des habitants, et pour
porter le calme dans leur âme, puisqu'elle leur, apprend que leurs maux connus doivent être soulagés ; aussi, Nosseigneurs, la commune, jalouse de vous devoir autant qu'aux bontés de Sa Majesté, fonde-t-elle toutes ses espérances sur les principes sacrés de votre équité, qui ne vous a jamais portés à vouloir ce qui, loin d'être d'une exécution possible, achèverait d'écraser des citoyens, vos frères et les étemels et respectueux admirateurs de vos vertus, comme ils_ seront à jamais reconnaissants de l'acte de justicè et d'humanité auquel ils devront le bonheur, et, pour ainsi dire, l'existence.
Par mandement exprès de la commune du bourg royal de Fontainebleau,
Giot,
procureur-syndiQ municipal et député particulier à l'Assemblée nationale,
lit une lettre par laquelle M. d'Albert de Rioms, arrivé à Paris, demande à être reçu à la barre de l'Assemblée pour y rendre compte de sa conduite.
Je demande avant tout que l'affiure de Toulon soit mise à l'ordre du jour.
M. d'Albert de Rioms ne peut être entendu qu'après le dépôt du rapport sur cette affaire.
M. d'Albert de Rioms est empressé plus que personne de répondre au voeu de l'Assemblée et de donner les renseignements les plus exacts sur toute sa conduite ; jl est prêt à répondre à toutes les accusations qui ont été portées contre lui.
Je suis bien éloigné d'empêcher M. dë Rioms d'être entendu, mais il me semble que nous ne devons pas établir une discussion entre les parties surtout darfs une affaire d'une naturë aussi active et aussi forte : je crois qu'il faut déclarer qu'il n'y a lieu â délibérer.
M. d'Albert .a déjà fait distribuer à l'Assemblée un mémoire justificatif; ainsi il a été entendu.
Vous avez admis à la barre le procureur du Roi de Falaise et vous l'avez entendu dans sa propre affaire. Vous ne pouvez avoir deux poids et (feux mesures.
Afin de ne pas interrompre l'ordre de vos travaux, je propose de renvoyer cette affaire à deux heures.
L'Assemblée renvoie cette affaire à deux heures après le rapport du comité.
fajt lecture d'une lettre écrite par les citoyeqg de la ville de tiennes à laquelle est jointe une adresse contenant des détails sur le refus qu'a fait la chambre des vacations du parlement de Bretagne de rendre la justice : elle est terminée par la demande de nommer incessamment des officiers pour remplir les fonctions de cette chambre, au cas que ceux qui seront pris dans le parlement pour les remplacer ne voulussent pas satisfaire à ce devoir.
fait aussi lecture d'une lettre de M. de Talhouet, président au même parlement de Rennes, dans laquelle il prie l'Assemblée de remarquer que jamais il n'a participé au refus qu'a fait la chambre des vacations ; que toujours il a manifesté son vœù d'obéir à tous les décrets de l'Assemblée ; il la supplie de ne pas le comprendre dans le mandat à la barre qu'elle a ordonné et de Vouloir bien le dispenser ae faire un voyage à çe sujet»
M. le président de Talhouet est lé seul qui ait résisté à la coalition des membres du parlement : il a déposé chez un notaire une déclaration formelle à ce sujet.
L'Assemblée décide que M. le président se retirera devers le Roi pour lui annoncer que l'Assemblée n'a point compris dans le mandat à la barre M. le président de Talhouet et pour prier Sa Majesté de ne donner aucun ordre pour lui faire faire un voyage à ce sujet.
M. le président annonce qu'il a présenté au Roi le décret du 26 de ce mois, relatif à la contribution patriotique, et que Sa Majesté lui a répondu qu'elle le prendrait en considération. Il a en même temps annoncé que le garde des sceaux venait de lui envoyer une expédition en forme, pour être déposée aux archives, des lettres patentes sur le décret concernant les municipalités, et sur celui çlu 24 de ce mois, concernant les non catholiques; plus, un mémoire contenant une réclamation du prince de Linange, propriétaire du comté de Daho, relativement 4 l'exécution sur les terres de ce çomté, situées en Alsace, de plusieurs décrèts de l'Assemblée. Ce mémoire a été renvoyé au comité féodal.
On annonce le maire de Paris, et une députa-tion de la commune de cette ville. L'entrée à la barre ayant été permise, M. de Maissemv, président des représentants de la commune ae Paris, en l'absence du maire, indisposé dans cet instant, prononce un discours, qu'il dépose ensuite sur le bureau, avec les pouvoirs dont il est porteur. La députation est composée des personnes dont les noms sont ci-après ;
MM. De Maissemy, président, De Condorcet, Desessarts, Fauchet,
Thuriot de la Rozière,
Ameilhon,
Robin,
Ravault,
Vermeil,
De Blanc-Manre.
La pétition de la commune de Paris a pour objet de faire partie d'un grand département : elle s'est fondée sur les raisons relatives aux subsistances qui exigent un lien de la capitale avec ses Voisins : elle a été terminée par la déclaration de la commune, que l'Assemblée, quelle que fût sa décision, pouvait compter sur sa reconnaissance et son entière soumission.
répond :
« La nouvelle division du royaume aura une telle influence sur la liberté publique et la prospérité de l'Etat, que c'est pour les représentants ae la nation un devoir rigoureux de terminer bientôt cette partie importante de leurs travaux. L'Assemblée nationale prendra en considération la demande de la commune de Paris, et elle écoutera toujours avec intérêt les citoyens de la
capitale, qui ont donné des preuves si distinguées de leur patriotisme. »
Suivant l'ordre du jour, l'Assemblée doit d'abord s'occuper des articles renvoyés au comité de constitution, pour compléter le travail sur les assemblées administratives : la motion de M. Camus sur les pensions, celle de M. Treilhard sur le sort des moines, ej celle qui a pour objet l'établissement d'un comité pour la rédaction d'un plan général d'imposition.
L'Assemblée décide que les articles renvoyés au comité de constitution auront la priorité.
présente les articles renvoyés au comité de constitution.
Il développe les principes relatifs aux formes nouvelles à donner à l'administration des postes et des messageries. Le comité ne propose pas encore cet article, mais il se réserve de le présenter incessamment, rédigé d'après ces principes.
lit ensuite un article relatif aux papiers à faire remettre, et aux comptes à faire rendre aux anciennes administrations et aux intendants des province^; il est ainsi conçu :
c Les assemblées pirovmciales, les commissions intermédiaires et les intendants rendront aux administrations qui les remplaceront le compte des fonds qu'ils auront eus à leur disposition : les corps municipaux actuels rendront de même leurs comptes à ceux qui leur succéderont, et leur rémettront les papiers appartenant aux municipalités. Tous ces comptes seront rendus h. partir des derniers comptes arrêtés. »
Cet article donne lieu à plusieurs dénonciations sur des déprédations commises par les administrations des provinces et des intendants.
(de Saint-Jean-d'Angely) demande la révision des comptes depuis trente années,
l'aîné est d'avis de borner cette révision à dix ans.
propose en amendement; de décréter que les comptes des dix dernières années seront revisés par les administrateurs des départements. Dans cette obligation seront comprises les commissions intermédiaires et autres administrations.
Je demande que l'on ajoute à l'amendement : « sans préjudice du droit de poursuivre les'administrateurs "pour raison des prévarications antérieures. » Cette! clause est nécessaire et juste; car, si des motifs de convenance vous ont engagés à restreindre à dix ans l'époque de la révision des comptes, vous n'avez certainement pas voulu mettre les comptables à l'abri des poursuites que la loi autorise pendant vingt ans contre le péciilat.
Un membre. L'amendement proposé par le préopinant me paraît inutile ; il n'y a rien à ajouter à la loi qui fixe à vingt ans la prescription du crime; l'article qui vient d'ôfre adopté n'y a pas dérogé. Je demande donc la. question préalaole.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Je ne conçois pas comment l'Assemblée nationale peut craindre ae demander des comptes à d'honnêtes administrateurs et comment elle n'y soumettrait pas des déprédateurs.
Je ne crois pas qu'on puisse empêcher les peuples de demander compte de l'administration des dix dernières années et d'y comprendre les subdélégués, les intendants, les états provinciaux et les commissions intermédiaires. Je propose en conséquence de décréter que les comptes pourront être revisés au moins pour les dix dernières années, et dans cette obligation seront compris les états provinciaux et autres comptables administrateurs.
Je propose d'exempter de la révision des comptes ceux qui les ont rendus devant les communes et devant la cour des comptes.
(L'amendement de M. Garat l'aîné et de M. Kyts-potter est mis aux voix et adopté.)
propose de borner la poursuite en révision aux administrateurs actuellement vivants, de manière que leurs veuves et héritiers ne puissent être inquiétés à cet égard.
Cet amendement est décrété en ces termes :
« La poursuite en révision de comptes n'aura lieu que contre les administrateurs en personne, et non contre leurs veuves et héritiers. »
Je crois, Messieurs, qu'en admettant la proposition de M. Kytspotter, vous n'avez pas entendu soumettre à la révision les comptes arrêtés par les cours, supérieures. Mais comme il pourrait rester quelque doute à cet égard, je propose l'article suivant :
« L'Assemblée nationale excepte du précédent décret les comptes arrêtés par les cours supérieures. »
Un membre propose par amendement à cet article ces mots : « contradictoirement rendus. »
Je pense qu'on doit ajouter aux mots : i cours supérieures », ceux-ci : « et autres tribunaux compétents. »
Ces deux amendements sont mis aux voix et rejetés.
L'article proposé par M. Bouche est adopté.
La motion principale est relue et adoptée, quant au fond, à l'exception de la dernière partie, à laquelle on convient qu'il sera fait un léger changement. Les amendements y sont réunis, et le tout est décrété en ces termes :
« Les états provinciaux, assemblées provinciales, commissions intermédiaires, intendants et subdélégués, rendront aux administrations qui les remplaceront le compte des fonds dont ils ont eu la disposition, et leur remettront toutes les pièces et tous les papiers relatifs à l'administration de chaque département.
« Les corps municipaux actuels rendront de même leurs comptes à ceux qui vontleur succéder, et leur remettront tous les titres et papiers appartenant aux communautés.
« Dans les départements où il y a des trésoriers et receveurs établis parles provinces, ils rendront également leurs comptes aux nouvelles administrations.
« Les comptes des dix dernières années pourront être revisés par les administrations de département, sans que les états provinciaux, commissions intermédiaires, ni aucuns autres administrateurs puissent en être dispensés. Les poursuites ne pourront néanmoins se faire contre les héritiers et les veuves des administrateurs morts.
L'Assemblée nationale excepte du présent
décret les comptes jugés par les cours supé» rieures. »
propose un autre article qui est adopté ainsi qu'il suit :
« Dans les provinces où les officiers munici paux sont en possession d'exercer des fonctions de la juridiction contentieuse ou volontaire, ceux qui vont être élus exerceront par provision les mêmes fonctions comme par le passé, jusqu'à la nouvelle organisation de l'ordre judiciaire.
« Arrête en outre que M. le président présentera dans le jour ce décret à Sa Majesté, pour le sanctionner. »
L'Assemblée passe ensuite à son ordre du jour de deux heures.
, rapporteur du comité des rapports, commence à rendre compte de l'affaire de Toulon.
Cette lecture est interrompue par l'annonce d'une lettre de Monsieur et d'un mémoire qui y est joint.
en donne lecture, ainsi qu'il suit :
« Monsieur le président,
« La détention de M. de Favras ayant été l'occasion dé calomnies où l'on aurait voulu m'im-pliquer, et le comité dé police de la ville se trouvant en ce moment saisi de cette affaire, j'ai cru qu'il me convenait de porter à la commune de Paris une déclaration qui ne laissât aux honnêtes gens aucun des doutes qu'on avait cherché à leur inspirer. Je crois maintenant devoir informer l'Assemblée nationale de cette démarche, parce que le frère du Roi doit se préserver même d'un soupçon, et que l'affaire de M. de Favras, telle qu'on l'annonce, est trop grave pour que l'Assemblée he s'en occupe pas tôt ou tard, et pour que je ne me permette pas de lui manifester le désir que tous les détails en soient connus et publics. Je vous serai très-obligé de lire de ma part cette lettre à l'Assemblée, ainsi que le discours que je prononçai avant-hier, comme l'expression fidèle de mes sentiments les plus vrais et les plus profonds.
« Je vous prie, Monsieur le Président, d'être bien persuadé de mon affectueuse estime.
« Signé : Stanislas-Xavier. »
lit ensuite le discours annexé à cette lettre ; en voici la teneur :
« Messieurs,
« Le désir de repousser une calomnie atroce m'amène au milieu de vous. M. de Favras a été arrêté avant-hier, par ordre de votre comité des recherches, et l'on répand aujourd'hui avec affectation que j'ai de grandes liaisons avec lui. En ma qualité de citoyen de la ville de Paris, j'ai cru devoir venir vous instruire moi-même des seuls rapports sous lesquels je connais M. de Favras.
« En 1772, il est entré dans mes gardes suisses; il en est sorti en 1775, et je ne lui ai pas parlé depuis cette époque. Privé depuis plusieurs mois de la jouissance de mes revenus, inquiet sur les payements considérables que j'ai à iaire en janvier. j'ai désiré pouvoir satisfaire à mes engage-
ments, sans être à charge au Trésor public. Pour y parvenir, j'avais formé le projet d'aliéner des contrats pour la somme qui m'était nécessaire : on m'a représenté qu'il serait moins onéreux à mes finances de faire un emprunt. M. de Favras m'a été indiqué, il y,a environ quinze jours, par M. de la Châtre, comme pouvant l'effectuer par deux banquiers, MM. Schaumel et Sartorius. En conséquence, j'ai souscrit une obligation de 2 millions, somme nécessaire pour acquitter mes engagements du commencement de l'année, et pour payer ma maison; et cette affaire étant purement de finance, j'ai chargé mon trésorier de la suivre. Je n'ai point vu M. de Favras ; je ne lui ai point écrit, je n'ai eu aucune communication avec lui. Ce qu'il a fait d'ailleurs m'est parfaitement inconnu.
« Cependant, Messieurs, j'ai appris hier que Jon distribuait avec profusion dans la capitale un papier conçu en ces termes :
« Le marquis de Favras (place Royale) a été « arrêté avec madame son épouse, la nuit du « 24 au 25, pour un plan qu'il avait fait de faire « soulever 30,000 hommes, pour faire assassiner « M. de La Fayette et le maire de la ville, et en-« suite de nous couper les vivres. Monsieur, frère c du ROI, était à la tête.
« Signé : BaràUX. »
« Vous n'attendez pas de moi, sans doute, que je m'abaisse jusqu'à me justifier d'un crime aussi bas ; mais, dans un temps où les calomnies les Elus absurdes peuvent faire aisément confondre îs meilleurs citoyens avec les ennemis de la Révolution, j'ai cru, Messieurs, devoir au Roi, à vous et à moi-même, d'entrer dans tous les détails que vous venez d'entendre, afin que l'opinion publique ne puisse rester un seul instant incertaine. Quant à mes opinions personnelles, j'en parlerai avec confiance à mes concitoyens. Depuis le jour où, dans la seconde Assemblée des notables, je me déclarai sur la question fondamentale qui divisait encore les esprits, je n'ai pas cessé de croire qu'une grande révolution était prête; que le Roi, par ses intentions, ses vertus et son rang suprême, devait en être le chef, puisqu'elle ne pouvait pas être avantageuse à la nation, sans l'être également au monarque; enfin, que l'autorité royale devait être le rempart de la liberté nationale, et la liberté nationale la base de l'autorité royale.
« Que l'on cite une seule de mes actions, un seul de mes discours qui ait démenti ces principes, qui ait montré que, dans quelques circonstances où j'aie été placé, le bonheur du Roi, celui du peuple ait cessé d'être l'unique objet de mes pensées et de mes vœux : jusque-là, j'ai le droit d'être cru sur ma parole. Je n'ai jamais changé de sentiments ni de principes, et je n'en changerai jamais. »
A la suite de la copie de ce discours est une note par laquelle Monsieur annonce qu'il fera remettre à l'Assemblée nationale l'état des dettes u'il se proposait de payer avec les 2 millions ont il a souscrit l'obligation.
L'Assemblée nationale a ordonné que la lettre et le discours de Monsieur seraient insérés dans le procès-verbal de la séance du jour, et que M. le président écrirait à ce prince pour lui témoigner la satisfaction avec laquelle elle a entendu l'expression de ses sentiments patriotiques.
propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que son comité des recherches se concertera sur-le-champ avec celui de la commune pour être en état de faire, dans ieplus court délai, le rapport de l'affaire de M. de Favras, afin qu'une affaire aussi grave soit exposée dans son plus grand jour, et connue dans tous ses détails. »
La question préalable est demandée.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a lieu à délibérer.
observe, sur ce décret, qu'il ne pense pas que l'Assemblée ait voulu interdire à son comité des recherches la connaissance de cette affaire, mais qu'elle a seulement cru inutile de l'y autoriser pas un décret.
L'Assemblée témoigne, sans cependant délibérer, que telle a été son intention.
L'affaire de Toulon, ne pouvant être reprise parce que l'heure est trop avancée, est ajournée à demain, une heure.
La séance est levée à trois heures.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER.
Séance du
La séance est ouverte parla lecture des adresses, ainsi qu'il suit :
Adresses de la ville de Mont-de-Marsan et des 32 paroisses formant la banlieue, qui se soumettent avec transport à tous les décrets de l'Assemblée nationale, renoncent à tous leurs privilèges, et jurent une fidélité inviolable à Louis XVI, restaurateur de la liberté.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville d'IUiers en Beauce.
Adresse de la ville de Créon contenant l'adhésion la plus entière à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux qui ont pour but la paix, la tranquillité publique et la restauration des finances; elle demande d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville de Tremblade en Saintonge; elle,demande que la ville de Saintes soit le chef-lieu d'un département et le siège d'un tribunal souverain, de préférence aux villes de La Rochelle et de Saint-Jean d'Angély.
Adresse du même genre de la ville de Dragui-gnan en Provence; elle supplie l'Assemblée d'avoir égard à son heureuse position, lors de la distribution des nouveaux établissements qu'elle, fera dans cette province.
Adresse du même genre de la ville de Redon en Bretagne; elle s'élève avec force contre la conduite du parlement de Rennes; elle demande avec instance sept départements pour cette province, et pour elle-même le siège d'une assemblée de district, d'une justice royale, d'un tribunal d'amirauté et de consulat.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Chamond en Lyonnais; elle demande une assemblée de district et une justice royale.
Adresses du même genre de la ville d'Issoire en Auvergne, et de celle de Dieuze en Lorraine;
elles s'engagent de mettre tout en œuvre pour opérer l'entière exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la ville d'Azile en Languedoc; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la ville d'Epinal en Lorraine; elle demaude d'être un chef-lieu de département ou de district et le siège d'une justice royale.
Adresse de la municipalité de Neuf-Brisach en Alsace, contenant ses respectueux remerciements au sujet du décret du 10 de ce mois, qui prononce la suppression des intendants.
Adresse de la communauté de Doulaincourt en Champagne, qui, en adhérant avec une soumission respectueuse à tous les décrets de l'Assemblée nationale, s'engage de faire remettre incessamment entre ses mains la somme de 3,000 livres pour le montant de la contribution patriotique de cette communauté; elle déclare que cette somme excède la proportion péterminée par l'Assemblée, et qu'elle renonce à tout espoir de remboursement.
Adresse d'adhésion de la communauté de Gam-pagnac, province de Rouergue; elle demande d'être le chef-lieu d'un canton et le siège d'un juge de paix, lequel canton sera une dépendance du district à établir dans la ville de Séverac.
Adresses de félicitations, remerciements et adhésions de la ville de Fécamp en Normandie, de la ville de Jussey en Franche-Comté, de celle de Bourbon-l'Archambaud en Bourbonnais, de celle de Saint-Porquier en Languedoc, de celle de Cerilly en Berry, et de celle de Toucy en Bourgogne; toutes ces villes demandent d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale. Celle de Bourbon-l'Archambaud exprime le Vœu de l'établissement d'une cour souveraine à Moulins.
Délibération de la ville de Lesneven en Bretagne, qui "proscrit, cômme traître à la patrie et ennemi du nom français, quiconque oserait contrarier, résister, ou mettre obstacle aux décrets de l'Assemblée nationale, quiconque, par des interprétations perfides et criminelles, par des trames sourdement ourdies, et trompant le peuple sur le but proposé, tenterait de le soulever contre ses vrais défenseurs; renouvelle, au nom des communes, le pacte fédéralif qui, unissant les villes de la province et du royaume entier, a fait de l'empire français une famille de citoyens libres et de frères. Les jeunes citoyens de cette ville font éclater, dans une délibération séparée, les mêmes sentiments ; ils déclarent vouloir soutenir par la force la liberté, la nation, la loi et le Roi, de concert avec les jeunes citoyens de cette province, auxquels ils jurent l'union la plus étroite.
Adresse des abbesse et religieuses de Saint-Désir, ordre de Saint-Benoît, diocèse de Lisieux, qui réclament avec instance la conservation de leur maison ; elles assurent qu'elles ne cesseront de trouver leur bonheur dans l'accomplissement du devoir religieux et patriotique, celui de l'éducation de la jeunesse auquel elles se se sont Consacrées.
Adresse d'adhésion de la municipalité de Reg-malard ; elle dénonce une dégradation des bâti-timents du prieuré situé dans cette communauté, faute de réparations indispensables.
Adresse des onze curés de la ville de Poitiers, j contenant l'expression des sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement ^ont
ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale ; Ils se plaignent du défaut de dotation de leurs bénéfices, et indiquent, pour y suppléer, un grand nombre de chapitres, abbayes et communautés que cette ville renferme dans son enceinte.
Adresse des religieux capucins de la société hébraïque, en leur couvent à Paris, qui présentent à l'Assemblée nationale le prospectus d'un dictionnaire « arménien littéral, arménien vulgaire, italien, latin et français », dont Sa Majesté a daigné agréer la dédicace.
Adresse de la ville de Seyne en Provence, con-r tenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale; elle demande d'être le chef-lieu d'un district , le siège d'une justice royale, et que la ville de Digne soit le chef-lieu d'un département. .
Adresse d'un député extraordinaire de la ville de Môntargis, qui présente, au nom de cette ville, l'abandon des privilèges distingués dont elle jouit depuis près de trois siècles, et demande la conservation de son présidial et alternation du département.
Adresse des trois chapitres collégiaux, la Sainte-Trinité, Saint-Sauveur, et Sainte-Anne, réunis dans la ville de Montpellier, contenant les réclamations les plus respectueuses, relativement aux décrets sur la disposition des biens ecclésiastiques ; ils supplient avec instance l'Assemblée de faire en sorte que les dîmes, destinées à leur subsistance, leur soient payées jusqu'à remplacement.
Adresse des chanoines réguliers de la Trinité de Saint-Laurent de Médoc, qui applaudissent avec transport aux décrets de 1 Assemblée nation tionale sur la disposition des biens ecclésiastiques ; ils réclament la liberté et une pension suffisante.
rend compte à l'Assemblée que, conformément à ses ordres, il a présenté au Roi deux de ses décrets, l'un concernant la caisse d'escompte et les finances, l'autre relativement à l'autorisation donnée aux municipalités pour exercer, comme par le passé, la juridiction volontaire et contentieuse, jusqu'à l'organisation du - pouvoir judiciaire. Le Roi a répondu qu'il examinerait le plus promptement possible ces deux décrets, et qu'il ferait connaître ses intentions à l'Assemblée.
lit une lettre de M. d'Ogni, intendant général des postes, qui renvoie plusieurs lettres portant le cachet de l'Assemblée nationale, mais sans adresses. Il est décidé qu'elles seront ouvertes par M. le président, qui les rendra à ceux qui les auront signées ; et que dans le cas où elles ne le seraient pas, elles seront brûlées.
Ensuite on lit une adresse de félicitations et de respect de la ville d'Alençon, qui adhère avec reconnaissance à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et promet d'employer tous ses moyens et toutes ses forces pour maintenir la constitution.
Elle demande d'être autorisée à faire un emprunt de 80,000 livres pour subvenir à son approvisionnement, ensemble un secours extraordinaire de 30,000 livres sur le prix des adjudications de bois de main-morte qui se trouvent dans le département d'Alençon, et que sa demande soit renvoyée, comme l'ont été toutes celles du même genre, au comité des finances, qui sera chargé d'en faire le rapport à l'Assemblée.
On lit une adresse des volontaires de la ville de Dunkerque, dont suit la teneur :
« Messieurs,
« C'est au nom dp dix-huit cents volontaires que nous vpus témoignons le respect, la reconnaissance et l'adhésion la plus entière à tous vos décrets. Parvenus jusqu'ici, à force de zèle et d'activité, a garantir notre ville de tous désordres, à assurer l'obéissance aux lois, nous n'en met- j tops pas moins à défendre notre nouvelle constitution.
« Dans le voisinage d'un peuple qui, comme nous, marche à grands pas vers la liberté, comme lui nous sommes prêts % tout sacrifier pour elle ; nos séntimenjts sont ceux de tous les habitants de notre ville, et sans doute de toute la province. En vain les mécontents espèrent-ils encore que vous rencontrerez de l'opposition.
« Soyez peu sensibles, Messieurs, aux vaines frayeurs qu'on voudrait vous inspirer. Quand un corps proteste, le peuple entier le désavoue.
« Le plan pour ^organisation des départements et des municipalités est le dernier coup à porter à l'aristocratie expirante. Nous attendons avec une vive impatience cet ouvrage important, qui consolidera le bonheur du peuple français.
« Nous sommes avec la soumission la plus respectueuse,
« Messieurs,
« Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
« Pour les volontaires de Dunkerque, les membres de leur conseil d'administration » signé : Archdecicqn; Emmery, colonel; A. Delille; J. Bourert ; g. Ollevyer; de Bercheur ; Lefeve ; J.-P| Ryckervaest v Henderycksen ; P. Guillon fils ; Morel, bachelier; J.-L. Houwen fils ; Lan-glois 5 P. brax. »
On lit une lettre adressée à M. le président par M.l'évêque de Nancy, député à l'Assemblée nationale ; elle a pour objet de mettre sous les yeux de l'Assemblée trente et un actes capitulaires de couvents de religieux, cordeliers et capucins de la province de Lorraine, qui demandent la conservation de leur ordre.
, député extraordinaire de la ville et bailliage de Saint-Matûelin en Dauphiné, se présente pour renouveler ^'adhésion de cette ville à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et lui offrir un don patriotique en bijoux d'or, boucles et autres objets d'argent, quittances de pensions et souscriptions, montant le tout ensemble à environ 12,000 livres. L'Assemblée accorde la séance à M. de Montmorand.
Une députation de la garde nationale de Versailles se présente à la barre, pour offrir, en don patriotique, ses boucles d'argent; on lui accorde la séance.
Les adjudants, fourriers, sergents, caporaux, fusiliers et tambours de l'ancienne garde de Paris, composant le corps des 600 hommes de la milice nationale parisienne affecté à la garde des ports, quais et îles, présentés par MM. de Rul-lière et de Raimond, leurs commandants, sont introduits à la barre, pour offrir un don patriotique de la somme de 1,053 livres; les adjudants, fourriers,sergents-majors, et tambours-majors,ont donné chacun 6 livres, les sergents chacun 3 livres, les fusiliers et tambours chacun 20 sols. L'Assemblée accorde séance à la députation.
Un député de la province de Dauphiné présente à l'Assemblée nationale un don patriotique de la
somme de 3,000 livres, offert par M, Prat père, et MM. Antoine et François Prat, ses enfants, l'urç âgé dé 14 ans, et l'autre de 8 ans, tous les trois demeurant à Gênes en Italie, où ils exercent le commerce^ mais originaires de Briançon en Dauphiné : ce don patriotique est accompagné d'une lettre à l'Assemblée nationale, exprimant les témoignages de respect et d'admiration dont sont pénétrés, pour les décrets de l'Assemblée nationale, MM. Prat, qui, quoique absents, pour le moment, de leur patrie, n'en reconnaîtront jamais d'autre que la France, et concourront toujours, avec le plus vif empressement, à tout ce qui pourra contribuer à la régénération du royaume.
La société des frères cordonniers établis à Paris, rue dé la Grande-Truanderie, paroisse Saint -Eustache, district de Saint-Jacques-de-l'Hôpital, offre à l'Assemblée nationale l'abandon de ses propriétés, et autres biens consistant : 1° en deux maisons contiguës sises susdite rue de la Grande-Truanderle, dont une partie est louée pour la somme de 3,200 livres ; 26 en deux contrats pér-pétuels, l'un sur les aides et gabelles, de 7,650 livres de principal, l'autre de 20.000, livres de principal sur lé chapitre de Saint-Louis-du-LoUvre : ledit abandon à condition qu'il sera accordé à chacun des frères cordonniers, au nombre de cinq, une pension viagère suffisante pour les faire vivre. Cette demande est renvoyée au comité des finances.
On lit une pétition du sieur ftené Leballeur, demeurant à Mamers, province du Maine, ayant pour objet d'offrir à l'Assemblée nationale de faire la recette de tous les deniers fiscaux de ce canton, et de les verser au Trésor royal sans aucune rétribution quelconque. Cette pétition est appuyée par les habitants de Mamers.
On fait lecture d'une lettre de M. Philippeaux, avocat, demeurant à Paris, qui fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage de sa composition, sur un nouveau projet dé législation civile pour tout le royaume.
dit qu'il vient de recevoir un courrier expédié par le comité permanent de Vilie-neuve-le-Roi-sur-Yonne, pour un objet très-important ; l'Assemblée ayant décidé qu'on ferait lecr ture de la lettre de Villeneuve-le-Roi, il s'est trouvé que le comité permanent de cette ville faisait part a l'Assemblée qu'une guimbarde, venant de là messagerie de Paris, et chargée de 391^799 livres 4 sols 9 deniers d'argent monnayé, sauf erreur, avait été arrêtée par le peuple, parce que le conducteur de la voiture n'était pas muni de papiers suffisamment en forme, et que l'on craignait que cet argent,au lieu d'être destiné pour Lyon, ainsi que l'assurait le conducteur, ne fût exporté hors du royaume. Le comité de Villeneuve-le-Roi finit sa lettre par demander les ordres de l'Assemblée.
Le papier de Paris perd 3 0/0 à Lyon. Des capitalistes l'achètent et le font payer à Paris en billets de caisse, ils escomptent les billets à 11/2 de perte; ils donnent à la diligence 1 1/2 0/0 pour le port jusqu'à Lyon. Ainsi, danB une semaine, ils ont converti des effets en argent, et gagné 1 0/0» Il est très-possible qu'une semblable opération ait donné lieu à l'envoi des espèces arrêtées à Villeneuve-le-Roi.
demande le renvoi de la délibération prise par la ville -dé Villeneuve-le-Roi au comité des recherches.
La voiture doit être délivrée sans aucun délai, afin de ne pas causer du dommage aux propriétaires des sommes dont elle était chargée; nous avons permis la circulation des grains ; pouvons-nous empêcher celle de l'argent?
Un membre : Si l'Assemblée cause du retard dans le payement des personnes à qui appartiennent les sommes arrêtées, je pense qu'elle doit leur voter une indemnité.
Il est possible que les sommes arrêtées appartiennent à des commerçants, et sans doute on doit de grands égards au commerce ; mais rien n'est plus suspect que l'envoi qu'on vous a dénoncé. La lettre de voiture n'est pas signée ; elle ne porte ni le nom de l'expéditionnaire, ni celui de la personne à laquelle on expédie.....
Je pense qu'il convient d'envoyer deux députés aux messageries, pour y vérifier sur les registres l'expédition de ces sommes.
***: Il serait, ce me semble, plus convenable de faire apporter ici les registres des messageries.
Je crois que j'ai été le premier à dénoncer à l'Assemblée l'exportation du numéraire. Le cas particulier qui vous est soumis vient à l'appui de ma première dénonciation ; j'ai d'ailleurs découvert d'autres machinations semblables, et ce n'est pas ici le moment de vous les révéler. Il est malheureusement certain que le produit dé la vaisselle et des . effets d'or et d'argent qu'on a remis à l'Assemblée nationale ne sert qu'à alimenter et propager l'agiotage. Ce procès-verbal de Villeneuve-le-Roi mérite Ta plus sévère attention, et je pense qu'il convient de renvoyer l'affaire au comité des recherches de la commune de Paris, ep Jui enjoignant de vous en rendre compte.
appuie la motion de M. l'abbé Maury.
Cette affaire doit être promp-tement examinée. Si l'on en chargeait uniquement le comité des recherches de 1 Assemblée, il pourrait s'en occuper à l'instant et en ,rendre compte dans une heure ou deux.
On aurait une idée bien fausse des précautions que prennent les négociants pour envoyer leur argent, si l'on pensait aisément que le numéraire arrêté à Villeneuve-le-Roi est destiné à des payements. Les circonstances qui ont été exposées rendent au moins cette opinion très-douteuse et doivent déterminer à charger le comité des recherches de vérifier sur-le-champ cette expédition sur les registres des messageries. On ne peut regarder comme au-dessous de la dignité de cette Assemblée d'envoyer deux de ses membres recueillir les notions nécessaires dans le lieu où elles doivent se trouver réunies. Une démarche quelconque acquiert un grand caractère de noblesse quand elle a le bien public pour objet.
propose de faire accompagner de ville en ville par la garde nationale la voiture arrêtée à Villeneuve-le-Roi, avec ordre de ne remettre les espèces dont elle est chargée qu'à des personnes en état d'en répondre.
demande la question préalable.
Je ne puis me dispenser d'observer au préopinant que le comité de Ville-neuve-le-Roi attend qu'une délibération de l'Assemblée nationale lui indique la conduite qu'il doit suivre. Il est donc impossible de ne pas délibérer.
L'Assemblée charge le comité des recherches de vérifier sur-le-champ les faits et de rendre compte de cet examen avant la fin de ia séance.
J'ai demandé la parole avant l'ordre du jour pour proposer l'établissement d'un comité de nuit ou dix personnes. 11 aurait pour objet de constater la dette, et serait tenu de rendre compte incessamment de son étendue et de ses différentes parties. Mais il s'occuperait avant tout de l'examen des dépenses extraordinaires, indiquées par le ministre pour l'année 1790.
Voici ma motion :
« L'Assemblée nationale a nommé un comité de dix de ses membres chargé de constater la dette publique dans tous ses détails et d'en rendre compte, le plus tôt possible, aux représentants de la nation. »
Le comité des finances désire sans doute que tout le monde concoure à ses opérations. Hier nous avons établi une section de dix personnes, particulièrement employées à rédiger un plan de travail qui sera présenté samedi prochain à l'Assemblée. Six autres commissaires sont chargés d'examiner les dépenses dans leur détail. Ils en rendront compte également samedi. Nous sommes arrêtés en ce moment par le défaut de fixation des dépenses de ia marine et de la guerre. Nous adopterons avec reconnaissance les adjoints qui nous seront donnés; mais nous croyons de notre devoir de vous offrir une idée de notre travail, afin que l'Assemblée puisse apprécier notre zèle.
On passe à l'ordre du jour concernant les articles à ajouter au décret sur l'organisation des municipalités'.
donne lecture des articles additionnels ainsi qu'il suit :
« Art. 1er. Nul citoyen ne pourra exercer en même temps dans
une ville ou communauté les fonctions municipales et les fonctions militaires. »
. Cet article n'est pas clair, et je demande qu'on explique formellement qu'il ne porte que sur les militaires en activité dans la même ville.
Cet article pourrait être rédigé ainsi :
« Nul militaire ne pourra exercer les fonctions municipales dans la ville où il sera en activité. »
présente cette rédaction :
« Les militaires en activité de service ne pourront exercer les fonctions municipales. »
L'article du comité est extrêmement clair; je demande pour lui la priorité.
Il faut insérer dans l'ar-
ticle, au lieu de ces mots : « dans une ville ou communauté, » ceux-ci : « dans la même ville ou communauté. » L'article ainsi modifié est adopté. « Art. 2. Aux prochaines élections, lorsque les assemblées primaires des citoyens actifs de chaque canton, ou les assemblées particulières de chaque communauté auront été formées, et aussitôt après que le président et le secrétaire auront été nommés, il sera, avant de procéder à aucune autre élection, prêté par le président et le secrétaire, en présence de l'assemblée, et ensuite par les membres de l'assemblée, entre les mains du président, le serment de maintenir, de tout leur pouvoir, la constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi, de choisir, en leur âme et conscience, les plus dignes de la confiance publique, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourront leur être confiées. Ceux qui refuseront de prêter ce serment seront incapables d'élire et d'être élus. » Cet article est adopté à l'unanimité. « Art. 3. Huit jours après la publication des décrets relatifs aux municipalités, laquelle publication sera faite sans délai, il sera procédé à l'exécution des décrets; et, en conséquence, les citoyens actifs de chaque communauté s'assembleront pour composer les municipalités, conformément aux règles prescrites par l'Assemblée nationale. Les anciens officiers, les syndics, ou ceux qui sont en possession d'en exercer les fonctions, seront tenus de faire la convocation.»
Ce décret est prématuré; il vaudrait mieux attendre jusqu'à l'achèvement du travail sur les départements.
J'adopte cet ajournement.
L'article n'est point assez clair et n'est pas complet ; il ne désigne ni les personnes qui convoqueront les assemblées, ni l'époque de cette convocation. Je demande que ces indications soient ajoutées à l'article.
Je reconnais qu'il est possible de mettre dès à présent les municipalités en activité, et je renonce à l'ajournement; mais je demande la division de ce qui regarde les assemblées de district et de département. Je pense qu'il serait possible de fixer du 15 au 20 les élections des municipalités,
Je persiste à proposer l'ajournement, parce que je veux un décret qui, préalablement, annule les fonctions de tous les comités permanents, etc.
On observe à M. de Foucault que depuis fort ongtemps le décret est rendu.
En bornant les dispositions de l'article aux municipalités, il est sans doute indispensable de déterminer l'époque.des convocations ; mais je n'ai jamais pu concevoir qu'il fût nécessaire que ces convocations se fissent* toutes dans le même jour. Je propose donc d'en déterminer l'époque à la huitaine après la réception des décrets.
Le comité adopte la division. L'ajournement de la totalité de l'article est abandonné,
(de Saint-Jean - d'Àngély). 11 v a beaucoup de municipalités en litige; et si l'on ne décide rien de relatif à ces diverses contestations, les convocations se feront avec désordre et avec lenteur. On pourrait ajouter à l'article que, dans le cas où il y aura dans quelques villes des contestations au sujet des municipalités anciennes, le pouvoir exécutif sera autorisé à nommer un commissaire.
propose de rédiger ainsi l'article : « Les décrets sur les municipalités seront envoyés sans délai aux municipalités, et les officiers municipaux convoqueront les assemblées le quatrième dimanche de janvier. »
Le comité présente une nouvelle rédaction.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
L'article est décrété.
Les deux articles suivant^ sont également décrétés et ne donnent pas lieu à discussion.
« Art. 4. Le premier élu des suppléants sera le premier appelé en remplacement ; le second après lui, et ainsi de suite. »
« Art. 5u Les citoyens qui seront élus pour remplir avec le maire les places de la municipalité, porteront dans tout le royaume le seul nom d'officiers municipaux. »
Le comité propose une autre article rédigé en ces termes :
« Art. 6. Les administrations de département et de district et les corps municipaux auront en toutes cérémonies publiques, comme représentant le peuple, la préséance sur les officiers civils et militaires et sur les corps ecclésiastiques. »
Nous ne voyons dans les officiers municipaux que les officiers du peuple et non ses représentants ; ainsi il ne doit être question en leur faveur d'aucune préséance.
Je propose de nommer une dépu-tation de 60 membres, chargée d'aller complimenter le Roi à l'occasion de la nouvelle année.
Cette motion est unanimement adoptée.
On remet à M. le président un paquet envoyé par le comité des recherches de la ville de Paris, dont voici le contenu :
Municipalité de Paris. — Comité des recherches.
Nous envoyons à MM. les secrétaires de l'Assemblée la copie du procès-verbal qui constate et explique la nature de l'attentat commis cette nuit en la personne d'un factionnaire de la garde nationale. M. le commandant général ayant l'honneur d'être membre de l'Assemblée nationale, nous croyons devoir donner connaissance de cet événement à M. le président et à MM. les secrétaires, laissant à leur sagesse de juger s'il ne convient pas d'en informer l'Assemblée.
Fait au comité, le
Signé : Perron, Lacretelle, Agier, Ou-
dart, brissot de warville.
Comité du district des Capucins du Marais.
L'an 1789, le lundi 28 décembre, six heures du matin, est comparu par-devant nous, commissaire soussigné, actuellement de service au comité du district des Capucins du Marais, accompagné d; M. Adrien-Pierre Cavalier, marchand limonadier
à Parte, fttë des Quàtre-Fîlg, faisant fonctions de greffier, que flous avôfls Commis d office, après àvoif reçu de lui le serment, attendu l'absence dU secrétaire-greffier ordinaire du comité ;
- M. Joseph Chefaeville, marchand chapelier â Paris, demeurant rue de PoitoU, sergent-major, actuellement dé service à la Caserne de ce district, compagnie Périer :
Lequel nous â déclaré ffti'il y a tifle demi-heure, allant à la porte principale de la caserne, sise rue des Quatre-Fils, pour .relever M. Trudpn, marchand de vin, soldat citoyen de ce district, alors en faction à cette'porte, il l'avait trouvé très-agité, et se plaignant qu'il venait d'être assassiné nar un particulier que la nuit l'avait empêché de bien distinguer.
M. Chefdeviile a trouvé en effet, dans la guérite où M. Trudon était lors de l'assassinat, une espèce de poinçon allongé, dont le fer rouillé est un peu faussé, et un petit papier plié en deux.
M, Ghefdevilie a fait conduire aussitôt M. Trudon, factionnaire, au corps de garde de la caserne, et* après les premiers,soins accordés pour le secourir* on a examiné le poinçon et ouvert le papier qui, ainsi que le poinçon, s'était trouvé dans la guérite aux pieds de M. Trudon. Sur ce papier on lit ces mots affreux, faits poUr alarmer les bons Citoyens auxquels la vie du général est si précieuse : Va devant et attends Lafayette. Ces caractères* tracés à la main, ont la forme des lettres moulées, et contiennent sjir le papier trois lignes, en observant que le dernier mot, Lafayette, de la troisième ligne est rayé.
Est aussi comparu M. Charles-Nicolas Chabanon, chirUFgien-major delà garde nationale parisienne, district dès Capucins du Marais, mandé et venu aussitôt l'événement arrivé à M. Trudon, faction naire ;
Lequel nous a dit qu'examen fait de la blessure dë M. Trudon, elle s'est trouvée heureusement n'être pas dangereuse ; que le coup de poinçon a ptfrté obliquement à la partie antérieure et supérieure du col, au-dessous du menton, et a pénétré de quatre à citiq lignes.
ftôtiS.Udtis SottttaeS ensuite traflspofté, âcCÔm-pagflé de nôtrè greinef d'ëfftCë, au principal corps ae garde, où nous avons trouvé M. Truddfl* aûqUéï nous avons fait lecture du présent procès-verbal. "Lecture faite* il nous a dit que les faits qu'il contient sont exacts.
Le poinçon et le papier représentés par M» Chefdeviile lui ont été laissés pour les porter à rhô-tel de ville, où nous l'avons engagé à se transporter pour les y déposer* et y remettre copie du présent procès-verbal.
Et ont MM. Ghefdevilie* Chabanon, Trudon, signé avec nous, commissaire, et notre greffier d'office : la minute étant enregistrée au procès-verbal du comité du district des Capucins du Marais, commençant le 28 décembre 1789.
Signe' : Giblée, commissaire, CAVALIER bË LA VERGNQLLB.
Le comité des recherches de la commune de Paris certifie avoir entre Ses mains lé poinçon de bourrelier et le billet qui y est joint, mentionnés au procès-verbal* dont la copie ci-deasus est conforme à l'original;
Le
Garràn de Goulon, Àgier, Brissot de Warville, Oudart, Perron.
continue le rapport de l'affaire dë.Tduloû.
Il est interrompu par le compte que rend le comité des recherches de la mission qui lui avait été confiée au commencement de la séance.-
Le Cotiiité a envoyé deux de ries membres à l'hôteldes messageries. Les fermiers généraux étaient alors assemblés! pouf le même objet. Nous avons pria d'eux tous les renseignements nécessaires, et flous nous Stimmes fait représenter les registres. Ces livres soflt chargés atec détail d'un envoi de dix-huit pièces de numéraire, fait de la part de dix sept personnes. Le tout est destiné ît la Viile dé Lyon, â i'exeption dë 27,000 livres qui doivêftt être remises à Châlon-sur-Saôné. un commis a fait une Imprudence en ne donnant pas aU voi-turier conducteur de la guimbarde une copié exstcte de la feuille originale ; il croyait en être dispensé parce que le double de cette Feuille avait été envoyé â Lyon ; iL a fait une autre impru* dence en né remettant âu même conducteur qu'une note sans détail et sans signature. Le voiturier lui-même a eu tort de Voyager dé flUit, contré les usageS de la messagerie, ët de faire garder sa voiture avec l'appareil exposé dans le procès-verbal.
Toutes ces circonstances rendent trèsinàtu* rélle la conduite de Vllleneuve-le-Rol, quoique l'envoi des sommes retenues soit plus naturel encore.
Lé Comité peflsë quê M. le président doit être chargé d'écrire à Villeneuve-le-Roi, pour l'autoriser â .laisser partir la voiture qui a été arrêtée.
L'Assemblée rend Ufl décret conforme à cette opinion.
La séance est levée à trois heures et demie.
PRÉSIDENCE DË M. DÉMEUNIER.
Séance du
annonce que M» le baron de Noyelles,député dé Lille, a donné sa démission par une lettre en date du 14 décembre.
, suppléant de M. dë Noyelles, se présente bôur lé remplacer. — MM. du comité de vérification ayant trouvé ses pouvoirs efl bonne forme, son admission est prononcée.
Les députés des colonies demandent que l'af* faire de Saint-Domingue soit mise en discussion. L'un d'eux dépose sur le bureau un tableau de la situation des colonies. ( Voyez ce document annèccé à la séance.)
L'AsSsembléô donne la priorité à l'affaire du dm des Genevois.
donne des éclaircissements sur la nature de cette offre de 900,000 livres. Il étaj blit qu'elle est faite par des chefs dë ce peuple, dont la servitude a été garantie par dès traités antérieurs ; que nous ne devons point recevoir le prix honteux de son esclavage, et qu'il faut répudier un don des créanciers de l'Etat, qui n'ont point l'avantage d'en être les citoyens.
L'orateur cite ce paragraphe d'une lettré qui
lui avait été adressée par des citoyens de Genève :
« Nous ne voulons pas dirq(Extrait de la lettre de MM. Clavier e, du Roveray, et Dumont à M. de Volney) que ce don, annoncé par les Genevois comme l'effet de leurs égards particuliers pour M. Necker, doit ou le prix de sa complaisance, ou une condition sans laquelle la garantie qui léur a été accordée parle gouvernement n'aurait pas eu lieu; mais flous affirmons comme des faits notoires dans Genève que les dernières assurances données par M. fïecker aux magistrats genevois sur l'oblentio.n de la garantie coïncident pour le temps avec l'invitation qui leur a été faite en son nom, de s'intéresser dans la contribution patriotique ; — que les souscriptions relatives à ce dernier objet ont commencé à peu près à la même époque; — qu'elles sont restées ouvertes jusqu'à l'arrivée des pleins pouvoirs en vertu desquels la garantie a été signée; et que c'est seulement alors que le dernier résultat de cette souscription a été adressé au ministre* (Voy. aux annexes le texte de la lettre adressée à M. de Volney.)
M. de Volney Conclut à ce que le don soit rejeté.
Pourquoi supposerait-on aux Genevois d'autre motif que celui de contribue}* pour leur part au rétablissement de nos fmancëS, puisque toute leur fortune est inséparable de notre prospérité* et que nos malheurs entraîneraient leur ruine?
Ce n'est pas une supposition gratuite ; leur lettre suffît pour connaître et apprécier leurs motifs ; je ne Veux pas ici vous parler des vraisemblances ; je ne veux que commenter ce qu'ils ont eux-mêmes écrit; vous n'y verrez gue trop de quoi soutenir par la raison cette défiance qu'un instinct de liberté vous fit éprouver au moment où Ge don vous fut annoncé.
Quel est ce don en lui-même? Ce n'est point une contribution patriotique. Les Genevois ont depuis longtemps l'honneur d'avoir une patrie. C'est tin bienfait de leur générosité, c'est un secours phi-. lanthropique, c'est une occasion précieuse et unique à saisir, disent-ils, d'exprimer leur respect, leur dévouement* leur gratitude à un Roi bienfaisant, à une nation généreuse qui ont donné dans tous les temps à leur république des marques d'intérêt et de bienveillance* Ge n'est donc point ici cotte contribution que nous avons décrétée; et rien ne ressemble moins au quart des revenus que ces 900,000 livres qu'on nous offre, puisque Genève possède en France au moins 12 ou 15 millions ae rentes.
Qui sont les donateurs? Autre considération qui n'est pas de simple curiosité. Ceux qui ont signé cette lettre sont précisément des aristocrates genevois, c'est-à-dire de ceux-là même qui n'ont cessé de vouloir suspendre sur la tête de leurs concitoyens le glaive des. garanties étrangères. Oui, Messieurs, tous sont des aristocrates, excepté deux qui appartiennent au parti populaire et qu'on a pu tromper* comme l'a dit un des préopinants ; mais d'ailleurs ils sont tous* sans exception,membres du gouvernement, de ce corps inamovible qui n'est plus élu par le peuple, et qui, en 1782, s'empara de tous les droits de l'Assemblée souveraine, comme des enfants dénaturés qui feraient interdire leur père afin d'usurper toUs Ses biens.
La lettre des donateurs nous apprend que ceux qui l'ont signée sont les membres d'un comité chargé par les souscripteurs de vous faire parvenir ce don.
Je ne saurais voir dans la composition de ce comité l'effet du hasard ; mais j'y vois les intentions du gouvernement qui, sans agir par lui-même, Veut qu'on le confonde avec ses membres et je les vois encoremieux dans la solennité de ce don, dans l'intervention de l'agent de la république, et dans celle du ministre des finances.
Et dans quelle Circonstance leur don vous est-il offert? Il coïncide aussi précisément pour le temps, avec la garantie qu'ils ont obtenue, que s'il en était le prix ét le retour; les soupçons se fortifient quand on voit dans la lettre des donateurs que, loin d'être le superflu de l'abondance, ce don est un sacrifice arraché à la disette et au besoin. Singulière générosité 1 Quoi! les citoyens de Genève voient autour d'eux un peuple qui leur tient par les relations les plus fortes, par léâ affections sociales et celles de la patrie ; ils sont témoins de son indigence* ils nous en font eux-mêmes un tableau lugubre* ét lorsque leur bien-* faisance peut et doit s'exercer sur des frères, ils préfèrent la répandre au dehors, l'envoyer au loin avec les trompettes de la renommée I Ils nous offrent un présent magnifique dans le cadre de la misère ; ils ne pensent pas que notre délicatesse nous inviterait plutôt à leur offrir des secours, et qu'au moins nous ieûr dirions '. Excitez les arts languissants, Soutenez vos manufactures, appelez dans votre sein l'abondance, avant de nous offrir des présents que l'humanité ne nOtis permettrait d'accepter que potir les reverser âvee usure Sur lès habitants de votre patrie. {Ici les applaudissements s'élèvent de tous les côtés dé la salle.)
Toutes ces réflexions naissent de la lettre même des donateurs :mais quels événements j'aurais à vous décrire, si je voulais approfondir Ces bienfaits) ces marques d'intérêt et de bienveillance qui animent la reconnaissance des aristocrates genevois 1 II faudrait vous montrer, en 1766, leS citoyens de Genève luttant cofttrè l'orgueil et le despotisme de M. de ÇhOiSeul qui, pour les réduire et pour les punir de leur noble amour pour la liberté, sévissait contre eux par les mêfiaces, pâr l'interdiction du commerce, par un cordon de troupes qui les enfermait dans leur murs. Il faudrait vOUs montrer en 1782, GenèVe assiégée, envahie* les défenseurs du peuple exilés, le peuple lui-même désarmé, traité Comme line conquête, soumis àU double jûtig dtl despotisme civil et du despotisme militaire, et 500 Genevois s'éloignant avec horreur dè leur patrie opprimée. C'est ainsi que tidtis avons servi les aristocrates de Genève ; tels soiit les bienfaits dont ils ûotis apportent le prix. Mais le moment n'est pas venu d'agiter cette question des garanties nationales,, d'examiner si nous laissefôns aux ministres le pouvoir de mêler la France dans les tracasseries intérieures de3 autres pavS, de prépàrer pour l'avenir des semences de difficultés, de guerres, de dépenses onéreuses pour noiis, absurdes eii elles-mêmes, et odieuses à nbë voiéins.
Cétté question vous sera portée par lès Geûë-vois éut-mêmës,qUi,dahs le moment bù lëtir gouvernement sollicitait la garantie, ont commencé à Sè rétinir, mais lentement, potir Vêtis demander de les laisser atissi libres chez ëtix que vous, voulez l'être Chez vbtis. Vous verrez alors, Messieurs, eë (tti'odt été cèé garanties, ces prétendus bienfaits, ët pduf Géilevë ët pour la France:
Pour Genève une source continuelle d'agitations et de troubles depuis 1738 ;
Pour la France une série de bévues, de fautes, d'actes qui déshonoreraient la nation, si nous pouvions être comptables de ce que nos ministres ou leur plats commis faisaient en son nom quand elle n'était rien.
Cet odieux tissu d'intrigues et d'injustices tôt ou tard vous sera soumis, et vous déciderez si de telles garanties sont conformes à la morale et aux droits des nations.
C'est à vous à évaluer maintenant et la grandeur et la nature du don qui vous est offert, et la pureté des vues qui ont déterminé à vous l'offrir.
Je propose l'arrêté suivant :
Qu'il sera répondu par M. le président au ministre des finances :
« Que l'Assemblée nationale, vivement touchée de l'état de détresse où se trouvent les arts, le commerce et les manufactures de la ville de Genève, ainsi gue de l'énorme cherté du prix du blé, dont il est fait mention dans la lettre que le ministre lui a communiquée, estime que les 900,000 livres qui lui sont offertes dans cette lettre seront appliquées d'une manière plus convenable, si on les emploie au soulagement des Genevois eux-mêmes, et qu'en conséquence elle a arrêté de n'en pas accepter la proposition. (De nouveaux applaudissements se font entendre.)
dit que les Genevois, comme créanciers de l'Etat, peuvent sous ce rapport être assimilés aux propriétaires français, quoique non résidant en France. Cette comparaison déplacée a excité quelques murmures, et la fin du discours de l'orateur, qui s'est très-adroitement retourné, lui a mérité les plus grands applaudissements. Il établit que la France né pouvait pas accepter une offre qui pouvait humilier sa dignité : •dans ses malheurs, dit-il, il est permis de se souvenir de sa gloire. Les malheurs de la France recevront un nouveau lustre par son courage à les supporter et sa constance inépuisable à les réparer.
La question mise aux voix, l'Assemblée décide qu'elle n'acceptera pas l'offre faite par les Genevois, et que M. le président fera part du présent décret au ministre des finances.
lit une lettre de M. Bertrand,inspecteur général des ponts et chaussés,quifait á la nation l'offer d'un don patriotique de 2,802 livers en unequittance inet, trésorier général des ponts et chaussées.
, au nom du comité des rapports, fait le rapport de Vaffaire de Bélesme. Les conclusions du comité sont qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
résume les griefs des habitants de Bélesme contre l'intendant d'Alençon et contre son subdélégué le sieur Bayard de La Vingtrie.
veut profiter de l'occasion pour faire rendre un décret général contre les procédures prévôtales et faire annuler celles dirigées contre les habitants de Bélesme.
observe que la lenteur extrême des accusations formulées contre Bayard de la Vingtrie les rend singulièrement défavorables.
Enfin après différents débats sur les deux procédures prévôlale et présidiale qui ont eu lieu en
cette affaire, l'Assemblée prononce le décret suivant :
« Sur la discussion élevée entre M. de La Vingtrie, subdélégué deM.l'intendant d'Alençon, et les citoyens de Bélesme, l'Assemblée nationale a décrété que la question serait ajournée, et que M. le président se retirerait par devers le Roi pour supplier sa Majesté d'ordonner :
« 1° L'apport des deux procédures, l'une prévo-tale et l'autre présidiale, qui ont été commencées sur cette affaire.
« 2° La suspension de toute procédure prévô-tale. »
lève la séance et l'ajourne à demain, 9 heures du matin.
à la séance de l'Assemblée nationale du
TABLEAU
de la situation actuelle des colonies présentée à l'Assemblée nationale (1). .
Messieurs, lorsque vous avez tracé les éléments de la législation de l'empire français, vous n'avez pas cru qu'ils fussent également applicables à toutes les parties qui le composent ou qui y correspondent ; et, en décrétant qu'il n'y avait pas lieu à la formation d'un comité colonial, vous avez reconnu que les colonies avaient le droit de faire elles-mêmes leur constitution.Gelle de Saint-Domingue, qui doit être maintenant assemblée, se livre à ce travail important; bientôt sans doute ses députés le présenteront à la sanction de la métropole \ et cet acte solennel consolidera à jamais une union d'où résultera leur prospérité mutuelle.
Mais, en attendant ce jour désiré de tous les bons citoyens, il est des maux pressants dont l'idée seule effraie l'imagination, dont les suites seraient incalculables, et que votre sagesse, nous osons dire plus, que votre justice peut et doit prévenir.
Vous connaissez, Messieurs, cette doctrine répandue par quelques hommes qui ne paraissent animés que des plus purs motifs. Mais la vertu et l'humanité ont aussi quelquefois leur fanatisme, et il est d'autant plus dangereux, qu'il se présente sous les couleurs de ce qu'il y a de plus respectable sur la terre. Le choix du moment a dû favoriser leur entreprise; et c'est lorsque le mot de liberté est dans toutes les bouches et retentit dans tous les cœurs, qu'on a cru devoir solliciter avec ardeur l'affranchissement des nègres et l'abolition de la traite. Votre opinion, Messieurs, est sûrement déjà fixée sur cette grande question, ou du moins vous avez suspendu un jugement qui doit être éclairé par les réclamations des colons et du commerce.. Qu'il nous soit permis cependant de relever quelques contradictions palpables dans le système de nos adversaires, adopté par quelques écrivains très-connus. Il est en effet bien extraordinaire que les mêmes écrivains qui
proposent l'affranchissement des nègres et l'abolition de la traite, conseillent en même temps l'abandon des colonies et veulent ou que la France renonce absolument à tourte liaison avec elles (car il en est qui vont jusque-là), ou qu'elle se borne à les considérer « non plus comme des provinces asservies, mais comme des États amis, protégés, si l'on veut, mais étrangers et séparés. »
Il serait trop long, Messieurs, et ce n'est pas ici le lieu de réfuter des idées si contraires aux vrais intérêts de la France, et dont les députés des villes maritimes sauront bien faire sentir toutes les inconséquences. Mais il nous importe de vous observer que, s'il est prouvé que la France doit laisser les colonies libres et indépendantes, c'est le comble de l'injustice et de la démence de lui proposer en même temps l'affranchissement des nègres ; c'est-à-dire de dépouiller, de mutiler les colonies, en y renonçant, ainsi qu'un général ravage les champs qu il est forcé de livrer à l'ennemi ; qu'en vain, pour se justifier et atténuer leurs torts, ces écrivains, abandonnant depuis peu l'idée de l'affranchissement, se rabattent sur celle de l'abolition ; ils n'en sont pas moins coupables d'avoir cherché à entraîner, à égarer l'opinion publique sur le premier objet, en semant leurs principes et leurs conseils avec tant de profusion, qu'ils ont pénétré parmi les nègres, qui déjà réclament la liberté à haute voix et avec menaces ; qu'à l'égard de la traite leurs idées non moins fausses et dangereuses manquent également le but de l'intérêt national, et celui de l'humanité qu'ils se proposent: 1° en ce qu'ils ne feraient que transporter dans des mains étrangères ce qu'ils enlèveraient;à la France; 2° en ce que, indépendamment des règlements sages qui écloront à coup sûr du sein des assemblées coloniales, sur l'objet intéressant de la nourriture et du traitement des nègres, un des plus sûrs moyens d'améliorer leur sort est d'en augmenter le nombre , et de renforcer les ateliers, ce qui rendra la somme du travail proportionnellement plus légère pour chaque individu ; que de la publicité des principes erronés et incendiaires de ces écrivains, il résulte, pour les colonies, une atteinte portée à leur crédit et à leurs cultures ; pour le commerce, la crainte de perdre,en toutou en partie, une créance sur elles de plus de 300 millions, et une diminution sensible dans la navigation ; pour le royaume en général, la suspension du travail de plusieurs millions d'hommes, que les colonies seules mettent en activité ; pour la France, sous le rapport politique, l'extinction de la marine royale, la perte d'un numéraire immense, l'accroissement de puissance des peuples voisins et rivaux : enfin s'il est vrai que tant de maux ne puissent être envisagés que dans le lointain, il en est plusieurs qui menacent nos têtes dès à présent, et qui sont le triste fruit de ces conseils perfides ou indiscrets.
Vous le savez, Messieurs, des avant-coureurs effrayants annoncent dans toutes les colonies françaises un embrasement prochain et terrible, ou plutôt il y a éclaté partout; et peut-être, étouffé dans sa naissance, ne tardera-t-il pas à reparaître. Une inquiétude, une terreur universelle suspendent toutes les affaires, tous les armements dans nos ports, et multiplient le nombre des ouvriers sans travail, au milieu d'une saison rigoureuse, et dans un moment de crise où cette foule de bras oisifs doit faire trembler. Les malheureux colons répandus en France, et privés des avances que leur refuse le commerce à l'approche de
l'orage, sont suspendus entre le désir de voler au secours de leurs familles et de leurs compatriotes dont les cris les appellent, et la crainte de n'arriver à la vue de leur foyer que pour en contempler l'embrasement, entendre les derniers gémissements de leurs frères, et peut-être devenir les témoins de la destruction totale de ces colonies jadis si florissantes.
Non, Messieurs, vous ne permettrez point que ces scènes désastreuses se réalisent. Vous êtes hommes, et vous ne laisserez point égorger vos semblables. Vous êtes justes, et vous nous conserverez nos propriétés. Vous êtes Français, et vous estimerez, vous défendrez vous-mêmes ces colons, si lâchement persécutés, si indignement calomniés, en qui le patriotisme, l'attachement à la France,l'emporte sur tout autre sentiment, et qui, sollicités par des émissaires ennemis, par des écrivains égarés ou pervers, par des circonstances pressantes, exposés au danger extrême de perdre et leurs biens et la vie, tournent encore leurs derniers regards vers la France, lui tendent leurs mains suppliantes, et lui crient: Nos cœurs sont français, toujours français 1... Mais si, délaissés, dédaignés, repoussés, les colons, à la vue d'un pavillon étranger, cédaient au sentiment si naturel de leur conservation, à qui faudrait-il s'en prendre ? Serait-ce à eux, ou aux mauvais citoyens qui auraient préparé une telle révolution favorable à nos seuls ennemis, et si fatale à la France ? Dans quelle classe faudrait-il chercher et punir des assassins et des traîtres à la patrie ?
Un mot, Messieurs, un seul mot, et vous rassurerez les colons réduits au désespoir; vous dissiperez les alarmes du commerce; les travaux renaîtront dans nos ports; les mers seront bientôt couvertes du pavillon français ; les manufacturés se relèveront ; les sources précieuses de l'abondance reprendront leur cours et fertiliseront ce beau royaume, comblé des dons de la nature, et qui ne demande que des lois sages et la proscription de tout système insensé ou destructeur.
Un mot, Messieurs, un seul mot, et vous permettrez aux colons d'être Français, vous leur permettrez de verser, dans le sein du royaume, des trésors qui y portent partout le mouvement et la vie ; vous leur permettrez d'enrichir une patrie qu'ils aimeraient encore, même après avoir été forcés de l'abjurer. Loin de l'éteindre, vous ranimerez en eux ce sentiment vif et inexprimable qui, dans le cœur des infortunés habitants du Canada, de l'Arcadie et de la Louisiane, survivait encore aux revers de la France.
Enfin, Messieurs, vous prononcerez hautement que loin d'adopter l'idée de l'affranchissement des nègres, de l'abolition de la traite et celle de l'abandon des colonies, la France, instruite, pénétrée de tous les avantages qu'elle en recueille, resserre les liens qui les unissent depuis près de deux siècles; mais qu'elle leur laisse le soin de rédiger leur constitution et d'ordonner leur régime intérieur, en se réservant le juste droit de le sanctionner et de régler, de concert avec elles, les lois commerciales qui doivent assurer à la métropole le prix de la protection qu'elle leur donne.
En conséquence, Messieurs, vous décréterez que, d'après des nouvelles alarmantes reçues des colonies françaises, Sa Majesté sera suppliée d'employer les moyens qu'elle jugera convenables» pour y rétablir l'ordre qu'on a tenté d'y troubler, et d'y faire faire, en son nom, une proclamation qui détruise l'effet des faux bruits,
que des esprits inquiets ont eu la coupable témérité d'y répandre.
Alors, Messieurs, les projets de tous nos ennemis seront confondus : les colons et le commercé se livreront avec courage et confiance à leurs entreprises et à leurs cultures, sous la sauvegarde des lois conservatrices de l'ordre et du pouvoir exécutif, prêt à le maintenir dans toute sa Vigueur, et sous les auspices d'un Roi dont le nofll, toujours cher à des Français, et toujours respecté des nègres dans les colonies, y rappelle à lui seul l'idée imposante de la force publique.
Lettré à M. de Volney sur la contribution et la garantie des Genevois.
D'apfês les observations que vous avez faites dans l'Assemblée nationale, à l'instant où l'on y annonçait lé don des 600,000 livres fait par les Genevois, il est de notre devoir de vous prévenir, monsieur*, qu'Un grand nombre de nos coriipa-triotes nous ont chargés de nous adresser en leur nom à l'Assemblée nationale.
t Aussitôt que les objets si urgents dont cette Assemblée s'occupe actuellement pour le bonheur de M France Seront réglés, nous nous proposons de réclamer de Sa part une attention que les malheurs de notre patrie et leurs causes sollicitent également de l'humanité des représentants de la nation et de leur justice.'
i Cette réclamation aura principalement pour objet la quatrième garantie qui vient d'être accordée à l'aristocratie de Genève, et à laquelle les donateurs font probablement allusion, en parlant des bienfaits de la France.
« Nous montrerons qu'en privant le très-grand nombre des citoyens genevois de tous les droits inhérents à la liberté, cette garantie efface cette petite république du rang des Etats souverains, pour protéger chez elle une forme de gouvernement organisée Sur ce principe, autrefois inconnu aux Genevois* qu'avant de songer â mériter la confiance publique il faut avoir en mains les moyens de s'en passer.
La demande de cette garantie a été faite au nom de la république entière, paroe que les magistrats ont trouvé le moyen de la comprendre dans la misérable transaction qu'ils firent approuver, in globoj à leurs concitoyens, en février dernier, dans un moment de confusion, de vertige et de crainte, et que ceux-ci ne furent pas libres de séparer cet objet des autres qu'on proposait à leurs suffrages.
« jamais elle n'eût été accordée, ni j?ar la cohr de Turin, ni par le canton de Berne, si le cabinet de France n'avait non-seulement donné l'exemple de cette nouvelle intervention, mais encore employé son influence sur ces deux Etats pour les déterminer à y prendre part.
« Cette conduite, que Vous aurez peine à comprendre, monsieur, eSt l'effet des sollicitation» actives et continuelles des ^aristocrates genevois auprès des ministres du Roi, principalement auprès dé M. Nécker.
« Nous ne voulotis pas dire que le don. annoncé comme l'effet de leurs égards particuliers poùfr ce mihistre, soit ou le prix de sa complaisance, ou Une dOndiMon sans laquelle lé garantie nau-rait pas eu lieu ; mais nous affirmons, comme
des faits notoires dans Genève, que les dernières assurances données par M* Necker aux magistrats genevois, sur l'obtention de la garantie, coïncident pour le temps avec l'invitation qui leur a été faite en son nom, de s'intéresser dans la contribution patriotique; — que les souscriptions relatives à ce dernier objet ont commencé à peu près à la même époque; — qu'elles sont restées ouvertes jusqu'à l'arrivée des pleins pouvoirs, en vertu desquels la garantie a été signée ; — et que c'est seulement alors que le dernier résultat de cette souscription a été adressé au ministre.
« En attendant les développements que nous donnerons à cette affaire, dans laquelle non-seulement l'honneur et la loyauté de la nation française, mais ses .intérêts même nous paraissent également compromis, nous devons à nos concitoyens de vous informer que tous les efforts des magistrats de GenèVe, pour donner le plus grand éclat à la promulgation de cette garantie, à l'assemblée générale, ont été vains.
« Les volontaires se sont refusés à prendre les armes pour oette prétendue fête. La plupart des citoyens, regardant ce jour comme un jour de deuil pour la patrie, se sont abstenus de l'assemblée; et celle-'cii qui, sous l'empire dès lois et de la liberté, eût été d'environ douze à seize cents citoyens, a été réduite à environ trois ou quatre cents, qui, pour masquer leur petit nombre, ont ouvert les portes du temple aux personnes de tout sexe et de tout âge qui n'ont pâs droit d'y assister.
« Ce préliminaire ne promet pas sans doute à cette quatrième garantie un meilleur sort qu'aux trois précédentes; car, tant qu'il y aura de la vertu sur la terre, toute transaction qui tendra* comme celle-ci, à priver un peuple du droit de vivre sous des lois qui lui plaisent* ne saurait se soutenir bien longtemps.
« C'est pour prévenir les commotions et les malheufs auxquels une nouvelle révolution pourrait nous exposer encore, que nôs concitoyens se disposent à recourir à l'Assemblée nationale.
« Une fois libres de toute garantie, rentrés dans la possession du droit sacré de faire leurs lois, sans que l'absurde veto de cinquante aristocrates paralyse leurs volontés, nos concitoyens rétabliront bientôt dans Genève une constitution qui y fixe à jamais la liberté* le calme et la concorde, dont les garanties étrangères les avaient privés.
« Lorsque les aristocrates genevois pensent à ces garanties qui les ont si souvent et si dispen* dieusement protégés, ils vantent la générosité française Nous 1 exalterons à plus juste titre, nous la bénirons, quand Cette nation loyale et magnanime cessera de permettre que son nom et ses forces Soient employés à notre oppression.
« Vous pouvez, monsieur* faifè de ces observations l'usage que vous jugerez convenable : elles sont l'expression de la -vérité» Agréez celle de notre reconnaissance pour l'ihtérêt que vous prenez aux droits d'une peuplade qui ne mérita jamais de les perdre, et qui en jouirait encore si l'on eût respecté à son égard les rapports sacrés qUi Unissent entre eux tous les corps politiques quelle que soit leUf force ou leur faiblesse.
Signé t E. Claviére, J»j-A* du Roverày, L.-E. Dumont* »
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIÊR.
Séance du
fait lecture d'un don patriotique offert par la ville de Ville-Neuve-Saint-Gedrges consistant dans la remise du produit de la contribution des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789* et qui devait être déduite sur les impositions de 1790. La commune de Ville-Neuve-Saint-Georges ajoute, à ce sacrifice, celui de 2,400 livrés qui lui avaient été accordées pour l'indemniser du logement et du séjour des carabiniers, en 1786»
L'Assemblée accorde séance aux députés de Villê-Neuve-Saint-Georges.
donné également connaissance dtl don patriotique du district de Notre-Dame, Consistant en 41 marcs d'argent, provenant du sacrifice dé boucles d'argent ; l'adresse de ce district fait une mention particulière du par triotisme touchant d'une pauvre femme accablée de misère qui, ne possédant que 24 sous, a exigé du député du district tju'il acceptât la Moitié de cette somme pour venir au secoufi de la Chose publique ; l'Assemblée a vivement applaudi la générosité et le dévouement dé cette bonne ci-toyënhë.
Suit la tenëur de cèttê adresse î
« Nosseigneurs,
« VôiCi tih faible gâgë du respect ët de l'ôbêis-sance que le district de Notrë-Dame vous a jurés, et dorit il o Usa chargé de renouveler le serment en ce jour.
« Ce gagé est d'autant plus digne d'être placé sur l'autel de la patrie, qu'il est bien réellement l'effet du patriotisme le plus pur.
* Si de tous les districts, Celui de Nôtre-Dame est le moins étendu, le moins fourni d'hommes et le plus pauvre en argent, nous y voyobs aujourd'hui le citoyen oublier Ses besoins, Se doubler, se tripler, pour satisfaire à la multiplicité des services qui lui sont ordonnés, comme nous 1'avohs tu, dans le tëmpS de là révolution, faire des contributions absolument au-dessus de Ses forces.
« Oui, Nosseigneurs, nous serions coupables si, à Cet égard, nous vous laissions ignorer plus longtemps un fait que votts jugërez sûrement digne de trouver place dans les fasteS de la Franée.
t Une femme accablée de misèrë, et hé possédant pour tout bien qu'une pièce de 24 sous, nous a suivis, nous a forces d'en recevoir la moitié, »
« Si, dans la Craintê de l'attrister, nous lui avons obéi, nous étions sûrs que tôt ou tard vous honoreriez son patriotisme de vos suffrages, ët maintenant c'est assëz, c'ëst tout pour un Français.
« Sous ce point de vue, lé district de Notre-Dame, fier de contenir ën son sëin une multitude d'âmes dë celte trempë, déclare à Cette auguste Assemblée qu'il est prêt à sacrifier tout Ce qu'il peut et tout ce qu'il est pour, à l'ombre de vos décrets, Nosseigneurs, Soutenir l'honneuf de sa devise« Liberté sotis là loi ët le Roi. »
On passe à la lecture du procès-verbal des deux séances de la Ville;
On fait ensuite lëcture d'un don patriotique de la ville de Saint-Germain-en-Laye, consistant en 41 marcs, 7 gros d'argent, provenant de boucles d'argent, en argenterie apportée par le curé de Saint-Léger-en-Laye, 11 marcs 2 onces, et en argent 85 livres 4 sous.
L'Assemblée accorde la séance âuX députés dë la Ville de Saint-Germain-en-Laye.
On introduit ensuitë un député dë là ville dë Sens, qui, portant là parole au nom dé cette ville, exprimé sa confiance, son respect et sa reconnaissance potir tous les décrets de l'Assembléë hationaléi II fait, au nôm dë la Ville dë Sens, i'hommaged'un don patriotique de 14,000 livrés ëft argent, et dé 150 paires dé boucles d'argent : w député demande encore, dans un discours plein de patriotisme, que l'Assemblée nationale veuillë bien permettre que cê soit en son nom qu'on place la première pierre d'un port que là ville de Sens va faire construire, et qu'elle daigne agréer qu'il soit élevé une pyramide où seront inscrits les noms de tous les députés de l'Assemblée nation nale. Le discours dë Cë député est Conçu en ces termes :
Nosseigneurs,
« J'ai l'honneur de vous rendre compte que là ville de Sens m'a fait celui de me députer auprès de l'auguste Assemblée pour la prier de recevoir avec bonté sott offrande patriotique, consistant en une somme de 14,000 livres; chaque citoyen s'est empressé d'y joindre le don patriotique de ses boudes, mais n'a regardé ce nouvel et simple hommage que comme le lien qui devait resserrer l'offrande que là ville m'a donné ordre de déposer sur l'autel de la patrie.
Mais un intérêt non moins cher au cœur des citoyens sénonais, qu'ils m'ont chargé de solliciter de Nosseigneurs, avec la plus vive et la plus respectueuse .instance, est de les prier, de les supplier de permettre qu'au nom de l'Assemblée nationale SOit posée la première pierre d'un port que; dans ce moment, fait construire la ville de Sens, et que, par Suite de cette première faveur, Nosseigneurs daignent consentir que, sur une pyramide qui sera élevée à cet effet, les noms des représentants de la nation soient gravés et passent à la postérité, dette place est la seule digne des pères de la patrie* puisqu'ils ont été les pilotés sages qUi ont conduit la France au port du bonheur et de la liberté.
s Daignez permettre j Messeigneurs, qU'en votre présence, j'ose remercier la ville de Sens ; je lui dois tout, et lui fais le Serment de lai être à jamais attaché j Je le répète, jé lui ddis tout, puisque o'est d'elle que je tiènâ le droit de paraître devant l'aréopage le plus respectable et le premier sénat dg l'univers
signé:le marquis de chambonas,Cotnriidmaht de là Ville dé Sêfiê. »
M. lë président lui répoiid :.
« L'ÀSsemblée nationale aime â voir, les rapides progrès dd pàtribtismé qu elle à voulu exciter parmi leè citoyens : elle îëçoit avec satisfaction, vos hommages ët Votre sacrifice à là patrie.
« Elle prendra, d'ailleUrs, votre demande en Considération, et elle Vous permet d'assister a sa Séance., »
On réCIàiiiè ensuite là lecture dU procès-verbal
du lundi 28; qui avait été différée. Un des secrétaires a fait cette-lecture à l'Assemblée.
On passe ensuite à la lecture des adresses des villes et provinces du royaume, dont la teneur suit :
Délibération de la communauté d'Arpajon, contenant remisé, en faveur de la nation, de la contribution des ci-devant privilégiés, outre sa part de la contribution patriotique.
Délibération de la ville d'Ardres et de dix-huit communautés de l'Ardresis, tendant à ce qu'il soit établi dans cette ville un chef-lieu de district, et contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à ceux relatifs aux biens ecclésiastiques et à la tranquillité publique ; elles ont nommé des commissaires pour engager tous les habitants à offrir, outre la contribution patriotique, le montant des rôles des ci-devant privilégiés.
Adresses de félicitations, remerciements et adhésion des communautés de Saint-Andeat-Lavalla et Saint-Martin à Coallieu en Lyonnais; elles demandent l'établissement d'une assemblée de district et d'une justice royale dans la ville de Saint-Chamond ; la communauté de Saint-Andéat-Lavalla fait le don patriotique de la contribution des cir devant privilégiés.
Adresse du même genre des villes de Tinche-bray, de Jonzac en Saintonge et de Verteuil en Albret.
Délibération de la commune de la Bastide-Clai-rence en Navarre, prise en assemblée générale des habitants, par laquelle cette ville adhère purement et simplement aux décrets de l'Assemblée nationale, et accepte, en conséquence, pour la couronne de Navarre,'l'ordre de succession établi par ladite Assemblée pour la couronne de France; elle demande avee instance que la Navarre soit jointe aux pays de Soûle et de Labour, soit pour la provincialité, soit.pour l'administration de la justice ; elle annonce que des événements imprévus ont été cause que les derniers Etats de Navarre se séparèrent au moment que les communes allaient délibérer .leur adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; elle est suppliée de demander au Roi de mettre les Na-varrais à portée de procéder à la nomination de leurs députés, si elle juge convenable qu'ils s'y fassent représenter.
Adresse du bureau intermédiaire du département de Mortagne au Perche, contenant une parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et un projet de division de ce département en deux districts, ayant pour chefs-lieux Mortagne et fiélesme.
Adresse des communautés de Lardier et de la Sàulce en Gapençais, contenant une entière adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et la demande de l'établissement d'une assemblée de département et d'un tribunal supérieur dans la ville de Gap.
Adresses des villes de Beaumont-le-Vicomte en Maine, de Ghaudesaignes en Auvergne, du Faon en Basse-Bretagne, de l'Isle d'Albigeois en Languedoc, de Noves en Provence, de Rozoi en Brie, de Rochebernard en Bretagne, de Molême, élection de Toiséne, de Commercy en Lorraine et de Fésensac en Gascogne, contenant l'expression des sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elles sont pénétrées pour l'Assemblée nationale; toutes ces villes demandent d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale. Seize communautés voisines de la ville de Fésensac témoignent les mêmes senti-
ments et appuient sa demande. La ville de l'Isle d'Albigeois fait.le don patriotique du produit de la contribution des ci-devant privilégiés, et, en outre, de la somme de 4,000 livres qui lui est due par Sa Majesté, suivant la liquidation qui en a été faite par l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 janvier 1781, avec les intérêts qui ont couru depuis cette époque. Enfin, celle de Rozoi fait également le don patriotique du produit de l'imposition des ci-devant privilégiés.
Adresse du bureau des correspondances chargé des pouvoirs des électeurs de la sénéchaussée de Dax, qui présente l'assurance de son respect et de son adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale ; il demande que la ville de Dax soit le chef-lieu d'un département et le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésions de la ville de Puy-l'Evêque et de huit communautés circonvoisines ; elles demandent l'établissement d'une assemblée de district et d'une justice royale dans cette ville.
Adresse du même genre de la communauté de Gondargues, près de Bagnols en Languedoc ; elle demande que cette ville soit le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Mau-beuge; elle demande la conservation du chapitre des chanoinesses qu'elle renferme, èt l'établissement d'une assemblée de district et d'un siège royal.
Adresses du même genre de la ville de Décise en Nivernais, de celle de Saint-Florent-le-Vieil et d'Urtat en Anjou, et des officiers du bailliage de Rumigny en Champagne, qui demandent toutes d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Mirepoix en Languedoc ; elle jure de verserjusqu'à la dernière goutte de son sang pour l'entière exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre des commandants et officiers municipaux de la garde nationale de Lille en Flandre; ils dénoncent quatre pamphlets séditieux et incendiaires, et demandent des armes pour le tiers de leurs compagnies.
Adresse du même genre de la ville d'Ornans en Franche-Comté ; elle demande une quantité d'armes suffisante pour la milice citoyenne.
Adresse de la légion des élèves patriotes de la ville de Montélimart, qui présente à l'Assemblée l'hommage du serment qu'elle prêta immédiatement après celui des gardes nationales de quatre-vingt-sept communautés de Dauphiné, Provence et Languedoc, dont il a été fait lecture à l'Assemblée ; ces jeunes élèves expriment, dans ce serment, les sentiments du.respect le plus profond et d'un dévouement sans bornes pour le Roi et l'Assemblée nationale.
Adresse de félicitation et de dévouement de plusieurs habitants de la communauté d'Auteuil, près de Montfort-1'Amaùry; ils portent plusieurs chefs de plaintes contre leur curé.
Adresse du même genre du comité permanent de la ville de la Plume en Agénois, il demande la communication de la plainte que leur curé a portée contre lui à l'Assemblée nationale, afin de produire sa justification.
Adresse de la ville de Bagnols en Languedoc, contenant le don patriotique de la contribution dés ci-devant privilégiés. :
Adresses des officiers municipa'ux de la ville de Dôle en Franche-Comté, dans laquelle ils annoncent que les habitants ont célébré, le 14 de
ce mois, l'anniversaire de l'inauguration de la première statue de Louis XVI, érigée en cette ville en 1783. Aux cérémonies les plus pompeuses de l'Eglise a succédé une assemblée de la municipalité devant la statue, où le procureur du Roi de police a prononcé un discours aussi noble que touchant en faveur du Roi et des représentants de la nation, restaurateurs de la liberté française, après lequel-a été prêté le serment de la milice nationale.
Adresse du comité permanent de la ville d'An-nonay en Vivarais, qui désavoue les principes contenus dans la lettre écrite à la municipalité de Metz, sous la signature « Tavernot de Barrés », l'une des villes du Vivarais, comme contraires aux sentiments patriotiques et au parfait dévouement du comité aux décrets de l'Assemblée nationale.
Délibération de la ville de Monistrol-en-Velay, du 21 décembre, par laquelle les habitants adhèrent à tous les décrets de l'Assemblée, et arrêtent d'offrir, en don patriotique, l'imposition qui doit être faite sur les privilégiés de la commune, outre le quart de leur revenu qu'ils se soumettent de payer.
annonce que M. Rome-De-lisle fait à l'Assemblée l'offre de son ouvrage sur les poids et mesures des anciens, et sur leurs rapports avec les poids et mesures, et le numéraire actuel de la France.
, du Dauphiné, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis pour remplacer M. Mounier, qui a donné sa démission.
On se dispose à passer à l'ordre du jour.
Je prie qu'on m'accorde un moment pour demander qu'on s'occupe demain de la subsistance de cette partie des pasteurs,de l'Eglise appelée à portion congrue. Cet objet est infiniment pressant. Les décimateurs se disposent à ne plus payer les pensions des curés et vicaires. On soulèvera les pasteurs, et l'on espère ainsi par ce moyen soulever les ouailles.
interrompt l'opinant, le rappelle à l'ordre et se plaint de calomnie....
Une grande partie de l'Assemblée appuie M. de Fumel.
M. l'abbé Maury demande la parole.
continue : Ce n'est pas la première fois que l'aristocratie est tentée de prendre par la famine ceux dont elle ne peut séduire la raison. Je demande que la motion que j'ai à proposer soit placée demain à l'ordre du jour.
Je n'ai pas demandé la parole pour contredire le préopinant, mais pour applaudir à ses vues. Je ne viens pas discuter. Cet objet n'est pas susceptible de discussion. Il est vrai que dans les provinces, on répand le bruit qui a donné lieu à la motion de M. Guillaume. Je propose, pour faire cesser ces calomnies, de décréter à l'instant que les décimateurs continueront comme par le passé à payer les portions congrues.
L'Assemblée témoigne le désir de délibérer à l'instant.
observe que l'ordre de la séance du jour ne peut être changé que par un décret.
Il faut absolument discuter, et non délibérer sans discussion. On veut que l'Assemblée décide sans examen que les décimateurs continueront comme par le passé, etc. Il y a là un piège ! Nous. réduirions peut-être ainsi à la portion congrue les pasteurs respectables auxquels la justice de l'Assemblée a promis une position meilleure. Je demande l'ajournement de la discussion après la motion de M. Treilhard.
On devrait rappeler à l'ordre le préopinant. Quand bien même on voudrait nous tendre un piège, cette expression serait impropre. Un avocat aurait dû le sentir.
Votre comité ecclésiastique est prêt à vous proposer un décret sur le même objet que la motion de M. Guillaume. Cette matière doit être discutée. Les fermiers des dîmes ne payent plus ; les décimateurs se prêtent à ce refus. 11 faut donc examiner s'il est convenable de continuer en 1790 la perception des dîmes.
L'Assemblée adopte l'ajournement proposé par M. Camus.
(Voy. la motion de M. Guillaume annexée à la séance de ce jour.)
L'ordre du jour ramène la discussion sur les articles additionnels au décret concernant les municipalités.
L'article relatif aux préséances est mis en délibération. Il est ainsi présenté :
« Les administrations de département et de district et les corps municipaux auront chacun en leur territoire, en toute cérémonie publique, la préséance sur les corps civils et militaires. »
, député de Saintes. Messieurs, l'article que nous propose votre comité de constitution aura pour effet d'humilier les officiers de judicature. Les corps de magistrature avaient une préséance honorable sur les municipalités et sur toutes les autres compagnies jusqu'au moment où l'abbé Terray,par une suite de l'esprit fiscal qui dirigeait ses opérations, rendit vénales les charges municipales. Pour en favoriser la vente, il accorda aux officiers des hôtels de ville le droit de marcher dans les cérémonies publiques sur une ligne parallèle à celle des officiers de justice, mais à leur gauche. Aujourd'hui on va plus loin; on propose de donner le pas sur eux aux municipalités et aux corps administratifs, par la fausse raison que ces derniers sont les représentants du peuple ; mais les représentants du peuple sont les députés à l'Assemblée nationale.. Les membres des municipalités et des corps administratifs n'en sont, comme les magistrats, que les officiers ; et certes, on n'a jamais mis en doute lequel des deux pouvoirs était le plus digne, celui de juger ou celui d'administrer. Après le droit de. commander aux hommes, celui de juger est le plus grand.
Vous avez décrété, il y a quelques jours, que les officiers municipaux seraient jugés paries tribunaux ordinaires, mêfné pour leà délits commis dans leurs fonctions ; les tribunaux ont donc sur eux un degré de prééminence et de dignité; autrement vous feriez marcher les juges après les justiciables; non, on ne vous rendra pas ainsi traîtres à vous-mêmes et vous n'avilirez pas vos nouveaux tribunaux avant de les avoir créés.
Je propose de substituer à l'article du comité la disposition suivante :
« Dans toutes les assemblées et cérémonies
publiques, les compagnies publiques 4$ justice et les corps administratifs margheropt sur deux colonnes ; les premiers formerpnt la droite et les seconds la gauche. Les officiers municipaux les suivront immédiatement sur deux lignes. Dans les lieux où il n'y aura point de corps administratifs, les officiers de justice et ceux des municipalités marcheront dans les cas ci-dessus exprimés, sur deux lignes parallèles, les premiers à droite et les seconds à gauche. »
, lin jde nos grands défauts dans les monarchies, c'est d'avoir mis les hommes à la place des choses. C'est toujours la loi qu'il faut voir dans celui qui en est l'agent ou l'organe. Les officiers municipaux sont une émanation partielle du pouvoir souverain; ils sont les représentants du peuple ; il faut honorerle peuple dans ses représentants..... Autrefois nous prêchions en tremblant ^obéissance à des lois despotiques, vous les avez abolies. Aujourd'hui nous devons réclamer avec courage toutes les prérogatives de la souveraineté du peuple, quand cette souveraineté est méconnue. Tous les hommes ne sont pas encore assez philosophes, assez instruits pour connaître leurs droits. Il faut que les usages de chaque jour les leur rappellent. — J'adopte l'article du comité de constitution.
On réclame en faveur des officiers municipaux la préséance, dans les cérémonies publiques, sur les officiers civils et militaires. On la réclame, cette préséance, parce que les officiers municipaux sont, dit-on, une émanation partielle du pouvoir souverain, parce qu'ils sont les représentants du pouvoir souverain. -7 J'observe d abord qu'on est le dépositaire d'un pouvoir, qu'on n'en est jamais le représentant; et rien né vient mieux à l'appui de mon observation que le principe générateur reconnu,consacré parmi vous. Tous les pouvoirs viennent du peuple ; mais il n'est pas moins vrai que ce peuple ne peu); se réserver aucuns pouvoirs, qu'il doit les déléguer tous ; sans cela nous retomberions bientôt dans une anarchie mille fois plus déplorable que le despotisme lui-même.— Le pouvoir judiciaire émane aussi du peuple, et sûrement celui qui administre la justice doit avoir le pas sur celui qui n'administre que les deniers d'une communauté. Vous ne sauriez jamais trop honorer celui de qui dépendent 1 honneur, la fortune et la vie de tous' les citoyens. — Liberté, égalité, sûreté, voilà ce que vous devez au peuple j yûil£ ce qu'il a droit d'attendre de vous; mais gardez-vous bien de lui accorder ce qu'il ne demande pas, des honnéurs d'opinion qui peuvent l'égarer ou le séduire. Dans lés Etats les plus démocratiques, on n'a jamais voulu amuser le peuple par de vaines prérogatives ; on l'a protégé par de bonnes lois. Je conclus à ce que, dans les cérémonies publiques, la magistrature ait le pas sur la municipalité.
Je monte à la tribune pour soutenir l'article qui vous est proposé par le comité. Il me sera sans doute impossible d'attaquer les principes du préopinant avec l'éloquence qu'il a employée pour les développer; mais ses succès ne peuvent diminuer mon courage, et je dois dire que mon avis n'est pas le sien» Le peuple ne peut, il est vrai, se réserver
aucun pouvoir* quoiqu'il possède tous les poiir voirs, et je conviens qu'il faut qu'il les délègue. C'est en partant de çe principe que je soutieus que les premiers dépositaires des pouvoirs du peuple ont les premiers droits aux honneurs du peuple. J'emploie souvent le mot peuple, et c'est peut-être en l'employant plus souvent que moi qu'on est parvenu a vous faire illusion. Les officiers municipaux sont pris dans toutes les corporations particulières; les magistrats, les militaires ont droit aux places municipales ; les officiers municipaux ont des fonctions qui sans cesse leur font représenter la totalité de la communauté ; ils surveillent tous les corps ; ils peuvent être quelquefois les juges des jugés ; ils ont surtout les rapports les plus directs avec la classe à laquelles on a improprement donné prir-mitivement le nom de peuple.....Je conclus de toutes ces vérités que vous ne pouvez jamais trop ennoblir les places municipales. J adopte en entier i'afticle proposé par le comité,
rapporte, en faveur des tribunaux judiciaires, les raisons déjà alléguées par M. l'abbé Maury, et sa conclusion est la même.
Les officiers municipaux sont les officiers de toute la cité, ils sont les représentant de toute la cité, ils sont les juges des juges de la cité. Les militaires sont les gardiens de la société ; les pasteurs sont des officiers de morale, autrement de religion. Les officiers municipaux sôpt donc plus rapprochés du peuple ; ils pnt les premiers droits aux honneurs que dispense le peuple. Et qu'on ne répète pas que ces honneurs d'opinion sont dangereux ! Ils le sont pour des corps éternels ; ils ne peuvent l'être pour des corps qui se renouvellent tous les deux ans.
Votre comité a pensé, lorsqu'il nous a soumis l'article de la discussion, ce que cette discussion n'a pu lui faire cesser de penser ; il croit encore, et vous croirez avec lui, qu'il est de la plus haute importance d'accorder aux officiers municipaux une dignité capable de leur concilier l'estime des peuples. Si vous ne relevez par les fonctions qui leur sont confiées, vous courez le risque d'en rendre l'exercice presque impossible. Il n'y a pas de danger à leur accorder ces honneurs d'opinion ; il y en aurait à les-leur refuser.
(Des témoignages d'improbation se manifestent dans un bout de la salle,)
Lorsque des effervescences populaires s'élèvent, ce ne sont pas les militaires qui se présentent pour les calmer, ils ne feraient que les exciter encore ; ce ne sont pas les membres des tribunaux judiciaires, léur démarche serait inutile. Les officiers municipaux persuadent : ils sont pères du peuple ; le peuple obéit, l'effervescence se dissipe. Èt l'on refuserait des honneurs d'opinion à des hommes auxquels le peuple a recours dans ses besoins de chaque Journée, et qu'il à revêtus d'une confiance aussi honorable et aUssi puissante!
(La salle retentit d'applaudissements.)
propose en amendement de n'admettre dans les cérémonies publiques que les officiers municipaux.
, député de Tours, demande encore
en amendement que les officiers municipaux et ceux de judicature marchent en ligne parallèle, et que la droite soit toujours accordée à ces derniers.
, député de Forcalquier. Votre constitution élève le peuple au-dessus du Roi ; balancerez-vous, Messieurs, à mettre la commune au dessus du juge ?
se dispose à faire lecture des amendements.
Je demande pour sous-amendement que tous les amendements soient renvoyés à M. de Brezé, grand maître des cérémonies, et que nous nous hâtions de consacrer uniquement ce principe ; que tous les officiers municipaux, comme véritables et immédiats représentants du peuple, auront à jamais le pas sur toute autre existence sociale.
L'article du comité est mis aux voix. Il est adopté dans la rédaction suivante :
« Les administrateurs de département et de district et les corps municipaux auront, chacun dans leur territoire, en toute cérémonie publique, la préséance sur les officiers et les corps civils et militaires. »
L'article suivant est décrété sans discussion :
« Le conseil municipal, lorsqu'il recevra les les comptes des bureaux, sera présidé par le premier élu des membres qui composeront le conseil. »
Un troisième article est soumis à la discussion ; le voici :
Les juges et officiers actuellement en exercice dans les justices seigneuriales supprimées pourront être élus aux places des municipalités. 9
On a oublié dans la constitution de fixer le sort des enfants trouvés.
propose de dire au commencement de l'article : « Les juges et tous les autres officiers de magistrature, etc. »
pense que les officiers de judicature actuellement en exercice ne doivent pas être admis dans la première élection des membres qui formeront les municipalités; parce que, dit-il, ils se sont opposés et s'opposent chaque jour à la révolution.
Les magistrats ne doivent pas être exclus des places municipales, parce que les magistrats qui sont dans cette Assemblée n'ont pas moins contribué à la révolution que les professeurs en droit canon.
(M. Lanjuinais, professeur en droit de l'université de Rennes, applaudit à cette plaisanterie; l'Assemblée n'imite pas son exemple.)
Les officiers de judicature sont en exercice jusqu'à ce que vous ayez pourvu à un nouvel ordre judiciaire; je pense que les éloigner des municipalités, ce serait peut-être les engager à se relâcher sur les devoirs que leur imposent les fonctions provisoires que vous leur avez confiées.
Le comité présente une. nouvelle rédaction de l'article qui est décrété comme il suit :
« Les juges et les officiers de justice tant des sièges royaux, même de ceux d exception, que
des juridictions seigneuriales, pourront, aux prochaines élections, être choisis pour les places des municipalités et des administrations de département et de district ; mais s'ils restent juges ou officiers de justice, par l'effet de la nouvelle organisation de l'ordre judiciaire, ils seront tenus d'opter. »
Je viens de recevoir de M. le garde, des sceaux une lettre que je crois devoir faire connaître à l'Assemblée. Elle est conçue en ces termes:
« Des dépenses considérables, nécessitées par l'entretien de la navigation sur la Saône à l'Isl e-Barbe, près de Lyon, ont fait introduire un droit de péage dont le produit leur est affecté,. Depuis 1772 jusqu'au moment aGtuel, ce droit a successivement été prorogé de dix année? ep dix années ; le terme, dernièrement fixé, échoit au 31 de ce mois ; et il devient urgent d'y pourvoir. Dans cette position, l'administration du domaine propose de rendre un nouvel arrêt portant nouvelle prorogation de dix ans; mais, ayant de mettre ce projet sous les yeux du Roi, M. le garde des sceaux a cru devoir en communiquer a M» le président 4e l'Assemblée nationale.
.« Ce droit produit aujourd'hui 17,800 livres de ferme.
« Les circonstances et la position des finances ne permettent, ni de négliger ce qui sert à entretenir et faciliter la navigation, ni de laisser à la charge du Trésor public des dépenses dont on trouvait l'équivalent dans la perception dont il s'agit. L'Assemblée nationale pensera, sans doute, que le droit de péage accoutumé ne doit pas être interrompu ; cependant, comme il est vraisemblable que l'inspection d'un objet de cette nature sera par la suite confié aux soins de l'administration de département, et qu'elle avisera alors au moyen le plus utile et le moins onéreux de faire fape aux dépenses d'entretien, M. le garde des sceaux pense qu'il suffirait de prononcer que la perception sera prorogée jusqu'après l'organisation de l'administration provinciale, et jusqu'à ce qu'elle ait pu faire connaître son vœu sur la durée ou l'abolition du droit de péage. .
Monsieur le président de l'Assemblée nationale voudra bien sentir combien il serait urgent de prendre un parti èt faire part à M. le garde des sceaux, le plus promptement qu'il pourra, du vœu de l'Assemblée.
a Signé t l'Archevêquê bë Bordeaux.
« Paris, ce
Après une. légère discussion relative à la lettre dé M. le gardé des sceâtix, l'Assemblée nationale a porté le décret suivant ;
« L'Assemblée nationale décrète que le droit de péage perçu à l'Isl e-Barbe, sur la Saône, près de Lyon, continuera à être perçu jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu d'après le vœu de l'administration de département/»
L'Assemblée, prenant ensuite en considération la demande de la ville de Sens, décrète que, conformément au vœu de cette ville, la première pierre du port qu'elle va faire construire, sera posée au nom de l'Assemblée nationale, et que le nom des députés sera gravé sur une pyramide.
Un nouveau décret charge M. le marquis de ChambonaS de faire poser la première pierre du port de Sens, au nom de l'Assemblée,
continue le rapport de l'affaire
de Toulon. — Le comité n'a pu prendre sur cette affaire un avis déterminé; une partie des membres qui le composent a pensé qu'il fallait la renvoyer au pouvoir exécutif ; l'autre a cru qu'elle devait être renvoyée au Ghâtelet. La séance est levée à quatre heures.
à la séance de VAssemblée natonale du
Projet de décret (1), tendant à assurer la portion congrue des curés et des vicaires, et a augmenter dès à présent leur traitement, par M. Guillaume. (Cette motion a été ajournée par l'Assemblée nationale au 31 décembre, séance du matin.)
L'Assemblée nationale, considérant que lorsqu'elle a, par son décret du 14 août dernier et jours suivants, aboli les dîmes, elle s'est réservé d'aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à l'acquit des charges dont elles sont grevées, et notamment à l'entretien des ministres des autels ; que jusqu'à ce qu'il ait, à cet effet, été pourvu au remplacement des dîmes, elle a ordonné qu'elles continueraient d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée; que la nécessité où elle a été depuis ce décret de s'occuper sans relâche pour le bonheur des peuples, de fixer la constitution de l'empire et de rétablir l'ordre dans ses finances, ne lui a pas encore permis, et ne lui permet même pas en ce moment, de déterminer le mode de ce remplacement; qu'ainsi les dîmes ont dû et devront encore, pendant tout le cours de l'année prochaine, se percevoir, et leurs charges s'acquitter; que, néanmoins, il est important d'empêcher que, sous aucun prétexte, les curés et vicaires congruistes puissent être privés des pensions qui leur ont été payées jusqu'à présent, et même que ces payements éprouvent le moindre retard.
Considérant en outre que, par son décret du 2 novembre dernier, elle a pris l'engagement solennel d'améliorer le sort de cette portion précieuse et malheureusement si peu fortunée des ministres de la religion, et que s'il n'est pas en son pouvoir de réaliser entièrement ses promesses dès à présent, il est du moins de sa justice d'employer à l'acquit d'une dette aussi sacrée tous les fonds dont elle peut disposer ; A décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les dîmes continueront à être payées comme par le passé, jusqu'au 31 décembre 1790, après lequel temps et en vertu du présent décret, la perception en est absolument défendue dans tout le royaume.
Art. 2. Les décimateurs payeront, pendant tout le cours de l'année prochaine, aux termes ordinaires et sur le même taux que par le passé (2),
les pensions dont ils étaient tenus envers les curés et les vicaires à portions congrues, et acquitteront les autres charges des dîmes (1).
Art. 3. La faculté accordée aux décimateurs par la déclaration du 30 juin 1690 et autres lois subséquentes, d'abandonner les dîmes pour se décharger de la portion congrue, est et demeure abrogée pour ceux qui n'en auront pas fait la déclaration dans une forme authentique avant le 1er janvier prochain, et ils seront tenus, nonobstant toute déclaration postérieure, au payement, pendant tout le cours de l'année 1790, des portions congrues dont ils étaient précédemment chargés.
Art. 4. A défaut par les décimateurs de faire le payement desdites partions congrues aux termes accoutumés, et quelques prétextes qu'ils allèguent pour autoriser leur refus ou leur retard, après une simple sommation qui les aura mis en demeure de le faire, les municipalités du lieu où sont situées les cures sont autorisées à faire aux curés et vicaires, à portion congrue, l'avance du quartier courant de leur pension (2), même à continuer ce payement de quartier en quartier, sans qu'il soit besoin de nouvelles sommations, et à saisir, pour s'en faire rembourser, les dîmes et autres revenus des décimateurs.
Art. 5. Pourront néanmoins, comme par le passé, les curés et vicaires à portion congrue se pourvoir aussi directement contre les décimateurs pour l'acquit de leurs pensions, ainsi que des autres charges des dîmes, par voies de saisie, d'opposition et autres de droit comme par le passé.
Art. 6. Le comité ecclésiastique se fera rendre compte dans le plus bref délai, par le receveur général des économats et autres administrateurs pour les provinces qui ne sont pas soumises au régime des économats (3), du séquestre des biens et des revenus de tous les bénéfices consistoriaux vacants; et, d'après le rapport que ce comité en fera incessamment à l'Assemblée, elle avisera aux moyens de répartir tout ou partie des reliquats desdits comptes entre les curés et vicaires à portion congrue par forme de supplément à leur pension.
Art. 7. Pour l'exécution de l'article précédent, l'Assemblée nationale fait dès à présent défenses auxdits receveurs des économats et autres administrateurs des bénéfices consistoriaux vacants de vider leurs mains des deniers qu'ils peuvent avoir provenant des revenus des bénéfices, sinon ainsi et de la manière qui sera réglée par l'Assemblée.
Art. 8. M. le président se retirera dans le jour par devers le Roi pour supplier Sa Majesté d'accorder sa sanction au présent décret et de donner les ordres nécessaires pour son exécution.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER.
Séance du
annonce plusieurs offrandes patriotiques :
1° Celle d'une somme de 3,556 livres 5 sols 9 deniers de la part du district des Jacobins. Cette somme est le produit de plusieurs bijoux en argenterie et de quelques dons en argent ou effets de quelques particuliers de ce district ;
2° Celle de 3,000 livres de la part de la commune de Doulaincourt, paroisse de Saint-Martin, près de Joinville en Champagne ;
3° La remise faite par M. Bonnemère de Chavi-gny, conseiller en la sénéchaussée et maire élu de Saumur, de la finance de son office'de conseiller, qu'il a évaluée à 3,000 livres dont il offre 2,000 livres en pur don patriotique, et 1,000 livres pour l'acquit du quart de son revenu et de celui de ses enfants mineurs ;
¥ La renonciation, au profit delapatrie,delà part de la municipalité et du comité permanent de la ville de Pont-de-Vaux en Bresse, au montant de l'imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de la présente année, et le don de 2 onces d'or et de 53 marcs 7 onces d'argenterie, provenant en partie du chapitre de la ville et du couvent des Cordeliers; le reste est le produit des boucles d'argent.
, député de la ville de Bordeaux, fait l'offrande d'une somme de 18,467 livres 17 sols envoyée par les électeurs de cette ville, et provenant de la vente des bijoux qui leur avaient été remis.
Je saisis cette occasion pour faire observer que, dans d'autres temps, la ville de Bordeaux aurait fait de plus grands sacrifices; mais que n'existant que par le commercé, dont les circonstances ont ralenti les combinaisons «t diminué les intérêts, les dons volontaires qu'elle fait à la patrie tirent de ces circonstances malheureuses un mérite que les richesses ne lui auraient pu donner. Les armements pour les colonies y sont suspendus ; ceux pour la traite des noirs y cessent totalement (Murmures) ; ceux qui m'interrompent ont tort de croire que je veuille faire ici l'apologie de la traite. Je (lis seulement que la suspension des armements qui enrichissaient autrefois le port de Bordeaux laisse aujourd'hui dans le besoin un grand nombre d'ouvriers que ces armements faisaient exister. Beaucoup de places de commerce sont aujourd'hui dans le même cas. C'est pourquoi je demande que, deux fois par semaine, votre comité de commerce et d'agriculture, quia des rapports à vous faire, vous donne des moyens pour ranimer ces branches importantes de la prospérité publique.
Cette motion est appuyée par plusieurs membres, et paraît obtenir, quoique sans décret, l'assentiment général de l'Assemblée.
L'Assemblée nationale reçoit avec la plus grande satisfaction les témoignages de dévouement et de patriotisme qui éclatent dans toutes les parties du royaume.
M. Légier, procureur au Parlement, fait hom-
(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.
mage à l'Assemblée nationale de son ouvrage sur la liberté ou les avantages de la nouvelle constitution française.
M. Debure, imprimeur de VA Imanach royal, en présente un exemplaire à l'Assemblée.
Une Réputation des maîtres de l'école royale vd'armes de la ville de Paris a été introduite ; l'un d'eux, portant la parole, a dit :
« Les maîtres de l'école royale d'arme3 de la ville de Paris viennent, à l'exemple de tous les bons Français, présenter leur hommage patriotique à l'auguste Assemblée. Destinés à mettre les premières armes dans les mains de la jeunesse de France, leurs épées sont l'offrande naturelle qu'ils ont à faire à la patrie : deux métaux les composent, l'argent et le fer ; agréez, Nosseigneurs, le premier pour les besoins pressants du moment ; nou3 jurons d'employer le second au service de la'nation, au maintien de la liberté, au soutien de vos décrets et à la défense du meilleur des Rois. »
leur a répondu : « L'émulation de patriotisme que montrent tous les citoyens est un heureux augure du bonheur qui nous attend. L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction le sacrifice que vous faites aux besoins de la patrie, et elle vous permet d'assister à sa séance. »
Les maîtres qui ont fait don de leurs épées sont :
MM. Teillagori, directeur,
Desuslamaré,
Paquier, adjoint au directeur,
Danet,
Guillaume d'Orcy,
Donadieu,
Texier de la Boëssière,
Prévôt, maître des pages du Roi,
Levalois,
Prévôt, maître de la maison de Condé,
Desbuissons,
La Boëssière jeuue,
Etienne le jeune,
Gervais,
Despocs,
Demenessier,
Bouchée.
, député delà ville d'Aix, demande la parole et dit que l'abbé Raynal, après avoir donné l'année dernière aux Académies française, des sciences et des inscriptions, une somme de 72,000 livres pour fonder des prix propres à encourager les lettres, les sciences et les arts, vient de faire un établissement dans la Haute-Guyenne pour les progrès de l'agriculture ; qu'il donne à l'assemblée provinciale 24,000 livres, produisant annuellement 1,200 livres qui doivent être distribuées, avec une médaille d'argent, aux douze cultivateurs les plus laborieux de la province.
prie l'Assemblée d'ordonner que le modèle de cette médaille, dont il est porteur, sera déposé dans ses archives comme un hommage civique que M. l'abbé Raynal fait à la nation .
L'Assemblée nationale décrète que le modèle de la médaille établie pour prix annuel et perpétuel, « en faveur des cultivateurs laborieux » de la Haute-Guyenne, par M. l'abbé Raynal, sera déposé dans ses archives, en témoignage de l'approbation qu'elle donne à cet utile et touchan établissement.
La lecture du procès-verbal de la séance de la veille est faite ensuite.
annonce que le Roi recevra une députation de l'Assemblée à six heures : les députés nommés pour accompagner M. le président sont :
MM. Redon,
L'abbé Dillon
Delort de Puymalie,
Bouchotte,
Le comte de Castellane,
Jouffroy de Goussans, évêque du Mans,
Thibault, curé de Souppes,
Dusson de Bonnac, évêque d'Agen,
Dusers,
Le marquis de Perigny,.
Dionis du Séjour,
t.e Goazre de Kervélégan,
6e Conzié, archevêque de Tours,
Corollaire,
Expilly,
Malouet,
de Montcalm-Gozon,
Gautier, curé, de Lancosne,
Leyris-Desponchez, évêque
de Perpignan,
de Toulouse-Lautrec,
Fleury de Sédan,
de Bouthillièr,
Cris tin,
duc Albert de Luynes,
Dosfant,
Blin,
De Kytspoter, Rey,
De Vrigny,
Melon,
Poignot,
Mougins de Roquefort,
P;son du Galand,
Duc de la Rochefoucault,
De Saint Maurice, Prévôt,
De Cazalès',
De Cocherel,
La Poule.
L'abbé de Bonneval,
Bucaille, curé,
-L'abbé Royer,
Champeaux,
Debourge,
Vallet, curé de Saint-Louis,
De Langle,
Lebois dès Guays,
De Chastenay, Lenty,
De Tiefvillfe des Essarts,
De Coulmiers, abbé d'Abbecourt,
D'Arnaudat,
Glezen,
Bordeaux,
Rousselet,
Latil, prêtre, (de Hantes),
Jamier,
Grelet de Beauregard,
Cherfils,
Larreyre,
Meunier du Breuil.
Quelques personnes ayant observé que l'absence d'uMsi grand nombre de membres de l'Assemblée ne permettait pas de tenir une séance dans l'après-midi, l'Assemblée nationale a décrété qu'il n'y aurait pas de séance.
fait lecture d'une lettre de M. le comte de Saint-Priest, portant qu'il était presque impossible, surtout dans les campagnes,
de trouver un officier public pour constater les contraventions relatives à la circulation des grains. M. de Saint-Priest propose, en conséquence, d'autoriser les membres des municipalités à dresser les procès-verbaux nécessaires. A la lettre se trouvait jointe une lettre de la commission intermédiaire de Rouen sur le même objet ; l'Assemblée nationale décrète le renvoi au comité des finances.
Un membre de l'Assemblée fait lecture d'une lettre de M. d'Aumont, chef de division de la garde nationale parisienne, par laquelle, en annonçant la demande que font les habitants du bourg de Guiscardt, dont il est propriétaire, d'un chef-lieu de district, il déclare que ces habitants sont bien moins occupés des succès-de cette demande qu'empressés d'assurer l'auguste Assemblée de leur adhésion la plus complète à ses décrets, de leur reconnaissance pour les soins infatigables auxquels la nation devra son bonheur,, et de leur admiration pour ce courage réfléchi qui n'a opposé qu'un front calme à la fureur au despotisme, et de leur- résolution de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour assurer i'exéeutiou des décrets de TAssemblée.
observe qu'il lui a été adressé, dans le temps de sa présidencé, des dons patriotiques., dont partie consistait en lettres de change passées à son ordre, et dont le montant ne pourrait être touché que sur son acquit; il demande si l'Assemblée désire. que son président appose lui-même sa signature sur ces lettres de change, ou si elle trouve convenable d'autoriser un des trésoriers à donner son acquit au nom du président.
L'Assemblée décrète que son président donnera lui-même les acquits.
expose que les secrétaires lui ont communiqué une adresse de la milice nationale de la ville de Rennes,dans laquelle il se trouve personnellement inculpé. 11 demande que l'Assemblée veuille bien indiquer un jour pour la lecture de cette adresse, et pour entendre sa réponse.
L'Assemblée décrète que la lecture de l'adresse sera faite dans làséance dusamedi 2 janvier, et que M. le vicomte de Mirabeau sera ensuite entendu.
11 est fait lecture de plusieurs adresses dont la teneur suit :
Délibération de la commune d'Essarois en Bourgogne, contenant félicitations remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; elle demande qu'Arnai-le-Duc soit un chef-lieu de district; elle se soumet à verser à la caisse patriotique, pour le 11 novembre 1790, une somme de 600 livres à prendre sur le produit de la vente d'une partie de ses bois de chauffage.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville de Magny en Vexin ; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Adresses de la ville de Rochefort en Auvergne, des villes de Mauvesin et de Masseube en Gascogne, de celle de Compiègne, de Terrasson en Périgord, et de plusieurs citoyens des paroisses qui l'entourent, du bourg d'Eclaron en Champagne, de la ville d'Issigny en Basse-Normandie, et de celle de Moncontour en Bretagne ; toutes ces villes félicitent l'Assemblée nationale de ses glorieux travaux, adhèrent, avec une respec-
tueuse reconnaissance, à tous ses décrets et demandent d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale. Le bourg d'Eclaron fait hommage de la somme de 5,700 livres formant le montant de sa contribution patriotique.
Délibération des communes de la ville et ba-ronnie de Mauzé en Aunis, qui porte que, pour la prompte exécution des décrets de l'Assemblée nationale, elles ont formé un comité de police «t de subsistances ; elles réclament une justice royale.
Délibération de l'assemblée municipale de la ville de Gernay en Alsace, contenant les protestations les plus fortes contre l'arrêté anti-national de la chambre ecclésiastique du clergé de la Haute-Alsace, du 11 de ce mois; elle regarde comme traîtres à la patrie tous ceux qui auront la témérité d'accéder, soit directement, soit indirectement, aux dispositions développées dans cet arrêté.
Adresse des juges royaux de l'amirauté de Saint-Brieuc en Bretagne, qui présentent à l'As semblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement pour l'exécution de tous ses décrets.
Adresse du même genre des procureurs de la sénéchaussée de Pioërmel en Bretagne ; ils supplient l'Assemblée de leur accorder la continuation de l'exercice de leur fonctions dans l'étendue du district fixé dans cette ville, sans être assujettis à une nouvelle nomination.
Adresse des officiers du bailliage d'Avallon, qui se plaignent amèrement de ce qu'ils ne connaissent encore que par les papiers publics les décrets de l'Assemblée ; ils la supplient de faire exécuter rigoureusement les décrets relatifs à l'envoi aux tribunaux de tous ceux acceptés ou sanctionnés par le Roi.
Délibération des communautés de Bizonne, Eydoche, Ghabon, Pupetière, Longcheval, Nan-toin et le Moutier en Dauphiné, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale ; elles déclarent qu'elles feront les plus grands sacrifices pour assurer le bonheur de l'Etat et empêcher que la France ne soit flétrie par une honteuse banqueroute ; elles supplient l'Assemblée de leur obtenir une subrogation à l'inféodation de 3,162 arpents de terrain appelé « Lier », surprise à Sa Majesté par MM. de Ctia-bost et de Suile, à l'offre qu elles font d'acquitter exactement la rente annuelle de 1,600 livres portée par ladite inféodation, et de donner à la patrie une somme de 3,000 livres une fois payée.
Adresses d'adhésion et de dévouement de la ville de Viteaux et de celle de Gy en Franche-Comté ; cette dernière demande la conservation des capucins qu'elle renferme, sous la condition qu'ils tiendront le collège, et qu'ils enseigneront « gratis » les hautes classes.
Adresses des Villes de Pontivy et de Josselin en Bretagne, qui expriment avec énergie les sentiments d'indignation que leur inspire la conduite du Parlement de Rennes; elles renouvellent l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et le vœu solennel d'en maintenir l'exécution par tous les moyens qui seront en leur pouvoir.
Les jeunes citoyens de la ville de Josselin manifestent les mêmes sentiments dans une délibération séparée.
Adresse de la municipalité de Villeneuve-de-Berc en Vivarais, qui a chargé les officiers de la garde nationale d'employer tout leur zèle pour s'assurer de la personne de tous ceux qui pour-
raient répandre des bruits alarmants, et se permettre des propos contre l'Assemblée nationale et les membres qui la' composent, ou contre la garde nationale; elle supplie l'Assemblée d'approuver les dispositions de cet arrêté.
Adresses de félicitations, remerciements et adhésion de la ville d'Hazebrouck en Flandre maritime, de celle de Gisors en Normandie, de celle de Château-Poinsat en Marche, de celle de Selles en Berry, des habitants de l'île d'Qléron, du bourg d'Aigre en Poitou; toutes ces villes, île, bourg, demandent l'établissement, dans leur enceinte, d'une assemblée de district et d'une justice royale.
Adresse du même genre de la communauté de Saint-Donnet en Ilaute-Marche; elle demande d'être comprise dans le district à établir dans la ville de Bellegarde.
Adresse de la communauté d'Esbly en Brie, qui se soumet, avec la plus grande confiance, à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et fait le don patriotique de la contribution des ci-devant privilégiés.
Adresse de la communauté de Tingy, qui, indépendamment de sa contribution patriotique, fait don à l'Etat du produit de l'imposition des ci-devant privilégiés, et, en outre, d'une somme de 677 livres.
Adresse de la ville de Flavigny, qui - demande la conservation du chapitre collégial qu'elle renferme. A la suite est une déclaration de ce chapitre, par laquelle il adhère, avec confiance et soumission, à tous les décrets rendus par l'Assemblée nationale, et à celui qu'il lui plaira de rendre sur la demande de la ville de Flavigny.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Bar-sur-Aube, qui profitent, avec empressement du renouvellement de l'année, pour offrir à l'Assemblée nationale un nouvel nommage de leur respect et de leur dévouement; ils ferment les vœux les plus ardents pour la conservation des représentants de la nation, qui ont rendu à tous les français la liberté, et assurent pour toujours le bonheur de l'empire par une bonne constitution.
Je demande la parole pour proposer un article additionnel à ceux déjà décrétés sur les municipalités. Ma motion consiste à faire décider qu'il n'y aura pas de municipalités dans les villages au-dessous de trente feux.
Un grand nombre de membres réclament vivement pour qu'on passe à la discussion des matières qui sont à l'ordre du jour.
consulte l'Assemblée qui décide que l'ordre du jour sera observé. Il appelle la discussion de la motion relative aux pensions.
La parole est au rapporteur du comité des finances sur les moyens de réprimer l'abus des pensions.
, au nom du comité des finances. L'Assemblée nationale, après avoi^ fixé les premiers principes de la constitution, croit qu'il est de son devoir de poursuivre courageusement les différents abus qui peuvent exister dans les finances, afin de ne lever sur les peuples que la portion d'impôts qu'ils devraient supporter pour les vrais besoins de l'Etat ; elle a pensé que les principaux abus avaient lieu dans la distri-
bution des dons, pensions, gratifications annuelles, et autres grâces pécuniaires étrangères aux gages et appointementsdes différentes personnesemployées au service de l'Etat.
Elle veut empêcher qu'aucune de ces grâces nev puisse continuer à être payée passé le 1er janvier, si elles n'ont été préalablement examinées par son comité des finances et par celui des pensions, auxquels elle a prescrit de lui en rendre compte, ann d'y opérer les réductions qu'elle croira convenables, avant d'ordonner la continuation de tout paiement.
Le comité des pensions a cru devoir remplir les vœux de l'Assemblée en lui donnant une idée succincte des différentes parties des finances sur lesquelles portent les titres ou brevets remis au comité des pensions.
En voici un aperçu :
Pensions sur le trésor royal, avec leur dénomination.
Pensions sur le trésor royal. 30,228,651 liv.
Pensions des princes du sang. 734,000
Gratifications des fermes..........108,730
Pensions aux employés des
fermes.........................253,990
Pensions payées à la caisse du
commerce......................................89,475
Pensions payées à la caisse
des messageries............................17,400
Pensions payées à la caisse des
monnaies........................................5,270
Pensions payéesà lacaisse des
loteries............................................95,000
Pensions payées sur les bibliothèques du Roi........................400
Pensions aux anciens sujets retirés de l'Opéra........ .... '. ' » 100,650
Total général des pensions. 31,533,666 liv.
M. d'Harambure propose ensuite de décréter des points généraux sur les pensions, dont la somme s'élève de 4,000,000 au-dessus du premier compte qui avait été rendu à l'Assemblée. Il propose ensuite les objets généraux sur lesquels l'Assemblée pourrait statuer :
Sur ia réversibilité des pensions ;
Sur celles à titre de douaire ;
Sur celles tarifées pour les lieutenants-colonels et majors devenus maréchaux-de-camp, fixées de 3,600 livres à 4 ou 5,000 livres, suivant leur ancienneté de service ;
Sur celles des colonels commandants et colonels en second des régiments étrangers, devenus maréchaux-de-camp, fixées pour les premiers à 6,000 livres, et à 3,000 pour les seconds.
Quelles sont les pensions les plus fortes que l'Assemblée veut conserver?
A qui pense-t-elle que ces pensions doivent être conservées dans le militaire? Il semblerait que ce serait aux marécnaux de France, aux lieutenants-généraux qui ont commandé en chef une armée, ou de fortes divisions de troupes.
Les pensions pour les militaires s'élèvent à 18,000,000; elles sont le fruit du service de diverses promotions de la guerre de Corse, de la reconstitution de l'armée qui i'a suivie, de la guerre d'Amérique, de la nouvelle reconstitution de l'armée, et de la réforme de la maison du Roi, telle que celle de la gendarmerie, etc.
M. d'Harambure, après avoir excité l'intérêt de l'Assemblée en faveur des pensionnaires octogénaires et de ceux qui ont des pensions sur la loterie presque en forme d'aumône et de subsistance.
, auteur de la motion sur les pensions, obtient ensuite la parole et représente son projet de décret avec les changements qu'il y a faits d'après les observations de divers membres.
Ce projet de décret ainsi corrigé est conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Qu'à compter du 1er janvier 1790, il ne sera payé sur les revenus publics que les objets suivants, savoir : 1° les sommes légitimement dues aux créanciers de l'Etat, qui se trouveront arriérées dudit jour 1er janvier 1790; 2° les traitements accordés aux personnes chargées de quelques fonctions et actuellement en exercice, jusqu'au dit jour premier janvier 1790; 3° les sommes énoncées au rapport du comité des finances du 18 novembre dernier pour chaque département, la détermination de ces sommes n'étant admise au surplus que par provision et en attendant qu'il soit fait sur les différentes parties la réduction dont elles sont susceptibles;
« 2° Que toutes pensions, gratifications, traitements réservés à des personnes qui ne sont plus en exercice; en un mot, tout don sous quelle dénonciation que ce soit, les seuls dons et pensions que le Roi accorde sur sa cassette exceptés, seront suspendus, à compter du 1er janvier 1790, pour être rétablis, s'il y a lieu, ainsi qu'il va être dit dans l'article suivant;
« 3° Le comité des finances présentera incessamment à l'Assemblée un projet de règlement, d'après lequel les dons sur les revenus publics doivent être jugés, réduits ou supprimés pour le passé et accordés à l'avenir, à l'effet d'être délibéré par l'Assemblée sur ce règlement, et d'être ledit règlement adopté s'il y a lieu.
« 4° Toute personne qui'jouit de dons sur les revenus publics, à quel titre que ce soit, et qui prétendra en conserver la jouissance, sera tenue de remettre, sans délai, au secrétariat du comité des finances, ou de tel autre comité que l'Assemblée jugera à propos d'établir à cet effet, l'état de tout ce dont il jouit sur les revenus publics, sous quelque dénomination que ce soit, et sur quelque partie que ce soit; et les sommes qui pourraient lui être dues, soit pour le passé, soit pour l'avenir, ne lui seront payées qu'en conséquence du visa donné par les ordres de l'Asseih-blée nationale, et selon ce qu'elle aura statué à cet égard.
« 5° Et néanmoins, pour ne pas enlever les secours nécessaires aux personnes auxquelles une modique pension fournit leur subsistance, les termes échus au 1er janvier 1790, des pensions qui n'excéderont pas la somme annuelle de 1,200 livres seront payés comme par le passé; mais à l'avenir, et pour ce qui écherra, à compter du 1er janvier 1790, lesdites pensions ne seront payées que sur le visa ordonné par l'article 4.
« 6* Les membres du comité des finances nommés pour la recherche des abus dans les finances, continueront leurs recherches ; ils les feront porter particulièrement sur les groupes ou intérêts accordés sur les places ou sur les opérations des finances. Ils rendront compte des. recherches qu'ils ont déjà faites et des pièces qui leur ont été remises, dans la séance du vendredi 8 janvier 1790. »
J'observe que le dernier état imprimé des pensions renferme des erreurs; par exemple : Madame la marquise de la Force y est portée pour une pension de 10,000 livres, quoiqu'elle soit morte depuis dix-huit mois.
On ne peut pas imputer ces erreurs au comité, parce qu'on a dénoncé les brevets tels qu'ils existaient, et que le premier soin a été de les mettre en ordre et à l'impression. Quant aux pensions sur les fourrages d'Alsace et des provinces, à raison desquelles M. Lavie avait fortement réclamé, je réponds que le comité rassemble toutes les notions éparses sur cet objet, et que M. de Saint-Priest vient d'envoyer dans le moment l'état des pensions payées sur la province.
, curé de Souppes. Il manque encore l'état des pensions de faveur sur les économats et sur les bénéfices consistoriaux. Je demande que cette liste soit imprimée au plus tôt.
Le comité ecclésiastique a reçu la liste des pensions sur les économats.
(1). Messieurs, j'avais demandé la parole samedi pour faire une motion qui rentre dans celle de M. Camus sur les pensions et qui en est un amendement.
Permettez-moi, Messieurs, de vous développer mon opinion sur cette foule de pensions dont l'état est sous vos yeux depuis quelque temps. Il n'est aucun de vous qui ne soit indigné de cette quantité de grâces accordées, en grande partie, à des personnes dont le seul mérite a été d'être protégées par des ministres infidèles et déprédateurs; tandis, Messieurs, que le vrai militaire, celui qui a bravé les dangers et la mort, est dépourvu du nécessaire. Quoi, Messieurs, les défenseurs de la patrie ne pourraient en être récompensés, et nous laisserions subsister plus longtemps cet amas énorme de grâces ! Appelés pour corriger les abus, vous vous hâterez d'en réformer un aussi monstrueux : vous ne souffrirez plus que le prix de la sueur du pauvre serve à récompenser celui ou celle qui n a rien mérité; vous remplirez, par ce moyen, l'attente de tous les bons Français, qui, toujours prêts, quand il le faut, à sacrifier leur fortune pour la défense et la gloire de leur patrie, ne sauraient voir sans indignation le fruit de leur pénible contribution prodigué à des hommes qui n'ont jamais servi l'Etat ; et le dirai-je, enfin, à ceuk même qui en ont été les oppresseurs et les tyrans.
Observez, je vous prie, Messieurs, que, quoique l'on prenne toute sorte de moyens pour soustraire Fétat des pensions qui ont été assignées sur différentes recettes, il n'en est pas moins vrai cependant, d'après les différentes notions que nous avons recueillies, que ces pensions se portent à une spmme aussi forte que celle qui est prélevée, pour le même objet, sur le Trésor royal, et qui surpasse le revenu de plusieurs souverains qui ont su néanmoins quelquefois se rendre redoutables à leurs voisins.
Cependant, Messieurs, ces pensions subsistent encore quand l'Etat a besoin de toutes ses res-
(1) La motion de M. le marquis de Montcalm Gozon est incomplète au Moniteur.
sources: l'on ne paie pas les créanciers de la patrie et les pensionnaires trouvent le moyen de se faire payer I L'abus existe, il est pressant de le corriger ; et il est, je crois, un moyen d'y parvenir, que je vais avoir l'honneur de vous indiquer.
1° Je désire qu'à compter du 1er janvier 1790, toute pension au-dessus de 6,000 livres soit réduite a cette somme, à l'exception des officiers généraux qui auront fait la guerre, ou d'autres personnes qui auront servi utilement l'Etat,et dont la pension ne pourra, dans aucun cas, surpasser 12,000 livres. Tout citoyen ,et tout militaire, qui aura servi sa patrie d'une manière utile, aura de quoi vivre décemment avec cette somme, et l'honneur de l'avoir servie ou défendue doit être la plus glorieuse récompense.
En vous proposant de réduire à 6,000 livres les pensions de ceux qui auront rendu des services distingués, je serais d'avis que celles qui ont été accordées pour de moindres services fussent diminuées graduellement, sauf les pensions militaires qui, accordées aux services rendus, et non à la faveur,sont en général si médiocres qu'à peine suffisent-elles à la subsistance du grand nombre et à la décence du grade ;
2° Qu'il ne fût conservé qu'aux veuves des militaires,ou autres personnes qui ont servi utilement l'Etat, une pension de 2,000 livres; réduire à ce taux toutes celles qui sont au-dessus, et supprimer en entier celles accordées à toute autre femme quelconque;
3° Qu'il soit formé un comité composé d'un député de chaque province, pour vérifier toutes les pensions sur toute espèce d'objets et de recette publique et ecclésiastique ; que ce comité puisse juger toutes celles qui peuvent être supprimées ou diminuées, et qu'il apporte son travail à l'Assemblée, qui prononcera définitivement.
Je demande un comité composé d'un député de chaque province, pour que l'on puisse connaître et corriger d'une manière plus particulière les abus qui existent, et je proposerais que l'on nommât quatre députés de Pans, où il y a infiniment plus d'abus qu'ailleurs.
Voilà, Messieurs, le seul moyen de détruire les abus qui existent dans les pensions. Tout bon citoyen verra avec plaisir cette réforme, et ceux même qui en souffriront seront forcés d'avouer que, quand la patrie est en danger, que ses moyens sont épuisés, il est évidemment juste que celui qui lui est à charge vienne à son secours.
En conséquence, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant:
« L'Assemblée nationale, considérant combien il est urgent de réformer les abus, et surtout ceux qui pèsent sur la fortune publique; considérant que celui des pensions est le plus pressant à corriger, et que l'Etat, qui doit récompenser celui qui l'a servi utilement, ne doit pas prodiguer un superflu à des Français qui, dirigés toujours par l'honneur, ne sont sensibles qu'à la gloire, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1`er. A compter du 1er janvier 1790, toute pension
au-dessus de 6,000 livres sera réduite à cette somme ; nul ne pourra avoir une pension plus
forte, à l'exception des officiers généraux qui auront fait la guerre, et dont la pension ne
pourra cependant jamais surpasser 12,000 livres. ' Art. 2. Toutes pensions accordées aux
femmes serontet demeureront supprimées; il n'en sera, conservé qu'aux veuves de militaires ou
autres personnes qui auront utilement servi la patrie
sans que jamais ces pensions puissent être plus fortes que 2,000 livres.
Art. 3. L'Etat sera chargé de pourvoir à l'éducation et au placement des enfants de celui qui aura été tué au service de la patrie, et qui n'aura pas laissé, à sa mort, une fortune suffisante pour les élever.
Art. 4. Aucune pension ne sera réversible aux femmes ni aux enfants.
Art. 5. Ï1 sera formé un comité, composé d'un député de chaque province,qui sera chargé d'examiner l'état des pensions, qui jugera celles qui doivent être supprimées ou diminuées, et portera son travail à l'Asssemblée, qui prononcera définitivement.
Art. 6. Tout pensionnaire, pour quelque cause que ce soit, qui aura une pension affectée sur une recette publique quelconque, sera obligé d'apporter, dans deux mois, son titre au comité des finances, qui y mettra son visa, et en tiendra registre. Les pensionnaires qui sont en Amérique, auront un an pour rapporter leurs titres; ceux qui sont dans l'Inde auront deux ans : passé ces époques, tout pensionnaire qui n'aura pas rempli cette formalité, sera déchu de sa pension.
Art.7.Tout pensonnaire qui sera expatrié, ne jouira de sa pension que lorsqu'il sera de retour dans le royaume. Ceux qui seront employés par le gouvernement seront seuls exceptés. »
Plusieurs membres réclament l'impression de la motion de M. de Montcalm. L'impression est ordonnée.
(1). Messieurs, je lisais, dans un ouvrage nouveau, que l'excès dans les dons devait nécessairement produire l'excès dans les restitutions, lorsqu'on me remit l'état des pensions.
Aussitôt je fermai le livre pour jeter un coup d'œil sur la liste des enfants de la patrie, fen trouvai quelques-uns que la patrie reconnaît aussi dignes des bienfaits que de son estime. Elle n'en doit point avoir d'autres.
Cependant j'y rencontrai les noms d'une foule Je personnes, qui ne sont que les enfants gâtés de la fortune, et que la fortune môme n'eût jamais adoptés; encore moins gâtés, si elle n'était pas aveugle, car c'est presque toujours en raison inverse de leur utilité, qu'elle choisissait ses favoris. Mais hélas ! ce qu'on emprunte de la fortune et des hommes, est inconstant et passager comme eux.
Aujourd'hui qu'instruits par l'expérience, fille tardive du temps et de la souffrance, vous allez donner des yeux à la fortune française, permet-tez-moi de ne pas me borner à la motion de M. Camus, qui tend à suspendre le paiement des pensions, tandis que celles de 178b sont encore arriérées, et qu'il me paraîtrait barbare de condamner à la plus profonde misère d'anciens serviteurs de l'Etat, parce qu'on s'est plu à confondre, sous le même nom de pension, le faible dédommagement d'une longue carrière de privations, de dangers et de douleurs, avec les récompenses que l'orgueil accorde à la bassesse.
: Je vais donc, Messieurs, me renfermer dans les pensions purement militaires, qui sont
toutes susceptibles d'être tarifées avec la plus grande équité en prenant pour base les
grades de la hiérarchie militaire et les services utiles, le nombre des campagnes de guerre
qu'aura fait chaque pensionnaire, additions qui ne vous ruineront pas.
Vous n'ignorez pas, Messieurs, qu'il est des officiers de tous grades, qui n'ont pour toute ressource que leur pension de retraite; vous n'ignorez pas davantage que les officiers particuliers actuellement au service, surtout dans l'infanterie, sont de la classe la moins aisée; et si, comme je le pense, la vraie, la bonne politique est toujours d'accord avec l'exacte justice, nous devons, à double titre éviter de répandre dans l'armée une inquiétude qui pourrait la détacher de la révolution, et lui faire désirer le retour de l'ancien gouvernement.
Il est donc de la vraie politique et de l'exacte justice, Messieurs, de commencer par rassurer une classe qui mérite d'autant moins d'être inquiétée, que ce ne sont pas les faveurs dont elle jouit, qui ont obéré le Trésor royal.
Si, dans ce que je vais avoir l'honneur de vous proposer, je trouvais un contradicteur, qui prétendrait me réfuter par des comparaisons tirées des services étrangers, où le tarif est infiniment plus fort que celui que j'ai conçu, je ne lui répondrais que par un mot que voici:—Il est bien différent de servir un maitre ou de servir une patrie. Pour réussir, l'esclave doit avoir des vices à commandement, et ces vices lui doivent être payés ; mais le citoyen n'a jamais Lrop de vertus.
Ce n'est pas que j'ignore que nous sommes trop policés pour être si vertueux; que nous ne sommes ni à Sparte ni à Saint-Marin; que d'ici à ce que nous soyons sevrés de nos vieilles habitudes tous les genres de zèle veuillent encore être soutenus par un composé de différents ingrédients; que des législateurs doivent transiger avec les passions, les mœurs, les préjugés et les abus; que les exceptions ne sont proposées pour règle que par des esprits vertueusement exaltés, qui, dans leur vœu, chimère de la morale, se flattent de réaliser la république de Morus ou de Platon. C'est parce que je sais tout cela, que je me détermine pour le médium du sage, que je trouve dans des récompenses d'autant plus flatteuses qu'elles portent leurs titres avec elles, et que leur tarif s'oppose à tout moyen de corruption. Car ne nous y trompons point, la récompense arbitraire équivaut à la contrainte, et notre liberté est trop jeune pour ne pas la tenir en lanière.
En conséquence de ce que je viens d'établir, je vous propose, Messieurs, le décret suivant:
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète: 1° que tous les officiers, depuis les sous-lieutenants jusqu'aux lieutenants colonels inclusivement, actuellement retirés avec des pensions de retraite, continueront d'en jouir comme par le passé;
2° Que les colonels, brigadiers des armées du Roi, maréchaux de camp, lieutenants généraux
et maréchaux de France, jouissant actuellement en pensions de retraite ou traitements conservés, savoir : les colonels de S,000 livres, les brigadiers de 4,000 livres, les maréchaux de camp de 5,000 livres, les lieutenants généraux de 6,000 livres, et MM. les maréchaux de France de 12,000 livres, continueront d'en être payés comme par le passé, mais que lesdites pensions seront réduites à la quotité ci-dessus fixée à chaque grade, si elles; étaient plus fortes;
3» Qu'il sera néanmoins conservé aux susdits pensionnaires à pensions réductibles, un vingtième en sus de la pension de leur grade, pour chaque campagne de guerre qu'ils auront faite, n'importe dans quel grade, ainsi que pour chaque blessure qu'ils auront reçue en combattant lès ennemis de l'Etat ; et ce, sur les certificats qui leur en serontdélivrés par le ministre du département de la guerre;
4° Que les susdites pensions seront exemptes de toute retenue ou impôt quelconque, dans le cas où les pensionnaires n'auraient pas de leur chef une fortune personnelle équivalente dé leur pension ; dans le cas contraire elles seront imposées au dixième, jamais plus, payable dans le district ou le département où les pensionnaires seront domiciliés;
5° Que les militaires qui ne jouiraient pas actuellement de la pension ci-dessus affectée à leur grade; ou dont 1a pension dont ils jouissent actuellement se trouverait au-dessous du tarif, soit pour le principal, soit pour les additions^ en raison du nombre des campagnes de guerre, ainsi que cela est expliqué, ne pourront se. pré valoir du présent décret pour prétendre à une pension ou pour faire augmenter celle dont ils jouissent actuellement;
' 6° Que le ministre de là guerre remettra, dans la quinzaine, au comité des pensions, l'état du nombre des campagnes qu'auront faites, et des blessures qu'auront reçues les pensionnaires de son département, dont les brevets de pensions devront être rectifiés ;
7° Que ceux des pensionnaires qui éprouveront des réductions, conformément au présent décret, et qui croiraient avoir des titres pour être éxcep-tés de la loi générale, porteront leurs réclamations au comité des pensions, pour le rapport en être fait à l'Assemblée nationale, qui fera droit à qui il appartient.
Je vous observerai à ce sujet, Messieurs, que la politique de la France a été jusqu'à ce jour, d'attirer à son service des étrangers de tout pays, qui y sont entrés à des conditions auxquelles vous ne sauriez manquer sans violer la loi des traités. Par exemple, M. le baron de Lukner,, qui, en nous battant quelquefois dans la dernière guerre d'Allemagne, afâit preuve de grands talents, fut recherché par toutes les puissances de l'Europe ; plusieurs lui offrirent, dès la paix de 1763, le bâton de feld-maréchal, équivalent du grade de maréchal de France. 11 préféra d'accepter en France celui de lieutenant général, avec un traitement fort au-dessous de celui qu'on lui offrait ailleurs;
Quant aux pensions accordées à la famille du Gurtius français, du chevalier d'Assas, et celle du comte de Chambaure, elles doivent être respectées et rester inaltérables comme l'honneur national.
A la suite de ce premier décret, Messieurs, je vous en proposerai un second pour régler le sort à venir des militaires actuellement en activité, et dans lequel vous déterminerez, par une même loi, la
retraite de chaque grade, depuis le soldat jusqu'au colonel inclusivement.
Je d'ois préalablement vous observer qu'il est indispensable de comprendre, dans le prêt des soldats et bas-officiers, toutes les petites sommes affectées aux objets de leur entretien, puis-qu'après qu'ils seront retirés ils auront également besoin de ces différents objets. Mais, pour vous éviter un détail fastidieux et inutile, il vous suffira sans doute, Messieurs, de savoir qu'un soldat coûte 222 livres par an, non compris l'engagement, l'armement et tes effets de campement. C'est donc de 222 livres que je partirai pour le tarif graduel du décret suivant :
« L Assemblée nationale a décrété et décrète : 1° Que, depuis le simple soldat jusqu'au colonel inclusivement, celui qui demandera sa vétérance conservera, à titre principal de retraite: savoir, après 30 ans et plus de service actif, le tiers de la solde ou des appointements de son grade ;# après 35 ans et plus, la moitié; après 40 et plus, les trois quarts; après 50 et plus; la totalité. Et ensuite il lui sera accordé un vingtième en sus de ce principal du tiers, de la moitié, des trois quarts, de la totalité, pour chaque campagne de guerre qu'il aura faite, ainsi que pour chaque blessure bien constatée qu'il aura reçue en combattant les ennemis de la patrie;
2° Que celui qui perdra un membre, ou sera mis hors d'étàt de continuer son service, conservera, à titre de retraite définitive, la totalité de la solde ou des appointements de son grade;
3°. Que des colonels, qui seront à l'avenir promus au grade d'officier général, jouiront du traitement affecté à leur grade, conformément au précédent décret;
4° Que Sa Majesté sera suppliée de ne plus faire de promotion d'officiers généraux, et de n'en nommer qu'au fur et à mesure que le bien du service l'exigera, l'Assemblée nationale pensant que 60 lieutenants généraux et 120 maréchaux de camp suffisent pour la conduite d'une armée de 2 à 300-,000 hommes;
5e Que le ministre de la guerre présentera, tous les ans, à la législature séante, la liste des pensionnaires qui seront, morts dans le courant de l'année, ainsi que celle des nouveaux pensionnaires ; et que ces listes seront rendues publiques par la voie de l'impression, afin que la nation entière soit à portée de juger de l'emploi des fonds qu'elle aura accordés cette année à la récompense des défenseurs de la patrie.
Il serait peut-être à désirer que chaque ministre fût tenu de présenter une semblable liste des pensionnaires de son département.
On demande l'impression de la motion de M. de Wimpfen. Elle est ordonnée.
Je demande que les bénéficiera actuellement hors du royaume soient privés des revenus de leurs bénéhces à défaut de justification de la légitimité de leur absence.
La matière qUi vous est soumise est évidemment la plus délicate de vos opérations ; vous êtes placés entre votre patriotisme et votre justice ; vous avez à ménager le sang du peuple. Si les courtisans, dit Montesquieu, jouissent des faveurs des rois, les peuples jouissent de leurs refus... On a avancé que les pensions de la France s'élèvent plus haut que celles de tous les autres royaumes de l'Europe. J'ai vérifié cette assertion, et j'assure qu'elle n'est
pas juste. On devait d'abord observer que ces puissànces ne sont pas toutes obligées à entretenir des armées de terre et de mer ; qu'elles n'ont pas comme nous la vénalité des offices, qu'il a bien failli compenser par d'autres grâces. Nous avons cette consolation que, jusqu'à présent, notre gouvernement n'a fait que des sacrifices d'argent, tandis que dans les pays du Nord les faveurs des rois consistent dans le don de mille, de deux mille paysans.
Dans un moment de crise où vous ayez à vous défendre d'un amour aveugle du bien, rappelez-vous un grand exemple. Quand Henri IV monta sur letrône, Sully retira tout ce que les rois n'avaient pu donner légitimement; mais lorsqu'on lui proposa de supprimer les faveurs particulières des princes prédécesseurs de Henri, il répondit que la bienfaisance des rois de France était immortelle comme leur autorité... Nous ne devons pas toucher aux grâces accordées aux militaires; elles sont sacrées, parce qu'elles sont légitimes ; le militaire élève la puissance des rois. On vous propose d'exclure les femmes de la bienfaisance du prince ; mais les services du mari n'ont-ils pas englouti souvent la fortune de l'épouse? On vous propose d'établir une chambre ardente, uniquement pour les grâces , tandis que les agioteurs, les financiers, les voleurs de l'Etat restent tranquilles.
Il faut, en chargeant un comité de l'examen des grâces, excepter de ce travail les faveurs accordées aux militaires. Je les crois toutes justes. Il est de la dignité de la nation de respecter les grâces obtenues parses défenseurs;elles n'ont enrichi aucune famillè, il ne faut pas compter ce que coûtent les militaires, quand ils ne comptent pas, eux, ce que le service de la patrie leur a coûté. Ne répandez pas les alarmes parmi eux; ne les faites pas repentir, dans leurs derniers jours, d'avoir eu de la confiance dans une nation généreuse et noble. Ils sont tous créanciers de l'Etat, vous avez pris sous la sauvegarde de votre loyauté cette dette avant toutes les autres ; serait-il décent d'interpréter vos engagements , pour éviter de les remplir avec les militaires seuls? 11 n'y aurait, pour payer sa honte, pas 3 millions à rabattre sur votre dépense, vous perdriez trois mois, et vous alarmeriez tous les citoyens.
La portion malheureuse des citoyens semble justifier d'une manière particulière la sévérité des principes sur les pensions ; mais vous serez justes et sévères à la fois : vous retrancherez ce qui doit l'être, et le patriotisme ne se portera pas sur une seule classe ; toutes en sont dignes. On vous a proposé de supprimer toutes les pensions et de les recréer ensuite ; cette mesure paraît sévère, c'est dire qu'elles sont mal données : il serait plus simple de faire des retranchements.
Je sollicite surtout l'intérêt de l'Assemblée pour cet âge qui a inspiré du respect dans tous i les temps et chez tous les peuples ; respect qui a été si bien peint chez les anciens par ce mot de Polyxène, dans la tragédie d'Euripide : les vieillards n'ont point péri sous le fer de vos soldats....
Je voudrais donc qu'on ne se bornât pas à excepter les octogénaires ; je crois que la vieillesse, également digne d'égards dans un âge moins avancé, mérite une exception plus étendue.
Quant aux réductions, je pense que celle des
trois dixièmes, faite par M. l'archevêque de Sens, est suffisante. Cependant, je ne dissimule qu'il est des pensions d'un tel abus qu'elles déshonorent le gouvernement ; on sera trop heureux de pouvoir les effacer avec le temps, mais il faut être très-avare de ces retranchements subits qui désolent les familles.
Les morts seront pour nous des moyens de réductions suffisants. Chaque année, chaque mois, chaque jour, seront une réforme en faveur de la chose publique. Les révolutions ont toujours été faites dans des temps de barbarie ; il faut que celle-ci se ressente des lumières et de la bienfaisance de pe siècle ; il faut qu'elle soit digne des sentiments d'humanité qui honorent l'Assemblée nationale ; je pense qu'il faut retrancher seulement les pensions vraiment abusives, c'est-à-dire les pensions de ceux qui n'oseraient pas monter à cette tribune pour en défendre les motifs; celui qui n'ose pas montrer ses services est indigne de récompense.
interrompt la discussion pour donner lecture d'une lettre qu'il vient de recevoir de M. le contrôleur-général. Ce ministre expose que l'Assemblée nationale s'est déjà occupée des demandes de différentes villes qui voudraient être autorisées à faire des emprunts pour des approvisionnements de grains et des demandes de plusieurs autres villes qui sollicitent la prorogation de leurs octrois près d'expirer. Cette lettre est accompagnée d'un mémoire.
L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité de finances, pour en être rendu compte le samedi 2 janvier.
demandent à présenter à l'Assemblée l'hommage de leurs respects. Elles sont introduites.
, du marché Saint-Paul, prononce le discours suivant :
« Messieurs , daignez nous permettre, en cette nouvelle année, de témoigner la joie et la satis-' faction que nous éprouvons à la vue de vos illustres personnes. Ce zèle infatigable pour le bien de la patrie, vos nombreux travaux éclairés par l'esprit le plus sublime et le plus grand désintéressement, vous mettent déjà au rang des grands hommes. Non-seulement nous l'espérons, mais nous sommes sûres que la fin de ce grand ouvrage va, sous peu, vous donner l'immortalité. Quelle gloire, en effet, quel triomphe pour ceux qui composeront cette honorable liste, puisque nos enfants diront, à son aspect, voilà nos pères !
« Agréez donc, s'il vous plaît, les vœux les plus ardents, que nous ne cesserons d'adresser au ciel, pour le supplier d'accorder des jours sans orages à des têtes si précieuses, et pourvues d'un mérite si éminent. »
leur répond :
« L'Assemblée nationale s'est occupée sans relâche du bonheur et de la liberté de tous les citoyens indistinctement. Au milieu de tant de pénibles travaux, les représentants de la nation trouvent de la consolation et de la douceur, en recherchant avec un zélé iufatigable tout ce qui répandra l'aisance et la tranquillité au sein des familles les moins favorisées de la fortune ; mais, pour recueillir les fruits de nos soins, pour en avancer l'époque, nous avons besoin de calme et de paix. L'Assemblée vous exhorte à
répandre ces sentiments, et elle reçoit avec plaisir les hommages et les vœux que vous venez lui présenter.
« L'Assemblée vous permet d'assister à la séance. »
Les dames qui composent la députation sont :
Mme Dupré, du marché Saint-Paul,
Fille Reine d'Hongrie, du marché d'Aguesseau, Femme Doré, de la Halle, Fille Gerty, du marché des Quinze-Vingts, Louison Chably, du faubourg Saint-Antoine, Marie Françoise Salmori, du faubourg Saint-Antoine,
Femme Pelletier, de la Halle, Femme Lamy, du marché d'Aguesseau,
M. le Président. L'ordre du jour rappelle une affaire qui intéresse la caisse d'escompte et le district des Gordeliers. Il s'agit de l'arrestation de lingots, faite par le district des Gordeliers.
prend la parole. Il se plaint de la conduite du district relativement à un fait qui retarde les opérations de la Monnaie de Limoges , et il demande un décret qui ordonne que les matières saisies soient rendues.
Ce n'est là qu'un fait de police qui doit être dénoncé aux représentants de la commune; les plaintes portées contre le district des Gordeliers ne peuvent jeter de la défaveur contre un district qui a tant fait pour la liberté. Je rendrai toujours justice à la ville de Paris, à qui la France doit sa liberté, ainsi qu'aux districts qui la composent. Je crois que le district est comptable des sommes arrêtées ; mais je sais aussi que l'on doit être tranquille sur le dépôt confié à des mains aussi pures que celles du district des Gordeliers, et j'ose répondre de tout ce qu'il y a dans la voiture. Sans défendre tout ce qu'il y a d'exagéré sur la surveillance du district, je pense dire à tous les amis de la liberté que cette surveillance a été favorable à la révolution. Je demande que M. le président fasse des démarches pour que lès matières d'argent soient rendues.
demande que l'on prenne des mesures pour que de pareils abus ne soient plus commis à l'avenir.
J'observe que les administrateurs de la caisse d'escompte se sont adressés aux représentants de la commune. Le district a pu être alarmé par ce qu'il a entendu dire ici de l'exportation de l'argent ; le zèle Je plus pur peut être égaré. J'envisage la circulation de l'argent dans le royaume comme aussi nécessaire que la circulation des grains ; elle tend à acquitter la dette de la capitale, et à subvenir aux besoins du royaume; consacrez donc ce principe d'une saine administration, que la circulation de l'argent doit être libre dans le royaume. Quant aux métaux arrêtés par le district]! et que la caisse d'escomple a fait venir de Hollande et d'Espagne , la Monnaie de Paris ne suffit point à là fonte d'argenterie qu'on y apporte, elle a été obligée d'envoyer à celle de Limoges. Je démande que l'affaire soit renvoyée aux représentants de la commune ou au comité de police, et que M. le président soit autorisé d'écrire que la circulation des espèces est libre dans l'intérieur du royaume.
L'Assemblée autorisa à l'archevêché un règlement de police qui donne à la commune le droit de prononcer sur les affaires des districts. Si un directeur quelconque des Mo n-naies avait à se plaindre, il aurait épuisé les tribunaux avant de venir au pouvoir législatif; nous n'avons point de privilège sur les autres citoyens; il faut donc suivre le cours naturel de la justice; d'ailleurs, la commune de Paris est saisie de la connaissance de cette affaire; ainsi je demande la question préalable.
On la met aux voix ; elle est adoptée.
, au nom du comité militaire , lit différentes lettres adressées à ce comité au sujet d'une expression échappée à M. Dubois de Grancé, relativement à l'armée.
Nous les trancrivons.
Lettre des soldats du régiment d'Armagnac à leurs officiers.
« Messieurs, nous, bas officiers, caporaux, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment d'Armagnac, nous nous adressons à vous, pour vous témoigner notre juste sensibilité des expressions peu mesurées et humiliantes pour tout soldat français, qui n'a jamais eu que l'honneur pour guide, expressions énoncées dans le plan constitutionnel de l'armée , proposé par M. Dubois de Grancé à l'Assemblée nationale. Après avoir parlé de la conscription militaire: Gomment incorporer, dit-il, cette milice avec notre armée , si cette armée n'est pas citoyenne, si elle n'est pas purgée de tous les vices qui l'ont infectée jusqu'ici? Est-il un patriotisme qui tienne à l'horreur de la corruption des mœurs ? Est-il un père de famille qui ne frémisse d'abandonner son fils , non aux hasards de la guerre, mais au milieu d'une foule de brigands inconnus, mille fois plus dangereux?»
« Ayant eu l'honneur, Messieurs, de faire toute la dernière guerre sous vns ordres, pleins de confiauce en vous, d'après l'estime que vous nous avez toujours témoigné , nous vous prions de réclamer pour nous la justice qui nous est due.
Signé par tous les sergents, caporaux, grenadiers , chasseurs et soldats au régiment d'Armagnac.
Lettre des officiers du régiment d'Armagnac au Roi.
«Sire, pleins de confiance dans vos bontés pour tous les sujets de votre royaume ,nousosons faire parvenir à Votre Majesté les plaintes des bas-officiers, caporaux, grenadiers, chasseurs et soldats de votre régiment d'Armagnac, que nous n'avons pu refuser d'entendre, et qui nous ont témoigné respectueusement combien ils étaient affectés des expressions peu mesurées de M. Dubois de Crancé, dont ils ont eu connaissance par les papiers publics; nous les avons approuvés, après nous être assurés qu'elles étaient conçues de même dans son plan. Cette démarche de leurs subordonnés est une nouvelle preuve de leur délicatesse; qualité précieuse dans ceux dont notre gloire dépend , et qui, par une bonne conduite dans nos campagnes d'Amérique, et dans
la circonstance présente, ont mérité notre attachement.
« Nous avons l'honneur d'adresser à M. le comte de la Tour-du-Pin, l'exposé de nos plaintes contre M. Dubois de Crancé, en le suppliant de faire connaître à l'Assemblée nationale que nous nous réunissons à MM. le duc de Monteynard, le vicomte de Mirabeau et de Juigné, pour demander que M. Dubois de Crancé fasse une réparation authentique à toute l'armée.
« Nous sommes avec respect, etc.
Signé : les officiers du régiment d'Armagnac. »
Lettre des officiers du régiment d'Armagnac, à
M. le comte dè la Tour-du-Pin, ministre de la
guerre.
« Monseigneur, par tout ce qui est émané de vous depuis que vous êtes au ministère, vous nous avez prouvé l'intérêt que vous prenez aux militaires français : nous osons donc vous faire parvenir directement les plaintes fondées des bas-officiers, caporaux, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment d'Armagnac, que nous n'avons pas cru pouvoir refuser d'entendre, d'autant que par leur bonne conduite en Amérique, et dans la circonstance présente, ils ont mérité notre attachement : cette nouvelle preuve de leur délicatesse est précieuse dans ceux dont notre gloire dépend. Le soldat français ne devant jamais être humilié, nous osons vous supplier de faire connaître à l'Assemblée nationale que nous nous réunissons à MM. le duc de Monteynard, le vicomte de Mirabeau et de Juigné, pour demander que M. Dubois de Crancé fasse une réparation authentique à toute l'armée.
« Signé : les officiers du régiment d'Armagnac.
Lettre des officiers du régiment d'Auvergne a l'Assemblée nationale.
« Nosseigneurs, nous vous demandons justice du mémoire lu dans une de vos séances, par M. Dubois de Crancé; l'esprit de système peut égarer, l'ignorance peut entraîner dans des erreurs, la méchanceté seule enfante des calomnies. Tout excuse un zèle même indiscret, rien ne peut affaiblirl'atrocité d'inculpations fausses et odieuses; le mépris pour l'ouvrage et l'auteur n'est pas une vengeance suffisante; l'offense est publique, la réparation doit l'être : vous vous la devez à vous-mêmes, vous la devez à la nation, à l'armée; l'honneur du soldat demande vengeance: oui, l'honneur ! ce mot n'est point chimérique; et ces êtres éphémères qu'on vous a dépeints comme de vils brigands, le rebut de la nation, la lie du peuple, le connaissent; bien plus, ils le pratiquent. Si le militaire, semblable à tous les corps très-nombreux, voit dans son sein des individus qui, en déshonorant leur état, souillent l'habit qu'ils portent, ces individus sont en trop petit nombre, pour que quelques exemples isolés puissent donner lieu à des imputations générales, aussi graves que fausses, et l'attention avec laquelle on a soin de tout temps de se purger des mauvais sujets, soit par les refus de les recevoir, soit en chassant ceux qui s'étaient déshonorés aux yeux de leurs camarades, prouve l'intérêt elle désir qu'on avait de ce tenir pur.
« Qui le sait mieux que nous. Nosseigneurs ? A portée de voir de près le soldat, de l'apprécier et de l'étudier par là confiance qu'il a généralement en son officier, nous l'avons vu, même dans ces temps malheureux, où l'on s'efforçait de persuader qu'une discipline sévère pouvait tenir lieu de point d'honneur; nous l'avons vu n'être dirigé que par ce seul principe. Et dans des circonstances où toutes les lois réduites au silence semblaient annoncer l'impunité, où l'on semblait ne chercher qu'à l'égarer, qui a pu le contenir? qui a pu le maintenir dans des bornes que tout paraissait l'engager à franchir ? qui a pu faire régner l'ordre, la discipline et le respect pour des ordonnances qui avaient été abrogées, et qui ne sont encore même remplacées par aucune loi? Ce problème n'est pas difficile à résoudre pour quiconque connaît le soldat français; l'honneur était sa loi, il a été le frein qui l'a retenu. Le respect pour ses chefs, l'attachement à ses officiers, sa confiance en eux, l'idée qu'il se faisait du nom de soldat, tout ce que ce titre lui imposait, voilà ce qui a dirigé les «oldats du régiment d'Auvergne; voilà ce qui les a retenus. Nous devons donc à la vérité l'hommage que nous lui rendons, en affirmant que l'honneur, seule base de la discipline, même dans ces temps où on avait voulu y substituer un autre mobile, n'a jamais cessé d'animer le militaire. Nous devons à nos soldats l'assurance publique de la fausseté de ce qu'a avancé M. de Crancé, quant à leurs sentiments et quant à leur composition. La plus grande partie d'entre eux, et l'on peut dire la totalité, est prise dans les laboureurs, dans les artisans honnêtes, ou même dans des classes plus relevées, jamais dans le rebut de la société. Cette justice, nous la leur rendons, et nous nous contenterons d'observer, quant à la verge de fér, seul moyen, selon l'auteur, de mener l'armée, que la discipline sévère fait des esclaves, que l'honneur et l'amour de la patrie font seuls les soldats français; enfin, nous nous devons à nous-mômes de repousser la calomnie, qui cherche, en les flétrissant, à nous flétrir nous-mêmes ; car la classe des officiers deviendrait la plus vile, si elle n'était destinée qu'à gouverner des brigands, et notre honneur est si étroitement lié au leur, qu'on ne peut attaquer l'un sans outrager l'autre.
Quoique convaincus que des faussetés entassées, ouvrage de la mauvaise foi et de l'ignorance absolue, n'aient pu faire sur l'esprit du public, et encore moins sur le vôtre, aucune impression, nous n'en réclamons pas moins votre justice ; nous demandons que le calomniateur rétracte les mensonges dont il a fait retentir des voûtes destinées à ne recevoir que l'expression de la vérité ; et pleins de confiance dans votre équité et la justice de votre demande,
« Nous sommes avec un profond respect; Nosseigneurs, de Bois-Joly, Terssac, Richard, la Tredière, la Grandinière, Rua de Fongatte, Lajant, Fontelle,conidec de olraissan, rlckleg, bel-fond, Bord, de Chanvallon, de Peyrass, de Micon, Chamrellan, de la Beynie,de guerrisse. »
, après avoir fait lecture de cette dernière lettre, lit celle que M. Dubois de Crancé a adressée à tous les bas officiers et soldats des régiments composant l'armée française.La voici :
« Messieurs, je ne croyais pas, lorsque j'ai pro-
noncé mon opinion sur l'état militaire, qu'on chercherait à m'en faire un crime. On a supposé que j'avais dit que les troupes françaises n'étaient composées que de brigands : calomnie atroce, par laquelle les ennemis publics ont voulu rendre odieux aux braves guerriers qui consacrent leur valeur à la patrie un défenseur zélé de la liberté nationale. C'est ainsi que l'aristocratie, expirante sous le poids de l'opinion publique, cherche à se venger de ceux qui l'ont combattue.
« J'ai dit que le mode ancien de recrutement était mauvais, que les soldats et les autres citoyens étaient tous frères, et que, dans les périls de la patrie, ils devaient tous concourir à la défendre; j'ai dit que les troupes devaient être organisées de manière à éviter tout abus d'autorité et tout danger pour la liberté publique, j'ai dit qu'un soldat français n'était pas fait pour être l'instrument passif des ordres arbitraires, mais que la base d'une bonne organisation était que de bonnes lois remplaçassent la volonté absolue des chefs; que les punitions infamantes fussent supprimées ;. que les grades fussent accordés au mérite par le choix libre des camarades; que les troupes fussent mieux nourries, mieux payées ; que les recrues de chaque régiments se lissent dans les mêmes cantons, afin qu'un régiment fût composé, en officiers et soldats, de voisins, de frères et d'amis.
« J'ai blâmé l'usage d'envoyer des recruteurs dans les grandes villes, parce que les grandes villes sont le centre des vices. J'ai dit qu'on ramassait sur le pavé des gens sans aveu, des brigands, avec lesquels nous tremblerions d'associer nos enfants; or, je pense que nos enfants doivent être soldats. Je sais que la discipline et le bon exemple épurent les mœurs, et que tel qui fut libertin dans sa jeunesse peut devenir un excellent sujet. Nos régiments en fournissent assez de preuves; mais tant que ce sujet n'est pas formé, il peut être dangereux à fréquenter pour un jeune homme sans expérience et dans l'effervescence des passions. Voilà ce que j'ai dit, ou tout ce que j'ai voulu dire : je respecte trop nos braves militaires, nos soldats-citoyens pour avoir voulu les ravaler, et je ne puis attribuer les imputations que l'on m'a faites à cet égard qu'à la haine d'une cabale anti-patriotique, qui se signale depuis quelques temps par son acharnement à poursuivre les gens de bien. On veut vous exciter contre les amis de la cause publique. On voudrait pouvoir employer votre courage en faveur de ce despotisme sous lequel vous avez si longtemps gémi, et se servir de vous-mêmes pour vous donner de nouveaux fers plus pesants que ceux que nous avons tous brisés.
« Il est facile, dans l'éloignement, de donner de fausses impressions, et de calomnier les meilleures intentions; cette considération doit mettre l'homme sage en garde contre les artifices des méchants...
« Voulez-vous me connaître, mes camarades? demandez comme je me suis conduit à l'Assemblée depuis sept mois ; si mes principes n'ont pas toujours été ceux d'un franc et loyal ami de la liberté française. Allez dans mon pays, cherchez-y un seul homme qui ait à se plaindre de moi, qui ait à me reprocher une seule injustice. Et vous pourriez croire que celui qui a fait toute sa vie profession ouverte de respecter, chérir et défendre en toute occasion les droits de l'humanité, serait injuste envers ses camarades ! Vous sentez que cela ne se peut pas, et vous regretterez de m'en avoir soupçonné. Au surplus, lisez mes observa-
tions sur la constitution militaire, vous verrez dans quel esprit j'ai parlé à l'Assemblée nationale; vous verrez que mes vœux, auxquels je vous proteste que se réunissent ceux de tous les bons citoyens, sont pour que nos braves guerriers deviennent aussi heureux et aussi considérés qu'ils méritent de l'être.
« Je suis avec les sentiments et l'attachement les plus véritables, « Messieurs,
« Votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Du Bois de Crancé.
La lecture de cette lettre a été entendue avec la plus vive satisfaction.
lève la séance, après avoir indiqué celle de samedi pour l'heure ordinaire.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER.
Séance du
ouvre la séance par l'annonce de divers dons patriotiques.
Les députés de la ville de Nancy, admis d'abord à la barre et autorisés ensuite à assister à la séance, offrent environ 80 marcs d'argent, provenant des boueles des citoyens. L'orateur de la députation prononce le discours suivant :
« Messieurs, la ville de Nancy nous a députés vers vous, moins pour offrir le faible don que nous avons l'honneur de vous présenter, que pour nous rendre témoins de vos nobles travaux et pour vous faire parvenir les expressions de son dévouement et de sa soumission. Daignez agréer cet hommage, Messieurs : il est celui d'une ville distinguée par son attachement pour ses princes, et qui en a un bien plus grand encore pour la patrie.
« Le nouveau régime qu'établit l'Assemblée nationale peut faire éprouver quelques pertes à la ville de Nancy; elle est assurée que vous les diminuerez autant que le permettra l'intérêt général, et que votre sollicitude, qui s'étend sur toutes les parties de l'empire, en soulageant les habitants des campagnes, est bien loin d'oublier ceux des villes, et principalement de celles quiy privilégiées dans l'ancien ordre des choses, ont fait de plus grands sacrifices à la patrie. »
répond:
Les généreux sacrifices qui se multiplient à la veille de cette contribution patriotique,
dont le salut de l'Etat a fait une loi impérieuse, sont bien propres à adoucir les pénibles
travaux de l'Assemblée nationale ; son zèle pour le bonheur général est assez connu, et il
est non moins évident que ses soins répandront partout l'aisance et la liberté. Elle voudrait
qu'il lui fût possible de se rendre aux vœux particuliers de toutes les villes de France ;
les intérêts de celle de Nancy seront pris en considération : elle reçoit d'ailleurs avec
satisfaction vo3 hommages, vos vœux et votre offrande patriotique. Elle vous permet
d'assister à sa séance.
De la ville de Beauvais, qui offre un marc deux onces trois gros vingt-quatre grains d'or; et cent quatre-vingt-sept marcs cinq onces six gros et demi d'argent fournis, en partie par le chapitrede Ja cathédrale, en partie par les chanoines réguliers de Saint-Quentin et en partie par les citoyens : ce produit ne forme que les deux tiers de l'offrande totale des différentes classes d'habitants, parce que le dernier tiers a été versé dans la caisse de l'atelier de charité, établi en faveur des ouvriers des fabriques de la ville, dont un grand nombre est sans travail par l'inaction des manufactures.
Les représentants de la ville de Beauvais sont admis à la séance.
Une députation du district de Saint-Germain-l'Auxerrois offre soixante-cinq marcs une once vingt-un deniers d'argent, provenant des boucles d'açgent des citoyens de ce district; plus sept onces d'argent plus une once un gros et demi, douze grains d'or.
Les représentants de ce district sont également admis à la séance.
Une autre députation du district des capucins de la Ghaussée-d'Antin dépose sur le bureau quatre-vingt-dix paires et demie de boucles d'argent des habitants de ce district, avec plusieurs bijoux, deux couverts d'argents, plus trente livres en espèces.
La députation est admise à assister à la séance.
annonce ensuite l'offrande des boucles d'argent de plusieurs citoyens de la ville de Privas en Vivarais, pesant ensemble quatorze marcs deux onces. Ces citoyens regrettent que la stagnation du commerce ne leur permette pas d'offrir davantage.
, membre de l'Assemblée, présente, au nom de la paroisse d'I grande eu Bourbonnais, un don patriotique consistant, 1° dans le produit de l'imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, qui montent à six cent vingt-neuf livres ; 2° dans la soumission de payer, pendant les trois années de la contribution patriotique, la corvée qu'ils payaient au seigneur, et montant à 750 livres. 3° Les habitants d'Igrande ont contribué entre eux pour la somme de 2,869 livres sur laquelle ils donnent comptant celle de 2,124 livres.
, député de Helfort, présente, au nom de vingt-sept paroisses du bailliage de Thann en Haute-Alsace, la délibération qu'elles ont prise en présence de leurs syndics et de leurs pasteurs, aussi infatigables pour le bien delà patrie que pour le bonheur spirituel de leurs ouailles, d'offrir eu don patriotique le montant des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, ce qui produira une somme d'environ 20,000 livres. A cette offrande sont joints des mémoires et adresses contenant différentes demandes et adhésions à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal du 31 décembre.
, évêque de Clermont. Je demande que la lettre de M. Dubois de Grancé à l'armée ne soit pas insérée au procès-verbal.
L'Assemblée,
justement alarmée de bruits insidieux qui se sont répandus chez les militaires, au sujet des expressions de M. Dubois deJGrancé, dans son opinion sur le recrutement de l'armée, ayant à cœur de témoigner aux braves officiers et soldats les sentiments de confiance et d'estime dont elle est remplie pour des soldats citoyens, doit décréter que non-seulement la lettre de M. Dubois de Grancé sera insérée dans le procès-verbal, mais qu'elle sera envoyée à tous les officiers municipaux des villes où il y a garnison, avec injonction de la communiquer, au nom de l'Assemblée, aux bas-officiers et soldats des régiments, soit en leur faisant lire cette lettre à la parade, soit en la communiquant aux soldats dans les chambrées.
Nous avons été témoins de l'acharnement avec lequel on a voulu faire lire la lettre du régiment d'Auvergne; il faut donner à la justification une publicité égale à celle de l'accusation.
met aux voix, et l'Assemblée décrète que la lettre de M. de Crancé demeurerait dans le procès-verbal.
J'ajoute qu'il faut calmer l'inquiétude naissante de l'armée, et charger M. le président d'écrire une lettre à tous les régiments, pour exprimer les sentiments de l'Assemblée à leur égard.
Je demande que l'on envoie en même temps le discours de M. de Crancé.
Je demande si l'intention du préopinant est que l'on trouve dans ce discours des expressions qui inculpent un de nos confrères: nous avons le projet de calmer une fermentation dangereuse et non de l'augmenter.
Je trouve inutile d'envoyer une lettre aux municipalités.Jé donne la préférence à la motion de M. Du port, en ajoutant que la lettre sera lue à la parade.
C'est au ministre de la guerre à envoyer la lettre aux garnisons.
La délicatesse et l'honneur sont les vertus caractéristiques du militaire français, et les représentants de la nation doivent maintenir cet esprit. Comment peut-on douter, d'après cela, si l'on doit faire part à l'armée des sentiments d'estime que la nation a pour elle?
Je déclare que l'on a écrit à tous les régiments du royaume, et je demande que le comité des recherchés soit chargé d'en découvrir les auteurs.
Je demande que l'on renvoie au comité militaire, pour déterminer ce qu'il y a à faire.
Je demande que l'on se borne à faire connaître aux régiments, par M. le président, les sentiments de l'Assemblée nationale pour l'armée.
J'insiste pour qu'on délibère sur l'amendement de M. Gaultier de Biauzat, tendant à rechercher ceux qui, pour soulever l'armée, ont
altéré le sens d'un mot employé par M. de Grancé, et qui répandent des bruits contraires à la paix publique.
Il ne suffit point de faire lire cette lettre à la tête de chaque corps, et je propose, par amendement, que dans la lettre qui serait écrite par M. le président, pour témoigner à tous les régiments de France l'estime particulière de l'Assemblée nationale, il les assure particulièrement que le membre de l'Assemblée, dont on s'est efforcé de rendre les opinions suspectes, a témoigné de la manière la plus authentique qu'il n'avait jamais cessé d'avoir pour tous ceux qui composent l'armée les mêmes sentiments d'estime que les représentants de la nation n'avaient jamais cessé un instant d'avoir pour eux.
Je propose, par forme d'amendement, qu'il soit fait mention, dans la lettre qui sera écrite à l'armée, du décret qui déclare « qu'aucun de ses membres ne peut ni ne doit être inquiété pour ses opinions.» Cet amendement n'est pas appuyé.
Il est nécessaire que la lettre soit portée au roi, et que Sa Majesté soit suppliée de vouloir bien donner ses ordres, alin qu'il en soit fait lecture à tous les régiments.
J'ajouterai à cette proposition, qu'il en soit fait en outre lecture dans chaque chambrée. La discussion est fermée. On va aux voix sur l'amendement de M. Fréteau, qui est rejeté.
L'assemblée décrète que M. le président sera chargé d'écrire une lettre à tous les régiments de l'armée ; que cette lettre exprimera les seutiments de l'Assemblée nationale à son égard, et sera lue à la tête de chaque corps.
J'annonce à l'Assemblée que le comité des finances a trois rapports à lui faire.
Je n'ai point oublié que ma motion sur les pensions a été ajournée à ce matin, et je réclame qu'on s'en occupe avant d'entendre les rapports du comité des finances. Le peuple attend de nous une décision à cet égard. L'année 1790 est commencée; ne souffrons pas que la nation puisse imaginer que les abus contre lesquels elle s'élève depuis si longtemps subsisteront encore cette année comme par le passé.
La motion de M. Camus a pour objet une amélioration dans une partie de l'administration des finances. Il me paraît impolitique de s'occuper d'une partie des finances avant d'avoir établi un système général, ou tout au moins le plan d'un système général pour les finances ; sans cette précaution, nous nous exposerions à travailler sans ordre, sans méthode, et peut-être à rendre très-difficile un travail qui deviendra simple lorsque la marche que vous voudrez adopter sera connue. Je réclame donc la priorité pour les rapports du comité des finances.
Je n'ai qu'une observation bien simple à faire: il me semble que Je préopinant vient de confondre un travail détaché, et cependant fixe, du système général des finances, avec une précaution simplement provisoire, et que les
circonstances rendent urgente et indispensable. Je demande que si, dans les trois rapports proposés par le comité des finances, il en est un relatif aux pensions, celui-là seulsoitfait, et qu'on passe ensuite à la motion de M. Camus.
L'Assemblée décide qu'elle entendra la lecture du plan de travail du comité des finances.
monte à la tribune et donne lecture du rapport suivant : (Nota. — Le rapport de M. le marquis de Mon-tesquiou, ayantété imprimé par avance, a été annexé à la séance du 16 novembre 1789. — Voy. Archives parlementaires, tome X, p. 70).
a ensuite annoncé qu'il avait présenté au roi le décret sur l'affaire de Belesme et celui relatif au péage perçu à l'Ile Barbe sur la Saône, près de Lyon.
a rendu compte à l'Assemblée de la députation faite hier au lioi à l'occasion du renouvellement de l'année, et a donné lecture, du discours qu'il a prononcé, ainsi que de la réponse de Sa Majesté, tels qu'ils suivent l'un et l'autre.
Discours de M. le président au Roi: Sire,
« L'Assemblée nationale vient offrir à Votre Majesté le tribut d'amour et de respect qu'elle lui offrira dans tous les temps. Le restaurateur de la liberté publique, le Roi qui, dans les circonstances difficiles, n'a écouté que son amour pour la fidèle nation dont il est le chef, mérite tous nos hommages, et nous les présentons avec un dévouement parfait.
« Les sollicitudes paternelles de Votre Majesté auront un terme, prochain : les représentants de la nation osent l'en assurer. Cette considération ajoute au zèle qu'ils mettent dans leurs travaux : pour se consoler des peines de leur longue carrière, ils songent à cet heureux jour où. paraissant en corps devant un prince ami du peuple, ils lui présenteront un recueil de lois calculées pour son bonheur et pour celui de tous les Français; où leur tendresse respectueuse suppliera un Roi chéri d'oublier les désordres d'une époque orageuse, de ne plus se souvenir que de la prospérité et du contentement qu'il aura répandus sur le plus beau royaume de l'Europe; où Votre Majesté reconnaîtra par l'expérience, que sur le trône, ainsi que dans les rangs les plus obscurs, les mouvements d'un cœur généreux sont la source des véritables plaisirs.
« Alors on connaîtra toute la loyauté des Français; alors on sera bien convaincu qu'ils abhorrent et savent réprimer la licence; qu'au moment où leur énergie a causé des alarmes, ils ne voulaient qu'affermir l'autorité légitime; et que si la liberté est devenue pour eux un bien nécessaire, ils la méritent par leur respect pour les lois et pour le vertueux monarque qui doit les maintenir. » Réponse du Roi.
« Je suis fort sensible aux nouveaux témoignages d'affection que vous me présentez au nom de l'Assemblée nationale. Je ne veux que le bonheur de mes sujets, et j'espère, comme vous, que l'année que nous allons commencer sera pour toute la France une époque de bonheur et de prospérité. »
La députation s'est ensuite rendue chez la reine, qui avait auprès d'elle Mgr le dauphin et
Madame Royale. M. le président lui a adressé le discours suivant :
« Madame,
« Le tribut de respect que viennent offrir les représentants de la nation, n'est plus un vain cérémonial. Vous partagez la gloire et les inquiétudes d'un roi dont les vertus sont chéries dans les deux mondes. Vous veillez sans cesse au bonheur d un prince digne à jamais de l'amour de tous les Français. Tous les citoyens savent avec quel soin vou's élevez ces aimables enfants qui nous inspirent un si grand intérêt; et c'est au nom des Français, toujours sensibles et toujours fidèles, que nous vous présentons, Madame, les hommages d'un respectueux dévouement. »
Sa Majesté a répondu :
« Je reçois avec beaucoup de sensibilité les vœux de la députation. Je vous prie d'en assurer tous les membres de l'Assemblée nationale. »
lit une lettre du président du district des Gordeliers, qui rend compte à l'Assemblée nationale des motifs qui ont déterminé un détachement du bataillon de ce district à arrêter la voiture publique de Paris à Limoges, chargée de matières d'or et d'argent et d'espèces monnayées, en assurant l'Assemblée que les citoyens du district ont fait déposer les caisses contenant ces matières d'or et d'argent, en lieu de sûreté, pour en disposer conformément aux ordres des représentants [de la nation. Cette lettre engage la discussion suivante.
demande que M. le président écrive au district pour demander qu'on rendît sur le champ les caisses ; ce qui est décrété.
propose de déclarer, par un décret, que la circulation des métaux est libre dans l'intérieur du royaume; sur quoi l'Assem-bléJ prononce qu'il " n'y a pas lieu à délibérer.
lit une lettre que lui adresse l'administrateur général des postes, pour le prévenir qu'il lui renvoie trois lettres cachetées du sceau de l'Assemblée, sans adresse ou sans destination indiquée.
est autorisé, selon l'usage, à ouvrir ces lettres, pour les remettre à ceux qui les avaient écrites.
communique à l'Assemblée une lettre et un mémoire du contrôleur général des finances, qui demande que l'Assemblée autorise son président à écrire aux différentes municipalités, comme il l'a fait dernièrement à celle de Dreux, relativement aux difficultés qui s'élèvent en plusieurs endroits pour le recouvrement des impositions : plusieurs municipalités ne se sont conformées ni aux décrets de l'Assemblée, ni au règlement du roi pour le rétablissement des barrières et des employés des fermes; la fraude en sel et en tabac s'y fait publiquement; les villes se sont refusées jusqu'ici à user des moyens qui étaient entre leurs mains, l'incohérence des opinions et des conduites laisse régner le désordre et l'anarchie.
est chargé d'écrire à ces différentes municipalités.
L'ordre du jour appelle la discussion du rapport du comité de jurisprudence criminelle, mais je dois faire remarquer à l'Assemblée que ce rapport n'a pu encore être imprimé et distribué.
L'Assemblée ajourne à huitaine la discussion sur cet objet.
fait part d'une adresse de la commune, qui annonce que le soldat trouvé blessé dans sa guérite ne paraissait pas avoir été assassiné; qu'il est très-probable qu'il s'est blessé lui-même, et qu'ayant été, sur ce soupçon, conduit dans les prisons de l'Abbaye, il s'est donné trois coups de couteau qui ne sont pas dangereux.
La discussion sur les finances est reprise.
Depuis plusieurs jours j'avais demandé une commission pour la recherche de la dette publique, et que la commission proposée par le comité des finances pour s'occuper seulement de l'arriéré était insuffisante. L'on peut prendre un parti, sans prononcer le nom de suspension, parce que ce mot porte toujours avec lui une idée de discrédit qui ne convient pas à la nation.
Je propose de faire entrer les honoraires des ambassadeurs dans la liste civile.
Cette motion n'a pas de suite.
Je demande que l'Assemblée destine les mardis, jeudis et samedis aux finances.
L'assemblée ne prononce rien à cet égard.
Je me présente, non pour combattre le plan du comité des finances ni pour le discuter, parce que l'impression en a été ordonnée. Ce plan offre un vaste projet de matières séparées les unes des autres, et susceptibles d'une discussion particulière; la matière des pensions qui fait partie de ce plan a été discutée pendant deux jours consécutifs, et elle peut recevoir une décision. Je crois qu'il faut écarter tout autre objet, et se borner à la suspension des pensions, sans y comprendre les frais de l'Assemblée nationale; qu'il ne peut pas être question de l'arriéré de ces pensions, puisque le compte en a été fait; qu'il s'agit seulement de suspendre le paiement de toutes les pensions qui sont au-dessus de 1,200 liv., jusqu'à ce que la liquidation en soit faite; enfin, qu'il faut payer tout ce qui est nécessaire pour la subsistance, jusqu'à ce que l'on soit assuré de la légitimité de ces pensions. Je demande la division du plan.
Je n'entre pas dans la discussion des objets qui ont été présentés par le comité; il s'en trouve un qui est clair, qui ne demande pas un long examen, et qui peut être décrété dans cette séance ; c'est la liste civile. 11 convient que cetie liste soit décrétée dans la séance ; les dépenses des affaires étrangères n'y seront pas comprises chez nos voisins. En conséquence, je propose de décréter :
. « Que Je Roi sera supplié de fixer lui-même la somme qu'il croit nécessaire pour sa dépense personnelle, celle de sa maison, meuus plaisirs, maison de ses enfants et de ses tantes, ou d'accepter celle de 20 millions pour les mêmes objets. »
Je pense que l'on doit en venir aux
pensions; que cette matière a été suffisamment discutée, et que c'est le moment de prononcer.
met aux voix la question de savoir à laquelle des deux motions la priorité sera accordée: celle de M. Camus l'obtient, et elle est ajournée.
L'Assemblée passe à son ordre du jour de 2 heures et reprend la discussion sur Vaffaire de Toulon.
annonce diverses pièces qui tendent à prouver que le calme est tout à fait rétabli à Toulon ; il cherche à justifier les habitants du reproche d'avoir voulu piller l'arsenal et donne lecture de la déclaration suivante :
Déclaration de MM. les officiers de la marine.
Nous, officiers de la marine, ayant vu avec la plus grande indignation la manière dont plusieurs écrits publics rendent compte des événements qui se sont passés dans cette ville le 1er de ce mois, particulièrement l'article où il est dit : il parait que la garnison de Toulon a voulu abandonner le corps de la marine, attestons que rien n'est plus faux que cette assertion ; que les régiments de Dauphiné et Barroi3, composant cette garnison, étaient consignés dans leurs quartiers, prêts à marcher pour faire exécuter la loi martiale dans l'insurrection, au moment où elle aurait été publiée ; mais cette loi ayant été refusée, quoiqu'elle ait été requise légalement, ces troupes se sont toujours tenues à leurs postes dans les mêmes dispositions. La douleur dont les officiers et soldats furent pénétrés lorsqu'ils apprirent l'enlèvement incroyable du commandant de ce département et des principaux officiers de la marine, fait par les troupes nationales, auxquelles cecomman-dant s'était entièrement confié, égala la nôtre et se manifesta de la même manière. La justice et la vérité que nous devons à ces deux régiments, et l'estime particulière qu'ils nous inspirent, nous font envisager comme un devoir cette déclaration, les invitant d'en faire l'usage qu'ils croiront convenable.
Fait à Toulon, le
Pour les officiers de la marine actuellement en service dans ce département :
Signé : laroque, commandant par intérim, Delor, chargé du détail de ta majorité générale ; Olexiër de norbec, directeur de l'artillerie ;,burgues-missyessis ; Rcy-ter ; le comte de b.ochemore ; le chevalier de Sade ; Meyronet de Saint-Marc; Beaussier de l'Isle; Dufour; Flotte de Mine.
Pour copie conforme à l'original,
Signé : de carmilet, maréchal-de-camp, commandant les troupes à Toulon.
Je pense que le parti le pins sage que puisse prendre l'Assemblée est d'ajourner cette affaire et j'en fais la proposition.
Mon intention n'est pas d'inculper les citoyens de Toulon, mais il m'a été rapporté dans une lettre venant de cette ville, que quelques effets ont été enlevés de l'arsenal où des dégâts ont été commis.
Je fais la motion expresse que le préopinant soit tenu de déposer, à l'instant, sur le bureau, lapièce justificative de son assertion.
Je n'ai pas la lettre sur moi, mais je m'engage à la produire.
Je crois que l'occasion est favorable pour réclamer une loi générale contre les dénonciateurset je demande que M. Gaultier de Biauzat soit tenu de déposer aussi sur le bureau sa dénonciation contre M. de Chazerat, intendant d'Auvergne.
, sans s'intimider. Je suis prêt.
Je ne connais personne qui ait accusé le peuple de Toulon ; je suis plus fortement que personne décidé à lui rendre justice ; mais j'ai accusé et j'accuse les auteurs de la sédition, ceux qui ont porté la main sur le commandant de la marine et sur les autres officiers. Ce n'est pas le crime du peuple ; il est bon : on l'agite, on le tourmente ; il s'agit seulement de punir les coupables pour l'ordre public et la sûreté de l'arsenal; il faut qu'il y ait des hommes exerçant une subordination active dans un lieu où une grande partie des forces navales sont réunies, où il y a 1800 forçats et des matières combustibles ; il faut rendre à l'autorité ce qui lui appartient et au peuple ce qui lui est dû. Un décret rétablira l'ordre à Tonlon ; un exemple sur les auteurs de cette sédition est nécessaire, mais les officiers municipaux ne peuvent y être compris d'aucune manière : je demande qu'il n'y ait point d'ajournement indéfini.
Quant à la lettre dont on parle, je n'ai pas ouï dire que l'arsenal ait été endommagé.
J'ai beaucoup étudié l'affaire de Toulon et je crois avoir trouvé le moyen de concilier tous les par,tis si l'on veut bien m'é-couterun instant.
Je prie l'orateur de suspendre un moment sa discussion, afin que l'Assemblée puisse recevoir une communication que j'ai à lui taire.
lit une lettre du premier ministre des finances, qui appuie auprès de l'Assemblée les motifs d'une délibération prise par les actionnaires de la Caisse d'escompte. Ces actionnaires ayant eu des raisons de penser qu'une création ae25,000 actions qui exigeaient un capital de 100 millions, moitié en argent de billets de caisse, et moitié en effets publics, pourraitéprou-ver beaucoup de difficultés, ont préféré un appel del,600 livres'par action, en échange duquel il leur sera donné une demi-action par chaque action qui aura fourni l'appel.
Cette opération a été approuvée par l'Assemblée, comme assurant la rentrée de 40 millions de billets de la Caisse d'escompte et lui laissant encore la disposition de plusieurs autres moyens, à l'aide desquels il lui sera facile de retirer une quantité suffisante de ses billets pour parvenir au but si désirable de la reprise de ses paiements à bureau ouvert, au 1er juillet de la présente année.
L'Assemblée revient à l'affaire de Toulon.
Je reprends la discussion.
Je ne me montre ni comme accusateur ni comme défenseur. Je veux écarter le rapport entier. L'Assemblée n'est pas un tribunal; il ne faut point examiner des procédures, mais traiter une question de droit public. Il ne faut avoir sous les veux qu'un seul objet, qui est la détention de M. le comte d'Albert; c'est son emprisonnement qu'il faut considérer; c'est l'emprisonnement d'un générai que l'opinion publique appelle au commandement des armées. Il faut qu'il ait donné des preuves de son amour pour la liberté, qu'il ait eu de grandes qualités, qu'il ait été plein de l'enthousiasme de son pays, pour avoir fixé sur lui l'opinion publique. Son autorité serait affaiblie, s'il ne lui restait un moyen de se justifier.
Le commandant et les officiers de la marine, qu'ils aient eu tort ou non, ont été illégalement emprisonnés. Si un corps militaire quelconque avait traité de même les officiers municipaux, quelle indignation cet événement n'exciterait-il pas en nous? Nous devons maintenir la police du royaume; il faut que chaque autorité soit respectée, et que l'autorité civile soit, comme toutes les autres, maintenue dans ses bornes.
On a insulté par des huées et des voies de fait un général et des officiers à qui l'on n'impute aucun abus d'autorité.... Je sais que dans tous les lieux, dans tous les temps, des généraux ont été méconnus dans les assemblées populaires. Vous savez qu'Annibal, après la bataille deZama... (Murmures. — Au fait! s'écrie-t-on.) Voulez-vous des exemples plus rapprochés de nous? C'est sous Louis XIV, en 1692, que le maréchal de Luxembourg fut enfermé à la Bastille sur un simple soupçon. Que dit la nation, que dit l'armée, en apprenant que le héros de Steinkerque, de Ner-winde et de Fleurus était dans les fers? La nation lui rendit un hommage bien flatteur.... (Nouveaux murmures.)
Je vous rappelle le tendre intérêt que la nation française prit au sort d'un héros infortuné, que le despotisme, entouré de la calomnie, précipita au fond d'un cachot, le maréchal de Luxembourg, enfermé à la Bastille après les victoires les plus éclatantes, et la France entière demandant un héros que la violence lui avait enlevé.
Je reviens à M. d'Albert. Actuellement un officier français a été outragé. Il s'agit d'une ville dans laquelle il y a un port qui coûte un milliard à l'Etat. Nous ne devons pas être indifférents. Il faut délibérer, afin que les troupes nationales vivent en paix avec les troupes soldées. Ce serait au pouvoir exécutif à s'occuper de cette affaire; mais Je pouvoir exécutif se trouvant à une si grande distance, ses ordres ne seraient peut-être pas exécutés.
Il y a ensuite un autre moyen : c'est de renvoyer la cause au Châtelet; mais il n'y a pas lieu à ce renvoi, parce qu'il n'y a ni conspirateur, ni crime de lèse-nation.
Quel est donc le moyen que l'Assemblée doit employer? Il est tout simple. Je suis étonné que les citoyens de Toulon n'y aient pas eu recours, j Je ne demande aucune espèce de châtiment. Tous les intérêts doivent être balancés par des anges de paix. L'Assemblée nationale doit improuver les violences et les insurrections de Toulon; elle doit engager les officiers municipaux de cette ville, comme tuteurs de la cité, à aller prier les officiers des ports de la marine à vivre en paix avec eux.
Plusieurs membres deman-
dent encore la parole, mais je ferai remarquer à l'Assemblée qu'il est temps qu'elle se retire dans ses bureaux pour procéder à l'élection d'un président et de trois secrétaires.
La séance est levée sans qu'il soit pris aucune décision sur l'affaire de Toulon.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER.
Séance du
A l'ouverture de la séance, on annonce qu'une députation des représentants de la commune et de la garde nationale de Paris, ayant à leur tête M. Bailly, maire, et M. le marquis de Lafayette, commandant général, demandent à être introduits à la barre pour complimenter l'Assemblée.
La députation est admise.
, maire, dit :
« Messieurs, les représentants de la commune de Paris et la garde nationale viennent vous
offrir leurs hommages ; ils viennent devant vous former des vœux pour la conservation de la
patrie, dont les destinées reposent sur vous. Nous avons jusqu'ici marché par des travaux
pénibles; nous avons vécu entourés de dangers; mais dans ce renouvellement d'année, dans ce
renouvellement de toutes choses, un jour plus beau va luire, une espérance qui s'accroît sans
cesse fortifie notre courage. La loi commencée s'achève sans cesse entre vos mains, et
lorsque la loi toute entière existera, la France sera sauvée, et nous commencerons à vivre.
Jusque-là nous attendons la vie, et nous l'attendons de vous; mais cette loi, dont une partie
n'est pas encore édictée, dont une partie est encore renfermée dans votre sagesse, nous la
respectons même avant que votre génie l'ait produite : nous inspirerons le respect au peuple
de la capitale, qui a conquis la liberté par sa résolution, qui, quelquefois, s'est agité
pour la défendre, et qui ne connaît pas encore assez les bornes et l'étendue légitime de
cette possession nouvelle. C'est à nous à l'éclairer sur sa jouissance et sur les devoirs
qu'elle lui impose; le plus important de tout est la soumission. C'est à la soumission à
achever l'ouvrage de notre bonheur, et à terminer la révolution. Nous en donnerons l'exemple,
nous qui avons l'honneur d'être pour la capitale ce que vous êtes pour la nation entière, et
vous jugez, Messieurs, avec quelle joie et avec quel sentiment profond le maire de cette
ville, qui a commencé chez vous son éducation nationale, se montrera le premier pour donner
cet exemple si nécessaire; achevez donc la loi, Messieurs, et nous vous répondons de son
exécution; achevez la loi avec un monarque digne de notre amour, et nous répondons à l'un et
à l'autre de la soumission et de la fidélité dues à ces objets sacrés. — Achevez la loi, et
le jour où la nation que vous représentez, où la capitale, dont nous sommes les organes,
viendra la jurer devant vous, devant le monarque à qui vous remettez ce dépôt si respectable,
ce jour sera celui de la renaissance de la monarchie, le commencement de sa prospérité et de
sa véritable
, à la députation. Les citoyens de la ville de Paris donnent chaque jour de nouvelles preuves de patriotisme ; vous venez de l'entendre. L'Assemblée nationale applaudit aux nobles sentiments qui vous animent, et elle reçoit avec satisfaction vos hommages et vos vœux. M. le maire et M. le commandant général de la garde nationale savent avec quel plaisir on les reçoit ici. L'Assemblée les invile a prendre leurs places parmi nous, et elle vous permet, Messieurs, d'assister à la séance.
a lu une lettre de M. le contrôleur général des finances, et un mémoire des administrateurs des domaines, joint à cette lettre, pour se plaindre d'une insurrection des habitants des Quatre-Vallées relativement à la perception des impôts.
L'Assemblée a autorisé M. le Président à écrire aux municipalités des Quatre-Vallées, pour y faire établir le recouvrement des impositions.
En passant à l'ordre du jour, on a fait lecture d'une adresse de la garde nationale de Rennes, qui se plaint à l'Assemblée de ce qu'un honorable membre, M. le vicomte de Mirabeau, a accusé la garde nationale d'avoir empêché, par ses menaces, les magistrats de la Chambre des vacations du parlement de Rennes de remplir ses fonctions.
Messieurs, lorsque, dans l'une de vos précédentes séances, je demandais un décret qui obligeât tous les membres de celte Assemblée de représenter les pièces sur lesquelles ils fondaient quelque dénonciation, je ne m'attendais pas à être le premier sur qui frapperait ce décret. Vous venez d'entendre que la ^arde nationale de Rennes m'accuse, et l'ose le dire, en termes peu mesurés. Elle a l'air de se piquer de générosité à mon égard ; mais avant d'être généreux, il faut être juste et certainement rien ne l'est moins que l'inculpation qu'on me fait. J'userai moi-même de générosité envers la garde nationale de Rennes ; mais avant je crois pouvoir porter le défi le plus formel, à qui que ce soit, de pouvoir me convaincre d'avoir tenu, dans la séance du 15 décembre au soir, aucun des discours que l'on m'impute. En conséquence, je supplie. l'Assemblée d'autoriser M. le président à écrire à la garde nationale de Rennes pour l'instruire qu'on l'a induite en erreur sur mon compte.
Comme député de Bretagne, j'appuie la demande de M. le vicomte de Mirabeau, parce que je la trouve juste et que je ne veux pas laisser subsister d'erreur dans l'esprit de mes compatriotes.
Un grand nombre de membres: Nous appuyons la motion.
^'Assemblée charge M. le président d'écrire à la garde nationale de Rennes.
L'Assemblée autorise les inspecteurs des bureaux : 1° à faire payer à deux des secrétaires commis, la somme dé 130 livres pour chacun de3 deux mois de novembre et décembre ; 2° à faire payer la somme de 600 livres à trois commis pour un travail extraordinaire à l'expédition des.procès-verbaux de conférence, laquelle somme ils partageront également entre eux ; 3° à faire payer
à un autre commis la somme de 200 livres, à lui promise au mois de juillet dernier.
, membre du comité des finances, représente que différentes provinces et notamment celle du Berry ont toujours été dans l'usage de faire payer aux contribuables la cote de leurs propriétés sur le lieu de leur domicile et non sur le lieu de l'exploitation ; que cependant les rôles de la province du Berry étaient presque entièrement finis, avant qu'on y eût connaissance du décret de l'Assemblée du 17 décembre, et à ce sujet, il propose, pour éviter les retards dans la perception des impôts de cette province, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que l'administration provinciale du Berry a presque entièrement terminé le travail des départements, d'après l'esprit et la lettre du décret du 26 septembre dernier ; qu'on n'a point connu jusqu'ici dans cette province la distinction des cotes d'exploitation et des cotes de propriété ; que de là résulte la nécessité d'nn long et pénible travail pour se conformer aux décrets des 28 novembre et 27 décembre, et un retard préjudiciable dans les perceptions ;
Considérant enfin que le mode d'imposition suivi par l'administration provinciale du Berry, remplit les vues de justice et de bienfaisance qu'elle s'était proposées, puisque les ci-devant privilégiés seront imposés exactement comme l'étaient les non-privilégiés, a décrété et décrète que les départements déjà faits dans la province du Berry subsisteront, et que ceux qui restent à faire seront terminés d'après les mêmes principes et dans les mêmes formes que les premiers. »
présente un amendement à ce projet de décret, mais il le retire sur-le-champ.
met la question aux voix, mais,' comme il remarque que beaucoup de membres restent assis sans prendre part au vote, il en fait la remarque à l'Assemblée.
Un membre se lève et dit : Je ne puis donner mon opinion sur une affaire que je ne connais pas. Ayez la bonté de rouvrir la discussion, alors je saurai de quel côté ma conscience me guidera.
La discussion recommence.
dit que, relativement au mode d'imposition, concernant les ci-devant privilégiés, il fallait suivre celui prescrit par les décrets des 26 novembre et 16 décembre ; en conséquence imposer les contribuables, non sur le heu de leur domicile, mais sur celui de la situation des biens, qu'autrement la plupart des riches propriétaires des villes franches de Bourges et a'Issoudun et qui demeuraient soit à Paris, soit aux environs ae Paris, échapperaient à l'imposition.
a soutenu que la peine, assez mince en elle-même, que pouvait éprouver a commission intermédiaire du Berry pour imposer également les contribuables, ne devait pas être prise en considération et suspendre l'exécution des décrets de l'Assemblée. Il a demandé qu'il n'y eût lieu à délibérer sur le projet de décret proposé par M. Lebrun.
a mis cette motion aux voix et elle a été adoptée.
, rapporteur du comité des finances, lit une délibération du corps municipal et électoral de la ville de Rouen. Cette ville touchée vivement de la détresse où se trouvent 4,500 ouvriers, demande à l'Assemblée nationale une autorisation pour imposer tous les habitants qui paient au dessus de 6 livres de capitation, à une augmentation de cet impôt capable de produire les trois quarts de la capitation même ; celle-ci monte à 244,000 livres ; par conséquent, la sur-imposition produirait 183,000 livres.
Le rapporteur ne dissimule point que la capitation est un impôt odieux et vexatoire, puisqu'il frappe sur l'individu et non sur ses biens ; mais comme depuis trois ans la ville de Rouen a fait trois emprunts pour subvenir au soulagement des pauvres ouvriers, elle est aujourd'hui privée de cette ressource. Il faut considérer que l'imposition que demande à faire la ville de Rouen ne pèsera pas sur la classe indigente qui, eu effet, ne jouit pas, comme les riches, de l'industrie des ouvriers.
Le rapporteur dit ensuite qu'il pense que les ecclésiastiques, ci-devant privilégiés, doivent être compris dans cette imposition, et il conclut en demandant que l'Assemblée insère dans 9on décret, qu'elle agit ainsi sur la réquisition expresse de la commune de Rouen et que M. le président se retire par devers le Roi pour lui demander sa sanction.
,député d'Abbeville, se lève et demande un décret semblable pour sa ville.
Abbeville ne demande pas la permission d'imposer ses habitants, mais bien une taxe de 50,000livres; on a même beauconp varié à cet égard; tantôt il s'agit de 30,000 livres, tantôt de 50,000 livres, ce qui fait penser au comité des finances qu'on doit renvoyer cette affaire à l'administration.
L'Assemblée adopte cette proposition.
, revenant sur l'affaire de Rouen, demande si le vœu de la commune est exprimé dans la délibération et réclame une nouvelle lecture dudécret.
donne une nouvelle lecture du projet de décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale a décrété que, sur la demande expresse de la municipalité de la ville de 'Rouen, elle autorise la municipalité à augmenter la capitation des trois quarts pour cette ville, et pour cette année seulement, à condition que cette somme sera employée à soulager les Eauvres ouvriers de cette ville; que les contri-uables, qui sont taxés à 6 livres et au-dessous, n'éprouveront aucune augmentation; que la proportion de cette augmentation sur la capitation se fera en trois portious égales, savoir le tiers en janvier, le tiers en mars et le tiers en juin dé l'année 1790. »
relit la délibération de la ville de Rouen qui porte ces mots le corps municipal et électoral.
Vous voyez, Messieurs, que la commune u'y figure pas; car électoral ne signifie autre chose que les électeurs nommés ci-devant pour élire MM. les députés, mais non les représentants de la commune. Aussi j'insiste pour qu'on exige une délibération de la commune de
Rouen avant de statuer sur le projet de décret qui vous est présenté.
Un membre désirerait qu'au lieu de ne comprendre que les contribuables en capitation au-dessus de 6 livres, on mît 4 livres, et que tous ceux imposés au-dessous de cette dernière somme fussent exclus de l'assemblée communale dans laquelle on devait voter sur cette nouvelle imposition.
met aux voix la demande d'ajournement et il est décrété qu'il sera sursis à là requête de la municipalité de Rouen jusqu'à ce que la commune assemblée eût fait connaître son vœu.
, au nom du comité des lettres de cachet, fait un rapport sur les lettres de cachet et sur les actes arbitraires. Il dit que M. de Salnt-Priest, qui paraît animé du même esprit que l'Assemblée, n'a pu donner au comité les renseignements qui étaient demandés sur les prisonniers d'Etat et que le ministre ne connaît même pas la plupart des noms des détenus.
En conséquence,, le comité propose à l'Assemblée le décret suivant ;
« L'Assemblée nationale considérant qu'il est de son devoir de prendre les informations les plus exactes pour connaître la totalité des prisonniers qui sont illégalement détenus;
« Que, malgré les états qui ont été remis à ses commissaires par les ministres du Roi, plusieurs détentions anciennes peuvent être ignorées des ministres mêmes, surtout si elles ont eu lieu en vertu d'ordres des commandants, intendants ou autres agents du pouvoir exécutif.; décrète :
« Que huit jours après la réception du présent décret, tous gouverneurs, lieutenants de Roi, commandants de cbâteaux-forts, prisons d'Etat, ou supérieurs de maisons de force, et de maisons religieuses, enfin, toutes personnes chargées de la . gardé des prisonniers détenus par lettre de cachet, ou par un ordre quelconque du pouvoir exécutif, seront tenus d'envoyer à l'Assemblée nationale un état contenant les noms et surnoms des différents prisonniers, avec les causes et la date de leur détention.
« Le présent décret sera envoyé aux municipalités, avec ordre de le faire exécuter, chacune dans son ressort.
« L'Assemblée nationale charge, en outre, ses commissaires de lui proposer les moyens les plus prompts de vider successivement toutes les prisons illégales, en prenant cependant des précautions nécessaires pour ne pas compromettre la sûreté publique; et sera le présent décret porté par M. le président à la sanction de Sa Majesté. »
Je demande le rappel de tous ceux qui sont exilés par lettres de cachet et je voudrais, en même temps, vous peindre toutes les horreurs qui se commettent dans les maisons de force (Marques nombreuses d'improbation). Messieurs, je vous supplie au nom de la justice et de l'humanité de vouloir bien m'entendre. Je vais plus loin, et je soutiens qu'avant le terme expiré de quinze jours qu'on vous propose pour savoir les noms de tous les prisonniers, plusieurs d'entre eux ne seront plus.
Un frère d'une maison de force d'Artois m'a dit que, parce qu'il avait paru compatir aux peines des prisonniers, les supérieurs voulaient l'en punir et qu'il n'avait échappé aux traits de leur
cruauté que par la fuite. (Rumeurs dans VAssemblée.
Les protestations qui se produisent me rappellent une anecdote curieuse et peu connue, sur Philippe II, roi d'Espagne. Ce prince fut ému de pitié en voyant passer des malheureux que l'on conduisait à la mort par jugement de la sainte inquisition. 11 eut la faiblesse de témoigner sa sensibilité; l'inquisition en fut instruite et exigea que le monarque se laissât tirer une palette de sang en expiation de sa faute.
Je demande par amendement que les renseignements soient envoyés directement à ^Assemblée nationale. Cette motion est rejetée.
propose de recourir à la clémence du Roi pour obtenir la liberté des officiers enfermés en vertu de jugements de conseils de guerre ou condamnés à une détention par le tribunal des maréchaux de France. Celte motion est mise aux voix et ajournée.
demande qu'on visite les prisons des religieux, appelées les Vade in pace. Qu'il est beau de voir un magistrat sage s'intéresser au sort de l'humanité souffrante!
offre de donner l'état des détenus dans l'enclave de sa visite; il assure qu'il n'y en avait que deux dont l'esprit était aliéné, et au surplus déclare qu'il est prêt à adhérer à la motion de M. de Castellane.
parle d'un prisonnier détenu dans une espèce de bastille obscure, à la barrière du Trône, et placé nu dans un donjon ou il était depuis trois ans, en 1779. On n'apprit sa détention que par une lettre jetée avec une pierre dans un jardin du voisinage. Le parlement s'intéressa inutilement pour ces détentions illégales; le ministère refusa justice. M. Fréteaii assure qu'il y avait alors à Paris trente-cinq bastilles, grandes ou petites, et contenant plus de prisonniers que les priions du Châtelet. et de la Conciergerie ensemble.
, à ce sujet, rappelle l'horreur de l'Eglise pour ces emprisonnements arbitraires, et surtout le bref d'excommunication fulminé par Benoît XIV, en 1756, et publié par Je clergé de France, qui le fit signifier à toutes les cfficialités. Il termine par requérir l'ajournement, relativement aux détentions des religieux.
Enfin, le décret suivant est adopté : « L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de son devoir de prendre les informations les plus exactes pour connaître la totalité des prisonniers qui sont illégalement détenus;
« Que, malgré les états qui ont été remis à ses commissaires par les ministres du Roi, plusieurs détentions anciennes peuvent être ignorées dés ministres mêmes, surtout si elles ont eu lieu en vertu d'ordres des commandants, intendants, ou autres agents du pouvoir excécutif :
« Décrète que huit jours après la réception du présent décret, tous gouverneurs, lieutenants de Roi, commandants de prisons d'Etat, supérieurs de maisons de force, supérieurs de maisons religieuses, et toutes personnes chargées de la garde des prisonniers détenus par lettres de cachet, ou par ordre quelconque ues agents du pouvoir exécutif, seront tenus, à peine d'en demeurer responsables, d'envoyer à l'Assemblée na-
tionale un état certifié véritable, contenant les noms, surnoms et âge des différents prisonniers, avec les causes et lâ da!te de leur détention, et l'extrait des ordres en vertu desquels ils ont été emprisonnés.
« Le présent décret sera envoyé aux municipalités, avec ordre de le faire exécuter, chacune dans son ressort. L'Assemble nationale charge, en outre, ses commissaires de lui proposer, le plus tôt qu'il sera possïble, les moyens les plus prompts de vider successivement toutes les prisons illégales, en prenant cependant les précautions nécessaires pour ne pas compromettre la sûreté publique.
« Et sera le présent décret porté par M. le président à la sanction de Sa Majesté. »
lève la séance et ajourne l'Assemblée à lundi matin.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, président. J'ai présenté au Roi les quatre décrets qui ont été rendus, et principalement celui qui ordonné l'exécution de celui des municipalités huit jours après la réception, et Sa Majesté a répondu qu'elle y mettrait la plus grande célérité.
annonce le résultat suivant du scrutin.
M. l'abbé de Montesquieu a eu quatre cents voix pour la présidence, et M. de Menou trois cent cinquante-deux.
Pour le secrétariat, M. le chevalier de Boufflers, trois cent soixante douze; M. Barrère de Vieuzac trois cent soixante; et le duc d'Aiguillon, trois cent quarante et une.
termine ses fonctions de président pat le discours suivant :
. ! Messieurs, l'importance de vos travaux a toujours été présente a mon esprit, et j'ai fait ce qui dépendait de moi pour les accélérer. Si l'ardeur de mon zèle m'a quelquefois entraîné au delà des bornes, je mérite votre indulgence par la pureté de mes intentions, et, j'ose l'assurer, je n'ai pas de juge plus sévère que moi-même.
« Chacun de nous veut être libre; chacun de nous veut réformer les abus et établir les lois constitutionnelles que prescrivent la justice et la raison ; mais, dans une circonstance si nouvelle et si difficile, la diversité des moyens ne doit pas étonner;, et je ne craindrai pas de le dire : malheur au cœur froid, qui juge avec trop de rigueur des discussions qu'anime l'amour du bien qui nous est commun à tous 1 Ainsi il s'agit du bonheur général et du bonheur individuel de tous les Français.
« La destinée de l'Etat repose sur la sagesse et la maturité de vos délibérations; et en terminant les fonctionshonorables dont vous m'avez chargé, permettez-moi, Messieurs, d'exprimer ici des vœux pour la liberté publique, la concorde et la paix. »
, en prenant 1»
fauteuil, prononce un discours dans lequel, après avoir réclamé l'indulgence de l'Assemblée, il fait sentir que pour achever le grand édifice commencé, elle avait besoin de calme dans ses délibérations. Quoi que nous ayons fait jusqu'à présent, a-t-il dit, pour la chose publique, les craintes et les transes ne se dissipent pas encore. La patrie, en quelque façon, est en deuil... Ses ressources sont entre nos mains, il n'y a que l'union la plus parfaite qui puisse la rassurer. J'exhorte tous les membres à la concorde et à la paix dans le sein de l'Assemblée.
MM. Bailly, maire de Paris, et le marquis de Lafayette, commandant de la garde nationale, viennent assister à la séance en qualité de membres. Des applaudissements réitérés leur marquent la satisfaction de l'Assemblée nationale de les voir dans son sein.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 janvier.
Le procès-verbal relate la motion de M. Duport tendant à fixer les dépenses du Roi dans la liste civile. Cette motion ne devait éprouver aucune difficulté et il est bien étonnant qu'elle n'ait pas été décrétée par acclamation; il n'est pas convenable qu'on puisse supposer que l'Assemblée a hésité pour adopter une mesure si conforme au vœu de toute la France, et qui lui fournissait uue occasion d'exprimer son respect et sa reconnaissance pour un monarque qui, par tant de soins et de travaux, a contribué à rendre à la nation sa liberté et ses droits. En conséquence, je propose le décret suivant :
« Qu'il soit fait une députation au Roi pour demander à Sa Majesté, quelle somme elle désire que la nation vote pour sa dépense personnelle, celle de son auguste famille et de sa maison, et que M. le Président, chef de la députation, soit chargé de prier Sa Majesté de consulter moins son esprit d'économie que la dignité de la nation, qui exige que le trône d'un grand monarque soit environné d'un grand éclat. »
J'appuie la motion, et j'ajoute que, dans tous les cahiers, la nation française a recommandé la plus grande déférence et le plus grand respect pour son chef.
Je crois qu'on devrait au préalable connaître l'état des dépenses et des recettes et savoir quelles sont les ressources de la nation.
Je demande que la motion soit mise aux voix tout de suite.
(De tous côtés on crie : Aux voix, aux voix.)
Je consulte l'Assemblée.
Le décret est adopté à l'unanimité moins la voix de M. le marquis de Foucault et d'un ecclésiastique.
Les membres nommés pour la députation vers Sa Majesté sont :
MM. Garat l'aîné.
le marquis de Lafayette. ti'Ailly.
Colbert de Seignelay, évêque de Rodez.
Le Chapelier.
Dufraisse-Duchey.
MM. Despatys de Coarteilles. Buzot.
de Montlosier. Agier, député du Poitou.
Charles de Lameth.
le marquis d'Ambly.
Maréchal.
Bailly, maire de Paris.
Goupil de Préfeln.
de Prez de Crassier. Germain.
Millon de Montherlant.
de Bonnal, évêque de Clermont.
Enjubault de La Roche.
le comte Mathieu de Montmorency,
Berthereau.
Rewbell.
de Menou.
Le Grand, député du Berry.
Fournier de La Pommeraye.
Andurand.
le duc de Liancourt.
Lanjuinais.
Loys.
le baron d'Aurillac.
Nicodème.
Le Pelletier de Saint-Fargeau.
Gillet de Lajacqueminière.
le comte de Croix.
Hardy de La Largère.
de Vismes.
le duc Du Châtelet.
Fermond des Chapelières.
l'abbé Gouttet.
Martineau.
de Curt.
Guillaume.
Alquier.
l'abbé de Ruallem.
le duc de La Rochefoucauld.
La Poule.
Barnave.
Muguet de Nanthou.
le comte de Montcalm-Gozon.
le marquis de Rostaing.
Renaud, député d'Agen.
Dom Gerle.
le marquis de Fumel-Montségur.
le vicomte de Beauharnais.
Le Bois-Desguays.
Gérard, député de Toul.
monte à la tribune et donne lecture d'une lettre qu'il avait été chargé d'écrire, en qualité de Président de l'Assemblée nationale, à tous les régiments de l'armée française; ladite lettre conçue en ces termes :
« L'Assemblée nationale m'a chargé par un décret, Messieurs, d'avoir l'honneur de vous assurer, en son nom, qu'elle a vu avec peine plusieurs régiments donner à une phrase isolée de l'opinion de M. Dubois de Grancé une interprétation bien éloignée de l'intention de ce député, et qu'il s'est empressé de développer dès qu'il s'est aperçu que sa pensée était mal entendue.
« Ce n'est pas, Messieurs, au milieu des représentants d'une nation dont l'armée a si dignement assuré la gloire dans tous les temps, dont elle vient si récemment encore de soutenir les droits avec tant de patriotisme, que l'hommage dû à la valeur, à la délicatesse et à l'honneur pourrait être un instant méconnu. Ils chérissent trop ces hautes qualités, inhérentes aux officiers et aux soldats irançais, pour ne pas saisir avec une véritable satisfaction l'occasion qui se présente de donner à l'armée le témoignage d'estime qu'elle mérite.
« L'Assemblée nationale, occupée sans relâche de la régénération de ce grand empire, établira, pour la constitution militaire, des bases qui, as-
surant à jamais le bonheur et l'avancement de tous les individus de l'armée, uniront indissolublement le citoyen et le soldat par les liens communs de la félicité publique.
« Le salut de la France dépend, vous le savez, Messieurs, de l'accord intime de tous les bons citoyens. Sous ce grand et important rapport, les représentants de la nation se reposent sur les sentiments de l'armée. Us recommandent au soldat une subordination entière à ses supérieurs, et ils sont assurés de n'être pas trompés dans cet espoir. La soumission aux lois, la fidélité à la constitution désirée par la nation, et acceptée par son chef ; l'obéissance et le respect pour le Roi, centre nécessaire de toutes les forces de l'Etat : voilà, Messieurs, les premiers devoirs et les seuls moyens de bonheur pour tout homme digne désormais de porter l'honorable nom de Français.
J'ai l'honneur d'être avec un sincère attachement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur,
Démeunier, Président.
Paris, le
Plusieurs membres demandent à discuter les termes de cette lettre.
Je prédis à l'Assemblée que cette lettre sera cause de la désertion totale dë l'armée française.
(Une grande partie de la salle crie : Aux voix, aux voix. M. le vicomte de Mirabeau, malgré ses efforts, ne parvient pas à se faire entendre.)
L'Assemblée décide qu'il n'y aura pas de discussion ; elle adopte la lettre et ordonne qu'elle sera envoyée à tous les régiments de l'armée.
On a fait la lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la communauté de Chérencé-Leheron en Normandie; elle demande d'être comprise dans l'arrondissement du district à établir dans la ville de Ville-Dieu.
Adresse de dévouement de la garde nationale de filois; elle demande que cette ville soit le chef-lieu d'un département.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville de Graponne en Velay; elle instruit l'Assemblée d'une émeute arrivée dans ses environs, et des mesures que sa garde nationale a prises pour en arrêter l'effet.
Adresse de dévouement de la troupe nationale de Redée près Rennes, et de trois mille autres citoyens, il n'en est aucun qui ne soit déterminé à sacrifier sa vie et sa fortune pour le maintien de la nouvelle constitution, qui leur offre l'image du bonheur.
Adresse du même genre des officiers de la garde nationale de Retnel ; ils demandent 400 fusils pour armer leurs soldats.
Adresse d'adhésion de la communauté d'Ille-ville-sur-Monfort en Normandie; elle dénonce les abus importants qui se commettent dans l'administration delà forêt royale deMonfort.
Adresse de la ville de Monistrol en Velay, contenant l'expression d'une parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. Dans une assemblée générale, les habitants ont arrêté, par acclamation, d'offrir en don patriotique, indépendamment du quart de leur revenu, le produit de l'imposition sur les ci-devant privilégiés; lequel don ils auraient augmenté, sans l'extrême misère du pays, qu'ils ont cherché à diminuer en faisant chaque semaine une distribution de qua-
torze à quinze cents livres de pain j distribution qui, par les précautions qu'on a déià prises, sera continuée pendant les quatre mois les plus rigoureux de l'année.
Adresse de félicitations sur le renouvellement de l'année des administrateurs de l'hôpital général de la ville de Moulins.
Adresse d'adhésion des communautés de Pé-pieux et Castelnau-Rive en Languedoc; elles demandent d'être comprises dans l'arrondissement du district à établir dans la ville d'Azille.
Adresse de félicitations, remerciments et adhésion des villes d'Andely en Saintonge, de celle de Bonneval, de la ville de Manosque en Provence, et de celle de la Lampe, bailliage de Chartres. Toutes ces villes demandent l'établissement dans leur sein d'une assemblée de district et d'une justice royale. Les habitants des villes d'Andely offrent à la patrie leurs boucles d'argent et le produit des impositions sur les ci-devant privilégiés.
Suit la teneur de l'adresse d'un ancien recteur de l'université :
Messieurs,
« Persuadé, comme le sage et célèbre orateur romain, que l'Etre suprême réserve une place distinguée à ceux qui s'empressent de venir au secours de la patrie, et qu'il n'y a de vrai et bon citoyen que celui qui, pénétré de la vérité de ce grand principe, agit en conséquence; je viens avec allégresse offrir à cette auguste Assemblée un calice que j'avais destiné pour le service des autels de rËglise; mais j'ai cru que j'en ferais un meilleur usage, et même plus agréable à la divinité, si, dans les circonstances présentes, je le plaçais sur l'autel de la patrie, au milieu de ses plus zélés défenseurs, pour être employé aux besoins de l'Etat.
» Je reconnais, Messieurs, la ténuité de mon offrande ; et je sens qu'elle ne peut avoir de prix et de mérite que parce qu'elle prouve ma soumission à la sagesse de vos décrçts, et qu'elle exprime le désir sincère que j'ai, depuis longtemps, de payer à cette auguste Assemblée le tribut de reconnaissance, de respect et d'admiration, que tout bon citoyen doit lui rendre avec empressement. »
Adresses de la ville de Bergins, de celle de Sainte-Menehoult en Champagne, de celle de Landaw en Alsace, de celle de Dieppe et de Ghau-' mont en Bassigny, qui saisissent avec empressement l'occasion de renouvellement d'année, pour donner à l'Assemblée nationale un nouveau témoignage d'admiration, de reconnaissance et de dévouement ; elles forment les vœux les plus ardents pour le succès de ses travaux, qui doivent assurer à jamais le bonheur des Français.
Adresse du même genre'des membres de la municipalité de la ville de Dax, et du comité de correspondance de la sénéchaussée de Launes; ils espèrent que l'Assemblée agréera d'autant plus leur encens, qu'il leur est offert par des hommes libres.
Adresse de la ville et communauté de Monein en Ëéarn, contenant félicitations, remerciements et adhésion à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, avec promesse de les défendre, de tout son pouvoir, contre les ennemis du bien public.
Adresse du même genre du comité municipal de la ville de Saint-Claude en Angoumois ; il déclare que toute manœuvre, tout complot pour rendre les décrets de l'Assemblée illusoires, est
un attentat dont il jure de poursuivre la punition, et qu'il mettra tout en œuvre pour en découvrir les auteurs.
Adresse du même genre de la ville de Lourdes en Bigorre ; elle renonce expressément à tous ses privilèges, qu'elle avait obtenus â prix d'argent, ou mérité par sa fidélité: et son courage, et elle fait le don ptriotique de la somme de 40,000 livres, prix de la vente de ses communaux, qui avaient été destinés pour l'achat de ses offices municipaux, et demande d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Délibération de la communauté de CbâteaU-Neuf d'Isère enDauphiné, qui instruit l'Assemblée nationale d'une coupe extraordinaire de bois, feifie par la dame abbesse de Yernaison, dans les forêts de son abbaye ; elle se plaint d'ailleurs die ce qu'elle n'a pas reçu les décrets de l'Assemblée, qui mettent les biens ecclésiastiques sous la sauve-garde des municipalités et des gardes nationales.
Délibération de la ville de Valence en Dauphiné, dans laquelle elle déclare'qu'elle désavoue les observations présentées, au nom de la province, par le commissaire intermédiaire des Etats, sur la division du royaume en général, et celle du Dauphiné en particulier; qu'elle déclare kesdites observations attentatoires a la confiance que le Dauphiné n'a cessé de manifester envers l'Assemblée nationale, et au respect que les peuples doivent à ses décrets; qu'elle désavoue le mandat énoncé dans l'avis imprimé, publié par un député du dauphiné; qu'elle déclare s'opposer fortement à son exécution,, comme tendant à soulever la province^. et ne pouvant opérer que la plus funeste division dans son sein; que, pleine de confiance dans la justice et dans la pureté des vues de l'Assemblée nationale, elle adoptera sans restriction, et fera exécuter, autant qu'il sera en elle, tous tes décrets émanés des deux, pouvoirs réunis; qu?elle: ne se permettra, enfin, ni plaintes ni démarches, les regardant comme entièrement nuisibles à l'ordre nouveau qu'il est instant d'établir pour assurer le succès de la révolution.
Adresse de la ville de Preuilly en Touraine, qui adhère respectueusement à tous les décrets de l'Assemblée, et demande d'être le chef-lieu d'un district.
Adresse de félicitations, adhésion et dévouement du comité municipal de la villes de Toul ; elle fait lWrande patriotique des 123 marcs 6 onces d'argent, produit du sacrifice que les citoyens font aux besoins de la patrie d'un luxe inutile.
Adresse du même genre de la commune des SableS'-d'Oionne en Bas-Poitou; elle demande d'être chef-lieu d'un département.
Adresse dumême genre de>s habitants de Thessac en Saintonge;. ils offrent un don patriotique de 1,20 livres, qu'ils déclarent être proportionné à leurs facultés* et ils réclament justice contre leur seigneur pour des abus d'autorité, et une extension donnée, disent-ils, par son père, à des droits seigneuriaux dont ils demandent la suspension provisoire et la réduction sur le pied des anciens titres,
Adresse du. même genre de la ville de Moulins; elle demande d'être un chefrlieu de département, et le siège d'un tribunal souverain»
Adresse de la commune de Sainst-Symphorien de Laye, et de la communauté de Perreux en Beaujolais, portant adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale; et demande d'un district et d'un tribunal dans ladite ville de Saint-
Symphorien ; elles font le don patriotique de la contribution sur les cirdevant privilégiés.
Adresse d'adhésion de la communauté de la Roche-Guyon en Vexin-Français ; elle fait le don patriotique de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande une justice royale.
Délibération de la ville de Magny en Vexin, contenant le même don patriotique, qui s'élève à. la somme de 621 livres 14 sols 6 deniers.
Adresse des habitants des communautés de Sainte-Eulalie, du Viaiar, de la Cavalerie, la Gou-vertoirade, et laJBlusquererie, toutes dépendantes de la Commanderôe de Saint-Eulalie de Larzac, appartenant à l'ordre de Malte, élection de Millau en Rouei^e, par laquelle ils exposent qu'ils sont encoredans l'état de servitude, et qu'ils souffrent particulièrement de la rigueur avec laquelle on leur fait paver les dîmes, les corvées personnelles, les droits de fouage et de bannalité, pour fournir au commandeur un revenu de £>2,000 livres, ils demandent avec instance qu'on prenne leurs maux en considération, afin que, citoyens du même empire, ils jouissent, avec tous les Français, d'une régénération qui a été achetée au péril de la vie, et qu'ils sont disposés à maintenir et cimenter de leur sang..
Le 30 novembre dernier, j'ai fait une motion relative aux établissements de l'Ordre de Malte en France. Le développement de cette motion exige quelque étendue, et pour ménager les instants précieux de l'Assemblée, je la prie dTen autoriser l'impression et la distribution à tous ses membres.
L'Assemblée, consultée par M. le président, ordonne l'impression et la distribution.
(Vôy. ce document annexé à la séance de ce jour.)
La discussion de l'affaire des subsistances de Saint-Domingue et la suite de la discussion sur les pensions se trouvent à f ordre du jour. L'Assembfée dôit'décidër quel est l'objet qui aura la priorité.
insiste pour qu'on s'occupe de l'affaire de Saint-Domingue, qui est urgente et a été plusieurs fois ajournée.
fait remarquer que la discussion sur les pensions est commencée et qu'elle doit enfin être résolue.
dit que le comité des recherches de là ville de. Paris a attesté au comité des finances de l'Assemblée que l'on avait payé, le 7 décembre, des appointements au prince de Lambesc et au baron de Besenval; en conséquence,, la discussion des pensions doit avoir la priorité,
L'Assemblée adopte cette proposition.
, député de Caen, commence, à donner des explications sur les récompenses en général, et sur l'origine des pensions en particulier.
L'Assemblée témoigne son impatience et rappelle l'orateur à là question.
M. Lamy descend de la tribune en disant qu'il fera imprimer son discours,
( Voy. ' ce document annexé, à la séance, de ce jour.),"1
(1).Messieurs, la
Vous ne croirez pas, Messieurs, que je prétende justifier la somme énorme à laquelle s'élèvent les pensions payées par l'Etat ; que, frappé moins que personne de l'excès de cette dépense, je ne pense pas avec vous, depuis longtemps que votre justice doit dans ce rapport, comme dans tout autre, poser des bornes que la facilité des ministres ne pourra jamais dépasser ; car tout ce qui n'est pas récompense ou dédommagement strictement dû et sé vèrement proportionné aux titres qui les réclament, est une charge que le peuple ne doit pas supporter, dont aucun contribuable ne peut être grevé sans injustice ; comme aussi, tout ce qui est récompense ou dédommagement dû à titre légitime, est une contribution de devoir pour tous les individus d'une grande société. Mais vous penserez avec moi, sans doute; aussi, Messieurs, qu'il eût été plus heureux que l'état de vos finances permît que la nation la plus connue dans tous les siècles par sa noble générosité, se contentât d'attaquer les abus dans leur source, d'en prévenir d'une manière certaine le retour par des lois sévères, et qu'elle eût pu attendre, d'un temps toujours très court pour une nation, qu'une sage constitution gouverne, l'extinction de tous ces dons exagérés, sans dépouiller aucun des jouissants actuels, payés sans doute, pour la plupart, outre mesure, mais pourvus par des titres jusqu'ici reconnus valables.
Cette chimère, j'ose dire heureuse, ne peut plus se réaliser. L'opinion publique, en condamnant depuis longtemps la monstrueuse profusion de pensions, a prononcé la nécessité d'une nouvelle diminution actuelle sur ces pensions, qui déjà avait éprouvé, en 1787, une réduction d'environ 6 millions, c'est à dire à peu près d'un sixième dans leur totalité ; et le premier ministre des finances a, dans son discours du 24 septembre dernier, porté lui-même à 5 ou 6 autres millions cette nouvelle réduction actuellement possible. Vous en avez adopté le projet, et ce projet, en y comprenant la réforme faite sous le dernier ministère, porte à 12 millions la réduction totale qu'auront éprouvée, depuis deux années, les pensions payées sur le Trésor royal.
Si dans l'examen de ces pensions, mis sous vos yeux, vous pensez, Messieurs, que vous devez augmenter encore cette réduction considérable, vous prononcerez la somme à laquelle elle doit être élevée ; vous ne le ferez qu'après une mûre réflexion ; car, voulant aussi positivement, aussi fortement que vous le voulez le bonheur général, vous voudrez épargner cependant, autant qu'il dépendra de vous, les larmes et les malheurs particuliers ; et la preuve la plus certaine de l'amour du bien public que puissent donner des âmes généreuses comme les vôtres, se trouve sans doute dans votre fsoumission à la dure nécessité de faire [des malheureux.
Il me semble que vous en tenant aujourd'hn1 à celte fixation générale, vraiment l'état de la question, il conviendrait que vous vous remissiez à vous occuper du tarif des pensions dans les départements divers, au moment où vous fixerez les différentes constitutions ou organisations des corps dont la composition doit fixer la proportion et la nature des dons et des dédommagements auxquels ils doivent prétendre.
Alors, prenant en considération les titres et les services de tous, vous n'oublierez pas que le corps, sur la fidélité duquel repose votre tranquillité au-dedans et au-debors, dont l'honneur et la délicatesse sont le premier devoir, pour qui le mépris de la vie est une condition qu'à peine il compte pour une qualité, car sans elle il ne pourrait exister, est encore celui qui réunit le plus d'hommes privés de fortune, dénués de ressources personnelles, et à qui vous devez, par justice, assurer le plus solidement des jours heureux, et pendant la durée de leur service, et lorsque leurs forces et leur âge ne leur permettront plus de les continuer. A cette époque, profitant des lumières que vous a présentées avec tant de sagacité un des préopinants, vous consulterez, dans les divers traitements de retraite que vous assurerez aux longs services, non-seulement leur ancienneté, mais leur nature; vous croirez peut-être aussi devoir compter les blessures pour les années; enfin, vous chercherez à être justes et vous le ferez. Mais aujourd'hui il ne peut être question que du mode par lequel la réduction que vous allez ordonner peut être le plus utilement opérée.
Si vous croyez,Messieurs, devoir exercer vous-mêmes les détails de cette réforme, vous ne pouvez choisir qu'entre le parti de soumettre toutes les pensions à une proportion de réduction égale, selon leur montant; et celui de faire repasser sous vos yeux les titres de création de ces pensions, pour les examiner, les comparer dansvotre sagesse, et faire porter avec équité les diminutions les plus fortes sur les droits les moins fondés, en réformant même entièrement', dès aujourd'hui, celles qui seraien t prouvées n'être dues qu'à la faveur, qu'à l'intrigue, qu'à quelque cause vile, bien reconnue, et que votre justice réprouverait.
L'un et l'autre de ces moyens, Messieurs, me semblent incomplets. D'abord, je n'hésite pas à dire que cette proportion de réduction portant inégalement sur les diverses classes de pensions, mais avec égalité sur la même, ne peut pas satisfaire vos vues de justice. A quelque léger denier que vous fixiez la réduction d'une petite pension, vous prendrez sur le nécessaire, si ces pensions sont vraiment alimentaires; si elles sont le fruit de services anciens, si elles sont la retraite fixée par les ordonnances, d'officiers, par exemple, privés d'aucune autre ressource, alors la réduction, même d'un vingtième, enlèverait le fruit nécessaire à l'homme intéressant pour l'Etat et par ses services etpar son manque de fortune. La totalité de la pension enlevée à tel autre qui, avec quelques ressources personnelles, aurait même des titres valables, seraitun moindremal. Cependant aussil'exa-men réfléchide ces pensions vous prouvera qu'un assez grand nombre de celles au-dessous de mille livres, données par la facilité en vertu des vieux usages, devrait, avec justice, être retranché en totalité, avant que telles autres, beaucoup plus considérables, éprouvassent la réduction la plus légère. Et dans les classes supérieures, que de différence encore entre les titres? Penserez-vous équitable de traiter dans la même proportion l'homme qui, ayant évidemment perdu sa fortune au service de l'Etat, soit par des dépenses consi-
dérabies, mais que les circonstances rendaient alors véritablement indispensables, soit par lés opérations de finances du gouvernement, qui joint à ces titres de malheur, de grands titres de services que vous ne pourriez méconnaître, et celui qui, ayant sans doute bien mérité, n'a rien perdu de sa fortune et l'a peut-être môme augmentée dans les diverses places qu'il peut avoir occupées ? Traiterez-vous avec une entière égalité les personnes au-dessus de l'âge de 70 ou 80 ans, âge que toutes les nations, et que tous les siècles ont respecté, le guerrier mutilé dans les combats et l'homme qui, vivant d'abus, a peut-être, pour abandonner une place importante qu'il remplissait honteusement, ou pour d'autres motifs aussi scandaleux, ajouté une somme considérable de pensions à une masse énorme de fortune personnelle? Vous vous refuserez, je crois, Messieurs, à une telle délibération : ce mode de proportion égale, sans examen, le plus commode de tous pour l'autorité arbitraire qui, s'élevant au-dessus de l'humanité,, croyait, du point où elle se plaçait, voir tous les hommes et tous les droits égaux, n'est pas admissible pour une grande nation dont toutes les actions scrupuleusement réfléchies, doivent être marquées évidemment du sceau de la justice.
Cependant, Messieurs, si, frappés de l'injustice d'une réduction également proportionnelle, vous voulez descendre dans tous les détails, examiner les titres, pouvez-vous espérer, dans le terme de six mois, achever ce grand ouvrage; vous avez plus de trente mille brevets à examiner.Telle pension qui dans son brevet porte un titre plausible, soigneusement examinée, est sans motifs; telle autre, considérable en apparence, est le résultat, au moins en partie, ou de brevets de retenue, ou d'intérêts accumulés de sommes dues, ou de toute autre créance respectable. Il vous faudra donc, non-seulement consulter les brevets, mais la vie entière des personnes sur lesquelles vous croirez devoir faire porter la réduction. Six mois seront insuffisants pour cette grande opération ; car, quelque confiance que vous ayez au comité que vous en chargerez, vous ne vous en rapporterez pas à lui; et vous, Messieurs, qui sagement sans doute, n'accordez à vos comités aucune latitude de pouvoir, vous voudrez examiner par vous-mêmes les titres en vertu desquels vous devrez prononcer sur les fortunes d'une grande quantité de vos concitoyens. La fin de votre session doit, selon toute apparence, avoir un terme plus rapproché que celui proposé dans la motion de M. Camus, quime semble cependant lui-même trop court pour l'examen des pensions, car sûrement beaucoup de pensionnaires sont hors de France.— Voulez-vous, pouvez-vous étendre vos travaux au delà de votre existence ? Ainsi, le moyen d'examiner vous-mêmes les titres de pensions avant de les réduire, plus juste sans doute que le premier, ne me paraît pas beaucoup plus praticable.
J'oserai dire plus, Messieurs, et cette raison eût dû être placée la première, il me semble que si, comme il est indubitable, il appartient seulement à l'Assemblée nationale de prononcer sur les sommes à retrancher de l'état des pensions, l'opération de détails, qui n'est que l'exécution de vos décrets, appartient au pouvoir exécutif; si, dans un meilleur ordre de finances, vous croyiez dévoir décréter une addition de quelques millions aux pensions déjà existantes, penseriez-vous que la répartition en appartiendrait au pouvoir législatif? et si dans la conviction dans laquelle nous (
sommes tous qu'aucun ordre ne peut s'établir, et surtout se maintenir, sans la distinction conservée entre les pouvoirs, nous pensons que cette distribution appartiendrait au pouvoir exécutif, comment pourrions-nous raisonner autrement dans la circonstance actuelle où cette réduction de six millions est une distribution de même nature que celle qui opérerait une augmentation ?
Ce raisonnement, qui me semble absolument de principe, serait encore, s'il était nécessaire, fortifié par les motifs de la plus grande facilité que peut avoir le conseil du Roi pour exécuter avec justice cette réduction ; car il a, ou peut promptement acquérir toutes les connaissances de détails sur lesquelles il peut équitablement asseoir son travail ; et chargé seul de son exécution, il a tous les moyens de l'accélérer.
Sans doute on objectera, à cette proposition, la crainte que la faveur n'ait une grande part dans ce travail fait par les ministres; mais indépendamment de l'intime conviction, dans laquelle je suis, que les ministres, entourés, comme ils le sont aujourd'hui, des regards de toute la nation, n'ont d'intérêt bien entendu que celui de la justice, intérêt que le caractère des ministres actuels doit vous assurer, qu'ils sauront apprécier ; je me bornerai à répondre, en répétant cette vérité que l'exécution de vos décrets appartient au pouvoir exécutif, et que l'Assemblée nationale, crût-elle pouvoir s'en revêtir, ne peut se flatter d'opérer cette réduction, ni avec la scrupuleuse justice qui est son premier devoir et son premier besoin, ni dans l'espace du temps que doivent probablement durer encore vos séances actuelles.
Je propose donc le décret suivant :
« L Assemblée nationale ayant fixé qu'à compter du 1er janvier
1790, la totalité des pensions payées aujourd'hui sur le Trésor royal, et s'élevant a la
somme de 31.062.651 livres, serait réduite des celle de.....en sus de la réduction faite en
1787,a décrété que le fonds pour les pensions ne seraient faits que de.......pour l'année
1790, et que le Roi serait supplié d'ordonner la réduction partielle de nos pensions, d'après
les connaissances qu'il a des titres et des besoins de ceux qui en sont actuellement pourvus,
en veuillant bien toutefois prendre dans une particulière considé-^ ration, et la classe la
moins riche du militaire, et les personnes de tout état, âgées de 70 à 80 ans.
Elle a décrété en outre qu'à comptér du 1er janvier 1790, aucune autre caisse que le Trésor royal ne payerait de pensions. » '
En décrétant une somme quelconque pour les pensions, et en laissant la disposition au ministre, on ne verra que ce qu'on a vu jusqu'à présent, des abus. Je vous propose un décret provisoire pour arrêter un fléau que je compare à ce3 sauterelles qui dévastaient les moissons.
Voici mon projet :
« L'Assemblée nationale, voulant rétablir l'ordre dans le revenu public, a vu avec douleur que la sueur du pauvre était devenue l'aliment d'un luxe impudent et corrupteur. Elle a décrété ce qui suit:
1° Toute réversibilité est supprimée jusqu'à ce jour, à l'exception de celle accordée à la famille du chevalier uAssas.
2° Il sera nommé un comité de cinq personnes pour présenter un projet dans lequel toutes les pensions susceptibles d'être réduites ou supprimées seront indiquées.
3° 11 ne sera accordé désormais aucune pension au-dessus de 12,000 livres.
4° A compter du 1er de ce mois, il ne sera payé, pour les années échues, aucun à-compte au-delà de 12,000 livres. Les pensions des militaires, au-dessous de cette somme, seront payées.
5° Le comité des pensions prendra en considération les projets présentés par MM. Camus, de Montcalm et le baron de Wimpfen.
6° Les pensionnaires actuellement en pays étrangers ne jouiront de leurs pensions qu'à leur retour ; les officiers étrangers retirés et les personnes employées par le gouvernement sont seuls exceptés. »
Je propose d'excepter encore M. de Chambord, dont le père a été tué à la chasse par le dauphin, père du Roi.
On a répandu des nuages sur nos intentions. 11 faut, en prenant une détermination prompte, faire cesser l'effet des bruits semés par les malintentionnés. Hier matin, par une suite de ces bruits, il est venu chez moi un capitaine de grenadiers couvert de blessures honorables ; il a eu la tête, un bras, une jambe et un poignet cassés. « Je viendrai tout nu à la porte de l'Assemblée nationale, m'a-t-il dit ; je ferai voir mes blessures, et je demanderai le bourreau qui veut me réduire à la misère. »
J'ai peine à concevoir qu'il se soit élevé des doutes sur la suppression des pensions qui seront reconnues illégitimes. On a cité Sully, on nous a dit, d'après lui, que la bienfaisance des rois de France était immortelle comme leur autorité ; mais la justice doit tenir le premier rang. Un prince n'a pas le droit, pour être géné-reux envers un de ces sujets, d'être injuste et cruel envers plusieurs autres. On nous a félicité de ce que la munificence de nos rois ne s'était i pas montrée comme celle des princes du Nord, en donnant mille ou deux mille paysans. Nous avons mûri plus tôt que ces peuples, mais nous n'avons pas été moins barbares qu'eux ; comme eux nous avons eu des serfs, comme eux nous avons fait de ces libéralités monstrueuses.
D'autres disent que la dette des créanciers ne doit pas mériter plus de faveur que la dette contractée envers les pensionnaires. Pourquoi la première est-elle sacrée ? C'est que l'Etat a reçu de ses créanciers, et qu'il doit leur rendre ce qu'il en a reçu. S'il n'a rien reçu des pensionnaires, il est quitte avec eux. L'une des dettes n'est pas plus sacrée que l'autre : les titres de toutes deux doivent être examinés. On a réclamé une exception en faveur d'une classe qui mérite de grands égards, parce qu'elle a rendu de grands services, mais elle renferme des hommes qui n'ont de militaire que l'habit, et qui, par la bassesse et la llat-terie, ont obtenu le prix de l'honneur et du courage. Ce guerrier couvert de blessures, dont nous a parlé le préopinant, ne verra-t-il pas avec joie effacer ces hommes de la liste où se trouvera son nom ? Et ne verrez-vous pas vous-mêmes avec satisfaction ôter de cette liste honorable tant d'articles propres à ne former qu'un catalogue de courtisans avilis ou de proxénètes méprisables ?
Je réclame fortement, avec les préopinants, l'exception demandée pour les septuagénaires. Songez qu'ils vécurent esclaves, et qu'ils ne jouiront que péu d'instants de la liberté donnée à leur patrie. Je demande que ceux qui auront servi pendant trente ans soient exempts de toute réduction et de toute vérification. Et enfin, je
demande que la motion de M. de Montcalm soit mise aux voix article par article.
Il est plusieurs espèces de pensions à supprimer sans difficulté. En assurant qu'il faudra six mois pour l'examen des titres, on s'est livré à une exagération manifeste; le zèle du comité n'est pas douteux, et une prétendue impossibilité ne doit pas faire renoncer à une opération aussi salutaire, quand on considère que, pour faire une pension de 80,000 francs à un seul homme, il faut peut-être ruiner quatre-vingts villages, peut-on douter de la nécessité de prouvera la nation que désormais les seuls titres à de telles faveurs seront les besoins et les vertus? Je propose de charger le comité de l'examen des titres des pensions, et de décréter qu'à l'avenir les pensions au-dessus de 1,000 écus ne seront payéesqu'enà-comptede pareille somme; mais celles au-dessous en totalité.
Il faut user d'unegrande indulgence pour le passé et d'une grande sévérité pour l'avenir.
Cependant l'indulgence ne doit pas être générale. Il faut établir des règles invariables, et
ne jamais s'en écarter; en conséquence, j'estime qu'il doit être fait, à partir du 1er janvier 1790, un fonds pour les pensions, qui ne pourront être
acquittées que suivant les règles ordonnées par l'Assemblée nationale, dont le comité se
concertera, en cette partie, avec le premier ministre des finances, sans néanmoins empêcher
le paiement des pensions échues au 31 décembre dernier.
Je propose le décret suivant:
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que les arrérages des pensions, jusqu'au 1er janvier, seront payés, ainsi que les autres dettes de l'Etat, sauf les retenues existantes;
« 2° Qu'il sera nommé un comité de dix personnes pour présenter à l'Assemblée des principes et des bases de réduction et suppression pour les pensions et traitements actuellement existants.
« 3° Que le même comité sera chargé de présenter à l'Assemblée des vues relativement aux traitements et indemnités qui auront lieu par la suite. »
On demande la priorité pour ce projet de décret. La priorité est rejetée.
consulte l'Assemblée pour savoir si elle entend continuer la discussion, l'heure étant avancée.
Il est décidé que la séance ne sera pas levée avant d'avoir pris un parti sur les pensions.
présente plusieurs bases pour conduire celte importante opération. lia d'abord rappelé la réduction de 1787; ensuite il a proposé de classer les pensions dans un ordre qui pût en rapprocher les causes et la nature ; 1° de renvoyer l'examen des pensions créées sur les départements de la guerre et de la marine aux deux comités chargés de ces parties, en réunissant ensemble les pensions, non pas celles montant aux mômes sommes, mais celles accordées aux mêmes titres; 2° de placer parmi les rentes viagères les pensions concédées pour indemnités ; 3° de distinguer celles appartenant aux affaires étrangères, affectées à la magistrature, aux finances et officiers de la maison du Roi ; 4° celles faites aux commis de bureaux et à leurs veuves -, 5° celles données aux ministres, leurs veuves et leurs enfants. Voilà la plus sûre manière de lirer de cette partie l'économie la plus étendue.
prétend que, depuis trois jours de discussion, la matière n'est point encore éclair-cie, et qu'il ne se présente aucun résultat. s
demande que le mémoire de M. de Montesquieu soit renvoyé au comité des finances pour servir de plan de travail, et qu'au surplus la motion de M, Camus soit adoptée.
se borne à demander la création d'un comité pour l'examen et le rapport des pensions.
présente le projet de décret suivant qui résume les projets de M. Prieur» du, baron de Wim pfen et le sien :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète:
« Art* 1er. Que les arrérages échus jusqu'au 1er janvier
présent mois, de toutes pensions, traitements conservés, dons et gratifications annuelles,
qui n'excéderont pas la somme de 3,000 livres, seront payés conformément aux règlements
existants , et que sur ceux qui excéderont ladite somme de 3,000 livres, il sera payé
provisoirement pareille somme de 3,000 livres seulement.
« Art. 2. A compter du 1er janvier 1790, le paiement de toutes peasions, traitements conservés, dons et gratifications annuelles à échoir en la présente année, sera différé jusqu'au 1er juillet prochain, pour être effectué à ladite époque d'aprè3 ce qui aura été décrété par l'Assemblée. - « Art. 3. Il sera nommé un comité de douze personnes, qui présenteront incessamment à, l'Assemblée un plan, d'après lequel les pensions, traitements et gratifications, dons, etc., actuellement existants, devront être réduits» supprimés ou augmentés, et proposeront, les règles d'après lesquelles tes pensions devront être accordées à l'avenir.
« Art. 4.14 ne sera payé, même provisoirement, aucunes pensions, dons et gratifications, aux Français habituellement domiciliés dans le royaume, et actuellement absents sans mission expresse du gouvernement antérieure à ce jour. »
La discussion s'ouvre sur cê projet de décret.
propose d'amender l'article leI en y ajoutant que. te premier ministre des finances se fera représenter l'état des pensions au dessus de 3,000 livres qui auraient pu être payées depuis 1e 1er janvier jusqu'au sanctionnement du décret, afin qu'il pût s'assurer de la vérité desdits états afin que 1e décret ne fût pas illusoire.
Cet amendement est adopté»
propose d'excepter les septuagénaires des dispositions de l'article 1er.
adopte l'amendement, mais en réduisant à 12-,W0 livres les pensions des septuagénaires.
L'amendement de M. d'Estourmel, modifié par M. Tellier, est mis aux voix et adopté.
L'article 1er avec les changements qu'il vient de subir est adopté.
Les articles 2 et 3 sont également adoptés.
critique l'article 4 et propose de substituer au mot pensions ceux de traitements et appointements attribués à quelques fonctions publique».
Les mots que M. Duport propose de substituer doivemt être introduits dans /article, mais sans entraîner la suppression du mot pensions.
(La séance devient très orageuse» M. Bouchotte demande au président de lever la séance; M. le marquis de Foucault réclame la division; M. Du-val a'Epréménil invoque le règlement. — Le président parvient enfin à, triompher de toutes les rér sistances et à ramener le calme.:]
, évêque de Perpignan. L'article 4, tel qu'on vous le propose, est attentatoire à la liberté individuelle, puisque vous voulez empêcher les citoyens de se déplacer, et il est contraire à vos décrets qui garantissent cette liberté.
L'Assemblée n'empêche nullement les Français expatriés d'aller et de venir comme il leur plait, mais l'Assemblée est bien maîtresse de ne pas leur accorder de grâces.
L'Assemblée peut bien ne pas accorder de grâces pour l'avenir, mais ses décrets doivent respecter les droits acquis et ne pas avoir d'effet rétroactif. .N'est-ce pas priver de la liberté les Français absents du royaume que de leur ôter les moyens d'exercice de cette liberté ?
Les deux tiers de la salle crient : Aux voix? aux voias ?
parvient à mettre aux voix l'article 4 qui est adopté. En conséquence le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale a. décrété et,décrète:
Article 1.er.
« Que les arrérages échus jusqu'au lv janvier présent mois, de toutes pensions, traitements conservés, dons et gratifications annuelles qui n'excéderont pas la somme de 3,000 livres, seront payés conformément aux règlements existants, et que sur ceux qui excéderont ladite somme de 3,000 livres il sera payé provisoirement» pareille somme de 3,000 livres seulement, excepté toutefois à l'égard des septuagénaires, dont les pensions* dons et gratifications seront payés provisoirement jusqu'à 12,000. livres, et sera le premier ministre des finances chargé, le jour de la sanction du présent décret, de se faire apporter l'état desdites pensions, dons et gratifications au-dessus de 3,000 ou de 12*000 livres, qui auraient pu être payés dans l'intervalle du 1er janvier au jour de la sanction, pour arrêter ledit état.
Article 2.
« A compter du er janvier
1790
Article 3.
« Il sera nommé un comité de douze personnes, qui présenteront incessamment à l'Assemblée un plan, d'après lequel les pensions, traitements et gratifications, dons, etc., actuellement existants, devront être réduits, supprimés ou augmentés, et proposeront les règles d'après lesquelles les pensions devront être accordées à, l'avenir. »
Article 4.
a II ne sera payé, même provisoirement, aucunes pensions, dons, gratifications, ni anciens traitements et appointements attribués à quelques fonctions publiques, aux Français habituellement domiciliés dans le royaume, et actuellement absents sans mission expresse du gouvernement antérieure à ce jour. »
lève la séance à sept heures du soir, et l'indique à demain mardi, neuf heures et demie du matin.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Développement de la motion de M. Vamns,relativement à l'Ordre de Malte (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée.)
Les déterminations que l'Assemblée nationale prendra sur l'Ordre de Malte, sont extrêmement importantes. D'une part, on ne doit ni manquer à la justice due à un ordre qu'un grand nombre de guerriers célèbres ont illustré, ni porter atteinte au commerce du Levant, commerce très-avantageux à la France. D'autre part, il est impossible, lorsque la nation se donne une nouvelle constitution, de laisser subsister des usages, des lois ou des privilèges essentiellement contraires à la constitution. Tous les particuliers, tous les établissements, tous les corps qui existeront dans la nouvelle confusion, doivent être d'une nature homogène. Une différence, admise dans le moment présent, serait, pour l'avenir, un germe de constitution, de désordre et de destruction.
L'Assemblée nationale sera en état de statuer sur les établissements de l'Ordre de Malte, lorsqu'on lui aura rappelé ce qui s'est déjà passé dans ses séances par rapport à cet ordre; qu'on lui aura présenté un tableau fidèle de l'état de l'Ordre de Malte et de ses établissements en France ; qu'on lui aura mis sous les yeux le résultat des titres qui forment la constitution de l'Ordre de Malte et de ses établissements; qu'on aura balancé les avantages que l'Ordre procure à la France avec les oppositions qui peuvent se trouver entre sa constitution et la constitution française. 11 ne restera alors qu'à chercher les moyens de concilier les intérêts du royaume avec les principes de sa constitution.
article 1.er.
Récit abrégé de ce qui s'est passé dans l'Assemblée, relativement à l'Ordre de Malte.
Plusieurs provinces et bailliages, dans leurs assemblées particulières, avaient réclamé contre les privilèges de l'Ordre de Malte (1). Cet Ordre a été nommé pour la première fois dans l'Assemblée nationale, le U août 1789, lors de la rédaction
de la partie des décrets du 4 du même mois, qui était relative à l'abolition des dîmes et au remboursement des rentes foncières. On avait décidé d'abolir les dîmes appartenantes aux corps ecclésiastiques séculiers et réguliers, et d'autoriser le rachat des rentes qui leur étaient dues. Il fut question de savoir si ces dispositions seraient appliquées aux dîmes et aux rentes appartenantes à l'Ordre de Malte. L'Assemblée décréta que les dîmes possédées par les corps séculiers et réguliers... même par l'Ordre de Malte et autres ordres religieux et militaires, étaient abolies. Elle décréta que toutes les rentes foncières, à quelques personnes qu'elles fussent dues, même à 1 Ordre de Malte, seraient rachetables. Le Roi a ordonné la publication de ces articles le 22 septembre; le 3 novembre il en a ordonné l'envoi à tous les tribunaux.
La mention expresse de l'Ordre de Malte, dans le décret de l'aboiilion des dîmes, avait occasionné quelques réflexions sur son état et sur ses privilèges. Le 17 août, M. le vicomte de Mirabeau présenta à l'Assemblée, des Considérations pour l'Ordre de Malte, dans lesquelles, après avoir relevé les avantages que la France tire de cet Ordre, il avertit que « l'Ordre était sollicité depuis longtemps de faire la cession de son île à une puissance ennemie de nos anciens alliés, et jalouse de posséder cet établissement (pag. 5 et 6.) ». Il ajouta que a cet abandon était la seule manière dont l'Ordre pût se récupérer de la perte énorme qu'on lui faisait éprouver par la suppression des dîmes (pag. 6) ». M. le vicomte s'étend ensuite, dans le même écrit, sur la protection que la marine maltaise donne à notre commerce; sur les avantages que son hôpital nous procure. 11 expose le droit que chaque Français a sur les biens de l'Ordre de Malte; le noble, en entrant parmi les chevaliers ; le bourgeois, parmi les servants d'armes; celui qui se destine à l'état ecclésiastique, parmi les Diacos; il rend compte des avances d'argent indispensables pour parvenir aux commanderies, et il en conclut qu'après ces avances faites, on a un droit réel qui ne saurait être enlevé à ceux qui l'ont acquis.
Le 21 août, M. le comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, fit parvenir, par M. le garde des sceaux, à l'Assemblée nationale, un mémoire de M. Bailli de la Brillanne, ambassadeur de Malte (1). L'Ordre y déclare d'avance, qu'il se soumet entièrement à tout ce que les Etats généraux décideront, après qu'ils auront bien voulu approfondir sa constitution.. Ce mémoire contient des détails sur la constitution de l'ordre, ses revenus, ses privilèges. On y insiste (pag. 19) sur le concours de « la possession la plus entière et la plus authentique, avec les titres les plus solennels d'une franchise absolue de toutes imposition réelles et foncières. » On soutient (pag. 54) « qu'on ne peut diminuer les revenus de la religion dont les dîmes sont la plus grande partie, qu'elle ne devienne à' charge aux autres puissances chrétiennes, et singulièrement à la France >. On y demande (pag. 28) que l'Ordre soit maintenu, relativement aux impositions, dans ses formes, au moyen d'un abonnement compatible avec les besoins actuels de l'Etat et les charges particulières que supportent les commandeurs. Dans un supplément à son mémoire, M. l'ambassadeur propose quelques réllexions sur ce
qu'un des membres de l'Assemblée avait dit qu'il existait des abus dans l'Ordre; et il se propose, en particulier, de justifier l'usage de la pluralité des commanderies sur une même tête.
La lettre du ministre du Roi, qui accompagnait le mémoire de l'ambassadeur, invite l'Assemblée à considérer les questions relatives à l'Ordre de Malte, sous le point de vue essentiel de l'avantage du commerce. Il observe que si l'Ordre se trouvait privé d'une portion conside'rable de son revenu, il serait dans l'impossibilité de faire face aux dépenses que la défense de ses possessions exige; qu'alors les chevaliers, « ou remettraient degré à gré leur île au Roi de Naples, qui en est le suzerain ; ou, pour en tirer plus de parti, la céderaient à une autre puissance qui deviendrait, en quelque sorte, maîtresse de la Méditerranée. »
Dans le même temps encore (le 26 août), M. le bailli de Flachslanden, grand turcopolier de Malte, député des communes de Hagueneau à l'Assemblée nationale, adressa à M. le président de l'Assemblée, des observations où il représente l'ordre de Malte comme « une confédération de toutes les puissances catholiques, représentée par la noblesse, le clergé et les communes de ces mêmes puissances, ayant essentiellement pour but aujourd'hui la protection du commerce contre les pirates. » M. le bailli donne quelques détails sur ce qui n'avait été qu'indiqué d'une manière générale dans le mémoire de l'ambassadeur, par rapport au désir que les puissances rivales de la France auraient de traiter avec l'ordre de Malte; et sur les pertes que la France éprouverait, si les chevaliers faisaient l'abandon de leur île, même à l'Espagne. Si le décret de l'Assemblée concernant les dîmes, devait subsister relativement à l'Ordre de Malte, il est certain (c'est l'expression de M. le bailli) que l'Ordre ne pourrait plus subvenir aux dépenses de l'île qui lui a été confiée.
La chambre du commerce de Marseille s'est intéressée dans cette affaire; et, en répondant à différentes questions qui lui ont été proposées (on ne dit pas de quelle part) sur les avantages que la France retire de l'Ordre de Malte, elle a représenté que le commerce du Levant était extrêmement important pour la France; elle a déclaré que l'île de Malte et les vaisseaux entretenus par l'Ordre étaient d'uu tel secours pour ce commerce, qu'on serait pent-être forcé à y renoncer, s'il cessait d'être protégé par les bâtiments de la religion.
Le 13 novembre, lors du décret qui oblige les titulaires de bénéfices à fournir des déclarations de leurs biens, on proposa d'exprimer qu'il comprendrait les chevaliers des Ordres religieux et militaires; mais l'ajournement ayantété demandé sur cette motion, il a été prononcé.
Le 30 novembre, il a été rendu compte à l'Assemblée d'une lettre écrite au Roi par le grand maître de Malte, le 17 septembre. La lettre contient des plaintes sur la suppression des dîmes de l'Ordre, comme étant la principale partie des revenus de ses commanderies. Le grand maître réclame contre l'arrêté de l'Assemblée, prononcé sans avoir entendu l'Ordre, qu'on n'a pu, dit-il, condamner qu'en le confondant avec le clergé, avec lequel il ne peut, ajoute-t-il, être assimilé sous aucun rapport. Le grand maître rappelle les services rendus par son ordre à la France, particulièrement au commerce; il expose « la profonde douleur dans laquelle l'exécution de l'arrêté de l'Assemblée plongerait son Ordre, par
l'impossibilité absolue où il le mettrait, non-seulement de continuer ses services reconnus utiles et nécessaires au royaume; mais de se maintenir même dans l'île qu il possède ; il espère que le Roi daignera interposer sa puissante protection, pour que l'arrêté n'ait aucune suite. »
La déclaration disertement exprimée d'une volonté formelle de ne pas se soumettre à l'arrêté de l'Assemblée nationale, concernant les dîmes, m'a fait penser que la seule manière de répondre à la déclaration du grand maître, était d'examiner s'il devait subsister en France des établissements de l'Ordre de Malte, des établissements dont les possesseurs prétendaient ne pas pouvoir se conformer aux décrets de l'Assemblée. J'ai fait la motion de leur suppression; j'ai demandé d'être entendu sur ce sujet; mais je suis surpris qu'on ait imaginé que je ne proposais rien moins que d'anéantir l'Ordre entier, et de détrôner le grand maître. N'y a-t-il donc aucune différence entre bannir du royaume des établissements qui déclarent ne pouvoir pas se soumettre à ses lois; ou rompre avec une puissance amie, et attaquer ses droits?
Quoi qu'il en soit, la motion relative aux établissements de l'Ordre de Malte, a donné lieu à un nouvel écrit de M. le bailli de Flachslanden, intitulé : Réflexions sommaires et impartiales sur l'utilité de l Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et sur les dangers de sa suppression en France. Il a été bientôt'suivi d'un autre mémoire, intitulé: A la nation et à ses représentants, pour le plus ancien et le plus utile de ses alliés : je n'en connais point l'auteur. M. de Cypierres, député de la ville de Marseille à l'Assemblée nationale,'a fait imprimer des Observations sur les biens que l'Ordre de Malte a en France. Le but de ces trois écrits est le même : d'établir la nécessité d'avoir des égards pour l'Ordre de Malte; de montrer l'impossibilité de retrancher la moindre partie de ses revenus, comme il arrivait nécessairement par l'abolition de ses dîmes.
Le 4 janvier, il a été annoncé, parmi les adresses, une pétition des habitants de la com-manderie de Sainle-Eulalie en Rouergue, qui se plaignent de l'état de servitude personnelle sous lequel ils gémissent; et de la rigueur avec laquelle les commandeurs usent de droits féodaux exorbitants. J'ai rappelé à ce sujet ma motion du 30 novembre concernant l'Ordre de Malte; et sur ma demande, l'Assemblée a ordonné l'impression du développement de cette motion.
Le lendemain 5, le décret de l'Assemblée, relatif aux titulaires de bénéfices qui sont retirés en pays étranger, a encore été l'occasion d'un mot sur l'Ordre de Malte. Je pensais qu'on pouvait prononcer contre les commandeurs absents, pour autre cause que leur service, de la même manière que contre les bénéficiers absents. La proposition a été combattue par M. Regnaud ; et, pour ne pas écarter l'Assemblée de l'objet principal de sa discussion, je n'ai pas insisté sur ma proposition. Ges questions, fréquemment élevées relativement à l'Ordre de Malte, moutreht qu'il est indispensable de prendre un parti définitif à l'égard de ses établissements en France.
Je dois ajouter que j'ai eu communication d'un acte passé devant Gibé et Martiuon, notaires à Paris, le 31 décembre dernier, par lequel le chevalier d'Estourmel, chargé, par intérim, des fonctions de l'ambassade extraordinaire, et dûment autorisé par le grand maître, s'oblige, au nom de l'Ordre, à payer, pour la contribution patrio-
tique du quart sur les biens de l'Ordre, la somme de 879,391 livres.
Entin, j'observe que la réponse, envoyée par le Roi à l'Assemblée le 18 septembre, au sujet de la sanction demandée sur les articles rédigés en suite de la séance du 4 août, contient des réflexions spéciales sur les dîmes appartenant à l'Ordre de Malte. Sa Majesté y présente une considération particulière, savoir : « qu'une partie des revenus de l'Ordre étant composée des redevances que les commanderies envoient à Malte, il est des motifs politiques qui doivent être mis en ligne de compte avant d'adopter les dispositions qui réduiraient trop sensiblement le produit de ces sortes de biens, et les ressources d'une puissance à qui le commerce du royaume doit chaque jour de la reconnaissance». L'Assemblée, délibérant sur cette réponse le 19 septembre, a supplié le Roi d'ordonner incessamment la promulgation des arrêtés des 4 août et jours suivants, « assurant à Sa Majesté que l'Assemblée nationale, lorsqu'elle s'occuperait des lois de détail, prendrait dans la plus grande et la plus respectueuse considération, les réflexions et observations que le Roi a bien voulu lui communiquer. »
Les faits dont je viens de faire le récit avaient pour objet principal et direct, de mettre l'Assemblée en état de statuer sur une connaissance exacte de tout ce qui lui a été dit pour et contre l'Ordre de Malte ; mais ils seront en même temps une preuve de la bonne foi avec laquelle je soutiens mon opinion, en ne laissant ignorer aucun des écrits qui peuvent appuyer l'opinion contraire. Je continuerai de m'expliquer avec la même loyauté, en citant exactement les sources où j'ai puisé ce que je dirai dans l'article qui va suivre, sur l'état de l'Ordre de Malte et de ses possessions dans le royaume.
Article 2.
Etat de l'Ordre de Malte et de ses possessions en France.
L'Ordre de Malte est né dans un siècle où les esprits étaient violemment agités par des idées de religion et de chevalerie. Des combats et des actes de dévotion partageaient la vie de tous ceux auxquels un génie ardent donnait quelque activité. Du rapprochement et de la contusion de ces idées, qui ne portent pas toujours sur les mêmes principes et qui ne tendent pas toujours au même but, il est résulté quelquefois des combinaisons fort singulières.
Un hospice formé à Jérusalem, sous l'invocation de Saint-Jean, a été le berceau de l'Ordre que nous appelons aujourd'hui l'Ordre de Malte. On doit regarder comme la véritale époque de son établissement, une bulle de Paschal II, de l'année 1113. Une bulle d'Honorius II, de l'année 1124, énonce l'obligation précise des trois vœux que l'on appelle communément les vœux de religion : voici la formule de ces vœux, telle qu'elle est écrite dans les statuts de l'Ordre. « Moi... fais vœu et promets à Dieu tout-puissant, à la bienheureuse vierge Marie sa mère et à Saint-Jean-Baptiste, de rendre toujours, avec l'assistance divine, une vraie obéissance au supérieur qui me sera donné de Dieu et de notre Ordre, comme aussi de vivre sans rien posséder en propre, et d'observer la chasteté ». Le supérieur, qui reçoit les vœux, répond à celui qui vient de les prononcer : « Nous te reconnaissons pour serviteur
des seigneurs pauvres malades, et pour être dédié à la défense de la foi catholique ». Le nouveau profès dit : « Et moi, je me déclare aussi pour tel, et le reconnais (1) ».
Le couvent dans lequel l'hospice était établi, se trouvait desservi comme tous les autres couvents et monastères à la même époque, par des frères clercs et par des frères laïcs. On ne voit point d'autre distinction dans les statuts recueillis par Raimond du Puy, qui fut à la tête de l'Ordre depuis 1121 jusqu'en 1158. La distinction des chevaliers d'armes et des servants d'armes est postérieure (2).
L'Ordre des hospitaliers de Saint-Jean comprit des personnes des deux sexes; et il subsiste encore de nos jours, en France, des religieuses de l'Ordre de Malte (3). Cette fondation nouvelle eut des progrès rapides. Dès l'année 1214, l'Ordre possédait 19,000 manoirs dans la chrétienté. En 1310, Foulque de Villaret, grand-maître, fit, à l'aide d'une croisade, la conquête de l'île de Rhodes. En 1312, on lui donna les biens des templiers (4). Quatre années auparavant, le pape Clément V lui avait uni les biens de l'Ordre de Saint-Samson de Gonstantinople et de Corin-the (5).
Les religieux de Saint-Jean perdirent Rhodes le 22 décembre 1522. Ils errèrent pendant huit années sans demeure fixe. L'empereur Charles V leur concéda l'île de Malte, à la sollicitation du pape, le 24 mars 1530. L'acte de concession n'est pas pur et simple; il porte plusieurs conditions. L'empereur leur transporte toute propriété et seigneurie utile de l'île de Malte, juridiction, appartenances, privilèges, tous revenus royaux, à titre de fief, à la charge d'un épervier ou faucon qui sera présenté chaque année, au jour de Toussaint, au vice-roi de Naples ; à la charge de passer reconnaissance du fief à chaque mutation de seigneur ; à la charge que le grand maître fera, en son nom et au nom delà religion, serment de ne porter aucun préjudice aux royaume et terres de l'empereur; que le patronage de l'évêché de Malte restera au royaume de Naples; qu'en cas que la religion changeât de résidence, elle pourra aliéner les terres inféodées, sans le consentement des rois de Naples, auxquels, autrement, ces terres retourneront. Cette donation ayant été acceptée le 25 avril 1530, deux des principaux officiers furent envoyés à Messine; « et là, dit l'historien de l'Ordre, comme procureurs et ambassadeurs du grand maître et de tout le couvent, suffisamment fondés, personnellement et les genoux à terre, firent le serment de fidélité des mains et de la bouche, au pouvoir de Dom Hector Pigna-tel, duc de Monteleon, vice-roi de Sicile, qui le reçut sous la forme et les conditions contenues en un écrit, dont fut fait lecture conforme à la donation et acceptation susdites (6) ». La condition
du renouvellement de l'investiture, en cas de mutation, autrefois du Roi d'Espagne, aujourd'hui du Roi des Deux-Siciles, s'exécute telle qu'elle a été stipulée (1).
L'ordre de Malte a joint, en 1777, à ses anciennes possessions en France, les biens de l'Ordre de Saint-Antoine, qui lui ont été unis par deux bulles du pape Pie VI, des 17 décembre 1776 et 7 mai 1777, sous plusieurs conditions, notamment sous celle-ci : Que l'Ordre de Malte s'oblige d'exercer l'hospitalité telle qu'elle est prescrite par les statuts de l'Ordre de Saint-Antoine. La condition avait été stipulée en ces termes, dans le concordat préparatoire de l'union, passé entre les deux ordres, le 15 avril 1775. Le pape insiste d'une manière spéciale, dans sa bulle du 17 décembre 1776, sur ce que l'hospitalité promise ne doit pas être exercée comme elle se pratiquaitdans les derniers temps, mais conformément à l'institution primitive de l'Ordre de Saint-Antoine et à perpétuité.
Le chef-lieu de l'Ordre est à Malte. Ses dépendances dans les différentes régions catholiques de l'Europe sont appelées prieurés, bailliages et commanderies. Elles sont distribuées par langues, expression synonyme à celle de provinces, employée dans la distribution des dépendances des autres Ordres religieux. L'Ordre a ses revenus communs ; le grand maître a ses revenus particuliers; les prieurs, baillis et commandeurs, ont des revenus dont ils jouissent pareillement en particulier.
Les sources principales des revenus communs, sont : 1° une imposition établie sur toutes
les commanderies ; elle porte le nom de responsion. Le possesseur de la commanderie est
obligé de la faire passer annuellement à Malte. On fait monter la somme des responsions
établies sur les commanderies de France, à 534,221 livres (2) ; 2° le produit des mortuaires
et vacant, qui consiste dans la totalité du revenu de chaque dignité et commanderie, depuis
le jour de la mort du prieur, bailli ou commandeur, jusqu'au 1er mai suivant, et pendant une
année au delà, à compter de ce jour 1er mai (3).
La principale partie des revenus dugrand maître consiste dans le produit d'une commanderie prise dans chaque prieuré, et annexée à la dignité de grand maître (4); plus, dans l'annate des commanderies de grâce, dont je donnerai bientôt la définition (5).
Les revenus des prieurs, baillis et commandeurs, consistent dans le produit des domaines, des droits féodaux et des dîmes. Indépendamment des responsions, la plupart des commanderies sont grévées de pensions, qui absorbent jusqu'au cinquième de leurs revenus. Ces pensions sont établies par le grand maître, au profit des novices de l'Ordre (6) ; elles sont un reste de l'obligation dans laquelle étaient autrefois les commandeurs, de nourrir plusieurs chevaliers, qui vivaient en commun avec eux.
La destination des revenus du commun trésor est, après la dépense de l'entretien des fortifica-
lions de l'île, de fournir aux dépenses de la guerre continuelle que l'Ordre fait aux musulmans. Ses forces de mer consistaient, au rapport de M. Brydone, en 1770, en quatre galères, trois galiotes, quatre vaisseaux de 60 pièces de canon, et une frégate de 36, outre un grand nombre de petits bâtiments légers (l).
La destination du revenu des grands maîtres est de les mettre en état de soutenir leur dignité. Leurs épargnes ont été souvent employées à construire des édifices utiles à l'entretien et à la défense de l'île.
Par rapport aux reveuus des commanderies, on observe qu'autrefois on n'envoyait pas les chevaliers seuls dans les commanderies. Ils y vivaient en communauté avec d'autres chevaliers et quelques prêtres de l'Ordre (2). Ils y exerçaient l'hospitalité; elle leur est fortement recommandée par les statuts de leur ordre, pour être exercée non pas seulement dans l'hôpital de Malte, mais aussi dans les hôpitaux de l'Ordre, répandus par tout le monde; ce sont les termes des anciens statuts. Inter Ordinis nostri xenodochia per uni-versum orbem constituta, et eleemosynas quœ ab eo paguntur, honoretur Rhodium xenodochium. Stat. part. 2, de Hospit. n. 1. Cet article a été affaibli dans la collection et la traduction de Naberat : il n'y est parlé que de l'hôpital de Malte, et seulement des aumônes qu'on doit faire dans les commanderies (p. 7); mais on a vu, de nos jours, des commandeurs remplir ce devoir pour se rapprocher de leurs obligations primitives. On m'a cité M. de Montazet qui possède la commanderie du Nom-Dieu.
Les établissements de l'Ordre de Malte en France, consistent en douze dignités (prieurés, bailliages) et deux cent trente quatre commanderies (3). Le total de leur revenu est évalué à 4,284,651 livres (4). Les biens provenant de l'Ordre de Saint-Antoine ne sont pas compris dans cette évaluation ; ils montent, déduction faite de toutes charges locales et impositions, à 195,600 livres (5) ; et les fonds qui les produisent sont distribués en commanderies, de la même manière que les biens de l'Ordre de Malte.
En évaluant les biens dont l'Ordre de Malle jouit en France, sur le pied du dernier 25, ils présentent un capital de 112,006,250 livres. Si on les évaluait au denier 30, le capital serait de 134,407,530 livres.
Du détail des biensde l'Ordre deMalte, je passe à l'examen des personnes qui le composent, de la manière dont elles entrent dans l'ordre, de celle dont elles sont gouvernées, et des avantages dont elles jouissent.
Les personnes attachées à l'Ordre de Malte sont les profès de l'Ordre et les novices. Ceux-ci ont, en qualité de novice, l'avantage particulier qu'on n'a pas dans les autres Ordres, de participer à plusieurs des privilèges accordés à l'Ordre. Les profès sont les personnes qui composent véritablement l'Ordre.
Il y a deux classes de profès : les chevaliers et les frères servants : ces derniers se subdivisent en deux classes ; frères servants d'armes, et frères servants d'église. Les novices sont pareille-
ment ou novices chevaliers, ou novices servants. Les novices pour le service d'église, portent le nom de Biacas.
Les profès forment, comme je l'ai dit, le corps de l'Ordre; c'est parmi eux que l'on choisit le grand-maître qui les gouverne, les memhres du conseil, les officiers des galères et des troupes; c'est entre eux que les bailliages, prieurés et com-manderies se distribuent. Le plus grand nombre des dignités et commanderies sont affectées aux chevaliers profès ; quelques-unes sont destinées aux frères servants. Les dignités et les commanderies de chaque langue, sont affectées aux profès de la langue.
Le noviciat fut autrefois, dans FOrdre de Malte, «e qu'il est dans tous les Ordres réguliers, une épreuve qui précédait immédiatement la profession ; elle différait seulement dans les exercices du noviciat. Ils consistent à porter les armes contre les musulmans, et à faire, sur les galères de l'Ordre, des courses que l'on nomme caravanes. Mais la manière dont les commanderies se distribuent, a introduit dans l'Ordre de Malte des usages particuliers pour le noviciat.
Les commanderies sont appelées, les unes de Justice, les autres de Grâce. Les premières se donnent à raison de l'ancienneté de réception dans l'Ordre ; les secondes §ont données librement par le grand maître, souvent en raison des services que l'on a rendus à l'Ordre. Le grand maître a le droit de disposer de cette manière, d'une commanderie dans chaque prieuré, tous les cinq ans. Ainsi, il est devenu très intéressant d'être admis fort jeune dans l'Ordre de Malte, afin que l'époque, à partir de laquelle l'ancienneté de la réception se compte et se compare, commençant plus tôt, on puisse être plus tôt pourvu d'une com-manderie.
Dans cette vue, on a imaginé de recevoir, non pas seulement de très jeunes gens, mais des enfants à la mamelle. On paye, lors de la réception, un droit qu'on nomme passage : il est de 3,000 livres pour ceux qui sont reçus à l'âge prescrit par les statuts ; il monte à 7,050 livres pour ceux qui sont reçus de minorité, c'est-à-dire au-dessous de l'âge prescrit. L'augmentation du droit de passage en» ce cas résulte des dispenses qui préparent l'admission et la rendent possible. Après l'admission, il faut, à de nouvelles époques et successivement, de nouvelles dispenses pour n'être pas obligé d'aller à Malte dans le temps où les statuts le prescrivent ; de faire profession dans le délai que les statuts ordonnent, et pour différer son engagement irrévocable jusqu'au moment le plus commode. Il faut joindre à cette dépense celle des preuves qu'on évalue à 3,000 livres. Ces frais sont moins considérables pour les prêtres et les servants d'armes (1).
L'admission dans l'Ordre de Malte suffit pour jouir de plusieurs privilèges accordés à cet Ordre. Par exemple, si l'on joint à la croix de Malte la tonsure, on devient apte à posséder toutes sortes de bénéfices séculiers et réguliers, et l'on peut être en même temps abbé, prieur et capitaine de dragons, ou de tel autre régiment : les exemples n'en sont pas rares.
Le chevalier de Malte qui se propose d'être placé un jour, ou se contente de faire ses caravanes (quatre,, de six mois chacune), et trois années de résidence à Malte, pour attendre tranquillement ensuite une commanderie de justice,
ou bien, s'il est entre un peu tard dans l'Ordre,et si sa fortune le lui permet, il tient galère ; c'est le moyen d'arriver à une commanderie de grâce. Tenir galère, est commander pendant deux ans une des quatre galères qui croisent dans la Méditerranée, nourrir à ses frais les chevaliers qui la montent et toute la chiourme. Cette dépense est actuellement, pour les deux années, de* 80 à 100,000 livres.
Le novice, qui a rempli son temps d'épreuve, ne prononce point ses vœax à l'expiration de ce temps d'épreuve; il spécule sur le nombre de personnes qui le précèdent. Quand 11 voit son tour approcher pour être pourvu d'une commanderie, alors seulement il cède aux saintes impulsions qui le pressent de vouer, à la face des autels, désappropriation, chasteté et obéissance.
Les premières commanderies dont on est pourvu sont ordinairement d'un revenu modique; mais, lorsqu'on en a géré les revenus, conformément aux règles qui sont établies dans l'Ordre, on obtient, à titre d'améliorissement, une commanderie d'un revenu plus considérable (1).
L'Auteur du mémoire intitulé : A la Nation, nous apprend, page 10, « qu'il n'est pas rare de voir des Chevaliers pourvus de deux commanderies; que quelques-uns en ont trois; et que d'autres, mais en très petit nombre, en obtiennent jusqu'à quatre. Qu'on ne qualifie pas d'abus, ajoute-t-il, une de3 plus sages dispositions du régime de l'Ordre. Dans cette prodigalité apparente se trouve le germe de la plus grande émulation et de la plus heureuse économie. Ces grâces sont réservées à des chevaliers qui, par de très grosses dépenses, soulagent d'autant les coffres de l'Ordre^ en joignant à leurs services personnels le sacrifice de leur patrimoine et de ieurs épargnes. »
Les dignités (excepté certains cas où on les donne par grâce) sont affectées aux plus anciens commandeurs. Ils n'y parviennent qu'après avoir tenu à Malte l'auberge de leur langue : c'est-à-dire, après avoir nourri à leurs frais les novices et les profès non pourvus de leur langue, qui résident à Malte (2). Le Trésor fournit, à ce qu'il paraît, quelque somme pour cet objet, et on évalue de 20 à 25,000 livres par année la dépense de celui qui tient auberge (3).
Quand la dignité de grand-maître est vacante, on y pourvoit par élection : elle se fait à Malte, par" le conseil complet de l'Ordre (4), et selon des formes particulières prescrites par les statuts (5). Elle est ensuite confirmée par le pape. Voici les titres du grand maître, tels qu'on les lit dans l'acte du 16 novembre 1789, par lequel il a approuvé la contribution patriotique proposée par l'Ordre sur ses revenus en France : «' Frère Emmanuel de Kohan, par la grâce de Dieu, humble maître de.la sacrée maison et hôpital de l'Ordre militaire de saint-Jean de Jérusalem, du saint-Sépulcre, et de l'Ordre de saint-Antoine de Viennois, gardien des pauvres de Jésus-Christ. » Ces titres sont d'un style très ancien; on y a seulement ajouté, dans ces derniers temps, la qualité de maître de FOrdre de saint-Antoine de Viennois.
Parmi tes grands maîtres de l'Ordre de Malte,
deux ont été élevés à la dignité la plus sublime que Rome connaisse dans l'Eglise après la papauté, le cardinalat; savoir, Pierre d'Aubusson, en 1489, et Loboux de Verdalle en 1587 (l). On remarque que le grand-maître Emmanuel Pinto, mort en 1773, est le premier qui ait porté la couronne fermée (2).
J'ai fait connaître les avantages dont on jouit dans l'Ordre de Malte, quant aux revenus temporels, en parlant des commanderies. Ses autres avantages consistent dans la participation à des priviélges considérables de tous les genres.
Les privilèges accordés à l'Ordre de Malte sont en très grand nombre et presque sans bornes. On en peut voir la liste effrayante dans plusieurs recueils faits sous les yeux de l'Ordre, et qui remplissent des volumes in-folio. Les membres de cet Ordre, leurs commanderies, leurs églises, leurs terres sont exemptes des lois communes et de la juridiction de tous les juges ordinaires, soit séculiers, soit ecclésiastiques. Les statuts de l'Ordre les biilles qui lui ont été accordées, sont les seules lois auxquelles l'Ordre de Malte se soumette. Le conseil de Malte et la personne du pape sont les seuls juges qu'il reconnaisse; ses biens surtout sont exempts d'impositions quelconques (3). En France même, où l'on sait que les privilèges sont généralement plus restreints; l'Ordre de Malte est presque toujours soustrait à la loi commune. 11 est entièrement exempt de la juridiction ecclésiastique des évêques;il perçoit la dîme, mais il ne la paye pas : lorsque des lois toujours trop avares dans leurs dispositions, toujours trop favorables aux décimateurs contre les curés, ont fixé à une somme modique la portion congrue des curés, des lois plus favorables encore aux commandeurs de l'Ordre, plus contraires aux curés, ont réduit le sort de ceux qui dépendaient de l'Ordre de Malte à des sommes plus modiques, sous le prétexte de l'exemption de droits dont le montant est fort au-dessous de la diminution qu'on leur fait éprouver.
Si, dans l'ordre civil, on a quelque action à intenter contre l'Ordre de Malte, il faut, des extrémités les plus reculées du royaume, venirl'attaquer dans un tribunal unique, qui siège ordinairement à Paris, le grand conseil. Là, l'Ordre de Malte est entouré de tous ses ofticiers et de ses défenseurs habituels; là, il trouve le dépôt de tous ses privilèges complaisamment enregistrés par le grand conseil ; là, il tient un Gode de chartes antiques, armes toujours puissantes entre ses mains, parce qu'il se prétend exempt de toute prescription même centenaire; là, enfin il prend dans le commun trésor, des fonds au besoin, pour frayer aux dépenses du plus volumineux procès. Faut-il tant d'avantages-pour être assuré de vaincre, ou des particuliers, ou de pauvres communautés d'habitants qui auraient eu la témérité de résister aux prétentions d'un commandeur de Malte ?
S'agit-ii de la perception des impôts? l'ordre
oppose aux receveurs des impositions ecclésiastiques, que ses biens sont privilégiés, et qu'ayant une destination plus favorable que les biens du clergé, ils ne doivent pas être soumis aux mêmes taxes que ceux du clergé. Une somme de 28,000 livres par àn, connue sous le nom de composition des Rhodiens, les affranchit de la contribution aux impositions ecclésiastiques. Les percepteurs des impôts sur les laïcs se présentent-ils? l'Ordre de Malte leur oppose également ses privi-vilèges; et moyennant deux sommes abandonnées, l'une de 120,000 livres pour les vingtièmes, l'autre de 39,600 livres pour la capitation (1), il s'affranchit de toutes les taxes civiles. Ainsi, moyennant trois sommes, qui montent ensemble à 187,600 livres, l'Ordre de Malte jouit paisiblement en France de biens, dont il convient que le revenu monte, en deux parties à 4,480,251 livres (2), et dont le dixième excédérait 480,000 livres.
Article 3.
Résultat des titres qui forment la constitution de l'Ordre de Malte et de ses établissements en France; considération des avantages qu'il procure à la France, et de Vopposition de sa constitution à la constitution française.
L'Ordre de Malte est un corps de religieux. Cette vérité est incontestable ;, elle est démontrée par le seul fait de la prononciation des vœux solennels de religion, qui ouvre l'entrée dans l'Ordre, et qui forme le lien de réunion entre ceux qui le composent. Ses statuts sont une véritable règle; ils en portent le nom, et à chaque ligne, on y trouve répété le nom de religieux (3).
Les religieux de l'Ordre de Malte ne sont pas, à la vérité, des reclus qui vivent dans une retraite continuelle; ils ont deux obligations particulières, celle d'exercer l'hospitalité et celle de faire la guerre pour la défense de la foi catholique (4) ; ils sont religieux militaires ; mais cette seconde qualité ajoutée à la première, ne détruit par celle-ci. L'église de Saint-Jean est appelée église conventuelle, et il est, sans cesse question, dans les histoires de Malte, du Collachio, dénomination particulière du cloître où étaient les logements des religieux, et où ils devraient être encore, si les ordonnances du chapitre de l'Ordre, pour la construction du Collachio, avaient été exécutées avec autant de soin qu'on en a eu à en réitérer la promulgation lors de la tenue des chapitres. Les chevaliers ne portent pas l'habit long qui est propre aux religieux, et qui les gênerait dans les exercices militaires ; mais les propres défenseurs de l'Ordre observent que « là croix et le ruban, dont ses membres sont revêtus, sont bien moins une décoration, qu'un habit régulier, institué dès leur origine, comme un signe extérieur des engagements par eux contractés aux pieds de3 autels (5).
Personne, tant soit peu instruit, ne s'est mépris sur cette qualité de religieux, qui appartient aux chevaliers profès de l'Ordre de Malte. Je me contente de renvoyer à ce que l'abbé Fleury en a dit dans ses Institutions au droit ecclésiastique, tôme 1, page 278.
Dès qu'il est constant que l'Ordre de Malte est composé de véritables religieux, peut-on mettre en doute si cet Ordre est une portion du corps que l'on appelait le corps du clergé? Il ne faut, pour résoudre ce doute, ou plutôt pour le prévenir, que se rappeler ce qu'on entendait par le corps du clergé. C'était la réunion des personnes attachées spécialement au service de la religion dans les différents ministères, nécessaires ou utiles à sa conservation. Le clergé n'était pas seulement composé de pasteurs et de ministres actifs; les moines et solitaires en faisaient incontestablement partie. Le clergé n'était pas seulement formé de personnes engagées dans les Ordres; car les moines, qui autrefois n'entraient pas, au moins ordinairement, dans les ordres, les frères con-vers, les religieuses ont toujours été regardés comme des portions du corps du clergé ; et les biens qui leur appartenaient ont été considérés et régis comme des biens ecclésiastiques.
L'Ordre de Malte ne serait pas une portion,du clergé ? Gomment donc plusieurs de ses chefs seraient-ils parvenus au cardinalat, dignité certainement ecclésiastique, qu'ils ont possédée sans changer d'état, sans avoir besoin de se faire inscrire dans le corps ecclésiastique, parce qu'ils s'y trouvaient inscrits au moment de la prononciation de leurs vœux ? Comment les membres de l'Ordre de Malte pourraient-ils posséder des bénéfices s'ils n'étaient pas ecclésiastiques? Une abbaye, un prieuré peuvent-ils, sans abus, reposer sur la tête d'un autre que d'un ecclésiastique ?
Comment l'Ordre de Malte, s'il n'était pas une portion de l'ordre ecclésiastique, se trouverait-il immédiatement soumis au pape, dont les bulles établissent souverainement la police de cet Ordre, dont les jugements terminent sans appel toutes les difficultés qui s'élèvent dans l'Ordre (1) ?
Comment surtout, les biens de l'Ordre de Malte ne se trouveraient-ils pas compris dans le décret du 2 novembre dernier, qui porte que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation? Les biens de l'Ordre de Malte sont à la disposition de la nation parce qu'ils sont biens ecclésiastiques, et que le décret prononce sur tous les biens ecclésiastiques. Mais, en supposant que le décret du 2 novembre n'eût pas jugé, à l é-gard des établissements de l'Ordre de Malte, en France, qu'ils sont à la disposition de la nation, il faudrait le juger aujourd'hui d'après les principes qui ont déterminé le décret. On doit se rappeler que les principes exposés par M. Thouret, et dont le décret du 2 novembre a exprimé la conséquence, s'appliquent à tous les biensiattachés à des établissements publics. Parmi ces sortes de biens, les principes de M. Thouret s'appliquent
Plus spécialement encore aux biens destinés à entretien de l'hospitalité. Le soulagement des pauvres et des malades, auquel les hôpitaux sont destinés, est une charge de l'Etat : c'est de cette sorte d'établissements qu'il est strictement vrai de dire que leur fondation est faite à la décharge de l'Etat, et que l'Etat doit en avoir cohtinuelle-
ment la disposition dans la main, soit pour que leur destination soit remplie, soit même pour changer cette destination, en appliquant le produit des biens à des objets d'une grande utilité.
Ori prétend que, si les membres qui composent l'Ordre de Malte sont liés par un vœu solennel de religion, il y a cette différence entre leur vœU et les vœux monastiques, que c'est l'Ordre même qui reçoit le vœu et non l'Eglise et les ministres supérieurs ecclésiastiques. Cette objection est proposée dans des observations qui précèdent le mémoire de M. de la Brillanne (page 3); mais elle n'est pas réfléchie. L'Eglise reçoit les vœux qui sont prononcés solennellement pour s'engager à la pratique de ce qu'on appelle les trois vœux de religion; jamais cependant, dans aucun lieu, l'église ne s'est assemblée pour recevoir la profession d'un religieux. Elle reçoit l'engagement du nou veau profès par les mains du supérieur délégué à cet effet, et dont le titre de délégation est dans la nature même de son office. L'église reçoit les vœux d'un bénédictin parles mains du supérieur bénédictin, en présence duquel ils sont prononcés; et elle reçoit pareillement les vœux du religieux de Malte, par les mains du [grand-maître de l'Ordre, ou de son délégué, le grand-maître ayant le pouvoir à cet effet dans le titre même de sa dignité et on ne doit pas oublier que le grand-maître est élevé à sa dignité par l'élection de ses confrères religieux du même Ordre, confirmée par le pape, de la même manière que l'abbé d'un monastère de l'Ordre de Saint-Benoît est élu-canoniquement par les religieux de son monastère, et confirmé par le pape, lorsque le monastère est exempt de la juridiction de l'ordinaire.
Il n'y a pas la plus légère différence quant à la prononciation des vœux et à la réception, entre le nouveau profès de l'Ordre de Malte, et le nouveau profès de tout autre ordre religieux.
On prétend, en second lieu, que les biens de l'Ordre de Malte ne sauraient être confondus avec les autres biens du clergé, parce qu'ils ne sont pas compris dans les rôles de l'imposition des biens du clergé de France. On cite plusieurs lettres-patentes d'exemption, accordées parHenrill et ses successeurs ; on insiste en particulier, sur ce que l'on appelle le traité passé entre le Roi, le clergé et l'ambassadeur de Malte, le 22 mai 1606 (1), On transcrit ces paroles que «lesdits de Saint-« Jean de Jérusalem, tant en général qu'en par-« ticulier, ne seront compris, ni imposés dans les « départements ou états d'aucunes décimes, etc., « et seront et demeureront séparés dudit clergé, « eusemble de leur juridiction, suivant lesdits « privilèges, exemptions et arrêts sur ce inter-c venus. »
D'abord, je ne sais sur quel fondement on fait intervenir le Roi au traité de 1606; le traité est rapporté dans plusieurs recueils (2), et nulle part je n'aperçois que le Roi y ait paru ou l'ait confirmé.
Je réponds ensuite aux arguments qu'ontire du traité et des expressions : f® que quand on n'est point compris dans un corps, on n'a pas besoin de privilège et d'exemption, pour être affranchi des charges imposées sur le corps; 2° que quand on n'est point sujet à une charge par le droit commun, on ne paye pas une somme pour en
être affranchi par une exception. Or, le privilège des religieux de Malte n'est confirmé dans le traité de 1606 qu'au moyen de ce qu'ils payent une somme convenue: «sur leurs différends, transigent et accordent (ce sont les propres expressions au traité) que... l'Ordre payera ès-mains des receveurs du clergé 28,000 livres par an; à ce moyen... les parties sont mises hors de cour et de procès. »
Je réponds en troisième lieu, que si l'on fait attention aux causes alléguées par l'Ordre de Malte pour obtenir le privilège qui lui est accordé, elles ne portent en aucune manière sur ce que cet Ordre n'aurait point appartenu au clergé en général, mais sur ce qu'il soutenait premièrement, n'être pas sujet à la juridiction du clergé de france, et à ce titre n'être pas imposable par l'assemblée du clergé; secondement, n'être imposable en aucune manière, mais devoir être affranchi de toute cotisation ou contribution commune aux nationaux (1), parce qu'il faisait, sur ses revenus, de grandes dépenses pour la guerre contre les infidèles. L'Ordre de Malte a été exempté de contribuer auximpositions du clergé, comme les Jésuites en avaient été exemptés pour celles de leurs maisons auxquelles il n'y avait pas de bénéfices unis (2) ; comme les cardinaux en sont ordinairement exempts. Quant au fait de l'assujettissement à la contribution, il est certain en lui-même; il est la conséquence de principes incontestables {3). L'exemption n'est que passagère; elle est volontaire, le clergé s étant toujours réservé la faculté de la faire cesser quand il le jugerait à pro$os(4), et ayant effectivement imposé plusieurs fois les biens ae l'Ordre de Malte (5), parce que le traité de 1606 n'avait eu pour objet direct qu'une contribution qui était limitée à dix ans. 11 n'a été entretenu au delà de ce temps, que par le consentement du clergé.
Enfin, si la question relative à la nature des biens que l'Ordre de Malte possède devait se décider uniquement par le fait de la contribution ou de la non-contribution aux décimes, l'Ordre de Malte ne pourrait pas se dispenser de reconnaître pour biens ecclésiastiques, quoique dans sa main, les biens qu'il a recueillis de la suppression et de l'union de l'Ordre de Saint-Antoine, biens qui sont, dans le fait, et d'après la reconnaissance formelle de l'Ordre de Malte, sujets aux décimes (6).
Peut-être voudra-t-on fonder une objection sur ce que l'Ordre de Malte est souverain, et qu'il répugne aux idées naturelles qu'un souverain soit sujet aux lois d'un autre souverain. Je n'examinerai pas si l'on est souverain lorsqu'on ne possède sa terre qu'à titre de fief, sous la condition d'un hommage, rendu le genou en terre; je ne ferai pas le dénombrement des différences existantes entre la véritable souveraineté et le simple usage de ce qu'on appelle les droits régaliens ; mais j'obsétverai que l'Ordre de Malte ne possède rien en France, que par la permission du Roi, qui exerçait alors, et pour la concession de pareilles permissions, le droit de la nation (1). Je dirai avec M. le bailli de Flachslanden : Les établissements de l'Ordre de Malte ne sont point un Etat dans l'Etat; souverains à Malte, les membres de ces Ordres sont sujets en France (2).
Voilà le mot décisif : les membres de l'Ordre de Malte sont sujets en France. Il faut donc qu'ils se soumettent aux lois du royaume, et il est inconcevable qu'après cet aveu on veuille soustraire les établissements et les membres de cet Ordre aux lois du royaume; ils y sont assujettis comme tous les autres citoyens et tous les autres établissements français : c'est un principe que rien ne peut renverser. Les lois du royaume sont la règle d'après laquelle seront déterminés pour l'avenir l'Etat et les droits de l'Ordre de Malte en France. Il faut donc avoir présentes à l'esprit les lois du royaume, et considérer en quels points les usages, les privilèges ou les prétentions de l'Ordre de Malte contrariant ces lois, avant d'examiner jusqu'à quelle mesure les avantages que l'ordre procure à la France, exigent qu'on s'écarte de la loi commune, pour favoriser les membres de l'Ordre.
L'Assemblée nationale a établi la Constitution et les lois du royaume sur les droits de l'homme, parce qu'ils sont une base inaltérable. L'Assemblée a déclaré les droits de l'homme, et elle a dit (art. 6.) : « Tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents. »
Dans les articles de Constitution, l'Assemblée nationale a dédaré « que tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation, et ne peuvent émaner que d'elle » (art. 1); « qu'aucun impôt ou contribution en nature ou en argent ne peut être levé que par un décret exprès des représentants de la nation » (art. 15).
L'Assemblée nationale a détruit entièrement, par un de ses décrets du 4 août, le régime féodal; aboli, sans indemnité, les droits qui tiennent à la servitude personnelle; déclaré les autres droits sujets au rachat (art. 1); aboli les [dîmes, même dans la main de l'Ordre de Malte (art. 5) ; aboli les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides (art. 9).
L'Assemblée nationale a décrété, le26 septembre, qu'à commencer du 1er janvier 1790, tous les abonnements sur les vingtièmes seront révoqués, ! et que tous les ci-devant privilégiés seront imposés comme les non-privilégiés. Le 28 octobre, elle a décrété que, par provision, l'émission des vœux
serait suspendue dans tous les monastères de l'un et de l'autre-sexe; le 2 novembre, qu'aucun curé ne pourrait avoir moins de 1200 livres de traitement par année, non compris le logement et les jardins en dépendant ; le 5 novembre, qu'il n'y avait plus en France aucune distinction d'ordre ; le 28 novembre, que les ci-devant privilégiés seraient tous imposés pour les six derniers mois de 1789, et pour l'année 1790.
Il suffît d'avoir exposé ces lois de la nation : les détails dans lesquels je suis entré sur Fétat de l'Ordre de Malte, sur les privilèges et les prétentions de ses établissements en France ne peu-vént pas être déjà oubliés, et il n'est personne qui ne sente en combien d'articles essentiels ces privilèges et ces prétentions de l'Ordre de Malte sont opposés aux lois du royaume. Les avantages que l'existence de l'Ordre de Malte procure à la France méritent des égards; cela est vrai : ils méritent à l'Ordre d'autant plus d'égards, de grâces et de faveurs, qu'ils sont plus 'Considérables; cela est vrai encore : mais reconnaissons aussi qu'il y a des points sur lesquels il est impossible de se départir de la loi commune, parce que oe serait détruire la 'Constitution, au moment où elle vient d'être arrêtée. Ce n'est donc que par rapport aux lois d'une classe secondaire qu'on peut consentir à des exceptions, et ce n'est qu'alors qu'il est possible de se laisser toucher par les avantages que l'Ordre de Malte nous procure.
Ainsi, dans tous les cas, dans toutes les circonstances ; il sera impossible d'admettre qu'il existe dans le royaume des établissements qui ne puissent être possédés que par une certaine classe d'hommes ; qui soient attribués aux membres de l'ordre de la Noblesse dans un royaume, où il n'y a plus de distinction 'd'ordres ; des établissements dont les biens ne supportent pas les mêmes taxes et les mêmes impositions que les autres fonds; des biens et des personnes qui ne soient pas soumises à la juridiction des tribunaux ordinaires.
J'observerai, à ce sujet, que la conduite que tient en ce moment même l'Ordre de JVlalte est un avertissement de nous tenir sur nos gardes contre ses prétentions. Le décret du 26 septembre, concernant la contribution des ci-devant privilégiés, est, sans contredit, un de ceux que la justice due à ceux de nos concitoyens qui supportaient seuls la partie la plus pesante des impôts, nous pressait de prononcer ; c'est unde ceux dont l'équité frappe tous les esprits : cependant: l'Ordre de Malte ne s'y soumet pas.il m'a été assuré par des députés de Provence, que des lettres écrites de Tarascoti leur annonçaient que M. Forestier, procureur général de l'Ordre; résidant à Marseille, avait signifié un acte portant opposition à l'exécution'du décret du 26 septembre. Le commandeur du Nom-Dieu, receveur de l'Ordre de Malte en Guiyenne, menace dans ce'moment des poursuites les plus rigoureuses les habitants des commanderies deGolfechet deGimbred en Age-nois, pour les obliger de payer ce qu'ils doivent à l'Ordre, nonobstant ies oppositions que les receveurs des impositions publiques ont ïorméestpour sûreté du ipayement de la contribution des ci-devant privilégiés. iSi les agents de l'Ordre de Malte peuvent se porter à de pareils actes; B'ils ont la faculté de suspendre l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, les membres de l'Ordre ne sont ni nos concitoyens, ni les sujets de l'Etat.
Les décrets essentiels ànotre Constitution étant mis en sûreté par la soumission absolue que les
membres de l'Ordre de Malte en France, et ses établissements, leur rendront, il restera deux objets sur lesquels il ne sera pas impossible de faire plier la règle en faveur des avantages que l'Ordre de Malte procure à notre commerce. L© premier sera la dérogation aux lois générales qui défendent d'accorder à des étrangers une portion des revenus des terres du royaume. Le second sera la facilité d'avoir de justes égards à la destination générale des biens de l'Ordre de Malte, dans la disposition que la nation a le droit de faire de ces biens. J'expliquerai, dans le dernier article de cet écrit, mes vues particulières sur ces deux objets : ici je conviens que l'Ordre de Malte mérite de la considération de notre part, à raison des avantages qu'il nous procure pour le commerce du Levant. La chambre du commerce de Marseille atteste ces avantages, c'est assez pour me convaincre qu'ils sont réels : sans me faire oublier néanmoins qu'il a été dit, dans l'Assemblée, qu'il pourrait sortir de nos ports de la Méditerranée des foroes aussi puissantes que celles de l'Ordre de Malte, pour protéger les convois du Levant, et et que, selon les députés de l'île de Corse, leur île n'ést pas située moins avantageusement que celle de Malte, pour purger la Méditerranée des brigands qui l'infestent.
Mais en même temps que j'avoue qu'il n'est pas indifférent à notre commerce d'avoir le grand maître de Malte pour ami, je déclare que je ne saurais être touché des menaces que l'on fait en son nom, que si les établissements de l'Ordre en France éprouvent la moindre diminution dans leurs revenus, il cédera son île à quelqu'une des puissances du Nord. D'abord ce ne fut jamais par des menaces qu'on parvint à déterminer les Français; et s'il est un moment où, plus que jamais, ils méprisent les menaces, c'est celui où, devenus libres, ils connaissent leurs forces. Ensuite, pour céder l'île de Malte, il faudrait que l'Ordre en fût propriétaire libre ; et le grand maître doit savoir que le titre de sa possession porte la condition expresse de ne pouvoir aliéner ce domaine sans' le consentement de son seigneur suzerain, le Roi de Naples. Si le grand maître avait l'imprudence de demander un tel consentement, ou bien il serait indifférent à la France que le consentement fût accordé ; ou bien le pacte de famille empêcherait que le Roi de Naples ne l'accordât.
L'Ordre voudrait-il traiter avec les puissances du Nord pour défendre leur commerce et le protéger contre celui de la France? Il renoncerait alors aux-conditions essentielles èt fondamentales de son existence; il sait quelles sorit les nations qu'il doit protéger contre les musulmans ; et S'il se permettait, au lieu d'être l'ami de la France, d'en devenir l'ennemi, jl s'exposerait à être traité lui-même comme ennemi; il serait sujet à un droit de représailles, dont les conséquences seraient certainement plus funestes à l'Ordre de Malte qu'à la France.
Qu on œsse donc de nous importuner de vaines menaces : la crainte n'arrachera rien aux Français; mais cette brave nation sàit être juste et reconnaissante ; elle veut l'être envers l'Ordre de Malte: il ne s'agit que de lui présenter des moyens de satisfaire a ce double sentiment de justice et de reconnaissance, sans porter atteinte à ses lois.
Art. 4.
Dispositions à faire à Végard de POrdre de Malte, projet de décret.
Les intérêts de l'Ordre de Malte doivent être»
pour le grand-maître et pour les établissements existants à Malte, de conserver l'intégrité des revenus qui passent de France à Malte ; pour les établissements situés en France, que les fonds des prieurés, bailliages et commanderies soient toujours destinés à soulager les pauvres, les malheureux, et à présenter à de braves guerriers une perspective qui excite leur courage et le récompense.
Il est facile de statuer sur le premier objet. Le grand-maître et le commun trésor jouissent en France d'un certain nombre de commanderies ; d'une taxe, sous le nom de responsion, sur les autres commanderies; de droits qui se payent lors de l'admission dans l'Ordre ; et de droits casuels auxquels la mort des commandeurs et la vacance des commanderies donnent ouverture. On peut faire une année commune de ces différentes parties de revenus, et envoyer chaque année un présent au grand-maître, de la somme à laquelle elle montera, en reconnaissance des services qu'il rend à la France. Le présent sera libre, comme doit l'offrir une nation libre ; il sera assuré, parce que la reconnaissance est un sentiment qui ne s'éteint ni ne s'affaiblit jamais dans les âmes généreuses.
Le surplus du produit des biens de l'Ordre de Malte en France sera employé à préparer des récompenses aux guerriers qui auront bien mérité de leur patrie. On peut conserver, pour cette destination, les fonds de plusieurs commanderies ou prieurés en nature. S'il est des domaines qu'il soit plus utile d'aliéner, le prix en sera employé à faire des fonds pour le même objet : s'il est des commanderies trop considérables parmi celles dont on conservera les fonds en nature, on les divisera. Dans tous les cas, on prélevera sur ces fonds, et pour le soulagement des pauvres sur les lieux, des sommes suffisantes pour remplir un des principaux objets des fondateurs, l'hospitalité et l'aumône. On prendra également sur leur produit de quoi fournir à la subsistance des curés qui n'auraient pas dû être réduits à une mince portion congrue, comme des mercenaires, tandis qu'ils avaient droit d'être admis à une même table avec les commandeurs.
La proposition que je fais, d'employer les fonds ou le produit des commanderies de l'Ordre de Malte à la récompense des guerriers, lient à un système général que j'ai conçu relativement à la destination des biens de tous ces Ordres qui donnent, avec la permission de porter un cordon noir, bleu, vert ou rouge, la faculté de percevoir des revenus ou pensions quelquefois considérables.
D'une part, il est impossible, dans l'état actuel des choses, que ces Ordres soient conservés tels qu'ils existent, ouverts à une seule classe d'hommes, fermés à d'autres hommes, les égaux des premiers. Les récompenses doivent, à l'avenir, être personnelles, et rien ne saurait s'opposer à ce qu'on les accorde à toute personne qui les aura méritées.
D'un autre côté, la pénurie du Trésor public, la misère des peuples, nous ont fait sentir combien il était dangereux de gréver le Trésor public de récompenses pécuniaires immenses ; combien il était injuste d'ôter à un citoyen son nécessaire pour procurer à un autre citoyen Vaisance.
N'est-il donc pas possible de soulager le Trésor public et d'être juste, en n'accordant dorénavant qu'au mérite, ce qui était donné à la faveur; aux services personnels, ce qui était donné à une généalogie ? Il sera vraisemblablement indispensa-
ble de déterminer, par un décret, le montant des pensions â une somme tixe ; il faudra grever le Trésor public de cette charge : mais la charge sera moindre pour le Trésor, et il sera possible d'assigner à nos guerriers des récompenses plus fortes, si l'on joint à la somme que le Trésor public sera en état de supporter, le fonds des Ordres de Malte, du Saint-Esprit, de Saint-Lazare, de Saint-Louis et du Mérite militaire. Ces vues générales demandent à être particularisées à l é-gard de chacun des Ordres que je viens de nommer, et je me propose de les développer, en exposant l'origine et l'état actuel de chacun d'eux. Quant à présent, je me renferme dans ce qui a rapport à l'Ordre de Malte, Le service des chevaliers de Malte étant particulièrement un service de mer, ce qu'ils appellent leur noviciat consistant particulièrement en caravanes sur les galères de l'Ordre, on pourrait affecter les biens de l'Ordre à la récompense des officiers de mer. M. de Suf-fren aurait-il été moins dignement récompensé, s'il eût tenu ses commanderies de la nation, que quand il les tenait du grand maître de Malte ? Les jeunes officiers de marine pourraient être envoyés à Malte pour s'y former ; leur éducation chez nos amis et nos alliés exciterait l'émulation des chefs de la marine française. Cette éducation, donnée à Malte, serait la reconnaissance des bienfaits annuels de la France envers le grand-maître et les chevaliers de l'Ordre de Malte ; elle établirait entre tous une fraternité d'armes, aussi respectable que celle qui peut résulter de la prononciation des vœux.
Je conçois aussi qu'il serait juste de dédommager ceux qui ont été admis daus l'Ordre de Malte des dépenses qu'ils ont faites dans l'ancien état des choses, sur le fondement de l'assurance qui existait alors, de parvenir un jour aux dignités et aux commanderies de l'Ordre. On pourrait accorder aux Français actuellement reçus dans l'Ordre de Malte la priorité des récompenses, en. remplissant d'ailleurs le service et les autres conditions nécessaires pour les mériter : on pourrait, si cela paraissait juste et indispensable, accorder des remboursements de ces dépenses, évalués en rentes viagères : mais, quelque parti que l'on prenne sur ces intérêts particuliers, ils ne doivent point empêcher l'exécution des plans généraux que le bien de l'Etat veut que l'on suive. 11 suffit, pour prévenir les plaintes particulières, de faire voir la possibilité de rendre à tous une justice exacte.
D'après ces considérations, je propose à l'Assemblée de rendre le décret suivant :
L'Assemblée nationale décrète que ses précédents décrets, notamment ceux des 26 septembre, 28 octobre, 2 et 28 novembre, seront exécutés par tous les Français aggrégés à l'Ordre de Malte, et sur tous les établissements de cet Ordre en France ; en conséquence, elle déclare que les biens de l'Ordre de Malte en France sont à la disposition de la nation, sous les réserves portées par le décret du 2 novembre, et sous la réserve particulière des arrangements qui pourront être pris avec le grand-maître de Malte et son conseil, ainsi qu'il sera dit ci-après; que ces biens doivent être imposés de la même manière que tous les autres biens du royaume ; que les dîmes et droits féodaux qui dépendent des prieurés, bailliages et commanderies de l'Ordre en France, sont sujets à être, ou entièrement abolis, ou rachetés selon la distinction de leur nature, et conformément aux décrets de l'Assemblée ; que les curés dépendants de l'Ordre de Malte seront payés de la somme de 1,200 livres sur le revenu des commauderies, in-
dépendammeiit des presbytères et jardins en dépendants dont ils auront la libre jouissance ; fait provisoirement défenses à tous Français de s'engager dans l'Ordre de Malte par la prononciation de vœux solennels.
L'Assemblée nationale charge son président, en remettant au Roi le présent décret pour être sanctionné, de prier Sa Majesté d'ordonner à ses ministres de s'entendre avec le grand-maître de l'Ordre de Malte pour aviser aux moyens de reconnaître les avantages que l'Ordre a procurés à la France, et d'en obtenir la continuation : se réservant, l'Assemblée, de délibérer sur les propositions qui seront faites à ce sujet.
L'Assemblée nationale charge son comité de finances, de lui présenter incessamment le plan qui lui paraîtra le plus propre pour employer les fonds des prieurés, bailliages etcommanderies de l'Ordre de Malte en France, à la destination ordonnée par les fondateurs, notamment à l'entretien et à la récompense des guerriers qui auront bien et fidèlement servi leur patrie. L'Assemblée charge Je même comité d'aviser aux moyens de dédommager les Français actuellement admis dans l'Ordre de Malte, et non encore pourvus de commanderies des dépenses que leur admission a exigées de leur part.
Suite du développement delà motion de M. Camus, relativement à l'Ordre de Malte. —De l'Ordre de Saint-Lazare et de celui du Mont-Carmel (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Quelques Ordres religieux ont, comme les grands empires, leurs temps fabuleux. Une conformité de noms, une expression équivoque, ont souvent servi de base pour appuyer une origine très reculée : ainsi des auteurs ont affirmé sérieusement, que l'Ordre de Saint-Lazare avait existé dès les premières années de la religion chrétienne (2) ; ils lui ont donné pour instituteur le frère cle Marthe et de Marie, parce qu'il avait plu à ceux qui l'avaient créé dans le xir siècle de ledénom-mer Ordre de Saint-Lazare.
Cet ordre religieux et militaire est né, comme celui de Malte, dans la Terre-Sainte, et vers le même temps, aux approches du xue siècle. En 1104, l'empereur Baudouin confia la garde de la ville d'Acre aux frères de Saint-Lazare ; mais cette commission n'était qu'accidentelle : la principale destination de l'Ordre était de secourir les lépreux, et d'accompagner les pèlerins (3). On a prétendu que ce fut alors une loi particulière de l'Ordre de ne] choisir pour maître qu'un lépreux (4).
Louis-le-Jeune, à son retour de Palestine, amena en France les frères de Saint-Lazare, déjà peut-être [connus sous le nom de chevaliers. 11 leur donna, par des lettres-patentes de 1154, la terre de fioigni pour chef-lieu de leurs établissements futurs (5) ; et comme l'Ordre était, ainsi que celui de Malte, destiné pour les deux sexes, Louis-le-Jeune fonda à la Saussaye, prés Villejuif, un cou-
vent de religieuses attachées à la guérison des femmes attaquées de la lèpre (1). La règle de Saint-Augustin était la loi commune des frères et des sœurs de l'Ordre (2). Ils s'obligeaient à la professer par des vœux solennels, dont voici la formule, telle qu'on la lit dans la règle rédigée par le chevalier de Flatte, en 1314. « Moi, iN..., fais aujourd'hui mon vœu d'obéissance, et promets au Dieu tout-puissant, à la sainte Vierge Marie, et à notre monsieur saint-Lazare, aux chevaliers des malades de Jérusalem, et à vous mes frères N N. qui êtes ici à la place du grand-maître de cet Ordre et des malades, que je serai obéissant, chaste et renonçant aux biens du monde ; que je garderai fidèlement la règle de Saint-Augustin et les statuts, autant qu'il me sera possible, jusqu'à la mort (3). »
On ne saurait douter, d'après la prononciation de pareils vœux, que les frères de Saint-Lazare ne formassent réellement un institut religieux (4) ; mais.il était de ces instituts religieux qui sont en même temps militaires : il était composé de trois classes : de prêtres pour les fonctions ecclésiastiques, de chevaliers pour aller à la guerre et de frères pour aider les chevaliers.
On trouve, dans l'ordre de Saint-Lazare, les mêmes établissements qu'on voit chez les autres Ordres religieux militaires : ce sont les mêmes dénominations, d'abord de préceptoreries, ensuite de commanderies (5) ; des redevances établies sous le nom de responsions (6) ; des drois de passage pour la ^réception (7), etc. La maison de fioigni était la maison conventuelle (8). Les commanderies étaient accordées par le grand-maître ; il y en avait, comme à Malte, de grâce et de justice; et quelquefois un seul individu en réunissait plusieurs sur la tête (9).
Si l'Ordre de Saint-Lazare avait été composé d'un aussi grand nombre de sujets que l'Ordre de Malte, s'il avait possédé des domaines aussi riches, sans doute il s'honorerait, comme l'Ordre de Malte, de grands exploits guerriers ;une suite de héros marquerait les différents âges de son histoire. L'Ordre de Saint-Lazare, plus, pauvre et moins nombreux, ne conserve, à plusieurs époques d'autres traces de son existence que des chartes qui lui donnent des privilèges, ou qui confirment ceuxqu'il'avait obtenus. Dans un temps, il obtient l'exemption de ladîme ; dans un autre, il se fait déclarer immédiatement sujet du Saint-Siége(lO)'
Les biens de l'Ordre de Saint-Lazare, quoique modiques, tentèrent les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (de Malte) ; ils en obtinrent l'union par une bulle du pape Innocent VIII-, en 1489(11); elle n'eut pas l'effet que l'on s'était proposé; mais elle donna lieu à diverses entreprises sur les biens de Saint-Lazare. La suite des grands maîtres de l'Ordre n'est souvent conservée, depuis cette époque, que par le récit de ce
qu'ils furent obligés de faire pour recouvrer leurs domaines, ou pour les défendre.
Sous Henri IV, l'Ordre de Saint-Lazare obtint quelque éclat, par la création que fit ce prince de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Garmel, auquel il unit l'Ordre de Saint-Lazare. 11 est à propos de faire connaître les motifs de la conduite de Henri.
Il avait à récompenser de braves officiers qui ne l'avaient pas abandonné dans le cours de ses guerres longues et fatiguantes. L'état des finances de son royaume ne lui permettait pas de prendre les fonds pour les récompenses dans le Trésor public ; l'état de ses peuples ne permettait pas qu'il leur imposât la charge d'y fournir. La constitution de l'Ordre de Saint-Lazare lui présenta d'autres moyens de remplir ses vues. Les chevaliers de l'Ordre avaient la liberté de se marier, quoiqu'ils se trouvassent réellement engagés dans un Ordre religieux. Peut-être, dans le principe, elle n'avait été que l'effet du relâchement; mais elle se trouvait expressément confirmée par une bulle du pape Pie V, de l'année 1567 (1). On n'entendit plus alors par la chasteté, dont les chevaliers faisaient le vœu, que la chasteté conjugale. Le même pape Pie V avait autorisé, par sa bulle, les chevaliers mariés, comme les chevaliers célibataires. à posséder des pensions sur des bénéfices (2). Enfin il est à remarquer que le Roi nommait à la grande maîtrise de l'Ordre. Le pape confirmait seulement lanomination par une bulle(3) ; et Henri venait de donner, en 1604, la grande maîtrise à Philibert de Nerestang, comme la collation et provision lui appartenant de plein droit (4).
11 ne s'agissait donc que d'agréger les officiers que le Roi voulait récompenser à un Ordre dont les membres n'étaient point limités à un certain nombre, et avaient la faculté déposséder, quoique mariés, des pensions sur des bénéfices. Mais Henri voulut relever l'éclat des récompenses qu'il des-tiuait à ces officiers, en donnant un nouvel être à l'Ordre de Saint-Lazare, par l'union qu'il en ferait à un ordre de sa propre création (1). Il commença par cette seconde opération. Il institua l'Ordre appelé de Notre-Dame du Mont-Garmel, et il en fi t con fir mer l'in stitu tion par une bulle du pape Paul V, du 16 février 1607. Les conditions requises pour entrer dans l'Ordre sont la noblesse, le vœu de la chasteté conjugale et celui d'obéissance au grand-maître (6). Un de ses privilèges est la faculté, pour ses membres, déposséder des pensions sur bénéfices. Au mois d'avril 1603, le Roi unit, par des lettres patentes, l'Ordre de Saint-Lazare à celui du Mont-Garmel, et ils ont ainsi continué
d'exister sous la dénomination propre à chacun, mais l'un inséparablement de l'autre (1).
Les richesses momentanées que les Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Garmel obtinrent à l'époque de ces opérations ne furent que précaires.
Ils n'avaien t presqu'aucuns fonds qui leur fussent propres et dont ils pussent distribuer les revenus à leurs membres. On s'y faisait agréger, pour obtenir, à titre de pension, des redevances annuelles sur des bénéfices dont une partie des produits n'était affectée que viagèrement aux membres des denx ordres et non aux ordres eux-mêmes.
Louis XIV fit une tentative pour donner aux Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel plus de consistance, en leur assurant des fonds pour leur dotation. On lui avait persuadé que la première destination des chevaliers de Saint-Lazare ayant été de soigner les lépreux, toutes les fondations faites dans le royaume, pour retirer ou guérir les lépreux, toutes les léproseries et maladeries, qui ont été autrefois en très'grand nombre, devaient être des dépendances de l'O rdre de Saint-Lazare, et qu'il avait droit de les réclamer, d'y rentrer et d'en jouir, à défaut des lépreux. L'exécution des projets que ces vues avaient inspirés, fut préparée par nne déclaration du mois d'avril 1664, où sont rappelés les anciens bienfaits des rois de France envers l'Ordre de Saint-Lazare, et peu de temps après, le marquis de Nerestang, alors grand maître des Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, établit, pour la répartition des biens à venir, cinq grands prieurés qu'il divisa par langues (2). On commença ensuite l'opération par un grand exemple. On engagea M. le duc d'Orléans à céder l'administration et la jouissance des maladeries et commanderies de son appanage. Les possesseurs d'établissements du même genre durent être frappés de l'abandon fait par le prince ; mais peut-être ils ne surent pas que la cession n'avait été consentie que sous la condition d'une pension de 1,000 livres au profit de chacun de douze chevaliers servant près le duc d'Orléans (3).
Au mois de décembre 1672, parut un édit qui prononça, en faveur des Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, l'union de l'Ordre du Saint-Esprit de Montpellier, et de plusieurs autres ordres, dont les noms sont à peine connus aujourd'hui (4) ; et qui rétablit l'Ordre de Saint-Lazare dans la possession des biens des léproseries et des maladreries. L'intention ultérieure du Roi est expliquée dans l'édit même : il y est ordonné que de ces biens il sera formé des commanderies, desquelles Sa Majesté et les Rois ses successeurs, auront, en qualité de chefs souverains de l'Ordre, l'entière et pleine disposition en faveur des officiers qui seront reçus chevaliers de l'Ordre; que sur les commanderies on affectera des pensions pour gratifier d'autres officiers, et que l'on y fera encore des retenues pour subvenir à l'entretien des hôpitaux des armées et places frontières (5). Ainsi toutes ces opérations n'avaient
évidemment d'autre but que- de former un fonds de récompenses et de secours militaires, sans entamer le produit des contributions fournies par les peuples.
L'édit portait l'établissement d'une commission de juges pour son exécution. L'activité que l'on mit dans cette exécution avait procuré, dès 1680, aux deux Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Gar-mel, 400,000 livres de revenus (1). Louis XIV, par une déclaration du 28 décembre 1680, en forma 140 commanderies, distribuées sous six grands prieurés. Elles étaient partagées en deux classes : celles de la première portaient deux à trois mille livres de revenu (2).
L'état de prospérité des deux Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Garmel ne fût pas de longue durée. Il S'éleva» de toutes parts des réclamations contre l'union prononcée à leur profit, de tout établissement, sans distinction, où l'on alléguait qu'à une époque quelconque un lépreux s'était retiré. Le marquis de Louvois, qui avait procuré les unions de 1672, mourut au mois de juillet 1691,ret bientôt les affaires deB deux Ordres changèrent de face. Deux déclarations, l'une du 15 avril, l'autre du 24 août 1693, rétractèrent ce qui avait été fait en 1672.
Le défaut de moyens pécuniaires pour les soutenir se trouva tel, au commencement du siècle, qu'on résolut d'y admettre les personnes d'Aora-nêtes familles, qui donneraient 6,000 livres pour fonder une commanderie en leur propre faveur. En 1720, on exigea pour ces fondations un capital de 20,000 livres ; il devait être porté à 30,000 livres, si l'on voulait avoir le droit de se nommer un successeur. Moyennant (40,000 livres, on établissait une commanderie qui devait se perpétuer dans la famille, tant que la ligne directe subsisterait (3).
Tous ces moyens ne procuraient que des res-Tourees momentanées. La grande maîtrise avait été donnée à M. le duc de Chartres en 1720; elle ne devint vacante qu'en 1757. Alors ceux qui se flattaient de quelque espérance si les Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel pouvaient; en obtenant un peu plus d'éclat, acquérir aussi quelques richesses^ engagèrent Louis XV à donner la maîtrise à son petit-fils le duc de Berri ^aujourd'hui Louis XVI). Le duc de Berri étant devenu Dauphin en 1772, la dignité de grand maître des deux Ordres fut conférée à M. le comte de Provence, aujourd'hui Monsieur, qui la possède encore.
C'est sous ces deux derniers grands maîtres qu'on a travaillé le plus efficacement à assurer l'état des ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, par des revenus certains et des règlements fixes.
Quant aux revenus, on avait conçu un premier plan, qui consistait à unir aux Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel les biens de l'Ordre des chanoines réguliers de saint-Ruf, qu'on estimait déplus de cent mille écus de produit (4). Déjà il avait été passé, le 6 octobre 1760, devant Vanin, notaire au Ghâtelet de Paris, un concordat entre les chefs des Ordres, pour parvenir à l'union. Ons'était adressé au Pape; on avait obtenu de lui un bref
qui prononçait l'union. M. l'évêque d'Auxerre avait été nommé commissaire pour procéder à l'extinction de la congrégation de Saint-Ruf, à la sécularisation de ses membres et à l'union de ses biens à l'Ordre deSaint-Lazare (1),
Les oppositions de M. l'évêque de Valence et celles du clergé firent échouer ce projet. Le clergé soutint que l'ordre de Saint-Lazare, dans son état actuel, ne devait pas être confondu avec l'ancien Ordre du même nom, qui avait existé en Palestine-, que celui qui existait n'était pas un Ordre régulier, susceptible de recevoir l'union de biens ecclésiastiques. Le clergé renouvela encore à çe sujet des plaintes qu'il avait faites plus anciennement sur le privilège que les chevaliers de l'Ordre de Saint-Lazare et du Mont-Carmel exerçaient, de jouir, quoique mariés, de pensions sur bénéfices. La défense du clergé mettait les deux Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Garmel en danger de perdre, avec leurs espérances sur les biens de Saint-Ruf, leurs privilèges anciens, de partager les fruits de quelques bénéfices. Le Roi fit connaître le désir qu'il avait que les prétentions opposées pussent se concilier (2), et en 1172, il fut passé un concordat, par lequel les deux Ordres renoncèrent à la faculté de posséder des pensions sur bénéfices; à l'espérance d'obtenir l'union des biens de Saint-Ruf ; à toute demande et prétention contre des séminaires, hôpitaux, bénéfices, sous prétexte de restitution de biens dépendants anciennement de l'Ordre de Saint-Lazare. De son côté, le clergé s'engagea à payer annuellement une somme de 100,000 livres.
L'Ordre de Malte se soumit, dans le même temps, à payer quelques sommes, pour éteindre des prétentions que l'Ordre de Sain t^Lazare élevait sur des biens de Saint-Antoine. Par ces moyens, les Ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel se sont trouvé une dotation d'environ 146,000 livres, la plus grande partie eu renies sur le clergé et sur le Roi. 0n: en a formé douze commanderies de 3,000 livres chacune; une de 2,400 livres; dix-huit de 2,000 livres,; quinze de 1,500 livres, et vingt-cinq de 1,000 livres. On distribue, entre vingt-quatre élèves de l'école militaire, 2,400 livres. Le surplus est employé tant aux dépenses d'administration de l'Ordre qu'en pensions, rentes et gratifications représentatives d'anciennes commanderies.
Le temporel des deux Ordres étant ainsi assuré, Monsieur leur donna, en sa qualité de grand, maître, des règlements. Un, des principaux est celui du 31 décembre 1778. Monsieur expose dans le préambule, ses vues générales sur les Ordres dont il est le chef. « Considérant, dit-il, que les pieuses occupations auxquelles étaient consacrés les clignes chevaliers qui ont institué cet Ordre, tenaient à des circonstances qui n'existent plus ; mais que l'honneur et la vertu, qui en étaient l'âme, subsistent et distinguent particulièrement la noblesse française... Nous avons cru que la profession militaire exercée avec tant, de zèle par la noblesse française, consacrée à la défense et à la gloire de la patrie, méritait de jouir, exclusivement des avantages de cet .Ordre, et qu'il, serait utile de les combiner de manière qu'ils pussent être, dans les différents
grades, une récompense proportionnée aux services. »
Je ne laisserai pas sans réflexions ce que cet énoncé renferme de propositions exclusives en faveur de la noblesse; mais ce n'est pas le moment de les présenter: je rends seulement compte «.u règlement.
L'article premier fixe le nombre des chevaliers profès à cent, y compris huit commandeurs ecclésiastiques. Les conditions pour être admis, exprimées dans les articles 2 et 3, sont d'être employé au service du Roi, au moins en qualité de capitaine en second ou d'enseigne de vaisseau. Les gentilshommes employés comme ministres dans les cours étrangères, sont mis au niveau de ceux qui ont le grade de colonel. Les commandeurs ecclésiastiques ne peuvent être choisis que parmi des geutilshommes ecclésiastiques, dont les pères aient servi. Tous doivent justifier de huit degrés de noblesse paternelle, sans anoblissement connu.
Les chevaliers sont distribués en deux classes. Dans la première, sont ceux qui ont le grade de colonel, de capitaine de vaisseau ou autre grade supérieur. La seconde classe est composée de ceux qui n'ont qu'un grade inférieur à celui de colonel ou de capitaine de vaisseau. Cette distinction de classes n'en met aucune entre les chevaliers, sous les rapports que la qualité de chevaliers établit entre eux (articles 4 et 7). La retraite du service prive de la faculté d'aspirer à une commanderie celui qui n'en est point encore pourvu, ou de parvenir à une meilleure commanderie celui qui en possédait une au moment de sa retraite (art. 9).
Parmi les novices de l'Ordre, des places ont été affectées aux élèves de l'école militaire; ils ne portent que la croix de l'ordre du Mont-Carmel, et non celle de Saint-Lazare. Un règlement du 21 janvier 1779 a déterminé plusieurs points particuliers, relatifs à l'entrée de ces élèves dans l'Ordre. Je remarque, dans le règlement, la disposition de l'article 4, qui ouvre l'entrée du noviciat à trois élèves choisis entre ceux qui se seront le plus distingués, sans qu'on les astreigne à la preuve des huit degrés de noblesse paternelle, et l'article 6, dont voici les expressions : « Si un de ces chevaliers (du Mont-Carmel) fait à la guerre une action de courage et d'intelligence, qui ait un grand éclat et de grands avantages, il... sera nommé sur-le-champ, et sans autre preuve, cheyalier de Saint-Lazare, et la réunion des deux croix, qui n'aura lieu que dans ce seul cas, sera une attestation éternelle de sa gloire. » Il est donc un cas où la valeur supplée aux huit degrés de noblesse. Pourquoi ce cas est-il unique? Doit-il être unique? C'est ce que je vais examiner.
L'Ordre de Saint-Lazare fut certainement, dans son origine, un Ordre religieux. Il fut alors, et sous ce rapport, entièrement semblable à celui de Malte. Peut-on dire qu'il soit encore aujourd'hui religieux ? J'avoue que j'y trouve beaucoup de difficultés. Je vois bien que Paul V, dans sa bulle de 1567, oblige les chevaliers de Saint-Lazare à faire des vœux (l); mais ces vœux ne sont pas les vœux de religion : il n'y a pas le renoncement aux propriétés, qui est l'essence de la vie religieuse.
La vie religieuse est un engagement à la pratique des conseils évangéliques ; et certes, ce n'est pas un simple conseil que l'observation des commandements de Dieu, ni celle de la foi ou chasteté conjugale. Ainsi, malgré les efforts que fait l'historien de Saint-Lazare (1), pour établir que les chevaliers de Saint-Lazare sont véritablement religieux, je suis fort touché de ce que le clergé a dit pour établir le contraire (2) et je suis porté à ne regarder l'émission des vœux, ainsi que les autres actes de religion qui accompagnent la réception des chevaliers de Saint-Lazare, que comme des cérémonies qui se pratiquent à l'entrée daus une confrérie.
L'Ordre de Saint-Lazare s'écarte donc aujourd'hui de l'Ordre de Malte, sous le rapport de l'état de régularité; et, sous ce point de vue, plusieurs réflexions que j'ai faites, relativement aux droits de la nation sur les biens de l'Ordre de Mal te, ne s'appliquent pas aux biens de l'Ordre de Saint-Lazare; mais, sous un autre point de vue, celui de la destination présente et actuelle de l'Ordre de Saint-Lazare, il est évident que ce que j'ai proposé relativement à l'Ordre de Malte, non-seulement s'applique à l'Ordre de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, mais même est d'une exécution extrêmement facile à l'égard de ces Ordres.
Quel qu'ait été l'état originaire de l'Ordre de Saint-Lazare et la destination primitive de ses biens, il est manifeste, d'après les faits qui se sont passés depuis le règne de Henri IV dont j'ai rendu compte, que l'Ordre de Saint-Lazare est une société de braves militaires, auxquels les revenus de l'Ordre doivent fournir récompenses et secours. S'il est admis dans l'Ordre huit commandeurs ecclésiastiques, ils n'y sont reçus qu'en considération des services militaires de leurs pères.
Il n'y a donc rien à changer à la destination des biens de l'Ordre, pour les employer à l'usage que je propose de les faire servir à la récompense de ceux qui auront bien mérité de leur patrie dans la profession des armes. Il ne faut,Eour rendre l'établissement de l'Ordre de Saint-azare véritablement utile, que rayer un article de ses règlements, celui qui porte que le récipiendaire sera tenu de justifier de huit degrés de noblesse paternelle. Il faut remplacer cet article en généralisant l'article 6 du règlement de 1779, et en disant de tous les citoyens, ce que le règlement a dit des seuls élèves "de l'école militaire : « Celui qui fera à la guerre une action de courage et d'intelligence, qui aura un grand éclat et de grands avantages, sera nommé sur-le-champ, et sans autre preuve, chevalier de Saint-Lazare.» Je ne crains pas de le demander à tout homme sensé: quel est celui des deux articles, celui que je propose de retrancher, ou celui que je propose de substituer, qui est le plus raisonnable ? La nouvelle Constitution vient appuyer la raison; elle force de supprimer l'article dont je demande le retranchement. Il ne restera alors, dans l'institution et les règlements de l'ordre de Saint-Lazare, que les dispositions qui assignent les fonds de cet Ordre à des récompenses militaires : c'est le seul emploi légitime; c'est l'emploi que la nation confirme, pour être exécuté d'après les règles qu'elle dictera.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Opinion de M. le bailii de Crusssol sur l'Ordre de Malte (1). Messieurs, les immenses travaux de l'Assemblée nationale l'ont conduite au moment où elle doit se décider sur une question qui, j'ose le dire, n'eût jamais dû lui être présentée, et qu'il y a quelques mois aucun de ses membres, peut-être, n'eût pensé devoir lui être soumise; mais les destructions amènent des destructions encore; et cette pente rapide, dans laquelle les assemblées se laissent entraîner, ne présente souvent à sa lin qu'un abîme, où tous les principes de gouvernement, les éléments du droit des gens et toutes les propriétés particulières se trouvent tellement confondus et froissés que la justice même et les meilleures intentions ne peuvent plus soulever cette masse imposante d'obstacles que l'injustice a accumulés; et le désordre, produisant le désordre à son tour, ne laisse plus que des regrets et nous les laisse sans espérance.
Je ne puis vous dissimuler, Messieurs, que cette réflexion a été produite en moi, à l'instant où un honorable membre a proposé la suppression de l'Ordre de Malte en France, et où il a professé que la nation devait s'emparer de ses biens et de ses propriétés. Cette opinion vous a été annoncé de loin, répétée souvent, soutenue par des écrits, bien avant même que vous eussiez décidé que les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation et que vous en eussiez disposé; comme si les biens de l'Ordre de Malte étaient eux-mêmes ecclésiastiques ; mais il fallait vous donner cette idée et vous y accoutumer.
J'ose croire, et je ne puis douter que, si vous eussiez eu à prononcer sur le sort de cet Ordre à cette époque, moins familiarisés sans doute avec des principes de suppression, moins enchaînés par les conséquences dont on a voulu gêner vos décisions, cette question n'en eût pas réellement fait une; et vous auriez reconnu alors,avec tous les amis de la vérité, après avoir appris par les faits et approfondi par les raisonnements l'existence de 1 Ordre de Malte, son utilité générale, son utilité particulière en France, ses relations politiques avec les puissances de l'Europe et la prépondérance que la France a toujours conservée dans ces relations; après avoir observé son régime intérieur, qui peut-être est le chef-d'œuvre de l'administration, et avoir sanctionné dans vos consciences les droits particuliers des membres qui le composent; alors, dis-je, Messieurs, vous auriez conclu, dans votre justice, sans que votre indulgence eût été réclamée que, d'après le droit des gens, d'après le droit politique, d'après le droit de chaque citoyen, il serait injuste que la nation s'emparât de "ces biens.
Vous auriez conclu que, d'après l'avantage que la France retire de l'union et de l'attachement nécessaire de la souveraineté de Malte, d'après les inconvénients graves qui naîtraient de son détachement de vos intérêts, le tort fait à l'Ordre serait nuisible à la nation; vous auriez vu que toutes les puissances étrangères et qui sont vos alliées, ont intérêt à cette discussion pour désirer
que l'Ordre existe tout entier, tandis que les puissances, peut-être demain vos ennemies, attendent une décision contraire pour en profiter.
Enfin, après avoir aperçu que les droits des citoyens français attachés à cet ordre seraient lésés selon toutes les lois de la morale et de la politique, vous auriez rejeté loin de vous cette idée de conquête sur vos propres concitoyens; et au moment où en annonçant à l'Europe que la France ne s'armerait jamais pour faire des conquêtes, vous avez dénoncé à la postérité l'ambition et l'injustice, ne vous seriez-vous réservé que de les exercer dans votre sein ?
Mais écartons cette idée, Messieurs. Représentants d'une nation généreuse,vous serez justes; vous ne blesserez point ses propres intérêts dès qu'ils vous seront connus; vous ne serez point cruels envers un Ordre qui, par les premières lois de son institution, en a reçu le patrimoine dans leur enfance, dans un âge "plus avancé les services, et que l'austérité des engagements qu'ils ont pris a éloignés de toute fortune, en les privant des droits mêmes que la nature leur avait offert en naissant, sur leurs légitimes et sur toutes successions.
Je ne me propose point de discuter ici les principes qui établissent évidemment la propriété de l'Ordre de Malte sur les biens qui, jusqu'à ce moment, ne lui avaient pas été disputés. Je ne me propose point de prouver que ses biens n'ont jamais été ecclésiastiques; je ne remonterai point au temps des fondations pour établir cette différence; je ne vous dirai point que les fondations, que les dons qui composent actuellement sa possession, lui ayant imposé à la fois des obligations pieuses, des devoirs militaires et pénibles et des occupations de bienfaisance et de charité, cette institution ne peut être comparée à aucune autre. Ces vérités sont frappantes, assez d'autres vous les ont démontrées; mais je vous prouverai que ces conditions,. l'Ordre les a toutes remplies, qu'il les remplit encore au profit de l'humanité entière, et spécialement à l'avantage de la France, et que si le changement de temps, la corruption peut-être des mœurs générales a nécessité des variations dans la manière qu'il a adoptée d'être utile, c'est en faisant davantage, c'est en faisant plus utilement, que cet Ordre a mérité et la protection des nations et la reconnaissance des individus.
Qu'elles soient appelées à ce jugement, toutes les nations qui ont un intérêt commun à sa conservation.
Qu'ils viennen t rendre hommage et dire la véri té, ces commerçants instruits des grandes spéculations et des grands intérêts de votre commerce... ou plutôt vous les avez entendus déjà.
Qu'ils se présentent à vous, tous ces infortunés de tous états, de toutes classes, de toutes les nations, qui, dans leurs maladies, dans leurs besoins, dans leurs infortunes à la mer, ont été et sont journellement secourus. Ces bienfaits ne sont pas produits par des élans incertains de la charité, ou par les mouvements spontanés d'une bienfaisance rare; mais par une institution fondée, toujours constante ; par une obligation sacrée, toujours réalisée, et qui, en se généralisant à tous les hommes, en se portant sur son ennemi même, a donné le premier comme le plus bel exemple de cette confraternité utile et générale, à laquelle vous voudriez tant sacrifier et que vous n'apercevez encore que dans vos désirs.
Mais à quoi l'Ordre de Malle doit-il la possibilité de ce bonheur ? Je le dis : à sa constitution
et à la sagesse de son régime intérieur ; et pour qui le connaît, j'aurai répondu d'avance à une partie des attaques qui lui sont faites.
Je ne me permettrai Das, en rappelant les temps anciens, de répéter avec les historiens quel fut l'établissement d'une institution si noble et si pieuse; quels furent ses combats, quelles furent ses victoires, et combien de guerriers valeureux et de sages elle a présentés à l'estime publique. Je me fixerai à ce moment de l'histoire où Charles-Quint, plus politique encore qu'admirateur des succès étrangers à ses couronnes, crut être utile à toutes les puissances voisines de la Méditerranée en attachant, sur le rocher qui la domine, des guerriers de toutes les nations qui, placés entre l'Europe et l'Afrique et l'Asie, fussent éternellement une sentinelle vigilante à les avertir, un poste avancé toujours prêt à recevoir les premiers coups, à arrêter cette puissance qui, divisant en quelque sorte la soif des conquêtes, fait de la guerre contre les chrétiens un principe de gouvernement et un devoir de religion; cette puissance que l'ignorance seule assoupit dans ces moments de lumière pour l'Europe, mais qui n'attend peut-être pour étendre l'empire du croissant que la naissance d'un nouveau Soliman. Ce plan de défense avait été dès longtemps exécuté par le génie protecteur de Rome, lorsque ses empereurs placèrent des légions stationnaires sur les bords du Rhin et du Danube. Soit qu'elles éclairassent les desseins des barbares, soit qu'elles en rompissent les premiers efforts, l'empire leur dut plus d'une fois son salut; et Charles-Quint ne lit qu'imiter cette précaution politique quand il plaça des guerriers illustres sur un rempart qu'il donnait à l'Europe, entre l'audacieux janissaire et le Barbaresque avide.
L'Ordre de Malte reçut donc cette stérile possession, moins de la munificence de ce souverain que de ses méditations politiques; et il se fit en ce moment une grande association de toutes les puissances intéressées qui, en conservant (je me trompe), en regardant comme incomrnutables toutes les propriétés des chevaliers de Saint-Jean, aperçurent dans ces biens et le maintien et la prospérité de cet Ordre qui leur était cher et qui devait leur être si utile.
Cette possession, alors si peu enviée, a été fertilisée et pour ainsi dire créée par eux. Ils en ont défriché les rochers, ils en ont fortifié les ports et les côtes; ils l'ont défendue; et les sièges qu'ils ont soutenus ont rendu impossible à ses ennemis jusqu'au désir d'attaquer leurs remparts.
La vigilance active de l'Ordre, ses travaux, son état continuel de guerre, ses armements, ses courses ne sont pas pour lui; il n'en prétend aucun prix, aucun agrandissement, aucune richesse. Tout est préparé, tout est exécuté pour l'avantage des puissances qui l'avoisinent, pour la sûreté de leurs côtes et la sécurité de leur commerce. 11 n'a rien fait pour lui : il n'a voulu que remplir la mission qu'il s'est donnée.
Et pour l'accomplir, il ne cherche ses ressources que dans les biens qu'il possède si légitimement dans tous les royaumes; c'est uniquement sur ces biens qu'il pourvoit à toutes ses dépenses ; tous ses revenus, dans quelques pays qu'ils soient situés, sont destinés à cet emploi commun. Ses chevaliers, ses défenseurs, ses prêtres ne sont qu'administrateurs de leurs commanderies. La propriété, l'emploi, l'usage, tout est à la disposition de cette patrie commune, et les besoins seuls du trésor de la religion, c'est-à-dire (et cette pensée doit toujours être présente)
les dépenses que nécessitent les désirs ou l'intérêt des puissances, ses amies ou ses protectrices, sont la mesure de ce que l'Ordre abandonne à ses chevaliers. A-t-il balancé, dans la guerre de 1757, lorsque le ministère lui transmit la connaissance de projets contraires aux intérêts de la France et préparés par une puissance étrangère; l'Ordre à cet instant n'a-t-il pas presque doublé ses forces? Il a cherché sa récompense dans son dévouement à la France, et les ressources qui lui étaient nécessaires, dans ses biens et dans le dépropriement de ses chevaliers.
Lorsqu'en 1770, une puissance célèbre et sur laquelle l'Europe fixe avec inquiétude les yeux, voulut l'associer à des conquêtes faciles, lorsqu'elle voulut l'éblouir par des espérances, dont son alliance assurait la réalité, lorsque de si grands avantages lui furent présentés, et que, pour les réaliser peut-être, il ne lui fallait qu'admettre dans son port les vaisseaux russes :. ce qu'aucun traité ne lui défend; que fait alors la loyauté de son attachement à la France? Il vous dénonce ces offres, il vous instruit de ces projets, non pour vous consulter; ils ne peuvent vous convenir, ils sont déjà refusés ; et cependant il en résultera pour lui une augmentation de troupes, un surcroît de dépenses que votre ministère croit de sa prudence de désirer de lui et qu'il exécute à l'instant.
Ses fortifications, ses troupes, ses armements maritimes, voilà constamment les objets de ses efforts et de son luxe. Mais il est encore pour lui une autre source de besoins et de sacrifices.
Son institution l'appelle également à des soins paisibles de bienfaisance, et c'est dans l'enceinte de ses murs, que, séparé de tous les regards, ce devoir lui paraît sacré. Là, son hôpital est ouvert, toutes les nations y sont adoptées, tous les malheurs y sont accueillis, tous les maux y sont soulagés, tous les pauvres y sont reçus, et ce n'est pas la pitié inactive et méprisante qui paye des secours ; ce sont les chevaliers qui les offrent eux-mêmes; ce sont eux qui consolent et qui servent. Il n'est aucun terme à cette bienfaisance ; la maison de chaque chevalier peut devenir un hospice, et l'on a vu des infirmes et des pauvres revenir de très loin pour y disputer leurs jours aux infirmités et pour y jouir de consolations qu'ils n'avaient point trouvées dans leur patrie.
Un revenu peu considérable suffit à toutes ces dépenses : et ici se présente l'administration intérieure de l'Ordre, pour en répondre ; cette explication vous défendra, Messieurs, d'appeler du nom d'abus dans la constitution maltaise ce que vous avez proscrit dans l'ordre du clergé; je veux dire la pluralité des commanderies, possédées par le même individu. Mais si le titre pour lequel il les possède lui a été onéreux, si le trésor de l'Ordre en a été soulagé;- si, par des arrangements volontaires, il s'est établi une correspondance, une estimation, si je puis parler ainsi, de sacrifices et d'avantages, qui donne à l'Ordre la faculté de faire plus en dépensant moins; convenez, Messieurs, qu'en reconnaissant l'utilité de l'Ordre de Malte, tous les moyens d'étendre cette utilité deviennent précieux. Et, en effet, l'Ordre de Malte, en assurant à ses membres une subsistance médiocre, ne leur promet une aisance plus heureuse que dans un âge avancé, où l'emploi de la fortune mieux dirigé n'est plus fait par les passions. A quarante ans d'ancienneté dans l'Ordre, le chevalier, qui en a suivi les travaux et les statuts, commence à jouir de quelques bienfaits. Il obtient une commanderie de peu de va-
leur et dont il n'est qu'administrateur, il la régit ; et si, après cinq années, il a prouvé qu'il a lait des augmentations à son revenu et qu'il a acquitté toutes les charges particulières que l'Ordre lui a imposées, il acquiert alors le droit d'être pourvu d'une1 commanderie plus considérable; et il n'en peut posséder qu'une. Là s'arrêtent ses espérances^ à moins que, parvenant à un âge très avancé; il' ne soit désigné pour une dignité de l'Ordre qui puisse ajouter à ses1 revenus.
Mais re chevalier que son zèle, son activité, sa fortune particulière, ou- l'intérêt de sa famille met" à portée de rendre à son Ordre dés services plus éminents, sollicite et peut obtenir le commandement d'une' galère ou lb généralat dé toutes les galères. Le trésor de l'Ordre ne pourrait suffire à toutes les dépenses que ces armements entraînent, et le chevalier se met à sa place. Î1 dispose de son patrimoine, il présente sa personne à l'ennemi et son bien à son Ordre, il fait la presque totalité des frais de l'armement de sa galère, en soulage le trésor ; mais l'Ordre est reconnaissant, et ses statuts, qui ont toujours prévu le dévouement de ses membres, ne les laissent pas sans récompense. Le grand maître a pour cet objet, à sa disposition, un certain nombre de commanderies qu'il dispense à ses chevaliers-:- bienfait qui, quelquefois, ne leur procure pas un dédommagement équivalant à leurs sacrifices. Ainsi se cumulent deux commanderies. Des services particuliers, ou dans les ambassades en peuvent motiver une troisième et même une quatrième; et la nécessité des dépenses à la décharge du trésor est toujours la mesure de la concession des grâces. Mais ces exemples sont trop rares pour être même remarqués.
Cèst ici le lieu de présenter une observation qui, interressant uniquement la France, doit vous frapper d'avantage : l'Ordre de Malte n'a qu'un même régime pour toutes les nations. Toutes ses dépenses, toutes ses pertes sont acquittées et souffertes par une égale répartition sur toutes les commanderies de tous les paVs, et supportées par les chevaliers de toutes les langues.
Toutes les nations contribuent donc de leurs fonds. Elle auraient donc un droit égal aux avantages que la France retire presque seule de son institution. Cette île de Malte n'est d'aucune utilité politique ni commerciale à la Prusse, à l'Allemagne et à la Pologne ; l'Espagne, l'Italie, dont elle défend à la vérité les côtes, n'y trouvent que cet avantage. Mais son commerce direct est à la France, l'argent qu'elle peut fournir à l'Ordre y est aussitôt reporté, et la somme en es t accrue du tribut des responsions étrangères; ses matelots combattent sur ses flottes, ses chevaliers dans vos armées, et des succès recents, que la nation a su estimer à leur valeur, viennent présenter le bailli de Suffren à sa reconnaissance.
Ce sont cependant ces mêmes puissances à qui l'Ordre est peut-être onéreux, à qui il avoue lui-même n'être que d'une légère autorité, qui prennent sa défense et qui la recommandent en ce moment. Le ministre des affaires étrangères a dû mettre sous vos yeux, Messieurs, les différentes recommandations qu'elles ont adressées au Roi pour vous les transmettre.
Leurs motifs d'intérêt sont généraux et ceux de la France sont directs, multipliés et pressants. De tous côtés les manufactures, le commerce important du Levant appellent les galères maltaises à leur secours. Les ennemis qu'elle combattent souvent, qu'elles observent et qu'elles retiennent toujours, échapperaient à des forces plus consi-
dérables, et à des bâtiments de guerre moins légers et moins appropriés à cette espèce de navigation et de combat. Ces Etats barbaresques semés sur différents points d'une terre qui, ne pouvant enrichir ses habitants, semble les obliger à une guerre de rapine que leur religion consacre, ne prétendent point à la gloire dé combattre et de vaincre. Ainsi que les Tartares, ils pillent ou fuient ; et c'est dans le cours de cette fuite qu'ils portent encore, en échappant eux-mêmes, des coups destructeurs au commerce.
La France tiendra-t-elle des forces toujours en action contre ces faibles ennemis qui se sont cependant dérobés jusqu'ici et à la vengeance de Lous XIV et aux armements imposants et récents de l'Espagne? qu'il me soit permis de rappeler cette réponse philosophique et barbare en même-temps que le dey d'Alger fit à la sommation du général de Louis XIV prêt à le bombarder : « Si votre souverain, dit-il, veut m'envoyerla moitié dé ce que lui coûte son armement qui me menace, je mettrai moi-même le feut à ma ville; » Louis XIV fit la dépense et ne réussit pas; et tel est, Messieurs, le désavantage que la France aurait toujours dans ces guerres minutieuse.
Ce sont ces différentes observations qui dirigent ou arrêtent la circulation des puissances que le commerce du Levant tenterait, et de celles à qui il conviendrait si bien ou de le partager ou de tous l'arracher. Si l'Ordre de Malte mettait ses services à l'enchère, que pensez-vous qu'il arrivât? qu'arriverait-il si les puissances, jalouses de vos richesses, avaient les mêmes avantages dans ses ports? Si ces avantages vous étaient personnellement refusés ; s'ils étaient exclusivement accordés à d'autres puissances ou si cette île, ce point politique, si, intéressant, passait en leur possession; si indifférente sur' les courses des Barbaresques et sur. les Français, elle laissait à ces pirates la liberté d'infester les mers, ou ne défendait que les bâtiments des nations dont elle n'aurait pas à se plaindre; quelle perte ne ferait pas notre industrie ? quel parti vos ennemis naturels, les Anglais, ne tireraient-ils pas de cette préférence? avec quelle joie ne profiteraient-ils point de cette séparation de vos intérêts et ne chercheraient-ils pas à désunir cette association politique et mutuelle à laquelle ils ne sont point admis et dont la destruction leur ouvrirait de nouvelles sources de richesse et de prospérité qui doubleraient en leurs mains parce qu'ils vous les auraient enlevées?
Mais quels grands sacrifices la France fait-elle donc à ces grandes considérations? que lui en coûte-t-il?
Quelques privilèges honorifiques ont été accor dés à l'Ordre de Malte; mais toutes les nations les ont accordés comme elle.
Il a joui de quelques immunités sur ses biens; mais ces mêmes biens sont destinés en entier, s'ils sont nécessaires, à l'utilité des Français et au projet de leur gouvernement.
11 a conservé partie de ses immunités; mais il en jouit dans tous les pays et aucune nation ne l'en a privé jusqu'ici.
Mais dans tous les temps il a satisfait à son dévouement par des dons libres dans toutes les occasions où les rois ont réclamé sa générosité ; il a même été au devant des désirs, et dans la dernière circonstance n'a-t-il pas fait plus que vous n'aviez demandé, en acquittant, par un etfort difficile et par un seul sacrifice, la contribution patriotique que vous n'aviez demandée à vos concitoyens que dans le cours de trois années ?
Se refuse-t-il en ce moment, présente-t-il une difficulté à l'abolition de ses privilèges pécuniaires? ne vous a-t-il pas devancé pour vous les offrir ?
Quelle est la puissance de l'Europe qui ait exigé ou à qui l'Ordre ait fait de tels abandons ? Et cependant il en est un grand nombre de ces puissances qui n'ont aucun intérêt à sa conservation et qui n'en reçoivent aucun service; mais elles sont généreuses, elles sont justes, ces nations, et l'appât d'un gain ne prend pas à leurs yeux un caractère de justice, dès qu'il présente des spéculations d'une utilité momentanée.Elles se disent : « L'Ordre de Malte est souverain, sa propriété est dans nos mains et nous l'en respectons davan-vage. Il est étranger, il possède ses biens sous notre autorité. G'est une hospitalité sacrée que nous lui donnons et cet hôte chez nous est chez lui souverain. Nous lui en accordons les honneurs; il est humain, généreux, guerrier, utile et dévoué à un noble ministère ; nous sommes tous intéressés à le protéger ; et si d'autres nations recueillent de la protection même que nous accordons plus d'avantages que nous, c'est un sacrifice que la politique fait à la bienfaisance générale; et nous nous glorifions de la part que nous avons à cette confédération de tant de puissances intéressées. >
Voilà, voilà Messieurs, leur langage, et nous, nous Français, que la position géographique de Malte favorise le plus, dont le commerce juge et certifie tant le besoin ; nous qui recevons en retour plus d'argent que ses propriétés en France n'en produisent peut-etre, à qui Malte est presque uniquement dévouée, nous qui, de toutes les nations, avons le plus contribué à sa gloire par les grands maîtres qui l'ontillustrée; nous, dis-je, méconnaissant nos intérêts et la justice, serions-nous les premiers, serions-nous les seuls, à frapper un Ordre étranger que sept cents ans de splendeur ont immortalisé, malgré la destruction qui semblait le menacer, et que la gloire, l'humanité et la religion doivent protéger et défendre?
11 est encore, Messieurs, une autre considération qui doit être méditée par vous, et c'est l'équité qui réclame : c'est le sort des chevaliers sur les droits desquels il est instant de fixer des idées de justice. Ce chevalier, cet individu, ce Français qu'on propose d'expolier après avoir dépouillé son Ordre, connaissez-vous bien sa situation, ses sacrifices physiques et moraux et les droits qu'il a acquis sur ce même Ordre à qui il s'est attaché et sur les nations gardiennes de ses biens ? Savez-vous que souvent, dès sa naissance et toujours depuis qu'il a acquis sa volonté, il y a fixé toutes ses vues, toutes ses spéculations, il y a placé sa légitime? Souvent il a fait des emprunts pour s'assurer une espérance dans l'avenir; ses pères ont disposé de son héritage ; il est dispersé, il est peut-être anéanti ; il a négligé toute autre route d'avancement ; souvent il n'a pu suivre une autre carrière, il ne s'est ménagé aucun autre moyen de vivre ; il s'est engagé par des vœux solennels dans un ordre étranger, dans un pays étranger, ce que vos lois nouvelles ne fieuvent même lui défendre ; il s'est engagé sur a foi des traités et de ses devoirs et sur un exemple de six cents années ; il a renoncé à toute hérédité de ses pères et il en a enrichi sa famille; il ne peut recevoir aucun don, recueillir aucune succession, profiter d'aucun nouvel avantage, et vous l'en puniriez, et vous consentiriez à le dépouiller, à le jeter ainsi nu dans la société qu'il a défendu, ou, si son ordre veut bien l'ac-
cueillir encore, vous le condamneriez à ne recevoir de secours que de la pitié !
Non, non, Messieurs, ce n'est pas le sort que vous lui réservez. La loyauté de la nation, dont les représentants veulent sans doute avoir l'aveu, ne permettra pas une telle décision. 11 lui est prouvé que ses intérêts seraient gravement blessés dans la suite; mais une considération plus noble la déciderait encore ; elle ne détruira point un Ordre qui lui fut utile. La reconnaissance ne serait-elle donc plus une vertu pour les nations, quand l'ingratitude est un vice pour les citoyens qui les composent? La France voudrait-elle éteindre le premier foyer de l'honneur qui ait constamment brillé d'une flamme pure ?
Quoil cet Ordre, ce précieux monument de l'antique chevalerie existerait pour l'Europe et le nom Français en serait effacé! une année aurait-elle anéanti les idées, les sentiments, les habitudes qui nous ont distingués dans tous les âges? et ce patriotisme que nous invoquons sans cesse, et que j'invoque à mon tour, peut-il rien repousser de ce qui tient à la bravoure, à l'humanité et à l'honneur ?
Nota. Ne pouvant prononcer moi-même ce discours à la tribune, je dois m'abstenir de présenter un projet de décret.
des dépenses en général et des pensions
en particulier, par M. Lamy, député de Caen (1)
CHAPITRE Ier.
Des récompenses, en général.
S'il est essentiellement vrai que, lorsqu'hono-rés du choix de leurs concitoyens, les députés à l'Assemblée nationale ont quitté leurs provinces pour se rendre au lieu de leur réunion, aucun d'eux n'était en état de se rendre compte du genre et de l'étendue des travaux dont il devait être le coopérateur; il ne l'est pas moins, que ceux même dont les connaissances étaient les plus étendues, étaient encore beaucoup en deçà du but auquel ils devaient atteindre. Sous ce rapport, à combien de méditations et d'étude ont dû se livrer ceux qui, ne pouvant compter que sur un sens droit et beaucoup de bonne volonté, devaient être dans un état absolu de méfiance d'eux-mêmes et de timidité ?
Le désir de s'instruire et de se rapprocher du point nécessaire pour être utiles, serait cependant resté sans succès pour le plus grand nombre, s'ils n'avaient pas trouvé des secours dans l'ouverture des dépôts de l'administration, et dans la communication des titres relatifs aux divers objets soumis à l'examen et à la délibération, qui paraissaient susceptibles d'amener des changements destinés à produire un meilleur ordre de choses.
La lecture du tableau des pensions, et des observations indicatives des motifs qui ont déterminé le gouvernement à les accorder, m'a fait
naître l'idée de m'entretenir, d'abord avec moi-même, du mérite de ces motifs. Le cercle s'étendait par la méditation ; mais j'avais vécu trop loin des distributeurs des grâces, des agents médiateurs, et des ardents solliciteurs, pour oser entreprendre de donner un ordre suivi à une opinion qui ne pouvait avoir de mérite qu'autant qu'elle aurait reposé sur des principes constants et invariables.
Convaincu que chaque député doit payer ici sa dette, en contribuant, autant qu'il est en lui, à la réunion des connaissances propres à aider la régénération, j'ai consulté des hommes instruits, et j'en ai trouvé qui m'ont procuré des connaissances de détails que la capitale seule renferme; c'est à leur aide que je dois l'ordre que j'ai donné à mes idées, les preuves sur lesquelles j'ai établi les faits que j'avance, et les conséquences que je soumets aux lumières de l'Assemblée.
S'il ne m'est pas permis de faire connaître ceux auxquels je suis redevable à cet égard, l'expression de la reconnaissance envers eux ne m'est pas interdite. Je leur en offre le tribut, en rendant public un travail qui, sans eux, n'aurait pas pu paraître sous mon nom.
Ce n'est pas un traité des récompenses que j'ai dessein de faire ici (1) ;je voudrais seulement établir des principes dont on pût tirer des conséquences applicables aux pensions ; et comme les pensions forment une division des récompenses, il m'a semblé que je devais dire un mot de celles-ci, avant de m'occuper des autres.
Le mot latin pensitatio signifie également récompense, dédommagement, compensation, et pension.
En effet, toute récompense n'est véritablement qu'un dédommagement, qu'une compensation du temps, des intérêts personnels et de la santé, dévoués à la chose publique.
Ce dédommagement, cette compensation, cette récompense existent déjà dans les honoraires (2), dans les traitements, dans les appointements, dans les gages, dans la solde, et même dans les privilèges attribués à tous les emplois créés pour l'administration, pour la conservation et pour la défense de la chose publique. Ces attributions ont été fixées, parce qu'il n'y a aucun de ces emplois, qui n'exige le sacrifice du temps, des intérêts personnels et de la santé, qu'on pourrait employer, ou suivre plus utilement pour soi, dans toute autre profession.
Mais ce n'est pas là ce qu'on entend par récompense, et suivant l'opinion commune, une récompense est une attribution extraordinaire, indépendante des honoraires, des traitements, des gages, de la solde, et même des privilèges (1) affectés à l'emploi dont on est revêtu.
Mais, puisqu'une récompense est une attribution extraordinaire, il faut donc, pour raisonner conséquemment, qu'elle soit méritée par un acte extraordinaire ; et c'est ici que les idées se confondent. Essayons de les distinguer et de les fixer.
Les obligations que chaque citoyen contracte, je ne dirai pas par son adhésion au pacte social, mais seulement en acceptant son emploi, entraînent avec elles, notoirement, le risque d'un dommage, et peut-être même celui d'un sacrifice de sa personne et de ses propriétés, puisque la personne et les propriétés sont affectées, en général, par la qualité de citoyen, et spécialement par la nature de l'emploi, à l'administration, à la conservation, ou la défense de la chose publique.
Ces devoirs peuvent donc bien nécessiter des actes dangereux pour les personnes et pour les propriétés; maisiis ne peuvent jamais donner de droits à une récompense, à une compensation, à un dédommagement extraordinaires, puisqu'ils ne sont que l'explétion des obligations contractées, en échange desquelles il y a des compensations, des récompenses, des dédommagements annuels.
Il importe donc de distinguer, avant d'accorder une récompense, si le dommage reçu dans la personne, ou dans les propriété, tient à l'exécution rigoureuse du pacte social, ou de conventions particulières, ou s'il est la suite d'un effort patriotique, qui n'était point commandé, et qui ne pouvait être exigé par la teneur du pacte social ou des conventions particulières.
Dans le premier cas, on n'a fait que ce que l'on devait, et l'on a nul droit à des récompenses, à des dédommagements extraordinaires (2); et puisqu'on a réglé sa conduite sur le pacte social, ou sur les conventions particulières, on ne peut exiger que la somme de protection et de secours, qui résulte de l'un, et les attributions qui sont fixées par les autres (3).
Dans le second cas, on a été au delà de ses engagements, sans qu'on put y être forcé; et quand le sacrifice extraordinaire qu'on a fait a eu pour but ou pour motif le salut, ou seulement l'utilité de la chose publique, on a le droit, sans doute, à une récompense, à une compensation, à un dédommagement extraordinaire.
Si ces principes sont vrais, il faut convenir qu'il y a bien peu d'occasions de dispenser des récompenses, et que de toutes celles qui ont été accordées jusqu'à présent, il n'y en a qu'un très petit nombre qui mérite véritablement ce nom.
CHAPITRE II.
Des pensions, en particulier.
Il y a des récompenses de différente nature, et leur diversité paraît tenir au principe des gouvernements. Ainsi, selon M. de Montesquieu([)dans les gouvernements despotiques, où l'on n'est déterminé à agir que par l'espérance des commodités de la vie, le Prince qni récompense n'a que de l'argent à donner (2). Dans une monarchie où Vhonneur règne seul, le prince ne récompenserait que par des distinctions, si elles n'étaient jointes à un luxe qui donne nécessairement des besoins. Le prince y récompense donc par des honneurs qui mènent à la fortune (3). Mais dans une république où la vertu règne, l'Etat ne récompense que par des témoignages de cette vertu.
Voilà qui indique bien les diverses natures de récompenses; mais on ne voit pas de même dans quels cas elles sont méritées.
Indépendamment de ces différentes récompen ses, toutes les puissances de l'Europe, àl'exception, je crois, de la Turquie et de la Suisse, récompensent Tes services rendus au prince, ou à la chose publique, par des pensions sur le Trésor de l'Etat; et parmi les puissances de l'Europe, la France.est particulièrement prodigue de ce genre de récompense.
Il ne tient pas, sans doute, à la nature de son gouvernement; car une pension, qui n'est pas méritée n'est pas plus un honneur qui mène à la fortune, qu'une fortune dont on puisse se faire honneur. Il faut donc qu'il tienne à des conditions particulières, qui ont insensiblement altéré le caractère généreux dont la nation française se glorifiait autrefois (4).
C'est une règle générale, dit encore M. de Montesquieu (5), que les grandes recompenses (pécuniaires), dans une Monarchie et dans une Répu-
(3) Tout cela ressemble parfaitement à ce qui se passe dans un Etat despotique. C'est qu'une monarchie, comme tout le monde le sait aujourd'hui, n'est qu'un despotisme plus ou moins mitigé.
blique, sont un signe de leur décadence, parce qu'elles prouvent que leurs principes sont corrompus (1).
En effet, dans tous les Etats où l'on rend une sorte de culte public au sentiment sublime de l'honneur, dont l'influence est incalculable, l'argent est méprisable et méprisé comme récompense; parce qu'il ne peut être un signe représentatif de l'honneur; et sur la valeur que certains peuples lui donnent, sur l'estimation qu'ils en font, on peut calculer avec probabilité leur moralité civile et politique (2).
CHAPITRE III.
Renseignements historiques sur les pensions en général.
Je viens de dire qu'en France, on était prodigue de pensions; en voici la preuve dans l'historique des pensions, depuis près de deux siècles.
Sous Henri IV (1600), elles s'élevèrent jusqu'à 3,000,000, ce qui n'est pas étonnant, si l'on considère qu'il fût obligé d'acheter, de mille manières différentes, et son royaume et les chefs de la Ligue, qui étaient dangereux par leurs talents ou par leur pouvoir.
A sa mort (1610), elles étaient déjà réduites à 2,000,000 ; on devait ce soulagement à l'administration de Sully, dont l'économie, peut-être parcimonieuse, augmentait en raison de la généreuse prodigalité de son maître.
Elles montaient à 6,650,000 (1614); cette progression parut monstrueuse aux fameux Etats-Généraux, qui furent assemblés cette année, et ils demandèrent que cette dépensé fut réduite à 2,000,000, comme à la mort d'Henri IV ; on n'eut point d'égards à leurs représentations.
Concini que, par respect pour la dignité de maréchal de France, on ne devrait jamais appeler le maréchal d'Ancre, Concini était alors à la tête de l'administration, et il avait trop d'intérêt à perpétuer les abus, pour se prêter à leur réforme. Il fit, au contraire, créer trois charges de trésorier des pensions.
Ce despotisme déprédateur, qui s'exerçait avec tant d'insolence au nom du souverain, par les favoris, par les courtisans et par les créatures de tous, occasionnait la misère publique. Le Parlement voulut bien s'en plaindre ; et il supplia le Roi d'ordonner: 1° que toutes les gratifications (annuelles, sans doute, comme extraordinaires), au-dessus de 1,000 livres, seraient enregistrées à ia chambre des comptes ; 2° de n'accorder aucunes pensions aux officiers des cours supérieures. Les remontrances, comme on le devine bien, furent sans effet pour le peuple. Ainsi, dans tous les temps, les cours supérieures, ces prétendus ennemis du despotisme, ont été pensionnés par le despotisme, et ils ont toujours profité seuls des
mouvements combinés qu'ils semblaient faire contre ce destructeur de toaate prospérité.
On peut faire une observation sur cette espace d'environ quatre années. Henri IV, à sa mort, laissait son royaume florissant; et quelques années après, on convoque les Etats-Généraux pour aviser aux secours dont il a besoin ; les ministres de Henri avaient employé les dix dernières années de son règne à réduire les pensions d'un tiers ; en quatre ans, elles furent plus que triplées par leurs successeurs.
Concini fut assassiné (1617). On put alors chercher librement à rétablir l'ordre dans les finances ; celui qui les administrait alors, en qualité de contrôleur général, était le président Jeannin, ce bonhomme dont Henri IV dit toujours tant de bien, sans lui en faire, et qui, à la retraite de Sully, conserva la confiance de la Reine-Mère et les respects d'une cour corrompue; il dut cet avantage à l'opinion que l'on avait de la faiblesse de son caractère, et il le mérita par sa probité. En effet, dans les circonstances difficiles ou il se trouvait, il eut assez d'énergie pour oser intimider les ennemis du bien public par une Assemblée de notables, et n'osant dégager le royaume des sangsues qui l'épuisaient, parce que dans les affaires particulières il n'avait de volonté que celle des gens puissants ou en faveur, il eut du moins l'adresse d'en charger la nation, parce que dans les affaires d'Etat u avait le courage ou le bon esprit d'accueillir ou de provoquer la volonté générale.
L'Assemblée des notables fut donc convoquée à Rouen. Dans le nombre des propositions qu'elle fit, voici celles qui sont relatives aux pensions : les réduire à 3,000,000 et même à moins si cela se pouvait; ordonner qu'elles ne seraient plus payées à l'avenir en vertu de simples brevets, à moins qu'elles ne fussent employées dans l'état signé de la main du Roi ; supprimer les charges de trésorier de la création de Concini. Cette Assemblée ne fit pas le bien que la nation et Jeannin en espéraient, parce que, comme on le sait, elle ne fut pas écoutée de la cour, dont ses représentations censuraient la voracité.
Lés pensions restèrent sur le même pied jusqu'en 1623, que l'on réduisit les plus considérables de celles qui avaient été accordées aux courtisans* ou arrachées par î'impoi'tunité.
H y eut une nouvelle Assemblée de notables, qui fit, sur l'abus des pensions, des représentations que la cour fut probablement forcée d'accueillir plus favorablement que celles de 1617.
En conséquence, et par l'article 274 de l'édit de janvier 1629, il fût ordonné que les Etats et en-tretènements (ce qui signifiait, peut-être, les traitements déchargés de la Cour, et les dépenses de l'administration), ainsi que les pensions, seraient réduites à une somme si modérée, que les autres charges de l'Etat pussent être préalablement acquittées, et qu'U serait f ait un état pour chaque année, qui contiendrait les noms de ceux qui en devraient jouirv et hors lequel personne ne serait reçu à les prétendre, quelque, brevet ou ordonnance qu'il en pût obtenir, ni être employé dans ledit,, état, qu'en vertu de lettres-patentes registrées en la chambre des comptes.
Je ne sais pas à quelle somme montaient les pensions en 1623; quel fut le bénéfice de la réduction que quelques-unes souffrirent à cette époque ; quel était le montant des pensions en 1629, si lés dispositions de l'article 274 de l'édit de janvier de cette année furent rigoureusement
observées; ni enfin quel profit les finances en retirèrent.
Mais il est probable que ces opérations ne produisirent que des avantages médiocres, puis-qu'Anne d'Autriche se permit, au commencement de la Régence, de réduire d'un tiers toutes les pensions. On peut conclure encore que la masse des pensions était si considérable en 1643, puisqu'on se décida à cet acte d'autorité et de justice, dans des circonstances qui n'annoncent ordinairement qu'un pouvoir incertain, et par conséquent de nouvelles grâces pour lui acquérir des défenseurs.
Eu effet, malgré les dispositions de l'édit de 1629 , il avait été accordé, depuis cette époque, à un grand nombre de personnes, des pensions sans brevets et par de simples ordonnances, expédiées dans les différents bureaux des ministres et des secrétaires d'Etat ; et, au lieu de réformer cet abus qui s'était propagé par la réduction même ordonnée en 1643, le Roi, par une déclaration du 30 décembre 1678, ordonna que les pensions et gratifications seraient payées et passées sur les simples quittancés des parties prenantes, qu'il dispensait de rapporter aucunes lettres-patentes registrées en la chambre des comptes, et ce, tant que Sa Majesté prendrait soin de l1 administration de ses finances.
On serait tenté de croire, sur ces paroles, que Louis XIV administrait effectivement ses finances, et cependant, il les avait confiées, dspuis 1661, à l'immortel Colbert, contrôleur général. Mais, sans doute, la disgrâce de M. Fouquet effraya son successeur ; et Colbert, plus prudent, se contenta ide paraître prendre les ordres du Roi, dont il satisfaisait ainsi la magnificence et le luxe, sans inquiétude. Peut-être aussi que la punition du surintendant et la suppression de sa charge portèrent Louis XIV, qui affectait de la supériorité dans tout, à penser qu'il avait les connaissances qu'exigeait cette partie d'administration ; et la France, enthousiaste de ce prince, put croire facilement que les idées nécessairement bornées de son souverain, sur les finances, dirigeait le génie de Colbert.
Les pensions et les gratifications tant ordinaires qu'extraordinaires furent assujetties à lia retenue du dixième imposé par la déclaration du 14 octobre 1710 ; et cette opération semble indiquer que la déclaration de 1678, qui les affranchissait des entraves précédemment établies, avait favorisé l'augmentation de la masse des pensions. Je ne sais pas quelle somme elle présentait alors, ni conséquemment quel fut le bénéfice résultant de la retenue du dixième.
La forme établie par la déclaration de 1678, subsista jusqu'à la mort de Louis XIV, en 1715; et à cette époque toutes les pensions étaient dispersées dans une foule d'états particuliers, qui en rendaient la connaissance très difficile.
M. le duc d'Orléans, régent du royaume, en fit faire une recherche et quand elle fût achevée, H ordonna une réforme générale, pour laquelle il fit publier la déclaration du 30 janvier 1717. L'objet de cette loi était de réduire les pensions, et d'établir pour leur dispensation et pour leur paiement un ordre qui écartât également l'arbitraire et l'importunité.
En conséquence, les pensions de 10,000 livres et au-dessus furent réduites aux trois cinquièmes ; célles de 6,000 livres et au-dessus, aux deux tiers ; celles de 3,000 livres et au-dessus, aux trois quarts; celles de 1,000 livres et au-dessus, aux
quatre cinquièmes ; et celles au-dessus de 600 livres aux cinq sixièmes.
Il ne devait plus être accordé de pensions m de gratifications ordinaires que la masse de celles qui existaient ne fût réduite à deux millions, par la mort des pensionnaires, ou par leur nomination à un emploi qui valût la grâce pécuniaire dont ils jouiraient; car une des dispositions sages de cette lpi était la suppression de la pension dans ce dernier cas.
Mais la résolution de ne plus accorder de pensions ni de gratifications ordinaires ne devant pas priver les services actuels de la récompense qu'ils mériteraient, le Roi se réserva la distribution annuelle d'une somme de 500,000 livres en gratifications extraordinaires.
Pour l'observation de l'ordre annoncé dans cette partie, on se proposa de faire de toutes les pensions et gratifications ordinaires existantes, un état qui serait arrêté chaque année au conseil, et dont un double serait remis au garde du Trésor royal, pour en faire le paiement, et l'autre envoyé à la Chambre des comptes, avec des lettres-patentes pour en allouer les parties. C'était rappeler, en même temps, les dispositions littérales de l'édit de 1629, et le but de la déclaration de 1678.
Il me semble résulter de celle-ci, que les grâces pécuniaires ne devaient plus s'acquitter qu'au Trésor royal, ce qui aurait été le complément de l'ordre qu'on voulait établir ; mais on ne prononça pas explicitement l'exclusion des autres caisses, où elles pouvaient également se payer.
Il y eut une exception en faveur des pensions de 600 livres et au-dessous, des pensions sur l Ordre de Saint-Louis, de celles attachées aux corps de troupes (j'ignore ce qu'on entendait alors, par cette désignation), des pensions des officiers des troupes de la maison du Roi, sous le titre d'appointement ou de supplément de solde, et enfin des pensions qui faisaient partie des charges et attributions de plusieurs officiers des Cours souveraines. Ces exceptions, dont quelques-unes pouvaient être justes, devaient nécessairement entretenir et favoriser les abus et les désordres que l'on cherchait à corriger. Elles n'étaient plus nouvelles, et nous les verrons toujours à côté des plus utiles opérations, sinon pour les rendre nulles, au moins pour en diminuer les avantages.
Les pensions, assujetties aux retenues/montaient alors à environ 5,000,000.
Elles avaient été exigibles jusque-là, le jour de la concession, c'est-à-dire d'avance, et elles ne furent plus payées qu'à l'échéance d'une année. Ce retard entrait encore pour quelque chose dans le bénéfice de l'opération, et il représentait l'imposition d'une année une fois payée.
Malgré les réductions que les pensions et les gratifications essuyèrent, elles restèrent toujours assujetties à la retenue du dixième imposée en Î710.
Enfin elles furent réduites d'un cinquième par l'article 3 de l'édit d'août de cette même année 1717, qui ordonne la suppression du dixième sur les pensions et gratifications ordinaires seulement, et cette restriction avait pour objet les exceptions dont je viens de rendre compte.
Les pensions des princes du sang furent comprises dans cette dernière opération de 1717, dont le résultat, si l'on s'en rapporte au préambule de l'édit, devait être une réduction à moitié de la plus grande partie des pensions. Il n'est pas certain que cette réduction ait été effectuée; mais
ce que l'on doit considérer, ce sont les efforts mytérieux et vains de l'administration pour gêner, par des retenues et des réductions, la dis-pensation abusive des pensions, qu'elle n'avait pas le courage de contrarier ouvertement.
Dans l'état de fonds de 1725, les pensions des princes du sang sont employées pour la somme de......................... 1,594,800 francs.
Et les autres, pour........ 7,000,000
Total..... 8,594,800
Au mois de janvier 1717, les pensions ne montaient plus, au moyen des réductions, qu'à la
somme de.................. 5,000,000 francs.
Elles étaient chargées d'un
dixième.................... 500,000
Au mois d'août suivant, elles furent réduites d'un cinquième.................... 900,000
Reste...... 3,600,000
Elles avaient donc été presque triplées en huit années de temps, comme cela doit arriver dans toutes les administrations qui n'accordent que des grâces pécuniaires, ou qui prostituent les grâces honorifiques.
Aux termes d'une déclaration du 20 novembre 1725, la dépense des pensions ne devait plus, à l'avenir, excéder 2,000,000; ceux qui en avaient obtenu devaient cesser d'en jouir lorsqu'ils seraient nommés à des emplois, ou lorsqu'ils feraient des établissements équivalents ; et on réservait un fonds de 500,000 à distribuer annuellement en gratifications extraordinaires. C'était renouveler les dispositions de la loi de janvier 1717, et prouver qu'on les avait éludées jusque-là.
Unj arrêt du conseil du 15 janvier supprima le cinquième établi sur les pensions au mois d'août 1717.
Un autre arrêt du conseil du même jour convertit en viager sur le pied du dernier 25, et par forme d'augmentation, les années 1724 et 1725, qui étaient dues des pensions et gratifications ordinaires.
On laissa néanmoins subsister, ou plutôt on rétablit la retenue du dixième, qui avait été suspendue lors de l'imposition du cinquième, au mois d'août 1717.
Dans l'espace de huit années que nous venons de parcourir, de 1717 à 1726, les pensions et les gratifications ordinaires furent exposées à des réductions, à des impositions fixes, à des impositions graduelles, et même à une cessation de paiement; et tout le monde sait que ce fut dans cet espace de temps que le phénomène du papier-monnaie," qui devait jeter tant de splendeurs sur le rovaume, n'y éclata que pour le prolonger dans un chaos obscur, dont la confusion fut si générale et si profonde, qu'aujourd'hui même en 1790, il en existe encore des monuments.
Ce désastre dut son origine au règne de Louis XIV, qui ne cessa, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, d'épuiser l'Etat en hommes et en argent ; et il fut préparé par les ministères de Mazarin et de Richelieu, pendant lesquels on vit renaître les prodigalités du Trésor public que Sully avait eu tant de peine à économiser.
Après la secousse qui se fit sentir alors dans toutes les fortunes particulières, et qui agita jusqu'à la fortune publique, il fallait bien un peu de repos : aussi, pendant les trente-trois années suivantes, les pensions n'augmentèrent que d'environ 2,000,000, puisqu'en 1759 elles ne montaient qu'à environ 10,000,000.
Quoique cette progression ne fût pas comparable à celles qu'on a déjà remarquées dans les époques précédentes, elle parut encore trop forte à M. de Silhouette, maître des requêtes, nommé contrôleur général des finances; et il résolut d'appliquer sévèrement à l'état de détresse où il Se trouvait toutes-les dispositions des lois anciennes, qui pouvaient tendre au soulagement des finances, et au rétablissement de l'ordre, sans lequel il n'y a pas de barrières insurmontables pour la cupidité. Il proposa, en conséquence, au Roi la déclaration du 17 avril 1759, qui présente deux objets.
Le premier, de réduire les pensions à la somme de 3,000,000.
Le second, qui était une suite du premier, de confirmer toutes les pensions qui en seraient jugées susceptibles, sur l'examen des titres, dont on exigea la représentation.
M. de Silhouette ne vit pas la fin de son opération, qui choquait trop violemment les. tendances générales vers les pensions ; et il succomba, pres-qu'à l'entrée d'une carrière qu'il pouvait, dit-on, parcourir avec toutes sortes d'avantages. Cette opération occasionnait nécessairement de la lenteur dans les paiements, et cette lenteur fatiguait l'impatiente activité du duc de Choiseul, qui voulait consommer la réforme de 1762.
En attendant que l'ordre projeté par M. de Silhouette fût rétabli, M. le duc de Choiseul proposa au Roi d'accorder peu de grâces sur le Trésor royal, et d'en assigner la majeure partie sur les fonds de l'extraordinaire des guerres, pour l'armée; sur ceux de l'ordinaire des guerres, pour la maison militaire de Sa Majesté, et même sur les fonds du quatrième denier, qui ne devait être employé qu'en gratifications extraordinaires. Le Roi, abusé par le grand mot de réforme, et par l'apparence ue l'ordre, distribua en effet des pensions sur tous ces fonds, sous les titres différents de pensions de retraites, de récompenses, de gratifications annuelles, d'appointements de réforme, d'appointements conservés ; et dans l'espace de onze années, la masse des pensions du seul département de la guerre s'éleva à près de 11,000,000.
M. le duc de Choiseul se trompait, sans doute ; d'abord, parce qu'en augmentant de la masse des grâces pécuniaires de son département, la dépense de l'ordinaire et de l'extraordinaire des guerres, il augmentait aussi la dépense du Trésor royal, qui fournissait ces fonds ; et ensuite, parce qu'à l'aide de tous ces déguisements il favorisait, il autorisait même, sans dessein probablement, un désordre encore plus considérable que celui que l'on cherchait à arrêter et à éteindre. Mais ces déguisements de pensions n'étaient pas nouveaux; nous les avons déjà vus en 1717.
Je viens de dire que la masse des pensions du département de la guerre s'était élevée, dans l'espace de onze ans, à près de 11,000,000: ajoutons-y le tiers de cette somme, pour les autres départements, et nous aurons environ de 15,000,000 de pensions ou autres grâces annuelles à la charge des finances. C'est, à peu près, le double de ce qu'elles étaient en 1725.
A la suite d'une guerre aussi ruineuse par les dépenses énormes qu'elle avait occasionnées que par les pertes que nous avions essuyées, il était dif-
ficileque l'Etat satisfît à tous ses engagements, et les pensions furent comprises dans les objets sacrifiés à ceux dont la liquidation intéressait immédiatement l'Etat.
Il en était dû trois années de petites et cinq.an-nées de celles qui étaient fortes. M. de Lavervy, conseiller au parlement, alors contrôleur général des finances, se détermina à convertir ces arrérages en rentes viagères, pour s'en débarrasser plus promptement et avec moins de fonds. On avait déjà fait la même opération en 1726, pour deux années. Dans tous les temps on voit commettre les mêmes fautes; et c'en est une grave en finance, que cette opération. Le terme d'une rente viagère est beaucoup plus éloigné qu'on ne le pense communément-, et il paraît constant qu'elles ne s'éteignent annuellement qu'au soixantième. Ainsi en acquittant avec la pension une portion des arrérages qui en étaient dûs, on les aurait éteints dans un petit nombre d'années, tandis qu'on paie encore aujourd'hui, en 1790, les arrérages de ces rentes viagères.
M. l'abbé Terray, aussi conseiller au parlement, et appelé (1770) au contrôle général, ne s'amusa pas à suivre les projets et les plans de ses prédécesseurs. Il s'occupa moins de la réforme du désordre, que du parti qu'il én pouvait tirer pour les finances, et il établit les impositions graduelles, comme on l'avait fait, dans une autre forme, au mois de janvier 1717. C'était bien un soulagement pour le Trésor royal, mais ce n'était point ae l'ordre. L'ordre ne s'établit que sur des principes, et on accuse M. l'abbé Terray de les avoir méprisés. J'aime mieux croire qu'indifférent sur les moyens d'opérer le bien public, et, pressé de le faire, il préféra les impositions, qui n'étaient alors que des actes d'autorité, dont l'éxécution ne souffrait pas de retardements, à des principes dont l'établissement et l'application exigeaient un temps qui n'était pas en son pouvoir, Un de ses principes, dont il usait familièrement, c'est que le Roi ne pouvait j demander qu'à ceux qui avaient, et surtout à ceux à qui il avait donné, et il se conduisit en conséquence.
C'est peut-être une remarque intéressante, que tous les magistrats appelés au ministère ont généralement échoué dansl'administration des finances. Probablement les connaissances indispensables pour les bien diriger ne s'acquièrent ni dans les livres, ni dans la méditation ; et pour se les approprier, il faut avoir vécu longtemps dans la chose même, ou dans une activité dont un magistrat inamovible est fort éloigné.
Les impositions graduelles, établies par l'abbé Terray, ne s'étendirent pas sur les grâces acquittées par l'ordinaire et par l'extraordinaire des guerres, qui ne furent assujetties qu'à ta retenue d'un dixième. Nous avons vu une exception semblable, au mois de janvier 1717 (1).
Mais ces impositions ne furent pas, dans le fait, plusutile.s que toutes celles établies précédemment; et pendant les huit années suivantes, les pensions s'accrurent en raison des retenues dont on les chargeait.
M. Necker, directeur général des finances, laissa subsister (1778 et 1779) toutes les retenues qui s'acquittaient à son avènement au ministère. Mais, persuadé que la réunion en un seul point des différentes grâces accordées à la même personne sur
des fonds différents, pouvait également servir et à l'ordre, après lequel on courait depuis si longtemps, et contre l'avidité et l'importunité, qui 1 é-loignaient sans cesse, il renouvelle, dans une forme plus précise, le plan de 1759, qui n'était déjà qu'une copie de celui de 1629; et il fit publier les lettres-patentes de 1778, et la déclaration de 1779.
Il résulte des dispositions de ces lois que toutes les pensions et grâces pécuniaires annuelles, sous quelque dénomination qu'elles fussent accordées, ne devaient plus s'acquitter et ne s'acquittent effectivement plus ailleurs, maintenant, à quelques exceptions près, qu'au Trésor de l'Etat, sur un brevet qui contient l'énumération détaillée, et les motifs ue celles dont jouit chaque pensionnaire dans tous les départements.
Il n'y a rien, sans doute, au-dessus de l'excellence de ces formes, si ce n'est leur exécution ; et elle a eu lieu dans l'origine, aussi rigoureusement qu'il est possible dans un pays ou, presque à côté de chaque loi, il y a un privilège, ou un moyen abusif, qui en dispense. Mais ce qui ne fût pas aussi avantageux aux finances que les brevets l'étaient à l'ordre qu'on voulait établir, ce fut de statuer, par un des articles de ces lois, que toutes les pensions, qui seraient accordées à l'avenir, seraient exemptes d'impositions.
Il y avait cependant un motif qui semblait autoriser cette disposition. On ne devait plus accorder de pensions que jusqu'à concurrence d'une portion des extinctions annuelles ; et comme la dispensation des grâces se trouvait diminuée d'autant, on cherchait, en donnant l'assurance qu'elles n'éprouveraient aucune réduction, à ajouter un nouveau prix à celui qu'auraient déjà les pensions distribuées.
Mais tous ces plans n'étaient qu'en spéculation. Le montant de la dispensation annuelle fût toujours supérieur à la portion des extinctions dont dont on pouvait disposer, et elle égala, même quelquefois, dans un département, la somme totale de ces extinctions. Enfin, il n'y eut rien de positif que l'expédition des brevets, dont on fit même encore peu de cas dans un certain ordre de circonstances, comme on le verra tout à l'heure.
On se douta probablement de cette infraction ; et pour arrêter le mal dans son principe, le roi, par arrêt du conseil du 23 octobre 1787, a défendu à tous trésoriers, payeurs, régisseurs, ou receveurs de quelque partie que ce soit de ses revenus, et généralement à tous autres que les administrateurs du trésor de l'Etat, de faire aucun paiement desdites grâces pécuniaires, sous quelque dénomination qu'elles soient accordées, à peine de radiation desdits paiements dans leurs comptes. Mais quelle loi peut se flatter de fixer, par ses prohibitions, les formes trompeuses que l'avidité des courtisans fait donner aux grâces qu'elle a su obtenir ?
L'assemblée des notables avait constaté un déficit (1788) dans les revenus de l'Etat : M. l'ar-cheveque de Sens entreprit de combler ce gouffre effrayant. L'expérience des temps antérieurs fut perdue pour lui, et pour le bien qu'on désirait. Intimement persuadé delà supériorité de ses connaissances en administration, et dédaignant celles qu'il était forcé de reconnaître autour de lui, il parut cependant ne suivre que les inspirations d'une imagination sans bornes; et, sans prévoyance, comme sans précaution, sans pudeur pour lui-même, comme sans respect pour le roi, au lieu d'imiter l'exemple de Tarquin, se promenant dans ses vastes jardins, il s'amusa à copier
Domitien, enfermé dans une des chambres de son palais (1). Il supprima, il réforma; il s'empara même de toùt ce qui appartenait aux corps, ou établissements supprimés, pour en disposer contre tous principes, sans que le déficit en fût moindre (2). Enfin, et pour m'en tenir à l'objet qui m'occupe particulièrement, ce ministre, malgré toute sa présomption, sembla vouloir jouter d'ineptie contre plusieurs de ses prédécesseurs, en ordonnant, comme eux, une opération partielle sur les pensions, au lieu d'une réforme générale et raisonnée. Il les greva d'impositions graduelles; mais, pour taire différemment que les autres, il fit ordonner qu'elles ne seraient perçues que pendant cinq ans, tandis que les autres retenues, établies précédemment, n'ont point de terme ; et comme si ce chef des finances, qui laissa le trésor royal sans argent, eût eu la puissance de régler les événements, si invariablement, qu'à l'époque fixée, ce secours, pitoyable pour un grand Etat, dût être inutile.
Mais puisque toutes les récompenses pécuniaires accordées, avant 1779, étaient assujetties à des retenues, par quelle exception de justice celles qui seraient accordées ensuite devaient-elles en être exemptes ? En matière d'ordre, il faut, ou que tout ce qu'on appelle pension supporte la même retenue, ou qu'il ne soit exercé aucune retenue sur ce qu'on appelle pension,, quelle quesoitson origine. On s'oblige bien volontiers à acquitter une retenue, pour obtenir une pension; mais on ne s'exposera jamais à en solliciter une, lorsqu'on aura la certitude que, si elle n'est pas méritée, la concession et la suppression seront publiées au même moment.
Ces détails sur les pensions, depui? près de deux siècles, prouvent plusieurs choses : d'abord la puissance de la protection, qui suppose l'ignorance, ou l'éloignement.et dans certains cas même l'absence du mérite ; ensuite, la tendance violente de cette nature de récompense à s'accroître, malgré les obstacles qu'on lui oppose par intervalle : car, malgré les [obstacles et les extinctions, la masse s'en est élevée, dans cet espace de temps, de 3,000,000 à plus de 30,000,000 liv., à quoi elle monte aujourd'hui. Enfin que cette masse effrayante de récompenses n'a pu être distribuée à des services véritablement extraordinaires. Car, quelque favorable opinion qu'on puisse avoir des sociétés policées, qui existent sous les noms d'empires, de royaumes, de républiques, il faut convenir qu'il n'y en a aucune dont tous les membres soient tellement portés à la vertu, que les actes extraordinaires de leur dévouement exigent des récompenses capables, par leur masse, d'épuiser le trésor public. D'ailleurs une récom-
pense accordée à des services de cette nature, est une dette aussi sacrée, pour tous les gouvernements, que l'étaient autrefois les monuments de la gratitude religieuse des peuples envers les dieux et les héros, et le gouvernement, qui ne la respecte pas, annonce lui-même combien peu sont méritantes les actions auxquelles elle a été accordée. Sa justice actuelle est un aveu de son injustice précédente; et l'acte par lequel il revient sur sa prodigalité, ne choquant que des prétentions particulières, rappelle à lui l'opinion et la confiance publiques, qui s'étaient éloignées.
CHAPITRE IV.
Des pensions du département de la guerre en particulier.
Des trente millions et plus de pensions dont l'Etat est grevé, il y en a plus des deux tiers pour le seul département de la guerre, en y comprenant tous les objets qui devraient être payés comme pensions, et qu'on a soustraits à la rigueur des formes établies pour celles-ci, par les lettres-patentes de 1778, et la déclaration de 1779. Tels sont les appointements de retraite, et conservés au corps réformé de la gendarmerie ; les pensions, gratifications, soldes, demi-soldes et récompenses militaires, accordées aux bas officiers et soldats, sous M. le marquis de Monteynard, et sous M. le comte de Saint-Germain; les traitements des colonels propriétaires, les gratifications attachées aux charges, et les suppléments de traitements ou d'appointements qui sont personnels.
Quelles idées profondes, ce partage inégal, dont tout l'avantage est pour le département de la guerre, ne doit-il pas faire naître daus l'esprit d'un observateur politique? Mais dans les circonstances actuelles, où tout ce qui tendait à assurer le despotisme est anéanti, la chose publique réclamera, sans doute, avec énergie contre tout ce qui pourrait multiplier ou même entretenir les instruments du régime oppresseur auquel elle vient d'échapper.
Cette masse des pensions du département de la guerre s'est accrue ainsi par plusieurs causes. D'abord, les administrateurs arrivent à leur place avec la disposition d'acquitter leur reconnaissance envers ceux à qui ils sont redevables du choix du prince, et d'acquérir de nouveaux protecteurs ou des protégés; et ils ne peuvent la satisfaire qu'en dispensant arbitrairement les emplois et les grâces pécuniaires. Ensuite ils ne connaissent aucun principe pour la dispensation de tout ce qui est récompense ou grâce, retraite, réforme et promotion ; et s'ils en avaient, ils les feraient céder à la règle principale de leur conduite. :
§ 1er Des r formes.
Ce mot signifie partout un retranchement de jouissances dont on peut se passer, et des dépenses qu'elles occasionnent. En France il annonce le retranchement de jouissances qui sont souvent très-précieuses, et une continuation des dépenses qu'elles entraînaient, jointe à des dépenses nouvelles (1). Il est de fait que les réformes diffé-
rentes, faites depuis environ trente ans, soit dans l'armée en général, soit dans les corps en particulier, bien loin de diminuer les charges de l'Etat, n'ont fait que les augmenter (1); et en voici la raison : c'est que les corps ou les individus réformés ont toujours dû être rétablis ou remplacés, lorsque l'occasion s'en présentait, et que, dans aucune circonstance, on n'a rempli cet engagement avec la fidélité qu'exigeait l'intérêt de la chose publique. -On a toujours préféré de créer des nouveaux corps, ou d'employer de nouveaux individus; et l'Etat a continué de payer des pensions de réforme, tandis que, d'un autre côté, il s'est chargé de nouveaux appointements d'activité. Ce double emploi existe ainsi depuis longtemps, comme on peut s'en convaincre par la quantité de pensions de réformes anciennes qui se paient encore, et qu'on aurait pu facilement éteindre par le remplacement des officiers.
§ II. Des retraites.
On quitte le service par plusieurs raisons; ou, après en avoir essayé, on ne s'y est pas jugé propre par sa constitution physique, ou par ses affections morales; ou on y a atteint l'objet de son ambition, en décoration ou en grade, ou enfin, parce que les infirmités qu'on a gagnées au service, mettent hors d'état de le continuer. Ces distinctions sont si naturelles, qu'il paraît impossible de ne pas les faire malgré soi : mais elles sont trop simples pour avoir frappé aucun des ministres nommés depuis M. d'Argenson, jusqu'à présent; et chacun d'eux a établi, à cet égard, avec une espèce de jalousie contre ses prédécesseurs, sa jurisprudence particulière pour les individus, et une jurisprudence générale pour l'armée.
Il y a eu trois variations célèbres pour les retraites dans l'armée. La première en 1763, qui doublait la dépense, relativement à ce qui se faisait antérieurement. La seconde en 1776, qui augmentait d'un cinquième les retraites fixées en 1753 ; et la troisième en 1780, qui, en établissant une gradation dans les retraites, semblait diminuer celles fixées en 1776. Mais les lois faites à chacune de ces époques, établissaient des exceptions, c'est-à-dire, des abus; car les abus ne sont jamais que des exceptions à la loi, prononcées par la loi même, ou décidées par ceux qui en sont les dépositaires ou les exécuteurs. Aussi, en dépit de la loi générale existante, chaque individu, soit à l'aide de quelques moyens employés avec adresse, et avec d'autant plus d'assurance qu'ils étaient implicitement indiqués par la loi, soit par des protecteurs ou par des relations particulières, a pu obtenir la retraite d'un grade supérieur au sien, ou une retraite plus avantageuse que celle fixée par la loi (1).
on connaissait cependant bien tout le prix. On en peut dire autant du corps de la gendarmerie, qui avait aussi fait ses preuves.
Les retraites sont rarement, ne sont même presque jamais accordées à l'invalidité, qui est le seul titre pour les obtenir ; et comme elles ne sont dictées le plus souvent que par le désir d'avoir un emploi à donner à la faveur ou à la protection, elles entraînent avec elles la nécessité de dédommager avec avantage celui que l'on déplace contre sa volonté.
Elles ont donc été jusqu'à présent nuisibles à la chose publique, sous deux rapports. D'abord, elles ont chargé l'Etat de pensions, qui, suivant le cours ordinaire de la nature, se paient très-longtemps. Ensuite elles ont privé l'Etat des services d'un individu, au moment même où l'expérience qu'il avait acquise les rendait plus utiles, et conséquemment plus précieux, pour mettre à sa place un sujet qui était encore-loin de l'expérience de son prédécesseur,
§ III. Des promotions.
Cette expression, qui indique un mouvement général dans tous les grades de l'armée, annonce plus particulièrement chez nous une nomination d'officiers généraux. Uue promotion semble ne devoir avoir lieu qu'à la veille d'une campagne, ou à la suite d'une guerre : en France, on en fait beaucoup au milieu d'une très-longue paix. C'est parce qu'on n'y connaît pas d'autres motifs que ceux qui dictent les réformes et les retraites ; et de la volonté arbitraire qui les décide, il est résulté les mêmes et de plus dangereuses conséquences. Au lieu de voir dans une promotion la récompense accordée à des talents reconnus, où à une action extraordinaire, qui annonce de grands talents, on n'y a vu qu'une distribution d'emplois faite communément au nom ou à la protection ; et cette prostitution de grades, dont il importait aux administrateurs de conserver le caractère honorifique, a été poussée au point qu'il a fallu accorder une pension qui n'a jamais été au-dessous de 3,000 livres à l'officier que l'on nommait maréchal de camp, pour le consoler de l'honneur qu'il recevait malgré lui. Aussi les cinq promotions qui ont eu lieu cle 1779 à 1788 ont-elles greVé l'Etat de 1,250,000 livres de pensions, et porté le nombre des officiers généraux à un si haut calcul, qu'eu en supprimant ceux que l'âge ou les infirmités rendent inhabiles, il ne faudrait pas moins (qu'une armée de Cinq à six cent mille hommes pour employer le reste (l).
§ IV. Des pensions aux officiers en activité.
Les réformes, les retraites et les promotions sont autant d'occasions d'accorder des pensions;
mais encore, quand elles manquent, on trouve des motifs pour augmenter le nombre des pensionnaires, et on les choisit jusque dans l'armée active, sur toutes sortes de prétextes. La mort d'un père, d'un frère, d'une mère, d'un parent même; un mariage, l'assurance d'un douaire, l'attente d'une grâce à laquelle on croit pouvoir prétendre un jour; tout est digne de faveur, tout èst justice.' ,x : : ^
Je n'entrerai point ici dans le détail des moyens qu'on emploie à cette fin ; la publicité que l'Assemblée nationale donne à l'état général des pensions de tous les départements, en fera connaître une partie, et l'on donnera sur le reste des éclaircissements, qui serviront à expliquer la bizarre prodigalité dont des ministres se sont rendus coupables, faute de principes sur toutes les parties de leur administration.
conclusion.
C'est effectivement à ce défaut de principes, et au préjugé ridicule d'un administrateur, qui ne se croit appelé à l'administration que pour dispenser des grâces, qu'il faut rapporter tous les abus dont on vient de mesurer la chaîne; et le seul remède qui puisse en guérir l'Etat, c'est de rappeler et d'appliquer rigoureusement les principes, à réloignement desquels ces abus doivent -leur existence.
Je crois les avoir posés dans mon premier chapitre, sur les récompenses en général ; et voici les règles qui me paraissent en résulter, et les conséquences qu'on peut en tirer.
Quand un individu est pourvu d'un emploi civil ou militaire, bien loin qu'il y ait, dans son serment, aucune clause qui le garantisse des dangers ou des pertes qui seraient les suites des fonctions de son emploi, il s'oblige, au contraire, implicitement, à braver ces dangers, et à souffrir ces pertes sans aucun dédommagement.
Aussi, tant que, fidèle à ses engagements, il consacre ses services à l'Etat, il en reçoit, outre le dédommagement et la récompense convenus par chaque année, ou les moyens d'augmenter sa fortune, ou des honneurs, ou des distinctions, ou des décorations, ou un avancement en grade ; et souvent, et presque toujours, avec ces décorations et cet avancement, un accroissement dans le dédommagement ou dans la récompense annuelle.
Jusque-là tout est égal ; et les conventions réciproques s'exécutent de bonne foi. Pour exiger plus, il faut que le serviteur de l'Etat, excité par le désir de la gloire ou du bonheur de la patrie, ou violemment ému par l'aspect de la chose publique en danger, s'élance hors du cercle de ses obligations : alors il a droit à tout dans la proportion du service extraordinaire qu'il a rendu.
Mais si, au lieu de le parcourir dans sa circonférence, il s'arrête volontairement à quelques degrés de son point de départ, il annule son contrat, et perd toute espèce de droit à la reconnaissance publique. Puisqu'il abandonne l'Etat, c'est que ses intérêts personnels lui sont plus chers que ceux de la patrie, ou qu'ils sont satisfaits ; et elle ne doit plus s'occuper de lui, dans quelque situation qu il puisse se trouvèr.
Si c'est le gouvernement (l) qui résoud lui-même
la convention, parce qu'à la suite de quelques événements politiques intérieurs ou extérieurs, les services qu'il avait acceptés lui sont devenus inutiles, il semble qu'il doit au serviteur tout ce que celui-ci aurait pu obtenir de l'Etat par ses services. En effet, comment calculer de quel prix auraient pu être les avantages dont il a pu se priver en s'engageant au service de l'Etat, de préférence à tout autre service ? Il faut donc qu'en acceptant ceux du citoyen, on y stipule un terme ou des conventions éventuelles, ou que, s'il n'y en a pas, l'Etat s'exécute comme, dans le cas précédent, le serviteur qui a renoncé volontairement s'est exécuté lui-même. Mais comme il faut une règle en tout, et comme il en est surtout question ici, je pense qu'à la réforme ou à la suppression d'un corps, ou d'un emploi même, utiles à l'Etat, l'Etat doit aux membres supprimés ou réformés la conservation du traitement ou des attributions attachés à leurs fonctions jusqu'au rétablissement du corps ou à leur remplacement dans un autre emploi. A l'une ou à l'autre de ces époques, les serviteurs supprimés ou réformés, seront obligés de reprendre l'emploi qui leur sera assigné ; et le traitement dont ils auront joui jusque-là, ce sera de plein droit, puisqu'il sera changé contre les attributions et le traitement du nouvel emploi. Si le sujet rétabli refuse de reprendre les nouvelles fonctions auxquelles il est appelé, il perdra l'avantage dont il jouissait, sans espoir d'aucun autre.
La responsabilité des ministres, décrétée par l'Assemblée nationale, vient à l'appui de ces dispositions ; et elles ne peuvent manquer de produire un effet utile (1). Car ou le ministre n'osera pas faire des réformes ou des suppressions aussi dispendieuses; ou, si les circonstances l'y forcent, il y aura encore plus de motifs pour remplacer promptement les sujets supprimés ou réformés.
Si la marche du serviteur est bornée par un accident grave, qui le mette hors d'état de continuer ses services, et même d'en rendre d'aucune autre nature, il faudra considérer s'il a de la fortune ou s'il n'en a pas. S'il peut vivre conformément à son rang dans la société, sans le secours de la chose publique, il n'a droit qu'aux honneurs destinés à son emploi ou à sa profession ; et il est indispensable de les lui prodiguer, de manière qu'on ne puisse le remarquer en public, ni l'aborder dans son intérieur, sans être affecté des sentiments de considération et de respect qu'inspire aux peuples vertueux l'aspect de ceux de leurs concitoyens qui se sont sacrifiés pour la patrie.
S'il est sans fortune, sans patrimoine, la chose publique lui doit, outre les honneurs dont je viens de parler, l'abandon entier des attributions annuelles dont iljouissait, en observant cependant qu'un homme en bonue santé peut vivre avec un revenu qui serait insuflisant pour un homme mutilé. Ainsi la fixation de la récompense, dans
ce cas, sera déterminée par la nature et par le S suites de l'accident.
La chose publique doit également faire ce sacrifice pour le citoyen qui, né sans fortune, et ne vivant que de la rétribution attachée à son emploi, a poussé sa carrière, même obscurément, jusqu'au terme fatal où les infirmités qui sont inséparables du grand âge, ou qui suivent une vie longuement active et laborieuse, rendent l'existence d'autant plus à charge, qu'on est privé de tout moyen de se procurer les soulagements dont on a besoin. C'est une obligation sacrée et impérieuse pour la chose publique, de se charger de cet infortuné citoyen, et en le rendant au repos qui doit prolonger ses jours, d'assurer sa subsistance, de manière qu'en honorant également l'Etat et le serviteur, l'aspect de celui-ci entretienne dans tous les coeurs cette généreuse émulation, qui est la base de la gloire des empires.
La chose publique doit peut-être encore étendre sa protection et ses soins bienfaisants, jusque sur la veuve d'un citoyen mort dans l'exercice de son emploi, soit par accident, soit de la caducité, sans lui laisser les moyens de vivre après lui ; car il serait contre la dignité et contre les intérêts de l'Etat, d'abandonner à la pitié du peuple, et peut-être au mépris, qui suit ordinairement l'indigence, celle sur l'existence de laquelle l'existence de son mari a pu répandre quelque estime; et cette double considération me paraît déterminante. Si effectivement la population est le thermomètre politique de la situation des gouvernements, elle doit être appelée par tous les appâts qui sont en leur puissance; et le plus puissant de tous est la certitude absolue de la subsistance. Ainsi, pour qu'un citoyen au service de l'Etat, dans quelque profession que ce soit, contribue pour sa part à donner des citoyens à sa patrie, il faut qu'il soit assuré que la compagne qu'il se choisira soit à l'abri du besoin, lorsqu'il ne pourra plus y pourvoir.
D'un autre côté, les vertus civiques frappent vivement le peuple, en masse; mais leur impression s'efface rapidement, et elles ne produisent guère qu'un vain bruit, qu'un sentiment stérile. Leur action, au contraire, est moins vive, mais plus profonde et plus imposante dans l'intérieur des familles (1). Où les peuples ont-ils pris originairement l'idée des vertus propres à la société, si ce n'est dans le spectacle ravissant de plusieurs familles, ou des membres d'une nombreuse famille réunis par un commerce réciproque d'affections et de sacrifices ? Il faut donc, pour les y conserver, favoriser la création des familles, afin que, semblables à ces vierges romaines, chargées de la garde du feu sacré, elles veillent à la conservation du principe générateur des empires. Mais comment se flatter d'un succès, si les individu.0, qui prétendront à l'honneur et à la félicité d'être chefs de famille, sont exposés àdes inquiétudes sur leur subsistance? Je ne m'écarte donc point de mes principes, en associant les veuves aux droits de leurs maris.
Mais dans aucun cas, la chose publique ne doit d'autres récompenses (2) aux enfants des
^serviteurs de l'Etat, orphelins et sans fortune, qu'une éducation, s'ils ne l'ont pas encore reçue, •et ensuite, à mérite égal, la préférence sur tous ieurs concurrents, pour un emploi au service de ,l'Etait.
La chose publique doit encore moins accorder des réversibilités. Une réversibilité, comme toutes -celles accordées depuis 1779, surtout, est l'assurance d'une» récompense à laquelle on n'a pas encore, et à laquelle on n'aura peut-être jamais droit; elle grève les finances de l'Etat par anticipation, enfin, et surtout elle présente un obstacle à jamais insurmontable à la libération du Trésor public.
L'Etat ne doit donc de récompense, proprement dite, qu'aux services extraordinaires rendus à la chose publique, et aux services qui sont bornés par des accidents graves.
Il doit conserver aux emplois réformés ou supprimés, jusqu'à rétablissement ou remplacement, les attributions qui y étaient attachées.
Il doit prendre sous sa protection, enfin, le citoyen vieilli dans son emploi, et la veuve que "celui-ci, par sa mort, laisse dans l'indigence.
Plusieurs récompenses ne peuvent-être réunies sur le même individu : car, avec ce privilège, et dans l'hypothèse, où, doué de toutes les vertus au suprême degré, sa vie civique ne serait qu'une continuité d'actes héroïques et extraordinaires, qui aurait en même temps fixé à ses côtés la reconnaissance de ses contemporains, et enchaîné T'envie à ses pieds, il n'y aurait point de récompense qui ne fût au-dessous de lui : ou il les absorberait toutes, ou elles lui manqueraient à la »«î; Il ne peut donc avoir qu'une récompense; mais à mesure que ses services extraordinaires se succéderont, cette récompense sera susceptible d'extension, ou bien elle sera éteinte par une récompense plus frappante ou plus considérable, soit honorifique, soit pécuniaire. C'est bien à regret que j'emploie cette expression pécuniaire, en parlant de récompenses ; mais comment espérer que nos idées se régénéreront assez profondément pour que l'honneur puisse tenir, avant un très-longtemps encore, le premier rang dans nos jouissances?
Les récompenses étant le résultat des dispositions des gouvernements envers un serviteur, elles peuvent être proposées par un administrateur ; mais elles ne doivent être accordées que par le monarque, dans son conseil; et comme c'est le rapport de l'administrateur qui dirige et qui détermine les opinions plus particulièrement, chacun d'eux, conformément au décret de l'Assamblée nationale, signera son rapport, et en sera Responsable en vers la nation.
Toute autre manière de dispenser les récompenses serait sans doute abusive, et l'expérience l'a assez démontré. Celle qui le serait encore plus, ce serait d'abandonner à chaque département une somme fixe pour la dispensation des récompenses pécuniaires annuelles. D'abord, les récompenses acquerraient ainsi une forme héréditaire, qui ferait du temps un titre exclusif pour les obtenir, tandis que le temps n'est qu'un titre accessoire et subordonné. Ensuite, et comme je l'ai déjà dit, les ministres ne se regardant que comme dispensateurs des récompenses, ils se croiraient autorisés à dispenser celles qu'on laisserait
à leur disposition; et les abus commis depuis la loi de 1779 le prouvent encore.
Rappelons ici les principes que j'ai posés. Faire son devoir n'est qu'un acte de justice; c'est un engagement dont l'exécution ne mérite même d'éloges, que chez un peuple corrompu; faire plus que son devoir, est un effort, un sacrifice, qui mérite une récompense, même chez les peuples vertueux. Ce serait donc commettre une double, faute, d'assigner un fonds annuel pour les récompenses, dans chaque département, à la disposition de l'ordonnateur ; car, d'un côté, ce serait fixer ridiculement le nombre et le prix des efforts et des sacrifices des citoyens employés au service public, ce qui est incalculable, en plus ou en moins, comme tout ce qui s'appelle vertu; et de l'autre ce serait abandonner au jugement privé de l'administrateur l'estimation d'un effort, d'un sacrifice, sur lesquels la chose publique seule doit prononcer, puisqu'elle en a été le seul objet. L'administrateur ,ne peut donc que proposer; c'est le monarque, dans son conseil, qui doit prononcer. C'est ensuite à l'administrateur des finances à tenir en réserve un fonds suffisant pour réaliser les récompenses pécuniaires de tous les départements.
Ce que l'on peut abandonner aux administrateurs, sur leur responsabilité, sans danger pour eux ni pour la chose publique, c'est la disposition, sous les ordres du monarque seul, d'une certaine somme destinée à donner des secours momentanés : cette dépense ne peut guère être considérable, et elle offre à l'administration mille occasions de satisfaire la bienfaisance du monarque.
Les administrateurs proposeront également au conseil la nomination aux emplois ; et comme un individu ne pourra jouir que d'une récompense, il ne pourra non plus être revêtu que d'un emploi. Si l'emploi est en même temps honorable et utile, toutes les récompense utiles, obtenues précédemment, seront supprimées : elles le seront également si l'emploi est à terme, tant qu'on en exercera les fonctions. Mais au moment où elles cesseront, celui qui les exerçait restera dans la jouissance de son état précédent, en sorte que, dans aucun temps, et sous quelque prétexte que ce soit, un seul individu ne puisse jouir de plus d'une récompense, exercer plus d'un emploi, ou réunir une récompense et un emploi, qui est également une récompense, sous quelque aspect qu'on l'envisage. La réunion des récompenses excite la jalousie, qui éteint l'émulation; et la réunion des emplois est un abus absurde en administration. Comment un homme peut-il être en deux endroits à la fois? Si l'un des deux n'exige pas sa présence habituelle, il est inutile; il faut le supprimer. S'il exige une présence, même sans être habituelle, il faut le confier à celui qui pourra s'en occuper exclusivement.
C'est dans le département de la guerre, surtout, que ces abus sont remarquables; et l'Assemblée nationale examinera, sans doute, avec son impartialité aussi juste que sévère, et les gouvernements et les commandements des provinces. Les uns ou les autres sont nécessairement inutiles : et l'on a peine à concevoir qu'un 'gouvernement soit payé très-chèrement, pour être réduit à l'inaction par la présence d'un commandant, qui ne coûte pas moins cher, et qui ne fait que ce que le gouverneur de la province devrait et pourrait faire.
Mais je ne dénoncerai pas en détail des abus à la sagacité et à la sagesse de l'Assemblée nationale. Dans le moment où elle s'occupe de la dis-
pensation des récompenses, j'ai cru devoir lui communiquer mes idées, afin de contribuer, autant qu'il est en moi, à l'établissement de la règle qu'elle croira devoir poser à cet égard. Je n'y attache d'autre mérite que celui de prouver combien je me suis pénétré de son esprit et de ses principes. L'objet principal de ses travaux est une régénération entière de la chose publique, qui doit produire le bonheur de tous; et c'est le vœu de mon cœur.
Mais cette régénération universelle ne peut se faire sans des sacrifices particuliers, parce qu'il y a des circonstances impérieuses, comme celles dans lesquelles nous sommes, où il faut être juste avant que d'être généreux; et où, comme dans tous les temps, même la vraie générosité n'est que le résultat du sentiment intime de la plus exacte justice, au-delà de laquelle elle n'est plus que la prodigalité, qui fait toujours le malheur des peuples.
Espérons que ce fléau repoussé par la constitution nouvelle, et par la régénération des mœurs publiques, ne viendra plus altérer, même retarder la prospérité à laquelle l'empire français est appelé par sa position géographique, par la fécondité de son sol, par la générosité et par l'industrie de ses habitants. Espérons, surtout, ue sous un prince assez magnanime, pour ren-re à ses sujets la liberté que ses prédécesseurs leur avaient ravie, l'Etat reprenant les principes sur lesquels, il repose par sa nature, le trésor de l'honneur, qui est inépuisable sous des administrateurs habiles, suppléera aux autres trésors qui s'épuisent si facilement. (1).
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin.
, l'un de MM, les ^secrétaires, donne ficturs du procès-verbal de la veille.
Je demande une explication sur 1 es pensions, à propos de l'article 4 : je voudrais savoir si l'Assemblée a compris Les ecclésiastiques dans la dénomination de fonctions publiques.
Je propose d'ajourner les explications que demande le préopinant jusqu'après la lecture des adresses en leur réservant la priorité dans Tordre du jour.
Cette proposition est adoptée.
, membre de l'Assemblée, présente l'offrande des boucles d'argent des ouvriers dessinateurs et graveursde la manufacture de toiles peintes de Jouy près Versailles. Ce don patriotique se monte à 11 marcs 4,gros 1/2-
Les députés de la Ferté-Bernard apportent l'argenterie de leur église, en exprimant le
regret sincère des habitants, de ce que des mains sacrilèges, en pillant, il y a six ans, la
sacristie
, député d'Orléans, présente au nom de cette ville et de la paroisse d'Olivet, un don patriotique de 11,400 livres déposé à l'hôtel de fa monnaie.
Parmi les hommages offerts à la patrie était la finance d'un office dont le titulaire avait engagé un député à faire la remise de sa part entre les mains de l'Assemblée, pour serviren même temps à l'acquit de sa contribution patriotique. Ce don portant une condition, on n'a pas jugé à propos ae le recevoir.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses ainsi qu'il suit:
Adresses de félicitations; remerciements et adhésion de la communauté de Vivans en Forez et Lyonnais, de celles de Rozoy-sur-Serre, de Quincy et d'Hondeviliiers en Brie ; elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés.
Délibération de la communauté de Mongrain, généralité d'Auch, portant qu'elle destine au soulagement des pauvres le produit des impositions sur les ci-devant privilégiés ; elle supplie TAs-semblée d'agréer cette délibération.
Adresse de la communauté de Grancey-sur-Ouce en Champagne, contenant l'expression d'un dévouement sans bornes pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale ; elle offre la somme de 3,000 livres payable en avril 1791, pour tenir lieu de sa contribution patriotique.
Adresse du même genre de la ville et banlieue (le Monfianquin en Agenois. Les soumissions des habitants pour la contribution patriotique se portent à la somme de 38,000 livres. Ils demandent la réunion des douze paroisses qui forment actuellement les communautés de Born et Boinet, à celle de Monfianquin, pour être régies par une seule et même municipalité, ainsi qu'elles l'étaient avant les arrêts du conseil de 1726.
Adresse de la communauté de Meyrieu en Dauphiné, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux concernant le maintien de l'ordre et delà tranquillité publique, et la contribution patriotique.
Délibération du conseil provisoire de la communauté de Seyssuel en Dauphiné, dans laquelle il s'élève avec force contre le procès-verbal de4 la, commission intermédiaire des États de cette province/et qui désapprouve la nouvelle division du royaume, et s'attache à prouver que l'intérêt même de la France exige que le Dauphiné ne forme qu'un seul département. Ce conseil provisoire demande que cette province forme au moins trois départements dont un, dans le Viennois, soit uni à la ville de Lyon.
Délibération de la communauté de Notre-Dame-de-ftié en Bas-Poitou, qui adhère avec respect et soumission à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresses de félicitations, remerciements et adhésion des communautés de Cellieu, Lachal et Valfleurie, Saint-Paul en Forez, et Farney près Saint-Chamont en Lyonnais. Ces deux dernières font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Toutes demandent que la ville de Saïnt-Chamont devienne le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresses du même genre des villes de Castil-lonne en A génois, de Montrerender, en Champagne, et de Beaulieu en Bas-Limousin ; elles demandent d'être te chef-lieu de district, et le siège d'une justice royale.
Adresse du -même genre de la communauté d'Aurengue en Gascogne,- elle demande d'être séparée de la ville de Lectoure, et de former une paroisse et une municipalité particulière.
Adresses du même genre du comité de Saint-Laurent en Médoc, et de la communauté de Migé en Bourgogne, qui demande d'être un chef-lieu de canton, et, dans le cas contraire, et qu'elle ne serait pas réunie à la ville d'Auxerre, d'être comprise dans le canton de Courson.
Adresses du même genre des communautés de Remette, de Château-vieux, et de la Roche-des-Arnands en Dauphiné ; elles demandent que la ville de Gap soit le chef-lieu d'un département et le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse du même genre des habitants du hameau de Pouilly, paroisse de Fontenay ; ils réclament la restitution de leurs bois communaux, usurpés par leur seigneur.
Adressedu même genre de la ville de Guingamp en Bretagne ; elle déclare adhérer, sans restriction, à la délibération delà ville de Rennes, contre la chambre des vacations du parlement de cette province.
Adresse des communautés de Montaurd et Mon-land-Saint-Hilaire-de-Beauvoir, Boisseron. Saint-Bauzille-de-Montreuil, et de Ville-Vieille en Languedoc, contenant l'expression de l'adhésion la plus entière, et d'un dévouement sans bornes aux décrets de l'Assemblée nationale. La communauté de Ville-Vieille, indépendamment de la contribution patriotique, fait le don de la somme de 450 livres.
Adresse de la communauté de Veynes en Dauphiné, qui adhère, avec une respectueuse reconnaissance, aux décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi.
Adresse d'adhésion et dévouement de la communauté de Pompignan en Languedoc ; elle demande que la ville de Saint-fiuppolyte soit un chef-lieu de district, et celle de Montpellier chef-lieu de département.
Adresse du comité municipal du bailliage de Saint-Sauveur-Landelin, séant à Periers, qui présente de nouveau à l'Assemblée nationale le tribut de la vénération, de la reconnaissance et du dévouement le plus absolu de cinquante mille citoyens dont le bailliage est composé; il demande avec instance la conservation de ce bailliage.
Adresse d'adhésion des communautés de Moulins, Chatenay, Deffand, Fontaine-Saint-Denis, Tonnerre, Lonême, la Vilotte et Dracy en Bourgogne ; elles demandent que la ville de Toucy soit chef-lieu de district, et celle d'Auxerre chef-lieu de département.
Adresse du comité de correspondance de la ville de liî>yonne, contenantfélicitations, remerciements, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. 'Cependant il la supplie de considérer s'il n'est pas de l'intérêt de l'Etat encore plus que de celui de cette ville, de conserver les immunités particulières dont son port jouit. Il expose les vives alarmes des habitants sur les propositions qui tendraient à la subversion subite du régime qui a rendu nos colonies florissantes, et fait prospérer notre commerce.
Délibération du présidial de la ville d'Auch, qui, persuadé que c'est rendre l'hommage Je plus pur à l'Assemblée nationale que de faire jouir
promptement les peuples des fruits de sa sagesse, a déclaré qu'il rendra désormais la justice gratuitement
Adresse, de la communauté de Vezenobre, diocèse d'Alais en Languedoc, qui profite avec empressement du renouvellement de l'année, pour féliciter l'Assemblée sur ses glorieux travaux, et lui jurer de nouveau un dévouement sans bornes pour l'exécution de ses décrets.
Adresse des officiers d'administration de la marine du port de Brest, qui présentent à l'Assemblée nationale un mémoire sur l'organisation actuelle du service administratif que le roi a confié à leurs soins, et lui offrent en même temps, l'hommage de leur respect et de leur soumission.
Délibération de la communauté de Beyenac en Béarn, contenant l'expression d'une adhésion absolue à tous les décrets rendus et à rëndre par l'Assemblée ; elle réclame la pleine possession et jouissance de 240 arpents de bois que leur seigneur avait usurpés.
Adresse de la municipalité de Saint-Michel en l'Herm bas-Poitou, qui adhère à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale ; elle annonce que les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, qui possèdent en ce bourg un abbaye dont les revenus valent au moins 100,000 livres, se sont empressés de vendre la plupart de leurs effets mobiliers, et les bestiaux de toute espèce qui servent à l'exploitation de leurs domaines, dès qu'ils ont été instruits du décret concernant les biens ecclésiastiques.
Adresse de deux cents électeurs des communes de la sénéchaussée de Bordeaux, contenant l'expression la plus énergique des sentiments d'admi ration de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale. Us vouent à l'exécration et vindicte publique tous ceux qui porteraient la moindre atteinte à l'inviolabilité des représentants de la nation. Ils votent pour l'institution d'une fête civique, qui consacre et éternise le jour de la liberté française, et que l'année actuelle soit la première d'une ère nouvelle, Vère de la liberté. Ils supplient l'Assemblée de ne pas désemparer pendant une année encore, jusqu'à ce que la constitution des deux pouvoirs, législatif et exécutif, non-seulement ait été fixée irrévocablement, mais qu'elle ait pris une marche régulière, constante, et d'un ensemble propre à rassurer la nation sur le maintien de ses droits et de sa liberté. Ils annoncent que les communes qu'ils représentent font le don patriotique d'une portion de leur argenterie, le prêt gratuit de tout le reste pour six mois, et le quart de leur revenu d'une année sans aucun espoir de remboursement. Plusieurs d'entre elles consentent à payer leur contribution pour les impôts de 1790, moitié dans le courant du présent mois de janvier, et moitié dans le mois de juillet suivant.
Adresses des villes de Gap et Monlelimart en Dauphiné, contenant désaveu des observations faites et répandues par la commission intermédiaire des Etats de cette province, et la protestation formelle de respecter et faire respecter les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment la division des provinces. >
Et parmi tant de témoignages satisfaisants, l'Assemblée, particulièrement touchée- des sentiments de reconnaissance, de patriotisme et d'amour d'une sage liberté, qui ont dicté l'adresse énergique de la sénéchaussée de Bordeaux, a fait relire cette adresse, et ordonné qu'elle fût imprimée dans son entier.
Adresse des deux cents électeurs des communes de
la sénéchaussée de Bordeaux à l'Assemblée nationale.
Augustes représentants de la nation,
C'est à vous, seuls revêtus de tout le pouvoir des Français qui vous l'ont commis, que nous en renouvelons l'hommage, après vous en avoir conféré la portion qui nous appartient, indivisible, inséparable de l'ensemble. Le caractère d'énergie et de dignité qu'il a repris dans vos mains, impose à notre reconnaissance de vous en rapporter toute la gloire. Les combats qu'il vous faut livrer ou soutenir pour le défendre et le garder dans toute son intégrité, nous avertissent des dangers qui l'environnent, par les efforts de courage qu'il vous a coûté.
Depuis que cette puissance suprême de la nation, dont vos décrets sont les organes, a créé le pouvoir exécutif, qui n'est que son agent et son instrument, on a tenté, mais en vain, de faire méconnaître la source de ce même pouvoir au dépositaire à qui vous l'avez conlié. C'est le moment où tout citoyen a droit d'élever sa voix; et ce droit lui fait un devoir de parier, puisque le salut de la cause publique en dépend.
Oui, nous devons et nous osons dire à la face de l'univers qui dresse des trônes et les abat, qu'à toutes les nations, la nature a donné de se gouverner elles-mêmes, par des Rois, ou sans Rois; d'étendre, abaisser, armer ou désarmer le bras qui manie les rênes des empires; de ne devoir compte à personne de l'exercice de leur puissance, mais de l'exiger, ce compte, de tous ceux qu'elles interrogent sur l'usage d'une autorité déléguée.
Tous les peuples doivent savoir qu'ils sont établis par le ciel et la terre les arbitres et les juges comme les créateurs de leur gouvernement, que personne ne peut disputer ni sur la portion qu'ils s'en réservent, ni sur la part qu'ils en transmettent; que c'est à eux d'en modifier les formes comme le fond, et que des législateurs n'altèrent point les droits de celui dont ils restreignent le pouvoir, parce que nul n'a de droits dans un Etat, qui ne soient donnés par le peuple.
Que ces maximes, trop longtemps enfouies sous le trône et l'autel, sortent enfin d'un silence où la terreur les tenait captives depuis dix siècles! que les nations se réveillent pour les entendre; et que les races, jusqu'ici les plus humiliées, osent les reconnaître. Ces maximes sont écrites dans un inonde nouveau : comment le vieux monde pouvait-il les ignorer? Si l'on tremble de révéler aux peuples tous leurs droits, de peur qu'ils n'en abusent, combien, dans les mains de ces hommes élevés seuls au-dessus d'un peuple, était plus redoutable l'abus des droits qu'ils n'avaient pas, mais que des passions sans digue et sans guide avaient ravis ou surpris, illimités dans leur exercice, comme usurpés dans leur origine?
Tel est le langage éternel de la liberté, qui, créant ou ressuscitant des hommes arrachés au néant, au tombeau de la servitude, change les idées en paroles, et les paroles en actions. Mais cette liberté, qui compte déjà ses martyrs et ses conquérants en France, également héros par la victoire ou la mort, demande, sinon des victimes, encore des sacrifices. Elle les obtiendra sur les retranchements du luxe, sur la générosité des familles opulentes, sur l'aisance commune des
conditions médiocres, et sur les besoins mêmes du peuple. Mais de ces sacrifices de fortune renaîtra la prospérité, comme la probité de l'Etat. Les villes recouvreront bientôt, par l'économie de la dépense, l'équivalent de leurs dons provenus des gains de l'industrie; la frugalité repeuplera les campagnes pour les mieux cultiver : la société s'épurera des vices que la vanité répandait dans toutes les classes. Alors la nation sera digne de cette liberté, dont elle ne saurait goûter les fruits qu'après en avoir acquis les vertus. On ne l'achète, on ne la conserve qu'à ce prix; car il ne suffit pas d'en avoir les lumières, s'il y manque les mœurs.
Faisons d'abord à la liberté le sacrifice de nos biens; celui de nos vies nous coûtera d'autant moins que nous le vendrons plus cher. Le moment est venu, peut-être, où chaque citoyen doit s'interroger et se dire : Vaut-il mieux mourir libre, ou vivre esclave? Mais si le dédommagement des impôts est la liberté, pavons-les, et soyons libres. Cependant attachons-nous à nos sacrifices comme au trésor le plus précieux, puisqu'il sera celui de l'Etat ; et faisons-le valoir par le mérite des privations qu'il doit nous coûter : s'abstenir pour donner est un engagement, comme un moyen, d'en devenir meilleur et plus vertueux. Moins de jouissance accroît les forces, et nourrit le courage que demande la liberté.
La liberté veut être arrosée des nobles sueurs du travail, souvent d'orages populaires, et quelquefois de sang. Mais ce sang régénéré par ses pertes, se multiplie en se prodiguant, et donne de nombreux enfants aux pères qui savent îe verser pour la patrie, mère féconde, inépuisable, et qui ne meurt jamais, tant qu'elle ne s'immole que sous les drapeaux de la liberté.
Sans cet héroïque enthousiasme, le seul utile aux nations, comment espérer du peuple les réserves mêmes de la pauvreté, pour subvenir à la ruine de l'Etat, accumulée ou précipitée par l'abus et la présomption de ses richesses? Mais quelle odieuse trame n'a pas craint de repousser ou de suspendre le plus généreux sacrifice, ou le plus onéreux subside qui fut jamais peut-être imposé sur un peuple! Quoi! c'est lorsque l'Assemblée nationale, avec les trente provinces qu'elle représente, se confiait et se dévouait au salut de l'Etat, qu'il était encore menacé, cet Etat, ou plutôt ce peuple pour qui l'on avait tout osé, parce qu'on le devait?
La monarchie attachée à la liberté, l'aristocratie soumise à l'égalité, la magistrature soustraite à la vénalité, la permanence de l'Assemblée nationale, l'unité de sa représentation, la périodicité de ses législateurs, les domaines de la couronne et de l'Eglise, inaliénables en ce qu'ils appartenaient à l'Etat qui peut seul en disposer, enfin restitués à leur unique propriétaire; que de conquêtes, en peu de jours, assurées aux droits de l'homme, à la souveraineté de la nation! Quelle dette vous avez payée au genre humain, bienfaiteur^ immortels de la France! Mais tant de biens auraient été perdus pour nous, lorsque, prodiguant tout avant d'avoir joui de rien, nos mains pleines de dons, d'offrandes et de sacrifices, venaient en racheter le salut de la patrie!... Imposons-nous silence sur ce dernier péril, restes et feux mourants d'un premier incendie; mais que des institutions et des monuments parlent pour nous.
Il est temps de consacrer et d'éterniser le jour de la liberté française par une fête civile qui nous en rappelant tous les ans l'ineffaçable souvenir,
fasse croître à jamais dans nos âmes le sentiment -et l'amour de cette liberté.
C'est à vous, vénérables sauveurs de la nation, à vous qui, défiant les proscriptions, nous avez acquis la liberté, comme les derniers Romains l avaient perdue, c'est à vous d'en proclamer la fête anniversaire. Voici le sujet et l'occasion d'imiter ce peuple insulaire, proposé si souvent, et même insidieusement, pour modèle à votre auguste Assemblée. Tous les ans il célèbre la mémoire d'une conjuration qui ne lui coûta pas même la crainte du danger. Depuis plus de cent cinquante années, on solennise à Londres la découverte de la Conspiration des poudres. Solenni-sons aussi la fête du Saint ou de la Liberté française; et que le 15 de juillet soit désormais un jour sacré dans les fastes de notre histoire civile.
Ce n'est pas tout : commençons une ère nouvelle, l'ère de la liberté ; et que l'année 0(1 nous courons en soit la première. Qu'elle soit inscrite, sous ce titre, dans nos annales, nos calendriers, et dans nos actes publics. Que le monument promis à Louis XVI, restaurateur de la liberté française, porte en inscription le jour de cette restauration, et l'année première de cette ère nouvelle. Que ce monument, entouré de portiques superbes, s'offre, de toutes parts, au travers de ces arcs de triomphe, toujours ouverts aux réclamations des peuples. Nul citoyen n'y passera, sans se dire : Je suis libre. Toutes les provinces de cet empire, toutes les nations de l'Europe y viendront applaudir à ces fidèles enfants de la capitale, qui, semblables au héros prodigieux des annales saintes, secouant et renversant sur eux-mêmes les colonnes d'un impie édifice, en ont écrasé les ennemis de la liberté.
Que dans ce jour de commémoration on renouvelle partout le serment de fidélité nationale à la liberté. Qu'il soit prêté par les troupes, qui, soit engagées, soit volontaires, désormais toutes nationales, et non royales, arboreront sur leurs drapeaux, le nom et l'emblème de la liberté.
Que tous les ministres viennent garantir leur responsabilité par ce serment à votre auguste Assemblée qui leur en prescrira la formule.
Que nul dans le royaume ne soit exempt de ce religieux engagement de fidélité.
Qu'un serment de soumission à tous les décrets de l'Assemblée nationale soit exigé de tous les citoyens jusqu'ici privilégiés, qui voudront être ou rester chargés de fonctions dans les emplois publics, ou même dans les troupes patriotiques. Qu'on invite tous ces anciens privilégiés que l'on n'aura pas appelés au serment, à le prêter d'eux-mêmes. Le3 uns le doivent à la sûreté publique, les autres à leur sûreté personnelle.
Alors, seulement, on pourra se fier à la législation, à ses sanctions, à tous les dépositaires du pouvoir, quel qu'il soit. Alors tous les sacrifices que l'Etat demande pour se libérer lui-même, seront offerts et consommés avec une plénitude de confiance, de satisfaction et de sécurité.
Mais que votre Assemblée, en qui seule nous avons cette confiance entière, ne désempare pas du timon de la liberté pendant une année encore, jusqu'à ce que la constitution des deux pouvoirs, soit législatif, soit exécutif, non-seulement ait été fixée irrévocablement, mais qu'elle ait pris une marche régulière, constante, et d'un ensemble propre à rassurer la nation sur le maintien de ses droits et de sa liberté.
Appel à la nation tout entière dans la masse et sous la dénomination des communes, contre ces provinces ou ces villes qui ne rougissent pas
d'accuser la capitale de violer cette liberté qu'elle nous a conquise et cimentée de son sang; contre ces bandes séditieuses de nos vieilles armées qui combattraient pour la tyrannie en repoussant la liberté nationale; contre cette hydre de l'Aristocratie, qui, soulevant ses trois têtes dévorantes, menace encore la liberté française.
Appel à toutes les nations de l'Europe, contre ces princes étrangers qui, propriétaires en France, voudraient, en y revendiquant des droits injurieux à l'homme, y perpétuer les flétrissures et les plaies de la servitude féodale.
Ligue défensivedes peuples contrela ligue offensive des cours, pour l'asservissement du genre humain.
Ligue de la France avec l'Angleterre, pour la liberté réciproque des deux nations, désormais émules de gloire, et non rivales d'ambition.
Invitation à l'Europe entière de diminuer le nombre des troupes soudoyées qui surchargent les Etats d'impôts, et privent l'agriculture d'un travail reproducteur des revenus.
Invitation à traiter et s'assurer de la paix perpétuelle, par l'établissement d'une Assemblée permanente des nations, ou d'un congrès ambulant, chez les divers Etats confédérés de cette paix générale.
Invitation à toutes les puissances colonistes de l'Amérique à s'acheminer vers l'affranchissement des noirs par tous les moyens concertés entre elles, de concilier la liberté de ces esclaves avec le dédommagement des colons, et d'opérer enfin une révolution qui doit être la régénération de l'espèce humaine.
A ces conditions, qu'aucune province n'est en droit d'imposer, mais qu'il est permis à toutes de proposer à l'Assemblée nationale, les deux cents électeurs des communes de la sénéchaussée de Guyenne offrent leurs biens, leurs bras, leur vie et leur sang à la nation entière.
Elles promettent d'avance, ces mêmes communes, par leurs représentants assemblés, le don d'une portion de leur argenterie, le prêt gratuit de tout le reste pour six mois, et le quart de leur revenu d'une année. Renonçant à l'espérauce d'un remboursement promis et remis à des temps où nul de ceux qui pourraient y prétendre ne sera plus au nombre des vivants, elles cèdent tout leur don gratuitement, sous la seule réserve d'être libres.
Plusieurs de leurs communautés consentent à payer leur contribution pour les impôts de 1790, moitié dans le courant de janvier prochain, moitié dans le mois de iuillet suivant ; et celles à qui la disette et l'indigence ne permettent pas d'accélérer cette offrande, se plaignent avec larmes de ne pouvoir acquitter si promptement ce vœu de leur âme toute patriotique.
Elles consentent à reconnaître désormais, comme loi, tous les décrets arrêtés par l'Assemblée nationale, sans attendre même la sanction royale, ni s'asservir, autant qu'elles pourront s'y refuser, au frein d'aucune espèce de veto, qu'elles regardent, du moins jusqu'à présent, comme contraire ou préjudiciable au pouvoir législatif de la nation. L'abus qu'on a déjà fait de ce veto, dès ses premiers essais, par des observations, des limitations, et des avis correctifs, comme si l'Assemblée envoyait ses décrets non à la sanction, mais à la censure; ce langage au-dessous de la dignité royale, et de la majesté nationale, n'e^t propre qu'à restreindre ou gêner le libre exercice de la puissance législative qui n'appartient qu'à la nation.
Enfin, les communes de la sénéchaussée de Guyenne jurent par la voix des deux cents électeurs leurs représentants, d'employer tous les moyens qui sont en leurs mains, pour que toute atteinte portée à l'inviolabilité des députés de la nation, et surtout à leur vie, soit poursuivie et vengée sur le sang et la mémoire de leurs infâmes prescripteurs, comme assassins de la liberté nationale.
C'est le voeu que vous adressent pour gage de leurs respects solennels, de leur profond dévouement patriotique et de leur éternelle reconnais-.sance,
Augustes représentants de la nation.
Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
Les deux cents électeurs des communes de la sénéchaussée de Bordeaux.
Signé : Rivière, Florence, Aubert, Fa-gouet, Grousiet, Laconfourgue, Da-rolle, delisse, martin, gobineau, boù-tet-Devignes, Fr.-T. Rey, Dupby, Leglise Faubet, Goumin, Cauderès, Aubigey, Percy, Destriblet, Dufourcq, Deleyre, Présidents des deux cents électeurs. Bordeaux, ce 14 novembre 1.789.
Je propose -de mettre en délibération immédiate le vœu des électeurs.
Cette motion n'est pas appuyée et n'a pas de ; suite.
rend eompte à l'Assemblée de la mission qu'il a reçue d'aller à la tête d'une députation supplier le Roi de fixer la somme que Sa Majesté jugera convenable pour l'entretien de' son auguste famille et pour les dépenses de sa maison.
Le Président, dans cette circonstance, a adressé au Roi le discours suivant :
« Sire,
« L'Assemblée nationale nous a députés vers Votre Majesté, pour la supplier de vouloir bien fixer elle-même la portion des revenus publics, que la nation désire consacrer à l'entretien de votre maison, à celle de votre auguste famille, et à vos jouissances personnelles. Mais, en demandant à Votre Majesté cette marque de bonté, l'Assemblée nationale n'a pu se défendre d'un sentiment d'inquiétude que vos vertus ont fait naître. Nous connaissons, Sire, cette économie sévère qui prend sa souree dans l'amour de vos peuples, et dans la crainte d'ajouter à leurs besoins. Mais qu'il serait déchirant pour vos sujets, le sentiment qui vous empêcherait de recevoir les témoignages de leur amour ! Vous avez cherché votre bonheur dans celui de vos peuples. ? Permettez qu'à leur tour ils placent leurs premières jouissances dans celles qu'ils peuvent vous offrir; mais, si nous ne pouvons vaincre par nos désirs la touchante sévérité de vos mœurs, vous daignerez du moins accorder à la dignité de votre couronne l'éclat et la pompe, qui, en ajoutant à la majesté des lois, devient, pour vos peuples, un moyen de bonheur. Vous le savez, Sire, ils ne peuvent être heureux que par le respect des lois, et la majesté du trône en est inséparable. La classe la plus infortunée jouira d'une dépense essentielle à la dignité de la couronne, car la
plus voisine de l'oppression est la plus intéressée au maintien des lois. Ainsi, c'est pour te bonheur de vos peuples que nous venons contrarier ces goûts simples et ces -mœurs patriarchales, qui vous ont mérité leur amour, et qui montrent aux nations l'homme le plus vertueux dans le meilleur des rois. »
fait part de la réponse du Roi qui â dit :
« Je suis sensiblement touchéde la délibération de l'Assemblée nationale, et des sentiments que vous me témoignez de sa part. Je n'abuserai point de sa confiance, et j'attendrai, pour m'expliquer à cet égard, que, par le résultat des travaux de l'Assemblée, il y ait des fonds assurés pour le paiement des intérêts dûs aux -créanciers de l'Etat, et pour suffire aux dépenses nécessaires à l'ordre public et à la défense du royaume. Ge qui me regarde personnellement est, dans la circonstance présente, ma moindre inquiétude. »
La réponse de Sa Majesté est accueillie par des acclamations unanimes et répétées. — Trois fois on en demande la lecture et trois fois les cris de Vive le Roi se font entendre au milieu d'universels applaudissements.
Je demande si votre comité a des bases fixes pour faire le département de La maison du Roi, ]e propose, en même temps, de fixer dès à présent la liste civile d'une manière grande et digne de la nation.. : (L'Assemblée témoigne qu'elle n'est pas disposée à délibérer sur cette matière. — M. Guillaume quitte la tribune).
L'Assemblée revient à la discussion du décret rendu la veille au sujet des pensions.
Je prie l'Assemblée de déclarer, que le paiement de 2,000 livres qu'elle a décrété s'applique à une seule année d'arrérages échus et que, dans le cas où il serait dû deux années, il sera payé deux fois 3,000 livres.
L'Assemblée consultée déclare que telle est son intention.
Je demande qiie dans les réductions décrétées ou excepte les représentants du chevalier d'Assas, et ceux de M. le comte de Chamborsdont le malheureux père a été tué accidentellement à la chasse par M. le Dauphin, pèœ du monarque actuel. M. le général Luckner ne serait également pas compris dans les réduirions.
L'exception est prononcée sans opposition eu faveur des représentants de M. le chevalier d'Assas et de M. le comte de Ghambors.
Des réclamations s'élèvent au sujet de M. le général Luckner.
M. le général Luckner ne doit pas faire une exception, car la préférence qu'il a donné à la France sur les autres Etats .qui voulaient l'attirer dans leur parti ne nous a pas procuré d'avantages et si on lui accorde une faveur semblable, il faut également l'octroyer à tous les officiers étrangers qui jouissent de pensions.
Le général Luckner a battu les armées françaises, mais ensuite il a préféré s'attacher à nous lorsque toutes les puissancesvde l'Europe cherchaient à le gagner à. leur cause. Sa pension doit être conservée.
S'il est vrai, comme M. de
Wimpfen l'a dit dans cette tribune, que le général Lucknernous avait prouvé ses talents en nous battant daus la dernière guerre, cette pension me paraît un contrat sacré.
C'est une capitulation ; il nous a fait beaucoup de mal ; il aurait pu nous en faire davantage. Il s'agit d'exécuter des conventions qu'une nation doit respecter.
M. Luckner est un grand militaire, il serait honteux pour la nation française de méconnaître des engagements solennels.
S'il y a une exception honorable à faire, c'est en faveur de la veuve de M. du Couédic. (Applaudissements.) Je demande aussi que tous les officiers étrangers soient aussi exceptés. Nous le devons à cause de leurs services. Je demande que le nouveau comité soit nommé dans le jour.
Je ne m'oppose point à ce que M. Luckner conserve sa pension, mais je ne crois pas qu'il doive y avoir quelque préférence à cet égard sur M. le maréchal de Ségur, qui, n'ayant aucune fortune personnelle, avait eu le bras emporté et un coup de fusil au travers du corps.
Je réclame aussi pour madame la maréchale de Muy, qui est étrangère.
parle avec force pour l'exception du général Luckner.
Je demande l'ajournement sur toutes les motions qui viennent d'être faites à l'exception de celles qui concernent le chevalier d'Assas, le comte de Chambors et le général Luckner.
L'Assemblée prononce l'ajournement et décrète la troisième exception démandée.
, député du Cou-serans, fils de M. de Chambors, tué à la chasse par Mgr le Dauphin, s'empresse de témoigner à l'Assemblée combien il est sensible à l'honorable distinction dont il est l'objet.
, évêque de Clermont. Il est de la justice de la nation de se charger des dettes des pensionnaires qui se trouvent atteints par votre décret d'hier ; j'en fais la motion formelle. (Des murmures s'élèvent dans toute la salle.)
Cette motion n'a pas de suite.
On revient à l'article 4 du décret sur les pensions.
L'Assemblée nationale a décrété que les revenus des bénéficiers absents.... (une grande rumeur interrompt l'orateur, qui reprend ensuite en ces termes :) l'Assemblée a décrété que les revenus des bénéficiers absents du royaume, sans mission du gouvernement pour vaquer aux affaires de l'Etat, lesdits revenus provenant de leurs bénéfices, seront arrêtés et Versés dans, le Trésor public.
(de Nemours). A la caisse de l'extraordinaire.
Voici la rédaction que je propose.
« Que les revenus des bénéfices dont les titulaires sont absents du royaume, sans mission du gouvernement pour vaquer aux affaires de l'Etat, seront arrêtés et versés dans le Trésor public. »
Les bénéficiers français expatriés sont absents, ou par pusillanimité, et notre décret, prévoyant leur retour, les met sous la protection de la loi ; par la crainte de partager les dangers delà patrie dans ce moment d'orage, et alors ils ne doivent pas en partager les avantages ; ou par anti-patriotisme, et alors nous ne devons pas d'égards à ceux qui seraient allés dans des terres étrangères cacher leur honte et l'argent de la France.
Je demande que, si dans quatre mois les bénéficiers absents du royaume n'y sont pas rentrés pour s'occuper des fonctions qui leur sont confiées, ils soient privés de leurs bénéfices.
11 est impossible de comprendre l'Ordre de Malte dans ce décret: ses membres sont attachés par les lois de l'honneur et de la religion à un service qui les appelle hors du royaume.
Point de lois pénales contre des hommes qu'une crainte mal fondée a éloignés pour un moment ; jamais un Français ne quitta sa patrie sans avoir l'espoir de retour.
Je crois aussi que vous ne devez point toucher à un Ordre aussi respectable que celui de Malte; mais je vote pour la motion de M. Bouche, en ajoutant que le bénéficier qui va dans une terre étrangère consommer des fruits destinés aux pauvres, doit en être privé.
Je crois devoir défendre les intérêts des ecclésiastiques absents, quoique je n'en connaisse aucun.
Nous devons les plaindre et non pas les persécuter. Lorsque Louis XIV défendit les émigrations des protestants, sous des peines très-graves, ; cet acte fut dénoncé dans l'Europe comme un acte de tyrannie- Ce n'est pas par des lois pénales qu'on gouverne les peuples.
Le nombre des Français absents du royaume n'est pas assez considérable ; des raisons de santé peuvent les retenir ; des menaces effrayantes ont pu les déterminer à s'expatrier : tout le monde est instruit des lettres comminatoires et clandestines écrites à M. l'archevêque de Paris, ce prélat si vertueux, digne d'être cité pour exemple.
M. l'abbé Maury fait alors un éloge qui est applaudi d'un côté de la salle.
L'exemple cité prouve contre M. l'abbé Maury, puisqu'il doit connaître que M. l'archevêque avait une mission publique, ainsi que M. le duc d'Orléans. Le préopinant a défendu la cause d'une personne ; je ne défends que la loi; le législateur ne connaît que la loi : je propose donc le renouvellement des lois contre l'absence des bénéficiers. Les ordonnances de Blois et d'Orléans sont précises à l'égard de la résidence.
On a bien dit, dans la déclaration des droits, qu'un homme peut aller et venir où il lui plaît ;
mais cette déclaration n'a pu dire que celui qui avait un emploi public à exercer, et que l'Etat payait pour cela, ne dût pas remplir ses fonctions. Il a proposé « que ses biens fussent, non-seulement mis.en séquestre, mais que le décret s'étendît sur l'Ordre de Malte. »
M. Renaud observe que les chevaliers de Malte sont liés à leur devoir par les voeux de la religion et les lois de l'honneur. Il ne croit pas que le préopinant ait fait sa motion sérieusement.
Je m'attacherai seulement aux principes cités; ce sont les ordonnances de Blois et d'Orléans : elles ne disent pas que, lorsqu'un bénéficier est sorti du royaume, on saisira ses revenus, on les mettra en séquestre; auparavant, on devrait le sommer, l'avertir de son devoir.
Les lois sur l'absence sont du ressort de l'Assemblée nationale ; les raisons d'absence sont du ressort des tribunaux; c'est aux tribunaux qu'appartient le droit de juger des raisons qui peuvent valider la non-résidence. Quand M. l'archevêque de Paris vous dira que MM. de Lafayette et Bailly l'ont prévenu que sa tête n'était pas en sûreté dansée royaume, que pourrez-vous lui objecter...? Le dévoir du législateur n'est pas d'interpréter la loi, mais de la réformer ou de la faire ; ce n'est que le jurisconsulte qui peut la réclamer. Je vais parler pour M. l'archevêque de Sens, et je ne serai pas suspect : ce prélat vous dira qu'il est cardinal, qu'il est par conséquent membre du sacré collège; il peut donc se trouvera Rome. Conformez votre décret aux principes de votre déclaration des droits, de l'éternelle justice. Vous êtes la législature, vous n'êtes point un tribunal.
La discussion est fermée.
Quelle que soit l'opinion que quelques membres de l'Assemblée peuvent avoir prise du décret, il est rendu, il est inaltérable. Cependant la motion proposée et la discussion qu'on a rouverte tendent à l'altérer. L'amendem ent de M. Camus est contraire à ce décret. Vous avez déclaré les revenus des ecclésiastiques absents acquis à la nation ; ils ne peuvent donc être mis en séquestre. Le séquestre préjuge toujours un droit à celui qui possédait. Au reste, je pense qu'il n'estpas nécessaire, pour condamner un bénéficier absent, dele mettre en demeure. Les lois citées le condamnent ipso facto. Celles qui statuent sur la résidence des ecclésiastiques statuent aussi sur . celle des magistrats, et toutes les fois qu'un magistrat sortidu royaume sans permission meurt, sa charge est confisquée. Je pense que le décret rendu hier renferme toutes les fonctions civiles, militaires et ecclésiastiques, et i'en conclus qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion et sur les amendements proposés.
Dans toute autre circonstance le règlement proposé serait aussi juste qu'utile ; mais dans un moment où l'on accuse beaucoup d'individus du crime de lèse-nation, et où ce crime n'est point encore défini, ce règlement pourrait être dangereux. En conséquence je demande l'ajournement de la question à un temps plus calme.
C'est dans un moment de trouble que tous les citoyens doivent être à leur poste. Ceux qui l'ont quitté ne peuvent plus avoir de revenus attachés à des fonctions qu'ils n'exercent plus. C'est un devoir pour nous de rappeler
des citoyens que la crainte a éloignés ; c'est une justice et un devoir de ramener des ecclésiastiques à la résidence. Pourquoi souffririons-nous ue les peuples soient privés de leurs secours? ourquoi continuerions-nous à prodiguer les deniers publics à des hommes inutiles par une absence dangereuse à l'Etat, puisqu'elle cause essentiellement la disparition du numéraire? Il faut délibérer ; nous le devons, même par intérêt pour des citoyens fugitifs, qui regrettent sûrement leur patrie, et qui, rappelés par nous, seront à l'abri de tous les dangers.
En Ce cas, il fallait déclarer qu'ils sont spécialement sous la sauvegarde de la loi.
Nous devions affilier à la France tous les peuples de l'univers, et nous attaquons déjà la liberté des Français 1 Ah ! Messieurs, les Français émigrés regrettent leur patrie; ils reviendront quand ils seront sûrs de retrouver en France liberté et sûreté quand vous aurez rétabli ce que vous avez détruit... On a cité les ordonnances de Blois et d'Orléans; mais dans le temps où elles ont été rendues, il n'y avait ni lanternes, ni baïonnettes.
La discussion est fermée.
La question préalable, demandée sur la motion principale, est rejetée.
On lit la motion de M. Bouche et les amendements proposés par divers membres.
demande la question préalable sur tous les amendements.
veut qu'on la pose successivement sur chaque amendement.
On fait une épreuve sur l'amendement de M. Martin, qui veut que les procureurs généraux soient tenus de faire les monitions nécessaires avant de séquestrer les revenus.
Get amendement est rejeté.
Ceux dé MM. de Custine, l'abbé Texier et l'abbé deBonneval, sont aussi rejetés. Ce dernier demandait six mois pour les absents du royaume, et un décret qui les mette sous la sauvegarde de la nation.
L'amendement de M. Camus est accueilli ; il porte que les revenus des bénéfices dont les titulaires sont hors du royaume seront mis en séquestre.
Je demande que le décret,n'ait son effet que trois mois après sa publication.
Je propose de borner le décret aux bénéfices à charge d'âmes.
Cette proposition est rejetée.
On met aux voix les amendements de MM. de Cazalès et Camus.
Ils sont'adoptés.
J'observe qu'il est assez inutile de décréter le séquestre des revenus, si l'on ne prononce qu'ils seront versés dans la caisse de l'extraordinaire.
A peine cette motion, appuyée par M. Gassendi, est-elle faite, qu'une partie de l'Assemblée empêche l'orateur de continuer.
Il v a une destination plu3 sacrée de ces revenus, c'est de les employer à des travaux de charité.
Il faut ajouter ces mots : « Ceux qui sont absents sans permission du Roi antérieure au décret. »
On va aux voix ; quelques membres trouvent l'épreuve douteuse,; M. le président propose de la renouveler, mais plusieurs membres réclament l'appel nominal, et on y procède, sur la question de savoir s'il suffisait d'avoir une permission du Roi, ou s'il fallait une mission du gouvernement.
Enfin, la majorité des voix est pour l'opinion de ceux qui exigent une mission du gouvernement.
Le décret suivant est rendu : « Les revenus des bénéfices dont les titulaires français sont absents du royaume, et qui le seront encore trois mois après la publication du présent décret, sans une mission du gouvernement antérieure à ce jour, seront mis en séquestre. » Il est près de cinq heures.
consulte l'Assemblée pour savoir s'il y aurait encore une séance le soir; l'Assemblée juge la chose impossible. Elle est easuite consultée pour savoir s'il y en aurait encore une le lendemain jour des Rois, et il est de même déclaré qu'il n'y en aurait point.
lève la séance, renvoyée au surlendemain à 9 heures 1/2 du matin.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 janvier.
Le procès-verbal mentionne bien les divers amendements qui ont été présentés, mais iï ne les énonce pas dans leur ordre de présentation.
La rectification du procès-verbal sera faite dans le sens demandé par le préopinant,
J'observe que, dans le décret rendu le 5, il y a un mot dont l'acception est trop générale ; c!est celui de bénéficier. Il n'est pas possible qu'un étranger, tel par exemple que le cardinal aTort, auquel le Roi a conféré des bénéfices, soit astreint à venir résider en France, ainsi que l'expression du décret semble l'y obliger. Pour biemi préciser le sens véritable du décret il suff&je crois d'ajouter un seul mot et de dire bénéficier françàis.
consulte l'Assemblée qui adopte l'adjonction proposée par M. Treilhard.
, député de Bordeaux. Messieurs, on vous a lu hier une adresse de 200 électeurs de la
sénéchaussée de Bordeaux qui, en fait, n'est signée que par 23 d'entre eux. L'enthousiasme de
la chose publique les a fait s'avanceç trop loin lorsqu'ils'ont promis au nom de la
sénéchaussée de payer en janvier le 1er se-
Je demande qu'il soit sursis momentanément à l'impression qui a été ordonnée de cette adresse et que la lettre que M. le Président devait écrire soit différée jusqu'à ce que nous connaissions d'une façon plus positive les intentions de la sénéchaussée.
Ces propositions sont adoptées.
L'Assemblée nationale, en rendant son décret sur les pensions, a fait une exception honorable en faveur de M. le général Luckner; je la supplie d'étendre la même faveur à un grand mathématicien, à M. Lagrange le plus célèbre géomètre de l'Europe, auquel plusieurs souverains ont offert des traitements considérables, mais qui a préféré se fixer en France avec une pension de 6,000 livres.
Dans le cas où ma demande ne pourrait être accordée, je prie l'Assemblée de me donner acte de ma démarche auprès d'elle.
Je ferai observer à l'orateur que le travail du comité sur les pensions ne se fera pas longtemps attendre et qu'en attendant la provision de 3,000 livres payées en à compte est suffisante pour pourvoir aux" besoins urgents.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion du bourg de Saint-Pierre-de-Bceuf en Forez, et de cinq paroisses voisines. Les habitants ont juré une fidélité inviolable à la loi et au Roi; ils demandent que Saint-Pierre-de-Bœuf soit le chef-lieu d'un canton, et Bourg-Argental celui d'un district.
Adresse de plusieurs habitants de la ville de Bédarieux en Languedoc, contenant des réclamations sur les contributions relatives aux élections et éligibilités.
Adresse de renouvellement d'adhésion et de dévouement de la ville de Joyeuse en Vivarais.
Adresse et délibération de la communauté de Pouilly-le-Ghâtel en Beaujolais, qui adhère, avec une soumission respectueuse, aux décrets de l'Assemblée nationale, et fait le don patriotique du produit die la contribution sur les ci-devant privilégiés, el d'une de ses cloches.
Délibération de la commnue de Loriol en Dauphiné, qui désavoue et improuve, de la manière la plus expresse, un imprimé ayant pour titre : Extrait du procès-verbal de la commission intermédiaire des Etats de Dauphiné, du jeudi 17 décembre 1789. Signé, le marquis de Viennois, et Mounier ; comme tendant à alarmer les esprits sur la nouvelle division du royaume, en annonçant qu'elle tend à causer un bouleversement, à détruire l'esprit d'union, à diviser tellement les citoyens, qu'ils ne seraient plus en état de se réunir contre le despotisme. Cette commune jure de nouveau de respecter et faire respecter les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment ceux relatifs à la nouvelle division du royaume.
Adresse de la ville de Nevers, qui adhère, avec une admiration respectueuse, aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le Roi, notamment celui concernant la contribution patriotique. Le vœu le plus ardent qu'elle forme en ce renouvellement d'année, est qae les représentants de la nation jouissent, peu-
dant longtemps,, du spectacle d'un peuple libre, s'élevant rapidement aux plus hautes destinées, et se livrant au sentiment de la reconnaissance pour les auteurs de sa prospérité.
Adresse de la ville de Villeneuve-le-Roi, contenant l'expression d'une adhésion absolue, et d'un dévouement sans bornes aux décrets de l'Assemblée nationale.
Délibération de la ville de Pamiers, qui adhère et se soumet avec transport au décret concernant la contribution patriotique.
Adresse de la ville de Bourmont, capitale du Bassigny-Barrois, qui saisit avec ardeur la circonstance du renouvellement de l'année pour exprimer de nouveau à l'Assemblée nationale les sentiments du respect le plus profond, et du dévouement le plus absolu qu'elle lui a inspirés. Au lieu du 0m célèbre que les anciens Druides cueillaient religieusement, et qu'ils distribuaient aux Gaulois assemblés en leur annonçant le retour du nouvel an, cette ville désirerait pouvoir offrir le rameau d'or et une couronne civique à chacun des représentants de la nation française : elle forme eqcore les souhaits les plus ardents pour voir couronner leurs travaux du plus glorieux succès. « Ils seront complets, s'écrie-t-elle, si vous faites le bonheur du Roi en même temps que vous opérerez celui de ses peuples, de l'amour et du respect desquels jamais Roi ne fut plus digne. »
Dans une délibération séparée, cette même ville fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la ville de Ghâteau-Landrin en Bretagne, contenant une adhésion absolue à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale; elle regarde comme les ennemis de la nation et de son auguste chef, et proteste de traiter comme tels tous ceux qui tenteraient encore de traverser l'heureuse régénération dont nous sommes redevables à l'héroïque fermeté et au patriotisme éclairé des représentants de la nation. Elle demande une justice royale.
Délibérations des communautés de Jarjayes, Pelautier, Mauteyer, et Letrel en Dauphiné, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; et demande de l'établissement d'une Assemblée de département et d'un tribunal supérieur dans la ville de Gap.
Adresse d'adhésion de la communauté de Me-zinville ; elle demande que la ville d'Azitle soit le chef-lieu d'un district.
Adresse d'adhésion et de dévouement de la ville de Gisors ; elle demande d'être autorisée à choisir plusieurs citoyens dans son sein, qui seront chargés de recevoir et d'apurer le compte du receveur des deniers de la ville.
Adresses de la ville de Ghâtillon-sur-Seine, de celle de Gosne-sur-Loire, et de celle de Beauvais, qui, à l'occasion du renouvellement de l'année, donnent à l'Assemblée de nouveaux témoignages de respect et de dévouement, et forment les vœux les plus ardents pour le succès de ses travaux.
Adresse de la garde nationale de Saint-Malo, qui dépose dans le sein de l'Assemblée nationale le serment solennel d'observer, avec le respeet le plus religieux, les décrets de l'Assemblée nationale, et d'employer toutes ses forces pour les faire exécuter. *
Adresse de la communauté de Mesnil-la-Horgne en Lorraine, qui, pour preuve d'une adhésion absolue aux décrets d.e l'Assemblée nationale, a délibéré de porter sa contribution patriotique à la somme de 1,200 livres, qui excède de beaucoup le quart de ses revenus.
Adresses de félicitations, adhésion et dévouement de la ville de Ghatel-Gensoir en Bourgogne, de celle de Guérande en Bretagne, de celle de Chambon en Auvergne, de celle d'Aiwant en Poitou, de celle de Breteuil en Normandie, de celle de Fleurence et du Pays de Gaure en Guyenne, de celle de Saint-Gonne, Sénéchaussée de Rhodez, de celle de Ribérac en Périgord, et de celle de Ri-gny-le-Ferron en Champagne; elles demandent toutes d'être un chef-lieu de district, et le siège d'une justice royale.
offre, au nom de M. Willerval, imprimeur à Douai, un don patriotique de deux mille exemplaires d'un ouvrage sur les dîme qu'il a fait imprimer d'après une lettre de M. Thou-ret, alors président de l'Assemblée. ,
, député du Dauphiné, prend la parole pour justifier les membres de la commission intermédiaire de cette province, incriminés par l'adresse de la ville de Loriol dont il a été fait mention plus haut; il dit que la commission a manifesté son opinion sur les divisions décrétées par l'Assemblée, qu'elle a annoncé qu'il serait de l'intérêt de la province du Dauphiné de ne former qu'une seule administration ; mais que cet imprimé ne contient aucune expression qui tende à affaiblir le respect qui est dû aux décrets de l'Assemblée. Il demande qu'il soit déclaré que la commission intermédiaire n'avait pas cherché à s'opposer aux décrets qui ont été promulgués sur les divisions du royaume.
J'ai reçu les lettres-patentes du Roi concernant le décret relatif aux municipalités. Elles sont ainsi concues :
la loi et le roi.
Lettres patentes du Roi sur un décret de VAssemblée,. nationale, contenant diverses dispositions relatives aux municipalités.
Données à Paris, au mois de janvier 1790.
Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat, Roi des Français :
A tous présents et à venir ; salut.
L'Assemblée nationale a décrété, les 29 et 30 décembre dernier, etc.
Nous voulons et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er. Nul citoyen ne pourra exercer en même-temps, dans la
même ville ou communauté, les fonctions municipales et les fonctions militaires.
Art. 2. Aux prochaines élections, lorsque les assemblées primaires des citoyens actifs de chaque canton, où les assemblées particulières de communauté auront été formées, et aussitôt après que le président et le secrétaire auront été nommés, il sera, avant de procéder à aucune autre élection, prêté par le président et le secrétaire, en présence de l'Assemblée, et ensuite par les membres de l'Assemblée, entre les mains du président, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume; d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi ; de zhoisir, en leur âme et conscience, les plus dignes de la confiance publique, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourront leur être confiées. Ceux qui refuseront de prêter ce serment, seront incapables-d'élire et d'être élus.
Art. 3. Le premier élu des suppléants sera le premier appelé en remplacement ; le second après lui, et ainsi de suite.
Art. -4. Les citoyens qui seront élus pour remplir.
avec le maire, les places de la municipalité, porteront, dans tout le royaume, le seul nom d'officiers municipaux.
Art. 5. Les administrations de département et de district, et les corps municipaux, auront chacun dans leur territoire, en toute cérémonie publique, la préséance sur les officiers et les corps civils et militaires.
Art. 6. Le conseil. municipal, lorsqu'il recevra les comptes des bureaux, sera présidé par le premier élu des membres qui composeront le conseil.
Art. 7. Les juges et les officiers de justice, tant des sièges royaux, même de ceux d'exception, que des juridictions seigneuriales, pourront, aux prochaines élections, être choisis pour les places des municipalités et des administrations de département et de district, mais s'ils restent juges ou officiers de justice, par l'effet de la nouvelle organisation de l'ordre judiciaire, ils seront tenus d'opter.
"Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités, que les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter comme loi du royaume. En foi de quoi nous avons signé et fait contre-signer ces dites présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat. A Paris, au mois de janvier, l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt-dix, et de notre règne le seizième.
Signé : LOUIS.
Et plus bas,
Par le Roi,
#
de Saint-Priest.
Et scellées du sceau de VÉtat.
L'Assemblée ordonne l'insertion au procès-verbal.
Les députés extraordinaires des provinces, qui sont au nombre de plus de 800, se plaignent de n'avoir que 16 places pour assister aux séances.
Cette réclamation n'a pas de suite.
On demande vivement que l'Assemblée s'occupe de son ordre du jour.
J'observe que la plus grandes partie des séances se passe en objets de détail et, que l'Assemblée flotte souvent entre différentes matières; comme elle perd de la sorte un temps précieux je propose la création d'un comité de quatre membres qui, sous le nom de comité de travail, serait chargé de se concerter avec les autres comités et de présenter journellement à l'Assemblée les matières sur lesquelles elle aurait à délibérer.
La motion de M. de Crillon est inutile parce que le comité de constitution a proposé un ordre ae travail facile à suivre. Je demande donc la question préalable sur la proposition qui vous est faite.
L'Assemblée, consultée par M. le président décide qu'il n'y a lieu à délibérer sur la motion de de M. le comte de Grillon.
prie l'Assemblée de lui permettre d'interrompre, pendant sa présidence, toute motion qui ne serait pas relative à la constitution ou aux finances.
L'Assemblée répond par de nombreux applaudissements.
Le comité de constitution est-il prêt à présenter son travail sur la division du royaume par départements ?
Un membre du comité répond que le travail ne pourra être présenté que demain.
M. Target a la parole pour rendre compte, au nom du comité de constitution, des articles qui ont été renvoyés à ce comité et qui se rattachent à l'organisation des municipalités.
Avant de passer à l'ordre du jour, je crois devoir donner eu pleine Assemblée une explication sur le plan du comité, relatif à l'organisation du pouvoir judiciaire.
On a supposé que l'intention du comité était d'établir plus de deux degrés de juridiction ; les affaires des juges de paix se terminent au district, et les affaires de district se terminent au département ; et, pour les affaires supérieures, elles assortiront à la cour suprême. Une autre erreur s'est propagée dans les grandes villes : c'est qu'il y aurait autant de tribunaux inférieurs que de canton ; cependant l'intention du comité a été qu'il n'y eût qu'un tribunal dans chaque ville. On a cru encore que les titulaires d'offices ministériels devaient être élus. Une telle idée n'a jamais été celle du comité ; ils ne doivent pas l'être. Toute destruction inutile au bien n'est qu'un mai funeste.
Le butdes réflexions de M. Target est de tranquilliser le public. Les conséquences qui l'ont frappé, ainsi que les officiers ministériels, sont justes. Il ne faut pas une explication vague à la tribune, mais de nouveaux articles qui rassurent positivement sur le premier caractère essentiel de toute loi... Mon usage est de rejeter les phrases interrompues : le premier caractère de la loi est d'être claire ; le premier devoir de tout rédacteur de lois n'est pas de rassurer par un commentaire, mais d'empêcher le commentaire par une loi sage et claire.
Rien n'est si juste que les précautions de M. Duval d'Eprémesnil, mais rien n'est si inapplicable. Nous ne devons nous occuper des officiers ministériels qu'après nous être occupés des juges et des tribunaux. C'est dans la seconde partie que doivent se trouver ces articles réclamés par M. Duval d'Eprémesnil.
C'est l'usage dans les tribunaux.....(On rit, on murmuré) Je fais la motion expresse de s'occuper de suite du pouvoir judiciaire.
Je rappelle aux orateurs que l'ordre du travail appelle la suite de la discussion sur les municipalités.
présente l'article suivant, au nom du comité de constitution :
« Les maisons, fermes et hameaux dépendants d'une paroisse, ne formeront qu'une seule et même municipalité avec le chef-lieu où la paroisse estétablie, même dans le cas où ils auraient eu jusqu'à présent une administration et des rôles d'impositions particuliers. »
Je propose de distraire d'une paroisse les portions qui en sont séparées par une rivière ou par d'autres obstacles locaux.
Les clochers ne doivent pas déterminer les communautés ; il y ades paroisses très-étendues qui renferment plusieurs muni-
cipalités ; le diocèse de Lombez en renferme qui ont des hameaux à trois lieues de distance de la paroisse;la Bretagne contient des paroisses encore plus étendues ; l'on en trouve qui ont des écarts distants de six lieues de leur paroisse. Enfin, il faut suivre une nouvelle méthode pour fixer la circonscription des municipalités, et il faut en établir une lorsqu'il y aura deux cent cinquante habitants.
Je vois beaucoup de difficultés sur la circonscription des nouvelles municipalités; je suis d'avis de ne rien statuer à cet égard. Je désirerais que ces circonscriptions fussent déterminées d'après les connaissances locales, et qu'elles fussent envoyées aux départements. Je me borne à demander que les municipalités soient conservées dans leur circonscription actuelle pour la prochaine élection, et que les départements soient autorisés à former de nouvelles divisions pour les élections suivantes.
Adopter l'article serait aller contre vos décrets. Vous avez décidé qu'il y aurait des municipalités dans toutes les villes, bourgs, villages et communautés. C'est y apporter une restriction que d'obliger les hameaux des paroisses à se réunir au chef-lieu pour former une municipalité . Il serait d'autant plus dangereux d'adopter cet article qu'il y a dans ma province des paroisses qui ont sept à huit succursales accoutumées jusqu'à présent à avoir leurs administrations particulières.
défend l'article du comité.
Pour que l'Assemblée puisse saisir la portée de l'article 1er qui est en discussion, je demande à donner lecture de trois autres articles destinés à suivre le premier. Ils sont ainsi conçus :
Art. Les paroisses ou communautés où il n'y a pas cinquante feux établis, seront tenues de se réunir aux paroisses ét communautés les plus voisines, et celles-ci tenues de les recevoir, pour ne former ensemble qu'une seule et même municipalité.
Art. Les paroisses ou communautés, qui auront le nombre ae feux suffisant, formeront une municipalité particulière, quoique comprise dans le territoire des banlieues qui environnent les villes.
Art. On entend par feu l'établissement séparé d'une famille ou d'un individu tenant ménage.
On ne doit pas porter atteinte aux décrets précédemment rendus; ces décrets disent qu'il y aura une municipalité dans chaque communauté, mais ils ne disent pas combien il faut de familles pour composer une communauté. C'est ce qu'il s'agit de régler, et ce qu'il est important de ne pas laisser à l'arbitrage des assemblées de département, qui jugeront ici d'une manière, et là d'une autre. Je propose de poser à cet égard les principes généraux.
On ne doit point compter par feux, mais bien par citoyens actifs et éligibles. Le mot/euœ est interprété de différentes manières suivant les provinces, je propose le nombre de soixante citoyens actifs pour former une communauté.
S'occuper en ce moment des articles que vous propose le comité, ce serait mettre
topt en combustion dans les provinces. L'Assemblée peut juger des réclamations dont elle serait assaillie sur cet objet, par le nombre prodigieux de celles qu'on lui fait pour la fixation des départements. Je conclus en proposant de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur les articles du comité.
Je demande que les quatre articles soient renvoyés aux assemblées de département pour avoir leur vœu à cet égard.
met cette proposition aux voix. Elle est adoptée.
donne lecture d'un article proposé par le comité de constitution portant « que les gardes nationales feront, entre les mains des officiers municipaux, le serment de maintenir» de tout leur pouvoir,la constitution, d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi. »
observe que le maintien de la constitution ne doit pas appartenir à un corps qui, par le nombre et la force, serait le maître ae la conserver ou de la bouleverser à son gré : il pense qu'il devrait jurer simplement d'être fidèle à la constitution.
Il faut distinguer entre les troupes réglées et les milices nationales. Les premières sont destinées à la défense de l'Etat, les autres sont particulièrement liées à la défense de la constitution. Je demande que le nom du roi ne soit pas employé dans le serment, étant compris suffisamment dans la constitution.
Il résulte de la théorie qui vous a été développée que le roi et la loi se trouvent dans la constitution : ainsi, la nation, le roi et la loi sont un pléonasme. Une autre théorie, c'est que les gardes nationales doivent faire serment d'être fidèles à la constitution, mais non de la maintenir. Il est possible que par votre constitution vous arrêtiez des époques où vous la rectifierez. L'unique moyen de sauver l'empire, c'est d'obtenir une obéissance provisoire. Il suffit de jurer d'être fidèle à la constitution. On pourra dans la suite s'abstenir de nommer le roi : il est plus respectueux de le supposer toujours inhérent à la constitution.
Il faut maintenir la consti* tution, mais non en confier le maintien aux gardes nationales.
Le changement de formule peut être de la plus grande importance: il s'agit de savoir si ou restreindra une force armée aux pouvoirs qui seront confiés par la loi. Maintenir la constitution, c'est rendre les milices nationales juges et arbitres suprêmes de la loi. J'appuie l'amendement de M. le comte de Mirabeau, mais je ne crois pas qu'il soit inutile d'y ajouter le mot roi, puisque le roi est toujours partie essentielle de la constitution et qu'on ne peut trop inculquer le respect qui est dû à la majesté royale.
L'amendement tend à détruire la motion, qui est essentielle au maintien de la constitution. Chaque citoyen est obligé d'être fidèle à la constitution; mais les milices nationales, ainsi que les corps administratifs, les tribunaux, ont une destination particulière. Il
peut arriver que, lorsque la voix du magistrat se fera entendre, les milices nationales se croient obligées de la maintenir à leur manière.
trouve que M. Robespierre a raison, mais que les gardes nationales pourront se donner un mouvement spontané qui serait dangereux à la constitution : il opine, en conséquence, pour qu'elles ne puissent agir que sous la direction des corps administratifs.
, profitant des diverses observations, fait des changements dans sa rédaction, qui passe en ces termes :
« Jusqu'à l'époque où l'Assemblée nationale aura déterminé, par ses décrets, l'organisation définitive des milices et des gardes nationales, les citoyens qui remplissent actuellement les fonctions d'officiers ou de soldats dans les gardes nationales, même ceux qui se sont formés sous la dénomination de volontaires, prêteront par provision, et aussitôt après que les municipalités seront établies, entre les mains du maire et des officiers municipaux, en présence de la commune assemblée, le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout leur pouvoir, sur la réquisition des corps administratifs et municipaux, la constitution du royaume, et de prêter pareillement, sur les mêmes réquisitions, main-forte à l'exécution des ordonnances de justice, et à celle des décrets de l'Assemblée nationale acceptés ou sanctionnés par le roi ».
, député, maire de la ville de Paris, demande ensuite la parole, et dit :
« Il nous est revenu, à M. de la Fayette et à moi, que quelques membres de l'Assemblée ont dit que nous avions conseillé à M. l'archevêque de Paris de sortir du royaume, attendu qu'il n'y était pas en sûreté. J'ai l'honneur d'assurer aux honorables membres qui l'ont dit, qu'ils ont été mal informés, et de déclarer à l'Assemblée que non-seulement, ni M. le commandant général ni moi n'avons donné un pareil conseil à M. l'archevêque, mais que nous ne lui avons jamais rien dit qui puisse y avoir le moindre rapport. »
demande la parole, et dit :
Messieurs,
« Ceci me regarde personnellement, et je crois devoir une explication à l'Assemblée. Je la supplie de se rappeler que je n'ai point parlé d'après moi-même. Je n'ai fait que répéter un bruit public. Ce bruit a circulé dans Paris et s'est répandu dans les provinces. Dans un temps où l'on croit pouvoir, sur de simples bruits publics, dénoncer, adcuser, faire jeter dans des prisons, y retenir pendant six mois des citoyens évidemment irréprochables, et faire venir à grands frais, des extrémités du royaume, des témoins qui ne servent à rien, j'ai cru qu'il était permis a un membre de la Législation de se prévaloir à son tour des bruits publics pour justifier des citoyens absents. Sur de simples bruits publics, on a signé une dénonciation contre des magistrats vertueux, des militaires sans reproches, contre M. le garde des sceaux, de Barentm, contre M. le maréchal de Broglie ; et je ne pourrais pas invoquer ces mêmes I bruits pour défendre l'innocence et la vertu même I dans la personne de M. l'archevêque de Paris 1 '
Je propose. Messieurs, en finissant, un principe dans lequel il me semble voir de la magnanimité, qu'il est plus permis de défendre que d'accuser par des bruits publics ».
rend compte que M. le garde des sceaux vient de l'instruire que la chambre des vacations du parlement de Bretagne était arrivée, et qu'elle demandait le jour et l'heure où elle pourrait se rendre à la barre de l'Assemblée.
Il est décidé qu'elle y serait reçue demain à deux heures après midi.
, membre du comité de constitution, commence la lecture d'une instruction destinée à être envoyée dans les provinces, avec les décrets relatifs à la nouvelle organisation du royaume en départements, en districts et en cantons.
Quelques membres interrompent la lecture pour faire remarquer qu'il est tard et qu'il doit y avoir une seconde séance dans la soirée.
Cette observation est vivement appuyée.
lève la séance à cinq heures et fixe à six heures et demie l'ouverture de la séance du soir.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER.
Séance du
, ancien président, dit que M. le président se trouve indisposé et qu'aux termes du règlement, il occupe sa place.
annonce une lettre de M. le premier ministre des finances, qui apprend à M. Le Couteulx de Canteleu que le roi l'a nommé caissier de la caisse de l'extraordinaire, et une autre lettre de M. Le Couteulx de Canteleu, qui demande les ordres de l'Assemblée.
ne pense pas que M. Le Coulteux de Canteleu puisse accepter la commission qui lui est offerte. Un député est l'homme de la nation, dit-il; nous sommes douze cents, si l'on offrait à chacun de nous une place dans le gouvernement et si nous étions libres de l'accepter il se trouverait qu'avant peu VAssemblée serait dissoute.
M. d'André, quoique député, a été envoyé en Provence pour y maintenir la paix ; cependant il est resté membre de l'Assemblée nationale.
M. d'André avait reçu sa mission de l'Assemblée. Je propose qu'aucun membre n'accepté de place du gouvernement pendant la présente session et même trois ans après.
L'Assemblée n'a pas à décider si M. Le Couteulx de Canteleu acceptera ou n'acceptera pas,
c'est à la délicatesse de M. Le
monte à la tribune et dit que, rien n'étant comparable à l'honneur d'être député, il renonce à la commission dont Sa Majesté a bien voulu le revêtir.
, membre du comité des recherches, demande la parole et au nom du comité, propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que, nonobstant l'attribution provisoire donnée au Châtelet de Paris de la connaissance du crime de lèse-nation, les juges des lieux peuvent, comme pour tous les autres crimes, informer, décréter et même interroger les accusés, à la charge de renvoyer ensuite la procédure, et les accusés qui auraient été arrêtés, au Châtelet de Paris .
Depuis longtemps on parle du crime de lèse-nation, mais on n'a pas encore défini quel était ce genre de crime. Sans doute l'on veut dire qu'il consiste à s'opposer aux vrais intérêts de la nation, ou à se rendre coupable de conspiration, ou à ourdir d'autres trames ; mais encore une fois on n'a pas défini ce crime ; je demande, en conséquence, que la discussion du décret soit ajournée.
met aux voix l'ajournement qui est prononcé, et la délibération est renvoyée à samedi, à l'ordre du jour de 2 heures.
membre du comité des finances, propose de modifier le décret du 2 janvier qui a sursis à l'autorisation de la cotisation demandée par la municipalité de Rouen, jusqu'à ce qu'il ait été délibéré pâr la commune. — Au lieu du mot de commune, on substituerait ceux " dë l'assemblée générale du corps municipal et électoral, et des notables élus.
Les notables sont une espèce d'aristocratie qui n'est point la commune, c'est-à-dire la généralité des citoyens à laquelle appartient le droit de voter l'imposition.
L'impossibilité de convoquer la commune qu'on allègue est évidemment chimérique, puisqu'elle a été convoquée pour nommer des députés à l'Assemblée nationale et qu'elle va l'être pour former une nouvelle municipalité. Je demande, au nom du peuple et du droit national, que les municipaux de Rouen soient tenus de convoquer la généralité des habitants pour délibérer sur la contribution nécessaire au soulagement de leurs concitoyens indigents.
Le parti le plus simple serait d'attendre la nouvelle formation des municipalités pour pouvoir consulter la commune.
met aux voix le changement proposé. Il est adopté.
, organe du comité des finances, propose un décret sur la manière d'imposer les maisons de campagne, les châteaux et leurs dépendances. En voici la substance :
1° On imposera, pour les six derniers mois de 1789 et l'année 1790, les châteaux et maisons de campagne des ci-devant privilégiés, lorsqu'ils
seront joints à une exploitation imposée sur le même pied que l'exploitation.
2° Les jardins et parcs comme les terres des autres propriétaires.
3° Si lesdits châteaux et maisons de campagne sont habités, ils seront imposés à raison du double de l'imposition que supportera la maison louée de la commune.
Messieurs, il serait souverainement injuste qu'une petite maison aux environs de Paris, par exemple, payât le double d'une superbe maison qui serait dans la ville et qui néanmoins serait de la même communauté que la petite maison. Le projet de décret proposé, si on l'adoptait, causerait le plus grand préjudice. Un particulier peu à son aise fera bâtir une espèce de chaumière hors les murs de Paris, mais dans la dépendance d'une paroisse de cette ville, il habitera cette maison ; si vous le forcez de payer le double de ce que paye la terre la mieux louée, la plus belle de la paroisse, vous le ruinez sans ressource.
propose une rédaction portant : Que les propriétaires ci-devant privilégiés des maisons de campagne, même de celles qui portaient ci-devant le nom de châteaux, seraient imposés sur le même pied que supporte le meilleur terrain de la paroisse-
Dans cette rédaction, la dénomination de ci-devant châteaux égayé beaucoup l'Assemblée. — M. le Président la relit plusieurs fois ; il ne peut garder sa gravité et rit comme les autres.)
M. Camus supprime enfin la qualification de ci-devant châteaux et la discussion est sérieusement reprise.
Dans la province du Péri-gord, il suffit qu'une maison ait une girouette pour qu'on lui donne le nom de château. Il demande la suppression du mot château; les châteaux ont été abolis comme la féodalité et il ne reste que des ci-devant châteaux.
(L'Assemblée rit de nouveau. Néanmoins, elle décide que le mot château restera dans le décret.)
donne la rédaction suivante :
Les propriétaires ou possesseurs ci-devant privilégiés des maisons de campagnes ou châteaux, et tous autres qui n'étaient pas imposés pour leurs maisons, châteaux, enclos, jardins et parcs d'agrément non loués, le seront dans la même proportion que pour les meilleurs terrains de la paroisse. Les autres enclos seront imposés dans la même proportion que les autres terrains de même valeur.
en propose une autre en ces termes :
« Les maisons des ci-devant privilégiés seront imposées dans chaque communauté, dans la même proportion qui a déterminé celle des autres contribuables. »
(Il serait bien inutile de rapporter les débats qtu ont été faits sur ces deux motions et sur celle du comité qui n'a pas été favorablement accueillie. Il faudra bien les recommencer, puisque rien n'est encore jugé sur cette importante question.)
observe que, dans le cas où le projet de décret de M. de Menou serait adopté, il
demande qu'il n'ait pas lieu dans les paroisses où les rôles sont faits.
demande que ce décret soit limité à l'élection de Paris seulement, et l'Assemblée agrée cet amendement.
Quelques membres observent qu'il est très-tard, et que l'Assemblée devenant incomplète par l'absence d'un grand nombre de députés, ne peut plus délibérer.
Alors la question est ajournée à mardi au soir dans l'état où elle se trouve.
, lève la séance, et l'indique au lendemain à l'heure ordinaire.
PRÉSIDENCE de M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture des procès-verbaux des deux séances du 7 janvier.
Plusieurs membres font remarquer que le discours de M. Bailly est rapporté intégralement dans le procès-verbal de la séance du matin. Ils demandent que la réponse de M. Duval d'Eprémesnil y soit également insérée.
Cette proposition est adoptée.
, V un de MM. les secrétaires, lit ensuite plusieurs adresses de différentes villes et communautés dont la teneur suit :
Adresse de la ville de Mazamet en Languedoc, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et demande d'un district.
Adresses du même genre de plusieurs villes du pays de Couserans ; elles demandent de former un département particulier, et de ne pas se réunir au pays de Foix.
Adresses de la municipalité de la ville de Ma-zerès en Foix, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale,témoignages dedévouement à ses décisions, félicitations sur son courage inébranlable au milieu des périls les plus imminents, et demande de former un cnefrlieu de district.
Adresse de la milice nationale de la ville de Châtillon-sur-Loing, qui fait le serment de défendre, au péril de sa vie, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale et des ordres du roi.
Adresse des habitants de Montceau-le-comte en Nivernais, qui, quoique épuisés par deux années consé(îutives de disette qu'ils ont éprouvées, et par les efforts qu'ils ont faits pour effectuer leurs impositions, ont néanmoins pris une délibération portant offre d'une somme de 959 livres 4 sols ppur la contribution du quart de leurs revenus, ue laquelle aucun d'entre eux n'a voulu être affranchi, quoique sans propriété.
•Adresses des villes de Moulins, Dunkerque,
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la communauté de Saint-Fulgent en Bas-Poitou ; elle voit avec la plus vive satisfaction l'harmonie qui règne entre le roi et l'Assemblée nationale.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville de Bourbon-Lancy ; elle demande que l'Assemblée prenne des mesures efficaces pour faire rentrer les fugitifs dans le royaume.
Adresse des habitants de Villiers-sur-Marne, qui, pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, ont fait le serment solennel d'être fidèles à la nation, au roi et à la loi.
Adresse de félicitations, adhésion et dévouement de la communauté de Roche-Chalais, et des paroisses voisines, de la,ville de Saint-Ghinian, de celle de Pontoise, de celle de Caraman, de celle de Castelnau-de-Montartier, et de neuf paroisses voisines, de celle de Coulange-sur-Yonne, de celle de Marciac, de celle de Saint-Etienne en Forez, de celle de Saint-Céré en Querci, de celle de Bonny-sur-Loire, du bourg de Granvilliers en Picardie, de celui de Livarot en Normandie, de la communauté d'Dssel en Bas-Limousin, de la ville de Saverne en Alsace, du bourg de Bois-d'Ouing et de vingt paroisses circonvoisines en Lyonnais, de la vilje de Saint-Pol-de-Léon en Bretagne, de celle de Villeréal en Agenois, de la communauté de Lavelanet en Languedoc, de la ville de Taille-Bourg en Saintonge, et du bourg de Bibiers en Dauphiné. Toutes ces villes, bourgs et communautés demandent d'être un chef-lieu de district, et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre de la communauté de Sourdeval en Normandie; elle demande que la ville de Ville-Dieu soit le chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la communauté de Villeneuve-lès-Beziers en Languedoc; elle demande que la ville de Beziers soit le chef-lieu d'un département, et le siège d'un tribunal suprême.
Adresse des gardes nationales de dix communautés de Dauphiné, Provence et Languedoc, réunies sous les murs de Saint-Paul-Trois-Châteaux, ayec la fédération de Montélimart; elles ont fait le serment auguste et solennel de respecter, d'obéir, d'aimer et d'être fidèles, jusqu'à leur dernier soupir, à la loi, à la nation, et au roi, restaurateur de la liberté française, et se sont juré, à l'envi, union, fraternité et secours mutuel.
Adresse de la commission intermédiaire d'Alsace, qui annonce que, d'après l'invitation qu'elle a faite aux communautés les plus aisées de la province, de venir momentanément au secours ae l'Etat, par des avances sur les impositions de l'année prochaine, elle a reçu des soumissions pour quelques centaines de mille livres, qu'elle enverra à l'Assemblée nationale dans le courant du présent mois. Cependant, comme plusieurs communautés ne sont en état de faire les avances auxquelles elles se sont soumises, que par des emprunts remboursables, cette commission supplie l'Assemblée d'approuver les autorisations qu'elle pourrait donner à ces communautés pour des emprunts momentanés.
Adresse de renouvellement d'adhésion et de dévouement de la ville de Negrepelisse en Quercy ; elle révoque, en ce qui la concet-ne, tous pou-
voirs limités et prohibitifs donnés aux députés de la province.
Délibération des municipalités des Mas-d'Esco-ron, des Eaux et du Gand, dépendantes de la paroisse de Saint-Symphorien-de-Lay en Beaujolais, contenant le don patriotique de la contribution sur les ci-devant privilégiés; elles demandent d'être conservées, ou au moins de former entre les trois une municipalité indépendante de toute autre.
Adresse des jeunes citoyens de la ville de Guin-gamp en Bretagne, qui ont juré, de la manière la plus solennelle, de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour le maintien des sages décrets de l'Assemblée nationale, la défense de la liberté et de la constitution, qui protestent de se réunir à tous leurs frères de Bretagne, à tous les bons citoyens, aussitôt que leurs services pourront être utiles pour confondre les projets ténébreux des ennemis de la patrie.
Adresse de la ville de Luxeuil et de plusieurs autres paroisses en Franche-Comté, contenant une adhésion absolue et un dévouement sans bornes aux décrets de l'Assemblée nationale ; elles offrent la somme de 10,000 livres pour tenir lieu de leur contribution patriotique.
Adresse du même genre de la ville de Figeac en Guyenne ; elle fait hommage à la nation des privilèges qui lui avaient été accordés par le roi Pépin, et confirmés par tous ses successeurs.
Adresse du même genre de la communauté de Fournès, diocèse d'Uzès en Bas-Languedoc. Indépendamment de la contribution patriotique, elle fait le don du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et de l'indemnité qu'elle avait le droit d'espérer à raison de la perte des neuf dixièmes de ses oliviers, qu'elle a essuyée l'hiver dernier.
Adresse du comité permanent de la ville et paroisse de Bauden en Bretagne, qui adhère unanimement à la délibération de la municipalité de Ploermel du 10 de ce'mois; et attendu que le défaut d'enregistrement et de promulgation dés décrets de l'Assemblée nationale dans la province de Bretagne, le retardement de leur exécution, et la suspension de l'administration de la justice, sont une suite de l'obstination et de la desobéissance des membres de la Chambre des vacations du parlement, il demande qu'il soit déclaré civilement et solidairement responsable de tous les événements.
Adresse d'adhésion, remerciement, respect et reconnaissance des non-catholiques de la ville et sénéchaussée de Saint-Maixent en Poitou.
Adresse des volontaires de la garde nationale d'Angers, ainsi conçue :
« Nos Seigneurs, les volontaires de la garde nationale d'Angers, instruits que le parlement de Rennes, malgré d'itératives lettres de jussion, refuse d'enregistrer le décret qui proroge les vacances des parlements ;
« Invités par plusieurs adresses des volontaires bretons, leurs amis et leurs frères, à renouveler le pacte d'union promis, juré et exécuté par les jeunes1 citoyens de la Bretagne et de l'Anjou, lorsque la France commençait à s'indigner d'être courbée sous le despotisme ministériel, et annonçait la révolution que votre sagesse a opérée ;
« Considérant que la séditieuse résistance du parlement de Rennes, est d'autant plus condamnable qu'elle peut occasionner un embrasement général, dans un moment où le royaume est • composé d'éléments combustibles et d'individus mécontents, qui cherchent à perpétuer l'anar-
chie ; persuadés que c'est au milieu des désordres qui en sont inséparables, que l'aristocratie expirante peut encore se ranimer ;
« Considérant que les ennemis du bien public, sous le voile hypocrite d'un patriotisme affecté, trompent le peuple et l'égarent sur ses véritables intérêts ; que depuis quelque temps, ils répandent avec profusion des écrits incendiaires, où les dignes représentants de la nation sont voués au ridicule le plus amer, et à la haine publique, par des suggestions perfides, par des soupçons adroitement semés, et par des calomnies scandaleusement controuvées ;
« Considérant que ces manœuvres tendent à altérer le respect et la confiance que les peuples doivent à l'Assemblée nationale, dont l'autorité légitime et reconnue est je seul ressort actif qui maintienne encore l'ordre, et qui empêche la dissolution de l'Empire ;
« Considérant que la contre-révolution, que les aristocrates désirent, serait pour la France un malheur dont les effets sont incalculables, parce qu'elle ne pourrait avoir lieu qu'en versant des flots de sang ;
« Considérant qu'il importe au salut de la patrie que les bons citoyens se coalisent pour la défendre ; que la force active de l'Etat, résidant essentiellement dans les jeunes volontaires, il importe que l'association fraternelle des Bretons et des AngeVins se propage dans toutes les parties du royaume, et forme une masse de puissance capable d'épouvanter les pervers, en leur montrant des bras toujours armés pour les rendre responsables, sur leurs têtes, des malheurs publics dont ils seraient l'instrument ou la cause ;
a Considérant que les corps de volontaires ne peuvent être vraiment utiles, s'ils sont distingués des gardes nationales, s'ils sont assujettis à un régime différent, ef s'ils ne sont pas unis par les mêmes principes et par le même intérêt;
Il a été arrêté :
1° Qu'ils déploieront toutes leurs forces pour maintenir les droits de l'homme, la constitution de l'Empire et les décrets de l'Assemblée nationale ;
2° Que le pacte d'union sera renouvelé et à jamais consolidé entre les jeunes citoyens de la Bretagne et de l'Anjou;
3° Que les volontaires des autres villes du royaume seront invités de présenter des adresses à l'Assemblée nationale pour la supplier, lorsqu'elle organisera le pouvoir militaire, de conserver et de sanctionner, sous un mode uniforme, les corps de volontaires, comme émanation et comme faisant partie des gardes nationales;
4° Que le présent arrêté sera envoyé à MM. les volontaires des autres villes et aux jeunes citoyens sous quelque dénomination qu'ils soient attachés aux drapeaux de la nation.
« D'après cet arrêté, Nos Seigneurs, nous avons l'honneur de vous supplier, de conserver, dans le mode nouveau que la garde française attend de votre bienveillance, une association de jeunes citoyens, qui, pour récompense de leur service, ne demandent que la permission de les continuer légalement. Éf® ËHNp1 ^
« Nous avons l'honneur d'être, avec un profond respect, etc. » '
. Adresse de la commune de la ville d'Ervy en Champagne, contenant adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et l'offre patriotique d'une somme de 900 livres d'une part, et de celle qui doit leur revenir en moins imposé, par suite de l'imposition des ci-devant privilégiés, pour les
six derniers mois de Tannée 1789 ; le tout en sus de sa contribution du quart.
On demande l'impression de celle de la ville de Péronne, qui annonce que le tribut patriotique des habitants de cette ville s'élève déjà à la somme de 92,605 livres.,et que les officiers municipaux, comme juges civils et criminels, offrent de rendre la justice gratuitement : l'impression est ordonnée.
Adresse de la ville de Péronne à VAssemblée nationale.
L'hommage le plus digne de l'Assemblée nationale est l'empressement à exécuter ses décrets : c'est celui que nous lui offrons en ce moment.
La contribution patriotique a été ouverte en cette ville le 9 novembre dernier : tous les citoyens s'y sont portés en fouie ; elle est finie, à l'exception des déclarations de quelques particuliers, qui ne tarderont pas sans doute à se faire inscrire sur la liste des bons patriotes.
Nous avons la satisfaction de vous annoncer, Nosseigneurs, que le le tribut patriotique de Péronne s'élève déjà à la somme de 92,605 livres. C'est peu pour les besoins de l'Etat, c'est peu pour notre zèle ; mais l'Assemblée Nationale aura peut-être l'indulgence de penser que c'est quelque chose pour une ville qui n'a point de commerce, et qui ne compte pas4,000 habitants.
Nous ne nous ferons point un mérite auprès de vous, Nosseigneurs, d'avoir délibéré, le même jour 9 novembre dernier, de rendre gratuitement la justice, comme juges civils, criminels et de police. Le patriotisme a cessé d'être une vertu particulière, depuis que l'exemple des représentants de la nation en a fait un devoir pour tous les Français.
Puisse l'Assemblée nationale continuer avec le même succès les grands travaux qu'elle a entrepris ! Puisse l'année 1790 réaliser toutes les espérances que celle qui finit nous a permis de concevoir !
Tels sont nos souhaits, Nosseigneurs ; daignez les agréer et recevoir l'assurance de notre adhésion à tous vos décrets. Nous sommes, avec un profond respect, Nosseigneurs,
Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
Les officiers municipaux de la ville de Péronne.
Signé : Dehaussy, de Robecourt, Dournel, Fernet, Dehaussy fils, Classe, Fournier, Mercier et Naudé.
,membre de l'Assemblée, offre, au nom des chanoines et prébendiers de l'église de Carcassonne, 200 marcs d'argenterie.
, l'un des secrétaires, présente le don patriotique que font les officiers de la sénéchaussée de Bigorre, de la finance de l'office de lieutenant général d'épée, avec les arrérages dûs depuis 1775, et les arrérages des gages qui peuvent être dûs à tous ces officiers, avec offre de rendre la justice gratuitement, et de redoubler de zèle et d'activité pour l'administrer.
Un membre du comité de la vérification des pouvoirs demande l'admission de M. Dufau eu qua-
lité de député du pays de Marsan, à la place ^de M. Pérez d'Artassan qui a donné sa démission.
11 observe que l'élection de M. Dufau n'est pas parfaitement régulière, et que le comité a pensé que M. Dufau ne devait être reçu qu'à la charge de faire confirmer son élection dans la première assemblée qui se tiendra dans le pays de Marsan, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale.
L'admission de M. Dufau est ajournée jusqu'à ce qu'il ait été fait un rapport des défauts de forme de l'élection de M. Dufau.
, député de la Champagne, rapporte que s'étant rendu dans cette province à cause des troubles qui y régnaient, il les a vus se calmer ; que les frontières sont bien gardées contre l'exportation des grains; que la circulation de l'intérieur est entièrement libre, et que le peuple a vu diminuer le pain ; il a offert ensuite, de la part de trente-deux communautés du bailliage de Vitry-le-Français, un don patriotique de 80,000 livrés.
, membre et organe du comité de constitution, reprend la lecture de l'instruction sur les corps administratifs de district et de département., qui avait été commencée la veille. Il propose ensuite le projet de décret.
. J'observe qu'il y aurait nécessairement une grande incompabilité entre la possession des fonctions municipales et celles des autres administrations; c'est-à-dire que le même homme ne pourrait point posséder l'une et l'autre en même temps ; et cependant celui qui exerce l'une doit et peut être éligible pour une autre, sous la clause de se désister de celle qu'il remplissait précédemment.
. On peut déclarer dans l'instruction que les cotes des différents contribuables, éprouvant un rejet inattendu pour l'année courante, par rapport à la taxe extraordinaire' des ci-devant privilégiés, on fixerait les qualités de l'éligibilité, pour l'année courante, au prorata de la cote pour laquelle chacun était imposé avant ce rejet.
. Il est encore essentiel d'expliquer com meut on procédera à l'égard de villes franches, dont les cotes ne pourraient pas être parfaitement assises dans ce moment.
. Je fais la motion que, dans chaque assemblée de district, et avant la composition de la liste des éligibles, tant aux districts et départements qu'à l'Assemblée nationale, on fixe parmi les non-éligibles un certain nombre de membres qui pourraient être élus. (Violents murmures.)
. C'est une violation du décret du marc d'argent. Je demande le renvoi du tout au comité de constitution.
. Il convient sans doute de rendre un décret particulier sur les propositions de MM. Regnaud et de Clermont-Tonnerre; mais cela ne doit en aucune manière retarder la clôture de l'instruction déjà lue, parce que les décrets explicatifs porteront leurs instructions avec eux. Je vous propose de présenter à l'acceptation du
roi les décrets déjà rendus sur la formation des corps administratifs, ainsi que l'instruction qui vient d'être lue.
propose, par amendement, de dire que l'Assemblée se réserve de distinguer les articles constitutionnels de ceux qui ne le sont point.
demande qu'en agissant comme on l'a fait par les municipalités, on présente les décrets seuls à l'acceptation du roi, et qu'on requière simplement son approbation pour les articles d'instruction qui les accompagnent.
propose d'établir, par un règlement, que les députés de chaque province, qui auraient fixé les cantons de chacun de leurs districts, présenteraient cette fixation dans huitaine, et que cette même fixation serait provisoirement exécutée lors de la première formation des assemblées municipales et administratives.
Les trois amendements de MM. Target, Fréteau, et le dernier de Toulongeon, sont successivement mis aux voix et adoptés. Quant aux autres amendements, l'Assemblée n'y a aucun égard. Enfin, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale.
Décrète :
« Que les décrets de l'Assemblée nationale, rendus sur la formation, tant des assemblées primaires et d'électeurs, que des administrations de district, rédigés et classés dans l'ordre que l'Assemblée a adopté par son décret du 22 décembre dernier, soient présentés à l'acceptation du roi; l'instruction qui vient d'être lue, à son approbation ; que Sa Majesté soit suppliée de les envoyer aux tribunaux, corps administratifs et municipalités, pour être transcrits dans leurs registres, et publiés sans délai dans tout le royaume ; qu'elle soit également suppliée de prendre les mesures les plps convenables pour que l'exécution en soit utilement surveillée et dirigée en chaque département, et pour que la convocation des assemblées qui doivent élire les membres des administrations de département et de district, ait lieu, au plus tard, du 1er au 15 février prochain.
« L'Assemblé nationale se réserve de distinguer, dans les articles de son décret relatif aux assemblées représentatives et aux corps administratifs, les articles constitutionnels de ceux qui ne sont que réglementaires ».
(Voy. plus loin, séance du 15 janvier, le texte de l'instruction de l'Assemblée nationale.)
, autre membre du comité de constitution, demande la parole et au nom du comité fait un rapport sommaire sur la nouvelle division du royaume (1). Il s'exprime en ces termes :
Messieurs, le comité de constitution et les membres que vos ordres y ont adjoints pour procéder à la nouvelle division du royaume, ont cru qu'avant de vous rendre compte de leur travail, ils devaient, d'abord, mettre sous vos yeux les principes qui les ont guidés, la méthode qu'ils ont suivie ; et ils espèrent que cet exposé pourra les justifier du reproche d'une lenteur qu'il n'a pas dépendu de leur zèle d'éviter.
La première règle, à laquelle le comité s'est in-
Il a pensé que, le bonheur des peuples étant le but de la nouvelle division du royaume, il fallait d'abord assurer le succès de cette opération, et que pour y parvenir, il était essentiel de ne pas rompre trop brusquement les rapports moraux et politiques qui existent entre les différentes parties de l'empire. Il a pensé qu'il ne suffisait pas que l'Assemblée nationale eût saisi une idée grande, sublime ; mais qu'il fallait encore convaincre la nation de l'utilité qui devait résulter pour elle de cette étonnante entreprise; que la persuasion ne pouvait être le fruit que de la douceur, de la patience, de la raison et du temps ; et que par conséquent celui qui serait employé à discuter méthodiquement et a démontrer la nécessité ou les avantages des dispositions proposées par le comité, procurerait un bien plus réel qu'une rapidité d'exécution qui ne pourrait que difficilement se concilier avec les ménagements dûs aux intérêts et aux vœux de tant de concurrents.
Mille obstacles vont contrarier l'exécution de ce dessein : des préjugés, des préventions à vaincre, des habitudes à effacer, des avantages à perdre, d'autres à obtenir, des rivalités qui s'élèvent, des prétentions qui se manifestent, le choc de tant de passions opposées, les espérances trompées, l'amour-propre déçu; que de difficultés, que d'écueils, que de germes d'aigreur et de dissension 1 Et combien il était nécessaire que votre comité, qui n'a pu former le projet insensé de concilier tous les intérêts, s'attachât du moins à n'en blesser que le plus petit nombre possible !
Dans cette intention, il a d'abord engagé les provinces à convenir entre elles des limites respectives qui devaient les séparer ; ensuite, à proposer les divisions qu'elles croiraient les plus utiles et les plus convenables à leur commerce, à leur agriculture, à leurs manufactures, à leurs localités; et jamais il ne s'est permis de faire un changement à des dispositions convenues entre les parties intéressées, à moins qu'il n'y ait eu obligation démontrée de le faire, ou des réclamar tions formelles, ou des contraventions aux décrets de l'Assemblée nationale; et dans ces cas divers il n'a usé du droit que vous lui avez confié de décider provisoirement les contestations, qu'a près avoir employé, qu'après avoir épuisé tous les moyens de conciliation qu'il a cru praticables.
Sa conduite a été la même à l'égard de plusieurs villes qui, n'étendant leur vue qu'à une vingtaine de lieues à l'entour d'elles, avaient projeté leur réunion à celle-ci, leur séparation de celle-là, et en conséquence étaient parvenues à se composer des départements; mais le défaut de relation entre ces dispositions particulières et les dispositions générales ayant forcé le comité de contrarier plusieurs de ces projets, même d'en détruire quelques-uns tout a fait, il a toujours justifié sa résistance par l'exposé des motifs, qui le déterminaient; et plus d'une fois il a eu la satis-fation de voir l'intérêt particulier céder loyalement à l'évidence de l'utilité publique.
L'affluencedes députés extraordinaires des villes annonce la grande importance qu'elles attachent,
ainsi que lesprovinces, à l'opération dont il s'agit ; mais si elleprouvela nécessité d'y mettre prompte-ment la dernière main, elle indique aussi le devoir d'écouter avec attention, d examiner avec exactitude, de peser avec impartialité les réclamations, quelquefois très légitimes, dont ces députés sont chargés.
Le Comité souvent a dû s'opposer à des demandes qui cependant étaient fondées jusqu'à un certain point; alors il a tâché du moins d'adoucir les regrets qu'il causait, par l'assurance qu'il a cru pouvoir donner que, si l'Asssemblée, par une suite de sa confiance, daignait le charger de désigner, d'après les instructions qu'il recevrait, des députés, les chefs-lieux des divers établissements à former dans les départements et dans les districts, il dédommagerait, par la répartition de ces établissements, les villes qui avaient vu leurs premières intentions trompées.
Voilà, Messieurs, les moyens généraux que le comité a mis en usage pour apaiser, autant qu'il a pu dépendre de lui, l'effervescence qu'occasionne la nouvelle division du royaume.
Quant aux procédés particuliers qu'il a suivis dans son travail, il a considéré que moins les - usages et les relations actuelles éprouveraient de changements, plus il y aurait de motifs'à la confiance, plus il y aurait de facilité à faire goûter le nouveau régime; que la nouvelle, division du royaume destinée à simplifier et à perfectionner l'administration, devait offrir à l'esprit l'idée d'un partage égal, fraternel, utile sous tous les rapports, et jamais celle dun déchirement ou d'une dislocation du corps politique ; et que, par conséquent, les anciennes limites des provinces devaient être respectées toutes les fois qu'il n'y aurait pas utilité réelle ou nécessité évidente de les détruire.
11 a pensé aussi qu'il était indispensable de commencer la division du royaume par les frontières, pour la terminer vers le centre ; car dans ce système, si l'agencement des parties oblige à quelques échanges, on peut les faire avec soi-même; au lieu que l'on est privé de cette faculté, lorsque, par la disposition successive des départements, commencée par le centre, on arrive à la mer, ou aux limites des pays étrangers.
C'est d'après ces principes, dont je n'étendrai pas l'exposition davantage, que le comité est parvenu à diviser le royaume en départements, dont le nombre précis dépendra de la manière dont vous déciderez quelques questions que j'aurai l'honneur de vous soumettre dans la suite de ce rapport.
J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que, dans l'énumération qui va lui être faite des différents départements, tous ceux que je n'annoncerai pas comme étant sujets à quelques contestations sont définitivement arrêtés, ou du moins que les difficultés, qui restent à leur égard, ne sont pas de nature à inquiéter sur la suite et sur la célérité du travail. Quant aux difficultés vraiment dignes de ce nom, je ne ferai que les indiquer sommairement ; mais il vous en sera rendu un compte plus particulier, lorsque vous jugerez à propos de l'entendre.
Tableau des départements, suivant l'ordre du travail.
La. ProVenoe, limitée invariablement par le Rhône, par la mer et par les rameaux prolongés des Alpes, doit être divisée en trois départements
selon l'opinion du comité, et selon le vœu dé la majorité des députés de cette province. Quelques-uns d'entre eux, notamment un député d'Aix, réclament contre la disposition projetée; et la ville de Marseille voudrait être comprise dans un département qui embrassât toutes les côtes. Antérieurement elle avait désiré, elle avait même demandé avec instance, et pour l'utilité de son commerce, qu'il lui fût accordé de faire un département à elle seule. Le comité n'a pas cru qu'il lui fût permis d'accéder à une proposition dont le moindre inconvénient eût été d'encourager toutes les pétitions pareilles qu'auraient pu former les différentes , vil les du royaume.
La principauté d'Orange, enclavée dans une enclave étrangère, ne tient immédiatement à aucune des provinces voisines ; elle demande à s'administrer elle-même; mais le comité a regardé cette exception comme inadmissible, et il vous proposera de décider que la principauté d'Orange formera un district de l'un quelconque des départements qu'elle avoisine, et de lui laisser la liberté de se réunir à celui qui lui paraîtra préférable.
Le Dauphiné, renfermé entre le Rhône et les Alpes,est encore une masse qu'il paraît impossible d'altérer dans ses limites. Les députés de celte province, partagés dans leurs opinions, voudraient, les uns ne faire qu'un seul département du Dauphiné, dont la superficie est d'environ 950 lieues carrées, et les autres réclament l'exécution de votre décret du 11 novembre.
Le comité, après avoir pesé les motifs très-inté-ressants offerts à l'appui de l'opinion en faveur d'un seul département, n'a pas cru qu'ils fussent suffisants pour autoriser cette exception; il pense, au contraire, que le Dauphiné doit être divisé en trois départements; et lorsque cette question vous sera soumise, il rendra compte des raisons alléguées par les députés du Dauphiné, et de celles qui ont déterminé son opinion.
La Bresse, le Bugey, le Val-Romey, le pays de Gex et laDombe offrent, ensemble, un département tout formé, quoiqu'un peu faible dans sa superficie. :
La Franche-Comté, bornée au midi par la Bresse, à l'est par la chaîne des Juras ; au nord par un pays montueux et couvert de forêts, et par les Vosges; à l'ouest par un rameau des Vosges, qui la sépare de la Lorraine; au sud-ouest avoisinée par la Saône, ne pouvait espérer de s'étendre qu'aux dépens d'une petite portion de la Bourgogne et d'une autre de la Champagne; mais ce premier agrandissement n'aurait pu s'effectuer, sans détruire les convenances, sans contrarier le vœu de la Bourgogne ; et le second eût été plus nuisible qu'utile, par la forme irrégulière qu'il eût donnée à l'un des départements de la Franche-Comté, et par l'éloignement où il eût mis les justiciables et les administrés des sièges présumés de la justice et de l'administration. Lé comité avait donc cru que vous pourriez céder au vœu des Comtois, de rester dans leurs anciennes limites; et comme la superficie de cette province était trop considérable pour former deux départements, que les montagnes, qui la coupent en tous sens, rendent les communications difficiles, il avait pensé que la Franche-Comté, conformément au vœu de ses députés, pourrait être partagée en trois départements, un peu faibles à la vérité, mais heureusement démarqués, presque partout, [par des limites invariables, telles que des rivières, ou des sommités de montagnes.
Cette division était terminée de l'aveu unanime de toute la députation de Franche-Comté, lorsque
deux députés extraordinaires, chargés des pouvoirs i de la commune de Besançon, sont venus pour réclamer contre les arrangements convenus, et pour proposer un autre partage de la province, également en trois départements. Il vous sera rendu compte, Messieurs, de cet objet qu'il ne m'appartient pas de vous présenter moi-même, étant partie intéressée dans cette contestation.
L'Alsace offre encore une exception qu'il était impossible d'éviter. Cette province très-étroite, puisque sa plus grande largueur n'est que de 12 a 13 lieues, et sa plus petite de 6, après de 50 lieues de long. Elle est bornée au nord par le Palatinat, à l'est par le Rhin, à l'ouest par la grande chaîne des Vosges. II ne lui restait la possibilité de s'agrandir que du côté de la Francne-Comté, qui la termine au midi, Ce qui eût accru le vice de sa forme. II était également impossible de ne faire qu'un seul département dé cette longue bande de terrain ; il a donc fallu la diviser en deux départements trop petits, puisqu'ils ont ensemble moins de 500 lieues carrées, mais cette disposition était impérieusement commandée par les circonstances locales.
Par une bigarrure trop fréquente, la limite, à l'ouest de cette province, se détourne deux fois de la crête des Vosges, pour embrasser, sur le revers oriental de ces montagnes, S.-Hippolyte, et une partie du Val de Liepvre qui, dans l'état actuel, dépendent de la Lorraine, tandis que, sur le revers occidental de ces montagnes, le comté de Dabo appartient à l'Alsace. Le comité a regardé comme indispensable de corriger cette imperfection aussi ridicule que préjudiciable aux administrés, et de désigner la crête de la grande chaîne des Vosges pour limite entre l'Alsace et les départements à l'ouest de celle-ci.
La Lorraine, les Evêchés et le Barrois, sont divisés en quatre départements un peu faibles, mais non pas au point de contrevenir aux décrets de l'Assemblée.
Une contestation s'est élevée relativement à la division de ces trois provinces ; elle se réduisait à ce point simple : « la division se fera-t-elle de « manière à ce que la Lorraine allemande soit « tout entière dans un seul département ou non? » Le comité, sur le rapport et après la discussion des moyens des parties intéressées, a décidé provisoirement que la Lorraine allemande serait partagée. Cette division a été acceptée par tous les représentants de ces trois provinces, sauf deux députés de la Lorraine allemande, qui réclament et demandent que le rapport de cette question soit fait à l'Assemblée nationale. Quand elle l'ordonnera, on lui rendra un compte plus détaillé de cette affaire; mais le comité doit la prévenir que sa décision provisoire a été reçue avec si peu de mécontentement, que les quatre départements en question sont presque achevés dans leurs sous-divisions, et que celui des Vosges est entièrement terminé, de 1 accord unanime de toutes les parties intéressées. Les principautés de Sedan, Mouzon et Garignan
2ui, ci-devant, faisaient partie du gouvernement e Metz et des Evêchés, mais que leur position géographique aurait dû associer naturellement à la Champagne, se sont réunies à celle-ci. Le comité a jugé, de plus, qu'il était convenable de joindre à cette province les villes de Givet et Gharlemont, de Marienbourg et de Philippe-Ville, ainsi que leurs territoires. Au moyen de cet agrandissement, la Champagne s'est partagée en quatre départements d'une belle proportion, lesquels sont à peu près terminés dans leurs sous-divisions. Les deux Flandres, le Hainault et l'Artois, aug-i inentées du Galaisis, de l'Ardresis et du Boulon-
nais, forment deux départements; et quoique le premier, composé des deux Flandres et du Hainault, soit un peu faible en superficie, il n'en est pas moins intéressant par sa population, par son agriculture et par son commerce.
Il existe deux difficultés dans cette partie: l'une résulte de l'excessive longueur du département de Flandre, qui a plus de quarante lieues de l'est à l'ouest, et l'autre est relative à la limite qui doit séparer la Flandre de l'Artois.
Pour lever la première, faite par la ville de Saint-Omer qui, dans un mémoire plein d'exactitude ët de justesse, développe les vices de la division adoptée, et qui en propose une autre, il faudrait violenter deux provinces qui ont demandé à rester à peu près dans leurs anciennes limites. Et le comité pense que le vœu de la commune de Saint-Omer ne doit pas l'emporter sur celui de la Flandre et de l'Artois, manifesté par leurs députés. Si l'on observe de plus que le projet de partage, proposé par la ville de Saint-Omer, peut toujours s'effectuer avec la plus grande facilité, et sans influence sur les départements voisins, dès que l'intérêt des peuples de la Flandre et de l'Artois les aura éclairés sur les inconvénients de la division qu'ils ont préférée, et dès qu'ils désireront de la changer, on jugera peut-être que, dans les circonstances actuelles, il serait infiniment délicat de vouloir forcer à être mieux des hommes satisfaits de leur manière d'être.
L'autre difficulté consiste principalement dans la demande que la Flandre fait à l'Artois de quelques villages, qui, par leur excessive saillie, produisent, dans la forme de la première, un étranglement qui lui laisse à peine une ou deux lieues de largeur dans quelques points. Cette contestation ne retardera pas la marche du travail.
L'Ile-de-France, le Soissonnais et la Picardie, à l'exception des portions cédées par cette dernière province à l'Artois, sont divisées en cinq départements proportionnés selon les décrets de l'Assemblée nationale, sauf celui de Versailles, qui est un peu faible en superficie ; mais la considération de la multiplicité des villes, de la grande richesse et de l'excessive population dans cette partie, a fait penser au comité que ce qui manquait à ce département du côté de la base territoriale, était plus que compensé par les circonstances dont il vient d'être rendu compte.
Le comité avait cru que Paris, hors de ligne par rapport à toutes les autres villes du royaume, devait aussi être distingué d'elles par la manière dont il serait compris dans la division générale. Il avait pensé que cette ville immense ne pouvait jamais considérer un département territorial dont elle ferait partie comme une ressource réelle pour ses besoins ; que, sous ce' point de vue, elle était aussi à l'étroit dans un département de dix-huit lieues de diamètre, que dans un cercle de quatre mille toises de rayon; que Paris n'ayant pour moyens de subsistance que l'échange de son industrie et de la richesse numéraire de ses citoyens contre les productions de .première nécessité, qui n'étaient pas dans lui, et qui ne pouvaient jamais y être, c'était à l'activité, à l'intelligence et aux précautions de ses administrateurs, a pourvoir à ses approvisionnements, et qu'il était impossible qu'avec des préposés fidèles, des facteurs vigilants, et des dépôts convenablement placés, Paris fût jamais exposé à la disette d'aucune espèce de denrées, qui, toujours, y'seraient versées par l'intérêt commun de toutes les provinces ; car les i objets de consommation se portent nécessaire-! ment là où existe le plus -grand nombre de con-
sommateurs; que Paris ne devait pas craindre que ses moulins, ses magasins, et tous les autres établissements relatifs à ses besoins, quoique placés dans un autre département, fussent moins respectés, moins en sûreté, moins à sa disposition ; que dans l'instant même où l'affranchissement ae toutes les servitudes et de toutes les gênes qui avaient affecté les propriétés, devenait un des points fondamentaux de la constitution du royaume, c'était une crainte illusoire, une sollicitude vaine que celle qui faisait redouter à Paris de n'être pas libre dans la possession et dans la gestion de ses propriétés particulières ; que cette défiance inquiète menait à une conséquence bien fâcheuse, celle de faire supposer que l'on regardait les départements comme devant être des provinces divisées d'intérêts, séparées par des barrières, étrangères les unes aux autres, sans fraternité, sans corrélation; qu'une telle opinion pouvait atténuer dès le principe la confiance due par la nation à l'un des plus grands et des plus puissants moyens de l'ordre et du bonheur public; que quand même on supposerait qu'une malveillance aveugle pourrait engager les administrateurs de quelques départements à gêner les approvisionnements de Paris, cette hypothèse, presque absurde, ne devrait point alarmer cette ville, puisque les fonctions et les pouvoirs des administrateurs de départements leur donnent bien la faculté de favoriser le commerce et la circulation des denrées, mais qu'en même temps ils sont dans l'heureuse impuissance de s'opposer aux lois générales qui doivent régir tout l'Etat; et puisque Paris étant, en quelque sorte, un établissement public appartenant à tout le royaume, ses besoins peuvent être comptés au nombre des grands besoins publics et d'un intérêt commun, auxquels l'administration générale ne permettrait jamais que personne refusât de concourir ou de se prêter ; que si Paris faisait partie de l'un des départements du royaume, quels (que fussent et la modération et les principes d'équité de ses représentants, leur nombre prodigieux, par rapport à celui des représentants des autres districts de ce département, serait toujours une cause -d'inquiétude et de crainte pour ces derniers ; que, pour opposer à l'influence de Paris un contrepoids suffisant, on ne pouvait employer le moyen pratiqué à l'égard des autres villes du royaume, celui de donner à la capitale un très-grand département, vu que pour arriver au terme de l'équilibre, il faudrait détruire toute espèce de proportion entre ce département et tous les autres ; ce qui pourrait alors devenir l'objet d'une inquiétude universelle; qu'il y aurait autant d'inconvenance que de danger à ce que Paris fût jamais un objet de défiance et d'ombrage, lui qui doit être le point de réunion de tous les intérêts, le centre de correspondance de tous les départements, appartenant également à tous, et ne tenant à aucun plus particulièrement qu'aux autres; que Paris méritait par son étendue, par sa population, par ses richesses, de faire un département -à lui seul ; que cette juste exception convenait à cette superbe ville, et que l'esprit de civisme, qui faisait désirer à Paris d'être assimilé aux autres villes du royaume, méritait et l'estime et la reconnaissance de la nation ; mais qu'il ne devait pas la priver de la satisfaction et de la faculté d'imprimer à la plus belle cité du monde, à la patrie des sciences et des arts, la distinction méritée qui doit caractériser la capitale de l'empire français :
C'est par ces considérations que le comité avait
cru devoir borner le département de Pans à Paris lui-même, accompagné d'une banlieue assez étendue pour renfermer tous les établissements nécessaires aux besoins journaliers de cette ville, tels que ses boucheries, ses voiries, ses cimetières, ses carrières, une partie de ses jardins, etc. La commune de Paris a manifesté un vœu contraire ; le comité a, d'après vos ordres, examiné, pesé, discuté de nouveau les motifs allégués pour donner un département territorial à Paris. 11 reste convaincu que les premières dispositions qu'il avait projetées, doivent produire a la fois l'intérêt général du royaume et l'utilité particulière de la capitale; et persistant dans sa première opinion, il attend les ordres ultérieurs de l'Assemblée.
La division en cinq départements de la Normandie et du Perche réunis, était convenue et arrêtée par les députés de cette province. Le travail des sous-divisions était même très-avancé, lorsque le comité a reçu une réclamation de la ville de Lisieux, qui attaque le système de partage adopté par les députés de Normandie. Le motif principal sur lequel s'appuie le mémoire de la ville de Lisieux, c'est que, dans la division projetée et convenue, les parties riches sont ensemble d'un côté, tandis que les portions les moins fertiles sont réunies d'un autre. En conséquence, la ville de Lisieux propose une disposition contraire, par laquelle on mélangerait dans chaque département les avantages et les inconvénients des localités.
Sans examiner l'exactitude et l'utilité de ce principe, qui cherche à compenser dans une même administration les parties pauvres par leur adjonction aux parties riches, sans prétendre décider, dans ce moment, s'il n'y a pas un avantage réel à ne soumettre, autant qu'il est possible, que des objets d'une même nature à une même surveillance, afin que l'attention des administrateurs constamment fixée sur les mêmes objets, soit en état de les saisir sous tous leurs rapports, et de donner à leur régime toute la perfection dont il est susceptible; mettant, dis-je, toutes les considérations à l'écart, il en reste une qui d'abord a frappé le comité : c'est qu'il est difficile de supposer que tous les représentants d'une province se soient réunis pour adopter une mesure vicieuse et préjudiciable à toutes les parties de cette province, et qu'une ville qui, d'ailleurs, a un intérêt particulier dans le système qu'elle propose, ait été elle seule plus clairvoyante que tous les autres intéressés. Ce motif est principalement un de ceux qui ont fait penser au comité, que le partage proposé par la ville de Lisieux devait être rejeté, et qu'il fallait s'en tenir à celui qu'avait adopté la députation de Normandie.
La Bretagne, renfermée presque partout dans ses anciennes limites, s'était divisée en cinq départements ; cette disposition était convenue par la très-grande majorité des députés de cette province, et le comité la regardait comme définitivement arrêtée. Une députation extraordinaire de la ville de Saint-Malo attaque la division projetée par la majorité des députés de la Bretagne, et en propose une autre en six départements : le comité, qui n'a pas eu le temps d'examiner à fond cette difficulté, aura l'honneur de vous en rendre compte avec plus de détail, si elle ne se termine point à l'amiable; et c'est l'incertitude de votre décret qui, selon qu'il adoptera la division en cinq ou en six départements ; c'est, dis-je, cette incertitude qui a occasionné en partie celle que le rapport a paru laisser sur le nombre fixe des
départements dans lesquels le royaume sera divisé.
Le Poitou, diminué du Gonfolens, augmenté du Loudunois et du Mirebalais, et d'une portion des Marches-Communes, que le comité a cru devoir être partagées entre la Bretagne et le Poitou, est divisé en trois départements de grandeur convenable; la division proposée par le comité aux députés du Poitou, a été acceptée sans réclamation.
Le Maine, l'Anjou et la Touraine forment quatre beaux départements. La ville de Saumur a demandé, avec le plus grand intérêt, qu'il en fûl fait un cinquième dont elle eût été le chef-lieu ; mais le comité a dû résister à cette prétention qui n'aurait pu se réaliser, sans tomber dans une contravention formelle avec celui de vos décrets qui prescrit l'étendue superficielle que doivent avoir lès départements. Saumur se borne actuellement à la demande d'alterner pour l'administration avec la ville d'Angers.
Le Berry offre deux départements d'une belle étendue ; les députés de cette province ont insisté avec force, pour conserver dans leur département oriental la ville de la Charité, située au-delà de la Loire par rapport au Berry. Le comité, après avoir entendu contradictoirementles parties intéressées, après avoir examiné cette question avec une attention proportionnée à l'importance que l'on semblait mettre de part et d'autre à la possession de la ville de la Charité, a cru devoir l'affecter provisoirement au département du Nivernais. Ce sera, Messieurs, l'objet d'un rapport particulier à vous faire, si les députés de ces provinces l'exigent,
Le Nivernais, réuni à quelques portions du Berry situées au delà de la rive droite de la Loire, forme un département.
L'Orléanais, le Blaisois et le pays Chartrain, augmenté du Thimerais, forment trois départements d'une étendue suffisante. Une seule contestation empêche que la division de ces trois départements ne soit définitivement arrêtée ; elle est relative à la ville de Beaugency, réclamée, à la fois, par le département de l'Orléanais et par celui du Blaisois : cet obstacle n'est d'aucune importance relativement au système de la division générale.
L'Auxerrois, joint à une partie du Sénonais et à quelques débris de l'Orléanais, compose un des plus beaux départements du royaume. Quelques députés de l'Auxerrois s'opposent à ce que la ville de Sens lçur soit unie ; mais cette dernière ville, qui pouvait, à plus d'un titre, prétendre à être le chef-lieu d'un département, est une de celles auxquelles le comité a cru pouvoir faire espérer une juste indemnité des avantages qu'elle devait raisonnablement attendre, et dont elle n'a été privée que par la loi de l'intérêt général, qui souvent exige le sacrifice de l'intérêt particulier : le premier dédommagement, qui lui est dû, est, au moins, la liberté de s'annexer à tel département, de préférence à tel autre. Elle a choisi celui de l'Auxerrois, et le comité a cru qu'elle ne devait pas être contrainte à cet égard, d'autant que le choix de la ville de Sens est sans nul inconvénient. Il a existé aussi une discussion considérable, relativement à la ville de Clamecy, réclamée à la fois par l'Auxerrois et par le Nivernais. Les rapports commerciaux de cette dernière province avec Clamecy, le vœu de celle-ci et l'utilité de toutes deux, que le comité a cru voir •dans leur réunion, l'a déterminé à ne pas déta-
cher du Nivernais une ville que toutes ses relations semblent devoir en rapprocher:
Les députés de la Bourgogne, après avoir abandonné à Auxerre la majeure partie du terrain qui forme le département de cette ville, avaient projeté pour le reste une division qui avait été adoptée par la totalité des députés de cette province, à l'exception de ceux d'Autun, qui, appuyés par des députés extraordinaires de cette ville, ont fortement réclamé contre le système de division accepté par la majorité de la députation de la Bourgogne. Faute de conciliation entre les parties intéressées, le comité a été forcé d'intervenir dans cette discussion : après l'examen des deux projets de division qui lui ont été remis, après avoir pris connaissance des motifs et des moyens allégués de part et d'autre, il avait cherché à concilier les deux partis opposés par un léger changement au projet de la majorité ; il lui avait paru que cette modification répondait à toutes les indications qu'il avait reçues concernant cette question : cependant sa décision a mécontenté les députés du Charolais, du Maçonnais, et Chalonnais, et cette difficulté est encore une de celles dont il vous sera rendu compte, si le dissentiment, qui existait entre quelques-uns des députés de la Bourgogne et le comité, n'a pas cessé.
Il y aura encore une contestation à régler entre le département du sud de la Bourgogne et celui de la Bresse, à l'occasion du village de Saint-Laurent, situé à l'extrémité du pont de Mâcon, que cette ville réclame, et que la Bresse ne veut pas céder ; mais cet objet est secondaire ; et quelle que soit la solution de cette difficulté, elle ne peut faire un changement essentiel à l'organisation des deux départements."
Comme je suis l'ordre du travail, je vais reprendre et développer la frontière occidentale du royaume.
Le pays d'Aunis et la Rochelle avaient désiré et demandé, avec les plus vives instances, de faire un département isolé. La superficie de cette province est, à peine, le tiers de celle exigée par vos décrets. Le comité a opposé ceux-ci à une prétention qui, d'ailleurs, était appuyée sur de pressantes considérations d'intérêts pour le maintien et la prospérité du commerce de la Rochelle : si les députés de cette province insistent dans leur demande, il faudra vous rendre compte des raisons détaillées qu'ils ont exposées pour soutenir leur pétition. Provisoirement le comité a décidé que le pays d'Aunis serait réuni à la majeure partie de la Saintonge, pour former un département. Cette dernière province, capable de former un département à elle seule, aurait voulu ne point altérer ses limites ; néanmoins elle a senti la nécessité de contribuer, pour sa part, à l'organisation de l'ensemble, tellement que dans l'hypothèse, vous adoptiez l'opinion du comité; la portion deterrain,quela Saintonge cédera àl'An-goumois, est prévue, et celui-ci aura son département tout formé, au moyen de cette cession et de l'abandon que le Poitou lui a fait d'une partie du Gonfolens.
L'espace compris entre l'Océan depuis l'embouchure de la Garonne jusqu'à celle de l'Adour, et la Basse-Navarre, le Béarn, le Bigorre, le Nebou-zan, le Languedoc, le Quercy, le Périgord et l'An-goumois, cette superficie, dis-je, est une de celles dont la division a présenté le plus de difficultés ; l'extrême opposition, qui existait entrelesopinions des parties intéressées, a déterminé le comité à proposer d'abord un premier projet qui, à beaucoup près, n'a pas réuni l'unanimité des suffrages ;
un second essai n'a pas été mieux accueilli; un troisième a éprouvé le même sort que les précédents. Uu député du Condomois en a proposé un quatrième, dont la disposition était telle que la ville de Condom était chef-lieu nécessaire d'un département. Malgré le zèle actif de l'auteur, il a été rejeté par la majorité des députés intéressés, et par le comité lui-même, qui, sans espérer de concilier tant d'avis et tant d'intérêts opposés, vient cependant d'essayer encore un nouveau système de division qui lui semblait devoir détruire le moins de convenances possibles, qui cependant a déjà excité, depuis qu'il est connu, de fortes réclamations de la part des députés de Tartas et de Mont-de-Marsan. Il partage le pays, dont la circonscription a été indiquée ci-dessus, en cinq départements : le premier renferme le Bordelais ; le second est composé du Bazadois et des grandes Landes ; le troisième comprend l'Agé-nois et le Condomois ; le quatrième FArmagnac ; et le cinquième réunit le pays de Marsan a la Chalosse, sauf quelques portions des limites communes à cette province, et au Béarn, sur lesquelles il existe quelques difficultés qui probablement se termineront à l'amiable.
Messieurs les députés intéressés à cet arrangement pourront consulter la carte sur laquelle cette division est tracée, et j'ai l'honneur de les prévenir que le comité n'a pas entendu marquer des limites tellement invariables, qu'elles ne puissent fléchir un peu selon le vœu mutuel des départements limitrophes.
Les Pyrénées, qui d'abord avaient paru présenter les plus grands obstacles, n'offrent plus qu'une difhculté : elle résulte de l'éloignement que témoignent le Labour, la Basse-Navarre et le pays de Soûle à s'unir à leurs voisins ; les députés de cette petite province allèguent la différence des mœurs, des habitudes et du langage, et ils demandent, en conséquence, à former de ce petit pays un départemeut dont la représentation serait proportionnelle à sa superficie, laquelle n'est que d'environ cent quarante lieues carrées. Le Béarn, au contraire, dont la superficie n'est que de deux cents lieues à peu près, réclame l'exécution des décrets de 1 Assemblée nationale, et demande qu'on lui réunisse le territoire convenable pour le porter à l'étendue d'un département; il objecte au pays des Basques que l'intention de vos décrets a été de fondre l'esprit et l'intérêt particulier des provinces, dans l'esprit et dans l'intérêt de toute la nation, de détruire ces barrières morales qui séparaient des cantons que la nature avait destinés à être unis par le rapprochement qu'elle en avait fait ; ils ajoutent que les Basques ont été constamment soumis, ainsi que le Béarn, au même évêque, au même tribunal civil, à la même administration, et qu'enfin la coutume des Basques est écrite en béarnais.
Le comité n'a pas cru que les motifs allégués par les députés du pays basque, fussent suffisants pour autoriser l'exception qu'ils proposent, et il estime que ce pays doit être réuni au Béarn, pour ne former ensemble qu'un département.
Le Bigorre et les Quatre-Vallées forment, par leur réunion, un département un peu faible en superficie, puisqu'il n'a qu'environ deux cent soixante lieues; mais les circonstances locales ne permettent pas de lui donner plus d'étendue. Les députés des Quatre-Vallées réclament et demandent leur adjonction au département de l'Armagnac.
Le Nebouzan et le pays de Foix sont réunis dans un seul département d'une étendue suffi-
santé. Enfin leRoussillon, agrandi par une petite cession du Languedoç, termine la chaîne des Pyrénées : ce département n'a que deux cents lieues; mais sa position physique ne permet pas de l'étendre sans tomber dans une contradiction manifeste avec les motifs qui ont déterminé la division en départements. En effet, le Roussillon, borné au midi par la grande chaîne des Pyrénées, est séparé à l'ouest du pays de Foix, par des montagnes presque incommunicables; au nord, il est séparé du Languedoc par une autre chaîne de montagnes, et sa limite orientale est bornée par la mer.
Le Languedoc, diminué , de quelques cessions qu'il a faites au pays de Foix et au Roussillon, du Velay qui s'est réuni à l'Auvergne, augmenté du Gominges et de quelques portions de l'Armagnac et du Quercy; le Languedoc, dis-je, est divisé en sept départements, la plupart un peu faibles; mais cette légère irrégularité est bien compensée par une disposition d'où résultent les convenances et l'accord de toute une grande province.
Le Rouergue et le Quercy forment chacun un département, sans sortir de leurs limites.
L'Auvergne et le Velay composent ensemble trois départements ; il reste encore quelques difficultés relatives au partage, mais elles ne sont pas de nature à inquiéter sur leur solution.
Le département du Bourbonnais était arrêté lorsque la ville de Montluçon, considérée comme la seconde de celte province, a présenté au comité un mémoire tendant à demander pour cette ville un département : elle donne pour motifs de la pétition le vœu de la province de Combrailles, et celui de plusieurs villes et communautés qui veulent se réunir à elles. La plus grande difficulté qui s'oppose à ce projet, c'est que la surface de tout le terrain, proposé par Montluçon pour composer son département, n'est pas de deux cents lieues; que, de plus, une 'grande partie de ce terrain est déjà comprise dans les départements environnants, tels que ceux du Berry et de la Marche, et que, par conséquent, il faudrait bouleverser ceux-ci pour adopter ce système.
Le comité estime que le projet de la ville de Montluçon est impraticable.
La Marche, le Limousin et le Dorât forment trois départements dont les limites sont à peu près convenues.
Le Périgord en forme un autre.
Le Lyonnais, le Beaujolais et le Forez présentent ensemble une surface suffisante pour faire un très-beau département.
Le Forez, dont la superficie n'est que d'environ 230 lieues, a demandé avec instance de n'être point réuni avec Lyon sous une même administration. Il aurait volontiers consenti à se joindre au Beaujolais ; mais, dans l'une et dans l'autre supposition, il devenait impossible de faire un département au Lyonnais, et le comité a cru qu'il était convenable que ces trois provinces fussent réunies, et que leur étendue, qui est d'environ trois cent soixante lieues, n'était pas excessive, eu égard à l'importance de la ville de Lyon, dont il était nécessaire de balancer l'influence. Si l'Assemblée adopte l'opinion du comité, il restera encore une difficulté à lever : elle résulte de la demande que fait le bourg ou le faubourg de la Guillotière, d'être réuni au Dauphiné. La ville de Lyon réclame avec force contre cette prétention, qui vous sera soumise avec plus de détail: mais, quelle que puisse être la décision que vous prononcerez sur cet objet, elle n'altérera point essen-
tiellement le département que le comité propose.
Enfin, la Corse, coupée par de très hautes montagnes, infectée par des marais qui rendent plusieurs de ses cantons inhabitables, faible en population, puisque la sienne n'est que d'environ cent cinquante mille âmes sur une surface de plus de cinq cents lieues; la Corse ne nous a point paru susceptible de faire plus d'un département. Cependant le comité propose d'autoriser cette province à en former deux, si, dans la première assemblée des représentants de cette île, ils jugent que cette disposition leur soit plus avantageuse.
Voilà, Messieurs, à quel point en est l'opération que vous avez daigné confier à nos soins. Votre autorité devient nécessaire pour consommer ce grand travail; mais, avant que le comité vous soumette le projet d'un décret qu'il croit indispensable, souffrez qu'il dissipe l'inquiétude qu'aurait pu vous faire concevoir l'annonce d'un grand nombre de questions litigieuses qu'il faudra décider. Quatre de ces questions seulement tiennent au système général de la division de,1a France; les autres, plus ou moins importantes, n'intéressent que quelques départements qui ne cesseront pas d'exister comme tels, quelle que soit votre opinion sur ces objets : la plupart même se réduisent à savoir si une petite ville, un bourg, ou quelques villages seront situés à droite ou à gauche d'une limite. Plus de soixante départements sont arrêtés dans leur circonscription, ou n'attendent, pour l'être, que la solution de quelques contestations, la plupart d'une très-faible importance. Plusieurs, dans le nombre, sont définitivement sous-divisés en districts; les autres le seraient de même, si le comité, forcé de se donner des masses avant de se livrer à des détails, avait pu s'occuper des prétentions très-nombreuses de toutes les villes qui aspirent à être chefs-lieux de district. Mais il ose assurer qu'aussitôt qu'un décret de l'Assemblée nationale aura fixé le nombre précis des départements, et mis le comité à même d'en avoir définitivement les limites, la sous-division en districts et cantons s'exécutera avec une célérité dont vous jugeriez mal par le temps employé à faire la division en départements.
Bientôt, Messieurs, vous verrez terminé ce projet qui doit assurer la constitution, et préparer la régénération de l'Etat : entreprise unique, et dont le succès caractérisera, aux yeux de la postérité, le génie fier et hardi, le caractère facile et doux d'un peuple qui a osé surmonter tous ses préjugés, briser toutes ses habitudes, renverser des institutions barbares, mais consolidées par quatorze siècles d'existence, et leur substituer des lois sages, justes, humaines, qui rendront bientôt la force et l'énergie de la jeunesse à une nation qui touchait à la décrépitude.
Le comité a l'honneur de proposer à l'Assemblée nationale :
1° De décider si le Dauphiné, le pays d'Aunis, et celui des Basques, seront autorisés à former des départements ; l'un de 950 lieues de surface, le second de 100 et quelques lieues, et le troisième d'environ 140 ; ou si elle adopte l'opinion du comité à l'égard de ces trois provinces;
2° De décréter que d'ici à mercredi 13 janvier, inclusivement, les députés intéressés à chaque département seront tenus de produire au comité de constitution le tableau énonciatif de leurs limites respectives, arrêté et signé par tous ; faute de quoi, autoriser le comité à les tracer et à vous les proposer lui-même;
3° D'arrêter encore, qu'à dater de lundi 11 du courant, il sera accordé chaque jour au comité de constitution, une heure fixe à chaque séance, soit pour faire à l'Assemblée le rapport des objets contentieux où sa décision sera nécessaire, soit pour lui présenter le tableau des départements terminés dans leurs sous-divisions, afin qu'elle puisse les décréter successivement, à mesure qu'ils lui seront offerts ;
Et, 4° de décréter que les députés de chaque département seront tenus de se pourvoir de deux exemplaires de la topographie de leur département, composés des feuilles de la carte de l'Académie, collée sur toile, et d'une seulepièce, afin que deces deux exemplaires, sur lesquels seront exprimées semblablement les limites du département, et celles des districts et des cantons, et qui seront signés par les députés, par les membres du comité de constitution,et par les commis -saires-adjoints, l'un reste en dépôt aux archives nationales, et l'autre soit remis aux archives du département auquel il appartiendra (1).
(A deux heures sonnant, M. le président consulte l'Assemblée pour savoir si le rapport sera continué ou si la chambre des vacations de Rennes sera introduite. — L'Assemblée décide que le rapport sera lu en entier].
Plusieurs membres demandent que le projet de décret présenté par M. Bureaux ae Puzy soit mis en délibération.
D'autres membres font remarquer que la chambre des vocations de Rennes, attend depuis trois quarts d'heures le moment d'être introduite.
L'Assemblée renvoie au lendemain la délibération sur le projet de décret du comité de constitution.
fait introduire à la barre les membres composant l'ancienne chambre des vacations du parlement de Rennes. Il leur dit :
« Messieurs,
« L'Assemblée nationale a ordonné à tous les tribunaux du royaume de transcrire sur leurs registres, sans retard et sans remontrances, toutes les lois qui leur seraient adressées. Cependant vous avez refusé l'enregistrement du décret qui prolonge les vacances de votre parlement. L'Assemblée nationale, étonnée de ce refus, vous a mandés pour en savoir les motifs. Gomment les lois se trouvent-elles arrêtées dans leur exécution? Gomment des magistrats ont-ils cessé de donner l'exemple de l'obéissance ? Parlez : l'Assemblée, juste clans les moindres détails, comme sur les plus grands objets, veut vous entendre; et si la présence du corps législateur vous rappelle l'inflexibilité de ses principes, n'oubliez pas que vous paraissez aussi devant les Pères delà Patrie, toujours heureux de pouvoir en excuser les enfants, et de ne trouver dans leurs torts que les égarements de leur esprit et de simples erreurs. »
, un des magistrats de la chambre des vacations, a tiré un
« Messieurs, impassibles comme la loi dont nous sommes les organes, nous nous félicitons de pouvoir donner en ce moment au plus juste des rois une grande preuve de notre soumission, en exposant aux représentants de la nation les motifs et les titres qui ne nous ont pas permis d'enregistrer les lettres-patentes du 3 novembre 1789, portant continuation des vacances de tous les parlements du royaume. 11 n'est point de sacrifices qui paraissent pénibles à de fidèles sujets, lorsque, commandés par un monarque vertueux, ils ne sont réprouvés, ni par les devoirs sacrés de la conscience, ni par les lois impérieuses de l'honneur.
« Les lettres-patentes du 3 novembre étaient adressées au parlement de Rennes, et nous n'en étions que quelques membres isolés, nous ne formions même plus la chambre des vacations; le terme fixé pour la tenue de ses séances était expiré le 17 octobre précédent; elle n'existait plus; et, s'il fallait en créer une nouvelle, le parlement en corps pouvait seul enregistrer le titre de son établissement.
« Nous étions dispersés dans la province, et nous donnions à nos affaires personnelles le peu de temps qui devait s'écouler jusqu'à la rentrée du parlement, lorsque chacun de nous a reçu une lettre close qui lui enjoignait de se rendre à Rennes pour y attendre les ordres du Roi.
« Malgré la distance des lieux, nous noussommes assemblés le 23 novembre. Le substitut du procureur général nous a présenté les lettres-patentes du 3 de ce mois ; mais nous n'aurions pu les enregistrer que par un arrêt, et nous étions sans caractère pour le rendre.
« Un motif plus impérieux encore s'opposait à l'enregistrement de celte loi et de toutes celles qui renversent également les droits de la province, droits au maintien desquels notre serment nous oblige de veiller, et dont il n'est pas en notre pouvoir de consentir l'anéantissement.
« Lorsque Anne de Bretagne épousa successivement les rois Charles VIII et Louis Xll ; lorsque les Bretons, assemblés à Vannes en 1532, consentirent à l'union de leur duché à la couronne de France, le maintien de leur antique constitution fut garanti par des contrats solennels, renouvelés tous les deux ans, toujours enregistrés au parlement de Rennes, en vertu de lettres-patentes, dont les dernières sont du mois de mars 1789.
« Ces contrats, que des ministres audacieux ont quelquefois enfreints, mais dont la justice de nos rois a toujours rétabli l'exécution, portent unanimement que non-seulement les impôts, mais encore tout changement dans l'ordre public de Bretagne, doivent être consentis par l'Etat de cette province.
« La nécessité de ce consentement fut la principale et en quelque sorte la seule barrière que les Bretons opposèrent si courageusement aux édits du mois de mai 1788, et notamment à celui qui mettait tous les parlements du royaume en vacances. Cinquante-quatre députés des trois ordres, envoyés à la cour de toutes les parties de la province, les commissions intermédiaires des Etats et les corporations réclamèrent unanimement cette loi constitutionnelle. Tous les avocats de Rennes, dont plusieurs siègent dans cette Assemblée, disaient alors au Roi : Vous ne laisserez pas subsister des projets qui, quand ils n'offriraient que des avantages, ne pourraient être
exécutés sans le consentement des Etats ;. nos franchises sont des droits, et non pas des privilèges, comme on a persuadé àVotre Majesté de les nommer, pour la rendre moins scrupuleuse à les enfreindre. Les corps ont des privilèges, les nations ont des droits.
« Pour autoriser le parlement de Rennes à enregistrer, sans le consentement des Etats deTa province, les lois qui sanctionnent vos décrets, il faudrait, Messieurs, qu'elle ait renoncé à ses franchises et libertés, et vous savez que, dans les assemblées qui ont précédé la vôtre, tous ies suffrages se sont réunis pour le maintien de ces droits inviolables, que nos pères ont defendus, et que nous avons nous-mêmes réclamés avec un zèle si persévérant.
« Vous connaissez le vœu des deux premiers ordres rassemblés à Saint-Brieuc. Les ecclésiastiques des neufs diocèses, qui vous ont envoyé des députés, leur ont enjoint de s'opposer à toutes les atteintes que l'on pourrait porter auxprérogatives de la Bretagne. Les communes de Rennes, de Nantes, Dol, Dinan, Guérande, Fougères, Quim-perlé, Carhaixet Châteaulin, qui forment plus des deux tiers de la province, se sont exprimées plus impérativement encore dans leurs cahiers. « L'assemblée a arrêté, dit la sénéchaussée de Rennes,, que ses députés aux Etats généraux seront nommés, à la charge d'y présenter le cahier des griefs de la sénéchaussée, et de s'y conformer, surtout aux articles constitutionnels, de conserver soigneusement les droits et franchises de la Bretagne, notamment son droit de consentir, dans ses Etats, la loi, l'impôt et tout changement dans l'ordre public de cette province. »
« Tous ces cahiers, Messieurs, dont vous êtes les dépositaires, nous ont. tracé la route que nous avons suivie ; et nous ne craignons pas de le dire aux représentants d'une nation loyale et généreuse, ils fixent immuablement les bornes de votre pouvoir, jusqu'à ce que les Etats de Bretagne, légalement assemblés, aient renoncé expressément au droit de consentir les lois nouvelles. Vouloir les contraindre à les accepter, ce serait une infraction de la foi publique.
« Telle a donc été, Messieurs, notre position. Le parlement en corps pouvait seul enregistrer les lettres-patentes qui lui étaient adressées, et nous ne composions même plus une chambre de vacations.
« Cette loi, et toutes celles qui ont été rendues sur vos décrété, ne peuvent être publiées en Bretagne sans le consentement de la province. Les trois ordres avaient réclamé ce droit inhérent à la constitution ; leur intention connue était pour nous une loi inviolable, nous devions éviter tout éclat ; nous avons fidèlement rempli cette obligation ; mais, comptables à nos citoyens du dépôt de leurs droits, franchises et libertés, nous n'avons pas dû les sacrifier à des considérations pusillanimes.
« De vrais magistrats ne sont accessibles qu'à une crainte, celle de trahir leur devoir ; lorsqu'il devient impossible de le remplir, se dépouiller du caractère dont ils sont revêtus est un sacrifice nécessaire. Deux fois nous l'avons offert ; deux fois nous avons supplié Sa Majesté de nous permettre de rapporter dans la vie privée le serment à jamais inviolable de notre fidélité, au monarque et aux lois.
Vous approuverez, Messieurs, ce sentiment ; et lorsque vous examinerez les titres dont nous venons de vous présenter le tableau, vous reconnaîtrez, nous n'en doutons point, que les deux
nations sont également liées par les contrats qui les ont unies ; que ces contrats forment des engagements mutuels, consentis librement, et que la France peut d'autanlmoins s'y soustraire, qu'elle leur doit une des plus précieuses possessions. »
Signé ; de La Houssaye, président ; de La Bourdônnaye ; de Bonin -, Jacquelot du Boisrouvray ; Fournier de Trelo ; de Rosnyvinen.
répond :
« L'Assemblée nationale pèsera avec maturité les observations que vous avez cru devoir lui proposer : je prendrai ses ordres, et vous saurez ses intentions. »
(Les magistrats de la chambre des vacations se retirent.)
propose d'informer l'Assemblée de quelques erreurs de fait.
demande également la parole.
consulte l'Assemblée qui renvoie la discussion à la séance du lendemain.
La séance est levée à 4 heures et demie.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses ainsi qu'il suit :
Délibération du comité permanent et de l'assemblée générale de3 habitants de la ville de Vienne, et de celle de S. Marcellin en Dauphiné, qui s'élèvent avec force contre le procès-verbal de la commission intermédiaire des Etats de cette province, par lequel elle désapprouve la nouvelle division du royaume; ils renouvellent leur adhésion absolue à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui qui divisera le Dauphiné en plusieurs départements.
Adresse d'adhésion de la communauté d'Alle-vard en Dauphiné; elle fait le don patriotique d'un contrat de constitution de rente au capital de 4,643 livres 8 sols.
Adresse de félicitations et dévouement de la compagnie de l'Arquebuse de Dormant en Champagne ; elle fait le don patriotique de la somme de 200 livres.
Délibération de la communauté de Sainte-Eu-lalie-d'Embarès, entre deux mers ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de féliçitations, remerciements et adhésion de la communauté de Presty et la Croth en Bourgogne., Indépendamment de la contribution patriotique, elles font remise à la nation de leurs franchises du droit d'aide dont elles ont joui par grâce spéciale jusqu'en 1771 ; mais elles protestent, sous le bon plaisir de l'Assemblée, de réclamer contre l'administration du Mâconnais, toutes les sommes qu'elles ont été contraintes de verser entre ses mains depuis cette époque jusqu'à ce jour.
Adresses de la ville d'Harcourt en Normandie : de celle de Gramat en Quercy, qui expriment les sentiments d'admiration, de reconnaissance et dévouement dont elles sont pénétrées pour l'Assemblée nationale ; elles demandent d'être le chef-lieu de département, et le siège d'une justice royale.
Adresse des habitants d'Haut-Ile, contenant le don patriotique de la contribution sur les ci-de-vant privilégiés.
Adresse d'adhésion de la communauté de Cas sagne en Quercy ; elle demande une.municipalité.
Adresse de la communauté de Roquevaire en Provence, contenant une adhésion très-énergique aux décrets de l'Assemblée nationale, et réclamation contre la demande de la communauté d'Au-bagne, pour être le siège de la justice des lieux circonvoisins.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Brando en Corse, contenant un procès-verbal de formation d'une milice nationale à l'instar de celles qui se sont établies successivement dans toutes les communautés du royaume, et qui ont fait le serment solennel d'être fidèles à la nation, au Roi et à la loi.
Adresse d'adhésion, respect et reconnaissance de la paroisse de Saint-Germain-lès-Compiègne, et plainte contre un officier de chasse.
Délibérations des paroisses du siège royal de Bazouges en Bretagne, portant adhésion aux décrets du 4 août, en renonciation aux anciens privilèges de la province.
Adresses de plusieurs communautés du Périgord, contenant adhésion, félicitations et offre du moins-imposé.
Adresse de félicitations,remerciements et adhésion de la ville de Sarrelouis.
Adresse du même genre du bourg deTullius en Dauphiné, de la ville d'Etain en Lorraine, de la ville d'Annay en Poitou, de celle de Jegan en Gascogne, de la ville de Blausac en Angoumois, de la communauté de Pouillon, sénéchaussée d'Ax, de la ville de Saint-Nicolas-de-la-Grave en Gascogne, de celle de Pignaux en Provence ; elles demandent toutes d'être chef-lieu de district et le siège d'une justice royale. ' Adresses du même genre de la communauté d'Epone en l'Ile-de-Ftfance, et de celle de Charbiny, élection de Tonnerre; elles font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresses du même genre des communautés de Saint-Cristol en Jarret, et Saint-Andéol-la-Valla en Forez ; elles fout le même don patriotique, et demandent que la ville de Saint-Chamond soit le chef-lieu d'un district.
Adresses du même genre des deux communes réunies de la ville et du bourg Saint-Pierre-de-Chemillé en Anjou; elles demandent l'établissement d'une assemblée de district dans ladite ville.
Adresse de la garde nationale de la ville de Gler-mont-Ferrand; cette garde, composée de deux mille hommes, a ajouté au serment prescrit aux troupes celui de soutenir de tout son pouvoir la constitution et tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresses de MM. les officiers municipaux de la même ville ; ils soumettent à l'exameu de l'Assemblée l'établissemeut qu'ils ont fait pour le soulagement, des pauvres pendant Cet hiver, et dont la caisse monte à trente-six mille livres; ils dénoncent à l'Assemblée un écrit séditieux, intitulé : « Adresse aux provinces », qui leur a été? envoyé par lettre anonyme; et ils déclarent qu'ils
conserveront toujours un inviolable respect et une soumission absolue pour les décrets ae l'Assemblée nationale.
Adresse de félicitations à l'Assemblée nationale de la part des citoyens de la ville de Jonzé en Bretagne; ils prient 1 Assemblée d'agréer l'hommage le plus pur de leur fidélité, de leur respect et de leur soumission à ses décrets; ils demandent une juridiction royale.
Adresse de la communauté de Thierville, près Verdun, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale : malgré la disette affreuse qui désole cette communauté, elle a payé toutes ses tailles pour l'année 1789, ce qui est justifié par une quittance finale ; elle se soumet à payer 600 livres pour sa contribution patriotique; et les 70 pères de famille, qui la composent, se sont cotisés volontairement pour une somme considérable de 1,526 livres 19 sols, sans y comprendre celle de 600 livres, et sans compter ce que pourront offrir quelques particuliers qui n'ont pas encore souscrit leur part de contribution ; elle demande que la subvention considérable, supportée par le Verdunois, soit également répartie entre tous les citoyens, tant de la ville de Verdun, que de la campagne, et que l'effet des décrets du 4 août ait lieu depuis cette époque, et non depuis celle de leur publication.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Le procès-verbal porte que M. de Lahoussaye a déposé sur le bureau le discours qu'il a prononcé au nom de la chambre des vacations du parlement de Rennes; mais il est constant, au contraire, qu'une partie de ce discours, débitée de vive voix, n'a pas été déposée.
J'appuie la remarque faite par le préopinant. Je demande, en même temps, que la dernière partie du discours de M. de La Houssaye soit insérée au procès-verbal ; cette partie irrespectueuse pour l'Assemblée porte en substance que le parlement s'honore de la fermeté qu'il a montrée et que la postérité admirera le courage dont il a fait preuve.
Je propose de faire demander à M. de Lahoussaye, par M. le président, la partie du discours dont il s'agit, et dont nous ne pouvons apprécier la portée d'une manière exacte.
M. de Lahoussaye en ne déposant pas sur le bureau, la dernière partie de son discours en fait justice lui-même,; il suffirait, je crois, de dire au procès-verbal quelafin n'a pas été remise.
La partie du discours de M. de La Houssaye qui n'a pas été déposée sur le bureau, n'est pas absolument essentielle au jugement de l'affaire du parlementde Rennes. Je demande la question préalable sur toutes les motions présentées.
consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Le procès-verbal est adopté.
dit ensuite qu'il vient de recevoir une lettre de M. le comte de la Luzerne,
avec un mémoire dans lequel ce ministre annonce que, dans plusieurs ports du royaume,les ouvriers se sont réunis pour demander à être payés à la journée et non par entreprise. Ce ministre observe que ce nouvel ordre de choses occasionnerait un surcroît considérable de dépenses dans le département.
L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité de marine.
, rapporteur du comité de constitution. Dans la séance d'hier, le comité a soumis à l'approbation de l'Assemblée un projet de décret, en quatre articles, sur la formation des départements ; il est urgent de statuer sur les trois derniers et j'en demande l'adoption.
On demande à aller aux voix et les articles sont décrétés en ces termes :
Les députés de chaque département seront tenus, d'ici au 13 janvier, de produire au comité de constitution le tableau énohciatif de leurs limites respectives, arrêté et signé par tous ; sinon, et à faute de ce faire, ledit comité est autorisé à tracer lui-même ces limites, et à les présenter à l'Assemblée.
A compter de ce jour, le comité de constitution sera entendu à l'ouverture de chaque séance, et après la lecture du procès-verbal, soit pour faire à l'Assemblée le rapport des objets contentieux sur lesquels il sera nécessaire de statuer, soit pour présenter le tableau des départements, terminés dans leurs sous-divisions, afin que l'Asssm-blée puisse les décréter successivement et à mesure qu'ils lui seront offerts.
Les députés de chaque département seront tenus de se pourvoir de deux exemplaires de la topographie de leur département, composée de feuilles de la carte de l'Académie, collées sur toile, et d'une seule feuille, afin que de ces deux exemplaires, sur lesquels seront exprimées semblable-ment les limites du département, et celles des districts, et cantons, et qui seront signées par les députés et par les membres du comité de constitution, l'un reste en dépôt aux archives nationales, et l'autre soit remis aux archives du département auquel il appartiendra.
La discussion est ouverte sur l'affaire de la chambre desvacations du parlement de Bretagne. M le vicomte de Mirabeau a la parole.
(1). Messieurs, vous avez entendu le langage simple et vrai de l'honneur et de la loyauté; vous avez pu admirer, comme moi, le maintien ferme et noble de l'innocence accusée : examinons, en ce moment, la conduite de ces magistrats qu'on vous a présentés comme des criminels, qu'on a osé vous dénoncer comme de vils machinateurs d'intrigues, comme des conspirateurs. Le temps amène la vérité, et l'opinion publique, le juge à la fois le plus sévère et le plus juste, en livrant au mépris et aux remords le calomniateur, venge tôt ou tard l'homme de bien injustement accusé.
Les magistrats bretons mandés ont d'abord justifié leur refus d'enregistrement par la
preuve de leur incompétence personnelle ; les séances de leur chambre des vacations étaient
finies ; ce tribunal intermédiaire n'existant plus, il eût fallu en constituer un autre;
l'édit qui par son enregis-
Examinons ensuite les moyens employés par eux pour vous prouver que le Parlement lui-même était incompétent pour enregistrer l'édit qui substituait treize magistrats à cent douze pour rendre la justice à l'une des plus grandes provinces du royaume : ces moyens, comme les premiers, ont paru sans réplique, et je crois dif-dicile de détruire, par des raisonnements spécieux ou des sôphismes, des principes qui reposent sur des traités, despactes, desconventions, enfin sur ce gue tous les hommes avaient regardé, jusqu'à ce jour, comme sacré.
Oui, Messieurs, la Bretagne a des droits incontestables et imprescriptibles ; elle était régie par des lois auxquelles nul particulier, nulle corporation, nul établissement, nulles assemblées partielles n'ont pu renoncer. Ces droits vous ont été exposés avec clarté ; ces lois ont été invoquées par les magistrats qui ont comparu devant vous : la conservation de ces droits, le maintien de ces lois, ont pour garant le serment de ces mêmes magistrats, avec lequel ils n'ont pas dû composer, et celui du vertueux monarque qui nous gouverne, renouvelé de deux en deux années, et prononcé ultérieurementpar lettres-patentes du mois de mars 1789. Je vous prie, Messieurs, de peser dans votre sagesse et votre justice, cette phrase qui en est extraite.* Si donnons en mandement à nos amés et féaux les gens tenant notre cour de parlement à Rennes, et notre chambre des comptes à Nantes, que le contrat avec ces présentes ils aient à faire lire, publier et enregistrer, et le contenu en celui garder et observer de point en point selon sa forme et teneur, sans souffrir qu'il y soit contrevenu. »
Jusqu'à ce moment, je le repète, Messieurs, les contrats ont été un échange de promesses réciproques qui n'ont pu être annihilées que par le consentement des deux parties contractantes; et si l'on admet la violation de ce principe, quelle stabilité peuvent avoir les institutions humaines ? quel particulier ne doit pas trembler pour sa fortune, son existence et son honneur ?
Les députés bretons ont si bien senti, Messieurs, la force de cet argument, que, dans la célèbre nuit du 4 août, où les sacrifices se succédaient avec une rapidité dont l'aperçu présentera plutôt aux siècles à venir le résultat de l'ivresse de patriotisme que du calcul de la raison ; que dans cette séance, dis-je, ils n'ont point fait une abnégation pure et simple des droits, franchises et liberté de leur province; ils ont bien senti qu'ils ne le pouvaient pas. Jetez les yeux sur le procès-verbal, et vous y verrez qu'un seul a déclaré qu'il adhérait aux sacrifices des privilèges de la province, ne se trouvant pas lié par son cahier; encore a-t-il cru devoir stipuler, pour la Bretagne, la garantie mutuelle établie par les clauses du traité d'union avec la monarchie française ; vous y verrez la réserve formelle des députés du clergé, qui se disent gênés par des mandats impé-
ratifs ; lesautres, Messieurs, etl'honorable membre qui présidait l'Assemblée lui-même, ont fait remarquer (je copie les termes du procès-verbal) combien il était naturel de présumer et d'attendre le consentement de leurs commettants, qui, les premiers, avaient adhéré aux décrets de l'Assemblée nationale.
MM. les députés bretons sentaient donc parfaitement leur insuffisance pour l'abandon des droits, franchises et libertés dejleur province; leurs cahiers (car quelque défaveur qu'on ait jetée dans l'Assemblée sur la citation des cahiers, j'avoue que je ne m'accoutume pas facilement à voir un mandataire repousser l'ordre de ses commettants), leurs cahiers, dis-je, étaient impératifs sar ce point, et je lis avec plaisir dans une lettre de M. Le Chapelier, datée du 12 septembre 1789, la preuve incontestable qu'il était aux mandats impératifs. Voici la phrase extraite de cette lettre. « Je n'ai pas cru devoir suivre strictement ce cahier, parce qu'il y a cinq mois que les idées sur le droit public étaient bien moins avancées qu'à présent, et parce que tout ce qui n'est pas impératif dans un cahier doit à mon avis être considéré comme instruction. »
La conduite des députés bretons a donc été très-louable en cette occasion ; et l'Assemblée y a donné sa sanction, puisqu'elle a fait mention, dans son procès-verbal, de leur déclaration qui nécessite et promet l'adhésion du peuple breton.
Il s'agit actuellement d'examiner si cette adhésion a été prononcée; j'avoue que je suis bien éloigné de le croire; je vois, il est vrai, beaucoup d'adresses de municipalités exprimant toutes adhésion, respect, reconnaissance : j'ignore s'il en existe d'autres dans nos bureaux, et cette ignorance tient à un régime dont j'ai eu connaissance et contre lequel j'ai réclamé, lorsque la confiance de l'Assemblée m'a porté au secrétariat ; je veux parler de l'habitude où l'on est de né lire dans l'Assemblée et de ne faire mention dans le procès-verbal que des adresses qui contiennent adhésion, respect et reconnaissance ; je doute que cela ait été décrété, mais je suis sûr que cela existe, et j'avoue que je saisis avec plaisir l'occasion de réclamer de nouveau contre un usage qui peut faire tort à notre loyauté : nous ne sommes pas infaillibles ; il faut donc nous éclairer, et la louange ne peut pas produire seule ce résultat si nécessaire au bien de tous,
Je dis donc que j'ai entendu et lu beaucoup d'adresses d'adhésion envoyées par les villes et les municipalités. Mais les villes ne constituent pas seules la province de Bretagne. Je pourrais citer une sénéchaussée qui a réuni cent électeurs pour la confection de ses cahiers et la nomination de ses députés à l'Assemblée nationale, parmi lesquels il n'y en avait que six de la ville, et les quatre-vingt quatorze autres étaient dépositaires de la confiance des communautés de campagne. La ville, dans laquelle ont été rassemblés ces électeurs, envoie aujourd'hui une adhésion partielle prononcée à la majorité de vingt ou trente officiers municipaux ; voudrait-on prétendre que cet acte d'adhésion détruit le mandat impératif donné par les cent électeurs ? ce serait une absurdité.
Voilà cependant, Messieurs, les actes de consentement, qui, joints à quelques adresses rédigées en grande partie ailleurs que sur lés lieux d'où elles partent, constituent, prétènd-on nous prouver, le vœu général de la province de Bretagne; j'avoue que, comme les magistrats mandés du Parlement de Rennes, je vois d'autant moins le vœu de la majorité du peuple breton prononcé
dans ces adresses partielles de consentement, que j'ai sous les yeux une pièce dont MM. les députés bretons ne récuseront sûrement pas l'authenticité, l'adresse de l'une des plus nombreuses communautés de la Bretagne, qui, en refusant d'enregistrer les décrets à elle adressés par l'intendant de cette province, a motivé son refus d'une manière encore plus forte que les magistrats .mandés. Il y est dit : « Que la province de Bretagne est absolument indépendante de la France ; qu'elle est, ainsi que le Béarn, le patrimoine de nos rois, auquel la nation ne peut toucher sans violer les lois les plus sacrées de la propriété, puisque ce fut à François Ier qu'elle se donna, et que ce fut avec lui seul qu'elle régla les conditions du traité d'union sans le concours ni la participation de la France :
« Que, suivant les conditions de ce traité, conditions sacrées et inviolables, puisqu'elles ont été confirmées et approuvées par tous les rois successeurs de François Ier, même par Louis XVI notre auguste monarque aujourd'hui régnant, elle a son régime particulier, par lequel elle est gouvernée.
« Que, suivant ce régime, elle a même des Etats généraux qui s'assemblent tous Les deux ans ; que ces Etats ont le droit de faire de nouvelles lois qu'ils jugent avantageuses; d'abolir celles qu'ils croient inutiles ou abusives, de réformer les abus qui se glissent dans l'administration, d'accepter ou de refuser les lois qu'il plaît au roi de faire dans la province, si elles attaquent les privilèges; qu'elles nîont aucune force et ne .peuvent'être mises à exécution, qu'après qu'elles ont été reçues par les Etats, ,et qu'elles y ont été enregistrées ; que le souverain ne peut même établir aucun impôt que du consentement de la nation; qu'après qu'elle l'afCDnsenti, elle a le droit d'en faire la répartition entre .les contribuables sans le concours ni la participation du roi.
« Que la province n'a jamais reconnu de lois que celles qui ont été .faîtes par ses Etats généraux, celles qui y ont été enregistrées, et qu'ainsi, s'il yavait des abusà réformer, des lois -à faire, et même Si l'on voulait une régénération entière, c'était dans rassemblée de la province que tout cela devait s'opérer, et non dans l'Assemblée des Etats de la France à qui nous ne devons aucun compte de notre administration, mais uniquement au iroi ;
« Qu'enfin, parce que les changes données à nos députés aux Etats généraux* portent un commandement exprès de s'opposer formellement qu'il y fût porté aucune atteinte aux droits et privilèges de la province assemblée pair députés, et qu'ainsi il n'a pu être révoqué que par la province assemblée de la même manière, ce qui n'a pu être fait ; pour quoi il n'y a pas lieu d'imaginer que nos députés aient concouru à ,aucun décret de l'Assemblée de la France, puisqu'elle n'a pas le droit d'en faire qui intéresse la Bretagne qui a son gouvernement particulier.
« D'ailleurs, l'obligation imposée à nos députés de s'opposer à ce que.les Etats-généraux préjudi-ciassent aux droits de la province, .bornait leur mission à concourir seulement au règlement de finances, à ,l'établissement de nouveaux impôts, s'il était nécessaire d'en créer, ét à se charger de la portion qui serait due par la province, pour la répartition en être faite dans son Assemblée nationale; pour quoi ils refusentde sanctionner, etc. »
On s'écriera, sans doute, que ce sont là les derniers soupirs de l'aristocratie expirante. Eh bien 1
non, Messieurs, ce sont des paysans bas-bretons qui ont conservé la franchise de ce peuple généreux, qui n'ont point voulii écbanger ie despotisme ministériel contre le despotisme municipal.
C'est une communauté de huit mille habitants qui m'a fait passer elle-même copie de cette adresse qu'elle a envoyée à ses députés; c'est la commune de Banalec qui m'invite à la faire valoir auprès de l'Assemblée nationale ,; je déposerai l'adresse sur le ibureau, et j'ajouterai que je suis presque certain qu'elle n'est pas la seule. Umgrand nombre de communautés de campagne a renvoyé à l'intendant les décrets qui leur avaient été adressés, et presque toutes ont motivé leur refus. Elles vous parviendront, Messieurs, ces réclamations, si, comme ïnotre devoir nous le prescrit, nous exigeons qu'elles nous soient présentées (1).
Qui de nous, ayant connaissance de ces pièces et de la justification imposante, j'ose le dire, des magistrats bretons, osera condamner leur conduite? Quideinous ne regrettera pas d'avoir coopéré au décret précipité que nous avons rendu contre eux?;Serait-ce ceuxd'entrenous, Messieurs, qui, dans ce moment, sont en instance avec ces mêmes magistrats, et qui, on traitant les intérêts de leur province, auraient dû, ce me semble, s'abstenir, lorsqu'il s'est agi db juger des individus qui prétendent avoir été injustement inculpés par eux aux pieds du Trône, et qui, je le répète, et je le prouverai, sont en instance avec eux.
Non, Messieurs, nous serons justes, parce que nous devons l'être; nous conviendrons que laeon-duite des membres du Parlement de Bennes n'a pu donner lieu à aucune inculpation, et que nous avons été trompés sur leurs motifs. Or, une erreur, si tant est que c'en soit une, n'est pas un crime.
Et cependant, Messieurs, au moment où nous allons juger ces vertueux magistrats, nous flous passionnons pour ;ou contre, même avant la discussion : je vous le demande. Messieurs, des juges, puisqu'on veut que nous jugions, ne doivent ils pas être calmes et majestueux comme la loi dont ils sont l'organe?
iDans l'espoir de voir partager à d'Assemblée mesisentiments sur cet objet, j'aurai li'honneur de lui proposer le modèle de décret suivant :
f L'Assemblée.nationale, ayantreconnuila pureté des motifs qui ont déterminé la conduite des magistrats mandés du Parlement de Bretagne, a décrété qu'elle nïavait pasdonné lieu à inculpation ; que la délicatesse de Ces magistrats ne pouvait souffrir du mandat qui tes a amenés à la barre de l'Assemblée nationale, et que leurs personnes sont sous la sauvegarde de la loi. »
(2).Messieurs, la Chambre des vacations tdu Parlement de Bretagne a fait sou apologie, et elle trouve des défenseurs.
Elle décore du nom de devoir isa désobéissance à l'autorité de la nation, son mépris pour
les lettres de jussionjréitérées que Sa Majesté a eu la bonté de lui envoyer, son infraction
au serment que chacun de ses membres a fait de rendre la justice aux peuples ; enfin elle se
couvre des privi-
Je m'étonne qu'on puisse appeler courage cette coupable résistance ; je ne vois qu'un nouveau délit, peut-être plus considérable encore que le premier, dans les excuses de la chambre des vacations de Rennes.
Sans doute c'est une faute capitale que d'abandonner des fonctions que le besoin public réclame, de laisser la justice sans ministres et les peuples sans secours ; s'il était besoin de chercher, dans l'opinion même des parlements, la condamnation d'une pareille conduite, je trouverais qu'à une époque très-voisine de nous, ils ont déclarétraîtres à la patrie et les ministres qui se permettent une telle violation du droit public, et tous ceux qui montraient le désir de la favoriser.
Mais c'est bien aussi un délit majeur que de se montrer,au milieu des représentants de la nation, lorsque les principes de la division des pouvoirs sont fixés, lorsqu'il est désormais reconnu que le plus grand des abus qui ait désolé la France, a été ce funeste mélange de la puissance législative, judiciaire et administrative ; que de se montrer, dis-je, comme un corps au-dessus de toute autorité, frondant tous les pouvoirs pour les empêcher tous d'être remis à leur place; insultant à l'opinion du peuple, sous le prétexte que l'on connaît mieux que lui même ses intérêts et ses droits; et ne réclamant, malgré lui, des privilèges effacés, que parce qu'ils servaient à son oppression; prêchant enfin l'insurrection contre 1a. puissance publique, et ayant l'air de la confondre avec le despotisme,pour essayer de tourner contre elle les mêmes efforts qui ont servi à l'établir.
J'éprouve, Messieurs, quelque embarras en me trouvant forcé de m'expliquer sur cette matière, et d'examiner la conduite, les discours, les prétextes et les excuses d'une cour de magistrature composée de mes concitoyens, dont j'ai longtemps reçu des témoignages d'estime ; mais un devoir plus pressant que celui de la reconnaissance ou de liaisons particulières, m'appelle aujourd'hui à vous instruire de ce qui peut décider votre opinion.
Je ne vous parlerai pas longtemps de cette pointillé de forme que présentent les premières phrases des conseillers de Rennes : que la chambre des vacations fût séparée depuis le 17 octobre, que s'ensuit-il? Elle a reçu, comme toutes les chambres des vacations du royaume, l'ordre de se ! réunir et de continuer ses fonctions; si la nation et le roi n'ont pas le droit de suspendre un tri- ; bunal et d'enétablirun, quelle puissance leurap- j partient? dans quelles étroites limites est donc : resserré leur pouvoir ? quelle est la loi qui a dit que des décrets de l'Assemblée, sanctionnés par ; le roi, ne seront transcrits sur les registres parle- ! mentaires que quand tout le parlement sera ras- | semblé? Le décret constitutif d'un tribunal ne doit j naturellement être adressé qu'aux membres des- j tinés à composer cette cour ; c'est à eux seuls ; qu'incombe le devoir de le transcrire sur leurs j registres, et s'il faut même invoquer et suivre ! toujours les anciens usages, il y a un grand nom- ! bre de lois qui ont été enregistrées par les chambres des vacations : il suffisait pour cela qu'une clause finale,conçue en ces termes, pour être enregistrée même en temps de vacations,leur donnât le
droit de procéder à cet enregistrement. Mais je regrette d'avoir employé ce peu de mots à une si déplorable minutie ; je passe à des objets plus sérieux. (1)
La Bretagne avait des franchises, elles étaient établies par des contrats solennels
librement passés entre les rois des Français et le peuple breton ; nous avons chéri ces
stipulations, nous les avons soutenues avec courage, nous les avons conservées avec soin,
tandis que la nation française, endormie sous les chaînes du despotisme ministériel, semblait
avoir oublié qu'elle avait
Nos espérances sont comblées; mais en quittant ceux qui nous ont honorés de leur confiance, en sortant de nos foyers pour venir nous réunir à vous, nous ignorions jusqu'où iraient vos conquêtes; nous ne connaisssions que vos droits. On ne nous chargea donc pas tous d'apporter une renonciation à des franchises qui devaient être conservées, si vos efforts étaient inutiles, parce qu'elles auraient servi de point de ralliement au patriotisme.
Vint cette nuit fameuse, où un zèle civique fit tant de choses, et posa les fondements de la constitution qui va tout à l'heure être élevée, et qui n'existerait pas encore sans cette scène patriotique, que l'intérêt personnel peut regretter et calomnier, mais que l'histoire montrera aux siècles futurs, comme le plus imposant monument du caractère généreux des Français.
C'est à cette époque qu'en déplorant notre impuissance, nous nous rendîmes garants des sentiments de la nation bretonne, et que nous hésitâmes d'autant moins à devancer le vœu de nos commettants, que nous apercevions que vous fondiez les bases solides de la liberté publique.
Nous n'avons pas été dementis ; des adresses de toutes les villes de la province ont annoncé l'adhésion la plus formelle à vos décrets, ont béni les réformes salutaires qui y étaient prononcées.
Votre travail a pris ensuite une marche plus régulière et plus suivie; vous avez construit les corps administratifs ; c'était à cette épreuve qu'étaient soumis tous les privilèges, toutes les franchises des provinces; elles changent de forme de gouvernement ; les pays d'Etats ont plusieurs assemblées de départements; les pays d'élections ont une administration qu'elles navaient pas.
La Bretagne a été une des premières provinces à adhérer aux décrets qui fixent ce nouvel ordre de choses. Si une ville a fait entendre ses réclamations, c'est en se soumettant à la décision nationale ; les réflexions sur la loi conviennent aux hommes libres, et ne contrarient point l'obéissance.
S'il est une renonciation formelle à des privilèges particuliers,c'est sûrement cette adhésion; car il n'y a rien qui détruise aussi positivement, qui efface aussi absolument jusqu'à la trace des anciens privilèges de la Bretagne, que la division de cette province en cinq départements.
Le peuple, qui l'habite, a donc renoncé à ses franchises, parce qu'il lui a paru évident qu'il valait beaucoup mieux avoir des droits dont la nation et le roi étaient garants, et dont chaque individu était le défenseur.
C'est après cette renonciation que la chambre des vacations s'érigeant en défenseur d'une constitution abandonnée, en représentant d'un peuple dont elle n'a point reçu la mission, prétend faire revivre des chartes qui ne servaient qu'aux nobles et aux hommes riches pour opprimer, offenser et mépriser le peuple, et qui, utiles seulement contre le ministère, servaient tour à tour à combattre le despotisme des agents d'un monarque trompé, et à établir celui des nobles qui s'étaient emparés de tous les pouvoirs.
Je dis, Messieurs, que le Parlement de Bretagne n'a point le droit de parler de privilèges quand, le
peuple breton n'en veut plus parler; que pour se disculper d'avoir abandonné son tribunal, il ne peut invoquer ni l'obligation qu'il dit avoir de maintenir la constitution bretonne, ni les contrats qui portaient qu'il ne serait fait aucun changement aux tribunaux sans le consentement des Etats. J'ajoute que l'abandon des privilèges ne pouvait pas être fait d'une autre manière qu'il ne l'a été, et que c'est à la fois insulter à la raison, fronder l'antorité nationale, et se jouer scandaleusement du peuple, que de demander une assemblée des anciens Etats de Bretagne, pour qu'ils acceptent ou refusent la constitution que [vous avez décrétée.
Je commence par démontrer cette dernière proposition, parce que celle qui la précède se lie naturellement à des faits historiques que je développerai.
C'est à la face de toute la France, dans l'Assemblée nationale{ où on ne voit plus ni privilèges, ni ordres politiques, ni véto; c'est en présence des députés bretons qne la chambre des vacations du Parlement de Bretagne demande que votre constitution soit portée aux anciens Etats de cette province, et qu'ils soient rassemblés.
A-t-elle donc cru qu'on ignorait, et que nous ne dirions pas ce qu'étaient ces anciens Etats qu'elle réclame. Tous les nobles qui avaiertcent ans d'existence privilégiée, et dont les pères avaient trois fois partagé des deux tiers au tiers, ce qui s'appelle un partage noble, jouissaient du droit de régler à leur profit les affaires et les richesses publiques de Bretagne ; huit ou neuf cents exerçaient ce droit; des évêques, des abbés commendataires, des députés de chapitres partageaient cet empire, et quarante-deux représentants de deux millions d'hommes, sous le nom modeste, j'ai presque dit sous le titre avili de tiers-état, combattaient cette double phalange de privilégiés, ou plutôt succombaient sous sa tyrannie. Un véto absolu, appartenant à chacun de ces corps, augmentait la puissance des deux premiers. Voilà notre ancien état; aussi imaginez tout ce que les privilèges ont de plus absurde, les prétentions de plus vexatoire, les institutions de plus gothique et de plus insensé, la féodalité de plus accablant, l'administration déplus ruineux, l'aristocratie de plus offensant et de plus oppressif, et vous aurez une idée parfaite de la situation de la Bretagne sous son ancien gouvernement. Le peuple y était malheureux, les établissements publics n'étaient pas faits pour lui, mais pour les nobles et leurs enfants, les places d'administration pour les nobles et leurs enfants, les pensions encore pour eux; enfin, on en payait quelques-uns pour assister à une assemblée où ils s'étaient arrogé le droit de paraître avec un parchemin de cent ans, et où, ne représentant que leur propre personne, ils étaient maîtres de ne pas venir. Les impôts n'avaientpas pu les atteindre; c'était la province de France où ils en payaient le moins, et où la chose publique leur fournissait davantage.
Et c'est dans une pareille assemblée qu'on ose vous demander de faire porter la constitution française,pour que le peuple breton ne jouisse qu'après une délibération de nos jadis privilégiés, des avantages que cette constitution lui procure comme aux autres citoyens du royaume.
Ainsi, on veut que, détruisant en partie ce que vous avez élevé, vous laissiez, dans un pays qui s'est, autant .que toutes les provinces de France, montré digne du bienfait d'une constitution libre, les abus que vous avez détruits, et que cette ré-
gion de la France, que l'on regardait naguère comme dépositaire des précieux restes de la liberté publique, soit la seule qui conserve les marques de l'esclavage.
Vous avez détruit les ordres, et nous en aurions ; aboli les vélo, et nous serions subjugués par eux ; renversé la féodalité, et elle, continuerait de porter sur nous ses ravages ; vous avez fait une constitution, nous avons été vos coopérateurs à ce grand ouvrage, et nous n'en jouirions pas. Que croit-on que prononceraient ceux auxquels elle enlève leur désolant empire? ils diraient : nous n'y consentons pas, veto.
Toutes les communes de Bretagne, s'exprimant par leurs députés, au mois de décembre 1788, ont formellement exigé la réforme de ces anciens Etats si abusifs.
Ainsi, énoncer dans votre assemblée la demande de leur convocation, c'est, à plus d'un titre, faire une proposition scandaleuse et coupable.
J'ajoute que la constitution française a été adoptée par le peuple breton ; qu'il ne pouvait pas l'adopter plus expressément qu'en adhérant à vos décrets et en les exécutant ; que, fort de vos décisions, il ne souffrira jamais que les anciens Etats se rassemblent; que son vœu est fortement prononcé à cet égara ; que les nobles de la Bretagne ont été les maîtres de venir partager ou combattre l'heureuse révolution que nous avons opérée, et que leur opposition ne peut plus avoir aucune consistance depuis que la noblesse, ayant perdu, comme le clergé, le titre d'ordre, s'honore de paraître dans l'Assemblée nationale sous celui de citoyen.
Quand l'adhésion des habitants de Bretagne est aussi expresse, la chambrées vacations est-elle excusée de n'avoir pas rendu la justice, et obéi à vos décrets sanctionnés par le roi, sous le vain prétexte que les privilèges bretons ne sont pas abandonnés, et que les chartes qui les constituent sont enregistrées au greffe de cette cour supérieure? Qu'est donc encore le Parlement? il veut donc toujours se maintenir dans sa qualité usur-ée de législateur ? il se croit donc ou supérieur
la nation, ou représentant du peuple dont il doit juger les procès.
Je sais que c'est son antique erreur, et je vais vous dire jusqu'où elle l'a conduit ; mais je pensais que la lumière que notre existence et nos débats ont répandue sur les principes politiques, avait frappé nos magistrats comme elle a éclairé presque tous les citoyens.
Personne en Bretagne n'était représenté, et tout le monde se disait représentant : les nobles disaient qu'ils représentaient leurs vassaux; les évêques et les abbés prétendaient représenter les curés et les prêtres ; un officier municipal nommé par le roi, ou plutôt par l'intendant, quelquefois par un très-petit nombre de personnes, représentait toute la ville, et les députés des villes représentaient les habitants des campagnes ; tel était l'heureux et populaire gouvernement sous lequel nous vivions.
Le Parlement voulait représenter toute la province, quoique son essence fût de ne représenter qui que ce soit : il se croyait supérieur aux Etats.
Et il est à remarquer que cette cour de magistrature, qui se couvre de nos anciens privilèges, et qui veut y faire voir sa désobéissance cachée sous le nom de devoir, n'a jamais réclamé nos franchises que pour augmenter sa puissance, et lès a toujours sacrifiées à son pouvoir.
Les premiers droits des peuples sont de n'obéir qu'aux lois qu'ils ont faites, et de ne payer que
les impôts qu'ils ont consentis ; voilà les franchises bretonnes : pour y avoir renoncé, la Bretagne ne les a pas perdues, puisqu'elles sont désormais les droits que tous les Français vont exercer.
Le Parlement, qui s'en prétend le conservateur, devait les respecter, car c'était là notre véritable, notre unique constitution ; tous les abus qui la défiguraient, les privilèges, les veto, les distinctions d'ordres, l'entrée individuelle de tous les nobles aux Etats ne lui appartiennent pas ; ce sont les usurpations de la féodalité, le Parlement a violé ces franchisés.
Il a enregistré, sans le consentement des Etats, presque toutes les lois émanées du ministère ; il y en a fort peu sur lesquelles les Etats aient été consultés.
Il a fréquemment enregistré des impôts avant, et même, contre le consentement des Etats ; il est vrai que quelquefois il réservait leurs droits, mais il autorisait la perception, et il Joignait par cette réserve dérisoire l'insulte à l'infraction.
Nous connaissons en Bretagne plus de dix millions d'impôts qui n'ont jamais été consentis par les anciens Etats, et qui sont enregistrés au Parlement.
Les droits sur les marchandises importées de l'étranger, ceux sur le tabac, sur les cuirs, sur les huiles et savons, les 10 sols pour livre des impôts, qui ont augmenté d'un tiers les taxes publi-
3ues, le contrôle, etc., une foule de droits appelés omaniaux,les créations bursales d'offices de toute espèce sont enregistrés et n'ont jamais été consentis.
Le bail des fermes générales, qui contient toujours quelques augmentations ou quelques changements de droits, n'a jamais été soumis à l'acceptation des Etats, et il est enregistré.
On a vu le Parlement refuser aux officiers des Etats la communication des lois qui lui étaient envoyées.
On l'a vu soutenir qu'un impôt consenti par les Etats ne pouvait pas être levé s'il ne le permettait pas, et que son enregistrement était un second consentement, sans lequel l'autre n'était pas valide; tandis que, d'un autre côté, il prétendait et prouvait par le fait que l'enregistrement seul forçait la nation, contre son gré et après son refus, à supporter une taxe publique.
On l'a vu, dans le dernier siècle, défendre aux membres des Etats de s'assembler, rendre des arrêts contre ce qui n'était pas, mais ce qui avait l'air et les formes extérieures d'une assemblée nationale ; et quand il s'agit de terminer conciliatoi-rement cette querelle, on le vit prétendre que les commissaires des Etats ne seraient reçus devant lui, que debout et à la barre.
On l'a vu, en 1788, commençant ses efforts contre la régénération publique,défendre comme illégales les assemblées très-paisibles des citoyens, les réunions des généraux des paroisses.
Ainsi il s'est toujours placé au-dessus de la nation, pour la braver ou l'opprimer.
On l'a vu, n'ayant pour membres que des seigneurs de fiefs, étendre le code de la féodalité, et profitant de l'obscurité d'une coutume réformée il y a deux siècles, abusant du déplorable usage d'établir une jurisprudence et de faire des lois par des arrêts, interpréter toujours défavorablement au peuple cette coutume qui respire la barbarie des temps où elle fut rédigée, et qui atteste la puissance des seigneurs et la servitude des vassaux.
11 a fait plus contre la nation, il a dérangé la constitution de son tribunal ; il était composé de
réunis, il y a.deux siècles, à leur gouvernement.
Ils le font aujourd'hui : c'est renouveler, et non détruire leur antique alliance ; ils l'ont renouvelée quand ils nous- ont députés pour nous réunir à vous; ils l'ont renouvelée encore, quand ils ont marqué, par leur allégresse et leurs fêtes publiques, la part qu'ils prenaient à vos succès» quand ils se sont assemblés pour la défense d'une liberté commune, quand ils ont avec enthousiasme adhéré à vos résolutions, quand ils ont fait retentir leurs habitations des expressions- de leur reconnaissance pour un monarque auquel ils se plaisent à témoigner leur amour.
Nous n'avons donc point, nous, Messieurs^ députés de ce peuple généreux et fidèle, manqué aux obligations qui nous étaient imposées, nous les avons suivies ; et l'accusation téméraire lancée contre nous par des juges séditieux, n'a d'autre motif que de secouer les flambeaux de la discorde, et de composer nos chaînes de ces privilèges mêmes doat on suppose la perte, et sur lesquels on appelle nos regrets.
Pourquoi les avions-nous stipulés ? pour nous garantir du despotisme. A quoi nous ont-ils servi? a nous préserver quelquefois de ses fureurs, et bien plus souvent, et, pour mieux dire, toujours, à établir sur nous l'oppression de ceux qui s'en disaient les conservateurs, et qui en étaient réellement les exclusifs propriétaires.
Qui avons-nous maintenant à combattre? de quel despotisme la Bretagne peut-elle être menacée? Nous voilà tous également libres; nous le serons malgré tous les efforts des ennemis publics. Si le cours des siècles amenait une attaque à ce premier droit social, ce serait une cause commune qui agiterait toutes les parties de la France : quel homme, ami du bonheur et de la tranquillité de ses concitoyens, oserait conseiller à une province de s'isoler de l'empire Français, et de préférer à une constitution générale, des chartes particulières qui n'ont jamais fait que placer le peuple sous le joug de quelques privilégiés?
Vous qui parlez du projet insensé d'établir un gouvernement fédératif, et qui imputez cette folie ridicule aux partisans les plus zélés de la monarchie, pensez-vous que si toutes les provinces, au lieu de s'attacher à la constitution française, faisaient valoir leurs anciennes stipulations, ce De serait pas réaliser de la manière la plus désastreuse là chimère que vous feignez de redouter? Et comment la juste horreur qu'inspire parmi nous un gouvernement fédératif se conciliç-t-elle avec l'approbation donnée à la réclamation de privilèges qui se confondent dans les droits de tous, et s'agrandissent par cette réunion?
iMais les nobles et; quelques ecclésiastiques bretons n'ont pas consenti à la révolution actuelle, et approuvé notre constitution;... ils n'y ont pas consenti... Où estdonc la nation bretonne, si elle ne réside pas dans ceux qui ont prononcé leur adhésion et leur vœu? quinze cents gentilshommes et quelques ecclésiastiques forment-ils seuls cette nation, au préjudice de 2 millions d'hommes?
Je demande si, par un intolérable abus et un outrage au peuple, le Parlement n'avait pas,exclu tous les citoyens du droit de posséder des places de magistrature, s'il n'avait pas voulu, au mépris de tous, que la robe sénatoriale ne couvrît que le corps d'un noble; si enfin la cour supérieure était composée suivant sa première institution; je demande si les hommes qui y siégeraient, croiraient pouvoir méconnaître la volonté générale de la province, prendre nos contrats pour
excuse de la cessation de leur service,et exprimer le désir du rassemblement de nos anciens Etats t
C'est donc les prétentions de la noblesse bretonne que des magistrats nobles ont défendues, au détriment du peuple : ce n'est pas le serment de soutenir nos privilèges très-accrus, très-conso-lidés, qu'ils ont gardé ; c'est cet engagement antipatriotique, prononcé par la noblesse bretonne, de ne consentir à aucune des réformes qui nuiraient à ses prérogatives, pour rendre au peuple ses droits; c'est cet engagement qu'ils ont considéré et qu'ils ont voulu faire valoir.
Voilà ce qu'ils appellent nos franchises, et ce qu'ils nomment leur devoir (1).
C'est donc en vain qu'on cherche à créer des prétextes pour colorer leur conduite : elle est, sous tous les rapports, extrêmement condamnable, et les motifs qu'ils donnent sont une raison nouvelle de les trouver coupables.
De quelque parti que l'on soit, s'il existe des partis, quelque opinion que l'on ait sur la^révolu-tion actuelle, on doit reconnaître qu'une cour judiciaire ne peut plus être une assemblée législative, que la puissance de la nation doit soumettre tous les corps comme tous les individus, qu'il faut qu'il y ait dans un Etat une autorité suprême à laquelle on obéisse, et que l'infraction à ses décrets ne peut être considérée que comme un délit d'autant plus grave qu'il compromet la sûreté publique, et qu'il appelle l'anarchie ou le despotisme.
Mais en trouvant la chambre des vacations de Rennes inexcusable, vous proproserai-je contre elle un avis sévère et juste? Çfon, Messieurs; il me semble que, député d'un pays où la révolution s'est opérée sans désordre et sans malheur, où les privilégiés oppresseurs ont été protégés par les citoyens qu'ils avaient pendant si longtemps accablés, où il n'y a eu à se ressentir de fagita-tion que donne la conquête de la liberté que ceux qui la reprenaient, ce serait une espèce d'inconvenance que je proposasse ou des peines ou une poursuite judiciaire contre les hommes dont les attentats contre la chose publique, exigent toute votre attention, moins encore par eux-mêmes, que par les circonstances qui vous entourent.
Si onze juges, composant la chambre des vacations de Rennes, étaient les seuls qui marquassent les derniers moments de leur existence parla prédication insensée de leurs anciennes maximes, je vous dirais qu'en méconnaissant la puissance publique, et en dédaignant les besoins de leurs justiciables, ils sont égarés par tout ce qui a le plus de prise sur l'esprit des hommes, les préjugés de la naissance et de l'habitude ; ils sont magistrats et nobles ; ils tiennent à une famille qui croit perdre par les institutions nouvelles, parce qu'elle n'a pas encore eu le temps d'apprécier la dignité du titre de citoyen d'une nation libre. J'ajouterais que, dans leur conduite, comme 3ans leurs excuses, il faut voir un fanatisme déplorable, et je vous donnerai pour preuve cet inconcevable délire de celui qui portait la parole, et qui, à la fin de son discours, ne mit d'autre prudence que celle de s'isoler de ses confrères, et de serrer le papier sur lequel il lisait ses dernières phrases; ce délire qui lui Ht appeler l'histoire afin qu'elle prit son nom, et qu'elle tînt note de son courage. On est ordinairement plus insensé que coupable, quand on ose s'honorer d'avoir commis un délit public, et quand on le qualifie de vertu.
Il faudrait donc, sous ces rapports, se borner à plaindre et à censurer.
Mais, Messieurs, ce n'est point ici le crime d'un seul où de quelques-uns, c'est la suite d'une conspiration contre la liberté publique. Nos oreilles retentissent de bruits qui annoncent par-
tout des efforts contre la constitution nouvelle. Un gentilhomme breton vient de paraître à une assemblée de paroisse, et y a dicté une protestation contre vos décrets. Deux Parlements ont mis dans l'arrêt qui ordonne la transcription, sur leurs registres, de votre décret du 3 novembre, des expressions très-coupables. Les Parlements de Rouen et de Metz vous ont été dénoncés ; des ecclésiastiques convoquent, en Bourgogne, en Normandie, des assemblées qui ne sont pas des synodes; enfin, de toutes parts on agite les esprits ; et la paix et l'union, qui devaient être le fruit d'une constitution désormais assurée, sont éloignées par ces manœuvres.
C'est donc un devoir rigoureux pour nous de prendre un parti qui détruise enfin de si détestables projets, et qui renverse le dernier espoir de leurs auteurs. Je m'arrête à l'instant d'en proposer un : mon devoir était de vous éclairer sur quelques faits qui tiennent à l'histoire de la province dont je suis un des représentants; je ne provoquerai pas autrement votre décision.
Mais, quelque parti que vous preniez, je me crois strictement obligé de vous demander que votre décret porte la réserve expresse du droit naturel, qu'ont ceux dont les procès ont été retardés, et dont les intérêts ont souffert, de poursuivre leurs dédommagements vers les juges qui ont abandonné leur tribunal. Si cette disposition souffre quelques difficultés, je promets d'en prouver la justice, et d'en montrer la nécessité.
demande l'impression de ce discours.
D'autres membres demandent l'impression de l'opinion de M. le vicomte de Mirabeau.
Ces deux opinions doivent être imprimées dans le même cahier, pour éviter l'effet que produirait infailliblement l'envoi de l'une sans l'autre dans quelques provinces.
L'Assemblée adopte cette proposition.
(1). Messieurs, les magistrats du Parlement de Bretagne ne viennent point se mettre à la place de leurs concitoyens, qu'ils ne représentent pas.
Ils ne viennent point demander à l'Assemblée nationale si les députés de cette province ont pu lui abandonner des droits antiques, et garantis par la foi des traités.
Ils ne viennent point enfin élever une question que vous ne voulez pas sans doute agiter, et sur laquelle les Bretons seuls, à l'aide du temps et de l'expérience, pourront porter un jugement absolu.
Les magistrats de Bretagne obéissent aux ordres du roi; et en vous rendant compte du lien qui unit leurs fonctions au maintien des constitutions de leur province, ils viennent vous dire qu'ils se sont trouvés dans cette position difficile, ou de ne pouvoir enregistrer vos décrets, ou d'être parjures au serment que chacun d'eux a fait à son pays, lorsqu'il a été investi des fonctions de la magistrature.
Ils vous ont -dit encore, qu'un autre obstacle s'opposait à l'enregistrement que le roi a
exigé d'eux : obstacle résultant de leur défaut de carac-
La chambre des vacations est une commissiou établie par lettres-patentes pour juger les criminels et les affaires provisoires, pendant la vacance des cours : ces lettres-patentes sont enregistrées par le corps entier du Parlement, et elles déterminent la durée de cette commission.
Le terme de l'expiration étant arrivé, les magistrats qui la composent cessent leurs fonctions, conformément au titre qui en a déterminé le commencement et la lin, et demeurent sans qualité et sans pouvoir jusqu'à ce qu'à la rentrée du Parlement entier, ils rentrent en exercice avec lui.
Les lettres-patentes, qui avaient établi la chambre des vacations de Rennes, avaient fixé la fin de ses fonctions au 17 octobre, et c'est le 23 novembre que Sa Majesté a fait parvenir votre décret à Rennes ; alors les magistrats étaient séparés depuis plus d'un mois, et la chambre des vacations n'existait plus : cependant c'est à elle que votre décret a été adressé, et c'est d'elle qu'on en a exigé l'enregistrement.
Mais il est évident que des ordres du roi, transmis aux magistrats par des lettres (1 ) closes, ne pouvaient leur rendre, le 23 novembre, des fonctions dont ils étaient déchus depuis le 17 octobre, aux termes des lettres-patentes qui en avaient déterminé la fin à cet époque; ils n'avaient pas plus de qualité pour enregistrer, que tel autre citoyen qu'on aurait voulu désigner ; déjà les registres du Parlement ne leur appartenaient plus ; et pour rendre cette vérité plus sensible par une comparaison, la chambre des vacations était, le 23, comme un tribunal anéanti par l'autorité publique, et auquel on aurait voulu faire publier des lois, sans le rétablir légalement, et lui attribuer des fonctions nouvelles.
Je conçois que l'Assemblée nationale peut se trouver contrariée d'être arrêtée par ces formes ; mais elle sait que ces formes sont la sauvegarde de la liberté, et celles-ci n'étant point encore anéanties par ses décrets, elles ont dû être respectées par des magistrats ; c'est pour cela qu'ils ont cru que vous accueilleriez une défense puisée dans la loi qui gouverne encore le royaume sous votre autorité.
Je dois vous parler à présent de la constitution de la Bretagne, et de l'étroite obligation des magistrats envers elle.
Vons savez, Messieurs, qu'elle est telle, par le contrat qui a réuni cette province à la
France, contrat passé entre François 1er et les Bretons, assemblés à Vannes en 1532, contrat
enfin dont l'observation est jurée tous les deux ans par le monarque; vous savez, dis-je que
le peuple breton a des droits et des franchises qui ne peuvent être aliénés que de son
consentement libre, et exprimé dans ses Etats (2).
C'est ainsi, Messieurs, que la constitution de la Bretagne, déposée à la garde des magistrats, prononce elle-même les conditions auxquelles ce dépôt leur est confié.
Les choses étaient dans cet état, lorsque la nuit du 4 août vint donner à la France, un spectacle digne de toute son attention, et sembla devoir effacer pour jamais, dans le royaume, jusqu'au souvenir d'une législation révérée pendant plusieurs siècles.
Les députés de toutes les provinces, encoura-ragés par un enthousiasme patriotique et
inconnu jusqu'à nous, crurent devoir sacrifier à la patrie des droits et des privilèges
particuliers qui appartenaient à leurs mandataires.
Cette province serait aujourd'hui soumise au régime uniforme de tout le territoire français, et les magistrats seraient déliés de leur serment envers elle, si les mandats de ses députés avaient été conformes à leur renonciation ; mais ils y étaient formellement contraires.
L'Assemblée nationale, en recevant au nom de la nation ce que chacun s'empressait de lui offrir, ne s'écarta cependant point des principes d'équité qui doivent la diriger, et jugea en faveur de nos commettants cette question de droit public, celle de savoir si la législation d'un Etat peut se conférer une assez grande autorité pour anéantir les capitulations, les traités et les contrats, qui assurent des droits particuliers aux provinces, surtout lorsque cette législation est composée de députés qui n'en sont membres que sous la condition expresse qu'ils conserveront, et maintiendront ces capitulations, ces traités et ces contrats.
L'Assemblée nationale prononça le décret suivant :
« Abandon du privilège particulier des provinces et des villes. Déclaration des députés qui ont des mandats impératifs,, qu'ils vont écrire à leurs commettants et solliciter leur adhésion (1). »
Ce décret est, comme on le voit, provisoire et conditionnel, et la dernière partie où il est parlé des députés qui ont des mandats impératifs, regarde les députés de la Bretagne plus particulièrement encore que les autres. En effet ils s'y sont soumis et ont fait des démarches pour avoir des adhésions, mais je n'aurais jamais pensé qu'ils eussent voulu donner pour telles les adresses de leurs municipalités à l'Assemblée nationale.
Vous savez, Messieurs, qu'il est de principe que celui-là seul qui a donné un mandat peut le modifier ou le changer, et il est difficile de croire que des municipalités, composées de quelques habitants des villes, aient pu changer, par un cérémonial de pure politesse envers l'Assemblée nationale, la nature des pouvoirs donnés par l'universalité des habitants des villes et des campagnes.
Mais il est un fait certain entre nous, c'est qu'au mois d'avril 1789, le peuple breton, assemblé par sénéchaussées en vèrtu d'un arrêt du conseil, donnait des mandats impératifs à ses députés, à la charge de maintenir sa constitution, et ces mandats ne seront pas sans doute accusés d'aristocraties, car on sait qu'ils sont l'ouvrage des communes,et de ce qu'on appelait improprement autrefois le bas-clergé.
Il est encore un autre fait qui n'est pas moins constant, c'est qu'un arrêt du conseil,
rendu dans le mois de juillet dernier, autorisait les députés qui avaient un mandat impératif
à faire assembler leurs commettants pour en avoir de nouveaux pouvoirs; tous s'y sont soumis
et, ont rapporté à l'Assemblée nationale une adhésion ou des ré-
C'est ce droit le plus beau de tous pour un peuple, que les députés de Bretagne ont abandonné; et lorsqu'on leur demande le consentement de leurs commettants à cet important abandon, ils présentent les adresses de leurs municipalités.
Ils se plaignent de la représentation oppressive des Etats; et lorsqu'ils avaient un titre (1), pour écarter ce qu'ils appellent les oppresseurs (2), et ne consulter que les communes, ils font représenter leurs communes encore par des municipalités; je ne connais qu'un avantage à la nouvelle représentation sur l'ancienne,c'estque]la première n'était qu'oppressive sans être dérisoire, et que celle-ci est à la fois l'un et l'autre. Et pourquoi donc (peut-on demander aux députés de la Bretagne), pourquoi restreignez-vous de votre autorité l'adhésion de vos commettants à quelques insignifiantes adresses qui ne sont pas même l'adhésion de ceux qui les ont signées ?
Manquiez-vous de moyens pour obtenir le suffrage universel? Un arrêt du conseil avait assemblé vos communes, lorsqu'elles vous donnèrent au mois d'avril des mandats impératifs. Un autre arrêt du conseil vous a autorisés à les rassembler jusqu'au mois d'octobre; et vous pouviez alors les consulter sur les abandons faits le 4 août ; pourquoi ne l'avez-vous pas fait? Et vous venez nous vanter vos adresses I
Mais c'est trop discuter une question qui n'est pas douteuse : le décret de l'Assemblée nationale sur l'abandon des privilèges des provinces, ne pouvait être, et n'a été que provisoire, et sous la condition de l'adhésion des commettants.
Les députés de la Bretagne n'ont point consulté les leurs, quoiqu'ils en eussent un moyen simple et facile, ils n'ont donc pas leur adhésion; et jusqu'à ce que le peuple de cette province ait délibéré en règle sur l'anéantissement de sa constitution, jusqu'à ce qu'il l'ait consenti, il sera vrai de dire qu'elle existe tout entière.
Il me reste à présent à examiner, Messieurs, ce qu'est cette constitution par rapport aux magistrats qui en 3ont les dépositaires; j'ai déjà dit qu'elle leur imposait des obligations formelles ; et c'est la constitution elle-même qui va parler dans lès articles 22 et 23, dont je vais vous donner lecture :
Art. 22. « Aucuns édits, déclarations, lettres-patentes, etc., contraires aux privilèges de
la
Arl. 23. « Il ne sera rien changé au nombre, qualités, fonctions et services des officiers de la province; ce faisant, il ne sera créé aucune fonction d'officiers, ni de nouvelles juridictions. »
Tel est, Messieurs, le dépôt sacré qui est confié à la garde des magistrats ;. et leur serment a pour objet de le garder fidèlement, et de le garantir de toute atteinte : ils ne pouvaient donc, sans être parjures, enfreindre la loi qui vous est faite par la constitution même ; et l'on conviendra qu'enregistrer la création d'un nouveau tribunal, et la réduction du Parlement à quelques officiers, lorsqu'il est composé de plus de cent magistrals, consentir ces innovations sans l'agrément de la province, c'eût été enfreindre sa constitution sans excuse.
Il semble que les Bretons, en faisant prononcer d'avance à leur constitution la nullité des lois enregistrées seulement parles cours, eussent prévu la circonstance où l'on voudrait introduire, sans leur aveu, des innovations à l'abri des formes de l'enregistrement; et s'il était possible de supposer un seul cas où l'oubli du serment et la faiblesse de l'obéissance fussent excusables, ce ne serait sûrement pas celui où se sont trouvés les magistrats de la Bretagne. Ils voyaient leur constitution abandonnée par ceux-mêmes qui étaient chargés de la conserver ; ils voyaient un décret venir, sûr la foi de cet illégal abandon, l'attaquer dans le dépôt même où elle s'était mise à l'abri du serment de ses dépositaires ; et quand il n'eût pas été rigoureusement de leur devoir d'opposer la religion de leurs engagements, leur résistance encore serait estimable : car lorsqu'il s'agit de défendre les lois de son pays, il est généreux, sans doute, d'aller au-delà de son devoir.
Mais pour rentrer plus directement dans la question, je demande à tous ceux qui m'entendent s'il est une assez grande autorité sur la terre, pour délier la conscience d'un serment à l'insu de ceux auxquels on l'a prêté; s'il est vrai, d'après les principes alloués par la raison, que cette autorité n'existe pas, qu'on me réponde, et qu'on me: dise si l'Assemblée nationale pouvait, sans le consentement de la Bretagne, délier ses magistrats d'une obligation qu'ils lui avaient jurée et dans quelles circonstances surtout? Lorsque l'Assemblée nationale elle-même avait reconnu, par un décret solennel, la nécessité de l'adhésion des provinces, pour anéantir leurs constitutions particulières.
Est-il donc étonnant que les magistrats de la Bretagne, liés par la plus religieuse des obligations, je veux dire par le serment, soient restés passifs à la vue d'un décret qui anéantissait la constitution de leur pays sans le consentement de ses peuples; et quel est celui de leurs juges qui, en se mettant à leur place un moment, oserait avouer qu'il n'eût pas fait comme eux ?
Cependant, Messieurs, l'on a attaqué la conduite de ces vertueux magistrats, en les accusant d'avoir privé leur province de la justice souveraine, par l'abandon de leurs fonctions.
Je ne demanderai point à ceux qui les accusent, si rengagement de rendre la justice est éternel.
Je ne leur demanderai point si la liberté a été prononcée pour tous les citoyens, excepté pour les magistrats.
Je ne leur demanderai point si l'on est libre d'abandonner ses fonctions à d'autres, quand le devoir et la conscience le réprouvent.
Je ne leur demanderai point, enfin, si les magistrats de Bretagne ont prévariqué, en offrant au roi leurs démissions et leurs charges, et en ne lui demandant pour prix de leurs services que la liberté de vivre tranquillement et dans l'obscurité au sein de leurs familles.
Mais je leur observerai, avec raison sans doute, que la constitution de la Bretagne, dont ils sont les dépositaires, porte cette clause formelle :
« Il ne sera rien changé au nombre, qualités, fonctions et services des officiers de la province; ce faisant, il ne sera fait aucune création d'officiers ni de nouvelles juridictions. »
Que le décret de la vacance du Parlement et la création d'un nouveau tribunal sous le nom de chambres des vacations, enfreignaient directement cette clause ;
Que ce décret, qui est bien une loi nouvelle, n'était point consenti par la province ;
Et qu'enfin le titre, qui attribuait à dix-huit magistrats les fonctions de tout le Parlement, était précisément celui que leur devoir leur défendait d'accepter.
Placés entre la nécessité de laisser, pendant quelques moments, la province sans justice souveraine, et la perspective de manquer à la foi jurée, je le demande, ont-ils dû balancer?
Ce n'est pas devant des législateurs qu'il devrait être besoin de plaider la cause du serment ; vous faites des lois» Messieurs, et le serment que vous exigez de ceux à qui vous en confiez l'exécution, est la garde la plus sûré à laquelle vous comptez confier votre ouvrage : il est donc vrai que vous croyez au devoir sacré qu'il impose, et pourquoi donc les magistrats de Bretagne n'y auraient-ils pas cru ? Ils ne sont pas législateurs, et il y a cette différence entre eux et vous que, lorsque votre pouvoir vous fait commander aux lois, leur devoir les force d'y obéir; c'est parce qu'ils sont restés pénétrés de ces vérités éternelles qu'ils n'ont pas même songé à les outrager par un doute.
Mais.de quoi la prévention n'accuse-t-elle pas ceux qu'elle veut trouver coupables ? N'avez-vous pas encore entendu accuser les magistrats de Bretagne d'une correspondance confidentielle avec le roi, qui ne devait avoir d'autre but que de sonder les dispositions du monarque et de ses ministres, afin d'entreprendre ensuite ce qu'on appelle une contre-révolution ? il n7a> manqué que des preuves à cette accusation grossière, et l'on n'a pu même donner le moindre indice de ce projet aussi insensé qu'impossible; mais il n'en coûte rien aujourd'hui pour accuser la vertu, et c'est ainsi qu'avec l'ostentation des mots et la dissimulation des choses, on parvient à entourer des horreurs du doute l'honneur et la probité mêmes.
Non, Messieurs, des citoyens blanchis dans les fonctions difficiles de la magistrature, deshommes qui ne calculent point le danger pour composer avec leurs engagements, n'ont d'autre projet, que de servir la patrie et de s'acquitter envers l'honneur ; et les magistrats de Bretagne en se présentant devant vous n'ont d'autre, défenseur que leur devoir, d'autre complice que leur conscience, et d'autre égide que la religion de leur serment.
Vous avez donc aujourd'hui, Messieurs, à prononcer entre votre autorité et le devoir sacré, commandé par la foi jurée : ceux qui ne sont plus retenus que par la sainteté des serments attendent votre décision avec impatience ; et les lois demandent en ce moment, avec inquiétude, si vous les condamnerez à punir ceux qui les ont si courageusement respectées.
Quel que soit votre jugement, Messieurs, ceux-là serent toujours dignes de votre estime, qui viennent, au milieu des orages, se présenter au tribunal puissant qui les fait comparaître, accusés seulement d'un respect religieux pour leurs promesses, et d'une inviolable fidélité à leur pays.
Je me résume, Messieurs, et ayant démontré que, la constitution de Bretagne n'étant point anéantie du consentement de son peuple, elle est demeurée tout entière par rapport au Parlement (1) qui en est le dépositaire ;
Que cette constitution défend tout changement ou innovation dans l'ordre public, et notamment dans l'ordre judiciaire, sans le consentement exprès de la province ;
Que le serment des magistrats a pour objet la garde fidèle et le maintien de cette constitution ;
Ayant, dis-je, démontré ces points de fait, j'en tire la conséquence nécessaire que les magistrats de la Bretagne n'ont pu ni dû enregistrer le décret des vacances du Parlement non consenties par la province, et que leur conduite est irréprochable.
Je propose donc à l'Assemblée nationale de décréter que, sur le compte rendu par les magistrats de Bretagne, il n'y a pas lieu à délibérer ;
Qu'ils sont libres de retourner dans leur pays ;
Qu'ils sont mis sous la sauvegarde de la nation et de la loi.
Le député de Bretagne vous a fait connaître les faits; il me reste à caractériser le délit commis par les magistrats de Rennes, à indiquer la peine qui doit leur être infligée et le tribunal qui doit la prononcer.
Le peuple breton, en envoyant tel député pour délibérer à l'Assemblée nationale, a reconnu
l'union de cette province au royaume de France; il s'est soumis aux décrets de l'Assemblée;
il y a concentré sa représentation; son intention a été manifestée de nouveau par ses
adhésions. Les décrets de l'Assemblée doivent donc être exécutés en Bretagne, sans qu'il soit
besoin du consentement des Etats que cette province désavoue, moins encore du Parlement qui
n'a que des fonctions exécutives, et qui, dans tous les cas, ne peut qu'adopter aveuglément
les décrets du pouvoir législatif.
Dans votre indulgente sagesse, vous avez voulu examiner encore avant de punir, et vous avez mandé la chambre des vacations pour rendre compte de ses motifs.
L'ont-ils justifiée? Non. Ils ont préféré l'aveu de sa faute, et l'ont aggravée : insulter à la majesté nationale, insulter au peuple breton, qu'ils veulent retenir dans l'esclavage, et qu'ils accusent de s'abuser lorsqu'il s'éclaire enfin sur leur oppression ; jeter le gage de la discorde entre la France et la Bretagne ; invoquer des serments après les avoir tous méprisés; demander des lauriers à la nation pour prix de la servitude qu'ils lui imposent; voilà la justification qu'ils ont osé vous offrir. Inconcevable langage, s'il était quelque délire que l'habitude du despotisme et l'ivresse de l'orgueil ne puissent pas expliquer!
Ainsi à la désobéissance, au mépris de tous ses devoirs, la chambre des vacations a ajouté une irrévérence séditieuse.
Si el le étai t rigoureusemen t traitée, aucune peine ne serait trop sévère; mais la plus douce sans doute est d'éloigner de toute fonction publique des hommes réfractaires à la loi et opposés à la constitution de leur pays : c'est aussi celle que je propose.
Qui la prononcera? Vous. Nous le pouvons, et il est indispensable de le faire. Je n'ai pas besoin de m'appuyer sur l'universalité du pouvoir constituant que la nation vous a commis, et que vous exercez. Quiconque exerce un pouvoir public a reçu avec les fonctions les moyens de repousser ceux qui les usurpent. Chargés pardessus tout de donner à la France une constitution, vous êtes autorisés à faire tout ce que son établissement exige; à repousser, à punir ceux qui la contrarient ; à plus forte raison, à prononcer contre eux une censure, sévère sans doute, mais bien douce encore en la comparant à leur faute.
En les punissant, vous les sauverez; car si vous saisissiez le Chàtelet de leur cause, il n'est pas de rigueur à laquelle ce tribunal, étroitement soumis à la loi, ne fût obligé envers eux.
Enfin vous remplissez ce que notre situation exige pardessus tout, la promptitude d'un grand exemple.
Il est temps de contenir les ennemis de la constitution, et de rendre le courage à ceux qui la défendent. Les Parlements, les défenseurs de l'ancienne aristocratie sont plus que jamais coalisés. De toutes parts on sème les calomnies, on répand des libelles séditieux : une partie du peuple peut se laisser tromper, et nous préparer d'affreuses catastrophes. Ces hommes aveugles et lâches, qui ne savent pas encore préférer le titre de citoyen libre au droit d'humilier leurs semblables, n'ont pas perdu l'espoir de renverser votre ouvrage. Assez insensés pour ne pas voir que le premier signal des combats serait celui de leur destruction, ils méditent des scènes sanglantes, et ils osent envisager les désastres de leur patrie comme une consolation pour eux. C'est donc en leur faveur que j'invoque votre pitié, quand je vous invite à prévenir les effets de leur aveugle rage; vous leur devez votre pitié. Une sévérité modérée peut aujourd'hui prévenir des maux incalculables. Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que les lois ne sauraient être exécutées par ceux qui af-
fectent de les méconnaître, et que la constitution ne doit pas être confiée à ceux qui se sont montrés opposés à son établissement ; voulant, au surplus, user d'indulgence envers les membres de la chambre des vacations du Parlement de Rennes, à raison des préjugés et des erreurs invétérées qui peuvent avoir contribué à les égarer, déclare que les membres de ladite chambre des vacations sont incapables de remplir aucunes fonctions attribuées à ses officiers, non plus qu'aucun emploi public dans la constitution qu'elle est occupée à établir. »
(1). Messieurs, le magistrat qui portait hier la parole (M. de La Houssaye) au nom des personnes composant la chambre des vacations de Rennes (2), vous disait qu'un vrai magistrat n'était accessible qu'à une crainte, celle de trahir ses devoirs. Ce peu de mots m'a rappelé tous les miens, et m'a dicté mon opinion. Je vais, Messieurs, vous l'exposer avec le respect que je dois à l'Assemblée nationale, mais avec la franchise qui distingue un homme libre. 11 faut aussi que je l'avoue, je ne me sens pas le courage d'abandonner des confrères dans le malheur. Je partage leurs sentiments, j'adhère à leurs principes : mais fussions-nous contraires, ces magistrats et moi, en opinions, je me rappellerais encore cette belle maxime d'un ancien, qui trouvait toujours possible d'accorder la défense de ses principes avec celle des infortunés. Daignez, Messieurs, m'entendre. Je vous dois la vérité. Nous la devons au peuple ; et ce peuple des intérêts duquel On nous parle sans cesse, ce peuple que je prendrai volontiers, en toute occasion, pour juge de mes principes, de mes actions, de mes discours, j'espère qu'il va reconnaître en moi celui qui fût toujours le défenseur et quelquefois le martyr de sa liberté.
Commençons par fixer le principal objet de la discussion; exposons les laits avant de raisonner. La justice nous demande moins d'éloquence que de clarté! Elle peut se passer de talents mais non pas de principes. Une méthode exacte, une parfaite sincérité, voilà, Messieurs, ce que j'ose vous promettre. Deux des préopinants, au milieu de leurs mouvements oratoires, n'ont épargné aucun reproche aux magistrats de Rennes. Ils se sont attachés à blâmer leur conduite; mais ils ont oublié d'établir leur qualité. C'est pourtant là le premier point, le point fondamental de la discussion. La qualité des magistrats de Rennes doit être bien connue, si l'on veut que leur conduite soit bien jugée.
Qu'est-ce, Messieurs, qu'une chambre de vaca-
Au moment même où les vacations du Parlement commencent, son pouvoir expire,ou du moins pour m'exprimer avec une précision rigoureuse, son pouvoir est suspendu par le seul effet de la loi, jusqu'au moment fixé par la même loi pour sa rentrée ; et pour que ce pouvoir soit continué, soit en tout, par la prorogation,'du Parlement, soit enipartie, par l'établissement d'une chambre des vacations, il faut des lettres-patentes du roi enregistrées au Parlement avant le moment fixé par la loi pour sa séparation ; et ces lettres-patentes doivent contenir les noms des magistrats destinés à composer la chambre; en sorte que, si l'un d'eux vient à manquer, il faut de secondes lettres nominatives pour celui qui le remplace. Telle est la loi, tel est aussi l'usage constant.
Et déjà, Messieurs, vous remarquerez une erreur capitale d'un des préopinants (1). Il vous a dit que le titre constitutif d'un tribunal ne s'adresse jamais qu'à ce tribunal lui-même. Oui, Messieurs, cela est vrai de ces commissions illégales qui firent, dans tous les temps, trembler l'innocence; mais il n'en est point ainsi des établissements réguliers ; il n'en est point ainsi en particulier d'une chambre des vacations. Le dire est une erreur, et cette erreur est échappée, sans doute, à la mémoire du préopinant que je combats. Car il est impossible que lui, jurisconsulte instruit, ignore ces vérités. Tenons donc pour certain, et rappelons-nous sans cesse, qu'une chambre des vacations tient ses pouvoirs d'une loi enregistrée au Parlement tout entier. Yoici son titre : suivons l'ordre des faits.
Gomme le pouvoir du Parlement est suspendu au moment des vacances, le pouvoir de la chambre des vacations expire au terme prescrit pour sa durée. Alors il existe encore un Parlement qui se rassemblera au moment déterminé par la loi du royaume, mais il n'existe plus de chambre des vacations. Le Parlement n'est que suspendu, mais la chambre des vacations a cessé d'être.
Maintenant quel était le terme légal de la chambre des vacations du Parlement de Rennes? Tout le monde en convient. Le 17 octobre : donc au 17 octobre cette chambre des vacations n'existait plus : donc tous les magistrats qui la composaient, rentrés, pour un temps, dans la classe des citoyens, n'étaient plus que des individus sans fonctions et sans pouvoirs ; je dis sans fonctions comme conseillers au Parlement;; je dis sans fonctions et sans pouvoirs comme "conseillers de la chambre des vacations.
Le roi est le maître, sans doute, de continuer les pouvoirs du Parlement avant qu'il se sépare; le roi est le maître de rendre au Parlement l'exercice de ces pouvoirs quand il est séparé ; mais la raison indique et la loi veut, dans ces deux cas, que la volonté du roi soit manifestée par des let-tres-patentes adressées au corps du Parlement, et non pas à quelques membres.
Le roi est le maître de créer une nouvelle chambre des vacations, quand la première est
expirée; mais la raison et la loi veulent encore, que les lettres-patentes constitutives de
cette nou-
Enfin, le roi est le maître de controuer la chambre des vacations par des lettres-patentes adressées à cette chambre : mais il est évident que ces lettres-patentes doivent avoir pour terme l'instant de la rentrée légale du Parlement, autrement le roi pourrait opérer la destruction du corps par le vœu de quelques membres. 11 est évident que ces lettres patentes doivent être adressés à la chambre des vacations avant qu'elle soit expirée; autrement, ce ne serait pas continuer la première, mais en établir une seconde. Alors nous rentrons dans la loi et dans l'usage qui veulent également que le titre constitutif de la chambre des vacations soit adressé aux chambres assemblées.
Appliquons ces principes. Voyons, Messieurs, à qui sont adressées les lettres-patentes qui mettent en vacances le Parlement de Rennes comme tous les autres.
Ce n'était pas au Parlement lui-même, quoique leur texte, par une distraction inconvenable, le porte ainsi. Mais enfin, ce n'était, ni ne pouvait être dans l'intention de la loi, au Parlement lui-même, puisque les magistrats qui le composent n'étaient pas assemblés au palais de Rennes, et que l'ordre du roi, qui, sur cent douze membres formant le Parlement, en avait choisi seize pour la transcription, supposait ou retenait les autres dans l'éloi-gnement; c'est un fait certain.
Ce n'était pas non plus à la chambre des vacations, puisqu'elle était expirée dès le 17 octobre; c'est un fait convenu.
A qui donc étaient-elles adressées, ces lettres-patentes? Rien n'est plus clair : à des individus rapprochés les uns des autres, soit par cet ordre, soit par la loi, en un mot à des individus qui n'étaient ni Parlement, ni chambre des vacations.
Je demande à présent quel était le devoir de ces individus?.Leur devoir, Messieurs, était sans doute de ne pas exécuter leurs pouvoirs. Or, je crois avoir démontré qu'ils n'avaient aucun pouvoir, ni sous le nom d'un Parlement qui n'était pas concentré dans leurs personnes, ni sous le nom d'une chambre des vacations qui n'existait plus; je me crois autorisé à conclure que leur devoir était de ne pas obtempérèr à ces lettres-patentes qui ne leur étaient pas même nommément adressées.
Ce n'est pas tout, Messieurs ; je viens d'examiner les devoirs des magistrats de Rennes à l'égard du Parlement; parlons de leurs droits envers eux-mêmes. Occupons-nous de la loi dans ses rapports avec eux. Oublions pour un moment la constitution du Parlement et celle même de la Bretagne. On conviendra du moins que les lettres-patentes non adressées, mais envoyées aux magistrats de Rennes, changeaient leur sort et bouleversaient toutes les relations de leurs offices, en blessant leur conscience, leur conscience égarée, si l'on veut. Quel homme libre et vertueux prétendra que leur devoir était de subir ce nouveau joug? Les magistrats, Messieurs, sont-ils des esclaves! La liberté publique, n'est-elle pour eux, et pour eux seuls, qu'une chimère ? J'ai juré, moi, magistrat, de remplir tels devoirs, d'exercer tels pouvoirs, d'appliquer telles lois, de suivre tels principes : et l'on vient me proposer de nouveaux pouvoirs qui me répugnent, on m'imposent des principes nouveaux qui ne sont pas les miens ; on veut que j'applique des lois nouvelles qui font gémir ma conscience, et je n'aurai pas le droit de répondre : Cherchez pour vos lois d'autres organes,
reprenez votre office ! Voilà pourtant tout ce qu'ont fait les magistrats de Rennes. On leur ordonne la transcription d'une loi nouvelle dans une forme inusitée pour la Bretagne, on leur propose de concourir à la destruction provisoire de leur compagnie, on leur propose de prendre sur eux seuls le pesant fardeau du pouvoir judiciaire souverain dans leur province ; ils ne rendent pas d'arrêt contraire, mais écrivent une simple lettre au roi ; deux fois ils offrent leur démission à Sa Majesté, qui deux fois la refuse, et c'est là un crime, et l'on peut croire qu'ils ont prévariqué! quel est donc ce pouvoir inouï qui prétend disposer de ma voix malgré le cri de ma conscience ?
Depuis quand un citoyen peut-il se voir forcé d'être juge? Dans quelle tête raisonnable, dans quel principe de la loi naturelle, trouvera-t-on le modèle ou l'excuse d'une loi positive aussi étrange? Je sais Messieurs, qu'un citoyen doit être soumis aux loisj.Mais soumis, comment? par son silence,'par saconduite privée ? Un citoyen ne doit jamais agir contre la loi : un citoyen peut se taire devant la loi qu'il désapprouve. Je détendrai toute ma vie ces principes. Mais jamais un citoyen, dans un pays libre, ne fut transformé en juge malgré lui, pour prononcer l'application de cette loi ; il faut aussi m'accorder ce principe, ou renverser les fondements de la morale qui sont également ceux de la société.
On impute, Messieurs, aux magistrats de Rennes d'avoir abandonné leurs fonctions. Pure équivoque, sans doute involontaire dans la bouche de ceux qui proféraient cette accusation ! Mais enfin pure équivoque !
Les magistrats de Rennes n'ont point abandonné leurs fonctions, puisqu'ils n'en avaient pas : ils ont refusé des fonctions nouvelles qui répugnaient à leur délicatesse. Est-ce un délit? Ne vous en rapportez pas à moi, Messieurs, sur cette question. Ecoutez, je vous supplie, des pu-blicistes qui ne seront pas suspects. Voici ce qu'ils ont dit avant moi : Il est absolument possible que des magistrats cessent leurs fonctions, parce qu'ils croiraient ne pouvoir plus les remplir ; mais ce serait alors un devoir, et non un délit......... Tel est, Messieurs, le principe littéralement consigné dans un écrit intitulé. Très-humbles et très-respeo-tueuses représentations de l'ordre des avocats au Parlement de Bretagne, au Boi arrêté, à Bennes le 9 août 1788, et signé dé plusieurs jurisconsultes distingués en Bretagne : Le Chapelier, doyen et ancien bâtonnier, Glézen, Lanjuinais, Le Chapelier fils.
On vous a dit, Messieurs, qu'il n'était pas sans exemple que d'importants édits eussent été envoyés à des chambres de vacations. Le fait est vrai, mais que s'ensuit-il? Qu'il existait une chambre des vacations à Rennes? Que toute chambre des vacations doive se charger de l'application de toute loi nouvelle ? Que onze individus d'un Parlement, choisis sur cent douze, puissent représenter leur compagnie pour la détruire? Je demande si la saine logique admet cette conséquence : Au surplus, Messieurs, il est bon de savoir qu'un enregistrement fait en vacations, ne l'était qu'à la charge d'être réitéré en Parlement, le lendemain de la Saint-Martin; et surtout il est bon de connaître ces importants édits enregistrés en vacations. Il en est peu qui n'aient été des fléaux pour la France. C'est en vacations que fut enregistré le déplorable édit qui révoquait celui de Nantes : c'est en vacations que fut enregistré l'édit funeste portant établissement du
dixième, sans le consentement des Etats généraux.
Les ministres les plus despotes ont toujours profité des vacances du Parlement, pour tourmenter la France; et qu'on ne dise pas que ces traits historiques sont une digression. Je l'avouerai, mais je dirai : puisqu'on s'est permis des dis-gressions pour accuser, non seulement je peux, mais je dois m'en permettre pour justifier. Je rentre dans mon sujet, et j'ose dire que les magistrats de Rennes ont usé de leur droit, ont rempli leur devoir ; et qu'obligés dans leur conduite par les lois de leur état, autorisés par le droit naturel, ils étaient encore, non-seulement autorisés, mais obligés par la constitution de leur province.
Ici, Messieurs, la question devient plus grave, sans être plus difficile. Qu'il me soit permis de la reporter à son point de vue le plus élevé, et d'employer pour la résoudre une simple supposition, éclairée par les plus familières notions du droit des gens.
Je suppose que le Brabant proposât à la France de le recevoir au nombre de ses provinces, et lui dit : Nous demandons d'être unis à vous par un traité : vos alliés seront les nôtres ; vos ennemis seront nos ennemis ; vous pourrez disposer de nos forces militaires, de nos richesses : en un mot, nous serons incorporés à la nation française, mais sous une condition, c'est que nous conserverons une As-semblée nationale, sans le consentement de laquelle les décrets de la vôtre ne pourront être exécutés par nous, et que le dépôt de cette constitution particulière sera confié au premier de nos tribunaux qui s'engagera par serment à n'y commettre, à n'y souffrir aucune atteinte.......... Je demande, Messieurs, si cette proposition serait tellement absurde qu'elle fût inacceptable; je demande en quoi elle blesserait le droit des gens ou la dignité de l'espèce humaine ; je demande enfin, si la nation française pourrait, en acceptant cette proposition, en signant ce traité, se réserver intérieurement le droit de l'enfreindre, quand elle.en aurait la force.
Il n'est personne qui ne connaisse la constitution particulière de la Bretagne. Gette province est unie à la France par un traité ; une des conditions expresses de ce traité est qu'il ne sera rien innové en Bretagne, sans le'consentement de ses Etats et la vérification du Parlement, ni pour la loi, ni pour l'impôt, ni pour l'ordre public ;; et ce traité, Messieurs, le Parlement en est dépositaire ; il a juré de le maintenir. Or je supplie qu'on me réponde.Mettre en vacances le Parlement, priver la Bretagne de ce corps politique et judiciaire tout à la fois dans cette province,, n'était-ce pas y changer l'ordre public? Investir quelques membres des droits du corps entier, n'était-ce pas changer l'ordre puolic? Le Parlement entier n'aurait pas eu ce droit ; une chambre des vacations n'aurait pas eu ce droit. Gomment peut-on en faire non-seulement un droit, mais un devoir, pour seize individus séparés de leur compagnie ? Le devoir est sans doute de tenir la foi jurée. J'ose dire, Messieurs, que ceux qui chercheront à rompre cette chaîne de propositions, doivent se déterminer à combattre l'évidence.
Aussi, Messieurs, nul des préopinants n'a-t-ii attaqué ces propositions directement, et de
front, ?our ainsi dire. L'un s'est jeté dans l'histoire du arlement de Rennes (1), dans
l'histoire de ses fautes, Messieurs, et non pas de ses services ; il s'est chargé d'énumérer
les infractions que .cette
Au surplus, Messieurs, n'en serait-il pas de ces vieilles infractions du Parlement de Rennes, comme des deux sols pour livres enregistrés au même Parlement en vacations, en 1764? Cet enregistrement était sans doute une faute ; mais elle fut promptement réparée. Les procureurs-syndics formèrent aussitôt leur opposition ; et la chambre, en recevant cette opposition, défendit, par son arrêt, la levée de l'impôt. Cet arrêt, pour le dire en passant, fut le premier signal de la liberté française. On punit le Parlement dans plusieurs de ses membres : il tint ferme ; les exils, les emprisonnements se succédèrent, le Parlement fut supprimé. Mais il devait renaître. L'esprit public se répandit de la Bretagne dans toute la France, et produisit enfin la révolution de 1771, dont vous connaissez toute l'influence sur les idées qui préparaient la révolution actuelle, que j'espère et que je désire beaucoup de voir couronnée un jour par l'établissement de la vraie liberté..........Ne m'interrompez pas, je vous supplie------- Je me sers d'expressions qui rendent des pensées que j'ai droit de produire. Je dis que j'espère, que je désire ; parce qu'en effet je doute du succès de la révolution, et même de son utilité en plusieurs points.
Est-ce*;ià ce qu'on voulait me faire dire? Le voilà dit Mes principes sont connus ; je ne craindrai jamais de les professer ouvertement. C'est pour te peuple que la Révolution est faite, nous dit-on. Je demande au peuple s'il est heureux; et je désire beaucoup, je le répète, que son état actuel le conduise à une situation plus paisible. Revenons aux magistrats de Rennes. On me reprochera peut-être encore cette digression ; mais je réponds toujours qu'il .est .permis d'oublier la question pour défendre, quand oh l'oublie pour accuser.
De l'histoire des anciennes fautes, prétendues, ou réelles, du Parlement de Rennes, on a passé Messieurs, à l'examen critique de la constitution bretonne, qu'on vous a dénoncée comme ruineuse, oppressive, humiliante pour le peuple (1). Certes, le reproche est nouveau : je ne l'ai pas trouvé dans les cahiers de la Bretagne ; et ces cahiers ne sont l'ouvrage, ni du clergé, ni de la noblesse. Ne serait-ce pas encore une équivoque? La constitution et la coutume ne sont pas la même chose. -N'auraient-elles pas été. confondues dans les reproches de MM. les députés de la Bretagne, tandis qu'elles sont soigneusement distinguées dans leurs cahiers, la coutume quelquefois pour s'en plaindre, la constitution, toujours pour la réclamer? Gela posé, qu'importent les défauts de cette constitution à la question qui nous occupe? Elle aura mérité, si l'on veut, tous les reprocnes dont on l'accable aujourd'hui pour la première fois. Qu'on oublie, j'y consens, que la noblesse bretonne a réclamé en toute occasion une plus juste et plus nombreuse représentation pour les communes, est-il moins vrai qu'avec tous ses vices la constitution de la Bretagne est un dépôt confié au Parlement de Rennes? Un dépositaire est-il juge de son dépôt? Et si l'on ne craignait plus de mépriser la loi sacrée du dépôt, pourrait-on nier du moins que les onze magistrats n'étaient pas seuls dépositaires? Je ramènerai sans cesse leurs censeurs à cette vérité fondamentale.
Et s'il reste à l'Assemblée le moindre doute sur la nature de la constitution bretonne et sur les rapports du Parlement avec cette constitution, je la supplie d'entendre encore un passage de ces belles représentations adressées au roi, en 1788, par le barreau de Rennes :
« II n'y a aucune loi générale, disaient au roi les avocats de cette ville, il n'y a aucune loi générale qui devienne particulière à la Bretagne, dès qu'on veut la faire exécuter dans cette province. Les autres parties de la France sont soumises à des impôts, acceptent une législation, sans que les Bretons soient assujettis à supporter ceux-là, à être gouvernés par celle-ci, avant que l'assemblée de leurs Etats ait consenti, avant que leur Parlement ait enregistré : ils ne doivent donc pas dépendre d'une cour étrangère à leur pays, comme à leur constitution. Les Etats généraux eux-mêmes ne peuvent rien sur l'administration de la Bretagne... Daignez, Messieurs, redoubler d'attention... Les Etats généraux ne peuvent rien sur l'administration de la Bretagne, parce qu'elle se réunit en corps de nation, parce qu'elle a tous les deux ans ses Etats généraux, parce que c'est là et nulle part ailleurs, c'est dans cette Assemblée et dans le Parlement, qu'elle est représentée et défendue. »
Vous l'entendez, Messieurs, voilà une distinction très-importante, représentée et défendue.
Représentée dans ses Etats, défendue dans le Parlement. Tel- est le droit, telle est la
constitution de Bretagne. Voilà ce qui repousse, ou pour mieux dire, convertit en éloge, le
reproche lait au Parlement de Rennes d'avoir voulu, par une coupable audace, représenter
toute la Bretagne. Jamais le Parlement, ni les onze magistrats, n'ont eu cette pensée. Mais
je suis forcé de convenir qu'en effet le Parlement avait, et que les onze magistrats ont
encore aujourd'hui, l'incroyable audace de vouloir défendre leur province, et d'aimer mieux
On me dira peut-être qu'il n'est plus question des Etats généraux, et que l'Assemblée nationale a bien d'autres pouvoirs. La réponse, Messieurs, serait trop facile. Oui, je peux l'accorder; l'Assemblée nationale a bien d'autres pouvoirs sur tout ce qui n'est pas l'objet d'une convention entre la France et d'autres peuples ; mais l'Assemblée nationale n'est pas moins liée par les promesses de la France que ne l'étaient les Etats généraux.
Une dernière objection plus imposante en apparence, mais non moins faible dans la réalité, se présente, Messieurs, à votre attention. Il est vrai, vous a-t-on dit, que la Bretagne avait une constitution particulière; mais cette constitution n'existe plus. Le peuple breton en a prononcé lui-même l'abolition. Il a renoncé au traité qu'on allègue. Il a manifesté son adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. La résistance des onze magistrats est donc évidemment coupable. Tel est, Messieurs, le dernier retranchement de leurs censeurs (2). Je ne crois pas qu'il soit difficile d'y pénétrer.
Ecartons toujours les expressions équivoques. Ce mot peuple a plusieurs sens ; il n'est que
trop facile d'en abuser : parlons de la nation bretonne. Elle a le droit de changer sa
constitution ; cela n'est pas douteux; ce droit n'appartient, ni à son Parlement, ni à ses
Etats, qui n'ont eux-mêmes qu'un pouvoir délégué ; c'est une vérité non moins sensible.
Maintenant j'ose dire que la nation bretonne, eût-elle usé son pouvoir, la nation bretonne
eût-elle changé sa constitution, les onze magistrats n'en seraient pas moins irréprochables ;
car enfin je le répète, et je ne cesserai pas d'insister sur ce principe, la nation aurait
bien pu, en détruisant l'ancienne constitution, les dégager de leur serment ; mais la nation
elle-même |n aurait pas eu le droit de les contraindre à se rendre les organes et les
dépositaires de la constitution nouvelle. Que sera-ce, Messieurs, si la nation bretonne ne
s'est pas expliquée sur l'ancienne ? On nous parle avec complaisance du consentement des
Bretons aux décrets de l'Assemblée ; mais où le voit-on, ce consentement? dans les adhésions
d'un certain nombre de municipalités et de villages. Mais ces villages, ces municipalités
ont-elles le pouvoir d'obliger toute la province ? Leurs adhésions, en supposantqu'elles
soient libres,sont-elles régulières ? Qui les a revêtues de la représentation nationale ?
D'autres villes, d'autres villages protestent, ou gardent le silence. Quel tribunal peut
juger ce grand procès, si ce n'est pas la nation bretonne ? Je ne vous parle plus de ses
Etats ; oublions les trois Ordres ; mais qu'on me montre la nation bretonne régulièrement
convoquée, délibérant paisiblement,prononçant elle-même sur sa destinée; je croirai à son
consentement. Que dis-je, Messieurs? la nation bretonne prononçant elle-même sur sa destinée
1 Gela est impossible, et cette impossibilité est votre ouvrage. Vous avez défendu
C'est ainsi, Messieurs, que tout se réunit en faveur des magistrats de Rennes, et leur position individuelle et les lois delà Bretagne, et les principes du droit des gens. Dispensez-moi d'en dire davantage ; je m'interdis toute péroraison ; les moments sont trop chers, je me résume.
Les onze magistrats n'étaient pas le Parlement, ils n'étaient plus la chambre des vacations; c'étaient o nze indi vidus, san s fonction s, sans po uvoi rs ; c'étaient des hommes libres, maîtres d'accepter ou de refuser les nouvelles conditions attachées à leurs offices. La nation bretonne eût-elle changé de constitution, rien ne les obligeait à se charger de ce nouveau dépôt ; mais la vérité est que la nation bretonne ne s'est pas expliquée, n'a pas pu s'expliquer sur les décrets de l'Assemblée : des adhésions partielles ne sont pas un consentement national ; un silence forcé n'est pas un consentement national; en un mot, une province qui ne peut pas s'assembler, ne peut pas se déclarer ; et les pouvoirs, donnés par les sénéchaussées, ne sauraient être révoqués par des opinions de municipalités : les députés des Bretons l'ont eux-mêmes reconnu par leur renonciation conditionnelle ; l'Assemblée l'a reconnu, comme eux, par son acceptation également conditionnelle. Telles sont, Messieurs, mes propositions, tels sont les faits et les raisonnements auxquels j'ose prier les personnes qui doivent Opiner après moi de s'attacher, et je conclus au décret suivant :
Il sera dit par Monsieur le Président aux magistrats de Rennes :
L'Assemblée nationale rend justice à la pureté de votre zèle. Vous avez cru devoir réclamer les anciens droits de votre province; mais l'Assemblée nationale n'a point entendu y porter atteinte. Les députés de la Bretagne n'ont renoncé à sa constitution particulière, que sous l'expresse condition d'être avoués par leurs commettants ; et c'est aussi sous cette condition que l'Assemblée a reçu leur renonciation. Elle vous charge, Messieurs, quand vous serez de retour en Bretagne, d'assurer vos compatriotes qu'ils n'ont pas d'amis plus sincères, et que le roi n'a pas de sujets plus fidèles que nous (1).
Messieurs, lorsque, dans la séance d'hier, mes oreilles étaient frappées de ces mots que vous avez désappris aux Français, ordres privilégiés; lorsqu'une corporation particulière de l'une des provinces de cet empire vous parlait de l'impossibilité de consentir à Vexécution de vos décrets sanctionnés par le roi ; lorsque des magistrats vous déclaraient que leur conscience et leur honneur leur défendent d'obéir à vos lois, je me disais : Sont-ce donc là des souverains détrônés, qui, dans un élan de fierté imprudente, mais généreuse, parlent à d'heureux usurpateurs? Non : ce sont des hommes dont les prétentions ont insulté longtemps à toute idée d'ordre social ; c'est une section de ces corps qui, après s'être placés par eux-mêmes entre Je monarque et les sujets, pour asservir Je peuple en dominant le prince, ont joué, menacé, trahi tour à tour l'un et l'autre au gré de leurs vues ambitieuses, et retardé de plusieurs siècles le jour de la raison et de la liberté; c'est enfin une poignée de magistrats qui, sans caractère, sans titre, sans prétexte, vient dire aux représentants du souverain : Nous avons désobéi, et nous avons dû désobéir : nous avons désobéi, et cette désobéissance honorera nos noms ; la postérité nous en tiendra compte ; notre résistance sera l'objet de son attendrissement et de son respect.
Non, Messieurs, le souvenir d'une telle démence ne passera pas à la postérité. Eh ! que sont tous ces efforts de pygmées qui se raidissent pour faire avorter la plus belle, la plus grande des révolutions, celle qui changera infailliblement la face du globe, le sort de l'espèce humaine?
Etrange présomption, qui veut arrêter dans sa course le développement de la liberté, et
faire reculer les destinées d'une grande nation ! Je voudrais qu'ils se disent à eux-mêmes,
ces dissidents altiers : Qui représentons-nous ? quel vœu, quel intérêt, quel pouvoir
venons-nous opposer aux décrets de cette Assemblée nationale qui a déjà terrassé tant de
préjugés ennemis et de bras armés pour les défendre ? Quelles circonstances si favorables,
quels auxiliaires si puissants nous inspirent tant de confiance? Leurs auxiliaires,
Messieurs, je vais vous les nommer : ce sont toutes les espérances odieuses auxquelles
s'attache un parti défait ; ce sont les préjugés qui restent à vaincre, les intérêts
particuliers, ennemis de l'intérêt général ; ce sont les projets aussi criminels qu'insensés
que forment, pour leur propre perte, les ennemis de la révolution. Voilà, Messieurs, ce qu'on
a prétendu par une démarche si audacieuse qu'elle en paraît absurde; Eh ! sur quoi peut se
fonder un tel espoir? Où sont les griefs qu'ils peuvent produire ? Viennent-ils, citoyens
magnanimes d'une cité détruite ou désolée, ou généreux défenseurs de l'humanité souffrante,
réclamer des droits violés ou méconnus 1 Non, Messieurs ; ceux qui se présentent à vous ne
sont que les champions plus intéressés encore qu'audacieux d'un système qui valut à la France
deux cents ans d'oppression publique et particulière, politique et fiscale, féodale et
judiciaire.....et leur espérance est de faire revivre ou regretter ce système : espoir
coupable, dont le ridicule est l'inévitable châtiment.
vous assurent que la constitution nouvelle comble lesvœuxd'un peuple si longtemps opprimé, qu'à peine àVaft-ll cbnçp l'Idée de brjser ses fers; en vain la Bretagne, autant qu'aucune autre partie de la Francé, cpyronne vos travaux ; en vain une multitude d'adresses que voqs recevez chaque jour imprime le sceau le plus honorable et la plus |nvmcjble puissance à vos lois salutaires ! onze juges bretons ne peuvent pas consentir à ce que yous soyez les bienfaiteurs de leur patrie.... Ahl jé le crois ; c'est bien eux ét leurs pareils que Vous dépossédez quand vous affermissez l'autorité royale sur l'indestructible base de la liberté publjque et de la volonté nationale.
Vous en êtes les dignes dépositaires, Messieurs? et certes il m'est permis de le dire, ce n'est pas dans de vieilles transactions, cé n'est pas dans tous ces traités frauduleux, où la ruse s'est combinée avec la force pour enchaîner les hommes au char de quelques maîtres orgueilleux, que vous avez été rechercher leurs (Jroits. Vos titres sont plus importants-, ancieils comme letçiqps, ils sont sacrés comme la naturé. Les testaments, les contrats de mariage lèguent des possessions et des troupeaux ; mais les bommes s'associent. Les hommes dé la Bretagne se sont associés à l'empire français ; ils n onf pas cessé d'être à lui, parce qu'il ne léur a retiré ni dénié sa protection. Chacupe des parties qui composent ce superbe royaume est sujette du tout, quoique leur collection et l'agrégation dé leurs représentants soient souveraines.
S'il était vrai qu'une des diyisions du corps politique voulût s'en isoler, ce serait à nous de savoir s'il importe à la sûreté de nos commettants de la retenir: et dans cje cas nous y emploierions la force publique, sûrs de la faire bientôt chérir, même aux vaincus, par l'influence des lois nouvelles. S| cette séparation nous semblait indifférente, et qu'une sensibilité compatissante ne nous retînt pas, nous déclarerions déchus de la protection des lois les fils ingrats qui méconnaîtraient la mère-patrie, ét qui trouveraient ainsi, dans leur propre folie, sa trop juste punition.
Mais que nous permettions à fes résistances partielles, à de' prétendus Intérêts de corps, de troubler l'harmonie d'ùûe constitptiop dont l'égalité politiqùe, c'est-à-dire lé droit inaliénable de tous les hommes, est la base immuable, c'est ce que ne doivent pas espérer les ennemis du bien phblic. Et quand ils professent tout à la fois tant dé mépris pour les lois et tant dé respect pour l'aiitorité d'un seul, cpilusoirement aidée des prétentions aristocratiques api enchaînaient ou paralysaient la nâtibnj ils professent d'inintelligibles absurdités, pu cachent et réchauffent des desseins coupables.
DescenÛrai-jé a ces objections qu'on a tirées des définitions d'un Parlement, d'une chambre des vacations, de l'ordre judiciaire, des fonctions des magistrats, de la nature de leur obéissance, et de toutes ces vieilles distinctions qui peut-être faisaient partie de notre droit public, lorsque nous n'avions ni raison, ni justice, pi éloquence? Eh bieh! voici ce que je répondrai.
Les pouvoirs dé èhaque Parlement, a-t-on dit, cessent à l'ouverture de ses vacances : une chambre des vacations né peut être établie que
par des lettres-patentes enregistrées au Parlement, et sés pouvoirs finissent au moment qui est le terme de sa durée. Ge moment était arrivé lé 17 octobre. La chambre des vacations était donc sans pouvoirs pour enregistrer le décret du 3 novembre.
Si je ne cherchais qu'à embarrasser Je faiseur d'objections, qu'à lui opposer la conduite de toutes les chambres de vacations de tous les Parlements du royaume, et même du parlement de Rennes, je lui dirais : le pouvoir de presque toutes les chambres des vacations du Royaume était expiré Je 17 octqbre : elles ont cependant obéi; elles ont donc enregistré sans pouvoir ; et pour se justifier d'un délit* les magistrats de Rennes accusent tous ceux du royaume.
Je lui dirais : Si le décret du 3 novembre ne liait pas les chambres des vacations, il n'obligeait pas les Parlements. D'où vient donc qu'aucun Parlement du royaume n'est rentré le 11 novembre? D'où vient que celui de Rennes n'a pas repris ses fonctions? Nulle autre loi que celle du 3 novembre ne îeg a suspendus. Leur exercice périodique se succédait, dans l'ancien ordre de choses, en vertu des seules lois auxquelles ils doivent l'existence, et cependant tous les Parlements ont obéi ; mais s'ils ont obéi, la seule chambre des vacations de Rennes est coupable, ou tous les Parlements, même celui de Rennes, sont coupables.
Je lui dirais : Tous les memhres des Parlements conviennent qu'ils conservent, même pendant leurs vacations, le caractère de magistrats; que leur pouvoir n'est que suspendu, et qu'un simple ordre du Roi peut les rassembler avant le temps ordinaire de Jeur rentrée. Or je demande dans quel tribunal aurait été enregistrée la loi qui aurait rassemblé le Parlement? Je demande si rassembler un Parlement avant le 11 novembre, ou une chambre des vacations après le 17 octobre, ne sont pas deux opérations qui tiennent essentiellement au même pouvoir, et s'il y a plus de difficulté à prolonger une époque qu'a devancer l'autre ?
Je lui dirais ; Si le Parlement n'existait pas le 3 novembre, et si la chambre des vacations ne peut être créée que par des lois enregistrées au Parlement, il fallait donc d'abord rassembler le Parlement de Bretagne ; et comme la loi qui lui aurait donné des pouvoirs qu'il n'a point aurait eu aussi besoin d'être enregistrée dans un Parlement quelconque, il aurait fallu commencer par créer un Parlement, et un Parlement pour créer la loi; cercle vicieux dans lequel et la chambre des vacations, et ses défenseurs s'enlacent eux-mêmes, et dont il leUr sera difficile de sortir jamais sans tomber dans lés plus étranges contradictions.
Je lui dirais : Eh ! ne voyez-vous pas qu'en dernière analyse ces objections que l'on présente comme si décisives ne sont que cet ancien système des cours souveraines sur le droit d'enregistrement, droit également usurpé sur la nation et sur les rois; droit par lequel nous aurions été éternellement esclaves ; droit que les Parlements ont dix fois abdiqué dans leurs défaites, et qu'ils ont repris lorsqu'ils ont pu espérer d'être vainqueurs; droit qui, même dans tes maximes parlementaires, ne peut exister lorsque la nation exerce le pouvoir législatif ? L'enregistrement, tel que l'entendent les magistrats coupables, serait une véritable sanction ; mais quelle serait cette étrange constitution où la souveraineté serait partagée ou arrêtée par les corps judiciaires, par des magistrats à finances, c'est-à-dire par quelques individus concurremment avec les députés de vingt-
cinq millions d'hommes? N'a-t-on voulu que ma- i niféster une décision révoltante? On y a sans doute réussi. A-t-on voulu parler sérieusement? On a joint l'absurdité à l'insolence.
On nous a dit encore : « Le magistrat n'est pas obligé de faire exécuter la loi qu'il n'a pas adoptée, et il n'est pas obligé d'adopter, comme magistrat, une loi nouvelle qui ne lui convient pas. Lorsqu'il a reçu ses pouvoirs, il a juré de rendre la justice selon les lois établies. Vous lui offrez maintenant de nouveaux pouvoirs; vous exigez qu'il applique de nouvelles lois ; que répond-il ? Je ne veux pas de ces pouvoirs, je ne m'engage point à faire exécuter ces lois. »
Moi, je réponds à mon tour : Ces magistrats, qui ne veulent plus exercer leurs fonctions si elles sont relatives à de nouvelles lois, ont-ils, en désobéissant, abdiqué leurs fonctions, se sont-ils démis de leurs charges? S'ils ne l'ont pas fait, leur conduite est contradicloire avec leurs principes. Qu'ils cessent d'être magistrats, ceux qui regardent les droits éternels du peuple comme de nouvelles lois ; ceux qui respectaient le despotisme, et dont la liberté publique blesse la conscience ; qu'ils abdiquent et qu'ils redeviennent simples citoyens; eh 1 qui les regrettera? Mais, du moins, qu'en refusant les nouveaux pouvoirs qu'on leur donne, ils ne prétendent pas exercer les anciens pouvoirs.
Je leur réponds : Chaque magistrat, chaque individu eût-il le droit de se démettre, tous les Parlements du royaume n'ont-ils pas reconnu que l'interruption de la justice est un délit, que les démissions combinées sont une forfaiture? Le magistrat, le soldat, tout homme qui remplit des fonctions publiques peut abdiquer sa place; mais peut-il déserter son poste? mais peut-il le quitter au moment même de ses fonctions, à l'approche d'un combat? Dans un tel moment, ce refus du soldat ne serait qu'une lâcheté; les prétendus scrupules du magistrat sont un crime.
Je leur réponds encore : Quelles sont donc ces nouvelles lois que l'on forçait les magistrats bretons d'adopter! Nos anciennes ordonnances sont-elles abrogées : le droit romain, nos coutumes et la coutume de Bretagne sont-ils anéantis ? N'est-ce point d'après les lois qu'ils ont toujours observées, que ces magistrats rebelles devaient continuer à juger? Ils parlent de leur liberté, de leur conscience; avaient-ils la liberté de n'être pas Ge qu'ils avaient toujours été ? et ce qu'ils appellent une nouvelle loi, est-ce autre chose qu'une nouvelle obéissance?
Enfin je leur dis : Que signifie le serment qu'a fait tout magistrat lorsqu'il a promis d'obéir aux lois? Si nous faisons des lois, nos décrets sont compris dans leur serment ; leur désobéissance est un crime. S'ils nient que nos décrets soient des lois, cette dénégation n'est qu'un déni de plus. Le refus de reconnaître la loi ne sauva jamais un coupable. Voyez donc les criminelles conséquences où nous conduiraient les apologistes des magistrats que vous devez condamner. Ge n'est point à la loi, ce n'est point au législateur qu'ils ont fait serment d'obéir, mais aux lois établies et connues; et, s'il faut les en croire, c'est à eux à sanctionner et à enregistrer les lois ; ils n'obéiront donc qu'à leurs propres lois; ils n'obéiront donc qu'à eux-mêmes ; ils sont donc législateurs et souverains; ils partageront du moins la souveraineté ; ils en seront les modérateurs suprêmes : à ce prix les magistrats bretons consentent d'obéir. Mais si ce ne sont point là des crimes, que faisons-nous ici ? Quel est notre pou-
voir, quel est l'objet de nos travaux ? Hâtons-nous de replonger dans le néant cette constitution qui a donné de si fausses espérances; que l'aurore de la liberté publique s'éclipse, et que l'éternelle nuit du despotisme couvre encore la terre.
Enfin, on nous a dit « que les magistrats bretons ne viennent pas ici comme représentants, mais comme défenseurs des droits de la province. »
Je leur demande, à mon tour s'ils ne sont pas représentants, comment peuvent-ils être défenseurs? et si la Bretagne a soixante-six représentants dans cette Assemblée, comment cette province peut-elle avoir d'autres défenseurs que les députés qu'elle a choisis pour se faire entendre et exprimer son suffrage ? Oui, sans doute, il fut un temps où le prétexte de défendre des peuples qu'on opprimait, fournissait périodiquement des tours oratoires aux faiseurs de remontrances parlementaires, lorsqu'ils voulaient opposer les peuples aux rois, en attendant qu'ils pussent opposer les volontés arbitraires des rois aux peuples; mais ce temps n'est plus. La langue des remontrances parlementaires est à jamais abolie. Défendre les peuples, c'est-à-dire,dans leur idiome, les tromper, c'est-à-dire servir uniquement son intérêt personnel, ménager ou menacer la cour, accroître sa puissance sous les règnes faibles, reculer ou composer sous les gouvernements absolus; voilà quel était le cercle de ces évolutions, de ces parades politiques, de ces intrigues souterraines; un tel prétexte de défendre les peuples excite encore aujourd'hui notre indignation ; il n'aurait dû peut-être exciter que le ridicule.
Mais pourquoi chercherions-nous les intentions des magistrats de Rennes dans les discours de leurs apologistes, quand nous avons entendu leur propre défense? Pourquoi nous occuperions-nous d'un délit dont nous avons déjà fixé la nature, et désigné les juges, quaud il en est à nouveau commis sous nos yeux ? Ecoutons messieurs des vacations :
« lis sont les défenseurs des droits de la Bretagne ; aucun changement dans l'ordre public ne peut s'y faire sans que les Etats l'aient approuvé, sans que le Parlement l'ait enregistré. Telles sont les conditions du pacte qui les unit à la France. Ce pacte a été jugé et confirmé par tous les Rois. Ils n'ont donc pas dû enregistrer, et c'est par soumission pour le Roi qu'ils viennent le déclarer. »
Ils n'ont pas dû enregistrer 1 Eh I qui leur parle d'enregistrer ? qu'ils inscrivent, qu'ils transcrivent, qu'ils copient, qu'ils choisissent parmi ces mots ceux qui plaisent le plus à leurs habitudes, à leur orgueil féodal, à leur vanité nobiliaire, mais qu'ils obéissent à la nation quand elle leur intime ses ordres sanctionnés par son roi. Etes-vous Bretons? Les Français commandent. N'êtes-vous que des nobles de Bretagne? Les Bretons ordonnent ; oui, les Bretons, les hommes, les communes, ce que vous nommez tiers-état; car, sur ce point, Messieurs, comme sur tous les autres, vos décrets sont annulés par les deux premiers ordres de Bretagne ; on nous les rappelle comme existants, on veut nous faire entendre ce mot de tiers-état, mot absurde dans tous les temps aux yeux de la raison, maintenant rejeté par la loi, et déjà même proscrit par l'usage : on vient, dans le triomphe de l'humanité sur ses antiques resseurs, dans la victoire de la raison publi-°PP sur les préjugés de l'ignorance et de la barba-on vient vous présenter en opposition au
bonheur des peuples, et comme un garant sacré de leur servitude, le contrat de mariage de Charles VIII etde Louis XII ; ainsi donc, parce que Anne de Bretagne a épousé un de vos rois, nommé le père du peuple, un autre de vos rois, plus véritablement père du peuple, puisqu'il le délivre de ses tyrans, votre monarque, ne pourra jamais étendre jusqu'en Bretagne les conquêtes de la liberté. On vous parle sérieusement des deux nations, la nation française et la nation bretonne. On sait le parti qu'a pris la nation française; elle est restée, elle restera fidèle à son Roi... ; et la nation bretonne, c'est-à-dire la chambre des vacation de Rennes, quel parti prendra-t-elle ? On ose vous parler du grand nombre des opposants dans plusieurs des villes de la province... Ah! tremblez que le peuple ne véritie vos calculs, et ne fasse un redoutable dénombrement. ( Vifs applaudissements) Etes-vous justes ? comptez les voix ; n'êtes vous que prudents? comptez les hommes, comptez les bras, et ne venez plus parler des deux tiers de la province devant une Assemblée qui a décrété une représentation nationale, la plus équitable qui existe encore sur la terre. Ne parlez plus de ces cahiers qui fixent immuablement nos pouvoirs; immuablement 1 Oh ! comme ce mot dévoile le fond de leurs pensées 1 Gomme ils voudraient que les abus fussent immuables sur la terre, que le mal y fût éternel 1 Que manque-t-il en effet à leur félicité, si ce n'est la perpétuité d'un fléau féodal qui, par malheur, n'a duré que six siècles ? Mais c'est en vain qu'ils frémissent.
Tout est changé; il n'y a plus rien d'immuable que la raison, qui changera tout, qui, en étendant ses conquêtes, détruira les institutions vicieuses auxquelles les hommes obéissent depuis longtemps ; il n'y a plus rien d'immuable que la souveraineté du peuple, l'inviolabilité de ses décrets sanctionnés par son Roi, par son Roi, qui, malgré des suggestions perfides, ne fait qu'un avec le peuple, par lequel il règne, par lequel il triomphera de ceux qui veulent fait du monarque un instrument d'oppression publique. C'est lui, c'est le dépositaire de la force nationale, qui protégera la liberté bretonne contre une poignée d'hommes qui osent s'appeler les deux tiers de la province. Il n'offensera point les mânes de Louis XII, en croyant que, dans la liberté générale de la France, la nation bretonne, qui n'est point encore séparée de la nation française, ne doit pas, pour obéir à la teneur du contrat de mariage d'Anne de Bretagne, rester jusqu'à la consommation des siècles esclaves des privilèges de Bretagne, puisqu'il y a encore, comme nous l'apprenons, des privilèges en Bretagne. Privilégiés! cessez de vous porter
ftour représentants de la province dont vous êtes es oppresseurs. Ne parlez plus de ses franchises pour l'enchaîner, de ses libertés pour l'asservir. Vous êtes justifiés, dites-vous, par votre conscience; mais votre conscience, comme celle de tous les hommes, est le résultat de vos idées, de sentiments, de vos habitudes. Vos habitudes, /os sentiments, vos idées, tout vous dit, tout vous persuade que les communes bretonnes doivent être à jamais esclaves des nobles, en vertu du mariage d'Anne de Bretagne. Quelle est cette conscience qui veut annuler par un pareil titre la déclaration des droits de l'homme et la constitution française 1 Voilà, Messieurs, les idées augustes et imposantes qu'apporte parmi vous le chef d'une députation qui compte sur l'hommage, c'est trop peu, sur l'attendrissement de la postérité. Elle apprendra,*dit-il, que des magistrats ont eu le courage.....Singulière prétention de passer
à la postérité par un excès de fanatisme et d'orgueil! Mais loin de désirer que la postérité se souvienne de leur révolte, que ne font-ils des vœux pour que la génération présente l'oublie I
Mais, Messieurs, si notre devoir est de ne point dissimuler la nature et l'étendue de ce délit, il l'est aussi de réprimer les mouvements de notre indignation, et de porter dans nos décrets le caractère d'une inflexible équité. La chambre des vacations de Rennes doit être punie sans doute ; si elle ne l'était pas, par cela même, elle serait au-dessus de l'Assemblée nationale et du Roi; sa conduite et son impunité encourageraient ses adhérents, et pourraient devenir les principes des plus grands malheurs. Elle doit être punie, et vous n'avez pas le droit de faire grâce. Mais par quels juges et dans quelle forme faut-il qu'elle soit punie? c'est ce qu'il s'agit de déterminer. Les magistrats bretons ont-ils commis deux délits ou un seul? Ces deux délits sont-ils d'une nature absolument différente ? L'un de ces délits est-il tel qu'il soit impossible de le dénoncer au tribunal qui doit juger le premier? 11 faut dès lors deux peines et deux jugements.
Si, pour justifier leur désobéissance, les magistrats bretons s'étaient bornés à des moyens qui ne fussent pas une nouvelle injure ; s'ils n'avaient pas à leur frivole défense, à leurs coupables prétextes, joint des propos séditieux ; s'ils n'avaient pas méconnu l'autorité de l'Assemblée devant laquelle ils ont comparu, vous n'auriez qu'à punir leur résistance à la loi.
Mais des excès commis sous vos yeux pourraient-ils être jugés par le Châtelet ? Un tel délit serait-il susceptible d'information, lorsque c'est vous qui en avez été les témoins, lorsque c est vous qui les dénoncez? Si l'accusation n'emportait pas conviction, serions-nous en même temps accusateurs et témoins? S'il fallait un tribunal, quel tribunal jugerait que l'accusation n'est pas fondée? Les Parlements n'ont-ils pas mille fois distingué le premier délit d'un accusé, de celui qu'il commet lorsqu'il insulte son juge? Ce dernier délit n'est-il pas jugé sur-le-champ ? Le moindre officier public n'a-t-il pas le droit de venger son propre tribunal? Toutes les assemblées n'ont-elles pas le droit de police sur tout ce qui se passe dans leur sein ? Quoi I Messieurs, vous pouvez censurer vos propres membres, et vous n'auriez pas le droit de punir des accusés qui viennent vous insulter 1 Quoi 1 un outrage fait à l'Assemblée de la nation pourrait devenir la matière d'un procès ! Une objection aussi absurde ne mérite pas d'être refutée.
Je sais que. l'Assemblée n'est point un tribunal; je soutiens qu'elle ne doit user du pouvoir judiciaire que pour le déléguer; mais il ne s'agit pas non plus d'exercer le pouvoir judiciaire ; informer, voilà ce qui nous serait interdit pour un délit dont nous sommes les témoins; venger la nation d'un outrage, appliquer à des séditieux la peine que leur impose leur propre témérité, qui pourrait nous contester ce droit, si ce n'est celui qui, prévoyant le germe d'une insurrection générale dans le délit qu'il voudrait épargner, ne craindrait pas d'en être le scandaleux apologiste et de s'en montrer le complice ?
Voici donc le décret que j'ai l'honneur de vous proposer, et qui sera tout à la fois une grande leçon d'obéissance, et un grand exemple de modération :
« Arrête que les citoyens chargés des fonctions publiques, qui déclarent que leur conscience et leur honneur défendent d'obéir à la loi, se recon-
naissent par là même incapables d'exercer aucunes fonctions publiques.
« En conséquence, l'Assemblée nationale déclare les magistrats de la chambre des vacations de Rennes, par le fait de la déclaration qu'ils ont proférée en sa présence, inhabiles à exercer aucunes fonctions publiques, jusqu'à ce qu'ils aient reconnu leur faute, et juré obéissance à la constitution.
« Quant au crime de lèse-nation dont ces magistrats sont prévenus relativement à leur désobéissance aux décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, l'Assemblée en renvoie la connaissance au tribunal déjà chargé provisoirement d'informer des délits de cette nature.
« Ordonne que lesdits magistrats soient incessamment traduits pardevant ledit tribunal, pour le procès leur être fait jusqu'à jugement définitif.
« Arrête de plus de commettre quatre membres de l'Assemblée, pour assister le procureur du roi du Siège du Chàtelet dans l'instruction et la poursuite de cette affaire. »
(Ce discours est fréquemment interrompu par de nombreux applaudissements.)
Plusieurs membres réclament la parole.
D'autres membres représentent qu'il est plus de cinq heures.
met aux voix si la séance sera prolongée ou si elle sera continuée au lendemain. L'Assemblée décide le renvoi à lundi, à 9 heures du matin.
dit qu'il n'y aura pas de séance le soir, attendu la prolongation extraordi vnaire de celle qui finit. I La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 9 janvier. La rédaction est adoptée sans réclamation.
Le même secrétaire fait ensuite l'énoncé des adresses suivantes :
_ Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la communauté d'Arsague, sénéchaussée de Saint-Sever; elle demande que l'annexe de la paroisse soit érigée en cure.
Adresse des représentants de la commune de Prades en Roussillon, qui, en rappelant le vœu
exprimé, dans le cahier des paroisses qui composent la viguerie de Conflans et Capsir, pour
qu'il fût établi à Prades un tribunal judiciaire, avec une attribution définitive déterminée,
renouvelle cette demande, et supplie l'Assemblée nationale, lorsqu'elle procédera à la
division des départements et districts, de vouloir prendre en considération cette demande. Un
tribunal est nécessaire aux paroisses qui forment son arrondissement,
Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Farmoutier, qui exprime les vœux les plus ardents pour la conservation de l'abbaye royale qu'elle renferme dans son sein. Quel qu'en soit le succès, ils protestent que la décision ne diminuera en rien le respect et la reconnaissance dont ils sont pénétrés pour les représentants de la nation.
Adresse de félicitation et de dévouement du comité de Saint-Cyr et Bourgneuf en Retz; il propose un plan de division du duché de Retz.
Adresse de la garde citoyenne de Bar-le-Duc, qui fait le serment solennel de faire respecter les représentants de la nation et leurs décrets, aux dépens de sa fortune et de sa vie.
Adresse de la villède Morlaas, capitale du Béarn, contenant une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée, et une renonciation expresse à tous ses privilèges, dont elle jouissait depuis plus de 800ans; elle demande avec instance d'être le cbef-lieu de district.
Adresse d'adhésion, félicitation et dévouement de la communauté de Valleranguesen Languedoc.
Adresse du même genre de la ville de Vauvil-lers en Franche-Comté; elle fait le don patriotique de la somme de 1500 livres, et demande d'être chef-lieu de district.
Adresses du même genre de la ville d'Arnay-le-Duc et de la communauté de Saint-Cyr, près Versailles; elles font le don patriotique au produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresses des habitants de diverses municipalités du pays de Grasse, et d'une partie des habitants de la communauté de Scata en Corse, qui annoncent avoir formé une milice nationale qui a fait le serment de suivre et de maintenir tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Procès-verbal du renouvellement des serments patriotiques des volontaires nationaux de Vannes en Bretagne.
Adresses de félicitation et dévouement des officiers du bailliage d'Issoudun et de la ville d'Ar-dres en Auvergne. ,
Adresse du même genre de Ghâteau-Villain en Champagne ; cette ville fait le don patriotique de la somme de 408 livres, de 14 paires de boucles d'argtat, et de quelques bijoux d'or; elle de-mandefavec instance d'être cbef-lieu de district.
Adresses du comité permanent de la ville et juridiction de Lauzun, composée de seize paroisses, et de la milice citoyenne de la ville d'Aix, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et un dévouement sans bornes pour leur exécution.
Délibération de la communauté d'Ancelles en Dauphiné, qui fait le don à la nation de la taxe sur les ci-devant privilégiés.
On annonce que les députés de la ville de Fontainebleau étant à la barre, offrent un don patriotique de 2,200 livres.
On annonce également les députés du district et le bataillon des enfants-trouvés, de Paris, qui ont offert en don patriotique des boucles d'argent, et autres bijoux pesant 32 marcs 7 gros d'argent, plus une once 1 gros 18 grains en or.
Je suis chargé par M. David Emmanuel de Vélay, Génévois de naissance, habitant à Constance en Suisse, de faire une offrande patriotique de 6,000 livres. De plus, cet étranger demande pour lui, pour sa
femme et leurs six enfants, le titre de citoyen français.
Il serait à craiDdre que les 6,000 livres joints à la demande ne parussent le prix du Consentement à accorder. Je propose de naturaliser cè généreux étranger et de refuser son argent.
Je propose de naturaliser sur-le-champ cet étranger par un décret, sans qu'il soit besoin d'observer les anciennes formalités. Je ne vois pas au surplus d'inconvénient à accepter le don patriotique qu'il propose.
Le comité de constitution prépare un projet de décret pour fixer les règles d'après lesquelles les étrangers pourront être naturalisés français. Je propose donc de donner acte de sa demande au citoyen de Vélay et de le naturaliser le premier dès que l'Assemblée nationale aura décrété les règles de la naturalisation.
L'offre d'un don patriotique de 6*000 livres et la demande de naturalisation sont deux choses distinctes. Vous pouvez accepter l'une sans l'autre ou les accorder toutes les deux, et pour plus de liberté je demande que vous prononciez séparément»
L'Assemblée, consultée, donne d'abord acte de la demande en naturalisation, et par un deuxième voté, accepte le don patriotique de 6*000 livres.
L'Assemblée va reprendre maintenant la suite de la discussion sur Vaffaire de la Chambre des vacations du Parlement de Bretagne.
, député d'Agçn. Par motion d'ordre, je propose que* sans désemparer, cette grande cause soit jugée dans la séance de ce jour.
Il n'est pas séant d'adopter uttë pareille proposition , parce que l'Assemblée ne peut jamais décider à quelle époque elle sera assez instruite; parce que, quand bieh même elle le déciderait, nous ne. pouvons pas savoir si nos forces physiqués tiendront jusqu'au moment où le§ personnes qui voudront parier pour l'un ou l'autre parti auront exposé toutes' leurs raisons. Nous serons toujours libres de déclarér que la discussion est terminée, et que nous sommes assez instruits; mais, avant d'être instruits, nous ne pouvons pas dire que nous sommes assez instruits; car, pour être assez instruits, il faut d'abord s'instruire. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
met aux voix la proposition de M. Renaud. Elle est adoptée.
La discussion est ouverte.
Jene réponds ni aux diatribes, ni aux Violentes déclamations que s'est permises M. le comte de Mirabeau. Je n'oublie pas que je discute les intérêts d'un grand peuple eft présence dès législateurs d'Une grande nation. Je prendrai le seul ton d'igné d'un honnête homme, (il se fait
Quelques murmures, et l'opinant est rappelé à
ordre.) II est impossible dé contester que le ton 4e la modération et de la justice convient uniquement quand on délibère sur le sort de ses concitoyens, et qu'on eèt leur juge. Qu'il me soit péroné de relever trois faits que M. de Mirabeau a
altérés. Il a dit qu'il reste toùjotlrs, après la levée de la chambre des vacations, un nombre de magistrats devant lesquels on jugé un référé, tandis qu'ilès( certain qu'après l'eXpiraition de la chambre des vacations il s'écoiile, jusqu'à la rentrée, huit jourst>endant lesquels aucun magistrat n'est revêtu de fonctions publiques. M. de Mirabeau a nié que les membres de la chambre des! vacations eussent offert le sacrifice de leur état; cependant Cette Offre est consignée dans deux lettres au Roi, et a été rappelée par M. de La Houssaye en présence de l'Assemblée. M. de Mirabeau a ait que ces magistrats ont avancé, dans leur discours, que la noblesse et le clergé forment les deux tiers de la Bretagné ; ce discours ne renferme rien de semblable. Je ne me permettrai pas d'exposer mes réflexions sur cette conduite; l'Assemblée jugera le degré de confiance qu'elle doit à un orateur qui emploie ainsi son éloquence.
Je n'examiné qu'un seul principe. Cet opinant prétend qu'il s'agit ici d'un fait de police; que l'Assemblée a sa police, et que, sans contredit, elle peut juger ce fait, c'est-à-dire que l'Assêtnblée né peut juger que quahd elle est juge et partie.....
J'examine ensuite le fond de cette affaire.,
Le Parlement de Rennes a reçu en dépôt des franchises : il a juré de les conserver; il croyait qu'elles étaient attaquées, il a voulu remplir son serment. Vos décrets n'ont obtenu que des adhésions isolées. Les députés bretoas n'ont renoncé aux franchises de leur province que sbug la réserve d'une adhésion ; cette adhésion n'existe pas, les franchises existent donc encore.. ..
La Bretagne a toujours été indépendante dé l'empire français. Ses droits sont, établis sur des traités solennels; l'Assemblée n'a donc pu les détruire sans le consentement du peuple breton. Elle a été emportée au-delà de ses droits, au-delà de ses devoirs par des circonstances extraordinaires; Ses décrets ne seront véritablement obligatoires pour la nation que lorsqu'ils auront été consentis par une adhésion formelle ou tacite des peuples. Alors on ne pourra, sans crime, désobéir à ces décrets.
Il est donc certain qne les magistrats de Rennes ont pu croire de bonne foi que les franchises de la Bretagne ne pouvaient être abolies qu'au milieu d'une assemblée du peuple breton : c'en est assez pour que cette erreur ne soit pas considérée comme un crime. Si cependant l'Assemblée croyait qu'il est important à ses décrets que des magistrats, qui n'ont pas obéi, ne remplissent plus leurs fonctions, il serait généreux et juste d'accepter leur démission.
Je proposerais en conséquence un décret en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la justification des magistrats composant la chambre des vacations du Parlement de Rennes, décrète qu'ils seront envoyés au pouvoir exécutif pour ^ue l'Offre qu'ils ont faite du sacrifice dë leur état soit réalisée. »
Quel que soit le jugement que vous allez prononcer, permettez-moi d'observer que dans des temps", d'effervescence, où des hommes présumés innocents, puisqu'ils n'étaient pas déclarés coupables, ont été livrés à la fureur du peuple, condamner les magistrats bretons, ce serait les priver de la sauvegarde de la loi ; qu'il me soit permis de représenter que c'est Sur les membres d'un Parlement, d'un Parlement noble que vous allez statuer; c'est-à-dire sur des citoyens qui, dans les divisions dont ie royaume est travaillé, sont
l'objet de toutes les haines. N'oubliez pas que I c'est sur ce jugement que la France et l'Europe | entière vous jugeront.
(1). Messieurs, un spectacle nouveau dans les annales delà monarchie s'est offert à vos regards. Des hommes, investis du pouvoir judiciaire suprême, ont paru devant vous, et c'est un hommage public qu'ils ont été forcés de rendre à la souveraineté nationale. Placés par leurs fonctions au-dessus des autres citoyens, ils ont prouvé que la loi n'est jamais si respectable et si sacrée, que lorsqu'elle exerce son empire sur ceux mêmes qui étaient ses organes : aussi jamais citation n'a été plus propre à faire éclater la grandeur, l'étendue ej; la nécessité du pouvoir législatif, que celle employée contre les magistrats de Rennes.
Vous avez vu se former devant vous un combat d'opinions bien opposées sur la conduite de ces magistrats, et sur le jugement que vous devez prononcer.
Suivant les uns, ce sont des magistrats courageux qui gardent la foi jurée à la constitution et aux lois de leurs pays. Suivant les autres, ce sont des magistrats rebelles qui provoquent la désobéissance aux lois nouvelles de l'Etat.
Les premiers voudraient donner des éloges à leur conduite; les autres demandent qu'on leur inflige des peines : ici, des lauriers; là, des procédures.....
Au milieu de ces opinions contraires un parti moyen se présente. On vous propose de vouloir ignorer votre pouvoir, d'user d'indulgence envers l'esprit de forps égaré par d'antiques préjugés; on vous propose de dépouiller seulement du droit d'exécuter les lois des hommes qui en méconnaissent la puissance.
Tel est, Messieurs, l'état d'une affaire plus célèbre par la singularité de ses circonstances, que par la difficulté des questions que vous avez à décider.
Des magistrats sont accusés devant la nation : il faut donc qu'il existe un grand délit; il faut donc constater le délit, s'il existe ; il faut le caractériser, il faut chercher le tribunal qui doit le juger, et déterminer quelle peine de pareils délits peuvent mériter.
Le législateur naturel de la France, la nation assemblée par ses représentants, veut proroger les vacances des cours de justice. La loi est envoyée; elle doit trouver partout des tribunaux qui la reçoivent et qui la publient. Elle ne trouve en Bretagne, suivant les prévenus, qu'une agrégation de magistrats qui disent ne pas former un corps, et des hommes privés qui disent n'avoir pas abandonné les fonctions publiques dont ils sont revêtus. Ainsi, magistrats sans fonctions, et particuliers isolés, quoique magistrats, ils ne formaient ni Parlement, ni chambre des vacations, à l'époque où la loi des vacances a été envoyée.
Il n'y avait ni Parlement ni chambre des vacations ! C'est un délit de plus, et l'usage en
ce genre ne serait qu'un délit habituel. Non, Messieurs, il ne peut y avoir aucun interrègne
dans l'exercice de la justice. Où finit la chambre des vacations, la commence nécessairement
l'activité du corps entier. Il n'est pas de moments où les peuples puissent être sans
justice, les magistrats sans fonctions, ét le pouvoir exécutif sans tribunal à qui il puisse
envoyer ses ordres. Une telle
Le pouvoir exécutif insiste ; les magistrats refusent encore d'enregistrer la nouvelle loi ; ils n'étaient pas corps de Parlement pour enregistrer, ils le sont pour refuser le registre. Ils ne formaient plus, disent-ils, une chambre des vacations, quand il s'agit de reconnaître la puissance législative de la nation ; ils sont magistrats pour invoquer la gothique constitution, et pour défendre le gouvernement aristocratique de leur pays.
On leur présente la loi deux fois faite par la nation, et sanctionnée par le Roi; ils persistent à ne connaître que leurs institutions féodales, le contrat de mariage d'Anne de Bretagne et le vœu des Bretons en 1552. Un serment solennel leur ordonne, disent-ils, de défendre ces droits antiques ; mais qui ne voit que ce serment ne pouvait avoir aucun rapport avec les circonstances dans lesquelles on substituerait à la constitution bretonne une constitution générale, qui joindrait aux avantages de la première une foule d'avantages nouveaux?
Ils font plus encore, ils offrent leur démission, malgré l'Edit de 1774, qui leur défend la démission combinée ; et non contents d'insulter au législateur nouveau, ils parlent de laisser le temple de la justice désert.
C'est ainsi que les magistrats, devenus infrac-teurs des lois anciennes, et contempteurs des lois nouvelles, ont paru devant nous.
Mais cette démission ne peut être reçue, quand les magistrats ont délinqué; c'est alors à la loi seul e à les faire cesser d'être magistrats, par des formes légales.
Les magistrats qui, par des subtilités judiciaires, connaissent l'art de se soustraire à la loi, sont cités devant le législateur même, et le délit des magistrats se continue jusque dans son sanctuaire.
Ils ne parlent que de donner des marques de leur soumission au Roi, et ils tiennent ce langage devant le souverain !
Ils ne parlent sans cesse que des lois quisanc-tionnent les décrets, comme si les décrets ne sont donc pas les véritables lois, et si des magistrats pourraient ignorer que la sanction n'en est qu'un des caractères.
Ils vous parlent des droits de la nation bretonne, comme s'il y avait deux nations en France, comme si. dans la féodalité même, le duché de Bretagne n'était pas un arrière-fief de la couronne de France, comme si les Etats de Bretagne avaient jamais méconnu les Etats généraux qu'ils ont invoqués tant de fois 1
Ils vous ont rappelé des cahiers impératifs,qu'ils appellent les bornes de votre pouvoir, et cependant ces cahiers impératifs, proscrits par votre constitution, ont été rétractés dans tout le royaume, lors de la réuniou des Ordres.
Ils vous opposent le veto des Etats et les privilèges de la Bretagne, et vous avez aboli les veto des Ordres, et tous les privilèges des provinces ont été abandonnés pour une meilleure constitution.
Ce n'est pas tout, Messieurs, ils sont accusés de désobéissance à la puissance souveraine, et ils se disent honorés d'une pareille accusation 1
Ils méconnaissent, dansée sanctuaire, la puissance qui les frappe, qui les cite devant elle, et ils lui disent que l'histoire conservera le souvenir de leur courage vertueux I
Ils résistent à la volonté de la nation dont ils
sont membres, et ils appellent cette résistance un devoir honorable!
Ils disent enfin qu'un jour les Bretons désabusés béniront leur courage et les rappelleront comme défenseurs de leurs droits ; ils conviennent donc que les Bretons, dans ce moment, renoncent à leur constitution pour embrasser celle du royaume (1), et ils osent se montrer contraires à cette volonté générale sous prétexte qu'elle pourrait n'être que passagère ! et onze magistrats croient mieux voir dans l'avenir et mieux apprécier ce qui convient à la France, que la nation même et ses représentants !
Si c'est là du courage, Messieurs, c'est celui du fanatisme ; si c'est acquérir de la célébrité, c'est en acquérir comme Erostrate.....
Ainsi, Messieurs, le délit des magistrats, commencé en Bretagne et continué sous vos yeux, est un délit contre l'autorité nationale.
Peut-il être excusé, peut-il être atténué par l'attachement des magistrats à la constitution bretonne, et par le serment de la maintenir ?
C'est ce que nous -devons examiner avec soin.
C'est un beau motif sans doute que l'attachement. à la constitution des provinces, lorque les provinces seules étaient constituées ; lorsque leurs droits reposaient sur des traités respectables ou des chartes antiques, quand il existait un grand royaume et point de patrie, un peuple nombreux et point de citoyens ; quand le despotisme avait avili la France, le pouvoir parlementaire était un mal qui arrêtait un mal plus grand.
Ces barrières du despotisme, tout imparfaites qu'elles étaient, arrêtaient sans cesse le despotisme, et si ces traités, si ces conventions n'eussent pas été puissantes dans ces époques malheureuses, le pouvoir arbitraire planerait aujourd'hui sur des têtes asservies.
Mais quand la liberté se réveille, quand une grande constitution vient régénérer toutes les provinces qui ne forment plus qu'un même corps, alors c'est opposer à la liberté générale, c'est méconnaître le véritable souverain de l'Empire que d'invoquer de pareils titres.
Je dis plus, Messieurs, c'est désobéir à la province même dont ces magistrats viennent réclamer les anciens droits et les anciennes chartes qu'ils ont violés eux-mêmes tant de fois par des enregistrements d'impôts. D'après ce qu'un député breton vient de vous dire c'est violer la volonté expresse des dix-neuf vingtièmes des habitants d'une province dont le courage et le patriotisme ont sacrifié leurs anciens traités et leur antique constitution sur l'autel de la patrie générale.
Qui peut donc avoir oublié cette nuit mémorable où la féodalité vit s'évanouir avec elle tous les privilèges, tous les traités, toutes les chartes particulières, pour leur substituer une charte nationale? Qui ne se rappelle les adresses nombreuses du royaume entier, et principalement celles des villes et communautés de la Bretagne, qui adhèrent depuis longtemps à l'abolition de ses traités et des privilèges, pour subir l'honorable joug d'une constitution libre? La chambre des vacations de Rennes ne peut donc motiver sa conduite sur la constitution bretonne ; ellen'exis tait plus à l'époque où ces magistrats ont voulu en faire usage contre la volonté nationale.
D'après ces réflexions, que devient le serment
Le délit des magistrats est donc constant, ils ont désobéi au souverain, ils ont insulté aux lois nationales.
Mais, à quel tribunal appartient-il de prononcer ?
Nous pourrions peut-être, Messieurs, nous borner à remettre, entre les mains du Châtelet, les magistrats de la Chambre des vacations du Parlement de Rennes, si,coupables, loin de vos yeux, d'un crime de lèse-nation, ils n'étaient pas venus, même sous vos yeux, se faire honneur de leur crime, et par là insulter à la dignité de l'Assemblée.
Dans de telles circonstances, renvoyer les prévenus à d'autres juges que vous, Messieurs, ce serait vous désintéresser étrangement sur le respect dû au législateur suprême, dans le lieu même de ses séances.
Mais le législateur peut-il réunir à cette auguste fonction celle de juger ceux qui auraient osé le méconnaître et lui résister? Et, lorsqu'il distribue à son gré tous les pouvoirs, de manière à ne jamais les accumuler sur la même tête, doit-il s'interdire à lui-même, jusque dans les circonstances les plus impérieuses, la faculté de réunir provisoirement en lui les pouvoirs législatif et judiciaire tout à la fois ? -
C'est ici, Messieurs, une question ? discuter, également importante et nouvelle, mais dont la décision ne peut souffrir ni de grands débats ni même aucun doute.
Que deviendrait, je vous le demande, une Convention nationale, chargée de donner, pour la première fois, une constitution à une nation qui voudrait être libre et qui ne pourrait l'être qu'en surmontant des obstacles infinis, de la part de tous les corps dépositaires de quelque portion d'autorité?
Que deviendrait-elle surtout si cette nation, moins heureuse que la nôtre, trouvait, dans le pouvoir exécutif nouvellement constitué, le principal ennemi du pouvoir constituant? que deviendraient des décrets qu'on ne lui permettrait de rendre que pour les mépriser; quel homme un peu versé dans le droit public des nations, pourrait douter que dans de telles circonstances, et sans en attendre même d'aussi graves, la Convention nationale peut, et même doit reprendre, en tout ou en partie, celui des différents pouvoirs qu'elle aurait distribués, lorsque cette sage précaution devient nécessaire, ou pour sa sûreté, ou pour l'exécution de ses décrets ou pour le salut du peuple qu'elle représente?
Par quelle espèce de paradoxe, une Assemblée qui, pour distribuer tous les pouvoirs, a dû les réunir tous dans sa main, ne pourrait-elle se ressaisir provisoirement d'une partie de ces pouvoirs, lorsque, par une monstrueuse fatalité ces pouvoirs se trouveront contre elle dans des mains étrangères ?
Pourrait-on craindre la réunion momentanée de pouvoirs différents dans une Assemblée essentiellement protectrice de la liberté publique, et qui, pour l'établir, a dû nécessairement concentrer dans elle seule tous les pouvoirs, avant de les confier à ses dépositaires ?
Une plus longue discussion serait surabon- I dante, et vous enlèverait des moments précieux. Appliquons ce grand principe, il ne reste qu'à examiner la peine due aux magistrats que nous allons juger.
Une seule observation va vous l'indiquer : elle est de M. de Mirabeau lui-même.
« Les citoyens, chargés de fonctions publiques, qui déclarent que leur conscience et leur honneur leur défendent d'obéir à la loi, se reconnaissent par-là même incapables d'exercer aucune fonction publique. »
En adoptant ce principe de M. de Mirabeau, je n'adopte pas pour cela sa motion tout entière, j'en demande la division pour en séparer la dernière partie, et je ne crois pas difficile de prouver que ces deux dispositions de la motion de M. de Mirabeau sont inconciliables.
Si l'Assemblée nationale déclare les magistrats de Rennes incapables d'exercer les fonctions publiques, elle inflige une peine : si elle punit, elle ne peut pas les renvoyer de nouveau au tribunal des peines. Ce sont des accusés et non pas des condamnés que l'on envoie devant les tribunaux.
C'est, d'ailleurs, une maxime sacrée, que l'humanité a écrite dans les codes les plus barbares, qu'on ne punit pas deux fois le même crime. La règle, non bis in idem, a été respectée dans toute l'Europe, au milieu de la barbarie de nos lois criminelles; les législateurs par essence, les législateurs du xviii® siècle commenceraient-ils parla violer ?
Non, Messieurs ; si vous adoptez la première partie de la motion de M. de Mirabeau, vous ne renverrez pas les accusés au Ghâtelet, vous ne le pouvez pas et tout doit vous porter à juger vous-mêmes.
Votre compétence est incontestable.
Vous serez des juges plus doux que le tribunal des lois. Le législateur a plus de latitude que le magistrat, surtout quand il n'y a pas de loi pour les crimes de lèse-nation et que vous n'avez qu'un tribunal provisoire.
Vous jugerez plus promptement ; et la sûreté de l'Etat, la tranquillité publique réclament une punition prompte ; des magistrats qui ne veulent pas se soumettre aux lois ne sauraient les exécuter. Qu'ils apprennent donc qu'ils ne doivent plus considérer leur dignité comme un bien qui leur appartient, qu'ils ne sont pas juges pour eux-mêmes, mais pour la patrie.
Ils ambitionneraient peut-être leur renvoi au Châtelet, par une vaine ostentation de courage, mais il suffit de les dépouiller de leurs fonctions.
Vaincre les ennemis de l'Etat par votre courage inflexible a été le premier essai de vos forces. Vous attacher tout le royaume par la justice de vos décrets, c'est le chef-d'œuvre de votre sagesse.
C'est ainsi, Messieurs, que vous accomplirez l'accord si difficile et si désirable de la liberté et de l'autorité.
L'autorité 1 que ce mot ne vous séduise pas, Messieurs ; la modération devient le plus digne partage du pouvoir, la douceur des peines est le caractère de la liberté, et les vrais législateurs se servent bien mieux de l'influence de l'opinion. C'est ainsi, Messieurs, que, puissants sans inquiétude, libres sans invoquer les peines, plus jaloux de la réputation de votre justice, que de celle de votre puissance, vous assurerez la durée des
biens dont la seule espérance fait déjà le bonheur des Français.
J'ai l'honneur de proposer le décret suivant :
L Assemblée nationale, considérant qu'elle ne peut confier l'exécution des lois à ceux qui affectent de les méconnaître, et qui se sont formellement opposés à leur transcription; déclare que les membres de l'ancienne chambre des vacations de Rennes sont inhabiles à exercer aucune fonction publique, et les droits de citoyens actifs , jusqu'à ce qu'ils aient prêté le serment de fidélité à la Constitution du royaume.
(1). Messieurs, de tous les spectacles que la fin du dix-huitième siècle prépare à l'histoire, l'un des plus étonnants, sans doute est la crise imprévue qu'éprouvent aujourd'hui tous les Parlements du royaume (2). Ces grands corps qui avaient vieilli avec la monarchie, et qui semblaient devoir partager à jamais ses destinées, avaient triomphé quatorze fois, depuis la régence de Louis XV, du crédit et de la haine des ministres. Environnés de la considération et de la confiance des peuples, ils ne devaient plus croire qu'il s'élevât jamais des ennemis assez imprudents pour les attaquer, lorsqu'ils ont immolé généreusement l'esprit de corps au patriotisme. Us ont fait tout à coup aux pieds du trône l'aveu aussi noble qu'inattendu de leur incompétence pour consentir l'impôt. Ils ont conquis la liberté publique à travers les exils et les emprisonnements auxquels ils se sont dévoués pour lutter contre le pouvoir ministériel. A force de courage et de disgrâces, ils ont réhabilité la nation française dans tous ses droits. Un cri universel de reconnaissance et d'amour a retenti autour des tribunaux, d'une extrémité du royaume à l'autre. Aucun bailliage, aucun cahier n'a sollicité leur destruction; et au moment où un tribut solennel de gloire devait dédommager ces magistrats du sacrifice volontaire de leur autorité, l'Assemblée nationale veut les dépouiller du pouvoir judiciaire que le Roi avait mis en dépôt dans leurs mains. Cette suppression imprévue est annoncée. La révolution approche; et les peuples inquiets se demandent avec étonnement par quelle cause, par quelle fatalité, ces mêmes Parlements qui venaient de si bien mériter de la France en forçant la convocation des Etats généraux, ont à peine réuni les représentants de la nation française, qu'ils se sont vu menacés d'un anéantissement absolu.
Déjà, Messieurs, ces anciens temples de la justice nationale sont déserts. Le silence d'une
mort anticipée règne autour de leur enceinte, et la citation inouie des magistrats de Rennes
à cette Assemblée, n'est que le prélude des projets destructeurs dont on prépare l'exécution.
Le fait que
Un principe fondamental qu'il ne faudra jamais perdre de vue dans cette cause, et qui n'est pas même contesté, c'est que la province de Bretagne jouit, parla constitution, du droitde consentirdaus ses Etats la loi, l'impôt et tous les changements relatifs à l'administration de la justice : cette belle prérogative est la condition littérale et diri-mante de la réunion de ce duché à la couronne de France.
Ce principe étant généralement reconnu dans cette Assemblée, j'observe d'abord, Messieurs, que la différence du droit public qui régit plusieurs de nos provinces n'est point particulière à l'organisation de la France. Depuis qu'un petit nombre de familles s'est partagé la souveraineté de l'Europe, les grands Etats se sont successivement étendus, et à des conditions toujours inégales, par des alliances, par des successions, par des traités ou par des conquêtes. Nous ne connaissons aucune puissance de premier ordre dont les sujets soient soumis à des lois uniformes. L'Irlande et l'Ecosse ne jouissent pas des mêmes droits que l'Angleterre. L'Autriche, la Hongrie et la Bohême diffèrent autant par la législation que par la langue des peuples qui les habitent. Je n'étends pas plus loin cette énumération, qu'il me suffit de vous indiquer. Je remarque seulement que, quelque désirable que soit l'unité de gouvernement, aucune monarchie en Europe n'a pu parvenir encore à cette identité de droit public dans toutes ses provinces.
Mais cette différence de prérogatives ne doit pas exciter plus de jalousie entre les provinces que l'inégalité des fortunes entre les citoyens. L'intérêt commun est que la justice soit respectée. Tous les droits particuliers reposent sous la sauvegarde de la foi publique. Ge sont des barrières élevées contre le despotisme, qu'il faut accoutumer à s'arrêter devant les contrats qui le repoussent, pour l'avertir souvent que le pouvoir a ses limites. Il a besoin que ces conventions toujours réclamées lui rappellent que les peuples oiit des droits, et c'est ainsi que les privilèges particuliers d'une province deviennent le bouclier de de tout un royaume.
Les prérogatives de la Bretagne n'ont par conséquent rien d'odieux pour la nation française, si elles émanent d'une convention libre et inviolable. Cette convention que M. le comte de Mirabeau a paru dédaigner avec tant de hauteur, comme l'une de ces fables de l'antiquité, que des législa-
teurs doivent reléguer philosophiquement dans la poussière des bibliothèques, cette convention, Messieurs, n'est pas éloignée de nous de plus de deux siècles et demi.
Je ne dirai donc pas, comme cet orateur, que la Bretagne mériterait d'être écoutée, si elle produisait des litres anciens comme le temps et sacrés comme la nature, parce qu'en parlant ainsi, je ne dirais rien ; mais je vais tâcher de prouver que la Bretagne a des droits aussi anciens que la monarchie, et aussi sacrés que les contrats ; et si je démontre qu'en vertu de ces droits, on ne peut faire aucun changement dans l'administration de la justice en Bretagne sans le consentement des Etats de cette province, je n'aurai pas sans doute la gloire de vous avoir proposé un système philosophique, mais je croirai avoir bien raisonné, en prenant la défense des magistrats bretons.
L'Armorique ou la Bretagne fut démembrée de la monarchie française dès la première race de nos rois. Les habitants de cette province, qui, sous le nom de Celtes, luttèrent glorieusement contre César, et balancèrent la puissance des légions romaines, furent toujours soumis à des souverains particuliers. Ces princes eurent pour suzerains les rois de France, et même les ducs de Normandie ; mais ils exercèrent toujours une souveraineté immédiate sur les Bretons. Pour illustrer cette vassalité, les monarques français érigèrent dans le treizième siècle en duché-pairie cette grande province, qui forme aujourd'hui la douzième partie de la population du royaume ; et elle continua d'être indépendante de la nation française, sous l'empire des ducs de Bretagne- '. fî. , '
La réunion de la Bretagne à la France avait été, pendant plusieurs'siècles, le grand objet de la politique de nos rois. Le dernier duc de Bretagne, François II, étant mort sans enfants mâles, Anne de Bretagne, sa fille unique et son héritière, était déjà fiancée à l'empereur Maximilien. Mais le roi Charles VIII parvint à faire rompre ce projet de mariage, et épousa lui-même Anne de Bretagne, en 1491.
Je ne m'arrête point dans ce moment aux clauses de ce contrat de mariage. On le cite souvent comme la véritable origine des privilèges de la Bretagne ; mais nous verrons bientôt que les droits de cette province sont fondés sur un contrat plus récent, dans lequel les Bretons eux-mêmes ont transigé avec le représentant suprême de la nation française.
Charles VIII, qui, pour épouser Anne de Bretagne, avait renvoyé Marguerite, fille de l'empereur Maximilien, quoiqu'elle eût déjà porté Je titre de Dauphiné, mourut sans postérité à l'âge de 27 ans.
Il n'entre point dans mon sujet de développer ici le service immortel que le maréchal de Gié (Pierre de Rohan) rendit à la France, en faisant arrêter sur la Loire les équipagnes de la reine Anne qui, après la mort de son mari, voulut se hâter de sortir du Royaume, et de retourner dans ses Etats de Bretagne.
Pour assurer la réunion de cette grande province à la couronne, le successeur de Charles Vlll, le bon père du peuple, Louis XII, épousa Anne de Bretagne, lorsqu'il eut fait déclarer nul son mariage avec Jeanne de Valois, qu'il avait épousée depuis vingt ans, et qui, après son divorce, alla fonder les Annonciades à Bourges.
Louis Xll n'eut de son mariage avec Anne de Bretagne, que deux filles, Mme Claude et Mme Renée de France. La loi salique n'ayant jamais été admise en Bretagne, les filles héritaien t de ce duché,
comme des autres grands fiefs du royaume. Ce fut pour en prévenir une seconde fois îe démembrement, que Louis XII fit épouser sa fille Claude au duc d'Angoùlême, son héritier présomptif.
Ce dernier prince, si célèbre sous le nom de François Ier, eut deux enfants mâles de son mariage avec la fille de Louis Xll. L'aîné de ces princes, Henri 11, était appelé par droit de primo-géniture, au trône de France, et le cadet, duc d'Angoùlême, devait hériter du duché souverain de Bretagne, en vertu du contrat de mariage d'Anne, son aïeule avec Louis Xll.
La France alarmée de ce nouveau démembrement de la Bretagne, dont elle ne voyait plus le terme, pressa François Ier de consommer, par un contrat synallagmatique et irrévocable, la réunion de cette province à la couronne. Pressé par les vœux de tout son peuple, François 1er alla tenir lui-même les Etats de Bretagne à Vannes en 1532. Ces Etats de Bretagne, dont on trouve aujourd'hui l'orgaoisation si vicieuse, conclurent le traité au nom de tout le peuple breton : les deux nations transigèrent ensemble. La Bretagne fut unie à jamais à la couronne de France ; et le contrat, qui en renferme les conditions, a été ratifié, depuis cette époque, de deux en deux ans, par tous les successeurs de François Ier jusqu'en 1789.
C'est l'exécution littérale de ce traité de Vannes en 1532 que réclament les Bretons. Il n'y a plus rien de sacré parmi les hommes, si Uh pareil titre n'est pas respecté. La propriété individuelle de chaque citoyen fondée sur l'autorité des contrastes, n'a point d'autre base que lés droits de cette province, qu'on appelle si improprement ses privilèges. Le peuple breton n'en jouit qu'à titre onéreux, puisqu'il ne se les est assurés, qu'en renonçant à la plus belle de toutes les prérogatives, je veux dire au droit d'avoir son souverain particulier. J'avertis les membres de l'Assemblée nationale, qui nous parlent avec dédain des franchises de la Bretagne, que, s'ils veulent nous refuter, c'est à ce raisonnement surtout, que nous les invitons, ou plutôt que nous les défions de répondre jamais (1).
Le danger du démembrement prévu par François 1er, était plus
réel qu'il ne se l'imaginait lui-même. Oufre la séparation de la Bretagne, qui était annoncée
par la succession collatérale de son fils cadet, cette province aurait été dévolue ensuite
par la loi à d'autres princes qui en seraient devenus les héritiers naturels. Caria loi
salique, je le répète, n'a jamais été admise en Bretagne: la représentation même y a toujours
eu lieu; et par conséquent, les filles pouvaient en hériter comme la reine Anne elle-même.
Or, Messieurs, la branche masculine des Valois fut éteinte à la mort de Henri 111, en 1589;
mais la postérité féminine des Valois existe encore aujourd'hui dans les maisons dé Lorraine
et de Savoie, qui régneraient en Bretagne sans l'exclusion du traité de Vannes en 1532.
Cette conséquence découle de tous les principes sur lesquels l'ordre social est établi ; et vous voudrez bien ne pas oublier, Messieurs, que l'une des clauses de ce contrat porte formellement que la Bretagne aura un Parlement, une chancellerie, une Chambre des comptes, et qu'il ne sera fait aucun changement relatif à l'administration de la justice dans cette province, sans le consentement préalable de ses Etats.
Vous avez entendu, Messieurs, l'un des préopinants vous dire, dans cette tribune, que si la Bretagne ne voulait pas adopter la nouvelle constitution du( royaume, il fallait terminer le différend, les armes à la main.
Ah, Messieurs I que le ministre d'un vieux despote, endurci par un long abus de pouvoir, eût osé proposer, dans un divan, cet excécrable argument du droit dU plus fort; que pour se soustraire aux justes réclamations d'un peuple fidèle, il l'eût menacé du honteUx expédient de le conquérir, et qu'il se fût ainsi flatté de rompre ies engagements les plus sacrés du trône, en conseillant le plus grand des crimes à son imbécile souverain, je n'en serais point surpris : le visir aurait fait son métier, et il ne faut point attendre d'autre morale des suppôts du despotisme. Mais que, dans le dix-huitieme siècle, un représentant de la nation française ait porté l'immoralité de ses opinions jusqu'à professer une pareille doctrine au milieu de 1 Assemblée nationale, c'est un scandale qui n'avait jamais eu d'exemple, et qui je l'espère, n'aura jamais d'imitateur.
Que dis-je, Messieurs ? le roi le plus conquérant qui ait gouverné la France aurait repoussé avec indignation le lâche conseil de violer envers ses propres sujets la foi tutélaire des traités. Louis XIV, dont l'âme fière et haute ne cédait pas aisément aux contradictions, Louis XIV, animé par le sentiment le plus dominant du cœur humain, par l'amour paternel, conserva jusque dans sa tendresse pour son fils, le comte de Toulouse, le respect qu'il devait à la constitution de la Bretagne. Ce monarque, aussi calomnié depuis sa mort qu'il avait été flatté pendant sa vie, voulut nommer le comte de Toulouse grand-amiral de France. On lui représenta que les provinces maritimes du royaume avaient été dépouillées du droit de conserver un amiral particulier, mais que la Bretagne n'avait jamais renoncé à cette prérogative. Louis XIV, qui savait régner sur les Français, écarta toutes ces discussions délicates sur l'autorité royale ; et il concilia tous les intérêts, en unissant à perpétuité en 1695, la grande amirauté de France au gouvernement de la Bretagne.
Cet hommage, rendu par Louis-le-Grand aux droits de la Bretagne, nous avertit, Messieurs, des égards que nous devons à la constitution de cette province. Tout est singulier dans sa coutume, aans ses franchises, dans son administration, dans ses tribunaux. La commission intermédiaire des Etats y a pris la défense des magistrats, toutes les fois que l'autorité a entrepris des innovations dans l'ordre judiciaire. Dans nos autres provinces, la constitution est confiée à la garde des Parlements, au lieu qu'en Bretagne, le Parle-
ment est sous la protection immédiate de la constitution bretonne. Ce Parlement constitutionnel n'enregistre jamais les impôts qu'après le consentement des Etats. On vous a dit, Messieurs, que cette cour avait accablé le peuple d'une surcharge de plus de 10 millions d'impositions, sans la participation des Etats de la province. Le fait est incontestable, mais il suffit d'en indiquer les dates pour en réfuter les conséquences. En 1765, les magistrats du Parlement de Rennes donnèrent leur démission et furent remplacés par une commission de douze juges, connue en Bretagne sous Je nom de bailliage d'Aiguillon. En 1771, la révolution générale de toute la magistrature du royaume éloigna du Parlement de Rennes les ministres nationaux de la loi. Ce n'est qu'à ces deux époques, ce n'est que par ces deux commissions passagères que les impôts ont été enregistrés à Rennes sans le consentement des Etats ; car c'est toujours à ces lâches complaisances, à ces honteuses prévarications que l'on reconnaît tous ces tribunaux ministériels, où l'on n'introduit des fantômes de la magistrature, que pour installer, dans le temple même des lois, les complices du despotisme.
On nous dit encore, Messieurs, que la province de Bretagne a renoncé à tous ses privilèges, et qu'une foule d'adresses parvenues à l'Assemblée nationale en a constaté l'abandon.
Je suis loin de contester les bienfaits que notre nouvelle constitution prépare à tout le royaume, mais plus ils sont désirables, moins nous avons besoin de supposer une abdication anticipée de la constitution bretonne, que le peuple de cette province n'a pu encore nous manifester. L'intérêt est le grand mobile des délibérations publiques, lorsqu'elles sont parfaitement libres. Or, Messieurs, lisez dans l'ouvrage de M. Necker le tableau comparé des contributions de toutes les provinces ; vous y verrez qu'en vertu de cette constitution barbare à laquelle on prétend que les Bretons sont si impatients de se soustraire, chaque propriétaire, chaque individu paye la moitié moins d'impositions en Bretagne qu'on n'en supporte dans les autres provinces des pays d'élection. Est-il vraisemblable que, pour embrasser votre constitution et pour s'assimiler en tout au reste du royaume, les communes de Bretagne soient disposées à doubler le prix de leurs contributions ? Ce mouvement d'enthousiasme est si extraordinaire, qu'il est au moins prudent et convenable d'en attendre l'acte solennel pour le déposer dans le trésor des chartes de la nation française.
Eh ! par où, eh ! comment ce vœu du peuple breton peut-il nous avoir été transmis? Nous avons défendu à toutes les provinces de s'assembler. Aucune division du royaume n'a donc pu prendre une détermination légale ; et le patriotisme admirable sans doute que l'on attribue aux Bretons n'a pu franchir encore la barrière qu'opposent nos décrets aux assemblées des provinces.
Quoi, Messieurs ! il faut qu'un arrêt du conseil autorise aujourd'hui les bailliages à se réunir pour élire des suppléants ou des représentants à l'Assemblée nationale; et une province, privilégiée aurait le droit de nous transmettre son vœu constitutionnel, sans avoir même besoin de s'assembler ! Nous avons un si grand intérêt à obtenir des Bretons cette abdication volontaire de leurs anciennes franchises,, que nous devons leur faciliter l'exécution de toutes les formes légales qui peuvent seules garantir la validité de leur renonciation.
Lorsque, dans la fameuse nuit du 4 août dernier, les représentants des provinces ont souscrit à l'abrogation de leurs privilèges, les 66 députés de la Bretagne nous ont déclaré qu'ils étaient sans mission et sans pouvoirs, pour faire un pareil sacrifice, au nom de leurs commettants.
Ils nous ont promis de Je solliciter, et nous ont annoncé l'espérance de l'obtenir; mais la défense que vous avez faite aux provinces de s'assembler, n'a pas encore permis à la Bretagne de délibérer sur cette renonciation, inutilement pré-tendrait-on remplacer ce vœu d'une province par les adresses des villes qui adhèrent à tous nos décrets. Qui ne sait, Messieurs, que ces signatures, souvent mendiées ou extorquées, ou même contraintes, n'ont aucune force dirimante pour anéantir un contrat? J'aurai bientôt l'occasion, en vous exposant l'affaire du prévôt de Provence, dont le rapport m'est confié, de vous révéler les manœuvres et les violences que l'on se permet dans les provinces, pour faire constater par d'innombrables signatures, les impostures les plus avérées. Or, si de pareilles requêtes ne peuvent rien contre un particulier, comment pourraient-elles anéantir les droits de deux millions d'habitants? J'ose avancer comme une vérité incontestable une proposition qui semble d'abord un paradoxe; et cette vérité fondamentale dans la discussion qui nous occupe, la voici, Messieurs : si tous les Bretons, sans aucune exception, avaient souscrit séparément l'acte d'abandon de leurs privilèges, sans aucune assemblée commune, sans discussion, sans délibération, sans concert, cette renonciation partielle, quelque unanime qu'elle fût, ne suffirait pas pour abroger les droits de la Bretagne, et n'exprimerait point la résolution légale de cette province. Non, l'unanimité de ces vœux individuels ne saurait jamais former un vœu collectif, parce que les contrats doivent être révoqués de la même manière qu'ils ont été sanctionnés. Ce principe de droit public nous indique le degré d'autorité de toutes les adresses que nous recevons des provinces.
C'est donc avec les Etats constitutionnels de la Bretagne que nous devons traiter la grande question des droits qui appartiennent à cette province. Quand je dis les Etats de Bretagne, Messieurs, je n'oublie point toutes les plaintes qui se sont élevées contre leur organisation. Déjà cette Assemblée a déclaré elle-même qu'elle consentirait à une répartition d'impôts plus égale; mais on ne peut pas en innover le mode par provision. 11 est de toute justice d'améliorer la composition de ces Etats, comme il est de toute évidence que c'est avec les Etats qu'il faut en concerter la réforme et transiger sur les droits constitutionnels que la France a stipulés avec les Bretons.
Quand on nous annonce, Messieurs, que le vœu de la Bretagne est de renoncer à tous ses privilèges, peut-on se flatter que nous adopterons de confiance cette promesse que rien ne saurait nous garantir? Le décret, que vous avez rendu pour défendre les assemblées des provinces, vous réduit à l'unique expédient des probabilités et des inductions, pour juger de l'opinion de la Bretagne; mais, en vous bornant à de simples conjectures, vous avez du moins entre vos mains ; deux thermomètres infaillibles, pour juger des dispositions du peuple breton, sur la foi des témoins les plus dignes de notre confiance. La Bretagne a soixante-six représentants dans cette Assemblée : cette députation tout entière vient de faire imprimer une adresse particulière à ses commettants. C'est dans cette pièce très-récente,
qu'il faut étudier les véritables sentiments des Bretons. Or, nos collègues supposent, à chaque ligne de cet écrit, que leurs compatriotes sont séduits, qu'on les a trompés sur le véritable sens de nos décrets ; ils s'efforcent de leur démontrer tous les avantages de notre nouvelle constitution, qui n'est encore qu'ébauchée; ils s'attachent surtout à les prémunir contre les suggestions de l'aristocratie, et ils ne négligent aucun artifice Oratoire pour les désabuser. On a beau dire que l'adresse au peuple breton n'est que le contre-poison de l'adresse aux provinces. Tout est particularisé à la Bretagne dans l'ouvrage de nos collègues. Ce n'est point une réfutation polémique d'uné brochure; c'est un plaidoyer en forme contre un préjugé national.
C'est donc, Messieurs, entre les mains des députés bretons eux-mêmes que je saisis dans cet instant la véritable déclaration de cette province sur les franchises, à deux époques différentes : à l'époque de la convocation des Etats généraux, et à l'époque actuelle dout on vous parle si diversement.
A l'époque de la convocation des Etats généraux, tous les cahiers du clergé et des communes de Bretagne demandent unanimement la conservation des droits, franchises et privilèges de la province. Les mandats qui n'énoncent à cet égard que des réserves constitutionnelles, et par conséquent inattaquables, sont tellement impératifs ou plutôt tellement résolutoires que les Bretons déclarent ne vouloir se soumettre à aucune décision de l'Assemblée nationale, à moins que nos décrets n'aient été librement adoptés par les Etats particuliers de la province. Ce n'est qu'à cette condition que la Bretagne nous a envoyé des députés, en se réservant ses franchises, "que la nation française n'a pas le droit, et par conséquent le pouvoir de lui enlever.
A l'époque actuelle, nous pouvons juger avec certitude, par l'adresse aux Bretons, de l'opinion commune de la Bretagne. Nous n'avions pas encore vu que les députés bretons se crussent obligés de réfuter des ouvrages relatifs à tout le royaume. Plusieurs de ces députés, il est vrai, m'ont dit à moi-même qu'ils n'avaient cédé qu'à des menaces, et qu'ils n'avaient été persuadés que par la crainte, en mettant leur signature à la fin de cette adresse; mais je ne présume pas que la majorité de la députation -m'oblige de répondre à cette difficulté qui affaiblirait le témoignage, en supposant la contrainte; et voici comment je raisonne : les plaintes des députés bretons sont une preuve évidente de l'opinion générale de la Bretagne. Il nous suffit de les croire pour juger des véritables dispositions de leurs commettants; et si l'usage des précautions atteste toujours le besoin des remèdes, le soin qne l'on prend de désabuser tout un peuple, démontre que l'on est persuadé de la nécessité de le faire changer d'avis. Les conjectures des députés bretons deviennent ainsi pour nous la démonstration de fait que l'opinion de la Bretagne leur est opposée.
Maintenant, Messieurs, la lumière nous investit ici de tous les côtés. Un serment solennel)liait les magistrats de Rennes à la constitution de la province; ils ont offert au Roi de se démettre de feurs offices, si leur résistance à ses ordres contrariait les vues de l'Assemblée nationale. Quel est le citoyen français qui n'a pas le droit de se réserver son honneur et sa conscience, pour abdiquer des fonctions qu'il ne saurait remplir sans se rendre parjure ? Il faut prouver que les chan-
gements projétés dans l'ordre judiciaire n'altèrent point l'administration de la justice en Bretagne, ou il faut avouer que les magistrats bretons, devenus par leur serment les mandataires et les gardiens de la constitution de cette province, ont pu et ont dû refuser de concourir à une révolution qu'il ne leur appartenait pas de juger.
Cette seconde question, relative à la conduite et aux motifs des magistrats qui composaient ci-de-vant la chambre des vacations de Rennes, donne un nouveau degré d'éxistence à leur apologie. A mesure que nos rois ont établi des Parlements sédentaires, ils ont accordé à ces compagnies environ deux mois de vacances annuelles. Le cours ordinaire de la justice est interrompu durant cet intervalle de repos accordé aux ministres des lois. Pour subvenir aux affaires instantes, et surtout à l'expédition des causes criminelles, le Roi institue chaque année dans tous ses Parlements une chambre des vacations. Tous les jugements, que prononceraient alors les autres divisions des cours souveraines, seraient nuls de plein droit. Les lettres-patentes, qui établissent ces commissions provisoires et intermédiaires, indiquent nominativement tous les magistrats qui doivent les remplir. C'est le Parlement tout entier qui en enregistre l'installation avant la clôture, et qui reconnaît ainsi la juridiction légale de ceux de ses membres que l'autorité royale a chargés de l'administration de la justice. Nul magistrat n'a le droit de siéger à cette cbambre en vertu de ses provisions : c'est par une mission spéciale des lettres-patentes du prince qu'il exerce les fonctions de juge, pendant les vacances du tribunal dont il est membre.
Ces principes, ou plutôt ces faits, ne sont contestés par personne. Nous reconnaissons tous également que, les semestres étant abolis en Bretagne depuis le commencement de ce siècle, le Parlement y est entièrement assimilé à toutes les autres cours souveraines du royaume. Or, Messieurs, la chambre des vacations de Bennes avait été dissoute, et s'était séparée, selon l'usage, dès le 17 du mois d'octobre dernier. Les onze magistrats qui la composaient habitaient paisiblement leurs terres, lorsque vous rendîtes, le 3 du mois de novembre, le décret qui prorogeait les chambres des vacations et les'vacances ae tous les Parlements. Cette question n'avait point été placée dans l'ordre du jour. La très-grande pluralité de l'Assemblée nationale, qui n'en avait pas prévu la discussion, n'y assista point. Une motion imprévue vint provoquer votre délibération dans la dernière demi-heure de la séance ; et deux ou trois opinions, écrites à l'avance, furent lues pour appuyer l'avis de M. Alexandre de Lameth, qui s'efforça de prouver l'incompatibilité de l'ancienne organisation des Parlements avec la nouvelle constitution du royaume. Votre décret fut brusquement prononcé à la fin de cette séance mémorable, la seule à laquelle je n'aie point assisté ! J'ai souvent regretté. Messieurs, de n'avoir pu vous exposer tous les inconvénients de cette innovation qui avait déjà si mal réussi, avant que l'on nous proposât de l'imiter. L'administration de la justice est une dette sacrée et journalière de la société. Cette protection publique ne peut pas être arrêtée un seul moment, sans que l'Etat tombe dans l'anarchie : mais je ne m'arrête point à l'examen superflu de votre décret ; je me borne à discuter son exécution, et je dis qu'il était impossible en Bretagne lorsque, vous avez supplié le Roi de l'ordonner.
Les magistrats de Rennes n'avaient point ou-
blié que, lorsque les Parlements furent mis en vacance extraordinaire au mois çle mai 1788, la commission intermédiaire des Etats de Bretagne s'opposa légalement à l'enregistrement de cette loi, qui attaquait Tânciçnne constitution de la province- Il ne }epr était donc plus permis de supposer que cette interdiction de fait fÇit étrangère au droit public de leur pays. Ces magistrats ne pou-vaiénf pas êtré jiiges ç|ahs leur propre cause, et un serment particulier lés liait à la défense des franchises du peuple breton.
Votregrand objet, Mèssieurs, avait été de proroger les vacances des Paj-lèmepts. ^es magistrats de Rennes, à qui "Votre décret n'était pas encore signifié légalement â l'époque ordinaire de leur rentrée, §e sont contentés d'upe simple notoriété de fait, pour respecter votre décisiop ; et ils n'ont pas repris leurs fonctions à la Saint-Martin.
Les vacances d§ ce Parlement ont donc été prorogées; mais la chambre des vacations n'a point éle rétablie, et elle nè pouvait pas j'ètre.
Ce ne fut que le 23 du mois de novembre que les magistrats, qui avaient" cessé d'y siéger depuis cinq semaines, reçurent des lettres de cachet qui' les rappelaient â Rennes, sans leur indiquer l'objet de cet ordre.
Il paraîtra peut-être extraordinaire que les représentants de la nation française, qui se sont déclarés avec tant d'énergie lies protepteurs de la liberté individuelle de fous les citpyens, exigent aujourd'hui l'exécution là plus sèrvile de ces mêmes lettres ç(oses qui, jusqu'à présent semblaient incompatibles avec les principes qu'ils ont consignés dans le premier chapitre de leur constitution. Les magistràts bretons obéirent, sans hésiter, aux ordres du Rpi. A peine furent-ils arrivés à Rennes, que le substitut de M. le procureur général leur présenta les lettrés-patentes expédiées sur votre décret, et en requit l'enregistrement. Les lettres-patentes étaient adressées au Parlement de Rennes. Qr, ces onze magistrats formaient-ils alors la chambre des vacations, pu pouvaient-ils se considérer comme le Parlement de Bretagne?
Il est manifesté qu'ils ne composaient plus la chambre des vacations, puisque leurs pouvoirs étaient expirés depuis cinq semaines. L'autorité royale qui les avait investis de cette juridiction commissoire, ej; leur con^pagnie qqi en avait vérifié le titre constitutif, ën avaient également limité Ja durée. On ne se donne point à soi-même et l'insu d'une pouj* souveraine, le droit de la représenta. 11 n'y a pas Je principe de nullité plus certain en toute matière que le défaut de pouvoirs. Des magistrats, qui ont cessé d'être en activité dans une chambre des vacations, sont évidemment sans qualité pour en reprendre les fonctions au-delà du terme nxè par le Roi, et pour en proroger les séances. Ceux que je défends dans ce moment n'étaient pas plus la chambre des vacations le 23 du mpis de novembre, qu'ils ne représentaient l'une des autres chambres du Parlement de Rennés. pénétrés de l'évidence, de cette maxime, ils ne prirent aucun arrêté, ne rédigèrent point dp remontrances, n'employèrent aucune des formes usitées de la magistrature; et ils se contentèrent d'exposer les motifs de leurs refus dans I3 lettre qu'ils adressèrent au Rqi. Les onze magistrats signèrent individuellement cette lettre officielle, qui n'aurait dû être souscrite que par le président, s'ils avaient délibéré ou écrit en corps.
Formaient-ils eux seuls le Parlement (le Rennes? On n'osera pas le soutenir sérieusement. L'auto-torité de cettç cour ne leur était pas dévolue, et
il aurait fallu l'assembler pour la faire consentir librement à la cessation de ses fonctions. L'enregistrement, que nous avons regardé jusqu'à présent comme une partie-intégrante de la loi, sera-t—il donc considéré comme une sinaple formalité, que l'pu puisse suppléer par une présomption de drqit? L'ordre public est intimement lié à l'en-registrerpent des cours. Donnerons-nous, Messieurs, à dés ministres corrompus et corrupteurs, la terrible faculté de neutraliser un Parlement, en achetant la soudaine défection de dix ou onze de ses membres? Voilà pourtant l'absurde conséquence! qu'il faut dévorer, si l'on veut consacrer le principe dp ces vérifierions clandestines. Eh! Messieurs, si les Parlements avaient enregistré servilement toutes les lois ministérielles qui leur onj; été présentées, s] une clause de ces compagnies avait suffi pour sanctionner notre législation, la France n'aurait pas reconquis ses droits constitutionnels, et nous ne serions pas assemblés ici, pour délibérer, dans ce moment, sur la conduite des magistrats qui composaient ci-devant la chambré des vacations de Rennes.
Je crains, Messieurs, de blesser la délicatesse des magistrats de Rennes, en éveillant votre reconnaissance, dans un moment où il me suffit d'avertir votre justice ; mais puisqu'on oublie les services que la magistrature a rendus au royaume, il doit être permis de les rappeler surtout dans cette Assemblée. Je ne conçois pas, je l'avoue, que l'on ait pu poursuivre ici leur condamnation avec l'ardeur de la vengeance, et les sophismes de la haine. Il est si triste de haïr et il est si triste de haïr un corps, quand la cupidité ne généralise pas ces fanatiques aversions! Hélas 1 si nous exercions les fonctions du pouvoir judiciaire, si nous étions contraints, par l'évidence du délit, d'infliger une peine légale à un seul de nos concitoyens, nous ne remplirions qu'à regret un si triste ministère, et l'accent de la douleur exprimerait le sacrifice que notre sensibilité ne pourrait refuser à la loi. Comment arrive-t-il donc, Messieurs, que des membres du corps législatif s'arment sans pudeur devant vous de vains et barbares sophismes pour vous irriter contre les magistrats de Rennes; qu'ils emploient leur éloquence à requérir des supplices; qu'ils sollicitent l'avilissement de la magistrature comme un triomphe; et qu'ils vous présentent des conclusions violentes, dont tout homme délicat serait plus humilié d'être l'auteur que la victime ?
Nous ne sommes point appelés, Messieurs, à remplir les fonctions de juges. Notre gouvernement ne serait plus qu'un intolérable despotisme, si les pouvoirs politiques étaient réunis et confondus. Celui qui rédige la loi ne doit jamais en appliquer la décision. Nous sommes donc hors notre sphère d'activité, quand nous prononçons sur les personnes, tandis que nos mandats nous ont restreints à délibérer sur les choses, et un législateur-magistrat ne saurait être qu'un tyran. C'est le partage, c'est l'iucommutable séparation des pouvoirs, qui est le véritable rempart de la liberté du peuple. L'exemple du procureur du roi de Falaise, qui s'est présenté devant vous dans les liens d'un décret que vous avez anéanti, n'est qu'une surprise faite à vos principes, et une erreur ne sera jamais un titre pour les représen-tants de la pation- Le peuple nousa transmis tous ses pouvoirs, comme on ne cesse de le répéter ; mais nous sommes obligés de les déléguer tous, pour n'exercer que la seule puissance législative, tfe concert avec |e monarqpe. Je ne m'arrêterai donc pas à réfuter les raisonnements sur lesquels
oïl a voulu établir votre compétence dans l'ordre judiciaire. Je dirai seulement devant vous, que si le despotisme personnifié vient jamais sur la terre, il n'y viendra certainement pas dans cette tribune tenir un autre langage que celui que nous avons entendu sur la réunion et la confusion de tous les pouvoirs.
M. le comte de Mirabeau n'a pas pu méconnaître l'évidence de cette doctrine sur le partage et l'incompatibilité des pouvoirs dans tout gouvernement bien ordonné; mais il nous a dit que,si l'Assemblée nationale n'était pas un tribunal, elle avait du moins ce droit de juridiction inhérent à toutes les compagnies, en vertu duquel elles jugent tous les délits qui se commettent dans leur sein. Il a imputé aux magistrats bretons, comme un crime punissable, la confiance aVec laquelle ils nous ont annoncé que la postérité approuverait leur résistance, lia prétendu que ces magistrats s'étaient reconnus eux-mêmes coupables, en nous déclarant que leur devoir et leur conscience ne leur permettaient pas d'obéir à la loi. Il nous a tracé l'effrayante peinture des proscriptions qui menacent le clergé et la noblesse de Bretagne, si ces deux corps résistaient plus longtemps au vœu populaire de cette province. Enfin, après un long circuit de menaces, d'invectives, de calculs erronés et de raisonnements sophistiques, il a conclu que notre décret devait punir les magistrats bretons du délit verbal qu'ils ont commis au milieu de cette Assemblée, en les privant de tous les droits de citoyen actif ; et que, pour faire juger la forfaiture et le crime de lèse-nation dont ils se sont rendus coupables par le refus de l'enregistrement, il fallait les renvoyer au Ghâtelet, à qui l'Assemblée a attribué la connaissance de tous les délits de ce genre. C'est ainsi que l'honorable membre a cru, en aggravant la punition, modifier l'opinion qu'il réfutait. 11 est digne de votre sagesse et de votre justice d'approfondir les principes et les assertions du préopinant ; et puisque j'ai l'honneur de parler immédiatement après lui, c'est surtout à moi 1 qu'appartient cette ^discussion.
Je demande d'abord avec surprise, Messieurs, ce que pourrait avoir de commun la juridiction de l'Assemblée nationale sur ses piembres, avec le droit de juger nos concitoyens qui sont mandés à la barre. Cette forme d'intimer est absolument inouïe dans l'histoire des Etats généraux; mais, fut-elle admise dans notre droit public, suffirait-il donc aux Français de comparaître devant nous, pour devenir nos justiciables ? Une simple juridiction de discipline et de police qqe toute assemblée doit exercer sur ses membres pour le maintien de l'ordre, se transformerait-elle tout à coup en une attribution ou plutôt en une dévolution légale; et nous déférerait-elle la faculté de juger tous ceux à qui nous accordons la liberté de nous parler ?
Je dirai plus, Messieurs : nos concitoyens, cités à la barre,nous exposeraient leurs opinions avec cette plénitude de confiance qu'inspire la loyauté des représentants de la nation, et nous épierions perfidement leurs paroles sur nos propres foyers, pour en faire des délits nationaux ! qu'est donc devenue l'antique générosité de la nation française, si ce»te enceinte sacrée ne lui sert plus d'asile ? Où est le despote, où est le tyran ombrageux et farouche qui, ne pouvant découvrir un crime dans un interrogatoire, a jamais abandonné le fond d'une accusation pour faire des réponses mêmes des accusés la base d'un procès crinainel ? Tout Français appelé pour se justifier, qui entre inno-
çent dans ce sanctuaire, ne saurait en sortir coupable, quand on ne peut lui imputer qu'un noble et digne orgueil; et si sa conduite est à l'abri du reproche, son apologie ne doit jamais lui attirer aucun châtiment.
Comment ose-t-on faire un crime aux magistrats bretons de la confiance avec laquelle ils ont osé se prévaloir de la justice anticipée que l'histoire rendra un jour à leur courageuse fidélité? 11 n'appartient qu'aux scélérats, que le remords accuse, de douter de cette réparation que la postérité promet d'avance à la vertu malheureuse.
Tout homme vertueux, qui jouit du bon témoignage de sa conscience, se console de l'oppression par le suffrage incorruptible des générations futures au jugement desquelles il cite ses contemporains. Cette seconde conscience de la postérité n'est que l'écho de la première ; et il faut bien permettre à la vertu qui s'immole au devoir, de se reposer, du moins, sur l'espérance de la gloire. On fait dire à ces magistrats-citoyens que leur honneur et leur conscience ne leur permettaient pas d'obéir à loi (1). Jamais, non, jamais ils ne. se sont abaissés à une excuse si peu digne de la bonté de leur cause. Us auraient énoncé une proposition évidemment absurde, s'ils avaient mis leurs consciences particulières en opposition avec la loi, qui est la conscience publique; mais ils n'ont rien dit, ils n'ont rien pensé de pareil, et s'ils s'étaient bornés à vous présenter de tels moyens de justification, que leur généralité rend inadmissibles, ils n'auraient trouvé parmi nous ni accusateurs, ni apologistes. 11 n'eut fallu que les plaindre et les juger. Est-il donc permis, Messieurs, de se jouer de son talent avec assez de légèreté, pour donner à des inductions exagérées Vautorité d'une citation littérale ? Est-il permis d'accuser, de dénoncer, de calomnier publiquement des hommes dont on croit et dont on veut être le juge ? Est-il permis enfin de tordre leurs
expressions pour en extraire du venin ? L'inven-«
L'accusateur des magistrats de Rennes, confondant leur cause avec les intérêts de la noblesse et du clergé, menace toutes ces classes de citoyens d'une proscription inévitable, si le peuple compte enfin lesindividus, prend conseil de la force, décrè te des meurtres par un scrutin épuratoire et cesse de faire grâce de la vie aux aristocrates qu'il peut massacrer impunément. Ah ! ne vous enveloppez plus, dirais-je aux instigateurs des fureurs populaires, si je pouvais leur faire entendre ma voix jusqu'au fond de nos provinces les plus lointaines, ne vous enveloppez plus de toutes ces hypothèses oratoires qui ne sont que des proscriptions mal déguisées; prêchez hautement, si vous l'osez, l'insurrection et le caruage; dites que vos arguments ne seront désormais que des poignards; mais cessez, cessez de nous menacer de ces lâches assassinats dont les Français sont incapables; et renoncez enfin à nous intimider par de coupables prédictions qui ne nous prouvent que le désespoir de votre cause, et l'impression que fait sur vous la terreur.
L'homme vertueux ne compte pas ses ennemis; il compte ses devoirs, il suit l'impulsion de ses principes, et marche à la mort avec intrépidité. Ce malheureux peuple qui ne connaît aujourd'hui ni ses amis ni ses ennemis ; ce bon peuple que l'on égare aisément par des mots qu'il ne comprend pas, mais qu'on ne parviendra jamais à dénaturer longtemps, ce peuple crédule que l'on abuse pour le dominer, et auquel de fanatiques démagogues peuvent promettre tout, excepté du pain, du travail, de la tranquillité; ce peuple sortira un jour de ce songe perfide durant lequel on trafique de ses illusions ; et alors, je vous le demande, quels seront les citoyens qu'épouvantera son réveil ? Un mot à jamais mémorable, cité par Plutarque, va nous le prédire, Messieurs, dans la vie de Phocion. Sais-tu, disait autrefois à ce grand homme, qui dédaigna toujours si fièrement une hypocrite popularité, sais-tu, lui disait un sophiste de la Grèce, que le peuple d'Athènes te tuera s'il entre en fureur ? — Et toi, malheureux, lui répondait Phocion, sais-tu que ce même peuple t'6-tera la vie s'il reprend jamais son bon senst
Le même préopinant, qui vous a proposé avant faire droit, et en vous déclarant que vous ne pouviez pas être juges compétents des magistrats de Rennes, de les déclarer déchus de tous les droits de citoyen actif, vous a invités à les renvoyer au Châtelet pour le crime de lèse-nation dont ils se sont rendus coupables en refusant l'enregistrement qui leur était ordonné.
Je voudrais d'abord, Messieurs, que l'on nous définît bien nettement le crime de lèse-nation, et que l'on fixât l'acception légale de ce mot nouveau dans notre jurisprudence et même dans notre langue. Est-ce une conjuration contre le gouvernement, est-ce un complot contre la constitution, est-ce une conspiration contre les représentants du peuple, est-ce une prévarication dans les fonctions publiques, est-ce une désobéissance à l'autorité légitime, est-ce la démission d'un titre dont on ne croit plus pouvoir être chargé, est-ce enfin une simple erreur de l'esprit que l'on veut désigner par ce crime de lèse-nation, et les paroles ou les simples omissions sont' elles du domaine de cette nouvelle loi? C'est assez, dit Montesquieu, que le crime de lèse-majesté soit vague, pour que le gouvernement dégénère en des -potisme (1). Or, si le crime de lèse-majesté doit être déterminé par les lois avec la plus exacte précision, le crime de lèse-nation doit être bien plus sévèrement circonscrit par le pouvoir législatif qui institue un tribunal pour le juger. N'imitons pas, Messieurs, ces tyrans atrabilaires qui publiaient des lois équivoques ou énigraatiques pour créer à leur gré des coupables. Une loi de l'exécrable Henri VIII, roi d'Angleterre, avait déclaré criminel de haute trahison quiconque prédirait la mort de ce prince. Le despotisme est si terrible qu'il se tourne contre ceux-mémés qui l'exercent, dit encore Montesquieu ; dans la dernière maladie de ce prince, les médecins n'osèrent jamais dire qu'il fût en danger, et ils agirent en conséquence (2).
Quand vous aurez défini, Messieurs, le vrai sens du crime de lèse-nation, quand vous en aurez déterminé la punition par une loi, il n'en sera pas moins incontestable que le tribunal, chargé de son exécution, ne pourra pas l'appliquer aux magistrats de Rennes. C'est un principe, reconnu par tous les peuples policés, qu'aucune loi ne peut avoir un effet rétroactif. Or, il n'existe certainement aucune loi qui déclare criminel de lèse-nation les membres d'une chambre des vacations qui, cinq semaines après la fin de leurs séances, ne quittent pas leurs fonctions, mais refusent de les reprendre et d'enregistrer, sans la participation de leur compagnie, des lettres-patentes adressées au corps entier d'un Parlement, pour proroger les vacances de ce tribunal et les pouvoirs d'une commission expirée. Les juges du Châtelet ne sont pas les législateurs du royaume ; et quand même ils pourraient oublier qu'en qualité de magistrats, les accusés doivent être jugés par le tribunal dont ils sont membres, et qu'en qualité de Bretons, ils ne peuvent être traduits en jugement hors de leur province, les juges du Châtelet répondraient à votre dénonciation, en vous demandant d'abord une loi positive qui ne pourrait jamais être applicable qu'à l'avenir.
11 est donc évident que vous ne pouvez pas renvoyer ces magistrats au Châtelet. Liés par un
serment à conserver dans son intégrité la constitution de leur province, ilsn'ontvoulu porter
aucune atteinte aux droits de leurs concitoyens, ils ont refusé, comme ils le devaient, de
concourir à aucun changement relatif à l'administration de la justice sans le consentement
des Etats de Bretagne. La composition de ces Etats est vicieuse, nous dit-on, et le Parlement
ne cherche qu'à la perpé-
D'ailleurs, ce n'était point à onze magistrats qui venaient de composer la chambre des vacations, à juger cette grande question de droit public. Ce n'était point à eux qu'il appartenait de consacrer des innovations, ni même des améliorations qui n'auraient pas été légales. Us ont dû attendre le vœu formel des Etats, parce que l'assemblée des Etats est constitutionnelle pour le peuple breton. Je réduis donc leur apologie à cet unique point de droit, et je soutiens que ces magistrats sont inattaquables en se retranchant ainsi sous le rempart des lois constitutionnelles de la Bretagne, qu'ils ont solennellement juré de maintenir. Nous ne devons pas être surpris qu'ils aient mieux aimé s'exposer aux insurrections populaires, et à l'humiliation de se voir poursuivis comme criminels de lèse-nation, que de trahir leurs engagements avec leurs concitoyens. Toutes les vertus se touchent et sont liées ensemble dans le cœur humain. Des magistrats qui forcent leurs adversaires eux-mêmes à reconnaître leur désintéressement et leur intégrité, des magistrats auxquels leur propre accusateur nous a déclaré qu'il devait de la reconnaissance, ne pouvaient pas coopérer lâchement à la subversion des droits de leur pays.
Le courage avec lequel ils ont refusé d'accepter une nouvelle loi, sans le consentement des Bretons, est digne de servir d'exemple aux magistrats qui vont vous promettre, sous la foi du serment, de faire observer la nouvelle constitution du royaume; et vous ne les punirez pas, sans doute, Messieurs, d'une fermeté qu'il est de l'intérêt du pouvoir constituant de présenter à jamais pour modèle à tous les organes du pouvoir judiciaire.
Je me résume donc, et je conclus en vous proposant le décret suivant :
L'Assemblée nationale a décrété que les magistrats qui composaient ci-devant la chambre des vacations du parlement de Rennes, seraient renvoyés au pouvoir exécutif pour recevoir les ordres du Roi ; et que Sa Majesté serait suppliée de prendre les mesures les plus efficaces pour rétablir promptement l'administration de la justice dans sa province de Bretagne.
(1).Messieurs, les magistrats de la chambre des vacations de Rennes (2) ont refusé
d'obéir aux décrets de
Ce n'est pas pour provoquer la sévérité de vos décrets que j'ai demandé la parole. J'aurais désiré pouvoir me dispenser de paraître dans une discussion qui intéresse des magistrats à la moralité desquels j'ai toujours rendu justice.
Mais, Messieurs, c'est aux députés de Bretagne à vous instruire des faits ; ils le doivent à la confiance de leurs commettants,et je me reprocherais de ne vous avoir pas rendu compte de ceux qui ont un rapport si direct à la conduite des magistrats de Rennes, que c'en sera peut-être assez pour faire voir que les motifs et les titres qu'ils ont allégués pour justifier leur conduite, ne méritent aucun égard.
D'abord, Messieurs, je vous rappellerai avec plaisir qu'à cette époque où la France entière était menacée du plus odieux despotisme, au mois de mai 1788, les nobles de Bretagne attestaient hautement et imprimaient : « qu'attachés à tous « les Français par le titre de concitoyens, résolus « à ne jamais séparer leur cause particulière de « la cause commune, c'étaient les intérêts du « royaume qu'ils avaient défendus. »
Je vous dirai que, dans un arrêté du 9 mai 1788, le parlement de Bretagne, toutes les Chambres assemblées, déclarait « devoir représenter au « seigneur Roi, que l'Assemblée générale de la « nation était désormais le seul remède aux maux dont elle était accablée, » et ordonnait l'envoi de cet arrêté au Roi, comme un gage authentique de son attachement aux lois, de sa fidélité et de son amour pour la personne sacrée de Sa Majesté.
Ces premiers faits, Messieurs, vous prouvent qu'avant la lutte des intérêts et des préjugés
qui ont divisé les ci-devant privilégiés de Bretagne du reste des citoyens de cette province,
tous pen= saient également, tous se regardaient comme Français, tous ne désiraient qu'une
assemblée générale de la nation; et si les communes ont conservé cette opinion, vous sentez
pourquoi ies autres l'ont abandonnée.
Le moment approchait où les Etats de Bretagne allaient se réunir. Les communes des Villes et mêmes celles des campagnes prirent des délibérations qui énonçaient leurs réclamations contre les abus de tous genres de l'administration de la province.
L'assemblée des Etats fut convoquée à Rennes au 29 décembre 1788 ; les villes y envoyèrent leurs députés huit jours auparavant, pour qu'ils se concertassent sur les réclamations qu'ils auraient à faire. Plusieurs ajoutèrent des députés extraordinaires, et beaucoup dé communes ét communautés envoyèrent aussi des députés particuliers.
Tous ces députés, représentant les communes de Bretagne mieux quelles ne l'avaient jamais été, se réunirent le 22 décembre et jours suivants, et arrêtèrent en commun de demander l'égalité de représentation, celle de répartition, le vote par tête, l'admission des recteurs , curés parmi le clergé, la suppression des tables, etc.
Ils arrêtèrent de ne pas s'écarter de ces chargés, de les faire imprimer, d?en envoyer des exemplaires à tous les commettants, et d'en présenter au commandant pour le Roi et autres commissaires de Sa Majesté.
Ces arrêtés, Messieurs, parurent aux ci-devant privilégiés un 'crime impardonnable. Les Etats ouvrirent le 28 décembre; les premières séances furent occupées par des délibérations ordinaires. Les députés des communes demandèrent le 30 décembre à donner lecture de leur pétition, et refusèrent de s'occuper d'autres objets avànt qu'on eût entendu leurs réclamations.
Mais les ci-devant privilégiés ne voulaient pas entendre ces demandes; ils insistaient à commencer par d'autres délibérations : les communes pour cette fois ne cédèrent pas; on resta dans l'inaction jusqu'à ce qu'un arrêt du conseil ordonnât aux députas des communes de se retirer devant leurs commettants pour leur demander de nouveaux pouvoirs-
Les députés des communes pfyéirenf à cet arrêt; les ci-deyant privilégié? réclamèrent, et rien ne manifesté mieux leurs principes que le mémoire qu'ils adressèrent au Roi.
Vous avez entendu, Messieurs, réclamer ici la force des mandats impératifs ; vous avez entendu les magistrats de Bretagne opposer aux députés de cette province l£s papiers jiëlgurs sénéppaus-sées ; éu'pien, Messiieur^ J#§ q-flèvants ordres de l'Eglise et ge la noblesse de Bretagne disaient au mois de janvier 1789, et faisaient imprimer que des procurations qui étaient légales ne pouvaient être détruites par des chargés, que l'arrêt du conseil jugeait contraires a^ix lofs et aux usages de }a province.
Ils disaient qù'un ordre formel de Sa Majesté eût suffi, que la conduite de l'Ordre du Tiers semblait l'appeler ; que l'Assemblée des Etats avait été convoquée suivant les formes anciennes et constitutionnelles, et que l'harmonie en aurait été troublée dès les premiers instants, par les charges particulières et illégales que les commettants des villes avaient données à leurs députés.
Vous voyez, Messieurs, quel était le but de ce î système. Des charges contraires aux anciens usages étaient illégales; un ordre formel déSa Majesté devrait faire passer outre, c'est-à-dire qu'il fallait que le peuple de Bretagne perdît tout espoir de faire réformer les abus qu'op décodait drç nom de constitutionnels. ''" '"' "
Je ne m'appesantirai pas sur une foule d'autres propositions pjen plus révoltantes du mépoire de ces deux apciens Ordres. Je ne veux pas abuser de vos moments-, pèrmettez-pipi seulement. Messieurs, dë rappeler qu'ils disaient au RM :
« L'arrêt de votre pônseil, Sire, annonce l'intention dé concerter avec les qombreux représentants de Bretagne, au milieu des États généraux, les moyens les plus propres à assuré? pour toujours le bonheur ét la tranquillité' dé cétte province. »
« Nous devons vous manifester. Sire, les inquiétudes que noUs donnent ces expressions. »
Ce langage n'a pas besoin ae çommeptaires ; rien né pouvait convenir à l'aristocratie combinée du naiit clergé et de la noblesse de pretagrie, pour le bonheur (le cette province ; Jppt les alarmait s'ils croyaient que leur toute-puissance ppur-rait éprbuver quelque éc|)ep.
Je vous ai dit, Messieurs, que les députés des commjinep obéirent à l'arrêt du Conseil, je d°*s voiis àjopter que les ci-devant privilégiés crurent devoir continuer les séances; et poqr donner plus d'éclat à leûr zèle pour la constitution» ils gardèrënt la salje la nuit cornue lé jour»
Lés communes de Bretagne, loin de perdre de vue leurs réclamations, ne s'occupèrent que des moyens d'en assurer le succès. Les corps, les corporations, les généraux des paroisses s'assemblèrent, et prirent des délibérations ppUf manifester leurs Vofeb^. Tous Usaient du droit naturel et imprescriptible des hommes, droit qiie yous avez consadré par lé décret dans lq, constitution, qui permet aux citoyens de s'assembler et de former des pétitièpi:
L'unanimité d'opinion se manifestait par ces délibérations ; et la force de. cette opinion alarma bientôt les privilégiés, qui ve[llaient jour et nuit dans la salle des Etats.
ils n'avaient pas de moyens d'arrêter l'activité des communes ; mais un arrêt du parlement pouvait renÇb^îner. Il fut sollicité; et ce que vqus auriez peiné $ Croire, si lé tfep àv$s la preuve à la main, le parlement de Rétines défendit, par arrêt du 8 janvier 1789, à tous citpyens de former desjàssemblées autres que celles autprisées par les ordonnances, arrêtés et règlements; il défendit aux municipalités d'admettre à leurs délibérations aucuns citoyens, jue ceux jÉraL. suivant les lois, y avaient entrée et voix déliïjôrative, et cela sous toutes léS peines les plus rigôurëùse's.
Cet arrêt excita un murmure général dans les communes, elles n'en continuèrent pas moins leurs assemblées; mais, par suite de système, le parlement décréta les fabriciens des paroisses, et commença l'instruction d'une procédure qu'il a depuis abandonnée.
Cet ^rrêt et ceftp procédure pp sont pas la seule' preiive que jë pourrais donner du zèle du parlement,de Rennes à servir les intérêts des privilégiés; mais il n'est pas possible de vous entretenir de tous les détails.
L'époquë des malheurs de Rennes approchait. Les ci-devant privilégiés avaient fait leur fameuse protestation contre le règlement de convocation de votre Assemblée, leur serment de ne prendre part à aucun changement, et ils avaient déclaré
infâmes ceux qui ne se croiraient pas liés par ce ser'mépj.
Les jeunes citoyens de Rennes manifestèrent leur opipion sur la protestation et le ^erfpent. Ils rétfiblirept |es faits altérés, et jeur généreuse fermeté donna lieu aux scènes 4'hofreiiF fies 2& et 27 janvier." '
Je voudrais, Messieurs, qu'elje^. pussent être ensevelies dans l'oubli j qq'oh ne pût jamais reprocher à aucun des ci-qeyànt privilégiés de ma province, d'avoir armé ses valets pour assommer de jeunes citoyéns, qui n'avaient montré que de la franchise et du patriotisme. Je Vouqrais qu'on pût oublier que les valpts des magistrats du parlement étaient dé ce pompiptl Je voudrais que la conduité teniue par les magistrats dans cet instant de crise n'eût point caractérisé la partialité aveugle qu'on leur a reprochée (1 ).
Je passe rapidement a des faits qui ne me rappellent pas des idées si funestes. Les députés des. communes renvoyés devjant leqps .ppmmettants pour préndre dé npuveàux pouvoirs, devaient rentrer le 3 février à l'assemblée des Etats.
Ils revenaient 4e toufes parts, lorsqu'ils apprirent les malheureux événements des 26 et 27 janvier» ' /
Ils apprirent, en arrivant à Rennés, que le premier février les ci-devant privilégiés, qiii avaient si soigneusement gardé la salle la huit et le jour, l'avaiept abandonnée, et s'étaient retirés après avoir çjélibéré seuls la prorogation des impôts, un emprunt de 4 millions, et là continuation des pouvoirs dés commissaires,
Les députés des communes rapportaient les vœux de; leufs commettapts de persister dans leurs premières réclamations ; et ppqr éluder ces vœux trop connus, les privilégiés abandonnaient l'assemblée : ils l'abandonnaient sur uti ordre donné au nom du Roi par son commandant en Bretagne, lorsqu'ils avaient refusé d'obéir à un arrêt dp son conseil.
Les députés des communes furent rMÛitJ à s'assembler seuls. Je dois vous observer que, par
un arrêt provisoire, Sa Majesté avait accordé aux communes le droit de nommèr le double du
nombre ordinaire de leurs députés. Là les communes dp Bretagne déclarèrent çl'aborcl
persister dans leurs réclamations du mois de décembre ; elles y ajoutèrent la dpm^ndp
particulière pe la réform^tfon du parlèmient' de Rennes ; enfin elles chargèrent leurs
députés en cour de porter au Roi le cahier des demandes et réclamatiçms; et de supplier" Sa
Majesté de statuer éllè-mêmè sur le redressement des griefs du tiers-état de la province de
Bretagne{ sans exiger dç lui qu'il les présente de nouveau aux deux autres Ordres, dont le
refus d'en délibérer et l'intention même de ne
Tpl était le langage des députés des communes dp Bretagne au mpis.de février 1789, Et vous voyez, Messieurs, que les Etats de Bretagne ne pouvaient plus être juges de la contestation.
C'est dans cet état, et le 16 mars 1789, que les lettres de convocation à l'Assemblée nationale sont adressées en Bretagne; et dans ces lettres, le Roi déclare qu'il réserve aux Etats et à tous les Ordres de Bretagne, la faculté de faire valoir ay,x Etats gér^éraux leurs titres et leurs prétentions. Sa Majesté ajoute qu'elle prévoit que bientôt éclairée par les lumières de cette assemblée, elle ne çrain4rQ P^us de se méprendre dans la recherche de la justice.
Nos commettants, Messieurs, "s'en étant rapportés à ja justice du Roi, pouvaient-ils refuser lp jugement de l'Assemblée de la nation? Non, Messieurs, et ils nous ont envoyés avec confiance vers vous.
Mais on vous a dit, Messieurs, que nos cahiers sont la censure de notre conduite; que nos cahiers et surtout celui de Rennes, dont j'ai l'honneur d'être député, ont tracé la route suivie par les magistrats de Rennes.
Permettez, Messieurs, que je vous parle, à mon tour de mes cahiers.
Je lis, à la page 74, qu'il ne pourra être révoqué en doute que les réclamations particulières du tiers-état de Bretagne, consignées dans le cabier arrêté du 22 au 27 décembre, en vain présenté aux Etats de la province au mois de janvier, et dont les deux Ordres privilégiés ne voulureut pas même entendre la lecture, ne soient vraiment l'expression du vœu général du peuple. Ou y lit que l'assemblée déclare adhérer aux arrêtés et délibérations de l'Ordre du tiers, contenus dans le procès-verbal de ses séances du 14 au 21 fé-yrier dernier. Enfiq, Messieurs, l'assemblée charge ses députés aux prochains Etats généraux de solliciter avec confiance la justice qu'elle doit attendre sur tous les points-
Il est vrai que cette même assemblée nous a chargés de veiller à la conservation des droits et franchises de notre province ; mais cet ordre est immédiatement suivi.de l'ordre de consentir à statuer tout ce qui peut concerner les besoins de l'Etat, la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe, durable, etc. -
Où pourrions-nous, Messieurs, mieux voir les abus dont nos concitoyens demandaient la rér-forme, que dans les exposés qu'ils en avaient faits eux-mêmes ? Veuillez bien vous rappeler ces arrêtés du 22 au 27 décembre, ces délibérations prises par les députés des communes de Bretagne, assemblés au mois de février.
Je vous ai dit, Messieurs, qu'un des principaux chefs de demande était une nouvelle formation du parlement. Gomment donc aurions-nous contrarié nos mandats, lorsque nous avons délibéré avec vous une disposition provisoire. sur le sort de cette cour?
Ainsi, dans les termes mêmes de nos mandats, nons n'avons fait que en que nous pouvions, que ce que nous devions faire.
Aussi, Messieurs, avez-vous entendu, dans les adresses dont on vous a rendu compte,
plusieurs adresses des villes de Bretagne, qui réclament hautement pondre la conduite des
magistrats de Rennes (1).
Le Roi a-t-il manifesté le désir de commander à des hommes libres? les ci-devant privilégiés ont réuni leurs efforts pour enlever ce bienfait au peuple de Bretagne.
Les représentants de ce peuple ont porté ses réclamations au pied du trône; le Roi vous en a renvoyé le jugement. Les députés des communes de Bretagne sont venus avec confiance parmi vous ; ils se sont occupés avec vous de la réforme des abus qu'ils avaient à vous dénoncer ; et à peine avez-vous ordonné une disposition provisoire contre le parlement de Rennes, que la chambre des vacations s'élève contre cette disposition, invoque la conscience et l'honneur, les franchises et les privilèges de la province, et voudrait nous renvoyer faire prononcer sur nos réclamations devant des Etats qui ont refusé, non-seulement de nous rendre justice, mais même d'entendre les réclamations d'une évidence la plus frappante. *
Quoi, Messieurs, il ne pourrait être fait de changement dans l'ordre ancien de Bretagne sans le consentement des Etats de cette province? c'est ce que vous ont dit les magistrats de Rennes.
Mais les ci-devant privilégiés étaient moins exigeants ; et lorsqu'ils avaient fait serment de ne souffrir aucun changement, ils avouaient qu'ils n'étaient pas juges des communes de Bretagne, et que les trois Ordres égaux en pouvoir, ne reconnaissaient d'autorité au-dessus d'eux que les règlements et la protection que leur doit l'autorité royale.1 >
Si, de l'aveu des ci-devant privilégiés, les premiers Ordres ne pouvaient être juges du troisième ; si l'autorité royale était le recours commun ; si les communes de Bretagne l'ont implorée, et sont venues par ordre du Roi vous porter leurs réclamations ; si leurs députés ont suivi en cela le vœu de leurs commettants, n'est-il pas étrange que la chambre des vacations de Rennes ait tenu le langage que vous avez entendu?
Vous ne croirez donc pas, Messieurs, que nous ayons dans nos cahiers des clauses qui eussent dû vous empêcher de prononcer sur le sort du parlement de Rennes; vous ne croirez pas qu'il fallût des Etats de Bretagne, légalement assemblés, c'est-à-dire dans la forme abusive contre laquelle nous avions jusqu'ici inutilement réclamé, pour autoriser la chambre des vacations à se soumettre à vos décrets sanctionnés' par le Roi?
Ce n'est pas la faute des communes de Bretagne, si les ci-devant privilégiés n'ont pas
leurs députés dans cette Assemblée,s'ils se sont liés par un serment indiscret, et si leur
indiscrétion nous a privés des lumières dont ils auraient pu nous aider.
Tout nous fait espérer, Messieurs, que nous atteindrons à ce but, et que la Bretagne, en abandonnant quelques anciens usages pour partager avec la France les fruits heureux de la liberté, n'aura qu'à s'applaudir des travaux de cette Assemblée. On ne parlera plus de nos privilèges et de nos franchises, que pour faire voir qu'ils étaient bien peu de chose en comparaison des droits dont la nation entière a recouvré l'exercice. La Bretagne ne craindra pas de partager des impôts qui auront été jugés nécessaires dans l'Assemblée générale de la nation, et ordonnés pour les besoins communs (1); elle se soumettra sans peine à des lois faites pour le bonheur de toute la France, et à la formation desquelles elle aura concouru; enfin, elle adoptera avec empressement une administration choisie par ses représentants, et par ceux de la France entière, comme la plus propre à maintenir les droits et la liberté des citoyens.
Par là, les'communes de Bretagne verront leurs réclamations décidées, et jamais elles n'auraient consenti à en faire juges des privilégiés qui n'avaient pas seulement voulu les entendre. Jamais opinion ne fut donc plus fausse que celle des magistrats de Rennes, qui ont cru ne pouvoir enregistrer sans le consentement des Etats.
Les conséquences d'une pareille opinion sont si sensibles, qu'elles n'ont pas besoin de vous être présentées. Vous voyez, Messieurs, que toujours dépendantes desdeux Ordresprivn lé dans l'oppression, les communes n'auraient jamais l'espérance d'en sortir. Les magistrats de Rennes pouvaient-ils donc croire de leur devoir de retenir les communes de Bretagne dans de pareils fers ? ....."
C'est là, Messieurs, ce que peuvent produire les préjugés et l'intérêt. Les magistrats de Rennes, tous nobles bretons, partagent évidemment les sentiments des autres nobles de cette province. Je laisse à votre sagesse le choix des moyens de les convaincre les uns et les autres de la nécessité de reconnaître pour loi la volonté générale, et de se soumettre aux décrets que vous avez prononcés et que le Roi a sanctionnés.
Plusieurs voix demandent la clôture de la discussion.
Je m'oppose à la clôture de la discussion et je demande à établir des vérités décisives qui n'ont pafe encore été indiquées. J'offre de prouver :
1° Que la province et les Etats de Bretagne ont toujours reconnu, depuis l'union de 1532,
les décisions des Etats généraux du royaume approuvées par le Roi ;
3® Que cette cour a toujours méconnu et contesté le droit des Etats généraux de Bretagne, par rapport à là législation, jusqu'au 8 janvier dernier, et qu'il a fallu qu'elle fût amenée à la barre de l'Assemblée nationale pour l'en faire convenir.
Messieurs, les magistrats de Bretagne, on vous l'a dit, étaient dans l'impuissance d'enregistrer, et le zèle avec lequel ils ont obéi au décret qui les mande à la barre est une preuve de leur respect pour l'Assemblée nationale.
(1). Messieurs, les opinions que vous avez ] entendues me paraissent avoir jeté beaucoup de jour sur une affaire qui, par elle-même, semblait ne laisser aucun doute, ni sur la nature du délit, ni sur la nécessité de le réprimer.
Je rougirais de chercher à rendre odieux des hommes qui ont vu leur conscience dans leurs préjugés, et qui, en méconnaissant vos décrets, ont certainement cru ne suiyre que la loi impérieuse du devoir.
Je nedemanderai cependant pas une place dans l'histoire, pour des magistrats courageux, il est vrai, mais qui sont égarés par une erreur que je crois funeste.
Je me bornerai à examiner, en peu de mots, la nature des torts de la chambre des vacations, et les motifs dont elle s'est servie pour se justifier. Passant ensuite au parti qu'il convient de prendre, je rappellerai les décrets cités par quelques-uns des préopinants, je dirai ce qu'ils m'ont paru de défectueux, et je proposerai le projet auquel je me suis arrêté après de longues réflexions.
Les torts de ces magistrats sont manifestes ; ils ne cherchent point à dissimuler. Leur délit est grave, il consiste dans une désobéissance formelle à la loi prononcée par vous et dont l'exécution a été ordonnée par le Roi. C'est donc à la plénitude du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif que s'est opposée la chambre des vacations. La loi lui ordonnait de continuer ou de reprendre ses fonctions; elle l'a refusé : le Roi lui ordonnait de transcrire la loi sur ses registres ; elle l'a refusé. Sans doute, il a fallu de puissants motifs pour porter à cet excès des magistrats respectables et vertueux, car, jé me plais à le répéter après un député de Bretagne, les mains de Ces magistrats sont pures, leur réputation est intacte, et c'est une consolation pour moi, d'avoir à leur rendre justice au moment où ma qualité de représentant de la nation me force à condamner leur coupable résistance.
On les a défendus de deux manières; par des moyens de formes, et par des motifs tirés de la position politique de la Bretagne. La plupart des pré opinants me, paraissent avoir victorieusement rempli les ' moyens de forme : je me hâte de venir à des motifs plus sérieux.
La province de Bretagne n'est devenue le patrimoine de nos rois que par une convention
écrite ; dans cette convention, le souverain des Bretons, a stipulé pour eux certains droits,
certaines prérogatives, certaines franchises, qui formaient ce
Tel est, Messieurs, le système de la chambre des vacations du parlement de Rennes ; raisonnant dans ce système, elle a prouvé, ses défenseurs ont prouvé, et l'existence du contrat, et l'obligation qu'il lui impose. On a prouvé que cette doctrine était, il y a six mois, celle de la Bre-tagne, celle des avocats de Rennes, celle de trois membres de l'Assemblée dont on a rappelé les signatures. Je ne contesterai rien, je,conviendrai de tous ces faits ; j'avouerai, si l'on veut, que le système est inattaquable dans ses détails, mais je soutiens, mais je soutiendrai toujours, qu'il repose sur une base fausse.
Ce n'est pas dans le cercle étroit qu'a tracé la chambre des vacations qu'il faut se placer pour raisonner avec justesse sur les véritables droits de la Bretagne. — Le contrat qui liait Anne de Bretagne et Louis XII, et ceux que l'on a cités dans le cours des opinions, sont, sans doute, des titres moins respectables que la déclaration des droits qui consacre cette éternelle vérité que tous les pouvoirs viennent du peuple, qu'il ne peut perdre ni aliéner cette plénitude de souveraineté dont il confie l'exercice en en séparant les fonctions.
• C'est une frêle palissade qui a dû nécessairement être abandonnée, lorsque s'estlélevé le rempart inexpugnable qui défend aujourd'hui ies droits du peuple breton.
La loi qui l'attachait à ses anciens duc3 était elle-même subordonnée à ces . principes, alors méconnus, mais éternels comme la vérité. Ce qu'Anne de Bretagne possédait de plus que les attributions légitimes de la monarchie, était une usurpation qu'elle n'a pu ni conserver, ai céder par un contrat. Anne de Bretagne ne pouvait pas dire : Je vous confie le droit de substituer en Bretagne à la volonté générale la volonté de deux classes privilégiées de quarante-cinq citoyens sans mission, la volonté d'un tribunal qui ne peut ni ne doit être législateur. Voilà ce qu'Anne de Bretagne ne pouvait pas dire : voilà ce .que Louis XII ne pouvait pas accepter, et les Bretons sont éternellement recevables à réclamer contre cette absurde transaction.
Mais les Bretons l'ont défendue, ils en ont spécialement ordonné l'exécution : cela est vrai, et cela ne prouve rien.
Je supplie qu'on me permette une comparaison: qu'un prisonnier ait obtenu ce qu'on appelait anciennement la liberté, de la cour ; qu'une circonstance quelconque s'oppose à ce qu'il en jouisse : il réclamera sans doute cette liberté qu'on lui avait accordée, il la réclamera avec force, avec persévérance, mais qu'une autre circonstance amène le terme, de sa captivité, pourra-t-on argumenter contre lui de cette réclamation 4e situation? pourra-t-on lui dire avec justice : Vous êtes non recevable à demander votre liberté totale, parce que vous vous êtes borné à demander la liberté de la cou. ? Cette comparaison répondrait à tout ce que l'on aurait pu dire pour prouver que la Bretagne, qui préférait son régime à
une loi plus oppressive, ne peut ni ne doit pré-, férer la liberté à ce régime. Mais, eft convenant de mort principe, on pourra encore soutenir,' et on a soutenu, qtie la Chambre dek vacations d'étant pas juge du mérite delà constitution qu'elle devait défendre, elle a dû attendre, pour l'abandonner, que là province pût lui faire connaître son vefeiu
Ou cet argument n'est pas de bonne foi, ou il sera facile d'y répondre.
Si le parlement persiste, à ne reconnaître pdtir organe de sa province qtie les anciens Etats de Bretagne, il fait une pétition de principes; il ditj: Je consens à abandonner là constitution qui. a confié à un corpsl le droit illégitirhe de représenter sa province, quand sa province aura déclaré qu'elle le leur retire'; mais je vetiix qu'elle le déclare par l'organe même de ce corps intéressé à le conserver. Un tel vœu ne peut êtié fait de bonne foi. Qui de ùdtis ne sait qtie les abus les plus intolérables existeraient encore, si l'on n'eût attendu leur destruction que de Ceux qui è'rt profitaient î Mais siy renonçant à ce Système insoutenable, la chambre dès vacations avait cherché à reconnaître à des sigués certains la volonté de la majorité de sa province,-il eût été facile de lui en présenter d'irrécusables.
1° Là noblesse dé Bretàgtte n'est pas Représentée à l'Assemblée nationale ; lia province n'a point réclamé : la France reconnaît donc que les nobles sont des individus' qui se sont privés du droit de représentation, mais qui, par cette faute personnelle, n'ont point altéré la légalité de la représentation bretonne ; il n'y a point de répdhse à cet argument.
2° Les députés ont renoncé à l'antique constitution bretonne, et la province n'a fait aucun mouvement pour lés rappeler, et cé n'est qu'après quatre-mois qu'on nous apporte enfin la protestation d'une province. Plus de douze cents paroisses de campagne et les qtiarànte-deux Villes des provinces ont, par dés délibérations positives, demandé l'abolition des Etats actuels de là province, et l'établissement d'assembléeS administratives semblables à celles que l'Assemblée nationale établissait pour le reste du royaume. Depuis le 4 août, plusieurs sénéchaussées, après s'être assemblées de nouveau, ontdonné des pouvoirs illimités à leurs députés.
3° Par toute la Bretagne il existe des comités permanents ; lés citoyens se Sont réunis én garde nationale j'là province a doûd adopté les rtôu-veaux principes, ces principes qui né Sont nouveaux que parce que l'oppresSiofr était ancienne. Le parlement doit choisir; oti la Bretagne est dans un état absolu de rebellion, ou elle a ouvertement, complètement, adopté les principes de la révolution présenté. Si ces faits Sont établis, si ces arguments sont sans réplique, il est démontré que la chambre des vacations ne peut méconnaître le vœu de la province, et que la résistance dans laquelle elle persiste, est un tort inexcusable.
Rt comment n'existerait-il pas, ce consentement des Bretons ? QuéliO différence èntré Ce qu'ils obtiennent et ce qu'ils avaient ? Jfe ne vous en présenterai pas le rapprochement. -•Le délit n'est que trop constant: mais à quel parti faut-il s'arrêter J
On vous a présenté divers décrets. Je n'examinerai pas ceux qui rte renferment que des éloges ; l'avis que j'ai développé m'en dispense :
t'e m'arrête à Celûi de M. le comte de Mirabeau. 1 contient deux clauses qui m'ont pâru contra-
dictoires r il juge le délit, il prononce une peine ; cumulant ensuite la vengeance', et confondant selon moi tous les principes, il renvoie au Chà-telet la càiisë déjà jugée par vous : Si vous jugez, il faut que votre jugement stiit définitif, si Vous renvoyez au Châtelet, il fatit qué, seulement accusateurs, vous n'ayez pas frappé d'avance ceux que irons ctbyez devoir poursuivre. Sans dôute vous devez examiner s'il y a lieu à inculpation, vous déVez décider cette question quant à Vous; mais cë premier jugement nè doit aVôir aucun effet public ; cé sont des âccuSés et non des condamnés que l'on peut traduire en justice.
La raison répugne à Cetté inique cumulation de peines ; et de quelques couleurs qu'on VoUs ait peint les crimes de la chambre des vacations, Ses torts n'excuseraient, sans dbute, M l'exagération, ni la colère. Ce sont, vous a-t-on dit, les derniers ennemis dé ïâ révolution, C'est le dernier rempart des espérances criminelles et secrètes. Eh ! Messieurs, soyons calmes, soyons tranquilles sur le sort de cette révolution inattaquable ; elle ne pèut plus avoir de véritables ennemis : c'iijjt dans Son sein què'èont placés les éctiéilS qui pétivètit, non la renverser, mais rendre sort choC terrible. L'Assemblée nationale est permanente, les droits du peuplé sont reconnus et professés, la révolution est faite, il n'y a rien à craindre, rièn à redouter, soyons calmes et modérés ; et lorSqtie nous sommes forcés de sévir, que ce soit avec le regret, avec la lenteur qui caractérise des hommés généreux et hohOre les législateurs. Mais pou voùs-nous juger? Nous he pouvons pas, sarts douté, prononcer Un arrêt qui entraîne la confiscation d'une propriété; peine injuste, atroce, qui disparaîtra sans dotite de votre nouvelle législation î nous ne pouvons pas mêriie prononcer Une peiné légale. Nous devons déléguer le pouvoir judiciaire, que nous ne pouvons pas exercer.
Je Soutiens aVèc M. dé Mirabeau, et contre M. Barnave, que les représentants du pouvoir constituant ne réunissent pas tous les pouvoirs, et ne peuvent pas lés réunir. Mais, si noUs ne pduvoUS pas infliger une pèirtè, flous pouvons, sans doute, déclarer une vérité, et frë pas confier plus longtemps î'exécutiôn de la loi à des hommes qui méconnaissent la 10i; nous pouvons les regarde!* comme étrangers à la constitution à laqôeife Ifs se reftisent. Notre confiance en eux est décidément et nécessairement suspendue ; il faut qu'ils témoignent leur soumission à un ordre dé choses que nous avons adopté, et nous avons sans dôutë le droit dé l'exiger d'eux. Ce jiârii me paraît préférable à tous, les moyens de rigueur ; il réprimé plutôt tfti'il ne punit ; il ne revêt l'Assemblée nationale d'aucun des pouvoirs qu'elle doit déléguer; il convient à sa digtiitè et à la modération qui doit caractériser ses arrêtés.
Dans ces circonstances, je proposé qtie les magistrats, qui composent la chambre des vacations au parlement de RenneS, soient appelés à la barre, et que M. le président leur dise :
L'Assemblée natiOtiâle improtive votre conduite et les motifs que vous avéz allégués pour votre jtistifi cation, VOtfe résistance à la loi vous rend inhabiles à en être les organes, iusqti'à Cè que vous ayez prêté le" serment qui attache tous les Français à la constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi. L'Assemblée nationale pourvoira, dans sa sagesse, à faire rendre à la province de Bretagne la justice dont votre résistance l'a momentanément privée.
Plusieurs membres réclament de nouveau la clôture de la discussion.
prend le vœu de l'Assemblée qui ferme la discussion.
On demande successivement la priorité pour les motions faites par MM. Barrère de Yieuzac, Maury, de Mirabeau, et de Clermont-Tonnerre.
Je demande que la discussion soit continuée parce que cbez tous les peuples libres et policés ceux qui défendent les accusés ont toujours lé droit de prendre la parole les derniers.
Il n'y a ici ni accusateurs, ni défenseurs d'accusés, mais des juges. Quant à la priorité, il est singulier qu'on la réclame pour le décret de M- Clermont-Tonnerre qui est en contradiction avec le discours qui le précède, pour un décret enfin qui ne conduit à aucun jugement. Je dirai à M. de Glermont-Tonnerre : Si votre décret est un châtiment, il est contraire au principe qui nous défend de juger ; si ce n'est pas un châtiment, il est contraire à votre opinion dans laquelle vous avez prouvé que la conduite des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes renferme un délit... Prêter serment est un droit de cité, un droit de patrie, non pas uhê peine.
On demande une nouvelle lecture de tous les projets de décrets.
, l'un de MM. ies secrétaires, fait cette lecture ainsi qu'il suit :
Projet de décret de M. le vicomte de Mirabeau.
« L'ASsemblée nationale, ayant reconnu la pureté des motifs qui ont déterminé la conduite des magistrats mandés du défràrteniëht de Bretagne, a décrété qu'elle, n'avait pas donné lieu à inculpation ; que la délicatesse de ces ïnagistrats ne pouvait souffrir du mandat qui les a amenés à la barre de l'Àsseinblée nationale, et que leurs personnes sont sods la sauvegarde de la loi. »
Projet de décret de M. Lambert de Frondeville.
« L'Assemblée nationale décrète : « Que sur le compte rendu par les magistrats de Bretagne, il n'y a pas lieu à délibérer ;
Qu'ils sont libres de retourner dans leur pays ;
« Qu'ils sont mis sous la sauvegarde de la nation et de la loi.
Projet de décret de M. Barnave.
« L'Assemblée nationale, . « Considérant que les lois ne sauraient être exécutées par ceux qui affectent de les méconnaître, et qtte la constitution ne doit pas être confiée à ceux qui se sont montrés opposés à son établissement;
« Voulant, au surplus, usèr d'indulgence envers les magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes, à raison des préjugés et des erreurs invétérées qui peuvent avoir contribué à les égarer ;
« Déclare que les membres de ladite chambre des vacations sont incapables de remplir aucunes fonctions attribuées à ses officiers, non plus qu'aucun emploi public dans la constitution qu'elle est occupée à établir. »
Projet de décret de M. Duval d'Eprémesnil.
11 sera dit par M. le président aux magistrats de Rennes :
«L'Assemblée nationale rend justice à la pureté de votre zèle ; vous avez cru devoir réclamer les anciens droits de votre province, mais l'Assemblée nationale n'a point entendu V porter at-teinte. Les députés de la Bretagne n'dnt renoncé à sa constitution particulière, que sous l'expresse condition d'être avoués par leurs commettants et c'est aussi sous cette condition que l'Assemblée! a reçu leur renonciation. Elle vous charge, Messieurs, quand vous serez de retour en Bretagne, d'assurer vos compatriotes qu'ils n'ont pas d'amis pl us sincères, et que le Roi n'a pas de sujets plus fidèles que nous. »
Projet de décret de M. le comte de Mirabèdu.
« L'Assemblée nationale,
t Arrête que des citoyens chargés des fonctions publiques, qui déclarent que leur Conscience çt leur nonneur défendent d'obéir à la loi, se réconnaissent par là même incapables d'exercer aucunes fonctions publiques.
« En conséquence,l'Assemblée nationale déclare les magistrats de la chambre des vacations de Rennes, par le fait de la déclaration qu'ils ont proférée en sa présence, inhabiles à exercer aucunes fonctions publiques, jusqu'à ce qu'ils aient reconnu leur faute et juré obéissance a la constitution.
Quant au crime de lèse-nation dônt ces magistrats sont prévenus relativement à leur désobéissance aux décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, l'Assemblée en renvoie la connaissance au tribunal déjà chargé provisoirement d'informer des délits de cette nature.
c Ordonne que lesdits magistrats seront incessamment traduits pardevant ledit tribunal, pour le procès leur être fait jusqu'à jugement définitif*
« Arrête de plus de commettre quatre membres de l'Assemblée* pour assister le procuteurdU Roi du siège du Châtelet dans l'instruction et la poursuite de cette affaire. »
Projet de décret de M. de Cazalès.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la justification des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes, a décrété qu'ils seraient renvoyés par devers le pouvoir exécutif, afin que l'offre qu'ils ont faite du sacrifice de leur office soit réalisée. »
Projet de décret de M. Êarrère de Vieuzac.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle ne peut confier l'exécution des lois à ceux qui affectent de les méconnaître, et qui se Bdnt formel" lement opposés à leur transcription, déclare leà membres de la chambre des vacations du parlé" ment de Rennes inhabiles à exercer aucune fonction publique, jusqu'à ce qu'ils aient prêté Rf serment d'être fidèlës et soumis à la constitutiôfif du royaume ».
Projet de décret de M. Vabbè Maury.
« L'AsSemblée nationale décrète que tes magistrats, qui formaient ci-devant, la Chambre des vacations de Rennes, seront renvoyés au pouvoir [ exécutif, et que Sa Majesté sera suppliée depren-
dre les mesures les plus promptes pour rétablir l'ailmioistration de la justice en Bretagne. >
Projet de décret de M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre.
Le président de l'Assemblée nationale déclarera aux membres de la chambre des vacations ce qui suit :
« L'Assemblée nationale improuve votre conduite et les motifs que vous avez allégués pour votre justification ; votre résistance à la loi vous rend inhabiles à en être les organes, jusqu'à ce que vous ayez prêté le serment qui attache tous les citoyens à la constitution française, décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi.
« L'Assemblée nationale pourvoira dans sa sagesse à faire rendre à la province de Bretagne la justice dont votre résistance l'a momentanément privée. »
Projet de décret remis par M. l'abbé de Barmond.
« L'Assemblée nationale décrète que les témoignages d'adhésion, envoyés à l'Assemblée, seront communiqués à Messieurs de la Chambre des vacations du parlement de Rennes et que ces magistrats seront renvoyés par devant le Roi, qui sera supplié d'ordonner que le parlement dé Rennes sera assemblé pour nommer une nouvelle chambre des vacations qui enregistrera les décrets de l'Assemblée. »
Projet de décret remis par M. de Cocherel.
« L'Assemblée nationaledélibérant sur la lettre au Roi de la chambre des vacations du parlement de Rennes, décrète que le jugement de1 ladite chambre sera renvoyé à la nation bretonne elle-même solennellement assemblée. »
Après cette lecture, la discussion recommence sur la question de priorité.
La priorité est décidée en faveur du projet de M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre.
, évêque de Perpignan, propose, par un amendement au projet de décret, que les magistrats de Rennes ne soient pas mandés à la barre, mais que le projet de discours soit converti en forme de décret et notifié aux magistrats par le pouvoir exécutif.
appuie cet amendement.
Cet amendement est rejeté par la question préalable.
transforme la motion de M. de Clermont-Tonnerre en décret et la lecture en est très-applaudie.
observe que ces mots jusqu'à ce qu'ils eussent prêté le serment de fidélité à la Constitution tendraient à rendre les magistrats juges de la peine qui leur était infligée et que ces mots jusqu'à ce que existaient pour tous les autres citoyens; il propose de supprimer cette phrase de la rédaction de M. Camus.
ajoute qu'il vaudrait mieux dire que les magistrats seraient inhabiles à remplir aucunes fonctions de citoyen actif, jusqu'à ce que, sur leur requête présentée au Corps lé-
fislatïf, ils eussent étéadmisà prêter le serment de délité à la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi.
dit qu'il faut que l'Assemblée prononce d'abord pour savoir si elle veut condamner ou absoudre les magistrats.
Après de longs débats, le projet de décret de M. Camus, substitué à la motion de M. de Clermont-Tonnerre et modifié lui-même par l'adoption de divers amendements, est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, improuvant la conduite des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes, et les motifs qu'ils ont allégués pour leur justification, déclare que leur résistance à la loi les rend inhabiles à remplir aucune fonction de citoyens actifs, jusqu'à ce que, sur leur requête présentée au Corps législatif, ils aient été admis à prêter le serment de fidélité à la constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi;
« Et en exécution du présent décret, l'Assemblée ordonne que les magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes seront mandés à la barre ae l'Assemblée, pour entendre le présent décret par l'organe de son président. »
La séance est levée à 7 heures du soir et indiquée à demain neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, curé de Cercy, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille; il est adopté sans réclamation.
, autre secrétaire, fait connaître les adresses et dons patriotiques ainsi qu'il suit :
Délibération de la Motte-Chalançon en Dauphiné, qui demande d'être réunie au tribunal du bailliage du Buis, en cas qu'il n'çn soit pas établi un à Oie, et offre en don patriotique le produit de la taxe sUr les ci-devant privilégiés.
Délibération et adresse de la ville du Buis, avec approbation de celle de la Motte-Chalançon, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; elle demande que son bailliage soit remplacé par un des tribunaux à établir dans le nouvel ordre judiciaire, comme étant absolument indispensable à la commodité et à la position de la contrée des Baronnies, et fait en outre le don patriotique de la taxe sur les ci-devant privilégiés.
Adresses d'adhésion et dévouement de la ville de Beaurepaire, des communautés de Lay,de Ra-bou, Sigoveetd'Izeron.delamême province; cette dernière fait le don patriotique de la taxe sur les ci-devant privilégiés, et les trois premières, demandent que la ville de Gap soit le siège d'un tribunal supérieur.
Adresses d'adhésion de sept communautés dépendantes de la chàtellenie de Castillon en
Cou-serans ; elles demandent l'établissement d'un département dans ce pays, dont le chef-lieu
soit à Saint-Girons, et l'établissement d'un district à Castillon. La communauté de Betbezé
en Cominges demande que la ville de Salies soit réunie au département de Couserans, et soit
le chef-lieu d'un district.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des communautés de Thieys et Ghadenacen Vivarais.
Adresse des officiers du régiment du Maine en garnison à la citadelle de Bastia, qui se récrient avec force contre les accusations portées contre eux devant l'Assemblée nationale, étant incapables de trahir leurs serments, et jaloux de remplir leurs devoirs comme citoyens et comme défenseurs de la patrie.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Beaune en Bourgogne, qui annoncent que les déclarations, qui ont été faites relativement à la contribution patriotique, s'élèvent déjà à cent trente mille cent soixante-dix-sept livres ; que les dons patriotiques produisent 14 marcs et demi d'argent, outre 2,827 livres en capitaux et arrérages échus; que l'argenterie déposée entre leurs mains consiste en 132 marcs 4 gros et demi, et les effets en or, en un marc 3 onces 5 gros et 39 grains.
Adresse et délibération de la commune de la ville de Saint-Jean-de-Port, capitale du royaume de Navarre, prise en assemblée générale des habitants, par laquelle elle adhère « purement et simplement » aux décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse et délibération de la communauté de Mouléon, pays des Quatre-Vallées, qui fait hommage à l'Assemblée nationale de sa soumission à ses décrets et de sa respectueuse reconnaissance avec offre du sacrifice du reste de ses biens et de l'existence de ses habitants pour la prospérité et le salut de l'Etat.
Adresse du même genre de la communauté de Saint-Gaudent, près de Civray en Poitou. Indépendamment de sa contribution patriotique, elle fait don du moins-imposé au profit des anciens taillables ; elle supplie l'Assemblée d'approuver un règlement autorisé et homologué au parlement de Paris, pour un bureau de paix et conciliation, et bureau de charité, lesquels établissements ont presque éteint et anéanti les procès et la mendicité dans cette paroisse.
Adresse de félicitations de la ville de Marcilly en Forez.
Adresse d'adhésion et dévouement de la ville de Saint-Yrieixen Limousin ; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la ville de Neuville, prés d'Orléans ; elle fait don du moins-imposé en faveur des anciens taillables.
M. Auxcousteaux de Conti, ancien marchand épicier, a fait hommage à l'Assemblée d'un travail sur le dénombrement du royaume de France par généralités, élections, paroisses et feux ; l'Assemblée l'a reçu avec satisfaction, et en a ordonné le renvoi au comité des finances.
rappelle à l'Assemblée qu'elle ajourna, dans la séance du 7 janvier au soir à celle du 9 au matin, la motion qu'il avait faite, tendant à autoriser tous les juges à informer et décréter sur les crimes de lèse-nation, et, après avoir fait remarquer que toute la séance du 9 fut employée à la discussion de l'affaire de la chambre des vacations de Rennes, il propose de s'occuper tout de suite de sa motion ou de la mettre à l'ordre du jour pour 2 heures.
fait remarquer que l'ordonnance de 1731 autorise tous les juges à procéder, ainsi que la motion tend à le faire décréter de nouveau.
propose de décréter que tous juges pourront informer et décréter contre toutes sortes de personnes prévenues de délit; il fonde son opinion sur l'abus qui a garanti les membres des cours souveraines de toutes poursuites de la part des juges inférieurs; à ce sujet, il rappelle ce proverbe des magistrats qui disait que la plume devait tomber des mains au juge infé-, rieur, dès qu'il apercevait qu'un juge supérieur pouvait être compromis.
propose de rédiger le décret de manière à ce que l'attribution donnée au Ghâtelet ne forme pas un obstacle aux poursuites à faire par tous les juges.
Après ces diverses explications, le décret suivant est lu et adopté :
« L'Assemblée nationale déclare que, nonobstant toute attribution, tous juges ordinaires peuvent et doivent informer de tous crimes de quelque nature qu'ils soient, et quelle que soit la qualité des accusés ou prévenus, même décréter sur l'information, et interroger les accusés, sauf ensuite le renvoi au Cbâtelet de ceux dont la connaissance lui est particulièrement et provisoirement attribuée. »
dépose sur le bureau une motion concernant la liberté de conscience à accorder aux enfants nés de mariages mixtes. {Voyez le texte de la motion annexé à la séance de ce jour.)
Un député de la ville d'Auxonne offre au nom de cette ville à l'Assemblée nationale les bâtiments servant de casernes, construits des deniers de la ville, avec les meubles qu'ils renferment, le tout estimé environ 600 mille livres ; il renouvelle l'adhésion de cette ville aux décrets de l'Assemblée.
, au nom de l'Assemblée, lui donne séance.
, membre de l'Assemblée,député de Montpellier, dit :
» Messieurs, les citoyens de la ville de Montpellier n'ont cessé de se signaler par leur zèle et leur amour pour la patrie : peu satisfaits d'adhérer aux décrets que vous avez rendus, ils ont aussi, par des délibérations solennelles, adhéré d'avance a tous ceux que votre sagesse vous inspirerapour le bonheur du royaume. Par une suite du zèle qui les anime pour la chose publique, ils payent avec exactitude l'impôt du quart des revenus; mais dans le mois de novembre dernier, ils offrirent à l'Assemblée un don patriotique ; il Consistait en une somme de 44,/54 liv. 18 sous. Une personne, qui ne veut point être nommée, joignit à cette somme un diamaut et une "bague d'or; le tout fut adressé à MM. vos trésoriers. Cependant l'offrande que nos concitoyens font à la patrie n'est mentionnée dans aucun de vos procès-verbaux : cet oubli nous affecte, comme il affecte nos concitoyens : nous venons donc vous annoncer leur offrande, vous prier^de l'agréer, et d'ordonner qu'elle sera mentionnée dans le procès-verbal de votre séance. La ville de Montpellier nous charge aussi, Messieurs, de vous assurer de son entier dévouement à tous vos décrets, qu'elle
maintiendra et fera exécuter avec soin, et de vous présenter ses respects et ses hommages. »
L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention du don patriotique de Montpellier.
dit qu'il est chargé par M. de La Metherié, docteur en médecine, de faire hommage à l'Assemblée d'un projet d'administration pour la ville de Paris. Ce travail contient des vues utiles et il les recommande à ses collègues. ( Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.)
fait lecture d'une lettre du garde des sceaux, qui adresse à l'Assemblée deux expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives; l'une des lettres-pa-tentes sur un décret concernan t diverses, dispositions relatives au* mutilcipâlitêS ; l'âùtre des lettres-patentes sur un décret qui bidonne la convocation des Assemblées pour la composition de ces municipalités.
, membrë de t*Assemblée,, député de Nemours, observe que cette ville a eu le malheur de perdre un de ses membres par la hiort de M. Bérthier, député de Nemours, âgé de 75 ans, qui aVait mérité FéStime dé ses compatriotes en exerçant pendant 40 ans lés fonctions de la judicaturé, et celle de rassemblée par soi) zèle pour la liberté et le bien public. Il invité les membres de 1'ASSembléë qui voudraient suivre son convoi, à s'y rendre le soir à 6 heures.
L'Assemblée passe à l'brdre du jour qui est relatif à la division des départements du royaume.
, l'un dés membres adjoints au comité de constitution pour la division du royaume, fait le rapport dé quelques éorttestatiofls dont la décision pourrait raire varier le nombre des départements.
La première a pour objet le Dauphiné.
Quelques députés de Cette proVindë demandent qu'elle ne soit pas divisée. Ils s'appuiënt sur les inconvénients qu'il y aurait à séparer les parties patiVreS dès parties riches, et sur là iïécëssité du concours de toutes les forces du pays pour assurer les Subsistances et entretenir les routes.
La ihàjoritë de là députation ne convient pas de ces inconvénients ; elle en voit, au contraire, de tf^â-cbrisidêi'ablès dans une administration trop êtendùe, obligée de fixer à la fois Sés vues sur des homltiës et des -climat? qui présentent des usagés et des béSoins différents. Elle croit ahsSi tjdë le Daùphihè restant éritiéh, il île sera pàs facile d'assurër une représentation bien égalé..,..
Lë cbmité përtse qu'il n'y aura aucilne raison de tlê?b£ër à uhe règle et à des principes que vous avez consacrés. 11 verrait au Contraire beaucoup,de dangër à accueillir la prétention du Dauphiné, Êientét là Bourgogne, la Bretagne, la Franrhè-Gdmté, l'Artois, etcT. demanderaient avec autant dé Maison à être conservés dans leurs anciennes limites:
L'Assemblée décrété que le Dauphiné sera divisé en trois départements.
La seconde contestation concerne lë pays d'Aunis.
Cette province manque de la base d'étendue
nécessaire pour former à elle seule un département; mais elle croit que ce défaut peut être compensé par son importance. Elle renferme cinq ports et trois grandes villes; son industrie est considérable; elle paye 1 million d'impositions directes et 900,000 livres de droits d'aides. L'unique moyen de soutenir son commerce, selon elle, est de concentrer son administration en elle-même, et de rendre La Rochelle chef-lieu de département. Elle propose d'augmenter son territoire de l'île d'Oléron et des marais desséchés du bas Poitou. La Saintonge ne s'oppose pas à ce que l'Aunis forme un département ; mais elle refuse de lui céder l'île d'Oléron, qui se trouverait excessivement éloignée du chef-lieu, et qui depuis longtemps a avec la Saintonge des rapports habituels entretenus par le commerce et par des usages particuliers.
Le comité n'a vu qu'avec beaucoup de regret que vos décrets ne permettent pas .d'accueillir la demande du pays d'Aunis. Toutes les bases manquent à la fois, et le danger réel des administrations trop petites vient encore se joindre à cette considération.Il pense cependant que l'Assemblée, en reconnaissant l'importance de la ville de La Rochelle* doit être disposée à accorder à cette intéressante cité quelques-uns des établissements qui seront faits par la suite.
L'AsSemblée décrète que le pay& d'Aunis ne peut faire un département.
Sur la division de la Eranche-Comté.
Lesdéputés de la Franche-Gomtéétaient d'accord sur la division de cette province en trois départements. La ville de Besançon a envoyé des députés extraordinaires pour demander le changement de cette division.
La Franche-Comté est un ovale allongé ; l'un des départements renferme en entier des terres à blé et à foin; l'autre, des montagnes ; le troisième est mi-partie. Les députés extraordinaires demandent que cette, division soit prise dans un autre sens, pour que les différentes qualités du sol soient également distribuées.
Le comité est d'avis de maintenir la première division^
L'Assemblée adopte cet avis.
Contestations sur la réunion du pays des Basques au Béarn.
Le pays de Soûle et le pays de Labour témoignent une grande répugnance à se réunir au Béarn. La différence des langues est le prineipal motif qu'ils présentent; mais les pays de Labour et de Soûle n'ont que 140 lieues de superficie, le Béarn 200. Ces contrées ont le même diocèse, les mêmes coutumes, la même cour supérieure.
Le comité n'a pas cru que la différence du langage fût un motif suffisant pour oublier les convenances,et s'écarter del'exécutionde vos décrets.
l'aîné. Je réclame contre l'avis du comité : ma réclamation n'intéresse que des peuples pauvres et peu nombreux; mais n'ont-ils pas, par là même, des droits plus sacrés à votr$ justice éclairée? La différence des langues est un obstacle insurmontable. L'assemblage qu'on vous propose est physiquement el moralement impossible. Réunissez des hommes dont les uns parlent une langue, les autres,Une autre; que voulez-vous qu'ils se disent? Ils finiront par se séparer, comme les hommes de la tour de Babel.
Ces obstacles ne sont pas levés par les légères et très-légères raisons du comité. Les Béarnais et les Basqués ont le même évêque; mais de tous les administrateurs* ceux qui voient le moins en détail sont les évéques ; le même parlement : c'était un vice de l'ancien ordre Judiciaire* et vous ne le consacrerez pas. Je ne sais si, quand un peuple a Conservé pendant des siècles un caractère excellent et des mœurs patriarcales, il peut être bon, et en morale et en politique, de le mêler avec des peuples policés.
représente que beaucoup de Basques entendent le français et le béarnais 5 que ces peuples s'Unissent par des rapports journaliers de commerce; que la différence de l'idiome peut être présentée comme une considération, mais non comme un moyetl : qu'ëllè est au contraire une raison politique de réunir les deux peuples.
le je'uHe. Je Ue vous présenterais pas d'observations, s'il était possible de suivre l'avis du Comité; mais jë dbis Vous en offrir qhand il y a une impossibilité absolue, quand on veut faire le malheur de cent et quelques mille individus. Un des rhernbreg dii Comité dé Constitution, M. Target, a parcouru ce pays; il vous dira si l'on y parle iihë autre langue que celle des Basques.
Les BasqUès ne m'entendaient pas, jë n'entèndàis pas iës Basques; màisjehe puis eh conclure que lés Basques et Iëé Béarnais ne s'entendâiènt pas entré eux.
M. Garât le jeune. C^èât une vérité connue d ans les pays gascons et français, voisins de cette contrée, qu'il est impossible d'apprendre le basqtte, si l'on n'habite, très-jeune avec les habitants de cette province. Aussi dit-ôii proverbialement que le diable est venu chëz les Basques pour apprendre leur langue, et qu'il n'a pu eh venir à bout.
Ce proverbe vient de vous faire rire; cependant il renferme une vérité profonde,. Les proverbes sont la sagesse des hommes. Aucùnès langues ne présentent eutre elles autant de difficultés que le basque et le béarnais.
L'italien* l'alleinandet l'anglais ont leur source commune dans le latin et dans les langues du Nord. Le basque est la véritable langue attique... Les Basques n'ont pas de métayers, pas de valets; ils cultivent eux-mêmes. S'ils allaient ailleurs faire leurs affaires ils ruineraient leurs affaires. Le vingtième de leur pays est cultivé; le reste n'est pas cultivable. Ils sont très-forts, et ne pourraient jamais vivre ailleurs... À peine trouvera-t-on dans ces contrées des familles assez aisées pour fournir des éligibles à l'Assemblée nationale. Le Béarn, par cette réunion, nommera tous les représentants; le pays desjBasques n'en aura jamais.
Les Basques ont une très-grande facilité naturelle pour l'étude des langues; beaucoup d'entre eux savent le béarnais et le français et c'est surtout en Béarn qu'ils vendent leurs laines. Le Béarn n'a ni-demandé ni désiré que les Basques lui fussent réunis; l'intention qnelui suppose le préopinant n'est donc pas juste.
Tout ce què vous ont dit Mm. Garat, mes collègues, est très-juste : l'impossibilité résultant de la différence d'idiome est évidente. Voulez-vous en juger ? Ordonnez des conférences entre les députés basques et béarnais ;
qu'ils parlent chacun leur langage, qui rédigera le procès-verbal de ces conférences?...
L'Assemblée, en suivant ravis du comité, décrète la réunion du pays des Basques ët du Béara.
le jeune. Il me reste un devoir à remplir; il m'est prescrit par mes commettants, par ma raison, par ma conscîeuce : nulle Chose au monde ne pourrait me le faire publier; Dans une délibération 'Unanime, ma province proteste. (Violents murmures.)
On interrompt l'opinant, en le rappelant à l'ordre*
, ancien président, fait lecture à l'Assemblée de la lettre suivante qu'il a reçue ;
Monseigneur,
« Lés volontaires de la ville de Duhkerque se sont empressés de témoigner leur respect» leur adhésion, leur obéissance aux décrets de votre auguste Assemblée. Ils persistent plus que jamais dans ces sentiments; Ils vous promettent de nouveau, ils jurent qu'ils sont prêts à soutenir* au péril de leur vie, une constitution qui convient vraiment à des hommes libres.
«Ils vous remettent, Monseigneur* deux libelles qui se répandent dans nos provinces* et dont vous avez peut-être intérêt de rechercher les vils auteurs. N'en concevez cependant nulle alarme : nous ne doutons pas de la fidélité d'un peuple qui s'estime heureux de faire partie de la nation française; nous vous conjurons du moins d'être persuadé que rien n'égale la nôtre* et qu'on ne peut être dvec des sentiments plus respectueux.
« Signé : nômihàtitement par les membres du conseil d'administration de la garde bourgeoise de DunkerqUe polir ses volontaires.
P. S. Le libelle a été adressé à notre comité, sous le timbre de la ville de Gambrai et nombre d'exemplaires ont été répandus avec profusion dans cette province^ »
A dette lettre étaient joints les deux libelles, l'un intitulé : « Adresse aux provinces* par M. Dêmeunier, député* président ae l'Assemblée; A Paris, chez Baudouin, imprimeur dë l'Assemblée nationale; commençant par ces mots : tous vos députés vous assurent deux fois par semaine, et fihissant par ceux-ci: susceptibles de quelques modifications ». L'autre intitulé : « Le génie des « Belges ou Flamands aux provincesBelgico-Fran-« çaises* commençant par ces mots : Les citoyens « étaient assemblés^ et finissant par ceux-ci: t offre d'union et d'alliance avec toutes les pro-i vinces belgiques. »
remet le tout sur le bureau en y joignant son désaveu.
On connaît mon opinion sur les libelles quand ils ne concernent que des particuliers. Lorsqu'ils tiennent à l'ordre public* ils ont vraiment quelque importance. Un libraire de Paris est venu s'accuser à moi que, ne gagnant rien à imprimer de bons ouvrages, il s'était déterminé à ptibliër des libelles, et qu'il éh sortait de ses presses Vingt miilë exemplaires par semaine. Il y a très-peu d'imprimeurs à Paris qui n'ëtl fàsserit autant Cës libelles sont envoyés dans les provinces belgiques ët frontières.
Le libraire dont je viens de parler m'a dit que ces vingt mille exemplaires étaient pour l'Alsace et pour la Lorraine. Metz est un entrepôt considérable de ce commerce artroce. Je n'ai préparé aucun décret qui puisse concilier la liberté nationale; mais j'ai cru devoir indiquer un objet intéressant pour les amis de la révolution.
observe que depuis longtemps on cherche à ébranler la fidélité aes provinces bel-giques. Des libelles revêtus de signatures authentiques ont été remis au comité des recherches. M.Emmery a été chargé d'en'prendreconnaissance, sur ia dénonciation de deux mille citoyens, les plus notables de la ville de Lille. On n'en a cependant point t'ait de rapport, et on dit que ces pièces sont perdues . L'Assemblée doit prendre connaissance de ces faits...
représente que le préopinant, quia dit que beaucoup d'imprimeurs de Paris publiaient des libelles, aurait pu restreindre son assertion aux particuliers très-nombreux qui viennent d'élever des imprimeries. Il assure que pas un des treotes-six imprimeurs de Paris n'imprime des libelles.
Voici ce qui est à ma connaissance : on a envoyé au comité des recherches un ouvrage contre les décrets de l'Assemblée, signé Lefèvre, avocat à Lille. Cet homme s'est rétracté dans une adresse imprimée et dans les Affiches de Flandre. Un autre libelle a été arrêté à Ypres, ainsi qu'une délibération du bureau renforcé du Cambrésis. Une autre pièce, de la même orthographe que l'écrit de l'avocat de Lille, m'a aussi été remise. Elle contient une protestation contre les pouvoirs des députés qui ont concouru à vos décrets, et elle est signée des commissaires nobles et ecclésiastiques du Cambrésis. J'ai fait le rapport de ces pièces au comité des recherches ; je n'ai eu que mon opinion particulière, et je ne dois pas m'occuper ici de celle de ce comité. On a ait ensuite que ces pièces étaient perdues. Les membres du nouveau comité m'ont appelé, et ces pièces se sont retrouvées dans le carton où elles avaient été placées. J'ai fait part à ces messieurs d'une lettre originale, écrite par un homme de Villeneuve-de-Berg, au comité municipal de Metz, pour demander un nouvel envoi des libelles dont cette dernière ville est l'entrepôt. Ce particulier croyait que le comité municipal en était le distributeur. Le comité des recherches vous fera bientôt sans doute un rapport au sujet de toutes ces pièces.
Mais je crois qu'il importe au salut public de prendre des précautions efficaces, et je demande que le comité de constitution soit chargé de présenter incessamment une loi. sur la liberté de la presse.
appuie la motion ; ses cahiers lui ordonnent d'exiger la garantie des auteurs, libraires et imprimeurs.
dit que l'Assemblée ne peut se dispenser de prendre un parti sur la réclamation faite par le régiment du Maine.
Je demande que l'Assemblée prenne le parti de renvoyer cette affaire au comité des recherches. Si les faits énoncés par les citoyens de Bastia sont faux, les calomniateurs doivent être punis. S'ils sont vrais, le régiment
du Maine ne doit pas rester sans punition.
représente la nécessité de faire une adresse aux commettants, dans laquelle serait développé l'esprit des décrets, afin de les prémunir contre les suggestions perfides des ennemis de la patrie et de la liberté.
Deux députés annoncent que l'adresse aux provinces a été condamnée au feu par les officiers municipaux de Romans et de Nantes.
dénonce le Journal de Paris, le Journal des Révolutions et le journal de M. Marat, intitulé l'Ami du peuple, et demande qu'il soit défendu à tout membre de l'Assemblée de faire un journal.
L'Assemblée nationale décrète :
1° Que le récit de M. Démeunier sera inséré dans le procès-verbal ;
2" Que le comité de constitution sera chargé de présenter incessamment un projet de règlement sur la liberté de la presse.
3° Qu'il sera rédigé une adresse aux commettants, conformément à la motion de M. Duport.
fait une motion ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé un comité de quatre personnes, chargé d'examiner tous les journaux, nommément l'Ami du peuple, les Révolutions et le Journal de Paris. Il fera à, l'Assemblée le rapport de ces écrits qui seront envoyés au procureur du roi du Châtelet.
« Enfin, il sera défendu à tous membres de l'Assemblée de faire directement ou indirectement aucuns journaux.
Je propose de faire lire l'a déclaration des droits à l'opinant et je demande la question préalable sur sa motion.
I?Assemblée cousultée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet du décret de M. Du-fraisse-Duchey.
propose et l'Assemblée décide qu'attendu la nécessité de finir promptement le travail des départements, il n'y aura pas de séance le soir.
La séance est levée et renvoyée à demain neuf heures du matin.
A la séance de l'Assemblée nationale du
M. Devoisins, député de la sénéchaussée de Toulouse. Motion (1) concernant la liberté de conscience à
accorder aux enfants nés des mariages mixtes, ou contractés entre des catholiques et des
non-catholiques, et autres objets sollicités par ses commettants (2).
Vous avez décrété aussi qu'aucun homme ne pourra être inquiété pour ses opinions religieuses, pourvu qu'il se conforme aux lois, et qu'il ne trouble pas l'ordre public.
Le premier de ces décrets vous assure la reconnaissance de l'humanité entière; le second tarit la source la plus abondante des haines et des guerres intéressées et fanatiques qui ont fait couler tant de sang.
Il ne vous reste, Messieurs, qu'à faire l'application de ces principes conservateurs de l'ordre et de la liberté, à de grandes questions de droit, telles que celles qui sont soumises tous les jours à votre tribunal ; j'ai l'honneur de vous en présenter une aujourd'hui qui, par sa nature et son étendue aie degré d'importance requis pour solliciter votre attention et une prompte décision de votre part. Vous allez établir la paix dans un nombre infini de familles, en fixant les droits et les deyoirs des membres qui les composent sur un sujet très-grave, et qui sème trop, souvent les divisions parmi ceux mêmes que le sang et des habitudes de. leur éducation commune devaient, ce semble, lier si étroitement ; je veux parler de ces familles composées de catholiques et de non-catholiques dont les enfants se partagent, selon leur sexe, les opinions religieuses des parents.
Pour vous mettre à portée de juger du mal qui résulte de ce mélange domestique d'opinions, et d'y appliquer le remède convenable, il est nécessaire de mettre sous vos yeux la manière dont ces sortes de mariages se contractent, et le sort qui est réservé aux enfants qui en proviennent.
Sans la sénéchaussée de Toulouse, dont j'ai l'honneur d'être l'un des représentants, il est assez ordinaire de voir des mariages se former entre des personnes professant des religions différentes; c'est l'usage en Languedoc, et Ton peut en dire autant de toutes les parties du royaume, où les mariages mixtes ont lieu, que le père élève dans sa religion tous les enfants mâles, et que la mère élève les filles dans la sienne. Cet arrangement conventionnel converti en une espèce de loi, maintient la paix dans les familles, et fait qUe ces établissements sont parfois aussi heureux que beaucoup d'autres ; jusque-là, les enfants étant bien libres de professer la religion qu'ils ont une fois adoptée, il n'y a rien qui doive alarmer le législateur.
Il est un événement fatal et trop commun, où cette liberté de conscience reçoit des atteintes terribles et souvent cruelles, c'est à la mort du père, ou de la mère surtout, si le survivant pense en énergumène dans l'une ou l'autre religion; ce cas où les opinions religieuses font d'un père et d'une mère des persécuteurs de leurs enfants, n'est pas aussi rare qu'on pourrait lë penser; il semble même que les sentiments de là nature se joignent ici contre des malheureux enfants en bas-âge, avec ceux que la religion inspire, à une espèce dé bonne foi ; une mère ne peut voir sans frémir que le fruit de ses entrailles soit abandonné à un malheur qu'elle voit être aussi inévitable pour .lui qu'il est terrible pour elle. Le cœur d'un père frémit, de son côté, à cette Idée, à peu près autant que celui de la mère; car il s'agit ici dé deux époux qui ont réellement une religion, qui
pensent qu'il en faut une à l'homme, et qui diraient volontiers avec un écrivain célèbre, que s'il n'y avait point de Dieu dans le ciel ni de culte religieux sur la terre, il faudrait se hâter d'en faire.
Dans ce cas, Messieurs, combien est critique la position des enfants imbus de bonne heure des principes d'une religion dont les idées, les craintes et les espérances sont opposées à celles de la religion du père ou de la mère survivant! Qui les garantira de ces séductions où l'art a toujours moins de part que le zèle qui cherche à se satisfaire? Disons mieux: qui les dérobera à une persécution d'autant plus facile qu'elle s'exerce sans témoins; d'autant plus amère qu'elle peut être journalière et constante; enfin, d'autaut plus affreuse, qu'elle aurait pour motif apparent les intérêts de Dieu et ceux de ces innocentes victimes ? C'est en faveur de cet âge déjà si intéressant par lui-même que je viens réclamer la protection des lois, s'il en existe pour des cas semblables, ou votre pouvoir, si ces lois nous manquent. Une bouche plus éloqpente que la mienne ht entendre, il y a peu de jours, sa voix au milieu de vous en faveur des vieillards qui ont bien mérité de la patrie, et les sentiments nobles et généreux de cet honorable membre furent applaudis dans cette Assemblée, comme Eschyle le fut jadis au milieu d'Athènes. Que ne puis-je répandre le même iDtérêt sur la cause d'un grarid nombre d'enfants qui n'ont encore rien fait pour leur pays, il est vrai, mais qui peut-être un jour feront beaucoup pour sa prospérité et pour sa gloire I
Permettez-moi maintenant, Messieurs, de faire une supposition qui, en particularisant la question importante que je souchets à vos lumières, à votre humanité, à votre justice, vous mette à même de fixer votre opinion.
Supposons une demoiselle née d'un père protestant et d'une mère catholique, élevée, selon l'usage et l'accord des parents, dans la religion catholique ; supposons encore que cette fille, parvenue à l'âge de huit ou neuf ads, perde sa mère; | enfin, pour n'omettre aucune des circonstances dont on est si souvent témoin dans la province , que je represente auprès de vous, supposons que le père épouse en secondes noces une protestante qui lui donne un grand nombre d'enfants, tous élevés dans la religion protestante, et qui joigne à sa qualité de marâtre envers la fille unique du premier mariage, autant de zèle pour sa religion que d'avidité pour le bien considérable dont la jeune personne a hérité de droit du chef de feu sa mère : je vous le demande, Messieurs, de quelle tranquillité peut jouir cette enfant dans la maison paternelle, où seule riche, seule catholique, étrangère presque à tout ce qui l'environne, elle peut compter autant de jaloux de sa fortune, et d'ennemis de ses opinions, qu'il y a de membres qui la composent? Quelle position pour un sexe timide et pour uri âge qjie tout affecte si profondément, surtout dans ce qui a rapport à la religion ! Passe encore s'il lui était permis de réclamer juridiquement sur des biens qui lui appartiennent une modique pension, pour fuir un séjour de tracasseries et de persécutions, et se choisir une retraite où, en mettant ses mœurs à l'abri'des écueils si ordinaires à cet âge, elle pût librement et sans crainte professer la religion dans laquelle elle a été élevée, et à laquelle rien ne serait capable de la faire renoncer : mais' cette I infortunée est encore mineure, so'us la puissancé J de son père; elle ne peut conséquemment recou-\ rir aux lois. Telle est la jurisprudence du pays
qu'elle habite, et qui est réunie aux principes du droit éprit.
Dans l'état des choses qui a précédé celui dont nous venons d'être les heureux témoins, il n'y avait qu'pne ressource en pareil cas, c'était celle que fournissait la sensibilité des parents maternels, qui, assemblés popr constater les dangers de tous genres auxquels un enfant dans l'espèce supposée était exposé, délibéraient, s'il y avait lieu, qu'on solliciterait un ordre du Roi pour que cette fille fût séquestrée dans une maison religieuse, où elle pût être élevée dans les principes de sa religion, et le père tenu de fournir Une pension proportionnée à sa fortune, et à celle délaissée par la mère dont la fille était héritière.1 Le prince, sur l'avis des parents, accordait sans hésiter l'objet (le leur demandé; rien de plus juste que cette conduite du gouvernement en faveur des enfants aûssi persécutés, à qui une loi trop rigoureuse n'accordait presque rien en accordant toutauxparents; rien déplus conformé aux principes 4e l'Assemblée nationale, qui, dans les décrets qu'ëlle a déjà rendus, et daqs ceux qu'elle prépare, manifeste si hautement son intention de protéger toptes les classes de citoyens contre les aristocrates, tous les partisans dé toutes les religions contre la fùreur du fanatisme, tous les vieillards contre la force oppressive, tous les enfants contre la tyrann|e de certains pères, et surtout contre |a dureté des marâtres, tl faut convenir que, si les lettres de cachet à'avàient été délivrées que dans des cas semblables à celui que je viens d'exposer, la nation assemblée n'aurait vu, dans cet usage du pouvoir exécutif, qu'un sage supplément à nos lois obscures ou barbares ; et un grand nombre de jeupes personnes en France doivent à cette ancienne administration des asiles sûrs, et je repos de leurs jours et de leurs consciences.
Faut-il présenter à vos yeux, )V|essieursv une victirpe réelle çle ces persécutions domestiques excitées contre des mineurs par la cupidité et l'esprit de la religion mal entendue? elle existe, et je ne suis auprès de vous que l'organe de ses justes réclamations. Vous avez entendu lé récit de ses malheurs, quand j'ai eu l'honneur de poser l'hypothèse qui n'était que son histoire.
Dans un cquyent du Languedoc, existe une demoiselle âgée de dix-huit ans, que sa vertq rend encore plus intéressante ,c|ue ses charmes; née d'un père protestant et d'une inère catholique, elle f g t élevée dans la religion catholique non seulement selon l'usage qui déterminé, dans cette espèce de mariage, la religion des filles d'après celle de là rpère, mais d'après la convention expresse entre les deux époux, que tous les enfants qui naîtraient dé leur mariage, seraient élevés dans la religion catholique, etla promesse du mari qu'il abjûre-rçif lui-même là sienne. Celui-çL après le mariage contracté, ne tint aucun compte de ses serments ; la demoiséllé dont il s'agit, était à peine âgée de sept ans, lorsqu'elle ept le malheur de perdre sa mère ; on a avancé que cette femme respectable fut consumée par le chagrin de voir son époux manquer aux engagements qu'il avait pris d'abjurer sa religion pour embrasser celle de son épouse ; il est du moins bien certain que, sans cette parole de sa part qu'on croyait sincère, jamais il n'eût fait un établissement aussi avantageux pour lui. Quelle que soit la cause de la mort de cette femme, le mari, enfin devenu libre, se hâte de convoler à de secondes noces ; il épouse une protestante de laquelle il a eu un grand nombre d'enfants. Dans une famille aussi nom-
breuse, il n'y avait plus qu'une personne catholique, c'était la fille du premier mariage. Ses parents maternels, la voyant exposée à des dangers de plusieurs éspèces, s'assemblent en 1781, et arrêtent Qu'ils agiront pour obtenir des ordres quimet-tent à l'abri de toute insulte de la part d'une marâtre (jure et fanatique, et de la part d'un père peu délicat, la personne de Cette demoiselle et ses sentiments religieux. Le Roi accueillit favorablement leur demande ; on assigiie un couvent à la demoiselle , et lé père est soumis à payer Une pepsipn annuelle de 600 livres, somme bien modique pour fournir à là Nourriture et l'entretien d'une demoiselle de qualité, héritière naturelle et de droit de sa mère, qui a laissé un bien estimé plus de 60,000 livres; mais là sûreté de l'àsilè où la main bienfaisante du monarque l'a placée, le repos qu'elle y goûte depuis plus de neuf ans qu'elle y est, là liberté dont elle jouit de professer sa reiïgion à laquelle elle tient infiniment, tout cela lui ferme les yeux sur des moyens si resserrés de subsistance; elle est en proie en ce moment à de plus cruelles et déchirantes inquiétudes.
Le père, armé de vos décrets qu'il interprète à sà manière, et appuyé sur des droits abusifs de sa puissance paternèlle, demande que sa fille sorte de la retraite qui fait toute sa consolation, pour venir vivre dans son château de campagne, auprès de lui et d'une marâtre impitoyable; il sollicite auprès du Roi et des piinistres la révocation de laVéttre de cachet obtenue par les parents maternels ; il se fondesur sa qualité de père qui le rend tuteur £t légitime administrateur de la personne et des* biens de sa fille, il se fonde aussi sur ce que l'Assemblée nationale à déprété ty suppression des lettres de cachet. Mais observons. Messieurs, les nouveaux moyens que ce bon père met en usage pour vaincre la résistapçè de sa fille qui a eu le tort d'être heureuse loin de lui, loin d'une marâtre, loiç de ceux doqt elle redoute les persécutions; il lui a retranché de son autorité privée la pensiop modique à laquelle lè Roi l'avait assujetti. Depuis pt'usj de dix-buit'mois, cette fille infortunée p'a rien reçu pour sa nourriture et son entretien et, quoique riche defl ,000écus de revenus du chet de sa mère, elle est- livrée, à la bienfaisance des religieuses qui l'ont éleyée ét qui sont elles-mêmes très-médiocrement doj'éps.
Telle est, Messieurs, la cruelle position d'yne jeune personne qui sollicité par mq,' bouche la protéction des Jois qui assurent à chaque Çitoyen la liberté de ses opinions et de sa conscience ; vous l'entendrez parler elle-même en lisant les mémoires qu'elle' m'a fait passer, et que je déposerai sur le bureau ; on y verra son nom sur lèquel je me suis tu, èn suivant ses recommandations ; sa modestie la tient dans la persuasion qu'une personne de son sexe ^pit, autant qu'il est en elle, rester ignorée.
Considérons maintenant, Messieurs, et n'en doutons pais, gue telle est, ou fort approchante, la position d'une foule de jeunes gens dé l'un et l'autre sexe, cà|hçliqne et non catholique, gémissant trop longtemps sous là tyrannie des pères égoïstes remariés, et sous ^aristocratie la plus affreuse de toutes, celledes marâtres implacables.
Pour faire de là question, particulière à la demoiselle qui demande de continuer à jouir de la faveur de la lettre de cachet obtenue par ses parents maternels ; pour faire, djs-je, de cette,question une question générale qui embrasse tous les abus de ce genre, perraettpz-moi^ Messieurs, de vous présenter quelques propositions que vous
convertirez en tel décret général que vous trouverez juste de prononcer :
1° Les enfants parvenus à un certain âge, à quinze ou dix-huit ans, par exemple, ne pourront-ils pas prétendre à une portion de l'usufruit dés biens de leur mère décédee à ia survivance du père ? Quelle devrait-être cette portion ?
2° Au cas que cette question fût décidée tout entière en faveur des pères non remariés, faudrait-il accorder la même faveur à ceux qui passent à de secondes noces, et qui exposent par là les enfants du premier mariage à l'antipathie presque inévitable d'unp marâtre?
3° Les enfants de ceux-ci peqvent-ils être contraints par le père à vivre dans la paaison paternelle, sous l'empire d'une marâtre, rnalgré qu'ils aient une subsistance suffisante dans les biens maternels ?
4° Au cas que le décret de l'Assemblée sur l'article précédent serait défavorable aux enfants, n'y aurait-il pas une différence à faire entre les enfants professant une religion autre que celle de leur père remarié, et les enfants professant la même religion que leijr père ?
5° Les enfants né doivent-ils pas être aussi libres dans leur religion que les parents eux-inêmes?
Du décret ou des décrets qui interviendront, Messieurs, sur ces questions, dépepd la liberté ou la servitude d'une fo.ule d'individus de l'up et de l'autre sexe, victimes des mariages en secondes noces, surtout lorsqu'ils sont attachés à un culte religieux différent lie celui que suit leur pèré ou leur marâtre. Veuillez donc, Messiéurs, jeter lès yeux sur ces infortunés ; ils l'attendent de Votre justice et de votre bienfaisance^ et cet âge rie sollicite jamais ëri vain lé Coeur des législateurs. Notre sage monarque et ses ministres attendent aussi ce décret avec une louable iinpatience pour venir, de concert avec vous, au secoqrs des infortunés qui demàqdent la durée des ordres déjà accordés en leur faveur, ef dont les pères durs, et cédant à l'impulsion des marâtres encore plus dures, sollicitent la révocation.
Je terminerais ici la motion crue j'ai l'honneur de présenter à l'Assemblée, et jfe renverrais à un autre jour de l'entretenir de plusieurs demandes de mes commettants, si j'étais sûr d'obtenir la parole une seconde fois; niais les difficultés qu'il a fallu vaincre pour pouvoir mé faire entendre, m'autorisent à user pleinement de |a faveur qui m'a été accordée, et ce n'est pas ma faute si je suis long.
Les ' habitants de Lavaur, ma patrie, m'ont adressé ëktrait d'une délibération prise le 6 novembre dernier, contenant plusieurs demandes qu'ils supplient l'Assemblée nationale de prendre en considération ; (ils demandent :
1° Qqe si la ville de Lavaur, ne peut pas conserver l'avantage d'être, comine ci-devant, chef-lieu de département, il plaise à l'Assemblée nationale de l'unir de préférence aux villes d'Alby et de Castres, pour jouir concurremment avec elles du privilège de chef-lieu ;
2° La conservation du siège épiscopal, et celle du chapitre. Outre les ressources assurées que ces établissements offrent dans .des temps malheureux, ce qui suffirait pour devoir en perpétuer la durée, il est heureux pour moi de trouver, dans le mérite personnel de M. l'évéque et du Chapitre de Lavaur des litres qui viennent à l'appui des voeux des habitants ; là bienfaisance du prélat, l'aménité de son caractère, son respect constant pour les droits de la municipalité de la
ville épiscopale, et son attention scrupuleuse à seconder les officiers de la commune, les lumières des bénéficiers, leur charité envers les pauvres, leur zèle pour l'instruction des fidèles, nous portent à désirer, non-seulement la perpétuelle durée de leurs places, mais même celle de leurs personnes;
3° La conservation aussi du collège dirigé par les prêtres de la doctrine chrétienne, du couvent des religieuses de Sainte-Glaire, servant d'asile à la jeune personne pour qui j'ai eu l'honneur de parler, qpi a servi et qui servira de refuge à bien d'autres en pareille oCcurrerice, et de la maison des filles de la Croix qui tiennent les écoles gratuites des filles. Ces établissements, utiles et nécessaires dans toutes les villes, le seront bien davantage si on considère qu'ils sont uniques dans tout le diocèse de Lavaur, et que la nation en les supprimant et s'emparant de leurs fonds, loin d'en retourner avaritage, n'y trouverait qu'un objet de dépense, pour fourpir à la subsistance des individus composant les établissements supprimés, tant ils sont paédibcrement dotés ;
4° Là juridiction royale de Lavaur dont cette ville jouit depuis des siècles, et qu'elle mérite de conserver par sa positiçn qui la rend susceptible d'un présidial.
5° L'établissement de deux foires en sus de celles déjà établies. Son commerce dë soie, {a'jnes, grains et bestiaux, ne pourrait que recevoir un nouvel accroissement, moyennant les nouvelles facilités que cette ville sollicite.
Le mémoire de là ville de Lavaur a été remis depuis plusieurs jours ^ Messieurs du comité des rapports.
A la séance de VAssemblée nationale du
Projet d'administration pour la ville de Paris présenté à l'Assemblée nationale par M. de La Metherie, docteur en médecine (1). (Le soussigné, ne pouvant obtenir la parole, prerid le pàrti de faire imprimer, pour mettre sa motion sur le bureau, et v être statué par l'Assemblée nationale ainsi qu'elle avisera dans sa sagesse. A Paris le 12 janvier 1790.)
La ville de Paris vient de rentrer dans tous ses droits, dont le despotisme ministériel l'avait dépouillée, ainsi que toutes les autres cités du royaume. Il faut, dans ces heureux moments, fixer de la manière la plus sage les différentes parties de l'administration de cette immense cité. On doit surtout avoir' soin d'en éloigner toute l'influence ministérielle, qui va faire des efforts soutenus pour reprendre ce qu'elle vient de perdre. Ainsi il ne doit plus y avoir de ministre de Paris. Le secrétaire d Etat, qui aura dans son département la généralité de Paris, ne doit avoir d'autre autorité que celle des autres secrétaires d'Etat dans les provinces. a û .• :
Il est nécessaire de partager l'administration de Paris en différentes branches. Je crois qu'on pourrait la diviser en dix portions principales : 1° Les milices bourgeoises. 2° La police. 3° La subsistance.
4° Les hôpitaux. 5° Les maisons de force. 6° Les posies. 7° Les loteries. 8° Les revenus de la ville. 9° L'embellissement de la ville. 10° Les études.
Tous les citoyens ne peuvent se réunir à l'hôtel de ville. Il faut cependant qu'ils y soient tous représentés : ce ne pourra donc être que par des députés.
La ville a été divisée en soixante districts, qu'on tâchera de rendre égaux pour la population. Chaque district nommera un certain nombre decitoyensde toutes les classes; par exemple, vingt personnes. La réunion de tous ces députés, qui seront au uombre de douze cents, formera l'assemblée générale de l'hôtel de ville, et représentera tous les citoyens.
Cette assemblée générale ou grand conseil sera convoqué tous les ans pendant plusieurs jours. Elle examinera tout ce qui peut intéresser la municipalité, et apurera tous les comptes.
Le public assistera dans les galeries à ces assemblées.
L'assemblée générale formera dix comités pour les dix principaux objets d'administration dont nous venons de parler, savoir: 1° Un comité des milices bourgeoises. 2° Un comité de police. 3° Un comité de subsistance. 4° Un comité pour les hôpitaux. 5° Un comité pour les maisons de force. 6° Un comité pour les postes. 7° Uu comité pour les loteries. 8° Un comité pour les revenus de la ville. 9° Un comité pour les embellissements de la ville.
10° On pourrait y ajouter un comité pour les études, académies, etc.
Chacun de ces comités sera présidé par le maire de la ville.
Il y aura dans chaque comité un vice-maire ou échevin, qui présidera en l'absence du maire, seize conseillers et trois secrétaires.
L'assemblée générale de tous ces comités formera le petit conseil qui s'assemblera tous les mois et dans tous les cas urgents.
Chacun des soixante districts aura un président, un vice-président et deux ou quatre conseillers avec deux secrétaires.
Le maire et tous les membres des comités et des districts ne seront en place que pour deux ans, et la moitié sera renouvelée chaque année.
I. — Comité des milices bourgeoises.
Tous les citoyens en état de porter les armes seront inscrits chacun dans leurs discrits. Ils seront divisés en compagnies qui auront leurs officiers, et chaque district aura un commandant.
Ces officiers particuliers seront nommés par les districts.
Il y aura ensuite un général de toute la milice bourgeoise, un lieutenant général, un major et quelques aides de camp. Tous ces officiers seront nommés tous les deux ans par l'assemblée générale.
Le général donnera le mot qu'il fera passer aux capitaines de garde dans chacun des soixante districts.
Chaque district aura deux ou trois corps de garde, composés chacun de 25 hommes. Ces corps
de garde feront faire des patrouilles la nuit, mais non pas le jour. .
En été, il y aura des revues générales et on exercera la jeunesse au port d'armes.
Chaque chef de famille ou personne connue sera tenu d'avoir une armure complète; savoir : un fusil avec sa baïonnette, de la poudre, du plomb, des balles et une épée.
Le district aura des armes pour les jeunes gens à qui on n'oserait en confier.
Chaque district aura au moins une pièce de canon..
On aura d'ailleurs un corps de soldats gui seront comme les vestmen à Londres, c'est-à-dire, qu'un de ces soldats sera posté le soir dans les rues, toutes les cent ou cent cinquante toises.
Il sera armé seulement d'une longue pique, dont l'extrémité sera surmontée d'une fleur de lys en laiton, ayant les angles bien arrondis.
Ces soldats, dans les cas urgents, seront armés de fusils déposés à l'hôtel de ville et aux districts. Quelques-uns de ces soldats seront canonniers. Dans ce moment, les soldats des gardes françaises qui ont montré tant de patriotisme, et à qui nous avons de si grandes obligations, les soldats du guet et les autres qui se sont associés aux milices bourgeoises, composeront ce corps.
Ces soldats feront la garde des spectacles. Ils seront divisés dans les différents districts, ;dont ils recevront les ordres.
On laissera beaucoup d'autorité aux districts et peu au général, crainte que, s'il était gagné par la cour, la milice bourgeoise ne devînt bientôt entre ses mains une nouvelle arme pour le despotisme. Au reste, ce général, sera toujours subordonné au maire, au comité des milices bourgeoises, au petit conseil et au conseil général.
II. —' Comité de police.
Le comité de police sera chargé de tout ce vaste département. Le maire et le vice-maire de ce comité feront les fonctions de lieutenant de police, qui demeure supprimé.
Les présidents et vice-présidents de chaque district feront les fonctions de juges de paix, ou de commissaires de quartiers (qui seront supprimés) ; il y aura par conséquent toujours au district un de ces messieurs et un secrétaire pour recevoir les plaintes, et ils prononceront devant le public.
Le jugement, prononcé par le juge de paix, sera aussitôt communiqué au comité général de police, pour qu'il le confirme ou le casse, et ce comité prononcera en dernier ressort sur tous les cas de police, en se faisant assister par des jurés, s'il est nécessaire.
Enfin, dans les crimes capitaux, le criminel sera renvoyé aux cours de justice pour y être jugé par ses pairs.
On pourra diviser ce département en plusieurs branches, telles que les pavés, les illuminations, les spectacles, etc.
Tout l'espionnage de l'ancienne police sera supprimé.
III. — Comité de subsistance.
Ce comité, présidé par le maire et le vice-maire, aura l'inspection sur toutes les choses nécessaires à l'approvisionnement de Paris : tels sont : 1° les grains ; 2° les vins ; 3° les bestiaux, volailles, etc; 4° les bois, les charbons, les tourbes, etc; 5° les fourrages ; 6° les matériaux de construction, etc. Ce comité suivra dans ces premiers moments
les anciens renseignements. Mais il devra prendre des précautions assurées pour que la capitale ait toujours des provisions de bouche, surtout des grains, au moins pour trois mois.
IV. Comité pour les hôpitaux•
Ce département, si mal régi aujourd'hui, a besoin d'une surveillance qui réponde à l'utilité de son objet. Le comité aura donc l'activité la plus soutenue.
Il faudra premièrement solliciter la construction des hôpitaux projetés.
Les enfants trouvés méritent un soin particulier. Ceux qui sont amoncelés à la Pitié devraient être distribués dans les provinces.
Ce comité s'occupera encore spécialement des pauvres. Ainsi, dans chaque paroisse, il conférera avec MM. les curés et les membres du district, pour prendre les moyens les plus efficaces de subvenir aux besoins des indigents. Le-meilleur sera de leur fournir des ouvrages proportionnés à leurs forces, s'ils sont en état de travailler; et, lorsqu'ils ne le pourront plus, on leur donnera des vivres.
On mettra, en conséquence, une taxe pour les pauvres. Mais on évitera de tomber dans les mêmes inconvénients qu'en Angleterre.
V. Comité pour les maisons de force.
Les maisons de force doivent être surveillées avec soin. Personne n'ignore les malversations qu'y commettent les proposés.
Bicêtre, la Salpétrière, le dépôt de Saint-Denis, etc, doivent étré supprimés en partie. On enverra dans les villes fortes, dans les ports, etc, les personnes condamnées aux travaux publics.
Les vieillards infirmes, indigents, rentrent dans la classe des pauvres dont nous venons de parler.
Enfin, les femmes prostituées doivent jouir comme citoyennes de leur liberté. On ne les renfermera que pour les faire guérir lorsqu'elles seront malades. L'arbitraire doit être exclu ici comme ailleurs. Elles ne peuvent être enfermées à Londres qu'environ deux mois.
VI. Comité pour les postes.
Ce comité veillera à la sûreté des lettres.
Il aura les clefs des boites aux lettres et fera faire les paquets devant lui. Il recevra les lettres des provinces et les distribuera aux facteurs, qui les porteront dans la ville.
L'intendance générale des postes doit être supprimée. Le maire de Paris et le vice-maire de çe comité en feront les fonctions.
VII. Comité pour tes loteries.
La suppression des loteries est demandée par tous les bons citoyèns. Mais en attendant il faut qu'une police surveillante y préside.C'est ce que fera un comité établi à cet effet.
Le maire fera tirer ces loteries, ou en son absence, le vice-maire de ce comité.
VIII. Comité pour les revenus de la ville.
Les revenus de la ville sont, suivant le public, fort mal administrés. Le comité de cette partie devra donc y apporter le plus grand soin. Il rendra ses comptes tous les ans à l'assemblée
générale des citoyens, et les comptes seront imprimés.
IX. Comité pour les embellissements et les choses publiques.
Tous les ans on destine une certaine somme des revenus publics, à l'embellissement de la ville, et aux choses qui peuvent lui être utiles. Cette partie doit être confiée à un comité, composé principalement d'artistes habiles et de citoyens.
il ne décidera aucun objet important sans avoir communiqué au public ses plans et projets par la voie de l'impression, et chaque district donnera son avis.
X. Comité pour les études.
Les études sont en général extrêmement négligées en France; aussi se propose-t-on de les réformer. On pourrait donc établir un comité qui surveillerait : 1° l'éducation publique et les études et les collèges; 2° les écoles de droit, de médecine et de chirurgie; 3° les académies, les arts, etc.
Ce coniité serait chargé de tout ce qui concerne la librairie et l'impression des ouvrages. Tous les censeurs seront supprimés.
Chaque comité publiera ses comptes et fera connaître ce qu'il aura fait dans l'année.
Si on trouvait trop considérable le nombre de ces comités, on pourrait attribuer au comité des hôpitaux l'administration des maisons de force.
Les études étant une fois bien réglées, ce comité pourrait peut-être être supprimé; une surveillance générale suffirait.
Enfin, 1 administration des postes et des loteries pourrait se faire concurremment avec le gouvernement, et pour lors, il ne faudrait peut-être pas que le comité de la ville fût aussi nombreux. Mais quant aux autres parties, les comités sont absolument nécessaires, et il existe déjà des administrations qui les représentent.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
, député de la Rochelle, observe que les réclamations des députés d'Aunis, relativement à la division de cette province et à sa réunion à la Saintonge, ne sont pas insérées au procès-verbal : il demande qu'elles y soient mentionnées.
, député de Nantes, appuie la motion en faisant remarquer qu'il est convenable de constater l'exactitude des députés vis-à-vis de leurs commettants.
rappelle à l'Assemblée que, dans une circonstance semblable, elle a décidé qu'on
consulte l'Assemblée, qui déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses d'adhésion et de dévouement de plusieurs villes et communautés dont la teneur suit ;
Procès-verbal de formation et prestation de serment de la milice nationale à Luciana en Corse, avec proclamation de Paoli pour colonel général. Il y a des oppositions à l'admission de quelques citoyens; ceux qui ont été exclus forment des réclamations.
Adresse de félicitations et dévouement de la garde nationale de la ville de Limoges; elle supplie l'Assemblée d'ordonner que le règlement qu'elle s'est formé, soit exécuté jusqu'à ce que la constitution ait organisé les milices nationales, et elle offre un almanach par lequel on voit qu'au moment dé son organisation, elle délibéra de consacrer son zèle et toutes ses forces.
Adresse des habitants du Haut-Quercy, qui adhèrent aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique ; ils la supplient de s'occuper de la formation des lois interprétatives des décrèts du 4 août et jours suivants.
Délibération des communauté^ de Villar et Saint-Genest-Lerpt en Forez, contenant l'offre du moins-imposé au profit des anciens taillables, et de vives réclamations relativement à des mines de charbbn.
Délibération de la ville de Revel et de 16 com-' munautés en Languedoc, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et demande de l'établissement d'une assemblée de département et d'un tribunal supérieur dans la ville de Castres ; la communauté de Yénes demande d'être chef-lieu de canton, et celle de Viane et la ville de Revel d'être chefs-lieux de district.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-Ëtienne en Forez, qui annoncent que les déclarations, relatives à la contribution patriotique, s'élèvent déjà à la somme de 110,085 livres, que les dons patriotiques en argenterie consistent en 219 marcs 6 onces et 6 deniers, et en effets d'or, 1 onces 12 deniers ètl2i grains.
Délibération de la communauté de Piriac en Bretagne, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée, et demande de l'établissement de différents tribunaux de la ville de Guérande.
Adresse d'adhésion et de dévouement de la communauté de Lonzac, sénéchaussée d'Uzerche en Limosin ; les habitants promettent d'exécuter avec respect les lois émanées de l'Assemblée, et de s ensevelir avec les bons Français sous les ruines de la France, plutôt que de vivre dans la honte et dans l'oppression ; ils demandent de continuer à être soumis à la juridiction de l'antique sénéchal d'Uzerche, connaissant les lumières et l'intégrité des membres qui composent oe tribunal.
Adresse de la viguerie royale de la ville de Cahors, qui offre de rendre la justice gratuitement.
Adresse d'adhésion et de dévouement du conseil d'administration et de la milice nationale de , la ville de Lons-le-Saunier en Franche-Comté ; ils ont juré de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour maintenir l'attachement dû
au meilleur des rois, et le respect que méritent les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la milice citoyenne de la ville de Lille en Flandre.
Adresses de félicitatibns, remerciements et adhésion de la ville de Luzarche, de celle de Lambale, et de celle de Treignac en Bas-Limo-sin.
Adresses du même genre de la ville d'Anfet et de celle d'Aurillacen Auvergne ; elles demandent d'être chef-lieu de district et le siège d'une justice royale.
Adresse de la garde nationale de Mohtolieu en Languedoc, qui exprime à l'Assemblée nationale les sentiments de la plus vive reconnaissance sur la satisfaction qu'elle lui a témoignée au sujet du secours qu'elle avait porté à une ville voisiné.
Lettre sur un pareil sujet de la ville de Car-cassonne en Languedoc, contenant de plus les expressions de sa reconnaissance envers M. le comte de Périgord, commandant en chef dans la province-, et envers le régiment de Noailles, en garnison à Garcassonne, successivement commandé par M. le baron de Gallilet et le commam* dant de Saint-Priest, dont le zèle à contribué, de la manière la plus heureuse, au maintien de là paix publique; la même lettre accompagne une adresse de la même ville, qui renouvelle les assurances de son adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et manifeste son vœu pour l'établissement d'une cour souveraine dans chaque département.
Adresse des jeunes élèves de l'école de Sorèze, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement, dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Adresse de la municipalité d'Âjaccio en Corse, qui dépeint les transports d'allégresse et de reconnaissance des habitants, dès qu'ils ont appris que' la Corse faisait partie de l'empire français ; ils ont fait le serment solennel de sacrifier leurs fortunes et leurs vies pour la défense de la nouvelle constitution, et pour l'exécution des ordres suprêmes de notre glorieux monarque, chef de la nation. L'adresse est ainsi conçue :
Du mardi 22 décembre 1789. MM. Jean-Baptiste Tortoroli, Podestà, Paul-Félix Péraldi et Jean-Baptiste Barbieri, père du commun, officiers municipaux de la ville d'Ajaccio, capitale d'au-delà des monts de l'Ile de Corse, s'étant assemblés en conseil en l'hôtel de ville, pénétrés de joie et de reconnaissance pour Pheu'reuse nouvelle que le dernier courrier a apportée, que par décret de l'auguste Assemblée nationale, la Corse a été déclarée partie intégrante de la monarcnie française, ont unanimement délibéré et arrêté que ce jour, 26 de ce mois, il sera chanté un Te deum ; que cette solennité sera faite avec la plus grande cérémoniè ; que M. l'é-» yêque, le chapitre et le clergé y seront invités ; que le cqmmandant de la place, la justice royale et les.différents corps de la garnison et administration seront priés d'y assister et que les officiers municipaux s'y trouveront en habit de cérémonie: que lorsque le Te deum se chaulera, toutes les cloches des différentes églises sonneront et que l'on tirera le canon.
Qu'après la bénédiction il y aura tfn feu de joie sur la grande place qui sera allumé par M. le commandant et par les o/ficiers munici-Daux; qu'au-dessus de l'arbre dudit feu de joie, il y aura un pavillon, qui d'un côté portera
trois écussons formant un cœur : celui de la droite portera les armes de France, celui de la gauche celles de Corse et au pied les armes de la ville; plus bas cette inscription portant: égalité et fraternité : de l'autre part, ce pavillon aura une inscription portant : vive la nation, vive notre roi, le roi des Français et VAssemblée nationale, et que le môme jour il y aura illumination générale dans toute la ville et faubourgs d'Ajsccio ; que M. le président de l'Assemblée nationale sera supplié de présenter à cet auguste Sénat les sentiments généraux des habitants de cette ville, de leur respectueuse reconnaissance, de leur fidélité et de leur soumission à la loi constitutionnelle ; qu'enfin cette délibération sera communiquée aux différentes communautés des quatre provinces d'au-delà des monts, afin qu'elles puissent se réunir à nos sentiments de la plus vive allégresse.
Après la lecture des adresses, plusieurs membres font l'annonce des dons patriotiques dans l'ordre qui suit à
, fils, député de la ville de Forcal-quier, offre, de la part des habitants de cette ville, un don de 140 marcs de vaisselle d'argent, produisant une somme de 7,000 livres et plus.
, député de Toul présente, à la suite d'une adresse respectueuse et unanime des citoyens de cette ville, un don patriotique de 128 marcs d'argent.
, député de la sénéchaussée d'Agé-nois offre, au nom delà ville de Villeneuve, la somme de 2,549 livres 14 sols, provenant des boucles, bijoux, vaisselle et argenterie d'églises de cette ville.
, député de Château-Thierry fait l'offre d'un contrat de 20 livres de rentes viagères et de deux années d'arrérages, de la part d'un particulier de la ville de Paris, qui a désiré n'étré point nommé.
Enfin, M. l'abbé Sofflot, simple vicaire auprès de Saint-Germain, fait l'offrande de ses boucles et du quintuple de sa contribution patriotique, évaluée à 48 livres, en prévenant l'Assemblée qu'il est né dans le pays de Luxembourg, mais qu'il porte le patriotisme français au fond de son cœdr, qu'il mérite et qu'il demande d'être compté au nombre des citoyens de cet empire, et sa prière est favorablement accueillie.
, député de Besançon a parlé pour que l'Assemblée nationale accordât à M. 1 abbé de Mandres, auteur et donateur du privilège de la machine déposée dans la salle, un témoignage avantageuxquidétermihe le pouvoir exécutif à lui accorder une indemnité convenable des dépenses qu'il n'a cessé de faire pour le bien public, et la demande est agréée.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements.
, organe du comité de constitution, expose les réclamations de la ville de Clamecy qui a d» mandé à être réunieàAuxerreet ensuite a Nevers. Le rapporteur ajoute :
C'est véritablement une maladie momentanée que celle qui affecte aujourd'hui plusieurs villes et plusieurs cantons de croire que la nouvelle divi-
sion du royaume va élever des murs de séparation entre les villes et les départements, entre les campagnes et les cités, entre les hommes et les hommes. Que quand on a un département, on ne pfturra av ir rien de commun avec un autre, et c'est ainsi que l'intérêt particulier s'isole, se tourmente et nuit à l'harmonie générale, L'esprit public qui va naître effacera ces préjugés et votre comité ne doute point que la ville de Clamecy, mieux éclairée sur ses intérêts, applaudira au décret que le comité propose et qui a pour effet d'unir cette ville au département du Nivernais.
Je demande ie renvoi de cette affaire à un autre jour. La ville de Clamecy a fait partir un nouvel envoyé ; il faut qu'il ait le temps d'arriver et d'être entendu.
L'ajournement est inutile puisque les envoyés spéciaux de la ville ont déjà présenté leurs observations et que les députés sont d'accord avec le comité de constitution.
L'Assemblée décide que la ville de Clamecy sera réunie au département du Nivernais.
poursuit son rapport.
La principauté d'Orange réclamait un département pour elle seule; elle alléguait son ancienne indépendance, ses habitudes, et la difficulté de s'identifier avec le Dauphiné, auquel on voulait la réunir; mais l'Assemblée a jugé qu'un pays aussi peu Considérable ne pouvait former qu'un district. Cependant on lui a laissé le choix du département auquel il pourrait s'associer; il pourra donc opter entre celui du Dauphiné ou celui de Provence qui l'avoisinent,
Une autre difficulté est soumise à là décision de l'Assemblée. Le Forez, ou du moins quelques-uns de ses députés, se sont opposés jusqu'à présent à ce que la province fût réunie en un département avec le Lyonnais et le Beaujolais. Cette prétention paraissait d'autant plus extraordinaire, que ces jrois provinces ont depuis longtemps des relations étroites, ne formant qu'une même généralité. M. Dehndine, pour empêcher la réunion a surtout allégué les dettes immenses que la ville de Lyon a contractées, et qu'il ne convient pas de faire partager aux autres portions du département. Malgré ces raisons, 1*Assemblée décide :
Que le Forez, le Beaujolais et le Lyonnais, ne pourront former qu'un seul département.
D'autres difficultés, élevées sur la Lorraine et pays circon voisins, ont été également aplanies, il a été décrété :
Que la Lorraine, les Trois-Evêchés et le Barrois formeront quatre départements.
Une discussion plus longue s'élève par rapport à l'Alsace. On propose de statuer, non-seulement sur les départements à y former, mais sur les prétentions des princes allemands qui ont des terres dans cette province. Il s'agit de savoir si Ces terres seraient enveloppées dans la division du royaume. On cite les prétentious de deux villes impériales pour être chefs-lieux dedistricts. On cite les traités et le droit des gens en faveur des princes allemands.
Ces réclamations ne sont fondées que sur des traités arrachés par la faveur et désavoués par le peuple, qui n'en a jamais été que la victime.
D'après ces diverses observations, il est décrété:
Que l'Alsace sera divisée en deux départements dont Strasbourg et Golmar seraient les chefe-lieux :
Que le département de Strasbourg sera subdivisé en trois districts, et celui de Golmar en quatre ;
Que les terres des princes allemands,possédées en souveraineté par la France, seront comprises dans la division des districts ;
Que Landau, enclavé dans le Palatinat, aura une justice particulière;
Que la question sur les réclamations des princes allemands reste ajournée.
Quant à .ce dernier objet, le comité de féodalité observe qu'il attend des renseignements qu'il a demandés aux princes réclamants.
fait un rapport fort court, où il propose que Paris fasse à lui seul un département, avec sa banlieue de trois lieues de rayon au plus, à partir du parvis de Notre-Dame.
propose de confiner cette banlieue à la première porte.
Paris paye 70 millions d'impositions ; et, ce qui est extraordinaire, c'est que sur une population de sept cent mille habitants, chacun, l'un portant l'autre, paye 110 livres. Mais ces impositions se payent sur les consommations; si la banlieue était trop, resserrée, la contrebande, qui monte à 12 millions^ irait à 20. Il convient surtout d'y renfermer le village de Sceaux. Je demande que la banlieue soit portée à trois lieues de rayon.
Il suffirait de donner, au-delà des murs, deux lieues et demie, à cause des irrégularités.
propose de porter la banlieue à trois mille toises au-delà de ses murs.
Le projet du comité passe à une grande pluralité, et ilest décidé :
« Que la ville de Paris formerait à elle seule un département avec sa banlieue, de trois lieues de rayon au plus, à partir du parvis Notre-Dame. »
L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures.
, député de Flandre, demande que la ville de Lille soit autorisée à faire un emprunt de 500,000 livres, pour fournir aux approvisionnements de grains qui ont été faits pour procurer la subsistance aux pauvres.
Plusieurs autres membres forment aussi des demandes tendant à autoriser des villes à faire des emprunt^pour le même sujet.
Un membre demande le renvoi de ces objets au pouvoir exécutif; ce qui n'est pas appuyé.
réclame l'ajournement de cétte motion jusqu'à ce que les municipalités soient établies.
vient à l'appui de cette motion. Il fait pressentir les dangers de cet emprunt ; il rappelle un bruit répandu depuis longtemps sur les dispositions de quelques personnes de cette ville. G est un foyer qui concentre les efforts des
ennemis delà révolution. C'est du milieu d'une ville qui renferme tant de bons patriotes, que les ennemis du bien public lancent leurs traits envenimés.
convient que la municipalité de cette ville a fait tout ce qui a dépendu d'elle pour éloigner la misère ; qu'elle a acheté les grains chèrement, et qu'elle les a vendus à bas prix; que la pénurie qu'elle éprouve vient de sa bienfaisance; mais que l'emprunt ne doit pas être autorisé malgré toutes ces raisons; que cette municipalité a été nommée par l'intendant; qu'elle n'a pas les pouvoirs du peuple, qu'elle est expirante ; qu'il ne faut pas lui laisser la faculté de faire un emprunt si considérable; qu'il vaut mieux le laisser effectuer par la municipalité qui va être élue par le peuple, puisque sa formation n'est pas éloignée.
, dit que la ville de Lille est en position de faire supporter à la province la moitié des contributions que ses emprunts nécessitent : il n'est pas de la ville ; il craint de supporter les frais de remboursement.
Unautre membre oppose à l'emprunt des raisons plus puissantes : il craint qu'il ne serve d'aliment aux ennemis de la révolution.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.
La séance est levée à quatre heures.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, ANCIEN PRÉSIDENT.
Séance du
, ancien président, ouvre la séance en annonçant que la santé de M. l'abbé de Montesquiou ne lui permettant pas d'occuper le fauteuil, il remplit sa place.
, l'un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal. Il ne s'élève pas de contestation sur son adoption.
, curé de Cergy, un autre de MM. les secrétaires, fait lecture des adresses suivantes :
Adresse d'adhésion de la communauté de Si-guer en Foix ; elle porte plainte contre l'intendant de la province.
Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Roche-Bernard; il dénonce une insurrection scandaleuse arrivée dans cette ville le 3 du présent mois, et instruit des mesures qu'il a prises pour en arrêter les suites.
Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Toulouse, qui supplient l'Assemblée d'agréer le .projet qu'ils ont formé de l'établissement d'une institution publique et gratuite en faveur de la jeunesse qui se destine pour les armes et pour la marine, ayant pour titre : Ecole nationale et patriotique.
Adresse du comité permanent de la ville de Quimperen Bretagne, qui se plaiut amèrement de
la résistance opiniâtre du parlement de Bretagne, et de l'inexactitude et même de la
partialité
Adresse de félicitations, adhésion et dévouement de la ville de Neuf-Brisack en Alsace; elle fait le don de la somme de 1200 livres, et demande l'établissement d'une assemblée de-district ou de département, d'une justice royale et d'un collège.
Adresse du même genre de la communauté du Pont de Lempde en Auvergne ; elle demande rétablissement d'un tribunal supérieur dans la ville de Glermont-Ferrand.
Adresse du même genre de la communauté de Laissac en Rouergue; elle demande l'établissement d'une cour suprême dans la ville de Rodhez.
Adresse du même genre de la ville de PradelleS en Vivarais; elle ^demande la conservation du couvent des religieuses de Notre-Dame établi dans son sein.
Adresse du même genre de la communauté de Trémola en Périgord. Indépendamment de la contribution patriotique, elle fait don de la taxe sur les ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre de la ville de Montes-quiou-Volyestre ; elle fait le don patriotique de 1 argenterie et de l'argent monnayé appartenant à l'église Notre-Dame de cette ville, et d'un buste d'argent appartenant à la confrairie de la trinité; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la ville de Gremieu en Dauphiné; elle fait le, don patriotique d'un contrat de constitution de pente au capital de près de 700 livres.
Adresse du même genre de la communauté de Soie en Franche-Comté, présentée par M. Glerget, député d'Amont; elle remercie surtout l'Assemblée de l'avoir délivrée de la servitude mainmor-table et des dîmes excessives dont elle était grevée; elle fait le don patriotique de la somme de 1000 livres à prendre sur le produit de la vente d'un bois.
Adresse du même genre de la communauté de Sommautre en Champagne. Quoique dans un état de misère et de pauvreté, elle fait le don patriotique de la somme de 1800 livres, qui excède le quart de ses revenus, et offre de placer dans le dernier emprunt le restant du produitde la vente du quart en réserve de ses bois communaux, ainsi que la somme d'environ 10,000 livres qui lui revient du prix de quatre cents chênes vendus dans lesdits bois.
Adresse du cabinet littéraire-national de la ville de Nancy, composé de plusieurs citoyens qui se sont réunis pour étudier la constitution et la législation des Français, se pénétrer de la sagesse des décrets de l'Assemblée nationale, et se mettre en état de servir* la patrie de tout leur zèle et de leurs lumières; ils supplient l'Assemblée d'approuver leur règlement.
Adresse de la ville de Forcalquier en Provence, qui, en sus de la contribution patriotique du quart dont les déclarations seront bientôt achevées, fait le don patriotique d'environ 140 marcs d'argent qu'elle a envoyés à l'hôtel des Monnaies delà ville de Marseille.
Adresse du comité municipal de la ville de Laigle, qui annonce qu'en exécution des décrets de l'Assemblée, les habitants, dans une assemblée générale, ont unanimement voté le rétablissement dés droits de la régie et des employés, et que la séance a été terminée par des cris "redoublés de vive la nation et vive le roi.
Adressé de félicitations, adhésion et dévoue ment de la ville et communauté de Lugeac.
Adresse du môme genre de la ville de Montfort en Bretagne; elle accepte avec empressement et reconnaissance les propositions de plusieurs Villes de la province, de se réunir et former une confédération pour faire exécuter les décrets de l'Assemblée acceptés ou sanctionnés par Sa Majesté, et maintenir l'ordre et la tranquillité publique.
Adresse du même genre de la ville de Fougères en Bretagne; elle fait des observations sur la liberté des nègres de nos colonies d'après les informations les plus exactes : elle pense que la liberté actuelle des nègres serait un bienfait dangereux pour eux-mêmes, pour les colons et pour la mère-patrie.
Adresses du même genre du bourg d'Estrepa-gny et de la ville d'Angerville-la-Gate. Cette dernière demande d'être comprise dans le district à établir à Etampes, et le bourg d'Estrepagny demande d'être chef-Jieu de district et le siège d'une justice royale.
On fait ensuite l'annonce des dons patriotiques suivants : 1 ;
1° Adresse des cochers de place de Paris, qui font le don patriotique de la somme de 48 livres.
2° Un député extraordinaire de la ville . de Saint-Jean-de-Losne a offert, au nom du cq-mité général de la même ville, une grande croix d'argent, l'enveloppe de son bâton, un bénitier et son goupillon, des images de Saint Jean, Saint Ives et Saint Nicolas, le tout en argent, assurant que le surplus de l'argenterie inutile au culte divin, sera également envoyé.
3° Adresse des sieurs Massard et de Jabin de Paris, qui ont entrepris une collection des portraits contenant la gravure de chacun, des membres de l'Assemblée; ils font hommage de deux livraisons, et promettent de remettre aux archives de l'Assemblée les livraisons suivantes jusqu'à parfaite collection.
4°
, député de la ville de Sainte-Ménehould, offre, au nom du comité de la même ville et de,l'élection, un don patriotique de la somme de 3,777 livres 3.deniers, tant en argent qu'en argenterie, savoir : 200 livres de la "communanté de Berzieux: 400 livres de celle de Courtemont; 255 livres 5 sols'de Domartin-sous-Hams; 20 marcs, 3 gros d'argenterie des religieux bénédictins de l'abbaye de Moiremont; 6 marcs, 3 gros et demi de M. Godart, curé de Villers en Argonne, et le surplus provenant de la libéralité de toutes les classes de citoyens tant de la ville que de l'élection.
réclame la parole. Sur sa demande l'Assemblée ordonne que son président écrira aux habitants de la ville de Boulogne en Gom-minges, pour leur témoigner sa satisfaction du don patriotique de 8,000 livres qu'ils ont offert à la patrie, et de l'attachement qu'ils ont voué à la Constitution.
Ensuite on fait lecture d'une adresse du district des prémontrés, qui adhère à tous les décrets, et prie l'Assemblée de s'occuper incessamment de l'organisation de la municipalité de Paris.
On lit aussi une adresse du district de Saint-Roch, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée.
fait part que M. Brostaret député de Nérac, demande, pour raison de
ganté, la permission de s'absenter pour un mois. L'Assemblée la lui accorde.
dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à rem-)î»rer M. Dupré de Balay, député de Verdun, qui a donne dC. ^émission.
fait part de la démission de M. Vanden-Bavière, curé de Terdegbam, député de Bailleul.
, desservant la cure de Mardykso, dont les pouvoirs sont en règle, est admis à le remplacer.
, député de Bailleul, propose de traduire en langue flamande ! l'instruction sur la nouvelle formation des municipalités du royaume, et de la faire imprimer en deux colonnes, le français d'un côté et le flamand de l'autre, pour être envoyée dans la Flandre. L'Assemblée a approuvé sa proposition, l'autorise à l'exécuter.
Elle décrète aussi que l'instruction sur la nouvelle formation des municipalités, sera traduite en allemand pour être envoyée en Alsace et dans la Lorraine^Allemande.
Votre comité de la marine demande à faire un rapport sur le mémoire du ministre de la marine concernant Vadministration des ports et arsenaux qui lui a été renvoyé le 9 de ce mois. Je donne la parole à un des membres du comité.
, député de la Guadeloupe, membre du comité de la marine (1). Messieurs, votre comité de la marine s'est occupé d'après vos ordres, de l'examen des pièces dont vous avez entendu la lecture. Pénétré de l'importance des questions qu'elles présentent, et voulant en approfondir tous les rapports, il a cru devoir interroger le ministre de la marine, sur les détails et les preuves qui pouvaient conduire à des conséquences utiles. Les ordres, donnés par ce ministre, ont été exécutés avec la plus grande célérité, par les différents chefs de son département; et votre comité a pu, dans un court espace de temps, déterminer son opinion sur les intérêts majeurs qui sollicitent de votre sagesse une décision prompte.
Quoique vous ayez décrété, Messieurs, que le pouvoir exécutif réside en la personne du roi ; quoique ce décret, fondé sur les principes les plus politiques et les plus respectables, ait été promulgué dans tout le royaume, jamais l'administration de la marine n'éprouva plus d'entraves, que depuis cette époque mémorable: tant le souvenir des anciens abus, et la méfiance ouverte qui en est la suite, entraînent les esprits, vers le goût des innovations; par cela même qu'une innovation attaque le régime dont quelques agents de l'autorité avaient osé abuser.
Mais lorsqu'un établissement particulier, formé sous ce régime, au lieu d'être vicieux, se
trouve le seul qui puisse s'accorder avec de véritables principes d'économie; quand il ne
blesse en rien les droits des citoyens ; quand sa conversation est nécessitée par les besoins
d'une administra-
On réclame, dans les grands ports du royaume, contre les marchés à entreprise; et à Brest, contre le marché des hôpitaux, accordé aux sœurs de la sagesse.
Votre comité a examiné séparément ces réclamations ainsi qu'il va vous en rendre compte.
Les entreprises des ports ont été essayées, depuis la fin de la dernière guerre, à l'exemple de ce qui se fait dans les ports étrangers et dans nos ports de commerce. C'était la seule manière de diminuer les frais de main-d'œuvre, sans exciter des murmures. On dressa, on fit imprimer des états de détails de chaque espèce d'ouvrages; et lorsque l'expérience eut appris à counaître leurs différents prix, on proposa aux ouvriers de s'en chargera ces nouvelles conditions: bientôt l'espoir du gain redoubla leur activité e! leur industrie. Ils calculèrent qu'un meilleur emploi de leur temps pouvait augmenter leurs profits, et la concurrence se joignant à l'appréciation du salaire qu ils devaient raisonnablement attendre, ils proposèrent eux-mêmes des rabais qui, dans quelques ports, et pour certains objets, ont déjà réduit d'environ un tiers cette espèce de main-d'œuvre. ,
Il est nécessaire d'observer ici que quelques ouvrages sont entrepris par des compagnies d'ouvriers qui forment leur atelier et alors ces entreprises ne sont effectivement que des taxes d'ouvrages à la pièce. Mais, dans tous les cas, on paye les journées ; et à la livraison des travaux, il se trouve presque toujours un bénéfice assez considérable, qui est réparti entre les ouvriers.
Cette administration doit successivement amener l'économie, éveiller l'industrie et procurer une grande célérité uans l'exécution des travaux. Mais ce sont ces motifs mêmes, qui la font redouter par ceux auxquels le défaut de talents et d'activité ôte l'espoir d'en profiter ; et malheureusement le nombre en est trop considérable. Aussi craignent-ils qu'à la suite d'u ie longue paix les ouvrages ne présentent plus assez d'entreprises pour les occuper tous ; et ils demandent que l'administration contracte envers eux l'engagement de les salarier toujours, et qu'en détruisant les marchés à entreprises tous les ouvriers, domiciliés dans les grands ports, y soient constamment employés.
Si vous ne prononciez pas, Messieurs, sur ces prétentions dangereuses, l'administration, qui se trouve sans énergie, par les circonstances des temps, serait obligée de céder. Il faudrait alors résilier tous les marchés à entreprises, et perdre les avantages que quatre ans d'expérience et de soins ont déjà procurés. Il faudrait renoncer à metire à jamais de l'ordre dans cette dépense de la marine; il faudrait plus, il faudrait se résoudre à l'augmenter à l'instant même où tous les ordonnateurs s'occupent, par vos ordres, de porter sur toutes les parties du service l'ordre et l'économie. Bientôt il deviendrait impossible de calculer les bornes des dépenses de main-d'œuvre. Car, tous les ouvriers ayant acquis le droit de se faire occuper, les dépenses ne seraient plus subordonnées iux besoins des travaux, mais à la population di s ports du royaume, qui s'accroi-trait tous les jours au préjudice de celle des ports du commerce.
Des considérations aussi importantes, et qui ne peuvent être balancées par aucune raison solide, ont fait penser à votre comité qu'il est absolument nécessaire que vous prononciez votre vœu sur les entreprises des ports, afin que le pouvoir exécutif n'éprouve plus d'obstacles aux opérations qu'il ordonne d'après vos principes d'économie.
Il n'est pas moins instant, Messieurs, que vous prononciez sur la réclamation des citoyens de Brest contre le marché des hôpitaux, accordé aux sœurs de la sagesse. C'est ici la cause de l'humanité. Elle appartient de droit aux fondateurs de la liberté française.
L'administration de la marine, dégoûtée des régies qui étaient très-coûteuses, n'aurait pu, sans rougir, proposer au rabais l'entreprise des hôpitaux ; mais voulant réduire les frais, sans nuire au secours qu'elle devait à ses malades, elle invita divers ordres hospitaliers à faire des propositions sur cet objet. Les sœurs de la sagesse méritèrent la préférence par les offres qu'elles adressèrent; elles la méritaient déjà parce qu'elles étaient femmes, et qu'elle se dévouaient. Qui ne sait combien les secours de ce sexe intéressant et sensible sont plus Utiles et plus doux aux infortunés qu'il cherche à soulager ?
Elles remplissaient, depuis longtemps, les fonctions respectables auxquelles elles s'étaient vouées, lorsqu'on imagina, pour le bien du service, de réunir à l'entreprise des hôpitaux de Brest une partie qui était restée en régie; celle de la fourniture des médicaments. C'était assimiler les sœurs de la sagesse aux sœurs grises de Ro-chefort et de Toulon. C'était aussi une manière de leur prouver combien l'administration faisait cas de leurs vertueux services.
Elles devaient entrer en exercice de leur nouveau marché, au premier janvier de cette année, lorsqu'on a réclamé contre cette opération. On a soutenu qu'une congrégation hospitalière, qu'on a travestie en ordre religieux, ne devait point avoir l'entreprise des médicaments, qu'elle nuisait aux intérêts de l'Etat et au commerce de la ville de Brest.
D'après les calculs qui ont été mis sous les yeux de votre comité, par les membres du conseil de la marine, et dont il serait inutile de vous présenter les minutieux détails, il résulte qu'en comparant la dépense de l'hôpital de Brest, pendant le3 années précédentes, avec celle qui aurait eu lieu par le nouveau marché, soit eu frais généraux et constants, soit en journées de malades, l'économie se serait élevée à 24,000 livres; et si vous combinez le nombre des lits en temps de gUerre, sur les mêmes rapports et les mêmes bases, vous trouverez une économie de 150,000 livres par an.
Dans tous les cas, les sœurs dë la sagesse ayant l'entreprise du soin et de la nourriture des malades, il était sage et utile de ne point laisser la pharmacie entre les mains de particuliers, dont la régie présentait des inconvénients et un surcroît de dépense. Cependant, l'administration a été obligée de céder aux réclamations qui lui ont été faites. L'exécution du nouveau marché a été suspendue pour faire place à une régie provisoire, beaucoup plus coûteuse, et surtout moins utile.
Tels sont, Messieurs, les objets sur lesquels le Roi a ordonné à son ministre de la marine de consulter votre vœu, de vous présenter des preuves d'économie et des raisons d'humanité. C'est sans
doute consolider des établissements dont l'utilité vous devient évidente. Mais votre comité, chargé par vous, Messieurs, d'approfondir tout ce qui intéresse le département de la marine, et de fouiller les nouveaux fondements de sa régénération, vous doit aussi compte des raisons politiques qui provoquent votre décision.
Les puissances maritimes de l'Europe sont armées d'une manière formidable. Leurs arsenaux sont approvisionnés avec une abondance imposante, et les ordres donnés dans leurs ports sont exécutés avec la plus grande exactitude et la plus aveugle soumission.
Vous n'êtes pas, à beaucoup près, dans une position aussi heureuse : si vous avez en vaisseaux des forces réelles, vous n'avez encore aucune force relative , et les ennemis de la nation pourraient calculer leurs projets sur ces considérations majeures.
Vous avez un grand nombre de matelots, endurcis aux fatigues de la paix, et formés par l'honneur aux dangers de la guerre. Mais plusieurs commencent à ne plus reconnaître cette obéissance passive, sans laquelle le chef, qui commande au nom de Ja loi, ne peut plus répondre d'aucun événement.
Vous avez les meilleurs ouvriers de l'Europe. On cherche à leur persuader qu'ils ne doivent plus travailler qu'à leur profit et à leur fantaisie.
Vous avez encore de grands établissements, susceptibles de grandes économies ; mais toute économie utile au bien général blesse toujours des intérêts particuliers ; et de là naissent tant de plaintes souvent adoptées par la multitude, parce que la multitude en ignore les véritables motifs.
Cet état de choses serait alarmant sans doute , si votre influence sur l'esprit de la nation était moins active et moins fondée en raison ; mais vous pouvez en un instant rétablir l'ordre et la subordination, en consacrant le principe que l'administration des ports et arsenaux est absolument dépendante du pouvoir exécutif: que nul n'a le droit de s'immiscer, et de s'opposer aux ordres émanés de son autorité, sauf la responsabilité du ministre.
Alors, Messieurs, vous assurerez le service ; alors tous les citoyens employés dans les ports, ne pouvant plus douter que l'autorité qui les administre ne dérive essentiellement de vous, concourront avec zèle au maintien de l'ordre public, et regarderont comme un des premiers devoirs de la liberté, le plaisir de se soumettre aux lois que vous aurez dictées.
Par toutes ces raisons, Messieurs, votre comité de la marine a l'honneur de vous proposer le décret suivant :
L'Assemble nationale a décrété et décrète que le pouvoir exécutif suprême, résidant en la personne du Roi, tout ordre émané de l'autorité de Sa Majesté, et tout marché conclu et à conclure en son nom, doivent être exécutés dans les ports et arsenaux, sans opposition quelconque, sauf la responsabilité du ministre de la marine.
je propose un amendement qui consiste à remplacer ces mots : sauf la responsabilité du ministre, par ceux-ci : se réservant l'Assemblée de proposer les règlements et ordonnances qu'elle jugerait nécessaires.
Je demande que les mots : savf
la responsabilité du ministre de la marine, soient accompagnés de la phrase suivante : et la responsabilité de tous les agents qu'emploiera le gouvernement,
J'observe qu'il y a dans la marine deux sortes de travaux, ceux de construction et ceux de radoub ; qu'il faut faire ceux-ci à la journée et ceux-là à l'entreprise ; je demande que l'Assemblée, avant de prendre un parti, s'instruise du genre de travaux qui a donné lieu à l'insurrection des ouvriers.
, député d'Agen. MM. de Fermond et Bouche réclament des réserves et une responsabilité pour lesagents du gouvernement qui sont parfaitement inutiles. L'Assemblée nationale a tous les pouvoirs et n'a donc pas besoin de s'en réserver; quant à la responsabilité des agents du gouvernement, l'Assemblée ne peut y soumettre que les ministres qui ont la surveillance de leurs subalternes. Je conclus en disant qu'il n'y a lieu à délibérer sur les deux amendements.
Je crois qu'au lieu de ces mots : se réservant l'Assemblée, il vaudrait mieux dire : et toujours conformément aux lois que l'Assemblée jugera à propos d'établir.
, député de Brest. Je propose l'amendement suivant :
« Attendu la soumission de la ville de Brest, de procurer un bénéfice de 50,000 livres à la nouvelle entreprise des hôpitaux de la marine de Brest, cette soumission sera publiée et mise à l'adjudication. >
On demande vivement la question préalable sur tous ces amendements.
La question préalable est prononcée.
prononce le décret suivant :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
« Que le pouvoir exécutif suprême résidant en la personne du Roi, tout ordre émané de l'autorité de Sa Majesté, tout marché conclu ou à conclure en son nom, doivent être exécutés dans les ports et arsenaux , sans opposition quelconque , sauf la responsabilité du ministre de la marine. »
fait donner lecture du résultat du scrutin pour l'élection des douze membres destinés à former Je comité des pensions. Voici la liste de ceux qui le composent :
MM. de Montcalm-Gozon.
Camus.
le baron de Wimpfen.
Fréteau.
Treilhard.
Gaulthier de Biauzat.
le baron de Menou.
de Champeaux.
Expilly.
Cottin.
La Révélière de Lépaux.
Goupil de Préfeln.
Voici la liste de ceux qui ont ensuite réuni le plus de suffrages :
MM. Faydel.
Pison du Galland.
MM. Turpin.
Trudon.
La Chèze.
le marquis de Foucauld.
Cortois de Balore, évèque de Nîmes.
Henry de Longuève.
Bouchotte.
Prugoon.
Picquet.
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la division des départements. M. Gossin, rapporteur du comité de constitution, a la parole.
La ville de Lisieux forme la demande d'un sixième département dans la Normandie. Les motifs, dont elle appuie sa demande sont les mêmes que ceux qui ont été condamnés la veille pour la Franche-Comté. Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrête que la division en cinq départements de la province de Normandie subsistera. » ,
Ce décret est adopté.
La ville de Saumur, très-intéressante par sa situation, sa population et ses contributions, demande un département pour le Sauraurois, dont Saumur serait le chef-lieu. Cette demande, suivie avec zèle par les députés à l'Assemblée nationale et par ceux que cette ville a envoyés extraordinairement, n'a pas été adoptée par votre comité à cause des moyens victorieux que l'Anjou a fait valoir d'après les décrets même de l'Assemblée : à tout événement, la ville de Saumur demande l'alternative avec Angers; cette question se décidera lorsqu'il s'agira de ce département. En attendant , je propose de décréter que la ville de Saumur et le Sau-murois feront partie du département d'Anjou.
Cette proposition est adoptée.
La ville de Montluçon prétend que ses intérêts ont toujours été sacrifiés aux deux capitales du Bourbonnais et de la Marche, et que ses habitants ont la plus grande répugnance à entrer avec elles en communauté d'administration. Elle ajoute qu'éloignée de Moulins de quinze lieues,'et de quatorze de Guéret, ce serait violer tous les décrets de l'Assemblée de comprendre Montluçon dans ces départements. Cette ville désire d'en former un par six liéues de territoire du côté de Guéret, de neuf lieues de celui de Moulins, en s'étendant vers le Haut-Berry et la Basse-Auvergne, du côté de Montaigu.
Le comité n'adopte pas cette demande, le territoire du pays de Combrailles et du Bas-Bourbon-nais ne présentant qu'une surface indépendante pour un département qui d'ailleurs dérangerait tous ceux qui sont convenus et limités.
Il paraît convenable que l'Assemblée nationale s'occupe de Montluçon dans la distribution des nouveaux établissements ; mais que, sur la demande d'un département, le comité propose de décréter que la ville de Montluçon sera unie au département du Bourbonnais.
L'avis du comité est adopté.
Il s'agit maintenant de décider si la division en départements de la province de Bre-tague doit être portée à six, selon le vœu des députés extraordinaires de Saint-Malo, ou àcinq seulement, suivant l'opinion de la majorité des députés de la Bretagne,
La Constitution nationale a voulu faire de tous les Français un peuple de frères, leur donner des droits égaux à la chose commune; faire succéder à l'égoïsme l'esprit de justice et d'égalité. C'est pour répartir une surveillance de protection amie des convenances locales, que l'Assemblée a permis de porter les départements depuis soixante-quinze jusqu'à quatre-vingt-cinq: c'est par cette sage précaution que les terres fertiles, que les landes et les montagnes seront administrées et conservées.
La ville de Saint-Malo a fait deux pétitions à l'Assemblée, pour être chef-lieu d'un département, pour jouir d'une administration appropriée à ses besoins, à son commerce important et à la marine nationale. « Quoi de plus absurde, disent les habitants de cette ville, que de réunir sous un même tribunal des hommes qni ne s'entendront pas : Fera-t-on oublier à ceux des deux côtés de la Basse-Bretagne des langues existantes avant la conquête de César? Il leur faudra des interprètes pour transmettre leurs pétitions. »
Les députés de Saint-Malo demandent en conséquence une division en six départements, dont cette ville serait le chef-lieu.
Les députés de la Bretagne, après avoir réfuté ces différents moyens tirés du mélange des idiomes, regardent comme nuisible pour la province la division en six départements.
Les considérations, tirées de la surveillance que donnerait le département de Saiot-Malo contre les ennemis de l'Etat, n'ont pas touché les députés de la Bretagne ; ils ont trouvé qu'elles n'avaient aucun poids, et que les forces de l'Empire agiraient pour la conservation commune.
Le comité, après avoir approfondi les objections des députés de Saint-Malo, applaudit à la division en cinq départements, comme étant le vœu presque unanime de la députation de Bretagne ; en second lieu, parce que six départements seraient trop faibles ; enfin, parce que la province, prévenue du partage en cinq départements, l'a approuvé par des adresses multipliées.
Le comité adopte une division combinée avec sagesse, qui doit, en assurant à jamais une bonne administration dans cette province, récompenser par sa prospérité le patriotisme qui la distingue.
La division en cinq départements est décrétée.
Il s'élève de grandes contestations sur la division de la Basse-Guyenne. MM. de Sèze, Mau-riet de. Flory et Lavenue, combattent cette division ; M. Charles de Lameth et M. d'Aiguillon en demandent l'ajournement.
11 est prononcé.
On allait s'occuper de l'affaire de Toulon ; plusieurs membres en demandent l'ajournement à aujourd'hui.
Je demande qu'on la renvoie après la constitution.
L'Assemblée l'ajourne à la séance de demain, à une heure.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, ANCIEN PRÉSIDENT.
Séance du
Les députés des six corps de Paris présentent à 'Assemblée nationale une adresse concernant l'extrême rareté du numéraire, et les précautions à prendre pour y remédier. Ils observent que tous les négociants et fournisseurs, qui envoient à Paris des denrées ou des marchandises, se plaignent de ce que leurs payements ne se réalisentqu'en billets de caisse ; que ces billets, n'ayant point un cours forcé hors de la capitale, ne peuvent être pour le commerce des provinces des effets négociables ; que par conséquent ces négociants ne peuvent plus acheter ni rapporter à Paris de nouvelles denrées, n'ayant reçu en payement que des billets avec lesquels on ne peut solder le laboureur, ni le fournisseur, ni le manufacturier ; que bientôt Paris, dans cette disette absolue d'espèces, manquerait de subsistance ; que, par un contre-coup très-fâcheux, le négociant de province, n'ayant que des crédits sur Paris dans son actif, serait, au milieu même de son opulence, obligé de suspendre le cours de ses payements, ce qui bouleverserait le commerce et causerait des maux incalculables; qu'il était nécessaire d'imposer aux grandes villes la même obligation qu'à la capitale, de prendre pour comptant les billets de caisse ; que, par un heureux effet, les billets, répandus sur une plus grande surface, seraient moins sensibles dans la circulation, et forceraient par leur plus grande rareté les capitalistes à faire en nature l'émission de leurs deniers.
Les députés proposent le projet de décret suivant:
« Art. 1er. Que la caisse d'escompte sera tenue de convertir en
écus, par chaque jour, jusqu'au 1er juillet 1790, une quantité de billets montant au moins à
300,000 livres, sous l'inspection de quatre commissaires nommés à cet effet, et pris dans la
classe des citoyens autres que des financiers ou banquiers.
« Art. 2. Que toutes personnes, convaincues d'avoir vendu à un bénéfice quelconque le numéraire, en échange des billets de caisse, seront condamnées à 600 livres d'amende, dont un tiers applicable au dénonciateur, et le reste au prolit des pauvres du domicile du coupable.
« Art. 3. Qu'à compter du jour du présent décret, jusqu'au Ie* juillet 1790, tous les billets de caissed'escompteseront pris etreçus dans toutes les caisses publiques des principales villes du royaume conformément au vœu déjà manifesté par quelques grandes villes. »
On demande la question préalable.
L'Assemblée renvoie l'adresse et le projet de décret aux comités des finances et du commerce.
Sur la proposition de M. Duport, il est décpété que le pouvoir exécutif fera traduire dans tous les idiomes de la France les décrets de l'Assemblée nationale.
, au nom du comité des rapports, fait la lecture d'une proclamation du Roi, destinée à arrêter l'exportation des grains, et propose un projet de décret en quatre articles, tendant à introduire la formalité des acquits-à-caution. .
J'observe que cette longue proclamation est inconvenable, et qu'il faut, en adoptant ce qu'il y a d'utile dans les articles projetés, rédiger le tout en forme de décret, et convertir la forme trop fiscale des acquits-à-caution en simples déclarations des négociants aux municipalités.
remarque que le second article de la proclamation pourrait nuire à la circulation intérieure, tn ce qu'il semble étendre à cette circulation la formalité des acquits-à-caution.
D'après une simple lettre, écrite au nom de l'Assemblée par le président, plusieurs villes avaient repris le service des impôts, et montré beaucoup de zèle pour leur recouvrement; il vaut mieux employer un moyen aussi simple, plutôt que de grossir le code réglementaire sur cette partie.
remarquent que cette proclamation est rédigée en forme d'arrêt de propre mouvement; que ces arrêts, prohibés par les décrets de l'Assemblée, ne doivent plus avoir lieu ; qu'il est même étonnant que le premier ministre des finances ait fait proposer, par M. le garde des sceaux, un projet conçu en cette forme.
demandé que M. le président soit immédiatement chargé de le rappeler au premier ministre ; il ajoute que cet arrêt doit tellement être regardé comme un acte législatif, qu'il contient des peines qui ne sont pas infligées par les décrets.
soutient, d'une autre part, que la rédaction du décret lu par le comité est aussi vicieuse, puisqu'elle renferme une invitation au pouvoir exécutif d'ordonner tout ce qui serait nécessaire pour empêcher les exportations.
L'Assemblée renvoie de nouveau la rédaction de ce décret au comité, auquel seront remis tous les amendements, pour le rapport en être fait samedi prochain.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, ANCIEN PRÉSIDENT.
Séance du
, ex-président, ouvre la séance en informant l'Assemblée que la santé de M. l'abbé de Montesquiou, président, quoique en meilleur état, ne lui permet pas encore de présider.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
, qui a été élu membre du comité des pensions, observe que l'Assemblée l'a honoré de sa
conliauce pour plusieurs autres comités et qu'il lui est impossible d'accepter les nouvelles
fonctions auxquelles on a duigné l'appeler.
fait annoncer un don patriotique de la part de M. le président Molé, de ses enfants et des personnes attachées à sa maison ; ce don patriotique consiste en 210 livres et une-paire de boucles.
, l'un de MM. les secrétaires, donne ensuite lecture des adresses d'adhésion et de féli-citation envoyées par différentes villes et communautés, ainsi que plusieurs offres patriotiques, dont la teneur suit :
Délibération de la ville du Puy, capital du Ve-lay, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale ; elle demande à être le chef-lieu de département, et le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la communauté de Cormeilles en Parisis; quoiqu'elle fournisse annuellement près de 100,000 livres à l'Etat, elle annonce que la perception des impôts n'a pas souffert un seul jour d'interruption ; elle demande d'être chef-lieu de canton, et de dépendre du bourg d'Argen-teuil.
Adresse de dévouement de la garde citoyenne de Tours ; elle supplie l'Assemblée d'approuver sa formation.
Délibérations de la communauté de Charnai, en Lyonnais, et de celle de Boissey, en Bresse, qui font offre du moins imposé des anciens tail-lables, et adhèrent avec une respectueuse recon naissance aux décrets de l'Assemblée.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la ville de Villeneuve d'Agenois. Indépendamment de la contribution patriotique du quart dont les déclarations sont déjà faites, elle fait don de la somme de 2,549 liv. 14 s. provenant d'objets de luxe.
Adresse d'adhésion de la municipalité de Vin-cennes ; elle consulte l'Assemblée sur plusieurs difficultés relatives à la répartition de l'impôt sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de M. Dubois de Labernarde, maréchal des camps, qui déclare n'avoir jamais eu, pour toute fortune, que les bienfaits du Roi, accordés à 55 ans de service, et à des services particuliers. Il fait don de la somme de 1621 liv. Ils. qui lui est due sur ses appointements, ce qui excède de beaucoup le quart de son revenu, ainsi que de celui de son fils. Il supplie l'Assemblée de donner des ordres au trésorier général de lui faire passer une quittance, qu'il puisse donner pour comptant au collecteur de sa commune. ] Adresse de félicitation et de dévouement de la I milice nationale de la ville de Saintes.
Délibération de la communauté de Réaumont, en Dauphiné, portant une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée nationale; elle fait le don patriotique de la somme de 547 liv. 16 s. qui lui est due par les Etats du Roi, des intérêts de ce capital, et de tous les reliquats des comptes capi-tulaires, à quelque somme qu'ils puissent arriver: l'ensemble de ce don pourra monter à environ 3,000 livres, indépendamment du quart de ses revenus.
AdresSç du comité permanent et des jeunes volontaires nationaux de la ville de Saint-Brieucen Bretagne, contenant l'expression d'un dévoue-I ment sans bornes pour l'exécution des décrets de ! l'Assemblée nationale, et pour le soutien du trône, I et de l'éclat de la couronne. Ils réclament avec
instance, en faveur des anciens militaires, une récompense honorable et proportionnée à leurs longs services.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des habitants de Saint-Jean-de-Losne ; ils s'engagent de faire tous leurs efforts puur soulager les pauvres et maintenir la paix et la concorde entre les concitoyens.
Adresse du même genre des habitants du bourg de Begrolles en Anjou; ils demandent que leur succursale soit érigée en cure.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné: elle s'élève avec force contre le procès-verbal de la commission intermédiaire des Etats de la province, touchant la nouvelle division du royaume.
Adresse du même genre des communes composant le Val-de-Morteau en Franche-Comté ; ils remercient surtout l'Assemblée de les avoir affranchis à jamais de la servitude main-mortable.
Adresse du même genre de la commune de Saint-Lo en Normandie; elle a voté l'érection d'un monument capable d'éterniser dans ses murs sa reconnaissance; elle a ouvert une caisse patriotique où un grand nombre de corporations et de particuliers ont déposé leurs dons, indépendamment de la contribution du quart de leur revenu.
Adresse du bureau intermédiairè du district de Colmar, du môme genre ; il fait le don patriotique de la somme, de 476 livres 1 s.
Adresses du même genre de la ville de Sche-lestadt en Alsace, de celle de Saint-Paul-de-Léon en Bretagne, et de celle de Jouy-le-Ghâtel en Brie ; elles demandent avec instance d'être chef-lieu de district, et siège d'une justice royale.
Adresse de la municipalité ae la ville de Troyes, qui consulte l'Assemblée sur les difficultés élevées au sujet de la fixation du prix dès journées, exigé par ses décrets pour être citoyen actif.
demande la parole à l'occasion de cette adresse.
Je vous donne la parole.
J'observe que les décrets rendus par l'Assemblée sur cet objet laissent aux municipalités un moyen arbitraire d'enlever à plusieurs citoyens l'exercice des droits de citoyen actif: je connais plusieurs municipalités dans lesquelles cette fixation a déjà été faite à un taux, si haut, que le plus grand nombre des habitants était, par cette fixation, exclu des assemblées primaires ; il y a une municipalité où le prix de la journée de travail a été porté à 50 sous. Cette fixation est évidemment contraire à l'esprit des décrets de l'Assemblée, qui a entendu prendre pour base la journée de travail d'un manœuvre, d'un homme qui n'a que ses bras, sans aucune industrie particulière. Je demande que provisoirement, et par forme de règlement, il soit décidé que la fixation de la journée de travail ne pourra pas avoir une fixation supérieure à 15 sous.
Le comité de constitution, instruit de la fixation exorbitante donnée par quelques municipalités au prix de la journée de travail, s'était déjà occupé des moyens d'arrêter un pareil abus, et le résultat de sa détermination a été de proposer à l'Assemblée de fixer provisoirement le prix de la journée de travail de 10 à 20 sous pour la plus haute fixation. Je demande pareillement
que celte fixation, sans effet rétroactif, n'annule pas les élections déjà faites dans les lieux où elle aurait été supérieure.
J'observe que la variabilité dans le prix des journées, et celle qui arrive dans les monnaies, s'opposent à ce qu'on emploie de pareilles bases, des bases aussi variables par leur nature, dans les décrets constitutionnels qui doivent être invariables dans tous les rapports.
J'insiste pour qu'on ne laisse pas, surtout aux municipalités actuelles, vicieuses dans leur formation, la liberté de fixer le prix de la journée de travail. Il est à craindre que cette autorité ne devienne dans leurs mains un moyen de priver une grande quantité de citoyens de l'exercice de leurs droits ; ce qui d'abord est absolument contraire à l'esprit de la constitution, ce qui ensuite pourrait occasionner des fermentations dangereuses. Je propose de fixer, pour Je moment actuel, le prix de la journée de travail entre 10 à 20 sous, qui est en France le prix moyen des journées de travail, sauf aux législatures suivantes à réformer cette fixation suivant la variation qu'elles peuvent éprouver.
Il est nécessaire d'énoncer dans le décret que l'Assemblée n'entend rien prononcer pour la fixation effective des journées de travail, qui demeureront toujours soumises aux localités et aux circonstances qui en déterminent le prix, afin qu'on n'abuse pas du décret pour faire entendre au peuple que l'Assemblée a voulu réellement fixer le prix des journées.
Plusieurs amendements sont présentés.
J'observe qu'il est nécessaire de déterminer seulement le prix le plus élevé et qu'il est inutile d'exposer les municipalités à des mécontentements populaires.
Voici mon amendement ; « Que la journée de travail soit fixée à la valeur du 25* du prix du septier de blé, mesure de Paris. »
Je crois qu'il faut dire : « La journée de travail n'excédera pas le taux moyen des localités. »
Vous n'avez qu'un seul moyen d'empêcher les discussions dans les municipalités : c'est de fixer les journées à 20 sous.
Je demande que le prix des journées soit fixé à vingt sous pour les campagnes et à trente pour les villes.
On demande la question préalable sur les amendements.
Ensuite on revient à la motion de M. Duportqui subit quelques modifications et le décret suivant est rendu :
L'Assemblée nationale considérant que, forcée d'imposer quelques conditions à la qualité de citoyen actif, elle a dû rendre au peuple ces conditions aussi faciles à remplir qu'il est possible; que le prix de trois journées de travail, exigé pour être citoyen actif, ne doit pas être fixé sur les journées d'industrie, susceptibles de beaucoup de variations, mais sur celles employées au travail de la terre; a décrété provisoirement que, dans la fixation du prix des journées de travail pour être citoyen actif, l'on ne pourra excéder la
somme de vingt sous, sans que cette fixation, qui n'a pour objet que de régler une des conditions des citoyens actifs, puisse rien changer ni rien préjuger relativement au prix effectif plus fort qu'on a coutume de payer les journées dans les divers lieux.
« Décrète que l'on ne pourra recommencer les élections déjà faites, sous prétexte que la fixation du prix de la journée du travail aurait été trop forte.
« L'Assemblée a décrété que le présent décret sera présenté incessamment à la sanction du Roi, et que Sa Majesté sera suppliée de le faire parvenir le plus tôt possible dans toutes les municipalités du royaume. »
lit une note de M. le garde des sceaux, relative aux membres de l'ancienne chambre des vacations du parlement de Rennes. Elle est ainsi conçue :
« Le Roi a fait donner ses ordres aux magistrats du parlement de Rennes, en conséquence du décret de l'Assemblée du 12 de ce mois ; et ils se rendront par-devant l'Assemblée aux jour et heure qu'elle voudra leur indiquer.
« M. le garde des sceaux prie M. le président de vouloir bien l'informer de la résolution qu'elle aura prise.
Signé : l'Arch. de Bordeaux. »
Le
Sur quoi l'Assemblée a décrété que les membres du parlement de Rennes seront reçus à la barre le lendemain à deux heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, rapporteur du comité de constitution, rappelle qu'il s'est élevé de grandes contestations sur le partage de la superficie comprise entre la Saintonge, l'Angoumois, le Périgord, le Quercy,le Languedoc, le Comminges, le Couserans, le Bi-gorre, le Béarn, Je pays des Basques et les côtes occidentales depuis l'embouchure de l'Adour jusqu'à celle de la Gironde. Le comité avait d'abord essayé de concilier tous les intérêts par un premier projet. Voici les principes généraux qu'il avait suivis. L'étendue de ce terrain est de mille cinq cent soixante lieues carrées. 11 y avait donc de quoi former cinq départements de trois cent douze lieues chacun ; mais les rivières couvrant environ vingt lieues de superficie, les lacs en occupant une aussi grande partie et les sables ou laudes formant quarante lieues carrées insusceptibles de culture, cette surface est réduite à mille quatre cent quatre-vingts lieues carrées.
Le comité avait d'abord fait quatre départements :
Armagnac......... 325 lieues.
Chalosse et grande partie des
Landes..........415 —
Agenois et Bazadais..... 385 —
Bordeaux.......... 435 —
Ces dimensions inégales paraissaient d'sbord contrarier les décrets, mais il fallait distraire du département de Bordeaux, la surface de la Gironde et les dunes qui bordent l'Océan. Il fallait distraire de celui de Chalosse et des Landes plus de vingt lieues de côtes inhabitables et quelques terrains réunis à l'Armagnac; il fallait distraire aussi du département de l'Agenois et du Bazadais
quelques portions à réunir à l'Armagnac. C'est d'après ces raisons territoriales, que cinq départements auraient été trop faibles. Cette opération morcelait d'ailleurs les Landes dont la réunion en grande masse est nécessaire à leur prospérité.
Les députés du Marsan et de Tartas se plaignaient de ce que cinq départements entraîneraient la ruine inévitable de leur canton, qui ne résistera ni à l'influence de la Chalosse, ni à celle d'une grande partie de la province dont les intérêts sont contraires à ceux des habitants des Landes. On opposait aussi que si Bazas était chef-lieu de département, il serait à 15 ou 20 lieues de distance des extrémités. On croyait cet inconvénient plus sensible, si le département avait été fixé à La Réole, quoique sa situation soit très-belle et ses édifices publics très-nombreux. Le comité pensait qu'il était nécessaire de réunir Chalosse à une partie des Landes. Cinq départements seraient trop faibles et trois d'entre eux surtout léseraient beaucoup trop. Les Landes seraient morcelées et les peuples seraient très-éloi-gnés de la justice et de l'administration.
C'est d'après ces détails que le comité se réfère à la sagesse de l'Assemblée pour décider s'il faut ordonner la division die la Guyenne en quatre ou en cinq départements.
, député de Bordeaux, soutient la division en quatre départements. Il rapporte que l'assemblée générale des députés de la Guyenne, faite la veille, n'a produit aucun résultat; il lit la délibération de cette réunion qui prouve que la majorité des députés était pour la division en quatre départements.
fait sentir les inconvénients qui résultent de la réunion des peuples dans un département qui sera séparé d'eux par un ileuve aussi considérable que ia Garonne. Il demande que la partie de la Guyenne, qui se trouve entre la mer et ce fleuve, soit divisée de telle manière, que les départements qui seront formés soient limités à la Garonne.
L'Assemblée témoigne le désir d'aller aux voix.
, de Bigorre, demande qu'un membre de chaque sénéchaussée, qui n'a pas encore pris la parole, soit entendu.
Cette proposition est adoptée.
, député de Dax, développe les raisons d'intérêt, d'usage et de localité, qui nécessitent la réunion du pays de Tartas à celui des Landes.
appuie la division en quatre départements.
, député d'Agen, fait sentir avec beaucoup de force l'injustice de la répartition de la taille réelle imposée sur tous les fonds, non en raison de leur produit, mais de leur superficie, de sorte que la terre qui produit le chanvre, n'est pas plus taxée que celle où croît la fougère. Les habitants de l'Agenois, dit-il, ne peuvent espérer la réforme de cet abus vicieux que par l'administration des districts et des départements. Si le système de ceux qui ne veulent pas de département intermédiaire était adopté, le département de l'Agenois, s'étendant depuis Langon jusqu'à Malause, ces villes seraient éloignées de plus de 32 lieues; la population de ce vaste pays fournirait tant d'électeurs que leur nombre étoufferait
la voix des pays montueux, qui perdraient bientôt l'espoir de l'aire entendre Jeurs justes réclamations ; jeme considèredans ce moment comme leur unique représentant et je remplis çe mandat avec d'autant plus de zèle, que je suis moi-même habitant de la plaine.
, député de Bazas, réclame la mise en pratique des principes contenus dans le rapport de M. Bureaux de Pusy.
déclare que ce rapport n'était qu'un simple tracé, tandis que le travail qu'il a présenté est une œuvre combinée par le comité. On demande el l'Assemblée prononce la priorité pour la proposition du comité de constitution.
L'Assemblée décide que la Guyenne sera divisée en quatre départements.
lit ensuite la nomenclature des départements et propose un décret final.
dit qu'il est chargé de demander la conservation de 1administration du Gam-brésis et il insiste pour que du moins le Galaisis, Je Gambrésis et le Hainault soient dénommés dans la formation du département.
propose de joindre au procès-verbal de ce jour : 1° le décret du 22 décembre 1789 concernant la constitution des assemblées représentatives et des assemblées administratives ; 2° l'instruction de l'Assemblée nationale, du 8 janvier 1790, sur la formation des assemblées représentatives et des corps administratifs ; 3° le décret du 8 janvier 1790. (Voy. ces pièces annexées à la séance.) Cette proposition est adoptée.
met ensuite aux voix le décret final sur les départements, proposé par le comité de constitution. Il est adopté ainsi qu'il suit :
l'Assemblée nationale, sur le rapport du comité de Constitution, après avoir entendu les députés de toutes les provinces du royaume, a décrété que la France est divisée en 83 départements, dont l'état sera gtnnexéau décret du 22 décembre dernier. Provence. . . . .. , . . t } . . r , 3 Dauphiné. 3
Franche-Comté.......... . 3
Alsace. ...................2
Lorraine, trois èvêchés et Barrois. ... 4 Champagne, principauté de Sedan, Cari-gnan et Mousson, Philippeville, Marien-bourg, Givet et Charlemont ..... 4 Les deux Flandres, Cambrésis, Artois, ' Boulonnais, Galaisis, Ardresis .... 2 Jfô de France, Paris, Soissonnais, Beau-
yoisjs, Aniiénbïs, y,e$jn français. . . 6 Normandie et Percîjye . . . r , f , , . 5 Bretagne et partie des KârcheSfCçmr
muues.....^
Haut et Bas-Maine, Anjou, Tourraine et Saumurois............. 4
Poitou et partie des Marches-Communes. 3 .Orléana^, Blaisois et pays Chartrain . . 3
iterry .............2
Hivernais .. .... f ,, f ..... 1 Bourgogne, Aùx'errois é.t Sénonois,$rpsse,
Bugey et Valromey ..... . ; 4 Lyonnais, Forez et Beaujolais . '. . f i
Bourbonnais............
Marche, Dorât, haut et bas Limousin .
Angoumois.............
Aunis et Saintonge.........
Périgord..............
Bordelais, Bazadois, Agénois, Gondomois, Armagnac, Chalosse, pays de Marsan et
Landes..............................4
Quercy................................1
Rouergue..............................1
Basques et Béarn......................1
Bigorre et Quatre-Vallées..............1
Cou#erans etFoix. ...................1
Roussillon............................1
Languedoc, Comminges, Nébousan, et
Rivière-Verdun......................7
Vêlai, haute et basse Auvergne. . . . . 3
Corse................................1
Total. .... 83
L'Assemblée passe à son ordre du jour qui appelle la discussion sur Vaffaire de Toulon.
Je n'entrerai pas dans le détail des faits. Dans le rapport qui vous a été présenté, on a voulu prouver que la déclaration des bas-ofliciers de la marine a été suggérée par un major de la marine, et l'on en a conclu que M. d'Albert était coupable. Toutes les probabilités prouvent le contraire. Cette conjecture n'étant pas prouvée, elle annonce que M. d'Albert est innocent, puisque, pour l'accuser, il a fallu avoir recours à une supposition ; on lui reproche des propos mal entendus et mal interprétés, et au sujet desquels il a écrit une lettre d'excuse à ceux qui se croyaient offensés ; démarche qui honore celui qui l'a faite, autant qu'elle aurait dû satisfaire ceux à qui cette lettre était adressée.
On accuse M. d'Albert d'avoir insulté la cocarde nationale ; il ne l'a point insultée ; il se faisait honneur de la porter, et en a donné l'exemple à son corps. Ainsi donc, ses torts avec la garde nationale ne résultent que d'un malentendu.
La seconde affaire se présente d'une manière plus grave. On parle de préparatifs de guerre ; quels sont-ils ? deux piquets de cinquante nommes qui devaient attaquer trois mille hommes armés et un peuple nombreux, dont les intentions n'étaient pas réciproques ; des gargousses, etc. Mais n'y a-t-il pas toujours dans l'arsenal le nombre de gargousses nécessaire, quelque coupable ou quelque innocent que puisse en être l'usage? Des boulets ont été transportés au parc d'artillerie, où ils doivent encore toujours jHre. {/ordre de faire feu a été donné, Dix témoins l'assurent, vingt ]q nient, et l'information est faite par la municipalité, qui était partie dans cette affaire.
Pourquoi, dit-on, ces ordres, ces exhortations aux soldats? Une grande fermentation existait dans le port. M. d'Albert avait renvoyé quelques ouvriers; il craignait qu'on n'échauffât les esprits; il était inquiet de dix-huit cents forçats, toujours prêts à augmenter le désordre... Enfin M. d'Albert ise laisse tranquillement conduire en prison ; il oublie les tombes et les canons qui ont été préparés, ieé fytfr^s qu'i| q, donnés; les exhortations qu'il a fait faire,1,"
Queiaété mon étonnement quand,à la suite du rapport qui lui a été présenté, j'ai entendu proposer de renvoyer cette affaire au Châtelet 1 Cette décision serait une flétrissure. L'Assemblée n'adoptera point cçtte disposition rigoureuse ; elle ne confondra point le malheur avec le crime ; elle
n'écoutera pas le ressentiment d'un peuple aveugle et é^aré; elle n'ajournera point une affaire qui doit être promptement décidée..^ Si l'Assamblée ne montre pas qu'elle dégap(>fduve la conduite de la garde nationale, la ville de Toiilon aura des imitateurs... C'est au nom de là liberté que je coriibais le renvoi aU Cbâtelet et l'ajournement qui serait encore uriè approbation tacite d'une insurrection; erreur très-excusable d'un peuple honnête et bon, agité par un inotif qu'on ne peut blâmer, puisqu'il fera notre gloire et notre bonheur. Mais cette lib> rtë, qui conimence par le courage, ne doit s'achever que par la justice et par la modération...
Je propose de,déclarer M. d'Albert exempt d'inculpation, et d'ajourner le reste de celte affaire.
Le discours de M. de Champagriy est treë-vive-ment applaudi.
On demande l'impression.
Je remercie l'Assemblée de son indulgence uour moi, mais je crois que moU discours ne doit pas être imprimé parce qu'il ne doit pas rester de traces d'une affaire de cette nature, destinée à être jugée incessamment.
, député à'e Toulon. J'ai besoin de l'indulgence dé l'Assemblée pour répoudre à un orateur aussi séduisant que M. de Champagny : son éloquence doûcé et persuasive paraît avoir entraîné tous les suffrages; je vais entrer en lice, et j'invoque la justice de l'Assemblée.
Vousaveg peut-être jaensé, Messieurs, que j'avais pris de trop grands engagements dans une séance antérieure, lorsque j'entrepris de calmer vos inquiétudes sur le sort d'une place d'où dépend la destinéé des provinces méridionales de la France; je ne dis pas tout à cette époque et vous ne pouvez me l'imputer à crime- Mon intention était de calmer vos peines, qu'on tâchait d'augmenter èri publiant des désordres qui n'existaient plus; lorsque j'ai jugé que mon objet était rempli, j:ai dû me taire eî je 1 ai fait.
Aujourd'hui, Messieurs, mon devoir me prescrit impérieusement la terrible mais honorable obligation de vous entretenir des détails de cette étrange affaire, détails que j'aurais voulu ensevelir xlans les ténèbres les plus profondes; mais on a imprimé des relations insidieuses; on a répandu des principes que tous bons citoyens avouent, mais qui ne sontapplicables ni aux faits pour lesquels on les a posés, ni aux circonstances qui eh ont déterminé une aussi scandaleuse publicité.
Avant que d'entrer dans le récit des faits, il est nécessaire, il est indispensable que je réponde à une interpellation qui est faite au pouvoir législatif dans un écrit séditieux et incendiaire dont je n'aurais pas parlé, s'il n'avait été publié par un mehibre de l'Assemblée nationale.
Après avoir rendu lé compte inexact de tous les événements qui sont arrivés à Toulon, on ose vous demander :
Qu'est devenu le gouvernement, l'autorité des lois, et sur quel fondement repose la liberté publique ?... qui commande enfin dans cet empire?.. Je réponds qu'à un gouvernement arbitraire et despotique succède un gouvernement dont les sujets ne seront plus soumis qu'à la loi.Ce sera sur les lois que reposeront les fondements de la liberté publique : ce sera par elles que Louis XVI commandera, et qu'il aura pour coopérateurs vingt-quatre millions d'hommes qui le chérissent,
comme le meilleur, le plus sage et le plus grand monarque de l'univers.
Lorsqu'on me dira : Certes,il est temps que l'on sache à qui l'on doit obéir, qui a le droit d'ordonner?... lorsqu'on me demandera : Quelle est l'autorité qui nous protège?., quels sont ses moyens?.
quelles sont les forces qui nous défendent?____
quelles sont celles qui nous menaçent?... Lor&qU'on me dira : 11 est temps que l'on sache à qui l'on doit obéir..., je repondrai : A la loi et éternellement à la loi... Lorsqu'on me dira : Qui a le droit d'ordonner, je répondrai : Le mo iarque qui commandera au nom de la loi... Lorsqu'on me demandera qu'elle est l'autorité qui nous protège; je répondrai : une résistance invincible à l'oppression.... Lorsqu'on me demandera quels sont nos moyens; je répondrai : Le patriotisme.... Quelles sont nos forces? les forces incalculables de vingt-quatre millions d'hommes qui périront avant de reprendre leurs fers... Quelles sont celles qui nous menaçent? des traîtres qu'il faudrait exterminer, si les lois pouvaient devenir impuissantes.
commence ensuite l'historique de l'affaire de Toulon depuis le mois de juin. Il dit que M. de Béthisy, commandant de la marine, s'empara de la corporation des cabaretierô assemblés pour leurs affaires dans la maison des Minimes, où il fit mettre les syndics en prison. Les syndics des cabareliers ont demandé justice : sourds à leur demande, on n'a pas seulement répondu à leurs plaintes.
M. du Leu succéda à M. de Béthisy ; ce commandant rétablit le calme.
Le départ de M. de Béthisy fut marqué par une imprudence du comte d'Albert de Rioms; il fit publier que si, dans la nuit, on battait la générale, tous les ouvriérs, ainsi que les femmes et leurs enfants, devaient se retirer dans l'arsenal.
Ceci inspira les plus grandes terreurs : tous les habitants, les ouvriers réunis, jurèrent de ne point se séparer, ce fut l'origine de la garde nationale.
parle de l'insulte faite à une sentinelle nationale par un chasseur portant une cocarde noire, reconnu pour être un officier du régiment de Dauphiné, de la punition de cet officier, de sa grâce sollicitée par la municipalité. Il rappelle la déposition de vingt-huit bas-officiers qui avaient été assemblés pendant trois fois par le sieur Ulric,officier-major de la marine pour leur faire épouser la querelle de l'officier du régiment de Dauphiné et pour leur faire signer une déclaration portant qu'ils n'obéiraient qu'au Roi et à leurs officiers et qu'ils ne souffriraient jamais qu'ils fussent insultés.
ajoute : On vous a dit que M. d'Albert était étranger à cette déclaration, qu'on vous avait fait envisager comme l'acte le plus libre et le plus volontaire.
Je suis loin, par mes sentiments, de vouloir accuser M. le comte d'Albert; je voudrais pouvoir justifier sa conduite avec le même zèle que j'ai publié ses exploits ; mais je ne m'abaisserai jamais à publier la faute d'un homme,de quelque dignité qu'il soit revêtu, lorsqu'il méconnaîtra les droits du peuple; et lorsque dans le héros je ne trouverai plus le citoyen, je l'abandonnerai toujours à la loi qui m'en fera justice.
rappelle les lettres que le comte d'Albert avait écrites au commandant de la province, les lettres de ce dernier aux consuls, son exhortation, au nom de la nation et du Roi, à
remettre les choses dans l'ordre ; là réponse du consul, de M. Roubaud, de cët horrime honnête et sensible* qui a en lin succombé sous le poids des chagrins et des affaires, et à qui, sa ville reconnaissante, après avoir assuré le sort de sa veuve, par une pension de mille livres, est occupée à élever un monument à sa mémoire.
Il insiste sur la marche de toutes lès troupes répandues dans la province ; sur les moyens de défense préparés par M. lé comte d'Albert, troupes consignées, boulets, cartouches, canoiis placés aux divers postes, déclaration des bas-ot'li-ciers et canonniers qui attestent que semblable précaution n'a jamais lieu en temps de paix.
Il parle des deux ouvriers de l'arsenal renvoyés; ouvriers que le comte d'Albert affectionnait plus particulièrement et qu'il avait choisis pour donner un grand exemple ; des démarches faites pendant deux jours par tous les magistrats de la ville de Toulon, pour obtenir la grâce de ces deux hommes et éviter une insurrection qui pouvait devenir funeste^
Le comte d'Albert, dit M. Ricard, avait deux partis à prendre, céder aux instances des consdls, bu se préparer au combat.
En prenant le premier parti, le comte d'Albert faisait un acte de clémence et en déférant à leur prière il ne pouvait pas compromettre son autorité.
Le second parti tendait à agiter les esprits, à provoquer la fureur populaire et à compromettre le sort de la nation.
Le comte d'Albert le préfère, il avait promis d'être inexorable, les volontaires étaient des insub-ordonnés, ils vexaient les citoyens, il fallait les faire rentrer dans le devoir. J'ai la force en mains, je compte sur mes brâves gens, je n'ai pas peur, je serai en tout inexorable.
Qu'on ne prenne pas texte de cet événement pour nous citer les plus belles actions des plus grands généraux du monde, qu'on ne mette aucune imprudence dans les comparaisons. Qu'on sache qu'il n'est pas de Français plus jaloux que moi de la prospérité comme de la gloire de la nation; non-seulement je voudrais qu'il fût possible de comparer le comte d'Albert à Annibal et à Luxembourg, mais à Scipion, vainqueur d'Annibai... Il serait consolant pour moi, et ce serait le plus beau jour de ma vie, si je pouvais dire, comme de Scipion : Un tel jour, il a sauvé sa patrie, allons en remercier les dieux... Mais, je vous le demande, Messieurs, que faisait le peuple de Toulon pour le comte d'Albert?... Ah! né rappelons pas des jours de larmes et de deuil pour mes malheureux concitoyens...
Gomment celui qui, de concert avec le sieur Ui rie, aura formé le projet d'armer le soldat contre le citoyen, celui qui aura médité, pendant huit jours, tous les moyens qui étaient en sa puissance, pour détruire lès habitants qui vivaient sous sa sauvegarde; celui qui s'est constamment et invariablement opposé à ce que ses subordonnés Se décorassent du panache de la liberté; celui qui a compromis la sûreté de l'arsenal ; celui qui a résisté aux instances et aux supplications d'une villé entière; celui qui a enfreint la terrible loi qui ne permet pas de répandre le sang des peuples, cet homme ne sera point coupable 1... Ah! Messieurs, si le comte d'Albert a pu s'oublier, si vous pensez qu'il n'y ait eu de sa part que de l'imprudence, pour effacer de sa conduite des passages qui décèlent toujours l'humanité, nous n'avons qu'à rappeler ses exploits et l'houneur qu'il peut encore acquérir au pavillon français.
Je crois aller au devant des vœux de tous mes compatriotes,decesbravesetintrépidesToulonnais, que le comte d'Albert ne pourra s'empêcher d'estimer, parce qu'ils ont été si souvent i'instrument de sa gloire; je crois, dis-je, aller au devant de leurs vœux que de proposer le décret suivant :
« L'assemblée ayant entendu le compte de l'événement arrivé à Toulon le 1er décembre dernier, a déclaré être satisfaite de la manière dont le corps municipal, la garde nationale; et les troupes de terre et de mer se sont comportés à Toulon; déclare en outre qu'elle se rappelle avec satisfaction les services que M. d'Albert de Rioms, et les autres officiers ue la marine ont rendus à là, patrie, et qu'elle attend de leur zèle, et se repose sur leur honneur, de leur lidélité constante, et inviolable à la constitution. »
Plusieurs membres proposent de décide!1 l'affaire de Toulon sans désemparer.
D'autres membres proposent de laisser la question en l'état jusqu'à demain onze heures.
Cette opinion mise aux voix est adoptée.
M. le garde-des-sceaux envoie deux notes, dont M. le président donne connaissance à l'Assemblée; elles sont conçues en ces ternies :
Ie M. le garde-des-sceaux envoie une expédition en parchemin, pour être déposée dans les archives de l'Assemblée nationale, des lettres-patentes sur les décrets des 19 et 21 du mois dernier concernant la caisse d'escompte, et portant établissement d'une caisse de l'extraordinaire.
M. le garde-des-sceaux a reçu le billet par lequel M. le président a bien voulu l'informer que l'Assemblée nationale vient de se décider à recevoir à la barre demain samedi, à deux heures, la Chambre des vacations du parlement'de Rennes.
M. le garde-des-sceaux en a fait part aux magistrats qui composent cette Chambre.
lève la séance et indique celle de demain pour neuf heures du matin.
à la séance de l'Assemblée nationale du
décret de l'assemblée nationale;
Concernant la constitution des assemblées représentatives et des assemblées administratives. (Du décembre 1789.)
Art. 1er. Il sera fait une nouvelle division du royaume en
départements, tant pour la représentation que pour l'administration. Ces départements seront
au nombre de 75 à 85.
Art. 2. Chaque département sera divisé en districts, dont lé nombre, qui ne pourra être ni au-dessous de trois, ni au-dessus de neuf, sera réglé par l'Assemblée nationale, suivant le besoin et la convenance du déparlement, après avoir entendu les dépulés des provinces.
Art. 3. Chaque district sera partagé en divisions^ appelées cantons, d'environ quatre lieues carrées (lieues communes de France).
Art. 4. La nomination des représentants à l'Assemblée nationale sera faite par département.
Art. 5. Il sera établi au chef-lieu de chaque département, une assemblée alministrative supérieure, sous le titre d'Administration dé département. Art. 6. Il sera également établi au chef-lieu de chaque
district, une assemblée administrative inférieure, sous le titre d'administration de district.
Art. 7. Il y aura une municipalité en chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne.
Art. 8. Les représentants, nommés à l'Assemblée nationale par les départements, ne pourront pas être regardés comme les représentants d'un département particulier, mais comme les représentants de latotaUtédes départements, c'est-à-dire de la nation entière.
Art. 9. Les membres nommés à l'administration de département lie pourront être regardés que comme les représentants du département entier, et non d'aucun district en particulier.
Art. 10. Les membres nommés à l'administration de district ne pourront être regardés que comme les représentants de la totalité du district, et non d'aucun canton en particulier.
Art. 11. Ainsi les membres des administrations de district et de département, et les représentants à l'Assemblée nationale, ne pourront jamais être révoqués, et leur destitution ne pourra être que la suite d'une forfaiture jugée.
Art. 12. Les assemblées primaires, dont il va être parlé, celles des électeurs,des administrations de département, des administrations de district et des municipalités, seront juges de la validité des titres de ceux qui prétendront y être admis.
SECTION PREMIÈRE.
De la formation des assemblées pour l'élection des représentants à l'Assemblée nationale.
Art. ler. Tous les citoyens, qui auront le droit de voter, se
réuniront, non en assemblées de paroisse ou de communauté, mais en assemblées primaires par
canton,
Art. 12. Les citoyens actifs, c'est-à-dire ceux qui réuniront les qualités qui vont être détaillées ci-après, auront seuls le droit de voter, et de se réunir pour former dans les cantons les assemblées primaires.
Art. 13. Les qualités nécessaires pour être citoyen actif sont : 1° d'être Français ou devenu Français; 2° d'être majeur de 25 ans accomplis ; 3° d'être domicilié de fait dans le canton, au moins depuis un an; 4» de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail ; 5° de n'être point dans l'état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur à gages.
Art. 4. Les assemblées primaires formeront un tableau des citoyens de chaque canton, et y inscriront, chaque année, dans un jour marqué, tous ceux qui auront atteint l'âge de 21 ans, après leur avoir fait prêter serment de fidélité à la Constitution, aux lois de l'Etat et au Roi. Nul ne pourra être électeur, et ne sera éligible dans les assemblées primaires, lorsqu'il aura accompli sa vingt-cinquième année, s'il n'a été inscrit sur ce tableau civique.
Arl. S. Aucun banqueroutier, failli ou débiteur insolvable, ne pourra être admis dans les assemblées primaires, ni devenir ou rester membre, soit de l'Assemblée nationale, soit des assemblées administratives, soit des municipalités.
Art. 6. Il en sera de même des enfants qui auron* reçu et qui retiendront, à quelque titre que ce soit, une portion des biens de leur père mort insolvable, sans pay leur part virile de ses dettes, excepté seulement les enfants mariés qui auront reçu des dots avant la faillite de leur père, ou avant son insolvabilité notoirement connue.
Art. 7. Ceux qui, étant dans l'un des cas d'exclusion ci-dessus, feront cesser la cause de cette exclusion, en payant leurs créanciers, ou en acquittant leur por.t'oij virjle des dettes de leur père, rentreront dans les droits de citoyen actif, pourront être ' électeurs, et seront éli-gibles, s'ils réunissent les conditions prescrites.
Art. 8. Il sera dressé en chaque municipalité un tableau des citoyens actifs, avec désignation des éligibles. Ce tableau ne comprendra que les citoyens qui réuni-
ront les conditions ci-dessus prescrites, qui rapporte^ ront l'acte de leur inscription civique, aux termes de l'article 4, et qui, depuis l'âge de vingt-cinq ans, auront
firété publiquement à l'administration de district, entre es mains de celui qui présidera, le serment de mainte* pir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à i nation, à la loi et au Roi, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui leur seront confiées.
Art. 9. Nul citoyen ne pourra exercer son droit de citoyen actif dans plus d'un endroit ; et dans aucune assemblée, personne ne pourra se faire représenter par un autre.
Art. 10. Il n'y a plus en France de distinction d'ordres ; en conséquence, pour la formation des assemblées primaires, les citoyens actifs se réuniront sans aucune distinction, de quelque état et condition qu'ils soient.
Art. 11. 11 y aura au moins une assemblée primaire en chaque canton.
Art. 12. Lorsque le nombre des citoyens actifs d'un canton ne s'élèvera pas à 900, il n'y aura qu'une assemblée en ce canton ; mais dès le nombre 900, il s'en formera deux, de 450 chacune au moins.
Art. 13. Chaque assemblée tendra toujours à se former, autant qu'il sera possible, au nombre de 600, de telle sorte, néanmoins, que, s'il y a plusieurs assemblées dans un canton, la moins nombreuse soit au moins de 450.
Ainsi au-delà de 900, mais avant 1050, il ne pourra y avoir une assemblée complète de 600, puisque la seconde aurait moins de 450.
Dès le nombre de 1050, e( au delà, la première assemblée sera de 600, et la deuxième de 450, ou plus.
Si le nombre s'élève à 1400, il n'y en aura que deux ; une de 600, et l'autre de 8Q0 : mais à 1500, il s'en formera trois ; une de 600 et deux de 450 ; et ainsi de suite, suivant le nombre des citoyens actifs de chaque canton.
Arl. 14. Dans les villes de 4000 âmes et au-dessous, il n'y aura qu'une assemblée primaire. Il y en aura deux dans celles qui auront 4000 âmes jusqu'à 8000; trois dans celles de 8000 âmes jusqu'à 12,000, et ainsi de suite. Ces assemblées seront formées par quartiers ou arrondissements.
Art. 15. Chaque assemblée primaire, aussitôt qu'elle sera formée, élira son président et son secrétaire au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des voix : jusque-là, le doyen d'âge tiendra la séance ; les trois plus anciens d'âge après le doyen, recueilleront et dépouilleront le scrutin en présence de l'assemblée.
Art. 16. Il sera procédé ensuite, en un seul scrutin de liste simple, à la nomination de trois scrutateurs, qui recevront et dépouilleront les scrutins subséquents. Celui-ci sera encore recueilli et dépouillé par les trois, plus anciens d'âge.
Art. 17. Les assemblées primaires nommeront un étec^ teur, à raison de 100 citoyens actifs, présents ou non présents à l'assemblée, rçws ayant droit d'y voter; en sorte que jusqu'à 150 citoyens actifs, il sera nommé un pleoteur, et qu'il en sera nommé deux depuis 150 citoyens actifs, jusqu'à 250, et ainsi de suite.
Art. 18. Chaque assemblée primaire choisira les électeurs qu'elle aura droit de nommer dans tous les citoyens éligibles du canton.
Art. 19. Pour être éligible dans les assemblées prj* maires, il faudra réunir aux qualités de citoyen açlif cç» dessus détaillées, la condition de payer uçe contribution directe plus forte, et qui so njonte au moins à la valeur locale de dix journées d$ travail.
Art. 20. Les ^leateurs seront choisis par les assemblées primaires ôn un seul scrutin de liste double du nombre des électeurs qu'il s'agira de nommer.
Art. 21, Il n'y aura qu'un seul degré d'éloction inJÇ'S médiaire entre les assemblées primaire e^ l'Assimilée nationale.
Art. 22. Tous le«s électeurs sommés par les assemblées primaire^ ta chaque 'département, se réuniront, sans distinction d'état ni de condition, en. une seule assem-
blée, pour élire ensemble les représentants à l'Assemblée nationale.
Art. 23. Cette assemblée de tous les électeurs de département se tiendra alternativement dans les chefs-lieux des différents districts de chaque département.
Art. 24. Aussitôt que l'assemblée des électeurs sera formée, elle élira son président, son secrétaire et trois scrutateurs, en la forme prescrite par les articles 15 et 16 i-dessus, pour les assembées primaires.
Art. 25. Les représentants à l'Assemblée nationale seront élus au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages.
Si le premier scrutin recueilli pour chaque représentant qu'il s'agit de nommer ne détermine pas l'élection par la pluralité absolue, il sera procédé à un second scrutin.
Si ce second scrutin ne donne pas encore la pluralité absolue, il sera procédé à un troisième entre les deux citoyens seulement qui seront reconnus par les scrutateurs, et annoncés à l'assemblée avoir obtenu le plus grand nombre de suffrages.
Enfin, si, à ce troisième scrutin, les suffrages étaient partagés, le plus ancien d'âge sera préféré.
Art. 26. Le nombre des représentants qui composeront l'Assemblée nationale sera égal au nombre des départements du royaume multiplié par neuf.
Art. 27. Le nombre des représentants à nommer à l'Assemblée nationale sera distribué entre tous les départements du royaume, selon les trois proportions du territoire, de la population et de la contribution directe.
Art. 28. Le premier tiers du nombre total des représentants formant l'Assemblée nationale sera attaché au territoire, et chaque département nommera également trois représentants de cette classe.
Art. 29. Le second tiers sera attribué à la population ; la somme totale de la population du royaume sera divisée en autant de parts que ce second tiers donnera de représentants, et chaque déparlement nommera autant de représentants de cette seconde qu'il contiendra de parts de population.
Art. 30. Le dernier tiers sera attribué à la contribution directe; la masse entière de la contribution directe du royaume sera divisée de même en autant de paris qu'il y aura de représentant* dans ce dernier tiers, et chaque département nommera autant de représentants de cette dernière classe qu'il paiera de parts de contribution directe.
Art. 31. Les représentants à l'Assemblée nationale, élus par chaque assemblée de département, ne pourront être choisis que parmi les citoyens éligibles du département.
Art. 32. Pour être éligible à l'Assemblée nationale, il faudra payer une contribution directe équivalente à la valeur d'un marc d'argent, et en outre, avoir une propriété foncière quelconque.
Art. 33. Les électeurs nommeront par scrutin de liste double, à la pluralité relative des suffrages, un nombre do suppléants égal au tiers de celui des représentants de l'Assemblée nationale, pour remplacer ceux-ci en cas de mort ou de démission.
Art. 34. L'acte d'élection sera le seul titre des fonctions des représentants de la nation. La liberté de leurs suffrages ne pouvant être gênée par aucun mandat particulier, les assemblées primaires et celles des électeurs adresseront directement au Corps législatif les pétitions et instructions qu'elles voudront lui faire parvenir.
Art. 35. Les assemblées primaires et les assemblées d'élection ne pourront, après les élections finies, ni continuer leurs séances, ni les reprendre jusqu'à l'époque des élections suivantes.
SECTION II.
De la formation et de l'organisation des assemblées administratives.
Art. 1er. Il n'y aura qu'un seul degré d'élection intermédiaire
entre les assemblées primaires et les assemblées administratives.
Art. 2. Après avoir nommé les représentants à l'Assemblée nationale, les mêmes électeurs éliront, en chaque département, les membres qui, au nombre de 36, composeront l'administration de département.
Art. 3. Les électeurs de chaque district se réuniront ensuite au chef-lieu de leur district, et y nommeront les membres qui, au nombre de 12, composeront l'administration de district.
Art. 4. Les membres de l'administration de département seront choisis parmi les citoyens éligibles de tous les districts du département, de manière cependant qu'il y ait toujours dans celte administration deux membres au moins de chaque district.
Art. 5. Les membres de l'administration de district seront choisis parmi les citoyens éligibles de tous les cantons du district.
Art. 6. Pour être éligible aux administrations de département et de district, il faudra réunir, aux conditions requises pour être citoyen actif, celle de payer une contribution directe plus forte, et qui se monte au moins à la valeur locale de dix journées de travail.
Art. 7. Ceux qui seront employés à la levée des impositions indirectes, tant qu'elles sâbsisteront, ne pourront être en même temps membres des administrations de département et de district.
Art. 8. Les membres des corps municipaux ne pourront être en même temps membres des administrations de département et de district.
Art. 9. Les membres des administrations de district ne pourront être en même temps membres des administrations de département.
Art. 10. Les citoyens qui rempliront les places de jn-dicature et qui auront les conditions d'éligibilité prescrites, pourront être membres des administrations de département et de district, mais ne pourront être nommés aux directoires dont il sera parlé ci-après.
Art. 11. Les membres des administrations de département et de district seront choisis par les électeurs en trois scrutins de liste double; à chaque scrutin, ceux qui auront la pluralité absolue seront élus définitivement, et le nombre de ceux qui resteront à nommer au troisième scrutin sera rempli à la pluralité relative.
Art. 12. Chaque administration, soit de déparlement, soit de distriet, sera permanente; et les membres en seront renouvelés par moitié tous les deux ans, la première fois au sort après les deux premières années d'exercice, et ensuite à tour d'ancienneté.
Art. 13. Les membres de ces administrations, seront ainsi en fonctions pendant quatre ans, à l'exception de ceux qui sortiront, par le premier renouvellement au sort, après les deux premières années.
Art. 14. En chaque administration de département, il y aura un procureur-général-syndic, et en chaque administration de district, un procureur-syndic. Ils seront nommés au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages, en mêm6 temps que les membres de chaque administration, et par les mêmes électeurs.
Art. 15. Le procureur-général-syndic de département^ et les procureurs-syndics de district, seront quatre ans en place, et pourront être continués par une nouvelle élection pour quatre années; mais ensuite ils ne pourront être réélus qu'après un intervalle de quatre années.
Art. 16. Les membres des administrations de département et de district, en nommant ceux des directoires, comme il sera dit ci-après, choisiront et désigneront celui des membres des directoires qui devra remplacer
momentanément le procnrear-général-syndic on le procureur-syndic, en cas d'absence, de maladie ou autre empêchement.
Art. 17. Les procureurs-généraux-syndics et les procureurs-syndics auront séance aux assemblées générales des administrations, sans voix délibérative ; mais il ne pourra y être fait aucuns rapports sans qu'ils en aient eu communication, ni être pris aucune délibération sur ces rapports sans qu'ils aient été entendus.
Art. 18. Ils auront de même séance aux directoires avec voix consultative, et seront de plus, chargés de la suite de toutes les affaires.
Art. 19. Les administrations, soit de département, soit de district, nommeront leur président et leur secrétaire au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. Le secrétaire pourra être changé lorsque l'administration le trouvera convenable.
Art. 20. Chaque administration de département sera divisée en deux sections, l'une sous le titre de Conseil de département, l'autre sous celui de Directoire de département.
Art. 21. Le conseil de département tiendra annuellement une session pour fixer les règles de chaque partie de l'administration, ordonner les travaux et la dépense générale du département, et recevoir le compte de la gestion du directoire. La première session pourra être de six semaines, et celles des années suivantes, d'un mois au plus.
Art. 22. Le directoire de département sera toujours en activité pour l'expédition des affaires, et rendra, tous les ans, au conseil de département, le compte de sa gestion, qui sera publié par la voie de l'impression.
Art. 23. Les membres de chaque administration de département éliront, â la fin de leur première session, huit d'entre eux, pour composer le directoire ; ils les renouvelleront tous les deux ans par moitié. Le président de l'administration de département pourra assister et aura droit de présider à toutes les séances du directoire, qui pourra néanmoins se choisir un vice-président.
Art. 24. A l'ouverture de chaque session annuelle, le conseil de département commencera par entendre, recevoir et arrêter le compte de la gestion du directoire, ensuite, les membres du directoire prendront séance, et auront voix délibérative avec ceux du conseil.
Art. 25. Chaque administration de district sera divisée de même en deux sections ; l'une sous le titre de Conseil de district, l'autre sous celui de Directoire de district; ce dernier sera composé de quatre membres.
Art. 26. Le président de l'administration de district pourra de même assister, et aura droit de présider au directoire de district ; ce directoire pourra également se choisir un vice-président.
Art. 27. Tout ce qui est prescrit par les articles 22, 23 et 24 ci-dessus, pour les fonctions; la forme d'élection ot de renouvellement, le droit de séance et de voix délibérative des membres du directoire de département, aura lieu de même pour ceux des directoires de district.
Art. 28. Les administrations et directoires de district seront entièrement subordonnés aux administrations et aux directoires de département.
Art. 29. Les conseils de district ne pourront tenir leur session annuelle que pendant quinze jours au plus, et l'ouverture de cette session précédera d'un mois celle du conseil de département.
Art. 30. Les conseils de district ne pourront s'occuper que de préparer les demandes à faire, les matières à soumettre à l'administration de département pour l'intérêt du district, de disposer les moyens d'exécution, et de recevoir les comptes de la gestion de leurs directoires.
Art. 31. Les directoires de district seront chargés de l'exécution dans le ressort de leur district, sous la direction et l'autorité de l'administration de département, et de son directoire; et ils ne pourront faire exécuter aucuns arrêtés du conseil de district en matière d'administration générale, s'ils n'ont été approuvés par l'administration de département.
SECTION III.
Des fonctions des assemblées administratives.
Art. ler. Les administrations de département seront chargées,
sous l'inspection du Corps législatif, et en vertu de ses décrets :
1° De répartir toutes les contributions directes, imposées à chaque département. Cette répartition sera faite par les administrations de département entre les districts de leur ressort, et par les administrations de district entre les municipalités,
2° D'ordonner et de faire faire, suivant les formes qui seront établies, les rôles d'assiette et de cotisations entre les contribuables de chaque municipalité ;
3° De régler et de surveiller tout ce qui concerne tant la perception et le versement du produit de ces contributions, que le service et les fonctions des agents qui en seront chargés ;
4° D'ordonner et de faire exécuter le paiement des dépenses qui seront assignées en chaque département, sur le produit des mêmes contributions.
Art. 2. Les administrations de département seront eneore chargées, sous l'autorité et l'inspection du Roi, comme chef suprême de la nation et de l'administration générale du royaume, de toutes les parties de cette administration notamment de celles qui sont relatives :
1° Au soulagement des pauvres, et à la police des mendiants et vagabonds ;
2° A l'inspection et à l'amélioration du régime des ' hôpitaux, hôtel-Dieu, établissements et ateliers de charité, prisons, maisons d'arrêt et de correction;
3° A la surveillance de l'éducation publique et de l'enseignement politique et moral;
4° A la manutention et à l'emploi des fonds destinés en chaque département à l'encouragement de l'agriculture, de l'industrie, et de toute espèce de bienfaisance publique;
5° A la conservation des propriétés publiques,
6° A celle des forêts, rivières, chemins et autres choses communes ;
7° A la direction et confection des travaux pour la confection des routes, canaux et autres ouvrages publics autorisés dans le département ;
8° A l'entretien, réparation et reconstruction des églises, presbytères et autres objets nécessaires au service du culte religieux ;
9° Au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquilité publique ;
10" Enfin, au service et à l'emploi des milices ou gardes nationales, ainsi qu'il sera réglé par des décrets particuliers.
Art. 3. Les administrations de district ne participeront à toutes ces fonctions, dans le ressort de chaque district, que sous l'autorité interposée des administrations de département.
Art. 4. Les administrations de département et de district seront toujours tenues de se conformer, dans l'exercice de toutes ces fonctions, aux règles établies par la Constitution, et aux décrets des législatures sanctionnés par le Roi.
Art. 5. Les délibérations des assemblées administratives de département sur tous les objets qui intéresseront le régime de l'administration générale du royaume, ou sur des entreprises nouvelles et des travaux extraordinaires, ne pourront être exécutées qu'après avoir reçu l'approbation du Roi. Quant à l'expédition des affaires particulières, et de tout ce qui s'exécute en vertu de délibérations déjà approuvées, l'autorisation du Roi ne sera pas nécessaire.
Art. 6. Les administrations de département et de district ne pourront établir aucun impôt, pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit, en répartir aucun au delà des sommes et du temps fixés par le Corps législatif, ni faire aucun emprunt, sans y être autorisées par lui, sauf à pourvoir à l'établissement des moyens propres à leur procurer les fonds né-
cessaires au paiement des dettes el dépenses locales, et aux besoins imprévus et urgents.
Art. 7. Elles ne pourront être troublées dans l'exercice de leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire.
Art. 8. Du jour où les administrations de département et de district seront formées, les Etats provinciaux, les assemblées provinciales et les assemblées in férieures qui existent actuellement demeureront supprimées et cesseront entièrement leurs fonctions.
Art. 9. Il n'y aura aucun intermédiaire entre les administrations ae département et le pouvoir exécutif suprême ; les commissaires départis, intendants et leurs sub-délégués cesseront toutes fonctions aussitôt que les administrations de département seront entrées en activité.
Art. 10. Dans les provinces qui ont eu jusqu'à présent une administration commune, et qui sont divisées en plusieurs départements, chaque administration de département nommera deux commissaires, qui se réuniront pour faire ensemble la liquidation des dettes contractées sous le régime précédent, pour établir la répartition de ces dettes entre les différentes parties de la province, et pour mettre à fin les anciennes affaires. Le compte en sera rendu à une assemblée formée de quatre autres commissaires nommés par chaque administrations de département.
Signe : Démeunier, président; le baron de Menou, le comte Charles de Lameth, Chas-set, Treilhard, Massiku, curé de Sergy, Du-port, secrétaires.
INSTRUCTION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Sur la formation des assemblées représentatives et des corps administratifs. Du
Le décret de l'Assemblée nationale, du 22 décembre 1789, sur la formation des assemblées représentatives et des corps administratifs, est divisé en quatre parties.
Les douze premiers articles contiennent les dispositions fondamentales de la nouvelle organisation du royaume en départements, en districts et en cantons, et quelques règles communes à la double représentation élevée sur cette nouvelle organisation, savoir : la représentation nationale dans le Corps législatif, et la représentation des citoyens de chaque département dans les corps administratifs.
La première section du décret établit les principes et les formes des élections. Les assemblées d'élection sont de deux espèces : les premières, appelées primaires, sont celles dans lesquelles tous les citoyens actifs se réuniront pour nommer les électeurs; les secondes sont celles des électeurs qui auront été nommés par les assemblées primaires.
Les vingt-un premiers articles de cette section traitent des assemblées primaires qui sont les mêmes, c'est-à-dire qui sont formées de la même manière, et qui seront également pour parvenir à la nomination, soit des représentants dans le Corps législatif, soit-des administrateurs de département et de district.
Les quatorze articles suivants de la même section ne concernent que les assemblées des électeurs, lorsqu'il s'agit de nommer les représentants au Corps législatif, et prescrivent les formes à suivre pour l'élection de ces représentants.
La seconde section du décret traite de la formation et de l'organisation des corps administratifs dans les départements et dans les districts.
Les onze premiers articles de cette section sont relatifs aux assemblées des électeurs, lorsqu'il
s'agit de nommer les membres de ces corps administratifs.
Les vingt derniers articles expliquent de quelle manière les corps administratifs eux-mêmes doivent être composés, organisés et renouvelés.
Enfin, la troisième section du décret traite de la nature Ides pouvoirs et de l'étendue des fonctions des corps administratifs.
§ 1er. Observations sur les premiers articles uu décret.
Tous les Français sont frères, et ne composent qu'une famille; ils vont concourir, de toutes les parties du royaume,à la formation de leurs lois : les règles et les effets de leur gouvernement vont être les mêmes dans tous les lieux. La nouvelle division du territoire commun détruit toute disproportion sensible dans la représentation, et toute inégalité d'avantages et ae désavantages politiques. Cette division était désirable sous plusieurs rapports civils et moraux, mais surtout elle est nécessaire pour fonder solidement la Constitution, et pour en garantir la stabilité. Que de motifs pour tous les bons citoyens d'en accélérer l'exécution I
Lés élections à faire pour composer la prochaine législature qui remplacera l'Assemblée nationale actuelle, et celles qui sont nécessaires en ce moment même pour la formation des corps administratifs qui feront disparaître les derniers vestiges du régime ancien, dépendent absolument de la prompte organisation des départements en districts, et des districts en cantons.
L'Assemblée nationale a fait à cet égard tout ce qui était nécessaire pour faciliter les opérations locales, et pour en bâter le succès. Elle a fixé les chefs-lieux des départements et des districts, avec cette modification, que l'assemblée des électeurs qui nommeront les représentants au Corps législatif sera tenue alternativement dans les chefs-lieux de tous les districts ; elle a même laissé la faculté d'alterner ainsi entre certaines villes du même département pour la session du corps administratif, si les citoyens du département le trouvent convenable.
L'Assemblée nationale a encore tracé les limites de chaque département et de chaque district, telles qu'elles ont paru convenables au premier aperçu. Si les détails de l'exécution font découvrir le besoin ou la convenance de quelques changements à celte démarcation, il est difficile que les motifs en soient assez pressants pour que les divisions indiquées par l'Assemblée nationale ne puissent pas être suivies, au moins instantanément, pour la première tenue des assemblées qui vont être convoquées, et dont rien ne pourrait autoriser un plus long retardement.
Cette exécution préalable ne nuira point aux représentations de ceux qui se croiront fondés à en faire. Les corps administratifs, une fois formés et établis en chaque département et en chaque district, deviendront les juges naturels de ces convenances locales. Ils feront, de concert entre eux, toutes les rectifications dont leurs limites respectives se trouveront susceptibles pour concilier l'intérêt des particuliers avec le bien général; et s'il arrivait qu'ils ne pussent pas s'accorder sur quelques-unes, l'Assemblée nationale les réglera sur les mémoires qu'ils lui feront parvenir.
Il serait bien désirable que la division des cantons pût se faire incessamment en chaque district
mais elle n'est pas essentiellement nécessaire à la formation (les prochaines assemblées.
Dans les départements où cette division aura pu être lixée par l'Assemblée nationale, après avoir entendu les députés du pays, elle sera provisoirement suivie pour les premières élections seulement. Dans ceux où elle n'aura pas pu être faite par l'Assemblée nationale, il suffira de former des réunions dés paroisses voisines, en composant chaque agrégation d'un plus ou moins grand nombre de paroisses, suivant les forces de leur population, de manière que chaque agrégation fournisse un nombre de citoyens actifs suffisant pour former une assembléeprimaire,etapprochant Je plus près qu'il sera possible du nombre de six cents.
L'Assemblée nationale invite les membres des municipalités établies en chaque paroisse à seconder de tout leur zèle cette réunion des communautés contiguës, que le voisinage, l'état de la population et les autres convenances locales appelleront à s'agréger pour composer ensemble une assemblée primaire.
§ II. Eclaircissement sur les vingt-un premiers articles de la section première du décret concernant les assemblées primaires.
Lorsqu'il s'agira de nommer des représentants à l'Assemblée nationale, ou lorsqu'il s'agira de composer et de renouveler les corps administratifs, les citoyens ne se réuniront pas par assemblées de paroisse ou de communauté, comme celles qui ont lieu pour la formation des municipalités, mais par assemblées primaires dans les cantons, ou de la manière qui vient d'être expliquée pour les prochaines élections dans les districts ou les cantons ne seront pas encore formés. Les véritables éléments de la représentation nationale ne seront pas ainsi dans les municipalités, mais dans les assemblées primaires des cantons.
La principale raison qui a déterminé l'Assemblée nationale à préférer les assemblées primaires par cantons aux simples assemblées par paroisses ou communautés, c'est que les premières, étant plus nombreuses, déconcertent mieux les intrigues, détruisent l'esprit de corporation, affaiblissent l'influence du crédit local, et par là assurent davantage la liberté des élections. Les citoyens des campagnes ne regretteront pas la peine légère d'un très petit déplacement, en considérant qu'ils acquièrent à ce prix une plus grande indépendance dans l'exercice de leur droit de voter.
Les citoyens actifs auront seuls le droit de se réunir pour former dans les cantons les assemblées primaires.
Chaque assemblée aura le droit de vérifier et de juger la validité des titres de ceux qui se présenteront pour y être admis, et' n'y recevra que les personnes qui réuniront toutes les conditions requises pour être citoyen actif.
Ces conditions, détaillées dans l'article 3 de la première section du décret, sont :
1° D'être Français ou devenu Français ;
2° D'être majeur de vingt-cinq ans accomplis ;
3° D'être domicilié de fait dans le canton au moins depuis un an ;
4° De payer une contribution directe de la va-eur locale de trois journées de travail ;
5° De n'être point dans l'état de domesticité, c'est-à-diré de serviteur à gages.
Les expressions, ou devenu Français, employées dans la rédaction de la première condition, ont
pour objet de n'exclure, pour l'avenir, aucun dos moyens d'acquérir le titre et les droits de citoyen en France que les législatures pourront établir, autres que les lettres de naturalisation qui, jusqu'à présent, ont été pour nous la seule voie de conférer la qualité de citoyens aux étrangers.
La contribution directe, dont il est parlé dans la quatrième condition, s'entend de toute imposition foncière ou personnelle, c'est-à-dire assise directement sur les fonds de terre, ou assise directement sur les personnes, qui se lève parles voies du cadastre ou des rôles de cotisation et qui passe immédiatement du contribuable cotisé au percepteur chargé d'en recevoir le produit. Les vingtièmes, la taille, la capitation et l'imposition en rachat de corvée, telle qu'elle a lieu maintenant, sont des contributions directes. Les contributions indirectes, au contraire, sont tous les impôts assis sur la fabrication, la vente, le transport et l'introduction de plusieurs objets de commerce et de consommation ; impôts dont le produit, ordinairement avancé par le fabricant, le marchand ou le voiturier, est supporté et indirectement payé par le consommateur.
Les contribuables, qui étaient cotisés dans les derniers rôles de 1789, au taux prescrit pour rendre citoyen actif ou éligible, et qui, par l'effet de la nouvelle imposition des personnes et des biens ci-devant privilégiés, paieraient maintenant une cote moindre que ce taux, seront néanmoins admis aux prochaines élections, sans tirer à conséquence pour les suivantes.
Ces autres expressions, de la valeur locale de trois journées de travail, signifient que la cote des contributions directes, qu'il faut payer pour être citoyen actif, doit varier, dans les différentes parties du royaume, à proportion de la valeur des salaires que les journaliers y gagnent communément pour chaque journée de travail, mais qu'elle doit toujours se monter partout au triple de la valeur d'une journée de travail, ou, ce qui revient au même, être égale à la valeur des salaires qu'un journalier gagne en trois jours.
Les banqueroutiers, les faillis et les débiteurs insolvables sont exclus des assemblées primaires. Les enfants qui auront reçu, et qui retiendront à titre gratuit quel qu'il soit, une portion des biens de leur père mort insolvable, sans payer leur part virile de ses dettes, sont exclus de même. 11 faut cependant excepter les enfants mariés qui auront reçu des dots avant la faillite, de leur père, ou avant son insolvabilité notoirement connue. L'exclusion du débiteur cessera lorsqu'il aura payé ses créanciers, et celle de l'enfant lorsqu'il aura payé sa portion virile des dettes de son père.
La portion virile est pour chaque enfant la part des dettes qu'il aurait été tenu de payer s'il eût hérité de son père.
A l'avenir, il y aura plusieurs autres conditions à remplir pour être admis aux assemblées primaires, savoir : celle de l'inscription au tableau civique, dont il est parlé dans l'article 4, pour ceux qui auront atteint l'âge de vingt-un ans ; la prestation publique après l'âge de vingt-cinq ans, entre les mains du président de l'administration de district, du serment patriotique prescrit par l'article 8 ; l'inscription au tableau des citoyens actifs, qui sera dressé en chaque municipalité, au terme du même article 8.
Ces conditions ne peuvent pas avoir lieu pour les prochaines élections -, mais le décret que l'Assemblée nationale a rendu le 28 décembre dernier ordonne qu'il y sera suppléé de la manière suivante: Aussitôt que les prochaines assemblées
primaires seront formées, et auront nommé leur président et leur secrétaire, comme il sera expliqué ci-après, le président et le secrétaire prêteront, en présence de l'assemblée, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi ; de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la confiance publique, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui leur seront confiées. Ensuite tous les membres de l'assemblée feront le même serment entre les mains du président. Ceux qui s'y refuseraient seraient incapables d'élire et d'être élus.
Les citoyens, qui auront exercé leur droit de citoyen actif dans une des assemblées primaires, ne pourront ni en répéter l'exercice, ni même assister à une autre assemblée.
Tout citoyen actif doit se présenter en personne-, et les assemblées doivent être exactes à n'en admettre aucun, de quelque état et condition qu'il soit, à voter par procureur. L'article 9 de la première section du décret a consacré cette règle constitutionnelle, que, dans aucune assemblée, personne ne pourra se faire représenter par un autre.
L'abolition des ordres étant une des bases fondamentales de la Constitution, aucune assemblée ne peut plus être convoquée ni tenue par ordres, mais tous les citoyens de chaque canton, sans aucune distinction de rang, d'état, ni de condition, se réuniront dansles mêmes assemblées primaires, et voteront ensemble pour les élections que chaque assemblée aura le droit de faire.
Dans tout canton, il y aura toujours une assemblée primaire, et il pourra y en avoir plusieurs dans le même canton,
11 y aura une assemblée primaire dans le canton, quoique le nombre des citoyens actifs s'y trouve moindre de 100, et il n'y en aura qu'une tant que le nombre des citoyens actifs ne s'y éle-vera pas à 900.
Dès que la population d'un canton fournira 900 citoyens actifs, il sera nécessaire d'y former plusieurs assemblées primaires, en observant: l°que chaque assemblée approche toujours, le plus près qu'il sera possible, du nombre de 600: 2° qu'aucune assemblée ne soit jamais au-dessous de 450. C'est par ces deux principes qu'il faudra se régler constamment pour déterminer le nombre des assemblées nécessaires à former en chaque canton, et la force de chacune d'elles. L'article 13 de la première section du décret présente plusieurs exemples de l'application de ces principes, qui doivent suffire pour guider dans tous les autres cas.
11 sera facile, aussitôt que la division des cantons sera fixée, de reconnaître combien chaque canton renfermera de citoyens actifs, combien d'assemblées primaires devront se former dans ce canton, et quelle portion de la population du canton devra être attachée à chaque assemblée primaire, il suffira pour cela que les corps municipaux dressent le tableau des citoyens actifs de chaque paroisse ou communauté. Le résultat général de ces tableaux réunis donnera pour chaque canton tous les éclaircissements qu'on peut désirer.
Le nombre des assemblées primaires sera déterminé dans chaque canton, par celui des citoyens actifs domiciliés dans le canton, et qui auront le droit de se présenter aux assemblées, quoiqu'il puisse arriver que tous ne s'y rendent pas en effet.
Les villes auront particulièrement leurs assemblées primaire , celles de4,000 âmes et au-dessous n'en auront qu'une. Il y en aura deux dans celles de 4,000 âmes jusqu'à 8,000, trois dans celles de 8,000 âmes jusqu'à 12,000, et ainsi de suite. Ces assemblées ne se formeront pas par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements.
Le premier acte de chaque assemblée primaire, après qu'elle sera formée,sera d'élire un président et un secrétaire. Le doyen d'âge tiendra la séance, et un des membres de l'assemblée fera les fonctions de secrétaire, jusqu'à ce que ces premières élections soient faites. On y procédera par la voie du scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages. Les trois plus anciens d'âge, après le doyen, feront provisoirement l'office de scrutateurs en présence de l'assemblée.
Le président et le secrétaire élus prêteront aussitôt à l'assemblée le serment patriotique dont il a été parlé ci-dessus; et le président recevra ensuite celui de l'assemblée, avant qu'il puisse être fait aucune autre opération.
Après ces serments prêtés, l'assemblée procédera, par un scrutin de liste simple, à la nomination de trois scrutateurs. Les trois plus anciens d'âge en feront encore la fonction pour cette élection.
Enfin l'assemblée nommera les électeurs qui seront chargés d'élire les représentants à l'Assemblée nationale, et le choix en sera fait en un seul scrutin de liste double du nombre des électeurs que l'assemblée aura droit de nommer.
Il est nécessaire de bien entendre les différences qui se trouvent entre les diverses manières d'élire, soit à la pluralité absolue des suffrages, ou à la pluralité relative, soit au scrutin individuel, ou de liste simple, ou de liste double.
L'élection à la pluralité absolue des suffrages est celle pour laquelle il faut réunir la moitié de toutes les voix, plus une.
L'élection à la pluralité relative des suffrages est celle pour laquelle il suffit d'avoir obtenu plus de voix que ses compétiteurs, quoique ce plus grand nombre de voix obtenues ne s'élève pas à la moitié du nombre total des suffrages. Ainsi, de douze électeurs, cinq nomment A, quatre nomment B, les trois autres nomment C. Il faudrait sept voix réunies sur A, pour qu'il fût élu à la pluralité absolue ; mais il est élu par cinq voix à la pluralité relative, parce qu'il en a une plus que B, et deux plus que G.
Le scrutin individuel est celui par lequel on vote séparément sur chacun des sujets à élire, en recommençant autant de scrutins particuliers qu'il y a de nominations à faire.
Le scrutin de liste simple est celui par lequel on vote à la fois sur tous les sujets à élire, en écrivant autant de noms dans le même billet qu'il y a de nominations à faire.
Le scrutin de liste double est celui par lequel, non seulement chaque électeur vote à la fois sur tous les sujets à élire, mais encore désigne un nombre de sujets double de celui des places à remplir, en écrivant dans le même billet un nombre de noms double de celui des nominations à faire.
Ces différents scrutins ont chacun des avantages et des inconvénients particuliers ; l'Assemblée nationale en a varié l'application, suivant le degré d'importance que l'objet de chaque élection lui a paru mériter.
Lorsqu'on élit au scrutin individuel et à la
pluralité absolue des suffrages, ainsi qu'il est dit dans l'article 15 dè la première section du décret, il faut obtenir cette pluralité absolue, même au troisième tour de scrutin, lorsque les deux premiers tours ne l'ont pas produite ; c'est par cette raison qu'après le second tour de scrutin, les noms des deux candidats qui ont obtenu le plus grand nombre de voix sont proclamés à l'Assemblée, et qu'il n'est permis de voter qu'entre eux seulement, au troisième tour. Le cas du partage des voix, à ce troisième tour, fait alors Une nécessité de terminer l'élection par un autre moyen que celui de la pluralité absolue des suffrages, qui devient impossible à obtenir. Le décret détermine, en ce cas, la préférence par l'ancienneté d'âge.
Il n'en est pas de même lorsque l'élection se fait au scrutin de liste simple ou de liste double, ainsi qu'il est dit dans les articles 16 et 20 de la première section du décret. Ceux qui ont obtenu la pluralité des suffrages, au premier tour de scrutin, sont élus : s'il reste des places à remplir, on fait un second tour de scrutin, et l'élection n'a encore lieu, cette seconde fois, qu'en faveur de ceux qui ont obtenu la pluralité absolue; mais, s'il faut passer à un troisième tour de scrutin pour compléter le nombre des sujets à élire, il n'est pas nécessaire de proclamer les noms des deux candidats qui ont eu le plus de voix au second tour; les suffrages des électeurs peuvent encore se porter librement sur tous les sujets ; et c'est la simple pluralité relative des voix qui suffit, cette troisième fois, pour déterminer l'élection.
Il ne faut pas oublier, lorsqu'il s'agit d'un scrutin de liste double, qu'au second et au troisième tour, les noms inscrits dans la liste ou le bulletin de chaque électeur, ne doivent être doubles que du nombre seulement des sujets qui restent à élire.
C'est par ce scrutin de liste double que l'article 20 de la première section du décret, prescrit aux assemblées primaires de nommer les électeurs.
Le nombre d'électeurs que chaque assemblée a le droit de nommer est fixé, par l'article 17, à un élècteur par cent citoyens actifs; en sorte que, jusqu'à cent cinquante citoyens actifs, il ne peut être nommé qu'un électeur, et qu'il en doit être nommé deux depuis cent cinquante-un citoyens actifs jusqu'à deux cent cinquante, et ainsi de suite : mais il faut observer que le nombre des citoyens qui détermine celui des électeurs à nommer, ne se règle pas par les seuls votants présents à l'assemblée ; on doit compter tous les citoyens actifs qui existent dans le ressort de l'assemblée primaire, et qui pourraient s'y présenter et voter.
Les assemblées primaires doivent choisir les électeurs qu'elles auront le droit de nommer dans le nombre des citoyens éligibles du canton ; et pour être éligible, il faudra réunir aux qualités de citoyen actif détaillées ci-dessus la condition de payer une contribution directe plus forte, que l'article 19 a fixée pour le moins à la valeur locale de dix journées de travail.
§ 3. Développement des quatorze derniers articles de la section premièré du décret concernant les assemblées des électeurs nommant au Corps législatif.
Lorsque lés assemblées primaires autont fait leurs élections dans tous les cantons d'un même département, tous les électeurs nommés se réuni-
ront, de quelque état et condition qu'ils soient, en une seule assemblée, qui élira les représentants à l'Assemblée nationale.
Si cependant une assemblée d'électeurs se trouvait tellement nombreuse qu'elle ne pût ni être réunie, ni délibérer commodément dans le même lieu, elle pourrait se diviser en deux sections, et lé recensement des scrutins particuliers de chaque section sé ferait en Commun, entre leurs scrutateurs réunis, et en présence des commissaires que chaque section pourrait nommer pour y assister.
Ainsi la subdivision des départements en districts n'est d'aucune utilité, et n'a point d'application au mode des élections pour le Corps législatif. Tel est le résultat de la disposition portée dans l'article 21, de la première section du décret, qu'il n'y aura qu'un seul degré d'élection intermédiaire entre les assemblées primaires et l'Assemblée nationale. L'esprit,qui adicté cette disposition, a été de conserver davantage la fidélité et la pureté delà représentation, en rendant plus directe e,t plus immédiate l'influence des représentés sur le choix de leurs représentants.
C'est dans le même esprit, et pour prévenir la prépondérance qu'un chef-lieu d'élection permanent aurait pu acquérir à la longue, qu il a été, décidé par l'article 23, que l'assemblée des électeurs se tiendra alternativement dans les chefs-lieux des différents districts de chaque département.
Lorsque les électeurs d'un département réunis auront formé leur assemblée, ils procéderont dans le même ordre et dans les mêmes formes que les assemblées primaires, d'abord à la nomination d'un président et d'un secrétaire, ensuite à la prestation du serment patriotique, puis au choix de trois scrutateurs, et enfin à l'élection des représentants que Je département aura le droit de nommer à l'Assemblée nationale.
La nomination des représentants à l'Assemblée nationale doit toujours être faite au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages ; l'article 25 contient, sur la manière de procéder à cette élection, des explications détaillées dont il ne sera permis, sous aucun prétexte, de s'écarter.
Les électeurs de chaque département observeront de ne choisir les représentants qu'ils nommeront à l'Assemblée nationale, que dans le nombre des citoyens éligibles du département; et pour être éligible, il faudra réunir aux qualités de citoyen actif précédemment expliquées, les deux conditions suivantes : 1° de payer une contribution directe équivalente à la valeur d'un marc d'argent; 2° d'avoir, en outre, une propriété foncière quelconque.
Les électeurs ne perdront pas de vue les dispositions du décret que l'Assemblée nationale a rendu le 24 décembre dernier, et que le Roi s'est empressé de sanctionner, qui statue : 1° que les non-catholiques, qui auront rempli toutes les conditions prescrites pour être électeurs et éligibles, pourront être élus dans tous les degrés d'administration, sans exception; 2° qu'ils sont capables de tous les emplois civils et militaires comme les autres citoyens; 3° que l'Assemblée nationale n'a entendu rien préjuger relativement aux Juifs, sur l'état desquels elle se réserve de prononcer; 4° qu'au surplus, il ne pourra être opposé à l'éligibilité d'aucun citoyen d'autres motifs d'exclusion que ceux qui résultent des décrets constitutionnels.
Tous les départements doivent participer proportionnellement à la représentation nationale dans le Corps législatif ; ils doivent donc envoyer un nombre de représentants proportionné, non-
seulement aux forces relatives de leur population, mais encore à tous les autres rapports de valeurs politiques.
Le respect de l'Assemblée nationale pour ce principe fondamental l'a déterminée à distribuer le nombre des représentants entre tous les départements du royaume, en prenant pour base de cette distribution les trois éléments du territoire, de la population et de la contribution directe, qui peuvent être combinés avec autant de justice dans les résultats que de facilité dans le procédé.
La base territoriale est invariable, elle est à peu près égale entre tous les départements établis par la nouvelle division du royaume ; on peut donc équitablement attribuer à chacun des départements une part de députation égale (1) et fixe à raison de leur territoire.
Les bases de la population et de la contribution directe sont variables, et d'un effet inégal entre les divers départements; mais il est un moyen sûr d'atteindre toujours à l'égalité proportionnelle et de la rendre invariable, malgré la variabilité de la population ef d^es contributions. L'Assemblée nationale a saisi ce moyen, qui consiste à attacher les deux autres parts de députation, l'une à la population totale du royaume, l'autre à la masse entière des contributions directes, et de faire participer chaque département à ces deux dernières parts de députation, à proportion de ce qu'il aura de population à l'époque de chaque élection, et de ce qu'il paiera de contribution directe.
Le principe constitutionnel sur cette matière, et le mode dé le pratiquer, sont fixés par Jes articles 27, 28, 29 et 30 de la première section du décret.
Le nombre des départements du royaume est fixé à quatre-vingt-trois, et celui des représentants à l'Assemblée nationale sera de sept cent quarante-cinq. La composition particulière du département de Paris nécessite cette modification à l'article 26.
De ces 745 représentants, 247 seront attachés au territoire, et les 82 départements, autres que Paris, en nommeront 246, par nombre égal entre eux; de manière que chacun de ces départements députera trois représentants de cette première classe. Gelui de Paris, beaucoup moindre en étendue, nommera le deux cent quarante-septième.
Des 498 autres représentants, la première moitié, formant 249 représentants, sera envoyée par les quatre-vingt-trois départements, y compris celui de Paris, à raison de la population active de chaque département. Pour y parvenir, la population totale du royaume sera divisée en deux cent-quarante-neuf parts, et chaque département aura lè droit de nommer autant de représentants de cette seconde classe qu'il contiendra de ces quarante-neuvièipes.
La seconde moitié, formant deux cent quarante-neuf représentants, se distribuera'par une semblable opération entre les quatre-vingt-trois départements, à raison de la somme respective des contributions directes de chaque département. Là masse entière de la contribution directe du royaume sera de même divisée en deux cent-quarante-oeuf parts, et chaque département nommera autant de députés de cette
troisième classe, qu'il paiera de ces deux cent quarante-neuvièmes.
La somme de la population active de chaque département sera facilement connue, puisque chaque assemblée primaire nommera un électeur par cent citoyens actifs : ainsi le nombre des électeurs envoyés par chaque canton indiquera celui des citoyens actifs du canton; le nombre total des électeurs nommés en chaque département constatera le taux de la population active du département.
Les assemblées d'électeurs, qui vont être incessamment convoquées en chaque département pour la formation des corps administratifs, auront soin de dresser un tableau de la population active de leur département, en prenant pour base le nombre des électeurs nommés par les assemblées primaires, multiplié par cent. Elles feront deux doubles de ce tableau, dont un sera envoyé, sans retard, au président de l'Assemblée nationale, et l'autre sera remis et déposé aux archives de l'administration de département. Le résultat de tous ces tableaux particuliers, remis par les quatre-vingt-trois départements, donnera l'état général de la population active de tout le royaume, et l'état comparé de la population relative des départements entre eux : ces états seront publics, et adressés aux administrations de département pour être conservés dans leurs archives.
La somme de contribution directe, qui sera payée par chaque département, sera de même aisément connue, puisque les administrations de département et de district présideront au régime et à la répartition de ces contributions ; l'état de leur montant total, levé actuellement dans toute l'étendue du royaume, sera incessamment dressé, publié et adressé aux administrations de département aussitôt qu'elles seront établies.
Ces renseignements généraux, joints à ceux que les corps administratifs et les électeurs eux-mêmes seront à portée d'acquérir sur les lieux, mettront les assemblées d'électeurs de chaque département en état de reconnaître sans embarras, dès les premières élections pour la prochaine législature, le nombre des représentants qu'elles devront nommer, suivant les articles 29 et 30, à raison, tant de la population que de la contribution directe de leur département. Les élections subséquentes éprouveront encore moins de difficultés, parce que la méthode de combiner les trois bases constitutionnelles de représentation nationale, reconnue très simple dès la première épreuve, se simplifiera de plus en plus par l'expérience, et deviendra bientôt familière par l'habitude. La Constitution de la France offrira à toutes les nations de l'Europe un modèle de la représentation la plus exacte, par la réu-, nion de tous les éléments qui doivent équitablement concourir à la composer.
Après que chaque assemblée d'électeurs aura nommé les représentants à l'Assemblée nationale, elle procédera à la nomination des suppléants destinés à remplacer les représentants qui pourraient devenir, après leur élection, hors d'état d'en remplir l'objet.
L'article 33 de la première section du décret n'autorise la substitution des suppléants aux représentants élus que dans deux cas, celui de la mort de ces derniers, ou celui de leur démission. Par cette raison, il a paru suffisant de réduire le nombre des suppléants que chaque assemblée pourra nommer, au tiers de celui
des représentants qu'elle aura le droit d'éliçe.
Les suppléants seront nommés au scrutin de liste double et à la simple pluralité relative des suffrages. Cette nomination finira ainsi en un seul tour de scrutin, puisque, dès le premier tour, tous ceux, jusqu'au nombre prescrit, qui auront obtenu le plus de voix, seront définitivement élus, sans qu'il soit nécessaire qu'ils aient réuni plus de la moitié des suffrages.
Le premier élu des suppléants sera le premier appelé en remplacement, le second le sera après lui, et ainsi de suite. Quand le nombre des représentants sera impair, le tiers des suppléants sera fixé par la fraction la plus forte, de manière qu'on élira deux suppléants pour cinq représentants, trois pour sept et pour nuit et de même progressivement.
Le procès-verbal de l'élection est le seul acte qui pourra être remis par les électeurs aux représentants : il est aussi le seul titre à considérer pour l'exercice des fonctions des représentants à l'Assemblée nationale.
Les mandats impératifs étant contraires à la nature du Corps législatif, qui est essentiellement délibérant, à la liberté de suffrage dont chacun de ses membres doit jouir pour l'intérêt général, au caractère de ses membres, qui ne sont point les représentants du département qui les a envoyés, mais les représentants de la nation ; enfin, à la nécessité de la subordination politique des différentes sections de la nation au corps de la nation entière, aucune assemblée d'électeurs ne pourra ni insérer dans le procès-verbal de l'élection, ni rédiger séparément aucun mandat impératif; elle ne pourra pas même charger les représentants qu'elle aura nommés d'aucuns cahiers ou mandats particuliers. Les électeurs des assemblées primaires auront cependant la faculté de rédiger des pétitions et des instructions, pour les faire parvenir au Corps législatif; mais ils seront tenus de les lui adresser directement.
Ces dispositions consacrées par l'article 34 et celles de l'article 35, qui défend, tant aux assemblées d'électeurs qu'aux assemblées primaires, de continuer leurs séances après les élections finies, et de les reprendre avant J'épo-que des élections suivantes, doivent être respectées comme des maximes essentielles à la stabilité de la Constitution, à la pureté de son esprit et au maintien de l'ordre qu'elle a établi dans l'exercice du plus important de tous les pouvoirs : elles doivent être observées à la rigueur dans tous les cas.
§. IV. Observations sur les onze premiers articles de la section II du décret concernant tes assemblées des électeurs nommant aux corps administratifs.
La seconde section du décret ne traite plus du Corps législatif, mais de la formation et de l'organisation des administrations de département et de district.
Cette partie du décret est celle dont il faut sepénétrer spécialement, pour diriger ou poursuivre es premières opérations qui vont se faire dans les départements, au moment très prochain de l'établissement des corps administratifs.
11 n'y a aussi qu'un seul degré d'élection intermédiaire entre les assemblées primaires et les assemblées administratives, suivant l'article 1er de la section 2; comme il a été dit plus haut qu'il
n'y en a qu'un entre les assemblées primaires et l'Assemblée nationale.
L'article 2 ajoute qu'après avoir nommé les députés à l'Assemblée nationale, les mêmes électeurs éliront les administrateurs de département. Il est évident par là que tout ce qui est prescrit par la première section du décret, et toût ce qui est expliqué dans le g 2 de cette instruction touchant les assemblées primaires et" la nomination des électeurs pour l'Assemblée nationale, sert en même temps et s'applique aux élections relatives à la formation des corps administratifs.
Si l'intérêt du royaume permettait d'attendre pour l'établissement de ces corps l'époque des élections à la prochaine législature, les électeurs qui auraient été choisis pour nommer les membres de cette législature, seraient les mêmes qui, après avoir fait cette nomination, éliraient les membres des administrations de département et de district; mais la formation de ces administrations n'admettant aucun délai, il faut en ce moment procéder aux élections, en commençant par les assemblées primaires, comme s'il s'agissait de choisir des électeurs pour une législature, et suivant les formes établies par les vingt-un premiers articles de la section première du décret.
Les renouvellements de la moitié des membres des corps administratifs, qui auront lieu par la suite tous les deux ans, seront faits, aux termes des articles 2 et 3 de la section deuxième, par les électeurs qui auront élu les représentants au Corps législatif.
A la prochaine convocation, les assemblées primaires se formeront, comme il a été dit au §. 2 de la présente instruction. Elles éliront leur président, leur secrétaire et trois scrutateurs. Elles nommeront ensuite les électeurs au scrutin de liste double, et à raison d'un électeur sur cent citoyens actifs.
Les électeurs nommés par toutes les assemblées primaires de chaque département se réuniront en une seule assemblée au chef-lieu de département, c'est-à-dire dans la ville désignée pour être le siège de l'administration. Si cependant le nombre des électeurs se trouvait trop considérable, ils pourraient diviser leur assemblée en deux sections comme il est dit ci-dessus.
Aussitôt que l'assemblée des électeurs sera formée, elle nommera son président et son secrétaire, qui prêteront à l'assemblée leur serment patriotique, et le président recevra celui de l'assemblée. 11 sera procédé ensuite à la nomination de trois scrutateurs.
Toutes ces opérations seront faites de la même manière et dans les mêmes formes que s'il s'agissait d'une assemblée d'électeurs nommant, au Corps législatif. Il faut recourir encore, sur tous ces points, aux développements contenus au §. 2 de cette instruction.
Les électeurs nommeront trente-six membres pour composer l'administration de département.
Ces trentre-six membres de l'administration de département seront élus au scrutin de liste double, et à la pluralité' absolue des suffrages, aux termes de l'article 2 de la seconde section du décret, c'est-à-dire que ceux qui auront obtenu la pluralité absolue au premier tour de scrutin, seront définitivement élus, et qu'il en sera de même au second tour, s'il a été nécessaire d'y passer; mais, s'il faut faire un second tour de scrutin, la pluralité relative des suffrages suffira cette troisième fois pour compléter l'élection.
Après la nomination des trente-six membres de l'administration de département, les électeurs
procéderont de suite à l'élection d'un procureur-général-syndic. Cette élection sera faite au scrutin individuels et à la pluralité absolue des suffrages.
Le procureur-général-syndic doit être choisi dans le nombre des citoyens résidents actuellement dans le département, et n'ayant aucun service ou emploi qui puisse le distraire des fonctions assidues du syndicat.
Les électeurs pourront choisir les membres de l'administration de département, et le procureur général-syndic, parmi les citoyens éligibles de tous les districts du département, mais en observant néanmoins que, dans le nombre des trente-six membres, il y en ait toujours deux au moins de chaque district.
Cette nécessité d'élire toujours deux membres au moins de chaque district pour rait souvent ne pas se trouver remplie, si les électeurs votaient à la fois et indistinctement pour l'élection des trente-six membres de l'administration; car il arriverait fréquemment què, dans un aussi grand nombre de sujets entré lesquels les suffrages se seraient distribués, la pluralité ne se trouverait pas réunie sur deux de chaque district. Il est donc nécessaire de faire d'abord autant de scrutins particuliers qu'il y a de districts dans le département, et de voter séparément pour l'élection des deux administrateurs qui doivent être tirés de chaque district, par liste double de ce nombre deux. Ensuite les électeurs pourront voter par un même scrutin, sur tous les membres qui resteront à élire, et qui pourront être pris dans l'étendue de tous les districts indistinctement, en faisant une liste double du nombre de ces membres restant à élire.
Les conditions de l'éligibilité à l'administration de département sont : t° d'être citoyen actif du département; 2° de réunir à toutes les qualités de citoyen actif expliquées ci-dessus la condition de payer une contribution directe plus forte, et qui se monte au moins à la valeur locale de dix journées de travail.
Il y a incompatibilité entre les fonctions d'administrateur de département et celles, 1° d'administrateur de district; 2° de membre d'un corps municipal ; 3° de percepteur des impositions indirectes. Si ceux qui rempliront quelqu'une de ces trois dernières fonctions se trouvaient élus à l'administration de département, ils seraient tenus d'opter Incontinent.
Lorsque l'assemblée des électeurs du département aura composé l'administration de département, et clos le procès-verbal de ses élections, elle en remettra un double au Roi,et en adressera un autre au président de l'Assemblée nationale; ensuite elle se désunira. Les électeurs de chaque district, c'est-à-dire tous ceux qui auront été nommés par les assemblées primaires du ressort du même district, se rendront de suite au chef-lieu du district et s'y réuniront pour nommer les membres qui composeront l'administration de ce district. Ainsi la première assemblée générale de tous les électeurs de département se divisera en autant d'assemblées particulières qu'il y aura de districts dans l'étendue du département.
Chaque assemblée des électeurs de district nommera son président, son secrétaire et trois scrutateurs, ainsi qu'il a été dit pour les assemblées primaires et pour l'assemblée générale des électeurs de département.
Elle élira ensuite douze membres pour composer l'administration de district.
Ces douze membres de l'administration de district seront élus au scrutin de liste double, et à la pluralité absolue des suffrages, de la même ma-
nière que les membres des administrations de département.
Après la nomination des douze membres de l'administration de district, les électeurs procéderont à l'élection d'un procureur-syndic. Cette élection sera faite, comme celle du procureur-général-syndic de département, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages.
Les électeurs pourront choisir les membres de l'administration de district, et le procureur-syndic, parmi les citoyens éligibles de tous les cantons du district.
Les conditions dé l'éligibilité pour l'administration de district sont :
1° D'être citoyen actif du district ;
2° De payer la même somme de contribution directe que pour l'administration de département.
L'incompatibilité a lieu également contre les percepteurs des impositions indirectes et les membres des corps municipaux, et réciproquement contre les membres des administrations, Je département.
§ V. Eclaircissement sur les vingt derniers articles de la section II du décret concernant l'organisation des corps administratifs.
Les,administrations de département et de district sont permanentes, suivant l'article 12, non dans le sens que leurs sessions puissent être continues et sans. intervalles, mais parce que les membres qui composeront les corps administratifs conserveront leur caractère pendant tout le temps pour lequel ils seront élus ; que ces corps, périodiquement renouvelés, ne cesseront pas un instant d'exister, et que l'administration du département sera faite chaque jour sous leur influence, et par l'autorité qui leur sera confiée.
Les membres des administrations de département et de district seront élus pour 4 ans, et resteront en fonctions pendant ce temps; ils seront renouvelés tous les deux ans par moitié, c'est-à-dire que tous les deux ans il sortira dix-huit membres de l'administration de département, et six de celle de district, qui seront remplacés par un égal nombre de membres nouvellement élus. Il sera procédé à ces remplacements dans les mêmes formes qui sont établies pour la nomination des premiers membres des administrations.
Le sort déterminera la première fois, après les deux premières années d'exercice, quel3 membres devront sortir ; les autres cesseront ensuite leurs fonctions tous les deux ans par moitié, à tour d'ancienneté. A ce moyen, les membres qui se trouveront, en 1792, dans la première moitié dont le sort décidera la sortie, n'auront eu que deux ans d'exercice.
En procédant à ces renouvellements pour l'administration de dèpa rtement, les électeurs serout attentifs à maintenir toujours, dans cette administration, deux membres au moins de chaque district; et, par conséquent, lorsqu'un district n'aura fourni que deux membres à l'administration, ces membres, sortant d'exercice, ne pourront être remplacés que par de nouveaux mem-brec élus parmi les citoyens du même district.
Le procureur-général-syndic du département, et les procureurs-syndics des districts, seront également élus pour quatre ans, après lesquels ils pourront être continués par une nouvelle élection pour quatre autres années; mais ensuite ils ne
pourront plus être réélus, si ce n'est après un intervalle de quatre ans.
Lorsque les membres qui vont être nommés pour composer lés administrations, soit de département, soit de district, seront réunis pour tenir leur prochaine session, ils procéderont, dès la première séance, à la nomination d'un d'entre eux pour président.
Jusque-là le doyen d'âge présidera : les trois plus anciens, après lui, feront les fonctions de scrutateurs, et un des membres remplira provisoirement celles de secrétaire.
La nomination du président sera faite au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. L'élection du président sera suivie immédiatement de celle d'un secrétaire, qui sera nommé de même par les membres de chaque administration, mais pris hors de leur sein. Il sera élu aussi au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages; mais il pourra être changé, lorsque les membres de l'administration l'auront jugé convenable, à la majorité des voix.
L'administration de département sera divisée en deux sections : la première portera le titre de conseil de département, et l'autre de celui de directoire de département.
Le directoire sera composé de huit des membres de l'administration : les vingt-huit autres formeront le conseil.
Pour opérer cette division, les trente-six membres de chaque administration de département éliront à la fin de leur première session, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, les huit d'entre eux qui composeront le directoire.
Les membres du directoire seront en fonctions pendant quatre ans, et seront renouvelés tous les deux ans par moitié; la première fois au sort, après les deux premières années d'exercice; ensuite à tour d'ancienneté. Il arrivera ainsi que la moitié des membres qui seront élus, la première fois, au directoire, n'y pourra rester que deux ans.
Il faut observer, par rapport aux directoires, que si les citoyens qui rempliront des places de judicature, et qui réuniront les conditions d'éligibilité prescrites, ne sont pas exclus des administrations de département et de district, suivant l'article 10 de la seconde section du décret, ils ne peuvent pas cependant être nommés membres des directoires, aux termes du même article, à cause de l'incompatibilité qui résulte de l'assiduité des fonctions que les directoires d'une part, et les places de judicature de l'autre, imposent également.
Les directoires doivent être en tout temps, et surtout en ce premier moment, composés de citoyens sages, intelligents, laborieux, attachés à la Constitution, et qui n'aient aucun autre service ou emploi qui puisse les distraire des fonctions du directoire.
C'est au conseil de département qu'il appartiendra de fixer les règles de chaque partie importante de l'administration du département, et d'ordonner les travaux et les dépenses générales.
li tiendra, pour cet etfet, une session annuelle pendant un mois au plus, excepté la première, qui pourra être de six semaines.
Le directoire, au contraire, sera toujours en activité, et s'occuper^ sans discontinuation, pendant l'intervalle des sessions annuelles, de l'exécution des arrêtés pris par le conseil, et de l'expédition des affaires particulières.
Le pr0s$enÊ 4e l'administration de départe-
ment, quoiqu'il ne soit pas compris dans les huit membres dont le directoire sera composé, aura le droit d'assister et de présider à toutes les séances du directoire, qui pourra néanmoins se choisir un vice-président.
Tous les ans, le directoire rendra au conseil de département le compte de sa gestion, et ce compte sera publié par la voie de l'impression. C'est à l'ouverture de chacune des sessions annuelles que le conseil de département recevra et arrêtera le compte de la gestion du directoire : il sera même tenu de commencer par là le travail de chaque session. Les membres du directoire se réuniront ensuite à ceux du conseil, prendront séance et auront voix délibérative avec eux ; de manière qu'à partir du compte rendu, la distinc-tton du conseil et du directoire demeurera suspendue pendant la durée de la session, et tous les membres de l'administration siégeront ensemble en assemblée générale. Pendant la session du conseil, les membres éliront, toutes les semaines, au scrutin individuel et à la majorité absolue, celui d'entre eux qui aura la voix prépondérante dans les cas où les suffrages seraient partagés.
La même élection sera faite tous les mois, pour lé directoire, par les membres qui le composent.
Tout ce qui vient d'être dit pour les administrations de département aura lieu, de la même manière, pour les administrations de district. Celles-ci seront aussi divisées en deux sections l'une sous le titre de conseil de district, l'autre sous celui de directoire de district.
Le directoire de district sera composé de quatre membres. Les douze membres de l'administration de district éliront à la fin de leur première session, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, les quatre d'entre eux qui composeront le directoire : ceux-ci seront renouvelés, tous les deux ans, par moitié.
Le conseil de district ne tiendra qu'une session tous les ans, pendant quinze jours au plus ; et comme la principale utilité des administrations et des districts est d'éclairer celle des départements sur les besoins de chaque district, l'ouverture de cette session annuelle des conseils de district précédera d'un mois celle du conseil de leur département,
Les directoires de district seront toujours en activité, comme ceux de département, soit pour l'exécution des arrêtés de l'administration du district, approuvés par celle de département, soit pour l'exécution des arrêtés de l'administration ae département, et des ordres qu'ils recevront de cette administration et de son directoire. Enfin, les directoires de district rendront, tous les ans, le compte de leur gestion aux conseils de district, à l'ouverture de la session annuelle, et auront ensuite séance et voix délibérative en l'assemblée générale avec les membres des conseils.
Un des points essentiels de la Constitution en cette partie, est l'entière et absolue subordination des administrations et des directoires de district aux administrations et aux directoires de département, établis par l'article 28 de la seconde section du décret. Sans l'observation exacte et rigoureuse de cette subordination, l'administration cesserait d'être régulière et uniforme dans chaque département; les efforts des différentes parties pourraient bientôt ne plus concourir au plus grand bien du tout ; les districts, au lieu d'être des sections d'une administration commune, deviendraient des administrations en chef, indépendantes et rivales, et l'autorité administrative,
dans le département, n'appartiendrait plus au corps supérieur à qui la Constitution la confère pour tout le département. Le principe constitutionnel sur la distribution des pouvoirs administratifs, est que l'autorité descende du Roi aux administrations de département, de celles-ci aux administrations de district, et de ces dernières aux municipalités, à qui certaines fonctions relatives à l'administration générale pourront être déléguées.
Les conseils de district ne pourront ainsi rien décider ni faire rien exécuter en vertu de leurs seuls arrêtés, dans tout ce qui intéressera le régime de l'administration générale : ils pourront seulement, suivant la disposition de l'article 30, s'occuper de préparer les demandes qui seront à faire à l'adminis tration du départemen t, et les matières qu'ils trouveront utiles de lui soumettre pour les intérêts du district ; ils prépareront encore et indiqueront à leurs directoires les moyens d'exécution, et recevront ses comptes.
Les directoires de district, chargés dans leurs ressorts respectifs de l'exécution des arrêtés de l'administration de département, n'y pourront faire exécuter ceux que les conseils de district se seraient permis de prendre en matière d'administration générale, qn'après que ces arrêtés des conseils auront été approuvés par i'administratioD de département.
Les procureurs-généraux-syndics de département, et les procureurs-syndics de district, auront droit d'assister à toutes les séances, tant du conseil que du directoire de l'administration dont ils feront partie : ils y auront séance à un bureau placé au milieu de la salle, et en avant de celui au président.
Ils n'auront point de voix délibérative ; mais il ne pourra être fait à ces séances aucuns rapports sans qu'ils en aient eu communication, ni être pris aucuns arrêtés sans qu'ils aient été entendus, soit verbalement, soit par écrit.
Ils veilleront et agiront pour les intérêts du département ou du district ; ils seront chargés de là suite de toutes les affaires : mais ils ne pourront intervenir dans aucune instance litigieuse qu'en vertu d'une délibération du corps administratif ; ils n'agiront d'ailleurs sur aucun objet relatif aux intérêts et à l'administration du département et du district que de concert avec le directoire.
II sera pourvu à l'interruption du service des procureurs-généraux-syndics et des procureurs-syndics, qui pourrait arriver pour cause de maladie, d'absence légitime, ou de tout autre empêchement, par la précaution que les membres des administrations de département et de district seront tenus de prendre, après avoir nommé les membres qui composeront les directoires, d'élire de suite et de désigner un de ces membres pour remplacer momentanément,dans les cas ci-dessus, le procureur-général-syndic et le procureur-syndic.
8 VI. Explications sur la troisième section des décrets concernant les fonctions des corps administratifs.
Le principe général dont les corps administratifs doivent se pénétrer, est que si, d'une part, ils sont subordonnés au Roi comme chef suprême de la nation et de l'administration du royaume, de l'autre, ils doivent rester religieusement attachés à la Constitution et aux lois de l'Etat, de manière là ne s'écarter jamais, dans l'exercice de leurs
fonctions, des règles constitutionnelles, ni des décrets des législatures, lorsqu'ils auront été sanctionnés par le Roi.
L'article 1er de la section IIIe du décret établit et définit les pouvoirs qui sont confiés aux corps administratifs pour la répartition des contributions directes, la perception et le versement du produit de ces contributions, ia surveillance du service et des fonctions des préposés à la perception et au versement. Le même article établit les corps administratifs ordonnateurs des payements pour les dépenses qui seront assignées en chaque département, sur le produit des contributions directes.
L'article 2 détermine la nature et l'étendue des pouvoirs conférés aux corps administratifs dans toutes les autres parties de l'administration générale ; il en expose les objets principaux. Il n'appartient pas à la Constitution d'expliquer en détail les règles particulières, par lesquelles l'ordre du service et les fonctions pratiques doivent être dirigées dans chaque branche de l'administration. Les usages et les formes réglementaires ont varié pour chaque partie du service, et pourront encore être changés et perfectionnés : ces accessoires, étant hors de la Constitution, pourront faire la matière de décrets séparés, ou d'instructions particulières, à mesure que l'Assemblée nationale avancera son travail ; et ce qu'elle n'aura pas pu régler, restera utilement soumis aux conseils de l'expérience, aux découvertes de l'esprit public, et à la vigilance du Roi et des législatures. Ce qui suffit en ce moment est que les différents pouvoirs soient constitués, séparés, caractérisés, et que l'origine et la nature de ceux qui sont conférés aux corps administratifs ne puissent être ni méconnues, ni obscurcies. Il est nécessaire d'observer, à cet égard, que l'énumération des différentes fonctions des corps administratifs, qui se trouve dans l'article 2 de la IIIe section, n'est pas exclusive, ni limitative ; de manière qu'il fût inconstitutionnel de confier par la suite à ces corps quelque autre objet d'administration non-exprimé dans l'article. Cette énumération n'est que désignative des fonctions principales, qui en-trent plus spécialement dans l'institution des administrations de département et de district.
L'Ëtat est un, les départements ne sont que des sections du même tout : une administration uniforme doit donc les embrasser tous dans un régime commun. Si les corps administre tifs indépendants, et, en quelque sorte, souverains dans l'exercice de leurs fonctions, avaient le droit de varier à leur gré les principes et les formes de l'administration, la contrariété de leurs mouvements partiels, détruisant bientôt la régularité du mouvement général, produirait la plus fâcheuse anarchie. La disposition de l'article 5 a prévenu ce désordre, en statuant que les arrêtés qui seront pris par les administrations de département sur toUs les objets qui intéresseront le régime de l'administration générale du royaume, ou même sur des entreprises nouvelles et "des travaux extraordinaires, ne pourront être exécutés qu'après avoir reçu l'approbation du Roi.
Le même motif n'existe plus, lorsqu'il ne s'agit que de l'expédition des affaires particulières, ou des détails de l'exécution à donner aux arrêtés déjà approuvés par le Roi ; et par cette raison, le même article 5 décide que, pour tous les objets de cette seconde classe, l'approbation royale n'est pas nécessaire aux actes des corps administratifs.
Le fondement essentiel de cette importante par-
tie de la Constitution, est que le pouvoir administratif soit toujours maintenu très distinct, et de la puissance législative à laquelle il est soumis, et du pouvoir judiciaire dont il est indépendant.
La Constitution serait violée si les administrations de département pouvaient, ou se soustraire à l'autorité législative, ou usurper aucune partie de ses fonctions, ou enfreindre ses décrets, et résister aux ordres du Roi qui leur en recommanderait l'exécution. Toute entreprise de cette nature serait de leur part une forfaiture.
Le droit d'accorder l'impôt et d'en fixer tant la quotité que la durée appartenant exclusivement au Corps législatif, les administrations de département et de district n'en peuvent établir aucun pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit. Elles n'en peuvent répartir au delà clés sommes et du temps que le Corps législatif aura fixés : elles ne peuvent de même faire aucun emprunt sans son autorisation. 11 sera incessamment pourvu à l'établissement des moyens propres à leur procurer les fonds nécessaires au payement des dettes et des dépenses locales, et aux besoins urgents et imprévus de leurs dépar-ments.
La Constitution ne serait pas moins violée si le pouvoir judiciaire pouvait se mêler des choses d'administration, et troubler, de quelque manière que ce fût, les corps administratifs dans l'exercice de leurs fonctions. La maxime qui doit prévenir cette autre espèce de désordre politique est consacrée par l'article 7. Tout acte des tribunaux et des cours de justice, tendant à contrarier ou à suspendre le mouvemént de l'administration, étant inconstitutionnel, demeurera sans effet, et ne devra pas arrêter les corps administratifs dans l'exécution de leurs opérations.
Les administrations de département et de district, qui vont être établies, succédant aux Etats provinciaux, aux assemblées provinciales et aux intendants et commissaires départis dans les généralités, dont les fonctions cesseront aux termes des articles 8 et 9, prendront immédiatement la suite des affaires.
Il sera pourvu à ce que tous les papiers et renseignements nécessaires leur soient remis, et à ce que le compte de la situation de leurs départements respectifs leur soit rendu.
Elles recevront à l'ouverture, ou pendant le le cours de leur première session, la notice des objets dont il paraîtra nécessaire qu'elles s'occupent provisoirement et sans délai.
Il a paru nécessaire de prévenir l'embarras qu'auraient éprouvé les provinces qui ont eu jusqu'à présent une seule administration, et qui se trouvent divisées maintenant en plusieurs déparlements, pour terminer les affaires communes procédantes de l'unité de leur administration précédente. Ce cas a été prévu et décidé par le dernier article de la section du décret. Chacune des nouvelles adminsitrations de département établies dans la même province nommera parmi ses membres, autres que ceux du Directoire, deux commissaires. Les commissaires de tous les départements de la province se réuniront, et tiendront leurs séances dans la ville où était le siège de la précédente administration.
Ce commissariat, composé des représentants de toutes les parties de la province, s'occupera de liquider les dettes contractées sous l'ancien régime, d'en établir la répartition entre les divers départements, et de mettre à fin les anciennes affaires. II cessera aussitôt que la liquidation et
le partage auront été faits, et rendra compte de sa gestion, lorqu'elle sera finie, ou même pendant sa durée, s'il en est requis, à une nouvelle assemblée, composée de quatre autres commissaires nommés par chaque administration de département.
L'organisation du royaume la plus propre à remplir les deux plus grands objets de la Constitution, la jouissance, dèsla prochaine législature, de la meilleure combinaison de représentation proportionnelle qui ait encore été connue, et l'établissement, dès le moment actuel, des corps administratifs les plus dignes de la confiance publique, sont les nouveaux fruits que la nation va recueilir des travaux de ses représentants. Elle continuera d'y reconnaître leur respect soutenu pour tous les principes qui assurent la liberté nationale et l'égalité politique des individus. L'attention de tous les citoyens doit se porter en cet instant sur la formation très prochaine des administrations de département et de district. L'importance de leur bonne composition doit rallier, pour obtenir les meilleurs choix, les efforts du patriotisme qui veille pour la chose publique, et ceux de l'intérêt particulier qui se confond, s'identifie sur ce point avec l'intérêt général. Le régime électif est sans doute la source du bonheur et de la plus haute prospérité, pour le peuple qui sait en faire un bon usage ; mais il tromperait les espérances de celui qui ne porterait pas dans son exécution cet esprit public qui en est l'âme, et qui commande dans les élections le sacrifice des prétentions personnelles, des liaisons du sang, et des affections de l'amitié, au devoir inflexible de ne confier qu'au mérite et à la capacité les fonctions administratives, qui influent continuellement sur le sort des particuliers et sur la fortune de l'Etat.
décret
Du vendredi 8 anvier 1790.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
Que les décrets de l'Assemblée nationale rendus sur la formation, tant des assemblées primaires et d'électeurs, que des administrations de département et de district, rédigés et classés dans l'ordre que l'Assemblée a adopté par son décret du 22 décembre dernier, soient présentés à l'acceptation du Roi, et l'instruction qui vient d'être lue, à son approbation ;
Que Sa Majesté soit suppliée de les envoyer aux tribunaux, corps administratifs et municipalités, pour être transcrits dans leurs registres, et publiés sans délai dans tout le royaume ; qu'Elle soit également suppliée de prendre les mesures les plus convenables pour que l'exécution en soit utilement surveillée et dirigée en chaque département, et pour que la convocation des assemblées qui doivent élire les membres des administrations de département et de district, ait lieu au plus tard du Ie'' au 15 février prochain.
L'Assemblée nationale se réserve de distinguer, dans les articles de son décret relatif aux assemblées représentatives et aux corps administratifs, les articles constitutionnels de ceux qui ne sont que réglementaires.
Signé : l'abbé be Mon'tesquiou, président, duc d'Aiguillon, Duport, Treilhard, le chevalier de Bocfflers, Barrère de Yieuzac, Massieu, curé de Gercy, secrétaires.
PRÉSIDENCE DEM. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance. Il ne s'élève pas de réclamation.
, un autre de MM. les secrétaires, donne lecture de plusieurs adresses.
Adresse des religieux bénédictins de l'abbaye de Bec-Hellouin, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée concernant les biens ecclésiastiques; mais ils réclament la liberté et un traitement proportionné à la valeur de leurs biens, et analogue à leur existence civile.
Adresse de félicitation et dévoûment dé la communauté de Mucidan en Périgord ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande permission à l'Assemblée de se servir du même sceau qu'elle, en y plaçant municipalité de Mucidan au lieu d'Assemblée nationale.
Adresse de félicitation, remerçiment et adhésion de la ville de Le Luc en Provence ; elle demande d'être chef-lieu de district, ou du moins de dépendre de celui de Brignoles.
Adresse du même genre de la communauté d'Ermont : elle demande que le bourg d'Argen-teuil soit le chef-lieu d'un district.
Adresse du même genre du bourg de Chaumes en Brie ; il demande la conservation de son collège et de sa maison de charité.
Adresse de la communauté de Tour-la-Ville, près de Cherbourg, qui exprime avec énergie les sentiments de l'admiration la plus vraie, de la reconnaissance la mieux sentie et du dévouement le plus absolu dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale.
Adresse de la ville de la Guerche en Bretagne, ville qu'on a dit à l'Assemblée n'avoir pas donné d'adhésion, laquelle porte renouvellement de fidélité à la nation et au Roi, et dénonce à l'Assemblée les membres de la chambre des vacations du parlement de Rennes comme coupables de prévarication et de forfaiture.
Cette adresse est ainsi conçue :
Nosseigneurs, si vous avez jusqu'ici recueilli les hommages de l'enthousiasme et de l'admiration, votre courage et vos vertus vous en promettent de plus flatteurs et de plus dignes de vous, ceux de la franchise et de la vénération; ce sont les seuls qui conviennent à des soldats-citoyens, et que s'empressent de vous offrir les deux régiments nationaux de notre ville.
Libres aujourd'hui par vos efforts, nous sommes sous les armes pour le maintien de notre
liberté et la conservation de nos libérateurs. Notre serment est fait* et il est inviolable.
Deux mille Saintongeois militaires ont juré, sur les faisceau* de leurs armes, que jamais la
main impie et perverse de l'aristocrate ne se portera impunément sur vos personnes, ni sur
vos décrets. Nous avons promis, sur la foi de l'honneur, que ce superbe édifice, élevé par
votre patriotisme et votre fermeté, sera aussi durable que la monarchie; que nous en
soutiendrons les colonnes
Mais, lorsque, en garde contre les sourdes conjurations qui nous inquiètent encore, nous consolidons la base de notre régénération, pour tout ce que l'amour de notre fidélité peut nous rappeler. de vigilance et d'activité, laisserez-vous échapper au glaive des lois ces têtes perfides et coupables, faites pour bondir sur les ruines de l'autel du despotisme, lorsque des milliers de citoyens vertueux ont expiré victimes innocentes d'une révolution nécessaire, mais orageuse, émanée des vices et de la trahison des ministres corrompus ? N'immolera-t-on pas à leurs mânes impatientes ces Galonné, ces Breteuil, ces Brienne, etc., dont le sang impur n'expiera jamais les larmes qu'ils nous ont fait verser...? Ces agents subalternes, exécuteurs altiers de leurs ordres barbares, échapperont-ils à votre justice vén-geressè ? et les tribunaux ne seront-ils pas bientôt chargés de recevoir les comptes de ces concussionnaires qui ont dévoré nos fortunes, en outrageant notre misère?...
Jamais, Nosseigneurs, notre régénération ne sera complète si vous ne purgez la France de ces vampires affamés, dont la présence odieuse ne nous retrace le tableau de nos malheurs, que pour nous en faire toujours appréhender de nouveaux. Seuls tranquilles au milieu de leurs fortunes, si, pourtant, le scélérat peut l'être, posséderaient-ils plus longtemps ces richesses enlevées à tant de familles qui les réclament pour les offrir à l'Etat, à qui l'hommage en est dû? Intendants, fermiers-généraux, subdélégués, etc., quoil cès monstres dorment encore en paix, et la nation est douloureusement agitée par leurs déprédations I
Voilà, Nosseigneurs, les hommes que nous vous dénonçons, et dont les fortunes usurpées peuvent remplir le gouffre immense que cent mains avares ont crèusé. Que leurs noms et leurs supplices, présentés pour exemple à la patrie, soient la consolation des victimes qu'ils ont sacrifiées, et l'effroi de leurs semblables 1 Les mêmes châtiments doivent poursuivre ces conspirateurs fugitifs qui ont emporté avec eux leurs crimes et nos trésors. L'homme qui fuit lorsque sa patrie est en danger est un monstre qui la trahit, ou un lâche qui l'abandonne, et la confiscation de ses biens doit être la moindre peine de sa trahison ou de sa désertion.
Mais repoussons ces tableaux, alarmants pour fixer nos idées sur des objets plus consolants et plus flatteurs.
Immortels libérateurs de la patrie, daignez accueillir avec sensibilité les témoignages réitérés de nos respects, de notre amour, gravés dans le fond de nos cœurs; nos registres en vont également être les dépositaires pour les transmettre à nos descendants comme un monument offert à vos bienfaits et élevé par notre reconnaissance.
Des trophées plus glorieux vous attendent ; mais l'honneur de vous ies ériger n'est réservé qu'à des mains plus vertueuses, celles de nos enfants. Pour nous, fidèles à nos serments, nous veillerons à vous garantir des pièges tqui vous environnent. Assez de dangers ont menacé vos
jours, il est temps qu'ils n'existent plus que pour nous : mais malheur aux ennemis de notre liberté ! Nul coin de la France ne peut les récéler en sûreté. De toutes parts inspectés par l'œil surveillant des vrais patriotes, ils ne déroberont jamais leur complot à l'activité de nos recherches, et leurs têtes sacrifiées à notre félicité forceront leurs complices, ou à devenir citoyens par besoin, ou à fuir une terre qui n'est pas faite pour être l'asile des scélérats : alors, sur les débris de nos tyrans, nous verrons le patriotisme élever un temple à la vertu, où tous les Français, redevenus çe qu'ils étaient dans des temps plus heureux, s'empresseront d'offrir le tribut de leurs talents et de leurs facultés à la patrie, et de lire sur l'autel les noms des députés immortels à qui ils seront redevables de leur génération et de leur bonheur.
Nous sommes, etc.
Délibération de la ville de Rodez, capitale du Rouergue, ainsi conçue :
Les habitants de la ville de Rodez, extraordi-nairement assemblés, considérant l'immensité des travaux auxquels se livrent sans relâche les représentants de la nation française, leur courage et leur constance à surmonter les obstacles de tout genre, qui s'opposent à leur marche, l'intrépidité qu'ils ont montrée au milieu des dangers inouis dont ils se sont vus menacés : l'héroïsme avec lequel ils sacrifient tous les jours au salut de l'État les biens les plus chers à l'homme repos, fortune, santé et les plus douces affections de la nature; i
Considérant que, par de si glorieux travaux et de si généreux efforts, l'Assemblée nationale a posé les bases et avancé l'édifice d'une Constitution qui nous rendra la liberté, l'égalité, ces droits imprescriptibles de l'homme ; d'une Constitution qui établira l'empire de la justice et de la raison sur les ruines du despotisme ; d'une Constitution qui relèvera le caractère national, dégradé par les restes honteux de la féodalité ; d'une Constitution, enfin, qui, par la destruction de la servitude des personnes et des biens, régénérera tout à la fois nos mœurs et nos propriétés ;
Considérant que les décrets de l'Assemblée nationale vont ramener la tranquillité dans les provinces, par une sage organisation des assemblées municipales et do département ; assurer la subsistance des pauvres par la disposition des biens que la piété et l'humanité ont destinés à remplir ce devoir sacré; faire fleurir la religion par le retour de ses ministres aux vrais principes de leur état; donner une nouvelle vie à l'agriculture et au commerce, par la suppression des entraves qui les font languir; établir enfin l'abondance et le bonheur dans toutes les parties de ce royaume par l'abolition des impôts arbitraires et vexatoires, qui les ont jusqu'à présent, désolées et par la création d'impôts modérés, sagement et également répartis sur tous les individus;
Considérant que tant de bienfaits sont autant au-dessus de nos espérances, que les vertus auxquelles nous les-devrons, sont au-dessus de l'humanité;
Déclarent que leur admiration, leur respect, leur amour et leur reconnaissance sont sans bornes;
Que non seulement ils adhérent aux décrets de l'Assemblée nationale, mais qu'ils sont prêts à immoler leur vie pour assurer aux générations futures leur exécution et le succès delà régénération qu'ils vont opérer;
Qu'ils acceptent surtout avec transport ce décret
du 4 août, qui, par la suppression des privilèges des villes et des provinces, établit entre elles cette égalité de droits, cette unité d'intérêts sans lesquelles il n'y a pas de bonheur à espérér pour un grand empire ;
Qu'ils s'empressent d'offrir, pour gage de leur soumission à cet important décret, "abandon de plusieurs privilèges, que les comtés de Rodez et les rois, leurs successeurs avaient accordés à cette ville en récompense de son zèle et de sa constante fidélité ;
Que pour alléger, autant que leurs faibles moyens le leur permettent, le fardeau d'une dette consacrée par la loyauté française, ils arrêtent de remettre à la nation une créance sur l'État de 22,470 livres payée par la ville de Rodez, pour l'acquisition des offices municipaux, et d'en envoyer les titres constitutifs à M. le président de l'Assemblée nationale, avec la présente délibération ;
Que, se faisant gloire et s'estimant heureux de pouvoir imiter en quelque chose la générosité des augustes représentants de la nation, ils font à la patrie le don de leurs boucles d'argent, en attendant l'exécution du décret relatif à fa contribution patriotique, qu'ils promettent d'acquitter religieusement.
Ainsi arrêté à l'unanimité des suffrages, et ont signé au registre, MM. les officiers municipaux avec les délibérants.
Adresse du comité de Villeneuve d'Agenois à Vauguste Assemblée nationale.
Nosseigneurs arrivés au terme de nos fonctions, nous croyons devoir rendre à l'auguste Assemblée un compte exact et fidèle de la manière dont nous nous en sommes acquittés, et de l'état où. est la ville de Villeneuve, au moment d'en remettre l'administration à nos successeurs avec l'autorité municipale qui nous avait été confiée. En remplissant ce devoir, nous remplissons le.vœu de nos concitoyens qui se livrent déjà avec effusion au bonheur de servir et d'aimer la patrie.
La ville de Villeneuve se glorifie d'avoir une des premières fait entendre le cri de la liberté, réclamé les droits du peuple français et voté la convocation de l'Asssemblée nationale.
Au moment de cette fermentation générale qui menaça le royaume d'une fatale anarchie; dans ce moment où la police, les lois, les tribunaux de justice furent en quelque sorte anéantis par l'opinion égarée du peuple ; dans cet instant où, seul vengeur de sa trop longue oppression, il enfantait des crimes ridicules qu'il punissait par des supplices atroces; dans le moment, enfin, où tant de villes furent le théâtre des plus sanglantes tragédies ; la nôtre, pure, et innocente non seulement de toute atrocité, mais de la moindre violation de la liberté et de la propriété, forma, sous les auspices de la justice et de la concorde, un comité nombreux qui, permanent et réuni à la municipalité, put empêcher le développemeut des germes de sédition et de licence qu'un souffle contagieux semait sur toute l'étendue du royaume. Un régiment national, créé dans le même temps, arma le comité d'une force redoutable qui a pu imposer par sa présence mais dont l'appui n'a jamais dû être invoqué.
Aussi les fonctions du comité n'ont été pénibles que par la constance des soins et de la sollicitude, et notre ville n'a cessé un instant d'offrir, aux regards étonnés de nos voisins, le
spectacle d'une famille patriotique dans laquelle l'union des cœurs et l'unanimité des opinions avaient effacé les humiliantes distinctions d'ordre, de condition, derang, avant même que l'Assemblée nationale eût retranché du corps social ces excroissances si contraires à Une organisation saine et également avantageuse pour tous leà membres qui le composent.
Ainsi, Nosseigneurs, le comité a joui de la confiance du peuple, et le peuple a constamment goûté dans ces jours orageux la plus douce, la plus inaltérable paix. Les petits intérêts privés n'ont jamais nui a l'intérêt de la chose publique. Nos regards n'ont cessé de suivre, avec une filiale inquiétude, tous les mouvements de l'Assemblée; de cette assemblée sur la sagesse et le courage de laquelle reposent encore la sûreté de notre bon monarque, les espérances des Français et la prospérité de l'empire : prêts à partager tous les périls, nous ne sommes pas moins ardents à signaler par toutes sortes de sacrifices notre attachement inviolable à ses décrets régénérateurs.
Quand, frappée du désordre des finances, et voulant détourner de dessus cet empire la honte d'une banqueroute, le plus grand des malheurs pour une nation juste et loyale, l'Assemblée eut décrété la prompte perception des impôts, le comité de Villeneuve se hâta d'en faire par lui-même la levée, et tous les citoyens se firent un devoir de justifier son attente.
Lorsque, peu de jours après, un célèbre décret de l'auguste Assemblée nationale recommanda, pour ainsi dire, l'honneur français au patriotisme de chaque citoyen, nous vîmes tous les habitants de cette ville faire à l'envi l'offrande du quart de leurs revenus ; leurs déclarations sont déjà faites depuis plusieurs jours et loyalement faites. Le peuple, même le plus voué aux ressources incertaines de l'industrie, voulut parer d'un modique, mais précieux tribut, l'hôtel de la patrie. Avant cette époque, les objets de luxe lui avaient été voués en pur don. Nous joignons ici une lettre de change de la somme de 2,549 livres 14 sous, qui est le produit des boucles de nos jeunes gens, de l'argenterie de la chapelle de nos pénitents bleus, et de quelques bijoux de ' madame de Ëourran.
Tel est, Nosseigneurs, le tableau historique de la cité de Villeneuve, depuis le premier moment de la Révolution. C'est pour nous être pénétrés de vos principes, que nous avons marché sans écart et sans chute dans le sentier de la justice, de l'honneur et du vrai patriotisme. Nous remettrons pure et sans tache, à la nouvelle municipalité, une ville heureuse par la paix dont elle a joui, plus heureuse et plus honorée encore par la parfaite adhésion à toutes les lois émanées de l'auguste Assmblée nationale. Qu'elle daigne recevoir l'irrévocable dévouement de tous les habitants à la garde de l'honneur français, à la dér fense de la liberté publique et au maintien de notre sacrée Constitution.
Un aperçu rapide sur l'état présent des provinces et sur les troubles qiie l'intérêt particulier y ! suscite alarme les bons citoyens ; et les prétentions particulières de plusieurs villes heurtent le principe de l'intérêt général. La commune de Villeneuve, qui, jusqu'ici, s'est conduite avec autant de modération que d'équité, s'empresse d'adopter d'avance, avec respect et satisfaction, les divisions de territoire et de pouvoir administratif qui seront décrétées par l'auguste Assemblée nationale.
Un membre de V Assemblée a présenté une adresse du bourg du Chàtelet en firie, qui annonce la ferme adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, dont elle développe les effets infiniment avantageux pour tous les citoyens, et principalement pour la classe pauvre et souffrante répandue dans les campagnes, si longtemps fatiguée du joug accablant du fisc et de la milice. Ce bourg réclame de la justice de l'Assemblée nationale l'attribution d'un canton et l'établissement d'un juge de paix ; il observe qu'il est situé sur la grande route de Lyon, à 3 ou 4 lieues de Melun, de Montereau et des autres villes susceptibles de devenir centre de département ou de district, et qu'il est environné d une vingtaine de villages dont il est le point central, et qui n'ont à leur proximité aucun autre bourg important, ni aucune route praticable.
Enfin, il annonce que les plus pauvres manou-vriers se sont empressés de contribuer à la prestation du quart patriotique, et que cette contribution s^éléve déjà à 1,200 livres.
présente un don patriotique de la ville de Nevers consistant en 52 marcs 6 onces, 5 gros d'argenterie et 1,169 livres d'argent comptant.
, député de Saint-Flour, principale ville et capitale de la Haute-Auvergne, présente une adresse de cette ville contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et le don patriotique du montant des impositions mises sur les ci-devant privilégiés pendant les six derniers mois de l'année 1789.
La municipalité de la paroisse de Crosne a pareillement fait hommage à la patrie d'une somme de 480 livres, dont la restitution lui avait été faite par les agents de l'intendance.
La ville de Falaise a présenté en don patriotique 63 marcs cinq onces d'argenterie.
L'Assemblée, satisfaite de ces marques de patriotisme, a accordé la séance aux députés de Falaise et de Cosne.
, député] du Poitou, annonce que M.de Berge, ancien médecin de l'hôpital de laFere, actuellement médecin en chef 'des épidémies de la généralité de Soissons, a fait remise du brevet d'une pension de 200 livres à lui accordée pour 40 années de services ; l'Assemblée nationale n'a pu qu'applaudir au désintéressement et au patriotisme de ce citoyen.
Le sieur Deome, relieur de l'Université de Paris, et de la commune de cette ville, désirant contribuer, autant qu'il est en lui, à la conservation des travaux précieux de l'Assemblée, a fait l'offre de relier gratuitement et sans frais les procès-verbaux de la session actuelle, qui sont déposés aux archives nationales, et le recueil des ouvrages qui, pendant la même session, seront imprimés par les ordres de l'Assemblée; sa proposition a été acceptée, et le titre de relieur de l'Assemblée nationale lui a été donné.
Le sieur Dijon, relieur de l'Académie des inscriptions, a fait ensuite les mêmes offres; l'Assemblée en a été très-satisfaite, mais elle n'a pas pu les accepter, attendu l'acceptation qu'elle venait de faire des offres du sieur Deome.
rend compte d'une adresse des députés envoyés des manufactures et du commerce, qui prient l'Asemblée nationale d'indiquer un jour fixe et prochain pour entendre le rapport
du comité d'agriculture et de commerce sur le commerce de l'Inde et le prétendu privilège de la compagnie actuelle.
demande que le comité, avant de faire son rapport, soit tenu de se mettre en état de rendre compte en même temps des titres et règlements sur lesquels peut être fondé le privilège de la compagnie, et de tous les faits antérieurs qui sont relatifs à ce commerce et à l'état des établissements français au delà de la Ligne.
Il est observé que ce comité est complètement instruit de tous les détails concernant la compagnie des Indes, et qu'il est prêt à faire son rapport.
L'Assemblée nationale renvoie l'adresse des députés extraordinaires des manufactures et du commerce au comité de commerce et d'agriculture, et le charge de faire très incessamment son rapport sur toute cette affaire.
On passe à l'ordre du jour qui appelle la discussion sur diverses contestations élevées par la formation des départements du royaume.
, rapporteur du comité de constitution, dit que la ville de la Gharité-sur-Loire a fait remettre au comité un mémoire sur la question de savoir si elle ferait partie du département du Berry ou de celui du Nivernais. Ce mémoire est ainsi conçu :
La province du Nivernais n'a aucuns motifs réels pour demander que la' ville de la Gharité-sur-Loire fasse partie de son département la province du Berry, au contraire, a lès motifs les plus puissants pour demander que cette ville continue à faire partie du sien, parce que la ville de la Charité, par sa position, devient le point de la province du Berry le plus important pour l'établissement d'un cnef-lieu de district, et que sous ce rapport, comme sous tous les autres, elle est surabondante et même tout à fait inutile à la province du Nivernais/Ces deux vérités démontrées, la question qui divise les provinces du Berry et du Nivernais se trouve jugée, et la demande que fait la ville de la Chanté, de demeurer attachée à la province du Berry, ne peut pas être considérée comme une démarche fondée sur quelques intérêts particuliers ; mais elle devient le vœu d'une commune qui, connaissant ce qui importe au bien-être des peuples, s'efforce à concourir à ce que le bien s'opère et à ce qu'on évite les gènes, les inconvénients, les surcroîts de dépense, les murmures, peut-être même les mouvements tumultueux qui seràient la suite dangereuse d'une innovation qui briserait des liens formés par le besoin, resserrés par l'habitude, qui profitent à tous et ne nuisent à personne.
Un léger coup d'œil, jeté sur la carte des provinces du Nivernais et du Berry, démontrera combien il est inutile, pour la première de ces provinces, de posséder la ville dè la Charité, et combien il importe à la seconde qu'elle n'en soit Das séparée. Etablissons ces deux vérités :
Si l'on compare la position des villes de la Charité, Nevers, Gosne et Donzy, on verra que la ville delà Gharité n'est éloignée que de cinq lieues des villes de Nevers à Donzy, et qu'elle l'est seulement de sept de la ville de Gosne-, et comme le district qu'on établirait à la Gharité ne dispenserait pas des districts qu'on serait forcé d établir dans la ville de Nevers et dans l'une des villes, et peut-être dans les deux villes de Gosne et de Donzy, il s'ensuivrait que le district, établi à la Charité, se réduirait à la surface d'un demi-
cercle dont le rayon serait de deux lieues et demie à trois lieues. Si l'on fait attention ensuite qu'à l'exception d'une langue de terre d'environ une lieue de large qui s'étend le long des bords de la Loire, depuis Nevers jusqu'à Gosne, tout le reste n'est plus couvert que de bois, d'étangs, de rivières; que, - sauf les chefs-lieux des paroisses, les bâtiments nécessaires aux exploitations des fourneaux el des forges, quelques domaines épars ça et'là, les autres habitations ne consistent qu'en chaumières que l'on ne conserve que parce qu'il faut des retraites pour les bûcherons, mineurs, et autres ouvriers employés aux travaux des fourneaux et des forges ; enfin, et pour dernière observation, si l'on fait attention que, dans tout ce canton, il n'y a pas de milieu entre l'état de grand propriétaire et l'état d'homme à gages, on concevra pour lors combien il serait absurde, dangereux même, d'accumuler trois districts, et peut-être quatre, dans un espace ainsi organisé, qui ne présente d'ailleurs qu'une surface d'environ quarante lieues carrées, et dont les trois quarts, au moins, sont sans habitations et sans habitants.
Que l'on compare maintenant la position des villes de la Gharité, Sancerre, Bourges, Dun-le-Roi ou Sancoins, les seules où la province du Berry puisse établir des chefs-lieux de district. Sancerre est éloigné de la Gharité de sept lieues ; Bourges et Dun-le-Roi,de onze ; Sancoins, de dix. L'espace renfermé entre ces villes offre environ une surface de 120 lieues carrées, et cette surface n'est pas un terrain aride, couvert de bois et vide d'habitants : c'est la partie du Berry la plus fertile et la plus peuplée, où la terre est partout cultivée, où les propriétés sont divisées, les habitations multipliées, où tous les habitants sont cultivateurs, où l'on trouve encore des bois, des fourneaux et des forges qui ajoutent aux moyens de la population, et qui donnent des travaux aux cultivateurs dans les temps où la culture est suspendue ; cependant ce canton si peuplé n'a pas un seul local pour établir un district ailleurs qu'à la Gharité, et quoique, dans quelques paroisses, la population s'élève à plus de 1,200 âmes, les habitations et les habitants y sont néanmoins épars, et le bourg et le village le plus considérable contiennent à peine deux cents personnes.
La population de la ville de la Gharité est de près de 5,000 âmes : si cette ville demeure chef-lieu de district pour la province du Berry, les plus éloignées des paroisses qui lui seront réunies ne le seront que de cinq à six lieues ; si cette ville fait partie du Nivernais, ces mêmes paroisses se trouveront-à une distance de sept à onze lieues des chefs-lieux de districts établis dans les villes de Sancerre, Bourges, Dun-le-Roi ou Sancpins, et dans des cantons où il n'existe aucune route, et où les communications sont impraticables pendant les trois quarts de l'année. La ville de la Charité, réunie au Nivernais, ne sert qu'à accumuler trois ou quatre chefs-lieux de districts dans un espace de quarante lieues carrées, dont les trois quarts, au moins, sont ou couverts de bois, ou sans culture, La ville de la Gharité séparée du Berry, on laisse sans chef-lieu de district la moitié d'une surface d'environ 120 lieues carrées; on force des cultivateurs, dont le temps est toujours si précieux, à des déplacements inu-tilfes et coûteux. En plaçant à douze lieues d'eux le chef-lieu de leur district, on les oblige à des absences de deux et même trois jours, toutes les fois que les affaires d'administration ou des af-
faires civiles les appelleront dans le chef-lieu de leur district, tandis que si ce chef-lieu avait été plus rapproché d'eux, ils auraient pu, en un même jour, aller, revenir, terminer leurs affaires; et l'on sait combien il est important que le chef d'une grande culture ne soit pas forcé à des absences qui l'éloignent pendant plusieurs jours de la surveillance de sa maison et de ses travaux.
On bornera ici les observations qu'on s'est permis de faire sur la demande de la province u Nivernais, de réunir à elle là ville de la Charité, et l'on est persuadé que cette demande n'aurait jamais été faite si l'on eût mieux connu les grands inconvénients qu'elle entraînerait, et sa nullité pour l'avantage du Nivernais. On veut encore éviter de parler des relations de commerce et d'industrie qui, depuis plus d'un siècle, lient les intérêts de la Charité à ceux du Berry, de cette habitude que contractent entre eux' des hommes rapprochés, dès l'enfance, par une communication continuelle. On ne fera pas même valoir un point qui cependant n'est pas à dédaigner, le vœu des peuples ; et lorsqué la ville de la Charité manifeste le sien pour être conservée au Berry, lorsque cette province en manifeste un semblable pour appeler cette ville à elle, lorsque ce vœu ne nuit ni à la province du Nivernais, ni à un seul habitant du royaume, lorsqu'il tend, au contraire, à établir un équilibre plus parfait dans l'arrangement du tout, ce vœu ne peut pas être rejeté.
Signé Butet, maire de la ville de la Charité-sur-Loire, et représentant de la commune de cette ville.
ajoute : M. Sallé de Chou, député du Berry, a également remis au comité la notice suivante :
La ville de la Charité-sur-Loire a toujours fait partie de la généralité du Berry. Le Nivernais la réclame, en ce moment, et la question est de savoir si elle dépendradu département de Bourges, ou de celui de Nevers. L'avis du comité est pour le Nivernais ; mais les hommes les plus sages ne peuvent-ils pas quelquefois se tromper ?
1° Cette ville est nécessaire au Berry, pour faire un chef-lieu de district. Sans elle, tous les administrés dans cette partie de la province se trouveraient à huit et dix lieues de leur district, dans un pays affreux, où il n'existe aucune route, et où les chemins qui servent de communication sont impraticables pendant neuf mois de l'année.
Dans le Nivernais, au contraire, les villes de Nevers, Cosne et Donzy, qui entourent la Charité, sont à telle distance les unes des autres, que par le partage du territoire, les contribuables ne seront pas à plus de quatre lieues du chef-lieu de leur district.
2° Toutes les paroisses du Berry, jusqu'à cinq lieues de la Charité, vont vendre leurs blés dans cette ville et y acheter tout ce qui leur est nécessaire ; or, il convient de diviser les départements en telle manière qu'un citoyen, qui va dans une ville pour ses affaires domestiques, puisse, en même temps, régler toutes celles qu'il peut avoir relativement à la justice et à l'administration, sans être obligé à des déplacements multipliés (1).
3 Tous les biens patrimoniaux de la ville de
4° La Cbarité est la seule sortie du Berry pour communiquer avec la Champagne, la Bourgogne, le Lyonnais, etc. ; la reconstruction (1) du pont sur la Loire et son entretien intéressent donc essentiellement le Berry. Le Nivernais, au contraire, à qui cette considération est presque étrangère, porterait nécessairement ses forces et son attention à des moyens de communication d'une utilité plus particulière pour lui.
5° Enfin, la ville de la Charité, qui connaît mieux que personne ses véritables intérêts, demande expressément à n'être point séparée du Berry. Ce vœu, formé depuis cent ans peut-être, a été renouvelé en 1787, en mars 1789, en novembre et décembre derniers, et tout à l'heure encore son maire vient d'être député à l'Assemblée nationale pour solliciter sa justice à cet égard.
Qu'oppose-t-on à tant de moyens? que la Charité est sur la rive de la Loire opposée au Berry, et que cette position géographique la donne au Nivernais.
Si la formation des départements a eu pour premier objet de réunir des maisons et des clo chers ; si, pour y parvenir, on doit fouler aux pieds l'intérêt des peuples et leur vœu, ce moyen du Nivernais est décisif; mais si l'Assemblée, dans sa sagesse, a voulu qu'on ménageât les habitudes et les usages de chaque pays, qu'on respectât les rapports du commerce, que le cri des peuples fût écouté, qu'enfin l'intérêt public présidât à cette opération, le sort de-cette cause est décidé, et la Charité ne peut être séparée du Berry. Signé : sallé de chou.
Vous venez d'entendre les motifs qu'on fait valoir pour que la ville de la Charité-sur-Loire soit annexée au département du Berry. Le pont qui reliait les deux rives n'existe plus et il ne sera pas reconstruit si la Charité demeure au Nivernais, ce qui aura l'avantage de ne pas entraver la navigation.
Le Nivernais oppose à Bourges que le vœu de la ville de la Charité n'est ni décisif, ni général ; il fait valoir que la Charité est à cinq lieues de Nevers et à dix de Bourges ; que la Loire est une limite naturelle et que les rapports commerciaux eutre Bourges et la Charité n'en subsisteront pas moins, parce qu'ils sont fondés sur des intérêts réciproques.
Le comité pense que la ville de la Charité doit appartenir au département du Nivernais.
combat les conclusions du comité de Constitution et propose un décret favorable à la province du Berry.
fait valoir en faveur du Nivernais des raisons tirées de la position même de la ville et dit que la Loire est une démarcation naturelle entre les deux départe-^ ments.
met aux voix l'avis du comité de Constitution, qui est a dopté.
fait ensuite un rapport concernant la ville de Montauban. Messieurs, la ville de Montauban, importante par son commerce et ses manufactures, se trouve située à l'extrême frontière du Quercy, du côté de Toulouse. L'esprit de rivalité qui a régné depuis longtemps entre Catiors et Montauban a porté les députés extraordinaires de cette ville à demander qu'elle soit détachée du Quercy pour être unie à Toulouse. L'affaire paraissait arrêtée lorsque la ville de Montauban, dans une assemblée générale du 26 décembre dernier, a désapprouvé la désunion du Quercy et enjoint à ses députés de rompre tout traité contraire.
Toutes les convenances morales et naturelles donnent Montaubau à Toulouse, et cette considération était entrée pour beaucoup dans les motifs du comité pour proposer la formation de sept départements dans la province du Languedoc. Le comité pense que, malgré la fraternité qui anime les villes de Montauban et de Toulouse, il faut attendre du temps le calme dans les opinions ou dans les délibérations ; dans ce moment de secousses, les véritables intérêts ne sont pas sentis; les opinions opposées s'exagèrent ou s'exaltent ; les municipalités vont se former; des corps représentatifs bieii Organisés sauront faire connaître le véritable vœu de Montauban et cette ville aura le temps de mieux combiner ses intérêts et de délibérer sagement sur son sort.
Lé comité propose en conséquence de décréter que la ville dè Montauban sera provisoirement du département du Quercy, sauf, à la prochaine convocation pour la formation dès assemblées municipales, de juger, à là pluralité des électeurs, si Montauban et son territoiré au-dessous de l'Aveyron doivent s'unir au département de Toulouse.
11 serait injuste qu'une ville bla-cée à une petite distance dè Toulouse et qiîi à toutes ses relations avec elle n'y fût pas réûnié et qu'elle fût rattachée à une ville moins importante et plus éloignée.
Ce sdnt lés procureurs et gens d'affaires dé Montauban qui ont formé tous ces obstacles. Dans le moment présent le ressort de i sénéchaussée dé Toulouse s'étend jusqu'aux borteS de Montauban et celui de cette ville s'étend dans le Quercy ; ainsi la réunion fera perdre aux procureurs leur ancienne clientelle. Les députés extraordinaires de la ville étaient des négociants considérables et connaissaient les véritables intérêts de leur localité.
Là délibération de Montauban est reyêtue de la signature de trois pro-cureûrs-cônsuls, mais èllè est signée' êgâlerfïent par tous les habitants de la ville. Il n'ést pas naturel que Montauban qui avait uhe intendance et des cours supérieures, perde tous ses avantages. La province du Quercy n'entend pas d'ailleurs que sa capitale se détache d'elle.
Je dois faire remarquer à l'Assemblée nationale qu'un projet a été Concerté entre les villes de Toulouse et de Montauban dans lequel cette dernière devait faire partie du département de Toulouse ; c'est sur la foi de ce ttaifé
et pour conserver ses relations avec Montauban que les pays de Comminges et dè Nébouzan ont consenti à s'unir au département de Toulouse. Je réclamé donc l'exécution des conventions primitivement arrêtées de part et d'âiitrè.
Plusieurs membres réclament râjournément.
L'ajournement mis aux voix est rejeté.
Le projet dii comité de Constitution est ensuite adopte.
L'Assemblée reprend la suite de Id discussion de Vaffaire de Toulon.
M. dé Liàncourt a la parole.
Dans les circonstances acttielles, on ne peut trop répéter qu'une aussi grande révolution que celle qui change les lois, les usages, les habitudes de tant de siècles, ne peut s'opérer sans de grandes secousses ; que les malheurs passagers qu'entraînent ces grandes complotions, effets d'actions souvent répréheh-sibles, sont souvent aussi l'effet d'intentions pures, qu'ufte politique saine et éclàirëè né doit pas condamner sans les examiner dans le rapport des circonstances qui les ont fait naître.
M. d'Albert a toujours eu le désir constànt de préservé!- lé port et l'arsenal de Toulon des désordres qui auràiènt entraîné une perte irréparable pour la France. C'est dans cet esprit que M. d'Albert s'est constamment concerté avec lés magistrats de la ville pour en prévenir lé désordre; qu'il a le premier manifesté le désir de voir lever à Toulon une milice nationale, composée de citoyens intéressés à maintenu l'ordre public, ainsi quesa correspondance en lait foi; que c'est dans cet esprit que, craignant des troubles peut-être malicieusement annoncés par les enné-mis fin bien, on a cherché à prévenir les événements qu'on lui faisait redoute^ et préparer les moyens d'opposer une forte résistance aux entreprises qu'on lui disait être machinées contre le précieux dépôt qu'il devait conserver. On ne peut, avec l'envie d'être juste, donner à là conduite de M. d'Albert une autre interprétation. Si l'habitude d'un commandement sans opposition, d'une autorité sans bornes, tel que le service de la mer rend nécessaire, lui a paru quelquefois faire oublier, en 1789, que la révolution, désirée par toute la nation, et dont chaque jour augmentait l'influence, exigeait d'autres formes; si quelques expressions peu modérées pour les circonstances, fruit de l'impatience et d'un amour ardent du bien, sont sorties de sa bouche, paroles qu'il a eu le lendemain la prudence et je courage de détruire par des paroles contraires, ce tort léger est le seul dont l'envie puisse le charger, et dont peu de personnes peut-être pourraient se flatter de n'être pas coupables.
Je ne vois, dans la conduite du comité permanent de la ville de Toulon, que cette méfiance si naturelle, inhérente même à des temps de révo? lution, et qui, quoiquè injuste quelquefois dans son application, est cependant, dans certaines circonstances, lé moyen le pius certain de prévenir une révolution contraire.
Quant à l'espèce de préférence donnée par le comité de Toulon à une simple proclamation pour inviter les citoyens à la paix sur la loi martiale, cé n'est que la crainte de l'inexécution de cette loi et la possibilité de ne plus maintenir l'ordre.
Dans l'espèce de silence du comité et de la milice nationale, après l'emprisonnement des officiers de la marine, on ne doit voir que l'impossi-
bilité de ramener l'ordre par aucun moyen de rigueur, et l'espoir dont il se flattait de conserver, par une conduite analogue aux circonstances forcées, les jours précieux de prisonniers recom-mandables, que la fureur du peuple mçnaçait.
On ne doit voir aussi la criminelle intention de la violence exercée sur les ofQciers de la marine que dans quelques passions particulières d'hommes perfides qui ont égaré le peuple, et lui ont présenté le général et les officiers comme les ennemis de là liberté publique et comme jës oppresseurs de la viile. Us lont égaré sur les motifs specieux de liberté et de patriotisme ; car le peuple ne pourrait jamais être entraîné par des intentions coupables, et si, dans l'égarement auquel le livrent d'odiëusés impulsions, ses actions ne sont pas toujours bonnes, ses intentions sonttoujours pures; jamais, ràssemblé, il n'a codçu le projet de faire un crime.
Cependant, M. d'Albert a éprouvé un traitement rigoureux, que les plus grands crimes justifieraient à peioe. Il eût été plus rigoureux encore, sans lé courage de la garde nationale, que M d'Albert ne cesse de remercier dans ses mémoires; et M. d'Albert, victime de cet attentat, est l'homme que cinquante ans d'une vie pure ët sans tache rendaient l'objet de l'estime de ses concitoyens; c'est lui qui, sur toutes les mers, a fait porter au pavillon français le respect qui lui est dû; c'est lui dont vous ménagez et consolez la délicatesse affligée i car quel est le Français dont les facultés restent entières quand la délicatesse est en souffrance?
C'est d'après ces motifs que je vous propose le décret suivant :
L'Assemblée nationale, après avoir pris connaissance de l'affaire de Toulon, déclare le comte d'Albert de Rioms, MM. Duvillage, de Bonneval, de Boves, de Saint-Julien, et du Castellet, exempts d'inculpation; rend justice aux intentions patriotiques du conseil municipal et de la garde nationale de Toulon; ajourne le reste de l'affaire; décrète qne le Roi sera prié de prendre dans sa sagesse les mesures convenables pour assurer et maintenir l'ordre et la tranquillité dans le port de Toulon, et déclare que rien, dans cette affaire, ne doit porter atteinte à la réputation due aux qualités personnelles et aux services distingués de M. d'Albert de Rioms.
Lorsque nous sommes convaincus que M. d'Albert de Rioms a manifesté des principes contraires à ceux de la révolution actuelle, et s'est permis des procédés contraires aux droits de la liberté publique, et lorsque la conduite des habitants de Toulon nous offre le caractère d'une résistance légitime contre l'oppression, rien n'est aussi injuste et aussi impolitique à la fois que de donner ou des éloges ou une sentence d'aDsolution précise à M. d'Albert et aux autres officiers, ou le moindre signe d'im-probation à la conduite des habitants de Toulon.
Je ne veux être ni l'accusateur ni l'avocat des officiers de la marine; ni l'un ni l'autre rôle ne convient aux représentants de la nation; mais je crois que nous devons faire tous nos efforts pour empêcher qu'on ne donne des éloges aux sentiments et à ia conduite des officiers qui ont manqué à la liberté et au respect qui est dû au peuple.
Je ne parlerai pas des faits de cette affaire ; ils vous sont connus. Plût à Dieu que nous pussions oublier ce qui s'est passé à la même époque à Brest, où la liberté gémissait entourée de soldats;
àMarseille, où les meilleurs amis de la liberté, jetés dans des cachots, étaient prêts à périr sous le fer coupableMont les anciens abus et l'antique absurdité de nos vieilles institutions avaient armé la justice ! Quand je considère tous les événements de cette province, je ne puis m'empêcher de penser que, rapprochés par leur époque, ils étaient peut-être liés par des fils qu'il ne serait pas impossible de découvrir; je crains surtout de voir un décret de l'Assemblée nationale décourager le patriotisme, et encourager les ennemis de la liberté.
M. de Robespierre jette ensuite un coup d'œil rapide sur les principaux faits de cette affaire.
Si vous marquez de l'approbation, CoUtihue-t-il, pour la conduite de M. d Albert, ne refusez-vous pas au peuple le droit que votre déclaration des droits a consacré, celui de la résistance à l'oppression? N'établissez-vous pas au contraire qu'on peut insulter impunément l'autorité nationale?... Si vous déclariez qu'il n'y a lieu à aucune inculpation, ce serait déclarer qu'on n'est pâs coupable pour avoir insulté le peuple. Si vous donniez des éloges que deviendraient vos décrets?...
Je rie propose pas cependant de renvoyer au Châtelet ; mais j'adopte la première partie du décret de M. Ricard ; persuadé que la prudence et la justice vous commandent également de témoigner à la garde nationale et au conseil municipal votre satisfaction de leur conduite.
(1). Messieurs, c'est un moment de deuil, c'est un malheur publiç que de voir traduire dans cette Assemblée, en accusés, les innocentes victimes d'une odieuse intrigue et d'une violence coupable.
Le commandant et lés officiers de la marine de Toulon sont innocents : je me charge de le démontrer.
Les droits de l'homme et du citoyen ont été violés dans leurs personnes, vos décrets inéconnus; les pouvoirs législatifs et exécutifs sont offensés; l'humanité, la justice, la sûreté publique, l'honneur national demandent qu'ils soient vengè3.
Il ne s'agit, Messieurs, que dë bien constater les faits et les époques, de laisser chaque chose à sa place, et la vérité sortira de tous les nuages dont on voudrait l'enveloppér.
Il y a dans cette affaire trois époques et trois espèces de faits très différents.
Les premiers griefs contre M. d'Albert sont antérieurs à là sédition du 1er décembre :
Avait-il tort ou raison? quel genre de tort pouvait lui être imputé?que pouvait-il résulter de cette inculpation? c'est ce que nous allons examiner.
La deuxième époque est celle de la sédition. M. d'Albert, bien ou mal à propos, chasse deux ouvriers de l'arsenal, il en résulte une émeute; il est insulté, on s'attroupe, on lance des pierres contre sa maison; cinquante soldats de la marine sont appelés pour la garder.
Les officiers municipaux emploient tous leurs efforts pour apaiser le tumulte; ils ne peuvent y réussir ; M. d'Albert est arrêté.
Voici maintenant la troisième époque.
C'est après l'emprisonnement que s'élèvent les suspicions, les accusations et qu'on fait entendre dés témoins.
Sera-ce donc pour justifier la violation de tous
Ah ! c'est avant d'insulter, de blesser, d'emprisonner les officiers de la marine qu'il fallait faire informer contre eux;il est trop cruel aujourd'hui dë les accuser, de vouloir les rendre suspects à la nation, après les avoir outragés de toutes les manières.
Mais je demande de quoi l'on accuse le commandant et les officiers de la marine de Toulon? Qui est-ce qui les accuse ? Quels sont les chefs d'accusation?
Est-ce la municipalité de Toulon qui accuse?
Je ne vois dans ses arrêtés et dans ses lettres aucun titre, aucun chef précis d'accusation ?
Elle expose des faits, elle envoie un procès-verbal de dépositions ; elle annonce que le commandant et les officiers ont été arrêtés à la clameur publique. Or, qu'est-ce que la clameur publique dans une sédition? C'est la sédition elle-même; c'est la voix de ses auteurs ou de ses complices.
Le premier fait à remarquer est donc que la municipalité n'a cru ni devoir, ni pouvoir donner aucun ordre d'arrêter M. d'Albert et les officiers de la marine ; que, jusqu'au moment de la sédition, elle traitait avec le commandant par ses députés ; qu'elle demandait la grâce des ouvriers chassés de l'arsenal : qu'elle n'avait pas même pris une part directe et officielle aux plaintes antérieurement portées contre M. d'Albert par le corps des volontaires, et à la députation qu ils avaient faite de trois de leurs membres à Paris, qu'elle a seulement approuvée à leur réquisition.
La municipalité ne se croyait donc pas offensée avant cette malheurèuse journée du 1erdécembre; elle ne regardait pas davantage le corps des citoyens comme offensé par M. d'Albert. Une expression vive, qui ne s'adressait évidemment qu'à un ou deux particuliers, que M. d'Albert croit avoir aperçus dans le nombre des volontaires ; cette offense qu'il a réparée ensuite, ne pouvait être réputée collective pour tous les citoyens avec lesquels M. d'Albert a toujours bien vécu. D'ailleurs, un homme sensé n'insulte pas un corps et M. d'Albert est au moins un homme très sensé.
Cependant cette affaire de la cocarde se reproduit aujourd'hui comme cause première, comme signe des mauvaises intentions du commandant; il Taut donc l'approfondir dans tous ses détails, et voir comment on peut en faire naître un vœu prononcé contre la révolution, un projet d'attaque ou d'offense contre les citoyens.
Je remarque d'abord qu'il n'y a rien de plus contraire à la liberté, rien de plus tyrannique que cette espèce d'inquisition, qui donne un corps à la pensée pour en faire un délit, en attachant l'idée d'un projet criminel à des actions, à des démarches iusignifiantes par elles-mêmes.
On a remarqué, avec affectation, que M. d'Albert n'aimait pas la cocarde et qu'il avait défendu de la porter ; cela n'est pas, il l'a portée lui-même, ainsi que toutes les troupes. Il a trouvé très raisonnable que les ouvriers de l'arsenal la portassent aussi; mais il leur a défendu de s'enrôler dans le corps des volontaires et d'en porter le signe, qui est une aigrette.
Pourquoi cette défense?
Si le commandant croit qu'elle est nécessaire au maintien de la subordination dans l'arsenal, que le service de volontaire est incompatible avec celui de l'arsenal, qu'il en résulte une perte de temps pour les ouvriers, qu'ils seront moins
assidus, moins soumis à leurs chefs, le com-* mandant peut s'être trompé ; un décret de l'Assemblée, un ordre du gouvernement peut redresser cette erreur ; mais comme il n'était, sur ce point-là, contraint par aucune loi, que celle qui met à ses ordres toute la classe des ouvriers n'est point révoquée ; il a eu le droit de faire une pareille défense sans offenser personne et sans se rendre suspect de mauvaises intentions.
Comment se fait-il qu'un homme dont la conduite a été droite et loyale pendant.tous les orages qui se sont succédé depuis le mois de juin, se soit rendu suspect pour avoir défendu aux ouvriers de porter, non pas la cocarde, mais une aigrette de volontaire ?
Mais il a tenu un mauvais propos aux volontaires.
M. d'Albert aperçoit dans le nombre un maçon qui s'était signalé par ses violences dans l'émeute du mois, de mars, qui avait même été décrété et condamné par la justice.
M. d'André marque au ministre qu'il a purgé ce corps des étrangers; des gens suspects qui s'y étaient introduits : qu'il ne sera plus composé que de domiciliés et d'honnêtes gens.
M. d'Albert est donc excusable d'avoir éprouvé et manifesté un mouvement d'humeur qui ne pouvait s'adresser aux volontaires citoyens.
Mais on voit dans sa première lettre*à M. Rou-baud qu'il n'aime point la cocarde, qu'il la regarde comme un signe d'effervescence.
On y voit aussi qu'il est persuadé qu'on ne la porte plus en province quand on n'est pas sous les armes ; il pouvait être à cet égard dans l'erreur. Mais cette erreur même montre sa bonne foi et je ne crois pas îque Séjan ni Tibère aient jamais ,fondé sur de tels prétextes un titre d'accusation.
Enfin, le dernier fait de la première époque à la charge de M. d'Albert, est la démarche des bas-officiers de la marine auprès des officiers municipaux. Il est vraiment barbare de ne pas distinguer ici ce qui appartient à l'amour-propre blessé, à l'esprit de corps, aux mœurs, aux prétentions militaires, et de convertir une aventure de garnison en un crime d'Etat.
Que suppose-t-on ? c'est tout de suite un complot contre la liberté, contre les citoyens, contre la Révolution ; mais si on n'avait pas arrêté l'officier du régiment de Dauphiné, si ses camarades ne s'étaient pas crus injustement vexés dans sa personne, cette démarche des bas-officiers de la marine n'aurait pas eu lieu, car ils n'avaient fait que se réunir aux bas-officiers de la garnison. Je veux bien que leur déclaration ait été provoquée par des officiers; c'est un acte indiscret, c'est une bravade répréhensible, mais non pas un complot, non une mauvaise action, non une déclaration hostile.
Quoi ! ils commencent par rappeler leur serment, par dire qu'ils y seront fidèles, et qu'y a-t-il donc d'alarmant pour les citoyens dans une pareille déclaration ? Ils disent qu'ils ne laisseront point vexer leurs officiers; donc ils se croyaient vexés, donc ils n'entendaient point être" agresseurs, donc ils ne voulaient que n'être pas inquiétés, donc ils ne voulaient que la paix.
Eh ! pourquoi imputer au commandant une pareille démarche? S'il l'avait suggérée, aurait-il pris l'engagement de la punir, dans le cas où les officiers municipaux en auraient été mécontents? aurait-il provoqué sur cela leur déclaration ? Donc M. d'Albert ne voulait que la paix.
Mais il voulait aussi être obéi par ses subor-
iionnés, et il avait raison ; car tout homme qui ne sait pas se faire obéir n'est pas digne de commander; et celui qui craint le peuple, le trompe ou le corrompt est hors d'état de le servir. Qu'on ne dise point que M. d'Albert a fait une imprudence en punissant dans cette circonstance un acte d'insubordination : ce qui est arrivé le 1er décembre serait arrivé plus tard, ou il fallait renoncer à toute discipline. On voulait faire, à Toulon, ce qu'on a fait ailleurs, et par les mêmes voies ; partout le peuple a été excité, non pas à la liberté, mais à la licence, à la révolte. Personne ne résistait, à Toulon, à la Constitution, aux décrets de l'Assemblée nationale ; mais l'autorité militaire, celle d'administration s'y était maintenues. Un homme ferme, juste, intrépide, y commandait: comment les factieux n'auraient-ils pas été tentés de s'en défaire ?
Cet homme était populaire, charitable : il avait la simplicité de nos braves soldats, jointe à l'élévation et aux talents d'un bon général ; il fallait bien en faire un aristocrate, un conspirateur, un ennemi de la nation. Voilà la détestable intrigue que ne soupçonnent pas les généreux habitants de Toulon, mais dont nous parviendrons peut-être à découvrir quelques fils.
Je ne range point parmi les faits de la première époque les dispositions faites dans l'intérieur de l'arseual et rendues suspectes par des dépositions que nous examinerons, parce que ces dépositions n'ont pas précédé, mais suivi l'emprisonnement du commandant et des officiers de la marine, et qu'il n'y aurait point de suspicions répandues contre eux s'il n'y avait eu une violence criminelle exercée sur eux.
Je m'arrête donc à la seconde époque, 1er décembre. M. d'Albert congédie la veille deux officiers mariniers dont il est mécontent depuis longtemps.
Qui est-ce qui peut avoir à Toulon le droit de demander compte au commandant de cet acte d'autorité ?
Qui est-ce qui peut juger, contradictoirement à l'assertion de M. d'Albert, qu'il a fait une injustice en chassant ces deux hommes ?
La sûreté de l'arsenal, l'ordre nécessaire du service n'exigent-ils pas que les administrateurs aient toute autorité pour exclure, même sans motif apparent, de l'intérieur de l'arsenal, les employés dont ils croient avoir raison de se défier?
Un habitant de Lyon, de Paris, de Toulon même, ne peut, sans une permission par écrit, entrer dans l'arsenal, monter sur un vaisseau. L'étroite enceinte où se trouvent renfermés dix-huit cents forçats, des approvisionnements immenses d'armes, de matières combustibles, le dépôt le plus important de nos forces navales, ne commandent-ils pas des précautions de prudence, qu'on pourrait croire exagérées, des dispositions rigoureuses qui paraissent injustes ? Et voudrait-on toujours juger des exceptions indispensables dans 1 ordre politique, par des principes non contestés dans l'ordre moral ? Nul ne doit être puni sans motif, voilà la règle, mais si vous en concluez que tous les subordonnés d'un arsenal doivent être maintenus dans leur emploi, à moins qu'on ne leur fasse leur procès, il n'y «aura plus d'armée navale.
Or, quelle a été la conduite de ces deux hommes renvoyés? Us ont été, dans l'instant même, et dès le soir, échauffer le peuple. Des témoins déposent qu'il y a eu, le 29 au soir, un attroupement sur le quai ; ils ont été se plaindre aux consuls; ils ont prétendu faire de leur cause la
cause du peuple, et ils ont réussi. M. d'Albert, instruit de ce mouvement, donné ordre aux troupes de la marine de se tenir prêtes à marcher. C'est encore une condition nécessaire du commandement militaire, de ses fonctions, de ses devoirs, de se rendre imposant et de prévenir les désordres publics par le spectacle d'une force active qui oppose, dans le premier moment, aux idées d'insurrection, celle de l'autorité armée, et qui éloigne la révolte par l'inquiétude de ses suites.
Mais c'est, dans un arsenal, une obligation inviolable pour celui qui en a la garde d'être toujours armé, toujours menaçant contre les dix-huit cents brigands qui y sont détenus, et dont un instant de négligence ou de confusion peut faire des incendiaires à la disposition des ennemis du dehors et des factieux qui se glissent parmi les citoyens.
L'ordre donné par M. d'Albert était donc sage et nécessaire ; il n'a excédé ni les limites de ses droits, ni celles de ses devoirs.
Le lendemain, 1er décembre, le corps municipal, mis en mouvement par les ouvriers, se présente, par députation, au commandant pour demander la grâce des ouvriers congédiés. M. d'Albert la refuse d'abord, je ne dis point qu'il ait eu raison, mais je ne prononce pas davantage qu'il ait tort, car une grande foule entourait les officiers municipaux, et les huées, les insultes commençaient déjà à affaiblir le commandement; or, la violence ne supplie pas, elle commande ; et un homme d'honneur commandé par la violence ne lui obéit pas ; il succombe, mais son courage et son devoir conservent la même fierté.
Daignez donc remarquer, Messieurs, qu'ici les officiers municipaux négocient, ils sont loin d'inculper, ils demandent une grâce, ils aperçoivent avec inquiétude un attroupement, ils tâchent de le dissiper ; ils protègent la retraite du commandant, ils le conduisent dans sa maison, et c'est lorsqu'ils le croient en sûreté qu'ils se retirent en commandant pour sa garde la milice nationale.
Cependant, au premier mouvement du peuple, deux piquets de cinquante canonniers sont aussi commandés; on insulte l'officier qui est à la tête, on veut lui arracher son épée ; on en terrasse, on en blesse un autre, on le désarme. M. de Bonne-val causait tranquillement sur un balcon avec deux capitaines de la milice; on lui donne un coup de sabre sur la tête. La foule augmente à la porte de l'hôtel, on lance des pierres de toutes parts; c'est au Milieu du tumulte que M. d'Albert réclame la loi martiale, qu'il demande cinquante hommes du régiment de Barrois. Un envoyé de l'Hôtel de Ville demande de la part des consuls que le détachement se retire, la garde nationale suffira pour rétablir le calme, et défendre de toute insulte les officiers de la marine. Cette garde arrive, en effet, et le détachement de Barrois se retire, celui de la marine reste seul, et dans le moment où M. de Broves qui le commande est menacé et assailli, il doune l'ordre de porter les armes; il n'est pas obéi et rentre par le balcon dans la maison du commandant. La loi martiale est refusée, mais on y supplée; on croit y suppléer par une proclamation qui défend toute insulte, toute attaque contre M. d'Albert et les officiers de la marine ; ceux de la garde nationale promettent d'obéir; le calme se rétablit un ins tant, plusieurs personnes même de l'intérieur de l'hôtel de la marine en sortent pour aller dîner. C'est alors que le trouble recommence, qu'on enfonce la porte, que des volontaires entrent et
disent qu'ils veulent s'assurer de M. de Broves, comme ayant donné l'ordre de faire feu. Cet officier se livre lui-même, un quart d'heure après on en demande un autre, M. Duvillage. M. d'Albert s y oppose, il est lui-même arrêté et conduit au cachot avec MM. du Castellet, de Eonneval et Duvillage.
Ainsi, Messieurs, je vous supplie de le remarquer, ce n'est point, comme on le dit, à la clameur publique que le commandant et les officiers sont arrêtés, c'est après quatre heures d'attroupement et de tumulte, c'est après avoir commencé par des huées et des menaces, après avoir blessé, terrassé, désarmé plusieurs officiers, après une proclamatiop de paix et de retraite, que la violence, toujours croissant, s'est convertie en fureur et s'est portée aux derniers excès.
Nous voici arrivés à la troisième époque, Quand on a mis au cachot le représentant du Roi et les principaux officiers d'un corps distingué, il est très probable que l'on désire de les trouver coupables, il est très probable que l'on ne néglige rien pour y parvenir, car les auteurs d'un tel attentat ont tout craindre pour eux-mêmes, s'ils ne s'assurent dès victimes et des complices.
On a dope produit des témoins et reçu des dépositions ; il faut anticiper ici sur l'ordre des faits et vous produire aussi une déposition irrécusable, qui constate que ia municipalité de Toulon n'est pas libre ; que les volontaires y commandent en maîtres, qu'excités eux-mêmes par une multitude séditieuse, les uns trompés, les autres épouvantés, suivent â regret cette impulsion violente, et qu'il résulte dé ce mouvement désordonné un appareil de terreur et de menaces devant lequel les plus honnêtes gens se taisent en gémissant. M. d'André mande aux ministres que dans les conseils tenus en sa présence, des volontaires, des gens armés entraient à tous moments et annonçaient la volonté du peuplé.
C'est ainsi qu'il fut délibéré, le 7 et le 8, que les prisonpiers seraient détenus jusqu'à l'arrivée des ordres de l'Assemblée. C'est ainsi que l'ordre donné par M. d'André et par les consuls de transférer M, d'Albert, malade, de là pjrisoh à l'hôpital, a été révoqué par la multitude qui a, au contraire, transféré MM. ae Castellet et de Bonneval quoique alités, blessés et très souffrants, de l'hôpital à la prison. C'est ainsi que M. d'André annonce qu'il est lui-même gardé â vue, qu'il ne peut résister aux ouvriers de l'arsenal, qui demandent de3 armes et qu'il a fallu leur en donner.
Je suppose donc, Messieurs, qu'en entendant le compte qui vous a été rendu des dépositions, vouâ n'avez pas oublié tous ces faits, desquels résultent plusieurs conséquences : la première, que la municipalité et les honnêtes citoyens, cédant aux circonstances, ne peuvent avoir manifesté, Pi par ce qu'ils ont fait, ni par ce qu'ils ont écrit, un vœu et une opinion libres.
La seconde est que lé peuple ému et dans une fermentation violenté par des bruits méchamment répandus, et par des intérêts privés, qui se sopt confondus dans lé mouvement général, le peuple, dls-je, a dû craindre, menacer, accueillir et propager les alarmes et les fables les plus ex-r travagantes.
La troisième conséquence, enfin, est que les vrais criminels, iesiustigateurs de cette émeute, qui sont peut-être étrangers et qu'on a vu distrir buer de l'argent, les ouvriers mécontents, ceux qui étaient déjà montés oU qui se préparaient à 1 insubordination, les ennemis personnels de M* d'Albert et des officiers prisonniers, ont dà
influer avec plus ou moins d'activité sur ce désordre.
Ce n'est jamais par une seule cause, par un seul moyen, que les émeutes populaires et les crimes qui les suivent s'exécutent ; tel hommé qui n'y aurait pas songé, profite de l'occasion pour se venger, pour accréditer une calomnie utile; car la société ressemble alors à un véritable laboratoire de chimie, où des végétaux, des minéraux inactifs n'attendent que le feu qui les divise et les sublime pour devenir des poisons.
C'est au milieu de ces circonstances, c'est, si j'ose le dire, à travers les tourbillons de flammes . et de fumée qui marquaient encore l'incendie, qu'on a reçu les dépositions.
Et cependant qu'ont-elles constaté ? Que prouvent-elles? Rien. Non, Messieurs, le plus ardent inquisiteur, le plus habile criminalistë ne saurait composer la preuve d'un délit, d'un dessein même criminel, de cette multitude de dires vagues ou positifs, mais contradictoires ou insignifiants; la méchanceté même a oublié ici sa perfidie et ses moyens, et quand ces mensonges se convertiraient en vérités, le commandant et les officiers de la marine resteraient ce qu'ils sont, purs et innocents,, mais victimes d'un attentat atroce.
Je ne reviendrai plus sur les dépositions relatives à la cocarde, ce serait manquer au respect dû à une Assemblée législative; ce serait montrer devant vous, Messieurs, cette crainte servile que repoussent les lois et leurs organes, que de se défendre plus longtemps contre le reproche tyran-nique qui s'adresse à l'intention.
La première déposition marquante pour les gazetiers incendiaires et le peuple crédule, es celle des préparatifs qui se faisaient depuis trois semaines, dans l'arsenal : On travaillait à dès cartouches à mitraille, à des artifices ; on transportait des caisses à coulisses d'un lieu à Vautre.
Je réponds que c'est lp travail de tous les jours dans les ateliers et les magasins de l'artillerie, ou si ce travail a été interrompu pendant quelque temps pour s'occuper d'objets plus instants, c'était une raison de le reprendre avec plus d'activité ; car, indépendamment des consommations qui ont lieu pour les armements etnous avons dans ce moment-ci plusieurs bâtiments à la mer, on prépare pendant la paix tous les ustensiles, toutes les munitions d artillerie nécessaires à l'universalité des bâtiments du port, en cas de guerre.
11 n'y a donc rien de plus ridicule que les alarmes ou les soupçons qu'on voudrait induire d'une telle allégation ; elle ne mérite pas d'être autrement combattue.
On a déposé que, le 29 décembre, on avait fait charger les canons de l'amiral ; cela devait être ainsi. Aussitôt que le commandant à quelque inquiétude pour l'arsenal, son intention principale doit se porter sur le port et sur le bagne des forçats. Dans ces cas-là, on fait plus que d'armer les batteries de l'amiral, on en dresse vis-à-vis du bagne, on charge à mitraille et tout est disposé pour foudroyer le bagne si les forçats së révoltent et si l'on ne peut les réduire autrement.
On a déposé qu'en plusieurs lieux de la côte, comme à Toulon, on avait dressé depuis peu
des mâts de signaux sur les montagnes (1), et
Rien n'est plus vrai que le renouvellement et la multiplication des mâts de signaux, mais On ignore sans doute à Toulon que cette innovation résulte d'une proposition faite, il y a dix-huit mois au ministre, pour changer la tactique des signaux de terre, depuis Antibes jusqu'à Toulon; M. de Bonneval en a fait le plan qui fut agréé dans le temps et que j'aurais fait exécuter alors, si j'avais éu des fonds disponibles ; on les a assignés depuis, et les mâts ont été dressés sur les hauteurs désignées. Il était bien plus facile de vérifier le fait, que de le rendre répréhensible ou suspect.
Deux autres articles, si je ne me trompe (1), terminent le premier titre des griefs ou des reproches relatifs aux dispositions préparatoires d'une attaque supposée. Le premier est la demande faite par M. d'Albert d'un régiment suisse; le second est un, ou même plusieurs témoins, qui déclarent que les officiers Sont venus le 29, dans les casernes, engager les soldats à être fidèles à leur général.
Lorsque nous jouirons, Messieurs, de la protection des lois, lorsque la liberté serà affermie, si un délateur, si un témoin osait produire de tels griefs, on se bornerait à lui dire : Est-ce un crime que de demander unré giment suisse? Est-ce un crime que d'exhorter les soldats à être fidèles à leur général? Et le témoin, le délateur seraient confondus, Mais, puisque, dans lés circonstances actuelles, il faut tout justifier, tout expliquer, et les pensées et les paroles, voici ma réponse : Le régiment suisse d'Ernest a passé plusieurs années à Toulon ; il y a vécu dans la meilleure intelligence avec la marine; Il servait dans l'arsenal, les soldats de ce corps avaient particulièrement l'entreprise du transport des bois. Dans l'émeute qui eut lieu à Toulon au mois de mars dernier j contre les officiers municipaux, il fut question d'augmenter la garnison. M. d'Albert demanda le régiment d'Ernest, le ministre de la guerre le promit ; il l'a demandé plusieurs fois depuis, èt ce régi ment serait arrivé; il fut contremandé précisément pour ne pas donner d'ombrage aux mécontents de Toulon.
Quant à l'exhortation faite aux soldats, comme les témoins ne disent pas qu'on les ait engagés à attaquer les citoyens, je ne crois pas devoir m'y arrêter.
Mais après toutes les dépositions, toutes les combinaisons préparatoires, viennent des
déclarations précises de plusieurs témoins, qui déposent de l'ordre donné de faire feu sur le
peuple; il me semble qu'il y en a douée sur vingt-cinq. G'est ici que les
contradictions'doivent
Un grând nombre de témoins déposent que les armes n'étaient pas chargées et qu'-onn'à pas donné l'ordre dé charger : ainsi ceux-là constatent qu'on n'â jamais pu Ordonner dé tirer.
Tous ceux qui assurent qu'on a ordonné de tirer, déposent qu'au premier commandement de charger on a jeté les armés à terre, que l'ordre même de porter les armes fi'a pas été exécuté. Ainsi il était impossible de tirer et absurde d'eu donner l'ordre.
Les dépositions à charge se contredisent sur l'expression même du commandement et sur la personne qui l'a fait. Lés uns disent que M. de Bonneval éû a fait lesignéavec la main; d'autres que c'est M. deBroves qui a prononcé le : feu l d'àutres que l'ordre est parti du balcon et tous déclarent qu'aucun ordre n'a été exécuté.
Que résulte-t-il donc de cette diversité, de cette contradiction de témoignages ? la vérité qui est que les armes n'ont pas été chargées; une seconde vérité qui est qu'il n'y avait aucun projet, aucune combinaison même de défense ; car C'est par hasard et sans être commandé, qu'un major de vaisseau se trouve à la tête du détachement; il sortait de chez lui, il le rencontre sur la plaçe.
Mais la plus concluante de toutes les vérités est celle-ci : M. d'Albert avait dix-sept Cents hommés à ses ordres ; s'il s'était cru obligé d'en imposer aux séditieux, s'il n'avait compté pour cela sur la garde nationale, sur les consuls, il aurait fait prendre les armes à toutes les trqupes. Il ne commande que deux piquets de cinquante hommes ; il fait retirer celui de Barrois aussitôt que le Consul le propose; est-il possible, est-il probable qu'un orficier à la tête de cinquante hommes, entouré d'une foule immense et de la garde nationale, ait donné l'ordre défaire feu? Et si cet officier, assailli, attaqué personnellement au moment d'être désarmé, avait blessé,' tué l'assaillant, ne sérait-il pas dans l'exercice d'une légitime défense, du droit acquis à tout citoyen de résister à l'oppression? Car, enfin, Messieurs, si, dans une émeuté, la loi martiale est refusée, que faut-il faire? les officiers, les soldats doivent-ils se laisser assommer Ou emprisonner par compagnie, par bataillon? Les dépositions reçues à l'Hôtel de Ville ne disent pas que cette loi martiale a été réclamée et refusée; mais tous les officiers, M. de Villarin, chargéde ce message, l'affirment unanimement et votre décret rend les officiers municipaux responsables du refus. Je sais bien que ceux de Toulon n'ont pas1 douté que la proclamation, la défense de toute violence ne produisît le même effet ; que les commandants et officiers de la garde nationale n'ont pas pu se faire obéir. Mais dans Un tel désordre, lorsque les agresseurs sont les plus forts, lorsqu'ils abusent de la force, le droit naturel de se défendre serait'il interdit à l'officier, au soldat sous lés armes? Ge ne peut être l'esprit de la loi, et votre sagesse y pourvoira sûrement pour l'avenir.'
Je crois, Messieurs, avoir rempli la tâche que I je m'étais imposée et avoir démontré sans réplique la parfaite innocence du Commandant et des officiers de la marine. De cette multitude dé pièces, lettres et1 mémoires, dépositions remiséé à votre comité de rapport* il résulte \in seul fait I important et vraiment criminel. G'est une cruelle sédition, quelles qu'en soient les causes étrangères ou intestines, soit qu'un instigateur secret fasse mouvoir des ouvriers mécontents, soit que l'esprit de licence et d'insubordination, qui a
pénétré partout, ait eu à Toulon une plus violente explosion, à raison de la fermeté avec laquelle M. d'Albert voulait le réprimer : il sort de cette épreuve, au milieu des outrages qu'il a reçus, aussi sûr, aussi digne de l'estime publique qu'il l'a toujours été. Ses braves compagnons outragés comme lui, innocents comme lui, ont le même droit à votre justice, et si une multitude égarée a pu jeter des pierres et traîner au cachot des hommes qu'a respectés le fer de l'ennemi, elle pleure peut-être déjà sur cette horrible victoire ; elle pleurera du moins un jour en se rappelant les bienfaits, les secours que M. d'Albert et le corps de la marine procurent aux pauvres marins pendant la paix et les exemples qu'ils leur ont donnés pendant la guerre.
Vous avez vu, Messieurs, qu'il n'existe aucun chef d'accusation, aucun accusateur; car je ne pense pas que les députés de Toulon persistent à demander le déplacement de M. d'Albert ou de tel autre officier, et à désigner, comme ils l'ont fait, ceux qui seraient agréables au peuple. Je ne pense pas qu'aucun oflicier voulût céder, dans nne telle circonstance, à la bienveillance , même aux instances du peuple et dater son élévation du jour de l'emprisonnement de M. d'Albert.
J'estime donc, Messieurs, et je vous demande de prononcer, qu'il n'y a lieu à aucune inculpation contre M. d'Albert et les officiers de la marine emprisonnés à Toulon, lesquels se retireront pardevant le Roi et les tribunaux, pour obtenir les dédommagements et réparations qui leur sont dus.
Mais si votre justice est satisfaite par cette décision, elle ne suffit point à la sollicitude que nous imposent votre caractère et vos fonctions législatives ; eatr vous avez, Messieurs, de semblables désordres à prévenir ou à réparer dans tout le royaume.
J'attaquerai d'abord cette opinion trop répandue, et dont les conséquences peuvent devenir bien funestes ; c'est qu'il est utile pour le succès de la Révolution de maintenir le peuple dans un état de fermentation, de lui laisser même une explosion de licence qui le passionne pour la liberté , qu'ainsi il y a des circonstances actuelles, des maux, des désordres inévitables qui disparaîtront sans effort.
Je trouve, Messieurs, cette erreur de principes, d'une immoralité cruelle, d'une politique dangereuse, si toutefois on peut allier quelque espèce de politique à la plus absurde inconséquence.
Qu'est-ce, en effet, qu'une révolution ? C'est le passage d'un état ancien à un état nouveau, opéré par la force, au profit de la tyrannie, ou par une volonté générale, qui est elle-même une force légale, et qui appelle et protège la liberté et la loi.
La première espèce de révolution favorise tous les crimes, tous les genres de violences ; c'est celle de Cromwell en Angleterre ; la seconde, celle du prince d'Orange, s'exécute, au contraire, avec un ordre imposant, et la force ne se montre un instant que pour faire place à la loi. Or, je vous le demande, Messieurs, dans quelle position sommes-nous ? et comment nous convient-il de consommer'la révolution qui s'opère dans cet empire^? où est l'ennemi, où sont les armées que nous avons à combattre ? Des préjugés, des ha- j bitudes, des intérêts contraires à l'intérêt général ont résisté quelques instants à une lutte fort inégale ; mais du moment que la voix de tous les
citoyens s'est fait entendre,-que le pouvoir législatif s'est développé, que les principes de la Constitution ont été proclamés, quelle puissance invisible aurait attaqué une puissance qui couvre toute la surface de cet empire.
C'était donc le moment de l'ordre et de la paix et d'un respect religieux pour les droits de l'homme et du citoyen qui, pour la première fois, étaient consacrés; c'était, à chaque article proclamé de la Constitution, un besoin pressant d'en établir l'empire, d'en essayer la force, d'étendre partout le sceptre de la justice , de la raison, et de purifier, pour ainsi dire, l'air que nous respirons de toutes les souillures de la licence et des mauvaises mœurs ; que dis-je ? il fallait se hâter de montrer la liberté dans toute sa splendeur, qui est la majesté même de la loi ; tous les soupçons, toutes les inimitiés même devaient s'éteindre et l'équité distinguant ce qu'il y a de nature] dans les regrets, les souvenirs de l'orgueil, de ce qu'il y a de criminel dans des intrigues, une bienveillance universelle, une noble confiance de voir s'étendre sur toutes les classes de citoyens ; le pauvre, dans sa chaumière, les grands dans leurs palais, tous devaient être tranquilles et heureux ; aujourd'hui que voyons-nous, au contraire? une inquiétude universelle agite tous les esprits, les uns fuient, les autres s'arment; ici des complots prétendus renouvellent toutes les fureurs de l'inquisition ; là, des citoyens dans leurs foyers, des magistrats sur leurs sièges sont assassinés; ailleurs c'est un commandant, des officiers distingués qu'on traîne au cachot. Partout on murmure, on acccuse, on s'acharne à votre perte ; dans cette enceinte on vend sans pudeur des libelles où la sédition, l'assassinat sont conseillés, où l'on excite le peuple contre vous-mêmes. Les outrages, les calomnies , ne sont plus qu'un aliment de la curiosité.
Messieurs, qui peut donc voir dans ces sombres couleurs les enseignes de la liberté? Ah! ne vous y trompez pas, le mal produit le mal, il en est temps encore, mais si vous ne tendez au peuple une main secourable, si vous ne le retirez de 1 ivresse où on l'a plongé, si vous ne contenez daus la plus exacte discipline les milices armées, si on n'en éloigne les hommes non domiciliés, s'ils contractent les habitudes des janissaires, si ces corps délibèrent et prennent part à l'administration, et si toutes les violences ne sont sévèrement réprimées, si enfin l'autorité royale n'est promptement rétablie dans ses justes limites, la liberté périra dès sa naissance. Les lois resteront sans vigueur, la Constitution deviendra, comme vous-mêmes, le jouet des libellistes; l'avilissement de tous les pouvoirs préparera le retour du despotisme, et il s'élèvera sur les ruines de la monarchie ; que votre sagesse, votre courage nous préservent de ce malheur. Unissons-nous, Messieurs, pour terminer paisiblement notre orageuse carrière, faisons respecter les lois, faisons-les craindre à ceux qui ne savent pas les aimer ; et après avoir dégagé le trône de tous les pièges qui l'environnent, rendons le Roi puissant pour faire le bien ; donnons à cetexcellent prince la consolation et les moyens de concourir au bonheur de ses sujets et que la paix, la confiance habitent enfin au milieu de nous.
J'ai l'honneur de rappeler à l'Assemblée le projet de décret que je lui avais présenté relativement à l'insurrection de Toulon, et je demande la permission d'en présenter un autre pour réprimer la licence de la presse.
(1). Messieurs, après avoir entendu le rapport détaillé qui vous a été fait dans une des précédentes séances, sur la malheureuse affaire de Toulon, il ne m'était resté aucun doute sur l'innocence de M. d'Albert et des officiers de la marine, je me croyais en état de la démontrer, et autant j'ai éprouvé de répugnance à vous présenter les torts de la chambre des vacations de Rennes, même en invoquant votre indulgence, autant je ressentais de satisfaction en pensant que j'avais à défendre, contre des inculpations vagues, des militaires recommandables par de longs services et par une réputation irréprochable.
En écoutant le discours qu'a prononcé M. de Champagny, je félicitais M. d'Albert d'avoir trouvé dans ce défenseur éloquent un homme qui sût rapprocher tous les intérêts, sans compromettre les principes, défendre sans accuser, porter jusqu'à l'évidence la justification de l'innocent, sans rappeler les torts des coupables, 'etintéresserpourl'opprimé en jetant une sorte de voile sur les attentats dont il fut la victime. Le décret qu'il a proposé ne me paraissait susceptible d'aucune contradiction raisonnable. L'honorable membre, quia pris la parole après M. de Champagny, en a jugé autrement. Vous avez entendu le développement des faits sur lesquels il établit le crime de lèse-nation ; il répète souvent ce à quoi l'on a déjà répondu ; mais, puisque l'on ne se fatigue pas de répéter ou de reproduire des inculpations, il faut bien ne pas se fatiguer d'y répondre. Je reprends l'affaire dans son principe : j'abrégerai le plus qu'il me sera possible : mais je vous prie d'observer, Messieurs, que si l'homme que sa conscience rend forcément accusateur, peut aisément se pardonner d'avoir involontairement omis quelques faits aggravants, 1 homme,!qui est assez heureux pour défendre, serait inconsolable d'avoir oublié quelque circonstance utile à la justification de l'accusé.
Y a-t-il ou n'y a-t-il pas lieu à accuser d'un crime de lèse-nation les officiers de la marine royale de Toulon ?
Quelle décision l'Assemblée nationale doit-elle prendre sur la conduite qu'ont tenue la municipalité et la garde nationale de cette ville?
Telles sont, Messieurs, les questions sur lesquelles vous avez à prononcer; je vais essayer de les résoudre. le dirai ce que je crois la vérité; je le dirai sans craindre ni la passion ni la calomnie; étranger à la première, j'ai constamment méprisé la seconde. J'ai, comme vous, Messieurs, vécu plusieurs années en peu de mois, et j'ai appris qu'un homme public doit ne voir que sa conscience, et n'attendre que d'elle et de la postérité le jugement de sa conduite.
Jusqu'ici, les accusateurs de M. d'Albert ne lui avaient pas cherché de torts antérieurs à l'époque du mois de novembre. M. Ricard, pour établir son système de crime de lèse-nation, a remonté jusqu'à l'époque du mois de juin, et il a rappelé deux faits qui lui paraissent propres à vous faire mieux sentir les attentats dont, a-t-il dit, vous n'avez pas pu saisir l'ensemble dans le dernier rapport, parce que vous avez forcé le rapporteur à lire les pièces.
Ces faits se réduisent à deux : l'un regarde M. de Béthisy, l'autre est personnel à M.
d'Albert. M. de Béthisy, vous a-t-on dit, faisait faire des promenades militaires aux troupes
qu'il commandait; il fai-
Ne semblerait-il pas que tout, à cette époque, eût été tranquille dans cette province ? et la manière d'envisager les faits ne changera-t-elle pas, lorsque je rappellerai, ce que n'ignorent pas les députés de Toulon, que toute la province était alors dans une extrême fermentation, que dès le 4 mars le château de Sollier, appartenant à M. de Porbin, avait été brûlé ; que le 24 mars, M. Len-tier et M. Baudin, le premier, ancien consul, et l'autre, secrétaire de l'Hôtel de Ville, faillirent être massacrés dans une émeute populaire; que la maison de ce dernier fut pillée ; que la cherté du pain était la cause ou le prétexte de ces mouvements ; que l'évêque fut obligé de quitter la ville ; qu'il y avait eu une émeute a la Seine, que M. de Coincy y envoya des troupes? Et rappelez-vous, Messieurs, que M. Ricard vous a dit que c'était du départ de M. de Coincy que dataient les inquiétudes de la province.
Le 27 mars, les cahiers du tiers-état avaient admis parmi leurs réclamations la demande que les travaux de l'arsenal fussent remis à la journée du Roi, circonstance qui pouvait exciter dans l'arsenal la fermentation qui existait au dehors.
Le 15 avril, il y eut un nouveau mouvement à l'occasion du droit de piquet qu'avait voulu rétablir le consul de la Seine. Des paysans et des marins attroupés avaient assailli un détachement de Dauphiné ; on en avait arrêté quatorze ; ces prisonniers furent transférés à la grosse tour. Voilà, Messieurs, l'état calme qu'est venu troubler M. le comte de Béthisy; c'est dans ces circonstances qu'il n'a pu, sans se rendre coupable, sans annoncer d'avance ce plan de crime de lèse-nation dont vous devez saisir l'ensemble, s'opposer à des assemblées tumultueuses, tenir ses soldats en haleine par des promenades militaires, faire battre la générale.
Mais, messieurs, voulez-vous que je vous présente un narré fidèle des crimesue M. de Béthisy? je le trouve dans l'extrait du registre des délibérations du conseil général de la communauté de Toulon, et de celui tenu en juillet 1789. Extrait du registre des délibérations du conseil général de la communauté de Toulon, et de celui tenu le 23 juillet 1789, n° 17.
MM. les maire, consuls, M. Eynaud, le premier portant la parole, ont dit :
« Messieurs,
« Vous avez vu, comme nous, avec quelle bonté M. le comte de Béthisy, maréchal des camps et armées du Roi, commandant de la place, est venu au secours de notre ville affligée. A la veille d'une exécution méritée par l'égarement de notre peuple, mais qu'elle allait plonger dans la désolation, les maire, consuls furent supplier ce digne chef d'obtenir du commandant pour le Roi dans la province, la surséance à cette exécution; la générosité naturelle de M. de Béthisy vint au-devant de leur supplication. M. le comte d'Albert, commandant de la marine, dont le zèle à calmer la malheureuse émeute du 23 mars, est déjà consacré dans nos registres; M. le marquis de Mac-Mahon, colonel du régiment de Dauphiné, M. le comte de Baschi, colonel de celui de Barrois, et
M. le lieutenant de la sénéchaussée, vinrent avec lui, dans notre Hôtel de Ville, concourir à nous rassurer. Les acclamations de nos citoyens leur sont un gagé de lëur reconnaissance. Nous, chefs de la municipalité, leur en devons un témoignage plus particulier; allons en corps, Messieurs, leur présenter la mémoire de cet insigne bienfait, pour toujours consigné dans nos archives. »
Sur cette proposition, l'Assemblée, approuvant unanimement, s'est levée et est partie avec eux poUr cette visite, et ont, les délibérants,[signé l'original avec M. Bouyon, notaire-greffier.
Collationné, signé Bouyon, notaire-greffier.
Je doute que le discours de M. Ricard puisse atténuer cette preuve de satisfaction et cet hommage que M. le comte de Béthisy a reçu de la municipalité dè Toulon.
La mention honorable qui y est faite de M. d'Albert me dispenserait peut-être de répondre aux faits dont on l'accuse à la même époque ; je crois, cependant, devoir vous les rappeler.
On lui reproche d'avoir offert aux femmes des ouvriers un asile dans l'arsenal, dans le cas où il y aurait une alerte; cette annonce, cette offre n'a pu être présentée comme un crime que par les effets qu on lui attribue ; et ces effets, lés voici : les femmes des ouvriers ont crié qu'on voulait les recevoir dans l'arsenal pour les y égorger; la ville, au contraire, a crti qu'on n'en faisait sortir Ces femmes que pour foudroyer ensuite la Ville et en massacrer les habitants.
Ces bruits absurdes furent alors répandus dans Toulon et dans l'arsenal; alors on fit les plus grands efforts pour exciter du trouble et des désordres parmi les ouvriers de l'arsenal, alors M. d'Albert leur adressa ces paroles : « Malheureux que vous êtes, si vous me croyez capable de vous assassiner, que ne me massacrez-vous vous-mêmes ! Je n'ai point craint de mé jeter sans armes au milieu de vous ; égorgez en moi celui qui a glorieusement combattu aveè vous les ennemis de l'Etat, et qui ne vous a jamais fait que du bien. » Alors fut demandé ce serment,de défendre l'arsenal et ce qu'il contenait, serment dont on a fait un nouveau crime,et par lequel on n'eût pas cherché sans doute à rattacher les ouvriers et les Soldats à leur devoir, Si des artisans de trouble et de sédition U'aVaient pas, depuis plusieurs mois, cherché à rompre tous les liens cle la subordination militaire.
Je ne répondrai point à ce qui a été dit sur ces têtes Criminelles que l'on indique s'être réfugiées dans l'arsenal; ce n'est qu'un soupçon, une indication vagUé, dénuée de fondements, et sifr laquelle le préopinant n'a certainement aucune preuve, puisqu'il n'y a point insisté.
Je ne me suis que trop longtemps occupé des allégations de faits antérieurs à l'époque du mois de novembre, date où a véritablement commencé l'affaire dont M. Ricard a cru devoir chercher les principes et les causes à des termes plus éloignes.
Il s'élève entre un officier du régiment de Dauphiné et la garde nationale Une discussion relative à une cocarde noire, dans laquelle, dit-on, ne s'apercevaient qu'à peine les couleurs de la nation. L'officier est mis aux arrêts; la municipalité demande sa grâce, et cette grâce est accordée. Cependant la garnison s'inquiète; quelques officiers s'agitent; un d'eux, le sieur Otic, engage les bas-officiers des cannoniers de la marine à prendre ét à signer un arrêté qui contient l'engagement de défendre leurs officiers contre toutes
les insultes qui pourraient leur être faites; la municipalité convient qu'elle n'a point à se plaindre des bas-officiers; M. d'Albert n'approuve leur conduite que d'après cet aveu; la crainte de l'effervescence, l'amour delà paix décident cependant à annuler cette délibération, et cette affaire paraît finie. Revenons sur ces détails, et voyons ce qu'il est possible d'y voir.
Un officier dë Dauphiné avait une cocarde noire; premièrement, le fait est nié. M. Douville soutient qu'il avait un vieux chapeau de chasse, environné d'un ruban noir ; c'est peut-être en dépliant ce ruban, qui faisait plusieurs tours, qu'on lui a trouvé sept aunes (1). Sur le nœud qu'il faisait, était attaché une petite cocarde nationale. La sentinelle l'arrête et le menace. J'observe d'abord que s'il existait une délibération municipale qui obligeât à porter la cocarde, il est constaté par la lettre du maire que nous a lue M. Ricard, que les sentinelles avaient la consigne positive de n'inquiéter personne à ce sujet, La sentinelle avait donc manqué à sa consigne; elle avait voulu mettre la main sur un officier. Elle a été soutenue par les volontaires qui étaient dans le corps-de-garde; le sieur Douville l'a été par le commandant d'un poste du régiment de Barrois. Tout s'est cependant passé sans violence; la fermentation n'en a pas moins été grande, et pour la calmer, on a pimi le sieur Douville èn l'envoyant en prison. On a eu tort de ne pas punir la sentinelle^ elle avait manqué à sa consigne; on a eu tort de punir le sieur Douville qui n'était coupable d'aucun délit.
Cette punition a produit et a dû produire un effet fâcnëux sur l'esprit des officiers de la
garnison. L'esprit militaire, l'esprit de corps, a dû se réveiller en eux ; s'il les a portés
à conjurer contre la liberté publique, ils sont criminels ; s'ils se sont réduits à se
prémunir contre des insultes, ils sont excusables- Mais les informations ne nous apprennent
pas qu'il y ait eu une coalition entre tous les officiers de la garnison; elles établissent
seulement que les bas-officiers (des canonniers-matelots), à l'instigation d'un ou deux
officiers, ont pris la délibération dont on nous a fait la lecture. Cette délibération est
peut-être un délit militaire -, il est contraire à l'esprit et à la lettre des ordonnances,
que des bas-officiers se réunissent, forment un "vœu et prennent un arrêté quelconque ; mais
est-il un délit national? Non, ils se sont assemblés paisiblement et sans armes; vos décrets
le permettent aux citoyens. Ils ont-rappelé Je serment qui les lie à la nation et à la loi;
ils n'ont formé qu'une ligue défensive; ils se sont promis, ce1 qu'ils se devaient déjà, de
défendre leurs officiers contre les insultes qui leur seraient faites ; promesse inutile,
sans doute, surabondante !èt imprudente, mais qui n'est ni ne pèut jamais être" présentée
comme un crime de lèse-nation, puisque, d'une part, la nation ne peut ni ne veut insulter des
officiers, et que de l'autre, des insultes faites par des individus à d'autres individus,
quels que soient leurs uniformes respectifs, ne peuvent jamais être" l'expression d'un vœu
national auquel il est coupable de résister. Mais cette délibération contenait, dit-on, des
expressions violentes qui en ont été retranchées '; mais, répondrai-je, par cela même
qu'elles en ont été retranchées, elles n'y sont plus, et elles ne
De plus, il est certain que, quels que soient les moyens employés pour faire signer l'acte, si cet acte n'est pas un crime de lèse-nation, les moyens ne peuvent pas plus être présentés sous ce point de vue. Mais, me dira-t-on, et a-t-on dit, il est évident que cette délibération a été provoquée par M. d'Albert; car il n'est il pas probable qu'un officier subalterne y eût décidé les bas-officiers s'il n'avait été certain d'être soutenu. Croira-t-on que M. de Caraman en ait été instruit par d'autres que par M. d'Albert? et il l'était puisqu'il en parle dans une lettre du 24.
D'abord il est bizarre, il est immoral et indécent de présenter des probabilités quand il est question de crimes de lèse-nation ; j'ai vu, je l'affirmek je suis sûr: voilà le langage d'un accusateur; il est probable, croira-t-on, que c'est celui de la calomnie, de l'imprudence ou du préjugé? Mais si l'on veut des probabilités, je vais en présenter aussi : est-il probable qu'un homme, connu pàr de longs services et une probité intacte, ait fait un mensonge impudent? Et M. d'Albert en aurait fait un lorsqu'il a dit, lorsqu'il a écrit qu'il n'a connu la démarche des bas officiers, que lorsqu'elle a été consommée. Croira-t-on que pour avoir écrit à M. de Caraman le 21, il eût fallu être instruit avant le 15, époque où la démarche des bas-officiers a été publique, puisqu'elle a été faite le 14? Mais je reviens à la rigueur du principe. La déclaration des bas-officiers u'est point un délit national; quels qu'en soient les auteurs et les instigateurs, ils nç sont pas coupables du crime de lèse-nation. Je vais plus loin : quand cette démarche serait un délit, quand tout ce que j'ai dit serait aussi peu concluant qu'il me paraît inattaquable, la déclaration des bas-officiers a été promptement révoquée : la municipalité a déclaré qu'elle ne se plaignait point de leur conduite; l'affaire a été totalement assoupie, l'ordre s'est rétabli, et l'harmonie la plus parfaite a paru subsister, depuis cette époque* entre les gardes nationales et les troupes commandées par M. d'Albert. Il me paraît donc qu'il n'y a nullement lieu à délibérer sur les événements que nous venons de parcourir : je passe à la discussion de ce qui a rapport à la seconde époque.
M. le comte d'Albert renvoie de l'arsenal deux maîtres ouvriers qui avaient arboré l'aigrette patriotique; ce renvoi excite une effervescence inquiétante ; la municipalité demande leur grâce, M. d'Albert la refuse : l'effervescence redouble; les volontaires nationaux articulent impétueusemént leurs volontés. M. d'Albert accorde cette grâce, le tumulte continue; deux détachements militaires sont demandés et renvoyés. Le commandant de l'un d'eux est accusé d'avoir commandé de faire feu, ordre qui n'a point été exécuté : cette accusation redouble la chaleur et le tumulte populaire; on demande cet officier,M. d'Albert refused'abord, le livre ensuite; bientôt lui-même est conduit jdans les caçbots de la ville. Alors on commence
l'information ; on procède à l'audition des témoins1 on envoie une députation au Roi et à l'Assemblée nationale. Le Roi ordonne l'élargissement provisoire : cet ordre n'étant envoyé que par le ministre du Roi, la municipalité n'a pas jugé à propos de l'exécuter. Enfin, l'Assemblée nationale décrète cet élargissement; la municipalité, après délibération, et après avoir pris le vœu de la milice nationale, exécute enfin le décret. M. d'Albert est ici, et vous avez à prononcer sur la conduite de-M. d'Albert, sur celle de M. dé Brovës, accusé? d'avoir voulu faire tirer sur le peuple, sur celle-des volontaires nationaux de Toulon, et sur celle; de la municipalité de la ville.
Qu'a fait M. d'Albert? Il a renvoyé deux maîtres ouvriers de l'arsenal. Certes! ce n'est point un crime de lèse-nation que de renvoyer deux maîtres ouvriers ; mais ce crime qu'on ne trouve point dans l'action, on l'a cherché dans les motifs. On a présenté ces deux hommes comme les victimes de leur patriotisme; ils avaient arboré la cocarde nationale, et M. d'Albert, dit-on, n'aime par la cocarde nationale. Ici, Messieurs, je ne sais pas pourquoi on a longtemps évité une distinction bien simple et qui eût épargné quelques; reproches. Ce n'est par pour avoir pris la cocarde nationale, que portaient M. d'Albert, son état-major et toute la garnison de Toulon, que ces ouvriers ont été renvoyés; mais c'est pour avoir arboré l'aigrette, ou, selon l'expression de M. le rapporteur, le pouf national. Or, qu'est-ce que c'est que-le pouf national? Ce n'est point cette cocarde que les citoyens s'empressent de porter; c'est un ornement distinctif du corps des volontaires de Toulon, c'est la marque de l'enrôlement dans cette milice nationale. Or, messieurs, ou il faut renoncer à toute idée de subordination, de service militaire, à avoir des troupes réglées, des arsenaux, des ports, des ateliers ; ou il faut que les hommes, employés dans ces divers corps, ne puissent s'enrôler dans un autre, contracter des devoirs incompatibles, et se soustraire, sous ce prétexte, à la subordination établie. M. d'Albert assure même qu'il n'a défendu ni la cocarde, ni lé pouf et cité le fait de son secrétaire qui portait notoirement ce pouf dans sa maison et sous ses yeux. Mais ce motif (fût-il fondé) n'était pas lè seul qui décida M. d'Albert. Les intérêts particuliers, si habiles à s'attacher à l'intérêt général et à se couvrir de l'esprit public, avaient répandu dans l'arsenal des semences d'insurrection. Plusieurs ouvriers voulaient qu'on augmentât leur salaire; d'autres, qu'une forme nouvelle fût suivie dans la distribution et dans l'administration des travaux. Ces réclamations accueillies dès le mois d'avril, dans les cahiersdu tiers-état, avaient déjà le caractère du murmure, et pouvaient promptement avoir celui de la révolte. Ces deux maîtres ouvriers avaient fomenté ces troubles, et il était de la sagesse de M. d'Albert d'en prévenir de nouveaux par un exemple. Je ne donne ces éclaircissements qu'à l'opinion, car on ne peut en demander aucun au nom de la loi. M. d'Albert a pu renvoyer ces ouvriers, et n'en doit compte à personne. Qu'a-t-il fait depuis? 11 a refusé leur grâce. C'est un acte de fermeté, peut-être une imprudence, mais ce n'est point un délit.
Il me serait sans doute facile de prouver que M. d'Albert ne pouvait, sans compromettre l'autorité et la discipline militaire, céder à un vœu appuyé de mécontentement et de la révolte. Il a demandé la loi martiale. Oui, et je trouve le motif et la justification de sa demande dans le texte même de la loi. Elle est faite contre les attroupe
ments, et certes il y a attroupement lorsque le i de retenir fidèlement et scrupuleusement toutes peuple jette des pierres contre les fenêtres de I les circonstances que contient le rapport que l'hôtel du commandant, lorsque des officiers sont I vous avez entendu. Je m'arrêterai sur trois faits blessés et traînés dans la rue par la populace. 11 I qui sont établis d'une manière constante : la a demandé deux détachements ; oui, et où les a- I dénégation soutenue de M. de Broves, l'incerti-t-il portés? au lieu de sa résidence, devant la I tude du corps du délit, la nature même du délit, porte de l'hôtel du commandant, de cet asile I s'il était prouvé.qu'il était de son devoir de faire respecter. Quel I M. de Broves nie constamment avoir commandé usage en a-t-il fait? aucun; et du moment où on de faire feu; l'officier de détachement qui com-lui a offert l'apparence d'une troupe réputières,
Les deux détachements de cinquante hommes I et remarquez que sur ces quatre-vingts témoins, étaient commandés dès le matin : on travaillait I aucun n'ayant obéi à ce commandement, et cette depuis plusieurs jours à des carthouches, et sur- I désobéissance étant de leur part un acte de pa-tout à de été faites et répétées.
Quand cessera-t-on de nous présenter, comme I d'honneur. Dix-huit soldats disent avoir entendu des réalités, des bruits absurdes et qui nourris- uniforme. Les uns disent que M. de Broves a dit qui doit enfin se calmer sur le sort de la Révo- feu ; les autres disent que M. de Bonneval a dit lution, puisque la Constitution s'avance, et que feu; d'autres, enfin, disent que le mot feu est l'Assemblée nationale est permanente ?
Il y avait des préparatifs de signaux: oui, prévention naturelle, sur un fait l'amiral ; enfin on a vu sur les montagnes des passé au milieu du tumulte, devait être pour la préparatifs de signaux. I version, de laquelle il résultait pour eux le plusI triotisme, leur prévention naturelle, sur un fait l'amiral ; enfin on a vu sur les montagnes des passé au milieu du tumulte, devait être pour la préparatifs de signaux. I version, de laquelleassurer l tranquiillité de l'asernal.
Deux cents hommes sure préparatifs de signaux : oui, ciers de la marine. Vous êtes loin sans doute de mais ces préparatifs sont ordonnés depuis le I voir dans de tels témoignages le caractère de vérité 19 septembre 1788. On a mis l'arsenal en état de I irrésistible et sacré que doit acquérir un délit défense : oui, mais dans le moment où il y avait I pour être constaté légalement. Mais pourquoi de la fermentation dans l'arsenal, où la circons- m'arrêter sur ces circonstances et sur ces dépo-tance la plus simple, et peut-être des insinuations ! sitions ? elles sont toutes équivoques, incertaines, étrangères , pouvaient y exciter une sédition, non constantes. Eh bien ! je lesneilement entassés dans l'arsenal.
Cessons de préter l'oreille á de pareilles exposé à ce qu'on invoquât I établissant que M. de Broves a dit feu, et j'exa-contre lui la loi de la responsabilité, cette sau- I mine son délit dans cette nouvelle nypotbèse. vegarde de la liberté, ce garant certain de la con- I Le détachement était sur la place : une foule duite des administrateurs ; il eût été coupable I nombreuse et agitée l'environnait, on commen-s'il n'eût pas pris les précautions les plus sages çait à jeter des pierres : ce premier fait est établi, pour assurer la tranquillité de l'arsenal. I M. de contre celui que notre opinion inculpe.
Avec quelque attention que écouté le cents hommes étaient commandés Je I soustraire aux outrages, a passé par-dessus la matin : oui, deux cents hommes sur sans doute difficile
de retenir fidélement constant, et commandait. Voilà les préparatifs formidables I c'est dans ce moment qu'on l'accuse d'avoir dit avec lesquels M. d'Albert menaçait à Toulon la I feu. Le détachement n'avait point chargé ses armes, liberté nationale d'une contre-révolution. Obser- ce fait est s'il était proué.
M. de Broves n'était vons encore que M. d'Albert est sorti de l'arsenal I point le commandant de la troupe ; il passait, il sur la demande du consul ; qu'il s'est rendu à n'a pu être accusé d'un mouvement prémédité, son hôtel et qu'il a abandonné par cette démar- Dans aucune hypothèse, il n'est accusé d'avoir che, tous les préparatifs formidables, meme dans leur propre cause, aucun effet sur des juges.
Mais le delit est loin d'etre constant portez vos canons, toutes les mèches qu'il avait si crimi- armes, apprêtez vos armes, chargez vos armes, en Bellement entassés dans l'arsenal. joue, feu,suitedecommandementsnécessaires pourCessons de prêter l'oreille à de pareilles inep- l'acte hostile qu'on lui reproche; ce fait est éga-ties ; et Iorsqu'après l'audition de cent témoins | lement constant. Or, Messieurs, je défie le crimi-interrogés dans une ville où tant d'intérêts s'ao naliste le plus ingénieux, je ne dis pas de concordaient à trouver des coupables, il n'existe damner, mais même d'accuser M. de Broves, si d'autres charges contre un agent du pouvoir ces quatre faits sont constants : il n'y a ni le exécutif, nous pouvons hardiment prononcer calme, ni le consentement parfait qui peut seul son innocence; mais celle de M. de Broves est- faire un crime d'une simple parole. Il y a leM. de Broves a dit feu, et j'exacontre.
Le detachement etait sur la qui sans doute excuse le vœu de la résistance réflexion simple : le juge ne doit pas demander à l'opposition ; il y a l'impossibilité connue d'exé-si l'accusé est innocent; mais il doit demander cuter l'ordre qu'il donne ; il y a l'oubli des formes s'il est prouvé qu'il soit coupable ; et n'oublions qu'il devait employer pour l'exécution de son pas, Messieurs, que lorsque l'Assemblée natio- ordre. Le mot feu prononcé dans ces circonstances, nale se décide à accuser, elle porte, quant à elle, I et adressé à une troupe dont il savait que les un premier jugement contre celui que notre armes n'étaient pas chargées, ne peut être préopinion inculpe. I senté que comme l'expression d'une menace qui Avec quelque attention que j'aie écouté le long lui paraissait propre a écarter, pour un moment, récit et les dépositions multipliées que nousja lues les hommes qui lui jetaient dep pierres, et aux-M. le rapporteur, il me serait sans doute difficile I quels il voulait si peu résister qu'au moment où
l'on suppose qu'il prononça le mot feu, il passait par dessus la balustrade et se soustrayait à de nouveaux outrages. Et voilà cependant, Messieurs, ce qui résulte des faits, en plaçant M. de Broves dans l'hypothèse la plus favorable à ses accusateurs; hypothèse nullement prouvée, que je n'ai que surabondamment accordée pour un moment, et que je me hâte de quitter pour ne pas diqainuer gratuitement les avantages de sa position judiciaire.
Enfin, M. Ricard lui-même, dont on n'accusera point la partialité, convient que M. de Broves n'est pas coupable. Il n'y a de coupables, suivant lui, que M. d'Albert et M. Uric. Le premier l'est du complot en général; le second, de l'arrêté des bas-officiers canonniers.
Il n'est donc point établi que M. de Broves ait ordonné de faire feu. Le détachement est paisiblement dans sa caserne, et il n'y a, sur ce fait, aucun lieu à inculpation contre les officiers de la marine : et remarquez, Messieurs, que dans cette cause, où l'on a si soigneusement cherché des coupables, je n'ai environné l'innoCence d'aucun des moyens de forme que m'auraient fourni l'époque ûes dépositions, la nature des dépositions, les personnes qui les ont faites, et celles qui les ont reçues.
Je conclus, relativement à M. d'Albert et aux officiers de la marine, qu'il n'y a lieu à aucune inculpation légale. Examinons maintenant quelle a été la conduite de la municipalité de Toulon et des volontaires nationaux. Je n'entrerai pas dans de longs détails. Autant j'ai cru devoir mettre de soin à défendre l'innocence opprimée, autant j'éprouve de peine à rappeler des erreurs et des imprudences, et je crois être modéré en me bornant à ces expressions. Je ne dirai rien des volontaires : ce corps a constamment bien mérité de la patrie, il a montré du courage et du zèle. Mais on a égaré le patriotisme de plusieurs individus; je n'accuse pas un corps des torts des particuliers et du malheur des circonstances. Je ne ferai de même aucun reproche aux officiers municipaux ; j'ai reconnu dans leur conduite un constant amour de la paix, un désir vrai et des efforts suivis, mais impuissants pour la rétablir; je ne m'arrête qu'à un seul fait, et jé ne m'y arrête que parce qu'il intéresse l'ordre public, et je ne vous présente à ce sujet qu'une simple réflexion.
La municipalité a refusé d'exécuter l'ordre d'élargissement envoyé par un ministre responsable. Je rappelle d'abord et surabondamment, que le ministre n'ordonnait que l'exécution de vos précédents décrets, qu'il les invoquait dans sa lettre, que ses principes étaient tellement les vôtres que, par un décret du 24 août, vous avez autorisé votre président à manifester le vœu de l'Assemblée nationale, pour que toute personne arrêtée, sans être prévenue et sans avoir été décrétée, soit mise en liberté. J'ajouterai, Messieurs, que s'il arrive encore une fois que la municipalité ou un corps administratif quelconque se refuse impunément à l'exécution d un ordre donné par un ministre responsable, tous les principes sont confondus, et vous n'aurez bientôt plus de pouvoir exécutif.
Vous êtes appelés à régénérer la France, et non pas à la gouverner. Il faut que vos décisions parviennent dans les provinces par les agents responsables de leur exécution; il n'y a plus ni responsabilité, ni ordre, si le Roi, pour être obéi, a besoin qu'on vienne vous demander si ce sont véritablement vos décrets qu'il exécute. Cette
question est dans l'ordre de la responsabilité; die peut être faite après que l'on a obéi, mais il faut d'abord obéir.
On ne me dira pas sans doute que les circonstances sont tellement impérieuses et difficiles que l'amour d'une liberté que tant d'ennemis menacent, que tant d'intérêts combattent, est tellement une loi suprême, que l'Assemblée nationale ne peut ni ne doit accorder au pouvoir exécutif une influence absolue, même sur les objets qui semblent être exclusivement de son ressort. Je crois, Messieurs, qu'il est temps d'attaquer de front ees défiances exagérées, et d'articuler un principe qui ne peut être contredit que par d'aveugles préjugés ou par les ennemis de l'Etat.
Une nation, dans l'état d'insurrection, dans cet état terrible et respectable où elle use du droit naturel de résister à l'oppression, forcée de ne voir que des ennemis et des usurpateurs dans les dépositaires infidèles de l'autorité, renverse toutes les barrières et reprend momentanément tous les pouvoirs ; mais si une première nécessité lui a fait une loi de cette conduite, bientôt une nécessité non moins pressante l'oblige à changer de marche; et si la nation ne veut pas être détruite par une cruelle anarchie, si elle ne veut pas périr dans les convulsions de l'agonie, de la désorganisation politique, elle doit recréer tous les pouvoirs, les replacer dans les limites de la loi, et leur rendre l'énergie sans laquelle ils ne sont que des puissances ennemies ou des rouages inutiles et embarrassants dans la machine politique.
Je me résume. Il n'y a pas lieu à délibérer sur les événements passés à Toulon dans la première époque, puisqu'il n'y a eu ni délit ni accusation.
Il n'y a pas lieu à inculpation contre M. d'Albert, ni contre les officiers de la marine, au sujet des événements postérieurs, puisqu'il n'y a ni corps de délit, ni accusation motivée.
Il y aurait lieu à ordonner une information sur les troubles survenus à Toulon, puisque les dépositions existantes ne donnent pas des lumières complètes, et cette information devrait être renvoyée par devant les juges ordinaires.
Je pense cependant que, quels que soient les avantages d'une information, il est de la sagesse de l'Assemblée de ne point l'ordonner, d'accorder à l'amour de la paix, au désir du calme, cette marque de son indulgence. Mais ce que l'Assemblée ne peut pas ajourner c'est la satisfaction due à l'innocence inculpée.
Je ne vous rappellerai pas les nombreux outrages qui ont été faits à M. d'Albert : je ne vous peindrai pas le moment où son malheureux père, âgé de plus de quatre-vingts ans, entendit de la bouche d'un homme de Toulon, ces paroles vraiment atroces : Vieillard, tu es bien vieux, mais ton fils est encore plus vieux que toi. Je ne veux pas vous émouvoir; la pitié n'est pas un sentiment que puisse vouloir exciter l'homme qui a servi pendant plus de quarante ans et sa patrie et son Roi ; je ne parle qu'à votre justice, et je lui propose avec confiance le décret qu'a proposé M. ae Champagny.
On ferme la discussion.
Quinze projets de décrets sont présentés. .
La priorité est réclamée pour celui de M. dè Champagny.
11 paraîtrait inconcevable, quand il s'agit, d'une part, de la liberté publique ; de l'autre, de cent quatre-vingts témoins qui déposent d'attentats commis contre cette liberté, que la priorité fût accordée à un
décret où il ne s'agit pi du peuple de Toulon, ni des magistrats représentants du péuple.
La priorité ëst refusée au décret de M. de Champagny.
Elle est accordée à l'un des décrets nouvellement proposés, il est conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, présumant favorablement des motifs qui ont animé M. d'Albert, les autres officiers de marine impliqués dans cette affaire, la garde nationale et les officiers municipaux dë la ville de Toulon, déclare qu'il n'y a lieu à aucune inculpation. »
demande qu'on mette le mot jugeant, au lieu du mot présumant.
veut que ce même mot soit remplacé par celui-ci, convaincue, et qu'on ajoute à la fin du décret l'expression respective.
L'intention de l'Assemblée est sans doute d'approuver la conduite des officiers municipaux de la ville de Toulon, mais aussi de saisir l'occasion de témoigner à M. d'Albert et aux autres officiers de la marine sa satisfaction de leurs services militaires.
J'observe que l'esprit du décret auquel on a accordé la priorité est de n'inculper personne et de ne pas donner de suite à cette affaire.
Je propose, en me conformant à cet esprit, un amendement qui, suivant moi, ne peut être rejeté, puisqu'il a pour objet d'appliquer la déclaration des droits. Il consiste à, dire que l'Assemblée improuve les excès commis envers le commandant et les officiers de la marine de Toulon.
11 y a une légère inexactitude dans le décret proposé. Tout te monde doit être convaincu de la sagesse de la conduite des officiers municipaux dë Toulon. L'Assemblée ne peut donc manquer de leur témoigner sa satisfaction. Dans cette vue, je crois qu'il faut rédiger le décret ainsi qu'il suit, avec un léger changement :
L'Assemblée nationale, présumant favorablement des motifs qui ont animé M. d'Albert, lés autres officiers de mariné et la garde nationale, et applaudissant au zèle des officiers municipaux, déclare, etc. »
insiste sUr la nécessité de substituer le mot convaincue à celui d présumant; il demande que tous lès officiere soient nominativement indiqués dans le décret, avec Une mèntion honorable de leurs services.
On ferme toute discussion dé proposition d'à mendement. „
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements ; elle adopte le décret tel qu'il était rédigé lorsqu'il a obtenu la priorité.
ayant annoncé que lés membres de l'ancienne chambre des vacations du parlement de Rennes étaient prêts à comparaître a la barre, conformément aux ordres de l'Assemblée, et l'Assemblée ayant désiré qu'ils fussent admis, ils ont été introduits, et M. le Président leur a dit :
« L'Assemblée nationale a pris, le 11 de ce mois, un décret dont je vais vous faire lecture. »
a lu le décret, et les
membres de l'ancienne chambre des vacations du parlement de Rennes se sont retirés.
a invité les membres de l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour y nommer un président et trois secrétaires, et il a levé ensuite la séance.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, EX-PRÉSIDENT.
Séance du
, ex-président, occupe le fau-teil et annonce que la santé de M. l'abbé de Mon-tesquiou ne lui permet pas de tenir la séance.
fait part du don patriotique de 48 marcs 12 onces d'argenterie offerts par l'abbesse et les religieuses d'Origny-Saint-Benoît.
, député du bailliage de Meaux, dit qu'il a été chargé d'offrir, et qu'il offrait à la caisse patriotique une somme de 800 livres, à lui adressée, savoir 578 livres par la communauté des marchands drapiers, épiciers et merciers de la ville de Meaux ; 150 livres par la communauté des limonadiers, cabaretiers, cafetiers et aubergistes ; 24 livres par la communauté des marchands chapeliers, pelletiers et foureurs ; et 48 livres par la communauté des marchands bouchers et charcutiers;
Qu'il est aussi chargé par MM. les chanoines réguliers de Notre-Dame de Châge de la ville de Meaux, et par MM. les marguilliers fabriciens de ladite église d'offrir, et qu'il offrait à la patrie vingt-deux marcs six onces d'argent en effets mobiliers, qu'il remettait à M. le trésorier.
Qu'enfin, une très grande partie des habitants de la même ville de Meaux, s'estimant heureux de pouvoir donner quelques preuves, de leur amour pour la patrie, l'avaient chargé d'offrir 25 marcs 6 onces d'argent, provenant de leurs boucles et de quelques autres effets que leur zèle les avait portés à rassembler.
Le même député a dit qu'il laissait sur le bureau une délibération des habitants de Mareuil-lès-Meaux, du 3i décembre dernier, par laquelle ils déclaraient faire don à la patrie de la somme qui pourrait leur revenir dans l'imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789.
Enfin, le même député a remis sur le bureau une autre délibération des habitants de Neuf-Moutiers, près de Meaux, du 3 de ce mois, par laquelle ils font la même déclaration.
, dépu de la Montagne, demande la permission de s'ab _ senter pendant quelques jours pour des affaires" urgentes et indispensables.
Cette permission est "accordée.
J'ai reçu de M. le garde des sceaux un mémoire dont je donne lecture :
Les désordres qui se renouvellent dans plusieurs provinces et qui menacent les propriétés et la vie même des citoyens, sont pour Sa Majesté, le sujet d'une profonde affliction. Des brigands armés commettent impunément les plus grands excès ; et toutes les propriétés en seraient bientôt la proie si l'on ne pouvait parvenir à rétablir enfin l'ordre et l'empire des lois.
Ce soin est le premier des devoirs du monarque, et Sa Majesté n'a . négligé, pour le remplir, aucun des moyens qui dépendent d'EUe.
L'Assemblée nationale, informée d'une partie de ces maux, a fait supplier le Roi de donner de nouveaux ordres pour l'exécution du décret du 10 août dernier, sanctionné par Sa Majesté. Le Roi, pour répondreà cette juste invitation, a voulu faire connaître à l'Assemblée les difficultés qu'il faut vaincre et qu'on ne peut surmonter que par le concours de tous les pouvoirs.
Sa Majesté, en sanctionnant le décret du 10 août dernier, était dans la confiance que les officiers civils ou municipaux n'hésiteraiént pas à invoquer le secours des troupes, pour réprimer les insurrections que leur influence et les milices nationales ne pourraient calmer. Mais un nombre infini d'exemptes constate que les officiers civils ou municipaux sont empêchés, par la crainte même qu'inspirent ces insurrections, de requérir l'assistance militaire.
L'Assemblée nationale, frappée de cet inconvénient, a cru devoir modifier son décret; pour assurer davantage la liberté du transport dés subsistances ; et par celui du 5 octobre dernier, sanctionné par le Roi, il a été prescrit : « que toutes personnes seront autorisées à réclamer le secours du pouvoir exécutif et la force militaire, pour faciliter le transport des blés, à la charge de faire préalablement constater les refus et contraventions par le premier officier public sur ce requis. »
Le même inconvénient compromet aujourd'hui les propriétés et la vie des citoyens. Un exemple récent mérite, sous ce rapport, de fixer l'attention de l'Assemblée.
La ville de Béziers vient d'être le théâtre d'une sédition dont les suites ont été bien tragiques. Elle avait pour cause une saisie de faux-sel sur des contrebandiers armés. Trente-deux ou trente-trois commis avaient déposé leur prise dans l'Hôtel de Ville, et crurent devoir y passer la nuit.
M. de Baudre, lieutenant-colonel du régiment de Médoc, en garnison à Béziers, avait fait approcher sa troupe pour garantir l'Hôtel de Ville et pour soutenir la patrouille. Il fit plus, et,, prévoyant les dangers du lendemain, il tenta Vainement d'engager les officiers municipaux à profiter de la nuit pour faire évader les commis, et même le sieur Bernard, commandant de la patrouille, à qui la portion du peuple qui s'était soulevée ne pardonnait pas, sans doute, la protection qu'il àvait accordée contre les contrebandiers.
Le lendemain, le danger croissant, M. de Baudre offrit de nouveau, mais inutilement, tous les secours qu'il avait en main pour contenir le peuple.
11 ne craignit pas alors d'annoncer aux officiers municipaux que leur inaction serait
bientôt suivie de l'attaque de l'Hôtel de Ville et des plus
Mais son zèle fut infructueux, et les consuls ne tardèrent pas à disparaître, sans donner aucun ordre, sans faire aucune réquisition.
Peu de temps après, le peuple échauffé et sentant sa forcé, demande à grands cris que M. de Baudre leur livre le sieur Bernard et les commis.
Cet officier qui, dans çette occurence, a donné des preuves distinguées de capacité, de courage et de prudence, trouve le moyen de gagner du temps, en profite pour aller chercher les commis réfugiés dans une salle de l'Hôtel de Ville avec les femmes de plusieurs d'entre eux, les prévient du danger où ils sont, les presse de sauver leur vie par la plus prompte retraite et leur annonce qu'il se flatte d'empêcher l'entrée du peuple pendant une heure.
Cependant cette multitude furieuse assaillit la garde à coups de pierres, et l'officier persévère dans la défense de tirer sur le peuple.
Une seule ressource lui restait pour ralentir l'action des séditieux ; il fait fermer les premières portes et les fait barricader avec des madriers. Elles sont bientôt enfoncées à coups de pierres et de hache, et M. de Baudre recommence la même manœuvre pour fermer la seconde cour.
Le tempis, qui fut employé pour forcer ces deux entrées, paraissait à M. de Baudre devoir suffire pour l'évasion des commis. Il rejoignit sa troupe, et après l'avoir tenue rangée en bataille, sur la place pendant un gros quart-d'heure, il la fit rentrer en son quartier.
Les séditieux, de leur côté, poursuivirent leur proie et parvinrent à saisir plusieurs commis ; ils se portèrent envers eux et leurs femmes aux plus horribles excès. Ces malheureux ont, été mutilés d'une manière qui fait frémir ; cinq ont été pendus.
Les séditieux, encouragés par leur succès, requièrent, le commandement de leur fournir des armes. Celui-ci les leur refusent avec fermeté, et par bonheur la multitude n'insiste pas.
Une telle anarchie faisant appréhender ies plus grands maux, les habitants s'assemblent dans une église, et là un homme du peuple, dont le nom mériterait d'être connu, ouvre l'avis d'aller prier le commandant de rétablir la paix et de se char-; ger de la police de la ville. Cet avis est unanimement adopté et suivi, et M. de Baudre ne cède à la confiance des habitants, qu'il avait si bien méritée, que pour remédier, autant qu'il est en lui, à l'inaction et à la retraite des consuls, dont une simple réquisition eût prévenu tout excès.
On pourrait citer une infinité d'autres exemples, qui prouvent que de grands désordres auraient pu être prévenus par le recours aux forces militaires.
Mais quelque nécessaire que soit, dans des cas semblables, l'assistance efficace des troupes, le Roi croit devoir à ses sujets l'exemple du respect pour la loi.
Sa Majesté a jugé nécessaire de faire mettre ces faits et ces considérations sous les yeux de l'Assemblée en la pressant de la manière la plus forte et la plus instante, de chercher les moyens efficacement propres à concilier la liberté avec la sûreté des citoyens, la conservation des propriétés et le maintien général de l'ordre public.
Sa Majesté ne peut supporter qu'aucun de ses sujets qui doivent tous se reposer avec confiance sur sa vigilance et son autorité, soient exposés à des violences et des traitements barbares, contre lesquels l'intérêt social et tous les sentiments de justice et d'humanité s'élèvent également.
Et l'Assemblée nationale apercevra sans doute que le progrès ou la continuité de pareils désor-
dres pourrait affaiblir l'attachement des peuples au succès de ses importants travaux, et retarder le bienfait d'une Constitution qui doit être l'objet des vœux de tous ceux qui aiment la patrie.
Paris, le seize janvier mil sept cent quatre-vingt-dix.
Signé : CHAMPION DE GlCÉ, archevêque de Bordeaux.
Ce mémoire est renvoyé au comité des rappotrs.
, député de Sedan, demande la parole pour exposer que les religieux de Belval avaient en réserve une somme dont ils proposaient de prêter une partie à la communauté ae Mouzon, et de verser l'autre dans la caisse publique de Sedan.
Quelques personnes ont observé que toutes les demandes des municipalités, à l'effet d'être autorisées à faire des emprunts, avaient été renvoyées au comité des finances, et que dans la circonstance particulière on ne voyait aucune délibération prise par la communauté de Mouzon.
L'Assemblée nationale frenvoie cette proposition au comité des finances.
Un membre du comité de vérification rend compte de la nomination de M. Dufau à la place de M. Pérès d'Artassan, député du bailliage du Mont-de-Marsan.
L'Assemblée nationale décrété que M. Dufau sera admis à la place de M. Pérès d'Artassan.
, après avoir exposé les difficultés qui s'élèvent dans plusieurs provinces au sujet de la perception des cens, rentes et redevances qui n'ont pas été supprimés, propose de décréter que, par le décret du 6 août dernier, l'Assemblée nationale n'avait pas entendu empêcher ni différer le paiement desdits droits ; qu'ils devaient être acquittés jusqu'à ce que le rachat en fût effectué, et qu'il fût enjoint aux municipalités de tenir la main à ce qu'il ne fût exercé aucune vexation contre les percepteurs de ces redevances, ni contre ceux qui veulent les acquitter.
Sur l'observation qui a été faite, que le comité féodal préparait un décret sur cette matière, l'auteur de la motion a déclaré qu'il ne s'opposait pas à ce qu'elle fût renvoyée à ce comité, et qu'il se bornait à demander que le rapport fût fait incessamment.
L'Assemblée nationale a décrété le renvoi au comité féodal, qui sera tenu de faire son rapport mardi prochain, à deux heures.
expose que lé prix du grain est excessif dans sa province; il demande que l'Assemblée prenne un parti déjà employé avec succès dans quelques occasions, et que les censitaires soient autorisés à se rédimer des cens et rentes à raison de 10 livres pour le sac de blé pesant 100 livres.
La question préalable demandée sur cette proposition, l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
propose ensuite de décréter qu'il soit nommé un comité chargé d'appliquer à la classe indigente les principes de la déclaration des droits, et de déterminer l'organisation du régime le plus propre à assurer les secours dus à cette classe, et l'établissement des ateliers de charité.
Il est observé que cette proposition déjà faite à l'Assemblée par M. de Virieux, avait été renr voyée au comité de commerce et d'agriculture, et qu'il convenait par conséquent de l'ajourner jusqu'après le rapport de ce comité.
L'Assemblé nationale ajourne cette proposition jusqu'après le rapport du comité d agriculture et de commerce.
Quelques personnes proposent, comme un moyen efficace de soulager la classe indigente, de faire fabriquer une certaine quantité de monnaie de billon.
, membre du comité des finances, ayant assuré que cette question avait été agitée dans ce comité, et que le rapport en était prêt, elle a été ajournée à lundi prochain, à une heure.
a saisi cette circonstance pour démontrer la nécessité d'organiser promptement les municipalités dont le premier devoir serait de s'occuper de la mendicité. S'il y a tant de pauvres aujourd'hui, a-t-il ajouté, cette misère est peut-être causée par la rareté des pièces de billon ou de monnaie grise. Telle personne qui donnerait une pièce de 6 liards ou 2 sous aux pauvres ne peut leur en donner une de 6 ou de 12. S'il y avait plus de monnaie grise, il y aurait plus d'aumônes. Une preuve de la rareté de cette monnaie, c'est que nous en avons beaucoup d'étrangères ; je demande que l'Assemblée prenne ces observations en considération.
Je suis certain que les étrangers attirent chez eux notre monnaie grise, nos gros sous et nos pièces de 2 liards ; heureusement, il est aisé d'en fabriquer d'autres.
propose l'établissement de bureaux de secours où seraient portées toutes les contributions volontaires. Ces bureaux correspondraient avec un bureau principal. Celui-ci répartirait les secours aux indigents et aux ouvriers sans travail. Il demande, en outre, l'établissement d'un comité de correspondance avec les pays de commerce pour en apprendre les moyens de rétablir le commerce languissant et abandonné. Il trouve que la fabrication d'une monnaie de billon est insuffisante pour secourir les pauvres.
, évêque de Clermont, expose que les ecclésiastiques du royaume n'avaient pas eu un délai suffisant pour faire la déclaration de leurs biens, ordonnée par décret du 13 novembre dernier, et qu'il était juste d'accorder une prorogation.
J'aurai l'honneur de représenter à l'Assemblée que l'exécution du décret du 13 novembre, est absolument impossible. Les fondés de pouvoirs n'ont pas pu encore recevoir les procurations nécessaires. J'ai huit cents fermes et nuit cents fermiers; il me faut plus de trois mois pour faire faire les déclarations. (Ces express sions excitent d'abord le rire, puis les applaudissements sur la munificence d/u clergé, a l'égard de l'orateur) (1).,
poursuit : Je ne demande pas grâce pour cèux qui refuseraient d'exécuter vos décrets, mais je demande que les bénéficier?, qui se seront mis en règle pour obtenir les déclarations, soient à l'abri de toute poursuite. Nous nous y mettons tous, mais vous ne pouvez pas ordonner l'impossible. Lorsque mon fondé de procuration s'est présenté à la municipalité d'Amiens, pour y faire sa déclaration, on lui a répondu que les officiers seraient occupés pendant plus de deux mois, — Je demande que lè délai soit prorogé de trois mois.
Le délai de deux mois n'expire qu'à la lin de celui-ci ; les déclarations peuvent donc encore être faites ; il en est arrivé chaque jour un grand nombre au comité des finances, aussi il n'est pas concevable que les municipalités et les juges royaux ne suffisent pas à les recevoir. Je requiers donc que le nouveau délai demandé n'excède pas un mois, c'est-à-dire qu'il n'aille pas au delà du 1er mars prochain.
Je propose de comprendre dans ce délai même les ecclésiastiques présents à l'Assemblée.
Cet amendement est adopté.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale à décrété que le délai de deux mois pour la déclaration des biens ecclésiastiques, prescrit par le décret du 13 novembre dernier, sera prorogé jusqu'au 1er mars prochain, et que même les ecclésiastiques membres de l'Assemblée seront tenus de satisfaire à ce décret dans ledit délai. »
M. Naurissart, membre du comité des finances, chargé du rapport sur la fabrication des monnaies de billon, qui vient d'être ajourné à lundi prochain, m'annonce qu'il est prêt à faire ce rapport sur le champ. Je demandé à l'Assemblée si elle consent à entendre le rapporteur.
L'affirmative est prononcée.
, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des finànces va vous rendre compte des divers projets de fonte de billon qui Vous opt été présentés. Plusieurs n'ont;d'autre base que la fonte des cloches. Cette opinion est si généralement accueillie qu'il est indispensable de vous en entretenir un instant.
D'anciens préjugés, et la ressemblance dans la couleur, ont sans doute persuadé les hommes qui n'ont aucune connaissance monétaire et métallurgique, que la matière dès cloches était la même que celle qui compose les pièces de billon ou sols marqués ; alors ils ont cru entrevoir un numéraire immense dans la quantité .des cloches qui sont en France. Cette erreur est si répandue et se propage encore avec tant de succès, qu'il est du devoir de votre comité des finances de la dissiper.
Le métal des cloches est composé de cinq sixièmes de cuivre, et d'un sixième d'étain mêlé avec un peu d'antimoine. Ce mélange rend ce métal très cassant, et jusqu'à présent les artistes les plus habiles n'ont pu trouver aucun moyen de le rendre ductile et malléable.
La monnaie de billon est composée d'environ
Le public, mieux instruit, verra donc qu'il est impossible de faire des sols marqués avec la matière des cloches.
D'autres projets mieux conçus pour la fonte des cloches proposent, si l'on ne peut pas en faire des sous marqués, de les vendre comme métal, et pensent que leur valeur peut être portée à vingt sols la livre. Cette évaluation n'est point exagérée : peut-être n'est-il pas aussi facile d'approuver leur aperçu sur la quantité. Le sieur Pasquier, qui a fourni à votre comité les détails les plus étendus à cet égard, suppose, d'après des, bases qui, quoique raisonnées, peuvent donner des résultats erronés, que les cloches du royaume, qui resteront inutiles, doivent peser 184 millions de livres, qui, au prix ci-dessus de 20 sols, formeraient une somme de 184 millions. Cette somme, dit le sieur Pasquier, pourrait servir d'hypothèque et de remboursement à une somme par-reille de papier-monnaie ; mais votre comité ne croit pas devoir vous parler de cet objet, puisque vous avez déjà prononcé à cet égard et qu'il ne doit vous entretenir que d'une fabrication de billon.
Le sieur Naudier vous a proposé un projet imprimé, qui est établi sur des principes plus monétaires. Il substitue au cuivre rouge, qui a jusqu'à ce moment servi à la formation du billon, un métal qui paraît, et qu'on ose assurer être composé de cuivre rouge et d'une portion d'arsenic. Ge mélange produit une couleur moins rouge ; et en y ajoutant la quantité d'argent nécessaire pour donner à cette monnaie une valeur intrinsèque, il est naturel de croire que la couleur serait un peu grise. Mais, Messieurs, le sieur Naudier vous propose de fournir ce métal aux directeurs des monnaies, à raison de quarante sols la livre, tandis que le cuivre rouge ne. leur est payé que vingt-cinq sols, ce qui fait une augmentation de 60 0/0, à quoi il faut ajouter plus de difficultés pour la fabrication ; et il est évident qu'en travaillant des métaux dans lesquels l'arsenic est incorporé, il existe nécessairement une espèce de danger pour les ouvriers.
Un projet de fabrication sur les anciennes bases est donc celui auquel votre comité donne la préférence. Ces bases sont du cuivre rouge et de l'argent dans une proportion à peu près la même que celle du billon qui est aujourd'hui en circulation.
Il est sans douté nécessaire de frapper des pièces de plusieurs vàleurspour la commodité des paiements.
Avec des pièces de 5 sols, de 2 sols, et de 18 deniers, on ferait tous les appoints. La pièce de 5 sols paraît convenable par ses rapports avec la livre de France ; et peut-être trouverez-vous, Messieurs, qu'il conviendra tôt ou tard de frapper des pièces de 10 sols, de 20 sols et de 30 sols ; mais votre comité ne doit pas encore vous entretenir de cet objet.
11 est indispensable de fixer la quantité qui en sera frappée, le titre et la valeur du marc. G'est de ces deux derniers objets que résultera le poids de chaque pièce.
Le nouveau billon sera composé d'un sixième d'argent et de cinq sixièmes de cuivre. C'est-à-dire à deux deniers de fin, valant, au
prix du tarif,............81. 18 f. î d.
Les cinq sixièmes de Cuivre valent, à 25 sols la livre; ... » 10 4
Total de la valeur intrinsèque. 91. 8 f. 6 d.
1 » »
Frais de fabrication. . ; . .
Déchets à 6 0/0......
Bénéfice pour le Trésor pu-lic. .............
Total de là valeur numéraire.
12 6 19 »
12 Lu »
Ainsi les pièces dë 5 sols seront à la taillé de quarante-huit au marc, celles dë 2 sols à la taille de cent-vingt, et celles de 18 deniers à la taille de cent-soixantê.
Le remède sur lé fin ou d'aloi sera dë trois grains, et le remède de poids sera de trois pièces sur les pièces de 5 sols, de huit pièces siir celles de 2 sols, et dë 12 pièces Sut* celles dë 18 deniers.
Ces remèdes, Messieurs, sonti une marge indis-pensablement nécessaire aux directeurs des monnaies pour la fabrication de toutes sortes d'espèces, et sont tous réversibles au profit du Trésor public, dans la proportion de l'usage qu'en ont fait les directeurs. On va le mettre sous vos yeux dans le tableau ci-après^
Vous penserez peut-être qu'une fabrication de vingt-quatre millions de cette monnaie sera suffisante pour les besoins journaliers des habitants de ce vaste empire. Ces 24 millions formeront un poids de deux millions dé marcs ; le bénéfice du Trésor public est par marc, comme il est dit ci-dessus, de 19 sols, qui s'élève en totalité sur les deux millions de marcs à . . . * 1,900,000 liv. Le remède d'aloi peut être évalué à ... . .......4 fr.
Le remède de poids à . . *4 Total du bénéfice sur Ie3 remèdes, 8 sols ; faisant sur les
deux ci-contre 1,900,000 liv.
millions de marcs ...... i * 800,000
Tqtal du bénéfice sur cette _
fabrication. . , 2,700,000 l
Le numéraire de billon réunit le double avantage de faciliter le paiement des appoints, la vente des menues denrées, et l'on n'a pas à craindre qu'il soit exporté dans l'étranger.
Ayant répandu dans le.public une, certaine quantité de ce nouveau billon,. la circulation du billon actuel devra être défendue ; alors l'Assemblée nationale pèsera dans sa sagesse. les moyens qu'elle devra mettre *çn usage pour en ordonner l'apport aux hôtels des monnaies.
Votre comité doit vôus faire observer qîi'il, est avantageux de frapper cette nouvelle monnaie d'une empreinte puis durable qùè l'ancienne, et que, pour ¥ parvenir, il faut donner à CëS espèces moins de diamètre et ptys d'épaisseur. Il faut encore leS marquer d un corçton Sur la trauchë. Il est certain que ce sèrji' très péhiblë pî)#' là fabrication ; mais aussi riéq ûê soutie^| et në donne plus de grâce â l'espfecë, que ie refoulement de la matière dans la partie circulaire de la pièce. D'ailleurs, il rend I altération et là èontrefaction beaucoup plus difficiles.
Pèut-être trouverez-voUs convenablé, Mëssiëurs, de donner au Roi sur cette nouvelle monnaie le titre de Roi des Français, et de îhettrë sur le revers de la pièce sa valeur numéraire.
Votre comité dés finances a l'hénneur de vous
présenter des modèles d'empreintes, destinés en conséquence, et de soumettre à votre délibération le décret suivant :
L'Assemblée nationale, considérant les diverses demandes qui lui ont été adressées, pour que, vu la disette de la même monnaie, il lui plût ordonner incessamment une fabrication de monnaie de biilon ;
Considérant qu'il est convenable de donner au Roi SUr une monnaie nouvelle le titrë glorieux de Roi des Français, a décrété et décrété :
« Art. Ier. Qu'il sera inceSsammeflt fabriqué, dans les divers
hôtels des monnaies du royaume, la quantité dé 2 millions dë mârcs de Monnaie de billoii, du
poids et titrë ci-après.
« Art. 2. Le Susdit billon sera fabriqué au titrë de deux deniers dé fin, au remède de trois grains.
Art. 3. Il sera fabriqué dans chaque monnaie un tiers de piècës Valant cinq sols, Ub tiers de pièces valant deux sols, et l'autre tiers de pièces valant dix-hUit deniers. Lès piècës de Cinq sols seront à la taille de quarante au marc, au refnède de poids de trois pièces au marc; les pièces de deux sols, à la taille de cent-vingt au marc, au remède de poids de huit pièces au marc; et enfin, les pièces de dix-huit deniers, à la taillé dé cent-soixante pièces au marc, au remèdé dé poids de douze pièces au marc, sans aucun recours dë la pièce au marc.
« Art. 4. Lesdites pièces porteront, d'un Côté, pour légende : Louis XVI, Roi des Français, et de l'autre leur valeur numéraire, conformément aux empreintes figurées au bas du présent décret et seront, lesdites pièces, marquées sur là tranche d'une simple hachure.
« Art. 5. Lesdites pièces de billon auront cours dans toute l'étendUe du royaume pour la susdite valedr, mais on në pourra être contraint, dans aucùfi piayëmènt, d'en recevoir pour plus de six livres.
« Art. 6. Les pièces de billon fabriquées èn France, actueïlèmënt en circulation, dè la valeur de 2 sols et de 18 deniers, continueront d'avoir cours jusqu'à ce qU'il en ait été autrement ordonné.
« Art. 7. Les déchets sur cëtie fabrication seront alloués aux directeurs des monnaies, à raison de 6 0/0, et tous le3 frais de fabrication seront fixés à 20 sols par marc, dont la répartition sera faite par le Roi ehtre tous les officiers ët ouvriers des monnaies.
« Art. 8. L'Assemblée nationale fait très expresses inhibitions et défenses de recevoir ou donner, dans les paiements, aucunes pièces dë billon de fabrication étrangère. »
L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et ajourné la discussion.
a proposé d'autoriser la fabrication à l'hôtel de la monnaiè dè la villë de Besancon des pièces de cuivre de la valeur d'un sol jusqu'à concurrence' dë 150,000 livrés, et il à fait offre à la nation de la somme de 15 0/0 de ladite sommé. Il a demandé que les piècës de monnaie qui seraient fabriquées présënterit d'un côté l'ef-figié du Roi avec la légende Louis XVI, Roi des Français, et de l'autre les armes de la Frâncë, avec la légende : Restauration de la liberté. Cette proposition a été aussi ajournée.
a levé la séance, et l'a ajournée à lundi, heure ordinaire.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
a d'abord annoncé le résultat du scrutin pour la nomination de son successeur et de trois secrétaires t et dans l'élection du président, sur 834 votants, il s'est trouvé 476 voix pour M. Target, 317 pour M. dë Cazalès, et 41 voix perdues. Sur lè scrutin des secrétaires, MM. l'abbé Expilly, lë vicomte de Noailleàetde la Borde dé Mereville ont réuiii la majorité des suffrages.
, ancien président. a prononcé le discours suivant avant de quitter le fauteuil :
Messieurs, en m'ordonnant de monter à la place difficile d'où je vais descendre, Vous n'avez pu attendre de moi que l'hodimage dé mes faibles moyens. Cet. hommage, vous l'avez reçu tout entier : heureux s'il eût été plus digne de vous! Mais qu'il me soit permis de vous le dire, c'est Votre indulgence qui m'a appelé,t c'est elle qui m'a soutenu; j'ai donc quelque droit à demander de n'être jugé que par elle. »
, nouveau président, remplace M. l'abbé de MontesquioU et prononcé le discours suivant :
« Messieurs, beaucoup de zèle pour le succès de vos nobles travaux, quelque assiduité aux fonctions dont vqus m'avez chargé, le soin de recueillir lés lumières de ceux que vous m'ayez donnés poup collègues, un vif amour de la liberté et du bonheur public, voilà jusqu'ici tous mes titres à l'honneur que vous m'accordez : je n'en aurais aucun, si vous n'aviez pas daigné donner le prix des talents et des services au seul désir d'être utile. J'ose vous demander, pendant que je remplirai cette place, les mêmes bontés qui vous ont inspiré le dessein de me la confier. Personne n'eut jamais plus de droit à votre indulgence; car vous allez vous rappeler sans çesse, et comment pourriez-vous l'oublier? ce rare et aimable assemblage de fermeté et de douceur, de sagacité et de précision, qui caractérise le président auquel vous avez voulu que je succédasse, et qui ne me laisse que le désespoir de le remplacer. »
L'Assemblée a unanimement voté des remerciements pour M. l'abbé de Montesquiou, et a ordonné que ce vœu fut exprimé dans le procès-verbal ; elle a observé en même temps qu'il aurait dû être fait mention des remerciements qui avait été votés de même après la présidence de M. Démeunier, et a voulu que cette omission fût réparée.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal des deux séances du samedi 16 janvier.
vient prendre sa place dans l'Assemblée.
Messieurs, le décret que vous avez rendu dans l'affaire de Toulon est
Rien ne peut flétrir les lauriers du comte d'Albert ; cependant quel sentiment peut produire dans une âme aussi énergique que la sienne le plus léger soupçon, l'ombre seule- d'une humiliation? Nous sommes Français; la gloire fut toujours l'idole de nos aïeux; elle ne cessera pas d'être la nôtre. Nous transmettrons son noplé enthousiasme à nos enfants, ainsi que le devoir patriotique d'honorer la valeur qui s'est rendue redoutable à nos ennemis et respectable à l'Univers.
Je conclus k ce que M. le président soit chargé de transmettre à M. d'Albert de Rioms le décret du 16 de ce mois, en lui témoignant que l'Assemblée n'a jamais cessé d'avoir pour lui l'estime due à ses glorieux services.
Je demande que le même témoignage d'estime soit commun aux autres officiers impliqués dans la mêmè affaire et je réponds que la garde nationale de Toulon applaudira à cette démarche.
On vous a beaucoup parlé de M. d'Albert, ou ne vous a rien dit du peuplede Toulon. C'est cependant lui qui, dans la guerre de la succession, ne cessa de contribuer aux impôts pour le paiement des matelots; c'est lui qui se sacrifia pour Louis XIII à une autre époque; c'est lui qui, le premier des peuples de France a juré de venir au secours de l'Etat et de détendre, dans la Révolution actuelle, les représentants de la nation envers et. contre tous. Je m'étonne que l'on parle ici d'écrire une lettre de satisfaction à M. d'Albert, sans faire mention du peuple de Toulon. Je m'oppose formellement à ce qu'on écrive à M. d'Albert, si l'on n'écrit également aux officiers municipaux et à la garde nationale de Toulon.
Ce n'est pas comme compagnon d'armes de M. d'Albert ; ce n'est pas au nom d'une nation libre, la meilleure alliée de la France ; c'est comme soldat national gué j'appuie la motion de M. Goupil de Préfeln et je pense que la garde nationale de Toulon y applaudira.
On demande la question préalable sur les amendements de M. Bouche.
La question préalable est rejetée et les amendements sont adoptés.
rappelle la motion principale avec l'adjonction des deux amendements qui viennent d'être admis.
,qui avait le plus fortement soutenu, sans cependant parler à la tribune, que cette motion devait être adoptée, propose de la rejeter par la voie de la question préalable.
s'écrie que la question préalable n'est pas proposable contre une motion à laquelle il a été ajouté deux amendements décrétés par l'Assemblée.
demande que le membre qui a proposé la question préalable soit invité à la motiver à la tribune.
dit que sa réponse est courte, mais décisive. Tous les peuples du royaume ont donné des preuves de patriotisme ; en conséquence, il ne saurait convenir à l'Assemblée nationale de reconnaître cette vertu particulièrement dans le peuple de Toulon.
La question préalable est rejetée et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale a chargé son président de transmettre à M d'Albert de Rioms le décret du 16 de ce mois, et de lui témoigner l'estime qu'elle n'a jamais Cessé d'avoir pour un guerrier dont les services ont si dignement soutenu la gloire de la nation.
» Elle le charge en même temps d'un témoignage honorable pour MM, les officiers de marine impliqués dans l'affaire de Toulon ; charge de plus son président de témoigner la satisfaction de l'Assemblée sur les sentiments patriotiques que les officiers municipaux et la garde nationale de Toulon n'ont cessé de témoigner dans toutes les circonstances. »
,lit ensuite les adresses et les offres de dons patriotiques, ainsi qu'il suit :
Adresse des officiers municipaux de la ville de Luxeuil en Franche-Comté, remise par M. de Fer-rier, maréchal-de-camp, député extraordinaire de ladite ville; ils se répandent en éloges les plus flatteurs sur les religieux bénédictins de cette ville; ils annoncent qu'ils ont envoyé à la monnaie de la capitale l'argenterie la plus précieuse de leur église, du poids de 234 marcs 2 onces. Dans le cas que des circonstances impérieuses exigent! suppression de celte célèbre abbaye, ils supplient 1 Assemblée de daigner, dans sa sagesse, y substituer un établissement également utile dans lequel la plupart de ces dignes religieux s'empresseraient à montrer le même zèle pour le bien public, en se consacrant à l'éducation de la jeunesse et au soulagement des pauvres.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Mont-Louis; elle justifie qu'elle s'est toujours empressée d'exécuter les décrets de l'Assemblée, notamment ceux relatifs au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique.
Adresses du même genre de la ville de Provins, de celle de Semur en Auxois, et de celles de Valabrègues et Florac en Languedoc; ces deux dernières demandent que la ville de Nîmes soit le siège d'un tribunal supérieur; la ville de Florac fait le don patriotique du produit delà contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresses du même genre des villes de Barjols et de Tarascon en Provence, de la ville d'Aigues-Mortes en Languedoc, de celle de Tarbes, capi-
tale du Bigorre, de celles de Garnache, d'Aisnai, de Tiffauges, de Montaigu, et de vingt-quatre paroisses voisines de cette dernière en Poitou ; toutes ces villes demandent chacune d'être chef-lieu de district et le siège d'une justice royale. La ville de Barjols fait offre du moins imposé en faveur des anciens taillables.
Adresse de cinq religieux d'un couvent de Pon-toise, qui approuvent le projet sur les religieux proposé par le comité ecclésiastique.
Adresse du chapitre de l'église royale et collégiale de Notre-Dame de Cusset, qui adhère avec une respectueuse admiration aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux concernant les biens ecclésiastiques.
Adresses des comités et municipalités de Di-goin en Bourgogne, Dion-sur-Loire, Dompierre Baulon, Pierrefitte, Scey, Chassenard, Molinet, Coulanges, Gilly-Patay, Tniet, Garnat, Ciudré, Bon-cès et Montaigu en Bourbonnais, qui adhérent avec reconnaissance et soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, et la supplient avec instance de conserver le célèbre monastère de Sept-Fonts, encore plus austère que celui de la Trappe.
Adresse du bataillon des chasseurs de Roussil-lon, en garnison au Saint-Esprit, et de 6,000 gardes nationales de différentes villes et communautés du Languedoc, Provence et Dauphiné, autorisées par leurs municipalités, qui se sont réunies sous les murs du Saint-Esprit et les armes à la main, avec la plus grande solennité possible, ont juré d'être à jamais fidèles à la nation, au Roi et à la loi, et de sacrifier leurs biens et leurs vies pour la gloire et le bonheur de notre auguste monarque, et l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. Cette fédération a nommé des commissaires pour correspondre avec celles de l'Etoile, Montélimart et Saint-Paul-Trois-Châteaux.
Adresse des corps des ferblantiers, fripiers, ta-bletiers, tourneurs et faiseurs de chaires de la ville de Marseille, qui présentent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur soumission respectueuse à ses décrets, et la supplient d'ordonner la plus prompte exécution de celui qui renvoie la procédure prevôtale à Ja sénéchaussée de cette ville. Les ferblantiers et fripiers font le don patriotique de tout ce qui leur est dû par le gouvernement en capital et intérêts.
Adresse des corps des tanneurs, corroyeurs, blanchers, marchands, revendeurs de cuirs de la ville d'Aix, qui font le don patriotique d'un capital de 1750 livres 10 sols, qui leur est dû par Sa Majesté, ainsi que des arrérages d'intérêts.
Délibération de la communauté de Baume, bailliage de Poligny, qui, indépendamment de la contribution patriotique, offre le produit du moins imposé au profit des anciens taillables.
Adresse de la communauté de Sillans en Provence, qui fait le don patriotique de la somme de 600 livres.
Adresse de la ville de Charlieu en Lyonnais portant l'offre de 33 marcs 5 onces 3 gros provenant de la fonte de l'argenterie de leur église, et en outre, du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés; elle insiste pour obtenir d'être chef-lieu de district et le siège d'une justice royale.
Adresse des officiers municipaux de la petite ville de Marennes en Saintonge, portant l'assurance d'une pleine et entière adhésion de leur part à tous les décrets de l'Assemblée nationale, la suppliant de regarder la conservation des colonies françaises, et celle du commerce maritime, comme deux moyens inséparables de pros-
périté pour l'Etat, et de subsistance pour le tiers de ses babitants.
Ils annoncent à l'Assemblée nationale que les délibérations enregistrées de la contribution du quart du revenu, par les babitants de Marennes, s'élevaient, le premier de ce mois, à 48,000 livres., somme inférieure à ce qu'aurait désiré leur patriotisme, mais infiniment supérieure à ce que leur permettaient leurs moyens.
Arrêté de la ville et communauté de Rennes, portant adhésion aux décrets du 11 et ordonnant que le discours prononcé dans cette occasion par M. Le Chapelier, soit transcrit sur les registres de la ville et communauté.
fait lecture d'une lettre de M. de Briel, capitaine au régiment de Navarre, et commandant actuellement ce régiment, en réponse à celle adressée à ce régiment par l'Assemblée nationale ; et cette expression des plus nobles sentiments patriotiques et militaires a mérité les applaudissements de l'Assemblée.
Le district et le bataillon des Petits-Pères ont apporté leur offrande, et y ont joint l'expression de leur reconnaissance pour le décret de l'Assemblée qui constitue Paris et sa banlieue en département.
témoigne la satisfaction de l'Assemblée aux députés de l'assemblée partielle et du bataillon des Petits-Pères.
, membre de l'Assemblée, a présente un don patriotique au nom ducol-lègede Rhodez; et ce membre a été autorisé à témoigner à ces jeunesélèves la satisfaction de l'Assemblée.
La ville du Havre a offert un don patriotique de 42,197 livres : savoir 3,257 livres données par les commis des négociants; 4,940 livres par les capitaines de navires, et 34,0001ivres par la généralité des habitants, laquelle somme a été versée dans la caisse nationale.
a fait ensuite lecture de la lettre ci-après de M. de Choiseul-Gouffier ambassadeur à Constantinople ; elle porte un don patriotique de 12,000 livres, offert par les négociants français établis dans cette ville; M. l'ambassadeur ajoute, pour son compte, un tribut égal à celui des négociants de Constantinople ; et le sieur Pierre Fonton, chancelier de cette échelle, y joint pour lui personnellement une somme de 600 livres.
Mais ce qui, aux yeux de l'Assemblée, a paru ajouter plus de prix encore à un hommage aussi patriotique et aussi bien exprimé, c'est Ja liberté du seul captif français qu'on ait pu découvrir dans la ville de Constantinople, racheté aux frais communs de M. l'ambassadeur et des négociants. Suit la teneur de ladite lettre :
A Constantinople, le
« Monsieur le Président. »
« Les négociants français, établis à Constantinople, oublient l'état alarmant de leur commerce pour ne voir que les besoins de la patrie. Ils viennent de m'apporter une somme de 12,000
livres pour la faire parvenir à l'Assemblée nationale. Ils espèrent qu'elle voudra bien ne pas rejeter ce léger tribut, cette faible expression des sentiments dont ils sont pénétrés, et dont ils me permettent d'être aujourd'hui le garant et l'interprète.
« En votant cette contribution par un transport unanime, ils n'ont fait, Monsieur, que partager l'enthousiasme commun à tous les Français; mais peut-être trouverez-vous qu'ils ont un mérite particulier à ne s'élre laissé décourager ni par la modicité de leur offrande, ni par le grand éloignement, qui pourra, malgré eux, la faire paraître tardive et en diminuer ainsi le prix.
« Un de leurs concitoyens, que nul ne surpassera jamais en patriotisme et en dévouement, s'empresse d'égaler leurs efforts, et de joindre à leur tribut celui d'une pareille somme de 12,000 livres, sans préjudice des contributions déjà décrétées par l'Assemblée, et de toutes celles qu'elle pourra juger utiles à la prospérité de la nation, et à la gloire du Roi, qui en est inséparable. Heureux ce citoyen, Monsieur, si un zèle sans bornes peut suppléer aux talents que sa position rendrait nécessaires, et s'il peut encore continuer de défendre avec honneur la dignité du nom français, son influeuce politique, et avec elle le riche tribut que ce vaste empire, malgré les événements d'une guerre malheureuse, ne cesse de payer à l'industrie de nos commerçants !
« Le sieur Pierre Fonton, chancelier de cette échelle, dont la famille estimable a toujours rendu, et rend aujourd'hui plus que jamais, d'importants services à l'Etat, verse aussi dans la caisse nationale la somme de 600 livres.
« Enfin, Monsieur, pour nous consoler de n'avoir pu présenter des dons plus proportionnés à notre zèle, et pour être du moins certains d'offrir à la nation un hommage digne d'elle, nous avons tous voulu nous réunir pour racheter le seul esclave français que nons ayons pu découvrir en ce moment ; il est libre, et sera renvoyé jusque dans le lieu de sa naissance pour y jouir du bonheur que la France devra aux vertus de Louis XVI et aux lumières des représentants de la nation. »
« Je suis avec respect,
« M. Le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur.
« Choiseul-Gouffier. »
L'Assemblée nationale décrète qu'il sera fait une mention honorable du zèle empressé de ces négociants à faire parvenir leur tribut, ainsi qu'une réponse à M. 1 ambassadeur, dans laquelle M. le président est chargé de témoigner la satisfaction de l'Assemblée.
rapporte le procès-verbal de la formation de la municipalité de Ris, près Paris, qui a été fait sur papier timbré et contrôlé. 11 propose d'exempter du papier timbré et du contrôle les actes et délibérations qui vont être le résultat,des nouvelles élections municipales et administratives. 11 dit que l'ancien gouvernement en avait donné l'exemple lors des élections qui ont précédé l'Assemblée nationale.
demande que l'exemption proposée soit étendue à toutes les délibérations des corps administratifs.
voudrait les soumettre à la formalité du contrôle pour une plus grande véracité, mais en les exemptant des droits.
appuie la motion en l'amendant ainsi :
Les actes se feront sur papier libre, mais en double, l'un restera à la municipalité, Vautre sera envoyé au district.
observe que la motion de M. Rame 1-Nogaret ne peut être relative qu'aux actes notariég, attendu que les règlements actuels affranchissent de ces formalités les actes des corps administratifs.
demande le renvoi au comité des finances pour qu'il présente des articles sur cet objet.
Un autre membre demande l'ajournement.
réclame le renvoi au comité de Constitution.
Ces trois propositions sont mises aux voix et rejetées.
met aux voix le décret qui est rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que tous les actes relatifs aux élections faites en exécution de ses décrets, et les délibérations qui seront prises pour Ja constitution des municipalités et autres cbrps administratifs, ainsi que pour toutes les opérations administratives, seront exempts de la formalité du contrôle et des droits de papier timbré, par quelques personnes que lesdits actes ou délibérations soient reçus ;
« Que lesdits actes et délibérations seront transcrits de 6uite, et sans intervalle, sur le registre à ce destiné, coté par pages, et paraphé par première et dernière feuille par le président de l'Assemblée ;
«Que lesdits actes et délibérations seront faits doubles, et qu'une expédition en sera envoyée au district pour y être transcrite. »
monte à la tribune, mais comme son organe est trop faible pour se faire entendre, M. Guillaume prend sa place et donne lecture de sa motion.
Noue ne pouvons, dit-il* nous dissimuler que les difficultés sans nombre que le trésor public éprduvé dans la recette de diverses impositions ne soient les principales causes de notre désarroi financier. Plusieurs de ces;impositions ayant été aneanties par le fait et devant l'être réellement, lé Vœû général a été depuis longtemps, à leur égard, fortement exprimé. Lés autres éprouvent une perception lente et difficile, par la misère qui accable le peuple. Cependant l'Etat a des dettes que noifs regardons comme sacrées ; l'Etat a des chargés non înoins 'indispensables. Nous devçns nous presser d'adopter des1 moyens pour sujbvçrar à, toutes ces dépenses. 'Prenons nos mesures po^r fixer nos idées sur un nouveau système de finances et sur jiri nouveau plan d'im-pdsitiph, qui, en brisant' les anciennes fdrrnes multipliées jusqu'à l'infini, fasse disparaître cétte foulé onéreuse d'impôts de toute espèce la voracité de l'oppression du fisc sous laquelle nbiis gémissons depuis si longtemps ; adoptons enfin un mode d'impôt simple, facile a répartir, qpnt la perception douce et économique et point oppressive, en fasse supporter' le' poids sans murmure.
Je fais donc revivre les motions de M. de La Rochefoucauld et de M. Defermon, proposées il
y a quelques jours et je demande la nomination d'un comité d'imposition de onze membres, chargé i de s'occuper de la partie des impositions du royaume, èt de présenter à l'Assemblée un plan sur cet objet essentiel. Je propose de décréter que ces onze commissaires devront travailler avec un député de chaque généralité, pour en tirèr des lumières suf les localités du royaume ; il sera même permis à ce comité d'appeler, dans certains cas, les étrangers à son travail.
Depuis huit mois, nous sommes assemblés, depuis huit mois, nous désirons régénérer le royaume, et nous nous sommes à peine occupés des finances. Le mol peuple est souvent prononcé dans nos discours ; il est temps qu'il soit pour quelque chose dans nos décrets. Celui de Paris est bien digne de pitié ; il ne vit que de ses capitaux ou de son commerce : ses capitaux sont sans produit, puisque les rèntes sur l'hôtel-de-ville sont suspendues ; son commerce est nul ; les gens riches ou s'éloignent, ou resserrent leurs richesses. C'est du bonheur du peuple qu'il faut surtout nous occuper ; les classes privilégiées ont déjà fait de grands sacrifices. Ce n'est pas assez : je demande qu'on abolisse, dès ce moment, tous les droits qui se perçoivent aux barrières sur les consommations communes. Je ne propose pas de faire ce qui est arrivé si souvent, c'est-à-dire de détruire sans remplacer ; je propose au contraire de remplacer sur-le-champ la perception abolie par un impôt sur le luxe.
On interrompt l'opinant, en le rappelant à l'ordre et à la question.
Je ne crois pas que ces réflexions soient étrangères à la question : personne ne prendra la défense du luxe, qui doit ' enfin devenir utile au patriotisme, après n'avoir servi qu'à la dépravation des mœurs. Je demande que le comité dont l'établissement est proposé nous donne le moyen de supprimer sur-le-champ les aides, impôt vraiment désastreux pour les campagnes; que cet impôt soit remplacé par des octrois sur les villes... Je crois aussi qu'il est ] indispensable d'établir un comité particulier, \ chargé spécialement d'examiner la dette publique arriérée, les dettes des provinces, les payements de l'hôtel-de-ville, etc.
propose à j l'Assemblée de décréter que provisoirement et jusqu'à qe qu'eHe ait qéfinitjvement statué sur là disposi.tiôqi des biens ecclésiastiques, les revenus de tous bénéficier s autres qpe les archevêques et evêques, excédant la soqime de 3,000 livres de revenu net, seront employés au soulagement dçs pauvres. -rOn ne peut se récrier çoptremà pro-; position, a-t-il oit; mille écus Suffisent à un homme pour vivre et les prêtres dans l'état dë détresse où nous sommes dqivent donner l'exemple deç plus grands sacrifices envers les pauvres, i iCçHp motion est couverte d'applaudissements). ,
de Saint-Jean-d'Angely. Quand M. l'abbé Maury a demandé qu'on vînt au secours du peuple, on a reconnu l'esprit qui doit être attaché à son caractère. On a senti davantage encore cet esprit dansmotion que vient de î proposer le préopinant, et qui serait adoptée avec empressement si les législateurs ne devaient pas | faire céder l'enthousiasme à la réflexion. Je crois j qu'elle doit être renvoyée au comité ecclésiasti-j que, qui, par son travail, nous fera connaître avec
précision l'étendue des sacrifices qu'on peut demander au clergé.
Il est dangereux de se livrer à des motions anticipées, qui peuvent exciter le peuple en le trompant par des espérances exagérées. Les aides sont un impôt cruel que vous avez déjà jugé, et qu'il est dans votre intention de ne pas laisser subsister désormais. Les barrières sont un objet plus odieux encore.....Il faut accélérer la nomination d'un comité ; il faut que ce comité nous propose un plan qui remplace ou réforme tous les impôts actuellement subsistants ; il faut qu'il nous procure un revenu égal à nos besoins. Mais, pour cela faire, ce comité doit connaître l'étendue de ces besoins. Nous devons doue statuer sur les motions qui nous ont déjà été présentées ; elles embrassent les créances des villes, celles des provinces, et la liquidation de la dette, qui, sans être constituée, ne fait pas moins partie de celle que vous avez mise sous la sauvegarde de la nation.
Je demande donc qu'on nomme un comité de liquidation et un comité d'impositions.
, membre du comité' des finances, observe que la détte est constatée, que ce travail est sur sa fin, et qu'il pourra être soumis à l'Assemblée dans le courant de cette semaine.
Il appuie ensuite la formation d'un comité d'impositions, qui serait ajouté à celui des finances et qui en ferait partie.
11 opine enfin pour un examen sérieux de la question des impôts sur le luxe comme tendant à ruiner ce même peuple qu'on voudrait soulager. 250,000 individus, marchands ou manufacturiers de la capitale ou de Lyon, ne sont occupés qu'à des objets de luxe.
M. l'abbé Maury vous propose de décréter sur-le-champ la suppression d'un impôt considérable ; il veut soulager le peuple, et par une contradiction bien étrange, il vous engage à créer des octrois dans les villes; il veut,qu'on taxe le luxe, et le salut du peuple est l'objet do ce désir ; il n'a donc pas vu qu'il réduit ainsi deux cent mille hommes à n'avoir pas de pain : il est aisé de prouver que cet impôt miséricordieux du luxe mettrait sans pain le quart du royaume. Je vais présenter un seul exemple à l'appui de mon opinion. Une livre de lin vaut 15 1 ou 20 sous; sous des mains industrieuses elle devient coupon de dentelle, et sa valeur est de 800 livres. Ge changement a fait vivre vingt-cinq ouvriers pendant six mois.
On propose l'établissement de deux comités; le premier ne servirait à rien, puisqu'il aurait pour objet la liquidation de la dette, et que depuis quelques jours votre comité des finances a tait imprimer cet état de liquidation, On pourrait, dans le sein de ce dernier, former le nouveau comité dont on demande la création pour le système général d'impositions.
vote pour la nomination d'un comité d'impositions et d'un autre de sept personnes seulement pour constater l'état au vrai de la dette publique. Il combat la motion de M. l'abbé Maury, sur le luxe, et celle de M. l'abbé Çolaud sur les revenus ecclésiastiques.
regarde l'établissement de ces deux comités comme inutile, dès que le comité des finances s'est occupé de ces objets ; il se
résume en proposant l'adjonction de quelques membres de l'Assemblée aux deux sections du comité des finances et en demandant là question préalable sur la nomination des deux comités.'
L'impôt p'est dû'qu'autant qu'il est nécessaire, et les bornes du besoin sopt les bornes naturelles de l'impôt. Il suit de ce principe que vous ne pouvez accorder aucun impôt sans connaître les besoins de l'Etat, â moins que vous ne vouliez qu'on prenne sur les besoins réels du peuple pour satisfaire aux besoins imaginaires du gouvernement. Il faut donc d'abord nommer un comité qui nous indique ces besoins, en nous présentant la quotité'ae 1$ dette, son origine et ses progrès.
Le comité d'impositions doit être également étapli ; c'est l'objet le plus intéressant et le plus délicat de notre travail. Je demande, à raison de l'importance de foutes ces matière^, qu on accorde aux finances trois jours par semaine.
Je demande à répondre à M. l'abbé Maury. On a cherché à soulager la capitale, et les classes les plus indigentes de la société : il s'est étrangement trompé dans l'application des principes purs qui le cqndiijsaient. Il propose de remplacer les impôts de consommation par des impôts de luxe : ainsi, il ruine Paris, et porte atteinte au commerce national. Je crois plus conforme à son objet de vous prqposer, non pas une loi, mais une maxime à reconnaître, Les Anglais nous en ont donné l'exemple ; imitons-les, et convenons, tant que nos manufactures n'auront pas repris leur état florissant, de ne nous servir que des marchandises fabriquées en France.
Quant à la proposition de M. de la Salcette, qui veut réduire tous les ecclésiastiques îjénéficiers à un revenu de 3,000 livres, elle esj digne d'une plus grande attention : réduite aux bénéfices simples, elle se trouve parfaitement analogue à ce que vous avez fait sur les pensions* Si vous avez pu réduire celles-ci à mille écus, à plus forte raison pouvez-vous réduire les bénéfices simples à pareille somme ; d'ailleurs, en décrétant que les moindres cures vaudraient 1,200 livres, vous aviez nécessité une dépense a laquelle ces bénéficiers doivent concourir. La proposition de M. de la Salcette est donc juste et conforrqe à vos décrets sur les pensions et sur ies biens ecclésiastiques. Je pense qu'il faut décréter cette proposition, en y mettant cependant pour amendement que vous exceptez les évêques et archevêques, sur Je sort desquels vous vous réservez de statuer.
Le comité d'impositions sera vraiment néces paire. M. de Canteleu, organe du comité des finances, en a reconnu l'utilité.
11 n'en est pas de même de celui qui serait chargé de la liquidation de la dette : ce travail appartient au comité des finances, qui depuis longtemps s'en est occupé.
J'appuie une partie de l'avis du prèopinani. Les biens ecclésiastiques appartiennent au peuple. Demander aux ecclésiastiques des secours pour le peuple, c'est ramener ces biens à leur première destination. Je demande qu'on mette en délibération la motion de M. delà Salcette avec l'amendement de M. Barnave.
J'ai entendu, avec le plus vif intérêt, mais sans surprise, la motion
philantropique de M. l'abbé Maury... (On rit).
M. l'abbé Maury se lève pour interrompre l'opinant.
Embarrassé du nombre des motions et des orateurs, jé ne puis désigner celui dont il s'agit que par son nom.
IL faut bien que je lui rappelle, avec Montesquieu, que la vertu même a besoin de limites ; qu'en voulant attaquer le luxe qui corrompt les mœurs, on ne peut oublier que nous ne cherchons point à constituer une nation nouvelle, mais à régénérer une nation dont le luxe fait la richesse, et pour laquelle le luxe est un besoin : une nation qui, comme les rois, est condamnée à la magnificence. '
J'observe, en passant, qu'il est plus aisé d'égarer le peuple que de le secourir \ que l'honneur de la popularité ne s'acquiert ni dans une, ni dans deux séances. J'observe que le préopittant se trompe souvent sur l'esprit des décrets de l'Assemblée, et je rappelle en peu de mots une erreur de cette nature, dont la circonstance actuelle renouvelle le souvenir. Un jour M. l'abbé Maury a réclamé avec force en faveur des domestiques ; il a dit qu'on les séparait dés autres citoyens : il n'a pas voulu voir que l'Assemblée, en les privant d'être électeurs ou éligibles, a craint seulement l'influence dangereuse de celui qui commandé sur ceux qui doivent obéir, et qu'elle a redouté ce que pourrait faire dans lés élections un homme qui aurait vingt domestiques... Dans un moment où le peuplé a besoin de repos, il ne faut point chercher à l'agiter...
Renoncer à la faculté de secourir le peuple, C'est enlever un plaisir au cœur bienfaisant de M. l'abbé Maury. Ne pouvant donc, faire croire sans danger au peuple què nous pouvons, si nous le voulons, le soulager des impôts qui l'obsèdent, cherchons un autre moyen. La motion dfe M. de la Salcette ne peut pas hoUs l'offrir, car elle produirait un changement trop fort pour "des prélats qui ont 1 million, 800,000 livres, 500,000 livres de rentes : nous voulons, s'il est possible, faire le bonheur de tous, en ne faisant le malheur de personne. On peut offrir à M. l'abbé Maury, et à tous les ecclésiastiques dont il est l'organe , une facilité pour remplir leurs vues bienfaisantes. Que le clergé, au lieu de payer pour sa contribution patriotique le quart de son revenu, en donne la moitié; ce second quart sera versé dans la caissé des départements, et employé directement à secourir les indigents. ; Mais il est impossible de supprimer les impôts sans les remplacer. On a prouvé que le remplacement proposé par M. l'abbé Maury était plus nuisible au peuple que l'impôt même. Notre recette est si faible que nous ne pouvons la diminuer sans nous résigner à la banqueroute. Il faut donc OU prendre le moyen que je propose, ou re-j nOncer à tous les moyens.
Le comité d'impositions me paraît inutile. 11 faut demander au comité des finances le plan dcmt il s'est occupé, et lui donner des adjoints, s'il en a besoin, pour l'aider daus son travail.
J'étais au comité des finances pendant la discussion ; je ne peux donc y prendre ; part : je me borne à présenter des faits qu'il peut être utile de connaître en ce moment. Le comité des finances s'est occupé : 1° de la réduction générale des dépenses; 2e de rassembler les renseignements nécessaires pour le travail de l'imposition. On en avait par généralités ; la nouvelle j
division du royaume les rend inutiles ; il faut à présent s'en procurer paroisse par paroisse. Le temps qu'emploiera indubitablement cette recherche fait regarder comme peu pressant l'établissement du comité d'impositions. Le comité sur l'arriéré de la dette paraît plus nécessaire.
Un comité d'impositions sera sans doute utile; il examinera le tarif des impôts sur les denrées. C'est sur les consommations les plus nécessaires que portera la diminution la plus considérable, et cette diminution ne sera point une charge pour l'Etat. M. Turgot diminua les droits sur les poissons frais et salés, et le produit de l'impôt augmenta. Ainsi, il y a une grande probabilité que les vues bienfaisantes de M. l'abbé Maury seront remplies sans courir aussi sûrement à la banqueroute. Quant à la motion de M. * l'abbé de La Salcette, elle doit être profondément discutée.
Je pense qu'il ne faut délibérer que sur le comité d'impositions.
On relit les différentes motions.
veut se justifier, et dit qu'on a probablement mal saisi la motion qu'il a faite. Il dit qu'il a seulement énoncé le vœu que les commissaires s'occupassent delà suppression des impôts qui portent sur les comestibles communs.
On demande l'ajournement et la question préalable sur la création du comité d'impositions.
soutient qu'il faut distinguer les faits et les principes de finances ; que si l'ancien comité a dû s'occuper des faits, l'autre aura pour objet la législation de l'impôt. La mission du premier finit au moment où les éléments sont rassemblés... 11 est impossible de demander l'ajournement ou la question préalable.
L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.
On va aux voix par ordre sur les diverses motions.
La motion de M. le marquis de Lancosne est adoptée dans les termes suivants :
L'Assemblée nationale décrète :
« Qu'il sera nommé un comité d'impositions composé de onze membres choisis dans l'Assemblée, auquel comité celui des finances remettra les instructions et matériaux qu'il a rassemblés sur les impositions actuelles. »
La seconde motion, portant l'imposition sur le luxe, et l'établissement du comité de liquidation, est retirée par M. l'abbé Maury.
Enfin, la motion sur les biens du clergé faite par M. l'abbé Golaud de la Salcette est ajournée.
Le comité militaire est prêt à rendre compte de son travail sur la constitution de l'armée, sur la paie des officiers, }bas-officiers.et soldats, et sur tous les objets qui ont rapport à cette partie. Je prie l'Assemblée de fixer un jour pour la lecture de ce document.
L'Assemblée décide que le rapport sera entendu le premier, demain matin.
lève la séance et indique celle de demain pour neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
,l'tm de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
demande la parole à ce sujet. Il demande que M. le Président, dans la lettre qu'il est expressément chargé d'écrire sur l'affairé de Toulon, s'exprime à l'égard de M. le comte d'Albert, d'une manière propre à le distinguer de MM. les autres officiers marins qui doivent être complimentés.
demande, au contraire, que M. le président emploie les mêmes expressions envers tous MM. les officiers de marine, comme ayant tous bien mérité de la patrie.
L'Assemblée maintient son décret d'hier et adopte le procès-ver bal.
Les députés extraordinaires de Châtillon-sur-Seine offrent en don patriotique trois contrats sur l'Etat, créés pour 15,208 livres, et réduits à 6,080 livres avec la remise de tous les intérêts échus, en ajoutant que différentes corporations de la ville les ont chargés de pareilles offrandes. La communauté des procureurs du bailliage fait remise d'une créance originairement de 3,000 livres et réduite à 1,200 livres. La corporation des marchands fait remise de deux créances au principal de 1,588 livres. Celle des orfèvres, perruquiers et autres de leur classe, fait remise d'une créance au principal de 560 livres. La corporation des boulangers, celle des tailleurs d'habits, celle des serruriers ,?et autres de leur classe, celles des maçons, couvreurs et blanchisseurs; celle des menuisiers, et enfin celles des chapeliers et bouchers offrent, par des délibérations particulières, la remise des créances qu'elles ont sur l'Etat, dont les titres sont entre les mains de différents receveurs à Paris; et toutes ces corporations ajoutent l'abandon de tous intérêts échus et de ceux même qui pourraient encore être entre les mains des receveurs.
Ces mêmes députés ont supplié l'Assemblée de prendre en considération l'adresse séparée qui lui était faite par la commune de Chàtillon pour la conservation de la maison des religieux du Val de Saint-Lieu, un hospice pour les malheureux des campagnes qui l'environnent, et qui n'emploie ses faibles revenus qu'à les soulager.
A cette adresse est jointe une délibération de la même commune, portant adhésion, remerciement et demande de l'établissement d'un département dans la ville de Châtillon.
leur répond que l'Assemblée voit avec satisfaction ces témoignages de leur patriotisme, et leur permettait d'assister à la séance.
lit une lettre du ministre de la marine, qui annonce que M. de Château-neuf, consul et
chargé d'affaires de France auprès du Bey et de la régence de Tunis, et les Français qui
résident en corps de nation dans cette partie
, un autre de MM. les secrétaires, donne ensuite lecture des adresses suivantes :
Adresse des maîtres cordonniers de la ville de Grenoble, qui font le don patriotique de la somme de 300 livres en argent comptant, et d'un capital de 244 livres 10 sous qui leur est dû par Sa Majesté, ainsi que des arrérages des intérêts. Us ont, en même temps, destiné une somme de 400 livres pour le soulagement des pauvres.
Adresse du bureau de charité de la ville de Meyrueis en Languedoc, qui fait le don patriotique de la somme de 100 livres. Il annonce que les citoyens les plus pauvres de la ville se sont fait un devoir sacré de porter leur offrande d'une somme de 100 livres sur l'autel de lu patrie.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la ville de Mirande et de la communauté de Pignan en Provence. Cette dernière faille don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville de Thorigny en Normandie; elle insiste pour obtenir d'être chef-lieu de district.
Adresse d'adhésion et de félicitation des avocats domiciliés dans la ville de Saint-Yrieix en Limousin.
Adresse du même genre de la communauté de Fleury près Auxerre ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la ville de Roohefort, qui se glorifie, à juste titre, d'avoir toujours, dans des temps d'alarmes, conservé dans son sein la paix et la concorde. Tous les citoyens réunis se font un devoir de donner à l'Assemblée nationale de nouveaux témoignages de leur amour pour leur Roi, pour la nation entière, et de leur dévouement pour le maintien de ses sages décrets.
Adresse du sieur Sauvageot, curé de Monceaux-le-Comte, qui, pénétré de respect et de soumission pour l'Assemblée nationale,lui fait hommage d'un bénéfice simple dont il est titulaire.
Adresse des habitants du hameau de la Val-lière, qui adhèrent notamment au décret concernant la contribution patriotique ; ils demandent une municipalité.
Adresse de la communauté de Moffans en Franche-Comté, qui fait le don patriotique delà somme de mille livres provenant de la vente du quart en réserve de ses bois, et payable par le receveur des domaines et bois de la province ; elle supplie l'Assemblée d'ordonner à ce . receveur de lui délivrer une autre somme de quatre mille livres pour acquitter ses dettes.
Adresse de la garde nationale delà ville de Car-cassonne, qui, pénétrée d'admiration et de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, lui jure un dévouement sans bornes pour l'exécution de ses décrets.
Adresse du même genre de la garde nationale de la ville de Bletterans.
Adresse d'adhésion delà communauté deSaint-Clar-de-Rivière-Verdun ; elle fait le don patriotique de la somme de 238 liv. 10 s. 3 deniers.
Adresse d'adhésion et de dévouement de la communauté de Bénévent et de Charbillac dans le Champsauren Dauphiné; elle fait le don patriotique du moins imposé au profit des anciens taillables, et du tiers d'un capital de constitution
de rente de la somme de 9,023 liy. 11 s.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion du corps des maîtres tailleurs de la ville de Marseille.
Adresse de la communauté d'Antrasen Gascogne, qui fait don du moins imposé au profit des anciens taillables.
Adresses de la ville d'Aignan en Armagnac ; de celle de Courtalain en Perche ; de celle de Lin-seuiren Périgord ; de celle d'ingurande en Anjou, qui adhèrent, avec un dévouement absolu aux décrets de l'Assemblée nationale, et demandent d'être chef-lieu de district et le siège d'une justice royale.
Adresse des artisans de la ville de Tarbes, qui remercient l'Assemblée du décret des municipalités qui les appelle au droit précieux de Voter et d'élire les officiers municipaux, et demandent un département dont Tarbes soit le chef-lieu.
Ensuite on lit une requête de M. de Favras, tendant à prier l'Assemblée d'interpréter l'article 4 du décret des 8 et 9 octobre 1789;, qui est ainsi conçu :
« Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement de l'accusé, le juge lé fera paraître devant lui, ét lni fera lire la plaintëet là déclaration du nom du dénonciateur s il y en à. »
Le rapporteur du marquis de Navras lui a indiqué le procureUr-syndic de la commune !dé Pa-ri§ pomme §on dénonciateur.
Cette indication ayant paru illusoire au marquis de Favras, il a fait diverses démarches auprès du président de la commune et des membres au copiité des recherches.
Le procès s'est continué jusqu'à présent, sans que le marquis de Favras ait pu connaître le nom de son dénonciateur.
Le marquis de Favras, persuadé que dans cette circonstance, on n'a pas rempli à'son égard, les vues de l'Assepiblée nationale,la supplie de vouloir bien les manifester aujourd'hui, s'il est possible.
Il expose qu'il a eu l'honneur de présenter sa requête à l'Assemblée nationale il y a cinq jours et qu'elle n'a pas encore été rapportée.
Plusieurs membres demandent la question préalable.
objecte qu'il ne serait pas de la dignité de l'Assemblée nationale de répondre à la requête d'un accusé tel que le marquis de Favras, par un décret qui déclarerait qu'il n'y a pas lieu à délibérer. En conséquence, il fait la'motion pour que la requête qui vient d'être présentée soit discutée.
appuie fortement la demande du marquis de Favras. Il dit que les droits du l'homme, la raison et les décrets del'Assemblée nationale, donnent à tout accusé le droit de connaître son dénonciateur.
fait remarquer que la requête du marquis de Favras est absolument sans objet, puisqu'il convient lui-même que le procureur-syndic de la commune de Paris lui a été indiqué comme son dénonciateur; l'orateur insiste sur la question préalable.
consulte l'Assemblée qui dé cide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
M. Gossin, organe du comité de Constitution, rend compte des contestations suivantes :
Les Marches-Communes de la Bretagne et du Poitou, composées de quatre ou pinq paroisses avec leurs enclaves, et formant une population de douze mille âmes, demandent ^ être réunies à la Bretagne. Le Poitou réclame la moitié de cette Contrée.
Le comité croirait, en se conformant aux désirs des Marches-Communes, s'éloigner de vos décrets. Le département du Poitou se trouverait excessivement diminué, et, par une inconvenance à laquellevous ne pouvez consentir, il renfermerait des portions ae terrains qui dépendraient d'un des départements de Bretagne.
Le comité pense que les Marches-Communes doivent être partagées entre l?i Bretagne et le Poitou.
L'Assemblée adopte cet avis et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que les Mar-ches-ÛommUnès sont partagées entre la Bretagne et le Poitou; que les deux provinces riveraines pommeront chacune un commissaire pouf convenir dé ce partage avec peux des Marches-Communes- »
repd compte de quelques difficultés qui se sont êleVées sur la division du département de Metz à raison de la distraction dé quelques villages.
L'intention de l'Assemblée, dit le rapporteur, est de vivifier toutes lés parties du royaume, surtout de satisfaire les intérêts actuels; de récompenser le patriotisme des villes et de l'ënçoura-ger par le partage des établissements que la constitution déterminera, autant néanmoins qu'elles pourront y avoir des droits actuels.
Le comité vous propose en conséquence le décret suivant:
« Que lé département de Metz, dont la ville de Metz est le chef-lieu, est divisé ep9 districts, savoir : Metz, Longwy,Briey, T^io^ville, Sarréiouis, Boulay, Sârreguemiôes, Bitche et Morhanges ; que Sarrelouis et Loggwy sont, provisoirement seule-mènt, chefs-lieux de leurs districts, sauf à placer à Bouzônville, VilIsrs-la-Montagne ou Loxigùyon, les tribqnaux de chacun desdits districts de Sarrelouis ou de Longwy, et à Saint-Avold l'établissement de l'école nationale, s'il y a Heu. »
Ce décret est mis aux voix et adopté.
dit ensuite que la Champagne étant divisée en quatre départements, celui du Soisson-nais et du Vermandois se sont divisés en district. Plusieurs villes aspirent à être chef-lieu du département septentrional. Le comité avait désigné provisoirement Gharleviile ; la province a accordé depuis cette faveur à Mézièreis; il s'est élevé encore d'autres contestations sur le chef-lieu des districts et c'est sur tous ces objets que le comité propose un décret.
Le décret est mis aux voix et adopté ainsi qu'il suit:
« L'Assemblée nationale décrète que le département septentrional de là Ghàfnpagné est divisé en six districts ; que l'assemblée des électeurs Be tiendra, pour la première fois et provisoirement, à Mézières, fet due là, les électeurs délibéreront, à la pluralité des suffrages, quel devra être etr définitif le chef-lieu du département; que Gharleviile et Graudpré seront aussi provisoirement
les chefs-lieux de leurs districts, sauf à fixer à MézièreS et à Buzancy les tribunaux qui pourront être établis dans chacun d'e^x. »
passe ensuite au département d'Angers qui ne présente d'autre difficulté que celle de l'alternat proposé par la ville de Saumur entre Saumur et Angers. La première invoque à son appui les motifs pris de sa population de 16,000 âmeS; la nécessité de continuer les édifices publics déjà commencés; ses rapports commerciaux si essentiels avec la capitale, surfout le passage des bestiaux destinés à sa consommation.
Si c'est pour les administrateurs, dit le rapporteur, que l'administration est faite, il faut satisfaire 1 ambition de toutes les villes ; mais si c'est pour la volonté et l'intérêt du plus grand nombre et surtout celui des utiles habitants des campagnes, il faut que les villes continuent de signaler leur patriotisme en faveur du plus grand intérêt de tous. Les pertes de la ville de Saumur ne seraient pas d'ailleurs réparées par l'alternat qui occasionnerait de grandes gênes et des frais doubles.
Le comité, pour satisfaire la ville de Saumur avait d'abord adopté l'idée de l'alternat, mais le grand èloignement où se trouve Saumur de la plus grande partie des administrés, la grande population d'Angers, ses avantages de communication et ses établissements ont déterminé le comité à penser qu'Angers devait être le chef-lieu du département et qqe la question de l'alternat serait jugée par le département assemblé daus cette ville.
Le rapporteur propose un décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que le département d'Anjou est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont : Angers, Saumur, Baugé, Châteauneuf, Segré, Saint-Florent, Cbqlet et vi-liers; qu'Angers ëst le chef-lieu du département, et que néanmoins il alternera avec Saurpur, a moins que le département assemblé né juge cet alternat contraire à ses intérêts, auquel cas lè siège demeurera fixé à Angers. »
Une difficulté s'est élevée entre la Bresse et le MâConnais pour saVQir auquel des deux départements appartiendra le ' bourg de Saint-Laurent prés de MâCon. te comité après avoir entendu les mptifs des dèuX partfés est d'avis de laisser le bourg de Saint-Laurênt à la Bresse à laquelle il a toujours appartenu.
Une discussion s'engage, après ce rapport, entre les députés des deux provinces.
Les député du Maçonnais reprqcheqt à leurs adversaire^ de n'insister si vivement pour Conserver le bourg dé Saint-Laurent, que parce que les Bressans s'entendent pour vendre, dans lé marché qui s'y tient, îe bleau taux qu'ils veulent. , Les députés de Bresse reprochent aUx Méconnais dés Vexâtïbiis nombreuses èt dijgent' qpe le bourg de Saint-Laurent a toujours appartenu à lëur province et qu'il leur est indispensable comme débouché de leurs produits avec les pays Voisins.
consulte l'Assemblée qui adopte l'avis du comité et rend le décret suivant :
" » L'Assemblée nationale décrète que le bourg de Saint-Laurent demeurera au département de la Bresse. »
a fait lecture à l'Assemblée de la lettre suivante de M. d'Ollianison^ commandant des carabiniers.
L'Assemblée ordonne qu'elle sera insérée dans le procès-verbal de cette séance, ainsi qu'il suit :
«Lunéville, ce
« Monsieur le Président.
« Je viens de recevoir la lettre en date du 4 .janvier, que Monsieur votre prédécesseur m'a adressée. Lecture en a été faite au corps des carabiniers, qui a reçu avec joie et reconnaissance cette marque de justice que lui rend l'Assemblée nationale ; ce qui ne peut que l'affermir encore davantage dans ses principes d'honneur et d'attachement au Roi et à la nation, lesquels, jusqu'ici, ont été inébranlables. Je vous prie, Monsieur le président, de vouloir bien assurer l'Assemblée que cette lettre a produit sur le corps que j'ai l'honneur cle commander, l'effet qu'elle devait en attendre,
« Je suis avec regpect, M- le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur,
Signé, • le yicqpite d'Ollianj^qn. »
lit ensuite une lettre du régiment royal étranger, et l'Assemblée ordonne de l'inscrire dans le procès-verbal de la séance.
« Dôle, le
« Monsieur, nous venons de recevoir la lettre que vQus ave? fait au régiment royal-étranger 1 honneur de lui adresser le 4 de ce mois, d'après le décret de l'Assemblée nationale.
» Le régiment, Monsieur, en partageant les sentiments que tyus les officiers de l'armée doivent aux soldats quj la composent, n'a pu penser que M. Dubois de Crancé ail eu la pensée d'attaquer les défenseurs de la patrie ; et persuadé que ses représentants eussent réprimé avec sévérité un tort volontaire, d'un genre aussi grave, il n'a point demandé de réparation quand l'Assemblée nationale ne voyait pas d'offense.
» Cette respectueuse confiance vous assure, Monsieur, que le régiment royal-étranger est pénétré des sentiments que vous lui recommande?- H nous charge de vous supplier d'en faire agréer l hommage à l'Assemblée natiopale.
» Nous sommes avec respect,
« Vos très-humbles et très obéissants serviteurs,
« Signé : Rqugeot, George, Nerin, Jouve, Caulaincqurt, Raulin, Gondeau, De-grain, Lameth. »
Ces deux lettres ont reçu les applaudissements de l'Assemblée.
fait part à l'Assemblée du procédé d'un citoyen qui ne veut pas être connu, et qui fait don à la patrie de 5,000 livres.Il envoie aussi quelques observations sur la manière d'asseoir et de percevoir l'impôt sur le fonds.
Un membre demande d'ajourner au lendemain, à deux heures, l'affaire concernant Valencien-
lies, et l'Assemblée admet cette proposition.
Sur la réflexion d'un de . ses membres, l'Assemblée ajourne à jeudi prochain à deux heures la reprise de la discussion au sujet des matières criminelles.
(de Nemours), membre du comité de Constitution, fait un rapport sur les limites du département de Paris. 11 dit qu'ij s'est élevé quelques légères difficultés entre les députés du département de Versailles et ceux du département de Paris relativement à Sèvres et à, Saint-Cloud. Les premiers réclament ces deux endroits comme essentiels à leur arrondissement; les députés de Paris le réclament comme essentiel à leur administration et pour pouvoir empêcher la contrebande et avoir la garde ét la police immédiate des ponts de Sèvres et de Saint-Cloud. Le comité, après avoir pris les raisons de convenance, a donné gain de cause aux députés de Versailles et fixé pour limite de ce côté le milieu de la Seine; d'ailleurs le village de Saint-Cloud et la ville de Saint-Denis demandent à n'être pas compris dans la banlieue de Paris.
observe qu'il est très important pour la ville de Paris d'avoir dans son département les ponts de Sèvres, Saint-Cloud et Neuilly, tant pour son intérêt propre que pour celui de tout le royaume à cause de la surveillance qu'elle pourra exercer.
(de Nemours) répond que la ville de Paris aura tout le pont de Neuilly dans son département et que le comité de constitution a pensé qu'il lui suffisait de partager l'administration des deux autres avec la ville de Versailles.
J'observe aussi que des raisons de police et d'utilité publique doivent engager à ne pas considérer la rivière comme la limite de la banlieue ; si cela était ainsi, Sèvres offrirait une grande facilité pour la contrebande, et les bois de Meu-don présenteraient aux malfaiteurs une retraite sûre ; il paraît, en conséquence, indispensable de placer sous la surveillance de la capitale ces deux parties de son voisinage. Au reste, je suis persuadé que la ville de Paris recevra la décision, quelle qu'elle soit avec la soumission dont elle doit donner l'exemple.
On demande à aller aux voix.
Le comité de Constitution présente un projet de décret qui est adopté en ces termes :
L'Assemblée nationale décrète :
« Que le département de Paris aura environ trois lieues de rayon, excepté depuis Meudon jusqu'au-dessous de" Saint-Cloud, où il sera borné par les murs du parc de Meudon, et par une ligne, qui, embrassant Clamartet les Moulineaux, ira finir au pont de Sèvres, d'où le milieu de la rivière servira de limite, les deux ponts de Sèvres et de-Saint-Cloud réservés néanmoins en entier au département de Paris; qu'au-dessous de Saint-Cloud, les limites s'éleveront au nord-ouest jusque vis-à-vis le village des Carrières, de Saint-Denis, à partir duquel le milieu de la rivière bornera le département en remontant jusqu'au territoire de la paroisse d'Epinay; que depuis ce point,le rayon aura trois lieu es jusqu'au coude de la Marne à Champigny; qu'il aura trois lieues et demie depuis le coude de la Marne jusqu'à Bonneuil; et que depuis Bonneuii jusqu'au-
dessus du Plessis-Piquet, le rayon de trois lieues, à partir du parvis Notre-Dame, servira de règle, conformément au décret de l'Assemblée, qui a décidé que ce rayon s'étendrait à trois lieues au plus; enfin, que depuis les bornes du Plessis-Piquet, une ligne tirée jusqu'aux murs du parc de Meudon, clora le département. »
annonce un don patriotique de la paroisse de Greissy et de la commune de Largillière-en-Bourgogne.
Conformément à l'ajournement prononcé dans la séance d'hier, je donne la parole à M. le marquis de Bouthillier, chargé de faire un rapport au nom du comité militaire sur la force et sur la solde de Varmée française.
(1). Messieurs, quatre questions importantes sont aujourd'hui soumises à votre décision :
Quelle est la force nécessaire de l'armée à entretenir en temps de paix?
Dans quelle proportion doivent être, entre elles, les différentes armes destinées à la composer?
Quelle doit être celle des officiers de tout grade, avec les soldats qu'ils doivent commander ?
Enfin, quelle dépense son entretien doit-il occasionner annuellement?
PREMIÈRE QUESTION.
Force nécessaire de Varmée en temps de paix.
La politique de la France ne doit point être de chercher à agrandir ses possessions. Le système destructeur des conquêtes rend les rois guerriers un fléau funeste pour l'empire soumis à leur administration. Une nation sage ne saurait prendre trop de précautions pour enchaîner leur ambition ; et si les principes nécessaires d'une monarchie prescrivent que les rois aient le-droit de faire la paix et la guerre; si la prudence exige que des forces nécessaires pour la défendre, et pour faire respecter son nom, soient déposées entre les mains de celui qui la gouverne, l'intérêt particulier de la nation lui fait impérieusement la loi de les fixer habituellement au simple nécessaire, noD seulement afin de lui ôter la tentation d'en pouvoir abuser, mais encore afin de n'être jamais écrasée sous le poids des dépenses d'une armée, vain appareil de puissance toujours menaçante sans nécessité.
La force militaire de terre doit avoir pour but de défendre le royaume contre ses ennemis extérieurs, et de fournir ao dedans main-forte à l'autorité civile, lorsqu'elle pourrait la requérir pour la protection des lois.
Une bonne constitution militaire sera celle qui, en réduisant pendant la paix les forces
aux besoins indispensables du service, organisera l'armée de manière à être augmentée
facilement, sans secousses, sans moyens violents, lorsque les attaques de nos ennemis
obligeraient à des efforts extraordinaires. >
Montesquieu, et tous les autres publicistes, estiment les rapports de la force militaire à la force civile, sur le pied d'un sur soixante têtes, ou au moins d'un sur cent; les faits mêmes démontrent dans l'Alsace, dans la Lorraine et dans la Franche-Comté, que ce premier calcul n'est pas exagéré, puisque la population y est augmentée, quoique depuis 10 ans ces provinces aient fourni dans cette proportion au recrutement de l'armée, par la voie des engagements volontaires. Notre population connue de 25,061,883 têtes, nous permettrait donc facilement de porter nos forces militaires à 350,000 hommes ; elles ne seraient alors que sur le pied de 1 sur 72 à peu près. Une armée aussi considérable pourrait peut-être nous paraître nécessaire, si nous ne consultions que le nombre des troupes entretenues constamment sur pied par nos voisins; mais, si la France doit être militaire, elle doit être en même temps agricole, commerçante et maritime, et si elle énervait ses ressources par des armées de terre trop considérables, elle nuirait nécessairement aux autres parties qu'elle a, au moins, autant d'intérét à ménager ; d'ailleurs, en examinant la position de ses frontières, on doit sentir qu'elle n'a pas besoin de forces militaires aussi considérables, toutes les fois que son système militaire n'aura pour but que de se mettre en état de les défendre.
La France est limitée d'un côté par la Suisse, puissance alliée de laquelle elle n'a rien à redouter; les Alpes la défendent du côté de l'Italie; la Méditerranée la borde au midi ; les Pyrénées sont sa barrière du côté de l'Espagne ; l'Océan est sa frontière au couchant, et des places fortes lui servent de rempart du côté des Pays-Bas et de l'Allemagne, d'avec laquelle elle est d'ailleurs séparée par le Rhin. Ses moyens de défense, nécessaires en temps de paix, se bornent donc à garder ses côtes et les poin,ts principaux de ses frontières.
Celles du côté de l'Allemagne et des Pays-Bas comprennent les provinces de Franche-Comté, d'Alsace, de la Lorraine, des Evêchés, de la Flandre, de l'Artois', et du Hainaut. Elles sont d'un abord facile, et ne sont défendues que par des places dispersées sur des frontières successivement reculées, et dont le nombre et la position n'ont point, en conséquence, été combinées Sur un système de défense médité. Ces villes de guerre à garder ; quelques points intermédiaires entr'elles qu'elles ne couvrent pas suflisamment, exigent au moins 70,000 hommes, répandus dans ces différentes provinces, pour les défendre en cas d'attaque.
Nos côtes de l'Océan comprennent les provinces de Picardie, de Normandie, de Bretagne,de Poitou, d'Aunis, de Saintonge et de Guyenne ; elles sont exposées aux attaques de l'Angleterre, puissance rivale contre laquelle nous dèvons toujours nous tenir en garde, mais ce sont des vaisseaux qu'il faut principalement lui opposer, et ce n'est point à votre comité militaire à vous parler de ces moyens de défense; nous ne devons vous indiquer que ceux à employer contre les incursions qu'elle pourrait vouloir tenter dans ces provinces qui l'avoisinent. Cette étendue immence de côtes, depuis Dunkerque jusqu'à Bayonne, semblerait au premier coup d'œil exiger une quantité de troupes très considérable ; mais, si l'on considère combien peu d'anses et de plages dans cette éten-
due de terrain sont suceptibles de débarquements, combien l'ennemi qui en tenterait un aurait peu de ressources de postes pour pouvoir s'y établir; et enfin, la facilité de ies protéger par des batteries, on trouvera qu'environ 30,000 hommes, répartis dans les points les plus susceptibles d'attaque, doivent suffirent à leur défense.
L'Espagne est notre alliée, nous n'avons rien à redouter de sa part; d'ailleurs, les Pyrénées, qui nous séparent d'avec elle, peuvent nous dispenser de garder nos frontières entre les deux mers, et quelques escadrons de cavalerie, pris dans le nombre de ceux destinés à la garde de nos côtes de l'Océan, peuvent suffire pour le service intérieur, depuis Bayonne jusqu'à Perpignan.
Nos côtes de la méditerranée depuis Perpignan jusqu'à Antibes, et la défense nécessaire de l'île de Corse, exigent au moins quinze mille hommes.
Les frontières du côté de la Sardaigne, depuis le Var jusqu'à Lyon, paraissent si impénétrables, que peu de troupes sembleraient suffisantes pour les garder; mais dans la fixation des limites de la grande chaîne des Alpes, et dans les échanges des vallées, le roi de Sardaigne a tellementgardél'avantage, qu'on ne peut guère se dispenser d'y entretenir environ dix mille hommes, jusqu'à ce qu'on ait reconnu un meilleur choix de postes, et travaillé à rendre cette barrière encore plus impénétrable; et ce nombre assurément ne serait pas suffisant si nos alliances avec la Sardaigne n'étaient pas de nature à nous rassurer.
Enfin la protection des communications intérieures du royaume, les besoins de consommations de certaines provinces, trop éloignées de nos frontières, pour que les quartiers des troupes destinées à leur garde puissent y être étendus, la protection souvent nécessaire à donner, par la force militaire, à la puissance civile, semblent demander des troupes qui puissent remplir ces fontions, sans obliger à dégarnir les points intéressants à garder, et nous pensons qu'il doit toujours y avoir neuf ou dix mille hommes de troupes en réserve destinées à ces différents services.
Tous ces besoins de défense, calculés au plus bas, doivent employer 134 à 135,000 hommes. Enfin, en y ajoutant seulement de huit à neuf mille hommes d'artillerie, nombre qui n'est pas certainement exagéré, dans un siècle où le canon décide principalement le succès des guerres, et pour un corps que son instruction ne rend pas susceptible de réductions considérables pendant la paix, il en résultera que la force nécessaire et indispensable de l'armée doit être entre 142 et 143,000 hommes, sans compter les troupes à destiner à la garde et à l'éclat du trône. Quoique militaires, et quoique faites pour être employées avec succès contre nos ennemis, la nature de leur service et l'emplacement qu'elles doivent occuper ne permettent pas de les ranger dans la classe de celles utiles pour la garde de nos frontières. L'armée est aujourd'hui composée, sans les compter,de 162,690 hommes;la réforme serait donc d'environ 20,000 hommes.
Cette force militaire, ainsi "réduite, peut être suffisante sans doute dans des moments ordinaires et tranquilles, mais elle ne le serait certainement pas en temps de guerre ; il faut donc qu'elle soit organisée de manière à pouvoir être augmentée en raison des besoins ét aes circonstances.
Les circonstances politiques peuven t nous mettre dans le cas d'avoir à nous défendre à la fois contre les forces réunies de l'Angleterre, de la Prusse, de l'empereur et de la Hollande. I Pour faire un pareille guerre avec quelque
succès, il pourrait être nécessaire que nous leur opposassions des armées en Allemagne, dans lés Pays-Bas, et. dans l'Italie, sans négliger nos côtes èt nos colonies,
Les deux armées principales en Allemagne et dans les Pays-Bas ne pourraient guère être au-dessous de soixante mille hommes chacune. Celle d'Italie deyrait êitre 4e 40,000. La défense de nos colonies pourrait exiger qu'on y fît passer 20,000 hommes, et nous ne pourrions guère en conserver en France moins de, 40,000, pour la garde de nos côtes, de notre intérieur, et fournir à la marine les secours dont elle pourrait avoir besoin pour. les garnisons dejes vaisseaux. Il faudrait donc alors porter nos fofces a 200,000 hommes et par consé-qent augmenter de 80,000 hommes l'état militaire que nous entretiendrions en temps de paix.
les succès d'une ,guerre dépendent souvent de soq début., Une pareille augmentation à faire subitement pourrait, par la lenteur des moyens ordinaires adpptés pour le recrutement, retarder de grands efforts, si elle n'avait pas été prévue avant }e moment des besoins. La prudence veut donc que nous entretenions une armée auxiliaire, inaptive pendant ia paix, mais toujours désignée, et tôùjours prêté à fournir à toutes les augmentations que des circonstances dejguerre pourraient exiger; et,noUs avons pensé qu'elle ne pouvaitguère être au-dessous de 100,000 hommes, afin de ne jamais risquer ae se trouver au-dessous des besoins.
Cette armée auxiliaire, ne porterait en totatité les forces militaires qu'à 214,000 hommes. Nous avons annoncé ci-dessus que notre population connue pouvait permettre des efforts beacoup plus considérables. Celui-ci sera d'autant moins pénible que .100,000 hommes ne serviraient- pas habituellement, n'abandonneraient pas leurs travaux, conserveraient leurs habitudes de citoyens, et ne seraient réellement dans le cas de faire partie de la véritable force militaire que. momentanément, et dans des cas de guerre extraordinaire.
Cette armée ne doit pas servir habituellement, elle ne doit jamais être dans le cas de se réunir pendant la paix ; il ne faut donc la considérer que comme des dépôts d'hommes à désigner dans chaque canton. G'est à votre comité de Constitution à vous présenter les moyens à prescrire aux assemblées de département pour fournir ces hommes. Lorsqu'ils seront déterminés par vous, nous aurons l'honneur, si vous, l'ordonnez, de mettre sous vos yeux le détail de ceux qui pourraient être employés pour constater militairement l'existence de ces hommes, assurer la facilité de les rassembler lorsque leur service pourrait être né-ceéaire ; et déterminer la durée de celui qu'on pourrait être dans le cas d'en exiger.
Les gardes nationales, si vous jugez à propos d'en consacrer l'existence, appartiennent de même à la Constitution, puisque leurs fonctions consistent principalement à assurer et à maintenir l'ordre intérieur du royaume. C'est pareillement à votre comité de Constitution à vous indiquer les éléments et leis principes de leur formation. Nous ne nous occuperons ici que de l'armée de ligne, c'est-à-dire de celle destinée à la défense extérieure du royaume.
Une armée militairement organisée doit être composée, dans des proportions établies, de troupes à pied, de troupes à cheval, et de troupes d'artillerie. L'infanterie est l'âme des armées; c'est elle qui porte principalement le fardeau du service; et la quantité plus ou moins considérable de troupes à cheval doit dépendre principalement de la nature local du pays qui doit être le théâtre de
la guerre. Les proportions à établir entre ces deux armes ne sont pas bien militairement déterminées. Elles varient, pour ainsi dire, chez toutes les puissances, et notls ne nous permettrions même aucun détail à ce sujet, si une fixatidri quelconque ne nous avait pas paru indispensable pour établir des prix communs, nécessaires à conftaître pô.ur déterminer les dépenses totales de l'armée, qui doivent être plus ou moins fortes, suivant qu'elle sera composée d'une quantité plus ou moins consi* dérable de troupes plus chères et plus dispendieuses pour leur entretien.
II Question.
Quelle doit être la proportion à établir entre les différentes armes ?
Les troupes à cheval, d'après les calculs les plus usités, doivent être aux troupes à pied dans la proportion du quart au cinquième formant entre le cinquième et le sixième au total ; ainsi une armée forte de 220,000 hommes doit être composée d'environ 170 mille hommes d'infanterie, et d'à peu près 40 mille hommes de cavalerie; mais, comme l'infanterie, exigeant moins de temps pour son instruction que les troupes à cheval, est susceptible d'une augmentation plus forte à la guerre, et par conséquent d'une réduction plus considérable à la paix, nous avons pensé qu'il fallait outrepasser un peu cette proportion, et porter la cavalerie entre le tiers et le quart de l'infanterie pendant la paix.
La force plus ou moins considérable de l'artillerie doit dépendre de l'espèce dé guerre qu'on aura à soutenir ; ses proportions connues doivent être à peU près le vingtième de la force tbtalë : mais; Comme son instruction seule peut assurer les succès, il convient, en temps de paix, d'outrepasser aussi cette proportion, afin de n'être point dans le Cas de lui faire éprouver, âu début d'une guerre, une augmentation trop forte, si on la réduisait trop considérablement à la paix. Sa composition actuelle est de 8,585 hommes ; tous les détails sont établis en cohséqtience : le moindre changement apporté à des bases calculées par le plus habile officier d'artillferie de l'Europe, pourrait être préjudiciable. Nous voUs proposerons donc de la faire entrer dans nos calculs, en la comptant sur le pied auquel elle est portée actuellement, quoiqu'il fasse à peu frrès lé seizième de la forcé totale que nous avons regardée comme nécessaire à entretenir.
D'après ces observations, Messieurs, bous avons pensé que l'arméë dont nous vous proposons de déterminer la force, en temps de paix, entre 142 et 143,000 hommes, doit être composée de 102 à 103 mille hommes d'infanterie, de 30 à 32 mille hommes de troupes à cheval, et des 8,500 hommes d'artillerie qui composent ce corps aujourd'hui.
111° Question.
Proportion du nombre des officiers avec celui des soldats, cavaliers, etc.
Les troupes doivent être partagées en différents corps, appelés armées, divisions, brigades, régiments; et Chacun de ces derniers doit être divisé en d'autres parties, sous les dénominations de bataillons ou d'escadrons, susceptibles de se
partager eux-mêmes en Coriïpagnies, sections, escouades, mais ce n'est pas à nous de nous occuper de Cette organisation ; elle appartient au Roi, chef suprême de là nation; etdévant noUs renfermer dans la discussion des bases constitutionnelles, et doits borner à l'exartién dès dépenses quelles devront occasionner, nous ne chercherions pas même à établir ici le nombre nécéâsairè dés officiers , si d'une part cette appréciation aperçue n'était pas indispensable à déteriùniêr à peu près, pour le calcul aés dépensas j çt ëi d'une autre part .nous né regardions pas comme baseà constitutionnelles, dans un Etat Où. lé préjugé de l'honneur appelle au service toutes les classés de citoyens, d'assUrer leur existence trop incertaine jusqu'ici, et d'empêcher qu'Un ministre, pour économiser impôlitiquemént les fonds qui lui seraient assignés, ét voulant un jour en diminuer arbitrairement lé ùOûïbre, iie put, par une parcimonié mat entendué, détruire ce préjugé si précieux à entretenir. Il ne subsisterait pas longtemps, si une réduction d'emplois trop, considérable les mettait dans Une proportion tropi inférieure aveo ceux qui désireraient en, Obtenir, oU si des suppressions trop fortes détruisaient l'espérance de l'avancement qui peut seul soutenir dans cette carrière.
Les proportions, dans lesquelles les officierd doivent être aux soldats, rie sont pas biën exactement déterminées ; elles' Varient dans tous lés pays. La proportion, dans laquelle ils ont été jusqu'ici en France est plùs considérable que Çhez les autres puissances, té, caractère des Français, vif, ardent, ét plutôt conduit par l'honneur que par la crainte, rend le soldat moins passivement subordonné ; l'exemple ét les bons propos le mènent d'une manière plus certaine que les Châtiments: c'est dans l'officier, C'est dans l'honneur qui doit l'amitier que ces moyénà pèuvent se rencontrer plus essentiellement ; il faut donc, pour Conduire dès soldats français, êt même souvent pour modérer l'ardeur que l'honneur leur inspire, des officiers en plus grand nombre que chez des nations que la sévérité aë la discipline, que la crainte qu'elle inspire, et que l'habitude, pour ainsi dire îùnée de la contrainte, retiennent presque naturellement dans l,è> devoir.
Chez les nations, nos voisines, l'état d'officier est un moyen de subsistance, d'aisance même, une profession enfin, à laquelle ceux qui s'y destinent se consacrent pour leur vie. Le régiment dans lequel ils servent devient leur patrie : ils abandonnent rarement leurs drapeaux. En France, au contraire, l'offictèr, plutôt dédommagé par l'honneur que par l'intérêt, des peines ét des fatigués attachées à son état, appelé par Ce sentiment et par préjugé au métier des armes, a ses affaires et une fortune à régir ét à administrer ; il est indispensable de lui donner des facilités pour s'én occuper ; il èh faut donc encore par cette raison un plus grand nombre que s'ils, pouvaient rester constamment â lèur service. S'ils sont plus nombreux, leur traitement n'est pas aussi considérable. C'est un tribut glorieux, mais peu lucratif, qu'ils pâyënt à là patrie ; en diminuer le nooibre C'est détruire le goût militaire par l'impossibilité d'y obtenir des places. Substituer l'intérêt d'un traitement fixé au delà des besoins réels, à l'honneur qui suffit seul pour les appeler à cette profession, c'est anéantir le préjugé. Il devient aùjburd'hui d'autant plus précieux à ménager que, devant être partagé par toutes les classes dés citoyens, il ne peut qu'augmenter lâ masse de l'honneur, câractère déjà dis-
tinctif dè.la nation. Enfin, sera-ce dans un moment où cette carrière honorable, jadis abusivement fermée à une partie des çjtoyens, vient d'être ouverte à tous; daqs un mpment où leur eihprèssèinerit dè partager lés travaux des défenseurs de la patrie leur fera désirer d'y trouver place, qu'il serait proposable de rendre le décret qui vient de consacrer leurs droits, pour ainsi dire illusoires, par une,.réforme trop considérable d'officiers, et par une diminution trop forte du nombre des emplois auxquels ils ont droit de prétendre. Nous ne l'avons pas pensé, Messieurs, et d'après tçutes ces observations, nous avons cru qu'il était de l'intérêt de la patrie, et du devoir même des représentants de là nation, de ne point chercher à assimiler la France aux proportions d'officiers établies dans les services des nations étrangères, dont l'imitation n'a cessé de nous être funeste depuis longtemps ; et qu'en se bornant à supprimer toutes les places d'officiers inutile?, $t sans fonctions, il était de la politique d'en conserver un nombre assez considérable pour pouvoir entretenir le goût militaire par i'espérance d'obtenir des emplois, et l'émulation par l'espoir de l'avancement.
D'ailleurs, les officiers sont des cadres précieux à conserver; de leur instruction dépend la bonté des régiments, de laquelle dépendent à leur tour les succès de l'armée. L'habitude peut seule la faire acquérir. Toute création d'emplois nouveaux, toute levée de nouveaux corps, au commencement d'une guerre, sont fâcheuses. La prudence veut donc qu'où entretienne à la paix, quel*-ques réductions qu'on fasse dans le nombre deë soldats, la quantité d'officiers qui pourraient être utiles à employer à la guerre, et que l'on conserve le plus possible les corps existants sans les dénaturer, afin de n'être pas obligé d'en lever alors de nouveaux, qui servent rarement bien dans leur début.
Les ordonnances actuellement subsistantes établissent onze mille Si£ cent soixanté-dopze officiers de todè les gràdes et de toutes les armes, ou commissaires des guerres, pour commander, ou surveiller lès détails d'administration dès soixante deux mille six cent quatre-vingt-dix hommes dont l'armée est composée. D'après les principes établis ci-dessùs, quoiqu en diminuant le nombre des soldats, il semblerait prudent de réduire très-peu Celui des officiers ; mais comme parmi eux il en existe plusieurs pourvus d'ern-plois sans fonctions réelles, ou n'ayant qu'un service mal réglé, dont l'utilité n'est pas bien reconnue, nous âVons pensé qu'on pourrait supprimer ceux de cette espèce, êt nous avons cru que le nombre des dfficiers généraux, supérieurs, et particuliers, ou commisssaires des guerres, devait être fixé entre neuf mille cinq cent ou dix mille. Le nombre plus ou moins considérable des officiers dans certains grades dépend de la formation des corps ; c'est au roi seul à la prononcer ; nous ne devons vous en présenter lé nombre qu'en masse. Il né pourra y avoir moins dé neuf mille cinq cents officiers de tout grade : voilà ce qu'il importe à des législateurs de détermine)-, pour conserver l'esprit militaire national, si précieux à maintenir. Il ne pourra pas y én avoir plus de dix mille ; Voilà ce qu'il importe aux économes des revenus public de fixer d'une manière précise pour déterminer la dépense. L'intermédiaire entre ces deux nombres est une latitude indispensable à làisser au Roi, pour lui donner la facilité d'organiser l'armée dont il eit le chef, de la
manière qu'il croira la plus utile au bien du service.
Quelle est actuellement la dépense qu'une armée de cette force doit occasionner? C'est la quatrième et dernière question qui nous reste à examiner en ce moment.
IV Question.
Quelle dépense l'entretien de l'armée doit-il occasionner annuellement ?
Pour vous présenter avec méthode l'état des dépenses de l'armée, nous avons cru devoir Jes partager en trois classes.
Daus la première, nous avons rangé les dépenses d'appointements des officiers, la solde des soldats et cavaliers, et les masses destinées à leur entretien particulier, ou à leur subsistance.
Nous avons compris dans la seconde les masses de l'entretien général et commun des hommes, lesquelles, appartenant à tous, n'appartiennent cependant à aucun individuellement!
Enfin la troisième sera composée de dépenses générales du département, qui ne peuvent pas être déterminées en raison du nombre d'hommes, ou qui ne tiennent pas d'une manière proprement dite à l'armée.
Les armées doivent être commandées par des généraux : ceux-ci doivent avoir sous leurs ordres des lieutenants généraux et des maréchaux de camp. Nous avons pensé que les premiers de ces emplois doivent être fixés à 40,000 francs de traitement par an, les seconds à 24,000 et les troisièmes à 16,000 livres. Ces places seront désormais les seuls objets d'émulation, les seules récompenses des services. M. le comte de la Tour-du-Pin, dans le mémoire qu'il a déjà fait distribuer, a annoncé qu'il proposerait à Sa Majesté la suppression des gouvernements généraux et particuliers. Les officiers généraux qui seront, sans doute, employés désormais d'une manière plus active encore, n'ayant plus les ressources de ces grâces pour être indemnisés des frais d'un service dispendieux, doivent recevoir des appointements proportionnés à celui qu'on doit être dans le cas d'exiger d'eux ; et c'est ce qui nous a déterminés à vous proposer de fixer ainsi leurs traitements.
Les commissaires des guerres ordonnateurs, ordinaires, ou élèves, ont a présent en appointements qui leur ont été attribués par les dernières ordonnances, savoir, les premiers 8,000 livres, ies seconds 4,000 livres et les troisièmes 1,000 li-rres, tant pour traitements que pour frais de bureaux : nous n'avons pas pensé qu'ils fussent susceptibles d'augmentation.
Les colonels dans l'infanterie ont à présent 4,000 livres d'appointements par an, les lieute-tenants-colonels 3,600 livres, et les majors 3,000 livres, indépendamment d'une ration de fourrage, évaluée 270 livres, sur le pied de 15 sois par jour, qui leur était accordée pour un cheval pendant le temps de leur service seulement. Obligés d'être montés lorsqu'ils commandent, il st difficile qu'ils puissent se défaire de leur cheval, lorsque leur service est fini. Nous avons l'honneur de vous proposer que cette ration de fourrage leur soit accordée toute l'année, en la c umulant avec leurs appointements. Nous avons cru inutile de vous proposer de les augmenter ; ils le seront lorsqu'ils commanderont le régiment, par un traitement extraordinaire de deux
cents francs par mois que nous vous proposons d'attacher au commandement. Il occasionne des dépenses, et il nous a paru juste d'en indemniser celui qui en sera chargé, soit officier supérieur, soit capitaine en leur absence.
Les deux premiers capitaines de chaque régiment d'infanterie ont aujourd'hui 2,400 livres d'appointements, et les autres 2,000 ou 1,300 livres. Nous avons pensé avec M. le comte de la Tour-du-Pin, qui nous en a fait la proposition, qu'il ne pouvait qu'être très-avantageux de les partager en cinq classes, et d'accorder à chacune d'elles une augmentation progressive de traitement. Nous avons l'honneur de vous proposer, en conséquence, de prononcer que leurs appointements seront déterminés à 2,600 livres pour le premier capitaine, à 2,400 livres pour le second, à 2,100 livres pour ceux de la troisième classe, à 1,700 livres pour ceux de la quatrième, et enfin, à 1,500 livres pour ceux de la dernière.
Les lieutenants, aujourd'hui partagés en deux classes, ont 900 et 800 livres de traitement : nous avons pensé, par la même raison, qu'il fallait conserver cette gradation, et accorder 1,100 livres à la première classe, et 1,000 livres à la seconde.
Les quartiers-maîtres ne jouissent aujourd'hui que de 1,200 livres ; leurs détails sont considérables et demandent des sujets choisis : nous avons cru qu'il était de la justice de les augmenter de 200 liyres, en les portant à 1,400 livres.
Enfin, les sous-lieutenants et les porte-drapeaux n'ont aujourd'hui que 720 livres : il nous a paru juste aussi de leur accorder une augmentation; mais les appointements de ce dernier grade d'officiers ne nous ont pas semblé dans le cas d'être partagés en différentes classes ; nous avons cru qu'un moyen de subsistance était tout ce qui était dû à un grade dans lequel ceux qui en sont pourvus, n'ont pas mérité comme officiers; et en conséquence, nous avons l'honneur de vous proposer de fixer leur traitement à la somme de 800 livres. Les officiers de tous les grades des troupes à cheval nous ont paru dans le cas d'être traités, relativement à eux, comme ceux des grades correspondants dans l'infanterie; mais la nécessité d'entretenir un cheval, et la dépense qu'il occasionne pour son achat et pour son équipement, pour son ferrage et pansage, etc. demandent une augmentation ; et nous avons pensé qu'elle devait être fixée à 200 livres pour chaque officier de tout grade : aussi nous vous proposons que chacun d'eux soit d'abord augmenté de la somme nécessaire pour le porter au prix du traitement fixé pour le grade qui lui correspond dans l'infanterie ; et ensuite, de 200 livres, relativement à son cheval. Par ce moyen, les colonels, qui n'avaient que 4,000 livres, seront portés à 4,200 livres ; les lieutenants-colonels et majors, qui jouissaient déjà de 3,800 livres et de 3,200, c'est-à-dire, de deux cents francs de plus que le même grade dans l'infanterie, ne seront pas augmentés. Le premier capitaine sera porté à 2,800 livres, par une augmentation de 300 livres ; les quatre suivants composant la seconde classe, à 2,600 livres au lieu de 2,500livres; et ceux de la troisième, à 2,300 livres au lieu de 1,700 livres. L'augmentation des capitaines de cette classe paraîtra peut-être trop considérable au premier coup d'oeil ; mais on cessera d'en être étonné, et on la trouvera sûrement indispensable, si l'on pense que par les ordonnances actuelles, il existait une différence de 800 livres entre les chefs d'escadron et les autres capitaines et qu'il n'en peut
exister raisonnablement une pareille entre dés officiers commandant une troupe égale, et assujettis aux mêmes dépenses. Les lieutenants seront portés de 950 à 1,300 livres et à 1,200 livres, par une augmentation de 350 livres pour ceux de la première classe, et de 250 pour ceux de la seconde. Les sous-lieutenants et porte-étendards en éprouveront une de 280 livres, qui les portera à 1,000 livres au lieu de 720 livres, et le quartier-maître une de 400 livres, au moyen de laquelle son traitement sera fixé à 1,600 livres.
Chacun des officiers des troupes à cheval recevrait en outre de ses appointements, et par forme de masse, une ration de fourrage fixée à 15 sols par jour, pendant toute l'année, pour la nourriture d'un cheval. Nous n'avons pas pensé que rien dût être changé à cet égard, et nous avons cru devoir vous en proposer la continuation.
Enfin, Messieurs, il nous a paru juste que les officiers, qui commandent les régimentsjde troupes à cheval fussent traités de la même manière que ceux des régiments d'infanterie, et nous vous proposons de déterminer pareillement une somme de 2,400 livres par an, affectée au commandant, sur le pied de 200 livres par mois.
Les régiments suisses ont leur traitement fixé par les capitulations qui les attachent à notre service ; elles nous ont paru sacrées, et quoique leur traitement soit en général plus fort que celui des officiers français du même grade, nous nous bornerons à vous proposer d'arrêter qu'il sera continué sans aucun changement et tel qu'il est établi par leurs capitulations et par les ordonnances actuelles.
Les inspecteurs d'artillerie jouissent aujourd'hui d'un traitement de 12,000 livres, les commandants d'école en ont un de 8,400 livres. Les appointements des colonels directeurs sont de 5,600 livres ou de 4,800 livres, selon qu'ils sont attachés aux arsenaux, c'est-à-dire en activité, ou aux résidences. Les sous-directeurs d'artillerie, attachés aux places, jouissent de 3,000 livres et les capitaines en résidence, de 2,400 ou de 1,800 livres, selon qu'ils sont de la première ou de la seconde classe. Nous ne croyons ces officiers, dans le cas où Sa Majesté jugerait à propos de les employer de la même manière, susceptibles d'aucune augmentation ni diminution ; les seuls qui nous aient paru dans le cas d'être augmentés sont les lieutenants-colonels, sous-directeurs des manufactures : leur traitement est de 3,360 livres. Aussi en activité que ceux du même grade attachés aux régiments, nous avons cru devoir vous proposer de les porter, comme eux, à 3,800 livres.
Les élèves attachés aux écoles jouissent de 480 livres d'appointement : c'est une facilité nécessaire pour leur éducation ; on ne peut guère donner moins, mais aussi il nous a paru inutile de leur accorder davantage.
Les colonels des régiments d'artillerie jouissent déjà de 800 livres de plus que ceux de l'infanterie : ils ne nous ont pas paru dans le cas d'une augmentation -, nous avons pensé que les lieute-nants-colonels, majors, capitaines et autres officiers de ces régiments doivent, en raison de leurs fonctions plus multipliées par les travaux et les détails de l'artillerie et par les écoles, avoir un traitement plus fort que clans l'infanterie, et qu'ils devaient être augmentés dans la même proportion; en conséquence nous avons l'honneur de vous proposer de fixer les appointements des lieutenants-colonels à 3,800 livres au lieu de 3.600 livres, ceux des majors à 3,200 livres au lieu de
3,000 livres, et d'accorder aux capitaines, partagés en cinq classes, savoir: à ceux de la première 2,800 livres, à ceux de la seconde 2,500 livres, à ceux de la troisième 2,400 livres, à ceux de la quatrième 2,200 livres, à ceux de la cinquième 1,800 livres, au lieu de 2,700 livres, 2,400 livres, 2,200, livres et 1,500 livres qu'ils avaient auparavant.
Les lieutenants en premier jouissent de 250 livres. Nous avons cru qu'ils devaient être partagés en deux classes de 1,200 livres et de 1,100 livres, et que les lieutenants en second devaient avoir 1,000 au lieu de 840 livres, qui forment aujourd'hui leur traitement.
Les capitaines en second, détachés pour la suite de leurs instructions, jouissant de 1,500 livres, le quartier-maître ayant le même traitement déjà plus fort de 100 livres, que celui des quartiers-maîtres de l'infanterie, et enfin l'aide-majcr aussi aux appointements de 1,500 livres, ne nous ont pas paru dans le cas d'une augmentation.
Enfin, Messieurs, le traitement de commandement de 200 livres par mois à l'officier commandant les régiments nous a paru aussi nécessaire que dans l'infanterie et dans les troupes achevai. Nous avons l'honneur de vous proposer de le fixer pareillement à cette somme pour les régiments d'artillerie.
Les officiers des compagnies de mineurs et d'ouvriers doivent avoir le même traitement que ceux de l'artillerie. Nous vous proposons donc que leurs capitaines de première classe soient hxés à 2,800 livres, ceux de la seconde à 2,500 livres ; leurs capitaines en second, correspondant avec ceux de la cinquième classe de l'artillerie, à 1,800 livres, et leurs lieutenants en premier et lieutenants en second, de même à 1,200 livres, 1,100 livres et 1,000 livres, et que l'aide-major attaché au corps des mineurs conserve les 1,800 livres dont il jouit à présent, en y comprenant 300 livres pour les frais de son bureau.
Les directeurs du génie, partagés aujourd'hui en trois classes, ont leur traitement fixé à 12,000 livres, 10,000 livres et 9,000 livres : nous ne vous proposerons pas d'y rien changer.
Les colonels, lieutenants-colonels, majors, capitaines, lieutenants en premier et en second de ce corps nous ont paru devoir être traités comme les mêmes grades de l'artillerie. Les colonels seuls avaient les mêmes appointements; ainsi nous vous proposons d'augmenter les lieutenants-colonels de 440, les majors de 200 livres, les capitaines de première classe de 400 livres, ceux ae seconde de 500 livres, ceux de troisième de 400 livres, ceux de quatrième de 200 ; les lieutenants de première classe de 120 livres, ceux de seconde de200 livres, et les lieutenants en second de 100 livres, pour les porter à 3,800 livres, 3,200 livres, 2,800 livres, 2,500 livres, 2,400 livres, 2,200 et 1,200 livres, 1,100 et 1,000 livres, ainsi que les mêmes grades correspondants dans l'artillerie.
Les élèves du génie jouissent de 720 livres de traitement : obligés à un travail constant et suivi pour acquérir les différentes connaissances qu'ils doivent avoir avant d'être reçus ingénieurs, nous avons cru qu'ils devaient être portés à 840 livres, par une augmentation de 120 livres.
Voilà, Messieurs, les augmentations et les traitements que nous avons l'honneur de vous proposer de déterminer en faveur des différents grades des officiers de toutes les armes de l'armée : passons à présent à ce qui peut intéresser les soldats, cavaliers, etc.
Le soldat d'infanterie le moins payé de l'armée n'a pour tout traitement aujourd'hui que 7 sols 4 deniers par jour, dont 4 sols, sous le nom de prêt, sont destinés à sa nourriture : 2 sols 6 deniers, par forme de masse, à lui fournir vingt-quatre onces de pain de munition, et 10 deniers, pareillement sous le nom de masse, de .litige £t chaussure à subvenir à son entretien personnel. Depuis longtemps l'on désiré et l'on sent la nécessité d'augmenter un traitement aussi modique ; mais chaque sol d'augmentation Taisant une somme de plusieurs millions, la crainte de la dépepse justifiée par la pénurie des finances, a toujours arrêté : il n'appartint qu'aux représentants de la nation de trancher cette grande difficulté ; et l'honneur d'améliorer le sort et l'état de ses défep -seurs, doit leur être réservé à juste titre comme une récompense de leurs travaux pour le bonheur et la liberté publique qu'ils s'empressent de consolider.
Un sol de plus, ajouté au prêt, nous a paru une augmentation raisonnable, et capable de procurer aux troupés une bonne subsistance} deux deniers que nous imposons de plus au linge et à la chaussure, pour porter cette masse à 1 sol au lieu de 10 deniers, ne seraient pas certainement suffisants pour empêcher le soldat d'être astreint à toutes sortes de petits moyens, fatigants ou inquiétants pour lui, pour subvenir à son entretien, si cette masse devait seule y fournir. Mais un nouvel ordre de service amènera /il faut du moins s'en flatter, lorsqu'il sera déterminé par un ministre honnête et qui connaît les troupes) une diminution dans les fatigiies inutiles qu il cause aux soldats; il permettra de leur donner plus dë congés ; et chaque soldat trouvant, soit dans les économies de sa paye pendant son absence, soit dans les arrangements prescrits à ceux de ses camarades qui s'absenteraient et dont il ferait sans fatigue le service pendant ce temps-là, des moyens de fournir à son entretien, pourra par-là, et au moyen de cette légère augmentation faite à sa masse, se voir dispensé d'un travail forcé, et n'être plus dans le Cas de s'y livrer que popr s'entretenir dans lé métier qu'il pourrait avoir, et se procurer des moyens d'aisance personnelle. C'est a une administration sage et réfléchie à ordonner ces détails, et nous ne pouvons douter de la sagesse de ceux qui seront proposés à cet effet à Sa Majesté, lorsque nous connaissons celui qu'elle a honoré de sa confiance,
Enfin, 6 deniers de plus par leur à la masse du pain pourront fournir aux troupes 4 on ces de pain d'augmentation, ou la même quantité de 24 pnçès dans une qualité supérieure, i. lë Comte de la Tour-du-Pin fait faire des essais à ce suiét, et nous ne pouvons que nous livrer à l'espérance dé leur succès en voyant lé zèle l'humanité dont il est aqimé.
D'après cet exposé, pous avons l'honneur de vous proposer de déterminer à I sol 8 deniers par jour l'augmentation qui sera faite à la pàye du simple fusilier : par ee moyen il aura 9 sols par jour; il sera en outre habillé, logé, chauffé, entretenu en maladie au moyen des autres masses qui lui seront fixées.
Les différents grades doivent être traités en proportion : le plus ancien des soldats de chaque escouade, connu jadis sous le nom d'appointé, aura 6 deniers par jour au prêt de plus que le simple soldat: le caporal aura 2 sols de plus que le premier soldat, lé sergent 4 sols 6 deniers de plus que le caporal, faisant 7 sols de plus que le soldat ; et enhn, le sergent-major 8 sols de plus
que le sergent» indépendamment des 8 deniers de plus au linge et chaussure, en faveur de ces deux derniers grades de bas-officiers l telle était la gradation établie entre eux et les soldats, et telle est celle que nous avons l'honneur de vous proposer, ^
. Les grenadierp, espace de spldats choisis, jouissaient dans tous les grades d'un sol par jour d'augmentation.
Les chasseurs, autre espèce de soldats choisis ou qpi devraient l'être, mais moins grands que les grenadier^ n'avaient aucun avantage sur les fusiliers : nous avons pensé qu'une haute paye intermédiaire antre celle des grenadiers serait un moyen (fémpiation et îjne distinction pour des soldat^ choisis, et nous avpns, en conséquence, l'honneur de vous proposer de conserver la haute paye d'un sol par jour danç tous les grades des grenadiers, et d'en accorder une de 6 deniers dans tous ceux des chasseurs, ce qui portera à 2 sols 2 deniers par jour l'augmentation à faire à ces derniers.
Les adjudants avaient 30 sols par jpur, mais sans pain; lès tambours-majors, 13 sols 4 deniers seulement. _
Les foncions importantes des premiers méritent nue augmentation ; nous croyons qu'elle doit être de 3. sols pour la valeur de leur pain, mais cumulée à leur solde.
Les seconds ont le grade de sergent-major ; ils en remplissent les fonctions, vis-à^vis des tam--bours : il vous paraîtra juste sans dpute de leur accorder le même traitement qu'aux sergents-majors de fusiliers.
Enfin, Messieurs, il existait jadis des fraters-perruquiers dans chaque compagnie, utiles pour te soip et la propreté des hommes ; ils ont été supprimés, mais leur réforme n'a fait qu'en reja? ter la dépense sur les soldats qui les payent. En améliorant leue sort, il paraîtra peut-être juste à Sa Majesté d'en ordonner le rétablissement, et dans le Cas où elle le jugerait à propos, nous pensons que la haute paye qu'ils doivent avoir pour ce service doit être de 4 sols par jour, indépendamment de la solde qu'ils auront, soit comme grenadiers soit comme chasseurs, soit comme fusiliers. Ils ne sont à présent traités que comme soldats ; ainsi augmentés comme eux pour leur solde ordinaire, l'augmentation totale à prononcer pour eux séra de 5 sols 8 deniers pour ceux des grenadiers et des fusiliers, et de 6 sols 2 deniers pour ceux des chasseur^.
Les bas-pfficiers et soldats suisses ont leur traitement fixé par leurs capitulations ; nous ne vous proposerons pour eux ni augmentation ni diminution de splde. Indépendamment de celle qui leur és| attribuée, et sqr laquelle on leur retenait pour le pain 18 deniers par jour, le Roi leur accordait, comme aux autres troupes, une plus-value d'un gol. Elle est aujourd'hui établie à 18 deniers, pour porter la masse du pain à 3 sols. Il est juste de porter pour eux ce moyen de subsistance au même prix, ce qui fera 6 deniers d'augmentation sur lé, traitement actuel, et 18 deniers par jour indépendamment de leur solde ; c'est tout ce que nous avons l'honneur de vous proposer à leur sujet.
Les troupes à cheval ont les mêmes besoins de subsistances que celles d'infanterie -, mais leurs moyens d'entretien sont plus dispendieux; il ne doit doqc y avoir de différence entre elles que relativement à cet objet, et nous croyons qu'en fixant la masse d'entretien des bas-officiers de ces troupes à 2 sols par jour, au lieu dè 1 sol
6 deniers qu'ils avaient, et en portant celle des cavaliers, dragons, etc., à 1 sol 8 deniers au lien de 1 sol 6 deniers, nous devons vous proposer en même temps d'arrêter la même gradation entre les différents grades et de déterminer que les cavaliers seront payés de leur solde et masse de pain comme les grenadiers et les dragons, chasseurs et hussards ; comme les chasseurs de l'infanterie, c'est-à-dire fi deniers de plus que les fusiliers, et 6 deniers de moins que les grenadiers et cavaliers. L'ordonnance actuelle établissait cette différence entre leur paye respective; la taille de leurs hommes ne devrait pas être la même, si ces régiments ne s'étaient pas écartés du premier objet de leur institution. La légère différence établie entre eux peut être nécessaire pour les y rappeler, et elle peut être importante pour le bien du service,
Les enfants du corps attachés à ces régiments de troupes à cheval, s'il plaît à Sa Majesté de continuer de les y entretenir, ne nous ont pas paru dans le cas d'être traités comme les cavaliers, pour la solde ni pour les masses d'entretien; et nous avons pensé qu'il était suffisant de les traiter en tout point comme les fusiliers de l'infanterie.
L'artillerie, en raison de ses travaux et de l'im? portance de ses détails, était mieux traitée que les autres troupes. Nous n'avons pas pensé qu'elle fût dans le cas d'être augmentée aussi considérablement; et, à l'exception de 2 deniers ajoutés à la masse du linge et chaussure des soldats seulement, et de 6 deniers à la masse du pain de tous les grades, nous avons cru que les augmentations de soîde que nous devions vous proposer de déterminer, devaient se borner à l sol 2 deniers au prêt des apprentis canoniers, à 1 sol à celui des ouvriers de la seconde classe, ou apprentis, à 11 deniers 2 tiers pour les tambours-majors, à 2 deniers pour les sergents-majors d'artillerie et de mineurs et apprentis mineurs, à 8 deniers pour ceux d'ouvriers et pour les bombardiers de la seconde classe, et à 4 déniera pour les caporaux et premiers soldats de mineurs et d'artillerie, pour les tambours de toutes les compagnies, pour les artificiers et pour les mineurs,
Telles sont, Messieurs, les réflexions que nous avons cru devoir vous soumettre, relativement à la solde et aux masses plus particulièrement affectées a l'entretien individuel ou de subsistance des soldats. Un tableau, qui en sera mis sous vqs yeux, pourra vous faciliter le rapprochement de ces différents articles que nous avons cru devoir traiter dans eette partie du rapport. Nous allons examiner à présent les masses qu'on ne peut regarder que comme leur étant accessoires.
Les masses accessoires aux troupes sont : 1° la masse générale; 2° celle de l'hôpital ; 3" celles de fourrage pour les troupes à cheval ; c'est ainsi qu'elles étaient déterminées par les ordonnances actuellement existantes. Pour faire cesser la confusion des dépenses de différents services et pouvoir mieux apprécier leur évaluation, M. le comte de la Tour-du-Pin a proposé de les réunir sous le véritable point de vue qui leur convient, en les rapprochant par forme de masses de ceux pour qui elles doivent être faites, et ç'est en conséquence de ces vues sages, auxquelles nous n'avons pu qu'applaudir, que nous les présenterons sous les dénominations de masse des bois et lumières, des lits militaires et des effets de campement, pour vous en développer successivement les détails.
Les masses générales, jadis fixées pour l'infan-
terie à 38 livres, pour la cavalerie à 130 livres pour les hommes montés, et à 56 livres pour ceux à pied, pour les dragons, hussards et chasseurs à 122 livres par homraô à cheval, et à 50 livrés par homme à pied, et enfin à 44 livrer 1Q sols pour l'artillerie, opt paru à M, le comte de la Tour-dq-Pin dans le cas d'être réduites à 36 livres pour l'infanterie, 124 livres et 50 livres pour la cavalerie, à 116 livres ët 44 livres pour les dragons, chasseurs et hussards* et à 44 livres pour l'artillerie. Ces masses débarrassées des prêts du 31 des mois dont elles étaient chargées, et que nous vous ! proposerons de calculer dans la solde journalière, ains| que de plusieurs autres dépenses, pourront, sans doute, être suffisantes, et nous ne pouvons que vous les présenter, avec la confiance que nous devons, à des calculs faits vraisemblablement avec soin et d'après les renseignements les plus certains, Les masses d'hôpital et de fourrages, fixées, lès premières à 15 livres, et les autres a 270 livres sur le pied de 15 sols par jour par cheval, le Sont au même pied par les ordonnances actuelles. Sans doute dés renseignements certains ont mis M, le comte de la Tour-du-Pin dans le cas de les proposer ainsi. Une bonne administration bien prévue et bien calculée, la suppression des gaspillages ou des économies forcées des troupes, lorsqu'elles sont chargées de ces deux parties; la destruction des abus j^dis inséparables des entreprises générales, ou des régies mal combinées; la facilité que donneront pour des adjudications partielles ou pour des marchés locaux des administrations de département, dans la sagesse desquelles on pourra prendre confiance, rendront sûrement ces masses susceptibles de procurer au Trésor public une économie désirable, eh même temps qu'elles offriront aux troupes le service le plus avantageux; et, tout nous engageant à l'espérer, il ne nous' reste qu'à vous proposer de les déterminer à ce prix.
La dépense du bois de chauffage des troupes, bois et lumières des corps-dè-garde, n'a point en-encore été répartie en forme de m^sse; elle s'est élevée, pour l'année 1787, à te somme de 1,249,999 livres 19 sols 3 deniers, ce qui donnait 7 livres 13 sols par têtè pour les 162,690 hommes, dont l'armée était alors composée. Ce calcul cependant ne peut servir .de base : plusieurs provinces payaient à leur compte les bois et lumières qu'elles fournissaient aux troupes* M. le comte de la Tour-du-Pin a demandé 9 livres par homme, et nous avons pensé que pette somme n'était pas exagérée, surtout puisqu'elle, débarrasse les provinces des dépenses locales auxquelles elles étaient assujetties à cet effet.
La formation de cette masse bien administrée, la répartition équitable à ëh faire aux troupes en raison des prix du pays dans lequel elles seront établies, les marchés locaux à faire par elles pour ces fournitures, et beaucoup d'autres détails que l'esprit d'ordre du ministre lui dictera sans doute, détruiront bien des abus actuellement existants et procureront indubitablement* aux troupes la facilité de consommer tout ce qui était payé par elles.
La somme, affectée à présent aux effetsde campement, avait été déterminée à. la"somme de 450,000 livres calculée sur le pied dél62,690 hommes, dont l'armée était composée : les circonstances politiques, les rassemblements même d'instruction, exigent que les magasins soient approvisionnés de ces effets ; eu fixant cette masse à 3 livres par homipe» ëue procurera tous les ails un fonds de 425 a 430,000 1ivres ; bien àdmiuts
tré.il doit être suffisant, mais c'est un service nouveau, pour ainsi dire, à établir, et nous ne devons pas douter que le ministre ne s'en occupe avec toute l'attention qu'il mérite par son importance.
Les fournitures des lits militaires n'étaient point pareillement en masse; des marchés étaient passés à ce sujet ; les prix étaient faits par fournitures : en les évaluant, ainsi que l'a fait M. le Comte de la Tour-du-Pin, à 12 livres par bas-officiers, et à 6 livrés par soldat, c'est indiquer la possibilité de . faire coucher seuls «les premiers, et les autres deux à deux, et on ne peut trop applaudir à cette vue d'humanité, qui tend à détruire Un usage barbare, déjà à peu près aboli, mais qui n'a subsisté, que trop longtemps.
Rien n'a été calculé pour les fournitures des officiers; mais une bonne administration de cette masse, évaluée au complet et comme si tous les lits devaient être occupés toute l'année, pourra sans doute la rendre suffisante à ses autres dépenses, et nous ne pouvons que vous proposer de la déterminer à ce prix.
Voilà, Messieurs, tous les objets de dépenses que l'on peut cumuler par forme de masses avec la solde des hommes : vous verrez, par le tableau qui sera mis sous vos yeux, la somme à laquelle revient chaque homme de chaque grade pris individuellement, et celles que coûtent tous les hommes de la même arme les uns dans les autres, et enfin le prix commun de tous les hommes, depuis le général de l'armée jusqu'au dernier soldat.: ce calcul est nécessaire pour apprécier les dépenses de solde et d'entretien ; c'est ainsi que nous âurOns l'honneur de vous les présenter.
L'aperçu des dépenses générales du département nous a été présenté par M. le comte de la Tour-du-Pin, et nous allons vous le soumettre avec les réflexions dont chaque article nous paraîtra susceptible.
Le premier article regarde les dépenses des étapes, convois militaires et rassemblements de troupes : ces dernières n'avaient jamais été comprises dans celles du département, et s'acquittaient sur des fbnds extraordinaires fournis par le ministre des finances, toutes les fois que le Roi avait ordonné des camps, des cantonnements ou autres rassemblements. Ils peuvent seuls porter l'armée au degré d'instruction nécessaire, et sous ce point de vue, on ne peut trop approuver une demande de fonds qui fourniront les facilités pour en faire plus souvent que par le passé ; il en évalue la dépense à 500,000 livres, cette somme peut être suffisante sans doute, en en bannissant toutes les dépenses de luxe, et en bornant celles qui y seront relatives aux augmentations de solde ou de subsistance indispensable à donner aux troupes rassemblées.
Les dépenses des étapes et convois militaires sont évaluées à 700,000 livres ; elles paraîtraient bien modiques au premier coup d'œil, en pensant que depuis quelques années, elles s'élèvent à plus de 1,800,000 francs par an l'un portant l'autre, sans compter les dépenses de cette nature qui s'acquittent en Bretagne sur les fonds mêmes de la province, ou qui sont à la charge des troupes ; en Flandre et en Artois où elles n'en reçoivent pas ; si l'on ne pensait pas en même temps que cette somme est demandée indépendamment dé la solde courante des troupes pendant le temps des marches, et si l'on ne pensait pas aussi que ces dépenses peuvent être réduites beaucoup en supprimant les abus des chevaux de selle des officiers, des transports à la suite des
corps, des places accordées, pour être rachetées, et en lés remplaçant par d'autres moyens moins onéreux. Avec uue bonne administration, et des mouvements de troupes moins multipliés sans nécessité, ces fonds pourront suffire ; et en accordant cet abonnement que nous ne pouvons que vous engager à arrêter, nous aurons encore à nous féliciter de voir les troupes en marche traitées de la même manière dans tous les pays, et de voir les dépenses acquittées et leur comptabilité surveillée par le même administrateur qui ordonnera les mouvements, et non plus par un ministre qui leur était totalement étranger.
Le second article est relatif aux travaux de l'artillerie. L'entretien et les remplacements des équipages d'artillerie, l'approvisionnement des fusils et autres armes qui se fabriquent dans les manufactures ; les approvisionnements de poudre, les fonderies des bouches à feu ; les forges qui fournissent les bombes, boulets, obus et autres fers coulés, les approvisionnements à en faire, les transports à en faire exécuter dans les différentes places, l'entretien des armes dans tous les arsenaux, les gages, salaires et appointements des employés qu'ils nécessitent, les réparations et entretiens des bâtiments sont évalués annuellement à une somme de 3 millions, et nous ne devons pas la trouver exagérée. Les 2 millions qu'il demande pareillement pour les travaux du génie, ne doivent pas paraître non plus trop considérables, si l'on pense que près de 100,000 francs en sont d'abord destinés au paiement des employés indispensables et à l'entretien de la galerie des plans, monument précieux et remarquable, fait pour être distingué. Le surplus doit en être appliqué aux ouvrages des places, et à l'entretien de leurs fortifications. Peut-être un jour pourra-t-il être susceptible de réduction, dans le cas où le nombre des villes fortifiées pourrait être diminué, mais jusqu'à ce que cette opération, plus que délicate, soit achevée, nous devons trouver que cette demande est bornée aux besoins les plus stricts du service.
Le quatrième article regarde l'entretien des bâtiments militaires, et ne monte qu'à 100,000écus. 11 est difficile d'apprécier des entretiens de bâtiments. Au surplus, sur cet article comme sur tous les autres, les fonds, pour être accordés, ne sont pas consommés, et au moyen des comptes que chaque législateur sera en droit d'exiger, ce qui se trouvera surabondant sur une année pourra être en déduction sur ceux à affecter pour la suivante.
Dans le cinquième article, M. le comte de la Tour-dti-Pin demande 1,400,000 francs, sous la dénomination de dépenses d'administration du département ou des frais extraordinaires de police, non compris le traitement du ministre.
Les détails de ces dépenses sont le paiement des bureaux de la guerre, les frais de captures des déserteurs, des jugements militaires; les dépenses des impressions des ordonnances, les frais de courses des employés pour le service des courriers, des maréchaussées; les traitements de différents employés dans les provinces, les gratifications extraordinaires, indispensables àdonner dans certaines circonstances, enfin les dépenses imprévues, et qu'il est impossible de calculer dans une grande administration : ces dépenses s'élevaient beaucoup plus haut habituellement, et ce n'est qu'un grand esprit d'ordre qui peut faire espérer à M. le comte de la Tour-du-Pin de pouvoir y subvenir avec cette somme.
Sa délicatesse, Messieurs, ne lui a pas permis de
nous parler de son traitement ; mais vous connaissez la représentation d'un ministre de la guerre, les dépenses imprévues auxquelles il est expose, et nous avons pensé que c'était à votre comité des financés à discuter cet article, ainsi que sur les intérêts de la finance de l'office de secrétaire d'Etat. Elle est de 500,000 livres ; mais, ainsi que toutes les autres finances, c'est une dette de la nation, et c'est à elle à en acquitter les arrérages, jusqu'à ce qu'elle ait pu en faire le remboursement.
M. le comte de la Tour du-Pin demande ensuite une somme de 800,000 livres pour les dépenses occasionnées par les états-majors des places, Elles s'élèvent aujourd'hui à 1,289,000 livres ; dans cette somme sont compris les appointements payés aux gouverneurs particuliers, emplois sans résidençç et sans fonctions, mais retraites ou récompenses accordées en considération des services. Il en a déjà lui-même annoncé la suppression ; et quoiqu une majeure partie des traitements dont jouissaient ces gouverneurs fût en émoluments locaux, quoique les indemnités que vous trouverez juste, sans doute, d'accorder à d'anciens serviteurs de la patrie, soient peut-être dans le cas d'excéder ce qu'ils touchent a présent en argent, nous ne pouvons nous permettre aucune réflexion.
Quant aux lieutenants du Roi et autres officiers majors des places, leur dépense sera peut-être un jour susceptible de réduction, mais elle ne peut s'opérer que par le résultat d'un travail sur les places à garder ou à détruire ; et dans ce moment-ci, il nous a paru que vous ne pourrez vous dispenser d'accorder lés 800,000 livres demandées à ce effet.
Les compagnies détachées d'invalides, les récompenses militaires accordées aux soldats retirés dans leur province, coûtent aujourd'hui une somme de 3,490,000 livres. Vous ne trouverez pas juste, sans doute, de dépouiller d'anciens serviteurs, qui, après avoir servi utilement la patrie, n'ont plus aujourd'hui d'autres moyens de subsistance que ses bienfaits; et d'après cela nous avons 1 honneur de vous proposer d'arrêter cette somme de 349,000 livres, telle qu'elle a été demandée par M. le comte de la Tour-du Pin.
Il avait demandé pareillement une somme de 1,400,000 livres pour remplacer, dans la dotation de l'hôtel royal dés invalides, quelques portions de leurs revenus, détruites par les circonstances, ou dans lesquelles il se proposait d'opérer quelques changements; mais le comité nommé par Sa Majesté pour examiner la situation de cet établissement, et auquel vous avez associé deux de vos membres, n'a point achevé ses opérations ; et nous avons pensé que nous devions attendre le résultat de leur travail et le rapport qui vous en sera fait avant de vous proposer aucune réflexion à ce sujet.
Les dépenses de toutes les maréchaussées du royaume montaient à la somme de 390,000 livres, suivant les états de dépenses de 1789; elles viennent, à la sollicitation des provinces, d'être augmentées de 600 cavaliers. C'est un surcroît de dépense de 441,000 livres; ce corps sera peut-être encore dans le cas d'en exiger de nouvelles par d'autres augmentations qui paraissent désirées; mais aussi il sera peut-être susceptible de réduction dans des emplois inutiles qui permettront d'y subvenir sur les fonds mêmes. Incertains encore du résultat de ce travail, qui n'est point arrêté, nous ne pouvons que vous présenter a l'avance ces observations, en vous proposant d'en fixer les fonds à
4,341,000 livres, dépense réelle du moment, conformément à l'état présenté par le ministre.
Telles sont, Messieurs, nos observations sur les dépenses nécessaires de l'armée : nous allons nous résumer en les réunissant toutes sous vos yeux, ainsi que les avantages qui pourront en résulter. Vous en retracer le tableau, c'est vous dédommager des détails longs et minutieux que nous avons été forcés devons présenter. Il plaira, sans douté, à vos çoeurS.; peût-il être pour vous un bonheur comparablé a 'celui d'améliorer le sort de ceux de vos concitoyens qui ont consacré leur existence au service de la patrie I
Les appointements de tous les capitaines et lieutenants d'infanterie sont augmentés, les uns de 400 livres, la majeure partie de 200 livres, et les moindres de 100 livres; tous ceux de l'artillerie et du génie éprouvent la même augmentation : elle est même beaucoup plus considérable pour ceux des troupes à cheval, puis qu'indépehdam-ment de celle qui leur est commune avec l'infanterie, il leur a été accordé dans tous leurs grades un surplus de traitement de 200 livrés, relativement à l'entretien du cheval, qui leur occasionne plus de dépense. Les quartiers-maîtres voient augmenter leur sort de 200 livres, et les sous-lieutenants même éprouvent aussi un petit bénéfice de 80 livres sur leur traitement. Les 200 livres par mois, proposées pour les commandants des régiments, devient une véritable augmentation pour les colonels, lieutenants-colonels et majors, qui seront le plus dans le cas d'en profiter.
Leur massé de fourrage Thème, cumulée avec leurs appointement est un bénéfice, puisqu'ils n'en jouissaient auparavant que pendant le temps deleur résidence. Les soldats, cavaliers et dragons, sont tous augmentés, tant à leur prêt qu'à leur masse de lingè et chaussure ; et tous généralement le sont de six deniers par jour à leur pain.
L'augmentation des soldats d'infanterie est de 20 deniers par jour; l'artillerie, déjà mieux traitée, est cependant aussi augmentée au moins de 6 deniers, plusieurs le sont de 8, d'autres de 10 deniers, d'un sol, d'un sol huit deniers, et quelques-uns, plus maltraités auparavant, le sont même de 22 deniers.
Les chasseurs de l'infanterie, indépendamment de l'augmentation de fusiliers, reçoivent une haute paye de 6 deniers qu'ils n'avaient pas auparavant, et la cavalerie traitée comme les grenadiers, et les dragons et chasseurs de l'infanterie, se voient pareillement augmentés de deux sols par jour.
Tous les grades de bas-officiers le sont dans les mêmes proportions ; enfin tout le monde y gagne, aucun ny perd; très peu même, excepté ceux, peut-être, que les ordonnances précédentes avaient traités au delà des proportions ordinaires, ne restent tels qu'ils étaient. Toutes ces augmentations, sans doute, n'ont pu avoir lieu qu'aux dépens des économies que les réductions ou les suppressions d'emplois inutiles auraient pu procurer ; mais l'économie, qui se ferait aux dépens des individus, serait une parcimonie blâmable aux yeux même de la nation; Elle était loin de vos cœurs, et nous n'avons pas dû vous la proposer. Enfin, Messieurs, les bénéfices résultants de ces augmentations de traitement pour les troupes, ne seront pas les seuls avantages que procureront ces arrangements. Lés provinces seront déchargées totalement des sommes particulières qu'elles payaient localement pour lés fournitures, pour les fourrages, pour les étapes, pour le boisetles lumières. Soulager les provinces,
c'est soulager le Trésor public, et eu le faisant, leur épargner des embarras, des inquiétudes et souvent des causes de tracasseries, c'est leur procurer un double avantage.
Pour pouvoir évaluer des dépenses sans avoir un plan fixe et déterminé, nous avons dû nous donner à nous-mêmes des bases d'après lesquelles nous puissions partir ; nous avons à cet effet supposé une armée de 102,727 hommes d'infanterie, de 31,230 hommes de troupes à cheval, et de 8,585 hommes d'artillerie, commandés ou surveillés par 9,887 officiers de tous les grades ou commissaires des guerres, répartis dans chaque grade et dans chaque classe, d'après les proportions qui nous ont paru les plus convenables, et que nous aurions suivies, si nous avions été chargés de vous présenter les détails de l'organisation de l'armée. Chacun de ces 9,887 officiers ou commissaires desguérres, traités comme nous vous l'avons proposé ci-dessus, revient l'un dans l'autre à 1,943 livres.
Chacun des bas-officiers, soldats, cavaliers et dragons, revient de même, l'un dans l'autre, à 341 livres 8 Sols 3 deniers.
Enfin chacun de ces 152,429 hommes, tant officiers de tout grade que soldats, donne un prix commun par tête de 444 livres 18 sols 10 deniers ; ce qui établit pour la dépense générale de ieurs appointements, soldes, masses d'entretien général et particulier, de pain, de fourrages, d'hôpitaux, de lits militaires, de bois et lumières et d'effets de campement, une somme totale de... 67,822,013 1. 6 s. 2 d.
A cette somme il convient d'ajouter les dépenses accessoires qui n'ont pu être calculées par homme :
SAVOIR :
1® Pour étapes, convois militaires et
rassemblements................. 1,200,000 » »
2° Pour les travaux de l'artillerie............. 3,000,000 » »
4° Pour les travaux du génie.................. 2,000,000 » »
4° Pour l'entretien des bâtiments militaires.... 300,000 » »
5° Pour les dépenses générales de police et d'administration .... ...... 1,400,000 » »
6° Pour les états-majors des places....................800,000 » »
7® Pour lescompagnies d'invalides détachées et récompenses
militaires.3,490,000 » »
8° Enfin, pour les maréchaussées........... 4,341,000 » »
Total des dépenses de l'armée................ 84,353,013 1. 6s. 2 d.
Voilà, Messieurs la somme que nous avons regardée comme indispensable pour les dépenses de l'armée.
Votre comité-des finances, dans l'aperçu qu'il vous a présenté, ne les avait évaluées que 79 millions, mais ce calcul fait par lui n'avait été précédé d'aucun examen préliminaire, ne portait sur aucune base certaine. Aujourd'hui tout a été
prévu, tout a été calculé, l'armée a été réduite au plus bas pied possible.
Les augmentations d'appointements et soldes sont une dépense de 16,500,000 livres au delà de ce quelle aurait été en consacrant les traitements actuels. Pour se restreindre à la sommé de 79 millions, il faudrait renoncer au projet d'améliorer l'état de tous les individus de l'armée. Prononcez, Messieurs, leur sort est entre vos mains.
Il ne me reste plus en finissant qu'à vous présenter encore une réflexion au nom du comité militaire.
Les fonds que vous décréterez dans votre sagesse seront déterminés en raison de la force de l'armée que vous jugerez à propos d'entretenir sur pied; mais elle ne pourra recevoir sa formation en raison de ces fonds au moment même de votre décret. Il vous paraîtra prudent, sans doute, de déterminer en même temps l'époque à laquelle elle devra commencer à avoir son exécution; celle du i'ei> de mai n'est pas trop éloignée pour la rédaction de toutes les ordonnances qui devront régler cette formation ; én la déterminant, vous songerez sans douté aussi que l'armée, constituée sur les ordonnances actuelles, coûte plus chèr qu'elle ne coûtera lorsqu'elle aura subi toutes les réformes qui résulteront dé l'exécution de votre décret; nous aurons l'honneur de vous proposer, en conséquence, de régler que les fonds du département de la guerre continueront jusqu'à cette époque à être faits suivant l'état précédemment arrêté.
Enfin, Messieurs, lorsque votre décret aura fait connaître vos intentions sur la force de l'armée, lorsque Sa Majesté aura décidé l'organisation à lui donner, il en résultera des réformes et des suppressions. Nous ne pouvons pas jusqu'à ce moment mettre sous vos yeux le nombre des malheureuses victimes qui perdront leur état, leur existence, peut-être même des récompenses justement méritées, lorsqu'il sera connu ; nous vous supplions de nous autoriser à vous en présenter le tableau, et à vous soumettre alors nos réflexions sur les moyens à employer pour adoucir la rigueur de leur sort. Les représentants d'une nation généreuse, dont ils ont cherché à faire le bonheur, ne voudront pas voir des mab-heureux sans leur tendre une main secourable : c'est notre espérance.
Voilà, Messieurs, 1rs seules observations que nous ayons à vous soumettre pour le moment. Ces questions à décider par vous nous ont paru les plus pressées, à càuse des rédactions longues et pénibles qu'elles exigeront du ministre, pour l'exécution du décret que vous prononcerez à ce sujet. Les bases des détails sur les recrutements de l'armée, sur lé choix et l'avancement des officiers, sur les retraites oU récompenses militaires, sur la discipline et sur les crimes et délits militaires, formeront incessamment la matière d'un nouveau rapport.
Pour terminer celui-ci, nous avons l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
Décret.
L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport du comité militaire, a "décrété et décrète les articles suivants :
Art. 1er. L'armée demeurera réduite, en temps de paix, entre
142 fit 143,000 hommes, non compris la maison militaire du Roi.
Art. 2. Elle sera composée de 102 à 103,000 hommes d'infanterie, de 30 à 32,000 hommes de trou-
pes à cheval, et de 8 à 9,000 hommes d'artillerie.
Art. 3. Indépendamment de cette armée de ligne, il en sera désigné une autre, de 100,000 hommes, à fournir par les provinces, dans le cas de guerre seulement. Ces hommes seront toujours prêts à marcher; mais ils ne seront jamais rassemblés : le comité de Constitution s'occupera des moyens à indiquer à l'Assemblée nationale, pour la levée de ces hommes de la manière là plus conforme aux intérêts particuliers des provinces Chargées de les fournir, en raison de leur population.
Art. 4. Neuf mi|le cinq cents officiers au moins, et au plus dix mille de toutes les armes, de tous les grades, tant généraux que particuliers ou commissaires de guerre, seront employés pour en commander ou en surveiller les détails.
Art. 5. Tous les officiers de tous lès gradés, bas-officiers, soldats cavaliers,hussards,dragonsjse-;ront payés conformément au tablèau arrêté par l'Assemblée, et qui sera annexé au présent dédref. Pourra néanmoins 8a Majesté; en employant au payement de soldes ou d'appointements les fonds qui seront ci-après décrétés, augmenter ou diminuer les proportions établies pour chacun dès grades, Suivant qu'elle pourra le croire utile au bien de son service.
Art. 6. Les fonds du département de la guerre seront désormais fixés à la somme annuelle de 84 millions (1), lesquels seront à la disposition du ministre de ce département, et de Il'emploi desquels il sera comptable tous les ans à chaque législature, à laquelle il présentera le résultat de ses économies, ou les déficits qui pourront se trouver sur chaque partie, afin de mettre Tes représentants de la natiott ëù ëtàt d'apprécier avec connaissance de cause les besoins de chaque service, ou de prononcer sur l'emploi à faire de ces économies.
Art. 7. Les 84 millions décrétés ci-dessus seront employés.
Au payement de la solde, des masses et appointements des officiers, bas-offi-ciers, soldats, cavaliers et dragons, 67,500,000 liv.
Aux étapes, convois militaires, et rassemblements, 1,000,000
Aux travaux de l'artillerie, 3,000,000
Aux travaux du gènië, 2,000,000
Aux bâtiments militaires, 300,000 Âùx dépenses de police, ou ad-ministration du département, 1,369,000
Aux états-majors des places, 800,000
Aux compagnies d'invalides diétachées, et recompenses militaires, 3,490,000
Aux maréchaussées, 4,351,000
Somme égale 84,000,000 liV.
Art. 8. Malgré la répartition ci-dessus faite deS-dits fonds sur chacun des objets auxquels ils semblent plus particulièrement destinés, pourra néanmoins Sa Majesté en disposer d'une partife sur l'autre, aidsi qu'elle croira utile pour le bieû du service.
Art. 9. La solde des soldats, cavaliers, dragons, hussards, pour la partie affectée à leur prêt, sera payée sur le pied de 365 jours par an ; les niasses de linge et de ; chaussure et autres, ne le serorit que sur le pied de trente jours par mois. La nouvelle formation de l'armée, en exécution du pré'-sent décret, aura lieu, au plus tard, au premiet* mai prochain* jour auquel lés fonds destinés au département de la guerre commenceront à être payés : en conséquence, jusqu'à cêtte époque, ilB le seront Sur le nouveau pied, et conformément à l'état arrêté par Sa Majesté.
Art. 10. Aussitôt que les plans de la formation nouvelle à donner à l'armèé seront arrêtés par Sa Majesté, il Sera remis à l'Assemblée nationale un état des réformes et suppressions qui pourront être dans le cas d'être effectuées, afin qu'elle puisse y avoir égard, s'il y a lieu.
TABLEAU
des appointements et soldes actuels et proposés, pour faire connaître les augmentations qui en résulteront.
ÉTAT-MAJOR D'ARMÉE.
Généraux d'armée.............
Lieutenants-généraux...........
Maréchaux-de-camp...........
Ordonnateurs
Commissaires.. Elèves.......
Ordinaires..
INFANTERIE.
Colonels.........
Lieutenants-colonels..............................
Majors..............
Quartiers-maîtres...........................
Porte-Drapeaux..............................
Capitaines.....
lre classe.
2e classe..........
3eclasse...........
4eclasse...........
5eclasse...........
lre classe.........
Lieutenants........{
2e classe..........
Sous-lieutenants..............
Traitement de commandement.
INFANTERIE SUISSE.
Colonels.......................
Lieutenants-colonels............
Majors.........................
S de grenadiers. 1" classe*»... classe,
Lieutenants....
Grenadiers. Fusiliers.
Sous-lieutenants) fSSSS?.'.
Aides-majors.........................
Sous-aides-majors.....................
Porte-drapeaux........................
Quartiers-maîtres......................
Aumôniers ou ministres...............
C. hi rurgien s-maj o ......................
Traitement de retraites à Ernest et Stei-....................................
ARTILLERIE-PLACES.
Inspecteurs d'artillerie.......,.........
Commandants î i» classe...........
d'écoles........( 2* classe............
Directeurs d'arsenaux. Directeurs d'artillerie..
Colonels,
Lieutenants-] Colonels, j
Capitaine en résidence. Elèves......
Sous-directeurs de manu factures...............
Sous-directeurs d'artillerie
1" classe................
2e classe................
APPOINTEMENTS
PAR AN.
AVAIENT.
livres.
8,000 1,000 4,000
4,270 3,870 3,270
1,200 720
2,400
2,000 2 000 1,300 1,300 900 800 720
o
s !
«s
S&
5
AURONT.
livres. 40,000 24,000 16,000
8,000 1,000 4,000
4,270 3,870 3,270
1,400 800
2,600
2,400 2,100 1,700 1,500 1,100 1,000 800 2,400
12,000 8,000 6,600 5,802 7,400 6,800 1,560 1,440 1,200 1,152 1,800 1,200 600 1,200 1,200 2,160
20,000
12,000 12,000
8,400 8,400
6-000 6,000
5,600 5,600
4,800 4,800
3,360 3,800
3,000 3,000
2,400 2,400
1,800 1,800
480 480
livres.
200 80
200
400 100 400 200 200 200 80 2,400
Le traitement de ces trois classes d'officiers-généraux employés ne peut paraître trop considérable, si l'on pense qu'il n'existera plus d'autres récompenses en gouvernements, etc.
On n'a pas cru devoir les augmenter, attendu que, suivant l'usage, leurs gages ou intérêts de leur finance sont payés, indépendamment des appointements sur le Trésor royal.
On n'a pas cru devoir augmenter les emplois supérieurs ; ils le sont pendant leur résidence, au moyen du traitement de 200 livres par mois accordé au commandant, et de la ration de fourrage cumulée avec les appointements.
Avaient déjà été augmentées de livres par les dernières ordonnances.
200
Indépendamment de leurs appointements comme capitaines.
440
C'est le commandant de l'école des mineurs ; il est traité comme les autres, ! par le moyen des appointements qu'il | reçoit comme capitaine.
On a dû porter cette classe intéressante de lieutenants-colonels au même prix que ceux des régiments.
ARTILLERIE-REGIMENTS.
Colonels.......................
Lieutenants-colonels............
Majors et chefs de brigade.....
lre classe.....
2e classe.....
Capitaines en 3e classe.....
j 4e clàsse.....
' 5e classe.....
Capitaines en second, détachés .
Aides-majors..................
Lieutenants enj ire classe.....
1er..........} 2e classe.....
Lieutenants en second.........
Quartiers-maîtres...............
Traitement de commandement...
MINEURS ET OUVRIERS.
Capitaines en l«rj £ ggjjf
Capitaines en second.......
Lieutenants en( lr8 classe...
1er...........^ 2e classe____
Lieutenants en second.........
Aides-majors des mineurs.......
GENIE.
( ire classe.........
Directeurs.....3 2e classe..-.......
( 3e classe.........
Colonels, chefs de brigades.........
Lieutenants-colonels, sous-brigadiers
Majors de brigades.................
!lre classe.........
le Se6:::::::::
4e classe.........
Lieutenants ent ire classe........
l«r..........} 2e classe.........
Lieutenants en second, aspirants.... Elèves, sous-lieutenants............
TROUPES A CHEVAL.
Colonels.....................
Lieutenants-colonels..........
Majors......................
I ire classe...
Capitaines...... 2e classe...
{ 3e classe...
Lieutenants.
Sous-lieutenants.............
Quartiers-maîtres..........
Porte-étendards...............
Traitement de commandement.
APPOINTEMENTS PAR AN.
AVAIENT.
livres.
4,800
3,600 3,000
2,700 2,400 2,200 2,200 1,500 1,500 1,500 930 950 840
1,500
S, 400
2,700 2,400 1,500 950 950 840 1,800
12.000 10,000 9,000 4,800
3,360
3,000
2,400 2,000 2,000 2,000 1,080 1,080 900 720
4,540 4,340 3,740 2,770 1,970 1,970 1,220 1,220 990 1,470 990
AURONT.
livres.
4,800
3,800 3,200
2,800 2,500 2,400 2,200 1,800 1,500 1,500 1,100 1,100 1,000
1,500
2,400
2,800 2,500 1,800 1,200 1,100 1,000 1,800
12,000 10,000 9,000 4,800
3,800
3,200
2,800 2,500 2,400 2,200 1,200 1,100 1,000 840
4,740 4,340 3,740 3,070 2,870 2,570 1,570 1,470 1,270 1,870 1,270 2,400
AUGMENTATIONS.
livres.
209 200
100 100 200
300
230 150 160
100 100 300 250 150 160
Reçoit son augmentation par le moyen du traitement de commandant.
On a dû leur donner 200 livres de plus qu'aux mêmes grades d'infanterie, à cause d'une plus grande quantité de détails.
Il aura encore dans l'infanterie.
100 livres de plus que
440
200
400 500 400 900 120 20 100 120
200
300 900 600 350 250 280 400 280 2,400
i On a dû les porter au même prix que les mêmes grades dans les autres armes.
Doivent être traités comme ceux d'artillerie.
On a cru devoir les traiter comme ceux de l'artillerie..
7 Tous lès grades des troupes. à cheval ' ont été portés au même traitement que les grades correspondants à l'infanterie ; ainsi ils ont éprouvé cette première augmentation, lorsqu'ils ne s'y trouvaient .pas fixés, en outre, ils ont éprouvé tous celle de 200 livres chacun, jugée nécessaire, à cause de l'entretien de leur cheval d'escadron. Ils ont été portés au surplus pour la ration de fourrage, soit double, soit simple, qui leur était attribuée auparavant suivant leur grade.
I \ls 1 tiori
/ et,
Chaque officier de tout grade et de toutes armes, en évaluant leur nombre total à 9,887, revient l'un dans l'autre à............................................................................................ 1,943 livres.
256 •
(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 janvier 1790.]
infanterie.
Sergéîits-majots
jots....j
Adjudants. .....j...........
TàmboùNmâjôr.......... —......
" Grenadier^.. Chasseurs... Fusiliers....
Grenadiers.. Sergents et fourriers^ Chasseurs...
Fusiliers..., Grenadiers.
Caporaux..........{ Chasseurs..,
Fusiliers...
Premiers soldats, ci-l chasseurs8' devant appointés.| Fusiiiers./é
( Grenadiers.
Tambours..........{ Chasseurs.
Fusiliers... Grenaaicrâ.
Frater.............{ Chasseurs..
( Fusiliers...
Grenadiers......................
Chasseurs.......................
Fusiliers, enfants, ouvriers......
AVAIENT DE PRET,
AURONT DE PRÊT,
par jour.
infanterie suisse.
Elèves-chirurgiens.
Prévôts............
Tambours-majors...
Grenadiers........
Fusiliers.
{ Bas-officiers. ( Grenadiers.., ï Bas-ofliciers '( Fusiliers....
artillerie (Mineurs, Ouvriers). Tambour-major .. Sergents-majors, j
Sergents., Caporaux.
Premiers soldats..,
Tambours.
Artillerie.
Mineurs * .
Ouvriers.
Artillerie.
Mineurs..
Ouvriers
Artillerie .
Mineurs ..
Ouvriers..
Artillerie..
Mineurs..
Ouvriers..
Artillerie..
Mineurs...
Ouvriers.,
Artificiers.... Canonniers... Bombardiers. Sapéurs.ttïi
Mineurs
Ouvriers.
lre classe. 2e classe. Apprentis. Mineurs... Apprefitié.
classe. 2e classe. Apprentis.
gavàlèriti. carabiniers.
Adjudants..................
Maître maréchal.............
Maître sellier...............
Maître tailleur —..........
Maître bottier-cordonnier Maître armurier-éperonnier..
Maître culottieren peau......
Enfants du corps...........
Maréchaux-des-logis en chef. Maréchaux des-logis.........
Brigadiers..................
Cavaliers appointés..........
Cavaliers...................
Fraters................
Trompettes.................
iv. s. d. liv. s.
1 10 540 30
13 4 240 »
15 270 »
14 252 »
14 252 »
12 4 222 »
10 4 180 30
10 4 186 »
8 144 3»
7 126 »
7 126 »
5 6 99 ))
4 6 8 i »
4 6 81 »
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par an, pour 360 jours.
par jour.
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par an,
pour 365 jours.
liv. s 602 273 292 282 273 237 228 219 155 146 136 118 109 100 146 136 127 182 173 164 109 100 91
180 180 600 252 252 240 240
d.
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365 »
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12 2t9
LINGE et
chaussure.
liv. »
30 30 30 30 30 30 30 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18
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liv. 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 06 36 36 36 36 36 36 36 36 36
44
44
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44
44
124 124 50 50 50. 50 50 36 124 124 124 124 124 124 124
LITS MILITAIRES. BOIS èt LUMIÈRES. HOPITAL. FOURRAGES. TOTAL PAR AN par honiiftè.
liv. liv. liv. liv. liv. s. d.
12 9 15 » 677 5
12 9 15 » 432 15
12 9 15 » 451
12 9 15 » 441 17 6
12 9 15* » 432 15
12 9 15 » 396 5
12 9 15 » 387 2 6
12 9 15 » 378
6 9 15 296 2 6
6 9 15 » 287
6 9 15 » 277 17 6
6 9 15 » f 259 42 6
6 9 15 » 250 10
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6 9 15 » 277 i 6
6 9 15 9 26t 15
6 9 15 » 323 10
6 9 15 » 314 7 6
6 9 15 » 305 5
6 9 15 » 250 10
6 9 15 » 241 7 6
6 9 15 » 232 5
6 9 15 » 213 » »
6 9 15 » 240 p »
12 9 15 » $66 » 9
12 9 15 » 318 » «
6 9 15 » 312 » »
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12 9 15 » 489 8 4
6 9 15 380 2 6
6 9 15 » 380 2 6
6 9 15 » 437 18 4
6 9 15 » 325 7 6
6 9 15 » 325 7 6
6 9 15 » 401 8 4
6 9 15 » 288 17 6
6 9 15 7) 288 17 6
6 9 15 » 288 17 6
6 9 15 » 307 2 6
6 9 15 » 288 17 6
6 9 15 261 10
6 9 15 » 252 7 6
6 9 15 M 307 2 6
6 9 15 » 252 7 6
6 9 15 » 383 3 4
fi 9 15 » 346 13 4
6 9 15 » 310 3 4
12 9 15 270 1035 5
12 9 15 270 777 10
12 9 15 » 433 10
6 9 15 » 276 10
6 9 15 » 276 10
6 9 15 » 276 10
6 9 15 » 276 10
6 9 13 » 232 5
12 9 15 270 8»5
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6 9 15 270 629 12 6
6 9 15 270 620 10
6 9 15 270 693 10
6 9 15 270 730
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PRÊT. LINGE et CHAUSSURES. PAIN. TOTAL.
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1 4 2 6 2 10
1 4 2 6 2
5 4 2 6 6 »
» J» 2 6 8
Il y avait 2 sols de différence entre eux et les sergents de grenadiers; il a fallu ne laisser que le sol de grenade*
N'étaient payés que comme grenadiers ou fusiliers.
Il se trouvait déjà payé, suivant la proportion établie.
N'était payé que comme cavalier.
dragons, hussards, chasseurs.
Adjudants......................
Maître maréchal................
Maître sellier...................
Maître tailleur..................
Maître bottier..................
Maître armurier................
Maître culottier...........
Enfants du corps...............
.Maréchaux-des-logis en chef....
Maréchaux-des-logis............
Brigadiers......................
Dragons appointés..............
Dragons......................
Fraters.........................
Trompettes.....................
hussards.
d.
AVAIENT DE PRET,
par jour.
liv. s. d.
1 10
13 8
13 8
4 4 4 2
4 4 4 2
4 4 4 2
4 2
4 4 4 2
15
13 12
7 7 4
4 10 4 8
4 4 4 2
» » »
12
par an,
pour 360 jours.
AURONT DE PRET,
par jour.
liv. s. d.
1 13 14 14
15 12 8 g 5 9 1S
par an,
pour 365 jours.
liv. s. d.
602 S 254 10 254 10 7 7 7 7 5
282 17 228 2 146
109 10
100 100 100 100 91
100 173 219
LINGE et chaussure. 1 BOULANGERIE. GÉNÉRALE. \ EFFETS de campement.
liv. liv. liv. liv.
» » 116 3
36 54 116 3
36 54 44 3
30 54 U 3
30 54 44 3
30 54 44 3
30 51: 41 3
18 54 36 3
36 54 116 3
36 51 116 3
30 54 116 3
30 54 116 3
30 54 116 3
30 54 116 3
30 54 116 3
Chaque soldat, cavalier ou dragon, en les évaluant à 142,542 hommes, de tout grade, revient, l'un dans l'autre, à................
Dépense de solde et appointements des 152,429 hommes, tant officiers que soldats, évalués, l'un dans l'autre, à 444 liv. 18 s. 10 den.
Dépenses générale
Etapes, convois militaires, et rassemblements..................................................................................
Travaux de l'artillerie.......................................................................................................
Travaux du génie.............................................................................................................
Bâtiments militaires..........................................................................................................
Dépenses d'administration, de polices ou générales du département............................................................
Etats-majors des places......................................................................................................
Compagnies détachées et récompenses militaires...............................................................................
Maréchaussées..............................................................................................................
Total des fonds nécessaires au département,
LITS MILITAIRES. BOIS et LUMIÈRES. HOPITAL. FOURRAGES.
liv. liv. liv. liv
12 9 15 270
12 9 15 270
12 9 15 »
6 9 15 »
6 9 15 »
6 9 15 »
6 9 15 »
6 9 15 D
12 9 15 270
12 9 15 270
6 9 15 270
6 9 15 270
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6 9 15 270
6 9 15 270
TOTAL
PAR AN
par homme.
liv. s. d.
1027 5 769 10 427 10
261 7
261 7
261 7
261 7
232 5
797 17
743 2 649
612 10
603 676 722
AUGMENTATION PAR JOUR
RÊT.
S. d.
4 4 4 4 10 6 6 8 4 4
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LINGE et
CHAUSSURES.
PAIN.
TOTAL. |
s. d.
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6 1 6
6 1 4
6 2 »
6 2 x»
6 6 *
6 8
2 deniers de moins aux hussards. Idem. Idem.
2 deniers de moins aux hussards.
1 sol de moins aux hussards.
4 deniers de plus aux hussards.
2 deniers de moins aux hussards. Idem
Idem. N'étaient que comme dragons
341 liv. 8. s. 3 d.
67,822,013 liv. 6 S. 2. d.
ET ACCESSOIRES.
1,200,000 3,000,000 2,000,000 300,000 1,400,000 800,000 3,490,000 4,341,000
84,353,013 liv. 6 s. 2 d.
. Je demande l'impression du rapport. Je fais, en même temps, remarquer à l'Assemblée que, dans la situation politique de l'Ëurope, l'approche du printemps et la nécessité instante d'améliorer le sort de l'armée, doivent nous prescrire-je devoir de nous occuper incessamment des bases de la constitution militaire. Je demande l'ajournement des questions militaires au mercredi de la semaine prochaine.
appuie fortement cette motion.
. Je crois qu'on doit§'pççm)er sur-le-champ du sort des troupes, et je propose, en attendant une nouvelle organisation de l'armée, de décréter de suite une augmentation de paie à compter du 1er du présent mois.
Un membre fait remarquer qu'une aussi grosse question ne peut être traitée à la fin d'une séance.
consulte l'Assemblée, qui rend le décret suivant :
« L'Assemblée a décrété l'impression du rapport du comité militaire, l'envoi au domicile de chaque député, et le renvoi de la discussion, sur cet objet, au mercredi 27 de ce mois. »
Le maire de Paris et une députation de la commune demandent à être admis à la barre.
Ils sont introduits.
, maire, portant la parole dit :
« Messieurs, nous sommes chargés par les représentants de la commune de Paris de vous apporter l'arrêté qu'ils ont pris pour adhérer au décret de l'Assemblée nationale, qui fixe l'étendue du département de Paris. Je m'applaudis de vous offrir les hommages de la capitale du royaume, et des témoignages de soumission, de confiance et de respect qui gont aussi conformes à nos sentiments qu'à nos devoirs. »
« Assemblée des représentants de la commune de Paris.
Extrait du procès-verbal, du
Un des membres de l'assemblée ayant proposé de donner à l'Assemblée nationale une marque de la soumission qu'elle lui a jurée, et qu'elle a renouvelée dans 1 adresse qui contenait la demande sur l'étendue du département où devait se trouver la capitale ;
L'assemblée considérant que si, d'après le vœu des districts, elle a demandé aux représentants de la nation un département d'une plus grande étendue que celui que ces augustes législateurs ont décrété, le vœu des districts est aussi la soumission aux décrets de l'Assemblée nationale ;
Que la circonstance même du refus peut rendre d'un effet plus puissant l'exemple de cette soumission que donnerait la capitale ;
A arrêté que douze commissaires seraient nommés pour aller en députatioD auprès de l'Assemblée de la nation lui offrir le témoignage de sa soumission entière à son décret sur le département de Paris, et la prier en même temps de faire jouir la capitale de l'étendue de trois lieues de rayon désignée dans son décret.
Pour copie conforme à l'original. Signé, Vermeil, président; Mulot et Cellier, secrétaires.
répond :
« Messieurs, l'Assemblée nationale n'a jamais douté dé votre soumission à ses décrets, non plus que di| dévouement patriotique dont vous avez donné de si éclatants exemples. Le courage, le patriotisme et l'obéissance religieuse aux lois sont des qualités toujours unies, et .qui ont dû diriger la conduite d'une commune faite pour être le modèle de toutes les autres. »
indique l'ordre du jour de la réunion du soir et lève ensuite la séanpe.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture d'adresse de la ville de ûormans, en Champagne, qui, en adhérant à tous (es décrets de l'Assemblée, lui fait un don patriotique d'un contrat de 28 livres de rente, appartenant à la ville, et de vingt années d'arrérages.
Dans l'Alsace, le prévôt de la maréchaussée avait instruit des poursuites criminelles'contre quelques syndics qui avaient convoqué les municipalités pour s'occuper de leurs droits. Des gens malintentionnés répandent dans toute la province d'Alsace des écrits incendiaires, et les ennemis du bien public s'agitent en tous sens pour égarer l'opinion. Dans l'un de ces écrits, on invite le peuple à se joindre à la noblesse et au clergé, à reprendre leur appui, et enfin les trois ordres à se réunir pour le bien commun. Il est temps d'arrêter le cours de cette licence dangereuse, qui pourrait provoquer l'insurrection des peuples et troubler la tranquillité publique.
L'on ne peut imputer ces faits écrits à la noblesse ni au clergé, puisque ces deux anciens ordres exécutent les décrets de l'Assemblée.
Rien n'est moins exact que cette assertion. Je vous atteste, Messieurs, que dans toute l'Alsace, les seigneurs, tant ecclésiastiques que nobles, y exigent avec rigueur la prestation des servitudes personnelles que vous avez abolies par vos décrets, sauf indemnité. Us usent même de contrainte par corps contre les redevables. Je ne crains pas, en avançant ces faits, d'être regardé comme un calomniateur.
Après quelques discussions, la motion suivante, mise aux voix, a été adoptée:
» L'Assemblée nationale a décrété qu'il sera demandé un sursis au Roi de la procédure instruite par le tribunal de la maréchaussée de Strasbourg,contre Jean-Michel Sengel,syndicd'lllkirck, et consorts, et que copie entière de la procédure sera envoyée au comité des recherches. »
Un membre propose un projet de décret sur le refus qu'il dit être fait par les ci-devant privilégiés, de continuer leurs fonctions à la commission intermédiaire de Tréguier.
On demande l'ajournement de cette motion. L'ajournement est prononcé.
, organe du comité des rapports, rend compte d'une dénonciation faite par le corps municipal et électoral de Rouen, contre la vingt-cinquième compagnie de la garde nationale de cette ville.
Sur sa proposition le décret suivant est randu :
« L'Assemblée nationale a déclaré qu'il n'y a pas lieu à la dénonciation décrétée par le corps municipal et électoral de la ville de Rouen contre la vingt^cinquième compagniè de la garde nationale et citoyenne de Rouen ; au surplus, vu que l'Assemblée va très-incessamment s occuper de l'organisation définitive et générale des gardes nationales du royaume, elle ordonne que, jusqu'alors seulement, les choses demeureront en 1 état, relativement à celle de Rouen. »
Un membre du comité des finances fait un rapport sur le mode de remboursement de la finance des officiers municipaux de Cambrai.
demande le renvoi de cette affaire au comité de judieature.
demande l'ajournement et fait remarquer que les villes du Languedoc ont été contraintes d'acheter pour 8,000,000 de ces offices municipaux. Il faudrait dopç généraliser la loi, et rassemblée né peut décider brusquement une affaire d'une telle importance.
L'ajournement, mis aux voix, est prononcé.
, Vainé, député de Labour, rend compte de la délibération prise par la province assemblée le 23 novembre 1789, au sujet de la contribution patriotique dp quart du revenu, et des circonstances qui y ont donné lieu. Sur ce rapport, l'Assemblée nationale déclare qu'elle applaudit à cette délibération et aux sentiments patriotique? qui l'ont dictée; elle ordonne, en cônséquehcé, qu'elle sera imprimée dans le procès-verbal.
Suit la teneur de l'adresse ou pays de Labour.
« Extrait du registre du Bilcar, contenant les délibérations générales du pays de Labour,
Duditjour de mercredi dix-huitième du mois de novembre mil sept cent quatre-vingt-neuf, à Ustaritz, au parquet et auditoire royal du bailliage de Labour, les sieurs maire, abbés, éche-vins, conseillers de ville, jurats et députés des communautés dudit pays, assemblés en Bilcar, avec M. Pierre-Eustacne d'Hiriârt, syndic général, assistant MM. Jean de Hûay, écuyéri lieutenant-général, et Pierre Harriet, procureur du Roi.
« Ce requérant, ledit sieur syndic, le rôle des communautés du pays ayant été appelé par ie greffier-secrétaire soussigné, et les réponses dés communautés audit pays, aux proposition? dudit sieur syndic, rapportées par les sieurs maire, abbés, jurats et députés, lues par Jçdil greffier, et les voix colligées; le résultat a été prononcé par mondit sieur le lieutenant-général......
« Qu'il adhère avec tout le respept et Iei soumission qu'il doit à l'Assemblée nationale, à la contribution du quart du revenu qu'elle a décrétée, et promet de témoigner son zèle pour lç salut de IÉtàt, par tous les sacrifices que ses facultés lui permettront de faire, et déclare rejeter Ja conversion de cette contribution eq une somme fixe, proposée par la noblesse, par réga-lement sur toutes les classes. Signé, au régistre, J. de flody, lieutenant-général, Harriet, procureur du Roi/d'Hiriart, syndic; Duhart, d'Arias, Dola-baratz, d'Arreche, Dolhagaray, Larralde, Daguer-
resar, député; d'Ornal de Giny, J.-M. Mondutegny, échevin; Dunalde fils, député de Saint-Pé, ut d'Assance, greffier en chef, secrétaire du pays.
« Collationné par nous. Signé, d'Assanee, greffier en chef, secrétaire du pays. »
Le comité de vérification des pouvoirs est prêt à faire un rapport sur les pouvoirs d'un député élu par la principauté d'Arches et de. Charleville, qui demande à avoir une représentation directe à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée décide, que le rapport sera entendu.
, rapporteur. Laprincipauté d'Arches, et de Gharlevîllê, par une délibération solennelle du ,13 août dernier, a renoncé au privilège immémorial dont elle jouissait, de ne payer aueun impôt. Elle n'a point été comprise dans l'état de convocation annexé au règlement du 24 janvier -1788. Inutilement depuis cette époque a-trelle réclamé la justice d'une représentation auprès des ministres ; elle n'a pu l'obtenir; on a objecté que la principauté de Charleville relevait de Sainte-Ménehould pour les cas royaux, que les habitants ont été assignés à ce siège à la requête du procureur du Roi, et qu'ils ont négligé d'y comparaître. Mais ce refus de Charleville prenait sa source dans ie ressort du bailliage de SainterMénehould. Voici leurs preuves: Ils n'ont point été compris dans la liste des bailliages de Vitry et de Sainte-Ménehould, imprimée en 1509, à la suite de la coutume qui régit ces deux villes. Ils ne sont point soumis à la coutume de Vitry, mais seulement à celle de Paris, qu'ils ont adoptée, après que leur territoire a eu cessé de suivre le droit écrit. Charleville a formé jusqu'en 1708 une principauté particulière, possédée tantôt par la maison de Clèves, tantôt par celle de Bourgogne, tantôt paroelledeFlandre,enfin parcelle de fionzagues. Jusqu'à cette époque, la justioe y fut administrée par une cour supérieure séant à Charleville et jugeant en dernier ressort.
Louis XIV, à la mort du duc de Mantoue, s'empara de la souveraineté de Charleville, tandis que les faibles héritiers de ce prince se disputaient les débris de sa succession. Les lettres-patentes de 1719 prouvent assez que la loi du plus fort fut le meilleur titre d'un prince qui conquit quelquefois des villes et des principautés par des arrêts, comme par la force de ses armes.
En 1718, la cour supérieure de Charleville fut supprimée. Les héritiers du duc de Mantoue, aux droits desquels se trouve aujourd'hui la maison de Condé, turent autorisés à y établir un bailliage qui connaîtrait de toutes les affaires civiles et criminelles en première instance, etc., sauf l'appel au parlement de Paris.
Il résulte de ces faits authentiques que Charleville a toujours été indépendant du bailliage de Sainte-Ménehould ; si quelquefois ce dernier siège a exercé des actes de juridiction dans Charleville, c'est en vertu de commissions émanées du Roi ou d'arrêts du parlement. Le bailliage de Reims a été aussi chargé de semblables arrêts d'attribution pour des affaires de Charleville, et notamment les 10 septembre 1750 et 15 juillet 1765. . En exécution de ce second arrêt, le bailliage de Reims fit à Charleville une information de cornt modo et incommodo, pour l'établissement d'une école chrétienne. Le bailliage de Sainte-Ménehould a réclamé sa prétendue juridiction sur Charleville à différents intervalles, mais ces réclamations n'ont jamais été jugées.
Charleville est donc dans un état présumé d'indépendance qui conserve l'intégrité de ses droits. Cette ville n'a point cessé, depuis l'ouverture de l'Asfiemblée, de demander une représentation qui est bien due à une population de douze mille âmes; elle a nommé un député sans lettres de convocation. Elle n'a fait qu'user de son droit. C'est à vous de récompenser son patriotisme et d'admettre parmi vous son représentant.
Quelques membres s'opposent à l'admission.
appuie les conclusions du comité.
D'autres membres réclament l'ajournement.
prend le vœu de l'Assemblée, qui repousse l'ajournement.
, dont les pouvoirs ont été trouvés en règle, est ensuite admis comme député de la principauté d'Arches et de Charleville.
Je dois faire remarquer à l'Assemblée que, dans les séances du matin, nous perdons un temps infini à la lecture des adresses et à différents objets particuliers qui se traitent à l'ordre du jour de deux heures ; cependant la France attend que nous terminions promptement le travail de sa Constitution ; je propose donc que les adresses, les dons patriotiques et autres détails, qui embarrassent votre marche, soient renvoyés aux séances du soir.
observe que plusieurs décrets prescrivent déjà cette I disposition et qu'il est inutile d'en rendre un nouveau sur le même sujet.
dit qu'il surviendra des difficultés sur la formation des municipalités et des assemblées administratives; qu'il faut un comité qui donne ies éclaircissement qui seront demandés et il propose de désigner à cet effet le comité de Constitution,
fait craindre le danger d'investir le comité de Constitution d'une trop grande étendue de pouvoir. Suivant lui, c'est l'Assemblée seule qui doit donner les éclaircissements qui seront demandés.
demande que l'on s'occupe de la constitution des gardes nationales et que l'on passe ensuite à l'ordre judiciaire.
propose de renvoyer au pouvoir exécutif toutes les questions de l ordre de deux heures.
Cette motion n'est pas appuyée.
prend Je vœu de l'Assemblée, qui ordonne que les décrets sur l'ordre du travail des séances seront ponctuellement exécutés à l'avenir.
Il est ensuite décrété qu'il n'y aura plus d'ordre du jour de deux heures ; que les affaires particulières fixées, à cette heure, seront renvoyées aux séances du soir et que celles du malin seront employées à la Constitution et aux finances.
annonce à l'Assemblée la sanction de quelques décrets et l'envoi fait par
M. le garde-des sceaux de plusieurs lettres-patentes destinées aux archives.
On demande si le décret concernant le prévôt de Marseille est sanctionné.
J'observe que, nonobstant ce décret, le prévôt continue toujours avec rigueur ses procédures. Je demande avec instance le rapport de cette affaire, qui devait être fait par M. l'abbé Maury.
L'Assemblée ordonne que ce rapport sera fait jeudi soir, à l'entrée de la séance.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal.
Il s'élève quelques réclamations au sujet du décret relatif au département de Paris. Le procès-verbal est ensuite adopté.
annonce que l'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur rétablissement des départements et des districts. Il ajoute qu'il s'est transporté au comité de Constitution réuni pour la division du royaume et qu'il l'a prévenu de la délibération prise la veille pour hâter le travail de la Constitution.
craint quelles municipalités de nouvelle création ne soient embarrassées dans la rédaction des procès-verbaux d'élection et de constitution municipale; il propose, en conséquence, qu'un formulaire soit rédigé par l'Assemblée et envoyé dans les villes, bourgs et villages.
amende ainsi la proposition : sans que le défaut de ces formules puisse frapper de nullité les municipalités qui se sont constituées en conformité des décrets de l'Assemblée nationale.
dit que le formulaire proposé serait une complication et un rouage inutile.
représente que la surveillance sur l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale appartient au pouvoir exécutif : il conclut en disant qu'il n'y a lieu à délibérer sur la motion.
L'Assemblée, consultée, rejette la motion par la question préalable.
annonce qu'il vient de recevoir une adresse par laquelle on demande l'intervention de
l'Assemblée. Il expose que quatre particuliers du pays de la Passais en fias-Maine, sont en
danger d'être exécutés à mort, sous peu de jours, pour fait des émeutes du 13 juillet, par
une sentence du prévôt de Cbâteau-Gontier, d'après une instruction secrète, et en cela
contraire au vœu des nouvelles lois criminelles. Il demande que l'Assemblée porte un décret
pour surseoir à l'exécution des condamnés.
se borne, sur cette observation, à requérir que le président, de l'Assemblée soit autorisé à écrire au garde-des-sceaux pour obtenir un sursis.
Cette demande est accordée par l'Assemblée.
rappelle à l'Assemblée les ordres qu'elle lui avait donnés, pendant qu'il était président, d'écrire aux municipalités et communautés du royaume, où le recouvrement des impôts était en retard. Cette lettre a produit un bon effet. Il demande, au nom de M. le contrôleur général, qu'une semblable lettre soit imprimée et envoyée dans toutes les municipalités où les impôts ne sont pas payés avec exactitude. L'Assem-bléedécréte l'impression et l'envoi de la lettre rapr portée ci-après :
« L'Assemblée nationale, instruite, Messieurs, que plusieurs citoyens de.....refusent d'acquitter lés impôts dans la forme où ils se trouvent .aujourd'hui, a chargé son président de vous écrire que plusieurs de ses décrets ordonnent expressément de payer toutes les contributions actuellement existantes, jusqu'à l'époque où on les remplacera par des tributs moins onéreux.
« La raison, la justice et l'intérêt général le veulent,ain^i; et je suis biep, persuadé qu'il suffira d'éclairer les personnes qui ont opposé de la résistance. Je vous prie donc, Messieurs, de. leur dire, de la part de l'Assemblée nationale, qu'elle s'occupe des moyens de. substituer à la gabelle, et à tous les droits à charge au peuple, des impôts moins onéreux pour les contribuables:; que l'impatience serait ici criminelle ; qu'on ne pourrait en montrer sans être mauvais citoyen; que les représentants de la nation ont assez prouvé avec quel zèle ils s'occupent du soulagement du peuple; que leur patriotisme et leurs travaux méritent de la confiance et du respect, et qu'enfin il serait de leur devoir de faire maintenir avec rigueur les mesures qui doivent consommer le salut de la France. »
» Je suis, Messieurs, etc. »
, rapporteur du comité de Constitution, annonce que plusieurs villes du royaume rencontrent des difficultés dans Pexécution des décrets relatifs aux municipalités. Plusieurs communautés d'Alsace et de Lorraine, mi-partie des deux provinces, prétendent avoir chacune des officiers municipaux ; il est instant de prévoir les suites que ces prétentions pourraient avoir pour la paix publique; en conséquenoe, il présente un décret particulier pour l'Alsace et la Lorraine.
Plusieurs membres demandent que le décret soit rendu général à tout le royaume.
Cette proposition est adoptée et l'Assemblée décrète ce qui suit :
» Art 1er Les villes, villages, paroisses et communautés qui
sont jusqu'aujourd'hui mi-partie entre différentes provinces, se réuniront pour ne former
qu'une seule et môme municipalité, dont l'assemblée se tiendra dans le lieu où est situé le
clocher.
» Art II. Dans ces communautés mi-partie, la convocation se fera par les deux municipalités anciennes, chacune pour la partie qui la concernera, et l'assemblée générale sera présidée par celui des deux chefs municipaux qui sera le plus avancé en âge ».
demande que le faubourg de
Saint-Laurent-lès-Chalou fasse partie de la municipalité de la ville de Chalon-sur-Saône.
Cette proposition n'étant pas contestée par aucun membre le décret suivant est rendu :
« L'Assembée nationale décrète que le faubourg Saint-Laurent-lès-Chalon fera partie de la municipalité de la ville de Chalon-sur-Saône, provisoirement, et jusqu'à ce que la contestation qui existe soit terminée, après l'avis de l'administration du département. »
continue son rapport et propose le décret suivant qui est adopté par l'Assemblée nationale :
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité . de Constitution : 1° que le département de Dijon, dont cette ville est chef-lieu, est divisé en sept distritcs ; 2° que leurs chefs-lieux sont : Saint-Jean-de-liOsne, Châtillon-sur-Seine, Semur en Auxois, Is-sur-Til, Dijon, Arnay-le-Duc et Beaune, sauf à placer à Auxonne le tribunal du district,
fait ensuite un rapport sur la réclamation de Saint-Omer contre les deux départements convenus entre les députés de la Flandre maritime, de la Flandre Wallone, du Hainaut, du Cam-brèsis, de l'Artois, du Boulonnais, du Calaisis, de l'Ardrésis et de la prévôté de Montreuil.
L'intention dé l'Assemblée, dit-il, est de placer sur la surface du royaume les administrateurs et les administrés, de manière que la correspondance soit entre eux la plus prompte et la plus commode. Cette situation bienfaisante est contrariée par les prétentions de quelques villes.
Le plan, proposé par Saint-Omer, est plus régulier à l'œil et plus conforme à^esprit des décrets; mais il est sans inconvénient de laisser subsister une ancienne division, quand elle convient mieux aux peuples et qu'elle ne dérange pas l'ordre général. La centralité du chef-lieu de département n'est pas tellement importante à la Constitution, ni si essentielle au bonheur des administrés, que l'on ne puisse préférer à cet avantage celui 'de satisfaire les peuples.
, député de Saint-Omer, propose une autre division. Il s'appuie sur les convenances des lieux, la proximité des administrés, l'irrégularité des départements proposés par le comité de Constitution, dont l'un s'étend à45 lieues sur une largeur d'une ou deux lieues et de 8 lieues tout au plus; ces combinaisons ont été imaginées pour faire des Chefs-lieux d'Arras et de Lille, tandis que le chef-lieu naturel est Saint-Omer. Il propose le décret suivant :
L'Assemblée nationale décrète que, provisoirement, les deux Flandres composeront un département ; le Hainaut et le Cambrésis un autre, sinon l'adoption du projet de Saint-Omer.
Ce projet de décret, appuyé par quelques membres des provinces du Hainaut et du Bas-Artois, M. Perdry et M. d'Aoust est combattu par MM. Briois de Beaumetz et d'Ëstourmel.
parle dans le même sens et réclame avec force pour que le département des deux-Flandres, du Hainaut et du Cambrésis reste définitivement fixé entre ces provinces.
, député de la Flandre maritime, observe que le plan proposé par la ville de Saint Omer, que M. le marquis d'Aoust propose de faire
examiner par les députés des provinces de la Belgique, a déjà été examiné et rejeté par eux ; que l'acte qu'ont signé tous les députés des deux Flandres, du Hawaut, du Cambrésis, pour avoir le département tel qu'il est adopté par le comité de Constitution le prouve jusqu'à l'évideuce.
La discussion ayant, ét$ fermée, la motion qui a pour but de changer la décision du comité, est rejetée par la question préalable.
Ensuite, prenant les voix sur la division pro-poséê par te comité, l'Assemblée rend le dé-çyet suivant :
« L'Assemblée nàtiçnale décrété, d'après l'avis du comité dè Constitution, que la division en deux départements, convenue par lés députés respectifs des deux Flandres, du Iîainaut et du Cambrésis, d'une part; et de l'autre, que celle arrêtée par les députés dé l'Artois, du Bpulbnfiajs, du Calaisis, dé FArdrésis et (Je la prévôté de Mon-treuil,'subsisteront. «
interrompt l'ordre du jour, pour lire une lettre de M. le maire de Paris, dont la teneur suit :
« Monsieur le Président,
« Je vous supplie de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale uhe œuvre de charité, pour laquelle je me recommande à sa bienfaisance. La misère est extrême à Paris ; le travail manque, et une infinité d'honnêtes ouvriers sont réduits au désespoir. Ces maux sont connus de l'Assemblée. Le Roi a fait ouvrir des ateliers de Charité, et sa bonté y consacre chaque jour une somme considérable, et cependant les malheureux ne sont pas encore soulagés. Un particulier a proposé que les personnes charitables et aisées donnassent, pendant les mois de l'hiver, une petite somme proportionnée à leurs facultés. 11 a demandé que les fonds me fussent remis, et j'ai chargé M. Dufour, l'un de mes. secrétaires, de les recevoir- Je me propose de les employer à faire travailler, afin de soulager l'indigenee, sans favoriser la paresse; et eomme les hommes ont des ateliers de charité, j'ai dessein d'appliquer ces bienfaits principalement aux femmes qui n'ont pas encore été secourues. Je les ferai employer aux filatures. Je prends donc, le président,, la liberté de recommander mes pauvres,à la charité de MM. les députés ; ils seront touchés de ces maux, et comme hommes d'Etat, et comme hommes sensibles * leurs décisions sont des lois; leurs bienfaits seront des exemples, et les pauvres de la capitale devront la vie à ceu^ à qui ils doivent déjà et leur liberté présente et leur bonheur futur .
« Je suis avec respect,
« M. lé Président,
« Votre très humble, etc.
« Signé : B^JlfcY. »
L'Assemblée est vivement touchée de la misère qui règne dans la capitale, et des sentiments de commisération qui sont exprimés dans la lettre ; chàçun de ses membres est disposé aux plus grands efforts pour seconder les vues bienfaisantes que M- le maire propose d'adopter.
poursuit son rapport et passe au département du Méconnais, Châlonnais et Cha-rolais.
Il dit que la question était de savoir où l'on fixerait le chef-lieu de département. Trois villes
s'étaient mises sur les rangs, Màcon, Chalon et Autun.Les prétentions de cette dernière, appuyées seulement sur son antique grandeur, n'ont point paru fondées au comité de Constitution ; mais celles des deux premières se balançaient à peu près, soit qu'on les considérât du côté de la population, de la contribution et de la proximité des administrés.
Mâcon a représenté qu'elle est dans la possession immémoriale d'être le centre de tous les pouvoirs civils et politiques et le siège de l'administration du Màcon nais.
Chalon soutient que la jouissance d'un privilège n'est pas un droit, qu'elle est plus à proximité de la majorité des administrés que Mâcon ; qu'elle ne le cède point à sa rivale ni en population ni en contribution.
Après un examen minutieux le comité propose que le département dont Mâcon doit être le chef-lieu, soit divisé en sept districts, en laissant l'espoir à la ville de Marcigny d'être chef-lieu du tribunal du district, au cas où les électeurs jugeraient que le chef-lieu y serait mieux placé qu à Semur; en outre, que la ville 4e Tour-nus serait annexée au district de Màcon.
Plusieurs réclamations s'élèvent.
, député de Louhans, demande que l'on trace une ligne de séparation entre Chalon et Louhàns ; cette proposition a été appuyée par plusieurs membres de l'Assemblée , et discutée contradictoirement ; il est remis sur le bureau un amendement ainsi qu'il suit :
« On demande qu'il soit tracé une ligne dé séparation entre les villes de Louhans et Chalon, à égale distance de l'une et de l'autre, qui servira aux limites de leurs districts. »
Plusieurs membres de l'Assemblée demandant qu'on aille aux voix, on pose la question de savoir si l'on continuerait la discussion.
L'Assemblée délibère que n'étant pas suffisamment instruite, la discussion doit conti-nuer
ne voulant pas admettre les dispositions particulières énoncées par le comité» a proposé pour amendement:
« Que Semur sera provisoirement, et sauf le juge-mentdes électeurs, le chef-lieu du département du Màconnais ; que le chef-lieu du district du Brion-nais, sera à Marcigny, et le tribunal à Semur où il a été de tout temps ; et dans le cas où les élec-eurs jugeraient le contraire, le district retournera à Semur et le tribunal à Marcigny, ainsi que le comité l'a décidé. »
, s'opposantà ce que l'assemblée du département soit fixée invariablement à Mâcon, demande que l'avis du comité ne soit admis que provisoirement, et a remis sur le bureau l'amendement suivant ;
& Que les électeurs du département, après avoir choisi/ les membres de la première assemblée, laquelle se tiendra à Mâcon, se retireront dans l'un des districts autre que Mâcon et Chalon, pour déterminer dans quelle ville du département le chef-lieu sera établi à l'avenir.
voulant conserver,pour la ville de Tournus, la liberté de choisir le district dont elle ferait partie, demande d'attendre que le vœu de cette ville soit connu, avant de prendre un parti à son égard.
L'Assemblée, fermant la discussion, a demandé qu'on prenne les voix sur les diverses propositions.
met aux voix l'amendement qui porte que la première assemblée du département se tiendra à Mâcon, sans rien préjuger pour les assemblées, suivantes.
L'Assemblée adopte l'amendement dans les termes qui ont été précédemment énoncés.
La question préalable est demandée sur les autres amendements.
Plusieurs membres appuient cette question préalable.
D'autres annoncent que les amendements changent le projet de décret proposé par le comité ; on attribue la priorité au décret proposé par le comité.
Le décret du comité étant été mis aux voix avec le premier amendement relatif à la ville de Mâcon, l'Assemblée décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de Constitution que le département du Mâconnais est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Mâcon, Chalon, Louhans, Autun, Bourbon-Lancy, Charolles, et provisoirement Semur en Brionuais, sauf, en faveur de Mar-cigny, d'être le chef-lieu du tribunal du district, à moins que les électeurs ne jugent que le district y serait mieux placé qu'à Semur; auquel cas cette dernière ville conservera son tribunal ; que la ville de Tournus sera annexée au district de Mâcon, et que la première assemblée du département aura provisoirementl ieu à Mâcon ; qu après la première session, les électeurs se retireront dans le chef-lieu de l'un des districts autre que Mâcon et Chalon pour déterminer dans quelle ville du département le chef-lieu sera définitivement fixé. »
, rappelant que la demande de la ville de tournus n a pas été jugée, la proposition de lui laisser le aroit de se réunir au district qui lui conviendrait, est mise aux voix; l'Assemblée la rejette.
lit une lettre adressée au comité de Constitution, par la municipalité de Saint-Quentin, concue en ces termes :
« Messieurs, nous avons reçu avec la plus grande satisfaction la lettre que vous nous avez fait l'honneur, de nous écrire le 13 de ce mois, par laquelle vous avez bien voulu nous mander que l'avis de plusieurs des membres du comité de Constitution était qu'à Saint-Quentin on regardât comme impôt direct la contribution pour la garde soldée. Nous nous sommes empressés de rendre votre lettre publique, par la lecture que nous en avons faite à 1 issue de l'audience de police de samedi dernier. Le peuple y a répondu par des applaudissements, parce qu'elle lui faisait connaître qu'on avait un nouveau droit pour concourir à la formation de la municipalité.
«Cette nouvelle satisfaisante ne tarda pas à être rendue au parti qui existe ici, contraire à celui de la commune, et composé de personnes ci-devant privilégiées, qui tiennent à l'ancien régime et se plaignent hautement que l'impôt de la garde soit actuellement proportionné aux facultés des citoyens. Il ont eu la cruauté ;de dire publiquement qu'ils n'auraient aucun égard à l'avis de plusieurs des membres du comité de
Constitution ; qu'une lettre n'était pas un décret, et qu'ils s'en moquaient. Nous croyons qu'il est de la délicatesse de ne pas vous rendre exactement les propos que votre lettre leur a occasionnés.
« Le moment delà formation de notre municipalité approche; le jour en est fixé à lundi prochain. Nous n'osons pas nous flatter que nous triompherons des difficultés que l'on élèvera, si nos armes se bornent à la lettre que vous nous avez écrite. Il dépend de vos bontés de lés rendre, pour nos adversaires, plus à craindre qu'elles ne le sont, et notre reconnaissance n'aura pas de bornes. Vous sauverez, d'ailleurs, à la ville.de Saint-Quentin une révolution qui arriverait infailliblement, si, au moment de l'élection, on soutient au peuple qu'il doit renoncer à vouloir profiter de votre lettre.
« Pardonnez à nos importunités, et daignez agréer nos sincères remerciements des peines que nous vous avons déjà causées.
« Nous sommes, avec le plus profond respect,
« Messieurs,
« Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
« Les président, vice-président et membres du comité municipal de Saint-Quentin. Signée Cam-bronhe, Huet„Margerin, Possel père; le Caisne le jeune; Jorand, Blondel, Dilly, Vielle, Duplessis, le Roi, Cambronne, Adam, C. ûelafosse, Boulanger fils. »
L'Assemblée prend le décret suivant :
« Sur la question proposée par le comité municipal de Saint-Quentin, l'Assemblée nationale décrète que provisoirement la contribution de la garde soldée, usitée dans cette ville, doit être regardée comme un impôt direct, relativement à une des conditions exigées pour remplir les fonctions de citoyen actif, ou pour être admis aux municipalités ou assemblées administratives. «
Le comité de Constitution est prêt à faire un rapport sur la presse. Je donne la parole à M. l'abbé Sieyès, rapporteur.
lit un rapport sur un projet de loi contre lés délits qui peuvent se commettre par la voie de l'impression et par la publication des écrits et des gravures (1).
Messieurs, le public s'exprime mal lorsqu'il demande une loi pour accorder ou autoriser la liberté de la presse. Ce n'est pas en vertu d'une loi que les citoyens pensent, parlent, écrivent et publient leurs pensées : c'est en vertu de leurs droits naturels ; droits que les hommes ont apportés dans l'association ( et pour le maintien desquels ils ont établi la loi elle-même et tous les moyens publics qui la servent.
L'imprimerie n'a pu naître que dans l'état social, il est vrai ; mais si l'état social, en
facili-tantà l'homme l'invention des instruments utiles, étend l'usage de sa liberté, ce
n'est pas que tel ou tel usage puisse jamais être regardé comme un don de la loi. La loi
n'est pas un maître qui accorderait gratuitement ses Bienfaits ; d'elle-même, la liberté
embrasse tout ce qui n'est pas à autrui; la loi n'est là que pour l'empêcher de s'égarer :
elle est seulement une institution protectrice, formée par cette même liber te antérieure à
tout, et pour laquelle tout existe dans l'ordre social.
La liberté dé la presse, comme toutes les libertés, doit donc avoir ses bornes légales. Munis de ce principe, nous sommes entrés avec courage dans le travail auquel vous nousavez ordonné de nous livrer.
Nous avons dû commencer d'abord par examiner en quoi les écrits imprimés pouvaient blesser les droits d'autrui.
Nous avons dû spécifier ces cas, leur imprimer la qualité de délit légal, et à chacun d'eux appliquer sa peine.
Ensuite nous avons dû rechercher et indiquer les personnes qui doivent être responsables des délits de la presse.
Enfin, après avoir caractérisé les délits, réglé les peines et atteint les accusés, nous avons déterminé l'instruction et le jugement par lesquels ils doivent être condamnés ou absous.
Telleestla marche que nous avons adoptée dans le projet de loi que nous vous offrons en ce moment. Son vrai nom est projet de loi contre les délits qui peuvent se commettre par la voie de l'impression et par la publication des écrits, des gravures, etc.
Beaucoup de personnes pensent que c'est en balançant les avantages et les inconvénients de la liberté de la presse qu'on doit tracer la juste ligne de démarcation entre ce qui peut être défendu en ce genre, et ce qui ne doit pas l'être. Ces personnes se trompent; le véritable rôle d'un législateur n'est pas de négocier comme un conciliateur habile ; le législateur, toujours placé devant les principes, au lieu d'écouter une politique d'adresse, doit être sévère et immuable comme la justice ; ainsi il ne s'occupera pas à comparer le bien et le mal, pour compenser l'un par l'autre, dans une loi de pure considération. Si on lui demande, non de favoriser, mais de limiter l'exercice d'une liberté quelconque, il saura que le mal seul est de son ressort ; que, n'y eût-il même aucun avantage public résultant de cette liberté, il suffit qu'elle n'ait rien de nuisible pour qu'il doive la respecter ; et qu'en ce genre, en un mot, l'indifférent est sacré pour lui comme l'utile.
Au surplus, en rappelant ici la rigueur des principes, nous devons remarquer que nous avons plutôt obéi à une considération de circonstances, qu'à un besoin réel d'invoquer au secours de notre sujet des forces dont il peut facilement se passer; car vous ne regardez sans doute pas, Messieurs, l'usage de la presse comme une chose indifférente : qui pourra, au contraire, calculer tous les avantages dont nous lui sommes redevables ? et quel législateur, quel que soit l'esprit qui le conduise, oserait, à cette vue, vouloir suspendre ou gêner l'action d'une cause aussi puissamment utile, à moins de la plus absolue nécessité, celle de faire justice à tout le monde ?
Yoyez les effets de l'imprimerie dans ses rapports avec le simple citoyen ; elle a su fertiliser son travail, son industrie, multiplier ses richesses, faciliter et embellir ses échanges, ses consommations, ses relations de société, améliorer de plus en plus ses facultés intellectuelles et physiques,
l'aider dans tous ses projets, s'allier à toutes ses actions, à toutes ses pensées, servir enfin l'homme même le plus isolé, en lui révélant dans sa solitude, mille et mille moyens de jouissance et de bonheur.
Dans ses rapports politiques, la même cause se change en une source féconde de prospérité nationale ; elle devient la sentinelle et !a véritable sauve-garde de la liberté publique. C'est bien la faute des gouvernements, s'ils n'ont pas su, s'ils n'ont pas voulu en tirer tout le fruit qu'elle leur promettait. Voulez-vous réformer des abus? elle vous préparera les voies, elle balayera pour ainsi dire, devant vous, celte multitude d'obstacles que. l'ignorance, l'intérêt personnel et la mauvaise foi s'efforceront d'élever sur votre route. Au flambeau de l'opinion publique, tous les ennemis de la nation et de l'égalité, qui doivent l'être aussi des lumières, se hâtent de retirer leurs honteux desseins. Avez-vous besoin d'une bonne institution ? laissez la presse vous servir de précurseur, laissez les écrits des citoyens éclairés disposer les esprits à sentir le besoin du bien que vous voulez leur faire: et qu'on y fasse attention, c'est ainsi qu'on prépare les bonnes lois ; c'est ainsi qu'elles produisent tout leur effet, et que l'on épargne aux hommes, qui, hélas! n'en jouissent jamais trop tôt, le long apprentissage des siècles.
L'imprimerie a changé le sort de l'Europe ; elle changera la face du monde. Je la considère comme une nouvelle faculté, ajoutée aux plus belles facultés de l'homme ; par elle, la liberté cesse d'être resserrée dans de petites agrégations républicaines ; elle se répand sur les royaumes, sur les empires. L'imprimerie est, pour 1 immensité de l'espace, ce qu'était la voix de l'orateur sur la place publique d'Athènes et de Borne ; par elle, la pensée de l'homme de génie se porte à la fois dans tous les lieux, elle frappe, pour ainsi dire, l'oreille de l'espèce humaine entière. Partout le désir secret de la liberté, qui jamais ne s'éteint entièrement dans le cœur de l'homme, la recueille, cette pensée, avec amour, et l'embrasse quelquefois avec fureur ; elle se mêle, elle se confond dans tous ses sentiments ; et que ne peut pas un tel mobile agissant, à la fois, sur des millions d'âmes ?
Les philosophes et les publicistes se sont trop hâtés de nous décourager, en prononçant que la liberté ne pouvait appartenir qu'à de petits peuples. Ils n'ont su lire l'avenir que dans le passé; et lorsqu'une nouvelle cause de perfectibilité, jetée sur la terre, leur présageait des changements prodigieux parmi les hommes, ce n'est jamais que dans ce qui a été qu'ils ontvouiu regarder ce qui pouvait être, ce qui devait être. Elevons-nous à de plus hautes espérances, sachons que le territoire le plus vaste, que la plus nombreuse population, que tout se prête à la liberté; pourquoi, en effet, un instrument qui saura mettre le genre humain en communauté d'opinions, l'émouvoir et l'animer d'un même sentiment, l'unir du lien d'une con stitution vraiment sociale, ne serait-il pas appelé à agrandir indéfiniment le domaine de la liberté, et à prêter un jour à la nature même des moyens plus sûrs pour remplir son véritable dessein, car sans doute, la nature entend que tous les hommes soient également libres et heureux ?
Vous ne réduirez donc pas. Messieurs, les moyens de communication entre les hommes; l'instruction et les vérités nouvelles ressemblent à tous les genres de produit,elles sont dues au travail; or, on sait que, dans toute espèce de travail, c'est la liberté de faire, et la facilité du débit qui soutien-
nent, excite,;t et multiplient la production : ainsi, gêner mal à propos la liberté de la presse, ce serait attaquer le fruit du génie jusque dans son germe, ce serait anéantir une partie des lumières qui doivent faire la gloire et les richesses de votre postérité.
Combien il serait plus naturel, au contraire, surtout lorsqu'on montre avec raison, beaucoup d'in-térét aux progrès du commerce, de favoriser de toutes ses forces celui qui vous importe le plus, le commerce de la pensée ! Mais il ne s'agit pas en ce moment d'une loi pour encourager l'usage utile, mais d'une loi pour réprimer les abus de la presse.
Votre comité aurait désiré vous présenter, dans un développement préliminaire, l'esprit des principales parties de celle qu'il vous propose, et les motifs mêmes particuliers qui ont dirigé la rédaction de la plupart des articles; le temps nous a manqué, et même cette entreprise nous eût engagé dans un ouvrage trop volumineux.Vous connaissez déjà le plan général et-la marche de notre travail ; quant aux détails, la discussion les fera ressortir et les expliquera beaucoup mieux que nous n'aurions pu faire d'avance.
Nous nous contentons ici de vous prévenir, Messieurs, que nous n'avons pas entendu faire une loi pour un autre ordre de choses que celui qui existe maintenant; car c'est pour le moment que vous la demandez. Cet état présent des choses n'est ni l'ancien, ni le nouveau; c'est-à-dire que votre nouvelle Constitution a déjà nécessairement amené des réformes partielles dans votre législation ; et que, d'autre part, il est impossible que cette législation ne reçoive bientôt dans presque toutes ses parties, et surtout dans son ensemble, des changements et des améliorations très considérables : cette double considération a dû nous frapper et nous guider. Nous avons cru en conséquence devoir mettre, pour premier article, que la présente loi n'aura d'effet que pendant deux ans ; à cette époque, il sera bien aisé au Corps législatif d'en décréter une plus longue durée, si le nouveau Gode n'est pas encore achevé ou promulgué; mais si les Français ont reçu le grand bienfait d'une législation uniforme et simple, et d'une procédure prompte et précise, il est évident que votre loi particulière sur la presse ne doit pas rester en arrière, qu'elle doit profi ter,comme toutes les autres, de ces progrès de l'art social.
Quant à présent, nous nous sommes permis tout ce que les changements déjà opérés parmi nous pouvaient nous permettre de tenter. Ainsi, par exemple, nous avons introduit dans notre loi, un commencement de procédure et de jugement par jurés; cette institution est le véritable garant de la liberté individuelle et publique contre le despotisme du plus redoutable des pouvoirs. Il sera essentiel d'employer tôt ou tard le ministère des jurés pour la décision de tous les faits, en matière judiciaire : cette vérité vous est déjà familière, vous craignez seulement que son exécution ne soit prématurée en ce moment; mais cette inquiétude ne peut vous arrêter, lorsqu'il s'agit des délits de la presse, c'est-à-dire de cette partie de l'ordre judiciaire qui se prête le plus aisément à l'institution des jurés, et qui échappe à tous les inconvénients qui pourraient en résulter en toute autre matière. En effet, nous vous prions d'observer d abord que ce n'est guère que dans les principales villes du royaume que sont les imprimeries, et où se fait le commerce des livres, et que par conséquent il ne sera pas difficile d'y trouver des jurés instruits et propres à bien décider du fait des
délits de la presse. En second lieu, il s'agit ici d'une loi qui ne peut guère intéresser que la plus petite partie du peuple, c'est-à-dire cette classe de citoyens que leurs lumières accoutumeront bientôt à' un changement dont ils sentent et reconnaissent déjà l'utilité. Enfin, nous vous prions de considérer que la plupart des délits de la presse sont, de leur nature, de vrais délits de police, qu'ils s'accommodent fort bien de l'instruction sommaire, et vous ne serez point étonnés, d'une part, que nous les fassions juger définitivement au premier tribunal; et de l'autre, que nous en écartions la procédure par écrit, du moins à dater de l'époque où l'instruction pourra être publique et où les jurés seront appelés.
Si toutes ces raisons ne suffisaient pas pour enrichir,dèsaujourd'hui, cette partie de notre procédure, de la belle institution des jurés, il est fort à craindre qu'il ne fallût y renoncer pour toujours, et en la perdant, nous ne pouvons trop le répéter, il faudrait renoncer aussi à nous précautionner jamais contre l'arbitraire du pouvoir judiciaire.
La décision du fait par un jury est aussi la meilleure réponse que nous puissions faire à ceux | qui trouveraient qu'il reste encore du vague dans quelques-uns des premiers articles. La loi que nous vous proposons n'est pas parfaite, elle n'est pas même aussi bonne qu'il sera facile de la faire dans deux ans; vous en savez la raison : il a fallu la lier à l'ordre actuel des choses ; en même temps nous cacherions mal à propos la moitié de notre pensée, en ne disant point que, même dans son état d'imperfection, cette loi nous parait encore en ce genre, le meilleure qui existe en aucun pays du monde.
donne lecture du projet de loi.
PROJET DE LOI.
Art. ler. La présente loi n'aura d'effet que pendant deux ans,
à compter du jour de sa promulgation.
TITRE PREMIER.
Des délits et des peines.
Art. 2. Si un ouvrage excite les citoyens à s'opposer par la force à l'exécution des lois, à exercer des violences, à prendre pour le redressement de leurs griefs fondés ou non fondés, d'autres moyens que ceux qui sont conformes à la loi, les personnes responsables de cet ouvrage seront punies comme coupables de sédition.
Art. 3. Si un écrit imprimé, publié dans l'espace de huit jours avant une sédition ou une émeute accompagnée de violences, se trouve, même sans exciter directement les citoyens à ces crimes, renfermer des allégations fausses ou des faits controuvés propres à les inspirer, ceux qui sont responsables de cet écrit pourront être poursuivis et punis comme séditieux, s'il est prouvé que ces allégations ou ces faits controuvés ont contribué à porter les citoyens à cette sédition ou à ces violences.
Art. 4. Si un ouvrage imprimé renferme des imputations injurieuses à la personne du Roi, déclarée inviolable et sacrée par la loi constitutionnelle de l'Etat, ceux qui sont responsables de cet ouvrage encourront b-s peines graduelles portées par les lois contre les calomnies1 faites dans des actes juridiques. »
Art. 5. Si un ouvrage imprimé paraît aux juges du fait dont il sera parlé ci-après, avoir été évidemment écrit dans l'intention de blesser les bonnes mœurs, celui ou ceux qui en sont responsables seront dénoncés et poursuivis par le procureur du Roi, et punis, soit par la privation du droit de cité pendant une intervalle plus ou moins long, qui ne passera pas quatre ans, soit par une amende égale à la valeur de la moitié de leurs reve- " nus, gages ou salaires, soit aussi par la détention dans
une maisctn de correction légalement établie, pendant un terme qui ne pourra excéder deux années.
Art. 6. Si un ouvrage invite directement les citoyens à commettre un crime, ou si, ayant été publié huit jours avant que le crime soit commis, il est jugé avoir excité à le commettre, ceux qui sont responsables de cet ouvrage pourront être poursuivis et punis comme complices de ce crime.
Art. 7. Toute imputation imprimée d'une action mise par la loi au nombre des délits et punie d'une peine quelconque, sera traitée comme dénonciation juridique, si ce délit est de telle nature que les personnes qui l'imputent eussent été admises à faire cette dénonciation ; et ceux qui seront responsables de l'ouvrage qui renferme cette imputation, seront punis, si l'accusation n'est pas prouvée, comme auteurs d'une dénonciation fausse et téméraire, et comme calomniateurs, si l'accusation est prouvée calomnieuse.
Art. 8. Si une imputation renfermée dans un ouvrage imprimé, quoique relative à des actions mises par la loi au nombre des délits, est néanmoins de telle nature que les personnes qui la font n'eussent pas été admises à dénoncer ces actions, ceux qui sont responsables de l'ouvrage ne seront point admis à la preuve des faits imputés, ni à la preuve des faits tendant à justifier l'imputation,et ils seront punis par des dommages et intérêts qui ne pourront excéder la moitié d'une année de leurs revenus, gages ou salaires, une fois payés ; en outre, ils pourront être condamnés à une privation du droit de cité, qui ne pourra excéder le terme de deux ans, et même à être détenus dans une maison de correction légalement établie, pendant un intervalle qui ne pourra excéder une année.
Art. 9. Quoiqu'une imputation imprimée ne porte pas sur une action mise par la loi au nombre des délits, si d'ailleurs elle est regardée comme déshonorante, ceux qui sont responsables de l'ouvrage qui renferme cette imputation, seront traités comme dans l'article précédent, tant pour la non-admission à la preuve, que pour les peines qui y sont portées.
Art. 10. Pourront néanmoins les personnes qui croiraient leur honneur compromis par les imputations mentionnées dans les deux articles précédents, demander que leurs auteurs soient tenus d'en faire preuve. Lorsque cette demande leur sera accordée, ceux qui sont responsables de l'ouvrage seront déchargés de l'accusation, si la preuve est jugée acquise ; si au contraire la preuve n'est pas acquise, ils seront punis suivant les articles 8 et 9 dans les cas mentionnés auxdits articles ; mais la peine sera aggravée, c'est-à-dire la privation du droit de cité pourra être portée jusqu'à quatre ans, et la peine de détention jusqu'à deux ans.
Art. 11. Les mêmes lois seront exécutées à l'égard des imputations contre les personnes chargées de fonctions publiques, si elles ont pour objet leur personne individuelle, ou des prévarications personnelles dans l'exercice de ces fonctions. Mais, si ces imputations ne sont relatives qu'à leurs opérations publiques, ou à leurs principes politiques, elles pourront être traitées que comme dans l'article suivant.
Art. 12. Les accusations imprimées, qui auront pour objet des abus ou des usurpations de pouvoir, des atteintes à la liberté, des machinations contre l'Etat, en un mol, des délits quelconques à l'égard de la nation ou d'une portion de la nation, si elles sont portées contre d»s personnes chargées de fonctions publiques, ne donneront lieu à aucune punition, mais seulement les juges pourront, si les accusations ne sont pas prouvées, les déclarer ou fausses, ou téméraires, ou calomnieuses.
Art. 13. Les mêmes lois s'appliqueront à la publication des gravures diffamatoires,, ou séditieuses. Elles s'appliqueront aussi à la publication par la voie du théâtre, c'est-à-dire aux représentations théâtrales, lors même que les pièces qu'on joue ue seraient pas imprimées.
Art. 14. Le progrès des lumières, et par conséquent futilité publique se réunissent aux idees de justice distributive, pour exiger que la propriété d'un ouvrage soit assurée à l'auteur par la loi. En conséquence, toute
personne, convaincue d'avoir imprimé un livre pendant la vie d'un auteur, ou moins de dix ans après sa mort, sans son consentement exprès et par écrit, ou celui de ses ayants cause, sera déclaré contrefacteur ; et comme tel, il sera condamné à des dommages et intérêts, qui n'excéderont pas la valeur de mille exemplaires de l'ouvrage contrefait : de plus les exemplaires contrefaits qui pourront être saisis, seront remis à l'auteur, et payés à ceux qui les auraient acquis de bonne foi, aux dépens de celui qui sera jugé responsable de l'édition furtive ; enfin, les presses même du contrefacteur pourront être confisquées et vendues au profit du bureau des pauvres.
Art. 15. L'article précédent ne s'étend pas aux éditions faites en France des ouvrages imprimés originairement en pays étrangers. Quant aux éditions étrangères des ouvrages originairement imprimés en France, et dont l'auteur ou ses ayants cause conservent encore la propriété, elles seront traitées comme contrefaçons, et ceux qui les vendront, comme contrefacteurs, conformément à l'article 14.
Art. 16. Seront néanmoins exceptés de cette loi, pendant deux ans, les libraires qui ont en ce moment en leurs magasins des éditions anciennes furtives ou étrangères d'ouvrages dont les auteurs doivent être regardés comme propriétaires en France, pourvu que ces libraires fassent dans l'espace de quinze jours, leur déclaration à la police de leur municipalité, de la quantité d'exemplaires contrefaits ou d'édition étrangère qu'ils ont encore à vendre, et qu'ils se soumettent à payer à l'auteur une rétribution proportionnée au nombre et à la valeur de ces exemplaires, et déterminée par la municipalité.
Art. 17. Dans le cas où il serait prouvé que la contrefaçon a été faite par l'infidélité, soit de l'imprimeur chargé de la première impression, soit de quelques autres agents de confiance, cet imprimeur et ces agents seront punis comme dans l'article précédent, et en outre par des dommages et intérêts qui n'excéderont pas une demi-année de leurs revenus, gages ou salaires.
Art. 18. Les pièces de théâtre, soit imprimées, soit manuscrites, ne pourront être jouées sur aucun théâtre public, pendant la vie de l'auteur, ou moins de cinq ans après sa mort, sans son consentement exprès et par écrit, ou celui de ses ayants cause. Chaque infraction à la présente loi sera punie par des dommages et intérêts d'une valeur égale à la recette totale de la représentation. Mais, cinq ans après la mort de l'auteur, toutes ses pièces seront censées un bien commun à tous les théâtres.
Art. 19. Les articles 14,15, 16 et 17 regardent aussi la musique imprimée, et l'article 18 est commun à la musique de théâtre, imprimée ou manuscrite.
Art. 20. Les comédiens, qui sont déjà en possession de jouer des ouvrages de musique et des pièces de théâtre composés par des auteurs vivants et sans leur consentement, seront obligés d'obtenir ce consentement ; sinon, ils seront tenus de payer à l'auteur une rétribution qui sera réglée par la municipalité ; et dans ce dernier cas, le caissier du théâtre, ou toute autre personne indiquée par l'auteur, sera le dépositaire de cette rétribution, pour en rendre compte à l'auteur.
Art. 21. Toute cession de privilège faite par l'auteur avant la présente époque, subsistera jusqu'à son expiration ; après laquelle, l'auteur, s'il vit encore, ou ses ayants cause, si l'auteur n'est pas mort depuis dix ans, reprendront la propriété de leur ouvrage, pour en jouir aux termes de cette loi. De plus, les libraires ou autres qui se trouvent au moment présent, avoir acquis, pour un ouvrage quelconque en particulier, un privilège à terme fixe, continueront d'en jouir pendant toute sa durée, même dans le cas où les dix ans de survivance accordée par l'article 14 n'auront pas suffi pour épuiser ce privilège.
Art. 22. Ceux qui imprimeront, joueront, vendront ou distribueront des éditions, des ouvrages ou des gravures déjà eondamnées, en vertu de l'un ou de l'autre des articles précédents, encourront des peines doubles de celles qui ont déjà été infligées par le jugement qu'ils bravent.
TITRE SECOND.
De la responsabilité.
Art. 23. Tout homme qui Tendra un ouvrage portant une fausse indication du nom on du domicile de l'imprimeur, sera puni, s'il ne peut prouver de qui il a reçu l'ouvrage, par une amende de 36 livres, et sera, de plus, responsable des délits résultant de la publication de l'ouvrage.
Art. 24. Tout imprimeur, qui sera convaincu d'avoir mis à un ouvrage un autre nom que le sien, sera puni par une amende de 1,200 livres, et sera réputé complice des délits résultant de la publication de l'ouvrage.
Art. 25. Tout imprimeur qui mettra un ouvrage sous un autre nom que celui du véritable auteur, sera puni par une amende de 100 louis, et, de plus, sera responsable des délits résultant de la publication de l'ouvrage, s'il ne peut prouver que la fausse indication n'est pas de son fait.
Art. 26. Aucun citoyen ne pourra être puni pour avoir composé, imprimé, publié ou vendu un ouvrage ou une gravure, si cet ouvrage n'est pas jugé être dans un des cas déterminés par les articles précédents ; et toutes les lois antérieures sont abrogées à cet égard. Le présent article regarde aussi les comédiens pour cause de représentations théâtrales, sauf la surveillance de police que les administrations de district et municipales doivent exercer sur les salles de spectacles comme lieux publics ; toutes lois et usages contraires étant pareillement abrogés à cet égard.
Art. 27. Tout homme, qui sera convaincu d'avoir vendu ou distribué un ouvrage, en sera responsable, s'il ne peut prouver de qui il l'a reçu.
Art. 28. Tout homme, convaincu d'avoir imprimé un ouvrage, en sera responsable, s'il ne peut prouver de qui il a reçu le manuscrit.
Art. 29. Tout homme, qui a remis un manuscrit pour être imprimé en sera responsable, s'il ne prouve pas que l'auteur le lui a remis pour le faire imprimer ; et pour cette preuve, il suffira, soit dans le cas de cet article, soit dans celui de l'article précédent, de représenter un billet signé par l'auteur, ou de celui qui a remis le manuscrit, si c'est un citoyen domicilié dans le lieu de l'impression ; sinon, de représenter ce même billet garanti par un citoyen domicilié, qui se rendra civilement responsable des suites ; et néanmoins dans le cas où cette garantie serait illusoire, et où il serait prouvé qu'elle a aû paraître telle à celui qui la présente, il demeurera responsable solidairement avec la personne dont il a reçu ladite garantie.
Art. 30. L'auteur d'un ouvrage ne sera responsable de son impression, que dans le cas où elle aura été faite par sa volonté ou de son consentement.
Art. 31. Ceux qui ont vendu ou distribué un ouvrage, celui qui l'a imprimé, celui qui l'a remis à l'imprimeur, seront déchargés de toute responsabilité,sitôt que, conformément aux articles précédents, ils auront fait connaître l'auteur, ou celui de qui ils tiennent l'ouvrage, en exceptant toutefois le cas où ils pourraient être convaincus d'avoir été volontairement et sciemment complices du délit. Il faut excepter aussi les comédiens et musiciens, pour le fait seulement des représentations publiques, leur délit et leur responsabilité étant à part du délit et de la responsabilité de l'auteur ou de l'imprimeur.
Art. 32. La forme de responsabilité indiquée dans les articles ci-dessus aura lieu également pour les délits qui peuvent être commis par la publication des gravures, par la contrefaçon des ouvrages, ou par la fausse indication, soit de l'imprimeur, soit de l'auteur.
Art. 33. Nul individu n'ayant le droit de disposer, pour un usage particulier, des rues, des places, des jardins publias ; et l'intérêt commun exigeant que rien ne trouble les proclamations des actes émanés des pouvoirs établis par la loi, et qu'aucune autre proclamation ne puisse se confondre avec elles : il est défendu, sous
peine d'une amende de 24 livres, et même d'un emprisonnement en maison de correction, dont la durée ne pourra excéder huit jours, de crier publiquement aucun livre, papier, journal, etc., à l'exception de ces mêmes actes publics, et dans le senl cas où la publication en aurait été ordonnée par le pouvoir dont ils émanent; et cette peine pourra être imposée sous forme de police.
TITRE TROISIÈME.
De l'instruction et du jugement.
Art. 34. L'instruction pour les délits commis par la voie de l'impression sera faite par les juges ordinaires ; et du moment où elle devra commencer à être publique elle sera continuée en présence de dix notables-adjoints ou jurés, qui feront les fonctions de juges du fait, décideront souverainement en conséquence toutes les questions de fait, de la manière qui sera fixée ci-aprôs, et les juges seront tenus de prononcer conformément à ces décisions.
Art. 35, Du moment que les notables-adjoints ou jurés auront été appelés à l'instruction, la suite de la procédure ne pourra plus être que verbale. Les jurés pourront seulement prendre des notes de tout ce qu'ils entendront.
Art. 36. Les jurés seront choisis par le procureur-syndic du département, ou à son défaut, par celui du district, ou si l'un ni l'autre ne sont sur les lieux, par le procureur-syndic de la municipalité.
Art. 37. Les jurés seront pris, autant qu'il sera possible, parmi les auteurs, et à leur défaut, parmi les personnes dont la profession suppose l'étude des sciences et des lettres.
Art. 38. Ils seront désignés au nombre de vingt ; et l'accusé ou les accusés en commun choisiront, sur ce nombre, les dix qui doivent exercer les fonctions de juges du fait dans leur cause.
Art. 39. Avant de procéder au jugement des personnes accusées, comme responsables d'écrits ou autres ouvrages imprimés ou de gravures, ou de représentations de théâtre, il leur 6era déclaré auquel des cas mentionnés en la loi se rapporte l'accusation portée contre elles ; alors elles seront admises à soutenir qu'elle doit se rapporter à un cas plus favorable, ou qu'elle n'est dans aucun : l'examen de cette question sera remis aux jurés, qui la décideront séparément, et le jugement rendu d'après cette décision ne pourra être porté contre l'accusé, que s'il a été rendu â la pluralité de huit contre deux au moins.
Art. 40. Dans le cas où la personne injuriée ne serait pas nommée, mais seulement individuellement désignée, et où les accusés soutiendraient que la désignation individuelle, qui leur est imputée, n'est pas réelle, cette question sera de même décidée par les jurés, en exigeant la même pluralité.
Art. 41. Dans le cas où la personne injuriée demanderait que ceux qui sont responsables de l'ouvrage soient tenus de faire preuve, comme il est dit à l'article 10, les jurés prononceront sur cette demande à la simple pluralité.
Art. 42. Dans le cas où celui qui est accusé de contrefaçon alléguerait que l'ouvrage n'est pas le même, parce qu'il s'y trouve des changements, des additions, des commentaires qui en font véritablement un autre ouvrage, dont il serait injuste que ie droit du premier auteur privât le public, la question relative à l'identité de l'ouvrage, sera jugée séparément par les jurés et à la simple pluralité.
Art. 43. La valeur des dommages et intérêts, la durée de la privation du droit de cité, et celle de la détention, le fait des billets de garantie, et généralement tous les faits, seront déterminés séparément par une décision des jurés à la simple pluralité, excepté dans les cas où la loi exige une pluralité plus forte.
Art. 44. Les jurés prononceront que l'accusé est coupable ou non coupable, et il faudra la pluralité de sept
voix au moins contre trois, pour qu'il soit déclaré coupable.
Le rapport de M. l'abbé Sieyes est très applaudi.
L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de loi.
monte à la tribune pour se plaindre de ce que dans une feuille intitulée : Assemblée nationale et commune de Pabis, n° 161, il était dit que, parmi les lettres écrites à M. de Favras, il s'en était trouvé une de lui,marquis de Foucault, désigné membre de l'Assemblée nationale. « J'ai méprisé, a-t-il dit, tous les journaux, tant qu'ils m'ont appelé aristocrate, démocrate, etc., mais j'ai été vivement affecté que l'on m'ait ainsi transporté au Chàtelet. Je dois déclarer à l'Assemblée, pour me laver de cette inculpation, que rien n'est plus inexact que ce rapport très exact où l'on me fait tenir correspondance avec un homme auquel je n'ai jamais écrit, avec lequel je n'ai jamais eu aucune espèce de communication. »
L'Assemblée témoigne sa satisfaction des paroles de M. le marquis de Foucault.
prévient l'Assemblée qu'elle a à nommer un nouveau comité des rapports.
Je fais la motion de réduire à quinze membres le comité des rapports et de les faire nommer par l'Assemblée et non par les bureaux.
, évêque de Clermont. On ne peut délibérer aujourd'hui sur cette motion. Le règlement exige que la décision soit renvoyée au lendemain.
répond qu'il s'agit d'une affaire de simple police et d'intérieur, que néanmoins l'affaire est importante, mais que l'obligation de prendre un membre dans chaque bureau gênerait la liberté dans les choix. Il proposé de décider la question sur-le-champ.
s'est récrié contre les scrutins de liste.
se plaint du petit nombre de membres proposés. Le chiffre de quinze est insuffisant.
On demande la question préalable sur la motion de M. Ou port.
La question préalable est rejetée.
La motion principale étant mise aux voix, l'Assemblée décrète que le comité des rapports, composé de quinze membres, sera choisi dans toute l'Assemblée, sans distinction de département.
lève la séance, et indique la suivante à demain, neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Plusieurs membres demandent des modifications au procès-verbal et insistent pour que les réclamations qu'ils ont formulées, au sujet de la division des départements, soient rendues plus sensibles et que les motifs qu'ils ont fait valoir soient développés.
prend les voix et l'Assemblée décide qu'il ne sera fait aucune addition au procès-verbal.
, à cette occasion, observe que le décret par lequel la division en 83 départements a été arrêtée, commençait par ces mots, placés à dessein et avec une intention bien marquée, à la tête du décret : que VAssemblée a entendu les députés des différentes provinces; que l'Assemblée a voulu par ces mots satisfaire la juste délicatesse des députés qui, choisis pour représentants de la nation entière, désiraient cependant pouvoir justifier aux citoyens qui les avaient élus au nom de la nation, des preuves de leur zèle et de leur vigilance pour les intérêts particuliers de leur bailliage, dans la formation des corps administratifs -, que l'admission de toutes ces demandes rendrait la rédaction du procès-verbal infiniment prolixe,etque la préférence, donnée seulement à quelques-uns des députés pendant qu'on exclurait les dires et la défense des autres, semblerait fournir contre ceux-ci un grief et un sujet de reproches de la part de leurs commettants, qu'ils ne mériteraient certainement pas ; que cette vue de sagesse et de justice a déià fait exclure du procès-verbal la mention de plusieurs de ces réclamations isolées; qu'en conséquence, il propose de décréter par une disposition générale :
« Qu'aucune réclamation particulière, relative au partage de la France, ne serait plus insérée au procès-verbal des séances de l'Assemblée nationale, et qu'il n'y serait fait mention que des décisions qu'elle aurait portées sur cet objet,, sans aucun détail des prétentions et des motifs qui auraient été présentés et débattus. »
appuie cette motion en faisant comprendre à l'Assemblée qu'elle était de nature à hâter ses travaux en mettant un terme à de stériles débats.
met la motion aux voix. Elle est décrétée.
demande ensuite la parole sur la lettre adressée à l'Assemblée par M. le maire de Paris,
tendant à intéresser, en faveur des ci-toyeos indigents de cette ville, la bienfaisance
particulière et individuelle des membres de l'Assemblée. Ce membre a observé qu'il était
nécessaire de concilier dans la mesure qui serait adoptée par l'Assemblée à ce sujet, et son
indépendance
« L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la lettre écrite à son président par le maire de Paris; et cependant voulant que tous les dons que tous ses membres sont disposés à faire en faveur des pauvres de cette capitale soient employés de la manière la plus avantageuse, décrète qu'il sera nommé quatre commissaires pour les recevoir, et remettre les sommes qui en proviendront,à la municipalité, chargée d'en régler l'emploi et la distribution. »
, évêque d'Oléron, dit qu'il ne faut pas déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer, sur la lettre du maire de Paris, que sa place autorise à demander en faveur des pauvres. « Vos lois régénératrices, dit-il, diminueront les maux inséparables de la mendicité; mais en attendant vos moyens ne sont pas assez grands pour soulager à la" fois tous les pauvres du royaume; nous devons nos premiers secours aux pauvres de la capitale. Je propose d'abandonner le quart de nos honoraires.
dit qu'une proportion quelconque sur le traitement, n'est pas pour tous les membres une proportion égale de revenu ; que les représentants ont d'ailleurs des devoirs de ce genre à remplir avec les provinces et qu'ainsi une taxation serait une injustice; que tout membre de l'Assemblée, persuadé de la misère de Paris, sentait le devoir de porter du secours aux indigents; que la quotité de ce secours devait être proportionnée aux moyens, et par conséquent laissée à la volonté de chaque individu; il propose, par amendement, que les commissaires présentent des vues sur les moyens de détruire la mendicité.
veut qu'on assigne une petite-somme pour soulager l'infortune des personnes détenues dans une foule de maisons de force. Il propose aussi de renvoyer .la lettre du maire de Paris au comité d'agriculture et de commerce.
met aux voix l'amendement de M. le duc de Liancourt.
La motion principale de M. Barnave, complétée par l'adjonction de l'amendement de M. de Liancourt est mise aux voix dans les termes rapportés plus haut. Elle est adoptée.
annonce à l'Assemblée que le Roi a accepté le décret du 20 janvier, qui ordonne la réunion en une seule municipalité des paroisses dont le territoire est divisé en deux communautés sur deux départements, et le décret du 18 pour l'exemption du contrôle et du papier timbré.
Il annonce, en outre, que Sa Majesté a sanctionné le décret du 12 décembre, pour les rôles exécutoires par les commissions intermédiaires; celui du 14 janvier, qui charge le pouvoir exécutif de faire traduire les décrets de l'Assemblée dans les idiomes en usage dans les différentes parties du royaume ; et celui du 19 janvier, portant sursis à la procédure du prévôt de Stras-jbourg contre les habitants.
prévient ensuite l'Assemblée qu'il a pressé l'exécution et l'envoi du décret relatif à la procédure entamée dans la ville de Marseille, et que Sa Majesté prendra en considération la demande de l'Assemblée à cet égard.
a fait lecture d'une lettre écrite parle major du régiment des chasseurs du Hainaut, en garnison à Pont-à-Mousson, en réponse à celle écrite par ordre de l'Assemblée, qui a ordonné que cette lettre serait imprimée dans le procès-verbal.
Suit la teneur de la lettre :
« Monsieur le président, j'ai lu au régiment que j'ai l'honneur de commander la lettre que vous nous avez fait celui de nous adresser de la part de l'Assemblée nationale. Des opinions isolées ne peuvent altérer la confiance que nous avons dans sa sagesse. Citoyens-soldats, nous attendons notre bonheur de ses grands travaux, et nous,la supplions de croire que nulle atteinte ne peut être portée à notre respect pour la loi, et à notre amour pour le Roi.
« Je suis avec un très profond respect,
« Monsieur le président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur,
« Monard, major, commandant le régiment des chasseurs de Hainaut.
« Pont-à-Mousson, ce
rend compte à l'Assemblée d'une lettre qu'il avait reçue de M. de La Borde, ancien premier valet de chambre du feu roi, et fermier général, demandant à être chargé par l'Assemblée de faire exécuter la carte de la France, divisée dans les nouveaux départements et districts. Il annonce qu'il y a dix ans qu'il est occupé à en faire une en neuf feuilles, dont l'exactitude est portée jusqu'au scrupule, et qu'il ne lui faudra plus que le temps d'y placer les divisions: qu'il ne demande rien d'exclusif, ni qui puisse faire tort à aucun ingénieur ni géographe, et qu'il versera dans la caisse patriotique le bénéfice qui pourra en résulter.
L'Assemblée renvoie cette proposition au comité de Constitution.
Les membres de l'Académie royale de musique offrent â l'Assemblée un don patriotique de quinze mille livres, avec une adresse dont elle ordonne l'impression.
Suit la teneur de cette adresse.
» Nosseigneurs, il y a longtemps que nous aurions eu l'honneur de déposer à votre auguste Assemblée le témoignage de notre patriotisme, si, comme MM. les comédiens français et italiens, nous étions les propriétaires et administrateurs du produit de nos talents.
« Nous n'avons trouvé de ressources que dans le séquestre que nous avons fait d'une portion de nos appointements, qui ont formé, dans l'espace de trois mois, la somme de 15,000 livres.
« Les sujets de l'Académie royale de musique supplient l'auguste Assemblée de vouloir bien accepter cette somme à titre de don patriotique. »
répond :
« C'est embellir les talents, c'est même leur donner de la dignité, de les employer au secours de la patrie. L'Assemblée reçoit avec satisfaction votre dou patriotique et vous permet d'assister à la séance. »
rend compte d'une lettre
qu'il a reçue de Lord George Gordon, datée de la prison ae Newgate, par laquelle il le prie de se faire rendre compte du rapport qui doit avoir été fait d'une pétition qu'il a envoyée, il y a cinq mois, à M. le duc de la Rochefoucauld pour être remise à l'Assemblée nationale.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division aes départements du royaume.
, rapporteur du comité de Constitution, propose un décret sur la diyision en districts du département de Chartres qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de Constitution, que le département de Chartes est divisé en six districts, dont lés chefs-lieux sont les villes de DreUx, Châteati-Neuf-en-Thimeraye, Nogent-le-Rotrou, Chartres, Château-dun et Janville. »
prppose ensuite un nouveau décret pour les limites des Trois-Evéchés, Lorraine et Barrois, conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de Constitution, que lès limites des départements, convenues par les députés de Lorraine, Trois-Ëvéchés et Barrois, ainsi qu'elles sont énoncées au procès-Verbal du 30 décembre dernier, subsistèront. »
, après une courte discussion, prend les voix de l'Assemblée sur le décret, et il est adopté.
Le rapporteur propose le décret suivant] relatif au chef-lieu d'un département de Champagne.
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de Constitution.:
« 1° Que la ville de Châions est provisoirement le chef-lieu où sé réunira la première assemblée de ce département, et que les électeurs décideront, à la pluralité des suffrages, si le chef-lieu doit alterner, OU s'il doit demeurer fixé à Châions;
« 2o Que ée département est divisé en six districts, dont les
chefs-lieux sont les villes de Reitns, Sainte-Menehould, Vitry-ie-François, Epernay , Sézanne
et Châions ;
« 3o Que la ville de Montmirail, ainsi que les villages de
Vaucbamps, l'EsChelle et Janvilliers seront réunis au district de Sézanrte, abandonnant au
département de Melun et Meaux les paroisses de Mecringe, lia Celle, Montreuil, Monta-livet et
Mont-DaUphin;
« 4o QUe les villages dé Condé, Bouconyille et Binarville
feront partie du district de Sainte-Menehould, sauf les droits des yilles qui réclameraient
le partage des établissements, qui serein t détermines par la Constitution, si elles y sont
fondées. »
, après une courte discussion, prend les voix de l'Assemblée, et le décret est adopté.
, secrétaire de l'Assemblée, annonce que le comité chargé de là vérification des pouvoirs, aexâminé ceux de M. Jean-Baptiste Morel-Dumaine, lieutenant de maire de la ville de Sarreguemines, élu sans distinction d'ordres, suivant la nouvelle forme prescrite par l'Assemblée, pour remplacer M. Mayer, qui a donné sa démission. L'élection du nouveau dé-
puté ayant été jugée régulière par le comité' L'Assemblée adopte et confirme ce jugement*
lit une lettre de M. le chantré de Saint-Louis-du-Louvre, qui lui annonce le décés de M. Legros, député ecclésiastique de Paris. L'Assemblée est prévenue que 1 inhumation sera faite demain a 6 heures du soir.
, député de Longvpy, demande et obtient l'agrément de l'Assemblée pour s'absenter pendant quinze jours pour une affaire pressante.
Un secrétaire annonce que tes membres élus pour le comité dés impositions, d'après le récen-sement des scrutins, sont :
MM. Monneron.
Dupont (de Nemours).
due de La Rochefoucauld.
Laborde de Méréville.
Fermond des Chapelières.
baron ct'AIIarde.
de Talleyrând, évêque d'Autun.
Roederef.
Jarry.
Dauchy.
Duporl.
Ont ensuite obtenu le plus de voix, les suppléants :
MM. le due De Châtelet.
Anson.
Bouchotte.
de Lafare, évêque de Nancy.
l'abbé Villaret.
Sallé de Choux.
Enjubault de La Roche.
Ricard, député de Castres.
Regnàud (de Saint-Jean-d'Angely).
dAilly.
, évêque d'An-goulême, observe que plusieurs des membres élus sont déjà membres de comités et que suivant le règlement, ou ne peut faire partie de deux comités à la fois."
dit que le règlement est calqué sur les lois qui ne permettent pas qu'Un citoyen exerce des offices incompatibles.
Je crois qu'il ne peut y avoir à délibérer, le règlement ne disant pas que la nécessité ne puisse faire déroger à ses dispositions; d'ailleurs les occupations sont si importantes qu'il ne faut pas perdre le temps à Une pareille discussion.
C'est justement parce que nos occupations sont importantes qu'il faut statuer à l'instant que le règlement sera observé* Si quelqu'un imaginait qu'il pût être de deux ou trois comités à la fois, je ne puis le qualifier autrement que de présomptueux.
Qu'appelez-vous l'aristocratie? n'est-ce pas la réunion de tous les pouvoirs, de ceux de législation, d'impositions? Etre membre de plusieurs comités à la fois, c'est une véritable aristocratie.
La question préalable est mise aux voix; M. le président prononce qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
La pluralité paraissant douteuse, on demande l'appel nominal.
insiste sur la raison mathématique qui empêche un homme de se trouver en différents comités à la fois.
ajoute que, quand le règlement serait changé, le changement ne pourrait avoir un effet rétroactif.
Je soutiens qu'il doit dépendre de l'Assemblée de revenir, quand elle le juge à propos, sur son règlement ; il y a des rapports de travail entre les divers comités, et ce serait rompre ces rapports salutaires que de gêner la confiance de l'Assemblée.
L'Assemblée passé à l'ordre du jour.
, au nom du comité de Constitution, fait le rapport sur les limites contestées des cinq départements de Haute-Auvergne, Basse-Auvergne, Vélay, Forez et Vivarais.
La discussion est ouverte.
, député de ^Saint-Flour, a le premier la parole et soutint que la Haute et la Basse-Auvergne devraient être divisées en deux départements égaux de manière que la rivière d'Allier servît de limite à l'orient jusqu'à Saint-Ilpise et qu'ensuite il soit tiré une ligne droite jusqu'à Blesle, qui sera compris dans la Haute-Auvergne, sauf à comprendre la ville de Brioude dans la Haute-Auvergne ou à la laisser dans la Basse-Auvergne. 11 dit que l'intention de l'Assemblée est que les départements soient égaux ; au surplus, il demande qu'il soit fait une nouvelle conférence entre les commissaires de Vélay et de la Haute-Auvergue devant messieurs du comité de Constitution.
dit que le comité dé Constitution étant forcé de convenir que Vélay aurait pu, sans inconvénient, être réuni et divisé entre le GéVau-dan et le Vivarais, il était étonnant que pour lui conserver son existence politique, on cherchât à compromettre celle de tous ses voisins; que le territoire et la population de l'Auvergne dôlvént naturellement former deux départements égaux, si l'on veut Suivre l'esprit des décrets dé l'As-semblée ; qu'en supposant qu'il soit indispensable de faire quelque cession au Vélày, on dôit, au moins, s'attacher à conserver pour limite naturelle la rivière d'Allier.
Il ajoute que la ligne de démarcation ayant été portée sur Laogêâc, par un accord signé par tous les députés, à l'exception de M. Grenier, député de Brioude, if fallut s'en tenir à cette fixation et donner à la Haute-Auvergne toutes les paroisses à l'occident de l'Allier; que la position de la ville de Blesle semblé devoir l'attacher au département du haut pays, pour diminuer l'influence désastreuse qu'aurait sur éflele département du bas pays, à moins qu'on ne veuille céder à la Haut-Auvergùe les parties du GévàUdan ét du Rouergue qui l'a voisinent.
Il finit par demander une nouvelle conférence en présence de tous les membres du comité de Constitution, assemblés à cet effet.
dit que le dépàrteihent de la Haute-Auvergne doit avoir une aussi grande étendue que celui de la Basse-Auvergne; que la population est plus faible dans la montagne
que dans la Limagné; que cette dernière partie aurait trop d'influence dans la représentation nationale; il demande que les paroisses réunies provisoirement à la Haute-Auvergne, avec l'option de se réunir ensuite à la Basse, si elles le jugent plus convenable à leurs intérêts, soient définitivement réunies à la Haute, ou qu'il soit nommé des commissaires parmi les députés de la province pour former une nouvelle ligne de démarcation.
appuie l'opinion de M. Hébrard et ajoute qu'il est aussi facile aux cinq paroisses en question de se rendre dans la Haute que dans la Basse-Auvergne, mais que si on laisse à ces paroisses l'option de demeurer unies à la Basse-Auvergne, elle se décideraient infailliblement pour la Basse-Auvergne, à raison de la différence du climat.
dit que ces cinq paroisses, sur lesquelles la Haute et la Basse-Auvergne sont en contestation, sont réunies à la Haute-Auvergne, par la ligne de démarcation signée par les députés et qu'en remettant cet arrêté au comité de Constitution on y a ajouté l'option.
répond à M. De-villas en rappelant que M. Devillas assura à l'Assemblée, il y a environ deux mois, qu'il fallait uhe journée entière pour faire trois lieues dans les montagnes du haut pays.
Quant au dire de M. Daude, c'est une erreur de sa part ; l'arrêté signé ét remis au comité, par M. Gaultier de Biauzat et M. Bertrand de Saint-Flour conjointement, laisse définitivement à la Basse-Auvergne les cinq paroisses dont il s'agit; il n'y a donc pas eu occasion de proposer l'option en remettant cet arrêtê et effectivement l'arrêté est encore tel qu'il fut signé ; c'est d'après la rétractation dë MM. les députés de la Haute-Auvergne que le comité de constitution a jugé convenable de ne réunir que par provision à la Haute-Auvergne, ces Cinq paroisses que la majorité des députes avait jugé inconvenant d'unir à la Haute-Auvergne; c'est d'après ce changement de la part des députés de 1a Haute-Auvergne, qu'on a demandé l'option pour les cinq paroisses qui forment l'objet de là difficulté.
fait remarquer qu'il n'était pas besoin de nommer des commissaires pour instruire l'Assemblée ; qu'elle est suffisamment instruite; qu'elle est en état de prononcer ; qu'il y avait eu plusieurs assemblées de provinces dans lesquelles les limites ont été arrêtées ; que le comité de Constitution a la délibération entre ses mains ; qu'il a donné son avis et que le projet de division doit être mis aux voix. Il ajoute qu'il n'est pas possible d'établir une égalité parfaite entre tous les départements, qu'il y a des localités qui s'y opposent et qu'on ne peut les méconnaître qu'en faisant le malheur des lieux administrés;que cette considération, qui a toujours dicté les décrets de l'Assemblée, est encore plus puissante dans ces cir-corlstances; due la Haute-Auvergne est toute hérissée dé montagnes ; qu'il n'y a point de communications entre les cinq paroisses de Condat, la Godiveîle, Espenchaî, Montgrelet et Saint-AIyre, et les villes d'Aurillac ét Saint-FloUr; qu'il est impossible d'y arriver pendant la plus grande partie de l'année; que la Haute-Âuvergné n'est pas fondée à réclamer une égalité parfaite; que ie Vélay s'est réuni à l'Auvergne pour former trois départements; que celui de la Hautê-Àuvergne
contient plus du tiers de la totalité; que s'il y avait un département qui pût se plaindre ce serait celui du Vélay.
Il ajoute que le Vélay ne se plaint pas et que la Haute-Auvergne ne doit pas se plaindre. Quant au prétendu reproche de laisser aux cinq paroisses de la Basse-Auvergne la liberté de s'y réunir, il est dénué de fondement. Ces paroisses sont dans une telle situation qu'elles ne pourraient pas communiquer avec les chefs-lieux de la Haute-Auvergne : il est donc essentiel de leur accorder cette liberté.
, évéque de Clermont, atteste cette difficulté naturelle.
dit qu'il regrette le temps que des difficultés locales prennent sur celui qui est dû à la Constitution; qu'il adopte l'avis du comité, sauf l'amendement, qu'il sera libre aux paroisses de Massiac et aux campagnes voisines, distraites du bas pays d'Auvergne, pour être unies à la Haute-Auvergne, d'exprimer leur vœu à laprochaine convocation, sur le district et le département auxquels elles trouveront plus avantageux de tenir. Il observe que toutes les paroisses sont plus près de Brioude, comme district, que de Saint-Flour; et du Puy, comme département, que d'Aurillac. Il demande que l'avis du comité pour Espinchal, la Godivelle, etc., soit rendu commun à Massiac et autres paroisses voisines.
Le département du Vélay est plus petit que celui de la Haute-Auvergne, et si vous n'admettez pas, dit-il, l'amendement, si vous condamnez irrévocablement Massiac et ses environs à être unis au département d'Aurillac, plus de six mille familles seront exposées à périr dans les neiges et les glaces dujiaut pays quand elles voudront y aller traiter leurs affaires en hiver.
Un membre observe que les paroisses limitrophes des départements seront toujours admises à réclamer et que, comme l'Assemblée ne peut vérifier les faits, il n'y a pas lieu à délibérer.
a proposé un autre amendement, tendant à réserver à la Haute-Auvergne, pour le cas où les cinq paroisses en question voudraient demeurer unies à la Basse-Auvergne, le droit de prendre d'autre terrain sur la Basse-Auvergne en dédommagement de l'étendue de ces cinq paroisses.
dit que les motifs qui pouvaient déterminer ces cinq paroisses à demeurer unies à la Basse-Auvergne seraient les mêmes pour tous les autres cantons du bas-pays qui sont voisins de la Haute-Auvergne il soutient, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
met aux voix la question préalable sur les amendements.
La question préalable est prononcée.
Les deux premiers articles, proposés par le comité de Constitution, sont ensuite mis aux voix et adoptés ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis de son comité de Constitution :
1° Que la ligne de démarcation, convenue entre les deux départements d'Auvergne, sera maintenue, sauf à l'égard des paroisses de Condat, Montgreiet, Despinchal, de la Godivelle et de Saint-Alyre, qui seront annexées au département de la
Haute-Auvergne, laissant toutefois à ces paroisses la liberté de rester dans le département delà Basse-Auvergne, si elles trouvaient qu'il fût contre leur intérêt de faire partie du premier ;
» 2e Que la ligne de démarcation entre le département de la Haute-Auvergne et celui du Vélay, restera telle qu'elle est dans les points convenus entre les députés de ces deux départements; et qu'à l'égard du terrain contesté, il sera partagé de manière à ce que les villes de Massiac et les paroisses de Si-Etienne, de la Chapelle, de Celoux, de Regeade seront à la Haute-Auvergne, et les autres appartiendront au Vélay, le tout ainsi qu'il est plus parfaitement désigné sur la carte déposée au comité de Constitution, et signée par les membres de ce comité. »
La question des limites entre le Forez, le Vélay et le Vivarais est ajournée à demain.
rend compte à l'Assemblée d'une lettre qu'il vient de recevoir de M. legarde-des-sceaux, accompagnée d'un mémoire dé la ville de Gênes, à lui communiqué par le ministre des affaires étrangères, et relatif à la souveraineté de l'île de Corse, que la république de Gênes prétend avoir cédée à la France par un traité.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du mémoire qui est ainsi conçu :
Mémoire de la république de Gênes.
Depuis que la république de Gênes a cédé, en 1768, par un traité, à Sa Majesté très chrétienn e, l'administration de la souveraineté dans le royaume de Corse, elle n'a jamais eu lieu de croire que cette île pût rester libre ét indépendante, ni sous la domination d'un autre souverain, ni même être sujette à un nouveau système contraire à celui qui a été fixé par le traité.
Elle n'a, en effet, pour garantie, que l'obligation contractée par Sa Majesté de ne point s'écarter du traité sans le consentement des parties. Le sifènce constant que la république a gardé prouve que jusqu'à ce jour, elle n'a même pas eu d'inquiétude sur le sort de la Corse, quoique les faits et les changements arrivés dans cette lie, pussent lui en donner quelque motif ; elle a toujours été rassurée par l'inviolabilité d'un traité solennel.
Cependant tout le monde vient d'apprendre, par la voie de l'impression, que l'Assemblée nationale de France, secondant les demandes et les désirs des Corses, a déclaré cette île partie intégrante de la monarchie française. La république manquerait essentiellement à ce qu'elle se doit à elle même et à ses peuples, si elle négligeait de prier respectueusement Sa Majesté de vouloir bien considérer que ce traité blesse ou plutôt détruit le traité de 1768.
Il n'est point contraire à ce traité que Sa Majesté et l'Assemblée nationale, pleine d'équité et de justice, adoptent, pour l'administration de cette île, les sentiments, les systèmes, les divisions et les règlements qui peuvent convenir davantage à la France, ainsi qu'à la nation corse ; la république reste à cet égard dans une entière indifférence.
Mais elle ne peut voir du même œil que la Corse devienne partie intégrante de la monarchie française, puisque la république serait blessée dans les droits qu'elle s'est expressément réservés en cédant l'exercice de sa souveraineté dans ce royaume.
La république, pleine de confiance dans la bonne foi et la justice ae Sa Majesté, qui connaît combien l'inviolabilité des traités importe au bonheur et à la sûreté des nations, espère qu'elle ne laissera pas sans effets ses respectueuses représentations, et quelle maintiendra tous les droits que la république s'est réservés sur le royaume de Corse, ainsi que toutes les conditions exprimées dans le traité, auquel on ne peut déroger sans consentement réciproque des parties contractantes.
Quelques membres demandent le renvoi de ce mémoire au comité diplomatique.
D'autres membres réclament l'ajournement.
11 me paraît, par le seul exposé du mémoire, que cette question demande d'assez longs débats, s'il faut la discuter dans le sens qu'y paraît donner la république de Gênes.
En effet, il faudra beaucoup de subtilités poup établir qu'une puissance, qui se croit souveraine d'un pays, soit, comme elle le dit, indifférente sur le sort des sujets qu'elle réclame. Peut-elle dire au délégué d'une puissance comme la France qu'elle ne lui a laissé que l'administration de la Corse, et qu'il n'a été que son ministre? Je doute qu'il soit possible de reconnaître en peu de temps la décenôe, la justice et la justesse d'une semblable démarche. Je propose un ajournement extrêmement indéfini.
, député de Corse. On m'écrit de Corse que les décrets n'y sont point publiés. Le peuple, encore incertain sur son sort, craint toujours qu'on ne le cède à la république de Gênes. Il est français et ne veut pas être autre chose. Un ajournement indéfini lui laisserait des inquiétudes, parCe qu'à trois cents lieues, on ne voit pas les choses sous leur véritable point de vue. Il est étonnant que Gênes, après l'avoir tyrannisé, redemande un peuple qui devient libre en devenant français.
l'aîné. Il y a lieu de s'étonner que la république de Gênes se prétende encore propriétaire de la Corse, et ne nous considère que comme agents de sa souveraineté, nous par qui cette province a été conquise. Gênes prétend avoir cédé la Corse ; on ne cède pas les hommes ; on ne cède pas les nations. 11 ne faut laisser aucun doute sur ce principe. La prétention de la république de Gênes doit être écartée, eu reconnaissant qu'il n'y pas lieu à délibérer.
Je crois que les préopinants n'ont pas encore présenté le motif qui doit principalement vous déterminer à décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Ce ne sont ni les traités, ni nos conquêtes, qui doivent établir notre droit et le sort de la Corse ; c'est le vœu des habitants de cette île. Ce vœu nous a été présenté par les députés corses; il est consigné dans leurs cahiers ; il a depuis peu été expressément renouvelé, et tous ces actes portent la demande formelle de la réunion de la Corse à la France.
Je propose de décréter qu'attendu le vœu énoncé par les habitants de la Corse, de former partie intégrante de la monarchie française, il n'y a pas lieu à délibérer sur la réclamation de la république de Gênes. Au surplus, M. le président sera chargé de prier le Roi de faire envoyer et exéeu-
ter incessamment les décrets de l'Assemblée nationale en Corse.
Je ne pense pas qu'une puissance ait le droit de disposer d'uu peuple comme d'un troupeau, et je voudrais qu'au sujet de la Louisiane et du Canada, on n'eût pas oublié ce principe. Je ne pense pas que le souverain soit l'agent de la république de Gênes; mais je crois que cette république peut être l'agent de quelque puissance; cet objet serait alors très délicat. Je demande que le mémoire de M. de Spinola* ainsi que le traité de 1768, soient renvoyés au comité des rapports.
Je ne trouve pas l'avis du préopinant conséquent au principe. Le comité des rapports ne changera pas les, faits et la question, il ne détruira pas l'alliance qu'on suppose. Les clauses du traité, quelles qu'elles soient, ne changeront pas le principe ; il n'en sera pas moins vrai que la Corse se donne librement, et que le vœu le plus cher et le. plus constant de ses habitants est dTêtre. Français. Cette considération puissante subsistera toujours : le rapport qui sera fait ne la changera pas ; il n'y aura pas plus à délibérer alors qu'à présent.
En adoptant ces principes je m'oppose à une précipation qui serait dangereuse et malhonnête. II iaut discuter profondément cette affaire.
Je demande, pour cela,, qu'elle soit ajournée à demain.
J'ignore, comm vous, si les réclamations de la république de Gênes sont fondées. Je considère seulement sa plainte comme dénuée de preuves, et son mémoire comme extrêmement vague.
Mon avis est qu'une assemblée comme la nôtre ne doit avoir avec une puissance souveraine d'autre correspondance que par ses décrets; il faut répoudre, et dès-lors je ne crois pas qu'on puisse ne pas délibérer. Je demande que, pour concilier ce que vous devez à la Corse et à vos traités, vous ordonniez provisoirement l'exécution de vos décrets, et que le président écrive à M. de Montmorin que le mémoire n'a pas paru assez circonstancié, ni exprimer d'une manière précise en quoi les décrets sont contraires aux droits de la république pour que l'Assemblée puisse y répondre.
Je pense, comme M. d'Eprémesnil, que la ville de Gênes est mue par une autre puissance : mais quelle est cette puissance? Il h'est pas aisé de le deviner. On peut seulement avoir des indices. Les décrets ne sont pas encore envoyés en Corse, et des troubles y ont été excités. Ne serait-il pas très possible que ces événements eussent quelque rapport avec la demande extraordinaire d'une petite république ? N'est-il pas étonnant que cette demande, extrêmement tardive, arrive au milieu des efforts que l'on fait contre la liberté ?
Cette démarche ne doit avoir aucune suite. Ajourner la question, ce serait entrer dans le sens delà demande, en laissant aux Corses des inquiétudes qui fomenteraient les troubles. Il faut la traiter comme toute demande absurde, c'est-à-dire ne pas délibérer.
M. de Robespierre croit qu'il est très prudent d'insister sur l'envoi des décrets.
L'on doit s'empresser de tranquilliser l'île de Corse, si l'on veut la conserver. Les Moscovites cherchent un établissement dans la Méditerranée. Ils profiteront des troubles pour s'introduire en Corse, et les Corses se donneront plutôt au diable qu'à la république de Gênes.
Les nations doivent suivre les traités et le droit public de l'Europe, ou bien elles manquent à la bonne foi. Il est de la justice des représentants de la France de ne rien faire qui ne soit juste et mûrement réfléchi. J'étais ambassadeur du Roi à Londres lorsque le traité a été signé, et je ne le connais point. Mais s'il était vrai que Gênes eût conservé quelques droits, vous devriez prier le Roi de s'arranger avec elle, la prudence l'exigerait.
Je crois devoir rappeler le fait diplomatique dont ne se souvient pas M. du Châtelet, quoiqu'il l'ait lui-même notifié à la cour de Londres. Il est possible qu'en système diplomatique, la république de Gênes ait quelques droits sur la Corse : mais alors il faudrait qu'aux termes mêmes du traité, elle nous payât tout ce que la Corse nous a coûté. Je ne crois pas qu'on doive parler longtemps l'idiôme diplomatique dans celte Assemblée. On a eu raison de dire que le principe sacré, régulateur en cette matière, c'est le vœu du peuple.... Je ne pense pas avec le préopinant que la ligue de Ra-guse, ae Saint-Marin ou de quelques puissances, formidables puisse nous Inquiéter. Je ne regarde pas comme très dangereuse la république de Gênes, dont les armées ont été mises en fuite par douze hommes et douze femmes sur les côtes de la mer en Corse.
Je propose de décider promptement cette question, si vague, si méprisable en principe, en prononçant ou un ajournement à jamais, ou qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
La motion de M. Barnave est décrétée.
La séance est levée.
PRESIDENCE DE M. TARGET
seance du
La séance, ouverte Messieurs les citoyens du bataillon du district de Saint-Roch sont admis à la barre de l'Assemblée, et offrent un don patriotique de 1,724 liv. L'Assemblée ordonne que leur adresse sera imprimée ainsi qu'il suit :
« Messieurs,
» Nous venons apporter sur l'autel de la patrie le don du district aé Saint-Roch, montantà, 1,724 livres. Quelque modique que soit cette offrande, nous la présentons cependant, avec une sorte d'orgueil, parce qu'elle est le produit du patriotisme d'un petit nombre seulement d'habitants de ce district, à qui leur âge n'a pas permis d'endosser la cuirasse sur-le-champ. Formés incessamment en une compagnie de soldats vétérans, ils vont encore faire, du reste de leurs forces,
une nouvelle oblatîon à la nation. La majeure partie des citoyens de ce district, en état de supporter la fatigue, s'est enrôlée sous les drapeaux de la milice parisienne, et elle a eu l'honneur d'être admise, en votre présence, par ses députés, pour offrir le don particulier de son bataillon Tous, tant citoyens que citoyens-soldats, animés des mêmes sentiments de respect pour votre auguste Assemblée , vous en renouvellent aujourd'hui l'hommage et y joignent l'assurance de leur entière soumission pour les décrets qui en émaneront, ainsi que leur recon naissance pour ceux déjà sanctionnés. »
, membre de l'Assemblée, présente une adresse de la ville de Montau-ban, contenant adhésion de cette ville à tous les décrets de l'Assemblée, et un don patriotique consistant en 121 marcs 4 onces d'argent, 5 onces ungros et demi d'or, et 2,635 livres en contrats de rentes sur l'Etat. L'Assemblée ordonne l'impression de l'adresse, conçue en ces termes :
« Nosseigneurs,
« Au moment où les nouvelles municipalités vont être établies, où la France va jouir enfin du fruit de vos sages travaux, les officiers municipaux, le comité patriotique et le conseil militaire de la garde nationale de la ville de Montau-ban croient devoir renouveler l'expression de leur respectueuse reconnaissance. Constamment attachés aux principes consacrés par votre auguste Assemblée et soumis aux décrets émanés de ses délibérations, ils voient avec la satisfation la plus vive s'élever, sur les débris de l'autorité chancelante qui leur a été confiée, une autorité légale qui ramènera l'ordre dans le royaume, en imprimant aux lois ce caractère de force et de dignité qui commande impérieusement l'obéissance.
Nous avons à nous féliciter, Nosseigneurs, de ce que les citoyens de Montauban, dont nous avons l'honneur d'être les organes, guidés par le sentiment de leur patriotisme, n'ont pas perdu un seul instant de vue les lois de cette sage modération qu'il est si criminel, sans doute, mais si facile d'oublier dans les moments de crise qu'amènent les grandes révolutions. Tranquilles et fidèles quand ils n'étaient liés que par des formes antiques déjà tombées en désuétude, que ne seront-ils point quand ils seront dirigés par des magistrats dont le premier devoir aura été de mériter leur estime pour acquérir le droit de leur commander? Leur soumission aux lois, leur respect pour l'Assemblée nationale, leur amour et leur inviolable fidélité pour le monarque restaurateur de la liberté française, vont s'accroître, s'il est possible, par la jouissance des droits qui leur sont rendus.
Depuis longtemps, Nosseigneurs, la ville de Montauban a formé le dessein de donner à la nation une preuve de l'esprit public dont elle est animée, en imitant l'exemple de tant de villes et de particuliers qui ont déposé leurs offrandes sur l'autel de la patrie. Les circonstances ne lui ont pas permis d'acquitter jusqu'à présent ce tribut ae générosité civique : heureux de pouvoir au moins aujourd'hui remplir ce devoir 1 Mais, gémissant de ce que le malheur des temps a forcé ses habitants de contenir l'élan de leur zèle, elle supplie l'auguste Assemblée de ne pas dédaigner l'hommage ae quelques boucles d'argent, et de quelques remises en objets d'une autre nature, consistant en cent vingt-un marcs, quatre onces argent cassé, cinq onces un gros et demi en or,
et 2,635 livres en contrats de rentes de différentes corporations, suivant l'état et les titres ci-joints. La liste nominale des citoyens qui ont fait ce don prouvera que toutes les classes y ont contribué, et que les plus pauvres n'ont pas voulu, à cet égard, demeurer au-dessous des riches.
« Dans le nombre des Français vraiment dignes de ce nom, qui ont offert leur contribution, vous distinguerez aisément, Nosseigneurs, le cprps des officiers du régiment de Languedoc infanterie, actuellement en garnison à Montauban. Aussitôt que l'invitation de la municipalité leur fut connue, ils ^empressèrent de faire remettre leurs boucles au receveur chargé de les recueillir.
Qu'il nous soit permis, Nosseigneurs, de saisir cette occasion de rendre à ce régiment la justice éclatante qu'il a droit d'attendre 4e nous. Les législateurs de la nation ne sauraient apprendre sans intérêt qu'un corps militaire, dans un temps où les liens de la discipline étaient généralement relâchés, l'a conservée dans toute sa vigueur, et a su allier la condescendance qu'exigeait peut-être la renaissance de la liberté, avec l'exactitude dont le bien du service ne permet pas qu'on s'écarte. Le zèle, l'intelligence, les vertus des chefs ont été heureusement secondés par le soin de MM. les officiers, ainsi que parla docilité des bas-officiers et soldats, mais n'en sont pas moins dignes d'éloges. »
« Nous sommes avec le plus profond respect,
« Nosseigneurs,
« Vos très humbles et très obéissants serviteurs,
« Les officiers municipaux, comité patriotique et conseil militaire de la ville de Montauban;
Signé: belvezê, premier consul;revëllat Vaine, président du eomité ; Preissac, colonel commandant la milice nationale. »
Un membre a offert, au nom du sieur Laurence, un don patriotique d'une rente de 20 livres.
Un autre membre offre un don patriotique au nom de la communauté de Fougerolles.
fait lecture d'une lettre qu'il a reçue de M. deBellerose, colonel du régiment de chasseurs, en garnison à Douai, en réponse à celle écrite par ordre de l'Assemblée à tous les régiments. L'Assemblée en ordonne l'impression, ainsi qu'il suit :
« Monsieur le Président,
« J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et je l'ai communiquée avec empressement aux officiers, bas-officiers et chasseurs du régiment que j'ai l'honneur de commander. C'est avec sensibilité, M. le Président, que tout le régiment a reçu les témoignages d'estime que l'Assemblée nationale a bien voulu lui faire parvenir par vous ; ils deviennent la récompense la plus douce et la plus flatteuse pour un corps qui, dans ces temps difficiles, met sa gloire et trouve son bonheur à conserver toutes les vertus de son état.
« Le plus ardent de nos vœux est de voir arriver le jour heureux où, par la fin de vos travaux, vous assurerez la prospérité de la nation et lé bonheur d'un Boi si cner au cœur de tous les Français.
« Daignez offrir à l'Assemblée nationale le tribut de tous nos hommages, et recevoir pour
vous les expressions particulières du respect avec lequel je suis,
« Monsieur le Président,
« Votre très humble et très obéissant serviteur,
Signé : de Bellerose.»
Il est ensuite fait lecture de l'extrait des différentes adresses dans l'ordre suivant :
Délibération de la communauté de Montmore en Dauphiné,contenant adhésiou aux décrets de l'Assemblée, et demande de l'établissement d'un tribunal supérieur dans la ville de Gap.
Délibération de cinq communautés voisines de la ville de Pornic en Retz, qui adhèrent, avec une respectueuse reconnaissance, aux décrets de l'Assemblée, et réclament avec instance l'établissement d'une justice royale dans, cette ville.
Adresses du comité permanent de la ville de Loches et de celui de la ville de Jarnac, contenantl'expression d'une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée nationale, et d'un dévouement sans bornes pour leur exécution.
Adresse du même genre de la communauté de Sallonet en Provence : elle offre pour sa contribution patriotique la somme de 600 livres.
Adresse des habitants du pays de Cerdagne faisant partie de la province de Roussillon; contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et demande de la conservation d'un tribunal pour juger en première instance toutes les causes.
Adresse d'adhésion de la communauté de Saint-Cesaire, sénéchaussée de Toulouse; elle supplie l'Assemblée de s'occuper de la formation des lois interprétatives des décrets du 4 août.
Adresses d'adhésion des bourgs de Feuquières, Grandvilliers, Sarcus, Molliens, Crèvecœur et autres paroisses situées en Picardie et en Beauvoisis, au nombre de cinquante-cinq, qui jurent une fidélité inviolable aux décrets de l'Assemblée nationale ; elles demandent la suppression d'un impôt désastreux qui se perçoit chez elles sur les boissons, connu sous Ja qualification odieuse de trop-6u, avec remplacement d'un autre impôt équivalent, tel qu'il plaira à l'Assemblée de l'établir.
Adresse de félicitation et dévouement des volontaires nationaux de la ville de Mâcon; ils demandent la conservation de3 volontaires à cheval.
Adresse de la communauté de la Neuville-en-Heri, près de Clermont en Beauvoisis, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée, et le don patriotique du produit de l'imposition sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la garde nationale d'une multitude de villes et communautés du Bas-Dauphiné, représentant plus de 12,000 citoyens armés, qui, réunis sous les murs de la ville de DieuleBt, ont fait le serment auguste et solennel d'être à jamais fidèles à la nation, au Roi et à la loi, et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. Cette fédération a nommé des commissaires pour correspondre avec toutes celles déjà formées ou qui se formeront dans le royaume.
Adresse des jeunes volontaires nationaux de la ville de Croisic en Bretagne, qui ont prononcé le même serment avec autant de solennité.
Adresse de renouvellement d'adhésion du conseil général de la ville de Brest ; il a voté une fête patriotique pour célébrer l'anniversaire de la Révolution ; il annonce que le montant des déclarations relatives à la contribution patriotique s'élève déjà à la somme de 250,000 livres, et que les dons
de boucles et autres effets d'or et d'argent consistent en 354 marcs d'argent, et 4 marcs d'or.
Adresse d'adhésion et de dévouement de la garde nationale de là même ville; elle supplie l'Assemblée d'accueillir et d'approuver son règlement provisoire.
Délibération de la communauté d'Ambialet en Albigeois,;qui adhère à tous les décrets de l'Assemblée, notamment à celui relatif à la contribution patriotique; elle demande d'être placée dans le canton d'Alban, et que laWille d'Alby soit le chef-lieu du département de l'Albigeois.
Adresse de dévouement des volontaires nationaux de la ville de Beaugency ; ils attendent avec soumission ce qu'il plaira à l'Assemblée de décréter sur leur manière d'exister et de servir,
Adresse de la ville de Bastia en Corse, qui annonce que c'est avec les démonstrations de l'allégresse la plus vive et de la reconnaissance la plus étendue, que tous les habitants ont reçu les deux décrets, dont l'un déclare la Corse partie de l'empire français, et l'autre permet aux Corses expatriés de rentrer dans, leur pays.
Adresse de la municipalité de la ville de Toulon, qui annonce que M. Roubaud, son consul, cher par ses vertus à tous ces concitoyens, n'a péri que par l'effet des fatigues que les révolutions du temps rendaient indispensables; qu'il laisse sans de grandes ressources une famille nombreuse; que le conseil général des représentants de la commune a Voté en faveur de la veuve et des enfants une pension annuelle de 1,000 livres : elle supplie l'Assemblée d'autoriser cette délibération, et d'ordonner en même temps que la pension de 500 livres, que M. Roubaud,avaitobteoue du Roi en qualité d'écrivain de la marine retiré, sera réversible sur sa veuve.
Adresse du prévôt général de la ville de Strasbourg, qui dénonce à l'Assemblée un livre incendiaire, intitulé : Discours d'un membre de l'Assemblée nationale à ses. co-députés.
Adresse de remerclments et adhésion de la communauté de Crezier-le-Vieux ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresses de félicitations, remerclments et adhésion des communautés de Denguier, d'Ausse-viette et de Tarsacq en Béarn.
Adresse du même genre de la ville de Marie en Picardie ; elle demande d'être chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la majorité des habitants deRochefort, bailliage de Gaudebec, payant au-dessus de 10 livres d'imposition; ils destinent au soulagement des pauvres leur part du moins imposé en faveur des anciens taillables.
Adresse du même genre de la ville de Lisieux en Normandie; elle exprime les vives alarmes des habitants au sujet des nouvelles reçues dernièrement de l'Amérique : elle;supplie l'Assemblée de considérer que, si la France perdait ses colonies, nos maux seraient irréparables. . Adresse du même genre de la ville de Douarne-nez en Bretagne; elle supplie l'Assemblée de recevoir l'hommage d'un canton circonscrit dans ses limites, mais qui renferme des citoyens amis de la liberté, incapables d'en abuser, ennemis de la licence et capables de la réprimer.
Délibération de la communauté de Sainte-Foy en Guienne, contenant le don patriotique de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de félicitations et adhésion des villes de Murât, Fontanges, Saint-Germain-Lberm, Saint-Germain-Lambron, Pleaux, Auzérs, Autignat, Au-
rière-le-Cohoillon, Avèze, Bassignat,Baumont-Ies Rendan, Chartroux, Charbonnier, Champagnat, Saint-Christophe, Saint-ûenis-Barnazat, Saint-Donnat, Saint-Etienne-Sâlers, Saint-Etienne-d'Us-son, Sain t-Gervasy, Ides, Leotoing.Mons près Rendan, Malintas, Madie, Mossèy, Menet, Omme, Gavai, Saint-Projet, Saint-Pierre-Roche, Pont de Lampde, Perpezat, Rochefort,Saiut-Remy, Reynat prés Montaigu, la Rodde, Saignes, Sauvai, Salsi-gnad, Sayat, Saint-Sauves, Trizac, Tauves, Saint-Gai, Saint-Sylvestre près Rigoulin, Latendre, Vi-gnonet, Vebret, Vernus, Villeneuve, Vergonghou, Vernet, Sàinte-Marguerite-le-Vernet, Verrières ; elles expriment toutes des vœux pour que le siège du tribunal souverain à établir en Auvergne soit fixé à Clermont-Ferrand. Les villes de Murac et de Saint-Germain-Lembron demandent à être chef-lieu de district.
Adresse d'adhésion et dévouement de la municipalité et garde nationale de là ville de Partenay en Poitou, de la garde nationale de la ville de Pon-toise, et du comité permanent de là ville de Lan-devenec en Bretagne.
Adresse du même genre de la communauté de Charnod et Villetum en Franche-Comté; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre des officiers municipaux et comité permanent de là ville de Rocroy ; ils annoncent que l'ordre et la tranquillité régnent parmi les habitants, et qu'ils ont tous fait leurs soumissions pour la contribution patriotique, quoiqu'il y en ait à peine vingt qui jouissent de 400 livres de revenus, et que les trois quarts n'ay en t d'au très ressources que le travail de leurs bras.
Adresse des syndics des maîtresses et marchandes couturières de la ville et faubourgs de Paris, qui font le don patriotique de la somme de 1,191 livres 16 sous en espèces, trois gros et demi d'or, cinq marcs trois onces six gros d'argent, et deux petites bagues; elles supplient l'Assemblée de leur conserver leur état et un régime entr'elles qui prévienne les dangers qu'une liberté indéfinie pourrait entretenir.
Adresse de la ville de Quimperlé en Bretagne, qui renonce expressément à tous les privilèges et franchises de cette province.
Adresse d'adhésion de la communauté de la Saulce en Dauphiné ; elle fait le don de la somme de 1,050 livres en sus de la contribution patriotique.
Adresse de renouvellement d'adhésion et de dévouement de la ville de Draguignan en Provence ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les,ci-devant privilégiés. I Adresse de la ville de Villeneuve en Languedoc, contenant l'expression de l'amour et du respect le plus profond pour , la personne sacrée du Roi, et de l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique ;? elle renonce expressément à tous les privilèges dont elle jouissait, et fait don du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés : elle fait plusieurs pétitions, et sollicite particulièrement un chef-lieu de district.
. Adresse de la communauté de Cantobre en Rouergue, qui adhère, avec une respectueuse reconnaissance.^aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique.
Délibération de la communauté de Flins, qui
fait offre du moins imposé au profit des anciens taillables.
Adresse de la ville de Crest en Dauphiné, contenant que, sans avoir égard aux écrits répandus dans la province, contraires aux principes de l'Assemblée nationale, elle adhère aux décrets concernant la division du royaume; elle annonce que les déclarations des habitants pour leur contribution patriotique, arrivent en l'état à plus de 50,000 livres et demande avec instance d'être cbef-lieu de département ou de district.
Adresse des officiers municipaux, comité et citoyens de la^ville de Béthune, qui voulant, autant qu'il est en eux, détruire les doutes injurieux répandus par les ennemis de la révolution sur la fidélité des provinces belgiques, et manifester leur patriotisme et leur zèle pour la défense de la Constitution qui assure à jamais la liberté et le bonhenr de la nation, déclarent unanimement qu'ils adhèrent à tous les décrets de J'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi, s'engagent d'en maintenir l'exécution, de les soutenir et de les défendre de toutes leurs forces et par toutes les voies qui sonten leur pouvoir. Ils présentent cette déclaration à l'Assemblée comme un tribut de l'admiration qu'inspirent à tous les bons citoyens sa sagesse, son courage, ses lumières et ses Vertus.
Adresse des citoyens patriotes de la ville de Grenoble qui, s'élevant avec la plus grande force contre les ennemis du bien public, renouvellent, avec une fermeté inébranlable, le serment qu'ils ont déjà fait le 15 juillet 1789, dç verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour maintenir l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée, touchée des sentiments de patriotisme exprimés dans l'adresse, de Grenoble, a ordonné l'impression de cette adresse, dont suit la teneur :
« Nosseigneurs,
« Quand de perfides ministres, prodigues du sang des peuples, investissaient l'Assemblée nationale d'armes et de soldats, et appelaient la guerre civile à l'appui du despotisme, les citoyens de Grenoble, brûlant de partager vos dangers et vos alarmes, ne furent pas les derniers à prendre une résolution courageuse; ils jurèrent sur l'autel de la patrie (1), de rester inébranlable-ment attachés aux principes que vous annonciez seulement alors, et que vous avez ensuite'développésavec une fermeté et une énergie dont les siècles passés n'offrent pas un autre exemple. Ce serment prononcé en présence du juge redoutable des rois et de leurs sujets, il n'est point de jour que les citoyens de Grenoble ne l'aient renouvelé au fond de leurs cœurs, comme il n'en est point qui n'ait été marqué par les victoires signalées que vous avez remportées sur d'antiques et barbares préjugés.
« Le fanatisme terrassé; le régime féodal anéanti ; le colosse de l'aristocratie abattu ;
les droits de l'homme recouvrés; les devoirs du citoyen reconnus et rétablis; tous les
privilèges, tous les abus qui pèsent sur le peuple, réformés ou marqués pour l'être; enfin,
toutes les plaies de l'Etat sondées et découvertes : telles sont les bases de la Constitution
que votre sagesse a élevée sur les débris du despotisme; tels sont les titres immortels qui
vous assurent, Nosseigneurs, les hom-
» 11 existe, sans doute, des esclaves, façonnés au joug, qui regrettent, comme les compagnons d'Ulysse, leur ancien abrutissement; qui, au lieu de se réjouir avec les gens de bien des progrès de la raison et de l'humanité, préfèrent de s'associer à la honte et aux ressentiments des lâches qui ont trahi la cause de la Patrie ; qui, enfin, ne craignent pas de répondre par des blasphèmes aux chants d'allégresse et d'admiration que vos noms et vos vertus excitent de toutes parts. Mais quelle est la cité en France qui ne se trouve pas souillée de ce mélange impur? Quel est le coin du royaume que les ennemis du peuple n'aient pas tenté de bouleverser ou d'asservir? en est-il un seul qui n'ait pas été couvert de leurs libelles, ou agité par leurs manœuvres ?
« Au milieu de ce tourbillon d'intrigues et de dépravation, le patriotisme des citoyens de Grenoble ne s'est point démenti : presque tous sont demeurés fidèles à leur serment; et quoiqu'on n'ait cessé de calomnier leurs intentions et de les effrayer sur les réformes salutaires auxquelles vous travaillez avec tant d'intrépidité, ils n'ont changé ni de caractère ni de principes : ce sont toujours les mêmes hommes qui offrirent à leurs députés le sacrifice de leurs fortunes et de leurs vies pour les défendre contre les attaques de la tyrannie ; la liberté est encore pour eux le souverain bien ; et ils sont prêts aujourd'hui, comme alors, à verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour faire exécuter vos augustes décrets, et affermir l'heureuse Constitution à laquelle est attachée votre gloire, ainsi que la prospérité de l'Etat.
« Nous sommes avec le plus profond respect,
« Nosseigneurs,vos très humbles, etc.
« Les citoyens patriotes soussignés de la ville de Grenoble; et ont signé plus de six cents citoyens. »
Adresse de renouvellement d'adhésion de la municipalité et des négociants de la ville de Cherbourg; ils présentent, avec respect et soumission, des observations sur l'importance de la traite des noirs et des dangers de la supprimer.
Adresse de la Société des amis des noirs de Paris, pour l'abolition de la traite des noirs, ainsi conçue :
Nosseigneurs, l'humanité, la justice et la magnanimité qui vous ont dirigés dans la réforme des abus les plus profondément enracinés, font espérer à la Société des amis des noirs, que vous accueillerez avec, bienveillance sa réclamation en faveur de cette nombreuse portion du genre humain, si cruellement opprimée depuis deux siècles.
Cette Société, si lâchement, si injustement calomniée, ne tient sa mission que de l'humanité qui l'a portée à défendre les noirs, même sous le despotisme passé. Eh 1 peut-il être un titre plus respectable aux yeux de cette auguste Assemblée, qui a si souvent vengé dans ses décrets les droits de l'homme?
Vous les avez déclarés, ces droits; vous avez gravé sur un monument immortel, que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits; vous les avez rendus, ces droits, au peuple français, que le despotisme en avait si longtemps dépouillé ; vous venez de les rendre à ces braves insulaires, aux Corses, jetés dans l'esclavage sous le Voile de la bienfaisance; vous avez brisé les liens de la féodalité qui dégradaient encore une partie de nos concitoyens ; vous avez annoncé la
destruction de toutes les distinctions flétrissantes que les préjugés religieux ou politiques avaient introduites dans la grande famille dugenre humain.
Les hommes i dont nous* ; défendons la cause n'ont pas des prétentions aussi élevées, quoique citoyens du même empire et hommes' comme nous,, ils aient les mêmes droits que nous. Nous ne demandons point que vous restituieziaux hoirs* français ces droits politiques, qui seuls, cependant, attestent et maintiennent la dtgnitéde l'homme ; nous ne demandons pasi même leur liberté. Non ; la calomnie, soudoyée sansi douite par la cupidité des armateurs, nous en a prêté le dessein et l'a répandu partout;.elle voulait soulever tous les esprits contre nous, soulever les planteurs et leurs nombreux créanciers, dont l'intérêt s'alarme de l'affranchissement même gradué. Elle voulait alarmer tous les Français^ aux yeux desquels on peiat la prospérité des colonies,, comme inséparable de. la traite-des noirs et de la perpétuité de l'esclavage.
Non, jamais une pareille idée n'est entrée dans nos iesprits; nous l'avons dit; imprimé-dès-l'origine* de notre Société, et nons le répétons, afin d'anéantir cette base, aveuglément adoptée par toutes les villes maritimes, base sur- laquelle reposent presque toutes leurs adresses. L'affranchissement immédiat des noi?3 serait non-seulement une opération fatale* pour les colonies ; ce secait même un présent funeste pour les noirs, dans l'état d'abjection et de nullité où la cupidité les a réduits. Ce serait abandonner à eux-mêmes et^sans secours des enfants au.berceau ou des êtres inutiles et impuissants.
11 n'est donc pas temps encore de la demander, cette liberté; nous demandons seulement qu'on cesse- d'égorger régulièrement tous les ans des milliers de noirs, pour faire des centaines de captifs; nous demandons que désormais on cesse de prostituer, de profaner le nom français, pour autoriser ces vols, ces assassinats atroces ; nous demandons en un mot l'abolition de la traite, et nous vous supplions de prendre promptement en considération ce sujet important.
Faut-il, pour vous y déterminer, vous mettre sous les yeux le tableau de cet horrible commerce? Vousi peindrons-nous les manœuvres infâmes employées par les armateurs, les capitaines ou leurs facteurs, pour se procurer dès noirs ? Vous citerons-nous ces marehés de chair humaine, faits au milieu d'une orgie préméditée, où pour quelques flacons d'une liqueur enivrante, ou de misérables hochets, on force un prince à chasser ses sujets, comme des bêtes fauves, à les voler, à les vendre? Vous citerons-nous ces procès commandés par les Européens, où l'injustice du prince condamne tant d'innocents à un esclavage dont son avarice doit retirer le fruit? Vous citerons-nous ces guerres sanglantes, où, pour payer des dettes artihcieusement imposées, on force encore ces princes à surprendre et àenchaîner leurs paisibles voisins? Vous seriez révoltés, si nous exposions à vos regards toutes les circonstances de ce brigandage!atroce, si nous vous racontions, par exemple, qu'en surprenant les noirs dans leurs cabanes, leurs chasseurs inhumains arrachent souvent de leurs bras leurs petits enfants, qu'ils abandonnent ensuite à la faim, à la mort, parce que leurs bras trop faibles seraient inutiles et coûteux à leurs bourreaux! Et les hommes qui spéculent sur ce brigandage, qui le commandent, qui en vivent, se disent encore humains I
Eh I si. vous vous transportiez ensuite dans ces
prison s1 flottantës; dans ces cloaques dont l'espace lest mesuré par l'avarice, où l'on entasse les uns-sur les-autres ces malheureux Africains; quel sentiment'douloureux n'éprouveriez-vous pas à cet aspect affreux1! Représentez-vous ces infortunés; furieux d'être arrachés à leur patrie, à leurs enfants, qu'ils ne reverront jamais, se croyant entre* les-maios d'anthropophages et destinés à la boucherie, amoncelés dans des entre-ponts étroits, dont l'infection et: la chaleur étouffantes sont augmentées par un soleii dévorant;'enchaînés deux à deux, condamnés par lès chaînes et cet entassement au supplice affreux d'une immobilité, immobilité qui n'est interrompue que dans; les tempêtes, parles tourments plus cruels encore (de roulis violents. Représentez-vous ces captifs Violemment froissés les uos contre lés autres, déchirés par le frottement de leurs-chaînes, suffoqués dans les temps pluvieux par l'interruption totale de l'air, aspirant au lieu d'air des exhalaisons' putrides, rongés'par des maladies infectes, appelant la mort qui frappé à'leurs côtés jet' ne là trouvant souvent que dans un poison bienfaisant administré par les'calculs de la cut pidité.
Ah 1 qui peut contempler ce spectacle; sans frissonner d'horreur, sans être révolté de voir des hommes traiter avec cette inhumanité leurs semblables!...
Ou vous dira que ces tableaux sont des déclamations romanesques. Ne lé croyez pas : lè" tableau de ces faits attestés même par lés capitaines de vaisseaux négriers, est encore au-dessous de la réalité, et les pinceaux les plus énergiques jsont trop faibles pour le rendre
On vous dira que le pays habité par des noirs iest'un pays affreux et stérile, que les hommes y sont anthropophages, toujours en guerre ; mensonges démentis par les armateurs mêmes; car ils disent, d'un autre côté, que ce pays est/couvert id'une population immense, qui se renouvelle rapidement. Or, commentaccorder cette population avec la stérilité'et l'anthropophagisme ? Et la stérilité du pays est-elle d'ailleurs une cause qui autorise l'esclavage ?
On vous.dira que ce commerce subsiste depuis longtemps! Mais le brigandage se légitimert-il par la prescription?
On vous dira que de -grandes propriété^ sont fondées sur la traite, que de-grands capitaux ont' !été versés à l'ombre ae la loi qui la permettait; que l'âbolir, c'est ruiner des commerçants dé bonne foi. Mais de quel poids peut être l'or de ces commerçants, mis dans la balance, avec le; sang de milliers d'hommes versés tous les ans? De quel poids peut être un pareil calcul aux yeux d'une assemblée qui met la justice et les droits de l'homme au-dessus de tout bien? Il n'est aucun gain; aucune propriété, qui puisse légitimer l'assassinat prémédité, marchandé, de millions d'hommes.
Eh ! ne croyez pas, d'ailleurs, à ce tableau de: pertes exagérées! Nous vous prouverons, quand vous daignerez nous entendre, que le petit nombre de vaisseaux employés à cette traite barbare lé Isera bien plus fructueusement à d'autres commerces, sur cette côte même d'Afrique et dans d'autres mers, commerces qui s'Ouvriront, lors* que le génie de la fiscalité ne les enchaînera plus. I Ou vous dira que l'abolition de la traite portera le coup le plus funeste à la marine, au revenu public; aux-coionies, au commerce.
Et nous vous démontrerons que ce commerce emporte chaque année dans le tombeau la moitié
des matelots qui y sont condamnés, gangrène physiquement et moralement l'autre • moitié, et infecte de la contagion les autres commerces.
Nous'vous démontrerons que la traite est un fardeau pesant pour les revenus publics ; que, pour la soutenir, l'Etat est obligé d'entretenir à grands frais des établissements en Afrique:1; qu'il est encore obligé de payer annuellement une prime d'environ deux millions cinq cent mille livres, que cette prime est triplement funeste, en ce qu'elle sert à alimenter un commerce de sang", en ce que, pour la payer, on enlève à l'indigent habitant de nos campagnes le fruit de son travail ; en. ce qu'elle se verse, pour la plus grande partie, dans les mains des armateurs anglaiSj auxquels des négociants français ne rougissent pas de prêter leur nom, pour éluder l'intention du gouvernement.
Nous vous démontrerons que la traite des noirs n'est point un commerce avantageux à la France; qu'elle lutte contredes désavantages qui lui sont particuliers, puisqu'elle ne peut exister sans une prime considérable, tandis que l'Angleterre n'en accorde aucune de ce genre à ses armateurs. Nous vous démontrerons que la nécessité de lui accorder cette prime prouve incontestablement combien ce commerce' est ruineux-, que les armateurs français conviennent eux-mêmes de l'impossibilité de soutenir la traite française sans ce secours; que malgré cette prime, ils aiment mieux se ' concerter avec des armateurs anglais que de courir des risques; en sorte que la traite française n'est, dans la réalité, qu'un prétexte, pour voler l'Etat au profit d'étrangers.
Nous vous démontrerons que cette traite a été de tout temps ruineuse ; que dix compagnies y ont vainement englouti des fonds immenses ; que la compagnie actuelle du Sénégal serait déjà ruinée sans les monopoles qu'elle exerce et sans les profits qu'elle a faits sur la gomme et quelques1 autres productions de l'Afrique.; qu'en portant ie commerce sur ces productions, on ouvrirait un débouché bien plus avantageux pour nos manufactures.
A l'égard des colons, nous vous démontrerons que, s'ils ont besoin de recruter des noirs en Afrique; pour soutenir la population des colonies au même degré, c'est parce qu'ils excèdent les noir de travaux, decoups de fouet, d'inanition; que s'ils les traitaient avec douceur et en bons pères de fa raillé-, ces noirs peupleraient, et quecette population, toujours croissante, augmenterait la culture et la prospérité ; que l'expérience de beaucoup de planteurs anglais et français, pendant un grand nombre d'années et dans différentes îles; atteste ces vérités incontestables, que la douceur du traitement augmente la population que la population indigène dispense des recrues étrangères, et par conséquent enrichit le maître en améliorant le sort de l'esclave. Or, ce qui se fait dans vingt habitations peut s'exécuter et réussir dans cinq cents et par conséquent dans toutes les îles à sucre.
Nous vous démontrerons que l'abolition delà traite sera avantageuse aux colons, parce que son premier effet sera d'amener cet état de choses, de forcer les maîtres à bien traiter, bien nourrir leurs esclaves, à favoriser leur population, à les aider dans leurs travaux, par Je secours des bestiaux et d'instruments qui multiplieront les travaux en les facilitant;parce que ces nègresétant mieux secondés, feront mieux et davantage, dans le même espace de temps, et par conséquent produiront davantage ; parce que la population
noire s'augmentant par elle-même dans >les îles* plus de travaux, pluside défrichements et moins de mortalité en résulteront, puisqu'il est démontré que les nègres-créoles sont plus laborieux; plus» tranquilles,- mieux -'acclimaté et- par conséquent moins sujets aux maladies que les nèx gres africains.
Nous vous démontrerons que l'abolition de là! traite sera avantageuse aux colons* parce que* n'ayant plusde noirs à acheter, ils ne seront plus obligés de contracter des dettes énormes envers les armateurs et capitalistes d'Europe ; qui' les engagent, par leur crédit meurtrier, à continuer ce recrutement pernicieux d'esclaves : dettes dont le montant ne peut que se tripler rapidement par la hausse rapide et infaillible du prix des noirs, qui, ne pouvant plu3 se voler qu'àdes distances immenses dans l'intérieur de l'Afrique, deviennent une marchandise très chère;
Nous vous démontrerons que cette abolition sera même avantageuse à nos manufactures,parce que dans cet ordre de choses, les planteurs ayant moins d'avances à faire et traitant mieux leurs esclaves; la population s'accroîtra rapidement et par conséquent la consommation de nos denrées, parce que le superflu des avances libres sera reversé sur les: objets de nos manufactures, dont les maîtres et les esclaves consommeront unemeil-leure qualité et une plus grande quantité ; parce? que cette consommation s'accroîtra encore, lors que les esclaves pouvant disposer de leur travail, acquérir de l'aisance et leur liberté, adopteront' nos goûts et nos habitudes, et pourront consa* crer une partie du fruit de leurs travaux à l'achat dés marchandises européennes.
Ehl ne vous laissez pas écarter du devoir que vous impose ici l'humanité, par la crainte de* quelque interruption ,dans les travaux peu nom-; breuxqu'occasionne/ën France la traite des noirs? ' Avez-vous écouté cette crainte, lorsque, d'une> main hardie; vous avez renversé tous les abus qui contrariaient une constitution libre ?Ges abus alimentaient cependant des milliers d'individus; la commotion causée par cette révolution, a jeté toutes les fortunes dans l'incertitude, fait resser-1 rer les capitaux, suspendu presque tous les travaux. Quel mauvais citoyen ose cependant se> plaindre de cette suspension nécessaire I Ce n'était pourtant pas votre sang que versaient vos tyrans; ils ne violaient pas à chaque instant l'asile de votre maison ; ils ne vous condamnaient, pas injustement pour avoir le droit de vous vendre; ils ne vous1 arrachaient pas à vos foyers-pour vous plonger dans une éternelle captivité; et sur une terre étrangère.
Or, si, pour recouvrer la liberté, à laquelle, sans doute, on doit sacrifier la vie même, vous n'avez' pas balancé à suspendre le mouvement d'une immense société, pourriez-vous balancer, lorsqu'il s'agit du sang de milliers d'hommes, à suspendre1 Je commerce de quelques individus, par la crainte de compromettre leur fortune? Ils sont pères de famille ! Eh quoi ! ces nègres ne sont-ils pas. pères aussi ? n'ont-ils pas aussi une famille à entretenir?
Mais, d'ailleurs, on s'exagère toujours l'effet de ces commotions, dans les travaux, produites pari de grandes inventions. Le travail peut être momentanément suspendu ; mais il reprend bientôt pour une autre destination où un autre emploi' lui succède. Et comment autrement expliquer l'effet de ces guerres, qui,: pendant longtemps, interrompent le commerce? La guerre dernière qui pendant six ans. a suspeadu la traite, a-t-elle
fait descendre dans le tombeau les cinq à six millions d'individus, dont, par un calcul extravagant, on attache l'existence à la traite ? Gomment encore expliquer l'effet de ces découvertes, qui, simplifiant les travaux, paralysent les bras de milliers d individus ? La machine â filer le coton a, par exemple, réduit d'abord à une inaction momentanée plus d'ouvriers que l'abolition de la traite des noirs ne le fera. Or, a-t-on balancé, pour leur intérêt, à employer partout l heureuse découverte d'Arkwright?
On prétend calculer l'effet futur de cette stagnation par celle qui existe déjà dans les armements pour la traite, stagnation qu'on attribue à la réclamation de la Société des amis des noirs.
Mais cette stagnation est-elle aussi grande qu'on la peint? Est-elle le produit de la seule réclamation des amis des noirs? Ne tient-elle pas à cette cause générale de suspension, d'engourdissement, qui attaque toutes les branches du commerce, à la stagnation ou l'exportation du numéraire, au défaut de confiance, au défaut de gouvernement? Si nous examinions toutes ces questions, il nous serait facile de disculper la Société.
Mais cette justification est inutile. Les armements pour la traite languissent ; tant mieux. C'est un fléau de moins. Le coup est porté dans cette partie du commerce ; il ne peut que s'étendre, et au lieu de gémir sur ses conséquences, il faut s'occuper des moyens de changer le mal en bien, de substituer un commerce humain et utile à un commerce barbare, destructif et désavantageux. Cette circonstance même vous fait donc la loi de presser l'examen de notre pétition; et pour l'intérêt du commerce et des planteurs, vous devez hâter l'abolition de ce commerce, qui, frappé dans l'opinion publique, ne pourrait jamais subsister, quand même l'Assemblée nationale ne le proscrirait pas.
Ou vous dira, sans doute, qu'il suffirait d'adoucir la traite, au lieu de l'abolir; qu'on pourrait en diminuer l'horreur... Vains palliatifs! Le parlement d'Angleterre les a tentés, et la loi a été infructueuse. Les armateurs ont eux-mêmes déclaré que ces adoucissements étaient incompatibles avec la traite.
Ainsi, ceux-là même qui sollicitent la continuation de cet exécrable trafic, ont déclaré qu'en dernière analyse, pour le rendre profitable, il fallait conserver tout ce qu'il a d'atroce ; que tout y est combiné ; que la traite des noirs devient un commerce ruineux, si l'on ne peut pas, à tous risques, en entasser un grand nombre, dans l'espace calculé rigoureusement pour un nombre beaucoup moindre ; si l'on ne peut enfin contenir leur désespoir par la terreur.
On vous dira, et c'est l'éternelle objection des armateurs : si nous abandonnons ce commerce, les Anglais en recueilleront seuls les fruits. Eh ! qu'importe, si c'est un commerce infâme, d'en abandonner la honte et le profit à nos voisins ! Pourquoi regretter d'ailleurs des profits qui ne sont qu'imaginaires, puisque ce commerce est ruineux par sa nature, puisqu'il n'y aurait qu'une chance inévitable de perte, s'il n'y avait pas une prime pour la couvrir?
Pourquoi regretter de céder ce commerce aux Anglais, aux étrangers, lorsqu'ils fournissent les quatre cinquièmes du commerce général, et au moins le tiers du nôtre?
Pourquoi regretter de le leur laisser, lorsqu'il a été démontré d'une manièie incontestable, par j les auteurs anglais même, qre ce commerce est
le tombeau de la marine anglaise; que pour soutenir, d'une manière précaire et languissante quelques maisons de commerce de Liverpool et de Bristol, on porte un préjudice immense au commerce en général ; que l'abolition de la traite anglaise serait tout à la fois avantageuse aux colonies anglaises et.aux revenus publics?
N'en doutons pas, le moment où ce commerce sera aboli, même en Angleterre, n'est pas éloigné. 11 y est condamné dans l'opinion publique, dans l'opinion même des ministres. Le parlement ne se serait pas prêté, à la solennité de ce grand procès, n'en aurait pas ordonné l'instruction dans le plus grand détail, s'il n'eût pas prévu qu'il ne restait plus qu'à motiver sa destruction. Elle semble éprouver des lenteurs; c'est que le ministère, et il existe des preuves de ce fait, s'occupe en silence des moyens de montrer, à l'instant même où l'abolition de la traite sera prononcée, un remplacement qui présente immédiatement au commerce anglais, habitué aux expéditions pour l'Afrique, une occupation propre à le dédommager.
Ces lenteurs dans la décision touchent à leur fin, et l'empressement avec lequel le parlement vient de déclarer qu'il s'occuperait immédiatement et constamment de cette matière importante dans cette session, prouve l'opinion générale de ses membres, qu'il n'est pas un moment à perdre pour arrêter l'effusion du sang africain.
Eh ! comment a-t-on pu sérieusement avancer que cette marche du parlement, de la nation anglaise, des ministres, n'était qu'un jeu pour nous tromper? Peut-il exister un pareil concert parmi tant d'individus, dont les intérêts sont si différents et si opposés ? Peut-on supposer ce concert miraculeux pour conserver à quelques maisons de Liverpool ce privilège exclusif de continuer un commerce inhumain?
Enfin l'on vous dira, pour vous détourner d'une matière aussi pressante, qu'abolir la traite, que même en prendre la résolution en considération, c'est allumer la révolte parmi les noirs.
Tel était aussi le langage qu'on tenait autrefois, pour empêcher la réforme des abus parmi nous. Est-ce donc avec des actes de bienfaisance qu'on irrite les hommes? Ahl si les oppresseurs des noirs sont, à force de tourments et d'humiliations, parvenus à éteindre presque tous les sentiments dans leur âme, ils n'ont pas au moins éteint celui de la reconnaissance; mille faits éclatants en déposeront. Et de quelle reconnaissance ne seront-ils pas pénétrés quand ils apprendront que la première assemblée de la France veut adoucir leur sort, empêcher à jamais le meurtre de leurs semblables! leurs chaînes leur sembleront moins pesantes en pensant, que peut-être un jour leurs enfants n'en seront plus accablés. Ils n'enseveliront plus leur postérité dans le néant. Mieux traités, ils attendront avec patience le moment où leur esclavage devra finir, et la sédition sera loin de leur âme. Est-on séditieux au sein des bons traitements?
Si quelque motif pouvait au contraire les porter à l'insurrection, ne serait-ce pas l'indifférence de l'Assemblée nationale sur leur sort? ne serait-ce pas la persévérance à les charger de chaînes, lorsqu'on consacre, partout cet axiome éternel : que tous les hommes sont nés libres et égaux en droits! Eh quoi donc, il n'y aurait pour les noirs que des fers et des gibets, lorsque le bonheur luirait pour les seuls blancs? N'en doutons pas, notre heureuse révolution doit réélectriser les noirs, que la vengeance et le ressentiment ont élec-
trisés depuis longtemps; et ce n'est point avec des supplices qu'on réprimera l'effet de cette commotion; d'une insurrection mal apaisée en naîtront vingt autres, dont une seule peut ruiner à jamais les colons. Il n'est qu'un moyen pour les prévenir; c'est l'abolition'de là traite; c'est au moins la résolution prise par cette assemblée de s'en occuper sans délai. La nouvelle d'un décret, même préparatoire, produira deux bons effets à la fois ; elle calmera l'effervescence des'noirs, elle forcera les planteurs, qui n'attendront bientôt plus de recrues africaines, à mieux traiter burs noirs. Ainsi vous arrêterez, d'un seul mot, l'effusion du sang sur les côtes d'Afrique, les traitements barbares dans nos îles, et vous préparerez, par un autre ordre de choses, une prospérité durable pour nos colonies.
Eh! ne vous laissez point effrayer par la crainte d'exciter le ressentiment des'villes engagées dans la traité, et de les voir s'opposer à la révolution; c'est les Outrager que de leur prêter une pareille vengeance; c'est s'outrager que de la craindre. Malheur aux villes qui, pour se venger d'un juste décret, auraient recours à une opposition aussi criminelle! Elles ne seraient pas dignes d'être libres. Malheur aux législateurs qui écouteraient ces craintes! Ils seraient indignes de leur titre.
Si donc vous attachez le plus grand intérêt et à votre gloire et au respect pour les grands principes et à la conservation des colonies, hâtez-vous, non d'abolir la traite; nous ne cherchons pas à précipiter celte décision, quoique nous soyons convaincus de sa justice et de ses avantages; mais hâtez-vous de prendre promptement en considération la demande de cette abolition; et, si les grands objets qui fixent maintenant vos regards, ne vous permettent pas de nous entendre et d'examiner tous les faits et les calculs que nous pouvons vous offrir, hâtez-vous au.moins de déclarer vos principes sur cette question, de déclarer à l'univers que vous ne prétendez pas les écarter, lorsqu'il s agit de l'intérêt d'une autre nation. L'honneur du nom français l'exige. Les peuples libres d'autrefois ont déshonoré la liberté en consacrant l'esclavage qui leur était profitable. 11 est digne de la première assemblée libre de la France, de consacrer le principe de philanthropie qui ne fait du genre humain qu'une seule famille, de déclarer qu'elle a en horreur ce carnage annuel qui se fait sur les côtes d'Afrique, qu'elle est dans l'intention de l'abolir un iour, d'adoucir l'esclavage qui en est le résultat, d'en rechercher, d'en préparer, dès à présent, les moyens.
Nous vous en conjurons, au nom des colonies mêmes, qu'une pareille déclaration peut seule tranquilliser, au nom de votre gloire, au nom'de la justice, au nom de l'humanité, à laquelle un mois, un jour de délai coûte des flots de sang... Nous vous en conjurons enfin au nom du ciel, qui contemple sans doute avec joie la révolution que vous avez opérée, qui la bénira, qui la protégera bien plus fortement, en vous voyant employer votre pouvoir pour essuyèr les larmes de ces infortunés contre lesquels la cupidité européenne conspire depuis si longtemps.
Signé : Brissot de Warville, président.
Le Page, secrétaire.
, négociant à Rugles, député du bailliage d'Evreux, annonce par lettre qu'une maladie grave de son épouse est cause qu'il n'est pas encore de retour à l'Assemblée nationale.
annonce qu'il a reçu de M. le garde des sceaux une note par laquelle il annonce que le Roi a donné ses ordres :
1° Pour l'exécution du décret du 14 de ce mois, concernant l'exécution des marchés faits dans les ports;
2° Pour l'exécution du décret du 19, qui lui a été présenté hier pour la surséance d'une procédure criminelle qui s'instruit'à Strasbourg;
3° Pour l'exécution du décret du 20 de ce mois, concernant le faubourg Saint-Laurent-lès-Chà-lons;
4° Pour la traduction des décrets de l'Assemblée dans les différents idiômes usités dans le royaume. Ils le sont déjà en italien pour la Corse ;
5° Pour l'exécution du décret du 18 de ce mois, et dont l'objet est d'affranchir de la formalité du contrôle et des droits de papier timbré, les actes relatifs aux élections des municipalités et les délibérations qui seront prises pour la constitution des municipalités et autres corps administratifs, ainsi que pour toutes les opérations administratives et le décret accepté par le Roi va être envoyé dans tout le royaume ;
6° Pour l'exécution du décret du 12 de ce mois, et présenté hier à Sa Majesté, pour autoriser les commissions intermédiaires des pays d'Etat à rendre exécutoires les rôles d'impositions ; et ce décret sanctionné par le Roi va être envoyé dans toutes les provinces qui étaient régies par des Etats particuliers;
7° Pour l'exécution du décret du 20 de ce mois, et quia pour objet de déterminer l'état des villes, villages, paroisses et communautés qui ont été jusqu'aujourd'hui mi-parties entre différentes provinces ; et ce décret accepté par le Roi sera envoyé incessamment dans tout le royaume.
Signé : Champion de Cicé, arch. de Bordeaux.
dit que M. le garde des sceaux lui a annoncé qu'on ne pourrait rien décider sur l'affaire de Marseille tant que le rapport n'aura pas été fait à l'Assemblée.
L'Assemblée décide que le rapporteur sera entendu samedi.
, membre du comité des rapports, rend compte à l'Assemblée des persécutions qu'a éprouvées, dans sa patrie, le sieur Tribert, commerçant en grains dans la province du Poitou et chargé par le gouvernement, dans le courant de l'année dernière, de faire des approvisionnements pour la ville de Paris. Les persécutions contre sa personne ont été telles que cet honnête citoyen, irréprochable dans sa conduite, a été obligé d'abandonner ses foyers, et il est'en* core dans le moment présent, hors de son pays. M. le rapporteur propose au nom du comité, et l'Assemblée rend le décret suivant :
« L'Assémblé nationale, après, avoir ouï le rapport d'un membre de,son comité des rapports,
« Déclare qu'elle approuvé' la conduite tenue par le sieUr tribert, négociant à Poitiers, à raison des achats dé blé qu'il a faits par ordre du gouvernement, dans le mois dé juillet dernier, pour l'approvisionnement de la ville de Paris ; le met en conséquence sous la sauvegarde de la loi et du Roi; ordonne que les municipalités lui prêteront main-forte et protection pour le libre exercice de son commerce, tant qu'il se conformera aux décrets de l'Assemblée. »
, membre du comité
.des . rapports, soumet à l'Assemblée un projet de décrét interprétatif de ceux, déjà rendus pour empêcher l'exportation des ^ grainset farines, à, l'étranger-, et pour favoriser leur .libre circulation .dans l'intérieur dp royaume. Ce projet de décret ajoute aux précautions déjà prises pour l'approvisionnement des froatièrçs, celle d'obtenir et faire viser des acquits-à-caution dans les bureaux des fermes .générales.
Plusieurs députés proposent des amendements jà ce projet de décret.
le combat dans i son ensemble et i attaque notamment i la disposition, qui met dans lies mains de ia ferme générale fa police des acquits-à-caution, employés pour l'approvisionnement .des frontières. Il observe que l'Assemblée idoit préférablement se reposer de ce-soin sur les municipalités qui vont être constitutionnellement * formées. 11 demande la question, préalable.
soutient que toùtes les dispositions de Ce projet de décret pnt été.rejetées.lors des premières lois faites sur la défense de l'exportation des grains ét farines à l'étranger, et sur laJibre circulation dans l'intérieur.
-Laquestion préalable est mis aux voix, et 1!Assemblée, décide qù'il n'y a pas lieu à délibérer.
-—-tOn reprend la .discussion .des articles proposés par M. Guillotin sur les lois criminelles.
Ce n'a jamais été sans succès ;que les droits de la justice elde l'humanité! ont été réclamés parmi vous. Un cœur sensible qui s'in-i téressetpour, le juste persécuté; peut donc. parler avec t confiance. Hier un bonojrabie membre a parlé j peut-être pour des. coupables : le vice de là procédure i contre laquelle il a réclamé était quelle ait été tenue secrète; il craignait le sort d*un jugement pour des hommes dont les délits .n'étaient pas notoirement constatés.. Vous avez ^ admis aussitôt,sa réclamation, vous àvez.â llins--tant.statué,jque votre président écrirait, pour qu'il fût sursis a l'exécution. Quei ne dois-jedonc pas .espérer lorsque je prends la parole, non pour un coupable, non pas même pour un juste, mais pour une foule d'individus honnêtes, irréprochables, quLonti)kn.mériJtékde leurs ooncLLQyens, et qui ,se trouvenL dur le point de subir un châtiment .plus i terrible que la mort même, pour des fautes . auxquelles ils n'ont eu aucune, part, qu'ils ahhor-r«ntJv,qû!i{s. n?ont pu empêcher,. et qu'ils voudraient avoirpu /prévenir ?.C!est pour.de telles . personnes, Messieurs, que - j'invoque votre clé-lmence,jque)e réveille votre commisération; elle a été sollicitée pour la même cause, en deux fois différentes. Des circonstances impérieuses, des .Affaires mûltipliées éLinstantes ont suspendq jus-, qu!à présent vôtre .décret,; mais'il n;y: a plus à différer aujourd'hui. Le tribunal est assemblé, les coupables vont être cités devant le juge intègre." Ils méritent la mort; qu'ils la subissent, ûétournezren vos. regards ; il faut des réparations., il faut des exemples, qu'ils en servent ; mais ne .soûifrez pas .que leurs tourments passagers rejaillissent éternellement sur leurs familles pion-gées dans la tristesse, et quii'ont d'espoir que dans votre, justice. compatissante.' 11 existe pour nousun pré|ngê barbarerqui dévoue à l'infamie les ..proches d'iin criminel. Cédez aux cris de la raison ; réprouvez ce que' la saine philosophie condamne; q;ue lés fautes soient, dans une nation sage, uniquement personnelles.
Par un reste de la tyrannie-féodale, la confis-
cation des biens du condamné, en certains cas et pour certains délits, étendait la peiné à; une géfté-ration innocente, à des enfants, à des proches déjà trop ^malheureux, d'appartenir à un coupable. Réduisez, messieurs, par votre sagesse, la peine du délit au seul criminel ; abrogez cette loi trop rigoureuse, qui tue dans ses. descendants celui qui a i déjà subi la peine ,dé ses forfaits . Enfin, Messieurs,, au milieu de tant- de préjugés contre iesquelsje mîéJêve, quelle..barbarie de ne pouvoir justifier, dans la suite^des temps, qu'un criminel . n'est plus, qu'en ;produisant sa sentence de mort. Souffrez, messieurs, que la famille réclame-le cadavre ; ordonnez au moins qu'il soit , admis à la sépulture commune,Vet que rien, dans rl'aCte ! qui, atteste son décès, ne retrace le souvenir du châtiment qu'il a subi. C'est à ces trois points essentiels que je réduis.la motion de M. Guillotin. J'espère qu'il ne me désapprouvera pas d'avoir remis à votré décision des articles qu'il a sèlli-cités : .c'est entrer tdans ses vues que d'en accélérer le succès. 11 en a, mieux que je ne' le pourrais faire, exposé la nécessité et l'importance. Ne ;ia différez donc plus ; rendez la vie,' sauvez l'honneur des familles nombreuses «Je cette capitale et des provinces; prononcez un décret qui deviendra,pour le royaume un bienfait universel.
' L'orateur observe que le premier article portant que « les délits du même.genre seront ptrnis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l'état des coupables/» a été décrété7le premier décembre dernier.
, auteur du projet de décret, pro-, pose d'ajourner les articles 2-et 4, de les renvoyer au comité des sept, établi pour la réforme.dé'la jurisprudence criminelle et de délibérer sur les articles 3, 5 et 6.
Cette proposition est adoptée, et le président donne lecture de l'article "3 qui deviendrait5le deuxième du décret.
Messieurs, rien n'est plus sage qu'une loi qui détruit un préjugé barbare qui fait, porter à une famille innocente,jusqu'aux dernières (générations, le déshonneur d'un coupable.
Il est beau de commander à'l'opinion et de détruire d'antiques erreurs lorsqu'elles sont préjudiciables au bien de la société ; mais il'faut commander à l'opinion avec empire; il faut le faire avec un appareil qui maîtrise les sens, .fixe l'attention du peuple et serve de guide à sa raison. Or, C'est par le ministère de Thomme de la loi que le décret dont je tous parle doit être exécuté. ,' Je propose que sur le lieu même dusupplice, le juge réhabilite ïa mémoire du condamné. Cette sentence.de réhabilitation anéantira toute flétrissure et ne donnera plus de prise au prèjngé.
Cette réhabilitation "serait Titien se, en ce qu'elle mettrait le crime du décédé au même niveau que l'innocence. W faut'y substituer la simple lecture à'fài're, à haute voix, au pepple, .par le greffier, de ^article dontïil est question.
Cet amendement est inapplicable aux condamnations* du coupable aux galères à temps, attendu qu'il n'y a point de lieu d'exé-cution ni de temps précis où cette lecture pourrait être faite.
Toutes ces précautions donne-
raient au préjugé une force nouvelle au lieu de le. détruire « il ne faut pas ainsi douter de l'in-suflisance de la loi-ni témoigner des crainte&de son inobservation ; le législateur ne : doit jamais présumer que l'opinion, puisse prévaloir sur la sagesse des principes.
La question préalable est demandée et prononcée.
L'article 3 est admis sauf rédaction.
donne lecture de L'article 5 qui deviendrait le troisième.
observe qu'en-:abolissant la confiscation, l'Assemblée se trouverait! en contradiction avec quelques-uns de ses décrets, et il cité i la confiscation i prononcée contre ceux pris en contravention en exportantes, grains^ l'étranger.
répond qu'il faut bien se garder de confondre la confiscation igénérale des biens d'un condamné avec la saisie de choses qui constatent un corps de délit. C'est cette confusion d'idée qui-sert de hase à l'observation du préopinant.
' L'article. 5. ,est mis aux voix : et adopté.
donne lecture de l'article ti.qui deviendrait le,quatrième.
demande à présenter quelques observations et dit :
. Dans tous les cas où la toi prononcera la peine de mort,.contre un accusé, le supplice sera lé Même, quelle que soit .la natureidu délit dont il: .sefsera rendu ,cousable..Le criminel-sera déca-j pâté.,11 le sera par l'effet d'iun simple mécanisme.
Nul ne pourra reprocher à un ;citoyen le supplice ni les ..condamnations infamantes quelconque^ .d'un de-ses parents. Celui qui osera le faire sera .réprimandé, publiquement ; par le juge. La sentence qui interviendra sera affichée à la porte du .délinquant : de plus, elle . sera et demeurera affichée au pilori .pendanttrois mois.
Ne doutez pas un seul instantquele préjugé aie se .dissipe. .Cette i révolution .sena l'ouvrage du itemps.'Rien n'est si difficile que de détruire.une . sottise.qui s'est;.accrochée au/prétexte imposant de 1 honneur ; elle tient à un sentiment presque .irrésistible,,que l'habitude.aidentifiéavecûotre existence sociale; mais quand cette sottise fait ,un>e partie de.nos meaurs :et s'est , mariée',avec d.'autres .usages aussi .peu réfléchis, il .semble (qu'elle!,soit indestructible..: or. tel est s le préjugé .de cette infamie héréditaire que i.nos ancêtres (avaient .consacrée, depuis tant de siècles. La révo-rlution; étant i universelle, elle» frappera sur cette i inconséquence .morale., qui faàf; .partager à l'iano-ticenee les peines..d'un,/qrime. 0u;d'undétit.n8ans ce bouleversement général de la législation, cette ,«erreur -aurait résisté encore pendant plusieurs -.siècles aux déclamations des orateurs* aux efforts combinés de la philosophie et des lois. C'est dans 4e. peuple surtout qu'elle s'était fixée; car la noblesse en avait secoué le .joug or les vérités morales sont difficilement , saisies t par un peuple . iégaré, qui respecte;par, habitude. tout ce; qui jlui a été transmis par ses pères, et adore religieusement jusqu'au.mensauge qu'il a entendurépéter .dès son .berceau. 11 Jaut espérer .quenlocpeaple s'empressera, de s'instruire. Admisdans déférents emplois à quelques parties de lîadministration, .il .Si éclairer a promptement; il apprendra les lois
de son pays, qu'il ignorait ; et la vérité'sera substituée à une foule de sottises avec lesquelles la cupidité sacerdotale ou le despotisme des souverains amusait sa faiblesse et sa crédulité.
met aux voix l'article 6 qui es t.adopté.
Enfin les quatre articles adoptés ont'été1 rédigés «t décrétés en ces termes :
«L'Assemblée nationale a décrété 'et décrète ce qui suit:
Art. 1er. Les délits du même genre seront punis par le
même.genre de peine, quels que soient le rang et l'état des coupables.
« Art. 2. Les délits et «les crimes étant personnels, le supplice; d'un coupable, et' les condamnations infamantes quelconques h'impri ment aucune flétrissure i à sa famille. L'honneurde iceuxi qui lui appartiennent n'est nullement en-taché, et tous continueront d'être admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et de dignités.
« Art. 3. La confiscation des biens des condamnés ne f jpourra ; jamais 'être prononcée dans aucun cas.
« Art. 4.---- Le corpsdu supplicié seradélrvréà !sa famille,.si elle ite ; demande-1 Dans tous les cas, itsera admis à la t sépulture 'ordinaire,-et line sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort. »
Il est arrêté, en outre, qud lesquatre articles ci-dessus seront présentés incessamment àlasanction royale,, pour être envoyés aux tribunaux, * corps administratifs et municipalités.
M. Lamy;. député 'de Caen, ia déposé sur le bureau une^motion 'sur l'importance ide décréter fia responsabilité des chelside bureaux de ^administration, comme suite,ynéces-saire.de celle des > ministres. ( Voy. ci-dessous le texte de la motion de M. Lamy.)
lève ensuite la séance^en indiquant celle de demain, pour 9 heuresJdu matin.
à la séance de l'Assemblée nationale du
. Sonopinion sur, la motion de M.» Guiliotin tendant à réduire les supplices à la mort simple (1)
Messieurs, on. doit .approuver les vuesi-quiiont dicté la motion 411e vous discutez .aujourd'ibui ; l'égalité; despeines pour les déUts semMables, quel que soit le rang des condananés, est.une suite rigoureuse de votre déclaration des droits de Ehomme: c'est une de ceanaximes, incontestables que les, préjugés avaient seuls, fait méeon-naître, et .qui,a dû. n'exciter en vous qu'un sen-tinieot.de regret de ne, l'avoir pas encore décrétée.
. A cette proposition , que vous avez justement ,accueillie, l'auteur de là .motion joint
deux propositions nouvelles.
Il demande que le supplice des coupables ne répande aucune flétrissure sur leur malheureuse famille.
Cette seconde proposition ne peut éprouver de contradictions raisonnables ; ce serait insulter à votre jugement que de vouloir vous la démontrer : les parents du condamné sont malheureux, ils ne doivent point être insultés; les parents du condamné sont citoyens, ils doivent conserver et l'estime publique et leurs propriétés, jusqu'à ce qu'ils aient mérité de les perdre. En voilà sans doute assez sur une question aussi simple ; mais il s'en présente une autre sur laquelle vous aurez un jour à prononcer. Je soutiens et j'espère un jour démontrer que cette infamie, dont nos lois sont si prodigues, ne doit être, chez un peuple vertueux et instruit, que le supplément de sa législation ; elle ne doit pas même frapper sur celui que la loi condamne : elle forme alors un double supplice ; elle fait plus, elle nuit à l'action de la loi, elle la contrarie, et la raison en est simple : l'action de la loi est, de sa nature, limitée par la nature du délit ; l'action de l'opinion, l'infamie est, de sa nature, illimitée, vague, indéfinie, et c'est par une suite de sa nature que, ne pouvant jamais s'arrêter, elle allait, dans notre système de préjugé, frapper la famille du coupable, et poursuivait encore en elle l'homme qui avait satisfait à la loi. Si l'infamie en elle-même n'a jamais produit aucun bien dans l'ordre de la législation, il est tout aussi vrai de dire que, par la manière dont la loi la distribuait, elle y a causé de grands maux. Elle frappait dès la première faute, et marquant ainsi l'homme qu'une première chute avait déjà rendu plus faible, elle le poussait à de nouveaux crimes; en le séparant de la société des citoyens dont il ne pouvait plus espérer de ramener l'opinion, elle le précipitait dans la société des brigands, où l'infamie devient un titre d'honneur. N'en doutez pas, Messieurs, l'homme veut être considéré, et quand on le force à renoncer à l'estime des bons, il recherche les louanges des méchants. Vous adopterez sans doute des principes plus sages dans la nouvelle rédaction des lois criminelles ; vous sentirez tout le danger de l'arme terrible de l'infamie ; qu'elle atteigne l'homme puissant, l'ennemi de la nation, que des circonstances que vous saurez rendre rares, auront soustrait au supplice ; qu'elle empoisonne la vie de ceux qui sont insensibles à la misère du peuple ou aux peines de la patrie-, mais que l'homme que la loi frappe, et qui courbe sa tête sous son glaive, puisse du moins mourir résigné (et l'on ne se résigne pas à l'infamie) ; que ses yeux s'arrêtent sur une famille qui puisse le consoler sans le maudire, et que cette famille infortunée, en rapportant dans ses foyers la terrible leçon de l'exemple, n'y rapporte pas en même temps l'impossibilité d'en profiter. Ces changements importants doivent sans doute être médités ; mais vous y préparerez nos mœurs et nos opinions en décrétant dès aujourd'hui l'abolition d'un préjugé dont l'injustice est généralement reconnue. Je ne vois donc qu'un très grand avantage à décréter les articles qui éloignent toute flétrissure de la famille des suppliciés, et qui proscrivent la confiscation des biens des coupables. Je passe à la discussion de l'article par lequel l'honorable membre a demandé que l'on borne à la décapitation le supplice des condamnés à mort, quel que soit le genre de leurs
crimes. J'approuve le principe d'humanité qui a dicté cette motion; je conviens, avec l'honorable membre, que s'il est encore incertain, aux yeux de la philosophie et de la religion, que l'homme ait le droit d'en tuer un autre, la politique et la législation, en résolvant ce problème, doivent au moins s'interdire d'aggraver la mort même par l'atrocité des supplices ; mais je crains que la disposition qui attaquerait dans un seul point l'ordre actuel, quelque vicieux qu'il puisse être, ne soit une disposition incomplète, dangereuse et prématurée,: les défauts du Code criminel tiennent à une multitude de causes ; ils ne peuvent être rectifiés que par l'adoption d'un système entier.
Une extrême corruption de mœurs, une multitude d'idées despotiques, l'influence des lois canoniques, l'entassement de la population, la disproportion des fortunes et la prépondérance des richesses, tout a promptement et forcément jeté les combinaisons des criminalistés au delà des bornes que leur assignaient la justice et l'humanité ; mais les fautes, les erreurs du Code pénal ne sont pas renfermées dans un seul point, elles sont éparses dans ce grand ouvrage, et si l'on veut considérer la série de ses dispositions, c'est dès le premier degré que l'on reconnaîtra l'erreur; elle est d'abord dans les principes. L'homme attend de la loi la sûreté de sa personne et celle de sa propriété : la loi ne reçoit de lui, sur l'une et sur l'autre, que le droit absolument nécessaire pour en assurer la conservation. Toute loi qui usurpe un droit qui n'est pas strictement nécessaire pour parvenir à ce but commet un véritable attentat : ce principe n'a certainement pas été respecté dans la confection des lois pénales.
Réparer le dommage fait, prévenir le dommage à venir, voilà le but de la loi ; il faut d'abord distinguer les délits réparables de ceux qui ne le sont pas : le Code actuel méconnaît encore ces principes et ces différences ; il suit la même marche pour des délits différents,il ne répare point le dommage fait. L'homme qui a été volé n'obtient aucun dédommagement; le travail et la propriété du coupable qui est devenu son débiteur, sont consacrés par la loi et de la manière la plus inutile, à des travaux prétendus publics, à moins que, plus absurde encore, la loi prive même la société de ce travail, en exterminant le coupable. Si la loi ne répare pas, elle devrait au moins prévenir; mais par une nouvelle fatalité, elle n'écarte du crime ni celui dont elle a puni la première faute, ni ceux qui ont été les spectateurs des atrocités qu'elle ordonne. J'ai déjà prouvé que l'infamie, en saisissant le coupable dès la première faute, le conduisait à l'écbafaud par une pente irrésistible, et ce crime de nos lois est si fréquent, qu'il est devenu l'occasion d'un proverbe populaire. Je prouverai tout aussi facilement que la leçon des exemples actuels est toujours inutile et devient souvent dangereuse. En effet, quel est le sentiment que doit éprouver le spectateur de la punition du délit ? Il doit se composer de trois impressions : amour de la loi, horreur du crime, pitié du coupable. Tout autre sentiment condamne ou la législation ou les mœurs : dans l'état actuel, au contraire, l'âme du spectateur d'un supplice atroce, est nécessairement en proie à deux sentiments : la haine pour la loi, ou l'insensibilité pour sa victime ; û emporte nécessairement ou un sentiment séditieux ou une impression féroce. Je pourrais appuyer cette simple réflexion de l'expérience de tous les peuples : le caractère se compose des habitudes ; les habitudes
douces donnent un caractère doux, et la fréquence des supplices atroces doit nécessairement altérer le caractère national. Je vais plus loin, et si je ne craignais de fatiguer l'attention de l'Assemblée par des développement prématurés, je né désespérerais pas d'établir que l'on peut tirer les plus grands avantages de l'exemple, mais qu'il faut pour y réussir, refondre en entier le Code pénal, qui, comme je crois l'avoir indiqué, est entièrement calculé sur des bases fausses. Mais quelque constants que soient ces abus, je soutiens qu'on ne pourrait sans danger les attaquer partiellement, et décréter dans ce moment la disposition que demande M. Guillotin.
En effet, si le décret demandé, faisant disparaître les supplices atroces, parait devoir produire un effet avantageux sur les mœurs, il est certain qu'il en produit un bien immoral et bien dangéreux, en plaçant le parricide à côté du meurtrier, et en plaçant à côté de l'un et de l'autre le voleur avec effraction, Certes, la vie d'un homme ne peut pas être mise en comparaison avec la propriété d'un homme, et il semblerait au premier coup d'œil, qu'en bornant à la décapitation la punition des attentats les plus horribles, on devrai), par une même disposition, soustraire à la mort celui qui n'est coupable que d'avoir attenté d'une manière quelconque à la propriété d'autrui. Mais, Messieurs, de nouvelles considérations repoussent, quant à présent, cette disposition bienfaisante.
Si vous soustrayez à la mort le voleur avec effraction, de nouveaux dangers vous attendent au second degré ; l'effraction et le port d'armes étendant et assurant les spéculations des voleurs, on les verra tous employer ces moyens qu'aucun surcroît de peines ne punirait; C'est donc par une disposition plus entière, plus complète et plus réfléchie que celle du préopinant, que l'on peut adoucir le Gode pénal. Rappelez-vous avec quel succès un comité vous a présenté des vues sur la procédure criminelle; le peuple jouit déjà de ce bienfait. Je ne doute pas que le même comité ne puisse, avec le même avantage, vous présenter sur l'adoucissement des peines un travail provisoire, dans lequel tous les inconvénients soient prévus et tous les dangers évités.
Dans ces circonstances, je propose l'adoption de la proposition tendant à détruire l'infamie de l'accusé, et l'ajournement de la proposition tendant à changer dès à présent la forme des supplices établis.
à la séance de VAssemblée nationale du
Motion de M. Lamy, député du bailliage de Caen, sur l'importance de décréter la responsabilité des chefs de bureaux de l'administration, comme suite nécessaire de celle des ministres (1).
Messieurs, lorsque l'Assemblée nationale a décrété la responsabilité des ministres, son intention a moins été de chercher des coupables que d'empêcher qu'il y en eût à l'avenir. L'arme qu'elle emploie pour les écarter est-elle effectivement si sûre que l'objet que se propose l'As-
» semblée nationale soit toujours rempli selon la I droiture de ses intentions ?
Déjà son décret répand dans l'esprit des dépositaires du pouvoir exécutif suprême une crainte vague, qui doit nuire, en beaucoup d'occasions, au service de la chose publique ; et à mesure que l'impression actuelle deviendra plus profonde, cette crainte vague se changera en une terreur, qui écartera de l'administration même les gens vertueux.
Ce. décret n'approcherait-il pas davantage de la perfection qui doit constituer tous les actes de l'Assemblée nationale, si, au lieu de l'hésitation, de l'inquiétude et des affections timorées auxquelles il livre les ministres, il leur inspirait cette confiance en soi-même et en autrui sans laquelle il n'y a ni vertu dans la conduite, ni grandeur dans les idées ?
Ils auraient, sans doute, cette confiance, s'ils étaient dans l'impossibilité de se tromper et d'être trompés ; et ils seraient peut-être dans cette salutaire impossibilité, si on multipliait autour d'eux, non-seulement les moyens d'éloigner l'erreur et le mal qui en est la suite, mais encore les moyens d'appeler la vérité et le bien qu'elle produit.
Les ministres ont eu, de tout temps, pour coo-pérateurs, des chefs de bureaux, qui sont obligés eux-mêmes, par l'immensité des détails dont ils sont chargés, de les distribuer entre plusieurs sous-ordres, sur lesquels ils reposent leur confiance, et il faut convenir, d'après l'expérience, que ces sous-ordres, qui sont généralement dans une dépendance servile des ministres et des chefs, forment néanmoins véritablement le seul principe, et comme l'âme des différentes administrations.
Ils présentent, en effet, collectivement, une masse de connaissances actives et positives, d'intelligence et même de lumièra sur l'administration, si bien organisée, qu'à la seule approche, cette série de ministres, que la sphère de la cour attirait et repoussait si rapidement, en recevait d'une manière subite l'activité et la direction qu'exigeait le rôle qu'ils allaient jouer sur la scène, autrefois si mobile, de l'administration ; et si le plus grand nombre n'a pu s'y soutenir, c'est qu'il y a apporté des qualités ou des dispositions, ou qu'il s est livré à des affections contraires à i'iu-fluence dont il se sentait environné, Je change de ministres, disait Louis XV, avec cette bonté naïve qui lui était propre, mais les bureaux restent. Ce prince en pensait dont aussi favorablement que Louis XIV, qui ne dédaignait pas de travailler avec les chefs.
Or, si les chefs agissent aussi immédiatement sur les ministres, n'est-il pas de l'exacte justice qu'ils partagent leur responsabilité et qu'ils soient obligés de signer leurs rapports aux ministres, comme ceux-ci sont obligés de signer tous les ordres du Roi ?
Ainsi divisée, la responsabilité n'est plus que l'obligation imposée naturellement à tout homme en place: de ne rien faire sans un motif connu, et sans un principe de droit ou de raison ; et les ministres, qui ne craindront plus de se tromper et d1être trompés, comme les chefs, qui ne seront plus contraints de plier , sous l'opiniâtreté ins-ciçnte de l'ordonnateur, se livreront, sans inquiétude, à l'exercice de toutes leurs facultés, pour le plus grand bien de la chose publique.
Mais ce nouvel ordre de'choses semble en nécessiter un autre non moins important, et pour assujettir les chefs des bureaux à la responsabilité des minis'tres,ilest indispensable, ce semble,
que ces "chefs «ne soient entourés que de coopé-pérateurs qu'ils, puissent s'assimiler, pour qui ils aient-cette considération individuelle, sans laquelle il-n'y a pas de-confiance, et queTordon-nateor ne puisse introduire, ou rejeter, par son seul caprice.-, car tout"ce qui tient à l'administration doit brillerd'unecertaine dignité morale; et il n'y en a pas parmi des 'mercenaires ^u'on emploie, et quéfon congédie, ou dont on réduit le salaire arbitrairement.
Sous ce 'nouveau rapport, les commis ' des1 bu-i reaux d'administration ne seraient plus les commis1 des ordonnateurs, et encore moins ceux des chefs; ils seraient commis du département.! ils n'y seraient admis que sur la proposition1 signée des cfrefs;'à quile choix en appartiendrait exclusivement, et en vertu d'une décision du ministre, qui fixeraient leur traitement.
Le traitement poura'it être-susceptible d'augmentation, relativement à; l'importance des détail confiés au sujet, à son intelligence,-à sest talents ; mais;il n'aurait, à vcraindre ensuite aucunes réductions, que -cdlles ^qùi seraient sôl-licitées par la chose publique ponr le biengé-néral. Ira commis 'nepourait plus^êfre/privé'de son état, que de la même manière qu'il l'aurait, reçu ; c'est-à-dire sur' le rapport sighé de son; Chef, et par une décision *de l'ordonnateur i> et si cette décision était injuste, par impossible, le. eommis devrait avoir la liberté de défendre1 son 'honneur attaqué et de poursuivre son rétablis-; sement par devant le tribunal suprême, Chargé par l'Assemblée nationale de juger la conduite publique et privée des ordonnateurs.
'Cette honorable "certitude d'un état qui n'aurait jamais - dû être ébranlé, cette considération qu'on lui rendra, et qu'il n'aurait jamais dû perdre, peuvent seulesattirerà l'ad ministration des sujets honnêtes et instruits, .qui cherchent moins à vivre qu'à bien vivre, et pour qui les occupations , qui tiennent à da chose publique, sont moins 'l'occasion de se procurer une existence que celle d'employer la leur utilement.
Ces 'différentes réflexions sont autorisées • par l'exposé des droits de l'homme et du citoyen,- et par les principes que l'Assemblée nationale a consacrés ; et comme, sous cette double considération, il n'y a point de petit objet qui ne soit dignede fixer son1 attention, elles semblent offrir la matière d'un décret qui pourrait, '.à. peu près, être conçu en ces termes.
«'L'Assemblée nationale, en décrétant la res-« ponsabidité des ministres, s'y est déterminée « sur ce principe des gouvernements, que chaque « individu est comptable de sa conduite et de ses « actions, quand elles troublent l'ordre public où VFordre particulierde la société.'Mais elle a con-« sidéré depuis, que la conduite et les aciions des s ministres étaient incessamment dirigées par les « chefs de bureaux, et que ceux-ci, trompés par f des circonstances, ou réduits par des motifs « particuliers, pouvant donner des conseils nui-t sibles ou dangereux, dont les ministres en-« courraient seuls injustement la punition,il était « équitable d'assujettir également les chéfs des « -bureaux' à la responsabilité imposée aux minis-« très.
« Elle' a considéré encore que la confiance des « chefs dans leurs sous-ordres étant soumise à « l'influence de ces derniers, il importait, pour «• perfectionner davantage le nouveau plan id'àd-t ministration, de donner à ces sous-ordres, une « position et une existence, qui, en les en-« vironnant de la considération publique, auto-
«irisât et la confiance des,chefsv et leur sécurité.
« En conséquence, l'Assemblée nationale adé-« crété et décrète îce qui: suit :
« Art. ler. Les Chefs de bureaux i seront assu-« jéttisr à
l'avenir, chacun pour ce qui de con-« cerne, à la responsabilité imposée aux minis-i « très
des. départements.
Art.;2. Aucune décision ministériellaine sera « donnée,à l'avenir, que sur le rapport signé du « Chef de bureau, chargé de l'examen de l!àf-« faire dont il s'agira.
« Art. 3. Les commis ides bureaux ne seront « plus à l'avenir commis des ministres, ni commis « des chefs ; ils seront commis du département.
«. Art. 4» Ils n'y serontadmis que sur la propo-« sition signée .d'un chef* et en vertu d'une; défi cision de. Ordonnateur.
Art.5. Ils ne pourront, de. même ; être ren-« voyés, que sur île rapport, signé de i «leur chef, « iet -en vertu d'une décision ministérielle.
« Art.' 6.Et si l'expulsion est; Hérissante ou « seulement inijiuste^le sujet renvoyé aura la ii-« berté de poursuivre la réparation de son hon-« neur, soit contre sou.chef,;soit contre le.(minis-«! tre même, et .son remplacement, par devant} le id tribunal suprême chargé de juger la conduiedes ordonnateurs.
«Art.. 7. . Le traitement des -commis t des dépar-« tementsiserafixé par l'ordonnateur, au moment de i leur admission :il pourra être susceptible c d'augmentation, en raison de là multiplicitéide «l'importance ides détails, des lumières et des tain lents du sujet ; mais il,- ne.sera jamais-soumis « à des réductions arbitraires delà part des minis-titres, ni de celle, des chefs.
« Art. 8. Et comme la masse collective des huit reauxMde l'administration est inamovible, * la « dépense qu'elle occasionnera ne sera jamais jcqu-« fondue avec celle des tcaâtements. des ministres « et des chefs. »
Le décret, qui tendrait «à rapprocher tous des agents d'une administration- les : uns t des autres, bien loin de diminuer l'autorité que liordonnateur doit y exercer, ou de détruire la subordination, sans laquelle il n'y a .pas d'autorité, serait)au contraire le; plus sûr garant de l'une et de l'autre : et , en rappelant à des individus utilesget honnêtes, découragés par les atteintes successi-i ves du. despotisme ministériel le, la conscience intime de cette, liberté sociale à .laquelle la nation entière est appelée; par la révolution actuelle, il développerait en eux de nouvelles facultés,;dont le concours ne peut que hâter et affermir la régénération de lachose publique, laquelle ne prospérera surtout que par l'instruction, les vertus et la confiance des administrateurs.
Observations à joindre à la motion de M. Lamy, député du bailliage de Caen, relative à la responsabilité des ohe fs de ^bureaux de l'administration.
L'opinion que je me suis1 hasardé de mettre eu évidence, sur l'importance de décréter par1 l'Assemblée nationale laresponsabilitêdes chefs de bureaux, comme une suite nécessaire de celle des ministres, a été aperçue sous divers rapports. Quelques membres de l'Assemblée ont jugé ce sen-timentlfon4é en "principe ; d'autres l'ont regardé comme absolument indifférent à l'avantage de la chose publique;-d'autres,-enfin,-Fent vu eomme inutile, peut-être même comme dangereux en ce qu'il relâcherait les liens dont le décret, qui a
prononcé la responsabilité des ministres, a entouré le pouvoir arbitraire.
> C'est à ceux qui .ont vu mon opinion sous ces derniers rapports que je crois devoir : répondre! par quelques observations.
Il ne peut être indifférent à la chose publique que tous ceux quisont appelés à s'en occuper se pénètrent.de ce précieux sentiment, que du moment où ils ont l'honneur d'y participer, ils né doivent plus se considérer comme des êtres isolés.! Il ne peut être indifférent qu'ils soient intimement convaincus que leur manière de penser! et d'agir ne doit plus être-dépendante, à leur gré» des circonstances offertes,par un sentiment per-j sonnel ou relatif. Il n'est point indifférent qu'un homme, à qui la nature aura donné d'heureuses dispositions pour ce genre de travail, soit soutenu* dans cette carrière par l'idée des dangers auxquels l'exposerait un instant de faiblesse, dans un âge où,peut-être encore, les passions pourcaient, 'l'egarer: Il n'est point indifférent, enfin, que l'homme assez sûr de lui pour répondre que son esprit-ne sera jamais la dupe de son cœur, 'contracta un engagementauquel il ne pourrait manquer, sans compromettre son honneur et se sou-r mettre à une loi qu'il ne soit jamais tenté d'en-fredndre.
Ceux qui ont considéré le décret que je propose comme inutile lixent leur sentiment sur ce que l'Assemblée nationale; ai prononcé, dans l'art. 15 des droits de l'homme et du citoyen, que « 'ta société a droit de demander compte à '* tout agent public de son administration. »
A ceux-ci, je crois pouvoir objecter que cette 'responsabilitégénérale est d'un genre absolument "différent de celle que je propose. Celle/ exprinaée dans la déclaration des droits de l'homme :a un rapport immédiat à toutes les diverses fonctions administratives, soit dans les départements, les districts ou les tribunaux ; et elle peut, être considérée pour chacun de ces agents particuliers comme l'est, pour les ministres, la responsabilité personnelle qui leur est imposée, au lieu que cellequeje propose est une filiation de cette première, qui joint l'agent secondaire à l'agent principal, par un lien qui, formant entre'eux une espèce de sauve garde respective, doit; nécessairement préserver l'ordonnateur des résul tats d'erreurs, quelquefois volontairementpréparés, comme elle écar-»tera de ceux qu'il ; aura» choisis pour ses aides et ses conseils, non-seulement f Ja ; tentation, mais jusqu'aux plus faibles désirs de lui cacher la vérité.
L'expérience vierot, à :cet égard, se placer à côté du raisonnement. Elle nous «démontre qu'il «L'est point d'homme qui voulût courir le danger de sacrifier, à la fois, et sa place et son honneur, à un intérêt même important, s'il avait prévu que ce sacrifice serait en effet consommé dès qu'un irait de lumièrejeté sur sa conduite l'aurait éclairée à sa, honte. Elle nous prouve, avec une égale évidence*,que l'homme parvenu à. un certain degré d'autorité se permet souvent, des écarts .dont Tes motifs, qui le déterminent lui , font changer le nom, qu'il sait même, enhardi par cette autorité comprimante, s'entourer des moyens propres à écarter ou à affaiblir un examen sévère.
Sous ce point de vue le plan proposé n'est donc pas inutile.
Loin d'être dangereux, loin d'affaiblir la chaîne qui retient aujourd'hui le pouvoir arbitraire, j'ai ifàntime, persuasion que ce moyen peut 'être utilement emplqyé pour la resserrer d'autant plus efficacement que, tranquille alors sur toutes ses
opérations, l'ordonnateur sera sûridene proposer au monarque, que les expressions d'une volonté absolument, et dans tous les cas, -conforme , à la loi.
J1 existe une vérité, de fait, c!est i qu'il n'est poim de, ministrequi, quand il.ne retrancherait sur les vingt-quatre heures du jour qu'un quart de cet intervalle pour ses repas, ison sommeil et quelques instants de délassement, pût voir, même avec rapidité, tous les objets sur lesquéls il doit préparer ou prononcer dès décisionsidans son département. 11 a donc fallu séparer et classer ces objets, et donner le soin de chaque, partie à un homme qui fût digne de confiance.
Sans entrer dans les détails des divers genres d'affaires qui forment un département^ voici des exemples qui,justifieront la nécessitéde l'une et dé l'autre responsabilité.
Le ministre veut faire accorder une;grâce honorifique ou utile, ou l'une oU l'autre en même temps; c'est le chef des bureaux qui en fait ,1e rapport, et qui ne peut 'le faire que conformfé-ment à l'intention que ie ministre lui a manifestée; la grâce est reconnue abusive , et sur la efet-meur publique, l'ordonnateur s'en décharge sur ' le chef, dont, en respectant la probité, il accusd la négligence. Qu'est-ce qui justifiera ' le chef?'et toutefois comment'condamner' l'ordonnateur, 'si on reconnaît la nécessité dans laquelle il est tie se faire aider, comme l'impossibilité dans /laquelle il est de tout voir et de tout examiner ; enfin, condamner le chef, s'il n'est pas responsable?
'Il S'agit 'd'une entreprise sur les"conditions!de laquelle le ministre et le chef même peuvent-être facilement trompés; ie chef en fait le rapport dans des termes qui assurent la tranquillité de son supérieur; mais l'événement 'vient le troubler,'et l'avantage qu'on lui avait annoncé se change en une perte effrayante qui peut être attribuée à plusieurs causes. Le chef les explique toutes; les conditions ont été scrupuleusement remplies, tout seprouve à l'avantage des entrepreneurs. Un autre mode d'administration découvre les iniquités de là précédente; và qui s'en prendra-t-orï? à'l'ordonnateur.S'il estreçunuu qu'i 1 lui est impossible de se faire aider, c'est surtout dans cette Circonstance qu'il ifaut non^seuiemenb examiner les pièces dans mu détail minutieux, mais encore examiner ceux-^mêmes qui les> ontiifiour-nies ,i et la plume à la main, suivre et calculer tous les mouvements des'entreprenenrs riLserait donc injuste de le rendre responsable j desfautes du chef; mais comment punir ici, icncorei plus que dans le cas précédent, la faute de ce dernier, s'il n'est pas responsable ? 111 ; aura pu ; profiter impunément de son délit, tandis que de ministre, qui ne l'a pas-même soupçonné,-en!(deviendra la victime, parle décret même qui le charge de la responsabilité.
Ces objets de comparaison doivent rendre sensible combien est importante la nécessité d'assujettir à la responsabilité L'homme qui, jouissant de toute Ja confiance d'un ministre, ne doit jamais avoir (Às^a disposition les i moyens de le maintenir ou de le perdre à son gré, tandis que ses erreurs et même .ses fautes seraient à l'abri de la censure, peut-êtrè même de l'examen ; et ces réflexions semblent établir, .au.degré de l'évidence, ce que j'ai 'di t dans ma motion r c que la « crainte vague qui'agite les ordonnateurs ac- tuels se changera en une terreur qui écartera « de l'administration, même les gens vertueux. » Le danger que l'on suppose, achèvera de dis-
paraître, si l'on veut considérer avec attention que les chefs de bureaux acquerront, par l'obligation de la responsabilité, une dignité qui leur a été étrangère jusqu'à ce jour. Sagement énorgueillis de cette nouvelle existence, ils trouveront, dans ce sentiment même, un attachement plus intime et pour la personne de l'ordonnateur, et pour leurs propres devoirs.
De là on doit conclure avec raison, ce me semble, qu'on les verra marcher d'un pas plus ferme dans la carrière où leurs talents les auront fixés ; que de l'harmonie nécessairement résultante de ce nouvel ordre de choses, naîtra une expédition plus prompte dans les affaires, un aplomb plus ferme et des vues plus franches, qui désormais ne devront plus se ressentir de la pusillanimité avilissante que le désir de conserver son état, par tous les moyens possibles, doit nécessairement produire.
II y a plus, et je crois pouvoir le dire, avec la franchise qui doit être le caractère distinct des représentants d'une grande nation : il est arrivé souvent que des ministres ont donné à des chefs, avec leur retraite, la conservation de leur traite-tement, et ont introduit, non en leur place, mais sous la dénomination de membres de conseil, de comités,_ de directeurs, d'intendants, etc., des protégés auxquels ils voulaient faire un sort, qui n'avaient certainement ni l'instruction ni l'expérience des chefs de bureaux et qui coûtaient beaucoup plus que ceux-ci.
Quel a été le résultat de ces opérations réformatrices, qui se sont étendues sur tous les emplois indistinctement? Une dépense supérieure de beaucoup à celle destinée aux sujets réformés; et l'événement a constamment prouvé, dans ces circonstances, que l'administration avait beaucoup perdu, sans que l'administrateur y eût gagné.
Combien n'est-il donc pas important de prévenir ces ruineux abus, surtout à cette intéressante époque où les besoins de l'État font jeter sur tous les points le coup d'œil sévère de l'économie, de conserver et d'attacher invariablement à leurs places des hommes honnêtes et instruits, que le dégoût en écarterait, auxquels il faudrait conserver un traitement de retraite qui leur serait dû, sans doute, mais qui grèverait l'État d'autant, puisqu'il faudrait assurer des honoraires à ceux qui les remplaceraient, tandis que les premiers pourraient continuer leurs services encore pendant plusieurs années !
Un remède certain et efficace sera pour jamais apporté à ce mal, dès qu'en décrétant la responsabilité des chefs de bureaux, l'Assemblée nationale prononcera leur inamovibilité, sous les conditions proposées dans ma motion.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal qui est adopté.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la division des départements.
, organe du comité de constitution, expose la difficulté qui s'est élevée dans la division du département de Guéret, relativement aux villes d'Evaux et de Ghambon qui se disputent le siège du district.
, curé d'Evaux, fait valoir avec beaucoup d'énergie les intérêts de cette ville.
, curé de Saint-Fiel, soutient avec le même zèle ceux de la ville de Ghambon.
fait valoir les prétentions de Chénerailles à avoir un district.
insiste pour Fellelin.
Après avoir entendu ces divers orateurs l'Assemblée adopte le projet de son comité de constitution qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète 1°. que la ville de Guéret est provisoirement le chef-lieu du département de la Marche, sauf l'alternative en faveur de celle d'Aubusson, aux termes de l'arrêté convenu par les députés du département, et déposé aux archives du comité de constitution ;
« 2° Que ce département est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Guéret, Aubusson, Felletin, Boussac, la Souterraine,Bourganeuf, et provisoirement Evaux, sauf, en faveur de la ville de Ghambon, d'être chef-lieu du tribunal de justice, de manière qu'Evaux ne puisse être que le chef-lieu de l'un ou de l'autre établissement, et selon que les électeurs, dans l'assembléé générale du département, jugeront plus convenable de le fixer ; sauf aussi, en faveur des autres villes de la province qui n'ont pu obtenir d'être chefs-lieux de district, la répartition des établissements qui pourraient être fixés dans chacun d'eux, si l'Assemblée nationale le jugeait convenable.
propose ensuite les décrets qui suivent et qui sont successivement adoptés.
premier décret.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que le département de Montpellier est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont : Montpellier, Béziers, Lodève et Saint-Pons ; que le département s'assemblera d'abord à Montpellier, et qu'il alternera conformément à l'arrêté des députés du département» en date du 16 décembre dernier, déposé aux archives du comité de constitution. »
2e décret.
« L'Assemblée nationale décrète que le département d'Artois est divisé en huit districts, dont les chef-lieux sont : Calais, Saint-Omer, Béthune, Arras, Bapaume, Saint-Pol, Boulogne, et Mon -treuil ; sauf, en faveur de Hesdin, d'être le chef-lieu de la juridiction du district.
3e décret
«1° Que Quimper est provisoirement chef-lieu du département de la partie basse de la Bretagne, et que,l'assemblée des électeurs déterminera à la suite, de la première session, si cette disposition provisoire doit demeurer définitive.
« 2° Que ce département est divisé en neuf districts, doot les chefs-lieux sont : Brest, Lan-dernau, Lesneven, Morlaix, Carhaix, Châteaulin, Quimper, Quimperlé et Pont-Croix ; sauf à partager entre les villes du département les établissements qui seront déterminés par la constitution. »
, membre du comité des finances, propose la création d'un comité de liquidation des créances arriérées et l'adoption d'un projet de décret concernant les dépenses de 1790, conçu en ces termes :
a L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe essentiellement à l'économie dans les finances de liquider la dette de chaque département ; que l'on ne peut y parvenir si on ne sépare pas la dépense courante de la dépense arriérée, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. ler. A compter du premier janvier 1790, le Trésor public
acquittera exactement, mois par mois, sans aucun retard, les dépenses ordinaires de l'année
courante.
« Art. 2. Sera pareillement acquitté tout ce qui sera dû de la solde des troupes de terre et de mer.
« Art. 3. Les arrérages des rentes continueront d'être payés dans l'ordre de leurs échéances, et les paiements seront rapprochés par tous les moyens possibles.
« Art. 4. Seront également payés les intérêts de toutes les créances reconnues auxquelles il en est dû, les obligations contractées par achat de grains, les assignations, les rescriptions sur les revenus de 1790, et les dépenses relatives à l'Assemblée nationale.
Art. 5. Il sera sursis au paiement des autres créances arriéréos jusqu'à cé qu'elles soient liquidées.
« Art. 6. Et, pour procéder à cette liquidation,, il sera nommé un comité de douze membres dans le comité des finances.
« Art. 7. Dans un mois au plus tard, les administrateurs de chaque, département, et les ordonnateurs de toutes espèces de dépenses, remettront à ce comité un état certifié véritable de toutes les dépenses arriérées dans leurs départements.
« Art. 8. Les fournisseurs et entrepreneurs qui auront des titres de créances, seront tenus de les représenter.
« Art. 9. Le comité rendra compte à l'Assemblée de chaque partie de la dette, à mesure qu'elle aura été vérifiée, et lui soumettra le jugement de celles qui pourraient être contestées.
Art. 10. L Assemblée avisera aUx moyens lés plus prompts et les plus convenables , d'acquitter les créances dont la légitimité aura été reconnue. »
La discussion est ouverte sur ce projet de décret.
J'observe que l'état dé 90 millions, qui a été présenté dans le mois dernier, contient les dépenses de l'Assemblée nationale pour novembre et décembre. On ne démandait point alors de fonds pour cette même dépense faite dans le mois précédent, et je demande comment il se peut qu'elle soit aujourd'hui rangée parmi les dépenses arriérées.
Nous demandons seulement qu'une ligne de démarcation soit tracée entre les dépénsés courantes et les dépenses arriérées. Nous ne changerons rien à la nature des créances ; celles qui ne seront pas re-
connues légitimes ne seront pas payées. Il paraît essentiel de procéder promptement à cette liquidation, et surtout de prononcer contre ceux dont les créances ne pourraient être liquidées, à défaut de présentation de leurs titres, car sans cela les répétitions n'auront point de terme, et les finances resteront dans une étrange confusion.
Il est indispensable de charger encore Je comité des finances de cet objet. Beaucoup dé raisons peuvent déterminer à lui donner cette marque de confiance. Je propose que le Comité de liquidation soit formé parmi les membres du comité des finances.
(de Saint-Jean-d'Angely). Le projet de décret blesse la stricte justice, de laquelle l'Assemblée ne s'est jamais écartée dans les actes émanés d'elle ; il contient la suspension du paiement des- fournisseurs des divers départements. Cette disposition, par une réaction progressive et successive, n'influerait-elle pas sur la fortune de beaucoup de particuliers?
Je propose d'ajouter au décret, qu'il sera versé à la caisse de l'extraordinaire des fonds assez considérables- pour faire donner des à-comptes aux créanciers dont la quotité de la dette ne sera pas liquidée, et dont les créances seront cependant reconnues par le gouvernement.
Je m'oppose à cet amendement. S'il est dans l'administration un objet idé dilapidation et de fraude, c'est sans doute celui des marchés pour fournitures et approvisionnements. En adoptant l'amendement, un fournisseur infidèle jouirait impunément de son infidélité ; il viendrait recevoir l'argent, et l'emporterait, et nè nous laisserait que le regret d'avoir payé un fripon. Il est indispensable que le comité examine les titres de toute espèce de marchés.
L'Assemblée adopte l'amendement de M. Rœderer, et décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur celui de M. Regnaud.
M. le comte de Mirabeau. 11 est impossible de rien comprendre à la rapidité avec laquelle on propose des amendements sur un décret dont la plus grande partie de l'Assemblée n'a pas entendu les articles. Je commence par déclarer que je ne donne point en ce moment un dernier avis ; car assurément je n'ai pas pu saisir complètement le projet de décret dans une lecture rapide : ce que j'ai compris, c'est, qu'il renferme des inutilités et une confusion d'idées fort étranges.
On nous parle de dettes arriérées, de la liquidation de toutes ces dettes. Malgré la quantité de beaux plans, de grimoires imposants, de chiffres respectables, je ne crois pas qu'il existe un seul homme, pas même le premier ministre des finances, qui soit en état de suivre cette opération, tant que tous les éléments n'auront pas été découverts et exposés. Je n'entends pas surtout comment il sera possible de faire la liquidation des dépenses des départements, avant de connaître les dépenses de ces départements.
La grande inutilité que renferme le projet de décret consiste à ordonner qu'un décret déjà sanctionné sera exécuté. Je veux bien croire que cet article n'a été présenté que par erreur ; mais ce que j'ai pour objet d'établir,- c'est que ce décret n'a pas été entendu, et que les deux tiers de l'Assemblée ne le comprennent pas. J'ajoute
qu'il faut un singulier oubli de la nattirë dés départements pour vouloir que tous les comptés soient remis dans .un mois. Comment pourra-ton se procurer, dans ce délai, les comptes de l'Inde, des Antilles, etc.?
Le projèt de décret a été imprimé et .distribué il ya huit jours. Son objet «principal est de demander aux ordonnateurs le Bétail de l'arriéré, détail qu'ils doivent toujours avoir sur leur bureau, et d'empêcherilés ministres d'employer à ces.dépendes arriérées les fonds destinés., pour l'année 1790.
Il,faut sans doute qpe .les,ordonnateurs fournissent l'état des: dépenses de leur, département, mais il faut aussi: exiger que ces dépenses ne, soient.déterminées que conformément au taux fixé pour chaque département; parle rapport du comité des finances et par le décret du 6 octobre.
Nous devons prendre une route opposée à.celle qui a été suivie. On a toujours,] usqu'ici, porté la recette au niveau de la dépense ; mais c'est la dépense qu'il faut ramener au. niveau.de la ,recette ; c'est donc la dépense qu'il faut déterminer avant tout. Pour cet effet, , il faut se livrer à la discussion.
Je demandé que. le " comité s'applique principalement à découvrir lès causes de l'augmentation de la dette, qui depuis dèux ans's'èst accrue de près de 2 milliards ; on serait probablement obligé d'augmenter les impôts; je demande que lé comité soit chargé de rechercher toutes les1 dettes de l'Etat, et d'en constater la légitimité, et que le voile soit à la fin déchiré.
J'observe que la motion de M. de Cazalès serait impolitiquë dans ce moment-ci ; quelle entraînerait des longueurs dans un temps où touti nécessite une prompte détermination.
: L'a motion de M. de Gâzalès tend à faire envisager le comité proposé comme une espèce de chambre-ardente. Nous devions scruter la dette, non pas dans le sen s-que nous devions en constater la légitimité, mais pour en connaître l'état ; où est, par exemple, l'extension de l'emprunt de 80 millions comment pourra-t-on la constater ?' c'est ce'qu'il nous est impossible de découvrir.
On demande que la discussion soit'fermée.
annonce la question préàla-ble contre l'amendement de M. de Cazalêsi
Les plus vifs débats s'élèvent. Les injures succèdent aux raisons.
Plusieurs membres, taxés d'aristocrates, mena* centd'èu appeler au peuple.
Un autre se plaint que tout se décide aux Jacobins.
, ne pouvant obtenir là parole, demain de si M. le président veut paralyser lècôtédroil. Enfin, à la seconde lecture du projet il obtient la parole.
L'arriéré dés1 départements ne forme pas la troisième partie de la dette publique-, mais c'est la dette entière que nous
devons 'Constater. Il n'appartient pas aux représentants'de la nation de couvrir d'un voile la1 dette'qu'îlssorrt'Chàrgés'de vérifier.Oti s'opposera sans doute à cè qu'un comité soit nommé pour' la révéler à la'France tout entière; Je demande à cèttx de eettfe Assemblée à qui la nature a refusé tout autre courage que celui de la honte, ce qu'ils pourront répondre... (De violents murmures s'élèvent'de toutes "parts.)
Où demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre ; d'autres veulent qu^l soit censuré;
Un membre propose de le bannir de l'Assemblée et de lé'faire rappeler par ses' commettants.
L'incidentifà-cheux qui trouble la séance: nous* est umgrand exemple que la colère est un mauvais conseiller.
Le préopinant a eut le malheur de : provoquer votre censure; ; il»a été contre son but! par son propre emportement : pour: vous, Messieurs, cpui devez être au-dessus de toutes les-offenses, sous, tous les rapports, permetlez-moi d'établir- le tprinr. cipe ; mais auparavant^ je: demande que M. Je présidenti pose la question nettement , afin que ije puisse donner mon opinion.
, répond qu'il.a été fait une. motion dont ilva donner lecture.
De quiiest-elle ? qu'il se présente... .
Plus de cent membres se: lèvent à la. fois, en disant: C'esti nous, ce sont tous les bons, citoyens!...
quelques autres, réclament alors qu'au lieu de ces. voix confuses, il y en ait une seule qui se présente et qui formule nettement l'accusation contre M. l'abbé Maury.
Ne cherchez pas un dénonciateur à M. l'abbé Maury. Il se présente dé lui-même ce dénonciateur ; c'est moi, et vous allez connaître mes motifs et mes conclusions.
S'il est dès hommes assez flétris' dans1 |l'opinion publique pour que leurs injures tiennent souvent lieu d'éloges, il n'appartient qu'aux particuliers, maîtres de leurs actions, dé mépriser les outrages de ces individus ; mats lés corps, et' surtout les corps représentatifs, comptables de leur dignité envers leurs mandataires, leur doivent' de repousser les offenses qui leur deviennent personnelles. Le corps législatif, ayant l'honneur de représenter la nation tout entière, ne peut donc pas, lorsqu'il est offensé, borner sa vengeance au mépris, quel que soit l'agresseur, et il le doit d'autant moins que-le respect qu'on a pour ses membres dépend du respect dù a ses décrets, et le succès de ses opérations si importantes au bonheur'de l'empire.
Je propose que Mi le président écrive au bailliage de Péronne. afin qu'il retire les pouvoirs donnés; à M.' l'abbé Maury et qu'il envoie un suppléant à sa place.
Un membre donne plas détendue à la motion de M. Guillaume, en l'appliquant à tous les membres de l'Assemblée ; il faut.écrire, dit-il, à tous nos. commettants pou r qu'ils nous changent tous, vu la division qui règne dams l'Assemble.
fait une motion plus sévèré encore ; elle tend à exclure M. l'abbé Maury de
l'Assemblée, et à écrire ensuite à Péroune pour qu'il soit nommé un autre député.
, qui est toujours demeuré à la tribune, et que l'on a.interrompu i plusieurs fois, reprend la parole :
Si l'un des préopinants n'avait pascru. deviner mon intention, il se serait épargné la peine de m'interrompre ; il est chaacèux de vouloir être prophète. Dans la chaleur des. expressions, le mot d'exclusion a frappé mon oreille ; mais je pense que l'on ne peut pas exclure un membre de cette Assemblée, et qu'il ne faut pas juger dans ce moment cette question de droit,public;.mais on peut écrire aux commettants de retim.leur cou-; fiance deceluià qui l'Assembléea retiré son estime.
La sagesse-de M. Guillaume mfa prévenu sur ce point... Le tort du préopioant est grave; sans doute. Si cette injure avait été attachée, à queiq ue nom particulier,, elle eût été une: démence si lamentable qu'il aurait fallu en envoyer l'auteur aux Petites-Maisons; mais .c'est pance que l'injure a le caractère de l'emportement que je me» borne à demander que M. l'abbé Maury soit'censuré, et que la censure soit portée-surle procès-verbal.
Jamaisi une maxime générale de morale; n'a été une injure ; je n'ai; accusé ni désigné personne, et personne dans l'Assemblée: ne se croit offensé par moi.
répète^ ensuite le raisonnement qu'il avait faitet la phrasequiétaitlecorps du délit ; mais quelques membres observent qu'il supprimait ces mots, ceux de l'Assemblée, etc.
nie les avoir proférés. Il>ne. faUtpoinj, dit-il, de commentaire à ma.phrase ; on. ajoute un mot qui la rend une impudence absurde, et qui me ferait mériter le supplice des fous, comme on l'a (lit.Je suis sûr do ma mémoire ; je n'ai pas oublié,les paroles que j'ai dites^ par-ceque j'avais, prévu qu'on me mettrait dans la nécessité de les répéter. J'ajoutequ'iL est difficile à un homme qui improvise, de.mesurer.ses paroles,; .il est impossible surtout d'y; parvenir lors^ qu'à chaque parole il est interrompu par les hurlements de. la rage.
Ce moyen de dëfénse paraissant à l'Assemblée une nouvelle injure, elle en témoigne son indignation.
Enfin
termine sa défense en disant : Jé" n'ai insulté aucun individu, puisque je n'en ai nommé aucun ; je n'ai pas manqué à l'Assemblée., puisque ma maxime est générale, et ces., mots, ceux de l'Assemblée, ne s'y trouvent' pas. Ma phrase est une formé oratoire, et une dé ces tournures par lesquelles l'orateur s'adresse aux choses animées et inanimées.
Quelques voix réclament l'ordre du jour; la plus grande partie réclame justice,, lorsque M. d'Eprémesnil croit trouver un moyen justificatif, en disant qu'il y avait des.faits convenus et des fàitâcontestés; que lès premiers n'étaient point injurieux ; qu'à l'égard des autres; il fallait dans ce. douté, juger en faveur d© l'accusé ; que d'aile leurs les juges ne pouvaient pas être accusateurs et témoins, suivant la maxime des tribunaux.
Dans tous, les tribunaux, il ne faut que deux témoins pour prouver un délit : ici les versions son t différentes ; mais j'ai recueilli
la phrase : qu'il se lève un autre témoin et la preuve.est faite.
Quant à i'impopsibiUtêprétendûe d'être juge et témoin,, je demande comment,, dans les parlements, fes fautes de discipline peuvent être jugées et prouvées ? Autrement, il faudrait poser en principe que l'on peut impunément'troubler l'ordre de l'Assemblée.
Quand j'ai démàndë 'là parole, je'voulais proposer une peine grave ; mais lorsque j'ai vu que M, l abbé Maury aggravait ses torts en voulant les justifier,, j'ai cru que i'emportement jetait'un si grand désordre dans sés pensées qu'il ne devait plus être comptable dé ses actions. Jè Crois qu/il y a lieu à user d'indulgence.
Là-priorité étant demandée pourlamotion de M: de Mirabeau, elle" lui est accoudée. La motion-, mise aux'voix, est adoptée, et l'Assemblée décrète que M', l'abbé Maury serai, cent suré, et que la censure sera portée au procès-verbal.
Il reste à statuer sur les articles du ^projet de décret qui vous est proposé par, le comité des finances.
Le projet de décret est mis aux voix et adopté sous modification.
annonce que le comité dé vérification *a examiné les pouvoirs de M! lê^bàron' de Nédotnchéllé, député du bailliage du Quesnoy, suppléant ' dé Mi le duc de Croy, qui a donné sa démission et qu'il a trouvé ces pouvoirs par* faitèment'eir règle.
est admis.
annonce qu'une députation du'district des Cordeliers est îveau® apporter dés pièces intéressantes sur lesquelles; il: s'agit de prendre une délibération. Il fait lecture d'une adresse et d'un procès-verbal de ce district, i L'adresse expose que le 8 octobre, le Ghàtelet de Paris rendit un déereUlé prise de - corps contre M. Marat, auteur de VAmi du peuple ; qu'aujour-d|hui les huissiers s'étânt transportés rue de J'An-.cienne-Comédie-Française, pour mettre le décret à exécution, M'.1 Marat avait fait parvenir au dis-; trict des Goideliers sa réclamation contre ce décret qui, antérieur à la loi'portait.réformation de sia jurisprudence , criminelle-,,ne pouvait être mis á exécution.
Le district des Cordeliers a cru voir dans la nouvelle loi une abolition des anciennes lois cri-.minelles dans cette partiey.et? pour donner une ; preuve de son zèle pour le maintien et i'exéeur lion des décrets, de l'Assemblée nationale, il dit ! avoir mis bon ordre à ce que le décret de prise de corps contre leisieur Marat. ne fûtpas exécuté. Ce district fait part à l'Assemblée nationale de la nomination qu?il a faites le 19 de ce mois, de cinq commissaires - pour viser les décrets de prise, de. corps qui.seront dans le cas d'être mis à exécution sur son territoire* à .l'effet de mettre les citoyens à l'abri des ordres arbitraires* et d'assur rer l'exécution des, décrets de l'Assemblée.
rappelle le décret de l'Assemblée qui surseoit à toutes les procédures- prévôtales d'où il infère que le décret contre M. Marat ne doit pas être exécuté.
lit l'article 27 du décret sur la réformation de quelques points de là jurispru-
dence criminelle qui porte que, dans les procès commencés, les procédures déjà faites subsisteront. Il trouve fort étrange que le district des Cordeliers s'érige en tribunal, lorsqu'il n'y est autorisé par aucun décret de l'Assemblée nationale.
trouve des motifs d'ordre public dans l'exécution des décrets de prise de corps, rendus avant la nouvelle loi sur la procédure criminelle.
dit que les lois anciennes gardent leur force, jusqu'à ce qu'elles soient abrogées et que les nouvelles ne peuvent, en aucun cas, avoir d'effet rétroactif.
rend justice au patriotisme des citoyens du district des Cordeliers et propose de charger M. le président de les informer qu'ils ont commis une erreur et que le décret de prise de corps doit suivre son effet.
Cette motion est mise aux voix et adoptée en ces termes :
«L'Assemblée nationale a décrété, «que son président écrira au district des Cordeliers pour l'avertir qu'il se méprend sur les principes qui intéressent la société ; que les jugements rendus par les tribunaux doivent être exécutés ; que personne ne peut y porter obstacle, et qu'ainsi la délibération que le district a prise, de mettre un visa sur les jugements portant prise de corps, qui doivent s'exécuter dans l'étendue de son territoire, a, contre son intention, l'effet de blesser l'ordre public, et de renverser les principes. L'Assemblée nationale attend du patriotisme du district des Cordeliers qu'il aidera l'exécution du jugement, loin d'v porter obstacle. »
lève la séance et l'indique à demain à l'heure ordinaire.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
présidence de m. target. Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donné lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
demande la parole et fait une motion pour que l'Assemblée s'occupe d'un règlement de discipline qui détermine les peines à infliger aux membres de l'Assemblée qui troubleraient l'ordre.
Cette motion est accueillie et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé quatre commissaires pour rédiger un règlement à l'effet de déterminer les censures et les peines qui pourraient être infligées aux membres de l'Assemblée qui se seraient oubliés au point de lui manquer dé respect , pour ledit règlement rapporté à l'Assemblée, y être délibéré par elle
Le procès-verbal de la séance d'hier est ensuite adopté.
a rendu compte de la mission qui lui avait été donnée par l'Assemblée, de présenter au Roi
quatre décrets de l'Assemblée nationale. Le premier est relatif à la Corse; le second porte
un nouveau délai accordé jusqu'au 1er mars , pour la déclamation
des biens ecclésiastiques; le troisième déclare que la Contribution pour la garde soldée de
Saint-Quentin sera comptée pour impôt direct; enfin le dernier regarde la jurisprudence
criminelle. M. le président a de plus fait part à l'Assemblée qu'il avait pressé l'expédition
ae ces différents décrets.
a ensuite donné lecture à l'Assemblée d'une lettre de M. d'Albert de Rioms ainsi conçue :
« M. le président, je reçois avec la reconnaissance la plus respectueuse les assurances que l'Assemblée nationale daigne me donner de son estime, je regarde comme une faveur, non moins précieuse pour moi, qu'elle veuille bien honorer du même sentiment M. le marquis du Gastellet, M. le comte de Bonneval, le commandant du Village, M. Gautier, M. Broves, M. de Saint-Julien et M. Broquiêr.
« Nous respectons les motifs qui ont déterminé l'auguste Assemblée à ne point voir de coupables, quoiqu'il y eût un délit nien constaté, convaincus que la patrie ne peut être heureuse et libre que sous l'empire des lois -, le sentiment des injures que nous avons reçues, déjà si affaibli par les marques d'estime dont l'Assemblée nationale nous honore, sera entièrement effacé lorsque nous aurons le bonheur de voir la tranquillité universellement rétablie. Puissions-nous être Tes dernières victimes du désordre! puisse bientôt arriver le jour où le citoyen honnête, vivait heureux sous la sauvegarde des lois, le peuplé saura que, pour être véritablement libre, il doit leur obéir, et où le trône reprenant sa dignité, le meilleur des rois exercera sans opposition cette autorité active, conservatrice de tous les droits que les décrets de l'Assemblée nationale, organe des Français, lui décernent pour la commune félicité !
« Ce sont là les vœui que le patriotisme- le plus pur nous inspire ; mon intérêt personnel m'y en fait ajouter un : que la sagesse du gouvernement écarte de nous les horreurs delà guerre.
« L'opinion exagérée que l'on s'est faite de mes services m'imposerait, je le sens trop, une tâche que je ne pourrais jamais remplir; mais si le tléau devient inévitable, puisse alors mou sang , versé jusqu'à la dernière goutte, payer le prix des bontés dont je suis comblé, et que le sacrifice de ma vie soit aussi utile à la patrie qu'il sera glorieux pour moi!
« Je suis avec respect, M. le président, votre très humble, etc. Signé : Albert de Rioms. »
Cette léttre est Vivement applaudie.
demande qu'elle soit insérée au procès-verbal , mais cette proposition n'a pas de suite.
M. le Président fait connaître ensuite Je résultât du scrutin, auquel on avait prqcédè la veille, pour les quatre remplacènaents à faire dans le comité de jurisprudence criminelle. MM. le président lie Pelletier de Saint-Fargeau,Duport ,Di-nocheau, duede La Rochefoucault ayant réuni la majorité, ont été déclarés membres de ce comité ; et MM. de Chabrol, Turpin, le président d'Ormes-son, Lanjuinais ayant eu le plus de suffrages après les quatre premiers, ont d'abord'été déclarés suppléants; mais il a été ensuite proposé et con-
senti que le premier suppléant, M. de Chabrol, fût joint à ce comité, qui, jusqu'alors, n'avait été composé que de huit membres, et qu'il était à propos de porter à neuf, à cause de l'avantage du nombre impair dans les délibérations.
11 est annoncé après, que M. Bordier, lieutenant-particulier-civil au bailliage de Nemours, et dont les pouvoirs ont été trouvés en règle par le comité de vérification , remplace M. Ber-thier, décédé le 10 de ce mois, et il ne s'élève à ce sujet aucune opposition.
, en conséquence, est admis.
L'ordre du jour appelle la suite de la, discussion sur la division des départements du royaume.
, rapporteur du comité de Constitution, lit un projet de décret au sujet de la division du département de Toulouse en huit districts, savoir : Toulouse, Muret, Rieux, Saint-Gaudens, VillefranChe, Revel, Castel-Sarrazin et Grenade.
s'oppose au projet du comité et demande, d'après la situation et la population de Verdun, un district, préférablement à Beaumont et à Grenade.
défend l'avis du comité et prouve que Beaumont est devenu le chef-lieu de la justice du pays; que cette ville est plus près du centre du district et qu'elle a plus de communication avec les lieux voisins que Verdun, dont elle surpasse la contribution et la population.
(de Mirande) demande la parole en faveur de Beaumont, mais l'Assemblée ferme la discussion et va aux voix. Le décret suivant est rendu :
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de Constitution, que le département de Toulouse est divisé en huit districts; savoir :
« Toulouse, Rieux, Ville-Franche, Castel-Sarrazin, Muret, Saint-Gaudens, Revel et Grenade, sauf à mettre le tribunal du district à Beaumont-lès-Lomagne ».
Il a été question après du département de Tulle, et le projet du comité à ce sujet n'a point essuyé dé contradiction.
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de Constitution, que Tuile est le chef-lieu du département du Bas-Limousin, et que ce département est divisé en quatre districts, Tulle, Brive, Uzerche et Ussel. »
La division du département de Rennes en districts donne lieu à des débats assez longs.
MM. Lanjuinais, Pellerin, Perret de Trégadoret et deux députés du clergé sont entendus.
L'avis de la majorité des députés de Bretagne est d'attacher Redon a Rennes, la Roche-Bernard à Vannes, et Châteaubriand à Nantes. La seule opposition est prise de l'interruption du chemin de la Roche-Bernard par un bras de rivière ; mais comme la poste y passe, et que les relations du commerce n'eu sont pas moins constantes, je demande la priorité pour l'avis de la députation de Bretagne.
On va aux voix; l'avis de la députation de Bretagne obtient la priorité, et il est adopté ainsi :
L'Assemblée nationale décrète que la Roche-Bernard et les paroisses en dépendant seront du
département de Vannes; que Redon sera dans celui de Rennes, et Châteaubriand dans celui de Nantes.
fait, au nom du comité des finances, un rapport dans lequel il annonce que le receveur de l'ancien ordre du clergé expose qu'il éprouve des difficultés pour le paiement des six derniers mois des décimes ; pour obvier à ces difficultés, le comité propose un projet de décret
Je demande que, dans les provinces, comme en Provence, où les vingtièmes sont confondus avec les autres impositions territoriales, il soit expressément décrété que, dans la répartition des charges sur les biens ecclésiastiques, pour les six derniers mois de l'année 1789, il soit fait distraction du montant des vingtièmes, afin que les ecclésiastiques ne soient pas imposés deux fois pour le même objet.
, curé de Souppes. La répartition des décimes se faisait dans la chambre syndicale ecclésiastique, qu'on peut bien appeler chambre secrète, chambre obscure, chambre noire ; les éyêques et les'chapitres étaient imposés en masse; on refusait constamment aux curés le tableau de l'imposition; les membres qui composaient cette chambre étaient toujours choisis par l'é-vêque, sans que jamais les contribuables aient eu part à leur élection; je propose en conséquence que, sur les quittances des décimes des bénéficiers pour l'année entière 1789, il leur sera tenu compte de l'excédant de leur paiement, sur la répartition des impôts de 1790.
Je demande que les délibérations prises par le ci-devant clergé de France, portant suspension de paiements vis-à-vis de ses créanciers, demeurent révoquées, et qu'il soit tenu d'en acquitter les rentes jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.
L'intérêt des rentiers du feu clergé doit les faire distinguer des créanciers de l'Etat ; ils n'ont pas fait travailler leur argent, ils n'ont pas profité des malheurs de l'Etat, et leur intérêt serait compromis si le décret proposé n'est pas adopté.
Le clergé faisait quelques actes de bienfaisance. Les pensions alimentaires de 50livres se portaient à 60,000 livres.; elles sont suspendues. Il y a encore 40,000 liv. destinées à l'entretien de ce qui reste des jésuites ; en 1785, ils firent entendre leurs réclamations, et le clergé accorda 800 liv. à chacun ; cet objet est suspendu ; si vous ne décrétez pas le paiement des décimes nécessaires, comment pourvoir aux actes de bienfaisance?
Chez les anciens, les paroles des agonisants avaient quelque chose de sacré. Sans doute il y avait parmi nous des abus; nous sommes des hommes ; mais si l'on examine la facilité que nous avions de réclamer l'exécution des principes, on verra que nous avons payé notre tribut.
Nous ne faisions porter l'imposition que sur l'excédant de celui qui travaillait le moins. Nous avions divisé les ecclésiastiques en huit classes.
On imposait au quart les abbés, les priéurs et les bénénciers simples. L'inégalité est venue de la culture des fonds augmentés dans certaines provinces.
Dans la seconde classe étaient les évêchés, les cathédrales et les cures riches. Nous arrivions
graduellement jusqu'à la huitième classe, qui était composée des congruistes, des hôpitaux, des bénéficiera et des collégiales de 3 ou 400 livres de rente.
Il n'y a pas de chambre ecclésiastique qui n'ait montré les principes sur lesquels elle répartissait.
Je propose, pour amendement, qu'onlèyerales décimes nécessaires pour les créanciers du clergé et les actes de bienfaisance usités dans l'ancienne administration du cierge.
Cet amendement n'est pas nécessaire; le décret, en ordonnant que les décimes des six derniers mois seraient payés, a tout prévu, et ces décimes suffiront aux dépenses du clergé.
Je demande que l'article II du projet de décret soit supprimé.
Un membre. La portion congrue n'étant qu'une pension alimentaire, on ne peut pas y asseoir une imposition ; il faut la décharger de cette imposition.
Plusieurs membres, curés congruistes, récla-ment contre cet amendement déjà rejeté par un décret antérieur. Ils veulent payer l'impôt comme citoyens, et être éligibles aux assemblées nationales.
propose un autre amendement : maïs la question préalable est admise, ils sont toùs rejetés.
Le projet donné par le comité est mis aux voix et décrété en ces termes :
« Sur les représentations qui ont été faites à l'Assemblée nationale par le receveur général, chargé ci-devant du recouvrement des décimes et autres impositions du clergé de France, qu'un grand nombre d'ecclésiastiques se refusent au paiement des six derniers mois dé leurs décimes de 1789, sur le fondement qu'ils sont compris pour les six derniers mois de ladite année dans les rôles de supplément dés impositions Ordinaires, én vertu du décret du 26 septembre der-dier, et dés décrets subséquents, l'Assemblée nationale, Voulant faire cesser toutes difficultés à cet égard, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. Ier.Les contribuables âux décimes, pour l'année 1789,
les acquitteront en entier entre les mains des receveurs des décides.
« 2. Les collecteurs ç>u autres préposés à la perception des impositions ordinaires dé 1789 seront tenus de recevoir pour comptant les quittances des sommés payées par les contribuables aux dEécimes, pour la moitié desdits décimes de l'année 1789.
«3. Si le montapt de la moitié des décimes de 1789 excédait le montant de l'imposition ordinaire des six; derniers mois de ladite année, lés quittancés de cétte moitié desdits décimes ne seront reçues que jusqu^ èpucurrerice dùçlit mon-tant de 1 impositiop. »
M. Anson demande à faire un deuxième rapport.
Les assignats sur les immeubles domaniaux et ecclésiastiques commencent à être demandés ; c'est sur leur succès, sur le crédit tout neuf, et qui peut devenir si important pour la France, que reposent dans le moment le service de l'année 1790, le paiement des créanciers de l'Etat, et la Constitution elle-même, dont l'édifice serait ébranlé s$i les finances éprouvaient une
grande secousse ; il est à désirer qu'une des premières opérations des assemblées de département soit d'afficher des ventes des domaines de là couronne et de ceux des domaines ecclésiastiques qu'elles regarderont comme devant être aliénés les premiers. On vous a parlé des immeubles des réguliers situés dans les villes, et on n'a donné aucune suite à cette idée ; quelque doive être le sort de cette proposition, il est instant de la discuter; et pour y parvenir promptement, il faut que le comité des domaines et le comité ecclésiastique vous remettent incessamment le résultat des travaux qu'ils ont sans doute préparés d'après les décrets du mois de décembre dernier.
M. Anson propose ensuite un projet de décret.
(de Nemours). Je deqiande l'impression et la distribution des rapports du comité des finances et de celui des domaines avant qu'ils soient discutés.
Cet amendement est adopté, et l'Assemblée rend le décret suivant :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète qu'à l'avenir le jeudi de chaque semaine sera consacré à entendre le résultat des travaux du comité des domaines et du comité ecclésiastique ; que ces deux comités présenteront les moyens les plus prompts d'exécuter les décrets des 19 et 21 décembre 1789, sanctionnés par le Roi, concernant la vente des domaines 4e la couronne et des domaines ecclésiastiques ; que jeudi prochain, l'un et l'autre comité présenteront un tableau tant des domaines de la courçpne qui peuvent être mis en vente dès à présent, que de ceux des domaines ecclésiastiques qui pourront être aliénés aussitôt que les assemblées 4c département seront en activité ; et que le comité féodal remettra également son travail sur le taux auquel pourront être rachetés les droits ou rentes dus au domaine de la couronne, et ceux dus aux domaines ecclésiastiques, et que {^s rapports à faire par les comités seront imprimés et çjistrî? hués ayant la séance dans laquelle ils devront être faits. »
demande de nouveau la parole et, au nom du comité des finances, fait ^nû rapport sur la perception des impositions dé 1790. Ce rapport est ainsi conçu (1) :
Messieurs, nous ne cessons de remettre sous vos yeux la nécessité de seconder de toutes manières la marche de l'année 1790, dont les besoins sont si grands et les ressources si incertaines. Ce n'est point sur la perception des droits que nous fixerons aujourd'hui vos regards ; c'est sur la perception des impositions directes, c'est-à-dire de celles dénommées ci-devant tailles et capitations, ainsi que des vingtièmes, confiée jusqu'à présent aux receveurs généraux et partie cu liera.
U ne faut pas perdre de vue que ces impositions ont été consommées d'avancé par
anticipation ; que des rescriptions équivalentes au montant de chaque mois d'impositions, ont
été données en paiement dans le courant de l'année dernière ; que leurs échéances arrivent de
mois en mois, et que, sans le paiement exact des impositions dans les provinces, sans le
versement des provinces au Trésor public, il serait impossible ne soutenir Je fardeau, qui
retomberait sur
D'un autre côté, la nouvelle division du royaume, cet ouvrage si imposant, dont le succès paraît assuré, dont les effets seront si décisifs pour l'affermissement de la Constitution, dont le vaste tableau a suivi de si près l'ingénieuse esquisse; cette nouvelle division pourrait, par quelques difficultés de détail, occasionner, dans la perception des impositions directes, une interruption inquiétante, une stagnation dangereuse, si vous ne preniez d'avance, pour y pourvoir, les précautions que la prudence paraît indiquer.
Tout annonce que c'est l'année 1791 qui est destinée à recevoir les heureux essais ae vos projets sur les impositions directes; les assemblées ae départements ne seront en activité que dans quelques mois ; lorsqu'elles commehçeront à exécuter vos réformes, ou à vous proposer les leurs, l'année 1790 s'avancera à grands pas : elles auront à peine le temps de préparer et de rassembler les matériaux de leur nouvelle administration; ainsi il paraît digne de votre sagesse d'ordonner due les revenus de l'année 1790 arriveront au résor public par l'ancienne route ; c'est même en suivant cette marche que Tous pourrez réserver l'année 1791 entièrement intacte, et digne de recevoir sans embarras un régime absolument neuf et constitutionnel.
Il résulte de ces réflexions que la perception de 1790 doit être maintenue dans ses anciennes formes, afin d'éviter toute secousse dangereuse, toute interruption au milieu d'un exercice, et enfin toute lacune dans les recettes.
Ne perde? point de vue, Messieurs, qu'il ne s'agit que des impositions directes, et que ceci n'a aucun rapport aux droits, aux impôts indirects, dont vous pouvez ayoir je dessein d'accélérer la conversion en iqnpôts moins onéreux.
L'ancienne perception çles impositions directes, des vingtièmes, de la capitation, et autres dé cette nature, s'éloigne beaucoup moins que toute autre des principes de notre Constitution. Les réformes en cette partie seront plus faciles après l'organisation totale et effective du royaume ; elles feront même moins apparentes, pour ainsi dire; car enfin il faudra toujours un préposé quelconque dans chaque municipalité, qui représentera l'ancien collecteur ; il faudra des receveurs de districts ou de départements; et l'ancien régime offre en ce moment, auprès de quelques abus, des établissements très supportables, surtout lorsqu'il ne s'agit que d'une prorogation dé si courte durée, lorsque les circonstances exigent de né point s'en priver trop brusquement.
Et d'abord, il n'est point question de perpétuer les anciens collecteurs des communautés dans leurs perceptions ; aucun inconvénient que les nouvelles municipalités se choisissent d'autres préposés dès le moment de leur organisation, si elles le jugent à propos; il né s'agit que dés receveurs auxquels ils verseront.
Les receveurs particuliers ne perçoivent point du contribuable lui-même : ils ne reçoivent que du "préposé nommé par la communauté; ainsi, il y a peu d'inconvénients à redouter Vis-à-vîs des contribuables. Il est même aisé de démontrer que l'obligation, que votre Comité vous proposé d'im- fioser aux anciens receveurs de se cnârger de 'exercice de 1790, est plutôt une opération ae prudence, uue çhosè utile pour la tranquillité générale, qu'elle ne sera agréable ni profitable aux anciens receveurs, dans Tes circonstances présentes. Il va leur arriver d'avoir affaire S plusieurs districts, et quelquefois même à plusieurs départements, dans la nouvelle division du royaume. Cette multiplicité de correspondances et d'autorités jettera quelques embarras dans leurs fonctjpps ; mais il sont provisoiremént préférables à ceux qui naîtraient d'un autre arrangement. II vaut mieux que ces receveurs éprouvent quelques difficultés: elles ne seront pas insurmontables ; elles le seraient peut-être en prenant un parti différent.
En effet, supposons pour un moment que les anciens receveurs cessassent leurs fonctions, lorsqu'un district, ou même un département sera formé. À qUi les préposés à la perception dans les municipalité remettront-ils les deniers publics dans ce premier moment? Commènt les administrateurs du nouveau département connaîtront-ils en aussi jpeu de temps le montant et la niasse d'impositions du département, pour en suivre la marChe? Comment même le directoire dû district s'y reconnaîtra-t-il en débutant, lorsque, comme il arrivera souvent, l'ancien arrondissement appartiendra à plusieurs des nouveaux districts? Les établissements les pïùs simples marchent lentement en commençant, à plus forte raison les petits obstacles (Je détail occasionneront, dans la nouvelle division, "des incertitudes ; et âu milieu de ces embarras, peu effrayants Sans doute, mais inévitables, le versement au Trésor public, qui, dans les conjonctures actuelles, ne peut se faire avec trop d'exactitude, serait nécessairement arrêté dans des canaux dont la cônitinuité ne serait pas encore assurée.
Kepaarquez, Messieurs, que l'apnée des impositions commence au lJr octobre, qu'il faudra donc s'occuper, dès le mois d'août ou de septembre au plus tard, dans lès différents départements, des réformes qu'il y aura liéu dé faire au plus tard aussià cette époqué, et que par conséquent il sera prudent de ne les opérer que pour 1791, sur tout en 'matière d'impositions ordinaires.
Un avantage de l'ancien régime consistait en ce que lés receveurs faisaient des avances, quand cela était nécessaire, sauf*®* élire dédommagés1 sur les mois suivants;mais pourra-t-onespérerces efforts d'officiers qui verraient leur suppression si prochaine? Je puis vous attester que, dans le cours de l'année dernière, les efforts des receyeurs, soit généraux, soit particuliers, ont été dignésd'éloges; mais les forces s'épuisent plus tôt que le courage.
Je mêlé ici sans m'en apercevoir, aux réflexions que j'ayàtsà vous faire comme membre du comité des finances, celles que njon expérience particulière me dicte involontairement: mais l'intérêt personnel n'en altère point la sincérité : vous savez qu'il y avait deux réôeveurs généraux par province, l'un de l'exercice pair, et l'autre de l'exercice impair. J'étais receveur général en 1789 ; je ne le suis point de l'exercice de 1790, dont il s'agit aujourd'hui. Vous voyez, Messieurs, que je puis vous exposer avec désintéressement ma propre conviction , et j'ajouterai que la perception des » impositions directes était la moins dispen-
dieuse de toutes : vous avez distingué vous-mêmes jàs la Constitution, les receveurs des impositions directes de tous les autres, en les déclarant éligibles. Je me plais sans doute à vous le rappeler; mais vons me pardonnerez le souvenir d'une ancienne confraternité, puisqu'il se concilie avec la justice et la vérité.
C'est donc avec l'intime persuasion, que partage votre comité, de la nécessité de maintenir l'ancienne perception en 1790, que j'ai l'honneur de vous proposer, en son nom, le décret dont je vais faire la lecture.
Projet de. décret.
L'Assemblée nationale considérant, qu'après avoir prescrit par son décret du 26 septembre dernier, et par ses décrets subséquents, la forme de répartition des impositions ordinaires et directes de l'année 1790, il est indispensable d'en assurer également la perception ; que la forme de cette perception, pour l'exercice entier dè 1790, se trouve nécessairement déterminée par les anticipations tirées à époques fixes sur cet exercice; qu'il est important d'acquitter le montant de cés anticipations aux époques de leur échéance, et d'empêcher qu'aucune anticipation nouvelle n'entame les revenus de 1791 ; qu'il est par conséquent utile de bien distinguer l'exercice de 1790 de celui de 1791, dont les futures assemblées de départements ne peuvent,avec trop de maturité et de précaution régler là perception par des principes simples et des formes économiques, et qu'il est convenable d'indiquer dès à présent cette distinction des deux exercices aux municipalités qui vont être établies, afin que les recouvrements n'éprouvent aucune interruption, a décrété et décrète ce qui suit :
Les préposés aux recouvrements des impositions ordinaires et directes dans lés différentes municipalités du royaume seront tenus de verser entre les mains des receveurs ordinaires dè l'ancienne division des provinces, chargés dans les années précédentes de la perception de ces impositions, le montant entier desdites impositions de l'exercice de 1790, et des exercices antérieurs, dans la forme et dans les termes précédemment prescrits par les anciens règlements; et,attendu que les contribuables seront soulagés dans l'année présente par la contribution des ci-devant privilégiés, qui tourne à leur décharge, les trésoriers ou receveurs généraux, entre les mains desquels lesdits receveurs ordinaires verseront le montant de leurs recettes, seront tenus défaire de leur côté toutes diligences pour que les impositions de l'année 1790 et des années antérieures soient acquittées entièrement dans les six premiers mois de 1791 au plus tard. Ils remettront, à cette époque, aux administrateurs des différents départements, un état au vrai de la situation des recouvrements. Quant aux comptes définitifs, tant de l'exercice de 1790 que des années antérieures, ils seront présentés par eux à la vérification, dans le courant de l'année 1792 au plus tard, devant qui, et ainsi qu'il sera ordonné par l'Assemblée nationale.
La discussion de ce projet de décret est renvoyée à jeudi prochain.
indique l'ordre du jour de la séance du soir et invite 1 Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour y procéder à la nomination:
1°. D'un comité de rapports, composé de quinze membres tirés du sein de l'Assemblée, conformé-
ment au dernier décret de l'Assemblée sur cet objet;
2°. D'un comité pour la liquidation de la dette publique, lequel doit être composé de douze membres choisis à cet effet dans le comité des finances.
3° Enfin, d'un comité de quatre membres chargés de recevoir les secours de charité en faveur des pauvres, et de proposer à l'Assemblée des moyens de subvenir à l'indigence.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
La séance a commencé par la lecture de plusieurs adresses renfermant des témoignages du patriotisme le plus pur et de l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, de la part de différentes villes et communautés du royaume, ci-après rapportées :
Adresse des chanoines réguliers de l'abbaye d'Autrey en Lorraine, qui expriment la plus vive satisfaction sur le projet de décret du comité ecclésiastique, concernant les religieux dont M. Treilhard a fait le rapport ; ils applaudissent avec transport particulièrement aux articles qui les regardent, et désirent tous les voir mettre à exécution le plus tôt possible.
Adresse de- demoiselle Scott Godfrez, maîtresse de langue anglaise à Paris, qui, pour sa contribution patriotique, offre de montrer gratuitement la langue anglaise à soixante demoiselles choisies une par district de la capitale.
Adresse de renouvellement de félicitation, adhésion et dévouement de la ville de Mées en Provence; elle témoignage principalement la plus grande confiance pour toutes les décisions de l'Assemblée sur la distribution des divers tribunaux de justice.
Adresse du même genre de la ville de Sisteron en Provence ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et sollicite un chef-lieu de district.
Adresse de la ville de Lille en Périgord, qui offre le produit du moins imposé en faveur des anciens taillables.
Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Civray en Poitou, qui font le don patriotique de leurs boucles d'argent, pesant 10 mars 6 onces.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la communauté de Gréselles en Champagne ; elle demande d'être du district de Châ-tillon-sur-Seine.
Adresse des dames bouquetières de la rue Neuve-des Bons-Enfants, au nombre de cinq, qui expriment le désir de pouvoir offrir, selon leurs faibles moyens, leur contribution à la patrie. Réunies à toutes les dames de la halle et aux autres bouquetières de Paris, elles mettront toutes énsemble sur l'autel de la patrie une légère offrande, mais ce sera le denier de la veuve, qui profite au centuple ; elles supplient l'Assemblée ne leur permettre d'établir une caisse patriotique entre leurs mains, qu'elles verseront dans la caisse générale.
Adresse des soldats français, en garnison à Valogne et Cherbourg, qui, pour détruire les soupçons injurieux qu'on a voulu inspirer sur
leur patriotisme, la noblesse de leurs sentiments et la dignité de leur conduite, jurent encore une fois d'exécuter, pour le service de la patrie et celui du Roi, de toutes leurs forces et au péril de leur vie, tout ce qui leur sera prescrit par ceux que l'Assemblée nationale reconnaît ou reconnaîtra pour leurs chefs.
Adresse des Corses expatriés qui se trouvent dans la Toscane, contenant l'expression de leur vive reconnaissance envers l'Assemblée nationale, qui, non-seulement les a rétablis dans tous leurs droits, mais encore leur a accordé le bienfait inappréciable de devenir citoyens français.
Adresse de dévouement de la compagnie de l'Arquebuse de Salins en Franche-Comté ; elle supplie l'Assemblée de la prendre en considération lorsqu'elle s'occupera de l'organisation de la garde nationale.
Adresse des avocats composant la chambre royale des consultations établies à Colmar, pour les villes et communautés d'Alsace, qui font le don patriotique de leurs boucles d'argent.
Adresse d'une multitude de citoyens de la ville de la Ferté-sous-Jouarre, qui font le don patriotique de 17 marcs 4 onces d'argenterie, 3 gros d'or, une croix de Saint-Lazare, et 13 livres 4 sols en espèces.
Adresse de la communauté de Salces, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée; elle la supplie de s'occuper de la formation des lois interprétatives des décrets du 4 août.
Adresses des villes e gardes nationales de Flavigny en Bourgogne, et de Saint-Rambert en Bugey, contenant une adhésion solennelle à l'acte par lequel les quatorze villes bailliagères de Franche-Comté se sont confédérées pour maintenir la circulation des subsistances, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale et la tranquillité publique.
Adresses de félicitation, remerciement, adhésion et dévouement de la ville de Chalamont en Dombes, de la communauté de Bischviller en Alsace, de celle de Lourmarin en Provence, et de celle de Rochefort en Languedoc.
Adresses des communautés de Villiers-Faucon, Fretoy et Crêvecœur en Picardie, qui ont délibéré d'appliquer en atelier de charité et au soulagement des pauvres, le produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la communauté de Saint-Antoine en Dauphiné, contenant l'adhésion la plus expresse à tous les décrets reudus et à rendre par l'Assemblée nationale, et le don patriotique de la taxe sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de félicitation et dévouement des huissiers et sergents des juridictions de Chaumont en Bassigny ; ils font le don patriotique de 4 marcs 6 onces d'argenterie.
Adresse du môme genre de la communauté de Berulle de l'Ile-de-France ; elle envoie l'extrait du rôle de son don patriotique, qui se monte à la somme de 1,405 livres 7 sols.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la commune de Pujols d'Agenois; elle fait le don patriotique du produit du moins imposé en faveur des anciens taillables.
Adresse du corps des maîtres tonneliers et ba-riliers delà ville de Marseille, qui présentent leurs hommages à l'Assemblée nationale, et la supplient d'ordonner la plus prompte exécution du décret qui renvoie la procédure prévôtale aux officiers des bailliages et sénéchaussées.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement
de la ville de Cernay en Alsace, de celle d'Aramon et de celle de Saint-Amour en Franche-Comté ; elles demandent l'établissement d'une assemblée de district et d'une justice royale.
Adresse du même genre du général des habitants de la Gacilly en Bretagne, qui demande que cette communauté soit le cnef-lieu d'un district.
Adresse de dévouement des chevaliers de l'Arquebuse de Besançon ; ils supplient l'Assemblée de les prendre en considération, lorsqu'elle s'occupera de l'organisation des gardes nationales.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des habitants de la ville de Vittaux ; ils demandent une justice royale
Adresse des officiers municipaux de la ville de Riom en Auvergne; elle assure l'Assemblée de son admiration, de sa soumission pour ses décrets : « Nous jurons, disent-ils, d'être toujours fidèles à la cons titution qui va regénérer la France, à la loi qui affermit notre bonheur, au Roi qui méritetout notre amour. Nous sommes encore un instant les organes de nos concitoyens, et nous voulons employer les derniers instants de notre ministère, comme nous emploierions tousles jours de notre vie, à bénir ceux que nous regardons comme les sauveurs de la patrie. » Ils assurent ensuite que tous les décrets de l'Assemblée ont été fidèlement exécutés, et que la contribution patriotique se monte déjà à 52,000 livres ; ils représentent que la ville de Riom perd tous les établissements par lesquels elle subsiste, mais que, certaine de la justice de l'Assemblée, elle attend avec sécurité la décision qui la fera jouir des avantages de la nouvelle division du royaume.
Adresse de la municipalité et de l'assemblée générale des habitants de la ville d'Orléans, contenant une nouvelle adhésion aux décrets de l'Assemblée. Celte municipalité se voyantau moment d'être remplacée par une nouvelle, formée d'après les principes de la Constitution, désire que sa dernière fonction soit uu hommage de son respect pour l'Assembléè nationale, et de ses vœux les plus ardents pour la perfection de ses travaux si heureusement commencés pour le bonheur du royaume; elle déclare, conjointement avec les représentants de tous les corps et paroisses, que les derniers instants de son existence légale sont dévoués à la patrie et au Roi, et que les Orléanais donneront toujours des preuves de leur patriotisme et de leur désir d'assurer, autant qu'ils le pourront, le succès des travaux de l'Assemblée, qui doivent faire le bonheur de la France.
Adresse du conseil général et municipal delà ville de Quimper, qui porte hommage, adhésion aux décrets de l'Assemblée, et serment de les maintenir de tous leurs moyens. . Cette municipalité a vu avec la plus grande satisfaction que l'Assemblée nationale aimprouvé laconduite de douze magistrats, qui ont osé, sans mission, se dire chargés de maintenir les anciennes Chartres de la Bretagne, c Les Bretons, est-il dit dans cette adresse, ne sont plus que des citoyens français ; ils veulent être libres avec eux, et jamais ils ne sépareront leur cause de celle de la nation ».
Adresse de Montpellier, qui annonce que la milice nationale de Montpellier a vu avec transport les décrets de l'Assemblée; qu'elle a mis un zèle infatigable à maintenir la paix et la tranquillité, si contraires aux vues des ennemis dé la liberté ; que, réunie sous les drapeaux de la patrie, elle jure de mourir, s'il le faut, pour le soutien des décrets de l'Assemblée, et pour montrer sa fidélité au Roi : elle ajoute qu'elle voue à l'infamie et au mépris les perfides ennemis du nom français,
qui voudraient encore former des associations contraires aux principes de l'égalité et de la Constitution. ,
Parmi ces adresses, celle de la ville de Riont^ celle de la ville d'Hesdin et celle de la garde na-tionale de Montpellier ont particulièrement fixé l'attention et mérité les applaudissements de l'Assemblée, qui en a ordonné l'impression ainsi qu'il suit :
Adressé des officiers municipaux êi du comité provisoire adjoint de la ville de Riom.
» Nosseigneurs,
» Cë n'est pas sans se fairé violence que la ville de Riom., retenue par la crainte dé dérober à la félicité publictuë aes moments bien précieux, s'est réduite, depuis son adhésion dti mois dé juin derniéf, à adthirër dans iiil silence fresbec-teùx, tous les monuments de votre sagesse et de votre gloire, et d'exécuter avec là grande exactitude tous le§ décrets émanés dë Votre aUgUste As-semblée, auxquels cette ville sera toujours soumise et fldèlë;
« Mais, à la Vèillë de goûter les premiers fruits de VUS travàui glôrieux, le désir ae vous témoigner sa reconnaissance remporte aujourd'hui sur toute autre considération.
« Oui, Nosseigneurs, nous allons jurer d'être toujoUrfefMêleS à la constitution qui Va régénérer la France, à ta 16i qui assure notre bonheur, et au Roi qUi mëritë tout notre amour. 11 n'ëst personne pârnii nous qUi n'ait déjà fait ce sèrméht dans son cœur, personne qui ne sente lès grands biens que nous allons devoir à votre zèle ét à vottë courage.
6 Nous sommes encore uU instant les organes de ùds concitoyens, et nous Voulons employer ces derniers moments de iiotrë ministère comme noUs employërons tous lës jours de notre vie, â bétiir Ceux que nous regardons comme les Sauveurs dë la jfôtrlë.
k Nous nous sommes empressés de seconder eti tout lëà Vues de l'ASsëttibféë nationale-, tôUs sëS décrets sont Consignés dans nos registres, et tous ont été exécutés fidèlement. Notre contribution patriotique s'élève déjà à plus de 52,000 livres, et les déclarations seraient sans doute plus nombreuses, si la plupart de nos concitoyens, incertains Sur leur sort, né së trouvaient arrêtés par la crainte dë tie pouvoir à l'âvëiiir rerriplir lés engagements que leur âîèle leur ferait fcohttacter aujourd'hui.
« Là villë de Riom aurait pu peiit-étre pré-tëUdhe à vous intéresser, ën Vous représentant qu'elle perd tdtis les établissements par lesquels elle SUbSiste; ët Si elle në vous a pas entretenus dé séS Craintes, ellè votis a dcinrié Une preuve dé son patriotisme et dé soh entière confiàncë dans l'éspHt dë justice et de sagësse ijui dicte vos résolutions. La justice vous porte, Nosseigneurs, à dédommager ceux de qui le bien public exige aës Sacrifices; là sagesse vous engage à distribuer également tous les avantages : voilà les mbtifs de notrë sécurité.
« Doigtiez, NosseignëUi'8, agréer l'hommage de notrë reconnaissance, de notre fidélité et de notre respect. »
Arrêté de la garde nationale d'Hesdin.
«Nous, co minaudant et otnciers de la garde nationale d'Hesdin, considéraut que la gloire de
cette province et le bonheur de ses habitants sont spécialement attachés à l'abolition des privilèges; que tout citoyen est intéressé à les abhorrer, comme émanés d'un régime odieux et diamétralement opposé aux droits sacrés de l'homme, qui servent aujourd'hui de base à la nouvelle Constitution ;
« Considérant qu'au mépris de la loi, de la nation et de la liberté individuelle, l'aristocratie, notamment dans les provinces belgiques, cherche à renaître de ses propres cendres, pour protester contre les décrets de l'Assemblée nationale, et maintenir ses privilèges ;
« Considérant que cette foule prodigieuse de libelles dont les ennemis de la Constitution nous inondent, n'est qu'une tentative faite sur l'esprit du peuple pour le séduire, le tromper sur ses vrais intérêts, et l'engager à défendre les anciens abUs dont il a été si longtemps la victime ;
« Qu'il ëst de notre devoir, tandis que les vrais patriotes offrent de verser leur sang pour cimenter la régénération de l'empire, d'arrêter jusqu'à la source même, une contagion si désastreuse ;
« Que notre intérêt personnel, si l'amour pur de la patrie n'était pas notre premier sentiment, se trouve lié aux efforts que nous devons faire pour préserver le peuple des prestiges de la calomnie qui cherche à séduire sous les dehors trompeurs d un zèle religieux, et des tentatives de l'ambition qui voudrait profiter de sa faiblesse ou de sa crédule ignorance pour le retenir dans ses chaînes :
« Avons arrêté et arrêtons d'inviter tous les bons citoyens de s'unir fraternellement à nous, pour nous consacrer ensemble à la défense de l'Etat ; en conséquence» nous jurons, à la face du ciel,que nous!invûquons pour le soutien d'une si sainte et si juste cause, de nous prêter un mutuel secours pour déconcerter les manœuvres criminelles de ceux qui tenteraient, par quelque moyen que ce fût, de s'opposer à l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale» sanctionnés par le Roi, ët notamment à l'établissement prochain des administrations provinciales ét municipales; et afin que notre vif amour pour notre auguste monarque, notre entière et inviolable adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale soient connus de tous les bons patriotes, il a été unanimement arrêté que la présente déclaration sera imprimée, lue et publiée, en présence de tous les volontaires de notre garde nationale assemblés et convoqués à cet effet ; et qu'un exemplaire sera adressé aux représentants de la nation, ainsi qu'à toutes les milices nationales des provinces belgiques. »
A Hesdin, le
Adresse de la garde nationale de Montpellier.
« Nosseigneurs,
« Armés pour la défense de nos foyers, le prix de nbs travaux est la paix dont nous jouissons : défenseurs de la cause du patriotisme et de la liberté, nous avons éloigné dë nos murs les désordres de la licence et les troubles de l'anarchie ; rangés sous l'étendard sacré de la patrie» nous avons confondu les complots odieux des ennemis du bien public, qui semaient partout leurs insinuations perfides. Les difficultés ont accru notre constance ; pleins de confiance dans la sagesse de vos décrets-, nous avons senti que la régénération si nécessaire de l'Etat, ne pouvait s'opérer qu'au
milieu de la tranquillité générale, et que notre premier devoir était de la maintenir dans notre sein. Nous avons porté plus ioin nos vues, Nosseigneurs ; nous avons cherché à pénétrer du même esprit les différentes villes qui nous environnent ; nous les avons invitées à une fédération d'ordre et de bien public, à laquelle elles se sont em-préssées d'adhérer : plus de 30,000 citoyens armés en sont les garants, et nous avons l'heureuse certitude que, quels que puissent être les efforts des détracteurs de là nation, ils ne sauraient obtenir aucun succès dans le vaste arrondissement que nos soins ont formé.
« Occupés de ces grands objets, Nosseigneurs, nous nous sommes reposés sur notre commune du soin de vous exprimer des sentiments que nous professions par notre conduite ; mais aujourd'hui que la paix, que nous ayons eu la satisfaction de maintenir, repose à l'ombre de vos décrets sur des bases solides, nous ne pouvons résister à l'attrait imperieux du sentiment de tous les points de ce vaste empire ; un concert de bénédictions et de vœux s'élève vers vous : daignez permettre que nous joignions nos voix à cette acclamation générale,, que l'hommage des sentiments qui nous animent interrompe un instant vos immenses travaux, et que la trop faible expression de notre entier dévouement retentisse dans votre Assemblée, Augustes restaurateurs des droits du peuple, vous qui, malgré de longs orages, élevez avec une. persévérance infatigable l'édifice de notre bonheur, recevez le serment solennel que nous faisons, sous les drapeaux delà patrie, de mourir, s'il le faut, pour le soutien de vos décretSi de leur rester fidèles ainsi qu'au meilleur et au plus chéri des rois, de confondre toujours nos vœux, nos intérêts avec deux dé fa grande famille dont vos heureux travaux vont rapprocher lès membres trop longtemps désunis, dé ne reconnaître enfin d'autres devoirs que ceux que vous avez fondés.
« NouS né redoutons plus les vaitts efforts de cétle hydre ëffrayaute dont Vo3 mains Victorieuses ont éërasè les têtes renaissante^ ; mais nous vouons à l'opprobre et à l'infamie lés pérfides indignes dû noth de Français, qui,, dans l'espoir de la reproduire, pourraient formër des projets ou fomenter des associations contraires à vos principes régénérateurs.; »
Sigtlé, les citoyëhs officiers et soldats de la milice nationale de Montpëlller.
Adresse des élèves du collège de Rodez dont le don pàtriotiquë a été présenté dans la sédhce du 18 janvier, par M. de Golbert-Seignelay. Cette adresse est ainsi conçue :
« Nosseigneurs, le patriotisme dont vous avez donné l'exemple, et qui animé dans ce moment tous les Français, a aussi embrasé nos cœurs. Nous voulons, comme les autres citoyens, sacrifier à la patrie, et lui payer le tribut de notre amour. Seuls, nous guéririons ses plaies, si nos moyens égalaient nos désirs ; mais la plupart d'entre nous étant peu favorisés des biens de là fortune, nous ne pouvons vous offrir qu'une faible ressource de 800 livres.
Cette somme devait être accordée à nos plaisirs: mais en est-il un plus doux que celui de servir son pays ? Elle ne changera donc, pas de destination. C'est avec joie que nous la remettons entre vos mains, pour être par vous déposée, en notre nom, sur l'autel de la patrie.
« Un jour, peut-être, si nous pouvons acquérir assez de vertus et de lumières, un jour nous lui
ferons des offrandes plus précieuses, et plus dignes d'elle: c'est le plus ardent de nos v'cëûx et l'objet constant de nos travaux. Ën attendant, îiOûs oSôns espérer qu'elle sourira au sacrifice que nous lui faisons aujourd'hui, et qu'elle ne verra pas sans quelque satisfaction les plus jeunes de ses enfants s'intéresser à son bonheur.
« Eh I qui doit plus que nous désirer de là voir florissante ! L'époque où nous entrerons uâhs ië monde sera celle de sa prospérité et de sa gloire. Elle vous ën sera redevable, à vous, Nosseigneurs, et au monarque adoré que vous avez appelé vous-mêmes le restaurateur de la liberté française. Il en jette les fondations, et vous en achevez 1 édifice; élevé par des mains si habiles, il , triomphera des siècles. Puisse ce Roi chéri y voir , long temps les hommages libres de là nation là plus noble et la plus loyale de l'univers ! Pûis^iez-vous longtëmps aussi vous-mêmes, uosseignétirs y jouir du succès de vos travaux, de la gloire que vous méritez, et de la reconnaissance de vos heureux concitoyens.
« Nous sommes avec lé plus profond respect, Nosseigneurs, vbs très humnleS et très, obéissants serviteurs. Les écoliers du collègé de Rodez. »
dit qu'il est chargé par M. le duc d'Aumont.d'annoncer à l'Assemblée que le district Saint-Honoré, vient de donner i exemple mémorable de fouler aux pieds l'opinion barbare qui flétrissait la famille de ceux qui sont condamnée, au dernier supplice; ce. district a, en effet témoigné son respect pour les. décrets que l'Assemblée nationale vient de rendre pour faire cesser cet injuste préjugé,en nommant à une place de lieutenant honoraire des grenadiers de son bataillon,le sieur Agasse, frère dé deux particuliers qui sont condamnés par le Cbatelet au dernier supplice, pour crime de faux. M. Agasse qui était simple grenadier, avait voulu quitter son liabit aussitôt après le jugement de ses frères.,
demande que le président soit autorisé à écrire au district Saint-Honoré pour lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée sur sa conduite envers M. Agasse.
Cette motion est adoptée sans opposition.
communique à l'Assemblée une lettre du ministre de la guerre, qui est renvoyée au comité militaire, et qui,concerne lés préséancés entre les. milices nationàlés et les troupës de ligne.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Vous me faites l'honneur de me prévenir, Monsieur, que le 25 de ce mois, les gardes citoyennes de la ville .de Tours et le régiment d'Anjou doivent être assemblés pour assister à la cérémonie de l'installation de la nouvelle municipalité, ët que M. M. les officiers de la garde citoyenne vous écrivent pour obtenir uné décision sûr lé rang que Cette garde et les troupes dë lignes doivent tenir entre' elles.
« Il ne m'appartient pas, Monsieur, de décidèr une question de cette importancé ^ èésfcà l'Assemblée de la nation à prononcer sur l'existence que doivent ayoir les gardes citoyennes, et je pourrait prendre les ordres du Koi sur, la question dont il s'agit que lorsque l'Assemblée aura présenté, à Sa Majesté, les décrets qu'elle jugera à propos de rendre à cet égard.
« Mais puisque la chose paraît instante et qu'il ne faut jamais négliger aucun moyende concourir au maintien de la concorde et de l'union
entre les troupes de ligne et les gardes citoyennes, je me permettrai de vous développer mon opinion particulière.
« Je crois, Monsieur,que les municipalités et les gardes nationales, représentant l'ensemble de la nation, doivent avoir toute préséance, toutes les fois qu'elles sont assemblées dans leurs villes, soit pour quelque cérémonie, soit autrement, et alors les gardes citoyennes doivent prendre la droite snr les troupes de .ligne, qui ne forment qu'un corps particulier dans la nation. Mais je pense aussi que toutes les fois que les gardes nationales sont employées hors de l'enceiute de leurs foyers, conjointement avec des troupes de ligne, elles doivent, comme toute autre troupe, prendre rang avec celles de ligne, suivant la date de leur création.
« Si vous pensez comme moi, Monsieur, je crois au'il convient que vous écriviez dans cet esprit a MM. les officiers des gardes nationales de Tours ; de mon côté, j'envoie copie de cette lettre au commandant du régiment d Anjou, en l'invitant à se conformer à l'opinion que j'y établis.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé Làtour-du-Pin. »
Divers membres de l'Assemblée ont ensuite rempli les missions particulières qu'ils avaient reçues pour des offres de dons patriotiques.
offre, au nom de treize communautés composant l'arrondissement de La Mure en Dauphiné, une somme de 8,365 livres, 16 sous, 6 deniers, provenant d'une créance sur le Trésor Royal, montant autrefois à la somme d'environ 21,000 livres et réduite, par contrat du 18 juin" 1766, sur l'Hôtel-de-Ville de Paris, à cette somme de 8,365 livres, 16 soUs, 6 deniers avec les arrérages depuis 1783, sans que ce don puisse libérer ceux qui en font l'hommage de la contribution patriotique du quart de leurs revenus, qu'ils s'obligent d'acquitter avec exactitude.
, au nom de la ville de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, fait l'hommage d'une créance sur le trésor public de 4,400 livres au principal, et qui, avec les accessoires aussi abandonnés, s'élève à un capital de plus de 8,000 livres.
L'Assemblée nationale agréé aussi l'offrande faite par de jeunes élèves français aux écoles de Rome, d'une somme d'argent, et de quelques médailles d'or obtenues pour prix de leurs efforts et de leurs talents
Un membre offre ui»e médaille d'or du poids de 25 louis, donnée à M. de Retz, médecin du Roi-, dans les hôpitaux militaires, par l'Impératrice Marie-Thérèse, d'après le jugement de l'Académie des Sciences de Bruxelles.
L'Assemblée ordonne qu'il serait écrit par son président à M. de Retz, une lettre contenant les témoignages de la satisfaction de l'Assemblée.
Les villes de Lude en Anjou et de de Saint-Just-sur-Loire en Forez, offrent les six mois d'impositions extraordinaires, levées sur leurs ci-devant privilégiés.
La communauté de Gielge, près de Château-Thierri, a fait l'offre de 2,000 livres sur le montant d'une coupe* de bois dont elle sollicite l'agrément ; et cette offre a été refusée par l'Assemblée comme portant une condition.
, membre du comité des rapports, rend compte à l'Assemblée d'une difficulté élevée dans la ville de Brives, par quelques citoyens, ci-devant privilégiés, qui refusent de se soumettre à la charge du logement des gens de guerre avant que l'Assemblée ait expressément prononcé sur cet article. Le rapporteur, en présentant les motifs du projet de décret du comité, parle de la nécessité de prévenir de pareilles difficultés dans toutes villes, bourgs et villages du royaume dans lesquels il n'y a point de caserne.
a pris ensuite la parole. Il rap-pele que, malgré les décrets de l'Assemblée nationale , sanctionnés par le Roi, qui rendent toutes les charges communes et proportionnelles entre tous les citoyens, il est encore des villes où certains ci-devant privilégiés refusent de se soumettre au logement des gens de guerre, comme les autres citoyens et fondent leurs refus sur un défaut d'expression littérale dans les décrets; il en propose un qu'il croit nécessaire pour faire cesser toutes ces Contestations, ce décret porte :
« Que dans toutes les villes et villages du royaume où il n'y a point de caserne, aucun habitant de ces villes et villages ne pourra se prétendre exempt de loger dans sa maison, ou ailleurs à ses frais, les officiers ou soldats qui leur seront envoyés par les officiers municipaux, et de fournir à ces officiers ou soldats tout ce qu'il est d'usage de leur fournir, et ce nonobstant toute ordonnance, chartes et privilèges auxquels l'Assemblée nationale déroge. »
propose un décret portant : « QUe nul citoyen dans l'empire ne pourra se prétendre exempt du logement des gens de guerre, soit en nature, soit en argent. »
Je suis loin de donner mon assentiment à ce principe, que nul citoyen ne peut se prétendre exempt du logement des gens de guerre; je prétends, au contraire, que nul citoyen dans l'empire français ne doit v être astreint et que toutes les troupes doivent êt ^ casernées.
pense que les troupes doivent toujours camper, même à l'intérieur.
M. le vicomte de Hoailles dit que cette-question ne doit être réglée que lorsque l'Assemblée statuera sur le militaire.
ajoute que rien n'est plus conforme que le campement au véritable esprit militaire; en ce que, d'une part, il s'accorde avec la permanence des garnisons, et de l'autre, avec l'utilité d'accoutumer, en tout temps, les soldats à la fatigue et au genre de vie auxquels ils sont destinés. ,
observe qu'il ne croit pas que ce soit le moment ni de développer le principe de M. le comte de Mirabeau, ni de discuter des questions relatives à.l'organisation future de l'armée; que lorsqu'elles seront discutées, on décidera quelles devront être les mesures à prendre pour la marche des toupes; mais que dans ce moment il s'agit, d'un décret provisoire ; que des régiments ont changé de
garnison et qu'en arrivant dans différentes villes, quelques ci-devant privilégiés avaient refusé de loger des officiers ou des soldats ; qu'il était instant pour établir l'égalité que l'Assemblée nationale avait consacrée, de déclarer que tous les citoyens indistinctement participeraient à cette charge publique.
propose ensuite un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale ayant, par ses précé-« dents décrets, ordonné 1 égale répartition de « toutes les charges publiques, déclare que tous « les ctyoyens, sans exception, sont et devront c être soumis au logement des gens de guerre, « jusqu'à ce qu'il ai tété pourvu à un nouvel ordre « de choses. »
L'ordre du jour appelle ensuite le rapport de l'affaire de Marseille.
, rapporteur, monte à la tribune.
Je demande que M. le Président annonce la censure prononcée hier contre M. l'abbé Maury et que ce dernier descende à la barre pour y faire son rapport.
allait ' mettre cette proposition aux voix lorsque les membres siégeant à droite ont tous crié qu'il excédait ses pouvoirs et que M. l'abbé Maury ne devait pas descendre de la tribune. — Beaucoup se sont levés et se sont répandus avec emportement au milieu de la salle.
a voulu parler. Les membres siégeant à gauche ont crié qu'il ne serait entendu qu'à la barre.
(L'Assemblée est dans un grand tumulte pendant plus d'un quart d'heure),
ayant obtenu un moment de silence dit qu'il va lire le décret de censure.
Un membre du côté droit dit que la censure est insérée au procès-verbal et que la chose est faite.
qui est resté à la tribune, avec un grand calme, demande par l'organe de M. Lavie, que lecture lui soit faite de son décret.
demande à l'Assemblée s'il fera cette lecture; l'affirmative est décidée et elle a lieu au milieu d'un désordre général.
L'Assemblée étant devenue plus calme, M. l'abbé Maury fait son rapport ainsi qu'il suit :
lit le rapport sur laprocédure prévôtale de Marseille (1). Messieurs, des insurrections
populaires, troublèrent fréquemment la tranquillité de la ville de Marseille, durant le cours
de l'année dernière ; elles s'y renouvelèrent quatre fois, depuis le 23 mars jusqu'au 8 du
mois de décembre. Une déclaration de Sa Majesté attribua au parlement d'Aix la connaissance
immédiate des troubles qui avaient agité cette ville et une partie de la Provence. S'il faut
en croire M. le comte de Mirabeau, « la Provence se soumit à
cette loi de sang ; mais Marseille, qui, dans les « assemblées primaires, s'était élevée contre le « parlement de Provence, contre l'intendant qui « présidait cette cour; Marseille, où le parlement « désignait déjà ses victimes parmi les chefs de « cette milice qui défendait le peuple, et que le peuple défendait à son tour ; Marseille, dont la « seule émotion populaire avait eu pour cause «une juste vengeance contre ses oppresseurs; « Marseille contesta l'attribution du parlement, « qui demandait une année pour entrer dans » Marseille par la brèche, comme un roi méconnu, « mais vainqueur, punit des sujets rebelles. Eh ! « qu'importait, en effet, que Marseille fût dé-« truite, si le parlement était vainqueur ? »
M. le comte de Caraman, commandant pour le Roi en Provence, fut envoyé à Marseille, avec quelques régiments pour y rétablir la tranquillité. Les troubles recommencèrent le 23 du mois de juillet, et la consternation des bons citoyens fut d'autant plus générale, que la sédition s'était déjà signalée par les meurtres, par le pillage et par un incendie ; mais avant cette époque mémorable du 23 juillet, le parlement d'Aix, avait manifesté des sentiments d'humanité fort différents des projets sanguinaires que lui impute, sans pudeur, M. de Mirabeau. Ce fut, en effet, sur la demande expresse de cette compagnie que le Roi fit expédier des lettres d'amnistie générale, le premier du mois d'août.
Le Roi rappelle d'abord, dans cet acte solennel de clémence, qu'il avait accordé, le 16 avril précédent, des lettres-patentes par lesquelles, il attribuait à sa Cour du parlement d'Aix, la suite et le jugement, en première et dernière instance, de toutes les procédures qui auraient lieu relativement aux émotions populaires de la Provence. « Mais à peine l'instruction fut-elle commencée, « dit le Roi dans les lettres d'amnistie, que notre « parlement nous fit connaître combien ce dou-« loureux ministère répugnait à son cœur, et « combien il désirait d'arriver au moment, où il « pourrait, en se livrant à son penchant naturel, « solliciter lui-même une amnistie générale ; et « le 23 juillet, il a pris un arrêté par lequel, après « l'exécution de quelques condamnations inévi-« tablement nécessaires au maintien de l'ordre, « il nous supplie d'accorder des lettres de pardon « général, et délibère de surseoir à toute exécu-« tion, et même à toute instruction ultérieure, » jusqu'à ce que nous ayon3 pu lui faire connaî-« tre notre volonté. »
M. le comte de Mirabeau conciliera difficilement cet honorable témoignage que Sa Majesté a rendu aux dispositions pacifiques de son parlement d'Aix, « dès le commencement de l'instruction », avec le projet qu'il ose imputer à ces vertueux magistrats, d'avoir voulu entrer dans Marseille par la brèche.
Les lettres d'amnistie furent enregistrées au parlement d'Aix, le 11 du mois d'août 1789 ; mais ia clémence du souverain, si noblement sollicitée par les ministres des lois, n'ayant pu étouffer tous les germes de la sédition que les ennemis du bien public ne cessaient de répandre à Marseille, il fallut recourir aux poursuites juridiques, pour protéger plus efficacement la tranquillité des citoyens. Les communes de Provence s'adressèrent, le 22 du mois d'août, à M, le comte de Caraman, pour obtenir, par son intervention, l'activité du prévôt général de la maréchaussée. Les maires et échevins écrivirent, le 23 du mois d'août, à M. le garde des sceaux et à M. le comte de Saint-Priest, pour demander, disent-ils dans
Jeûrs lettres, du norh, de tous les citoyens^ non-seulement l'exercice de la juridiction prévôtale à Marseille, mais encore une plus grande attribution de pouvoirs pour ce tribunal, pendant la durée des troubles.
Sa Majesté se rendit au vœu des communes de Provence et de la municipalité de Marseille. La commission royale fut expédiée, et le sieur de Bournissac, prévôt général de la maréchaussée, magistrat dont l'intégrité égale les lumières* et dès longtemps généralement estimé ou plutôt vénéré en Provence* vînt établir son tribunal avec tout le courage du patriotisme, au milieu de cette ville où les séditieux se montraient encore plus redoutables à leurs juges qu'à leurs concitoyens.
Le siège prévôtal fut institué par le Roi dans le fort Saint-JeaU, où le sieur de Bournissac tient encore, aujourd'hui ses séances.
Ici, Messieurs, il importe que nous nous formions d'abord des idées justes et précises sur la juridiction prévôtale, que l'on confond si souvent avec l'autorité judiciaire des grands prévôts de l'armée.
La France jouit de cette institution depuis plusieurs siècles. Mais ce fut surtout sous ie règne de Henri que la maréchaussée, soumise d'abord au commandement du connétable, et encore unie aujourd'hui au tribunal suprême des chefs de la milioe française, reçut ulie organisation légale, et forma une nouvelle branche du pouvoir judi^ ciaire. La nécessité de réprimer les géns de guerre, qui .abandonnaient leurs drapeaux, au moment de la paix, pour se livrer aux plus effrayants brigandages* détermina nos rois à leur donner des jugés armés, qui, par l'activité de leurs recherches et la promptitude de leurs jugements en première et dernière instancé, purgèrent le royaume de tous ces perturbateurs de la tranauillitè publique. Louis XIV, jaloux de conserver à ses peuples cette police militaire, consacra le titre second de son ordonnance criminelle de 1670* à régler la compétence, les limites et les formes de la juridiction prévôtale. Cette loi fameuse, à laquelle la Franeejdoit le repos et l'ordre public, dont ellejouit depuis plus d'un siècle, avait besoin sans doute d'être modifiée sous plusieurs rapports, et l'Assemblée nationale a profité sagement du progrès des lumières, pour opérer cette réforme universellement désirée. Mais, quelque jugement que l'où porte de l'ordonnance de 1670, le titre II, qui est relatif à la juridiction prévôtale,sera toujours cité comme l'un des chefs-d'œuvre de la légis-s lation moderne. M. le chancelier d'Aguesseau, par la déclaration de 1731, relative aux maréchaussées, a encore perfectionné l'organisation et les services de ce corps militaire. Là France est partagée en trente-trois prévôtés de maréchaussée, qui se subdivisent en cent quatorze lieutenances ou sièges de justice prévôtale; les grands prévôts ont à leurs ordres trente-trois compagnies, divisées en brigades, à sept ou huit lieues de distance les unes des autres; et la totalité dè la maréchaussée s'élève à cinq mille hommes d'une probité et d'une valeur éprouvées. C'est à cette légion peu nombreuse, et qui ne coûte à l'Etat qu'environ quatre millions chaque année, qu'est confiée la police du royaume. Une activité continuelle et dégagée de tout intérêt personnel dans la recherche des coupables comme dans leur jugement, rend sans cesse présents sur les grandes routes, et dans toutes les paroisses, ces juges militaires, qui réunissent la force dj£ armes à l'autorité des lois ; et c'est l'exercice combiné de ce double pouvoir* qui fait de la France l'Etat le
mieux policié de l'Europe. On ne pourrait pas attendre de la maréchaussée, la même élévation de sentiments et le même zèle,si les guerriers qui la composent, n'étaient que les agents ou les recors des tribunaux. Chaque siège est composé d'un prévôt ou d'un lieutenant, d'un assesseur, d'un procureur du Roi et d'un greffier.
Dès que la maréchaussée a arrêté en flagrant délit, ou sur la clameur publique» un citoyen prévenu d'un crime capital, elle lui fait subir un interrogatoire ; mais, après ce premier acte de la procédure qui confronte la conscience du cou--pable avec la loi, elle est obligée de s'adresser au présidiai du ressort, conformément à l'article 15 du titre 2 de l'ordonnance de 1670, pour faire juger la question de compétence* Ce jugement préalable, équivaut, en quelque sorte, aux deux degrés de juridiction que chaque Français peut réclamer en matière criminelle* Ce n'est qu'après avoir fait déclarer ie cas prévôtal par les juges royaux, qui peuvent encore le dépouiller de sa juridiction ordinaire par la simple prévention, que le prévôt de la maréchaussée jouit de l'attribution en dernier ressort.
Lorsqtie Sa compétence est déterminée par le iuge rbyaL son siège est soumis, comme tous les autres tribunaux, aux formes générales de la precédure et spécialement à l'ordonnance criminelle de 1670.11 ne peut prononcer aucun jugement sans l'intervention de, sept juges, parmi lesquels deux seulement appartiennent au corps de la maréchaussée^ Les cinq autres sont, choisis parmi les gradués ou les juges royaux. Le rapporteur du procès dont l'opinion a tant d'influence sur le jugement de l'accusé, n'est jamais tiré du corps de la maréchaussée; et le prévôt qui le nomme n'a pas le droit de confier ce ministère à l'un de ses officiers. Cette explication rapide démontre à l'Assemblée nationale que les sièges prévôtaUx, si souvent utiles pour prévenir les crimes par la promptitude des châtiments* ne présentent d'ailleurs rien d'effrayant aux citoyens, ni , pâr les formes, ni par les lois, ni par les juges qui distinguent cette juridiction* Voilà, Messieurs, ; par quelles précautions légales la maréchaussée est devenue parmi nous une institution digne d'être imitée par tous les peuples de l'Europe, qui l'envient à la France. C'est un établissement vraiment admirable, une puissance d'opinion, qui, en changeant simplement le nom des juges ordinai-rès, inspire l'effroi le plus incalculable, investit l'imagination des méchants de la prévoyance habituelle de leur supplice, et maintient le bon ordre en ajoutant à l'ascendant de la force publique toutes les salutaires impressions des terreurs particulières. Les tribunaux prévôtaux, utiles dans tout le temps au royaume, lui deviennent d'autant plus précieux aujourd'hui, qu'ils sont les seuls dont l'activité n'ait point été interrompue. .
Mais c'est surtout dans les émeutes populaires, que la juridiction prévôtale doit être invoquée par le patriotisme. Aussi avons-nous vu les officiers municipaux de Marseille demander au gou4 vernement, au nom de tous les citoyens, que le sieur de Bournissac, prévôt générai de Provence, leur fût envoyé pour réprimer les insurrections dont cette cité célèbre venait d'être le théâtres A peine le sieur de Bournissac se fût-il rendu dans cette ville, que l'esprit de faction s'y manifesta de rechef, huit jours après ^enregistrement des'lettres d'amnistie ; Uhë nouvelle Sédition éclata le 19 du mois d'août, et les troubles qui agitèrent Marseille pendant deux jours, occasionnèrent le
meurtre du nommé Garcin sur la place de la Towettè.
Le sieur de Bournissac, qui s'était transporté à Marseille, pour y rétablir le bon ordre, ayant reçu des plaintes juridiques du procureur du Boi, contre les auteurs de cette émeute* déploya son caractère public, forma son tribunal, jntruisit le procès des accusés, et rendit différents décrets, qui les mirent en fuite, ou les constituèrent prisonniers.
La vigilance et la fermeté de ce magistrat ramenèrent promptement le calme dans la ville de Marseille ; il n'y resta bientôt plus de traces des insurrections populaires* que les procédures commencées au tribunal du grand prévôt* pour les punir. Le sieur de Bournissac, qui n'a encore prononcé aucun jugement définitif, poursuivait alors paisiblement ses instructions avec la vigueur la plus propre à intimider les factieux; mais, avant de parler de ses procédures, il importe, Messieurs, de vous faire connaître d'abord les principes et le caractère de ce même juge que l'on a osé vous démontrer comme un homme de sang. Votrè comité des rapports va mettre sous vos yeux une pièce originale* qui suffira sans doute pour confondre cette calomnie.
Vous n'aviez encore rien statué, Messieurs, sur la réforme de l'ordonnance criminelle ; mais les provinces, instruites à l'avance de vos intentions, attendaient de vous ce bienfait national. Lorsque vous eûtes rendu ce décret provisoire du 8 octobre dernier, l'exécution devait en être suspendue jusqu'à ce qu'il fût enregistré dans les différents cours du royaume. Le parlement d'Aix était alors en vacances, et le sieur de Bournissac se trouvait à cette époque, dans toute l'activité des procédures dont il avait commencé l'instruction.
Daignez écouter avec attention, Messieurs, l'acte que je vais avoir l'honneur de vous lire. Cette pièce a pour titre, Délibération du conseil muni-nicipal de la ville de Marseille + présidé par M. d'André, commissaire du Roi :
Du
Après la lecture de la proposition de M. Le Jourdan, qui a été appuyée par deux membres du conseil, M. le commissaire du Roi ayant mis la matière en délibération, il a été délibéré unanimement de députer vers M. le grand prévôt, pour le prier de suspendre jusqu'à la promulgation, en cette ville,du décret de l'Assemblée nationale, sur les procédures criminelles, la poursuite de la procédure extraordinaire qu'il a prise et qu'il prend à Marseille, et de prier M. le commissaire du Boi, ici présent, de se joindre à la sollicitation du conseil, et que les membres qui seront députés séance tenante, auront la bonté de faire leur rapport, conseil tenant ; M. le commissaire a déclaré qu'il appuiera de tout son pouvoir, la réclamation déterminée par le conseiL De suite* le conseil a chargé ses députés de porter une copie de la délibération qu'il vient de prendre, à M. le grand prévôt, pour rapporter au conseil la réponse qu'ils obtiendront :
« Messieurs les députés, de retour, ont dit que M. de Bournissac, grand prévôt, les avait accueillis favorablement* et qu'après avoir pris lecture de la délibération du conseil, il leur avait témoigné combien il était sensible aux sentiments d'humanité et de bienfaisance qui animent le conseil, et leur a déclaré qu'il déférait volontiers à sa demande. Le conseil a prié MM. les députés
de présenter à M. de Bournissac des remerciements.
« Signé Ailhaud, « Notaire, secrétaire de la communauté. »
Ainsi, Messieurs, ce grand prévôt, qui vous a été déféré par M. de Mirabeau* comme un juge sanguinaire, vous.est présenté par le conseil municipal de Marseille, comme le plus modéré et le plus doux des magistrats. Ce même officier, que nous verrons bientôt accusé, auprès de l'Assemblée nationale, d'avoir contrevenu à ses décrets, se hâtait de les exécuter avant qu'ils lui fussent notifiés légalement
C'est le conseil municipal de Marseille qui lui à rendu ce glorieux témoignage» le 16 novembre dernier ; et c'est encore le même conseil qui a délibéré et déclaré, le 11 décembre suivant, ne vouloir prendre aucune part aux dénonciations de M. de Mirabeau contre le grand prévôt. Or, Messieurs, dans un moment de fermentation et de mécontentement général, où vous avez reçu de tant de corps municipaux, des plaintes innombrables contre les divers agents de tous les pouvoirs, votre comité a pensé que la délibération, le certificat et la déclaration de la municipalité de Marseille, étaient d'un très grand-poids, et qu'une exception si .glorieuse au prévôt général de Provence méritait d'être remarquée par l'Assemblée nationale.
Tandis que le sieur de Bournissac remplissait à Marseille* avec tant de modération et de succès, la mission qui lui avait été confiée, il vous était dénoncé» Messieurs* comme ayant contrévenu à ce même décret, dont il avait exécuté d'avance les dispositions. Votre décret ne fut. enregistré, en effet, au parlement d'Aix, que le 4 novembre, à la sénéchaussée de Marseille, le 10* du même mois, et le 18, au siège prévotaL Le prévôt général fit même plus que vous n*aviez prescrit, puisqu'il suspendit, en faveur des.accusés, non seulement les jugements définitifs, mais encore la poursuite de nnstruction, que vous n'aviez pas défendue. Trois procédures complètes ne furent pas jugées et jae le sont pas même encore.
Le sieur de Bournissac se vit donc accusé en même temps, et à Marseille, dans plusieurs écrits répandus avec la plus grande profusion, et auprès de l'Assemblée nationale, par une dénonciation formelle. M. le comte de Mirabeau nous déféra ce juge comme coupable de plusieurs violations de notre décret sur la procédure criminelle. Votre comité ne vous rappellera pas, dans ce moment, les différents griefs qui furent imputés à ce magistrat. Le .développement du rapport amènera la discussion la plus détaillée des diverses inculpations sur lesquelles vous devez prononcer aujourd'hui. M. i'abbé de Villeneuve, député de Marseille, appuya la dénonciation de M. le comte de Mirabeau ; et il vous dit que les sieurs Rébéquy, Pascal et Granet, décrétés par le prévôt, avaient toujours été Choisis pour remplir, dans la ville de Marseille, des emplois importants. Il a paru prouvé à votre comité, que l'assertion dé l'honorable membre n'était point exacte. Avant les troubles de Marseille, ces trois citoyens n'avaient jamais été appelés par la municipalité à des emplois d'aucUd genre, si l'on en excepte la qualité de commissaires du peuple, qui leur fut donnée au moment de 1 insurrection, dans une assemblée illégale.
Sur l'exposé de ces deux députés de Marseille, vous rendîtes, le 8. de ce mois de novembre, un décret qui accueillit leur plainte, et renvoya le
prévôt général de Provence au Chàtelet, commeÊrévenu du crime de lêse-nation, pour avoir déso-éi à votre nouvelle loi, relativement aux procédures criminelles.
Ici, Messieurs, vous allez entendre le sieur de Bournissac lui-même discuter dans une adresse qu'il eut l'honneur de vous présenter, les différentes accusations intentées contre lui par M. le comte de Mirabeau. L'adresse est conçue en ces termes :
c Messeigneurs,
« Mon devoir et ma délicatesse m'avaient obligé le 15 de novembre, de réclamer votre justice contre les auteurs des imputations également fausses et atroces, que les journalistes et autres folliculaires de toute espèce avaient hasardées contre moi et mon tribunal, sous le nom de M. le comte de Mirabeau. Plein de confiance en la sagesse et l'intégrité qui caractérisent les représentants de la nation, je ne me suis permis aucun doute sur la justice de vos opinions à cet égard ; et je n'ai pas hésité d'espérer qu'une réparation aussi éclatante que le scandale, en rassurant les vrais citoyens, vengerait tout à la fois et l'autorité qu'on a affecté de méconnaître et la justice qu'on a voulu avilir, et l'auguste Assemblée dont on a osé compromettre les membres. Encouragé par une si juste confiance, et par l'approbation unanime de tous les citoyens amis de l'ordre, et subordonnant mes opérations aux règles nouvelles qu'il a plu à l'ordre de prescrire, j'ai continué l'exercice de mon ministère, sans m'arrêter à la multiplicité des sarcasmes et des pamphlets dont certains accusés et leurs adhérents n'ont cessé d'inonder cette ville.
« Je n'ai pas cru que ces tentatives, quoiqu'in-fiaiment multipliées, dussent mériter mon attention, dès qu'elles étaient annoncées comme l'ouvrage direct des accusés et de leurs fauteurs ; et je ne les ai envisagées que comme la ressource ordinaire des coupables, toujours ennemis déclarés du tribunal quelconque qui poursuit leurs délits. Mais je croirais aujourd'hui manquer à l'auguste Assémblèe de la nation, à la justice, au bon ordre et à moi-même, si je gardais le silence sur le nouvel outrage qu'on a osé me faire aux yeux de toute la France, sous le nom de M. de Mirabeau, dans plusieurs journeaux récents, et notamment dans le Courrier français du 26 novembre, numéro 144, de l'imprimerie de Gueffier, où l'on s'est permis de rapporter dans les termes suivants la prétendue motion de cet honorable membre de votre Assemblée, du 24 du même mois.
« M. le comte de Mirabeau a parlé de nouveau sur les procédures prévôtales qui ont lieu à Marseille, et dont il avait déià entretenu l'Assemblée le 4 de ce mois. Il a dit que le prévôt n'avait tenu aucun compte des décrets de l'Assemblée nationale -, qu'il assurait, dans une lettre adressée à MM. les députés de Provence, être dans l'impossibilité de rendre sa procédure publique, vu que les témoins ont déposé sur la foi du serment, et qu'ils ne consentiront jamais à la publicité de leurs dépositions, que ce même prévôt depuis l'époque du décret, a fait enfermer les prisonniers dans une prison d'Etat ; et qu'il rendait sa prétendue justice dans un fort, ayant à ses ordres six mille nommes de troupes réglées. M. de Mirabeau demandait, pour l'Assemblée, la communication d'un mémoire de ce terrible juge, lequel doit se trouver au comité des rap-
ports, et que le pouvoir exécutif fût requis de subroger un autre prévôt, à qui l'on donnerait pour assesseurs les membres de la sénéchaussée de Marseille. Mais l'Assemblée s'est déterminée à renvoyer cette affaire au comité des rapports, qui probablement ne tardera pas à solliciter sa juste sévérité contre un magistrat accusé d'être le vengeur d'un intendant que dénonce la commune entière, et l'instrument des haines parlementaires contre les bons citoyens.» — Ce sont les expressions de M. le comte de Mirabeau.
« Si quelque chose peut surpasser la juste indignation que de pareilles imputations ont dû m'inspirer, c'est celle, sans doute, dont M. de Mirabeau n'aura pas manqué d'être pénétré lorsqu'il aura vu, par cet imprimé séditieux, la diatribe absurde et calomnieuse qu'on a eu l'audace de lui attribuer personnellement.
« Des accusations démenties par leur invraisemblance ; des plaintes que ni le conseil muni-pal de Marseille, ni aucun citoyen ami de l'ordre, ne sauront en aucun temps avouer ; des suppositions détruites par vos propres connaissances ; des allégations anéanties par le bons sens ; des raisonnements dont la fausseté est démontrée par des vérités locales, que la notoriété publique s'empressera toujours de confirmer ; enfin un dessein évident et formel de tromper votre auguste Assemblée, et de faire tomber sur les bon s citoyens la punition qui n'est due qu'aux perturbateurs du repos public: tout cela ne saurait être l'ouvrage d'un de vos honorables membres ; tout cela ne peut être que le résultat des intrigues secrètes des méchants, qui, toujours ennemis de la loi, n'affectent en ce moment de la réclamer que pour pouvoir la violer plus impunément.
« On suppose d'abord que je n'ai tenu aucun compte des décrets de l'Assemblée nationale. Mais une imputation aussi téméraire, et aussi fausse est plus qu'anéantie par la marche notoire de mes opérations. J'ai si peu oublié la soumission que je dois à vos décrets que, bien avant de les avoir reçus, j'en ai anticipé l'exécution à la première occasion qui s'est présentée.
« Le décret concernant la justice criminelle, a été enregistré au parlement d'Aix, le 4 novembre et le 10, à la sénéchaussée de Marseille. Il n'est parvenu ministériellement que le 17 à mon tribunal, où il a été enregistré le 18. Cependant, dès le 13 octobre, j'avais adhéré au vœu du conseil municipal, qui désira la suspension des procès extraordinaires, déjà ordonnée, jusqu'après la publication de la nouvelle loi. J'eus même l'honneur de vous faire savoir que j'avais porté mon adhésion au delà du vœu au conseil, puisque j'avais suspendu, en même temps, le jugement définitif de deux procédures dont la confrontation était terminée.
« Depuis cette époque, il n'a été fait à mon tribunal aucune opération qui n'ait été conforme à la nouvelle règle. Plusieurs décrets qu'il a fallu rendre sur des informations antérieures, n'ont été déterminés que d'après le concours de trois opinions. Il ne s'y est plus fait de nouvelles informations sans l'assistance de deux notables ; et j'ai déjà employé une multitude considérable de séances publiques à la lecture des procédures, faite à plusieurs accusés, à la nomination des conseils qu'ils ont choisis ou que je leur ai nommés d'office suivant leur gré. Tous ces faits constatés par la notoriété publique, et par les registres de mon tribunal, sont certainement suffisants pour anéantir la première accusation que le
libelliste a eu l'audace de mettre dans la bouche de M. de Mirabeau.
« D'après une calomnie aussi caractérisée, je ne puis qu'être assuré de la mauvaise intention qui en dirige les auteurs, et je ne serais pas surpris qu'ils osassent me faire un nouveau crime de la suspension que j'ai cru devoir mettre à quelques réquisitions que l'état de la procédure rendait prématurée.
« C'est précisément à l'époque où j'attendais, avec une entière soumission, ce qu'il plairait à votre sagesse de statuer sur mes observations du 9 novembre ; c'est au moment où, par une suite de la cabale formée contre moi, il n'était plus resté qu'un seul écrivain à mon greffe ; c'est dans une circonstance où plusieurs des accusés impliqués dans la grande procédure, n'avaient ni fourni leurs réponses, ni même comparus, que plusieurs décrétés et leurs adhérants se sont fait un jeu d'augmenter mon embarras en surchargeant mon tribunal d'une foule de requêtes insidieuses, par lesquelles, affectant de réclamer tous à la fois, et presque dans le même moment, la connaissance ainsi que les copies de la procédure entière, et toutes les autres facilités que la justice de vos décrets leur accorde, ils ont cru voir un sûr moyen de m'incri-miner sur une suspension qui, bien loin d'être l'effet de ma volonté, n'était qu'une suite forcée des circonstances. Ils se plaindront peut-être de ce que j'ai refusé de faire droit à leurs réquisitions mais ils en imposeront à la vérité. Je ne leur ai rien refusé ; j'ai renvoyé seulement en l'état, des demandes qui étaient prématurées, et que je me ferai un devoir d'acueillir au premier instant où l'état et i a marche de la procédure que vos décrets ont réglée, l'exigeront.
« Le journaliste ajoute, toujours en se déclarant l'écho ae M. de Mirabeau, que dans une lettre adressée à MM. les députés de Provence., j'avais assuré d'être dans Vimpossibilité de rendre ma procédure publique, vu que les témoins ont déposé sous la foi du serment, et qu'ils ne consentiront jamais à la publicité de leurs dépositions.
« Uu fait très certain, c'est que je n'ai jamais eu l'honneur d'écrire à MM. les députés de Provence, M. de Mirabeau ne peut l'ignorer, puisqu'il j est membre de la députation ; il n'est aonc pas possible que cette allégation soit de lui.
« La vérité est que je n'ai rien écrit à personne à ce sujet, si ce n'est ce qui est consigné dans ma lettre du 9 novembre. J'ai cru qu'il était de mon devoir de présenter à votre auguste Assemblée mes observations et mes doutes sur des objets d'autant plus importants qu'ils tiennent à la tranquillité et à la sûreté publiques. Il vous est facile, Messeigneurs, de remettre cette lettre du 9 novembre sous vos yeux. C'est l'amour du bien, c'est mon respect et ma déférence pour vos décrets, qui me l'ont dictée, et un coup d'œil sur son contenu et sur les assurances qu'elle vous offre d'une pleine soumission à vos lois suffira pour faire juger les intentions de l'écrivain quelconque, qui, en passant sous silence les diverses observations que sa malice n'a pu tronquer, s'est attaché à travestir à son gré la seule qui pût être empoisonnée par son style et par sa manière de les présenter.
« S'il en faut croire encore le libelliste, depuis l'époque du décret de VAssemblée naitonale, j'ai fait enfermer les prisonniers dans une prison d'Etat.
« Votre décret a été rendu le 8 et le 9 du mois
d'octobre, sanctionnné le 10, enregistré à Paris le 14; à Aix le 4 novembre; à la sénéchaussée de Marseille, le 10; parvenu ministérieliement à mon tribunal, le 17. il y a été enregistré le 18. Or, il constate, en effet, et il résulte de toutes les preuves possibles, que c'est les 11 et 12 octobre, que d'environ 70 prisonniers détenus alors, trois d'entre eux seulement ont été transférés au Château d'If. Cette observation suffit d'abord pour anéantir la première fausseté par laquelle on annonce leur transport à une époque postérieure au décret.
c II ne manquait plus à l'injustice des hommes mal intentionnés que de me faire un crime d'un transport qui a été de ma part un acte d'humanité et de déférence aux volontés du commandant du fort Saint-Jean, et au désir même des trois prisonniers. Ce fut avec l'agrément de M. le comte de Caraman ; ce fut d'après les plaintes de la garnison, qui, n'étant pas assez nombreuse pour fournir un excédant de sentinelles, se trouvait vexée par la multiplicité des postes ; pe fut d'après la demande réitérée du commandant, à qui les visites multipliées que recevaient ces trois prisonniers, donnaient de justes inquiétudes sur la sûreté du fort, menacé par des placards journaliers j ce fut d'après les sollicitations fréquentes qui m'étaient adressées de la part des trois prisonniers, dont les chambres étroites et mal disposées eussent été inhabitables à l'entrée de l'hiver, que je me déterminai,à leur très grande satisfaction, à les faire transférer au château d'If, où, en attendant que la marche de la procédure l'exige autrement, ils jouissent, aux yeux du public^ de toutes les facilités et de toute l'aisance qui peuvent se concilier avec leur détention.
« Je rends, ajoute-t-on, ma prétendue justice dans un fort, ayant à mes ordres 6,000 hommes de troupes réglées.
« Comment s'est-on permis d'attribuer à M. de Mirabeau des expressions qui calomnient à la fois sa droiture et la connaissance intime qu'il a du contraire ? Comment ose-t-on se persuader qu'un membre de votre auguste Assemblée ait pris sur lui de qualifier de prétendue, une justice que je n'ai point usurpée, et que j'exerce par le droit de ma place, avec le consentement de la nation, par l'ordre du souverain, et à la satisfaction de tous les citoyens, sans en excepter un seul parmi ceux qui ne sont pas intéressés à anéantir toute justice ?
« Comment a-t-on pu essayer de persuader gue M. de Mirabeau ait affirmé sérieusement que j'avais à mes ordres 6,000 hommes de troupes réglées, dans un fort où il sait que la garnison consiste en 2 compagnies ' d'invalides, c'est-à-dire environ 200 hommes en tout, lesquels sont aux ordres du M. le commandant et non pas aux miens?
« Le comité des rapports, poursuit l'auteur du pamphlet, d'après ce qu'il ose appeler les expressions de M. le comte de Mirabeau, « ne tardera pas à solliciter la juste sévérité de l'Assemblée contre un magistrat accusé d'être le vengeur d'un intendant qui dénonce la commune entière et l'instrument des haines parlementaires contre les bons citoyens. Cet honorable membre a, dit-on, demandé aussi, pour l'Assemblée, la communication d'un mémoire de ce terrible juge, lequel doit se trouver àu comité des rapports.
« Si toute justice quelconque, inspire la terreur au coupable qui se voit accusé, ou qui
craint de l'être, ce n'est certainement ni la faute de mon tribunal, ni la mienne, les personnes sensées et irréprochables ne m appelleront jamais rçn juge terrible, lorsqu'elles observent que, malgré les délits très graves qui me sont dénoncés, il n'est encore .émané de mon tribunal aucun jugement digne de cette qualification, qui ne peut être regardée que comme un sarcasme offensant, tendant â favoriser la ligué des séditieux contré |es lois et ceux qui ép sont les dépositaires.
« Je n'ai eu l'honneur d'adresser aucun mémoire an comité dés rapports, et je n'ai rien à me reprocher qui piiissè attirér sur moi f la juste sévérité de votre aqgustë Assemblée. » L'accusation d'être le vengeur de ilf. Vintendant, avec lequel je n'ai apcune sorte de relation, et l'instrument des haines parlementaires, que je n'ai jamais connues, ni voulp Connaître, est toute nouvelle pour moi ; et il me reste & savoir $ur quel fondement éf d'après quelles preuve? on aura pu hasàrdpr une inculpation apssi grossière que mal fondée. Mes intention? et nies démarches sont pures. J'en atteste M. le comte dé Caraman, avec lequel je n'ai jamais cessé de me Cpnèerter, et qui a toujours donné des marques d'approbation à mes démarches. J'en atteste M. lé commissaire du Roi , qui m'a toujours trouvé disposé à concilier, d'après son vœu, lps convenances réclamées par rhumapité, avëc les règles exigées pour la procédure. J'en atteste les administrateurs municipaux et le conseil de l'hôtel-dé-yiHe lui-même, qui, nonobstant certains membres notoirement suspects, que la cabale y a placés, n'a certainement jamais pu faire aucun rapport aux honoralés députés de cette villè qui fût capable, je ne dis pas d'autoriser, majs de faire même imaginer une motion dé cette nature. J'en atteste enfin tous ies citoyens qui pi'ont vu opérer, et qpi, depuis la publicité légalement connue des procédures; assistent journellement à mes audiences, A tous ces témoignages, je joins, avec une extrême satisfaction, celui de ma propre conscience, il est ,certainement bien propre à me rassurer contre lès tentatives des méchants, surtout lorsqu'il est fortifié par la Confiance que j'ai en vos lumière?, en votre intégrité, et par l'espérance d'une réparation authentiqué que vous daignerez accorder à la justice et aux lois qu'on cherche à décrier et à avilir par cette multiplicité de pamphlets successivement répandus avec autant de témérité que dé scandale.
« le suis, ayec le pius profond respect, etc.
« Signé : Bournissac.
« A Marseille, ce
C'est dans cet état* Messieurs, que l'affaire s'est présentée à votre comité des rapports, et c'est ici que la discussion du fond commence. Votre comité a pensé d'acord, non pas comme lé prétend M. de Mirabeau, qu'il ne devait prendre aucun intérêt aué acéusês; car ils sont hommes, ils sont nos concitoyens, ils paraissent même estimables sous plusieurs rapports; et tant qu'ils ne seront pas condamnés, la loi ne nous "permet pas de les sqppser coupables. Mais, en désirant que lepr innocence soit légalement constatée, nous avons ' estimé que 1 Assemblée nationale n'étant pas juge du fond '4e leur cause, elle ne devait point en approfondir l'examep. Nous sommes partis de ce principe et nous avons mis à l'écart dans notre discussion, tout cé que pouvait charger ou défendre les accusés.
Notre unique objet a donc été d'examiner si le prévôt général de Provence était contrevenu aux décrets dë l'Assemblée nationale,* C'est à cette seule question que votre comité a, erp devpir se réduire. Hous ne souïèverpns qu'a regret le voile qm couvre le fond de la proeéquré, poijr discuter quelques moyens de défense qui npns ont été présentes pàr M. Ië comté dé Mirabeau ; et il aura sans doute la justice de ne s'en prendre qu'à lui-même si nous sommes forcés, pour réfuter des raisonneménts, de voiis rappeler quelques dépositions dont il a oublié les çfôfes et défiguré le vrai sens.
Puisqu'il plaît ainsi à M. de Mirabeau de contester les bornes dans lesquelles votre comité a crudeyoir restreindre la juridiction de l'Assemblée nationale, il importe d'examiner d'abord ce ppint capital de la discussion qui nous occupe.
M. de Mirabeau > consacré la plus grande partie de son plaidoyer à la justification des accusés. Ce mouvement de zèle est très estimable, très désintéressé sans doute; mais il est manifestement étrapger à la cause sur laquelle vous devez prononcer. Si cet honorable membre vous eût dit, en vous dénonçant le prévôt général de Provence, que ce juge avait décrété des citoyens innocents, vous n'auriez point écouté ses réclamations, ou du moins vous ne vous seriez certainement pas réservé le droit de lés juger. Votre sagesse se serait bornée a prendre des mesures convenables popr régler pqp nouvelle attribution, qui, en matière criniipènë» suppose toujours dans le juge les prévarications les plus graves. Mais M. de Miraneau ne vous a dénoncé d'abord que la violation de votre décret, parce qu'il savait que cette inculpation était l'unique moyen de faire accueillir sa plainte. Cf'est donc de cette seule violation de ses décrets que l'Assemblée nationale doit s occuper. M. de Mirabeau l'a si bien compris lui-même qu'après avpir très longuement votre attention sur l'apologie individuelle des accusés, il a prévu qu'on lui objecterait de n'avoir pas enepre aborqé la question, tant qu'il n'accuserait pas directement le sfeur de Bournissac en développant ses contraventions à vos décrets. Je rends hommage à la sagacité de M. de Mirabeau qui devine si parfaitement les objections insolubles auxquelles ils s'expose ; mais j'observe qu'il ne suffit pas en bonpe logique, pour réfuter un argument, de dire qu'on l'avait prévu. M. de Bournissac esj trajluij; au Châtelet, comme criminel dè lésé-nation. Or il n'a pu se rendre coupable ^e cette grande forfaiture, que par sa désobéissance à vos décrets; car une simple erreur dans l'exercice de son ministère, jie saurait jamais être un délit, et encore moins un crime de lèse-nation. L'Assemblée nationale ne peut donc examiner ici que ce seul point de fait : le prévôt général de Provence s'est-îl conformjè ou a-t-il désobéi à nos décrets ?
M. de Mirahèau prétend que notre autoritié n'a ppint de bornés, et lorsque je lui oppose que nous ne sommes pas néanmoins les juges du fond, il répond que c'est là mon opinion, mais que ce n'est pas la sienne. Ce n'est point là son opinion ? Sa nouvelle doctrine, à cet égard, est donc bien récente dans son esprit : car il a formellement reconnu ce principe dans la cause des magistrats de Rennes; il en a fait l'aveu formel dans sa motion qp'ij a rendue publique-, il y a même réfuté l'assertion contraire en s'élevant contre M. Baraaye, qui voulait déduire» de la réunion de tous les pouvoirs qui appartiennent au corps constituant, le droit de les exercer tous; et M. de Mirabeau n'a pas, sans doute, le privilège de
changer ainsi de principes toutes les fois qu'il change de cause.
Mais si son propre témoignage ne suffisait pas dans ce moment, pour le convaincre que le droit de décréter les lois est essentiellement compatible ayép la faculté de les appliquer (1), je lui opposerais une autorité beaucoup plus imposante ; et cette autorité, Messieurs, c'est la vôtre. Vous avez décrété dans votre Constitution, acceptée par le Roi, que le Corps législatif ne pourrait jamais exercer le pouvoir judiciaire. ConamentM. de Mirabeau a-t-ilpuoublier un principe constitutionnel, discuté et adopté dans cette session; un principe qu'il défendit,lui-même à Versailles, au moment où cette question y fut agitée? Quand j'établis donc comme une régie sacrée de notre droit public, que les représentants de la nation n'ont pas le pouvoir dé juger ïes causés particulières des citoyens ; quand j'avance, au nom de votre comité des rapports, que la discussion du fond de l'affaire de Marseillle vous est étrangère (proposition que M. de Mirabeau traduit, ou plutôt travestit, en m'imputapt d'avoir dit que vous ne deviez prendre aucun intérêt aux accusés), il ne s'agit plus entre lui et moi d'une opinion individuelle et arbitraire, mais d'une loi fondamentale du royaume, dont tous les Français ùe doivëot parler qu'avec respect et soumission.
Pénétré de l'évidence de ces principes, votre comité des rapports, Messieurs, a cherché, dans la dénonciation ae M. de Mirabeau, dans les plaintes des accusés, et dans yos propres décrets comparés à la procédure, les griefs intentés contre le prévôt général de Provence. C'est manifestement dans ces pièces qu'il a dû trouver les accusations, et c'est aussi vers cet unique but qu'il va diriger votre examen.
Avant d'entendre les accusateurs, daignez, Messieurs, écouter un moment l'accusé lui-même. Votre décret sur la procédure criminelle ne lui était pas encore parvenu, lorsqu'il vous présenta, le 9 novembre dernier, l'adresse dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture. Il épanchait ainsi, avec une noble confiance, dans le sein de l'Assemblée nationale, ses principes et ses inquiétudes ; il vous consultait, d'avance, sur les conséquences d'une loi qui ne lui avait pas ëncore été légalement transmise. Votre comité des rapports, touché de sa droiture, de sa soumission et de son çèle, a pensé qu'un magistrat, qui annonçait de pareilles dispositions aux représentants de la franco, ne devait guère s'attendre à leur être ensuite dénoncé comme le violateur de leurs décrets.
« Messeigneurs, au moment où je reçus l'attribution exclusive de juger ïes causes relatives aux émotions populaires, aux attroupements séditieux, aux délits enfin qui compromettaient si fort la sûreté et la tranquillité publiques, je ne me dissimulai pas les peines et les dangers attachés aux fonctions que j'avais à remplir dans ces circonstances malheureuses, où les lois sont sans vigueur.
« L'espoir seul d'opérer le retour à l'ordre dans la province et dans une ville si
importante, sou-
« Ils venaient de ljii donner, dans le même jour, }e double spectacle d'une scène atroce et sanglante à la Tourrette, et de l'incendie ainsi que du pillage delà maison de M. Laflèche, éche-vin chéri et respecté dé ses concitoyens. L'entrée des troupes réglées put seule disperser, le lendemain, les attroupements séditieux formés dans plusieurs quartiers, pour consommer les projets de destruction et de carnage qu'ils avaient concertés.
« 11 n'était pas aisé dans une ville immense, agitée par tapt de factions et d'intérêts opposés, de fixer son opinion sur les moteurs de tant, d'excès. La loi d'être passif et impartial, que m'imposait le ministère que j'allais remplir, m'interdisait également de croire aux dénonciations des uns et des autres.
« Dans cet état, je ne pouvais espérer de rétablir la sûreté et la tranquillité publiques, sans voir rétablir en même temps dans leurs fonctions toutes les autorités légitimes, depuis longtemps usurpées, méconnues, nulles et outragées, soit par des menaces, soit par (les voies de fait, soit daus des écrits séditieux, soit dans des assemblées illicites et prohibées, soit enfin par des actes multipliés de la lipeuce la plus effrenée.
« Au milieu de ce desordre inconcevable, mon premier soin fut de rechercher ces autorités, pour les faire respecter. Je ne pus méconnaître celle de M. le comte de Caraman, celle de MM. les maire, échevins et assesseurs, celle du conseil municipal; les unes et les autres constituées d'après les règlements homologués par arrêts du conseil pt du parlement. Je reconnus, pomme une aptprité légitime, la troupe citoyenne, nommée et organisée par le conseil municipal, brevetée par le commandant en chef et sanctionnée parle Roi- Je regardai enfin comaje des autorités légitimes, les tribunaux de justice et tous leurs subordonnés inclusivement qui remplissaient leurs fonctions d'après les provisions de leurs charges, et sous le serment qu ils en avaient prêté aux juges compétents.
« Après avoir assigné cette base à nies opération^, j'ai qualifié de délits tous les attentats commis contré ces autorités, où contre les lois qu'elles sont respectivement chargées de faire exécuter. Voilà, Messieurs, les principes d'après Lesquels j'ai cru devoir me conduire dans l'instruction des procédures que j'ai commencées. Tout ce que j'ai lait est lié a ces premières règles de ma conduite, et il n'est aucune accusation, ni aucun cfér cret qui n'aient été provoqués par leur violation.
« L activité et la fermeté avec lesquelles j'ai attaqué les coupables, ont réduit au sijiepce et à l'inaction leurs complices, en même temps qu'elles ont relevé le courage de tops les citoyens honnêtes. Ils me donnaient, chaque jour, des témoignages die leur satisfaction ; ils se félipitaient de yôir bientôt les opérations du commerce reprendre leur cours paf le rétablissement de l'ordre et d# ia tranquillité, j'eusse pu leur en donner l'assurance, ayant toujours été parfaitement secondé par M. le comte de Caraman, si toutes pies mesures n'avaient été déconcertées par l'introduction dansle conseil municipal de plusieurs personnes connues pour avoir été les auteurs des troubles qui ont désolé cette ville.
« L'intrusion qu'ils n'ont obtenue que par des intrigues, des trames et des billets qui contenaient leurs noms, et qu'ils ont fait répandre dans les assemblées des districts, pour s'en faire nommer députés au conseil, a jeté la consternation parmi les citoyens véritablement intéressés à la chose publique. Plusieurs d'entre eux n'ont cessé et ne cessent de conspirer contre le rétablissement de l'ordre, par des écrits tendant à révolter les citoyens contre les autorités légitimes. Leurs complices font tous leurs efforts pour troubler la tranquillité publique, par des assemblées illicites nombreuses et clandestines dans plusieurs quartiers, où il n'est question de rien moins que de s'emparer du fort de Notre-Dame de la Garde, d'attaquer le fort Saint-Jean, de délivrer les prisonniers, de massacrer les troupes; par des affiches scandaleuses, et plus criminelles peut-être qué celles qui invitèrent aux attroupements et au carnage à la Tourrette, le 19 août. Aussi les troupes ont-elles été nuit et jour en détachements, en patrouilles et sur pied, pendant sept à huit jours, pour déconcerter ces projets.
« J'ai acquis les preuves légales de presque tous ces faits, par des dépositions qui les ont pour la plupart constatés. Mais une entreprise bien scandaleuse de ces ennemis de l'ordre a été l'audace avec laquelle ils ont convoqué, par billets, des assemblées des districts, le lendemain de celle qui avait été tenue par ordre de M. le commandant en chef et du commissaire du Roi, pour y nommer trois députés. Les nominations étant faites, et l'objet de la convocation étant rempli, les assemblées étaient dissoutes de plein droit; ils osèrent néanmoins, sans autorisation, se permettre d'en convoquer de nouvelles. Elles se tinrent en effet, et ce fut pour y renouveler des motions bien propres à replonger la ville dans de nouveaux désordres.
« Les preuves de ces faits sont consignées dans mes procédures; j'en aurais certainement poursuivi les auteurs, si l'opinion de M. d'André, et la crainte de contrarier ses opérations ne m'eussent arrêté.
Il est aisé de prévoir que les députés, admis au conseil par l'effet de leurs intrigues, feront tous leurs efforts pour surprendre, pour intimider, pour faire prévaloir leurs opinions, et pour replonger cette ville dans les malheurs dont elle se flattait devoir le terme. Les citoyens, amis de l'ordre, en sont alarmés avec raison; et ils voient comme un nouvel orage qui les menace, l'influence que Ces factieux ont déjà acquise dans le conseil municipal.
« Un d'entre eux, M. Le Jourdan, père d'un avocat grièvement accusé d'avoir fomenté les troubles par des écrits, par des propos et des conseils, et décrété de mon autorité, a requis le conseil renforcé du 31 octobre, de voter une députation, pour me demander en son nom de suspendre les poursuites des procès extraordinaires, qui venaient d'être ordonnées par des jugements prévô-taux, en attendant que je pusse y procéder conformément au nouveau Code criminel, lors de l'envoi qui m'en serait fait, ne le connaissant encore que par les papiers publics. J'ai déféré sans peine au vœu du conseil, et j'ai prié MM. les députés de l'assurer que je n'en aurai jamais d'autre que le leur. Je crois devoir vous faire parvenir l'extrait de cette délibération.
« Je suis plein de la confiance la plus entière et du respect le plus absolu pour une Assemblée de Sages, que les peuples ont constituée dans les transports de leur amour, pour travailler à leur bonheur commun ; mais j'aurais à me reprocher
jusqu'à ma soumission à ses décrets, si je ne lui rendais pas le compte exact de l'état dans lequel j'ai trouvé cette ville ; des principes d'après lesquels j'ai opéré, en exécution de la déclaration du Roi du 23 mai, des lettres patentes du 15 août, et de l'arrêt du conseil du 22 septembre dernier; de l'influence qu'ont eue mes opérations sur le retour à l'ordre et à la tranquillité, les seuls objets de ma mission et de ma sollicitude.
« J'ai entendu en témoignage des citoyens de tout état, au nombre de près de quatre cents, contre divers accusés; et sur les réclamations qui furent faites à M. d'André que je n'avais entendu que ceux qui déposaient à charge, il m'envoya une liste de témoins, que les réclamants lui avaient donnée pour être entendus à décharge. Ils l'ont été presque tous; mais, toujours fidèles à mes principes, je n'ai cessé de regarder comme délit tout ce qui attentait à l'autorité légitime.
« Deux de mes procédures sont prêtes à recevoir un jugement définitif. J'en ai cinq dont la poursuite à l'extraordinaire est ordonnée; et mon travail serait actuellement terminé si ma déférence au vœu du conseil n'avait arrêté l'activité de mes démarches. Enfin une information dans laquelle près de trois cents témoins ont été déjà entendus, se continue; et elle doit infiniment ajouter aux découvertes qu'elle m'a procurées sur les principaux auteurs des troubles.
« Dans cet état des choses, j'attends, d'après le vœu du conseil, auquel j'ai déféré, que la nouvelle loi que vous avez décrétée me soit adressée, pour donner suite aux procès réglés à l'extraordinaire. Mais cette loi, qui doit suppléer l'instruction criminelle dans ses formes dès longtemps reconnues vicieuses; cette loi, qui a été accueillie avec transport et avec reconnaissance, qui honore votre humanité autant que votre zèle et l'étendue de vos lumières; cette loi, dis-je, nécessité de ma part, quelques observations locales, relatives aux procédures que j'instruis dans cette ville. Je dois à l'importance des fonctions que j'ai à y remplir, pour rétablir Fordre et la tranquillité, de vous les présenter et de vous les déférer, en vous témoignant en même temps le regret que j'ai de réclamer momentanément contre une loi que j'ai reçue, avec la France entière, comme un bienfait.
« C'est dans le sein d'une ville importante, troublée depuis si longtemps par des délits contagieux, que se fait l'instruction de mes procédures ; et cette ville est encore malheureusement agitée par l'esprit de parti qui a excité .les troubles dont elle continue d'être affligée.
« La sûreté des. procédures et des délinquants a obligé de faire l'instruction dans un fort; et cependant ce lieu n'a pas même été à l'abri des insurrections de la multitude, qui redoute l'œil aCtif et perçant de la justice.
« Dans cet état des choses, quel est le lieu qui sera choisi pour procéder publiquement ? Donnera-t-on la libre entrée d'un fort important à une populace vivement exaltée et si difficile à contenir? Exposera-t-on, dans le sein de la ville, les accusés et les procédures, dbnt l'enlèvement est depuis longtemps l'objet des personnes mal intentionnées? Les juges même de ces causes, déjà en butte à l'esprit de parti, pourront-ils, avec sûreté, remplir les fonctions qui leur sont confiées? Quelle est la force qui pourra commander à l'opinion? Et l'opinion même, prenant de nouvelles forces par le rapprochement du peuple, n'ajou-tera-t-elle pas infiniment à son énergie? Dans les accès, enfin, d'une exaltation répréhensible, y aura-
t-il des moyens assez puissants à lui opposer? et ne doit-on pas craindre, dans tous les cas, d'avoir de nouveaux délits à punir, ou de nouveaux malheurs à écarter?
« L'homme qui, dans un délit privé, vient témoigner contre un autre, ne redoute que la haine de celui contre lequel il dépose; mais, dans une cause publique, dans un fait d'émeute, n'a-t-il pas à appréhender tous ceux qui la favorisaient? Est-il tôt ou tard de salut pour luiLet ne doit-il pas enfin succomber sous les coups d'un parti nombreux, dont il aura déconcerté les démarches, ou découvert les manœuvres?
« Cette considération doit cesser peut-être, lorsque la loi sera entièrement promulguée, parce que le témoin, prévenu de la publicité de sa déposition, aura eu la faculté de délibérer le danger auquel sa véracité l'expose, et le degré de faveur et d'intérêt qu'il doit à sa conversation ; mais il n'en est pas de même dans ces circonstances, où les témoins n'ont déposé que sous la foi du secret qui leur avait été promis par la loi : or, s'ils n'ont déposé que sous la foi du secret, leur attente peut-elle être trompée ? Et n'y aurait-il aucun inconvénient à donner ainsi à une nouvelle loi un effet rétroactif?
« Déjà l'on impute à plusieurs comme un crime la détention de ceux que la justice a cru devoir séquestrer de la société ; que sera-ce lorsque les dépositions seront publiquement connues ? et n'a-t-on pas même à craindre que l'esprit de parti et de prévention n'éclate dans le sanctuaire des lois, et a la face de se3 ministres ?
« Voilà, Messeigneurs, les observations que j'ai cru devoir vous présenter. Instruits de leur objet, vous daignerez en apprécier la sagesse. J'attends avec empressement, et dans la plus respectueuse soumission, la détermination que je sollicite de votre justice, et que vou&jugerez convenable aux vrais intérêts des habitants de Marseille. Vos oracles peuvent seuls ajouter à mon zèle : vous en présenter l'hommage est un vrai dédommagement des peines et des soins inséparables des fonctions que je remplis dans cette ville bien digne d'exciter votre sollicitude, fonctions que le temps et les circonstances rendent si difficiles.
« Je suis avec le plus profond respect, Messeigneurs, votre très humble, etc.
c Signé : Bournissac, « prévôt général de la maréchaussée de Provence. « Marseille, au fort Saint-Jean, ce 9 novembre 1879. »
On a de la peine à comprendre que M. le comte de Mirabeau ait cru pouvoir trouver dans cette lettre, des titres d'accusation contre M. de Bournissac. « Le rapporteur, a-t-il dit, a présenté cette pièce comme une justification ; je la regarde, moi, comme un monument de délire et d'absurdité. » Après l'énumération des autorités légitimes que le prévôt général de Provence a voulu faire respecter, M. de Mirabeau s'écrie : « Ainsi raisonnent les tyrans ; ainsi parlent ces hommes barbares, ces inquisiteurs féroces, qui, regardant un dieu de paix comme une autorité susceptible de hainè et toutes les opinions contraires à ces autorités comme des attentats, punissent les pensées, etc. » C'est assez réfuter sans doute, je ne dirai pas de tels raisonnements, mais de pareilles déclamations, que de les rapporter dans cette Assemblée. M. de Mirabeau ajoute que nous avons détruit toutes les autorités que le sieur de Bournissac voulait faire respecter ; de sorte que, selon lui.
vous avez anéanti, Messieurs, l'autorité des commandants de. province, des maires, échevins et assesseurs, des conseils municipaux, des troupes citoyennes et des tribunaux de justice. Cette conséquence n'est pas de moi, elle appartient tout entière à M. de Mirabeau, qui l'a déduite au moins implicitement dans ses observations sur cette lettre, « qu'il regarde comme un monument de délire et d'absurdité ». Quand on argumente de cette manière, il n'est pas prudent de rappeler ces deux dernières expressions à un lecteur attentif* qui n'entend pas ce qu'on veut lui dire quand on lui parle de M. de Bournissac comme « d'un tyran, d'un homme barbare, d'un inquisiteur féroce, qui regarde un dieu de paix comme une autorité susceptible de haine ».
Les citoyens décrétés de Marseille ont reproché à M. le prévôt général de Provence des griefs infiniment plus précis. Ils l'ont accusé, auprès de l'Assemblée nationale, de siéger à Marseille dans un fort ; de n'avoir pas voulu rendre publique l'instruction de sa procédure, et surtout de leur avoir refusé la communication de toutes les pièces qui la composent. Ce fut sur ces dénonciations graves que l'Assemblée nationale jugea, un peu trop promptement sans doute, le sieur de Bournissac prévenu de forfaiture, et le renvoya au Châtelet. Votre comité a donc discuté d'abord ces accusations capitales, avant d'examiner les nouvelles inculpations dont on a chargé ce magistrat.
Le prévôt général de Provence,ne résidant point ordinairement à Marseille, n'a point de siège ordinaire dans cette ville. Il a établi son tribunal dans le fort Saint-Jean, où la commission de Sa Majesté l'a fixé. Ce local, très indifférent par lui-même, devenait pour les juges une sûreté que la prudence ne permettrait pas de négliger dans un moment d'émeute et de révolte. Votre comité n'a donc vu dans ce domicile de la prévôté que l'exécution littérale des ordres infiniment sages du Boi ; et il ne pense pas que les accusés puissent jamais s'en faire un titre contre le sieur de Bournissac.
La clandestinité de la procédure serait, je l'avoue, une violation directe de votre décret. Mais vous allez juger, Messieurs, si cette accusation est fondée. C'est encore le sieur de Bournissac qui va se charger de son apologie, dans une adresse qu'il a eu l'honneur de vous présenter le 19 décembre dès qu'on l'a instruit de la calomnie dont il était l'objet.
« Messeigneurs,
« Les machinations de la cabale contre mon tribunal ne se déconcertent pas, malgré l'attention scrupuleuse que je ne cesse de montrer pour accomplir en tout point le vœu de l'Assemblée nationale. Une infinité de pièges sont tendus de toutes narts, et sous toutes les formes, pour intercepter la marche de mes procédures, et pour la calomnier. J'ose affirmer, avec tous les citoyens
peut en contenir : cela est déjà attesté par MM. les députés du conseil municipal, dont j'ai eu l'honneur de vous faire passer le témoignage ; et rien ne serait plus facile que de le faire certifier par une foule de citoyens qui ont assisté à mes diverses séances, Cependant, comme celle du 15 du courant, destinée à la première comparution du sieur Chompré, s'étant trouvée trop nombreuse, avait été souvent interrompue par des indécences
et des rumeurs de plusieurs des assistants, qui, au mépris de la défense portée expressément dans les décrets de l'Assemblée nationale, élevèrent de temps en temps la voix en m'appelant par mon nom, et se portèrent même à l'excès de casser quelques vitres, M. le commandant du fort trouva mauvais que ce lieu fût exposé à une pareille licence; et, pour en prévenir le retour, il ordonna expressément aux sentinelles des diver.-es avenues, de ne laisser entrer qu'autant de personnes, sans choix, que le local de l'audience pourrait en contenir, et leur prescrivit de ne plus admettre personne dans le fort, après qu'ils auraient été assurés que le local serait rempli. C'e3t ce qui a été exécuté hier matin, à la séance tenue pour le premier interrogatoire du sieur Ghompré. Cette séance s'est passée fort décemment, en présence d'environ quarante personnes, qui remplissaient la salle destinée à mes audiences. Mais une foule de gens que la qualité spécieuse d'amis du peuple ont attaché au sieur Ghompré, et qui avaient déjà fait publier la menace d'arracher par toutes voies le prisonnier des mains de la justice, affectèrent, pour tendre un nouveau piège, de s'attrouper en grand nombre à la porte du fort, et sur le refus que fit la sentinelle de les laisser entrer, par le motif ci-dessus énoncé, firent tout de suite verbaliser un notaire, averti d'avance à l'effet de faire constater ce refus dont ils devaient faire un nouveau moyen d'accusation contre moi. 11 est cependant certain et constaté qu'outre que ce refus n'est ni ne peut être l'effet de ma volonté, mais bien de la prudence de M. le commandant, il ne saurait m'être opposé comme une contravention aux décrets de l'Assemblée nationale, concernant la publicité, puisque dans le même temps où cet attroupement aux portes du fort cherchait à m'incriminer, j'étais environné, dans mon auditoire, d'un nombre de citoyens suffisant pour remplir ma salle, ainsi que cela doit être attesté par la réponse de la sentinelle, qui a dû être insérée au procès-verbal.
» Il est nécessaire de convenir, Messeigneurs, qu'un tribunal, quel qu'il soit, ainsi molesté et harcelé de toutes les manières, par les partisans des accusés, ne peut, malgré le zèle et la bonne intention de ses membres, coopérer à la tranquillité publique, et remplir les vœux des citoyens honnêtes, s'il n'est soutenu par une protection solide, qui le mette à l'abri des indécences et des calomnies que j'éprouve tous les jours, et qui le dispense de la nécessité de se compromettre à chaque séance, tant envers les auditeurs, qu'envers les accusés, qui, depuis les dernièn s annonces dont certains papiers publiés les ont flattés, osent souvent m'adresser la parole avec très peu de ménagement.
« C'est moins pour ma personne et pour celles de mes coopérateurs, que j'attends de vous cette protection, que pour l'honneur de la justice, le respect dû aux lois, et l'ordre public, qui se trouve compromis par de pareils excès, et qui ne tarderait pas d'être totalement anéanti, si de tels désordres étaient tolérés plus longtemps.
« Je suis, etc.
« Signé : BouftNiSSAC.
« Marseille, au fort SainhJean, le
A l'appui de cette lettre, M. de Bournissac a joint le certificat en bonne forme, du commandant du fort Saint-Jean de Marseille. Voici cette
pièce, qui ne laisse aucun doute sur la fidélité de ses assertions.
« Nous, commandant du fort de Saint-Jean de Marseille, attestons avoir ordonné aux troupes de notre garnison de ne laisser entrer, des personnes de tous états qui se présentent à la barrière pour assister aux audiences publiques qu'y tient M. le prévôt général, que le nombre qu'en peut contenir la salle des dites audiences, et de refuser l'entrée de notre fort à toutes les autres, lorsque la salle d'instruction sera remplie; déclarant qu'un plus grand nombre compromettrait tellement notre garnison d'environ deux cents hommes, les prisonniers dont on les a chargés, et la sûreté de notre fort, que nous ne pourrions en répandre; qu'il en entre même plus que la prudence ne l'exigerait; et que la salle a constamment été si pleine, qu'on s'y trouvait mal, malgré l'ouverture des portes et"des fenêtres; ajoutant que nous avons rendu compte de ces arrangements et de ces précautions à M. le comte de Caraman, qui les a jugés aussi nécessaires que nous, et les a consé-quemment approuvés. En foi de quoi, nous avons signé le présent, au fort Saint-Jean, à Marseille, ce 19 décembre, mil sept cent quatre-vingt-neuf.
« Signé : GaLvet. »
M. de Mirabeau croit réfuter ce certificat en lui opposant, dit-il, des déclarations beaucoup plus légales. Des déclarations plus légales? Certes il paraît difficile d'en produire, à moins qu'on ne prenne contre cet acte la voie de l'inscription de faux. Mais ce n'est point là, Messieurs, la marche de l'adversaire que je combats. Il s'est flatté d'anéantir le certificat d'un commandant, aussi généralement estimé par ses vertus patriotiques que par son mérite militaire, en produisant le témoignage de Me Seytres, avocat du sieur Chom-pré, décrété. Oublions combien sa qualité d'avocat de la partie le rend suspect, et écoutons, Messieurs, la déposition du sieur Chompré. Me Seytres déclare qu'il a toujours éprouvé les plus grandes difficultés pour être admis dans le fort; que la chambre où siège le Prévôt, contient à peine cent cinquante personnes, en y comprenant douze ou quinze soldats et un ou deux cavaliers de la maréchaussée. Or, un pareil nombre de spectateurs suffit assurément à la publicité de la procédure; mais puisque M. de Mirabeau ose présenter la déclaration de M* Seytres, avocat d'un décrété, comme plus légale que l'attestation de MM. de Calvet et de Bournissac, votre comité des rapports se bornera dans ce moment à vous faire observer que par sentence de la sénéchaussée de Marseille, du 14 août 1787, le sieur Seytres fut interdit de ses fonctions d'avocat, pendant vingt ans, comme atteint et convaincu d'être un calomniateur-, qu'il fut condamné à déclarer par un acte signé de lui, que follement et méchamment, il avait calomnié et diffamé Me Châtaud, avocat; qu'il s'en repentait et lui en demandait pardon; qu'il fut condamné en 3 livres d'amende envers le Roi, aux dommages et intérêts, etc.. Voilà, Messieurs, quel est l'homme dont la déclaration paraît plus légale à M. de Mirabeau, que le certificat de M. de Calvet, com-mandaut du fort Saint-Jean. La sentence dont on vous présente le dispositif, est déposée à votre comité des rapports.
Ce certificat Irès-authentique de M. de Calvet dissipe tous les nuages que l'on a voulu répandre sur la publicité des procédures de Marseille. Votre comité des rapports, toujours attentif à chercher ainsi la preuve légale à côté de tous les faits
dénoncés, a voulu examiner s'il était vrai, comme on l'a prétendu dans les accusations intentées contre ie sieur de Bournissac, que les notables de la ville de Marseille, élus par le conseil municipal pour assister aux procédures, eussent été tellement scandalisés de sa contravention habituelle à vos décrets, qu'ils se fussent retirés de son tribunal, et qu'ils ne voulussent plus assister aux in formations. Cette question de fait a été facilement résolue par l'attestation en bonne forme, dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture:
« Mous, citoyens de Marseille, élus par délibération du conseil municipal de cette ville, en qualité de notables adjoints, pour assister aux informations criminelles, en exécution du décret de l'Assemblée nationale, des 8 et 9 octobre dernier, déclarons qu'ayant été appelés au tribunal de M. le prévôt général de la maréchaussée de Provence, pour assister aux plaintes et informations des procédures prises audit tribunal, immédiatement après la connaissance légale du susdit décret, nous avons toujours vu avec satisfaction que ce magistrat n'a rien négligé dans l'observation du susdit décret, et qu'il s'y est conformé en tout point avec la plus grande ponctualité. Aussi nous sommes-nous constamment empressés de nous rendre à ce tribunal, toutes les fois que nous y avons été appelés pour concourir aux opérations qui exigent notre assistance. En foi de quoi, nous avons signé 1e présent, à Marseille, le 21 décembre 1789.
« Signé : J. A. Colomb, J. C. Ricard, Plé-ville-le-Pallus, Crudère, Bourguignon l'aîné, et bégerry, notables adjoints. *
Vous voyez, Messieurs, que chaque reproche articulé contre le prévôt général de Provence devient un nouveau triomphe pour ce magistrat. C'est le grand caractère de l'innocence calomniée. Quant à l'accusation beaucoup plus grave du refus de communiquer les pièces de la procédure, c'est toujours le sieur de Bournissac que voire comité dés rapports a voulu entendre pour apprécier cette inculpation : voici l'apologie que ce jugea présentée à l'Assemblée nationale, le 2b du mois de décembre dernier, en écrivant directement à M. le Président.
« Monseigneur,
« Tant qu'il m'a été possible d'attribuer aux seuls ennemis de la justice et de la tranquillité publique l'accusation peu réfléchie dont on a tâché de me noircir aux veux de la France entière, j'aurais cru compromettre l'autorité de mon tribunal, en répondant à une foule de pamphlets calomnieux dont le public est inondé. Je me suis borné à vous dénoncer des écrits que la sagesse des décrets de l'Assemblée nationale a proscrits d'avance, lorsqu'elle a annoncé qu'un de leurs principaux résultats était dhonorer davantage le ministère des juges dans C opinion publique.
« Ce ministère, que tant de personnes ont intérêt d'avilir en quelques mains qu'il soit déposé, eût été dégradé par ma faute, si je n'avais courageusement méprisé une pareille attaque, et dédaigné d'entrer en lice avec des accusateurs qui ne sont que trop forcés de me rendre justice dans l'intérieur de leur conscience. Mais ayant appris depuis, par quelques journaux, que, dans une séance de l'auguste Assemblée nationale, il avait été délibéré de rendre un décret contre mon tribunal, d'après la même accusation, soutenue par l'opinion d'un honorable membre de l'Assemblée
je crois devoir manifester le piège d'une délation à la laveur de laquelle ce représentant n'a surpris, sans le vouloir, votre religion, que parce qu'il a été trompé lui-même.
« On m'a accu.-é d'avoir refusé d'obéir aux décrets de l'Assemblée, et d'avoir débouté les sieurs Rébecquy, Pascal, Granet et autres, de la demande par eux "faite de la copie des procédures. Cette accusation n'a ni bonne foi ni vérité; et je croyais l'avoir suffisamment prévenue dans la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à l'Assemblée, le 6 du courant, laquelle annonce les motifs, non d'un refus, mais bien d'une suspension à laquelle je me suis vu fon é autant par la lettre que par l'esprit des décrets de l'Assemblée.
« Par l'article XII de celui dont il s'agit, il est prescrit que l accusé prêtera ses réponses après avoir entendu la lecture des pièces de la procédure; d'où il résulte que la sagesse «le lA-semblée, en se bornant à un si court intervalle, n'a pas cru devoir lui laisser plus de temps pour combiner l'arrangement de ses réponses.
« L'article XIV ordonnequ'après l'interrogatoire, la copie île la procédure sera délivrée à l'accusé, sur papier libre, s il le requiert. Rien n'eût été plus simple que l'exécution de ces articles dans des procédures où il n'aurait été question que d'un accusé, ou même de plusieurs qui eussent tous satisfait au décret et prêté leurs réponses. Aussi est-il constant par les registres de mon tribunal, et par la notoriété publique, que je me suis fait une loi de déférer aveuglément ù de pareilles réquisitions, qui m'ont été faites, à peu près à la même époque, par d'autres accusés, dans des procédures isolées, qui n'étaient pas susceptibles des considérations auxquelles la lettre et l'esprit des décrets de l'Assemblée m'ont forcé d'avoir égard: cela est constaté par l'alte-tation ci-jointe.
« J'avais à rousidérer que tandis que l'Assemblée ordonnait que la copie des procédures fût remise à l'accusé interrogé, l'Assemblée entendait par là même que cette procédure ne fût fias manifestée à celui qui aurait différé ou refusé de répondre, et que si l'Assemblée n'avait prétendu accorder que vingt-quatre heures, pour réfléchir sur ses réponses, à l'accusé qui venait d'obéir à la justice, en subissant même de plein gré son interrogatoire, 1 intention de l'Assemblée n'avait pu être d'accorder un temps illimité à celui qui n'obéit pas, pour diriger le plan de ses réponses d'après la communication de la procédure, n'étant pas naturel de croire que l'Assemblée ait entendu traiter les réfractaires avec plus de faveur que ceux qui obtempèrent à la loi.
« J'avais à considérer que dans la procédure où les sieurs Rébecquy, Pascal, Granet et autres sont accusés, il y a un grand nombre d'autres complices décrétés, les uns de prise de corps, les autres d'ajournement personnel, les autres d'assigné pour être ouïs, qui, refusant de comparaître et de satisfaire aux décrets de mon tribunal, n'en ont pas moins une liaison intime et une correspondance établie avec leurs complices dé enus ; et qu'au moyen de cette liaison, assez constatée par la communication qu'ils se font, aux yeux de toute la France, de toutes leurs réquisitions particulières et de mes décrets, livrer ainsi prématurément la copie de la procédure à un seul d'en-tr'eux, ce serait îa livrer à tous à la fois, manquer essentiellement à la disposition textuelle des décrets de l'Assemblée, et rompre les mesures que sa sagesse a tracées pour assurer la marche de la justice.
« D après le concert très-notoire qui règne enlre
tous les complices de cette procédure, il ne dépendrait que d'un décrété de simple assigné pour être ouï, de venir prêter quelques réponses peu propres à éclaircir les faits graves qui en forment les principales charges, pour avoir le moyen de se faire délivrer une copie entière de la procédure, et pour la transmettre a tous les autres accusés, cachés ou fugitifs, dont il serait l'agent, contre le vœu exprès de l'auguste Assemblée.
« Détermine par ces considérations, qui ne m'ont été suggérées que par ma soumission profonde aux décrets de l'Assemblée et par le désir de les exécuter en tout point, j'aurais regardé comme une désobéissance formelle aux lois de l'Assemblée, l'adhésion pure et simple, dans ces circonstances, à la demande prématurée que les sieurs Rébecquy, Granet et autres m'ont faite de cette copie. Mou décret, au bas de leur requête, n'a point été un refus, mais seulement un avis que leur demande était faite trop tôt, et ne pouvait avoir son effet que lorsque l état de la procédure me permettrait d'y souscrire, sans offenser la sagesse des décrets de l'Assemblée.
« C'est d'après cette détermination, que me servant des termes adoptés en style judiciaire dans cette province, j'ai mis au bas de leur requête : il sera poursuivi en l'état, ainsi qu'il appartient.
« Il est convenu chez tous les praticiens que ce mot en Vétat exclut l'idée de déboutement, et qu'il est consacré pour exprimer une simple suspension autorisée par les circonstances où la demande est formée.
« Tels sont, Monseigneur, les motifs qui m'ont déterminé à, suspendre la remise demandée par les susnommés, de la copie des procédures dont il s'agit. Ce n'est qu'après la plus mûre réflexion que j'ai regardé ce parti comme l'unique, qui pût, en conformant la marche de mes opérations aux décrets de l'Assemblée nationale, vous prouver ma scrupuleuse attention à les exécuter ; et ce n'a pas été une légère satisfaction pour moi, lors-qu'ayant fait part de ma détermination à un grand nombre de magistrats et de jurisconsultes, et notamment à tous MM. les lieutenants-criminels des principales villes de la Provence, ils ont tous unanimement décidé que, dans l'état des choses, les décrets que j'avais rendus étaient les seuls qu'il me fût permis d'inscrire au bas de ces requêtes.
« J'ai de plus l'honneur de vous assurer que M. le commissaire du Roi, en plein conseil municipal, s'est rendu publiquement garant de la droiture de mes intentions a cet égard, et il a déclaré aux citoyens que mes décrets étaient conformes à l'opinion unanime de tous lescriminalistes de plusieurs villes, dont il avait demandé l'avis à ce sujet, et notamment les juges d'Aix, de Marseille et de Toulon.
v « C'est donc sans bonne foi et sans vérité qu'on a osé m'accuser d'avoir désobéi aux décrets de l'Assemblée. J'ai eu l'honneur de vous assurer que mon devoir le plus cher serait de m'y conformer, elrla profession de foi que je renouvelle à cet égard ne variera jamais.
« L'affectation avec laquelle on fait dire aux accusés que cette suspension, qu'ils appellent mal à propos un déboutement, a été nuisible à leurs droits, est anssi contraire à la bonne foi et à la Vérité, que l'audace avec laquelle on les présente à l'auguste Assemblée de la nation, comme gémissant au fond des cachots, soulevant vers elle des mains chargées de chaînes. La vérité est que depuis leur détention, impérieusement déterminée par des charges très graves, ils n'ont jamais vu
ni cachots ni chaînes; qu'ils n'ont été transférés au château d'If que d'après leurs réquisitions plusieurs fois réitérées, et qu'ils y jouissent de la plus grande aisance et de toutes les facilités qui peuvent se concilier avec une détention ; j'en appelle au témoignage de M. le comte de Cara-man. 11 est encore très certain que la suspension dont il s'agit ne leur a porté aucune sorte de préjudice, puisque rien ne s'opère et ne peut s'opérer contre eux dans cette procédure, jusqu'à ce qu'elle soit parvenue à l'état où elle doit être relativement à leurs coaccusés.
« Mal à propos, affirme-t-on que j'ai refusé d'en entendre quelques-uns qui ont demandé jour et heure pour être interrogés. Vous connaîtrez bientôt le faible de cette objection, lorsque j'aurai l'honneur de vous informer que cette demande ne m'a été faite qu'en me prescrivant de transférer au palais le siège de ma justice, et d'abandonner le tribunal où Sa Majesté a cru devoir me placer pour éviter de graves inconvénients, dont on continuait de me menacer même à l'époque où cette translation était requise.
« Mal à propos encore, affectant d'oublier toutes les formes judiciaires, veut-on faire envisager cette suspension en Vétat, comme un moyen d'anéantir la loi et de parvenir à juger les détenus sans leur donner connaissance de la procédure, dans le cas où un seul contumax aurait négligé de prêter ses réponses.
« Une telle objection n'est pas même spécieuse, puisque les détenus ne peuvent être jugés avant que la contumace de leurs coaccusés ait été instruite, et qu'après cette instruction terminée, rien ne s'opposera plus à la communication ordonnée .par les décrets de l'Assemblée nationale.
« Mais, dit-on, pourquoi n'ai-je pas au moins fait délivrer à ces accusés la copie de leurs propres interrogatoires ? La raison en est bien simple : c'est qu'ils ne l'ont pas demandée ; c'est que l'objet de leur réquisition a été la copie de la procédure entière, que l'esprit des décrets de l'Assemblée nationale me prohibait en l'état de leur accorder, et qu'il ne m'était pas permis de morceler ainsi sans une demande expresse de leur part.
« Je borne ici, Monseigneur, une justification que l'on a rendue nécessaire, et j'espère avec confiance que, pénétrée de la droiture de mes intentions et de la légitimité de mes motifs, l'Assemblée nationale daignera, par la sagesse de ses décrets, mettre fin à ce renversement total de l'ordre, au moyen duquel on présente aux citoyens séduits toute autorité comme un abus, toute loi comme une oppression tyrannique, toute justice comme une inquisition, tout juge comme un accusé, tout accusé comme un accusateur, et j'ose dire comme juge de son propre juge, enfin tout apôtre de la désobéissance, comme un ange tutélaire de la patrie:
a Telles sont, Monseigneur, les maximes qu'on s'efforce d'ériger en droit public, et d'après lesquelles les agents des troubles enhardis par l'espoir de l'impunité, se font un mérite de tourner en dérision tous les tribunaux de, justice, et de perpétuer une licence qui épouvante tous les bons citoyens. »
« Je suis avec un profond respect, « Monseigneur,
« Votre très-humble, etc.
« Signé : bournissac.
« Marseille, au fort Saint-Jean, le
Il résulte évidemment, des explications développées dans cette lettre, que le prévôt général de Provence n'a point contrevenu à votre décret sur la communication des procédures criminelles. Une réponse suspensive n'est pas un refus définitif, et il faut être bien dépourvu de moyens d'accusation contre un juge, pour être réduit à lui opposer ainsi une simple formule du style judiciaire, dont on dénature le sens.
Toutes les provinces du royaume ont un style de jurisprudence qui leur est propre ; mais malgré cette différence de formules, on distingue partout deux espèces de déboutement, l'un est définitif et suppose une demande inadmissible ; l'autre est purement suspensif, et les juges l'emploient lorsque la demande est prématurée. Ce dernier déboutement est désigné par la clause, en l'état, dans les tribunaux ae la Provence. Lorcnie les juges de cette province prononcent un déboutement définitif, voici leur formule consacrée par l'usage : il sera poursuivi ainsi qu'il appartient. Lorsque le déboutement, au contraire, n'est que suspensif, les magistrats réservent les droits de la partie, en prononçant qu'il sera poursuivi en l'état, ainsi qu'il appartient. Cette clause en l'état signifie que l'état actuel de la procédure ou de la cause ne permet pas de faire, dans l'instant, droit à. la demande, mais qu'un nouvel état de la procédure plus complète pourra la rendre admissible dans un autre temps. Le juge ne rejette donc pas alors la requête : il déclare seulement que son ministère l'oblige de différer sa réponse légale, en conservant toutefois les droits de l'accusé. Or, Messieurs, c'est cette dernière formule que le prévôt général de Provence a employée, quand on lui a demandé la communication entière de lafprocédure. Le mot poursuivi ne se rapporte qu'à a requête présente, et on l'applique injustement à tout le corps des procédures prévôtales.
Remarquez, Messieurs, que c'est cette seule expression, poursuivi, que l'on relève, tandis qu'on détourne l'attention de ces mots décisifs, en l'état, lesquels caractérisent, expliquent et justifient pleinement le décret du prévôt; de sorte, Messieurs, que ce n'est plus une contravention à vos lois que l'on vous dénonce, mais simplement la formule usitée en Provence} pour en énoncer la future exécution. Le témoignage des jurisconsultes de cette province donne à la justification du sieur de Bournissac un tel caractère d'évidence, qu'il ne vous est plus possible de vous méprendre sur le véritable sens de cette phrase de palais. Plusieurs membres de votre comité des rapports, et spécialement M. l'abbé de Baumont, conseiller au parlement de Paris, connu par la sagesse éclairée de ses principes, autant que par son amour courageux pour la justice, nous avaient expliqué la vraie signification de cette clause du style judiciaire, avant que le prévôt général de Provence nous eût fourni l'apologîe que vous venez d'entendre.
Votre comité, Messieurs, a été obligé de discuter une autre chicane dé plaideur, que l'on a invoquée ici contre le sieur de Bournissac. On a prétendu que ce magistrat, auquel on ne pouvait opposer aucune contravention a vos décrets, avait violé dans sa procédure les formes prescrites par l'ordonnance criminelle de 1670. Si l'Assemblée nationale était le conseil des parties, lés moyens de cassation pourraient y être accueillis ; et il n'est pas douteux qu'on ne parvînt à y faire déclarer nul un jugement infecté de quelques vices de forme. Mais on ne se pourvoit point en cassation devant vous. Ce n'est pas un avocat aux conseils,
qui vient vous dénoncer ici un arrêt frappé de nullité par l'illégalité des procédures, te sont des accusés qui, durant le cours de l'instruction, vous défèrent leur juge, pour avoir transgressé un décret du Corps législatif. Votre comité n'a cessé de ramener la question à ce seul point de droit et de fait; et dès lors, tous les moyens de cassation lui ont paru étrangers à la cause, qui, sous ce rapport, aurait dû être portée par voie de requête au conseil du Roi, et non pas à l'Assemblée nationale. Cependant, Messieurs, pour ne négliger aucune des infractions légales qui vous sont dénoncées, nous avons examiné avec attention le seul grief de ce genre que nous ayons aperçu dans les lettres des accusés. Ils disent que le prévôt général de Provence était obligé, aux termes de l'ordonnance de 1670, de prendre pour assesseurs des jurisconsultes qui eussent dix années de postulation dans un tribunal, et que leurs juges prévô-taux n'y ont pas même postulé pendant cinq années. Mais cette formalité de la postulation n'est relative qu'à l'inscription sur le tableau des avocats. L'ordonnance de 1670 n'en parle point, quand elle fixe les qualités requises pour être l'assesseur d'un juge. L'article 24 du titre second s'exprime en ces termes : Aucune sentence prévôtale, préparatoire, interlocutrice ou définitive, ne pourra être rendue qu'au nombre de sept au moins, officiers ou gradués, en cas qu'il ne se trouve au siège nombre suffisant de juges. Ce moyen de cassation, annoncé avec tant de confiance, n'est donc pas admissible Mais quand même les accusés allégueraient vingt preuves de nullité de ce genre; quand même elles seraient toutes démontrées, il n'en résulterait pas que le sieur de Bournissac ait violé votre décret sur la procédure criminelle; et nous ne saurions trop souvent le répéter, Messieurs, c'est uniquement sur cette transgression que vous avez à prononcer.
Les plaintes des accusés deviennent plus directes, plus analogues à la vraie compétence de l'Assemblée nationale, quand ils dénoncent le prévôt général de Provence, pour avoir prononcé, durant le cours de la procédure, ^[u'il n'y avait lieu à la récusation d'un juge, quoique le décret de l'Assemblée nationale lui eût ordonné de surseoir à tout jugement. Votre comité a pensé que cette objection spécieuse et subtile supposait dans les accusés plus d'artifice que de bonne foi. Il peut y avoir, en effet, de justes raisons de surseoir à une exécution, et même à un jugement définitif; mais l'intérêt de la société ne permet jamais de susDendre l'instruction d'une procédure criminelle, parce que les preuves, qu'il importe d'acquérir pour la sûreté publique, périssent à chaque instant. Aussi, Messieurs, par votre décret suspensif du 5 novembre, vous avez ordonné vous-mêmes de poursuivre les instructions commencées au siège prévotal. Or un jugement, en matière de récusation, n'est évidemment qu'un jugement d'instruction, puisque l'instruction serait suspendue si le jugement d'un pareil incident était différé. Cette accusation, intentée contre le sieur de Bournissac, devient donc ici son apologie; car il aurait réellement contrevenu au décret de l'Assemblée, qui lui enjoignait de continuer l'instruction, s'il n'eût pas prononcé sur cette récusation, qui arrêtait avec l'information le cours entier de la procédure.
On vous a présenté, Messieurs, à la suite de ces chicanes de forme, une objection beaucoup plus grave contre le prévôt de Provence. Ou a prétendu qu'il avait décrété des citoyens de Marseille, et en particulier le sieur Chompré, pour
avoir dit que ia souveraineté résidait dans le peuple; maxime, a-t-on ajouté, que nous avons tous professée, et pour la conservation de laquelle nous sommes prêts à verser tout notre sang.
Avant de discuter le fait eu lui-même, votre comité a cru, Messieurs, qu'il importait essentiellement à la tranquillité publique de déterminer entin sans détour, au milieu de l'Assemblée nationale, le s> ns rigoureux de cette proposition, qui est vraie dans sa généralité, mais qui deviendrait le dogme national le plus absurde et le plus anti-soeial dans la classe des citoyens qui en méconnaîtraient l'esprit. Si, par ce mot sacré de peuple, on entend le corps entier de la nation, il est incontestable que toute autorité appartient au peuple, et que c'est dans le peuple que réside éminemment la souveraineté. Le peuple collectif, qui compose la nation, possède originairement tous les pouvoirs publics; mais il est obligé de les déléguer tous à ses mandataires, et s'il voulait s'en réserver un seul, il tomberait aussitôt dans cet état d'anarchie qui e^t le plus exécrable de tous les despotisnies, puisqu'il suppose le despotisme de tous les individus. La voilà, Messieurs, cette doctrine que nous professons tous, et pour laquelle nous verserions jusqu àla dernière goutte de notre sang, s'il pouvait exister un tyran assez fanatique ou plutôt assez insensé pour la combattre. Mais si, par le mot peuple, on entend une municipalité, un quartier, une ville, et ce ramas d'individus que les démagogues flattent bassement aujourd'hui, comme les courtisans se prosternaient naguère devant les idoles du pouvoir absolu; si c' st à quelques associations partielles, quelles qu'elles soient, que l'on attribue la souveraineté, je le dis hautement, Messieurs, c'est méconnaître tous les principes politiques; c'est tromper le peuple; c'est saper tous les fondements de l'ordre public ; c'est faire d'une maxime vraie et tutélaire un germe de sédition; c'est mettre la torche et le poignard àla main de tous les factieux; c'est enfin exagérer l'autorité de la multitude pour mieux égarer sa raison.
Or, Messieurs, est-il bien vrai, comme l'a prétendu le déf liseur des accusés de Marseille, qu'ils soient les martyrs de cette doctrine ainsi expliquée, de laquelle il résulte que la souveraineté appartient originairement au peuple? C'est à regret, je le ré ete, c'est avec douleur que votre comité se voit forcé par cette accusation de soulever un moment devant vous, Messieurs, le voile qui doit couvrir ici le fend de cette procédure. Nous ne sommes ni les dénonciateurs ni les juges de ces citoyens décrétés; mais puisque, pour les défendre, on traduit leur juge à l'Assemblée nationale, comme l'ennemi d'un principe qu'elle a consacré dans la constitution du royaume, la justice et l'impartialité exigent que nous interrogions ici les dépositions des témoins, pour savoir si cette inculpation a quelque fondement. Vous tiendrez, Messieurs, la balance d'une main ferme entre le juge et les accusés, et ceux-ci ne pourront attribuer qu'à l'indiscrétion de leur apologiste devenu le dénonciateur d'un officier public la nécessité où nous sommes réduits de vous faire connaître, sous ce rapport seulement, les accusations dont ils sont chargés.
Le sieur Laurent Faure dépose « que le sieur de Braucas, tâchant d'assembler autour de lui, au cafe ou ailleurs, le plus de personnes qu'il pouvait parmi le peuple, a tenu les propos les plus séditieux, en mettant publiquement en principe que personne ne pouvait commander au peuole, et que le peuple devait commander à
tout le monde; que c'était là son droit; qu'il a proposé au déposant de mettre dans la ville des placards qu'il faisait lui-même, pour parvenir à faire attrouper le peuple ; ajoutant encore que ledit sieur de Brancas lui a certifié qu'il éiait en correspondance secrète avec certains personnages résidant à Paris, et que si cette correspondance venait à être découverte et saisie Userait certainement pendu. »
Une autre déposition fait mention de manœuvres pratiquées pour soulever les poissardes de Marseille, et d'un discours poissard, pour être débité par l'une des conjurées, qui devait ameuter cette armée de femmes.
Le sieur Martin dépose, le 13 décembre 1789, « que le 8 dudit mois, s'étant trouvé vers midi au café d'Acajou, il y trouva quelques personnes, entr'autres le sieur Chomprè, qui s'était emparé de la conversation, et qui disait que M. le comte de Caraman n'avait plus d'autorité; qu'il était entièrement subordonné au peuple, et que si le peuple voulait donner une preuve de sa supériorité sur le commandant, il pouvait aller à la citadelle de Saint-Nicolas, et là, le sommer d'en sortir, et lui prescrire d'aller partout où bon semblerait audit peuple : ajoutant qu'il n'était pas liore audit sieur comte de Caraman de choisir l'endroit où il voudrait aller manger sa soupe.
Le sieur Simon Gaï, négociant, dépose que le 8 décembre, entre midi et une heure, dans le café d'Acajou, il vit une table entourée, et s'avança par curiosité. 11 aperçut le sieur Chompré, qui s'était emparé de la conversation, et disait que M. Barentin s'étant avisé d'écrire à Marseille, lors des premiers troubles de cette ville, que ceux qui, comme lui Chompré, avaient été accusés d'en être les moteurs, seraient trop heureux de n'être que pendus; d'après cette lettre, le peuple de Marseille aurait dû, en foule, aller à Aix pendre tous les juges du parlement aux arbres du cours, en les qualifiant de canaille; qu'il dit que M le comte de Caraman n'avait aucune autorité; qu'il était totalement subordonné au peuple, qui était seul le maître; qu'il ne dépendait que du peuple de le faire sortir de son fort et de le forcer d'établir son logement partout où ledit peuple voudrait; que le sieur Chompré, revenant ensuite à M. de La Tour, dit qu'il en avait reçu, dans tous les temps, des politesses infinies, mais que c'était parce qu'il le craignait, personne n'ayant fait tant de mal à cet intendant, que lui Chompré,qui lui avait personnellement de grandes obligations. »
Votre comité n'extraira point de ces dépositions les invectives les plus atroces contre les ministres du Roi. Il observera seulement que tous ces propos furent tenus le 8 décembre, et quele lendemain 9, il y eut à Marseille une sédition qui obligea les officiers municipaux de défendre les poufs, les ports d'armes, les attroupements, de publier la loi martiale et d'arborer le drapeau rouge.
Nous nous abstiendrons ici de toute réflexion. Voilà, Messieurs, la doctrine qui est imputée aux accusés, sur la question de l'autorité du peuple. Vous prononcerez dans votre sagesse si vous y reconnaissez les principes pour lesquels vous verseriez jusqu'à la dernière goutte de votre sang? Votre couiné ne saurait vous dissimuler que cette procédure semble présenter un système suivi de conjuration, et que tous ces propos séditieux touchent immédiatement aux émeutes de Marseille.
L'implacable adversaire du prévôt général de
Provence s'efforce de lui nuire ensuite dans votre esprit, Messieurs, en vous inquiétant par des soupçons vagues, quand il n'ose pas articuler des accusations formelles. Vous avez remarqué, sans doute, l'art profond avec lequel il a excité votre curiosité sur un fait mystérieusement allégué par lui, et la persévérance avec laquelle il a ensuite refusé d'éclaircir les doutes auxquels il avait livré l'Assemblée nationale. Des ouvriers, a dit M. de Mirabeau, prétendent avoir reconnu les domestiques d'un personnage que je m'interdis de nommer. Le prévôt a décrété le commandant de la milice de Gargues, qui voulut s'assurer que quatre particuliers, escortant une belle voiture, faisant écarter tout le monde et éteindre les lumières sur leur passage, étaient des cavaliers de la maréchaussée, et passaient par cette route détournée pour se rendre à Nice. A qui appartenait cette belle voiture? Quel était l'objet de cette escorte donnée par le prévôt? Pourquoi le voyageur choisissait-il une roule ainsi détournée? Quel intérêt avait-on d'éloigner les passants et de faire éteindre les lumières? Tout cela n'est peut-être rien; mais c'est peut-être aussi quelque chose... Ne cherchons point à pénétrer ce mystère.
Eh I pourquoi ne chercherions-nous pas à le pénétrer? On ne nous le présente passans dessein ; c'est l'un des artifices les plus communs de la popularité que de s'emparer ainsi de la confiance trop crédule des peuples, en frappant leur imagination par de vaines terreurs, par des relicences perfides, par de chimériques dangers qu'ils exagèrent toujours. M. de Mirabeau ne l'ignore pas; mais sans m'arrêter à ses intentions, qui ne seront une énigme pour personne, je vais le satisfaire sur toutes les questions qu'il s'est proposées à lui-même, et dont la solution semble avoir déconcerté la sagacité ordinaire de son esprit. Voici donc, Messieurs, ce fait qui lui a fourni tant de conjectures.
Madame la duchesse de Mortemart, étantenceinte à Marseille, au moment des troubles qui agitèrent cétte ville, voulut en partir, pour aller joindre à Nice madame la duchesse de Brissac, sa mère. Elle demanda au prévôt général de la maréchaus-ser, une escorte qui lui fut accordée, et se mit en route, sans prévoir apparemment que son départ, son voyage, ses justes frayeurs, ses sages précautions deviendraient bientôt, dans l'Assemblée nationale, l'épisode d'une procédure criminelle. Je n'insisterai pas plus longtemps, Messieurs, sur un incident si frivole. Mais le récit de ce fait, que j'affirme, et dont je fournirai la preuve, a moins qu'on n'aime mieux la demander à M. le duc de Mortemart, notre honorable collègue, qui est ici présent,et tient ce témoignage, dans le plus grand détail, de son épouse elle-même; ce récit ferme et clair suffira sans doute, pour vous expliquer l'objet qu'avait en vue M. de Mirabeau en se proposant toutes ces questions, et eu refusant ensuite d'y répondre; et vous trouverez probablement beaucoup plus d'adresse que de discrétion dans son silence.
Vous avez vu, Messieurs, que l'imagination de M. de Mirabeau, toujours féconde en métaphores, vous avait représenté les citoyens décrétés par M. de Bournissac, sous le poids des chaînes dont ils sont accablés au fond des cachots. Il est pourtant prouvé, il est reconnu qu'on ne les a jamais renfermés dans des cachots, et qu'on ne les a point enchaînés. Toutes ces expressions figurées ne devraient pas trouver place dans la discussion d'un procès criminel, quand elles énoncent des accusations évidemment fausses; mais M. de Mira
beau, toujours attentif à chercher des torts au prévôt général de Provence, lui a fait un crime beaucoup mieux fondé en apparence, d'avoir renfermé au château d'If, dans une prison d'Etat, les citoyens de Marseille qu'il a décrétés de prise de corps. Le fait est vrai, Messieurs, et le certificat, que vous allez entendre vous prouvera qu'un acte d'humanité peut être aisément travesti par M. de Mirabeau en abus de pouvoir, et que ce prétendu despotisme d'un juge n'est autre chose qu'un sentiment de condescendance accordé à la sollicitation des prisonniers eux-mêmes. Voici une pièce authentique, dans laquelle M. le comte de Caraman expose lui-même à l'Assemblée nationale les motifs de la translation des prisonniers au château d'If.
« Victor Maurice de Riquet, comte de Caraman, lieutenant gén rai des armées du Roi et de la province de Languedoc, grand-croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis et commandant en chef pour Sa Majesté en Provence.
« Attestons, en faveur de la vérité, que les sieurs Pascal, Granet et Rébecquy, détenus prisonniers dans le fort Saint-Jean, en vertu des décrets rendus par M. le prévôt général de la maréchaussée, nous ayant fait solliciter plusieurs fois de leur faire accorder un local plus commode que celui du fort, où ils pussent jouir de quelque aisance, et n'être pas surtout exposés aux rigueurs du froid, dont ils craignaient d'être atteints dans les appartements qui leur avaient étédonnés, nous crûmes ne pouvoir mieux remplir leurs désirs qu'en engageant M. le prévôt général de permettre qu'ils fussent transférés au château d'If, à quoi il acquiesça volontiers, dans la seule vue de soulager la position des prisonniers, qui regardèrent cette détermination comme une faveur inattendue, de laquelle ils parurent reconnaissants ; et il est de plus notoire qu'ils n'ont cessé de jouir au château d'If de toutes les facilités et de tous les soulagements qui pouvaient être compatibles avec leur détention, y ayant constamment et journellement reçu les visites de leur parents et amis, et vivant ensemble sans aucune gène. En foi de quoi, etc.
« Signé ; le comte de Caraman. »
Nous pourrions ajouter à ce certificat de M. le comte de Caraman que les trois prisonniers détenus au château d'If y jouissent tous les jours de l'amusement de la pêche; qu'ils y donnent des repas à leurs amis, et qu'ils y reçoivent journellement des visites qui supposent jusqu'à l'abus de la liberté.
Vous voyez, Messieurs, dans le développement de cette cause, que toutes les accusations intentées contre M. de Bournissae deviennent pour lui autant de titres de gloire. Ne vous lassez donc pas d'écouter l'apologie de ce vertueux magistrat. Plus on formera de plaintes contre lui, plus on établira ses droits à votre estime.
M. de Mirabeau lui reproche d'avoir pris ses assesseurs dans la milice bourgeoise. 11 dit « que les sieurs Laget et Miollis, avocats de Marseille, lesquels siègent tous les deux au tribunal du prévôt, étaient l'un et l'autre lieutenants de la milice bourgeoise ; qu'ils s'étaient trouvés l'un et l'autre à l'affaire de la Tourrette, le 19 du mois d'août; que cette milice fit feu sans en avoir reçu l'ordre, et que peut-être la main imprudente ou coupable des sieurs Laget et Miollis avait tué le malheureux Garcin, dont le prévôt devait venger l'assassinat. »
M® Laget, procureur du Roi subrogé, M® Miolhs, assesseur subrogé au siège prévôtal, furent récusés par les décrétés de Marseille. Cette récusation a été déclarée inadmissible par jugement prévôtal, rendu avec MM. les officiers de la sénéchaussée d'Aix, le 27 octobre 1789. Il est très vrai que Me Miollis était officier de la milice bourgeoise de Marseille; mais cette qualité ne le rendrait point partie dans le procès intenté par le ministère public, contre les séditieux de cette ville. M® Miollis n'avait été ni attaqué ni agresseur. Cependant ce juge subrogé donna sa démission le l ep décembre dernier, et fut remplacé par M® Carbonnel, avocat; et c'est sous l'exercice de ce nouvel assesseur, que le sieur Chompré a été décrété, comme nous le verrons plus en détail lorsque nous discuterons les moyens de cet accusé dans la suite de notre rapport. Cette partie de la procédure a donc été très régulière. On n'a pu impliquer la milice bourgeoise dans cette cause, que par la plus insigne mauvaise foi. Non, jamais les procédures du prévôt, sur lesquelles on ne pourrait répandre de la défaveur que par je ne sais quels lieux communs patriotiques, qui réuniraient la bassesse de l'adulation à la bassesse de la calomnie, jamais, Messieurs, les procédures prévôtales ne furent dirigées comme on vous l'a dit, contre le parti populaire, mais uniquement contre le parti incendiaire. Ce n'est point à la révolution qu'elles s'opposent, c'est à la révolte, qui peut seule empêcher la régénération du royaume.
D'ailleurs, il est faux, Messieurs, que le nommé Garcin a été tué par la garde citoyenne de Marseille. Le père de cet infortuné déclare expressément, dans sa lettre du 1er qctobre 1789, à MM. les officiers de cette garde,que le seul coup de feu tiré par les perturbateurs du repos public a été destiné pour son fils. Le témoignage d'un père qui a scruté cent fois dans sa douleur les circonstances de la mort de son fils, accuse invinciblement les véritables meurtriers du malheureux Garcin. Ce jeune citoyen était soldat de la garde nationale ; or, il est prouvé au procès que cette milice fut huée sur la place de la Tour-rette, assaillie à coups de pierres, et que le seul coup de feu qui fut tiré, partit du côté de la rue des Hermites, où étaient les séditieux. Que devient donc, Messieurs, le perfide peut-être employé par M. de Mirabeau, pour vous persuader que les juges de l'assassinat du sieur Garcin pouvaient en être les auteurs, comme si ce soldat-citoyen avait été tué par ses propres camarades ? Ces "réponses vous paraîtront assurément sans réplique ; mais voici une observation encore plus décisive. Me Laget, procureur du Roi, et Me Miollis, ci-devant assesseur de la prévôté, étaient lieutenants de la garde nationale de Marseille. Or, en leur qualité d'officiers, ils n'avaient qu'une épée à la tête de leur troupe ; ils ne portaient point d'armes à feu, ils n'en touchèrent aucune, le 19 du mois d'août, sur la place de la Tourrette. Ce fait est prouvé par l'information ; et il est par conséquent impossible qu'ils aient été les meurtriers . de Garcin, qui périt d'un coup de feu.
Ge meurtre, commis le 23 juillet dernier, est devenu, sous un autre rapport, un nouveau pré • texte d'inculpation contre le prévôt général de Provence. On a dit que ce magistrat s'était permis d'informer sur des délits antérieurs aux lettres d'amnistie accordées par le Roi le 1er du mois d'août, et qu'en remontant dans ses procédures jusqu'à l'époque du 23 juillet, il avait étendu la rigueur de son ministère sur des crimes
couverts par la clémence du souverain. Cette nouvelle accusation, portée contre le sieur de Bournissac, a été spécialement appliquée au décret de prise de corps lancé contre le sieur Chompré. Le reproche est très grave sans doute ; et il vous a été présenté, Messieurs, avec tant de confiance par l'adversaire de la juridiction pré-vôtale que nous devons le discuter ici dans le plus grand détail.
Il faut observer d'abord que les lettres d'amnistie du 1er août dernier s'expriment en ces termes : « Faisons défenses à ceux compris dans la présente amnistie, de récidiver, à peine d'être déchus du bienfait d'icelle, et poursuivis tant sur les anciens que sur les nouveaux délits. » Ce n'est qu'à cette condition que le Roi use de clémence envers les rebelles de Marseille. Une pareille réserve n'est pas, comme on l'a dit, une restriction comminatoire, ou une simple formule du style de la chancellerie : c'est une condition d'autant plus rigoureuse, qû'en matière de rébellion, elle est impérieusement commandée par l'intérêt dominant de la tranquillité publique. Le sieur de Bouroissac et son tribunal ont parfaitement saisi le véritable sens de l'amnistie, et telle a été l'exactitude de leurs opérations, qu'ils semblent avoir prévu toutes les odieuses inculpations contre lesquelles on les oblige aujourd'hui de se défendre. Vous allez trouver, Messieurs, leur apologie la plus complète dans les pièces même de la procédure.
Le procureur du Roi de la prévôté de Marseille requit, le 7 octobre 1789, une ordonnance qui permit l'addition d'information. « L'on De peut pas se dissimuler, dit-il dans sa requête, qu'il est beaucoup de ces délits et de ces crimes commis à Marseille, qui ont été pardonnés et effacés par les lettres du Roi du mois d'août dernier, portant pleine et entière amnistie aux habitants de Provence; mais il faut convenir d'un autre côté que le même édit déclare déchu du bienfait de l'amnistie ceux qui récidiveraient et ordonne de les poursuivre tant sur les anciens que sur les nouveaux délits. Il est également vrai que l'intention bien manifeste dp Sa Majesté et de l'Assemblée nationale est de pouvoir remonter à la source des troubles. Il faut donc pour cela que l'on connaisse tous les troubles et leurs moteurs, tous les délits qui sont relatifs à ces troubles, ainsi que tous les auteurs, sans division de temps, et sans distinguer les faits antérieurs à l'amnistie, de ceux qui lui sont postérieurs. Ge sera seulement aux juges chargés de prononcer des décrets ou des jugements sur les délits, à faire cette distinction des temps et des personnes. Il serait dangereux pour l'ordre public, et ce serait contrarier ouvertement les vues du souverain et de la nation, que de fixer l'époque de laquelle les témoins doivent partir, et de rejeter les preuves écrites ou testimoniales qui précèdent l'amnistie. Ici tous les faits se tiennent. Les nouveaux attentats se lient essentiellement aux anciens, sans autre interruption que celle que la crainte des lois et de la force militaire a produite en apparence pendant quelques jours. Il paraît que ce sont presque toujours les mêmes moteurs, les mêmes agents, les mêmes moyens, le même but. Il est visible que ce but était de s'emparer de l'autorité et de se rendre maître de la ville, après y avoir d'abord produit la confusion et 1 anarchie, etc., etc. »
On a donc accueilli tout ce que les témoins ont déposé ; mais on ne prouvera jamais que les dé-
lits antérieurs à l'amnistie aient été ni les objets de la plainte, ni les motifs des décrets.
Ce raisemnement du procureur du Roi est encore fortifié par le simple rapprochement des dates. Les lettres d'amnistie sont du 1er du mois d'août. Le prévôt général de Provence ne vint s'établir à Marseille, par ordre du Roi, que le 20 du même mois. Il n'y avait eu aucune insurrection dans l'intervalle qui s'était écoulé entre les lettres d'amnistie et son arrivée. L'intention de Sa Majesté, en envoyant ce magistrat aux Marseillais, était donc bien évidemment qu'il instruisît sur les faits antérieurs à l'amnistie, si les troubles se renouvelaient.
Un procès-verbal du 19 août 1789 prouve que les perturbateurs de la tranquillité publique de Marseille, députés par leurs complices comme commissaires du peuple, se permirent en cette qualité, huit jours après l'enregistrement des lettres d'amnistie, de se rendre au château du Ganet, éloigné de 25 lieues de la ville de Marseille, pour y faire une visite inquisitoriale, séditieuse et attentatoire aux droits des citoyens. Cet acte inconcevable, souscrit par le sieur Granet et le sieur Gayot, commissaires du peuple et députés au château du Canet, est rédigé en forme très juridique, et il annonce les perquisitions les plus sévères de ces prétendus commissaires du peuple, qui allaient exercer à 25 lieues de Marseille une si effrayante juridiction, dont aucune autorité légitime ne les avait investis.
Dès le 26 du mois d'août, le procureur du Roi dénonça cet étrange procès-verbal, ainsi que diverses affiches incendiaires ; il demanda d'informer contre les séditieux qui avaient forcé les prisons de Marseille pour en faire sortir les prisonniers, qui avaient formé des attroupements dans les rues, pour faire exterminer la milice bourgeoise en l'attaquant par des voies de fait, en disant publiquement que quiconque paraîtrait avec cet uniforme serait assassiné. L'ordonnance du prévôt général, qui autorise l'information, le même jour, fut ie premier acte qui émana du siège prévôtal ; et quoique tous les faits fussent évidemment postérieurs aux lettres d'amnistie, ils se liaient tellement aux insurrections précédentes, que pour rendre l'instruction complète, il fallait nécessairement écouter toutes les dépositions, sauf à distinguer ensuite dans le jugement les époques des délits.
Voilà donc bien constatées les différentes dates de l'amnistie, de la plainte et des premières opérations du prévôt général de Provence,
Examinons à présent, Messieurs, si le sieur Ghompré, décrété, peut alléguer le moindre prétexte, pour participer au bénéfice des lettres d'amnistie du 1er du mois d'août.
Ge fut le 12 décembre 1789, quatre mois après l'enregistrement de l'amnistie, qu'à la suite, d'une nouvelle émeute, pour laquelle on avait été obligé d'arborer le drapeau rouge et de publier la loi martiale trois jours auparavant, le procureur du Roi rendit plainte contre les séditieux qui avaient attaqué les sentinelles à coups de pierres, qui avaient désarmé des soldats et des officiers des troupes du Roi, qui avaient voulu forcer les portes de l'hôtel-de-ville, qui avaient tenté de s'emparer de la citadelle de Saint-Nicolas, qui travaillaient sourdement à soulever le peuple, etc.; et il demanda qu'il fût permis d'informer contre les auteurs, fauteurs, complices et adhérents de tous ces délits. L'ordonnance du prévôt fit droit à cette requête.
L'information fut faite le 12 décembre. Les té-
moins furent entendus. Ils chargèrent tous le sieur Ghompré de propos séditieux, tenus par lui le 30 novembre, le 8 et le 9 décembre. Six dépositions unanimes le présentèrent à la justice, comme le principal auteur des troubles de Marseille. Votre comité des rapports a déjà mis sous vos yeux quelques-unes de ces dépositions infiniment graves. Nous ne les répéterons pas ; nous ne fes étendrons pas dans ce moment, et les partisans du sieur Chompré doivent nous savoir gré de notre discrétion. Il nous suffit d'observer que les témoins furent entendus le 12 décembre, et que les délits imputés, au sieur Ghompré avaient été commis le 8 et le 9 du même mois.
En vertu de ces charges juridiques, le sieur Ghompré fut décrété de prise de corps le 14 décembre 1789, arrêté et constitué prisonnier le même jour. Il est donc manifestement hors de l'amnistie du mois d'août.
On vous a dit encore, Messieurs, qu'il n'avait été décrété que sur des lettres confidentielles, écrites à sa femme. Cette nouvelle allégation va être démentie par les preuves les plus péremp-toires.
Le sieur Ghompré avait été arrêté et écroué le 14 décembre. Ge fut le 18 du même mois qu'on le conduisit dans sa maison pour y assister à l'inventaire de ses papiers. On y trouva les lettres écrites par lui à sa femme dans les mois de juin, de juillet, d'août et de septembre précédents. Nous ne vous dissimulerons pas, Messieurs, que cette correspondance paraît supposer un système raisonné de révolte; mais cette discussion est étrangère à notre rapport. Il nous suffit de vous attester que le sceau des lettres n'a point été violé ; qu'on n'en a intercepté aucune, et que le sieur Ghompré ayant été arrêté le 14 décembre, il est absurde, de présenter comme le véritable motif du décret, des lettres trouvées chez lui et inventoriées en sa présence, quatre jours après sa détention. La signature du sieur Ghompré garantit invinciblement la vérité et la date de cet inventaire. Jugez maintenant, Messieurs, de la confiance que mérite l'adversaire du prévôt général , de Provence, lorsqu'il réclame en faveur de son client le bénéfice des lettres d'amnistie ou l'inviolabilité de la correspondance du sieur Chompré avec sa femme.
Il n'échappera certainement pas, Messieurs, à votre attention que la défense du sieur Bournissac est toujours fondée sur des pièces probantes et authentiques. Tous ces actes viennent se placer d'eux-mêmes entre ce magistrat et ses accusateurs, pour empêcher la calomnie de l'atteindre. On n'a besoin ni de conjectures idéales, ni d'inductions subtiles, pour composer son apologie. Ce magistrat ne se justifie que par des titres inattaquables, comme il convient à un juge de défendre son ministère. Il n'est connu d'aucun des membres de votre comité des rapports; il ne nous a été recommandé que par la justice de sa cause, et néanmoins il faut vous l'avouer, Messieurs, nous avons tous éprouvé le même zèle pour le venger de ses détracteurs. Une émulation soudaine et unanime nous a attirés vers lui, et son innocence nous a paru si victorieusement démontrée, qu'après avoir examiné les moyens de sa cause, nous avons tous ressenti en sa faveur, cet intérêt profond qu'inspire la droiture méconnut et qui place toujours les victimes de la calomnie si près du cœur de tout homme de bien.
Vous ne trouverez pas, Messieurs, nous osons vous le prédire, vous ne trouverez pas dans les écrits de ses adversaires la même marche et la
même force de moyens. On produit en leur faveur, des adresses souscrites par plusieurs corporations de Marseille. Si ces recommandations extra-judiciaires pouvaient être de quelque poids dans cette assemblée, nous vous révélerions les honteuses manœuvres que l'on s'est permise pour les obtenir. Nous en avons la preuve dans la procédure, et nous en ferons grâce aux accusés, si leurs défenseurs ne nous obligent pas de vous les présenter. Il nous est légalement prouvé que le 25 du mois de décembre dernier, jour de Noël, la boutique du sieur Mossy, libraire de Marseille, décrété et contumax, resta ouverte, et qu'on y forçait les passants de signer un acte destiné à l'Assemblée nationale. Le procureur du Roi de la police de Marseille rendit plainte à la municipalité, et requit la permission d'informer contre ces signatures extorquées, forcées et même supposées. Plusieurs témoins furent entendus. La preuve des faits exposés par le procureur du Roi fut acquise, et nous l'ayons entre nos mains pour la produire au moment où l'on se prévaudra de cette adresse, qui doit être rejetée de la procédure.
On vous a également dénoncé, Messieurs, des décrets rendus par le prévôt général de Provence postérieusement à la décision de l'Assemblée nationale qui l'a renvoyé lui-même au Ghâtelet. Un mot suffira pour écarter ce nouveau reproche. Votre décret du 8 décembre n'a pas été sanctionné par le Roi, et n'est pas encore parvenu légalement au sieur de Bournissac. C'est par surprise sans doute, et non par une connivence qui serait très répréhensible, que l'on a expédié au bureau un extrait de ce décret, signé par le président et parles secrétaires de l'Assemblée nationale. Mais cette expédition prématurée ne suffisait pas pour en prescrire l'exécution.
Le déplorable état de la ville de Marseille ne permettait point au prévôt général de Provence de suspendre l'activité de ses poursuites. Cette malheureuse ville, livrée aux insurrections les plus savantes et les plus atroces, aurait été entièrement bouleversée si ce magistrat n'avait pas eu le courage d'alfronter tous les dangers, pour arrêter une si effrayante conjuration. Marseille ne se. croit en sûreté que sous la protection tutélaire de ce juge citoyen, qui, en montrant aux ennemis de l'ordre public toute l'intrépidité de son ministère, aosé faire parler les lois au milieu des factions, et a eu le noble courage de croire encore à leur autorité dans un temps où tous les liens de la subordination étaient relâchés ou rompus. Ou vous propose, Messieurs, d'affaiblir ce dernier ressort de la juridiction prévôtale en forçant le sieur de Bournissac de prendre ses assesseurs dans la sénéchaussée de Marseille, tandis qu'il a le droit de les choisir ailleurs. Votre comité des rapports ne vous développera point ici tous les inconvénients qui résulteraient d'une pareille contrainte : vous les devinerez aisément. 11 est constant que le prévôt général de Provence n'a mérité aucun reproche dans l'exercice de ses fondions, et qu'on ne pourraitle dépouiller de sa juridiction actuelle sans accréditer les injustes préventions qu'oïl s'est efforcé de répandre contre lui. Que deviendrait la justice dans le royaume, si les calomnies des accusés suffisaient pour faire destituer leurs juges, et si les minisires des lois étaient à la merci des coupables qu'ils doivent juger? Outre cette considération importante, l'intérêt de l'ordre public ne permet pas d'instituer une espèce de commission dans la sénéchaussée de Marseille, et de lui attribuer dans ce moment la prérogative de l'irréformabilité, en affranchis-
sant ses jugements de la révision de l'appel. Le Roi, lui-même, a averti votre sagesse, Messieurs, des dangers qui résulteraient de cette attribution que sollicitent les accusés. Voici les propres expressions de Sa Majesté dans le mémoire qui vous a été envoyé en vertu de ses ordres, par M. le garde des sceaux: « Il faut avoir égard aux circonstances et à la position où se trouve la ville de Marseille. Un grand nombre de familles compromises ou intéressées dans l'affaire, la division des partis qui y régnent, leur animosité, la haine qu'elle engendre, tout doit nous faire craindre à juste titre de n'y point trouver de juges exempts de passions, non suspects de partialité, et doués d'assez de courage pour se mettre au-dessus de la crainte, et n'obéir qu'à leur devoir. Des ofliciers étrangers à la ville n'ont ni les mêmes relations, ni les mêmes causes de timidité. » Votre comité des rapports, Messieurs, pense entièrement comme Sa Majesté, et il s'abstiendra par prudence de vous exposer toutes les raisons qui pourraient motiver son sentiment.
Tel est, Messieurs, l'état de la cau?e dont vous nous avez ordonné le rapport. Voici maintenant le résultat de la discussion que vous venez d'entendre.
Il est prouvé :
1° Que le parlement d'Aix a sollicité des lettres d'amnistie pour tous les délits antérieursau mois d'août;
2° Que le prévôt n'a été chargé déjuger les insurrections de Marseille, que sur les instances des officiers municipaux et des députés des communes de Provence ;
3° Que le prévôt a devancé la connaissance légale de votre décret sur les lois criminelles, et qu'il a suspendu tout jugement;
4° Que sur plus de soixante prisonniers, il n'y en a que trois qui aient été transférés au château d'If, d'après leurs propres réquisitions, et sur la demande de M. le comte de G-iraman ;
5° Que le fort Saint-Jean ne contient que deux cents hommes de troupes, et que cette garnison n'est point aux ordres du prévôt ;
6« Qu'il n'y a eu encore aucune condamnation définitive au siège prévôtal ;
7° Que le prévôt a instruit publiquement dans le fort Saint Jean, et qu'on y admet indistinctement toutes les personnes qui se présentent, jusqu'à ce que le local soit rempli ;
8° Que le prévôt s'est conformé en tout point, au nouveau décret de l'Assemblée nationale sur la procédure criminelle ;
9°Que si le prévôt a refusé la communication de la procédure « en l'état», cette clause n'est qu'un sursis forcé par les circonstances, conforme à l'esprit de notre décret, et entièrement contraire à un refus définitif ;
10° Que les charges contre les accusés sont très-graves ;
11° Que le prévôt a communiqué des procédures à d'autres accusés, à la même époque où on lui impute d'avoir méconnu les dispositions de votre décret à cet égard ;
12° Qu'il n'a point décrété les accusés pour des délits antérieurs aux lettres d'amnistie ;
13° Que. le sieur Ghompré spécialement est accusé de délits postérieurs à celte amnistie, et que l'inventaire de ses lettres confidentielles à sa femme n'a pas pu être la cause de son décret de prise de corps, puisqu'il était prisonnier depuis quatre jours, lorsque cet invantaire fut fait ;
14° Que les signatures produites en faveur
des accusés, ont été extorquées, forcées ou supposées ;
15 Enfin que les raisons les plus fortes doivent vous empêcher de destituer le prévôt général de Provence, ou d'associer à ses fonctions les officiers de la sénéchaussée de Marseille.
D'après ces considérations, Messieurs, votre comité des rapports vous propose le décret suivant :
L'assemblée nationale,délibérant sur les plaintes portées contre le sieur de Bournissac, prévôt j général de Provence, et contre son tribunal, à l'oc- | casion de différentes procédures criminelles dont 1 il suit l'instruction dans la ville de Marseille, a décrété et décrète que ses précédents décrets contre ledit prévôt sont annulés et demeurent rapportés, qu'il n',y a jamais eu lieu à aucune inculpa- : tion contre ce magistrat; et qu'en conséquence, j les procès, qui s'instruisent à son tribunal doi- j vent y être continués jusqu'à parfait jugement, j conformément aux lois et ordonnances du | royaume.
Je demande que la discussion, qui sera certainement longue, soit renvoyée à la séance de mardi soir 26 janvier.
Le renvoi est prononcé.
lève la séance après avoir indiqué celle de lundi pour 9 heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne leciuœ des procès-verbaux des deux séances du 23 janvier. Il ne s'élève aucune réclamation.
annonce que quelques officiers du bataillon du district Saint-Honoré se présentent à la barre, pour rendre compte à l'Assemblée de la conduite de ce bataillon à l'égard de la famille Agasse (2).
Le commandant du bataillon fait à l'Assemblée la lecture du procès-verbal du bataillon Saint-Honoré du 24 janvier.
Cet exemple de patriotisme, cette première victoire de la raison sur les préjugés, excitent les applaudissements les plus vifs. La juste satisfaction de toute l'Assemblée se manifeste par les témoignages les plus touchants, les plus vrais.
propose, et l'Assemblée s'em-pressée de décréter que les noms des députés du bataillon de
Saint-Honoré, seront inscrits dans le procès verbal, ainsi que la pièce dont ils ont fait
lecture ; qu'elle sera, en outre, imprimée séparément, et envoyée dans' les départements et
les districts du royaume. Voici le nom de ces estimables citojens.
Do la Rouvelais, capitaine de grenadiers.
Robert, capitaine de chasseurs.
De la Tapy, capitaine.
Avice, capitaine.
La Pierre, capitaine aide-major.
Deaulieu, lieutenant.
Cresson, sous-lieutenant.
Elienne, sergent de chasseurs.
Gautier de Claubry, sergent.
Liottier, sergent de chasseurs.
Suit le procès-verbal dont ils ont fait lecture.
Procès-verbal du bataillon Saint-Honoré, du
Le 24 janvier 1790, une députation du bataillon Saint-Honoré s'étant rendue chez M. Agasse, président du district, et soldat citoyen de ce bataillon, M. de Silly, commandant, lui adressant la parole, a dit :
« Monsieur, le bataillon Saint-Honoré, sensible à votre profonde affliction, vient avec vous la partager, mais, après avoir rempli ce premier devoir, il nous en reste un second, que nous prescrit la loi immuable de la justice et de la raison, celui de vous dire que la honte du crime de vos neveux ne rejaillira point sur leur famille; que le bataillon Saint-Honoré adopte en ce moment tous leurs parents pour ses frères, et leur jure amitié, union, secours, tous les sentiments enfin que mérite leur vertu, devenue plus intéressante encore par leur malheur. »
Puis s'adressant à M. Agasse, frère des condamnés, et grenadier citoyen du bataillon :
« Vous, jeune et vertueux citoyen, vos frères d'armes, généralement assemblés, vous attendent pour vous donner un témoignage public d'estime et de fraternité. »
S'adressant enfin à M- Agasse, fils de M. Agasse président :
« Et vous, jeune enfant, fils d'un père que nous honorons, venez aussi recevoir de la famille qui vous adopte un témoignage de sa tendre amitié. > La députation s'étant rendue avec MM. Agasse sur les gazons du Louvre, où le bataillon, conduit par M. le duc a'Aumont, chef de la division, était assemblé en uniforme et en armes; le commandant de bataillon, après avoir pris l'aprément de M. le marquis de Lafayette, commandant g- néral, et de M. de Gouvion, major général, a fait lecture d'un arrêté pris le jour d'hier en l'assemblée des citoyens; et adressant la parole aux jeunes Agasse, il leur a dit :
« Le bataillon Saint-Honoré vous a provisoirement conféré à vous, Monsieur, le grade de lieu-tenantdegrenadiers à la suite, et à vous, Monsieur, fils de notre président, celui de lieutenant à la suite de la première compagnie, et se flattant d'en obtenir la confirmation de la municipalité et de M. le commandant-général, il me charge de vous en offrir les décorations; recevez-les de votre général, ainsi que ces deux épées, et souvenez-vous, dans tous les instants de voire vie que ces hommages sont rendus à la vertu, et que la vertu ne saurait jamais être obscurcie que par des fautes personnelles. »
Aussitôt. M. le commandant général ayant fait battre un ban, a fait reconnaître les deux jeunes officiers à la tête du bataillon.
M. Gauthier de Claubry, citoyen du district, et député à la commune, a prononcé au bataillon un discours relatif à la circonstance. Le bataillon a défilé devant le général, et s'est
rendu en l'église Saint-Honoré, où il a entendu lamesse.
Pour copie conforme à la minute, et par moi soussigné certifiée véritable. Signé : de Silly, commandant du bataillon Saint-Honùré.
répond: c Messieurs, il n'appartient qu'à des actions aussi nobles que la vôtre, d'ajouter au zèle dont l'Assemblée nationale est animée pour les progrès de la vertu, du véritable honneur et des mœurs patriotiques. J'oserai dire, en son nom, que vous avez déployé, plus de puissance qu'elle-même. Elle a fait la loi : l'instant d'après, vous donnez l'exemple; et tout le monde sait combien, dans les matières qui tiennent à l'opinion, les exemples sont au-dessus des lois. » Ensuite M. le Président ajoute : « L'Assemblée vous permet, et même vous invite d'assister à sa séance ».
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, continuant les rapports du comité de constitution sur les difficultés relatives à la division du royaume, propose un décret qui, en déclarant la ville d'Alençon chef-lieu d'un département, fixe le directoire dans la ville de Séez.
, en reconnaissant qu'on ne peut qu'applaudir à l'impartialité et au zèle du comité, s'oppose au décret ; il fait valoir les circonstances principales qui ont prévalu sur les considérations que les députés extraordinaires avaient employées auprès du comité.
1° La population d'Alençon est de vingt mille âmes, et à peine en compte-t-on quatre mille dans la ville de Séez.
2° La majorité des députés de la province avait voté d'abord pour que le chef-lieu fût fixé à Alençon ; et la ville de Séez ayant demandé un district, la majorité des députés avait encore cru qu'il ne convenait pas aux intérêts des administrés de le lui accorder.
La priorité étant demandée pour la proposition des députés de la province, est accordée ; elle est ensuite mise aux voix, et l'Asssemblée rend le décret suivant : L'Assemblée nationale décrète : « Que le département d'Alençon est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Alençon, Domfront, Argentan, Laigle, Bélême et Mortagne, sauf les droits des autres villes du département aux établissements qui seront fixés, s'il y a lieu, par la Constitution. »
Le département, formé des pays de Bresse* et de Dombes réunis, élait en contestation sur la ville qui serait prise pour chef-lieu ; la majorité des députés s'était d'abord décidée pour Saint-Rambert ; ils avaient ensuite décidé pour Ambé-rieux ; le comité a été d'àvis de suivre ce second parti de la députation, et l'avis est adopté par l'Assemblée nationale en ces termes : L'Assemblée nationale décrète : « 1° Que la Bresse, le Bugey, le pays de Gex et la Dombes, forment un département dont la ville de Bourg est le chef-lieu ; 2° que ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont les villes de Bourg, Trévoux, Montluel, Chà-tillon, Pont-de-Vaux, Belley, Nantua, Saint-Bam-bert et Gex ; sauf, en faveur des villes d'Ambé-rieux; et Pont-de-Veyle d'être chacune le siège
du tribunal de leur district, lequel, en ce qui concerne le district de Pont-de-Vaux, pourra également être placé à Bagé ou à Saint-Trivier, selon que les électeurs du département le détermineront; 3° que le district de Gex s'étendra du côté du midi jusqu'à la rivière de Valserine el au pont de Bellegarde ».
rend compte des difficultés qui se sont élevées pour la fixation du chef-lieu du département du Rouergue ; les uns veulent le placer a Rodez, les autres à Villefranche.
insiste fortement pour que la préférence soit donnée à Rodez qui présente de nombreux avantages sur sa rivale au point de vue de sa position géographique.
défend, au contraire, les prétentions de Villefranche pour obtenir le cnef-lieu de département ou au moins Yalternat. Il observe que toutes les.relations actuelles de l'administration aboutissent à Villefranche qui est chef-lieu de l'administration provinciale et où les conférences sur les intérêts du Quercy et du Rouergue se feraient plus ^commodément qu'à Rodez ; d'après ces motifs, il demande que la première assemblée se tienne à Villefranche, sauf aux électeurs à décider si les intérêts de la province se trouvent à placer ailleurs le chef-lieu du département; il s'élève ensuite sur le trop grand nombre de districts qu'on propose de porter à neuf et dit que la plupart des bourgs où on les a placés sont dans l'impossibilité de fournir les sujets nécessaires à ces nouveaux établissements.
réfute M. Andu-rand et demande que l'avis du comité, qui donne la préférence à Rodez, soit adopté.
L'Assemblée forme la discussion et décrète :
« Que la ville de Rodez est provisoirement le chef-lieu du département du Rouergue, et que les électeurs détermineront dans la première assemblée si cette disposition provisoire doit demeurer définitive;
« Que les chefs-lieux des districts sont Rodez, Villefranche, Aubin, Mur-de-Barrés, Séverac-le-Château, Miihau, Saint-Affrique, Sauveterre et Saint-Geniez, sauf le tribunal de ce dernier en faveur d'Espalion, et sauf encore les droits des autres villes du département aux établissements qui seront fixés par la constitution, si elles y sont fondées. »
propose un décret sur le département du Haut-Limousin, et il est adopté ainsi qu'il suit :
L'Assemblée nationale décrète :
« Que le département du Haut-Limosin, dont Limoges est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Dorât, Bellac, Saint-Junien, Limoges, Saint-Yrieix et Saint-Léonard, sauf pour la ville de Bochechouart le tribunal dû-district de Saint-Junien. »
propose, pour le département de l'Artois, le décret suivant qui est adopté.
L'Assemblée nationale décrète :
« Que la ville d'Arras est provisoirement le chef-lieu du département de l'Artois, et qu'à la première session les électeurs détermineront si cette disposition provisoire doit demeurer définitive.
« Que la première assemblée des électeurs, pour nommer les députés tant à l'Assemblée nationale que pour les membres du département, se tiendra dans la ville d'Aires, et qu'elle y déterminera définitivement le lieu des assemblées subséquentes des électeurs. »
dit qu'une difficulté s'était élevée entre le Vivarais et le Forez : elle avait pour objet la ville de Bourg-Argental et les paroisses ci-devant dépendantes du Forez, séparées du canton de Saint-Etienne par le mont Pilât ; le Vivarais demandait ce canton au Forez; le comité avait cru d'abord qu'il convenait de l'accorder; mais des députés, au nombre desquels était M. Richard, citoyen de Bourg-Argental, avaient fait adopter, par ce comité, l'avis de comprendre provisoirement la ville de Bourg-Argental et ses dépendances dans le département du Forez.
, l'un des députés du Vivarais, soutient la prétention de son département, par la considération, 1° que l'étendue du département du Vivarais n'excède pas deux cent quatre-vingts lieues, tandis que celui du Lyonnais, dont le Forez fait partie, s'étend sur près de quatre cents lieues ; que la nature indique la nécessité de comprendre le canton de Bourg-Argental dans le département du Vivarais, la Gharpente-du-Monde séparant le canton de Bourg- Argental du pays du Forez par une montagne inaccessible ; 3° que les relations de commerce et le vœu général des habitants de Bourg-Argental et de ses environs, à l'exception des gens d'affaires, lient le canton de Bourg-Argental au Vivarais.
montent successivement à la tribune pour soutenir que les convenances générales et le vœu des administrés concouraient pour retenir la ville de Bourg-Argental et ses environs dans le département du Lyonnais ; ils font valoir toutes les considérations de fait qui peuvent venir à l'appui de cette assertion, et ils concluent à fortiori pour que la provision soit accordée à la possession, ce qui est adopté par le décret qui suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avi3 du comité de constitution, que le Bourg-Argental, toutes les paroisses et tous les lieux en dépendant, faisant partie du Forez, demeureront provisoirement au département du Lyonnais, Forez etBeau-jolais, sauf la liberté, pour les habitants de ce canton, de se réunir au Vivarais lorsqu'ils le jugeront à propos. »
propose de décréter que l'Assemblée s!occupera, sans discontinuer, matin et soir, de la décision des difficultés sur la division du royaume.
Un membre demande d'excepter l'affaire de Marseille quia été ajournée à la séance de demain soir.
La motion de M. deToulongeon, ainsi modifiée, est mise aux voix et adoptée.
annonce que M. le garde des Sceaux vient de lui envoyer les expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives , de l'Assemblée nationale:
1° Des lettres-patentes sur le décret portant que l'île de Corse fait partie de l'empire français ;
2° Des lettres-patentes sur deux autres décrets qui affranchissent de la formalité du contrôle et
des droits du timbre, tous les actes relatifs à la constitution des municipalités et autres corps administratifs, et qui déterminent l'état des villes et communautés mi-partie entre différentes provinces.
annonce un rapport du comité des finances sur les droits d'octrois ou aides relatifs à Valenciennes.
, curé d'Etrigny, au nom du comité des finances. Des quatre objets de réclamation des ville de Douai et de Valenciennes, il en est trois dont le comité n'a pas cru devoir s'occuper quant à présent; l'une est du ressort du pouvoir exécutif; les autres sont de nature à être traitées dans les assemblées de département. Quant au quatrième objet, il a paru mériter l'attention du comité. Ces villes jouissent de certains droits d'octrois sur les entrées des consommations ; quelques privilégiés s'en prétendent exempts, sous prétexte que le décret du 4 août n'a aboli les privilèges pécuniaires personnels ou réels qu'en matière de subsides, mais qu'il n'y est pas fait mention des exemptions d'octrois qui ne sont pas de la nature des subsides, mais de simples concessions particulières faites à quelques villes. Les officiers de Douai réclament que cette distinction abusive soit abolie comme elle l'a été par le décret rendu pour la Bretagne.
La ville de Valenciennes se plaint aussi de ce que plusieurs ci-devant privilégiés se maintiennent dans les prétendus droits d'exemptions; qu'ils ont refusé de se soumettre aux visites domiciliaires, sous prétexte que, par l'article 8 du décret du 23 septembre, ces visites étaient proscrites pour les gabelles.
Le comité des finances a pensé que toute espèce de privilège étant abolie, ainsi que toute inquisition domiciliaire, les dispositions du décret rendu pour la Bretagne devaient être générales pour tout le royaume.
Le rapporteur termine par un projet de décret portant que tous les octrois établis dans les villes du royaume seront perçus comme par le passé, jusqu à ce qu'il en ait été autrement statué, mais sans aucun privilège, exemption ou distinction de personnes; ne seront faites néanmoins aucunes recherches dans les maisons des ci-devant privilégiés, pour raison du passé.
Quant aux autres réclamations de la ville de Douai, l'Assemblée en renvoie l'examen à la première assemblée de son département.
Je propose pour amendement que tous les droits de gros, aides, octrois et autres droits de cette nature soient payés «ans distinction dans toute l'étendue du royaume.
Je demande que la motion soit étendue aux octrois des pays d'Etats, villes et' communautés d'habitants, en ordonnant néanmoins que les cantines militaires subsisteront provisoirement dans les endroits où il y en a d'établies.
Je demande qu'en supprimant les visites domiciliaires on assujettisse aux déclarations les ci-devant privilégiés.
Un membre. Je fais la motion que les sommes, provenant des octrois qui seront payées par les ci-devant privilégiés, soient versées dans les mains des receveurs des municipalités, et que les
fermiers de ces droits tiennent un registre des perceptions, qu'ils seront tenus d'exhiber aux officiers municipaux, à leur réquisition.
Je propose que ce décret soit rendu sans préjudice des capitulations faites avec les Suisses.
met aux voix ce dernier amendement, qui est adopté.
L'Assemblée décide, sur la demande de M. Po-pulus , que le décret sera applicable à tout le royaume.
Les autres amendements sont adoptés, excepté celui qui concerne les visites domiciliaires et les déclarations, dans lesquelles l'Assemblée déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Quant aux cantines militaires, je propose la question préalable, parce que cet usage en faveur des militaires ne peut pas être l'objet d'un décret.
Vous voulez augmenter la solde des troupes,mais vous diminuez la jouissance et la paye du soldat; si vous innovez sur les usages des troupes en activité de service dans les garnisons, quartiers ou voyages, il faut ajouter simplement au décret, sans rien innover, quant à présent, aux usages concernant les garnisons françaises et étrangères.
Un membre. Je demande qu'on ajoute le mot hôpitaux. (Adopté.)
Je propose qu'on substitue au mot cantine celui de consommation.
Cet amendement est adopté.
Le décret est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, instruite que, dans plusieurs villes du royaume où se perçoivent certains droits d'octrois aux entrées sur les objets de consommation, plusieurs ci-devant privilégiés se sont maintenus dans l'exception de ces droits; que les intentions de l'Assemblée, dans les précédents décrets des 4 et 11 août, en anéantissant à jamais tous privilèges pécuniaires, personnels ou réels, n'ont pas été de restreindre cette abolition aux matières de subsides seulement, mais à toute perception quelconque, sans exception ni distinction; et voulant rendre communes pour tout le royaume les dispositions de l'article 5 du décret qu'elle a rendu le 16 septembre dernier pour la Bretagne en particulier;
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
« Que tous les octrois, droits d'aides, de gros, et autres de cette nature, sous quelque dénomination qu'ils soient connus dans les villes et autres lieux du royaume où ils sont établis, continueront d'être perçus comme par le passé, jusqu'à ce qu'il ait été staïué autrement, mais sans aucun privilège, exemption, ni distinction quelconque, n'entendant rien innover, quant à présent, aux usages concernant les consommations des troupes françaises et étrangères, ainsi que des hôpitaux.
« Les sommes qui proviendront du paiement des octrois, qui sera fait tant par les ci-devant privilégiés que par tous autres contribuables, seront versées dans les mains des receveurs des municipalités.
« Les fermiers desdits droits tiendront un registre des perceptions, et seront tenus d'en exhiber le registre aux officiers municipaux, sur leur simple réquisition.»
monte à la tribune pour faire une motion sur Vexercice des droits de citoyen actif [\). Nous venons soumettre à votre délibération un objet infiniment intéressant pour plusieurs provinces du royaume... Il tient à la liberté générale... Il est d'une telle nature que vous nous accuseriez d'une malversation odieuse si nous ne soutenions pas avec force la cause qui nous est en ce moment confiée. Parmi les décrets qui fixent la quotité d'impositions nécessaires pour exercer les droits de citoyen actif, et pour être électeur et éliginle, il en est qui ont donné lieu à une demande d'explication.
Des contributions directes, personnelles et réelles sont établies dans une grande partie du royaume. Dans l'Artois et dans les provinces qui l'avoisinent, on paie peu de contributions directes ; la corvée n'y existe pas; la taille et la capitation y sont converiies en impositions indirectes. Il en est de même des contributions supportées par les propriétaires d« fonds; les centièmes établis depuis deux siècles étaient bien loin de produire une imposition proportionnée à la valeur des fonds: ils ont été abolis par les soins des Etats d'Artois Ainsi cette province ne contiendrait qu'un très petit nombre de citoyens actifs ; ainsi une partie considérable des habitants de la France seraient frappés de l'exhérédation politique...
Si vous considérez maintenant que presque la totalité du territoire des provinces belgiques est possédée par des ecclésiastiques, par des nobles et par quelques bourgeois aisés; que dans une communauté de mille âmes, il y a à peine quatre citoyens actifs...
(M. de Montlosier interrompt ët demande la preuve de ces assertions.)
J'ai l'honneur d'observer que la cause que je défends touche de si près aux intérêts du peuple que j'ai droit à toute votre attention.
Dans l'état actuel, l'égalité politique est détruite... Prononcez sur cette importante
réclamation. Nous la soumettons à votre justice, à la raison qui vous a dicté la déclaration
des droits de l'homme. Jetez vos yeux sur cette classe intéressante qu'on désigne avec mépris
par le nom sacré du peuple... Voulez-vous qu'un citoyen soit parmi nous un être rare, par
cela seul que les propriétés appartiennent à des moines, à des bé-néficiers, et que les
contributions directes ne sont pas en usage dans nos provinces ? Voulez-vous que nous
portions à ceux qui nous ont confié leurs droits des droits moindres que ceux dont ils
jouissaient? Que répondre, quand ils nous diront : vous parlez de liberté et de constitution,
il n'en existe plus pour nous : la liberté consiste, dites-vous, dans la volonté générale, et
notre voix ne sera pas comptée dans le recensement général des voix de la nation. La liberté
consiste dans la nomination libre des magistrats auxquels on doit obéir, et nous ne
choisirons plus nos magistrats. Autrefois nous les nommions, nous pouvions parvenir aux
fonctions publiques; nous ne le pourrons plus tant que les anciennes contributions
subsisteront... Dans la France esclave nous étions distingués par quelque reste de liberté;
dans la
Si nous pouvons Vous proposer un parti qui, loin de compromettre vos décrets et vos principes, les cimente et les consacre; s'il n'a d'autre effet que de fortifier vos décrets et de vous assurer de plus en plus la confiance et l'amour de la nation, quelle objection pourrez-vous faire?
propose le décret suivant (1) :
« L'Assemblée nationale, considérant que les contribulions publiques, établies dans les différentes parties du royaume, ne sont ni assez uniformes, ni assez sagement combinées, pour permettre, daus le moment actuel, une juste application des conditions qui auraient pu être exig es pour l'exercice des droits de citoyen actif; voulant maintenir l'égalité politique entre les habitants de toutes les parties de l'Empire, dont elle a reconnu la nécessité par quelques- uns de ses précédents décrets, et pénétrée surtout d'un respect religieux pour les droits inviolables de l'humanité, qu'elle a solennellement déclarés;
» Décrète que l'exécution des dispositions concernant la nature et la quotité de la contribution requise comme condition de la qualité de citoyen actif, sera différée jusqu'à l'époque où elle aura réformé le système actuel des impositions, et combiné les rapports de celui qu'elle doit établir avec l'exercice des droits politiques; décrète, en conséquence, que, jusqu'à ladite époque, tous les Français, c'est-à-dire tous les hommes nés et domiciliés en France ou naturalisés continueront d'être habiles à exercer la plénitude des droits politiques, et d'être admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des Uib-nts, sans toutefois déroger aux autres motifs d'incompatibilité ou d'exclusion portés par les autres décrets de l'Assemblée nationale. »
et quelques autres demandent avec chaleur la question préalable.
Après une longue et tumultueuse agitation dans une partie de l'Assemblée,M. Muquesnoy parvient à se faire entendre. — Sans doute, dit il, vous n'avez pas eu l'intention d'exclure du rang de citoyens actifs les Français qui habitent dans des villes autrefois priviligiée3.....
(MM. Digoine, Duval d'Ëspréménil, Pison du Galand, de Rochebrune, interrompent. On demande qu ils soient rappelés à l'ordre.).
Les trois plus grandes villes de ma province sont dans cette position. Des citoyens qui
ont une grande propriété industrielle,qui jouissent d'un revenu très-con3idcrable___(Nouvelle
interruption.) des privilégiés qui doivent payer et qui ne paient pas d'imposition en ce
moment, parce que les rôles ne sont pas kits encore... (On interrompt de nouveau.) Mon
opinion n'est pas équivoque; j'ai voté pour le marc d'argent; je voterai toujours de même.
(Il se fait un grand silence.) Je propose d'arrêter que, jusqu'à ce que l'Assemblée ait
décrété un mode général d'imposition dans les villes, bourgs et villages où les contributions
directes ne sont pas en usage, il suffira
Si ce décret ne vous convient pas, j'en propose un autre:
Que les officiers municipaux, avec un certain nombre de notables, fassent un rôle des citoyens qui dans un autre ordre de choses pourront, conformément à vos décrets, exercer les droits de citoyens actifs.
Ce décret présente encore des inconvénients. Je piéférerai le premier.
Je reconnais dans la motion de M. de Robespierre le courage et le zèle qui l'ont toujours caractérisé, et avec lesquels il a défendu les intérêts des classes les moins heureuses de la société ; cette question est sans doute la plus importante de toutes celles sur lesquelles l'Assemblée a pu et pourra délibérer.... (Murmures du côté droit.)
propose de lever la séance.
Une partie de l'Assemblée quitte les bancs et se répand dans la salle; l'autre partie est immobile et calme.
Vous avez ordonné, pour la ville de Saint-Quentin, que l'imposition pour la garde soldée serait considérée comme contribution directe, lin cela, vous avez fait une exception à ' vos décrets; il n'y a donc rien qui puisse s'opposer à ce que vous preniez en considération l'ex> ception nouvelle qui vous est présentée.
Cette discussion, qui doit être longue, commençait à trois heures un quart; j'ai, non levé la séance, mais proposé de mettre aux voix si elle serait levée. J'entends demander en ce moment que la motion de M. de Robespierre soit renvoyée au comité de constitution, pour le rapport en être fait demain à une heure.
J'avais la parole ; M. le président ne pouvait proposer de lever la séance. Je voulais engager à ajourner la question, et appuyer cette opinion sur l'importance de la matière et sur l'heure qui commençait à être avancée ; mais je demandais l'ajournement pour une séance entière, authentique, solennelle.
On a accordé deux séances à la misérable aventure de quelques magistrats, et on en refuserait une seule quand il s'agit des droits et de la liberté de plusieurs millions de citoyens français I
soutient qu'il ne faut renvoyer au comité de constitution que les exceptions proposées, et non la partie générale de la motion, sur laquelle il croit qu'il n'y pas lieu à déliberer.
Sur la proposition de M. Bouteville-Wumeti, la motion entière est renvoyée au comité de constitution.
fait lecture d'une lettre par laquelle M. le comte de Mirabeau demande à M. l'abbé Maury la communication des différentes pièces relatives à l'affaire de Marseille, dont M. Maury a fait le rapport dans la séance d'hier.
L'Assemblée décide que ces pièces demeureront au comité des rapports où tous les membres de l'Assemblée pourront les examiner, sans les déplacer.
La séance est levée à 5 heures du soir.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Discours de M. de Robespierre, sur la nécessité de révoquer les décrets qui attachent l'exercice des droits de citoyen à la contribution du marc d'argent ou d'un nombre déterminé de journées d'ouvriers (1).
Messieurs, j'ai douté un moment si je devais vous proposer mes idées sur des dispositions que vous paraissiez avoir adoptées. Mais j'ai vu qu'il s'agissait de défendre la cause de la nation et de la liberté, ou de la trahir par mon silence, et je n'ai plus balancé.
J'ai même entrepris cette tâche avec une confiance d'autant plus ferme que la passion impérieuse de la justice et du bien public, qui l'imposait, m'était commune avec vous, et que ce sont vos propres principes et votre propre autorité que j'invoque en leur faveur.
Pourquoi sommes-nous rassemblés dans ce temple des rois? sans doute pour rendre à la nation française l'exercice des droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les hommes. Tel est l'objet de toute constitution politique. Elle est juste, elle est libre, si elle le remplit : elle n'est
qu'un attentat contre l'humanité, si elle le contrarie.
Vous avez vous-mêmes reconnu cette vérité d'une manière frappante, lorsqu'avant de commencer votre grand ouvrage, vous avez décidé qu'il fallait déclarer solennellement ces droits sacrés, qui sont comme les hases éternelles sur lesquelles il doit reposer;
« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
« La souveraineté réside essentiellement dans la nation.
c La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à sa formation, soit par eux-mêmes, soit par leurs représentants, librement élus.
« Tous les citoyens sont admissibles à tous les emplois publics, sans aucune autre distinction que celle de leur vertu et de leurs talents. »
Voilà les principes que vous avez consacrés ; il sera facile maintenant d'apprécier les dispositions que je me propose de combattre, il suffira de les rapprocher de ces règles invariables de la société humaine.
1° La loi est-elle l'expression de la volonté générale, lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne peut concourir à sa formation? non. Cependant interdire à tous ceux qui ne paient pas une contribution égale à trois journées d'ouvriers le droit même de choisir les électeurs destinés à nommer les membres de l'Assemblée législative, qu'est-ce autre chose que rendre la majeure partie des Français absolument étrangère à la formation de la loi? Cette disposition estdonçessentiellement anti-constitutionnelle et anti-sociale?
2° Les hommes sont-ils égaux en droits, lorsque les uns, jouissant exclusivement de la faculté de pouvoir être élus membres du corps législatif, ou des autres établissements publics, les autres de celle de les nommer seulement, les autres restent privés en même temps de tous ces droits? non ; telles sont cependant tes monstrueuses différences qu'établissent entre eux les décrets qui rendent un citoyen actif ou passif, moitié actif, ou moitié passif, suivant les divers degrés de fortune qui lui permettent de payer trois journées, dix journées d'imposition directe ou un marc d'argent? Toutes ces dispositions sont donc essentiellement anti-constitutionnelles, anti-sociales.
3° Les hommes sont-ils admissibles à tous les emplois publics sans autre distinction que celle des vertus et des talents, lorsque l'impuissance d'acquitter la contribution exigée les écarte de tous les emplois publics, quels que soient leurs vertus et leurs talents? non; toutes ces dispositions sont donc essentiellement anti-constitutionnelles et anti-sociales.
4 Enfin la nation est-elle souveraine, quand le plus grand nombre des individus qui la composent est dépouillé des droits politiques qui constituent la souveraineté? non, et cependant vous venez de voir que ces mêmes décrets les ravissent à la plus grande partie des Français. Que serait donc votre déclaration des droits si ces décrets pouvaient subsister? une vaine formule. Que serait la nation ? esclave : car la liberté consiste à obéir aux lois qu'on s'est données, et la servitude à être contraint de se soumettre à une volonté étrangère. Que serait votre constitution? une véritable aristocratie. Car l'aristocratie est l'état où une partie des citoyens est souveraine et le reste est sujet, et quelle aristocratie 1
la plus insupportable de toutes, celle des riches.
Tous les hommes nés et domiciliés en France sont membres de la société politique, qu'on appelle la nation française, c'est-à-dire citoyens français. Ils le sont par la nature des choses et
Ear les premiers principes du droit des gens, es droits attachés à ce titre ne dépendent ni de la fortune que chacun d'eux possède, ni de la quotité de l'impôt à laquelle il est soumis, parce que ce n'est point l'impôt qui nous fait citoyens; la qualité de citoyen oblige seulement à contribuer à la dépense commune de l'Etat, suivant ses facultés. Or vous pouvez donner des l'ois aux citoyens, mais vous ne pouvez pas les anéantir.
Les partisans du système que j'attaque ont eux-mêmes senti cette vérité, puisque, n'osant contester la qualité de citoyens à ceux qu'ils condamnaient à l'exhérédation politique, ils se sont bornés à éluder le principe de l'égalité qu'elle suppose nécessairement, par la distinction de citoyens actifs et de citoyens passifs. Comptant sur la facilité avec laquelle on gouverne les hommes par des mots, ils ont essayé de nous donner le change en pùbliant, par cette expression nouvelle, la violation la plus manifeste des droits de l'homme.
Mais qui peut être assez stupide pour ne pas apercevoir que ce mot ne peut ni changer les principes, ni résoudre la difficulté, puisque déclarer que tels citoyens ne sont point actifs ou dire qu ils n'exerceront plus les droits politiques attachés au titre de citoyen, c'est exactement la même chose dans l'idiome de ces subtils politiques? Or je leur demanderai toujours de quel droit ils peuvent ainsi frapper d'inactivité et de paralysie leurs concitoyens et leurs commettants; je ne cesserai de réclamer contre celte locution insidieuse et barbare qui souillera à la fois et notre Code et notre langue, si nous ne nous hâtons de l'effacer de l'un et de l'autre, afin que le mot de liberté ne soit pas lui-même insignifiant et même dérisoire.
Qu'ajouterai-je à des vérités si évidentes? rien, pour les représentants de la nation, dont l'opinion et le vœu ont déjà prévenu ma demande; il ne me reste qu'à répondre aux déplorables sophisme» sur lesquels les ambitions et les préjugés d'une certaine classe d'hommes s'efforcent d'étayer la doctrine désastreuse que je combats; c'est à ceux-là seulement que je vais parler.
Le peuple! des gens qui n'ont rienl les dangers ae la corruption ! l'exemple de l'Angleterre, celui des peuples que l'on suppose libres, voilà les arguments que l'on oppose à la justice et à la raison.
Je ne devrais répondre que ce seul mot: le peuple, cette multitude d'hommes dont je défends la cause, ont des droits qui ont la même origine que les vôtres. Qui vous a donné le pouvoir de le leur ôter?
L'utilité générale, dites-vous! mais est-il rien d'utile que ce qui est juste et honnête? et cette maxime éternelle ne s'applique-t-elle pas surtout à l'organisation sociale? Et si le but de la société est le bonheur de tous, la conservation des droits de l'homme, que faut-il penser de ceux qui veulent l'établir sur la puissance de quelques individus et sur l'avilissement et la nullité du reste du genre humain ! Quels sont donc ces sublimes politiques, qui applaudissent eux-mêmes à leur propre génie, lorsqu à force de laborieuses subtilités, ils sont enfin parvenus à substituer leurs vaines fantaisies aux principes immuables
que l'éternel législateur a lui-même gravés dans le cœur de tous les hommes 1
L'Angleterre ! eh ! que vous importe l'Angleterre et sa vicieuse constitution, qui a pu vous paraître libre lorsque vous étiez tombé au dernier degré de la servitude, mais qu'il faut cesser enfin de vanter par ignorance ou par habitude? Les peuples libres, où sont-ils? Que vous présente Phis-toire de ceux que vous honorez de ce nom? si ce n'est des agrégations d'hommes plus ou moins éloignées des routes de la raison et de la nature, plus ou moins asservies sous des gouvernements que le hasard, l'ambition ou la force avaient établis. Est-ce donc pour copier servilement les erreurs ou les injustices qui ont si longtemps opprimé et dégradé l'espèce humaine que l'éternelle Providence vous a appelés seuls, depuis l'origine du monde, à rétablir, sur la terre, l'empire de la justice et de la liberté, au sein des plus vives lumières qui aient jamais éclairé la raison publique, au milieu des circonstances presque miraculeuses qu'elle s'est plu à rassembler, pour vous assurer de pouvoir rendre à l'homme son bonheur, ses vertus et sa dignité première?
Sentent-ils bien tout le poids ae cette sainte mission, ceux qui, pour toute réponse à nos justes plaintes, se contentent de nous dire froidement : avec tous ses vices notre constitution est encore la meilleure qui ait existé? Est-ce donc pour que vous laissiez nonchalamment, dans cette constitution, des vices essentiels, qui détruisent les premières bases de l'ordre social, que 26 millions d'hommes ont mis entre vos mains le redoutable dépôt de leurs destinées? ne dirait-on pas que la réforme d'un grand nombre d'abus et plusieurs lois utiles soient autant de grâces accordées au peuple, qui dispensent de faire davantage en sa faveur? Non, tout le bien que vous avez fait était un devoir rigoureux. L'omi3sion de celui que vous pouvez faire serait une prévarication, le mal que vous pouvez, un crime de lèse-nation et de lèse-humanité. Il y a plus : si vous ne faites tout pour la liberté, vous n'avez rien fait. Il n'y a pas deux manières d'être libres : il faut l'être entièrement, ou redevenir esclaves; la moindre ressource laissée au despotisme rétablira bientôt sa puissance. Quedis-jel déjà il vous environne de ses séductions et de son influence, bientôt il vous accablerait de sa force. 0 vous qui, contents d'avoir attaché votre nom à un f»rand changement, ne vous inquiétez pas s'il sufht pour assurer le bonheur des hommes, ne vous y trompez pas; le bruit des éloges que l'étonnement et la légèreté font retentir autour de vous, s'évanouira bientôt ; la postérité comparant la grandeur de vos devoirs et l'immensité de vos ressources avec les vices essentiels de votre ouvrage, dira de vous, avec indignation : ils pouvaient rendre les hommes heureux et libres; mais ils ne l'ont pas voulu, ils n'en étaient pas dignes.
Mais dites-vous: le peuple! des gens qui n'ont rien à perdre, pourront donc comme nous exercer tous les droits des citoyens?
Des gens qui n'ont rien à perdre ! que ce langage de l'orgueil en délire est injuste et faux aux yeux de la vérité!
Ces gens dont vous parlez sont apparemment des hommes qui vivent, qui subsistent au sein de la société, sans aucun moyen de vivre et de subsister. Car s'ils sont pourvus de ces moyens-là, ils ont quelque chose, ce me semble, à perdre ou à conserver. Oui, les grossiers habits qui me couvrent, l'humble réduit où j'achète le droit de me retirer et de vivre en paix, le modique salaire
avec lequel je nourris ma femme, mes enfants, tout cela, je l'avoue, ne sont point des terres, des châteaux, des équipages, tout cela s'appelle rien peut-être, pour le luxe et pour l'opulence ; mais c'est quelque chose pour l'humanité; c'est une propriété sacrée aussi sacrée, sans doute, que les brillants domaines de la richesse.
Que dis-je ? ma liberté, ma vie, le droit d'obtenir sûreté ou vengeance pour moi et pour ceux qui me sont chers, le droit de repousser l'oppression, celui d'exercer librement toutes les facultés de mon esprit et de mon cœur ; tous ces biens si doux, les premiers de ceux que la nature a départis à l'homme, ne sont-ils pas confiés comme les vôtres à la garde des lois? et vous dites que je n'ai point d'intérêt à ces lois; et vous voulez me dépouiller de la part que je dois avoir comme vous, dans l'administration de la chose publique! et cela par la seule raison que vous êtes plus riches que moi! Ah si la balance cessait d'être égale, n'est-ce pas en faveur des citoyens les moins aisés qu'elle devrait pencher? Les lois, l'autorité publique, n'est-elle pas établie pour protéger la faiblesse contre l'injustiee et l'oppression? C'est donc blesser tous les principes sociaux que de la placer tout entière entre les mains des riches.
Mais les riches, le3 hommes puissants ont raisonné autrement. Par un étrange abus des mots, ils ont restreint à certains objets l'idée générale de propriété ; ils se sont appelés seuls propriétaires, ils ont prétendu que les propriétaires seuls étaient dignes du nom de citoyens, ils ont nommé leur intérêt particulier l'intérêt général, et pour assurer le succès de cette prétention, ils se sont emparés de toute la puissance sociale. Et nous ! ô faiblesse des hommes! nous qui prétendons les ramener aux principes de l'égalité et de la justice, c'est encore sur ces absurdes et cruels pré jugés que nous cherchons, sans nous en apercevoir, à élever notre constitution?
Mais quel est donc après tout ce rare mérite de payer un mare d'argent ou telle autre imposition à laquelle vous attachez de si hautes prérogatives? Si vous portez au trésor public une contribution plus considérable que la mienne, n'est-ce pas par la raison que la société vous a procuré de plus grands avantages pécuniaires? El, si nous voulons presser cette idée, quelle est la source de cette immense inégalité des fortunes qui rassemble toutes le» richesses en un petit nombre de mains? Ne sont-ce pas les mauvaises lois, les mauvais gouvernements, enfin tous les vices des sociétés corrompues. Or, pourquoi faut-if que ceux qui sont les victime» de ces abus, soient encore punis de leur malheur par la perte de la dignité de citoyens? Je ne vous envié point le partage avantageux que vous avez reçu, puisque cette inégalité est un mal nécessaire ou incurable; mais ne m'enlevez pas les biens imprescriptibles qu'aucune loi humaine ne peut me ravir. Permettez même que je puisse être quelquefois fier d'une honorable pauvreté, et ne cherchez point à m'humilier, par l'orgueilleuse prétention de vous réserver la qualité de souverain et de ne me laisser que celle de sujet.
Mais le peuple!... mais la corruption L.. Ah ! cessez,cessez de profaner ce nom touchant et sacré du peuple, en le liant à l'idée de la corruption. Quel est celui qui, parmi les hommes égaux en droits, ose déclarer ses semblables indignes d'exercer les leurs, pour les en dépouiller à son profit? Et certes si vous vous permettez de fonder une pareille condamnation sur des présomptions
de corruptibilité, quel terrible pouvoir vous vous arrogez sur l'humanité ! Où sera le terme de vos proscriptions l
Mais est-ce bien sur ceux qui ne paient point le marc d'argent qu'elles doivent tomber, ou sur ceux qui paient beaucoup au delà? Oui, en dépit de toute votre prévention en faveur des vertus que donne la richesse, j'ose croire que vous en trouverez autant dans la classe des citoyens les moins aisés que dans celle des plus opulents. Croyez-vous de bonne foi qu'une vie dure et laborieuse enfante plus de vices que la mollesse, le luxe et l'ambition? Et avez-vous moins de confiance dans la probité de nos artisans et de nos laboureurs, qui, suivant votre tarif, ne seront presque jamais citoyens actifs, que dans celle des traitants, des courtisans, de ceux que vous appeliez grands seigneurs» qui, d'après le même tarif, le seraient six cents fois 1 Je veux venger une fois ceux que vous nommez le peuple de ces calomnies sacrilèges.
Etes-vous donc faits pour l'apprécier, et pour connaître les hommes, vous qui, depuis que votre raison s'est développée, ne les avez jugés que d'après les idées absurdes du despotisme et de l'orgueil féodal ; vous qui accoutumés au jargon bizarre qu'il a inventé, avez trouvé simple de dégrader la plus grande partie du genre humain, par les mots de canaille, dù populace; vous, qui avez révélé au monde qu'il existait des gens sans naissance, comme si tous les hommes qui vivent n'étaient pas nés; de s gens de rien, qui étaient des hommes de mérite ; et d'honnêtes gens, des gens comme il faut, qui étaient les plus vils et les plus corrompus de tous les hommes ? Ah ! sans doute, on peut vous permettre de ne pas rendre au peuple toute la justice qui lui est due. Pour moi, j'atteste tous ceux que l'instinct d'une âme noble et sensible a rapprochés de lui et rendus dignes de connaître et d'aimer l'égalité, qu'en général il n'y a rien d'aussi juste ni d'aussi boni que le peuple, toutes les fois qu'il n'est point irrité par l'excès de l'oppression; qu'il est reconnaissant des plus faibles égards qu'on lui témoigne, du moindre bien qu'on lui fait, du mal même qu'on ne lui fait pas; que c'est chez lui qu'on trouve, sous des dehors que nous appelons grossiers, des âmes franches et droites, un bon sens et une énergie que I'od chercherait longtemps en vain dans la classe qui le dédaigne, Le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité; les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont l'ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple; l'intérêt du peuple est l'intérêt général, celui des riches est l'intérêt particulier, et vous voulez rendre le peuple nul et les riches puissants.
M'opposera-t-on encore ces inculpations éternelles dont on n'a cessé de le charger depuis l'époque où il a secoué le joug des despotes jusqu'à ce moment, comme si le peuple entier pouvait être accusé de quelques actes de vengeance locaux et particuliers exercés au commencement d'une révolution inespérée, où respirant enfin d'une si longue oppression, il était dans un état de guerre avec tous ses tyrans? Que dis-je ! quel temps a donc jamais fourni des preuves plus éclatantes de sa bonté naturelle, que celui où, armé d'une force irrésistible, il s'est tout à coup arrêté lui-même pour rentrer dans le calme, à la voix de ses représentants? 0 vous, qui vous montrez si inexorables pour l'humanité souffrante, et si indulgents pour ses oppresseurs, ouvrez l'histoire,
jetez les yeux autour de vous, comptez les crimes des tyrans, et jugez entre eux et le peuple !
Que dis-je I aux efforts même qu'ont faits les ennemis de la révolution pour la calomnier auprès de lui, pour vous suggérer des mesures propres à étouffer sa voix ou à abattre son énergie, ou à égarer son patriotisme, pour prolonger l'ignorance de ses droits, en lui cachant vos décrets, à la patience inaltérable, avec laquelle il a supporté sous tes maux et attendu un ordre de choses plus heureux, comprenons que le peuple est le seul appui de la liberté. Eh ! qui pourrait donc supporter l'idée de le voir dépouillé de ses droits, par la révolution même qui est due à son courage, au tendre et généreux attachement avec lequel il a défendu ses réprésentants 1 Est-ce aux riches, est-ce aux grands que vous devez cette glorieuse insurrection qui a sauvé la France et vous ? Ces soldats qui ont déposé leurs armes aux pieds de la patrie alarmée, n'étaient-ils pas du peuple? Ceux qui les conduisaient contre vous, à quelles classes appartenaient-ils?... Etait-ce donc pour vous aider à défendre ses droits et sa dignité qu'il combattait alors, ou pour vous assurer le pouvoir de les anéantir? Est-ce pour retomber sous le joug de l'aristocratie des riches qu'il a brisé avec vous le joug 4e l'aristocratie féodale?
Jusqu'ici je me suis prêté au langage de ceux qui semblent vouloir désigner par le mot peuple une classe d'hommes séparée, à laquelle ils attachent une certaine idée d'infériorité et de mépris. Il est temps de s'exprimer avec plus de précision, en rappelant que le système que nous combattons proscrit les neuf dixièmes de la nation, qu'il eiface même de la liste de ceux qu'il appelle citoyens actifs une multitude innombrable d'hommes que les préjugés même de l'orgueil avaient respectés, distingués par leur éducation, par leur industrie, et par leur fortune même.
Telle est en effet la nature de cette institution, qu'elle porte sur les plus absurdes contradictions, et que, prenant la richesse pour mesure des droits du citoyen, elle s'écarte de cette règle même en les attachant à ce qu'on appelle impositions directes, quoiqu'il soit évident qu'un homme, qui paie des impositions indirectes considérables, peut jouir d'une plus grande fortune que celui qui n'est soumis qu'à une imposition directe modérée. Mais comment a-t-on pu imaginer de faire dépendre les droits sacrés des hommes de la mobilité des systèmes de finances, des variations, des bigarrures que le nôtre présente dans les différentes parties du même Etat? Quel système que celui où un homme, qui est citoyen sur tel point du territoire français, cesse de l'être, ou en tout ou en partie, s'il passe sur tel autre point ; où celui qui l'est aujourd'hui ne le sera plus demain, si sa fortune éprouve un revers 1
Quel système que celui où l'honnête homme dépouillé par un injuste oppresseur, retombe dans la classe des ilotes, tandis que l'autre s'élève par son crime même au rang des citoyens ; ou un père voit croître, avec le nombre de ses enfants, la certitude qu'il ne leur laissera point ce titre avec la faible portion de son patrimoine divisé ; où tous les fils de famille dans la moitié de l'empire, ne peuvent trouver une patrie qu'au moment où ils n'auront plus de pèrel... Enfin, à quoi tient cette superbe prérogative de membre du souverain, si le répartiteur des contributions publiques est maître de me la ravir, en diminuant d'un sou ma cotisation ; si elle est sou-
mise à la fois et aux caprices des hommes et à l'inconstance de la fortune?
Mais fixez surtout votre attention sur les funestes inconvénients qu'il doit nécessairement entraîner ; quelles armes puissantesjne va-t-il pas donner à l'intrigue 1 Combien de prétextes au despotisme et à l'aristocratie, pour écarter des assemblées publiques les hommes les plus nécessaires à la défense de la liberté, et livrer la destinée del'Ktat à la merci d'un certain nombre de riches et d'ambitieux! Déjà une prompte expérience nous a révélé tous les dangers de cet abus. Quel ami de la liberté et-de l'humanité n'a pas gémi de voir, dans les premières assemblées d'élection, formées sous les auspices de la constitution nouvelle, la représentation nationale réduite, pour ainsi dire, à une poignée d'individus? Quel spectable déplorable que celui que nous ont donné ces villes, ces contrées où des citoyens disputaient aux citoyens le pouvoir d'exercer des droits communs à tous; où des officiers municipaux, où les représentants du peuple, par des taxes arbitraires et exagérées des journées d'ouvriers, semblaient mettre au plus haut prix possible la qualité de citoyen actif? Puissions-nous ne pas bientôt ressentir les funestes effets de ces attentats contre les droits du peuple ? Mais c'est à vous seuls qu'il appartient de les prévenir. Ces précautions même que vous avez voulu prendre pour adoucir la rigueur des décrets dont ]e parle, soit en réduisant à 20 sols le plus haut prix des journées d'ouvriers, soit en admettant plusieurs exceptions ; tous ces palliatifs impuissants prouvent au moins que vous avez vous-même senti la grandeur du mal que votre sagesse est destinée à extirper entièrement. Et qu'importe, en effet, que 20 ou 30 sols soient les éléments des calculs qui décident de mon existence politique? Ceux qui n'atteignent qu'à 19 n'ont-ils pas les mêmes droits? et les principes éternels de la justice et de la raison, sur lesquels ces droits sont fondés, peuvent-ils se plier aux règles d'un tarif variable et arbitraire? Mais voyez, je vous prie, à quelles bizarres conséquences entraîme une grande erreur en ce genre. Forcés par les premières notions de l'équité à chercher les moyens de la pallier, vous avez accordé aux militaires, après un certain temps de service, les droits de citoyens actifs comme une récompense. Vous les avez accordés comme une distinction aux ministres du culte, lorsqu'ils ne peuvent remplir les conditions pécuniaires exigées par vos décrets; vous les accorderez encore, dans des cas analogues, par de semblables motifs. Or, toutes ces dispositions si équitables par leur objet sont autant d'inconséquences et d'infractions des premiers principes constitutionnels. Comment, en effet, vous qui avez supprimé tous les privilèges, comment avez-vous pu ériger en privilèges pour certaines personnes, et pour certaines professions, l'exercice des droits du citoyen ? Comment avez-vous pu changer en récompense un bien qui appartient essentiellement à tous ? D'ailleurs, si les ecclésiastiques et les militaires ne sont pas les seuls qui méritent bien de la patrie, la même raison ne doit-elle pas vous forcer à étendre la même faveur aux autres professions? Et si vous la réservez au mérite, comment en avez-vous pu faire l'apanage de la fortune; ce n'est pas tout : vous avez fait, de la privation des droits de citoyen actif, la peine du crime, et du plus grand de tous les crimes, celui de lèse-nation. Cette peine vous a paru si grande que vous en avez limité la durée, que vous avez laissé les
coupables maîtres de la terminer eux-mêmes, par le premier acte de citoyen qu'il leur plairait de faire.... Et cette même privation, vous l'avez infligée à tous les citoyens qui ne sont pas assez riches pour suffire à telle quotité, à telle nature de contribution; de manière que, par la combinaison de ces décrets, ceux qui ont conspiré contre le salut et contre la liberté de la nation, et les meilleurs citoyens, les défenseurs de la liberté, que la fortune n'aura point favorisés, ou qui auront repoussé la fortune pour servir la patrie, sont confondus dans la même classe. Je me trompe, c'est en faveur des premiers que votre prédilection se déclare ; car dès le moment où ils voudront bien consentir à faire la paix avec la nation, et à accepter le bienfait de la liberté, ils peuvent rentrer dans la plénitude des droits du citoyen ; au lieu que les autres en sont privés indéfiniment, et ne peuvent les recouvrir que sous une condition qui n'est point en leur pouvoir. Juste ciel ! le génie et la vertu mis plus bas que la fortune et Je crime par lé législateur!
Que ne vit-il encore, avons-nous dit quelquefois, en rapprochant l'idée de cette grande révolution de celle d'un grand homme qui a contribué à la préparer ! Que ne vit-il encore ce philosophe sensible et éloquent, dont les écrits ont développé parmi nous ces principes de morale publique qui nous ont rendus dignes de concevoir le dessein de régénérer notre patrie 1 Eh bien ! s'il vivait encore, que verrait-il? les droits sacrés de l'homme qu'il a défendus violés par la constitution naissante et son nom effacé de la liste des citoyens 1 Que diraient aussi tous ces grands hommes qui gouvernèrent les peuples les plus libres et les plus vertueux de la terre, mais qui ne laissèrent pas de quoi fournir aux frais de leurs funérailles et dont les familles étaient nourries aux dépens de l'Etat ; que diraient-ils, si revivants parmi nous, ils pouvaient voir s'élever cette constitution naissante? Aristide ! la Grèce t'a surnommé le juste, t'a fait l'arbitre de sa destinée : la France régénérée ne verrait en toi qu'un homme de rien, qui ne paie point un marc d'argent ! Ën vain la confiance du peuple t'appellerait à défendre ses droits, il n'est point de municipalité qui ne te repoussât de son sein. Tu aurais vingt fois sauvé la patrie que tu neserais point encore citoyen actif ni éligible......àmoins que ta grande âme ne consentît à vaincre les rigueurs de la fortune aux dépens de la liberté on de quelqu'une de tes vertus.
Ces héros n'ignoraient pas, et nous répétons quelquefois nous-mêmes, que la liberté ne peut-être solidement fondée que sur les mœurs. Or, quelles mœurs peut avoir un peuple chez qui les lois semblent s'appliquer à donner à la soif des richesses la plus furieuse activité ? et quel moyen plus sûr les lois peuvent-elles prendre pour irriter cette passion, que de flétrir l'honorable pauvreté et de réserver pour la richesse tous les honneurs et toute la puissance? Adopter une pareille institution, qu'est-ce autre chose que forcer l'ambition même la plus noble, celle qui cherche la gloire en servant la patrie, à se réfugier dans le sein de la cupidité et de l'intrigue et faire de la constitution même la corruptrice de la vertu? Que signitie donc ce tableau civique que vous affichez avec tant de soin? Il étale à mes yeux, avec exactitude, tous les noms de vils personnages que le despotisme a engraissés de la substance du peuple ; mais j'y cherche en vain celui d'un honnête homme indigent. II donne aux citoyens cette
étonnante leçon : « soit riche, à quelque prix que ce soit, ou tu ne seras rien. »
Comment, après cela, pourriez-vous vous flatter de faire renaître parmi nous cet esprit public, auquel est attachée la régénération de la France, lorsque,rendant la plus grande partie des citoyens étrangers aux soins de la chose publique, vous la condamnez à concentrer toutes ses pensées et toutes ses affections dans les objets de son intérêt personnel et de se3 plaisirs; c'est-à-dire quand, vous élevez l'égoïsme et la frivolité sur les ruines des talents utiles et des vertus généreuses, qui sont les seules gardiennes de la liberté. 11 n'y aura jamais de constitution durable dans tout pays où elle sera, en quelque sorte, le domaine d'une classe d'hommes, et n'offrira aux autres qu'un objet indifférent, ou un sujet de jalousie et d'humiliation.
Qu'elle soit attaquée par des ennemis adroits et puissants, il faut qu'elle succombe tôt ou tard. Déjà, Messieurs, il est facile de prévoir toutes les conséquences fatales qu'entraîneraient les dispositions dont je parle, si elles pouvaient subsister. Bientôt vous verrez vos assemblées primaires et électives désertes, non seulement parce que ces mêmes décrets en interdisent l'accès au plus grand nombre des citoyens, mais encore parce que la plupart de ceux qu'ils appellent, tels que les gens à trois journées, réduits à la faculté a'é-lire sans pouvoir être eux-mêmes nommés aux emplois que donne la confiance des citoyens, ne s'empresseront pas d'abandonner leurs affaires et leurs familles, pour fréquenter des assemblées où ils ne peuvent porter ni les mêmes espérances, ni les mêmes droits que les citoyens plus aisés ; à moins que plusieursd entr'eux ne s'y rendent pour vendre leur suffrages. Elles resteront abandonnées à un petit nombre d'intrigants qui^se partageront toutes les magistratures, et donneront a la France des juges, des administrateurs, des législateurs. Des législateurs réduits à 750 pour un si vaste empire, qui délibéreront, environ nés de l'influence d'une cour armée de forces publiques, du pouvoir de disposer d'une multitude de grâces et d'emplois, et d'une liste civile qui peut être évaluée au moins à 35 millions I Voyez-la, cette cour, déployant ses immenses ressources dans chaque assemblée, secondée par tous ces aristocrates déguisés, qui, sous le masque du civisme, cherchent à capter les suffrages d'une nation encore idolâtre, trop frivole, trop peu instruite de ses droits pour connaître ses ennemis, ses intérêts et sa dignité; voyez-la essayer ensuite son fatal ascendant sur ceux des membres du Corps législatif qui ne seront point arrivés corrompus d'avance et voués à ses intérêts; voyez-la se jouer des destins de la France, avec une facilité qui n'étonnera pas ceux qui depuis quelque temps suivent les progrès de son esprit dangereux et de ses funestes intrigues; et préparez-vous à voir insensiblement le despotisme tout avilir, tout dépraver, tout engloutir; ou bien hâtez-vous de rendre au peuple tous ses droits et à l'esprit public toute la liberté dont il a besoin pour s'étendre et pour se fortifier.
Je finis ici cette discussion, peut-être même au-rais-je pu m'en dispenser; peut-être aurais-je dû examiner, avant tout, si ces dispositions que j'attaquais existent en effet; si elles sont de véritables lois. Pourquoi craindrais-je de présenter la vérité aux représentants du peuple ? pourquoi ou-blierais-je que défendre devant eux la cause sacrée des hommes, et la souveraineté inviolable des nations, avec toute la franchise qu'elle exige, c'est à la fois flatter le plus doux de leurs sentiments
et rendre le plus noble hommage à leurs vertus ? D'ailleurs l'univers ne fait-il pas que votre véritable vœu, que votre véritable décret même est la prompte révocation des dispositions dont je parle et que c'est en effet l'opinion de la majorité de l'Assemblée nationale que je défends, en les combattant. Je le déclare donc : de semblables décrets n'ont pas même besoin d'être révoqués expressément ; ils sont essentiellement nuls, parce qu'aucune puissance humaine, pas même la vôtre, n'était compétente pour les porter. Le pouvoir des représentants, des mandataires d'un peuple, est nécessairement déterminé par la nature et par l'objet de leur mandat. Or, quel est votre mandat? de faire des lois pour rétablir et pour cimenter les droits de vos commettants. Il ne vous est donc pas possible de les dépouiller de ces mêmes droits. Faites-y bien attention : ceux qui vous ont choisis, ceux par qui vous existez, n'étaient pas des contribuables au marc d'argent, à trois, à dix journées d'impositions directes: c'étaient tous les Français, c'est-à-dire tous hommes nés et domiciliés en France, ou naturalisés, payant une imposition quelconque.
Le despotisme lui-même n'avait pas osé imposer d'autres conditions aux citoyens qu'il convoquait (l): comment donc pourriez-vous dépouiller une partie de ces hommes-là, à plus forte raison la plus grande partie d'entr'eux, de ces mêmes droits politiques qu'ils ont exercés en vous envoyant à cette Assemblée, et dont ils vous ont confié la garde ? Vous ne le pouvez pas sans détruire vous-mêmes votre pouvoir, puisque votre pouvoir n'est que celui de vos commettans. En portant de pareils décrets, vous n'agiriez pas comme représentants de la nation: vous agiriez directement contre ce litre : vous ne feriez point des 1» 13, vous frapperiez l'autorité législative dans son principe. Les peuples mêmes ne pourraient jamais ni les autoriser, ni les adopter, parce qu'ils ne peuvent jamais renoncer, ni à l'égalité, ni à la liberté, ni à leur existence comme peuples, ni aux droits inaliénables de l'homme. Aussi, Messieurs, quand vous avez formé ia résolution déjà bien connue de les révoquer, c'est moins parce que vous en avez reconnu la nécessité, que pour donner à tous les dépositaires de l'autorité publique un grand exemple du respect qu'ils doivent aux peuples, pour couronner tant de lois salutaires, tant de sacrifices généreux, par le magnanime désaveu d'une surprise passagère, qui ne changea jamais rien ni à vos principes, ni à votre volonté constante et courageuse pour le bonheur des hommes.
Que signifie donc l'éternelle objection de ceux qui vous disent qu'il ne vous est permis, dans aucun cas, de changer vos propres décrets ? Gomment a-t-on pu l'aire céder à cette prétendue maxime cette règle inviolable, que le salut du peuple et le bonheur des hommes sont toujours la loi suprême, et imposer aux fondateurs de la constitution française, celle de détruire leur propre ouvrage, et d'arrêter les glorieuses destinées de la nation et de l'humanité entière, plutôt que de réparer une erreur dont ils connaissent tous les dangers? Il n'appartient qu'à l'être es-sentiellementinfaillible d'être immuable: changer est non seulement un droit, mais un devoir pour toute volonté humaine qui a failli. Les hommes qui décident du sort des autres hommes sont
moins que personne exempts de cette obligation commune. Mais tel est le malheur d'un peuple qui passe rapidement de la servitude à la liberté, qu'il transporte, sans s'en apercevoir, au nouvel ordre de chose, les préjugés de l'ancien dont il n'a pas encore eu le temps de se défaire; et il est certain que ce système de l'irrévocabilité absolue des décisions du Corps législatif n'est autre chose qu'une idée empruntée du despotisme. L'autorité ne peut reculer sans se compromettre, disait-il, quoiqu'en effet il ait été forcé quelquefois à reculer. Cette maxime était bonne en effet pour le despotisme, dont la puissance oppressive ne pouvait se soutenir que par l'illusion et par la terreur ; mais l'autorité tuté-laire des représentants de la nation, fondée à la fois sur l'intérêt général et sur la force de la nation même, peut réparer une erreur funeste, sans courir d'autre risque que de réveiller les sentiments de la confiance et de l'admiration qui l'environnent ; elle ne peut se compromettre que par une persévérance invincible dans des mesures contraires à la liberté, et réprouvées par l'opinion publique. Il est cependant quelques décrets que vous ne pouvez point abroger, ce sont ceux qui renferment la déclaration des droits de l'homme, parce que ce n'est point vous qui avez fait ces lois, vous les avez promulguées. Ge sont ces décrets immuables du législateur éternel déposés dans la raison et dans le cœur de tous les hommes avant que vous les eussiez inscrits dans votre code, que je réclame contre les dispositions qui les blessent et qui doivent disparaître devant eux. Vous avez ici à choisir entre les uns et les autres, et votre choix ne peut être incertain, d'après vos propres principes. Je propose donc à l'Assemblée nationale le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, pénétrée d'un respect religieux pour les droits des hommes, dont le maintien doit être l'objet de toutes les institutions politiques ;
« Convaincue qu'une institution faite pour assurer la liberté du peuple français et pour influer sur celle du monde, doit être surtout établie sur ce principe;
« Déclare que tous les Français, c'est-à-dire tous les hommes nés et domiciliés en France, ou naturalisés, doivent jouir de la plénitude et de l'égalité des droits du citoyen et sont admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. »
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
se récrie contre une clause du décret relatif au département d'Alençon. Il prétend que l'Assemblée n'a point décrété cette formule : sauf le droit des autres villes aux établissements qui seront fixés par la Constitution, si elles y ont droit.
défend cette clause : il fait valoir que dans la circonstance actuelle, le comité, persuadé qu'il entre dans les vues de l'Assemblée, a cru et croit encore que, pour adoucir les inquiétudes des villes qui perdent à la révolution, et faire régner l'unité et l'harmonie dans toutes les parties de l'empire français, on doit laisser à ces villes l'espoir des autres établissements que le nouvel ordre de choses sera appelé à créer.
prend le vœu de l'Assemblée, qui décide que le procès-verbal ne sera pas changé.
annonce la demande formée par le sieur Hennequin, qui, étant employé depuis cinq mois dans le comité de constitution, pour ce qui concerne les cartes topographiques, désirait s'honorer du titre de Topographe de l'Assemblée Nationale. M. Hennequin est autorisé à prendre ce titre, d'après le vœu écrit du comité de constitution.
demande à l'Assemblée la permission de s'absenter quelques jours pour des affaires urgentes ; l'Assemblée le lui permet.
, membre du comité militaire, représente que le rapport de M. le marquis de Bouthillier, au nom de ce comité, n'a pu être encore imprimé à cause des états annexés et des calculs au soutien; il demande à faire le lendemain, à une heure, un nouveau rapport sur quelques points constitutionnels de l'armée, sur diverses questions qui intéressent les milices nationales et les troupes de ligne, ainsi que sur l'avancement dans l'armée.
L'Assemblée accorde la parole au comité m li-taire, pour la séance du lendemain à une heure.
annonce qu'il présente à la sanction du Roi le décret concernant les décimes, et celui qui établit le comité de liquidation de l'arriéré de la dette; le Roi a répondu qu'il les prendrait en considération. j&M. le garde des sceaux envoie ensuite des expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives : 1° des lettres-patentes sur le décret portant que l'île de Corse fait partie de l'empire français; 2° des lettres-patentes sur deux autres décrets qui affranchissent de la formalité du contrôlé et des droits du timbre tous les actes relatifs à la constitution des municipalités et autres corps administratifs, et qui déterminent l'état des villes et communautés mi-partie entre différentes provinces.
rappelle qu'il a été décrété dernièrement qu'il serait établi un comité de quatre membres chargé de rédiger un règlement de police pour l'Assemblée. Il réclame l'exécution de ce décret.
propose de renvoyer cette rédaction au comité de constitution.
observe que certains bureaux ont déjà procédé à la nomination de ces commissaires.
invite les autres bureaux à procéder au plus tôt à la même nomination.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, rapporteur, expose les difficultés qui se sont élevées entre le Forez et le Vivarais, ainsi qu'entre le Vivarais et le Vélay.
, député de Vélay, dit que le département du Vélay n'a pas la contenance déterminée par les principes de l'Assemblée nationale ; que les trois paroisses, qui forment l'objet de la difficulté entre le Vélay et le Forez, ne sont qu'à deux lieues du centre d'un des districts du Vélay et à six ou sept lieues du centre du département, tandis qu'elles sont à sept lieues du centre du district du Lyonnais, le plus voisin, et à quinze lieues du chef-lieu de ce département; il soutient que le pays qui fait l'objet du litige doit rester au Vélay, d'après le vœu manifesté par les paroisses en contestation.
fait observer qu'il est convenable de suivre le vœu des administrés ; il appuie cet avis par la considération que les cantons dont on veut contrarier les désirs sont soumis à une juridiction qui diffère beaucoup de celle que l'on suit dans le pays qui réclame.
met aux voix le projet de décret du comité de constitution qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution : 1° que la ligne de démarcation entre le département du Vélay et celui de Lyon, laissera dans le premier toutes ies paroisses au sud d'une ligne qui embrasse Saint-Pol-de-Chalençon et Saint-Just-en-Vélay, le tout conformément au tracé déposé au comité de constitution, et signé par l'un des membres de ce comité, en observant que le Vélay conserva tout ce qui lui appartenait précédemment ;
« 2* Que les limites entre le Vélay et le Vivarais restant telles qu'elles existent dans les parties non contestées, la démarcation dans les points litigieux sera telle que les paroisses de Coucou-ron, la Vilate et Lesperon, et toutes celles à l'ouest de ces premières, appartiendront au département du Vélay, le tout conformément au tracé signé par «n membre du comité de constitution ; et que les paroisses de Chanderolles, Fay-le-Froîd et les Vastres, qui réclament et demandent formellement leur adjonction au département du Vélay, y seront aussi réunies ; sauf dans ce dernier cas à laisser au département du Vivarais celles de Lesperon, Coucouron et la Vilate. »
« 3° Que les paroisses de Colombier-le-Jeune, Rochebloine, Palharès et Rozières, enclavées dans le Vivarais, et dépendantes du Forez, seront réunies au département du Vivarais. »
poursuit son rapport et passe au département de Picardie.
La division du département d'Amiens en districts a occasionné des réclamations de la part des villes de Roye, Doullens, Nesle et Ham ; ces vilies se plaignaient de ce que la division avait été réduite à quatre districts; elles allèguent que le département contient trois cent vingt-cinq lieues;
pas comparable ment qui séparerait les administrés des administrants. , .
Les députés d'Amiens répondent que la division a été déterminée par la situation des villes qui pouvaient être centres de districts; que d'ail-
leurs cette division a été faite à l'unanimité des suffrages des députés de la province,
Le comité croit que ie nombre de six districts est trop'fort, et qu'une division en cinq serait préférable ; mais que la députation de la province a voté presque à l'unanimité pour la division en quatre districts.
dit que les députés n'ont consulté que l'intérêt général de la province, qu'il y a eu unanimité, c'est-à-dire à la seule exception du député de Roye.
, parlant pour JDoullens, dit que les adhésions ou délibérations de plusieurs communes ont été surprises la nuit.
parle pour Roye; il dit que, pour effrayer les habitants des campagnes, ou fait valoir la considération des frais qu'occasionnerait ie grand nombre de districts, et qu'on a envoyé les invitations par la maréchaussée.
L'avis du comité obtient la priorité, et ensuite la préférence sur l'avis de la province, et le décret qui suit est rendu :
« L Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que le département d'Amiens est divisé en cinq districts, dont le3 chefs-lieux sont les villes d'Amiens, Abbeville, Péronne, Doulens, Mondidier et Roye réunies, qui partageront entr'elles les établissements du district, s'il y a lieu. »
dit ensuite que le comité de constitution propose de diviser le département du Soissonnais en huit districts, mais que la province n'en réclame que six et que de grandes contestations ont surgi entre les députés intéressés pour savoir si le chef-lieu du département serait lixé à Laon ou à Soissons.
représente que la ville de Soissons doit avoir la préférence; que les pertes qu'elle a faites dé l'intendance, du bureau des finances et autres établissements, sont incalculables.
oppose l'exemple dé "Ville-franche en Rouergue à laquelle on a substitué la ville de Rodez et demande que le chef-lieu du département soit fixé à Laon.
demande, pour mettre tout le monde d'accord, que la première assemblée soit tenue dans une ville neutre et qu'on laisse aux électeurs le soin de déterminer laquelle des deux villes, de Laon ou de Soissons, sera le chef-lieu du département.
Cet avis est adopté ainsi que celui de la province pour la division en six districts et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète : 1° que le département de Soissons et de Laon est divisé en six districts, dont les chefs-lieux seront incessamment décrétés; 1° que la première assemblée des électeurs se tiendra, à Ghauny, et que là les électeurs assemblés détermineront, seulement à la pluralité des suffrages, laquelle des deux villes, de Laon ou de Soissons, sera le chef-lieu de département. »
propose, pour le département du Blaisois, un décret qui est adopté sans contestation, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale déerète, d'après l'avis du comité de constitution, que le département du Blaisois, dont Blois est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Blois, Vendôme, Romorantin, Mondoubleau, Mer, Saint-Aignan et Montrichard réunis, de manière que l'administration soit établie à Saint-Aignan, le tribunal à Montrichard. »
poursuit et dit que quelques difficultés s'étaient élevées entre les députés du Nivernais pour la division de ee département, mais qu'elles sont aplanies. En conséquence, il propose le décret suivant qui est adopté :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que le département du Nivernais, dont Nevers est le chef-lieu, est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont Ne-vers, Saint-Pierre-le-Moutier, Décize, Moulins-Engilbert, Château-Chinon, Gorbigny, Clamecy, Cosneet la Charité. »
fait le rapport de ta division de la Touraioe en districts.
demande l'ajournement au lendemain pour donner à quelques réclamations qui lui sont annoncées* le temps de se produire.
L'ajournement est refusé et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrête, d'après l'avis du comité de constitution : 1° que le département de Touraine, dont Tours est le chef-lieu, est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Tours, Amboise, Château-Renaud, Loehes, Chi-non, Preuillv et Langeais ; que Bourgueil est le chef-lieu de ta juridiction de ce dernier district ; sauf, en faveur de la ville de Richelieu, d'être siège de l'un des établissements qui seront fixés par la constitution, si l'Assemblee nationale le juge convenable ; »
« 2° Que les paroisses de Saint-Jean et de Saint-Laurent, formant la ville de Langeais, qui ont eu jusqu'à ce jour deux municipalités, n'en formeront plus qu'une à l'avenir. »
présente ensuite l'avis du comité de constitution pour le département du Périgord. Il ne soulève pas d'objections et le décret est rendu ainsi qu'il suit ;
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution': 1° que le département du Périgord, dont Périgueux est le chef-lieu, est divisé en neuf districts, dout les chefs-lieux sont Périgueux, Sarlat, Bergerac, Nontron, Excideuil, Montignac, Ribérac, Belvez, Monpon ou Mucidan ;
« Que le tribunal du district de Belvez sera fixé à Montpazier;
» 3° Que les électeurs décideront, entre Monpon et Mucidan, laquelle de ces deux villes sera le chef-lieu de l'administration ou du tribunal de district, de manière que chacune d'elles n'ait que l'un ou l'autre des établissements;
» 4° Qne la première assemblée du département se tiendra à Périgueux, et que, provisoirement, en conformité de l'arrêté des députés du département, il alternera entre Sarlat et Bergerac. »
fait un dernier rapport, concernant la partie occidentale du Poitou. D'après l'avis du comité, 1e décret suivant est rendu : j « L'Assemblée nationale décrête, d'après l'avis
du comité de constitution, que le département occidental du Poitou, dont Fontenay est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Fontenay-le-Gomte, la Châteigneraye, Montaigu, Ghalans, les Sables-d'Olonne et la Roche-sur-Yon, sauf, en faveur de la ville de Pouzauges, d'être le siège de la juridiction du district de la Châteigneraye, si les électeurs jugent qu'il soit utile de l'y placer. »
demande à faire une motion. Il expose que l'Assemblée a décrété qu'il ne pourrait être objecté, pour les citoyens actifs, d'autres motifs d'exclusion que ceux portés par les décrets ; il annonce que dans ce moment, ou toute la France est assemblée pour nommer des municipalités, on objecte, dans bien des endroits, aux religieux, leur état, pour les exclure des assem-blées.L'orateur expose les raisons pour et contre : d'un côté l'incompatibilité apparente de leur état, de leur vœu, de leur vie, avec les fonctions publiques; de l'autre l'imposition directe qu'ils paient aujourd'hui. Après avoir développé ces arguments, il est d'avis que les religieux ne soient pas admis et soient privés des droits de citoyens actifs.
propose une exception en faveur des officiers des maisons religieuses.
demande l'ajournement et le renvoi de la motion au comité de constitution pour avoir son avis.
Cette proposition est adoptée.
demande une interprétation des décrets sur les municipalités, en faveur des habitants des campagnes et des artisans des villes qui, ne sachant pas signer leur nom, semblent ne pouvoir pas user de la voie du scrutin,
L'Assemblée renvoie cet objet à l'examen du comité de constitution.
propose de décider si les directeurs des fermes à sel et du tabac seraient exclus ou non des places municipales.
Cette question est également renvoyée au comité de constitution.
demande à faire une motion sur l'incompatibilité des fonctions de député avec des fonctions administratives et autres inhibitions.
lui donne la parole.
Dans une des séances du 7 de ce mois, M. le président fit lecture d'une lettre par laquelle M. Le Couteulx de Canteleu demandait l'agrément de l'Assemblée pour occuper la place de caissier de l'extraordinaire, qui lui avait été accordée par le Roi. L'Assemblée décida qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. M. Le Couteulx de Canteleu a délibéré pour son compte, et les papiers publics nous ont appris sa réception à cet emploi. Nous savons également, par l'opinion publique, que deux députés ont accepté des commissions: l'un, pour la fourniture des vivres et des fourrages de-l'armée ; l'autre, pour surveiller et inspecter le commerce de l'île de Corse.
Je suis bien éloigné de croire gu'aucun membre s'écarte d? cette austérité de principes que vous avez toujours déployée ; je ne veux pas penser que les ministres, distributeurs des emplois et des
grâces, cherchent en ce moment à gagner des suffrages; mais, dans une mission aussi importante et aussi délicate que celle de membre de l'Assemblée législative d'une grande nation, il faut être exempt non-seulement de blâme, mais encore de soupçon. Depuis quelques jours, trois de nos collègues se trouvent tes objets des faveurs du gouvernement. Ce nombre peut augmenter progressivement. Nos commettants, inquiets sur leurs propres intérêts, diront peut-être : Nos représentants ne s'occupent pas seulement de nos affaires, ils s'occupent encore de leurs arrangements personnels.....L'Assemblée des législateurs doit ohlenir la confiance générale : de cette confiance dépend le sort de la nation.
On dira peut-être que cette Assemblée, par sa nature, peut renfermer des hommes utiles aux opérations du gouvernement, et que ce serait un grand mal public que de les écarter de l'administration. Je me regarderai bien de faire une proposition qui pourrait mériter ce reproche; mais il est naturel qu'on n'accepte aucune place sans l'agrément de l'Assemblée, M. Le Couteulx de Canteleulx vous a consultés, il a interprêté votre décret. Il a pu se tromper ; mais il n'a pas eu l'intention de faire une démarche contraire aux vues de l'Assemblée. Je propose de rendre un décret dont voici le projet :
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucun membre, tant de l'Assemblée nationale actuelle, que des Assemblées nationales futures, ne pourra, pendant tout le temps qu'il sera revêtu du titre de député, accepter, de la part du gouvernement, soit directement par lui-même, soit indirectement par ses enfants, aucun bénéfice, don, pension, gratification, charge, place, emploi et autre faveur, si ce n'est que, par délibération expresse de l'Assemblée nationale, il eût été autorisé à l'accepter. »
J'ai rédigé une autre clause ; elle prononce un effet rétroactif. Vous jugerez si, dans vos principes, il vous eSt possible de l'accueillir ; elle est ainsi conçue :
L'Assemblée nationale ordonne que le présent décret sera exécuté à l'égard des bénéfices, dons, pensions, emplois, etc.,qui,depuis le 1er novembre dernier, auraient été donnés par le gouvernement à quelques représentants de la nation, et acceptés par eux sans le consentement de l'Assemblée. »
Si le préopinant se fût contenté d'établir un principe général, je n'aurais pas demandé la parole pour lui répondre ; mais il a fait des explications qui concernent un des mes collègues, et je ne puis garder le silence, ty. Naurissart a obtenu une place dans la direction des vivres de l'armée. Ses commettants en ont été instruits; ils lui ont fait écrire par la municipalitéde Limoges,qu'ils voyaient avec plaisir que le gouvernement honorait de sa confiance un homme auquel ils avaient donné la leur. Je défie qu'un député ait rempli plus exactement ses devoirs que M. Naurissart, actuellement absent, et qu'on cite une seule séance à laquelle il ait manqué ; il était donc inutile que le préopinant se permît deux assertions inexactes.
Je rappelle d'abord les faits qui ont accompagné et suivi ma nomination à la place de caissier de l'extraordinaire.
Je vous ai déclaré que, si vous prononciez l'incompatibilité, je ne balancerais pas à renoncer à tout autre titre, plutôt qu'à celui de votre collègue. En décidant qu'il n'y avait pas lieu à délibérer,
tous m'avez laissé la liberté d'acepter. J'ai envisagé qu'il se présentait une occasion de servir ma patrie. J'ai pensé à mes moyens personnels, à ceux que pouvait me fournir un nom qui depuis longtemps a mérité la confiance, et j'ai cru non-seulement pouvoir, mais devoir accepter. Je l'ai fait; j'ai prêté serment, et je ne puis maintenant renoncer à une place que j'ai promis de remplir, en usant de la liberté que vous m'avez accordée par votre décret.
La motion qui vous a été proposée ne peut être discutée comme objet de circonstances d'intérêt particulier. D'après vos principes, elle ne doit point avoir d'effet rétroactif, et je crois qu'il est de votre sagesse de la convertir en motion générale.
Le décret qu'on vous a proposé a deux parties très-distinctes: la seconde consiste à lui donner un effet rétroactif. Vous avez plusieurs fois annoncé votre vœu à ce sujet ; vous l'avez consacré dans la déclaration des droits, c'est le vœu de la raison, c'est celui de la justice : il repousse loin de vous la disposition qui vous est présentée. Je ne m'arrête pas d'avantage sur cet objet.
Quant à la première partie, c'est un point de droit public très intéressant, et que sans doute vous ne déciderez pas sans un mûr examen. Kn Angleterre, tout membre du pouvoir législatif
Ï>ourvu d'une place, laisse sa place vacante à 'instant de son élection.S'il est pourvu de quelque emploi pendant le temps delà session, il doit êtré réélu. Lorsque des électeurs ont choisi tel homme pour occuper tel poste,ils l'ont choisi dans la position où il était alors. Il est juste qu'il retourne à eux, qu'il leur dise : Vous m'avez donné votre confiance, lorsque mes intérêts étaient tels ; ils sont changés, voulez-vous me la rendre? Ce n'est pas l'Assemblée législative qui peut juger en ce cas.
La clause qui concerne les enfants est de toute injustice: je ne m'occuperai point à le prouver.
Je conclus que, sur la deuxième partie du décret, il n'y a pas lieu à délibérer, et que la première doit être envoyée au comité de constitution.
Vous avez décrété, le 3 novembre dernier, qu'aucun membre de l'Assemblée nationale ne pourra occuper des places dans le ministère. Vous n'avez pas voulu avoir des ministres, voulez-vous avoir des commis ? Quand nous allons régler les départements, un homme subordonné au ministre de tel ou tel département, pourra-t-il opiner avec nous ? Vous avez décrété la responsabilité des agents: il faudra juger ici l'agent responsable; il serait membre de cette Assemblée. Développons, raffermissons notre décret du 3 novembre. Les ennemis de 1a révolution sont prêts à calomnier nos intentions. Un député appartient à la France entière; il faut qu'il n y ait pas dans la France entière un individu qui puisse le soupçonner.
Votre décret ne peut avoir un effet rétroactif. Vous avez donné à un de vos membres une grande marque de confiance en le laisant libre d'accepter ou de refuser une faveur du souverain; laissons-lui encore cette liberté.
Nous ne devons accepter aucune grâce: rentrons dans nos provinces tels que nous en sommes sortis. (Des applaudissements réitérés partent de tous les coins de la salle.)
Vous avez, par un décret, défendu à tout député d'accepter des places dans le ministère ; vous n'avez pas laissé la liberté de choisir entre de nouvelles fonctions, et les fonctions honorables que la nation vous a confiées; votre décret est positif. De quoi s'agit-il aujourd'hui? de savoir si les membres de cette Assemblée peuvent accepter des commissions subordonnées et révocables à volonté. S'ils ne peuvent remplir des places dans le ministère, à plus forte raison ils ne peuvent accepter des missions données par les ministres. La conséquence est forcée : un député ne peut rester dans cette Assemblée s'il a accepté une commission.
Je professe les mêmes principes : je suis loin d'interpréter le décret que vous avez rendu le 7 de ce mois, en le considérant sous ses rapports avec le membre qui y a donné lieu. Il faut l'interpréter par vos propres décrets. En décrétant les conditions d'éligibilité, vous avez exclu les juges par incompatibilité ; vous avez craint l'espèce de crédit attaché à leurs fonctions ; vous avez redouté jusqu'à la vertu ; et après avoir porté ce décret rigoureux, vous pourriez balancer à vous opposer à ce que la liberté soit opprimée par la séduction ministérielle I Je stipule ici pour la liberté publique, pour l'honneur et l'intégrité de l'Assemblée nationale: il n'y a qu'un moyen d'assurer l'inviolabilité, c'est de mettre les députés le plus loin possible des recettes, des caisses et de la cour. (On applaudit de toutes parts avec transport.)
représente que la grande universalité des cahiers défend aux députés d'accepter du gouvernement des places, emplois, etc., et que, sur un pareil point, les cahiers peuvent être considérés comme l'expression du vœu général.
La situationoù je me trouve est sans doute fâcheuse, puisqu'il faut que je parle de moi. Je ue m'oppose point au décret qui est présenté ; j'aurais mauvaise grâce à le faire, étant un de ceux auxquels on a accordé des places. Le parti que je prendrai est fondé sur cette opinion: qu'on ne peut être législateur et subordonné....Il y a longtemps que, par des événements particuliers, j'ai l'Intention de borner mon travail dans cette Assemblée. Je déclare donc que, dans peu, je donnerai ma démission. Je crois être obligé de faire cette déclaration dès ce moment, afin que, quelle que soit la décision, on ne puisse m'ac-cuser de récrimination.
Il m'aurait été bien flatteur de porter vos décrets chez un peuple que vous rendez libre; mais en ce moment je me trouve trop heureux de vous témoigner à quel point j'applaudis au décret qu'on vous a proposé, et de tout sacrifier pour rester dans le sein de cette Assemblée. (L'Assemblée et les tribunes retentissent d'applaudissements.)
demande qu'on mentionne dans le procès-verbal et le fait et la manière dont il est accueilli.
Cette proposition est adoptée.
On attend M. de Biron en Corse; on le désire impatiemment: la nouvelle de sa nomination au gouvernement de cette île y a porté la joie. Tous, dans cette Assemblée, nous avons senti combien il était intéressant que ce fût par
lui que vos décrets fussent transmis à ma patrie. Au nom de mes compatriotes, je supplie l'Assemblée de nous donner M.de Biron.
On fait une nouvelle lecture de la proposition de M. Duport, qui obtient la priorité sur les autres rédactions présentées.
De nombreux amendements sont proposés.
Sur les observalions de MM. Démeunier, Martin, Glezen, Guillotin et Rewbell, on substitue les mots ne peut à ceux ne pourra.
Je propose de dire : « L'Assemblée déclare, conformément à l'esprit du décret du 7 novembre dernier, » (Adopté.)
Je demande qu'on prononce l'exclusion, même après la démission.
D'autres veulent étendre l'exclusion des places à deux ou trois années après la session.
disent que de pareilles dispositions détruiraient le principe de la liberté.
Peut-on empêcher de choisir dans cette Assemblée des officiers dignes de servir leur pays ? Un officier-général capable de sauver la patrie ne pourra-t-il donc sortir de cette Assemblée?
Je suppose que, dans une législature quelconque, un orateur ait entraîné par son éloquence l'Assemblée dans des délibérations favorables au ministère et utiles au gouvernement, que cet orateur en obtienne une place ou un traitement: s'il peut l'exercer ou l'obtenir en donnant sa démission, il faut convenir que votre décret n'empêchera pas qu'un dangereux orateur n'en reçoive sa récompense.
J'observe que le décret serait vague si l'on ne fixait pas un terme, tel que la lin de la session.
L'amendement est adopté ainsi : même en donnant sa démission.
Je demande le retranchement de l'exception proposée pour les places qui sont une suite de l'avaneement dans les différents services publics, comme superflue et contraire au droit naturel qu'a chaque individu à être avancé suivant ses services,
Cette exception est mise aux voix et retranchée du décret, qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, conformément à l'esprit de son décret du 7novembre dernier, déclare qu'aucun membre de l'Assemblée nationale actuelle ne peut accepter du gouvernement pendant la durée de cette session, aucune place, don, pension, traitement ou emploi, même en donnant sa démission. »
La séance est levée et indiquée à 6 heures du soir.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
ouvre la séance à 6 heures et fait donner lecture d'un grand nombre d'adresses d'adhésion, de respect et de reconnaissance, dont la teneur suit :
Adresse de la ville de Saint-Amant, la Cheire, en Auvergne, qui fait don à la patrie de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande d'être le chef-lieu d'un district.
Adresse de la communauté de Mirabeau en Provence, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, les alarmes des habitants sur le projet qu'on assure formé de les placer dans le district de Forcalquier, département de Digne, et le vœu de ces mêmes habitants pour que la ville royale de Pertuis soit érigés en chef-lieu de district relevant du département d'Aix.
Adresse du bourg de Sauzon à Belle-Ile-en-Mer en Bretagne, qui a arrêté de former une milice nationale, a l'instar de celles établies dans toutes les villes et bourgs du royaume; il proteste avec serment d'exécuter et faire strictement exécuter, même au péril de sa vie, les décrets de l'Assemblée nationale, que tout bon citoyen français doit respecter autant qu'il chérit sa liberté.
Adresse d'adnésion de la communauté de Cezens en Auvergne; elle fait le don patriotique des sommes imposées sur les ci-devant privilégiés.
Adresse des communautés du pays Briançon-nais, qui expriment avec la plus grande énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elles sont pénétrées pour l'Assemblée nationale ; elles demandent avec instance de former un district.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Ferrières en Gatinais, qui annonce (pie dans l'assemblée générale des habitants, du 18 de ce mois, qui a terminé les élections d'un maire, de cinq officiers municipaux, de douze notables et d'un procureur de la commune, il a été unanimement arrêté que le premier acte que ferait la nouvelle municipalité serait l'hommage de son respect envers les représentants de la nation, de la soumission la plus entière et de la plus parfaite adhésion à leurs décrets. « Daignez, disent-ils, Nosseigneurs, recevoir avec bonté le témoignage de notre profonde vénération, et l'assurance que nous ne démentirons jamais le serment sacré et solennel que nous avons prononcé, d'être à jamais fidèles à la nation, au Roi et à la loi, et de répandre jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour vous défendre contre tous ceux qui oseraient troubler vos précieux travaux. » Ils instruisent l'Assemblée que les déclarations pour la contribution patriotique s'élèvent déjà à la somme de 4,395 livres 17 sols.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la communauté de Saint-Piermont, Nouart et Vaux-en-Dieullet en Champagne ; elle réclame l'affranchissement d'une redevance annuelle, appelée sauvement, qu'elle paye à la ville de Sainte-Menehould.
Adresse des officiers, bas-officiers et chasseurs
Adresse d'adhésion et dévouement de la municipalité de Triel ; elle expose les alarmes du peuple sur la rareté et la cherté des grains.
Adresse de la ville d'Evreux, qui, dans un moment où les ennemis de la patrie inondent les provinces de libelles incendiaires pour soulever les peuples aigris de longue main par le sentiment de leurs maux, et détruire cette précieuse harmonie que la confiance a établie entre le peuple et ses représentants, s'empresse de donner à l'Assemblée nationale un nouveau gage de sa fidélité et du patriotisme qui l'anime, en lui renouvelant de la manière la plus solennelle l'assurance d'un dévouement sans bornes et de la soumission la plus absolue et la plus volontaire à ses décrets sanctionnés par le Roi.
Adresse d'adhésion de trenfe-cinq communautés voisines de la ville d'Eymoutiers en Limousin ; elles demandent que cette ville soit le chef-lieu d'un district.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Moatesquiou, qui adhèrent à tous les décrets de l'Assemblée nationale; ils annoncent qu'ils jouissent de la plus heureuse tranquillité, et qu'ils en sont redevables à une brave légion commandée par des chefs estimables, MM. Dupuy, de Monbrun et de Montesquiou. Ils ajoutent que la contribution patriotique, dont les moins fortunés n'ont pas voulu s'exempter, excède déjà le montant des impositions ordinaires, tantroyales que locales.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la ville de Clermont-Lodève en Languedoc, et de eelle de Tournay, dans le diocèse de Tarbes-, elles demandent d'être chefs-lieux de districts.
Adresse du même genre de la ville de Nemours, de celles de Viliiers-sur-Orge, de Saint-Chely en Gévaudan ; elles font une offrande patriotique des sommes provenantes de l'imposition sur les ci-devant privilégiés.
Adresse des héritiers de quatre-vingt-quatorze marins de l'île de Noirmoutier, qui ont servi sur les vaisseaux du Roi depuis 1704 jusqu'en 1709 : ils font le don patriotique du produit des rentes constituées par le Roi au profit de ces marins, pour leur tenir lieu du payement de leurs salaires.
Adresses de félicitation, adhésion et dévouement des volontaires nationaux de la ville d'Orléans, de la garde natonale de Cambrai et du comité permanent de la ville de Belfort.
Délibération des communautés de Lauvignet, de Launevez et de Perros-Haucon en Bretagne, qui adhèrent purement et simplement à tous les |
décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale.
Adresse de la Société patriotique de la ville de Perpignan, contenant une adhésion absolue à tous les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, et un dévouement sans bornes pour leur exécution. Un grand nombre de citoyens réunis de la même ville expriment, par une autre adresse, la même adhésion ; demandent que le département du Roussillon soit fixé d'une manière uniforme et égale à celle de3 autres départements du royaume ; que la ville de Perpignan soit le chef-lieu de ce département, et le siège d'un tribunal souverain ; que les corps d'arts et métiers de ladite ville soient conservés dans l'ancienne forme, offrant de céder au profit de l'Etat la moitié des frais de réception des maîtres, et de payer une indemnité proportionnelle pour la cessation de la perception des droits de gabelle et de régie générale, dont le rétablissement, même provisoire, leur a paru impossible dans leur province.
Déclaration du sénéchal du comité de Goêlo et baronnîe d'Avaugour en Bretagne, portant qu'il ne percevra désormais aucun émolument attribué a son office, et qu'il engage tous les officiers de ce tribunal à terminer gratuitement toutes les contestations soumises à leur jugement avant de quitter leur place.
Délibération de la ville de la Roche-Bernard en Bretagne, qui déclare adhérer formellement à l'arrêté pris par la municipalité de Rennes, absolument dans les principes établis par les décrets de l'Assemblée nationale sur les droits de l'homme.
curé de Maligny, député du bailliage de Troyés, écrit qu'atteint d'un rhumatisme goutteux, dont il ne pourra être guéri qu'au retour du printemps, il dfemande à l'Assemblée s'il est obligé de donner sa démission.
Il n'est rien statué sur cette lettre.
Les jeunes élèves de la classe de Logique du collège Louis-le-Grand font un don patriotique qu'ils accompagnent de l'adresse suivante :
« Nosseigneurs, pénétrés des sentiments qu'inspirent de toutes parts vos décrets et les besoins de l'Etat, vingt-sept boursiers, composant la classe de Logique au collège de Louis-le-Grand, viennent aussi vous offrir leur léger tribut. Enfants de la patrie, c'était à eux de s'avancer à la tête de tous les jeunes citoyens : heureux s'ils n'avaient été prévenus dans un si noble dessein, ou s'ils pouvaient s'en consoler par l'éclat d'une plus riche offrande. »
« Mais vous leur pardonnerez sans doute, Nosseigneurs, de ne déposer devant vous que la somme de deux cents livres. Toute légère qu'elle est, elle aura quelque prix à vos yeux, puisque ceux qui vous l'offrent n'ont d'autres biens que les largessses de la patrie et que ce sacrifice leur impose autant de privations qu'un sacrifice plus grand fait par un plus grand nombre.
« Puissiez-vous donc l'agréer comme un gage des efforts que nous ferons un jour pour satisfaire à une reconnaissance sans bornes J Puissiez-vous, en l'accueillant avec bonté, enhardir ceux qui, dans 1e même asile que nous, jouissent des mêmes bienfaits, et qui bientôt sans doute, vous en offriront de plus dignes de vous. C'est lé seul voeu que nous nous permettons d'exprimer, tandis que nos cœurs en forment tant d'autres
dont la France et vous, Nosseigneurs, êtes les éternels objets.
« Signé, De Troye, au nom des logiciens du collège Louis-Ie-Grand. »
répond en ces termes :
« Jeunes gens, n'oubliez jamais le jour où l'Assemblée nationale agrée votre offrande, vos hommages et vos respects. Le ciel vous a réservés pour l'époque la plus importante de l'espèce humaine : jouissez long-temps du bonheur qu'elle vous prépare, et ne trompez jamais les espérances de la patrie. »
, député de Sedan, remet un don patriotique de cent louis, envoyé par M. Simon Bruyères, négociant de Sedan, et l'Assemblée décide qu'il en sera fait mention dans le procès-verbal.
, député de Strasbourg, présente à l'Assemblée l'hommage du respect, de la reconnaissance, et du dévouement de la société harmonique des Amis-Réunis à Strasbourg ; il la supplie d'agréer le don patriotique de 600 livres, qu il va déposer chez le Trésorier.
L'Assemblée reçoit ensuite à la barre les députés de la nouvelle municipalité de Ghâlons-sur-Marne, formée suivant ses décrets. Ce premier hommage des nouvelles municipalités est accompagné d'un don patriotique. M. le président leur témoigne la satisfaction de l'Assemblée en ces termes :
« La ville de Châlons doit être glorieuse d'apporter à l'Assemblée nationale le premier hommage d'une municipalité formée sur les principes constitutionnels ; l'Assemblée reçoit avec satisfaction vos respects et votre offrande. »
L'ordre du jour appelle la discussion sur Vaffaire du prévôt de Marseille.
M. le comte de Mirabeau a la parole contre le projet de décret présenté par M. l'abbé Maury au nom du comité des rapports.
(1). Messieurs, deux de vos décrets ont accueilli les plaintes des citoyens que poursuit le prévôt général de Provence, et deux de vos décrets n'ont pu sauver encore des innocents ; leur péril s'accroît en raison de leurs succès.Le magistrat irrité, qui peut d'un mot les dévouer au supplice, veut juger ceux-là mêmes qui par leurs dénonciations l'ont mis au rang dés accusés. Il les dénonce à son tour camme des calomniateurs, et prétend que c'est à lui de punir I 11 est pris à partie, il se défend, il attaque, il ne disssimule ni son ressentiment ni sa vengeance et ne descend pas de son tribunal !
Si cet étrange combat ne présentait que cette seule singularité, l'affaire de Marseille
vous paraîtrait sans doute inconcevable, mais ce juge, qui met un si grand prix à conserver
le droit redoutable de juger les autres, cherche à prouver, dans les mémoires qu'il vous
adresse, que les accusés sont coupables, et caractérise déjà leur délit. Soit prévention,
soit vengeance, il les traite de séditieux, de criminels de lèse-nation ; la conviction est
dans son cœur, le jugement est sur ses lèvres:
Que deviendra dès lors cette funeste procédure? Le ressentiment, qui en dirigera le fil tortueux, ne conduira-t-il pas invinciblement à l'échafaud ceux qu'il regarde comme si coupables ? Laisser aujourd'hui dans ses mains le glaive deslois, n'est-ce pas lui livrer des victimes, les frapper nous-mêmes, les abandonner après que vos propres décrets, dont le prévôt voudra montrer l'injustice, auront servi à les faire immoler ?
Mais ce ne sont là que les circonstances les moins frappantes que je me propose de vousdéve-lopper. Ces malheureux, dont la voix impuissante, perçant les voûtes des bastilles de Provence, vient retentir jusqu'à nous, qui sont-ils? Quelle est cette procédure prévôtale où sept cents témoins sont entendus, où cent citoyens sont décrétés, où soixante-dix accusés sont prisonniers? Quel crime impute-t-on à ces infortunés qu'un peuple immense justifie, pour lesquels presque toutes les corporations de Marseille vous ont envoyé les plus touchantes supplications, et qui n'ont contre eux que quelques gens en place, une partie des anciens écbevins du conseil municipal, et cette petite portion de négociants dont se compose l'aristocratie de l'opulence, qui ne seront désormais, par vos nouvelles lois, que les égaux de leurs concitoyens? Quel but se propose-t-on de remplir par celte étonnante procédure, prise dans une ville frontière, dans une ville où l'on a rassemblé une armée de huit mille hommes, et où la milice nationale n'a que des chefs et point de soldats? Quel a été l'objet du pouvoir exécutif, lorsqu'il a confié au seul prévôt général, à un seul homme, la connaissance de tous les troubles d'une grande province? Que veulent les ministres, lorsqu'ils mettent tant de chaleur à soutenir cet nomme, que sa résistance à vos lois vous a forcés de renvoyer auChâtelet; lorsqu'ils portent un Boi juste à refuser sa sanction pour celui de vos décrets qui devait rétablir la paix dans une des plus importantes villes du royaume?
Je tâcherai, Messieurs, de résoudre une partie de ces grandes questions, ou plutôt je ne ferai que cette seule réponse : Les prisonniers que l'on veut punir sont les défenseurs du parti populaire. Aucun de ceux qui, dans les assemblées primaires, ont dénoncé les maux de la patrie, n'a échappé. Aucun de ceux que le Parlement menaçait, il y a six mois, n'a pu se soustraire aux poursuites du tribunal qui a pris sa place. Aucun de ceux qui ont fait dans le conseil de ville des motions utiles et courageuses, qui ont pris notre langue, qui ont voulu établir une milice Datiouale ou réformer celle qui existe, ou porter au conseil, à l'époque du 23 juillet, les vœux modérés d'un peuple que les nouvelles de Paris, que d'affreux présages et nos propres craintes alarmaient, n'a pu se garantir contre les décrets d'un juge pour qui nos principes sont aussi étrangers que si la révolution qui vient de s'opérer n'existait pas. Tout est mainlenant connu ; les motifs du prévôt, les principales charges de la procédure, les interrogatoires des accusés, tout est dévoilé. Le prévôt a lui-même envoyé toutes les pièces qui le condamnent. D'après ces pièces, au lieu de punir, il faudra récompenser ; au lieu d'environner les accusés des terreurs qui précèdent les supplices, il faudra les sortir en triomphe de leurs cachots, les mettre au nombre des coopérateurs de l'Assem-
blée nationale, reconnaître nos principes dans lenrs principes, et les déclarer bons citoyens, ou nous avouer nous-mêmes coupables.
Pour vous faire connaître, Messieurs, la situation de la ville de Marseile, je noterai plusieurs époques. Pour vous dévoiler la conduite du prévôt, Je distinguerai tous les chefs d'accusation que j'ai à former contre lui. Vous verrez, par la réunion de ce3 deux tableaux, comment la ville du royaume qui la première a manifesté le désir d'une heureuse révolution, qui la première a montré des citoyens dignes de vos nouvelles lois, qui la première s'est armée pour résister tout à la fois et a ses oppresseurs et aux brigands qui pouvaient menacer sa tranquillité, est devenue tout à coup si différente d'elle-même et de ce qu'elle a toujours été, même sous le despotisme.
Les citoyens de Marseille se portèrent en foule à ces assemblées primaires qui ont été les premiers éléments de la régénération de l'Etat. Là, trois chefs de plaintes furent dénoncés avec courage. L'intendant était abhorré, il trouva des accusateurs. Le Parlement était exécré, le peuple sollicita, invoqua d'autres juges. Les impôts, presque uniquement établis sur le prix du pain et de la viande, épargnaient les riches et dévoraient chaque jour une grande partie de la subsistance du peuple; la suppression de ces impôts fut demandée. Mais le peuple (n'en accusons que ses maux et nos mœurs) crut pouvoir détruire sur le champ les abus qu'il dénonçait. Les fermes municipales mises imprudemment aux enchères; des concurrents écartés par un fermier protège par l'intendant, qu'une fortune de plusieurs millions aurait dû rassasier, portèrent le peuple à des vengeances.
La maison de ce fermier fut dévastée ; elle le fut, non par des brigands, non par des voleurs, mais par le mouvement soudain et irrésistible de l'indignation publique. Cette scène eut lieu le 23 mars.
Voilà, Messieurs, la première époque des troubles de Marseille, voici la seconde :
Marseille, comme ville frontière et comme port de mer, a toujours dans son sein uue foule d'étrangers, d'inconnus, de matelots de diverses nations,de gens sans fortune et prêts à tout entreprendre. Ces hommes se rassemblèrent dès le lendemain de l'émotion populaire dont je viens de parler ; on les entendit menacer les magasins des négociants. Aussitôt une foule de citoyens se réunit pour les repousser ; leurs offres sont accueillies; les brigands sont environnés, dispersés, la ville préservée. La formation de ce3 jeunes citoyens en milice bourgeoise fut leur récompense. Il ne suffisait pas d'avoir sauvé la ville d'une dévastation, il fallait encore prévenir le retour du même danger, et Marseille, laite pour donner de grands exemple, eut aussi l'honneur de devancer l'établissement des milices nationales.
Une seule faute fut commise alors par l'administration. Le prix de la viande, qui était à dix sous, fut porté à six. Il n'y avait aucune perte à la laisser à ce prix. Mais la livre de pain, qui coûtait trois sous et demi, fut portée à deux sous, c'est-à-dire au-dessous de sa valeur réelle : on crut satisfaire le peuple par cette périlleuse complaisance. Peu de jours après, il reconnut lui-même son erreur ; il acheta ce pain, auquel il borne presque tous ses vœux, à trente-quatre deniers, et il ne restait plus aucune trace des deux émotions populaires.
Voici maintenant une troisième époque. La milice citoyenne se conduisit avec un zèle infa-
tigable; les patrouilles purgèrent la ville des malfaiteurs; trois cents scélérats,dontplusieursavaient déjà subi des peines, furent déposés dans les prisons publiques, et ceux qui échappaient à ces poursuites sortaient d'une ville où les espérances du crime n'en compensaient plus les daugers. Un zèle aussi marqué obtint la réconipense qu'il méritait ; tous les corps de la ville votèrent des éloges aux jeunes citoyens ; le peuple bénissait ses défenseurs ; le commandant de la province leur fit offrir des drapeaux. Cette époque est remarquable par le contraste qu'offrait Marseille tran-auille, Marseille heureuse, à côté des troubles que 1 on cherchait à exciter dans le royaume.
Ce bonheur ne dura qu'un instant, et vous allez en connaître la cause. Le parlement de Provence parut craindre de laisser informer les juges ordinaires sur les troubles qui avaient agité la province et demanda que cette redoutable instruction lui fût exclusivement confiée ; il forma cette prétention, lorsque la province était divisée en deux partis, lorsque chacun de ces partis accusait l'autre d'exciter et de fomenter des troubles, lorsqu'il était plus nécessaire que jamais d'avoir des juges qui ne fussent pas pris, dans la triple aristocratie des nobles, des privilégiés, des possédants-fiefs. Il obtint cependant cette attribution, qui pouvait devenir si funeste à la liberté publique. La déclaration du Roi portait surtout de rechercher les àuteurs, de remonter aux causes, d'informer sur les propos : on n'avait oublié aucun instrument delà tyrannie.
La Provence se soumit à cette loi de sang, et bientôt des citoyens furent proscrits, des villages dévastés. Mais Marseille, qui était particulièrement menacée ; Marseille, qui, dans les assemblées primaires, s'était élevée contre le parlement de Provence, contre l'intendant qui présidait cette cour, contre un fermier protégé par cet intendant ; Marseille, où le parlement désignait déjà ses victimes parmi les chefs de cette milice qui défendait ce peuple et que le peuple défendait a son tour ; Marseille, dont la seule émotion populaire avait eu pour cause une juste vengeance contre ses oppresseurs, Marseille contesta l'attribution du parlement : des délibération unanimes, prises dans le conseil des trois ordres qui avait député aux Etats généraux(il faut que vousme permettiez pourcette époque le langage du temps), portèrent au pied du trône les réclamations d'un grand peuple .Ces réclamations furent d'abord dédaignées, et c'est ici que commence une cinquième époque. . Jusque-là les habitants de Marseille avaient été parfaitement unis ; les traîtres à la patrie n'osaient du moins se montrer ; mais la résistance qu'é-prouvaitle parlement lui fit employer les ressorts d'une puissance qui n'est aujourd'hui qu'un fantôme, et qui dans ce moment portait encçre l'effroi de deux résurrections et de deux victoires. La crainte et l'intérêt lui procuraient des agents ; les créatures de l'intendant, les suppôts du fermier se joignirent à ce parti ; des calomnies furent répandues contre la garde citoyenne, des fautes de discipline furent changées en délits ; quelques actes d'autorité dans les affaires de police furent présentés comme des actes de révolte. En vain les jeunes gens obtinrent de n'avoir pour chefs que les échevins ; le gouvernement, trompé, s'obstinait à regarder cette milice fidèle comme une troupe de conjurés, et le parlement demandait une armée pour entrer dans Marseille par une brèche, comme un roi méconnu, mais vainqueur, punit des sujets rebelles.
Quelques motifs particuliers acéraient encore
les calomnies et les haines qui doivent préparer les dissensions de Marseille. Un chat avait été pendu, la milice citoyenne l'avait souffert, et les amis de l'intendant prétendaient que ce chat n'était qu'un emblème. La flatterie avait donné le nom de cet intendant à une fontaine publique; le peuple avait substitué à ce nom proscrit celui de M. Necker, et la milice citoyenne n'avait pas versé des flots de sang pour empêcher cet attentat. Enfin, le conseil des trois ordres, le conseil électeur des députés des Etats-généraux, avait nommé vingt-quatre commissaires pour vérifier le compte des anciens échevins; et ces commissaires avaient découvert ou de grandes fautes en arithmétique ou de grandes erreurs en administration. C'en était assez pour grossir le parti de l'intendant de tous ceux à qui ses faveurs, ses entreprises, ses spéculations n'avaient pas été étrangères.
Je ne saurais trop m'arrêter sur cette cinquième époque. Le parlement mettait une si grande importance à se venger de Marseille que les chambres furent assemblées pour punir le commandant de la province, qui refusait de donner des troupes. Il y eut des voix pour le décréter, d'autres pour le demander; ou se borna à lui envoyer une députation : « Les troupes ne risqueront rien, disait-on ; on tirera sur toutes les fenêtres ouvertes. » Eh I qu'importe, en effet que Marseille fût détruite , si le parlement était vainqueur ? Il le fut, Messieurs, et voici une sixième époque. Le commandant de Provence reçut l'ordre de se transporter à Marseille avec huit mille hommes de troupes et un train considérable d'artillerie. 11 arrive et ces portes qu'il devait renverser étaient couronnées par des arcs de triomphe, et cette milice qu'il devait combattre préparait des fêtes, et ce peuple qu'il fallait punir, content d'avoir repoussé le parlement,manifestait son allégresse par des cris de vive le Roi !
Je touche à la cause immédiate des troubles de Marseille. Des ordres, donnés par des ministres qui croyaient cette ville coupable, furent exécutés lorsqu'on la trouva fidèle.
Il fallait rendre inutile le travail des vingt-quatre commissaires examinateurs des comptes ; ce but fut rempli en cassant le conseil des trois ordres, qui seul avait la confiance publique, et l'ancien conseil municipal reprit ses fonctions.
Il fallait punir cette milice citoyenne qui avait osé résister au parlement ; elle fut accusée.
Il fallait punir plus spécialement quelques-uns de ses chefs, dont les dénonciations contre l'intendant étaient connues ; et plusieurs particuliers reçurent l'ordre de sortir de la ville : le commandant promit pour tous les autres une ammistie que personne ne réclamait et dont personne n'avait besoin.
Il fallait surtout établir une garde bourgeoise qui ne fût plus dangereuse pour ceux à qui la première avait été redoutable ; aussitôt on la créa. Mais quelle en fut la formation ? quel fut le choix des capitaines et des lieutenants ? quel en a été l'esprit et le but ? C'est ce qu'il est indispensable de vous faire connaître.
La milice devait être composée de soixante compagnies, dont chacune aurait un capitaine et quatorze lieutenants ; chaque lieutenant devait avoir un brigadier et quatorze volontaires.
Les soixante capitaines furent pris exclusivement dans deux classes de citoyens ; on en choisit vingt-huit dans la noblesse, et trente-deux parmi les négociants du premier ordre. Les échevins les
proposèrent ; le conseil municipal les agréa ; huit lieutenants par compagnie furent nommés de la même manière sur des listes données par les capitaines ; les autres lieutenants furent seulement choisis par ces derniers, et adoptés par les échevins.
Quant aux volontaires, il n'y en eut presque jamais, il n'y en a point dans ce moment : ramour-propre avait recruté les officiers ; le défaut de confiance écarta le soldat. A cette époque, aucune ville du royaume n'avait encore de milice nationale, et l'irrégularité de celle de Marseille était moins sensible. Nous verrons bientôt le moment où l'exemple de plusieurs milices régulièrement formées donna lieu dans Marseille à des vœux, à des motions légales faites dans le conseil municipal, qu'on a voulu punir comme des crimes.
Cet état de choses dura jusqu'au 23 juillet; mais, à cette époque, qui répond pour Paris à celle des 12, 13 et 14 du mois, il survint des événements à Marseille que la procédure prévôtale ne rendra pas moins célèbres que les annales parisiennes.
Vous connaissez lés délibérations que prirent presque toutes les grandes villes du royaume dans cet instant où des nouvelles désastreuses apprirent aux provinces et les craintes et les efforts de la capitale. Marseille suivit cet exemple. La première commotion et le besoin de rassurer le peuple portèrent d'abord M. de Garaman à rappeler le conseil des trois ordres ; mais, impatients d'exprimer leurs suffrages, six mille citoyens s'assemblèrent dans une salle du sieur Arquier. Là, des vœux furent rédigés, non pour les envoyer directement à l'Assemblée nationale, mais pour les porter au conseil des trois ordres. Là, les ennemis de l'Etat, les ministres prévaricateurs, les oppresseurs de Marseille furent dénoncés. Là, des canons braqués sur la ville, huit mille hommes de troupes réglées postés dans ses faubourgs, et la nullité presque absolue de la milice portèrent les citoyens à demander que les canons fussent déplacés, que les troupes fussent éloignées. Vingt-quatre commissaires furent nommés pour transmettre ces vœux au conseil, qui les consacra par ses délibérations. Vous auriez, sans doute. Messieurs, donné des éloges à ces premiers élans du patriotisme ; vous en auriez excusé même les écarts. Apprenez que cette assemblée est le principal objet de la procédure prévôtale, que huit des commissaires ont été décrétés, que trois sont déjà dans les fers.
Voici maintenant, Messieurs, une dernière époque qui exige toutevotre attention. Elle comprend tout ce qui s'est passé depuis le 23 juillet jusqu'au 19 août, époque de la procédure prévôtale.
La députation des communes de Provence avait fait d'inutiles efforts auprès des anciens ministres pour obtenir la révocation de la déclaration du Roi, qui attribue exclusivement au parlement d'Aix la connaissance des troubles de la Provence. Elle renouvela ses instances lorqu'un nouveau ministre lui fit espérer plus de succès.
Pendant que ces démarches étaient publiquement connues, le bruit se répandit à Marseille que le parlement prenait secrètement dans Aix une procédure contre cette ville. Le curé d'un village voisin venait d'être décrété de prise de corps dans une procédure du même genre, enlevé par cent soldats, traduit en plein jour, et renvoyé, sur ses réponses, tellement son innocence fut reconnue, en l'état d'un décret d'assigné pour être ouï. Ce
curé était citoyen de Marseille. Un de ses paroissiens, impliqué dans une autre procédure de la même nature, veuait d'être arrêté dans Marseille, et le peuple l'avait délivré : on craignit que le parlement, sur le point d'être dépouillé, ne se hâtât de condamner les accusés, line inspiration soudaine s'empare de peuple ; il s'assemble, demande des armes à la municipalité, et se rend à Aix pour délivrer les prisonniers, comme autrefois l'on partait pour les croisades.
M. de Caramau, qui avait reconnu le danger d'arrêter ce mouvement populaire, se borna sagement à le diriger. M. l'abbé de Beausset se mit à la tête du peuple afin de le contenir, et choisit deux citoyens honnêtes pour le seconder. Les habitants d'Aix reçurent la croisade avec des transports de joie. Soixante-trois prisonniers furent délivrés : la petite armée les ramena le même jour dans Marseille sur des chariots ornés de guirlandes. La milice les reçut hors des portes de la ville en bordant la haie. Un peuple immense était placé en amphithéâtre sur toutes les avenues ; les soldats portaient au bout de leurs fusils des tronçons de chaînes brisées ou des carcans enlevés sur la route ; les prisonniers levaient les main» au ciel et bénissaient leurs libérateurs ; les larmes coulaient de tou3 les yeux ; jamais Marseille n'avait eu de fête plus intéressante. L'armée reçut l'ordre de défiler devant le portrait du Roi, que l'on mit sous un dais dans la salle du conseil. Là, toutes les armes furent déposées en un monceau ; des aumônes abondantes furent recueillies pour les prisonniers, et les citoyens d'Aix, qui les avaient accompagnés, reçurent en présent un drapeau d'union de la ville de Marseille.
Croiriez-vous, Messieurs, que cette fête triomphale est encore l'un des objets de la procédure au prévôt? Les deux citoyens qui accompagnèrent l'abbé de Beausset sur sa demande, et dont l'un donna le conseil de faire déposer les armes devant le portrait du Roi, ont été décrétés de prise de corps : ils sont tous deux dans les fers. M. l'abbé de Beausset aurait été lui-même décrété; s'il n'était, à ce qu'on dit, parent du prévôt. Non, je ne pardonnerai jamais à celui qui, flétrissant par des décrets cette époque intéressante des annales de Marseille, n'a pas trouvé les motifs d'excuser les fautes du patriotisme, ou, si l'on veut, le délire de la sensibilité l
Je vous ai parlé, Messieurs, des tentatives de la députation de Provence auprès des nouveaux ministres : son espérance ne fut pas trompée. Pendant que les Marseillais délivraient les prisonniers, nous fîmes révoquer les juges; nous obtînmes plus encore : la bienfaisance du Roi le porta à accorder une amnistie générale pour tous les troubles qui avaient eu lieu jusqu'alors en Provence. Tout fut remis, tout fut oublié. Ce fut au prévôt général que la connaissance des émotions populaires de la Provence fut exclusivement accordée.
Ici, messieurs, je ne fais qu'une seule réflexion, mais elle est sans réplique. La plus grande partie de la procédure du prévôt porte sur des faits antérieurs à l'amnistie. U a envoyé une partie de ses procédures au comité des rapports, et toutes les dépositions, qu'il a choisies de préférence pour nous donner une idée des crimes des accusés, ne sont relatives qu'à l'assemblée du 23 juillet. Sa procédure entière est donc une iniquité et un abus de pouvoir.
Mais avant de coarcter les chefs d'accusation que je formerai contre lui, j'ai encore à yous faire connaître des faits importants.
Marseille, qui n'avait qu'une milice irrégulièrement formée, surchargée d'officiers et presque sans soldats, sentit, le 23 juillet, plus vivement que jamais, la nécessité de la mieux organiser, comme on reconnaît au moment du danger le besoin des armes. D'un autre côté, l'établissement des milices nationales, qui se formèrent alors partout le royaume, présentait plusieurs modèles à suivre, et augmentait chaque jour les regrets des bons citoyens. Une autre circonstance dirigea encore l'attention publique sur cet objet.
Le conseil des trois ordres avait été remis en exercice (c'était la véritable commune de Marseille) ; il pensait que l'ancien conseil municipal n'avait plus aucun pouvoir, et il voulut s'occuper de la milice que ce conseil avait établie. Différentes motions furent faites : les unes tendaient à casser la milice et à la former par districts ; les autres à augmenter simplement le nombre des compagnies, et à choisir des capitaines qui, jouissant de la confiance publique, pussent trouver des volontaires. Quelques-unes tendaient à réformer simplement une grande partie des officiers qui, n'ayant pas plus de quinze à vingt ans, ne devaient pas commander à des hommes.
Cette milice présentait encore d'autres dangers. Elle avait été formée dans le moment où le parti populaire 3'était vu forcé de fléchir sous le poids d'une armée. Plusieurs des capitaines étaient connus par des relations intimes avec des hommes que l'opinion publique plaçait dans le parti contraire a la révolution -, et presque tous les lieutenants étaient les amis, les Créatures des capitaines. Un tel corps, quoique composé de beaucoup d'honnêtes citoyens, n'était rien moins qu'une milice nationale, et lui livrer exclusivement |Ia force publique paraissait une de ces fautes que la confiance peut absoudre, mais que la prudence condamne.
Dans le même temps, on publia des écrits sur cette importante question : une matière soumise aux délibérations du conseil n'était pas sans doute interdite aux discussions des gens de lettres. On verra bientôt que les deux auteurs de ces écrits innocents ont été décrétés de prise de corps.
Enfin, M. de Caraman cherchait lui-mémes des moyens de réformer la milice de Marseille; mais, écoutant tous les partis, il renonçait le soir au plan qu'il avait, adopté le matin; et deux avocats qu'il avait consultés, deux avocats qu'il avait appelés auprès de lui, et dont il loue la modération et le patriotisme, ont été décrétés comme tous les autres.
Je n'ai pas besoin de vous faire observer, Messieurs, qu'une question, qui intéressait aussi essentiellement la sûreté de la ville de Marseille, devait être l'objet des conversations publiques et particulières. Oui aurait pu penser, dans ce moment, que ces conversations deviendraient un crime? Qui aurait pu croire que l'on emploierait bientôt l'inquisition la plus révoltante pour découvrir les auteurs de ces propos et de ces décrets de prise de corps pour les punir ?
Nous touchona à cet instant. On ne peut parvenir, dans le conseil des trois ordres, à délibérer, sur aucune des motions dont la milice était l'objet. Les officiers de cette milice environnaient le conseil, les échevins éludaient des délibérations, des capitaines étaient conseillers de ville, une épée fut même tirée dans le conseil contre l'auteur d'une motion ; les esprits s'aigrirent. La milice avait mis de l'amour-propre à rester telle
qu'elle était formée ; la jouruée funeste du 19 août lui prépara bientôt d'éternels regrets.
Ce jour-là, une affiche fut trouvée au coin d'une rue, portant invitation aux citoyens de se rendre, à quatre heures du soir, à une place appelée la Tourette, qui touche au fort Saint-Jean. La milice regarda cette affiche comme un défi : elle prit aussitôt les armes, prépara des cartouches, et ses menaces annoncèrent tous les malheurs que l'on devait craindre ou d'un dessein prémédité, ou de l'amour-propre et de l'impatience.
A midi, M. de Garaman fit imprimer une affiche pour annoncer au public qu'il allait s'occuper sans relâche de la formation de la garde bourgeoise : cette pièce est au comité des rapports. Mais, dans l'instant même qu'on l'affichait, des lieutenants de la milice s'opposèrent à sa publication.
A trois heures, le fils de M. de Caraman alla s'assurer par lui-même qu'il n'y avait point d'attroupement à la Tourette ; mais la milice se croyait bravée, elle s'obstina ; sans doute, elle ne prévoyait pas elle-même les suites de cette imprudence.
Qui trouva-t-elle sur le champ de bataille? Des ouvriers qui travaillaient et qu elle voulut chasser; des enfants qui la huèrent en voyant maltraiter ces ouvriers ; des gens qui buvaient sous des cabanes; quelques curieux au coin d'une rue ; en tout, moins de cent personnes. La milice prétend qu'on lui jeta quelques pierres; mais les échevins, dans un récit qu'ils ont fait publier, regardent ce fait comme douteux. Eût-on jeté des pierres, la milice fit feu sans en avoir reçu l'ordre. Un citoyen fut percé de trois balles et resta sur le carreau. Mais bientôt la milice se débanda d'elle-même, et l'indignation publique ne lui laissa plus d'asile. Des nuées suivirent les fuyards jusqu'à ce qu'ils fussent cachés ; plusieurs d'entre eux furent même obligés de céder leurs habits et leurs armes au peuple qui les arrachait.
Ne croyez pas, Messieurs, que les torts dont je viens de parler soient communs à toute la milice. Dès le lendemain, vingt-huit capitaines sur soixante donnèrent leur démission et refusèrent de servir dans un corps qui avait perdu le droit de défendre les citoyens. Plus de deux cents lieutenants suivirent leur exemple.
Mais un événement imprévu répandit, le même jour, la consternation dans la ville entière. Le peuple, toujours exalté dans ses vengeances ; le peuple, sur lequel les scènes dramatiques ont un si dangereux pouvoir, portait dans les rues le cadavre du citoyen qui avait été tué à la Tourette. On le déposa tour à tour dans le corps de garde de la milice, devant l'hôtel du commandant, et dans la maison du sieur Lafièche, l'un des échevins. Là, des brigands s'introduisirent : aucun vol, dit-on, ne fut commis; mais les meubles d'un salon furent incendiés. Les troupes du Roi entrèrent sur-le-champ dans la ville, et saisirent dans la maison du consul vingt-trois coupables.
C'est alors, Messieurs, c'est pour ce funeste événement que le prévôt général a été appelé à Marseille : vous allez voir quelle a été sa conduite.
Le premier chef d'accusation que je forme contre lui.c'estd'avoir choisi pour procureur du Roi et pour assesseur les sieurs Laget et Miollis, avocats de Marseille, quil'unet l'autre étaient lieutenants de la milice; qui l'un et l'autre s'étaient trouvés à l'affaire de la Tourette, et dont peut-
être la main imprudente avait tué ce malheureux dont le prévôt devait venger l'assassinat.
Il me serait facile de prouver, Messieurs, que la procédure du prévôt, sous quelque rapport qu'on la considère, ne pouvait pas être indépendante de l'intérêt de la milice. S'agissait-il d'informer sur la mort du nommé Garcin? la milice était partie, accusée et peut-être coupable. Comment deux chefs de cette milice pouvaient-ils informer de te délit 1 Fallait-il laisser ce crime impuni, comme l'a fait le prévôt, se borner à poursuivre contre les insultes faites à cette milice lorsqu'elle revint de la Tourette, rechercher tous le3 propos tenus contre elle depuis un mois, et décréter cent citoyens pour leurs opinions et pour leurs pensées ? la milice était, sous ce rapport, accusatrice et partie : on ne pouvait d'ailleurs séparer la conduite de la milice des insultes qui n'en avaient été que la suite. Le prévôt eût-il borné ses poursuites aux incendiaires, un crime commis à la suite d'un autre n'était pas nécessairement modifié par la cause qui l'avait fait naître.
Mais sur ce chef d'accusation, comme sur tous les autres, je n'ai besoin que des mémoires du prévôt pour le condamner. Voici ses propres expressions dans sa lettre à l'Assemblée nationale, au 9 novembre :
« Appelé à Marseille... je ne pouvais espérer « de rétablir la tranquillité sans rétablir toutes
« les autorités outragées..... soit par des me-
« naces, soit par des voies de fait, soit par des
« écrits séditieux.....Je regardai comme une au-
i torité légitime la troupe citoyenne..... J'ai re-
« gardé comme un délit les attentats commis
« contre cette autorité.....11 n'est aucun décret,
« qui n'ait été provoqué contre la violation de ces « principes. »
Que pourrais-je ajouter maintenant qui ne diminuât l'impression que de tels principes feront sur vous, Messieurs ? Le prévôt informe sur la milice, pour la milice, contre les détracteurs de la milice, contre Tes insultes faites à la milice; et il s'associe deux juges de cette milice, et il place les parties mêmes sur le tribunal ! Qu'on me cite un peuple encore barbare où de tels principes ne fussent pas en horreur I
Le second chef d'accusation contre le prévôt, c'est d'avoir informé sur des faits antérieurs à la déclaration du Roi portant amnistie pour la Provence.
Ici les mémoires du prévôt et l'extrait des procédures qu'il a envoyées suffisent encore pour le
JU!f dit dans ces mémoires qu'il a voulu rétablir les autorités depuis longtemps usurpées, méconnues, nulles et outragées, soit par des écrits, soit par des assemblées illicites et prohibées.
On voit par l'extrait de sa procédure qu'il a principalement informé sur l'Assemblée du 23 juillet; qu'il a décrété le sieur Chom pré, qui depuis quatre mois était absent de Marseille ; qu'il a pris pour base de sa procédure les lettres que ce dernier écrivait à sa femme dans les mois de juin et de juillet; et qu'il a prétendu le convaincre qu'il était l'auteur des premiers troubles de Marseille, parce qu'il écrivait à son épouse les phrases qui suivent :
« A lui observé, porte, dit-on, l'interrogatoire, que nous avons eu raison de lui dire qu'il avait été un des moteurs des troubles et des séditions qui ont régné avant son départ pour Paris, puisque lui-même s'exprime ainsi dans une lettre du 29 juillet, qui ne laisse aucun doute. — Les let-
très de Marseille, d'ici à mon départ, m'apprendront si mes concitoyens ont perdu le courage que je leur avais inspiré dans des temps où je risquais réellement, et si maintenant ils ont secoué la chaîne pesante du parlement et des ministres. »
Voilà, Messieurs, quelle est la logique du prévôt. Les députés de Marseille attesteront qu'il n'y a point eu d'émotion populaire dans cette ville qui ait été relative au parlement et aux ministres. Le sieur Chompré veut parler de son courage à dénoncer et le parlement et l'intendant dans les assemblées primaires; et ce courage, selon le prévôt, est une preuve de sédition! Et ce courage rend le sieur Chompré complice des émeutes dont il ne parle point, dont sa phrase même ne permet pas de supposer qu'il veuille parler, et dont le prévôt, après la déclaration du Roi, du mois d'août, ne pouvait informer sous aucun prétexte !
Voilà, certes, Messieurs, un abus de pouvoir bien caractérisé; et les ministres qui connaissent une telle procédure ne s'empressent pas de la casser! Et les commissaires du Roi ne peuvent pas empêcher de pareils abusl Et un tel juge, envoyé par vos décrets au Châtelet, résiste encore, dispute, conserve sa place, trouve des apologistes, même dans votre sein, même parmi ceux qui n'ignorent pas qu'il abuse de sa place et de ses pouvoirs !
Le troisième chef d'accusation contre lui, c'est d'avoir regardé comme des délits des actions ou indifférentes, ou évidemment permises, ou dignes d'éloges ; d'avoir fait un crime aux citoyens de Marseille des principes que l'Assemblée a souvent consacrés, des témoignages de zèle et de patriotisme auxquels elle n'a pas été insensible; enfin, d'avoir donné l'exemple d'une conduite qui rendrait la révolution actuelle impossible dans toutes les provinces où de pareils juges exerceraient une semblable inquisition.
Les pièces remises au comité des rapports présentent une foule de preuves de cette accusation importante. Mais que n'ai-je sous les yeux cette procédure que l'on s'obstine à cacher, et, je ne crains pas de vous le prédire, que vous n'aurez jamais 1 Là, vous verriez des séances entières d'un interrogatoire consacrées à demander à un accusé ce qu'il entend par aristocratie, ce que c'est qu'un aristocrate, ou à le convaincre qu'il a donné six Jiards à des enfants pour leur faire crier vive le roi, vive la nation 1 ou bien à lui faire rendre compte des actions journalières les plus indifférentes. Le prévôt interroge les vivants comme en Egypte on interrogeait les morts :
qu'as-tu fait du temps et de la vie? Là, vous verriez l'explication d'une conversation singulière que je vais vous rapporter, d'après la lettre de M. Lejourdan, conseiller de l'amirauté, décrété d'ajournement dans cette procédure, mais qui n'en est pas moins l'un des citoyens les plus considérés de Marseille, l'un des* avocats les plus estimés de la province. J'en atteste, sans exception, toute la députation provençale.
« M. le prévôt, dit-il, envoya chez moi, dès que je fus ici, pour traiter de conciliation ; et Miollis, son assessseur, a été son négociateur ; tout ce qu'il a pu gagner jusqu'ici a été de me faire consentir â âne entrevue avec M. de Bournissac. Je n'ai pas eu à. qie plaindre de ses politesses ; mais j'ai été indigné de ses principes et de son peu de respect pour l'Assemblée nationale. 11 a, dit-il. un arrêt du conseil qui l'autorise à tenir ses séances dans le fort; et de là il conclut qu'il
n'est pas lié par les décrets de l'Assemblée. Je ne connais, me disait-il, d'autorités légitimes que celles qui subsistaient avant qu'on eût bouleversé le royaume. Je ne suis subordonné ni au parlement, ni à l'Assemblée nationale. Je ne connais que le Roi et les ministres : voilà ce qu'il s'est permis de me dire. Aux observations que je lui fis sur l'Assemblée nationale, il me dit que cette autorité était sans principe .Je l'interrompis en lui disant : Ajoutez : et sans bornes. »
Oui, Messieurs, je ne cesserai de le répéter, que n'avons-nous sous les yeux cette procédure invisible, incommunicable! Vous y trouveriez bientôt le vrai sens de plusieurs anecdotes trôs singulières, si elles ne sont pas entièrement inexplicables. 11 n'y a sans doute rien d'étonnant que le commandant de la province continue à loger dans le fort Saint-Nicolas; que depuis quinze jours on y ait transporté une grande quantité de meubles; qu'on y joue la comédie pour amuser les personnes qui l'habitent; et que des ouvriers prétendent avoir reconnu les domestiques d'un personnage que je m'interdis de nommer; mais ce que je ne puis concevoir, c'est que dans le même temps un des jurisconsultes du parlement d'Aix écrive le fait suivant :
« J'apprends qu'il (le prévôt général) a décrété, à Carces, le commandant de la milice, qui, par ordre des officiers municipaux, voulut s'assurer que quatre particuliers escortant une belle voiture, faisant écarter tout le monde et éteindre les lumières sur leur passage, étaient effectivement de3 cavaliers de la maréchaussée, venantde Marseille, et passaient par cette route très-détournée pou se rendre à Nice. Il n'y eut ni émeute, ni voie d fait, et l'officier commandant la milice est décrété; il attend d'avoir copie de la procédure pour faire sa dénonciation à l'Assemblée nationale. Vous pouvez compter sur l'exactitude du fait, duquel je vous réponds. »
Quelle était cette belle voiture? Quel était l'objet de cette escorte donnée par le prévôt? Pourquoi le voyageur choisissait-il une route aussi détournée? Quel intérêt avait-on d'éloigner les passants, de faire éteindre les lumières? Tout cela n'est peut-être rien ; mais c'est peut-être aussi quelque chose; et le décret rendu contre le commandant d'une milice est sans doute un incident grave. Mais ne cherchons point à pénétrer ce mystère, ni à lier cet événement à la marche évidemment systématique de la procédure : ne jugeons des motifs et de la conduite du prévôt que par les pièces que nous avons de lui.
Observons toutefois en passant (et puissions-nous n'être pas forcés d'y revenir!) que le 12 du mois courant le conseil municipal de Marseille a invité dans sa délibération « tous les Français qui ont quitté leur patrie à rentrer dans les murs de Marseille; qu'il les met sous la sauvegarde de la nation, de la loi et du Roi, et leur promet entière sûreté. > Cette pièce a été envoyée à tous les ministres. Je reviens à la discussion des faits.
Je vous ai annoncé, Messieurs, que le prévôt avait informé contre les assemblées tenues chez le sieur Arquier, le 23 juillet. Le cahier des dépositions est au comité des rapports. Voici comment le prévôt s'exprime sur cette assemblée et sur la délibération qui y fut prise, dans sa lettre du 22 décembre aux représentants de la nation.
« Il est notoire, dit-il, que les sieurs Robecqui, Paschal et Granet n'ont jamais eu d'autre qualité que celle de commissaires du peuple, qui leur fut donnée dans les assemblées illicites et séditieuses, et qu'une cabale menaçante leur fit con-
Ilrmer dans un conseil illégal. Il n'est que trop vrai qu'ils ont eu cette qualité, et qu'ils ont agi en conséquence aux dépens de la tranquillité publique et de la qualité de citoyens. »
En bien, Messieurs, voici cette délibération séditieuse, illégale, pour laquelle huit citoyens ont été décrétés, et que le prévôt présente lui-même comme un échantillon de sa procédure I La première motion que l'on fit dans l'Assemblée a été de demander à l'honorable conseil des trois ordres que Marseille, l'une des premières villes du royaume, adhérât aux délibérations prises par les villes de Lyon, de Grenoble,de Nantes, de Nîmes : qu'en conséquence, on réclamât de la nation la condamnation solennelle des ministres prévaricateurs et des agents civils et militaires du despotisme, afin que leur punition servît à jamais d'exemple à ceux qui pourraient être tentés d'écraser la nation sous les chaînes de l'esclavage, et de plus, de dénonoer les coupables auteurs des maux arrivés récemment dans la capitale, tels que Barentin, Villedeuil, Lambesc, la famille Polignac et autres, que l'opinion publique a flétris...
Le quatrième vœu a été que M. le comte de Caramian soit supplié de faire déplacer les canons des forts, qui semblent accuser une ville dont la fidélité ne dut jamais être suspectée, et qui ne craint que d'affliger son Roi. Et quant aux troupes, quoiqu'elles n'inspirent aux citoyens que des sentiments de confiance, les privilèges de Marseille s'opposant à ce qu'elles soient logées dans les maisons des particuliers, le vœu de l'Assemblée est que M. le comte de Garaman soit supplié de les écarter de Marseille et de son territoire.
Si l'on se transporte à l'époque où cette délibération a été prise, on verra que les citoyens de Marseille exprimaient modestement des vœux qu'un danger, il est vrai bien plus certain, bien plus imminent, nous faisait énoncer avec plus d'énergie.
La délibération est terminée par ce trait remarquable :
« Et à l'instant tous les membres de rassemblée ont unanimement juré en présence de Dieu, vengeur des crimes, au nom ue la patrie et sur l'autel de la liberté, de s'unir inébranlablement à la cause publique, et de verser jusqu'à la dernière de leur sang plutôt que de souffrir qu'il soit porté la moindre atteinte aux droits de la nation ; déclarant inviolables et sacrées les personnes des citoyens, et notamment celles des commissaires qui sont nommés pour la rédaction des présents articles ; regardant comme infâmes, traîtres à la patrie, et livrant à la vindicte publique les agents d'une justice corrompue qui porteraient sur eux une main sacrilège..... Il a été, de plus, arrêté qu'il serait envoyé une adresse de remercîment à l'Assemblée nationale et à la ville de Paris, en la personne dé M. Bailly..... A Pinstant où la séance allait se terminér, un aide-de-camp de M, de Garaman est venu porter, de sa part, des nouvelles de la capitale, dont lecture a été faite à l'assemblée, qui a témoigné sa satisfaction par des applaudissements redoublés de vive la nation, vive le roi, vivent Necker et Caramar\! »
Vous la connaissez à présent, Messieurs, cette pièce séditieuse pour laquelle le prévôt a lancé des décrets. E(uit des commissaires qui l'ont rédigée sont au nombre des coupables ; trois d'entre eux sont dans les cachots, Vous la connaissez cette pièce, et sans doute vous n'êtes plus étonnés que le rapporteur de cette affaire ait commencé par youS çéç&rer que vous ne deviez prendre
aucun intérêt aux accusés! Ges hommes ont osé voter des remercîments pour les représentants de la nation; ils ont juré de lui être fidèles; à deux cents lieues de nous, ils ont partagé nos craintes, nôtre courage et nos périls) Qu'ils périssent! Eh ! qu'importe leur salut ou leur ruine? Sont-ce là des citoyens qu'il faille soutenir? Ne doit-on pas plutôt leur apprendre à obéir, à souffrir et se taire?... Que ceux qui pensent ainsi soient satisfaits! £!et élan, ce délire du patriotisme n'est plus à craindre! L'intervalle de quelques mois, une procédure, un seul juge, ont fait d'une ville généreuse et libre une ville tremblante et désolée. L'abattement, le désespoir concentrés, ont remplacé à Marseille le courage; la tyrannie y a étouffé jusqu'au désir de la liberté.
Faut-il, Messieurs, une foule d'autres traits pour montrer que le prévôt général ne cherche qu à poursuivre les bons citoyens ; qu'il ignore ou feint d'ignorer nos principes ; et que notre langue est pour lui une langue étrangère, un idiome inconpu? Je n'ai besoin que de renvoyer aux pièces du comité des rapports. Le prévôt avoue lui-même qu'il a décrété le sieur Bremond, avocat, de prise de corps, pour deux faits séditieux -, il a envoyé les pièces qui constatent le corps du délit. Qu'on les lise et qu'on y trouve une seule idée, un seul principe, une allégation que l'on puisse, je ne dis pas punir, mais condamner, mais censurer, refuser de louer» Je me trompe, Messieurs, voici le passage coupable de la seconde lettre, qui a fait remettre sur-le-champ en prison l'accusé, d'abord élargi sur le décret rendu pour la première.
« Ah ! si je parlais à mes concitovens, dit le sieur Bremond, je leur tiendrais ce langage au nom de l'honneur et de la patrie : Les chefs de la garde bourgeoise sont illégalement constitués, je le sais ; je l'ai dit. Mais qu'importe? Marchons sous leurs drapeaux. Ges chefs ne sont-ils pas nos frères? Ne doivent-ils pas avoir le même esprit que nous? N'ont-ils pas les mêmes intérêts à défendre? Voulez-vous qu'ils ne soient pas les premiers à montrer l'exemple de la soumission, quand l'Assemblée daignera nous transmettre le décret qui constitue les gardes citoyennes? La nôtre est insuffisante: eh bien! que notre réunion la rende nombreuse, active et puissante.
« Si les citoyens, conliuue-t-il, septaiept tous comme moi la nécessité de cette heureuse coalition, ils ne balanceraient pas à sacrifier leur amour-propre à l'amour dé la patrie. Quelle différence entre la position où nous sommes et celle où nous pouvons nous trouver ! Le calme règne dans nos murs ; mais hélas ! c'est celui de la confiance. Cette cérémonie auguste, qui fut dans toutes les villes un sujet de joie et de fête, ne fut à nos yeux qu'un appareil lugubre. Ge majestueux moment où les troupes et la garde bourgeoise prêtèrent le serment fédératif d'obéir à la nation, au roi et à la loi, ne parut aux citoyens qu'une promesse fatale de faire divorce avec eux. Et comme tout devait assortir ce spectacle superbe en des jours heureux, mais affligeants ën ces instants de deuil, on eut l'indécence d'insérer dans le procès-verbal de cette journée l'historique du dîner pris par nos échevins et quelques capitaines chez M. le commandant. Le secrétaire, rédacteur de ce verbal, eut la barbare bçtise de dire que ce dîner avait été très gai. »
Voici, Messieurs, cette lettre si capable \ en yoici le post-scriptum :
« Eh bien, avais-jetort? et lYvénement survenu à Toulon ne justifie-t-ilpas mes craintes ? Pçut-on révoquer en doute l'existence du projet d'une
contre-révolution ? Citoyens, si ceci ne vçins décide pas à marcher sous les drapeaux de la patrie, Vous ne méritez pas les bienfaits de l'Assemblée nationale; vous êtes indignes delà liberté.
« La garde bourgeoise a fait avant-îfiier le don cje ses boucles à la nation ; ce trait est digne d'e-loges ; mais ce qui lui fait autant d'honneur, c'est d'avoir rejeté avec mépris une espèce de mémoire dans la même séance, et dans lequel ii ét^it, m'a-t-on dit, question de cqmlpattre la défense des trois citoyens retenus en charte privée au château d'If, d'autorité du prévôt de Provence comme encora de soutenir le prévôt contre la dénonciation faite par M, de Mirabeau à l'Assemblée nationale. Les vexations de'ce magistrat trouvent donç des partisans, lors même qu'elles font frémir tous les bons citoyens! »
Je demande maintenant quel 3 été lé prétexte du décret de prise de corps décerné par le prévôt. Est-ce parce que l'auteur a appelé barbaremeht bête celui qui vantait la gaxtè d'un dîner où les cris d'une foule de citoyens chargés de fers dans les cachots de la citadelle pouvaient retentir aux oreilles des convives ? Serait-ce parce qu'il a révélé les vaines tentatives que l'on a faites pour soutenir le prévôt contre les adresses de dix-huit corporations qui l'accusent d'oppression et de tyrannie? Serait-ce parce qu'il a présenté l'affaire dè Toulon comme une preuve de la possibilité du projet d'une contre-révolution, et comme un nouveau motif d'union, de ralliement, de cpp-corde ? Ou plutôt ne serait-ce point parce que, faisant un hymne à la paix, il a invité et conjuré ses concitoyens 4'oublier tous les motifs de dissension, et de se joindre à 1$ milice actuelle, quoique illégalement composée, pour former un corps redoutable aux ennemis du bién public?
Oui, Messieiirs, ne vous y trompez pas, ce motif est le seul qui ait pu déterminer le décret du prévôt : tout autre prétexte serait trop frivole. Si le prévôt poursuit ceux qui ont fait des motions dans le conseil pour réformer la milice, parce qu'il la regarde comme une autorité légale, ii ne poursuit pas avec moins d'activité ceux qui veulent la laisser subsister, mais l'augmenter, la régénérer, faire d'un corps débile un corps vigoureux.
Quels sont donc les motifs d'une telle conduite? Je l'ignore ; la triste expérience de l'avenir nous l'apprendra, mais peut-être trop tard. Je sais que mille obstacles secrets empêchent depuis longtemps^ Marseille, l'établissement d'un véritable corps de milice. Je sais que M. Dandré, commissaire du Roi, avait formé le dessein de commencer ses opérations par cet objet important, et qu'il s'est Vu contraint d'y renoncer : je sais enfin que, le 31 octobre, un conseiller de ville, que plusieurs des membres de cette Assemblée ont honoré de leur bienveillance pendant son séjour à Paris, ayant fait adopter au conseil une augmentation de soixante compagnies, a obtenu un décret de prise de corps pour prix de son zèle, et qu'aussitôt, c'est-à-dire le 3 novembre, M. de Caraman écrivit une lettre au conseil pour suspendre tout changement à cet égard:
Je consigne ici ces deux pièces, et je laisse au temps lé soin de les expliquer. Voici dansquelles expressions le sieur Lieufàud s'exprima au milieu du conseil assemblé ;
Le vice de l'institution de notre milice fut bientôt reconnu : le nombre des chefs fut augmenté, celui des volontaires diminua dans la même proportion. La jalousie fit naître la haine : la défiance mit le comblé b nos maux- Tandis que
les uns craignaient les séditieux, les autres appréhendaient les aristocrates, et l'amour du bien était cependant égal des deux côtés.
« Je passe sur un événement trop fu neste, enfanté par le malheur du hasard; car je répugne àeroire que des mains incendiaires aient lanceune torche au milieu des citoyens. Cet événement acheva de dessiller les yeux.
« Bientôt des soldats, que des privilèges de notre ville retenaient à nos portes, inondèrent nos rues, et l'insuffisance de notre milice fut dès lors démontrée.
« Dans le même temps, un tribunal rigoureux vint lancer les foudres de la proscription. Cent vingt mille citoyens se virent, ils se voient encore placés dans l'alternative également cruelle d'accuser ou de se défendre. La crainte a enchaîné toutes les opinions, elle a paralysé tous les cœurs, et tel est l'état pénible où nous sommes, qu'il faut le plus ardent amour de la patrie et de la vérité pour oser improuver publiquement un régime sur lequel la contrainte a imposé le silence le plus absolu.
« Je rends à la garde bourgeoise actuelle le tribut de reconnaissance que lui doit la cité, mais je ne crains pas de provoquer sa réforme.
Nos dangers ne sont pas à leur terme : sans exagérer les craintes, ne négligeons pas les précautions. Eh! quelle serait notre déplorable situation, s'il fallait résister aux ennemis de la patrie ? Quelle force opposerions-nous à leurs entreprises? Sont-ce des capitaines sans soldats, ou des soldats sans capitaines ; les uns très peu nombreux pour attaquer, les autres trop indisciplinés pour se défendre? Que ne formons-nous de ces membres épars un corps formidable, resserré par les liens du patriotisme et de la fraternité ? »
Cette pièce, Messieurs, est au comité des rapports ; elle contient le délit qui a mérité un décret de prise de corps à son auteur, et c'est aussi un irréprochable témoin des vexations inouïes qu'éprouve le parti populaire dans une ville que votre sagesse seule peut sauver.
La lettre de M. de Caraman, du 3 novembre, est véritablement faite pour servir de pendant à cette pièce :
« Il serait inutile, dit le commandant de la province, de penser à changer un établissement approuvé par le Roi, pour lui substituer un nouveau plan qui, en affligeant sensiblement ceux qui se sont dévoués à servir leur patrie, ne serait peut-être pas rempli lorsque celui de l'Assemblée nationale serait décrété.
« Outre le -temps qu'exigerait une nouvelle formation, outre celui que demanderaient les formalités nécessaires pour détruire un corps approuvé et breveté par le Roi, je réclame à cet égard ses droits.
« La miliee actuelle, continue-t-il, a mille sept cents officiers. Si chaque lieutenant et soug-lieu-tenant étaient avertis huit jours d'avance de celui où ils devraient monter la garde, ils s'engageraient à amener chacun un volontaire qui serait leur parent, leur ami, leur ouvrier, ou une personne qui leur serait attachée.
« C'est la tout ce qu'il faut pour la ville- » Je m'abstiens de toute réflexion; je veux croire aux bonnes intentions de M. de Caraman ; mais ne serait-il pas lui-même trompé par des intrigues qui retiennent des troupes pombreuses dans une ville sans milice, dans une ville frontière, dans une ville frappée depuis trois mois du triplé fléau de l'inquisition armée, judiciaire et pré-vôtale?
Je passe au quatrième chef d'accusation que j'ai à former contre le sieur de Bournissac; c'est d'avoir adopté des principes évidemment faux, qui devaient nécessairement l'égarer, qui devaient changer sa procédure en un cours d'oppression et de tyrannie.
Et, pour démontrer mon assertion, je n'ai besoin que de vous rappeler sa lettre du9 novembre h l'Assemblée nationale. Le rapporteur a présente cette pièce comme une justification : je la regarde, moi, comme un monument de délire et d'absurdité :
« Dans le désordre inconcevable, dit-il, où je trouvai Marseille, mon premier soin fut de chercher les autorités légitimes, pour les faire respecter. Je ne puis méconnaître celle de M. de Caraman, de MM. les maire, échevins et assesseurs; celle du conseil municipal, établi par des arrêts du conseil et du parlement. Je regardai comme une autorité légitime les troupes citoyennes, les tribunaux de justice et tous leurs subordonnés inclusivement. A près avoir établi cette base de mes opérations, j'ai qualifié de délits tous les attentats commis contre ces autorités. Voilâmes principes; il n'est aucun décret qui n'ait été provoqué par leur violation. »
Ainsi, Messieurs, raisonnent les tyrans. Ainsi parlent ces hommes barbares, ces inquisiteurs féroces qui, regardant un dieu de paix comme une autorité susceptible de haine, et toutes les opinions contraires à cette autorité comme des attentats, punissent les pensées, épient les sentiments et allument les bûchers du fanatisme avec les torches de la vengeance.
Le maire de Marseille et son assesseur étaient des autorités : mais depuis plusieurs mois, ils avaient pris la fuite ; mais ils redoutaient l'opinion publique : la ville entière était donc coupable; la ville entière devait être décrétée.
Les échevins étaient une autorité : il fallait donc punir les commissaires nommés par le conseil des trois ordres, qui voulaient publier, malgré les échevins, le rapport des comptes de l'administration dont la commune les avait chargés. Aussi des décrets ont-ils été rendus contre ces commissaires.
Le conseil municipal était une autorité : il fallait donc punir tous ceux qui se plaignaient des abus des anciennes municipalités, qui en désiraient la réformation, qui répétaient dans les provinces les principes de l'Assemblée nationale; il fallait donc oursuivre les membres du conseil des trois or-res qui, à l'époque du 19 août, remplissaient les fonctions de l'ancien conseil. Aussi plusieurs membres de l'assemblée des trois ordres ont été décrétés.
La milice bourgeoise était une autorité : il fallait donc mettre au nombre des coupables tous ceux que l'assassinat du 19 août avait révoltés contre cette milice; le peuple entier, dont l'indignation et les cris l'avaient mise en fuite; tous ceux qui, désirant de la réformer, avaient écrit sur ce sujet important, l'avaient discuté dans les cercles, dans le conseil, dans les assemblées publiques. Aussi plus de cent décrets ont-ils été rendus en faveur de cette milice.
Enfin, les tribunaux de justice étaient les autorités légitimes : ce n'est point de la sénéchaussée de Marseille, tribunal respectable, également chéri de tous les citoyens, que le prévôt voulait parler; l'intendant de Provence et le parlement étaient les seuls tribunaux que l'on eût dénoncés : il fallait donc employer toute la vengeance des lois contre les citoyens utiles et courageux qui, dans
les assemblées primaires, avaient eu le courage de ne dissimuler aucune oppression, de ne taire aucun abus. Aussi que l'on me cite un seul de ces vertueux patriotes que le prévôt ait épargné. Je n'en excepte que deux, et j'ai le bonheur de les trouver dans cette Assemblée. Us donnèrent l'exemple du courage, une députation honorable en fut le prix : mais ils conviennent que s'ils étaient à Marseille, ils seraient décrétés comme les autres bons citoyens: ils s'estiment du moins assez pour croire qu'ils ont mérité de l'être (1).
Voilà, Messieurs, où les principes du prévôt l'ont conduit; et sa partialité n'est-elle par évidente? Il allait à Marseille pour punir un assassinat, pour informer sur un incendie : à peine est-il arrivé, qu'il oublie sa mission; il prend huit procédures, il entend sept cents témoins, rend deux cents décrets, et il n'est point encore content 1 et il ne juge pas depuis six mois des incendiaires, la plupart pris en flagrant délit, quoiqu'il s'agisse d'une procédure prévôtale! Au lieu de ces brigands, quels sont les citoyens qu'il poursuit? tous les habitants d'une ville immense. S'il était impartial, aucun ne serait excepté d'après ses principes; car quel est le citoyen qui n'ait pas manifesté ses opinions contre quelqu'une des huit autorités que le sieur de Bournissac veut que l'on respecte, et que nous avons cependant toutes détruites? Nous n'avons plus ni échevins, ni assesseurs, ni anciennes municipalités, ni intendants, ni parlements; et cent citoyens sont opprimés, et cent mille sont menacés pour avoir attaqué toutes ces vieilles idoles !
Mais continuons la lettre du prévôt, et voyez, Messieurs, comment il se trahit lui-même, comment il dévoile la ferveur d'un parti très puissant qui provoque et soutient sa procédure.
« L'activité, dit-il, avec laquelle j'ai attaqué les coupables, a réduit au silence leurs complices, en même temps qu'elle a relevé le courage de tous les citoyens honnêtes; ils me donnaient chaque jour des témoignages de leur satisfaction (peu s'en faut qu'il ne dise des encouragements) ; ils se félicitaient de voir bientôt le rétablissement de l'ordre, et j'eusse pu leur en donner l'assurance (quelle intimité entre un juge et des parties!), si toutes mes mesures n'avaient pas été déconcertées (des mesures dans une procédure criminelle!) par l'introduction, dans le conseil municipal, de plusieurs personnes connues pour avoir été les auteurs des troubles qui ont désolé cette ville. »
Oui, Messieurs, les prétendus auteurs des prétendus troubles ont été élus par les districts, lorsqu'on a réformé l'ancien conseil. Les accusés eux-mêmes, les accusés détenus au château d'If, ont été nommés par leurs concitoyens ; on savait bien que ce suffrage unanime ne briserait pas leurs chaînes ; mais on a voulu porter à ces âmes contristées la seule consolation qui reste aux mai-heureux, celle de n'être pas oubliés. A leur place, on a désigné des suppléants; et les parents, les amis des accusés ont été nommés.
Le prévôt nous apprend ensuite qu'il a informé contre ces nominations faites dans les
districts, et qu'il en aurait poursuivi les auteurs, si l'opinion de M. Dandré n'avait été
contraire à la sienne. Quel est donc le pouvoir du prévôt, puisqu'il prétend même avoir le
droit d'infirmer des élections publiques ? Que devons-nous espérer de la nouvelle
municipalité de Marseille qui se formera sous de tels auspices?
Que le prévôt se console! Grâce aux décrets qu'il a rendus contre les conseillers de ville, dont le sieur Chompré a été saisi au milieu même de ses collègues, à côté du commissaire du Roi, et dans le vestibule de la salle de l'hôtel-de-ville, le parti populaire écrasé n'a plus cette influence qu'il redoutait. Je ne citerai à ce sujet qu'une lettre écrite par un membre du conseil à un député de Marseille :
« Le sieur Chompré a été décrété, dit-il ; mais tous les bons patriotes sont témoins qu'il n'a cessé de crier contre les abus, et de défendre avec zèle, et peut-être avec un peu trop de chaleur, les droits des pauvres citoyens. Le lendemain, nous apprîmes le décret qui ordonne que la procédure prise par le prévôt sera jugée par la sénéchaussée. Cette nouvelle répandit la joie dans toute la ville, car tous les zélés et bons citoyens qui défendent les décrets de l'Assemblée étaient menacés d'être arrêtés. Nous sommes dans une ville d'inquisition, où l'on emprisonne pour des mots qui ne signifient rien. Le but est d'enlever du conseil les plus zélés et d'intimider les autres. Tu verras facilement que nous n'avons pu prendre aucun arrêté patriotique. Toutes les motions qui feraient honneur à notre ville sont rejetées ; celles qui nous font tort sont appuyées ; et sans les amendements que nous avons bien de la peine à faire passer, nos délibérations nous déshonoreraient. Notre ville serait une des plus heureuses et des plus tranquilles sans les ennemis du bien public. Mais une partie des citoyens maudit la révolution, et semble désirer que nous soyons encore plus esclaves que nous ne l'étions. Ce qui désole tous les bons patriotes, c'est de voir que les décrets de l'Assemblée nationale étant partout exécutés, partout reçus avec joie, partout applaudis, notre ville voit avec regret renaître cette liberté presque achevée. »
Voilà, Messieurs, quel est le langage des citoyens dont le prévôt redoute l'influence dans le conseil ! Voilà les hommes qu'il écartera de la nouvelle municipalité par une foule de décrets dont est laissée 1 application au procureur du|Roi, et que celui-ci sème et répand depuis plusieurs jours, avec d'autant plus d'activité, qu'on touche de plus près au moment des nouvelles assemblées!
Je passe à un cinquième chef d'accusation, et j'y comprendrai tout à la fois la prévention évidente que le prévôt montre dans ses mémoires contre les accusés, et les abus qu'il s'est permis ou qu'il a soufferts, soit dans la recherche des délits, soit dans l'emploi et l'exécution de ses décrets.
Il fait saisir le sieur Chompré le 14 décembre, à l'issue même du conseil. M. Dandré, commissaire du Roi, rend compte de cet événement de la manière suivante, dans le procès-verbal du conseil du 16 décembre :
« Je fus, dit-il, sur-le-champ entouré des représentants de la commune : les uns se plaignaient de ce qu'on arrêtait un membre du conseil dans l'hôtel-de-ville ; les autres, craignant que M. Chompré n'eût été arrêté pour ses discours dans le
conseil, me rappelaient que jfavais promis de protéger la liberté des suffrages. Plusieurs disaient qu'ils ne viendraient plus au conseil, puisqu'ils n'étaient pas libres. Plusieurs parlèrent de protestations, de déclarations et d'autres démarches qui auraient pu produire de fâcheux effets ; ces supplications étaient encore appuyées par les larmes et les cris de plusieurs représentants. »
M. Dandré parle ensuite des démarches qu'il a faites pour obtenir du prévôt l'élargissement du sieur Chompré, et de la réponse qu'il en a reçue. « Il y a, lui dit le sieurde Bournissac, des charges graves contre Chompré; et si l'on connaissait la moitié de ce que je connais moi-même, on ne s'intéresserait pas à lui. »
Apprenez, Messieurs, quelles sont ces charges ; et voyez le double exemple d'un juge qui décrète sans preuves, et qui, pour se justifier, recherche des preuves dans des lettres d'un mari à la mère de ses enfants, dans des lettres qu'il fait enlever chez l'accusé, qui sont sous la garde, sous le sceau de la loi.
Voici comment le prévôt s'exprime lui-même, dans sa lettre du 23 décembre à l'Assemblée nationale : « Ces lettres,|dit-il, forment un corps de délits; elles prouvent le système séditieux qui a dirigé la conduite de l'accusé ; c'est un témoignage sans réplique; ledit Chompré l'a si bien senti, qu'il s'est borné à dire que cette correspondance était confidentielle entre lui et sa femme, et qu'on ne pouvait en tirer aucune preuve.
« II a cité votre décret du 5 novembre sur le secret des lettres : je n'ai point entendu parler de ce décret. En attendant, je n'ai pas dû m'écar-ter des principes du droit public. Ce n'est pas ici une violation du sceau, mais une perquisition légale. Ledit Chompré élait accusé par le ministère public d'être un principal auteur des séditions populaires, et ses lettres renferment des indices non suspects de ses démarches. »
C'est-à-dire que le prévôt décrète, parce que son procureur élu Roi accuse; qu'il décrète sur sa prétendue notoriété d'un parti, démentie par la véritable notoriété publique; et que, pour justifier uné telle conduite, il analyse l'âme et la pensée d'un accusé dans ses lettres que je regarde comme la preuve la plus complète, je ne dis pas seulement de l'innocence de cet accusé, mais de son patriotisme et de ses vertus. Ces lettres sont au comité des rapports ; qu'on les commente ! Père de huit enfants, qu'il nourrit par la profession des belles-lettres, le sieur Chompré s'y montre tout à la fois bon époux, bon Français et surtout bon citoyen de la ville de Paris, sa patrie; il raconta dans ses lettres les troubles de la capitale, la prise de la Bastille; il fait counaître à sa femme les agents de l'ancien pouvoir; il en parle, il est vrai, sans respect ; il déclame contre les anciens ministres ; il rappelle les maux qu'il a soufferts pour avoir osé dénoncer le parlement de Provence et l'intendant, dans sa patrie adoptive. Je plains l'homme insensible que ces lettres n'ont pas touché : j'abhorre le tribunal qui ose y trouver des crimes.
« Plusieurs jurisconsultes, continue le prévôt, décident que le sceau même de la confession cesse d'être inviolable, lorsqu'il s'agit d'un crime de lèse-majesté : comment n'aurais-je pas pu saisir les lettres d'un accusé de lèse-nation? »
Oui, les juges de Jeanne d'Arc le décidèrent ainsi ! Voilà les jurisconsultes du prévôt de Marseille ! Quantau crime de lèse-nation, il est prouvé, par ce passage d'une des lettres du sieur Chompré, que la souveraineté réside dans le peuple;
maxime atroce sans doute, et digne du dernier ! supplice au tribunal des Jeffrvs ; mais que nous avons tous professée, et pour la conservation de laquelle nous sommes prêts à verser tout notre sang.
Vous venez de voir, Messieurs, les motifs apparents du prévôt pour'décréter le sieur Chompré ; voici maintenant les vrais motifs, indépendamment de ses anciennes motions dans les assemblées primaires.
Dénoncé dans l'Assemblée hatioiiâle, le prévôt s'est empressé de demander un certificat au conseil municipal.
Le Sieur Lieutaud, conseiller de Ville, sepropùse de s'opposer à cette demande : la mort de son père l'ayant empêché de paraître au conseil, le sieur Chompré lut en son nom le discours que Lieutaud se proposait de prononcer dans l'Assemblée ; et deux décrets de prise de corps leur ont appris à l'un et à l'autre ce que l'on gagne à s'opposer à un prévôt.l
Voici, Messieurs, l'opinion du sieur Lieutaud prononcée par le sieur Chompré.
« Le prévôt général demande une attestation que le conseil ne peut pas lui donner ; comment, en effet, pourrions-nous approuver une conduite qui ne s'est manifestée que par des actes de Viô-Jence, dont la justice oii l'injustice ne nous est pas connue, puisque la procédure est secrète 1
« La députation dont le conseil l'a honoré, pour suspendre le cours de ses procédures occultes, prouve qu'étant instruits qU il n'avait pas encore suivi la nouvelle loi Criminelle, nous avons voulu prévenir le malheur de voir des citoyens livrés à l'arbitraire de l'ancien Code.
« Le magistrat, il est Vrai, a paru se rendre à nos Vœux ; le procès-Verbal de l'assemblée l'annonce ainsi t mais c'est là l'unique certificat que nous devons lui expédier. Et ne voyez-vous pas que cette demande insidieuse n'est faite par le prévôt que pour le mettre à l'abri des reproches qu'il a peut-être mérités ? Au moment même où il promit de se rendre à notre invitation, il suppliait l'Assemblée nationale de priver Marseille des faveurs de la nouvelle loi ; son tribunal a osé informer contre la nomination faitê dans quelques districts. Il a décrété des membres du conseil relativement à leurs opinions; il n'a pas craint par de pareils attentats, de manquer à l'autorité de l'envoyé respectable du monarque. Sa [conduite Réchappera point aux yeux pénétrants qui cherchent à l'approfondir Nous verrons alors de qu'elle nature doit être le certificat que flous expédierons au prévôt général. Je Conclus à ce que le conseil prononce qu'il n'y a pas lieu à délibérer; et je requiers l'annexe dé mon opinion au registre. *> .
Cette motion, Messieurs, fut adoptée. Le prévôt aurait bien voulu qu'il ne pût rester aucune trace de sa demande. Il redemanda sa lettre. Le conseil délibéra de la refuser. « J'espère, aVait dit le prévôt, qu'en adhérant à ma réclamation, Vous Vous joindrez à moi pour obtenir de l'Assemblée nationale une satisfaction en faveur d'un tribunal respectable, à qui le souverain a conféré exclusi-sivement l'exécution des lois et le maintien de l'ordre public. »
Je m étonne que le prévôt dé Marseille n'ait décrété que deux conseillers de ville parmi ceux qui lui refusèrent l'adhésion qu'il demandait. N'est-jl pas âussl une aut^Até qu'il faut respecter ? J'aimerais autant, j'aimerais mieux le voir se venger lui-même que de venger les autres.
C'est évidemment ce qu'il a fait relativement au
sieur Brémond. Il l'avait d'abord décrété pour une lettre très patriotique, puis élargi à la prière de M. Dandré; ce qui prouve du moins qu'il n'es* pas inaccessible aux prières. Mais une nouvelle lettre du même auteur. Vous la connaissez, Messieurs, fut regardée par le prévôi; comme un libelle; son zèle s'échauffe aussitôt : son procureur dU Roi lui présente, le 9 décembre, une requête qui n'est signée d'aucun adjoint, et demande que le sieur Brémond soit réintégré dâns le fort ; le prévôt l'ordonne, et prend pour assesseur Ce même sieur Massel, qui, comme procureur du Roi à la police, informe pour le prévôt contre les adresses que vous envoient quatre-vingt-mille citoyens, et qui lui donne des certificats étendus, parce que son information, qui n'est composée que de cinq témoins, ne prouve rien.
Tels sont, Messieurs, les signes de l'oppression combinée que l'on exerce à Marseille. Le même esprit qui fait lancer des décrets en dirige l'exécution. Letsieur Chompré fut saisi dans l'hôtel-de-ville; le sieur Brémond, dans un corps de garde. Plus récempaent encore, un malheureux citoyen, qui recevait les derniers soupirs de sa femme expirante, vient d'être arraché du lit de mort de son épouse, des bras de ses enfants, de l'asile inviolable du malheur.
« Voici, écrit-on de Marseille, le moment qu'on a choisi pour exécuter un décret rendu depuis trois mois contre le sieur Rainaud, fabricant de chandelles, citoyen domicilié, et qui ne cherchait point à prendre la fuite. Sa femme, accouchée depuis peu de jours, était atteinte d'une fièvre mortelle : avant-hier elle fut administrée ; on fit sortir ses enfants de leur pension, pour qu'elle pût les voir encore une fois avant de mourir. C est dans la nuit qui a suivi ce jour de douleur qu'on a forcé le domicile du sieur Rainaud. Ce n'est pas tout ; les barbares, après s'y être introduits avec la ruse dés renards, s'y sont conduits comme des tigres... Quelques soldats étaient logés chez le sieur Rainaud; à deux heures du matin, deux autres soldats ont été frapper à sa porte à coups redoublés : ils feignaient d'appeler leurs camarades au service. tJn domestique est descendu pour, leur ouvrir la porte : aussitôt plusieurs cavaliers de maréchatissée, des soldats de tous les régiments et plusieurs officiers de la garde bourgeoise, sont entrés précipitamment; les appartements ont été assaillis; et comme on les a priés de respecter celui qui ne renfermait qu'une femme mourante : c'est par celui-là même que nous voulons commencer. Sur le champ ils en ont forcé les portes, ets'éiançant vers un lit de douleur, tirant les rideaux qui le couvraient, ils n'y ont trouvé que l'agonie ou la mort. Le 6..., ont-ils dit, n'est pas ici; nous le trouverons ailleurs. Ils n'ont pas eu de peine à le découvrir : il ne cherchait ni à fuir, ni à faire résistance. On l'a impitoyablement arraché des bras de sa femme et de ses enfants désespérés^ »
Je m'arrête pour vous épargner le tableau de ces horreurs... Vous savez déjà que la procédure de Marseille est un tissu d'injustices : que sert-il de vous apprendre qu'elle est un code de férocité ?
Heureusement, Messieurs, pour votre sensibilité et pour la mienne, les détails qui me restent à vous faire connaître, seront différents des faits que je viens de présenter. Ceux qui prétendent que le sort de deux cents accusés et les terreurs d'une ville entière ne sont rien et ne doivent pas nous intéresser; ceux qui prétendent qu'un juge oppresseur est invulnérable, lorsque, religieux observateur de toutes les formes, il se borne à violer toutes les lois, ceux-là pourraient dire que je n'ai point
encore commencé la discussion de la cause ; mais je crois qu'elle est achevée pour ceux dont la révolution actuelle renferme toutes les espérances, qui en aperçoivent de loin les obstacles, qui voient un intérêt universel caché dans l'intérêt de quelques citoyens, et un procès national dans Unè simple procédure. Si l'infraction d'un seul de vos décrets ne peut rester impunie, n'est-ce donc rien que d'opprimer le parti populaire dans une ville entière, que d'y semer des germes de dissensions qui en divisent les forces, que d'y violer, non uh décret isolé, mais vos principes, mais vos maximes, mais l'esprit de toutes vos lois ?
11 me sera cependant, Messieurs, aussi facile de prouver que le prévôt n'a point exécuté vos décrets, que de montrer la tyrannie et les suites fùnestes de sa procédure.
La première violation que je vous dénonce, c'est l'inexécution de votre décret du 5 novembre, qui fut expressément rendu sur une motion contre le prévôt de Marseille ; et j'en forme mon sixième chef d'accusation.
Les sieurs Paschal, Granet et Robecqui, décrétés de prise de corps, avaient présenté dans le mois d'octobre une requête en récusation contre le sieur Laget, procureurdu Roi, du prévôt, et contre lé sieur Miollis, son assesseur. Trois membres de la sénéchaussée d'Aix arrivèrent à Marseille le 27 octobre ; ils se joignirent à deux avocats de cette ville, qui étaient sans mission et sans pouvoir; le même jour, la requête en récusation fut jugée, sans observer aucune des formalités prescrites pour les jugements en matière criminelle, par votre décret du 8 octobre. Dix-neuf jours s'étaient écoulés entre votre loi et cette violation. Je vous la dénonçai le 5 novembre. Plusieurs membres de l'Assemblée se plaignaient, en même temps, de ce que les lenteurs du pouvoir exécutif privaient les peuples du bienfait de vos lois» Vous voulûtes prévenir l'effet de ces lenteurs, et Vous rendîtes le même jour un décret général pour tout le royaume, qui fut conçu en ces termes :
'« Qu'il sera demandé à M. le garde des sceaux et aux secrétaires d'État de représenter les certificats ou accusés de réception des décrets de l'Assemblée nationale, spécialement du décret concernant la réformation delà procédure criminelle qu'ils ont dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire,, et des commissaires départis, et qu'il sera provisoirement sursis à l'exécution de tout jugement en dernier ressort, et arrêt rendu dans la forme ancienne, par quelque tribunal ou cour de justice que ce soit, postérieurement à l'époque où le décret a pu parvenir à chaque tribunal. «
Ge décret fut sanctionné par Sa Majesté. Il forme donc une loi. Elle fut enregistrée, le 20 novembre, par le prévôt de Marseille.
Or, Messieurs, votre décret du 5 novembre n'a cessé depuis lors d'être violé par ce tribunal. Les juges récusés ont continué de remplir leurs fonctions, en vertu du jugement du 27 octobre, qui déboutait les accusés ; ils n'oiit pas fait rejuger la récusation; il s ont regardé comme définitif, comme irrévocable, le jugement dont vous aviez ordonné la sur&éaùce; ils ont continué de requérir, d'inJ former, de décréter, et ces juges étaient sous le joug d'une récusation qui les forçait de descendre de leur tribunal.
Je ne connais pas d'infraction plus éclatante de vos décrets,•puisqu'elle embrasse une. procédure entière, Je n'en connais pas déplus obstinée, puisque le tribunal violateur y persévère depuis près de trois mois. Je n'en connais pas déplus funeste dans ses conséquences, puisque soixante
citoyens ont été décrétés, depuis lors, par de juges sans fonctions; puisque le prévôt aurait appris que des officiers de la milice bourgeoise etaiënt évidemment suspects, accusés, accusateurs et parties; qu'il aurait par cela même ajouté moins de foi aux dépositions des témoins* membres de cette milice; qu'on n'aurait paâ choisi parmi les capitaines du même corps les adjoints qui ont assisté depuis lors le prévôt, ce qui vicie toute cette procédure, ce qui en fait un monstre judiciaire ; enfin, je ne connais pas d'infraction plus horrible, parce que si les malheureux prisonniers avaient été définitivement jugés, condamnés et punis par de tels juges, leur mort, il faut bien raisonner dans le sens du prévôt, leur mort ordonnée par des juges récusés, interdits et sans pouvoir, n'aurait été qu'un assassinat.
Je ne connais, Messieurs, aucun prétexte qui puisse excuser cette infraction. Que pourrait-on alléguer qui ne fût évidemment. réfuté par le texte même du décret du 5 novembre, et par les motifs qu'adopta votre prévoyante sagesse ?
Dirait-on que le décret ne surseoit qu'aux jugements à rendre ? Mais le décret ordonne littéralement le cobtraire par ces mots : il sera sursis à tout jugement rendu-, que le décret ne doit s'entendre que dés jugements de condamnation ? le texte dit : tout jugement en dernier ressorti et le jugementdu27 octobre était, comme prévôtal, eu dernier ressort; qu'on ne doit appliquer le décret qu'aux jugements définitifs* etnon passeulement instructoires ; mais, cette expression du décret, tout jugement, exclut évidemment toute exception. D'ailleurs quel aurait été l'objet de votre décret, si vous n'aviez voulu surseoir qu'à des jugements auxquels on sait bien que les juges nesurseoient point ? Dans la plupart des tribunaux, et d'après leur ancien usage, le supplice ne suit-il pas dans l'instant le jugement qui l'ordonne? Si tel avait été l'objet de votre décret* il aurait trouvé partout des jugements à surseoir, et nulle part des victimes à sauver.
Tel ne fut point, tel ne pouvait être l'objet de votre loi. Les agents de i'autorité, disions-nous, ne font pas exécuter assez promptement nos décrets ; prenons des mesures pour l'avenir; mais que les citoyens n'en soient pas les victimes ; que le bienfait de la loi se fasse sentir à l'instant même où les simples délais indispensables auraient dû en faire jouir les peuples.
Quels sont ces délais ? Votre décret du 5 novembre les détermina ; mais j'observe qu'il serait assez singulier qu'un décret, expressément rendu sur la dénonciation que je fis du jugement prévôtal du 27 octobre^ ne fût point applicable à ce jugement. Les délais accordés par le décret du 5 novembre sont de trois jours pour l'enregistrement et de huit jours pour la publication sous peine de forfaiture. Que l'on combine ces délais comme on voudra : le décret fut sanctionné le 10;|le parlement,d'Aix aurait dû le recevoir le 16, l'enregistrer le 19, l'envoyer le même jour; le prévôt l'aurait donc enregistré le 22, même en supposant qu'il n'ait pas dû lé recevoir directement de laconhétabliedes maréchaux de France.
Voilà donc, Messieurs* un premier décret que le prévôt viole depuis trois mois. En vain dirait-il que le décret du 8 octobre n'a été enregistré par le parlement d'Aix que le 4 novembre» et par lui que le 18. G'est précisément la crainte d'une telle négligence qui fit prendre des moyens à l'Assemblée nationale pour que l'effet du décret du 8 octobre ne fût point retardée par les lenteurs de ceux qui étaient chargés de l'envoyer,
Voici une seconde violation de vos décrets, c'est mon septième chef d'accusation.
Le sieur François Cayol Richaud, décrété d'ajournement, présente une requête au prévôt pour lui demander la copie de la procédure.
Il expose dans sa requête qu'il a prêté ses réponses; il rappelle, il copie le texte de l'article XIV du décret au 8 octobre, et le répète littéralement dans ses conclusions, Que fait sur cela le sieur Laget, procureur du Roi ? quel est le décret du prévôt ? Le premier donne les conclusions suivantes le 24 novembre : Il sera poursuivi en Vétat, ainsi qu'il appartient.
Le second répète les mêmes expressions dans son décret du 28.
Trois jours auparavant, il avait refusé d'exécuter le même article de la loi. Trois décrétés de prise de corps lui avaient demandé par réquête «qu'injonction serait faite au greffier d'expédier la copie de toutes les pièces de la procédure, signée de lui et sur papier libre, le tout sans frais ; qu'en outre, il serait permis à leur conseil de voir les minutes. »
Le procureur du Roi conclut, le 20 novembre, qu'il serapoursuivi en l'état, ainsi qu'il appartient. Les accusés reprennent aussitôt leur requête, et y ajoutent ces observations, que je vous prie de remarquer : « Les conclusions de votre procureur du Roi, disent-ils au prévôt, pourraient vous induire en erreur. Votre refus contrarierait les décrets de l'Assemblée nationale ; ses décrets sanctionnés sont une loi publique. » Vaines réclamations! le prévôt était décidé à soustraire la procédure â tous les regards.....Son ordonnance du 25 novembre est conçue en ces termes : Usera poursuivi en l'état, ainsi qu'il appartient.
Ce sont, Messieurs, ces deux violations de vos décrets que votre comité des rapports vous dénonça le 8 décembre. Le rapporteur fit lecture des deux requêtes dont je viens de parler. Il dévoila les vues secrètes, ia main invisible qui dirigent la procédure prévôtale ; un coin du voile qui la couvre fut soulevé; et votre décret du même jour, en déclarant le prévôt et le procureur du Roi prévenus du crime de lèse-nation, renvoya la procédure au juge naturel â la sénéchaussée de Marseille, pour la juger en dernier ressort.
Vous croyiez sans doute avoir ramené le calme dans une ville agitée ; cet espoir fut bientôt trompé. De3 observations, présentées à l'Assemblée au nom du Roi, le 22 décembre, c'est-à-dire quatorze jours après votre décret, eurent pour objet de le faire rétracter. Vous ordonnâtes un second rapport de cette affaire ; mais dans le même temps, au lieu des nouvelles consolantes que la députation de Marseille attendait de ses commettants, nous apprîmes avec douleur qu'un avocat estimable qui portait aux accusé s et à sa patrie un extrait original de votre décret, signé par M. le président et par MM. les secrétaires, venait d'être décrété de prise de corps, et n'avait échappé que par la fuite. Auteur d'un mémoire sur la procédure prévôtale signé et présenté par lui à l'Assemblée nationale, porteur d'un décret qui déjouait toutes les mesures du prévôt, à ce double titre, deux décrets de prise de corps au lieu d'un seul auraient dû sans doute le frapper.
Puisqu'il le faut, Messieurs, examinons une seconde fois si le prévôt est innocent ou coupable ; si notre décret, annoncé par tous les papiers publics, n'a dû relever dans Marseille les espérances des bons citoyens que pour les détruire au même instant ; e désespoir doit rem- placer la joie si courte de ces malheureux accusés, qui ont tressailli dans leurs cachots en apprenant vos bienfaits. *
Le comité des rapports a cru, Messieurs, pouvoir justifier le prévôt, non sur les bases de sa procédure, sur son objet, son but, ses conséquences, mais sur l'infraction littéralement prouvée par ses décrets des 25 et 28 novembre.
Le refus de donner une copie de la procédure, a dit le rapporteur, n'est point définitif. L'ordonnance du prévôt n'est qu'un simple tardé que nécessitait la contumace, non encore instruite de plusieurs accusés. Donner la copie à un seul qui a prêté ses réponses, ce serait fournir un moyen à tous les autres de la connaître, de se concerter, de calquer leurs réponses sur le même plan. L'esprit de la loi serait dès lors violé, et cette explication a été consacrée dans un des articles que M. Tronchet a proposés pour expliquer la loi provisoire sur la procédure criminelle.
Voilà tout ce qu'on a dit de plus spécieux pour le prévôt. Il n'est cependant aucune de ces assertions qui ne soit une erreur évidente.
D'abord il est profondément faux que l'ordonnance du prévôt conçue en ces termes, il sera poursuivi en l'état ainsi qu'il appartient, ne soit qu'un tardé. Une distinction bien simple suffira pour le démontrer.
Lorsque ces mots sont relatifs à une demande qu'on adjuge et dont on déboute, il est évident que l'adjudication ou le déboutement ne sont que provisoires, c'est-à-dire qu'ils ne pourront subsister qu'autant que l'état des choses restera le même ; mais alors le juge qui met une pareille limitation à la durée de son jugement se sert de ces termes : adjugé en Vétat, — débouté en l'état.
Dans le cas, au contraire, où l'objet de la demande consiste à changer l'état actuel d'une procédure, à lui donner une nouvelle forme, à forcer l'impénétrable secret dans lequel on veut la tenir, ces mots, il sera poursuivi en Vétat, peuvent-ils signifier autre chose sinon que le juge ne veut pas changer l'état des poursuites, qu'il veut continuer d'instruire, de juger, dans l'état où se trouve la procédure, et la tenir secrète, puisqu'elle l'a été jusqu'alors? Si les mots dont on se sert au palais ne sont pas des termes magiques; s'il faut les expliquer d'après leur rapport avec les premiers éléments de la langue française, je ne connais aucune expression qui pût annoncer d'une manière positive un déboutement définitif.
En second lieu, il est également faux que la contumace non instruite de plusieurs accusés ait pu autoriser Je sieur Bournissac à retarder la communication de la procédure, quand même on supposerait que le déboutement n'est que provisoire. L'article XIV du décret du 8 octobre porte littéralement que la copie de la procédure sera délivrée à l'accusé qui aura prêté ses réponses s'il la requiert. La loi ne parle que d'un accusé;1 la loi ne suppose pas que tous les accusés forment la même demande, ni qu'ils aient tous prêté leurs réponses. Retrancher de la loi ce qu'elle ordonne, ou y supposer ce qu'elle ne renferme pas, n'est-ce pas également la violer?
Enfin, il n'est pas moins faux qu'aucun article de M. Tronchet soit relatif à l'interprétation du prévôt, qu'aucun tribunal du royaume ait formé cette difficulté, que M. le garde des sceaux l'ait proposée.
Et quel serait, Messieurs, l'effet de votre loi, si un seul accusé refusant de prêter ses réponses, la procédure devait rester secrète pour tous les au -
très? Continuerait-on alors les poursuites? la loi serait violée. Les suspendrait-on jusqu'à ce que la contumace fût instruite? — L'accusé, qui n'aurait pas voulu répondre, n'attendrait-il pas cet instant pour connaître la procédure par la copie donnée a ses complices?
Mais pourquoi raisonner sur des suppositions dont toute la conduite du prévôt démontre la fausseté? Si son objet n'avait pas été de cacher la procédure, aurait-il écrit, dès le 9 novembre, à l'Assemblée nationale, pour proposer des doutes sur la sagesse même de la loi? Aurait-il cherché à prouver qu'elle ne devait pas avoir un effet rétroactif sur les procédures commencées ? Aurait-il pris tant de soin de montrer que sa procédure méritait surtout une exception? « Lorsque la loi sera entièrement promulguée, dit leprévôt, le témoin, prévenu de la publicité de sa position, aura eu la faculté de délibérer le degré de vérité ou de force qu'il doit mettre dans sa déposition et le degré de faveur et d'intérêt qu'il doit à sa conservation. Mais il n'en est pas de même dans les circonstances où les témoins n'ont déposé qUe sur la foi du secret : leur attente peut-elle être trompée, et n'y aura-t-il aucun inconvénient à donner à la loi un effet rétroactif? »
Ces observations, proposées par le prévôt, ne sont-elles pas un trait de lumière dans cette cause? Celui qui trouvait une certaine injustice, un certain danger dans l'application de votre loi aux procédures existantes, ne devait-il pas mettre peu d'empressement à obéir? Celui qui espérait une exception pour sa procédure, ne devait-il pas chercher un prétexte, quel qu'il fût, de ne pas exécuter provisoirement une loi dont il croyait pouvoir être dispensé ?
Mais si le prévôt était de bonne foi, si son unique objet n'était pas de dérober aux accusés des connaissances qu'il est de son intérêt de leur cacher, d'où vient que des hommes en place, partisans du prévôt, firent tous leurs efforts pour engager les accusés à consentir à une amnistie qu'on leur promit d'obtenir? moyen qui réunissait le double avantage de flétrir des innocents et d'empêcher que la procédure ne vît le jour.
Si le prévôt était de bonne foi, d'où vient que depuis le décret du 8 décembre, la procédure n'a pas été communiquée ? D'où vient que le procureur du Roi n'en a point fait ordonner la rémission ? Quoi ! le prévôt cherche à se justifier, il veut faire regarder son refus comme une erreur, il demande que le décret du 8 décembre soit rétracté, et il n'exécute pas la loi ! Ce décret, qui le renvoie au Châtelet, et le dépouille de la procédure, ne suflit-il pas pour lui faire connaître que vous avez condamné sa résistance ou ses principes? Ce décret, eût-il besoin d'être sanctionné, n'est-ii pas du moins un garant de l'interprétation que vous donnez à la loi ?
Non, Messieurs, cela ne suffit point. Le prévôt refuse même de montrer la procédure au conseil des accusés ; il persiste à alléguer, malgré votre dernier décret, que cette demande est prématurée ; et opposant son opinion à la vôtre, c'est la sienne qu'il veut faire triompher.
Non, le prévôt ne veut point obéir. 11 connaît votre décret qui le dépouille; il ignore si ce décret sera rétracté; et il ne suspend pas de lui-même ses procédures, et il en commence deux nouvelles, et il fait exécuter une foule de ses décrets !
On a dit que le prévôt ne peut pas être soupçonné d'avoir voulu résister à la loi, parce que, dès le 31 octobre, il suspendit ses poursuites, à
la réquisition du conseil municipal, avant que la loi eût été enregistrée; que des adjoints ont ensuite assisté à ses informations, et qu il a donné la communication de deux procédures. Mais que prouve cette obéissance partielle, et que veut-on en conclure? De ce que le prévôt a communiqué deux procédures isolées, auxquelles il met peu d'importance, et qui n'ont aucun rapport avec la grande procédure qu'il veut cacher, s'ensuit-il qu'il n'ait pas violé la loi par ses décrets du 25 et du 28 novembre? De ce qu'il a pour adjoints des capitaines de la milice bourgeoise, qui certifient très complaisamment qu'il se conforme à vos décrets, s'ensuit-il qu'il ait donné une communication que ses ordonnances ont littéralement refusée? De ce que le conseil municipal a été forcé de le prier de suspendre ses procédures, qu'il aurait dû interrompre de lui-même, puisque la loi, quoique non enregistrée, lui était parfaitement connue, s'ensuit-il qu'il ait été plus disposé à obéir à une loi dont il cherchait alors à s'exempter, et qu'il a ensuite violée ? Si, pour être coupable d'une infraction à vos décrets, il faut les rejeter, refuser de les enregistrer, et donner sans ménagement le signal de la désobéissance, je conviens que le prévôt doit paraître innocent : mais qui de nous professerait de tels principes?
Je passe à une troisième violation de vos décrets. C'est dans le fort Saint-Jean que le prévôt a placé son tribunal ; il prétend y être autorisé par un arrêt du conseil du 23 septembre : et je demande si cet arrêt, antérieur à votre décret du 8 octobre, peut être cité, lorsque la publicité de la procédure est une loi nationale ? Je demande si l'instruction peut être publique dans un fort ; si cette publicité, si ce libre concours des citoyens, qui doit surveiller désormais les juges, qui doit être la première sauvegarde des accusés, peut s'allier avec la contrainte, avec le passage d'un pont-levis, avec l'appareil des troupes, avec la maison d'un juge, avec le pouvoir d'un commandant militaire ?
Voyons pourtant si, même dans cette forteresse, où l'opinion publique peut si difficilement pénétrer, où le prévôt résserre les accusés à côté ae son logement, il rend la procédure aussi publique qu'elle pourrait l'être. Le prévôt croit prouver ce fait par le certificat du commandant du fort : voici des déclarations plus légales.
Le sieur Seytres, avocat de Marseille, et conseil du sieur Chompré, fait connaître, de la manière suivante, quelle est la publicité de la procédure prévôtale.
Le 16 décembre, j'assistai au paraphement des papiers du sieur Chompré. La porte de la chambre resta ouverte ;il y avait cent cinquante personnes, en y comprenant celles qui restaient dans le corridor, au-devant de la chambre.
« Le 25, il n'y eut que vingt-cinq à trente assistants dans la séance du matin ; il y en eut, le soir, trente-cinq à quarante.
« Dans les séances des 21, 23 et 24, il n'y eut que trente personnes, plus ou moins, en y comprenant douze à quinze soldats, avec leurs fusils armés de baïonnettes, un, et plus souvent deux cavaliers de maréchaussée.
« La chambre où le prévôt procède, continue-t-il, peut avoir vingt pas de longueur, sur dix-huit de largeur; elle est divisée au milieu par une barrière en bois : d'un côté sont le prévôt, l'assesseur, le greffier, l'accusé, son conseil, quelques fusiliers, un ou deux cavaliers, et quelques personnes que le prévôt veut bien y admettre ;
de l'autre côté Sont les spectateurs et quelques fusiliers. *
Le sieur Seytres atteste encore qu'il a toujours éprouvé lés plus grahdeS difficultés pour être admis datis le fort, qtioiqti'il s'adrioijçat cdmme lé cdfièëil dti SiëUt Cnompré, la Sëntiil'elle lUi disant qtte sa éônslgne était dè îie laisser entrer qu'ëhviroti trente personnes.
tjiie autre déclaration, faite pâr-deVàht notaire par ttêûi particuliers, prouve des faits plus singuliers. En bons citoyens, disënt-iis, nous voulûmes nous assurer par nous-mêmes, lë 1B décembre, si les décrets de l'Assemblée nationale étaient exécutés. Nous trouvâmes cent cinquante personnes à la barrière. M. de fiournissâc entra ; tout le monde le suivit, et âsista à cette audience. b Ç'ëst la première dont parle le âièlir Seytres : il tië s'àgissait qûë de parapher des papiers ; li n'y avàit point là dë secret à révélér.
« Le 18, nous revînmes ; cétit personnes attendaient à là porté : fflâis la sentinelle répondit aux tins que i'aUditbife était plein ; aux autres, que l'audience hé commençait qu'à midi. Un soldat vint dire qu'on pouvait laisser êttbore entrer Sept à huit personnes. Je fus de ce nombre, continue l'Un des exposants, ët je trouvai l'auditoire à demi Vide : si, pendant lâ sêande, la Salle se remplit aux trois quarts, ce fut par des officiers et des feôldatsën pantalon ët en bonnet de huit. » L'autife exposant se rendit à la séance de l'après-dtnet ; il fut refusé : mais Un mot dit à l'oreille de la sentinelle lui permit d entrer, lui troisième. La sâllë n'était remplie qu'au tiers. Pendant la sèàhce, M. de fidUrni&sàC ait à l'asséblblêé « que s'il h'ëntràit pas Un plus grand nombrë de personnes à Ses audiences, c'est qUe M. lë Cdffimati-dant dû fort île permettait l'entrée qu'à trente personnes au plue, et qu'il était subordonhé à ses ordres. «
Voilà, Messieurs, quelle est là publicité de la procédure prévôtale dans !è fort Saint-Jean : si c'est là cette notoriété qtoe vous âvei vdulu dotiner à .l'instruction criminelle ; si c'est dans le donjon d'un fort, dans la chambre à coucher du juge, que doivent être rendus cës redoutables arrêts, toi ihtêresSëût lâ sdbiêté ëiitiêfe, et qui He evraieftt être prononcés que dans ub temple du sUr des places publiques, le prévôt de Marseille peut alors se féliciter d'avoir exécuté vos décrets, d'avoir rendu publique une procédtorè, que personne cependant n'aura Cbnnuë. Mais si tel ne peut être l'objet de la lbi, la conduite du prêVôt n'est plus dès lors qu'Une dérision, et Une telle publicité, qu'une indécente* parodie.
Enfin, Messieurs, une quatrième infraction qu'a commise lë prévôt, non contre vos décrets, mais, cë que j'estime être etiçore plus coupable, contre vos principes, c'est d'avoir transféré trois dès accusés dans l'Ile dU château d'If, dë les avoir punis par la relêgâtion avant de les juger, ët de leur avoir itttebdit, par lé fait, les secours dé letors conseils, que votre décret dû 8 octobre à Voulu leur assurer.
Dahs sa lettre du 15 novembre à l'Assemblée nationale, le prévôt allègue que les prisonniers ont requis cette translation, mais il l'attribue lui-même à d'autres motifs.
* La garnison, dit-il, n'était pas assefc il ombreuse pour fournir un excédant de sentihelles ; elle se trouvait Vexée par la multiplicité des postës : les visites que recevaient ces trois prisonniers donnaient de justes ihquiétudèS Sur ras-surance du fort, menacé par des placards journaliers, ët ce transport fut fait sur là demande
du commandant. » Ce n'est, Messieurs, qU'a-près avdir dohiié ces frivoles et Inexplicables prétextes, quelë sieur de Bournissac parle, non aunè requête des dcctlsés, mais de leurs réquisitions : il s'est trompé dans sa lettre, comme on s'est trompé lorsqu'on l'a lue : vous jugérez Vous-mêmes du degré de crédulité qu'il doit inspirer à cet égard.
Et comment supposer ^ue les accusés ont requis cette translation qui lés séparait par uti bras dé mer de leur conseil, de leurs f&milles? Ils n'ont cessé de la dénoncer comme un délit: ils se sont adressés à M. Dandré, commissaire, pour que leur traitement fût moins rigoureux. Il y a plus encore : ces malheureux prisonniers, ayant présenté requête le 12 décembre, aux fins qu'ils fussent transférés dans les prisons royales du palâis de Marseille, leur requête n'a été répondue que le 21 ; et comme si vos nouvelles lois ne leur laissaient que l'alternative également funeste d'être enfermés datls une bastille ou détenus en charte privée, le prévôt a ordotthè qu'ils seraient transférés dans le fort Saint-NiCôlâê. Lë sieur Bournissac connaissait alors Votrë décret du 8 décembre. Vous âvie2 ordonné le transport des accusés dans les prisbns ordinaires : mais telle b'est bas la volonté du prévôt; c'est dans des citadelles qu'il veut lés placër.
Cë h'est pdint encore assez : vous ôrdVez, sahs doute, que le prévôt à éiëcutè sou ordonnance du 21 décembre : qUe vous connaissez mal ses projets ! Le côhsëil des accusés atteste, le 17 janvier, que les accusés sont ëncoré au château a'If. C'est le sieUr Martin, procureur à la sénéchaussée, qui éërit ; il parle tant pour lui que pour M. La-vabre, avocat de Marseille : « Nous sommes allés, dit-il, chez M. lë prévôt ; il nous a répondu qu'on ne pouvait nous permettre lâ lecture de là procédure. Il a ajouté que les accusés devaient être incessamment amenés du chàtëau d'If; qu'on avait donné hier des ordres pour que cette translation eût lieu Ce matin, mais que, lë temps u'étant pas favorable, oh avait révoqué cet ordre. Nous avons été dbligés de nous réduire, à demander le jour de Cette translation pour nous rendre de nouveau au fort Saiht-Jeân ; il n'a pu nous l'indiquer, en nous disant que le temps la déterminerait. ».
Vous allez Voir, Messieurs, qUe le prévôt n'est pas heureux dans le choix de ses prétextes. Tandis qu'il dit aux conseils des accusés que le temps ne permet pas d'aller àu château d'If, les bateliers de service à ce chàteâto déclarent « que le temps ësl très favorable pour aller et pour revenir : cë qui est si certain, disent-ils, que nous y sommes allés cë matin, et que nous en revenons dans cë moment. »
Si c^est à la réquisition des accusés que le sieur de Bournissac a transféré les accusés dans une prison d'État, oh ne niera pas du moins que c'est malgré leurs réclamations, leurs requêtes, vos dééreis ët ses ordonnancés, qu'il les y retient.
Il était temps qu'un système compliqué d'Op-pression eût tin terme ; et nous devons nous féliciter nous-mêmes que l'opinion pUbliqUë, qui aurait pu gronder comme un orage, hé Se spit fait ehtettdre que par les supplications, les prières et les actions de grâce d'une Ville entière, sur votre décret du 8 décembre.
L'impatience dë recevoir ifes lëttreS-pâtehtes, attributives de la procédure, à la sénéchaUsséë de Marseille, donna le signal d'un dernier élan de courage. Une adresse fut rédigée. Dans quelques heures, douze cents Citoyens l'eurent signée. On
trouve parmi eux huit membres du conseil, des prêtres, d'anciens militaires, des capitaines de navires, des avocats, des négociants, des fabricants, des artisans, des bourgeois, neuf lieutenants de la milice bourgeoise, et un Capitaine»
Voici, Messieurs* cette adresse
: « Les citoyens patriotes de la ville de Marseille, considérant que le bonheur du peuple français est dans les mains de ses représentants; que déjà les décrets émanés de leur sagesse et de leur patriotisme lui garantissent le bienfait inappréciable de la régénération publique ; mais qu'il s'en rendrait indigne s'il ne manifestait pas hautement son adhésion, sa fidélité et son inébranlable attachement aux principes de l'Assemblée nationale;
c Considérant que, s'il u'est aucun décret de cette auguBte Assemblée qui n'excite les transports et l'admiration de tous les Français, les bons citoyens de Marseille lui doivent un tribut particulier de reconnaissance pour celui du 8 de Ce mois, qui dépouille le préVôt des maréchaussées de Provence d'une attribution dont lés méchants qui l'entourent ont cruellement abusé ;
« Considérant que, depuis l'instant bù ce prévôt fut appelé dans Marseille pour y donner un exemple nécessaire peut-être à la tranquillité publique, on a vu les véritables ennemis de cette tranquillité développer le système de leurs complots; que, sous prétexte de rétablir l'ordre, d'en punir les prétendus perturbateurs, on a défendu la cause de l'aristocratie; que tandis que seS coupables suppôts se permettent des discours sacrilèges, les bons citoyens, livrés à des délations secrètes, sont nuitamment enlevés du sein de leur famille, impitoyablement arrachés des bras de leurs épouses, de leurs enfants ou de leurs pères, et vont expier» dans les cachots d'une fortërëSSe oh d'une prison d'Etat, leur juste horreûr pour les abus, leur désir d'une régénération néCessairé, leur respect pour l'Assemblée nationale, et surtout leur espoir eu sa justice;
.« Considérant encore que le décret du 8 de ce mois, annoncé par les papiers publics, a porté dans cette ville la consolation et l'espérance ; que son exécution importe à la tranquillité publique autant qu'à la sûrêté individuelle des citoyens, que cependant, malgré la notoriété de cë décret, le prévôt he ceSSe d instrumenter; qu'Un membre du conseil, citoyen irréprochable ; père de huit enfants, défenseur zélé dés droits du peuplé, a été saisi, arraché des bras de ses collègues, enlevé dé la maison commune, et entraîné dans les ca-chotB d'une citadelle; qUe vingt-deux décrets, dont l'application est déférée au procureur du Roi de la prévôté, en lui laissant le choix de ses victimes* frappent tous les citoyens d'une proscription arbitraire;
« Considérant enfin que, par Une fatalité inconcevable, la ville de Marseille n'obtient jamais qu'une jouissance tardive des biehfaits de l'Assemblée nationale ; qu'elle gémissait encore SoUs le joug des anciennes formés de l'instruction criminelle, lorsque le décret du 8 octobre, qui les proscrit, s'exécutait déjà dans tout lé royaume; que celui du 5 novembre, quoique pressant par son objet* ne fut envoyé qu'après plusieurs jours, et n'a été transcrit que lë 20 dans les registres de la municipalité? que les fautëUrs et les partisans de l'aristocratie se flattent hautement d'éluder l'exécution de celui du 8 de ce mois ; qu'ils intriguent pour la retarder, et se ménager aiusi le temps de consommer l'ouvrage de leur iniquité en immolant les victimes de leur haine :
« Ont arrêté de porter à l'Assemblée nationale
par la présente adresse, l'hommage respectueux de leur reconnaissance, de leur fidélité, de leur adhésion à tous ses décrets, et de la supplier de vouloir bien ordonner la plus prompte exéCUtibû de Celui qui, renvoyant la procédure prévôtale à dès juges dont les vertUs et les lumières ont ob^ tenu depuis longtemps la confiance publique, Cassure l'innocence* et peut seul établir un calme durable dans une ville importante, doût lés divisions particulières ne servent déjà quë trbp la causé des ennëmis dë la nation.
« Arrêtent, eh outre, que la présente adrëSâë sera envoyée à l'Assemblée nationale, avec prièré aux députés dë Cette ville de la présenter, ét d'âp-puyer les justes réclamations qu'elle contient. » Une adresse aussi respëctueuse méritait sans doute l'hohneur d'une procédure : lë brèVôt ii'k poidt osé la prendre; mais le sieur MarsBel, procureur du Roi à la police, et assesseur préVôlâl, subrogé dans la procédure dU Sieur Brêtnond, se charge de le seconder. Cinq témoins ôût été éÙ7 tendus, quë déposent-ils? Deux disent seulement qu'ils ont vu dd monde chez le sieUr Moêsv, libraire, et qu'ayant demandé Cë que c'était, qufel-qu'utt leur a répohdu que l'on signait une daresse ae remetcirnent à l'Assemblée ndtionàle.
Le troisième témoin déposé qu'il a Vii ètitrèi* un particulier chez, lë sieur de Mossy; qu'il lui à paru qu'il ne savait jîas signer, et tju'il a vU signer lë commis du siéùr dë Mossy. .
Le quatrième parle dU refus que dëhx personnes ont fait de Si^tlër.
Le cinquième dit : qu'ayant Voulu ëbhtiaîtrë ce qtlë l'on faisait chez lë sieUr dè Mossy, il ïi'a pu le savoir.
Il ëst évidëiit qu'où ne pouvait riën côflClure d'une procédure priée contre uné adresse quë le procurent* du Roi dë la police dit ne vas connâltre. AUSsi a-t-11 ëhvûyé Un certificat au lieu dë I'iilfbr-mation. On dirait que la destinée de toutês les procédures prévôtaleS est dë rester inCdûttUëS.
Les poursuites du procureur du Roi eurëttt dépendant l'effet ou oh voulait en obtenir. Lès signatures dè l'adhîSSe fUréttt interrompues; mais bientôt cette pétitè victoire du prévôt se change en revers. Si dës particuliers isolés Cfaigflënt de succomber sous l'oppression, des corporations ont ië droit dë montrei4 plus de COUragë. Dix-huit corporations, émules de zèle et de bien public, Se sont successivement assemblées ; elles oht adhéré à l'adresse dës citoyéus, et iéur patriotisme égalant l'oppression qu'elles éprouvent, plusieurs d'entré elles ont donné à la nation leurs contrats sur le trésor royal : la réunion de toutes ces offrandes forme une somme importante i la réùnldn dé tous ces suffrages forme les trois quarts de la population marseillaise.
A cette éclatante, et Irrésistible dëhohÇiatloh, qu'oppose le prévôt de Marseille? Trois certificats : celui du commandant du fort, celui d'un assesseur de son tribunal, celui dë qUëlques adjoints, dont la plupart soUt du nombre des capitaines de la milicë bourgeoise.
On a cité pour Iqi le conséil municipal ; mais ce, conseil même, tôUfc mal organisé qu'il est, n'a fait aucune démarche, n'a pris âUcune délibération dont le prévôt puisse tirèr aucun avantage. S'il l'a prié de suspendre les procédures jusqu'à la publication de votre décret du 8 octobre, c'était, en lui rappelant son dévoir, lui montrer qu'il he le remplissait pas. S'il lui a demandé de déclarer pourquoi il ne tenait pas les audiences dans le palais de justice, n'étair-ée pas lui faire connaître, par cette question, que lë conseil i}ë soupçonnait
même pas la prétendue impossibilité que le prévôt prétend y trouver? Je vous ai montré que dans une autre oecasion, l'adhésion que demandait le prévôt lui fut refusée.
Enfin, ou a cité la délibération du 31 décembre : Voici, Messieurs, quel en a été l'objet. M. de Ci-pière, membre de cette assemblée, ayant fait part au conseil de ce qu'il appelle dénonciations, il a été arrêté de la manière suivante :
« Votre lettre du 28 novembre ayant été communiquée au conseil, il a été délibéré que, les dénonciations de M. de Mirabeau n'ayant eu lieu sans doute que sur des plaintes dont le conseil n'a pas été informé, il ne peut y prendre part. »
« Ne croyez pas, Messieurs, que par cette délibération, le conseil ait voulu préjudicier aux droits des prisonniers ; il vient au contraire de reconnaître, par délibération expresse du 13 janvier, que son intention ne peut pas être de leur nuire.
« Un membre du conseil ayant observé qu'il se pourrait faire que des gens mal intentionnés feignissent de trouver, dans la délibération prise hier, une détermination qui pût préjudicier aux droits des prisonniers détenus par décret du prévôt général et tous les autres décrétés, le conseil a unanimement déclaré que, d'après ses intentions exprimées dans la dernière délibération, on ne peut pas en inférer qu'il ait voulu parJer de la procédure de M. le prévôt.
a En effet, le conseil avait pris le jour précédent cet arrêté, que je n'ose ni louer, ni blâmer, jusqu'à ce! que des événements, peut-être très prochains, nous en aient fait connaître le but : « que l'Assemblée nationale serait suppliée d'inviter tous les Français qui ont quitté la patrie, à y rentrer : déclarant, dès à présent, qu'il met sous la sauvegarde de la nation, de la loi et du Roi, ceux qui, n'étant ni prévenus ni accusés légalement d'aucuns crimes, reviendront à Marseille, défendant à qui que ce soit de les insulter ou provoquer, leur promettant protection et sûreté, à la charge par eux de se conformer en tout aux lois. »
« Or, Messieurs,[comment ceux qui se montraient si cléments envers une partie des Français, auraient-ils osé n'être intolérants que pour les membres de la même cité? Gomment ceux qui ne craignent pas d'ouvrir leurs portes à leurs ennemis, oseraient-ils proscrire leurs propres citoyens?
« Nous serions-nous donc itrompés, messieurs, sur le prévôt? Vous allez en juger par unelettrede M. Dandré, commissaire du Roi, sous la date du 27 novembre : comme c'est à moi-même qu'elle a été écrite, j'aurais hésité de la rendre publique ; mais on a voulu faire entendre que M. Dandré démentait les plaintes des accusés. Puis-jé laisser contre eux un témoignage d'un si grand poids, lorsqu'il ne tient qu'à moi de montrer qu'un tel suffrage leur est favorable?
« Je ne vous parle pas de la procédure, j'en ai écrit plusieurs fois aux ministres; j'ai dit au grand prévôt et à M. de Garaman que j'aurais voulu qu'on poursuivît uniquement l'affaire de l'incendie : je n'ai rien pu gagner.
« Vous me parlez de la précipitation du prévôt : craignez plutôt que sa procédure soit interminable ; je l'ai envisagée ainsi, et j'attends avec impatience le décret de l'Assemblée sur la publicité de l'instruction, pour Je faire mettre en usage dans cette singulière procédure, sur laquelle vous devez sentir que j'ai dit ici très publiquement mon avis.
« J'ai fait encore une démarche infructueuse auprès du grand prévôt, pour faire élargir provi-
soirement des garçons du devoir qui furent arrêtés après le 19 août, et contre lesquels M. de Caraman m'a dit qu'il n'y avait point de charges. Je prendrai le parti après-demain de faire un mémoire que j'enverrai au conseil du Roi : j'ai demandé, sans l'avoir obtenu, que l'on me donnât inspection sur ces procédures : que puis-je y faire ? »
Cette lettre, Messieurs, n'a pas besoin de commentaire pour être parfaitement entendue : elle indique une partie des obstacles qui, soit que le hasard les ait combinés, soit que des causes secrètes les ait préparés, augmentent et fortifient mes terreurs sur le sort d'une ville que je regarde comme une des clefs du royaume, et l'un des forts remparts du trône.
Ce sont ces craintes, Messieurs, qui me foDt prendre des conclusions auxquelles, sans doute, les chefs d'occusation [que j'ai coarctés contre le prévôt ne vous auront point préparés.
J'opine pour que votre décret du 8 octobre soit révoqué au chef qui regarde le prévôt de Marseille. Innocent ou coupable, agent direct des vexations qu'il exerce, ou passif instrument dé ceux qui le font agir, que m'importe, qu'importe au salut de l'État, de découvrir lequel de ces deux rôles le sieur Bournissac joue à Marseille ? Je sépare ici sa cause d'une plus grande cause. Ce n'est pas un individu de plus qu'il s'agit de poursuivre ; ce sont les amis I de la liberté qu'il faut sauver à Marseille; c'est le succès de la révolution qu'il s'agit d'assurer.
Mais, en opinant pour que cette partie du décret soit révoquée, je craindrais de vous offenser, .si je doutais que le renvoi de la procédure à d'autres juges ne fût confirmé. Que le prévôt cesse de dire que cette attribution deviendra pour lui une injure. 11 a été pris à partie, il a été dénoncé; or, quel qu'en soit le succès, toute prise à partie fait descendre irrévocablement un juge de son tribunal. Eh I quel magistrat voudrait juger ceux qui l'ont accusé? Est-il un homme assez pur sur la terre, qui, dans de telles circonstances, pût exercer un aussi dangereux pouvoir? Est-il accusé qui ne préférât la mort à la douleur d'avoir un tel juge? Déjà, Messieurs, d'après l'extrait de votre décret du 8 décembre, les accusés ont cru pouvoir résister au prévôt, qu'ils ont dû croire plus coupable qu'eux. « Quoi ! c'est vous qui m'interrogez 1 » lui a dit le sieur Brémond; préparez-vous a répondre vous-même. Vous m'accusez d'un patriotisme qui m'honore, et l'Assemblée nationale vous a déclaré prévenu du crime de lèse-nation. » Si, malgré les suites d'un tel combat entre le juge et les parties ; si, malgré la chaîne menaçante des événements que je vous ai dévoilés, quelques personnes pouvaient penser que le prévôt de Marseille doit conserver sa procédure, je leur dirais :
Et quoi I faut-il encore, pour que les plaintes des malheureux soient écoutées, former une coalition monstrueuse entre l'intrigue et la probité, le crédit et l'éloquence? Faut-il n'obtenir les succès les plus mérités qu'en caressant la toute-puissance dédaigneuse des protecteurs, en ameutant cette foulé d'intermédiaires qui s'était effrontément placée entre les opprimes et la loi, entre les oppresseurs et le redressement de l'oppression ? Faut-il encore que la vertu ne soit absoute que comme le crime arrachait jadis une grâce? Qu'alors on cesse de m'enlendre ! Que le prévôt consomme et ses vengeances personnelles et celles qui lui sont inspirées ! Les victimes n'ont point de protecteurs ; des millionnaires, des cour-
tisans, des ministres les commandent ; elles n'ont pour appui que leur innocence et vos décrets.
Faut il encore que les gens en place, que les favoris de la fortune soient regardés comme les plus vertueux, comme les plus éclairés des hommes ? Qu'alors on cesse d'écouter mes plaintes 1 Les prisonniers du sieur de Bournissac ont pour eux|les corporations de Marseille : ce n'est là, dans l'ancien langage, que cent mille inconnus (1). Us ont été nommés conseillers de ville par les assemblées de districts : ces suffrages ne prou-ventqueia confiance du peuple; ce n est pas ainsi que les gens, comme il faut, l'auraient placée. Les anciens échevins et quelques négociants du premier ordre, accusent, dit-on, les prisionniers du sieur de Bournissac : comment ces derniers ne seraient-ils pas condamnés ?
Faut-il maintenir dans leur entier, jusqu'au parfait établissement de l'ordre nouveau, les anciens usages du despotisme ? Faut-il que les principes, qu'il était si périlleux de professer il y a dix mois, soient jugés d'après l'ancienne police, qui n'était que le code du crime ? Qu'alors on cesse de m'écouter et que le prévôt de Marseille fasse dresser ses échafauds !.... Tous les accusés sont coupables : ils ont parlé sans respect des Lamoi-gnon, desBarentin, des Villedeuil, des Lambesc : us ont manifesté des craintes pour l'Assemblée nationale lorsque des troupes l'environnaient, lorsque Paris éprouvait les premières convulsions de la liberté naissante ; ils ont osé parler de liberté, ils ont bravé l'autorité arbitraire et ses barbares suppôts : ils sont coupables !
Enfin, Messieurs, faut-il que les mémoires que nousavons reçus des prisonniers du sieur de Bournissac soient leurs dernières paroles, leur testament de mort ? Faut-il que la révolution, quoique préparée au foyer des lumières et des besoins, ne puisse être consommée sans que des milliers de martyrs périssent pour elle, sans que l'effusion de leur généreux sang tourne en délire le ressentiment actuel des villes et des campagnes contre les anciennes oppressions? Laissez alors le prévôt suivre sans obstacles, comme sans remords, son système d'assassinats !
"Bientôt, dans une ville qui n'aura plus de citoyens, qui n'aura que des esclaves, le père dira d'une voix tremblante à son fils : « Vois-tu cet « échafaud ? G est celui des citoyens qui osèrent « parler en faveur de la liberté : apprends à souf-« frir ; mais échappe au supplice. » Le vieillard timide dira à celui qui oserait compter sur la générosité d'un peuple qu'il voudrait défendre : « Malheureux ! vois ces poteaux ; celui qui y fut « flétri, quatre-vingt mille de ses concitoyens le « regardèrent comme innocent, et il succomba. « Laissez, laissez périr à son tour une patrie qui « laisse ainsi périr la vertu. »
Je me trompe : bientôt aussi les victimes du prévôt trouveront des vengeurs ; bientôt la
nation entière, humiliée et encore plus indignée de tant d'horreurs, détruira tout à la fois
ces scandaleux monuments d'une jurisprudence discordante, qui avilissaient notre ancienne
constitution ; et si, pour avoir abandonné l'innocence, l'humanité vous condamne ; si vous
devenez des objets d'effroi pour la génération présente ; si vous n'offrez
Je conclus à ce qu'il soit arrêté que ie décret du 8 décembre soit confirmé ; qu'au moyen de ce, toutes les procédures instruites depuis le 19 du mois d'août dernier, dans la ville de Marseille, seront renvoyées, soit à la sénéchaussée de cette ville, pour y être jugées en dernier report, soit au prévôt général le plus voisin, lequel prendra ses assesseurs dans ladite sénéchaussée ; et cependant, que le décret du 8 décembre sera révoqué au chef portant le renvoi du sieur de Bournissac, prévôt général de Provence, et le sieur Laget, son procureur du Roi au Ghâteiet ; qu'en outre , les citoyens décrétés par le prévôt, soit qu'ils aient été saisis, soit qu'ils ne l'aient pas été, pourront être admis, nonobstant lesdits décrets, aux nouvelles charges municipales, à l'exception des accusés pris en flagrant délit le 19 août, et qu'à cet effet, les prisonniers, autres que ces derniers, seront élargis ; qu'enfin, l'Assemblée tenante, il sera fait une députation au Roi pour supplier 8a Majesté d'accorder incessamment les lettres-patentes exécutoires du présent décret.
demande la parole.
Voix nombreuses. L'ajournement à la séance de jeudi soir.
L'ajournement est mis aux voix et prononcé.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
.Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
demande une modification dans le décret concernant le département du Soissonnais et du Vermandois, où il est dit que la première assemblée de département se tiendra à Cbauny. Il pense que l'Assemblée nationale n'a eu qu'un but, c'est de permettre aux électeurs, réunis dans une ville neutre, de décider, sans subir les influences locales, si le chef-lieu du département sera fixé à Laon ou à Soissons, sauf à se réunir ensuite au chef-lieu.
appuie cette réclamation.
consulte l'Assemblée qui décide que les électeurs se réuniront à Ghauny pour déterminer seulement quelle ville, de Laon ou de Soissons, sera chef-lieu de département.
, député de Charleville, présente à l'Assemblée le procès-verbal de l'élection des officiers municipaux de cette ville; il renouvelle au nom de ses habitants, les actes d'adhésion déjà formés par elle pour les décrets de l'Assemblée, et fait part de la disposition où elle est d'envoyer une contribution patriotique.
, député de Bourg, offre, au nom de cette ville, un don patriotique de deux cent vingt-six marcs cinq onces, tant de boucles d'argent que d'autres pièces d'argenterie; il annonce que les sages décrets de l'Assemblée nationale, qui détruisent une foule d'abus qui étaient soutenus par la violence et le despotisme, inspirent à tous les habitants l'enthousiasme de la liberté et les sentiments de la plus vive reconnaissance, et que les peuples de cette partie de la France jurent obéissance etfidélité, dévouement au Roi et à l'Assemblée nationale et sont prêts à sacrifier leurs yies et leurs biens. L'Assemblée ordonne au'il sera fait mention de ce don patriotique et de l'adresse d'adhésion à ses décrets dans son pro-ces-verbal.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion pour la division des départements du royaume.
, rapporteur du comité de constitution, présente un projet de décret tendant à diviser le département de Lorraine én neuf districts.
demande que la ville de Toul, à raison de sa population et de ses contributions, concourre avec les villes de Nancy et de Lunéville
Eour recevoir l'Assemblée du département de laorraine.
La question préalable est demandée et adoptée sur cet amendement.
demande que provisoirement la ville de Vie soit chef-lieu de district, sauf, lors de la première assemblée d'administration du département de Lorraine à examiner si Château-Salinsest susceptible, sans inconvénient, d'obtenir l'un des deux établissements, et en ce cas, lui être donné ou le tribunal de district, ou celui de judi-cature, au choix néanmoins de la ville de Vie. L'orateur invoque en faveur de Vie une population plus considérable, un siège royal établi et des édifices propres à recevoir tous les établissements.
fait valoir les droits de Château-Salins, dont la position est plus centrale et qui, à tous égards, a Beaucoup plus d'avenir que Vie ; il se contente néanmoins de réclamer en faveur de Château-Salins, lè partage des établissements à créer par la constitution.
Après ces allégations contradictoires, l'Assemblée prononce le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution:
« 1° Çtae le département 4e lorraine e§t divisé en neuf districts, dont les cnefk-Iieùxsont Nancy, Lunéville, Blamont, Sarrebourg, Dieuze, Vie, Pont-à-Mousson, Toul et Vjzelise;
« 2° Que Nancy est le chef-lieu de ce département; que cependant, par provision, conformément à l'arrêté pris par les députés de la province, les séances du département alterneront entre Nancy et Lunéville, à commencer par Nancy;
« 3° Que TAssemblée provisoire du district sera établie à Vie ; sauf à, la première assemblée du département à déterminer en définitif sur cet
objet, de manière néanmoins que Vie ne réunisse pas les deux établissements du district, et sauf son option. »
propose ensuite un projet de décret concernant le déparlement de l'Auxerrois et sa division en sept districts.
réclame vivement un huitième district en faveur de Villeneuve-lç-Roi. Dans le cas où ce huitième district ne serait pas créé, il demande que Villeneuve-le-Roi soit préféré à Saint-Florentin.
Je ne demande pas un plus grand nombre de districts, je me contente de sept, mais je demande que le septième soit indéterminé entre Saint-Florentin et Villeneuve-le-Roi ; je désire que les électeurs décident, à l'assemblée du département, laquelle de ces deux villes doit être le chef-lieu du département.
(de Nemours), membre du comité de constitution. J'ai vu s'élever une foule de prétentions au sujet des districts. Un grand nombre de petites villes ont demandé des districts ; les demandes ont été très vives ; elles ont quelquefois entraîné le comité au delà de ses projets. 11 est temps de faire connaître les inconvénients qui peuvent résulter de la multiplication des districts; il est essentiel de leur faire connaître que le plus grand mal qui puisse leur arriver, est d'obtenir ce qu'elles désirent.
Les avantages que donne un très petit nombre de districts sont très sensibles: les frais d'administration se trouvent moins considérables ; ceux de justice diminuent dans la même proportion. Les juges et les administrateurs peuvent être choisis Sur un plus grand nombre d'hommes; il y a donc plus de lumières à espérer; ces juges et ces administrateurs, une fois nommés, acquièrent plus d'expérience, deviennent plus instruits; la justice est mieux rendue et l'administration mieux conduite.
Je regarde comme un malheur les petits districts. Ceux qui n'ont que trente- six lieues carrées renferment, suivant la population commune de France, environ trente-six mille âmes.
Sur les trente-six mille âmes, les femmes en emportent une moitié, les vieillards et les enfants en prennent un quart : il ne reste donc qu'un quart de citoyens à employer aux fonctions publiques, ce qui fait neuf mille âmes.
De ce nombre, il faut retrancher les artisans qui ont besoin de leur travail pour vivre, les personnes que le défaut de fortune a laissées dans l'ignorance, et les domestiques.
Les assemblées en districts, les municipalités et les différents tribunaux qui y sont renfermés occupent environ deux cent soixante-dix personnes, sans compter les avocats et les procureurs. Il faut un pareil nombre de personnes pour renouveler les élections. Ainsi, il y a cinq cent quarante personnes destinées à toutes les fonctions publiques, ce qui fait une personne sur dix-sept. Voilà des considérations qu'il ne faut pas perdre de vue; difficulté de trouver des sujets, frais excessifs de districts et d'administration. Que l'on pèse bien toutes ces considérations, et l'on verra qu'en multipliant les districts, on fait un funeste présent au peuple.
On ne peut opposer qu'un seul moyen contre tous ces avantages; c'est l'économie des frais de voyage ; mais ce moyen est bien faible ; on sera
rarement dans le cas de voyager ; les marchés, le commerce attirent les habitants des campagnes dans les villes. Il suffit qu'un seul habitant d'un village se rende au chef-lieu du district, pour qu'il y porte toutes les requêtes de ses voisins. Il sera ires rare qu'on soit forcé d'aller au chef-lieu uniquement pour les affaires publiques ; et les charges excessives qu'occasionneront les frais de l'administration et de la justice seront senties tous les jours. Que l'on ajoute à ces raisons le malheur d'avoir des juges qui n'auront ni assez d'expérience, ni assez de lumières, et l'on ne sera disposé â ne donner à chaque département qu'un petit nombre de districts.
met aux voix la création d'un huitième district. Elle est rejetée.
Le décret suivant est ensuite rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département de l'Auxerrois en Bourgogne, dont Auxerre est le chef-lieu, est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Auxerre, Sens, Joignv, Saint-Fargeau, 4valon, Tonnerre et Saint-Florentin;
« 2° Que l'assemblée des électeurs de département décidera dans laquelle des deux villes, de Villeneuve-le-Roi ou de Saipt-Florentip, l'un des sept districts sera plus convenablement placé ;
« 3° Que les limites arrêtées entre les départements de l'Auxerroisl de Meaux, de Meïun subsisteront; à l'effet dé quoi ViUeneuve-ja-Guyard, ët les paroisses environnantes réclamées par les députés de Melun, resteront unies au département d'Auxerre ; sauf, en faveur dés yilies de ce dèpar-temént, s'il y a lieu, le partage des établissements qui seront fixés par la constitution. »
propose de diviser le département de Versailles en neuf districts. Il peint avec sentiment les motifs de bienfaisance qui avaient fait souhaiter au Roi d'avoir un district et un tribunal de justice à Rambouillet, pour réunir squs upe même administration toutes ses possessions danscette partie; mais observant que, sur un rapport fait à Sa Majesté, Elle .'avait cru apercevoir à sa demande une sorte de contrariété avec le bien général, Elle s'était, par une délicatesse touchante, désistée de son vœu; le comité a con-clUj avec le Roi, que Rambouillet aurait un siège de justice, mais qu'il ne serait pas chef-lieu de district, et que la ville de Dourdan jouirait de cet avantage. (Cette déclaration est reçue qveç en' thou,siasro,e.)
Je demande qu'il soit fait un district particulier pour Rambouillet, composé de territoires pris sur tous les districts environnants.
Cette proposition est accueillie avec transpqrt.
dit qu'il est beaucoup plus simple que le district de Dourdan soit transporté à Rambouillet et il en fait la motion»
dit que l'Assemblée egt pénétrée de trop de respect pour les sentiments de vertu qui ont dicté les démarches du Roi pour ne pas les sanctionner par son vote. H demande la priorité pour le projet du comité.
propose de remercier le Roi des sacrifices qu'il fait au bonheur du peuple et demande la question préalable sur les amendements
de M. le baron de Menou et de M. de Boislandry*
La question préalable est adoptée*
prononce ensuite le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département de Versailles, dont Versailles est le chef-lièU,est divisé en neuf districts;
« 2°Que les chefs-lieux de cés districts sont provisoirement Versailles, Saint-Germain, Poptoise, Dourdan, Moutfort, Ëtampes, Gorbeil, Gonesse, et que Rambouillet sera le siège de la juridiction du district de Dourdan ;
« 3° Que les neuf maisons enfermées dans la ville de Pontoise, et dépendantes de la municipalité de la paroisse de Saint-Quen, séparées de ville par la rivière d'Qise, appartiendront désormais à Pontoise ;
« 4° Que la paroisse de Fugier appartiendra au district de Mantes ;
« Que les paroisses de îMarly et du Port-Marly, le parc et la forêt de Marly, feront partie du district de Versailles, ainsi que les paroisses de Bailly et de Noisy, qui seront comprises dans ce même district,
demande â interrompre i'brdre du jour et ayant obtenu cette autorisation, il dit:
« Je n'ai pas cru devoir hier être présent à la discussion q'ù s'est continuée sur une qqestion qui me concérnaitsi particulièrement; maisaussi-tôt que j'fù eu sous les yeu$ votre décret, j'ai dû saisir les principes, et ne pas rechercher s'il peut avoir ou non un effet rétroactif sur ma nomination* Je me suis , empressé. Messieurs, de vous donner un témoignage de la déférence qu'en ma qualité de membre de cette Assemblée, je dois donner, non-seuiement à l'expression littérale de ses décrets, mais à leur esprit, et même à votre intention connue,
« J'ai donné ce matin, Messieurs, ma démission de la commission de trésorier-général de l'Extraordinaire, et je vous prie de croire que si j'ai mis quelque prix à cette place, c'est par le seul sentiment que j'avais d'être utile à ma patrie dans une institution qui présente à la nation les moyens d'un nouveau crédit, et la possibilité de créer successivement les ressources les plus intéressantes. »
Je n'ai pu donner ma démission d'une place qui n'existait pas; mais je renonce aussi à l'intérêt qui m'avait été accordé dans l'entreprise des vivres et fourrages de l'armée, quoique cet intérêt ne tienne en aucune manière aux termes du décret de l'Assemblée.
Je n'ai consulté en cette occasion que l'esprit du décret et l'intention de l'Assemblée nationale, que je me ferai toujours un devoir de prévenir, (On applaudit.)
Le dépouillement \ généreux des préopinants est une raison puis-! santé qui doit nous conduire7 â les engager de I reprendre les places qu'ils viennent de quitter.
dit que la place de fournisseur des vivres a été fort à charge à l'Etat, jusqu'à présent. Il importe qu'elle soit confiée à des mains pures et on ne pourrait trouver dans un autre plus de probité que chex M. Nàurissart.
L'Assemblée ne statue rien sur ces deux motions laissant aux membres qui en sont l'objet le soin de juger de leur mérite.
Un membre propse d'inscrire au procès-verbal les noms de MM. Le Couteulx de Canteleu et Naurissart, comme preuve de l'estime de l'Assemblée pour témoignage de patriotisme que donnent ces deux membres.
reprend la suite dé son rapport sur la division des départements du royaume et expose les motifs qui ont décidé le comité à diviser le département de Foix et de Couserans en trois districts.
11 ne s'élève pas de contestation sur la division proposée et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1° « Que le département de Foix et de Couserans est divisé en trois districts;
2° « Que la première assemblée du département se tiendra à Foix ; et qu'en conséquence de l'arrêté des députés, il alternera provisoirement entre les villes de Foix, Saint-Girons et Pamiers ; que les tribunaux de ces districts seront séants à Foix, Sairit-Lisier et Pamiers ; et que les chefs-lieux de l'administration des trois districts seront Taras-con, Saint-Girons et Mirepoix. »
présente un dernier décret relativement au département du Cotentin et au partage des districts :
Après un léger débat entre les députés de la province, Je décret suivant est mis aux voix et adopté.
« L'Assemblée nationale, d'après l'avis du comité de constitution, décrète :
1° « Que la division convenue entre les députés du département du Cotentin, sera maintenue dans son intrégrité, sauf à ne placer que provisoirement â Carentan les établissements qui lui sont destinés ; à l'effet de quoi les habitants de ce district auront la facul té de demander d'autres chefs-lieux pour l'administration ou la juridiction; et même le partage du siège administratif et judiciaire, s'ils croient qu'il y a impossibilité, danger, ou même de notables inconvénients dans la disposition projetée ; sauf aussi le même partage entre les villes qui pourraient y avoir droit, des établissements qui seraient destinés par la constitution ;
2° Que provisoirement la ville de Coutances sera chef-lieu de département, et que les électeurs assemblés détermineront si l'assemblée du département devra alterner, et si Coutances doit définitivement en demeurer chef-lieu. »
rend compte à l'Assemblée des relevés des scrutins pour la nomination du comité des rapports.
Les suffrages se sont réunis sur :
MM. le vicomte de Reauharnais.
Cochon de l'Apparent.
l'abbé Grégoire.
Corolter.
Goupilleau.
Couppé.
Bergasse-Laziroule.
Ricard (de Toulon.)
Pougeard du Limbert.
fioullé.
Dillon, curé du Vieux Pouzauges.
Rrevet de Reaujour.
3NTAIRES. [27 janvier 1790.]
le comte Mathieu de Montmorency.
Prieur.
de Lachèze.
annonce que M. Boileux de Beaulieu a adressé à M. le président du comité des Recherches, une lettre contre l'agiotage et qu'il a envoyé des exemplaires imprimés pour chacun de MM. les membres de l'Assemblée nationale. (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour).
lève la séance et indique celle de demain pour neuf heures du matin.
a la séance de P Assemblée nationale du
Lettre à M. le président du comité des recherches à l'Assemblee nationale, contre /'agiotage, par Boileux de Baulieu.
Monsieur, en qualité de citoyen, en rendant justice à vos talents, et plus encore à vos vertus patriotiques, c'est à vous, Monsieur, qu'il appartient de sauver Paris et la France des maux dont ils sont menacés.
Je puis m'être trompé (mais je ne le crois pas), j'ai toujours regardé, depuis l'ouverture des Etats-généraux, le ministre des finances comme le moteur de toutes les conspirations qui ont tenté de dissoudre ou de troubler les délibérations de l'Assemblée nationale.
Le discours qu'il prononça à cette ouverture, le système de despotisme ministériel qu'il ne craignit point de développer dans cette séance, et qu'il développa avec plus d'énergie et plus de force dans la séance qu'il eut chez M. de Barentin (lors garde des sceaux), avec les commissaires conciliateurs des trois ordres, tout prouve que de tous les ministres, il avait été le plus effrayé de la teneur des cahiers des différente bailliages, qui tous-tendaient à délruire l'abus du pouvoir ministériel, et à rendre nuls les ministres des financés en détruisant l'horrible système de la. tyrannie fiscale, dont le directeur général des finances est très-jaloux de conserver les agents qui sont les plus fiers appuis de l'esclavage public.
Lisez ces moyens de couvrir le déficit, vous y découvrirez les replis de son âme : les moyens (qu'il a l'audace d'annoncer), que le Roi aurait pu prendre pour se dispenser de convoquer les Etats-généraux, sont plus horribles encore. Que doit-on attendre d'un homme qui, devant tout à une nation qui l'a tiré de la fange pour l'élever au faite des grandeurs, se permet de l'insulter en face de ses représentants, et de vouloir en faire les complices de sa destruction totale? Lisez, Monsieur, lisez avec attention tous les discours que cet homme prononça dans votre auguste Assemblée, son rapport du 27 août et le mémoire des ministres, du 24 octobre ; vous y verrez que le directeur général des finances vous traite avec autant de mépris qu'un régent de collège traite ses écoliers qu'il menacé du cuistre et de la férule; vous verrez dans les mémoires du 17 décembre, en réponse aux mémoires de M. de La Borde,
combien ce ministre craint que l'Assemblée nationale s'occupe de remédier aux maux dont la France est accablée par les désordres, que lui et ses semblables ont portés dans les finances de l'Etat, qu'ils ont totalement englouties.
Le paragraphe troisième de la page 4 le développe en entier lorsqu'il dit : Les directeurs d'une caisse deviendraient les censeurs du pouvoir exécutif, et comme cet directeurs ne pourraient connaître l'état de chaque compte que sur Vexamen et calculs de leurs teneurs de livres, il se trouverait qu'un simple commis serait, en dernière analyse, l'homme de confiance de ses décrets.
Cet homme imagine donc que l'Assemblée nationale laissera éternellement le trésor national à la disposition dévorante du pouvoir exécutif, sans examen ni contrôle : ce serait manquer à la nation entière, qui exige que le trésor royal soit converti en trésor national, qui fournira tous les mois à chaque département ministériel, ainsi qu'à la maison du Roi, la portion des sommes fixées parla liste civile; de l'emploi desquelles le ministre de chaque département sera comptable chaque année à l'Assemblée nationale, ainsi que des abus du pouvoir exécutif.
Le directeur dos finances vous fait un mensonge lorsqu'il vous dit que l'Etat est endetté envers la caisse d'escompte, par un sentiment louable de la part des administrateurs, qui, dans l'attente journalière d'un changement favorable à l'état des affaires, ont librement assisté le trésor royal pour l'intérêt de la chose publique.
La caisse d'escompte n'a rien prêté au trésor royal; elle y a fourni pour quatre-vingt-six millions de billets, dont la valeur a été volée au public, et ce vol a été consolidé par le directeur des finances, qui lui a accordé la liberté de suspendre les paiements des billets dont elle avait reçu la valeur. Les coupables ont fait plus, ils ont tiré et tirent encore du trésor royal pour la valeur de ces billets un intérêt qui ne leur est point dû, mais qui appartient de droit aux porteurs de billets, dont le paiement est suspendu. Les administrateurs de la caisse d'escompte sont donc à cet égard des spoliateurs publics autorisés par le directeur général des finances, qui a eu l'imprudence de faire des billets de cette compagnie un papier-monnaie qui coûte aujourd'hui troispour cent aux porteurs dé ces billets (lorsqu'ils sont dans la dure nécessité de les convertir en numéraire), que la voix publique accuse les administrateurs de la caisse d'escompte, les agents du trésor royal et de toutes les caisses publiques, ainsi que les payeurs des rentes, de leur faire supporter, lorsque leurs agents secrets en fournissent la valeur.
11 faut, Monsieur, vous développer toute l'horreur des manœuvres dont ils sont accusés : elles sont dignes de la cupidité banquière et d'une punition exemplaire.
La caisse d'escompte reçoit en espèces tout ce qui se frappe à la monnaie*; elle a reçu le produit des dons patriotiques; elle reçoit et doit recevoir le produit des recettes extraordinaires, et pour cela, elle doit payer, en acquittement de ses billets, trois cent mille livres par jour. L'Assemblée nationale n'a pas réfléchi cfu'un paiement de trois cent mille livres par jour, sur cent quatre-vingts millions de billets circulants, rejetait l'acquittement total des billets au terme de six cents jours de paiement, qui font bien deux années complètes, pour que chaque porteur de billets pût être payé à son tour, en supposant qu'ils fussent tous de mille livres ; mais pour la soustraire à
cette obligation, la municipalité (peut-être d'accord avec elle sous le prétexte du bien public), a établi un bureau où les porteurs de billets doivent s'adreser pour obtenir des numéros pour chaque jour de paiement. Le bureau a l'attention de ne fournir que trois cents numéros par jour, de quelque somme que soient les billets ; et attendu qu'il y a infiniment plus de billets de deux cents livres qu'il n'y en a de mille livres, il en résulte que la caisse d'escompte ne paie pas au-delà de cent mille livres par jour, et qu'elle vend le numéraire excédant aux porteurs de billets (qui n'ont point de numéros), au prix de trois pour cent.
Cette manière est simple : les gens à argent (et les administrateurs de la caisse d'escompte sont du nombre, puisqu'ils sont tous financiers, ont des agents, tant dans la rue Vivienne que dans les environs du Palais-Royal et de la ville, qui offrent de vendre l'argent en échange des billets de caisse, et lorsqu'ils se présentent, leurs billets sont acquittés ; ils retournent à leurs postes avec cet argent pour le vendre de nouveau aux porteurs de billets, qui sont pressés du numéraire, et produisent par cette manœuvre sept à 'huit mille livres de bénéfice par jour aux administrateurs.
Si cette manœuvre est abominable, celle dont on accuse les payeurs des rentes à la ville l'est bien plus encore. Lorsqu'un rentier se présente pour recevoir ce qui lui est légitimement dû (après dix-huit jours d'attente), s'il a cinquante livres à recevoir,on lui offre en paiement unbillet de deux cents livres et s'il n'a pas cent-cinquante livres à fournir en numéraire pour le complément du billet qui lui est offert, sa rente n'est point payée ; s'il a sept cents livres à recevoir, on lui présente un billet de mille livres, et son paiement lui est refusé s'il ne fournit point cent livres en espèces. Les payeurs ont grand soin de ne payer qu'en billet, et le numéraire qu'ils arrachent des malheureux rentiers est vendu aux porteurs de billets de caisse à raison de trois pour cent.
Voilà, Monsieur, les fruits amers de votre décret (qui a consolidé l'établissement horrible de la caisse d'escompte), et'des insinuations du ministre des finances qui a toute sa fortune en portefeuille, et qui, étant économe et sans faste, doit être puissamment riche en numéraire. Serait-il téméraire de penser qu'un homme qui, étant garçon de caisse, a vendu autrefois des louis à raisons de cinq sols, peut bien (étant chef des finances d'un grand empire) faire valoir sa fortune par l'agiotage, et vendre son numéraire à 3 0/0. Enfin, l'homme sort difficilement de ses habitudes,et le ministre tient toujours à celles de la Banque. Les maux que je viens de mettre sous vos yeux sont sans doute très-grands, mais ils n'approchent point de ceux que nous avons à redouter; si ces infâmes manœuvres durent encore un mois nous verrons une révolution dans Paris,qui manquera de subsistances.Déjà les marchands de bestiaux, quifournissent les marchés de Poissv et Sceaux, menacent de ne plus fournir ces marchés, si on les paye en billets de caisse d'escompte.
Les marchands de farines qui fournissent les boulangers ne peuvent fournir leurs denrées qu'en argent comptant. Il est arrivé à un boulanger voisin de chez moi qu'ayant voulu payer le prix de deux voitures de farines en billets de caisse, le marchand a refusé de les fournir, et a emmené ses deux voitures. Jugez par là, Monsieur, du
danger de laisser exister un pareil système.
Vous désirerez sans doute trouver les moyens de remédier aux maux dont nous sommes menacés-, je les avais indiqués à l'Assemblée nationale. Je vais les soumettre de nouveau à vos lu-mières et à la justesse de votre esprit.
I.
11 faut détruire toutes les causes d'agiotage, en convertissant en contrats de rentes, tant foncières que viagères, tous les effets qui circulent à la Bourse, résultant des différents emprunts, sous quelque dénomination qu'ils soient, même les anciennes actions de la Compagnie des Indes.
II.
Que l'Assemblée nationale décrète : qu'aucune action de la Caisse d'escompte, de la nouvelle Compagnie des Indes, des eaux de Perrier, d'assurance contre les incendies, et autres actions de compagnies (de quelque genre qu'elles soient), ne pourront être concédées ou transportées que par acte passé par devant notaire, sous les peines qu'il plaira à l'Assemblée nationale d'infliger.
III.
La Caisse d'escompte n'ayant point fourni la valeur numéraire des billets qu'elle a créés pour être transmis au Trésor royal, et l'Assemblée nationale ayant fourni une portion de la valeur de ces billets, pour le numéraire frappé à la monnaie, et pour les dons patriotiques, elle doit se faire remettre pour pareille somme de ces billets, qui seront déchirés et retirés de la circulation , et à mesure des sommes qui seront fournies à la Caisse d'escompte, éteindre pour pareille somme de ses billets. Car si l'Assemblée nationale en usait autrement, elle paierait à la Caisse d'escompte quatre-vingtrdix millions , dont la valeur appartiendrait toujours aux porteurs de ces billets restant en circulation, et elle fournirait à cette caisse un supplément de fond qui serait réellement volé à la nation, en faveur des actionnaires ou des administrateurs de la Caisse d'escompte.
IV.
Nommer des commissaires de l'Assemblée nationale pour faire (dans le bureau établi rue de Vendôme) un appel de tous les billets de Caisse d'escompte, tapt en lettres qe change qu'en numéraire, et les sommes dues par le gouvernement, pour, par cette balance, reconnaître si elle est en état de faire face à ses engagements.
V.
Acquitter en assignats à terme sur le Trésor national le montant des rentes arriérées de l'année mil sept cent quatre-vingt-neuf, portant intérêts à 5 0/0,viusqu'à leur parfait et entier remboursement,et laisser suivre les paiements de cetles arrivées pour l'année 1788.
L'objet le plus pressant, dans le moment de crise actuelle, est de détruire tout ce qui est
susceptible d'ancien agiotage , en sorte qu'il ne reste d'autre nourriture aux financiers et gens à argent, que les assignats consentis par l'Assemblée nationale sur le Trésor public, et les lettres de changes du commerce ; alors la nation verra renaître l'abondante circulation du numéraire, et si l'Assemblée nationale acquittait, en pareils assignats, le montant des billets de caisse dont elle reste redevable,et qu'elle éteignît les quatre-vingt-dix millions de billets prêtés au Trésor royal, elle pourait obliger la Caisse d'escompte, de payer à bureau ouvert, soit en argent comptant soit en assignats, au gré des porteurs de billets.
II me semble, Monsieur, que vous seul pouvez sauver le royaume, et essentiellement Paris, des malheurs dont ils sont menacés. Les ennemis de la patrie et de l'Assemblé nationale n'ont pu les détruire par la famine. Ils cherchent aujourd'hui à porter le peuple à la révolte (qu'ils n'ont cessé de susciter), en accaparant tout le numéraire circulant dans le royaume, et cette voie est plus certaine que toutes celles qu'ils ont employées j car avec du numéraire on a du pain, à quelque prix qu'il soit, mais sans argent il faut mourir de faim, voilà le but des ennpmis de la patrie. Ils y parviendront si on n'y porte le plus prompt obstacle en rétablissant la circulation.
Je suis avec un respect mêlé de la plus grande vénération, Monsieur, votre très humble serviteur.
Boileux de Beauueu.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, EX-PRÉSIDENT.
Séance du
, avant-dernier président, ouvre la séance en annonçant que la santé de M. le président ne lui permet pas de la tenir, et que celle de M. l'abbé de Montesquiou ne lui permettant pas de le remplacer, il se trouve chargé, par le règlement, de cette honorable fpnctipn.
, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.
M. le duc de Biron ayan); été nommé dans le procès-verbal du 26, pour le sacrifice qu'il a fait de sa plape de commandant de l'île de Corse, il convient que M. Le Çouteulx de Canteleu soit aussi nommé dans le procès-verbal d'hier, dans l'endroit où il est fait njention de sa renonciation généreuse à la place de trésorier général de la caisse de l'extraordinaire,
Je réclame la même exactitude au sujet de M. Naurissart, qui a renoncé à l'intérêt que le gouvernement lui avait accordé sur l'entreprise des vivres et fourrages de l'armée.
Ces propositions sont adoptées.
, membre du comité des finances, lit la rédaction du décret sur les octrois, qui lui
Je propose d'ajouter à la disposition du décret sur les exemptions de droits d'octrois et aides sur les boissons une exception en faveur des Suisses, qui en ont toujours joui d'après les conventions faites avec leurs cantons
Je pense que ce n'est pas le moment de délibérer sur cet objet, je demande la question préalable.
appuie cette observation. Il est décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent.
On va aux voix sur la rédaction du décret, qui e adoptée dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète que tous les octrois, droits d'aides de toute nature, et autres droits y réunis, sous quelque dénomination qu'ils soient connus dans les villes et autres lieux du royaume où ils sont établis, continueront d'être perçus dans la même forme et sous le même régime précédemment établi, jusqu'à ce qu'il ait été statué autrement par l'Assemblée nationale, néanmoins sans aucun privilège, exemption, ni distinction personnelle quelconque; n'entendant rien innover, quant à présent, aux usages concernant les consommations des troupes françaises et étrangères, ainsi que des hôpitaux.
« Les fermiers ou régisseurs des droits appartenant aux villes seront tenus d'exhiber Jes registres de leurs perceptions aux officiers municipaux sur leur simple réquisition ; et les sommes provenantes de l'augmentation résultant de la suppression des exemptions et privilèges, seront versées dans les caisses du receveur des municipalités, sans préjudice de la partie de ces droits qui peut appartenir au Trésor publiq.
« L'Assemblée ordonne que ce décret sera porté incessamment à la sanction du Roi. »
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
Je prie l'Assemblée de m'accorder une attention nouvelle, dont j'ai d'autant plus besoin que ma santé est altérée par le travail continuel des rapports.
invite l'Assemblée à seconder le zèle constant de l'honorable membre.
rend compte de plusieurs difficultés relatives au département méridional de la Champagne et propose un projet de décret.
parle au nom de la députation de Langres, pour rendre cette ville chef-lieu d'administration préférablement à Chaumont.
Il demande le provisoire pour Langres, ou au moins que l'assemblée du département, qui décidera de la fixation du chef-lieu, soit tenue dans une ville neutre.
Il dit que c'est au centre de la population, et non de la surface, que l'administration doit être placée ; et il assure qu'en ce sens Langres est le centre du département.
L'opinant propose de faire tenir cette première assemblée à Bourbonne-les-Bains.
(1). Messieurs, la
C'est toujours sur lui, c'est principalement ur cette classe nombreuse qui n'a d'existence
que par des travaux journaliers et son industrie que des législateurs doivent porter sans
cesse lefs regards; et je ne détournerai pas l'Assemblée d'un devoir aussi sacré en réfutant
les prétentions élevées au nom de la ville de Langres, puisque je démontrerai qu'elles sont
contraires à l'intérêt des
Le développement de ces propositions justifiera la pureté des principes qui ont déterminé l'avis de, la province, et la sagesse du décret proposé par le comité de constitution.
Avant d'examiner la question sous ces deux points de vue, qui sont vraiment les seuls qui peuvent être présentés dans cette Assemblée, je dois lui rappeler que le projet de décret du comité renferme deux dispositions essentielles, qu'il faut bien se garder de confondre.
La première a pour objet la fixation d'un chef-lieu de district demandé par les villes de Vassy et Saint-Dizier : votre comité a cru devoir donner la préférence à cette dernière ville, et à cet égard il n'y a pas de réclamation du moment que le partage des établissements est proposé conformément au vœu de la province.
La seconde partie de ce décret, relative au chef-lieu du département, est la seule qui occasionne la discussion, et l'Assemblée a remarqué que son comité de constitution subordonne à la volonté des administrés l'alternation à laquelle la ville de Langres s'est toujours bornée ; j'en tire un dilemme fort simple, auquel je ne crois pas qu'il soit possible de fournir une réponse satisfaisante:
Ou la réclamation de la ville de Langres est fondée sur l'intérêt de tous les administrés, ou elle est déterminée par son intérêt particulier. Si elle a pour objet l'intérêt des administrés, elle est absolument illusoire, puisque cet intérêt est conservé par le droit naturel et par le droit positif qui leur est donné de statuer eux-mêmes sur les avantages ou les inconvénients de l'alternation. Si cette réclamation n'est dictée que par l'intérêt particulier, comme je le démontrerai dans un instant, il faut sé hâter de la proscrire, parce qu'aujourd'hui tout doit s'abaisser devant l'intérêt du plus grand nombre ; on ne peut plus reconnaître cette hiérarchie des villes, que 1 ancien régime avait établie pour concentrer tous les établissements dans les plus grandes cités (1), sans aucun égard pour les localités, et par conséquent au grand détriment du peuple dont on enlevait la substance; voilà l'abus qu'il ne faut pas consacrer sous le règne de la justice et de la liberté : la plus petite communauté a autant dé droits à la protection du gouvernement que la cité la plus fastueuse, si on peut se prévaloir encore de posséder des monuments de l'esclavage français.
Et qu on ne dise pas que l'alternation est dans les principes ae l'Assemblée , puisqu'il
est constant qu'elle a entendu en subordonner la faculté à la volonté des administrés, qui
peuvent seuls en combiner les avantages avec le danger très connu et toujours renaissant de
déplacer les archives et les administrateurs ; les circonstances qui peuvent faire adopter
cet arrangement sont infiniment rares, et pour ainsi dire maigres : il faut que deux villes,
toutes deux centrales, soient tellement à proximité, qu'il ne soit pas plus avantageux au
plus grand nombre de se rendre dans l'une plutôt que dans l'autre, et Langres est loin de
partager cette heureuse situation; on ne peut donc convertir en une disposition positive ce
qui doit être facultatif.
Ce département, qui réunit une superficie de près de 300 lieues, n'a point cette forme sphéri-que dont les décrets de l'Assemblée présentent l'idée ; des limites anciennes qu'il a fallu respecter, parce qu'elles avaient occasionné des relations qu'il eût été dangereux de détruire, des rapports commerciaux avantageux à conserver, ont déterminé l'assiette de ce département qui présente, du sud au nord, un espace de plus de 31 lieues de longueur, et de l'est à l'ouest, environ 12 lieues de largéur dans presque tous ses points.
La ville de Langres est située à l'extrémité méridionale, à 5 lieues au plus des limites, en sorte que les électeurs de la partie opposée auraient une distance (1) de 26 lieues à parcourir pour y arriver. Je demande si l'on pourrait se jouer ainsi des déplacements de ces hommes utiles et laborieux qui fertilisent la terre ; je demande si un pareil éloignement ne priverait pas les citoyens qui bénissent une honnête médiocrité du droit de concourir aux élections, lorsqu'ils ne seraient pas en état de faire les sacri-ces qu'exigerait un voyage aussi long que dispendieux.
Ces inconvénients n'existeront plus lorsque les électeurs se réuniront à Chaumont : cette ville placée à 17,511 toises, c'est-à-dire à plus de 8 lieues de Langres, offre, par sa centralité, une distance à peu près égale de part et d'autre, qui n'excède pas 17 lieues. Il est donc de l'intérêt des administrés qu'elle soit indiquée pour le chef-lieu du département, puisqu'ils auront moins de démarches, moins de dépenses à faire. Voilà le seul titre dont elle veut se prévaloir.
J'ai dit que l'intérêt de l'administration exigeait également que le directoire du
département fût placé à Chaumont, et tout le moude sait qu'une administration supérieure ne
peut réunir l'activité et la surveillance nécessaires pour opérer le bien qu'autant qu'elle
est placée de manière à communiquer également et au même instant une impulsion suffisante
pour maintenir l'unité et la célérité dans l'exécution. Et comment ob-
Comment les administrateurs pourraient-ils exercer cette bienfaisance, cette tendre sollicitude à 26 lieues de distance? Gomment pourraient-ils veiller aux réparations des ports de la Marne établis à Saint-Dizier, qui en est éloigné de 24 lieues; de ces ports dont le bon état est si nécessaire pour vivifier le département, qui n'a d'autre commerce que celui des fers et des bois qui s'y embarquent? Gomment pourraient-ils pourvoir à ces réparations avec assez de célérité, lorsqu'une fonte subite de neiges, semblable à celle de l'hiver dernier, y occasionnerait de fortes dégradations?
Le directoire du district, dira-t-on, exercera cette surveillance. Mais il n'aura point de secours extraordinaires à sa disposition, et toutes ses délibérations qui auront pour objet des dépenses imprévues, devront être approuvées par l'administration de département avant de pouvoir être exécutées.
Je peux citer encore un exemple plus frappant du retard que l'expédition des affaires éprouverait, lorsque les membres du directoire seraient obligés de se fixer à Langres, à l'époque marquée pour l'alternat : l'on sait que tous les corps administratifs doivent exercer leurs fonctions sous l'autorité du Roi; ils seront par conséquent obligés d'entretenir une correspondance habituelle pour rendre compte de toutes leurs opérations au pouvoir exécutif, ou pour les lui soumettre dans les cas qui nécessitent son approbation, et toute cette correspondance passerait à Ghaumont avant de parvenir à sa destination.
Il en serait de même de tous les paquets d'envois, des décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi ; et ne serait-il pas affreux de ralentir ainsi la marche de l'administration pour soumettre aux spéculations, aux désirs et à l'ambition de la ville de Langres tout ce qui existe dans le département?
L'intérêt des administrés, l'intérêt de l'administration se réunissent donc pour prouver le danger de l'alternation que la ville de Langres sollicite ; j'ajouterai que cette demande a été repoussée constamment par tous les députés de la province dont j'invoque le témoignagne ; j'ajouterai que ces députés ont toujours manifesté le même vœu en indiquant la ville de Ghaumont pour le chef-lieu du quatrième département. Les états qui contiennent cette indication sont même signés par les députés de la ville de Langres, qui s'étaient bornés à demander qu'il fût inséré dans le décret que la première séance se tiendrait à Ghaumont, «ans rien préjuger sur la question de l'alternat. Mais on n'a pas voulu leur conserver cette faible ressource qui aurait pu induire en erreur les administrés ; parce qu'en disant qu'on ne préjuge rien sur une chose qui ne doit pas être, c'est préjuger beaucoup. Il n'est pas besoin d'une réserve aussi illusoire, aussi puérile, lorsqu'il est question de l'exercice du droit naturel, du droit positif qui appartiennent aux administrés de fixer la permanence du directoire dans le lieu le plus avantageux.
On revient aujourd'hui sur toutes ces conventions et sur toutes les convenances, pour pro-poposer d'ordonner que la convocation première se fera dans la ville de Langres, au moins dans une ville neutre, et on indique celle de Bour-bonne.
Mais j'ai déjà observé, et je répète encore que la question n'est pas de savoir laquelle des deux villes obtiendra le chef-lieu dê département, parce qu'il est reconnu et avoué que Chauraont doit être chef-lieu ; dès que l'on se borne à l'alternat dans une pareille position, n'est-il pas absurde de demander que cette ville soit privée provisoirement d'un droit qu'elle ne peut pas perdre, pour satisfaire le projet d'envahissement (1) de la ville de Langres, qui ne peut jamais prétendre à l'alternation lorsqu'elle dépendra du vœu des administrés? Leur intérêt est-il moins sacré, est-il moins à respecter parce qu'il ne s'agirait que d'une première démarche dont les suites seraient réparables? Non, c'est méconnaître les principes de l'Assemblée ; il suffit que les administrés puissent souffrir une seule fois d'une pareille disposition pour la faire rejeter. Or, en démontrant les désavantages de la position de la ville de Langres, nous n'avons pas même offert l'idée de ceux qui résulteraient de la réunion des électeurs dans la ville de Bour-bonne-les-Bains, qui touchent immédiatement aux limites du côté de la Franche-Comté et des Vosges, puisque, dans quelques endroits, il n'y a qu'une ou deux paroisses au plus, dans l'espace intermédiaire. Cette demande est véritablement le comble du ridicule; mais voici ce qui y a donné lieu.
Depuis quelque temps on a fortement sollicité les députés ordinaires ou extraordinaires de
toutes les villes où il a été établi des districts de faire connaître leur vœu sur
l'alternat, et malgré la diversité (2) des moyens employés pour les y faire consentir, on a
trouvé partout une volonté constante de maintenir le directoire dans la ville de Ghaumont;
alors on s'est adressé directement aux officiers municipaux de Bourbonne, la seule
Il faut donc revenir au véritable point de la question : la ville de Chaumont est absolument dans le point central géographique du département; elle est aussi le point central politique par les anciennes relations que ses établissements publics y ont formées ; ces relations existent même avec tout le pays qui environne la ville de Langres. 11 dépendait, avant 1640, du bailliage de Chaumont, et il est encore régi par sa coutume ; le démembrement qui en a été fait, pour composer le bailliage de Langres, n'a point entraîné celui de la maîtrise des eaux et forêts de Chaumont, dont la juridiction s'étend encore sur toutes les paroisses distraites du bailliage : c'est à Chaumont que les habitants de ces paroisses terminent tout ce qui est relatif à l'administration de leurs bois; c'est à Chaumont qu'est encore établie la comptabilité des domaines, même pour la ville de Langres, parce que la position de cette dernière ville, à l'extrémité des frontières, n'a jamais permis d'y former des établissements que dans les temps d'arbitraire (3), où l'intérêt et le cri du peuple étaient également méconnus. La ville de Chaumont doit donc être, et ne peut pas cesser d'être, sous tous les rapports, le chef-lieu du département : on ne lui conteste pas, puisque l'on se borne à l'alternat; elle doit donc être indiquée pour la première séance de l'Assemblée.
On veut affaiblir ces résultats en attestant vaguement que la ville de Chaumont, placée
dans le point central de la superficie, ne l'est point
Ce raisonnement ne présente que des sophismes, des subtilités et des inexactitudes. D'abord il résulte des décrets de l'Assemblée que' la représentation doit avoir lieu dans une proportion combinée de la population, du territoire et des impositions; l'administration générale embrasse donc les personnes, les propriétés et les impôts,
En second lieu, il est prouvé que les états de population de la province, qui ont été envoyés à M. Dubois de Crancé, député de Vitry-le-Français, que les différentes parties du département, qui sont plus à proximité de Chaumont, forment ies deux tiers ae sa population (1); et la réunion de la ville de Bourmont et de quelques paroisses du Bassigny-Barrois rend encore ce résultat plus satisfaisant, puisqu'elles sont toutes plus éloignées de Langres : il ne faut que jeter les yeux sur la carte pour se convaincre de tous ces faits.
Il reste par conséquent démontré qu'en considérant l'avantage du plus grand nombre, les
administrés doivent se rendre à Chaumont pour y former l'assemblée de département, et que son
directoire doit y être permanent, si cette ville possède les édifices publics qui sont
nécessaires à un pareil établissement. Or, il est certain, malgré les doutes que l'on a
cherché à répandre à cet égard, malgré l'affectation avec laquelle on a voulu déprimer (2)
cette ville intéressante par son existence politique et le patriotisme de ses habitants (3),
qu'elle a dans son enceinte un hôtel-
A Langres, le Palais de justice et l'hôtel de ville ne forment qu'un seul édifice, et cette réunion le rend moins vaste et moins commode. Nous convenons que les bâtiments sont plus fastueux, et il ne faut point s'en étonner, ils ont été construits aux frais de la province, aux dépens du peuple dont on arrachait la substance, pour embellir inutilement l'enceinte modeste et simple qui doit servir aux oracles de la justice. Cette dispensation injuste des sueurs du citoyen a été l'ouvrage de l'agent du pouvoir arbitraire dans la province de Champagne : la ville de Ghaumont aurait rougi d'employer une pareille ressource au détriment des contribuables; elle n'a rien demandé, elle n'a rien obtenu; elle a construit et entretenu, à ses frais, tous ses édifices publics qui réunissent encore plus d'avantages.
Je ne fléchirai point sur la rigueur des principes pour invoquer des moyens de
considération semblables à ceux dont on a fait usage; je ne parlerai point des pertes que le
nouvel ordre de choses occasionnera, parce qu'il n'est point de sacrifices que l'on ne doive
faire pour acquérir la liberté : la ville de Ghaumont souffrirait d'isoler ainsi son intérêt
particulier. Elle est la mieux placée pour la commodité et les besoins du plus grand nombre ;
il y a une parfaite égalité dans les distances que chaque citoyen devra parcourir pour y
venir demander justice, secours et pro-
La priorité a été accordée, et l'Assemblée nationale a décrété, conformément à l'avis du comité de constitution :
1° Que le département méridional de la Champagne est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Saint-Dizier, Joinville, Bourmont, Chaumont-en-Bassigny, Bourbonne-les-Bains et Langres, et que la ville de Vassy est le chef-lieu de la juridiction de district;
2° Que la ville de Chaumont-en-Bassigny est provisoirement le chef-lieu de ce département, et que les électeurs assemblés détermineront, à la suite de la première session, si les séances de ce département doivent alterner entre Langres et Chaumont, ou si cette dernière ville doit définitivement en demeurer le chef-lieu.
D'après les deux dispositions de ce décret, tout était terminé d'une manière irrévocable quant aux représentants, provisoire quant aux administrés, parce qu'ils ont constamment lo droit de juger des convenances; d'un côté les conventions sur la division intérieure et sur la fixation des chefs-lieux avaient été sanctionnées, et de l'autre on avait statué sur la seule difficulté qui n'avait pas été aplanie d'un commun accord.
Ainsi tout se réunissait pour inspirer une sécurité parfaite, après plus de deux mois et demi de discussions et de travaux de détail, lorsque le député de la ville de Bourmont a réclamé auprès du comité de division, pour obtenir un agrandissement, sur le motif qu'il y avait inégalité dans la division, et que son district n'avait pas même la superficie territoriale indiquée par les décrets de l'Assemblée nationale.
Cette demande fut présentée à l'Assemblée, dans sa séance du 13 février, sans que les députés qui pouvaient y prendre intérêt en fussent prévenus. Le membre du comité qui avait rendu compte des seuls motifs développés dans le mémoire du députéde Bourmont proposa d'ordonner une nouvelle division ; la circonstance était d'autant plus favorable que toutes les parties intéressées n'étaient pas présentes, et que le premier rapporteur, retenu chez lui pour cause de maladie, ne pouvait fixer le jugement de l'Assemblée sur le besoin ou l'inconvenance des changements à la démarcation. Cependant l'Assemblée fut frappée de l'inconvénient qu'il y aurait à écarter les conventions volontaires qui formaient toute la base de l'opération générale, et elle se contenta de eonsaerer un principe qui n'était pas contesté, celui que toutes les convenances et localités sont soumises aux administrés, en décrétant « que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Chaumont, Langres et Bourbonne seraient déterminées par la nouvelle assemblée de département. »
Voilà donc deux difficultés à terminer; l'une relative à la permanence du directoire de département dans la ville de Chaumont, l'autre relative à la démarcation des limites du district de Bourmont; mais il y a cela de particulier dans les deux décrets, que le premier soumet la question de la permanence ou de l'alternat au jugement des électeurs à la suite de la première session ; et le second attribue la fixation définitive des limites du district de Bourmont à l'assemblée de département, c'est-à-dire aux 36 membres qui seront nommés par les électeurs» Cette observation est extrêmement importante, d'abord parce qu'il
faut exécuter à la lettre les décrets, et eu second lieu, parce qu'il n'est pas possibleque des limites soient revues et fixées par plus de 600 électeurs rassemblés momentanément. Voilà le motif qui a déterminé la différence que l'on remarque dans cette disposition des deux décrets.
Avant de faire aucune réflexion sur la réclamation du député de Bourmont, il est important d'expliquer comment, dans le décret du 13 février, il a été fait mention du district de Langres, dès qu'il ne touche point immédiatement à celui de Bourmont.
Dans le mémoire présenté au comité de constitution, le député de Bourmont exposait, d'après les motifs que nous avons déjà donnés, qu'il lui était dû un complément, qu'il ne pouvait l'obtenir que du côté de Chaumont, ou du côté de Bourbonne; mais que le district de Chaumont lui avait déjà abandonné tout ce qui était à sa proximité et même au delà, que ce district, quoiqu'as-sez étendu, était peu peuplé, et formé dans un terrain ingrat où l'on pouvait parcourir 3 à 4 lieues de superficie sans y voir un seul clocher (1); qu'il était conséquemment obligé de se reporter du côté de Bourbonne, où il pouvait trouver des paroisses à une égale distance des deux villes, et même plus à proximité de celle de Bourmont; il demandait, en conséquence, d'une manière très précise, la cession des paroisses et communautés de la ville neuve d'Amphal, la ville neuve en Angoulaincourt, Sarrey, Epinant, et de l'Abbaye de Morimond.
Pour démontrer la possibilité de cette distraction, il observait que le district de Bourbonne, dans l'arrondissement duquel ces paroisses se trouvaient placées, pouvait recevoir l'équivalent du district de Langres qui offrait une superficie territoriale trop considérable, surtout en raison de sa population, et qui n'avait obtenu celte grande étendue, qu'en référant, au Sud-Est, le district de Bourbonne d'une manière choquante, puisqu'il ne lui avait laissé qu'une langue de terre du côté de Broncourt, Pressigny, Savigny, pour conserver le Fays-Bellot et quelques autres paroisses qui n'étaient pas plus éloignées de Bourbonne ; il ajoutait que toutes ces paroisses pouvaient fournir l'indemnité d'une distraction doublement nécessaire, pour compléter la superficie territoriale du district de Bourmont, et pour former à celui de Bourbonne un arrondissement moins irrégulier du côté du Fays-Billot.
En me livrant'à tous ces détails, je n'ai point eu l'intention de combattre les réflexions
que le député de Bourmont s'est permises sur la configuration du district de Bourbonne, et
sur l'étendue de celui de Langres ; elles intéressent spécialement les députés de cette
dernière ville ; et je leur laisse le soin de justifier cette irrégularité qu'ils ont laissé
subsister dans l'arrondissement
Si la question fût restée dans ces termes fort simples, telle qu'elle avait été présentée dans le mémoire du député de Bourmont, j'aurais supprimé toutes observations ultérieures ; mais l'Assemblée ayant statué, par son décret du 13 février, que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Chaumont, Langres et Bourbonne seraient fixées par l'assemblée du département, il peut arriver que l'on demande le changement de ces limites du côté de Chaumont, et c'est sous ce point de vue que je doié examiner la prétention qui pourrait s'élever à ce sujet.
Ce n'est pas que je pense qu'il puisse y avoir lieu à aucune réclamation sur les limites convenues du côté de Chaumont, car le député de Bourmont sait qu'il a obtenu sans peine la cession de tout ce qui était à sa convenance, de tout ce qui était à sa proximité, et que souvent même l'on a été forcé de s'écarter du vœu des administrés. Je peux citer, pour preuve de ce fait, la cession de la ville de Reinel, et des paroisses de Rimaucourt, Ecot,.... je pourrais même y comprendre celles de Manois, Humberville et Orquevaux ; mais il fallait former un arrondissement qui réunît à peu près la superficie territoriale qui doit faire le dernier résultat de la division, celui sans lequel il n'existerait point d'administration, et les sacrifices devenaient nécessaires dès que l'on se refusait à toute distraction du côté opposé.
Si, malgré tous ces moyens de justice et de considération, on demandait une rectification des limités du côté de Chaumont, il pourrait arriver que les paroisses que j'ai indiquées profitassent elles-mêmes de la circonstance pour réclamer leur distraction, et elles y seraient autorisées parle décret, puisqu'en ordonnant une nouvelle démarcation des limites on n'a pas entendu qu'elles fussent reportées plutôt en dedans qu'en dehors de la ligne qui avait été tracée.
Je suppose maintenant qu'il n'y a rien à redouter de l éloignement que ces paroisses avaient d'abord manisfesté, et je ne suis pas moins disposé à croire que la ville de Bourmont n'élèvera aucune difficulté sur la démarcation des limites, du côté de Chaumont, dès qu'elle sera convaincue qu'un pareille demande serait tout à la fois contraire aux principes, à la justice et surtout à l'intérêt des administrés qu'elle voudrait placer dans son arrondissement ; et c'est ce que je vais démontrer en peu de mots.
D'abord, je ne crois pas qu'une ville indiquée pour chef-lieu d'administration ait personnellement le droit de réclamer : ce droit appartient exclusivement aux administrés qui ont à se plaindre de la division, et il doit être exercé en leur nom par les directoires des districts que ces changements intéressent, ou par les directoires des départements, lorsqu'il s'agit de passer d'un département dans un autre. Cette marche bien simple est tracée impérieusement dans le § Ier de l'instruction du 6 janvier, où on lit : « Si les détails de l'exécution font découvrir le besoin ou la convenance de quelques changements, il est difficile que les motifs en soient assez pressants pour que les divisions indiquées par l'Assemblée nationale ne puissent être suivies.....Cette exécution préalable ne nuira pas aux réprésentations.... Les corps administratifs, une fois formés, deviendront
les juges naturels de ces convenances locales... Us feront, de concert entre eux, toutes les rectifications dont leurs limites respectives se trouveront susceptibles. »
Il est évident qu'on ne peut connaître le besoin et la convenance des changements qu'en consultant les administrés ; la réclamat on leur appartient donc tout entière, et elle doit être portée aux corps administratifs. Or il est certain qu'aucune des paroisses qui touchent à la ligne ae démarcation convenue ne demandera jamais à sortir de l'arrondissdment de Ghaumont ; elles ont toutes intérêt à maintenir les limites, tant à cause de la proximité qu'à raison des relations habituelles et de la facilité des communications. Je me suis expliqué plusieurs fois sur ce point avec le député de Bourmont, et je crois lui avoir démontré que les paroisses de la Crète, Bourdon, Forcey et autres, qu'il paraissait désirer, n'étaient distantes que de 2 à 3 lieues de Ghaumont et qu'elles seraient victimes de l'arrangement qui les attacherait au district de Bourmont dont elles sont éioignées de plus de 5 lieues. D'ailleurs ces communautés sont toutes nécessaires pour composer l'arrondissement d'Andelot, qui doit être le chef-lieu d'un canton, tant à cause de l'importance de ce bourg qu'à raison des pertes que la révolution lui fait éprouver ; et très certainement il ne consentira jamais d'aller chercher son administration à Bourmont ; c'est bien assez de lui avoir enlevé la paroisse de Rimaucourt et d'autres encore qui étaient à sa convenance pour former son canton.
Ges convenances, qu'il faut sans cesse consulter dans une semblable opération, résisteront toujours aux motifs développés dans le mémoire du député de Bourmont, surtout quand ces motifs ne démontrent pas même la nécessité d'un changement, et l'on peut s'en convaincre par des réflexions très simples.
D'abord il n'est point exact de dire que la division doit avoir pour base l'égalité de superficie, ni que celle-ci doit être combinée avec la population et les impositions.
Les administrations ne sont point établies en faveur des villes qui sont indiquées pour la
tenue des assemblées et les séances des directoires; elles l'ont été en faveur des
administrés. Il résulte de ce principe que les habitants de chaque paroisse ou communauté
doivent être classés dans l'arrondissement qui leur offre plus de facilité pour obtenir
justice, secours et protection, et pour le versement de leurs impositions. Ges avantages
naissent souvent de la proximité, quelquefois aussi des relations commerciales et
industrielles et de la nature des communications, et comme ces localités peuvent varier à
l'infini, qu'elles doivent toutes être combinées dans la classification, il s'ensuit que
l'étendue des districts doit subir une infinité de modifications dans un même département; il
s'ensuit qu'on ne peut admettre l'égalité superficielle qui tournerait au détriment des
administrés ; il s'ensuit enfin qu'un district, dont le chef-lieu est parfaitement central,
doit être beaucoup plus étendu qu'un district voisin, dont le chef-lieu est absolument placé
à l'extrémité opposée de son arrondissement (1).
Les trois proportions indiquées dans l'article 27 ne sont donc pas applicables à la division intérieure, elles ne pourraient amener qu'un résultat imparfait et dangereux. D'abord, si l'on considérait la population, il s'ensuivrait que les villes du premier et même du second ordre n'auraient absolument aucun arrondissement, et cependant des relations nécessaires et multipliées à 1 infini y amènent journellement les habitants des campagnes voisines. Si l'on considérait les impositions dans un département composé de paroisses et .communautés qui dépendaient ci-devant de différentes provinces, dont les unes étaient assujetties à tous les impôts connus, tandis que les autres jouissaient d'une infinité de privilèges, on ne pourrait trouver un résultat dans des bases aussi incohérentes : ceci s'applique directement au district de Bourmont, qui se trouve formé en partie de parroisses qui dépendaient ci-devant de la Lorraine; on sait que les impositions ne s'y élevaient qu'à 12 1. 19 s. par individu, tandis qu'elles étaient portées à 26 1. 16 s. dans la province de Champagne. 11 est donc impossible d'asseoir des combinaisons sur ces différents rapports.
Le député de Bourmont a étavé sa déclaration d'un moyen encore plus spécieux; il a dit que
son district n'avait pas les 36 lieues de superficie territoriale fixées par les décrets
constitutionnels; qu'il avait conséquemment le droit d'exiger un complément.
Cette conséquence n'est pas exacte. En effet, le décret du 15 janvier ne dit pas que les départements auront précisément 324 lieues carrées, «t cette proposition n'a pas été suivie rigoureusement dans la division générale. Il y a beaucoup dé départements qui l'excèdent, et beaucoup d'autres qui n'ont pas cette étendue : celui de Chau-mont est de ce nombre, il n'a pas même 300 lieues de superficie, ce qui ne donne pour chacun des 9 districts qui pouvaient y être formés que 33 lieues; et en ne considérant même que les lignes existantes, il est évident que celui de Bourmont a quelque chose au delà. Si on examine de plus près la carte, on est bientôt convaincu que les lignes ont été mal tracées dans plusieurs points où l'on n'a compris que les clochers des paroisses, quoiqu'elles eussent un territoire étendu. Je cite pour preuve la paroisse de Choiseul ; car on lit au-dessous de la ligne ces mots : justice de Choiseul, et le territoire sur lequel elle s'étend ne dépend pas du district de Bourbonne.
Ce n'est donc point en excipant de l'inégalité de surface, ce n'est point en s'étayant des décrets constitutionnels qui n'ont aucun rapport à la division intérieure, que le député de Bourmont peut espérer d'obtenir un agrandissement : c'est dans la convenance qu'il faut en trou ver la nécessité, et sous ce rapport, le district de Chaumont ne peut essuyer auoun démembrement. Mais le député de Bourmont prétend qu'il y a du côté de Bourbonne des paroisses à une égale distance des deux villes* qu'il y a la même facilité dans la communication; il ajoute que tous les biens de l'Abbaye de Morimond sont placés dans son district i et voilà les vrais motifs qu'il faut prendre en considération. Je ne veux rien préjuger sur cette question \ mais je présume que l'on verra la nécessité de faire subir des rectifications à l'arrondissement de Bourbonne, du côté du Fays-Billot, et ce sera le moment d'examiner si l'on peut, sans inconvénient pour les administrés, donner une plus grande étendue au district de Bourmont.
, député de Langres, appuie l'opinion de M. ûrevon avec une grande instance.
observe que la ville de Chaumont est la plus centrale du département.
On fait une nouvelle lecture du projet de décret proposé par le comité.
La partie de ce décret concernant la difficulté entre Langres et Chaumont, est adoptée.
Le décret est ensuite rendu ainsi qu'il suit,
c L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
» 1° Que le département méridional de la Champagne est divisé en six districts, dont les cbefs-
lieux sont Saint-Dizier, Joinville, Bourmont, Chaumont-en-Bassigny, Bourbonne-les-Bains et Langres, et que la ville de Vassy est le chef-lieu de la juridiction du district ;
» 2° Que la ville de Chaumont-en-Bassigny est provisoirement le chef-lieu de ce département, et que les électeurs assemblés détermineront* à la suite de la première session, si les séances de ce département devront alterner entre Langres et Chaumont, et si cette dernière ville doit définitivement en demeurer le chef-lieu;
» 3° Que les paroisses de Limeville et Chassey, ainsi que celle de Baudonvilliers, seront du département du Barrois;
» 4° Que la ville de Reinel demeurera au district de Bourmont. >
soumet ensuite au jugement de l'Assemblée lés difficultés survenues, entre les députés dè la Haute-Auvergne, sur la division de leur département ; quelques-uns des députés, et surtout leâ envoyés extraordinaires des villes, Voulaient six districts : les autres désiraient n'en former que trois ; les villes .de Chaudesaigues, AllanChes, Murât, Vie et Montsalvy voulaient être chacune le chef-lieu d'un district.
Le comité a pensé que les prétentions d'AllanChes, Vie, Chaudesaigues et Montsalvy étaient inadmissibles, et que, nonobstant la majorité des suffrages des députés de ce département contre la detoandè de Murât, il convenait à l'intérêt des administrés d'établir un district dans cette ville.
soutiennent l'avis des députés de ce département.
dit que les raisons politiques qui avaient déterminé la députation d'Auvergne à ne fixer provisoirement que trois chefs-lieux de district doivent aussi déterminer l'Assemblée à adopter l'avis de la députation; qu'il est plus prudent de renvoyer à l'assemblée de département ta formation d'un quatrième district que de l'établir dès à présent, sous la condition que l'assemblée de département jugera de son utilité et de sa conservation ; que la ville de Chaudesaigues mérite au moins la préférence de soumettre à l'assemblée générale des électeurs la formation du quatrième district; qu'en prenant ce parti on ne mécontentera ni Allanches ni Chaudesaigues, et que le département assemblé jugera en plus grande connaissance de cause entre ces diverses villes. Il ajoute que ce renvoi à la province est d'autant plus essentiel, que l'Assemblée a laissé à quelques paroisses l'option de tenir à l'un ou à l'autre des départements d'Auvergne* et qu'on se décidera bien mieux entre les divers contendants, après que ces paroisses auront fait leur option.
soutient la nécessité d'un quatrième district à placer à Murât ou à Allanches.
L'Assemblée adopte l'avis du comité.
Les députés du département étaient convenus de faire alterner l'administration entre Saint-Flour et Aurillac ; il s'élève une difficulté sur la première Bession, chacune des deux villes désirant recevoir ia première assemblée.
parle pour Aurillac, et fait valoir les convenances quant à la population, au climat, etc.
parlent pour la ville de Saint-Flour, qu'ils disent être fondée en titre et en possession,
L'Assemblée nationale accorde le provisoire à la ville de Saint-Flour.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1° Que le département de la Haute-Auvergne est divisé en quatre districts dont les chefs-lieux sont : Saint-Flour, Aurillac, Mauriac et Murât, qui sera placé dans celui de Saint-F^lour, sauf au département à proposer à la prochaine législature la suppression du district de Murât, s'il jugeait qu'il n?est ni nécessaire, ni utile à son administration;
» 2° Que les séances de l'assemblée du département alterneront entre Saint-Flour et Aurillac, et que Saint-Flour aura la première séance;
» 3Ô Que la ville de Salers sera le siège de la jurisdiction du district de Mauriac. »
fait ensuite un rapport -concernant lé département d'Armagnac.
demande que la ville de Gimont ait le tribunal de district et que l'administration soit donnée à l'Ile-JOUrdain $ il forme la même demande pour Duelan, relativement à Mirande.
demande la question préalable sur cet amendement et la motive sur l'avis unanime des députés»
L'amendement est mis aux voix et rejeté.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution ;
« 1*. Que le département d'Armagnac, dont Auch est le chef-lieu* est divisé en six districts; que les chefs-lieux de ces districts sont les villes d'Auch, Lectoure, Gondom, Nogaro, l'Ile-Jourdain et Mirande ;
.« 2°- Que le département déterminera s'il convient d'établir, en faveur de Vic-Fesensac, un septième district pour le proposer, le cas échéant, à fa Seconde législature. »
présente ensuite la division des trois départements du Dauphiné et saisit cette occasion pour exprimer les sentiments de reconnaissance que la France doit à cette province.
Si l'on réfléchit bien, dit-il, sur l'intérêt des habitants d'un pays de montagnes tel que ceux du Hàui-Dauphiné, on sentira que ce qui pourrait leur arriver de plus funeste, serait d'être associés avec ceux d'un pays de plaine ou d'une vallée fertile, telle que celle au Grésivaudan. Ce n'est point la pauvreté qui humilie, qui chagrine le pauvre, c'est la comparaison de sa misère et de ses privations avec le luxe et les jouissances des riches.
Les Français qui habitent le Haut-Dauphiné seront pauvres, actifs, industrieux, et surtout ils seront égaux; ils aimeront le sol qu'ilB auront fécondé par leur travail et leur patience; ils étonneront par la hardiesse de leurs entreprises et par l'étendue de leurs ressources; ils seront heureux par cela même qu'ils seront pauvres et ignorés; ils seront humains et bons, parce qu'ils auront des besoins, et qu'ils apprendront à s'attendrir sur les besoins d'autrui ; ils seront fiers de cette égalité civile et politique qu'ils ont vu naître, qu'ils ont réclamée les premiers ; et si nos enfants ou nous-mêmes laissions échapper ce bien précieux, nos neveux iraient le chercher dans les rochers des Alpes ; et la province quj, la pre-
mière, osa secouer les chaînes du despotisme, qui fit luire aux yeux des Français l'aurore de la liberté, mérite d'en être à jamais l'asile.
Un député du Dauphiné, eh proposant uii amendement au projet de décret proposé par M. le rapporteur, reconnaît la justice de la confiance d'après laquelle l'Assemblée s'en rapporte ordinal* rement à l'avis du comité.
relève une erreur du préopihant, qui avait dit que la majorité de la députation avait décidé pour le plan de division dont le comité croyait devoir s'écarter.
L'avis du comité est adopté par le décret qui suit :
« L'Assemblée nationale décrété, d'après l'avis de son comité de constitution, que les trois départements, dans lesquels le Dauphiné est divisé, sont ainsi limités :
« 1°. Celui du Nord comprenant Grenoble et Vienne, à l'Ouest, au Nord, au Nord-Est ét à l'Est, le sera par les anoiennes limites de cette province, jusqu'au grand contrefort qui s'attache à la principale chaîne des Alpes» proche le col de Gali-bier; que, de ce point, la limite suivant là crête du contrefort contournant le Val Godemard, comprendra ou laissera le Bourg-de-Corp, suivant la convenance mutuelle des deux départements limitrophes; de là elle regagnera le sommet de la chaîne qui sépare le Devolny du Triève ; passant au col de la Croix-Haute» toujours suivant la crête de la montagne, elle passera entre le Triève d'une part, le Diois et le Vercors, de l'autre ; à l'extrémité du Val de Vercors, elle se retournera carrément entre Pont-en-Royans et Saint-Hi-laire, entre l'Isère et Saint-Nazaire ; elle coupera la route de Romans à Saint-Marcelin, à distance égale de ces deux villes, passera par Montrigaud à l'Est du Grand-Serre, par les clochers de Saint-Barthelemy et de Ëeaurepaire, el de là viendra s'appuyer au Rhône entre Saint-Rambert et An-dance.
i 2° Les limites du département de l'Ouest comprenant Valence, Romans, Montélimart et la principauté d'Orange, seront au Nord ; celles décrites précédemment pour le département de Grenoble, à l'Ouest; le Rhône, au Sud; les anciennes limites de là province, et celles de la principauté d'Orange, à l'Est; lés limites qui séparaient les baronies de l'Election de Gap, et depuis Ville-Vieille, la crête de la montagne jusqu'au cm de la Croix-Haute.
« 3° Le troisième département comprenant le reste du Dauphiné, aura pour limites les anciennes limités de cette province, et celles assignées aux deux départements précédents, laissant à tous les trois la liberté de faire entr'eux des échanges, selon leur convenance mutuelle. »
, rapporteur, propose ensuite un décret concernant la division de quelques paroisses entre les départements de l'Angoumois et du Poitou -f Cet avis est adopté en la forme suivante :
« L'Assemblée nationale décrête, d'après l'avis du comité de constitution, que les paroisses de Montjean, la Forêt, celles de Plettville et d'Abesac, appartiendront â l'Angoumois ; que celles d'Arsy, MauÉé et Priay, sont au Poitou ; le tout conformément au tracé signé par le comité de constitution. »
M. l'évêque d'Autun a la parole pour faire, au nom du comité de consti-
tution , un rapport sur la possession d'état de citoyen actif, reclamèe par des juifs portugais établis à Bordeaux.
, évêque d'Autun. Les juifs regnicoles, établis à t Bordeaux, viennent d'envoyer une députation extraordinaire, avec des pouvoirs constatés et signés par deux cent quinze chefs de leurs maisons.
Ces députés ont remis au comité de constitution une adresse pour l'Assemblée nationale, dontnotre devoir estde vous donner connaissance, et sur laquelle, à raison de l'époque prochaine des élections, il nous a paru également juste et convenable que vous prononçassiez incessamment.
Les juifs de Bordeaux, ainsi que ceux de Bayonne et d'Avignon, se trouvent dans une position particulière, en sorte que votre décision laissera intact l'ajournement que vous avez prononcé. Cette position les rend étrangers aux observations qui ont été faites dans cette assemblée sur l'état des juifs.
Ils n'ont ni lois, ni tribunaux, ni officiers particuliers.
Ils jouissent du droit indéfini d'acquérir des immeubles. Ils possèdent toute espèce de propriété. Ils supportent toute imposition sur le même pied que les autres Français.
Ils participent au droit de bourgeoisie, assistent dans toutes les occasions aux assemblées publiques comme citoyens et comme négociants ; ils ont concouru en dernier lieu à l'élection des députés à l'Assemblée ; ils servent dans ce moment dans les milices nationales, y occupent des grades, et en remplissent les fonctions sans distinction d'aucun jour de la semaine.
Enfin, ce qui nous a paru tout-à-fait décisif, depuis deux cent quarante ans, ils jouissent de tous les droits de régnicoles, en vertu de lettres-patentes légalement enregistrées et renouvelées de règne en règne. Les preuves de tous ces faits nous ont été remises ; elles sont incontestables. Voici les termes des lettres-patentes de 1776 :
« Voulons (y est-il dit en parlant des juifs portugais établis à Bordeaux) qu'ils soient traités et regardés, ainsi que nos autres sujets nés en notre royaume, et qu'ils soient réputés tels, tant en jugement que dehors. »
Les lettres-patentes de 1780, relatives aux juifs avignonnais établis aussi à Bordeaux, sont plus expressives encore.
Ils demandent donc, Messieurs, non pas d'être admis à la participation des droits de citoyen ; mais plutôt d'être maintenus dans la jouissance de ces droits. Leur demande nous a paru parfaitement juste, Vous n'avez point voulu, vous n'avez pas pu priver personne de l'honorable qualité de citoyen à moins qu'il n'eût démérité aux yeux de la nation ; et il est évident que ce serait priver les juifs de Bordeaux que de ne pas la leur reconnaître en ce moment.
Votre comité de constitution a donc pensé que, sans rien préjuger sur la question de l'état des juifs, prise dans sa généralité, il était juste et convenable de décréter en ce moment :
c Que les juifs à qui les lois anciennes ont accordé la qualité de citoyen, ainsi que ceux qui sont dans une possession immémoriale d'en jouir, la conservent, et, en conséquence, sont citoyens actifs, s'ils réunissent les autres qualités exigées par les décrets de l'Assemblée. » Cette motion excite de vives réclamations.
prend la parole; il est interrompu par des rumeurs.
s'écrie : En 1757, les juifs de Bordeaux ont ouvert une caisse aux officiers de la marine française ; ils ont donné des preuves du plus grand patriotisme, et ce sont de tels citoyens qu'on veut priver de leur état !
Les juifs ont trouvé leur intérêt en agissant ainsi.
J'assure qu'il existe chez les ministres des preuves de ces actes du patriotisme le plus pur et le plus désintéressé des juifs.
Je croirais manquer à mon devoir si je ne m'opposais pas au projet du comité; c'est une exception très-dangereuse qu'il vous propose; votre décret a ajourné la question de tous les juifs. Ceux de Bordeaux n'ont énoncé qu'un extrait de leurs lettres-patentes, et des lettres isolées de bourgeoisie.
Les juifs se sont réunis pour exister en corps de nation séparé des Français ; ils ont un rôle distinct, ils n'ont donc jamais joui de la possession d'état de citoyen actif ; d'ailleurs l'exception pour les juifs de Bordeaux entraînerait bientôt la même exception pour les autres juifs du royaume.
L'Alsace est inondée de libellistes dont les ennemis publics se servent pour chercher à soulever les peuples, et après votre décret, ils leur diront qu'il existe une confédération des juifs et des agioteurs pour s'emparer de toutes les propriétés ; enfin, si les juifs ne sont pas en possession, un de vos décrets ne la leur donnera pas ; si au contraire, ils sont en possession, ils n'ont pas besoin de vos décrets. Je demande la question préalable.
Quand je ne serais pas un des représentants de la province de Guyenne, je me croirais le droit d'être le défenseur d'un peuple malheureux, longtemps opprimé par vos lois civiles, qui a supporté avec la plus longue patience la proscription de presque toutes les nations au milieu desquelles il a vécu.
Je me croirais surtout ce droit, au moment où l'on veut ôter l'espèce d'adoucissement à son sort, qu'il a obtenu de la faveur de nos rois ; mais comme représentant de la ville de Bordeaux, c'est un droit et un devoir, parce qu'ils ont influé sur ma nomination. Dépositaire de leurs intérêts, je dois les défendre. D'abord les lettres-patentes qui ont reconnu les juifs en différents temps leur ont donné un des droits les plus précieux des citoyens, celui de posséder des fonds de terre, droit dont ne jouissent pas les juifs alsaciens, et qui est un des premiers pas aux autres droits de cité.
Les juifs de Bordeaux ont exercé de plus la plénitude des droits de citoyens actifs, en concourant, comme électeurs, à l'élection des députés de l'Assemblée nationale; et si quelqu'un Rentre 'eux ne siège pas dans cette Assemblée, le hasard seul les a privés de cet honneur, que leur patriotisme, si souvent déployé dans toutes les crises de la France, leur eût mérité.
Si les juifs n'ont pas occupé à Bordeaux les charges municipales, c'est que jusqu'à présent elles sont concentrées dans trois classes de citoyens ; c'est que tous les non-catholiauea en étaient éloignés par le serment qu'il fallait prêter ; c'est que la raison n'avait pas encore dissipé tous les préjugés, et que les droits de l'homme étaient méconnus.
On demande la lecture des lettres-patentes confirmât! ves des juifs portugais.
M. le Chapellier les lit ; les débats recommencent.
Je demande la priorité en faveur du décret du comité de constitution. S'il s'agissait d'examiner si les juifs peuvent avoir le droit de citoyens, les arguments qu'on leur oppose auraient quelque fondement ; mais il ne s'egit que de conserver des droits acquis. Les droits pouvaient être qualifiés autrefois de privilèges, quoique ce ne soient que des droits.
Quant aux juifs d'Alsace et de Lorraine, leur cause doit être séparée, quoique les juifs d'Alsace aient demandé que ceux de Bordeaux soient assimilés à eux. J'adopte l'avis du comité ; car celui de M. l'abbé Maury compromet l'état des juifs de Bordeaux.
Le décret du comité serait un décret éternel ; ces lettres-patentes qu'on a lues ne font que confirmer des privilèges \ or ce n'est pas un privilège d'être citoyen actif dans un Etat. Je propose, en conséquence, qu'ils continuent de jouir seulement des droits qui leur sont attribués par les lettres-patentes ; si l'on voulait aller plus loin, il serait impossible de résister à des arguments en faveur des juifs d'Alsace et de Lorraine ; il ne faudrait que faire enregistrer les mêmes lettres-patenjes au parlement de Metz. Ainsi le décret du comité changerait un brevet dérogatoire en loi du royaume, et ce décret assimilerait à perpétuité les juifs à tous les autres citoyens,
On ne peut pas faire dépendre l'état des juifs de Bordeaux de ceux d'Alsace ; la question est de savoir si on ôtera aux Juifs portugais, de Bordeaux et des autres villes, les droits de citoyen. Il n'y a aucune connexité entre l'état des juifs de Bordeaux et ceux d'Alsace ; il s'agit de conserver aux uns leur état, au lieu qu'il faudrait en donner aux autres qui n'en ont pas. Je conclus par demander la priorité pour le projet de décret proposé par le comité.
propose un autre projet en ces termes :
« Que les juifs de Bordeaux continueront de jouir des droits dont ils ont joui jusqu'à présent en vertu de lettres-patentes. »
La question de priorité s'élève entre le projet proposé par le comité, et celui proposé par M. de Beauharnais.
propose de décréter que les juifs de Bordeaux continueront d'exercer les droits de citoyens actifs.
La priorité est accordée à la rédaction de M. de Beauharnais.
Plusieurs amendements sont présentés.
propose d'étendre le décret aux juifs de Bayonne.
Je demande que le décret ait lieu pour tous les juifs portugais, espagnols et avignonnais. Quant aux juifs allemands , je demande l'ajournement à jour fixe me proposant de réfuter les paralogismes de M. l'abbé Maury et autres.
propose une rédaction qu'il dit ren-
fermer les divers amendements déposés ; elle porte que les juifs espagnols, portugais, et avignonnais, qui, en vertu de lettres-patentes, jouissent de privilèges particuliers, exerceront à l'avenir lés droits de citoyens actifs, s'ils réunissent les autres conditions prescrites par la Constitution.
La question préalable est demandée sur les amendements.
observe qu'on ne peut les comprendre en une seule délibération, parce qu'ils ne se ressemblent pas.
L'Assemblée décrète que tous les amendements seront successivement mis aux voix.
Le premier amendement est d'ajouter les mots juifs espagnols, portugais et avignonnais. La question préalable est proposée et rejetée ; ensuite l amendement est décrété.
On propose d'ajouter au premier amendement le droit d'être admis aux charges municipales comme par le passé, pour ceux qui en auront joui.
On observe qu'il faut juger auparavant s'ils seront citoyens actifs.
Cet amendement est mis aux voix.
La première épreuve par assis et levé paraissant douteuse, on vient à une seconde épreuve, dont le résultat est également incertain.
Plusieurs membres demandent l'appel nominal.
Il se forme dans la partie de la salle, à droite de M. le président; un groupe d'un certain nombre de députés qui s'opposent vivement à cet appel, en demandant qu'il soit renvoyé à une autre séance.
Chaque fois que le secrétaire commence l'appel, il s'élève un murmure pour l'interrompre.
Une heure entière se passe dans cet état.
Il est du devoir et de l'honneur de l'Assemblée de ne plus retarder l'appel nominal. Je réclame la règle d'après laquelle une délibération commencée ne doit pas être interrompue.
Plusieurs membres, qui sont debout dans la salle s'y opposent, et demandent l'ajournement, sur le fondement que, l'heure étant très-avancée, plusieurs prélats et curés ont quitté la séance.
Enfin, après beaucoup de débats, et par la persévérance de la majorité de l'Assemblée, l'appel nominal se fait.
Le résultat de l'appel donne 374 voix pour admettre l'amendement qui accorde aux juifs portugais, espagnols et avignonnais les droits de citoyens actifs, et 224 contre l'amendement.
La motion principale est ensuite mise aux voix, avec les différents amendements admis, et l'Assemblée rend le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que tous les juifs connus sous le nom de juifs portugais, espagnols et avignonnais, continueront de jouir des droits dont ils ont joui jusqu'à présent, et qui leur avaient été accordés par des lettres-patentes. En conséquence, ils jouiront des droits de citoyens actifs, lorsqu'ils réuniront, d'ailleurs, les conditions requises par les décrets de l'Assemblée. »
monte à la tribune et demande la parole pour dénoncer à l'Assemblée des excès commis dans le Bas-Limousin, le Quercy et la Bretagne.
fait remarquer à l'orateur
que la séance s'est prolongée outre mesure ; il prend le manuscrit de M. le vicomte de Mirabeau pour le transmettre au comité des recherches. [Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.)
lève la séance à huit heures du soir et indique celle de demain pour dix heures du matin.
A la séance de l'Assemblée nationale du
Dénonciation par M. le vicomte de Mirabeau(1) des excès commis dans le Bas-Limousin, le Quercy et la Bretagne (2). Messieurs, les deux députés de la noblesse du Bas-Limousin étant absents, plusieurs relations vraiment affligeantes de ce qui s'est pas6é dans cette partie de la province qui m'a honoré de sa confiance m'ont été adressées; et je crois devoir déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale celle qui m'a le plus frappé, et dont l'authenticité ne peut être contestée. Il paraît prouvé que quelques municipalités, averties à l'avance des désordres qui devaient avoir lieu, n'ont pris aucune précaution, et comme ces refus de maintenir l'ordre public se multiplient à l'infini dans plusieurs provinces du royaume, j'imagine qu'une dénonciation formelle peutêtre utile -, il me le paraît aussi de donner une grande publicité à ces événements, en regrettant de ne pouvoir en donner autant aux moyens employés pour les déterminer. -
Extrait du procès-verbal de ce qui s'est passé au château de Saint-Julien près Cressensact
le
M- le comte d'Aubery, connu pour le meilleur des hommes, qui a toujours été l'ami et le
protecteur de ses vassaux; M. le marquis de Lastei-rie, son gendre, colonel du premier
régiment des carabiniers, qui, depuis trente-deux ans,sert dignement son roi et son pays,
habitant leur château de Saint-Julien en Bas-Limousin, ont été attaqués, ce 10 janvier, par
une troupe d'environ trois cents brigands armés de fusils. Le marquis de Lasteirie, qui
avait été instruit du complot, leur a fait lecture de la loi martiale, montré lé drapeau
rouge, et prdonné de se retirer. Ce qu'ayant refusé, le marquis de Lasteirie est monté à
cheval, lui onzième) a chassé ces brigands sans tirer un seul coup. Oe leur côté ils ont
tiré trois coups de fusil, dont un a percé le chapeau d'un cavalier de maréchaussée ; M. de
Lasteirie a été secouru par la brigade de Meissac (commandée par M. Bout-tant, dont la
conduite ferme et prudente mérite des éloges, ainsi que son zèle pour le bien public),
quelques açnis et ses domestiques; les défenseurs de SaintrJulien sont dignes de l'estime
publique ; malheureusement dans ce moment d'anarchie, il
Les gens intéressés aux malheurs publics, n'avant pu soulever les censitaires du seigneur de Saint-Julien, ont mis des affiches incendiaires dans beaucoup de paroisses, pour engager les mauvais sujets à venir piller et brûler Saint-Julien; la plus grande partie des habitants de Curemonte ont sonné le tocsin, se sont armés, et ont formé la grande partie de l'attroupement pour avoir part au pillage ; les municipalités et les milices des petites villes qui avoisinent Saint-Julien ont été prévenues plusieurs jours d'avance des projets des brigands, et ont prouvé par leur conduite dans cette occasion que si elles ne fomentaient pas, au moins elles toléraient les attroupements.
Je ne me permettrai aucunes réflexions, parce que je n'ai aucunes données pour assigner les vraies causes de cet événement, qui, de tous ceux qui viennent de se passer en Bas-Limousin et en Quercy, est celui .qui a en lieu les suites les moins fâcheuses; je me contente d'articuler les faits et de m'engager à en fournir la preuve ; des troubles de la même espèce viennent d'ayoir lieu dans le Quercy, dans le Rouergue et dans l'Auvergne. Les détails doivent en être parvenus à votre comité de rapports.
Quant aux événements de même nature qui ont eu lieu en Bretagne, j'en ai reçu hier une relation détaillée. Je vais commencer par donner lecture de la lettre qui me les annonce, et des détails qui ne viennent pas de la même personne, mais dont jem'engage aussi à fournir les preuves.
Quelle douleur ne serait pas la vôtre, Messieurs, si l'on pouvait soupçonner que quelques-uns des discours prononcés dans-cette tribune, lors de l'affaire du parlement de ReUnes, ont été les causes premières de ce soulèvement, qui n'est autre chose qu'une nouvelle jacquerie, c'est-à-dire la guerre de ceux qui n'ont rien contre ceux qui possèdent ; que les invitations qu'on a faites au peuple breton de compter Tes bras, et que d'autres phrases, que je n'ose qualifier, sont peut-être le germe de ces nouvelles insurrections. Je dirai plus, Messieurs, et je .le dirai, convaincu de la douleur que doivent éprouver les députés bretons, leur dernière adresse à leurs commettants a été lue dans les paroisses. Elle désigne la noblesse et le clergé comme les ennemis dp peuple et â l'époque de sa publicité les châteauxont été pillés, les archives brûlées et les personnes des nobles menacées.
Une dernière observation préliminaire que j'invite l'Assemblée à faire, c'est que les paroisses de Maxant et d'Augan, d'où est parti le premier essaim de brigands, sont celles de la province de Bretagne qui ont fourni le plus de mauvais sujets dans tous les temps ; que sept à huit habitants de ces lieux furent roués pour assassinats, il y a quelques années, c'était le digne foyer d'une aussi criminelle insurrection dans lequel le choix des complices pourrait déceler les auteurs.
Nota. Je crois ne devoir publier aucune signature, mais je me rends garantde ce qui est énoncé dans les lettres.
Renpes, ce 23 janvier.
Permettez-moi, Monsieur, de mettre sous vos yeux les désprdres affreux qui remplissent cette province, et les scènes d'horreurs qui s'y succèdent avec une rapidité effrayante,'et une àtro-
cité inconcevable. Vous frémirez, Monsieur, d'apprendre que ces attentats restent impunis, et que les chargés de l'autorité de la commune de Rennes sourient avec dédain aux maux qui accablent des gens que leur jalousie repousse, mais que le moindre soupir d'humanité devrait leur rendre sacrés, puisqu'ils sont indignement persécutés.
Je ne sais, Monsieur, si, dans ce moment où la lenteur de notre constitution à s'établir, et de vos lois à se faire respecter, nous met si près de l'anarchie, il est possible à l'Assemblée nationale de détruire tous les maux qu'elle connaît. Mais, au moins, suis-je assuré que la cause de l'opprimé ne saurait avoir un plus zélé défenseur. Ceci ne peut être un doute pour celui qui a suivi la fermeté inébranlable de votre âme, dans vos nouveaux devoirs.
Voici le détail des faits : je suis témoin oculaire. Si leur atrocité provoquait votre esprit à quelques doutes, ie vous prie de croire la vérité de cet exposé. L'horreur m'épouvante, mais la crainte ne me trouble pas.
Les paysans s'ameutent dans plusieurs lieux de la province, partout leur but est le même. Peu contents des décrets de votre justice, ou plutôt indignement abusés, ils veulent s'affranchir de tous droits féodaux. Les armes à la main, ils incendient les archives, brûlent les châteaux, et forcent les seigneurs qu'ils rencontrent à la renonciation de tous leurs droits : Cède ou meurs, voilà leur cri de guerre, D'abord, ces troupes étaient composées de paysans ; ils n'en voulaient qu'aux titres de leurs seigneurs. Bientôt elles se sont recrutées de scélérats et de bandits, dont le seul espoir est dans le crime. On en compte 16 ou 1800, divisés en trois bandes, et renforcés successivement des habitants des pays qu'ils parcourent, et qu'ils obligent par force à les suivre. Depuis plusieurs jours ils brûlent et pillent les châteaux qu'ils rencontrent. Trois sont brûlés dans le voismagë de Rennes: la Ghapelie-Bouexic,le Bois-Sauvage, etlechâteau des Champs. Le premier à M. de Pignieux, le second à M. de la Ghâtaigneraye, le dernier à M. de Piré ; en soustrayant à leurs rapines les effets les plus précieux, cinquante gentilshommes ont quitté leurs campagnes dévastées ou menacées, pour se réfugier ici. La commune a entendu leurs réclamations et repoussé leurs plaintes. C'est à l'auguste Assemblée, dont vous êtes membre, à juger leurs raisons ; ils disent que les gentilshommes, par leur serment (qu'ils n'ont point encore été dans le cas de rétracter, n'ayant pas été assemblés en eorps), sont privés de tous les droits de citoyens, et ne doivent point attendre protection de la force publique. Pourtant ils contribuent aux impôts, aliments de la force publique 1 Pourtant ils servent la patrie, militaires, magistrats, ou particuliers; il n'en est aucun qui ne désire ardemment sa prospérité.
Cette affaire, discutée hier à la commune, il a été décrété n'y avoir lieu à délibérer. Les droits se plaident les armes à la main, la Bretagne se peuple de brigands, vos décrets sont ignorés ou méprisés, la commune d'une grande ville tolère ces excès. Tolérer pour le gouvernement est approuver, et cette ville aura l'imprudence de faire retentir vos voûtes sacrées des fausses expressions de son patriotisme.
Relation des entreprises des paysans contre les gentilshommes, habitant leurs châteaux et tous seigneurs de fiefs (1).
La trêve de la Chapelle, entre Ploërmel et le Pont-du-Rox, a été à main levée abattre les fossés de Brilhac, a fait die à M. de Brilhac, que s'il se présentait, on tirerait sur lui ; elle a menacé de mettre le feu à son château.
Les paroissiens d'Augan, et une partie de ceux de Guer et de Reminiac, ont été chez MM. de Cintré fils, le douairien de Voltaire, Dubot de la Gré, et chez mademoiselle de Guincy et M. de Langan, leur ont demandé leurs titres qui ne leur ont pas été donnés, ont fait beaucoup de tapage, et ont exigé une renonciation aux remtes, et à tous droits féodaux, en y faisant déclarer qu'ils s'étaient comportés avec toute la décence possible, menaçant, cependant, de mettre le feu, si on ne leur donnait pas ce qu'ils demandaient. Tous ces messieurs ont donné leurs renonciations, étant obligés de le faire.
Les habitants des paroisses de Maure* de Guer, Loutehel, Gampel, Gomblessac, Pletan, Marcent, et la trêve des Brûlais, ont été chez M. de Guer, au nombre d'environ cinq cents, armés de fusils, fourches, faucillons et autres armes; y ont tiré nombre de coups de fusil sur les volailles et pigeons, y ont fait un tapage affreux, ont enfoncé lés caves, ont bu et mangé et emporté toutes les viandes, le pain, et même celui des journaliers, ont pris plusieurs fusils à deux coups ; ils ont cassé plusieurs portes et fenêtres, ont mené avec eux au château de Goelbot le sénéchal de Guer, le procureur fiscal, le receveur des devoirs, de la Dimardais et ses deux fils ; ont demandé les titres qui n'y étaient plus, et ont exigé de l'homme d'affaires de M. de Guer, qu'il lui mandât de venir, ou d'envoyer une renonciation, pour le passé et l'avenir, aux rentes et tous droits féodaux ; de plus, que s'ils n'avaient pas cette renonciation sous ie dimanche 24 janvier, présent mois, ils emploiraient d'autres moyens pour l'avoir, en menaçant du feu. M. de Guer a envoyé sa renonciation, telle que ces gens l'avaient dictée.
En allant chez M. de Guer, ces gens ont rencontré dans le bourg de Guer, M. et Mme de Cintré ; ils ont maltraité la femme de chambre, battu les chevaux, et tiré un coup de fusil sur la voiture, et ne les ont laissé passer qu'après s'être convaincus qne ce n'était pas M. et M™* de Guer.
Dès l'été dernier, M. de Guer avait prêté au comité de ce bourg, sur la prière par écrit qu'il lui en avait faite, et d'après la proposition que M. de Guer avait prié M. le sénéchal de leur faire, des fusils et petits canons dont M. de Guer a le reçu.
Ces malfaiteurs ont aussi tiré des coups de fusil dans les fenêtres de M. Dubot de la
Grée, ont détruit les fossés d'une métairie, et ont voulu le forcer d'y donner le premier
coup de tranche ; il a seuiément obtenu de n'envoyer qu'un de ses domestiques.
On en a parlé à la municipalité de Rennes, qui jusqu'à présent n'a rien fait dont on ait connaissance ; on dit même qu'elle a dit qu'il n'y avait l ieu à délibérer.
Modèle de la renonciation telle qu'on Va exigée.
Je déclare renoncer à mes fiefs, dîmes, rôles, afféagements, lods et ventes, rachats et droits de recette dont je fais remise pour le passé et l'avenir aux habitants de la paroisse de. ...... ,sur la demande qu'ils m'en ont faite, et de plus je déclare que les dits paroissiens sont de très honnêtes gens et se sont comportés avec toute la décence possible.
J'ajouterai que l'adresse des députés bretons à leurs commettants a infiniment contribué à disposer les paysans à l'insurrection dont je me promets de vous envoyer une esquisse. Les recteurs ont été forcés de la publier au prône de leur grand'messe, et ceux qui ne l'ont pas voulu absolument, malgré les menaces, ont eu le désagrément de la voir publier par les séculiers dans leur église même.
J'ajouterai que plusieurs d'entre les particuliers, qui ont souffert de cette insurrection, m'ont assuré que, parmi ces paysans malfaiteurs, il n'y a pas de ménagers, quelques-uns de leurs enfants au plus ; et cela sans leur agrément. Ils m'ont dit même que les métayers, bons propriétaires et paysans, étaient désolés de toutes ces horreurs, et qu'ils les ont vus en pleurer.
Enfin il n'y a d'habitants des campagnes dans cette troupe que les coupe-jarrets, lesquels paraissent être conduits par des gens intelligents, dont la figure n'est point usée par les travaux des campagnes. Les paysans eux-mêmes ont déclaré ne pas connaître ces personnes, quoique sous leurs habits. On a même observé que, dans cette troupe, peu nombreuse au commencement, il y en avait qui parlaient latin. Ils ont un plan de campagne, et on ne peut douter que les victimes ne soient désignées ; mais on est persuadé qu'ils outrepasseront leurs ordres, tant par la barbarie que par l'amour du butin, vu qu'après n'avoir exigé au commencement que l'abandon des droits féodaux, ils en sont venus après jusqu'à piller, ce qui fait accroître la bande visiblement. Ils ont commencé la campagne au nombre de 300, et ils sont actuellement 1500, et peut-être au moment où je vous parle, deux mille ; et ils ne projettent rien moins que de brûler tous les châteaux de Bretagne; ce qui sera facile, vu l'insouciance des villes et en particulier celle de Rennes, qui refuse même de seconder les dragons d'Orléans, qui sont disposés à partir depuis trois jours. A cette dévastation des campagnes succédera le pillage des petites villes, surtout si on n'arrête cet incendie.
A tous les malheurs, j'ajouterai que lescitoyens
de toute la province, même de l'Anjou, excepté toutefois ceux de Vannes, Quimper et Morlaix, sont assemblés à Pontivy, ils s'y sont déclarés permanents; delàilsécriventàleurs députés, aux Etats-généraux, leur envoient des mémoires, dont l'un tend à demander que l'Assemblée nationale condamne les quatre gentilshommes qui ont signé la relation des affaires des 26 et 27 ; enfin qu'ils soient autorisés à s'en saisir, et ils ont principalement en vue M. le chevalier de Guer. Ils demandent aussi qu'il soit enjoint à la noblesse de Bretagne de s'assembler pour abjurer son serment et prêter celui requis. Ils ont mis à prix les têtes de MM. la Rué et Botmon, qui, en conséquence, sont fugitifs.
Extrait d'une lettre écrite de Bretagne à M. le vicomte de Mirabeau, en date du 27 janvier.
.........Cinq cents paysans des paroisse de Maxan-Mermel, etc., ayant ou n'ayant pas à leur tête des jeunes gens déguisés, ont été au château du comte de Pinieux, ont brisé tous ses meubles, volé onze mille francs en argent, mis le feu aux archives; ils ont aussi brûlé ou dévasté onze châteaux dans les environs, dont est celui de M. de la Châtaigneraye, du marquis de Guer, de M. delà Voltais, de M. de Cintré, dont la femme, un de ses fils et une femme de chambre ont couru de grands risques ; de M. du Brossai, de M. Desgre, de M. de Langan, etc. Voilà le fruit des adresses et des pamphlets que l'on fait circuler dans les campagnes. On veut montrer la haine des vassaux contre leurs seigneurs, on ne prouve que leur ingratitude envers ceux qui les soulagent ; on ne leur demande que des crimes pour les affranchir de toutes redevances ; il est aisé alors de leur montrer leurs seigneurs comme des oppresseurs.
La municipalité de Rennes, instruite de ces désordres, a arrêté, dit-on, qu'elle ne pouvait y remédier, jusqu'à ce que les gentilshommes qui réclamaient son appui n'eussent prêté serment à la nation : ainsi on les considère comme hors de la protection de la loi.
La bonté est une arme trop faible à opposer à l'intrigue, à la férocité, pour qui tous les moyens sont bons. . y
Tels sont les faits. Messieurs ; c'ust à vous à juger de la nécessité et de la promptitude du remède qu'il faut apporter aux maux qui désolent plusieurs grandes provinces. Les nobles ne sont-ils pas citoyens? ne sont-ils pas sous la sauvegarde de la loi? C'est en leur faveur que je réclame votre justice.
Je ne fais pas l'injure à l'Assemblée d'imaginer qu'une question préalable, ni un ajournement, puissent éloigner les justes réclamations d'un grand nombre de citoyeus dépouillés par la forcé, et dont l'existence est menacée, le renvoi au pouvoir exécutif serait illusoire; il gémit en ce moment de son impuissance à rétablir l'ordre, et plusieurs fois il s'e3t adressé à vous pour en trouver les moyens. Je vous proposerai, Messieurs, le modèle de décret suivant, dont je crois l'exécution seule capable de rétablir le calme dans les provinces agitées.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport à elle fait des excès commis dans les provinces du Bas-Limousin, du Quercy, de l'Auvergne et de la Bretagne, a déclaré que tous les citoyens sont sous la sauvegarde immédiate de la loi, et a décrété que le pouvoir exécutif sera invité à faire mar-
cher des troupes contre les brigands qui dévastent les campagnes, et donner les ordres nécessaires contre ces ennemis publics, et à prendre enfin les moyens les plus prompts pour rétablir ie calme dans ces différentes parties du royaume ;
« Enjoint aux municipalités de déployer toutes les forces dont elles disposent, pour contribuer au rétablissement de l'ordre et a l'exécution du présent décret.»
supplément
à la dénonciation des excès commis dans le Bas-Limousin, le Quercy et la Bretagne, faite à
VAssemblée nationale, le
Voici le supplément que j'ai annoncé. Je désire que le rapport de toutes ces horreurs accumulées presse celui qui doit en être fait à l'Assemblée, et sur lequel elle doit prononcer. J'ai appris avec plaisir qu'un député breton, M. de Gorol-ler Dumoustoir, membre du comité des rapports, avait bien voulu se charger de celui relatif à ma dénonciation ; je suis convaincu que l'intérêt de sa patrie en danger sollicitera de lui une attention plus particulière, et un travail plus prompt que je n'eusse été dans le cas de l'attendre de tout autre. L'honorable membre qui présidait par intérim, le premier jour où je sollicitai la parole sur cet objet important, avait eu la bonté de me rassurer un peu, en me disant que l'un de Messieurs les députés, bretons qui lui avait parlé de ces commencements de troubles, l'avait assuré qu'ils n'auraient pas de suite. J'ai depuis reçu des lettres qui entretiennent mes craintes et me forcent de solliciter de nouveau un prempt remède.
Quelques personnes ont prétendu qjie, dans une première dénonciation, j'avais rendu un compte exagéré ; je me suis déclaré garant des faits que j'ai affirmés vrais. Les on-dit y sont présentés comme tels: il est possible que quelque nom propre, mal écrit, ait occasionné quelque erreur, que la promptitude avec laquelle j'ai livré à l'impression des copies incorrectes, ait encore entraîné quelques fautes typographiques ; mais il serait un peu extraordinaire qu'on m'en crut responsable. Je dis plus, quand bien même il y aurait eu dans les récits qu'on m'a fait quelques exagérations, elles seraient pardonnables; on écrit mal l'histoire à la lueur de ses passions en feuj et il serait bien excusable en pareil cas d'oublier quelques circonstances ; on m'a reproché encore d'avoir cité les troubles du Quercy, et de n'avoir administré aucunes preuves. J'ose croire qu'après la lecture de ce supplément, on ne me tera pas le même reproche.
0 mes concitoyens, ô vous, mes collègues, qui représentez la nation, regardée jusqu'ici comme la plus policée et la plus douce ae l'Europe, lisez, frémissez et prononcez.
Copie d'une lettre du grand prévôt de la maréchaussée d'Auvergne au commandant de la province.
Riom, le
J'ai eu l'honneur de vous rendre compte, par
J'ai eu l'honneur de vous prévenir, mon général, que j'ai fait passer au Maurs, onze cavaliers et un brigadier, sous le commandement d'un sous-lieutenant; j'avais prévenu M. de Ghazot, commandant le bataillon des chasseurs d'Auvergne, sur la nécessité de faire passer un détachement à Maurs ; il prit la peine de me répondre qu'il ne lui était permis de déplacer sa troupe qu'en vertu des ordres du ministre.
J'apprends aujourd'hui que, sur la réquisition de la municipalité de Maurs, qui a réclamé l'assistance du comité de Glermont, et d'après une longue délibération de ce comité, auquel M. de Ghazot a assisté, qu'il s'est décidé à faire partir un détachement ae cinquante chasseurs et un nombre de soldats de la milice bourgeoise, dont le départ n'est cependant point assuré. Je crains que le départ de ce secours n'ait produit de fâcheux effets : je compte cependant sur la sensation résultant de l'arrivée du détachement de maréchaussée qui doit être actuellement à Maurs, mais qui ne produira qu'un calme momentané, s'il n'y a des exemples de sévérité frappants, et si l'on donne le temps de la réflexion à ce peuple féroce qui a souvent prouvé qu'il n'était point effrayé des rigueurs de la justice dans un temps où les criminels n'étaient point rassurés par la présence d'un conseil. Toutes les montagnes vont être embrasées, et le massacre y sera horrible; le même esprit aura bientôt gagné les habitants de la Basse-Auvergne, dont les murmures et les menaces se font entendre de toutes parts.
Telle est, mon général, la situation de cette province, dont il est instant que l'Assemblée nationale soit instruite pour arrêter et prévenir de plus grands désordres. Je rends le même compte au ministre.
Votre silence me met toujours dans de grandes inquiétudes sur votre santé, et je ne me rassure que d'après l'aperçu de vos occupations.
Je suis avec respect, etc...
Procès-verbal joint àla lettre.
Aujourd'hui, 5 jauvier 1190, nous, Annet La Roche, brigadier de maréchaussée, lieutenance dè Saint-Flour, brigade de Maurs, accompagné de Jean-Baptiste Arnal, François. Bresson et Antoine Mauzin, tous trois cavaliers, avons été requis par messieurs les officiers municipaux., à l'effet de rester à la résidence, étant prévenus subitement que les habitants de là paroisse de Saint-Cirque, au nombre de trois à quatre cents- hommes, armés de fusils, soos prétexte de faire rendre compte de sa perception au sieur Cavaignac, citoyen de Maurs * fermier des dîmes et . rentes de Saint-Cirque, allaient faire une incursion dans la ville. Eu effet, environ une heure après midi, cette troupe s'est présentée à l'entrée de la ville, où elle a d'abord manifesté les motifs qui l'amenaient. Le conseil de ville s'est extraordiuaire-ment assemblé : malgré toutes les mesures qu'il a pu prendre» cette troupe s'est rendue sur la place publique, y a d'abord; dansé en criant et tenant différents propos qui annonçaient qu'elle était disposée à tout entreprendre contre le bon ordre. Le conseil de ville a de nouveau usé de moyens sages vis-à-vis d'eux, mais tout a été inutile. Il y a plus : un instant après, la même troupe s'est rendue devant la porte du sieur Cavaignac, qui fait face à l'hôtel-de-ville, et menaçait de vouloir l'entourer et de le massacrer, ainsi que sa famille, lorsque, pour prévenir ce malheur, lesi officiers municipaux ont fait publier la loi martiale, escortés d'environ vingt-cinq citoyens, à la tête desquels j'étais avec ma brigade : les ayant repoussés avec la plus grande fermeté, et les ayant mis en joue plusieurs fois, .les habitants de Saint-Cirque se sont éloignés d'environ cinquante pas, où ils nous ont alors menacés de tirer sur nous; mais notre- bonne contenance ne s'étant point démentie, ainsi que celle des bons citoyens que j'avais l'honneur de commander,. ladite troupe s'est encore retirée jusqu'à l'entrée de la ville, où elle, nous a de nouveau menacés. Cependant, soit qu'ils aient été entièrement intimé dés par notre fermeté et le tocsin, qui a sonné à l'instant, tout l'attroupement a enfin consenti à se retirer, pourvtnque le sieur Cavaignac voulût bien leur donner de l'argent, tant pour payer les écots qu'ils avaient faits dans la villè, que pour aller boire dans les environs de leur par roisse. Nous n'avons pas été plutôt rentrés dans la ville que le peuple» qui avait eu Je temps de se rassembler, a manifesté de la manière la plus authentique son improbation, et a même fait ce soir-là, de même que le lendemain:, de violentes menaces* sous prétexte :que la. cause des mutins de Saint-Girque était la. leur. Depuis cette époque le mécontentement augmente, de manière que je vois avec regret que malgré toute l'activité et la vigilance que je puis employer, il m'est impossible de rétablir le bon ordre. Depuis quelque temps cinq: assassinats se sont, commis sur les personnes des sieurs Miquel, lieutenant général, de Calvinet, Moissenac, bourgeois de Glenat, et autres. Les paroisses voisines^ telles que celles de Saint-Etienne par Lan, Uuezac, le Triaulon, Bom-hiac, Saint-Sautin, toutes voisines de Maurs* se sont successivement attroupées.po-iw aller.chez les seigneur», leurs fermiers et différents particuliers à qui ils devaient, pour les obliger à,leur faire quittance des cens et rentes échues cette année et précédemment, ou pour les forcer de
leur remettre les contrats qu'ils avaient chez eux; d'autres ont chassé de chez eux des particuliers sous prétexte que. leurs domaines avaient anciennement appartenus à leurs ancêtres ;.d'au-r très enfin ont pillé les maisons, emporté les meubles et lâché le vin dans les caves. De tout quoi nous avons fait et rédigé le présent procès-verbal et avons signé avec nos susdits cavaliers. Signé : La Roche, Arnal, Bresson, Maugin.
Pour copie conforme à l'original, resté en nos mains. A Rion, le
Lettre à un membre de l'Assemblée' par un officier de maréchausée (
Par ce même courrier, j'adresse à M. le comte de la Tour du Pin un état des effets qui ont été volés à la dame Dumblau, bourgeoise du bourg de l'Au-ville, principauté de Marcillac, dans la nuit du 2J au 22 de ce mois, par une bande de brigands d'environ 40 à 50, tôu3 montés à cheval, armés dë sabres et de pistolets, habits uniformes des troupes patriotiques. VOici lé deuxième vol considérable qu'ils ont commis dans cette province. Tous les honnêtes citoyens, bourgeois et autres^ des campagnes, sont dans les alarmes. J'ai cru, M. le marquis, devoir vous rendre compte de ces événements funestes, comme le représentant' dè cette province, afin que si vous lë trouviez couj-venablevous pussiez enrendre compte à l'Assemblée nationale.. Les gens de l'Auville, où je me suis transporté pour constater les différentes fractures, m'ont promis qu'ils en rendraient compté à l'Assemblée, ainsi qu'à M. lé duc dé la Rôche.-foucault. Le vol consiste en 3,000 liv., deux montres en or, vingt-quatre couverts d'argent; trois grandes cuillères,des bracelets, des. pendants d'Or reillès et beaucoup de linge. Ces brigands annoncèrent, en entrant dans la maison, qu'ils venaient de la part du comité; qu'il leur fallait de l'argent pour payer les dettes de l'Etat : ils firent brûler les pieds dë cette dame pour leur indiquer où elle avait caché son argent, parce qu'ils croyaient qu'èlle dèvait en avoir davantage. La maison est au milieu du bourg,entourée de murs de 12 et 14 piedà. dè hauteur ; il n'y a point de maison dans la province qui puisse y .résister.
Jë suis avec respect, etc.
Extrait d'une lettre écrite deSaint-CJiré, le
... Ma qualité de président du comité patriotique de cette ville m'impose la loi de vous instruire des désordres affreux qui désolent ces cantons, afin que vous en donnièz connaissance à l'Assemblée, et que vous obteniez de sa justice des ordres pour les faire cesser; toutes les paroisses voisines sont en feu, les esprits sont dans là plus vive fermentation, les: propriétés de tout le monde sont menacées et attaquées : en divers endroits, on va à main armée dans lès églises ; on en enlève tous les bancs indistinctement et on les brûle sur les places publiques ; on a planté plusieurs potences pour pendre le premier qui paiera la rente. 11 est à craindre que l'on ne prenne les mêmes voies pour se soustraire au paiement de la dîme et même des impôts. Tous les propriétaires de rentes» seigneurs, justiciers et autres» éprouvent le même sort; on insulte les châteaux en plusieurs endroits» les relations sont interrompues, parce qu'il y a du danger à voy ager, rencontrant
partout dans son chemin des gens armés, et on n'entend parler chaque jour que de meurtres et d'assassinats. L'anarchie et la licence les plus affreuses sont à leur comble.
Extrait d'une lettre écrite de Figeac en Quercy, le
Ne pouvant pas vous entretenir, Monsieur, des nouvelles affligeantes du pays, je ne vous ferai qu'un narré succinct des troubles qui nous désolent ; ce canton-ci qui,dans les premiers temps de la révolution, ne nous offrait que l'expression de la joie, est devenu tout-à-coup un théâtre de brigandage et d'horreur ; presque dans toutes les terres voisines il y a de la rumeur, des attroupements de gens armés qui vont dans les châteaux sous de vains prétextes , attaquent les seigneurs, les fermiers, les notaires, veulent brûler les papiers ; certains seigneurs ont voulu requérir les milices, mais soit qu'elles examinent leur institution, leurs pouvoirs, soit qu'elles craignent de s'exposer dans une pareille guerre, elles refusent; par le;refus de ce faible secours on expose toutes les maisons des campagnes aisées à devenir la proie des brigands ; on a tué sept à huit seigneurs ou fermiers; cette contagion gagne peu à peu; il y a, dit-on, des moteurs secrets qui animentlepeuple; que deviendrons-nous si cette fureur gagne les villes et de quel secours seront nos milices, presque toutes composées de gens dont on craint la révolte ; je ne sais comme elles sont composées ailleurs, mais ici on a été obligé de se conformer au mot égalité qui n'est pris et entendu que quant aux personnes», Dans ce moment où je vous écris, Monsieur, nous sommes bien tristes, chacun se demande que deviendra tout ceci ; la misère est à son comble, l'artisan ne fait plus rien, et nous sommes absolument sous la tyrannie de la population qui profite de la suspension des lois pour se permettre tous les attentats détaillés-ci-dessus. Voilà en raccourci le tableau exact du moment présent.
Extrait d'une lettre écrite à M. le Comte d'E...Aurillac, le
Je viens vous faire part, Monsieur, de la mauvaise nouvelle que le sieur Monteil, votre juge de St-Ghamans, m'annonce par sa lettre du 7 que j'airecue le 10 ; certains particuliers de Monceaux, s'étant attroupés le, jour des Rois, enlevèrent de leur église tous les bancs et les firent brûler devant la porte; ils plantèrent un. mai, après quoi ils furent chez M. de Q..., gentilhomme du lieu, qui a quelque peu de rentes dans la paroisse, lui disant qu'ils lie voulaient plus de seigneur,, et voulaient brûler son petit château, et qu'ils en feraient autant de celui de St-Ghamans; à force de représentations,ils se calmèrent, et le seigneur en a été quitte pour trois battes devin.
Ceux de St-Ghamaos ont aussi fait brûler tous les bancs de leur église, à l'exception du vôtre qui est placé dans une embrasure, et qui est détruit ainsi que le mausolée de marbre, sauf des pleureuses, ils ont aussi enlevé, ce même jour des Rois, l'horloge qui était au haut de la tour de votre château, et l'ont portée dans l'église. Le sieur Monteil ajoute qu'il a fait déposer secrètement le nouveau terrier en maison sûre, àArgen-tat, mais que pour les vieux terriers, il n'oserait prendre sur lui de les déplacer à cause de leur
volume ; ces mutins se proposaient d'aller brûler votre château le 10 du courant. Voilà le contenu de la lettre du sieur Monteil, je suis surpris de ne pas avoir eu hier une nouvelle lettre à ce sujet, mais je viens d'apprendre par un de nos négociants qui arrive d'Argentat, qu'on lui avait assuré que ces incendiaires s'étaient cotisés pour ramasser dans la paroisse de S.-Ghamans ou Monceaux, 400 livres pour être employés en poudre et paille, afin de brûler votre château, celui de Soulager et de Neuville; que la maréchaussée, je ne sais par quel organe, s*était portée à St-Ghamans, et que par voie de représentation on avait gagné ces malheureux : il faut espérer qu'ils en resteront là.
Extrait d'une lettre écrite de Cahors, le
Vous savez, Monsieur, le soulèvement des environs de Martel, et le refus qu'on fait de payer les rentes partout; il est impossible de payer les impositions que les rentes doivent supporter ; je ne puis payer les impositions d'un revenu dont je ne jouis pas ; je vais refuser de payer la partie des impositions qui concernent les rentes, jusqu'à ce qu'on me les paie ou qu'on les rachète. Je n'entre pas dans plus de détails; vous êtes sûrement instruit de tout ce qui se passe à cet égard
Extrait d'une lettre du Quercy, à Saint-Crépin, le
La nuit du jeudi au vendredi dernier, on fut forcé de sonner le tocsin dans douze paroisses avoisinant Salagnac,,où il se rassembla quatre à
cinq mille personnes j contre le fils de M. D.....G......
deSouliac ; ce pauvre misérable fut arrêté au milieu de Salagnac,.et conduit comme un criminel de lè3e-majesté dans les prisons les plus obscures de Salagnac : il n'en est sorti que pour être conduit dans celles de Sarlat* de la manière la plus ignominieuse et la plus cruelle, chacun se faisant un mérite de lui donner son coup. Son corps était cou vert de plaies, tant les coups étaient multipliés; et la seule grâce qu'il demandait était qu'on lui ôtàt la vie; ces traitements inouïs l'ont fait trouver mal plusieurs fois, et il est arrivé à Sarlat presque nu, chacun voulant.avoir une partie de ses habits ; on a cru que deux mille hommes d'escorte suffiraient pour le conduire à Sarlat : le reste s'est retiré en mettant à contribution toutes les maisons apparentes qu'ils rencontraient.
Je n'ai pas été exempt de pareilles visites, et on menace tous ceux qui sont soupçonnés d'un peu d'aisance, de leur donner un nombre d'individus proportionné à leurs facultés.
Il vous est impossible de vous former une idée des horreurs que nous éprouvons; vous pouvez croire que j'irai me cacher au loin, pour n'en être ni le spectateur ni la victime; si l'Assemblée nationale ne met un terme à cette barbarie, nous sommes tous perdus» Voilà çtonc l'effet de la liberté du port d'armes.
Extrait d'une lettre écrite du Poussât, le
On ne croirait jamais que des hommes plus mal famés* et qui ont déjà plusieurs décrets sur leur compte* puissent se flatter, aujourd'hui, de re-
cueillir tous les suffrages du public, au préjudice des plus sages et des plus instruits. Ces gens ont eu l'art de gagner cette confiance en persuadant à une nombreuse classe d'aveugles qu'il ne fallait point payer de dîmes ni de rentes; ajoutant que ceux qui leur conseillaient le contraire étaient payés de la part des intéressés ; en sorte que les -avis des hommes sages sont non-seulement inutiles, mais encore ils courent risque d'attirer sur eux des insurrections. Il est à craindre que ces mauvais sujets ne se mettent à la tête des municipalités, si l'auguste Assemblée n'exclut cette engeance de gens qui sont mal famés, et qui succombent sous le poids de leurs décrets.
Extrait d'une lettre écrite de Gluges, près Martel, le
On n'avait rien vu, jusqu'à présent, dans nos cantons; mais en revanche, l'insurrection devient générale; la partie du Périgord du côté de Sala-gnac,et la partie du Limousin du côté de Lissac-Beaulieu, ont semé dans nos cantons l'anarchie la plus complète. Arrivé de Giniac, le jour des Rois, je me suis mis à la tête de ma paroisse, et j'ai eu la consolation de jouir des bonnes dispositions et de la confiance de mes brebis, qui m'ont écouté, et bans m'en donner la gloire, j'ai arrêté des malheurs dont MM. M... et P... auraient été les victimes ; je ne suis cependant pas certain de dissiper les impressions fâcheuses qui sont encore
dans l'esprit de mes paroissiens, contre M. P.....Ce dernier est venu ici jeudi dernier, et la première chose qu'on a exigée de lui fut de signer la délibération des chemins ; on lui fit aussi signer une délibération concernant un four commun qu'on fait bâtir, en l'obligeant à payer sa portion ; le tout se fit militairement ; il essuya les reproches les plus humiliants pour un honnête homme, et il ne répondit mot : il y a tellement d'effervescence dans les paroisses voisines, surtout à Flonac, Saint-Denis et Rayrac, que je crains à tout moment. On s'est mis sur le pied d'aller visiter les châteaux et les maisons des curés ; MM. la Garde, de la Choyé, de Briance, Vaisière, de Coutrejours, en ont été quittes pour du pain, du vin et de l'argent. Voilà, mou cher ami, la situation où nous nous trouvons ; je vois avec douleur que l'anarchie la plus complète va s'établir autour de nos foyers.
J'ai quitté les malheurs de ma famille pour te peindre ceux publics : j'y reviens : mon frère partit heureusement dans la nuit du 4 au 5 de ce mois, et se rendit à l'hôpital Issendolus, où il est encore. La paroisse de Giniac est gouvernée, depuis deux ou trois mois, par certaines personnes dont la tête est un peu chaude ; il y avait déjà trois jours qu'on sonnait le toscin ; le dimanche avant les Rois, au son de ce toscin, on se rendit à l'église, et on fit main basse sur tous les bancs ; mon frère part le soir du dimanche pour Martel, porte plainte, et demande qu'il soit permis d'assigner des témoins pour dire la vérité; j'ai vu la plainte, je n'inculpe personne; son projet était de faire cesser de sonnerie toscin, et d'empêcher les troubles et alarmes qui se répandaient partout; il s'obstina, malgré mes représentations réitérées, à suivre son idée : il fait partir le lundi, M.... l'huissier, pour cela ; ce dernier donne les assignations, il est pris, on déchire les assignations, on exerce sur lui les plus horribles persécutions, on parle de le pendre, de le brûler ; on le garde fort avant dans la nuit, et cependant
on vient à bout de le faire évader. On a sonné le tocsin pendant vingt-quatre heures, six paroisses se sont rendues tour à tour, on a bu et mangé aux dépens de mon frère, on s'est rendu à Martel pour le chercher ; on a aussi bu et mangé à Martel à ses dépens, et on a exigé de lui la déclarations la plus humiliante, devant notaires et témoins; on exige de lui, entre autres choses, qu'il ne donnera aucune suite à celte affaire, et qu'il n'en instruira même pas l'Assemblée nationale. Je prévois que de longtemps nous ne serons en sûreté, ni pour nos biens ni pour nos personnes.
Extrait d'une lettre écrite de Souillac, le
... J'ai eu l'honneur de prévenir M. l'abbé de la dégestion des banalistes, que je n'ai pas jugé à propos, dans ce moment d'effervescence, de faire assigner personne ; les esprits montèrent comme ils sont dans ce moment; il y a tout à craindre pour sa vie et pour ses biens, c'est ce qui m'a décidé à ne faire aucune diligence. L'on ne paye plus de rentes ; les seigneurs de nos voisinages sont dans la plus grande consternation, voyant que leurs vassaux se refusent ouvertement à leur payer la rente. MM. Debar de la Faurie et Debrain-que, auxquels on a refusé, net. le paiement de leurs rentes, ont, en outre, été menacés d'être brûlés dans leurs châteaux.
M. Delissac de la Porte a essuyé tous les événements possibles; à la fin, il a succombé à l'aspect effrayant d'une potence qu'on planta devant sa porte; cette vue terrible lui occasionna une attaque d'apoplexie, dont il expira sur le champ.
Extrait d'une lettre écrite de Martel, le
Dans le moment où je croyais que la tranquillité régnait, mon métayer de la Brande, sénéchaussée de Brives, est venu m'avertir que trois quidams se sont introduits chez moi; qu'ils ont enfoncé les portes de la maison, et qu'ils ont déclaré n'en vouloir sortir. J'ai été hier à Brives pour les dénoncer au prévôt, il s'est trouvé à Limoges; son sous-lieutenant, à qui j'ai voulu faire ma dénonciation, in'a fait réponse qu'il n'avait ni greffier, ni procureur du Roi.Je me suis retourné du côté du lieutenant-criminel qui m'a dit qu'il fallait aller chez celui qui fait les fonctions du procureur du Roi : ce dernier m'a répondu qu'il prendrait ma plainte, mais qu'il n'en pouvait agir au nom du Roi. Ainsi, comme vous le voyez, je suis le jouet de ces messieurs et de ces brigands. Je ne suis pas la seule victime de ces attentats : on a fait des incursions chez M. Delissac de la Porte. On prétend que la frayeur qu'il a eue lui a procuré une attaque, de laquelle il est mort avant hier. On a fait des incursions chez le vicaire de Juzale, chez M. Debort de la Faurie et chez bien d'autres. Nous avons tout lieu de craindre que ces brigandages ne finiront pas si l'Assemblée ne donne des ordres ou ne prend des précautions pour les arrêter et nous faire défendre...
Extrait d'une lettre écrite de Ditaille, le
Le feu a pris, et il s'étend; on ne sait combien les destructions seront grandes. On refuse de
payer les rentes, persuadé que l'on est que l'Assemblée en a prononcé l'abolition. Plus de rente : quiconque n'a que cela pour vivre meurt de faim, et cela est affreux. Le comité féodal est bien lent dans son opération. On a arraché d'abord les poteaux seigneuriaux, à la place on y a mis des mais. Tout a été brisé dans les églises, bancs et chaises : la frénésie et la fureur ont même été portées jusqu'à les brûler. On parle de brûler les châteaux, de faire restituer aux seigneurs ce qu'ils ont, soit disant, mal acquis. Il paraît certain que des municipalités promptement organisées, des troupes nationales formées et mises de suite en activité dans tous les lieux, fournissaient les meilleurs moyens d'arrêter les progrès du mal. Tirez-nous de là au plus tôt, il n'y a pas de temps à perdre. Le peuple doit être tiré de toute incertitude sur ce qu'il a droit de prétendre ; l'Assemblée ne saurait trop se hâter de donner ses intentions précises relativement surtout aux rentes et aux dîmes. L'opinion ici est que les rentes et les dîmes ne doivent plus être perçues, et que les rentes doivent être rachetables au prix courant. Tout le monde attend ici la vente des biens ecclésiastiques pour en acheter quelques débris : on dirait, en vérité, qu'ils sont bénis d'une manière particulière. La cure de Bitaille même a près d'elle quelques lambeaux de terre, eh bien 1 c'est à qui les aura.
Voilà en peu de mots ce qui s'est passé et ce qui se passe journellement à Bitaille...
Extrait d'une lettre écrite par M. de M. D. C. Z., de Crozès, le
L'esprit d'insurrection se manifeste avec tant d'éclat dans cette contrée, que l'alarme est générale, et que le bourgeois, comme le gentilhomme, craint pour ses propriétés et pour ses jours : des menaces terribles se font entendre de toutes parts : on ne parle que de raser les châteaux,d'incendier les maisons, de dresser des potences à la porte des seigneurs et de tous ceux qui s'arment de courage pour faire régner la paix et la justice. On s'attroupe, on s'arme, et dans cet équipage on va dans les maisons forcer les propriétaires à donner à boire et à manger. Ce qui rend le danger plus éminent, c'est que la plupart de ces brigandages se font la nuit. Nous sommes sans secours; les maréchaussées ne sont point assez fortes pour réprimer le peuple. Les seigneurs sont menacés d'être contraints à remettre les droits d'arpentements et de reconnaissances, qui n'ont été perçus que conformément au tarif usité. On ne saurait peindre les horreurs que le peuple commet, et jusqu'à quel point il pousse l'injustice et l'audace : les églises n'ont pas même été épargnées : on a arraché les bancs pour lesquels on avait payé un droit à la fabrique : on a aussi démoli les balustrades des chapelles.
Je rends au lecteur de ces détails la justice de croire que son âme est émue, et comme je les destine principalement à mes collègues, je'leur dois la vérité toute entière, quelque pénible qu'elle soit à énoncer. En Bretagne, dans une des possessions de l'un de mes parents, les paysans, interrogés sur la cause de l'acharnement qu'ils mettaient à piller un homme qui les avait comblés de bienfaits,répondirent : nous en sommes bien fâchés, mais c'est l'ordre de l'Assemblée nationale.
Malheureux peuple,comme on vous abuse 1 mais le comble de l'horreur est ce qu'on a imprimé dans ce pavs-là, et que j'ai vu répété dans l'une
des productions éphémères des journalistes de la capitale. Les seigneurs, y dit-on, ont fait mettre exprès le feu dans leurs châteaux pour faire sortir des villes la milice nationale et l'exterminer plus facilement. C'est ajouter l'insulte aux autres mauvais traitements, et c'est le comble de l'atrocité I
11 me reste une observation bien singulière à présenter, et qui tient à un rapprochement qui peut aider à trouver la clef de toutes ces calamités ; elle est relative à l'époque du 10 janvier, à laquelle les nouveaux troubles ont commencé dans presque toutes les provinces ; on se souviendra qu'à celle de juillet, toutes les communautés s'armèrent contre les brigands annoncés et créés par l'imagination d'êtres mal intentionnés ; une combinaison conduit à uue autre, mais le fil se perd.
Je ne puis que vous le répéter, mes collègues, lisez, frémissez et prononcez.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU, EX-PRÉSIDENT.
Séance du
, dernier président, ouvre la séance, en annonçant que la santé de M. Target ne lui permettant pas de présider, il va le remplacer, suivant le règlement.
, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
demande que, dans le décret concernant le département de la Haute-Auvergne, on veuille bien changer les mots: Saint-Flour aura la priorité, en ceux-ci : La première tenue de session du département sera à Saint-Flour.
L'Assemblée consent la modification.
, député de l'Alsace. Je demande que l'on ajoute au décret rendu en faveur des juifs portugais, que l'Assemblée n'a rien entendu préjuger à l'égard des juifs d'Alsace. Cette addition est absolument essentielle pour établir la tranquillité publique en Alsace, et y assurer l'existence de vingt-six mille juifs allemands.
La dénomination A'Avignonais, qui se trouve dans le décret, semble ne comprendre que les juifs habitants de la ville d'Avignon et exclure ceux qui habitent dans le comtat Venaissin, qui sont de la même classe; je propose d'ajouter à l'expression Avignonais, ceux-ci : et Comtadins.
Je pense qu'il serait dangereux de délibérer sur la motion, parce que la moindre
manifestation de doute sur ce point donnerait lieu, dans beaucoup d'endroits, d'élever des
difficultés, même contre celles des classes de juifs qui sont comprises dans le décret. En
l'état présent, on ne refusera pas les droits de citoyen
L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour sur les motions de MM. Schwendt et Bouche.
Le procès-verbal est adopté.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du Royaume.
propose un décret sur le département du Yélay.
, curé de Craponne, observe que le département du Velay ayant 240 lieues de superficie, la division en trois districts, qui est proposée par le comité, donnerait à chacun le double de l'étendue fixée par l'Assemblée ; il demande en conséquence la création d'un quatrième district pour Craponne et fait valoir, en faveur de cette ville, des considérations de localité.
oppose au préopinant l'avis unanime des autres membres de la députation. qui ne réclament que trois districts.
observe que si les autres députés sont d'accord, c'est parce qu'ils sont tous habitants des villes prises pour chefs-lieux des districts ; et que s'ils sont d'accord pour partager entre eux la totalité du gâteau, c'est au désavantage des campagnes.
fait remarquer que M. le marquis de Lafayette, qui n'habite aucune des villes prises pour chef-lieu de district a pensé que la demande de Craponne n'était pas admissible.
L'amendement de M. l'abbé Privât est rejeté et le projet du comité de constitution est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département du Vélay est divisé en trois districts, dont les chefs-lieux sont les villes du Puy et Brioude ; et pour le troisième, la ville d'Issingeau provisoirement;
« 2° Que la ville du Puy est cnef-lieu de ce département ;
« 3° Qu'à la première Assemblée il sera déterminé si Issingeau doit demeurer définitivement chef-lieu du troisième district, et dans laquelle des villes situées dans l'étendue de son territoire, il convient de placer le siège de la juridiction, de manière que ces deux établissements soient partagés. »
propose un second décret concernant la division du Quercy, qui est adopté sans contestation, en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
i l0 Que le département du Quercy, dont Cahors est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Cahors, Montauban, Lauzerte, Gourdon, Martel et Figeac;
« 2° Que les électeurs du département détermineront si le nombre de ces districts doit être augmenté ; et dans ce cas ils proposeront cette augmentation à décréter par la prochaine législature;
« 3° Que les établissements du district des villes de Lauzerte et Moissac seront partagés entre ces deux villes, selon que les électeurs du département le jugeront convenable, de manière que Moissac soit cnef-lieu de district, ou le siège
de la juridiction, sauf le droit de la ville de Montauban aux établissements qui seront déterminés par la constitution. »
donne lecture d'un troisième décret concernant le département de Carcassonne. L'Assemblée l'adopte, sans changement, ainsi qu'il suit:
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département de Carcassonne est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Carcassonne, Castelnaudary, la Grasse, Limoux, Narbonne et Quillau ;
« 2° Que la ville de Carcassonne est le chef-lieu de ce département, et qu'à la suite de la première session, les électeurs détermineront si les séances des assemblées administratives doivent alterner, et entre quelles villes cet alternat aura lieu, pour cette disposition être proposée à la première législature. »
propose un quatrième décret concernant le département de Troyes.
réclame pour les bourgs d'Yebaud et d'Rstissac la faculté de se réunir au département de Troyes.
Un autre membre demande que les communautés de Clain et de Bagneux aient la faculté de désigner le département et le district auxquels elles veulent se réunir.
observe que les députés sont unanimes à repousser les prétentions d'Estissac.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, sur l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département de Troyes est divisé en six districts, qui sont Troyes, Nogent-sur-Seine, Arcis-sur-Aube, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine provisoirement, et Ervy;
« 2° Que la ville de Troyes est le chef-lieu de ce département ;
« 3° Qu'il n|y a lieu à délibérer quant à présent sur la réclamation des villages de Clesles et Bagneux;
« 4° Que les électeurs du département détermineront si la ville de Merry doit partager avec celle d'Arcis-sur-Aube les établissements de ce district, ou s'il convient mieux aux administrés qu'ils soient réunis à Arcis-sur-Aube;
« 5° Que les villages de Saint-Liébaut et de Thuisy seront réunis au district de Troyes ;
« 6° Que le village de Cunfin sera réuni au district dont Bar-sur-Seine est provisoirement chef-lieu, et au département de Troyes ;
« 7° Enfin, que toutes les autres limites intérieures et extérieures de ce département et de ses districls auront lieu conformément aux conventions réglées entre les députés du département, signées par eux, approuvées par les commissaires, et déposées au comité de constitution. »
Gossin rend compte à l'Assemblée d'une difficulté qui s'est élevée entre Grasse et Antibes.
dit que la ville d'Antibes en Provence demande à être Ghef-lieu de district et qu'elle réclame au moins d'être séparée de celui de Grasse.
discute cétte prétention et donne des raisons décisives tirées de la population de la cité de Grasse, de ses rapports commerciaux avec Antibes, pour repousser cette demande qui serait, suivant lui, nuisible aux intérêts communs des deux villes.
Après cette discussion, le cinquième décret proposé par M. Gossin est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« Que la division du département del'Est delà Provence est maintenue dans son intégrité, en; ce
?ui concerne les vigueriesde .Grasse et de Saint-
ol, et que la ville d'Antihes demeurera annexée au district de la ville de Grasse, .conformément au vœu des députés de ce département. »
présente; un sixième décret concernant la division du département Est . dei la Provence.
demande que'Lorgues soit, provisoirement du moins, chef-lieu d'un district.
fait valoir les inconvénients qui résulteraient de l'adoption de .ce projet au point de vue des administrés.
observe qu'un. chef-lieu de district serait mal placé à Lorgues, à cause de sa grande1: proximité de Draguignan.
réplique aux préopinants et dit que les districts doivent être organisés suivant les convenances des populations.
La discussion est fermée et le décret suivant rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après Ha vis du comité de constitution :
« 1° Que dans le département de l'Est de la Provence, la viguerie de Draguignan sera partagée en deux districts par une ligne dirigée à peu près du Nord-Est au Sud-Ouest, tellement que le ier-rain, compris entre cette ligne et la côte, formera un district dont Fréjus est provisoirement le chef-lieu; sauf au département de désigner un autre emplacement, s'il n'estime pas celui-là convenable;
« "2° Que le surplus du terrain, comprenant Lorgues, formera l'autre district, dent Draguignan sera le chef-lieu, laissant au surplus à ces deux I districts la faculté de faire, avec leurs voisins, tels échanges qu'ils jugeront utiles et convenables. »
, rapporteur, observe que les archives du comité de constitution sont surchargées de lettres par lesquelles plusieurs municipalités demandent l'interprétation de différents décrets de l'Assemblée Nationale; il propose que le comité de constitution soit autorisé a répondre à ces lettres, et à faire l'application de la loi aux différentes questions, • pour épargner à l'Assemblée une perte de temps considérable.
Il dit qu'il s'est .élevé à Clermont-Ferrand une difficulté sur la question de savoir si les directeurs de la poste aux lettres et des, poudres sont ou ne sont pas électeurs et éligibles dans les assemblées primaires. Il rappelle que M. Target a fait, il y a trois semaines, une motion pour faire autoriser le comité de constitution à donner les
explications riécessaires à l'application des décrets.
, Paine. L'interprétation des lois n'appartient qu'au seul législateur. La cession de ce droit au comité serait un commencement d'aristocratie dans l'Assemblée législative.
Le comité de constitution peut être autorisé à . donner quelques explications, mais non pas à suppléer ni interpréter la loi, le pouvoir législatif ne pouvant pas être subdélégué.
J'exprime mon éton-nement sur l'annonce qu'il s'est élevé des difficultés à Clermont-Ferrand sans que j'ren aie eu connaissance.
La difficulté qui nous oecupe n'a pas été soulevée par la municipalité, mais par MM. Boizot et Limoges, directeurs de la poste aux lettres et des poudres.
J'appuie l'opinion de M. Garat et: je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
prend le vœu de l'assemblée, qui passé à l!ordre du jour.
annonce que le Roi a sanctionné le décret de l'Assemblée nationale du 16 de ce mois, qui proroge Jusqu'au 1er mars prochain1 le délai pour la déclaration des biens ecclésiastiques, et celui du 21, concernant les condamnations/prononcées pour raison des délits et des crimes ;
Que Sa Majesté a en même temps donné des ordres pour leur exécution, et que M. le garde-des-sceaux fait passer, pour être déposées aux archives de l'Asseniblée, les expéditions en parchemin des lettres-patentes sur ces deux décrets.
J'ai reçu de1 M. de Volney la lettre suivante :
« M. le Président, avant que l'Assemblée nationale se 'fût .expliquée sur l'incompatibilité des 'fonctions de député avec toute commission du gouvernement, j'en;avais accepté une pour l'île de, Corse, avec d'autant plus de confiance que je comptais donner ma démission le jour où je deviendrais -le. porteur des décrets.
« Maintenant que l'Assemblée a manifeété ses intentions, j'ai l'honneur de lui déclarer que je me suis désisté de la double mission par laquelle je m'étais chargé de-concourir à l'organisation dit département de Corse, et de diriger le commerce et l'agriculture dans cette île.
« Je suis avec respect, M. le Président, « Votre très-humble ,et très-obéissant serviteur,
signé : de volney »
Je demande que cette lettre si .'honorable soit eonsignée au procès-verbal.
'Cette proposition est adoptée.
Le comité des finances demande à interrompre l'ordre du jour pour faire plusieurs rapports.
L'Assemblée décide que'le comité des finances sera entendu.
Le projet de dé(Tet sur 'les imposi-
lions de 1790, que j'ai eu l'honneur de vous soumettre le 23 janvier, n'a pu être imprimé assez tôt pour être distribué avant ce matin ; en conséquence je propose d'ajourner la discussion à demain.
Cette proposition est adoptée.
L'Assemblée est saisie depuis le 16 janvier d'un rapport et d'un projet de décret sur la fabrication de la monnaie de billon. On pourrait le discuter aujourd'hui.
Je propose d'ajourner à huitaine. Il n'est pas possible de statuer sur le décret proposé sans prendre de sages précautions.
Je propose d'établir un comité chargé d'examiner la proportion entre les métaux, avant de statuer sur le décret. . Cette motion n'est pas appuyée.
, évêque d'Autun. La matière paraît, au premier abord, de peu de conséquence, mais elle mérite les plus sérieuses réflexions, car la fabrication d'une nouvelle monnaie de billon aura pour résultat le retrait ou l'interdiction de l'ancienne, ce qui peut occasionner de sérieux embarras dans les transactions usuelles.
L'Assemblée renvoie l'affaire à huitaine.
, président du comité des finances, monte à la tribune et fait le rapport suivant, contenant 1'Aperçu général des réductions sur la dette publique (1).
Messieurs, votre comité des finances est au moment de vous présenter le tableau des réductions dont il croit susceptible chaque partie des dépenses publiques; mais avant d'entrer dans un détail qui entraînerait des discussions et des longueurs, votre comité, désirant satisfaire la juste impatience du public et de l'Assemblée, a cru devoir faire précéder ses rapports par un aperçu, au moins vraisemblable, du résultat que vous attendez. Vos décrets seuls peuvent assurer à ce résultat une précisioh rigoureuse; nous osons vous assurer, cependant, que les différences ne seront pas importantes. On ne croira pas, sans doute, que votre comité voulût offrir à l'Assemblée nationale un travail dont les bases seraient incertaines; et ce n'est pas à la veille de la soumettre à votre examen, qu'il sacrifierait à des illusions consolantes la vérité que vous cherchez.
Pour vous présenter avec plus de clarté l'abrégé que je suis chargé de mettre sous vos yeux, je suivrai l'ordre des matières tel qu'il se trouve dans l'ouvrage que le gouvernement vient de faire imprimer, et à la fin duquel une récapitulation générale vous offre le total des dépenses fixes, montant à 531 millions 533 mille livres.
Quarante-trois titres de chapitres composent cette récapitulation.
Six de ces chapitres, savoir : 1° les rentes perpétuelles et viagères; 2° les intérêts d'effets publics, et diverses créances ; 3° les engagements à temps avec le clergé ; 4° les gages des charges représentant l'intérêt de la finance; 5» les intérêts et frais d'anticipations ; et 6° les indemnités, composant la totalité de la dette publique, dont nous ne vous parlerons pas encore.
Les trente-sept autres chapitres présentent la totalité des dépenses fixes.
Les trente-sept chapitres, dont vous avez le tableau sous les yeux, composent une somme totale de 289,615,000 livres.
Dans ce nombre il y a dix chapitres dont les dépenses nous paraissent devoir être remises entièrement à l'administration des provinces : savoir : 1° la police de Paris ; 2° le guet et la garde de Paris ; 3° le pavé de Paris; 4» les travaux dans les carrières sous Paris ; 5° les remises au moins imposé, décharges et modération sur les impositions; 6° les dons et aumônes, secours, hôpitaux et enfants trouvés; 7°Jes travaux de charité; 8° la destruction du vagaboudage et de la mendicité ; 9° l'entretien, construction et réparation des bâtiments pour la chose publique; 10° les dépenses locales et variables dans les provinces.
Il y a deux autres chapitres dont la dépense nous a paru devoir être partagée entre l'administration des provinces et celle du Trésor public : savoir : 1° les ponts et chaussées en raison de leur école, qui nous a paru utile à conserver, et d'un fonds de réserve à destiner aux grands travaux d'art ; 2° le traitement des receveurs, fermiers, régisseurs généraux, et autres frais de recouvrement.
Le chapitre intitulé, gages, traitements et gratifications à diverses personnes, nous a paru devoir se réunir à celui des pensions.
Celui de la maréchaussée de l'Ile-de-France nous a paru faire partie de la dépense entière de la maréchaussée du royaume, et devoir, sous ce rapport, être renvoyé au département de la guerre.
Enfin, nous avons retranché entièrement la dépense des haràs, dont vous avez déjà annoncé la supression. Nous avons réuni au chapitre des pensions la dépense des fonds réservés sur les loteries pour actes de bienfaisance, qui ne sont autre chose que des pensions. Nous avons supprimé les diverses dépenses des plantations dans les forêts, qui nous ont paru une charge ordinaire de l'administration des domaines ; et enfin le chapitre intitulé, communautés, maisons religieuses et entretiens d'édifices sacrés, auxquels vos décrets sur les biens et les charges du clergé pourvoiront à l'avenir.
Ce détail nous a paru nécessaire avant d'arriver aux résultats. Chaque article sera successivement soumis à une analyse exacte et motivée ; et en vous présentant d'avance le tableau général dont chaque jour vous pouvez terminer une partie, nous avons désiré seulement que ce tableau fût clair, que tout fût bien classé, et que la comparaison de l'état ancien et de l'état nouveau fût très intelligible.
Les trente-sept chapitres de dépenses, pour lesquels il se faisait précédemment un fonds annuel de 289 millions 515 mille livres ne seront plus compris dans la dépense du Trésor publia que pour une somme de 193,300,000 livres, ce qui opère sur les fonds à y fournir une réduction
annuelle de 96,315,000 livres, et nous avons obtenu ce résultat en supposant que la guerre coûterait 84 millions, suivant le dernier aperçu du comité militaire, et que les pensions, y compris les différents articles qui y seront réunis, s'élèveraient à 18 millions. Ainsi, tout ce que vous retrancherez à ces deux articles et à quelques autres accroîtra la somme de réduction des dépenses. Nous présumons que cette réduction ira au moins à 100 millions. Mais ici nous ne nous permettrons de calculer que sur l'estimation de 96 millions.
Sur cette dernière somme, celle de 35,418,166 livres n'est qu'une transposition de dépense, puisque nous vous proposons seulement de rendre à i administration des provinces l'emploi de cette somme, régie ci-devant par l'administration ministérielle. Ainsi, la réduction effective des dépenses publiques n'est que de 60,902,834 livres ; mais la dépense confiée aux administrations de province, faite désormais avec une grande économie, doit être inférieure aux sommes qui, ci-devant, y étaient employées. Vous pouvez donc considérer, dès ce moment-ci, les anciennes dé-
penses auxquelles les contributions des peuples étaient destinées, comme diminuées de 75 à 80 millions, et nous ne comprenons pas dans cette somme la diminution sur les intérêts de la dette, qui résultera des remboursements auxquels vous avez destiné des fonds de votre Caisse de l'extraordinaire, et de l'extinction annuelle des rentes viagères et des pensions.
Vous voilà bien sûrs au moins que la dépense publique va être inférieure à votre ancien revenu, dont nous n'examinons pas ici la nature, mais seulement la quotité ; et que, sans accroître la masse des charges du peuple, vous pouvez fournir à celle des nouveaux établissements que vous projetez. Ce niveau, si désiré, de la recette et de la dépense, cette base de la confiance et du crédit public, il n'est plus permis de les révoquer en doute, et c'est là que nous bornerons l'esquisse que nous avons cru utile de vous présenter dans ce moment-ci. Le tableau que nous y joignons vous rendra cette vérité plus palpable.
Votre comité va suivre à présent l'ordre de son travail.
TABLEAU des chapitres des dépenses fixes contenues dans le compte général, imprimé par ordre du gouvernement, avec Vétat de ces mêmes dépenses réduites, et celui des dépenses remises à Vadministration des Provinces.
PAGE TITRE> DES .CHAPITRES. DÉPENSES DEPENSES DEPENSES remises
du livre. actuel les. réduites . aux provinces. |
25 26 27 32 34 41 110 133 139 143 144 147 150 151 152 153 166 167 170 172 173 177 184 185 J 186 187 188 189 195 196 198 199 J Dépenses générales de la maison du Roi, de 1 celles de la Reine et de la famille royale., i Maisons des princes, frères de Sa Majesté, y compris les enfants de M. le comte d'Artois. 1 Affaires étrangères et lignes Suisses......... i Département de la guerre et dépenses acces- Haras...................................... j Gages du conseil et traitements particuliers de 1 la magistrature........................... 1 Gages, traitements et gratifications à diverses Intendants des provinces et leurs bureaux.... Police de Paris............................ Maréchaussée de l'Ile-de-France............. Pavé de Paris.............................. Travaux dans les carrières sous Paris........ Remises au moins imposé, décharges, non-valeur et modérations sur les impositions .... ' Traitements aux receveurs, fermiers et régisseurs généraux, et autres frais de recouvrements.................................... ' Administrateurs du Trésor royal, payeurs "de rentes, etc................................ Bureaux de l'administration générale......... Traitements et dépenses de la caisse du commerce, de celle des monnaies, et de la liquidation de l'ancienne compagnie des Indes... Fonds réservés pour des actes de bienfaisance. Secours aux Hollandais réfugiés en France... Communautés, maisons religieuses et entretien Dons, aumônes, secours, hôpitaux et enfants Destruction du vagabondage et de la mendi- Primes et autres encouragements pour le commerce.................................... Jardin royal des plantes et cabinet d'histoire Universités, académies, collèges, sciences et Passeports et exemption de droits............ Entretien, réparations et construction des bâtiments pour ia chose publique.............. Diverses dépenses de plantations dans les Dépenses de procédures criminelles et des pri- Dépenses locales et variables dans les provinces. 25,000,000 liv. 8,240,000 7,330,000 99,091,000 40,500,000 5,680,000 814,000 29,954,000 2,815,000 351,000 1,413,000 1,569,000 1,136,000 251,000 627.000 400,000 7,123,000 19,511,000 3,372,000 2,345,000 794,000 173,000 829,000 2,082,000 3,635,000 1,911,000 1,144,000 3,862,000 129,000 159,000 1,004.000 400,002 1,874,000 817,000 3,180,000 4,500,000 5,000,000 20,000,000 liv. 4,700.000 6,330,000 84,000^000 39,000,000 1,500,000 Supprimé. (1) 18,000,000 420,000 R. aux pensions. Supprimé. (2) R. à la guerre. 4,500,000 2,300,000 1,200,000 R. aux pensions. 8,29,000 R. au clergé. 3,300,000 72,000 69,000 1,000,000 400,000 Supprimé. 3,180,000 (3) 2,500,000 ( 4,180,000 liv., 1,569,000 1,136,000 «27,000 400,000 7,123,000 7,313,166 liv. 3,635,000 1,911,000 1,144,000 1,874,000 4,500,000
289,615,000 193,300,000 35,412,166
La somme des dépenses actuelles est de......... 289,615,000 liv.
, Sommes des dépenses qui subsisteront.
1° Dépenses du Trésor pu-ï
blic..... 193,300,000 liv.
2° Dépenses i) 228,712,166 remises aux
provinces . . 35,412,166
réduction sur les dépenses. 60,902,834 liv.
SECONDE RÉCAPITULATION.
La somme des fonds versés au Trésor public pour acquitter les dépenses, est de....... 289,615,000 liv.
La somme des fonds qui y sera nécessaire à l'avenir, sera de. . 193,300,000
La réduction des fonds au Tré-sor public sera de....... 96,315,000 liv.
L'Assemblée nationale ordonne que le rapport de M. le marquis de'Montesquiou sera imprimé, distribué et inséré au procès-verbal de la séance de ce jour.
, membre du comité des finances, présente ensuite une série de rapports qui complètent celui qui vient d'être fait par M. le marquis de Montesquiou.
RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES Par. M. Lebrun
académie des sciences.
Dépense du Trésor royal.
8 pensions de 3,000 lrv....................24,000 liv.
8 — de 1,800.......................14,400
8 — de 1*200,........................9,600
Secrétaire perpétuel......................3,000
Trésorier...........................3,000
Frais d'expériences.....................12,000
Supplément pour frais d'expériences................................................12,000
Motet du jour delSaint-Louis..........400
Ecritures........................500
Jetons.....\ j
Supplément 222 à,7li1, ( 3,2581iv. 5s.
pour les |^™.ai>/iiv.i5s. i 4,5621iv. 5s. jetons ... ) ' I
Dépenses courantes supplément.. 1,438 liv.
93,158 liv. 10 s.
Observations.
Les pensions de l'Académie des sciences sont
soumises à la retenue du dixième; mais le dixième est remplacé par une ordonnance de pareille somme.
Dans les états du Trésor royal les pensions sont portées en entier,.et le remplacement aussi, et de là un double emploi apparent.
Les 12,000 livres, données pour frais d'expériences, sont exactement employées à leur destination : des 12,000 livres de supplément, 8,000 ou environ sont distribuées en pensions ae 500 livres aux académiciens qui n'ont point de grandes pensions.
Arriéré.
Pour les jetons...............
Pour frais d'expériences, trois années dues............,.,..
Pour deux années de grandes pensions au premier janvier
Au trésorier actuel pour deux années et quelques mois d'une pension de 3,000 livres dont il jouissait comme survivancier de M. de Ruffon, et qui s'est éteinte à la mort de ce savant.
8,258 liv. 5*. 36,000
108,000
3,883 156,141 liv. "5 s.
Le comité des finances ne se permettra de proposer aucune réduction sur la dépense d'une Académie consacrée au progrès des ; sciences, des manufactures et des artsr qui a fait la gloire de la France et que le reste de l'Europe lui envie.
Observatoire.
Appointement du directeur 3,000 liv; avec retenue................................2,700.liv.
[ 1° 900 liv. Pour trois élèves \ 2° 700 ( 3° 600
Encouragements Instruments.... Bibliothèque... Bois, lumières, registres, papier........
200 2,400 600
600
6,000
6,000 liv. 8,700 liv.
Observations.
Le titre de directeur de l'Observatoire ne date que de 1771.
MM. de Cassini avaient eu jusque-là des grâces,, des pensions, point de titres ni de traitements.
Depuis cinq ans, on a attaché trois élèves à l'Observatoire, qui doivent veiller, à tour de rôle, pour faire des observations. Chaque année ils publient leurs découvertes, leurs calculs et leur théorie.
L'insouciance ou la détresse avaient abandonné l'Observatoire0 et ce beau monument tombait en ruines.
On a enfin songé à le réparer, et il est aujourd'hui ce qu'il devait être.
La dépense se trouvera dans le département des bâtiments du Roi.
Cependant l'état du Trésor royal porte une somme de 8,680 livres pour 1788,dont ledirecteur ne présente point l'emploi.
Dépôt d'instruments d'astronomie aux Capucins de la rue Saint-Honoré............ 500 liv.
Traitement de M. l'abbé Bossut, examinateur des élèves du génie... 3,000 liv.
Remboursement de ses avances.. 1,500 Ces deux articles devraient être portés dans la dépense du département de la guerre,
M. Adamson porté dans l'état de l'Académie des sciences pour 1,800 livres, sous le titre de loyer.
Renvoyé à l'état des pensions.
M. Adamson n'est pas riche; mais il a un riche cabinet qui fait sa jouissance, et qui sans ce bienfait du Roi ferait sa détresse.
ACADEMIE DESINSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
10 pensions de deux mille
livres................ 20,000 liv. » »
5 idem de huit cents livres 4,000
Secrétaire perpétuel..... 1,000
Dessinateur............. 1,000
Bibliothécaire........... 600
Bibliothèque, achat, reliure................. 400
A l'académicien chargé de rendre compte du travail annuel de l'Académie, en présence de l'Académie des sciences.... 400 Transcriptions de registres, frais de bureau, bois, lumières, suisse. 3,000
Huissier................ 600
Supplément des fonds destinés aux prix pour remplacer les réductions faites sur les rentes .. 600 Jetons, 208 marcs à 57 liv. 15 sols............... 12,008 » »
43,608
Observations.
On retient le dixième sur les pensions, et on le remplace par une ordonnance de pareille somme.
De là, une différence entre cet état et celui du Trésor royal qui porte les pensions en entier et le remplacement du dixième retenu en entier.
On a rejeté aux travaux littéraires une somme de 14,000 livres accordée depuis quelques années à des académiciens pour un travail sur les manuscrits de la bibliothèque du Roi. On a rejeté aux pensions une pension de 1,500 livres accordée à M. Dansse de Villaison, en attendant une pension de l'Académie.
ACADÉMIE FRANÇAISE.
Appointements du secrétaire perpétuel........
A lui pour logement au Louvre qui lui a été ôté pour ajouter à celui de
M. de Brancas........
Frais de bureau, correspondance ...........'.
Messe de Saint-Louis, assemblée publique du
même jour...........
358 marcs 6 onces en jetons à 57 liv. 15 s.
3,000 liv. » »
1,200
900
300
Observations.
Quelques membres de l'Académie française ont des pensions, mais aucune n'est attachée* à l'Académie.
Si le logement au Louvre est attaché au titre de secrétaire, il faut le lui restituer, sinon le porter aux pensions.
Les jetons ont éprouvé une augmentation dans ces derniers temps, ce qui les a portés à 358 marcs.
Il sera dû la totalité de l'année au 31 décembre, moins les 300 livres pour la messe du jour de Saint-Louis, qui, dans ce moment, doivent avoir été payées.
DÉPÔT DE LÉGISLATION.
M. llorean.
Appointement de
M. Morcau........
Sur quoi il paye à M. de Vatcourt... 2,0001. A M. du Fourneau......2,000
Dépenses non détaillées.. 1,000
> | Fonds affectés au
17,0001. dépôt.......... 17,2001.
Intérêt d'un capital en effets royaux dans la caisse......... 2.6871.10 s.
5,000 5,000
Reste îet....... 12,000 !
19,8871.10 s. DÉPENSE.
900
1,500
Loy.demai-
sons.... 7,0001. AM.deVal-court.... A M. Glier, chargé de la recherche et inventaire des Chartres .., A M. du Fourneau sup. d'appoint____ 1,200
A M. Hubert,chargé d'extraire des Cartulai -res de la Bibliothè-q u e du Roi.
Dépense totale du dépôt... En caisse au 7 décembre..
Reste net.. 36,887 1. 10 s.
. 1,200
11,800 ll,800l. 10 s. . (1) 8,087 1.10 s
3,181 1. 9s. 3. d.
argent____
eu billets de caisse.
Effets royaux............................ 55,«00
Dû par le Trésor-royal, sur les sixpre- (1) Il paraît que cette
miers mois 1789____ 8,000 1. somme est employée aux
Sur les six derniers correspondances et tra-
mois.............. 8,600 vaux dans les provinces.
16,600 1.
Observations.
Ce dépôt indiqué, à ce qu'on croit, par M. le chancelier d'Aguesseau, a commencé en 1759 sous les auspices de M. Bertin, attaché d'abord au département de la. finance. Il passa en 1780 dans celui de la chancellerie: à cette époque, il fut érigé, à ce qu il paraît, en dépôt de législation et d'histoire. C'était là que devaient se rassembler les monuments de l'une et de l'autre, là que les ministres devaient puiser les faits qui, devenant dans leurs mains principes d'administration, établissaient les fondements de notre droit public. M. Mo-reau, historiographe de France, obtint qu'on attachât ce titre à son dépôt; il y destina sa bibliothèque personnelle ; le premier fond fut une collection d'Edits, Arrêts, Ordonnances, etc., achetés du libraire Prault, 50,000 livres.
L'imprimerie royale, celles des cours supérieures, y ont fourni gratuitement tout ce qui émanait, soit du conseil du Roi, soit des tribunaux. On y a réuni un ancien dépôt de finances, la bibliothèque de M. de Sainte-Palaie, les registres du Parlement de Paris, une collectiou des registres de l'administration de Colbert.
Plusieurs registres de? différents départements, d'autres registres de quelques cours supérieures, de quelques bailliages, des titres originaux, des copies de Chartres, des manuscrits.
Les fonds affectés au dépôt se sont accrus successivement.
Décision du Roi de 1762.................4,000 liv.
Idem de 1764..........................6,000
Idem de 1769..............................6,000
Idem de 1780......................1,200
17,200 liv.
Ce dépôt ne peut aujourd'hui appartenir qu'à l'histoire. Notre droit public ne sera plus dans les faits, et l'administration, désormais heureuse, n'aura pas besoin d'aller chercher ses principes dans des monuments souvent contradictoires.
Ce n'est donc plus à un département qu'il faut l'attacher, il rentre dans la classe de tous ceux qui n'intéressent que la curiosité.
Si quelques titres originaux, et il y en a peu de ce genre, peuvent être utiles aux nouvelles administrations, on en trouvera la notice dans l'inventaire.
Une décision très récente accorde à M. de Pastoret, maître des requêtes, la survivance de M. Moreau, assigne un traitement et des fonctions* à M. Moreau de Fourneau, crée le sieur Moreau lui-même directeur et inspecteur des travaux relatifs à la législation, à l'histoire et au droit public, fixe enfin la destination d'une partie des sommes accordées pour les travaux littéraires.
M. de Pastoret est connu par ses ouvrages comme par sa place, et si des motifs personnels peuvent influer sur les vues de l'Assemblée nationale, elle distinguera, sans doute, un magistrat qui s'est honorablement montré dans la double carrière de la littérature et des lois.
TRAVAUX LITTERAIRES
Table chronologique des Chartres imprimées.
M. de Bréquigny................ 3,000 liv.
Ouvrage projété sous le ministère de M. de Machaut en 1746, entamé par messieurs Secousse et de Ste-Palaie, commencée réellement par M. de Bréquigny en 1760 : le premier volume a paru en 1769 ; le quatrième est très-avancé et finira à Philippe-Auguste.
L'objet de cet ouvrage a été de ranger par ordre chronologique toutes les pièces imprimées relatives à notre histoire, d'indiquer les sources, d'en fixer les dates.
Le traitement, y compris les frais des bureaux, est de 3,000 livres, dont 1,500 livres sont accordées chaque anné, à M. Mouchet, survivancier de M. de Bréquigny.
Ce travail se faisait autrefois sous les auspices du ministre des finances; aujourd'hui sous celui de M. le garde-des-sceaux.
Collection générale des Chartres.
M. de Bréquigny................ 2,400 liv.
M. de la Porte Dutheil............. 1,500
Ouvrage projeté sous le ministère de M. Bertin, qui tient à la collection de Chartres confié à M. Moreau.
11 fallait classer les Chartres qu'on rassemblait, et les discuter.
M. de Bréquigny fut appelé à ce travail,etilluifutassigné 2,400 livres. Une édition de cette collection fut arrêtée en 1784 et M. de Bréquigny en fut chargé.
On lui associa M. Dutheil en 1786 avec 1,500 livres de traitement. M. Dutheil fut rappelé de Rome, où depuis 1776 il avait été occupé par ordre du roi à rechercher dans les archives et la bibliothèque du Vatican les pièces originales relatives à l'histoire de France.
11 en a rapporté douze mille pièces qui sont aujourd'hui dans le dépôt de M. Moreau.
Cette collection a déjà fourni trois volumes in-folio, le premier composé des pièces renfermées dans le dépôt de législation.
Le second et le troisième, des lettres, anecdotes du Pape Innocent III.
Ordonnances du Louvre.
M. de Bréquigny................6,000 liv.
Le recueil des ordonnances des rois de la troisième race a commencé en 1717, le premier volume en 1723, par M. de Laurière, continué par M. Secousse jusqu'en 1754 ; confié ensuite à M. de Villevant, à qui on avait adjoint M. de Bréquigny.
Ce dernier a fait presque seul tout
12,900 liv.
Ci-contre,... 12,900 liv.
le travail, jusqu'à l'époque actuelle. M. Secousse l'avait laissé au neuvième volume ; le quatorzième est achevé d'imprimer, et finit avec le règne de Charles VII,
Titres rapportés de la Tour de Londres.
M. de Bréquigny;............... 6,000 liv.
En 1753 M. de Bréquigny fut envoyé à Londres pour transcrire dans les dépôts de la Tour,del'Echiquier; etc. les pièces relatives à la France. Après trois années de travail, il rapporta quinze mille pièces.
Bevenu en France, il a été chargé de faire des tables et des sommaires delà plus grande partie de ces pièces; il a dressé des tableaux des domaines et mouvances du roi dans la Guyenne, la Normandie, le Calaisis, et autres provinces qui ont été longtemps soumises aux Anglais: plusieurs mémoires ont été faits sur les droits des provinces, etc. Ge travail se continue encore.
Correspondance littéraire en Chine.
MM. Ko et Yan, Chinois ........... 1,400 liv.
M. de Créquigny, rédacteur (î),..
23,300 liv.
travaux litteraires Histoires des Chartres.,
Le Père Chrysologue Gy_______... 1,200 liv.
Ce travail doit être réuni à celui de la tâble des Chartres, etc. L'histoire des Chartres est celle des établissements mêmes.
Inventaire du Trésor des Chartres.
MM.Dacier.____________._______... 2*000 liv.
Gaillard..........................................2,000
Gauthier de_______________________________2,000
Coqueley..............................2,000
( Le B........V..1.--------... 2,000
{ Son Frère........................2^000
Richard de Valaubrun .............2,000
Il existe un inventaire du Trésor des Chartres de MM. Dupuy, et cet ouvrage contient la notice "de tout ce que ce dépôt renferme de, plus intéressant-.
Peut-être ne faudrait-il plus qu'une table de chaque volume des registres, peut-être encore
une copie fidèle,qui, conservéedans un autre dépôt, nous rassurerait contre les craintes des
accidents
Quelque parti que l'on prenne, il est temps de mettre un terme à un travail dispendieux et sans un objet d'utilité vraiment publique.
Ces places sont devenues avec le temps une faveur littéraire plutôt qu'une fonction.
En proposant de supprimer ce titre, on proposera de laisser à quelques-uns des titulaires le traitement qui y est attaché ; il finira avec eux, et ne sera qu'une charge passagère pour les fir nances.
M. Dacier, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres a mérité des grâces et les a justifiées par son travail.
M. Gaillard, M. Gauthier de Sibert sont connus Mue des talents et des ouvrages accueillis du pu-
M. Coqueley de Chausse-Pierre a vieilli dans cette place, et a eu des titres pour la-mériter.
M. Richard de Valaubrun en a sans doute aussi, et l'Assemblée les respectera sûrement.
M. le B... et son frère doivent à la patrie le sacrifice même de ce qu'ils auraient mérité. Ce sacrifice qu'ils lui offrent, ils l'avaient offert dès 1774. Voici ce que M. le B... écrivait à M, lé comte de Maurepas au mois d'août de cette année:
« J'ai été attaché à M, le chancelier, et mon attachement le suivra dans sa retraite....'. Je n'ai ni sollicité ni obtenu de grâce purement pécuniaire ; le public a, je crois, rendu justice à mon désintéressement. On m'a prêté des sottises que je n'ai pas dites, des ouvrages que je n'ai pas faits ; mais du moins on ne m'a supposé ni crime ni bassesse. Je n'ai jamais eu, de l'Etat ni du ministre ni gage ni appointements. Il me reste deux places, l'une de commissaire au Trésor des Chartres, l'autre de jurisconsulte chargé de travailler à l'uniformité de la jurisprudence. J'avais sur cette dernière partie des vues qui pouvaient être utiles ; elles occuperont encore ma retraite. Si le sacrifice de ces deux places peut entrer dans des projets d'économie ou seulement de convenance, je suis prêt à te faire. Mon bonheur serait de penser que ce sacrifice a pu- plaire à Sa Majesté. Je crois toujours à sa justice : Elle ne me punira point de mon zèle ; et mon attachement pour un ministre qui a cessé de lui plaire ne sera pas un crime. »
Le sacrifice fut refusé avec des marques d'intérêt et d'estime.
M. le B... répondit :
t M. le comte, je vous dois des remerciements et de la reconnaissance. Vous serez peut-être flatté d'avoir inspiré ce sentiment à un homme qui n'à jamais connu ni la fausseté ni la bassesse. Je suis, etc. »
Travaux littéraires.
Traitements; de divers membres de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, chargés d'un travail sur les manuscrits de la bibliothèque du Rou*.----------------------------------- 14,000 liv.
Ge travail, commencé-depuis quelques années,a produit trois volumes in-4»
Le comité a pensé qu'il aurait dû être réservé pour des temps plus heureux ; qu'au moins le travail ne devait être payé que lorsqu'il était fini.
Edition de divers ouvrages relatifs à l'histoire de France.
M. Daeier...................... 4,0001iv.
Froisssart est sous presse, et formera un ouvrage presque .neuf.
Histoire générale de. la maison de Bourbon.
M. Dèsormaux.................. 3,600 liv.
M. Marmontel, historiographe: de
France......:.................... 3,600 liv.
La France ne doit pi us payer d'historiographe ; elle trouvera désormais des historiens. Mais M. Marmontel obtiendra certainement de l'Assemblée nationale la conservation de son,traitement, gui sera reporté sur l'État des pensions.
M. l'abbé Garnier._________. ._____ 1,800 liv.
M. l'abbé Garnier a continué une histoire de France : plus libre désormais dans son travail, il y développera l'énergie du caractère et des talents^
M. Moreau; Ouvrage sur le droit public 4*000 liv. 1 Ouvrage historique et po- > 7,000 liv.
litique................... 3,000 )
Le traitement de 4,000 livres n'esti que momentané ; ill s'est prolongé avec letravaiLd'une décision du Roi; et renouvelé en pour ann nées i Le traitement de 3y0001iv. doit être reporté à l'état des pensions.
Jurisprudence uniforme dans les tribunaux.
Messieurs Gam..,.. /2,000liv. LeB...... 2 $00/4,000 liv.
Ces traitements avaient un motif dans l'ancien ordre des choses. Nous aurons une constitution : nous aurons donc des lois, et plus de jurisprudence.
On connaît le patriotisme de M. Camus ; il a prévenu, ou plutôt déterminé la décision du comité des finances ; son collègue a pensé comme lui.
Glossaire français, M. Mouchi, 2,000 livres.
L'idée de ce Glossaire fut conçue par des gens de lettres : réunis chez M. Falconet. Suivre la génération des mots et la filiation des idées qui y ont été successivement attachées,jeter dans ce travail quelques recherches sur nos antiquités, tel fut leur objet. M. de Sainte-Palaie rassembla des matériaux : ils furent dispersés à sa mort. M. Mouchet a travaillé depuis à les réunir ; il y a huit cents pages d'imprimées.
1,000 livres furent assignées par le Roi à M. Mouchet en 1773.
1,000 encore en 1775.
Géographie.
M. Buache......... 1,000 liv. )
Un géographe ordi- [ l,45Qliv.
naire du Roi......... 450 ]
Le traitement de M. Buache est justifié par son travail ; on ne connaît point les titres du géographe de Moulins.
C'est à son département de les apprécier, et on propose de les renvoyer à l'assemblée de Moulins.
Souscription pour divers ouvrages.
Bible latine, Didot l'aîné...........
Keralio (Demoiselle), Histoire de la
reine Elizabeth d'Angleterre.....
M. Beauzée, nouvelle traduction dê
l'Optique de Newton..........
M. Gin, traduction d'Homère.. v.... Sauvigny, Essais historiques sur les
mœurs des Français............
Joubert le jeune, 1 Art de vérifiér lés
dates..........................
De Saint-Pierre, l'Etude de là nature L'abbé de;Coriolîs, Traité sur l'Administration du Comté de Provence. Desessarts, Dictionnaire universel de
Police.........................
Vicq'd'Àzyr, Ouvrage sur l'Anatomie Vauvilliérs, Histoire Universelle, sacrée et profane.................
L'abbé , Histoire des Hommes
marins.......i*.;iY.v»v......
Ponce, graveur, Hommes illustres dé France.....................
3,000 liv.
825
500 7,500
4,800
450 350
646
2,100 2,745
378
1,618
420
25,332 lm
Une grande partie deces ouvrages ont mérité l'intérêt et la protection du Roi; quelques-uns sont dans l'Ordre'de ceux quine doivent pas avoir besoin d'encouragement, parce que faits pour tout lè monde, la vente doit assurer à l'auteur et au libraire le prix de leur travail, et la rentrée de leurs avances ; iî y en a qui sont â leur terme, et qui vont disparaître naturellement de cet état ; mais toutes ces impression s ont été entreprises sur là foi dé la grâce accordée par Sa Majesté, et l'Assemblée nationale doit respecter cet engagement.
On croit seulement qu'il ne faut désormais de souscriptions que pour des ouvrages qui tiennent à l'utilité et non pas à Fàmusement ; qu'elles ne peuveBt point être accordées à un ouvrage en projet, mais à un ouvrage fini et jugé.
enseignement public. A Paris.
A l'Université de Paris.............300,000 liv.
Au collège des Cholets......................12,000
Aux professeurs de droit civil et
canonique .......................................3,600
Aux professeurs de droit français.. 2,000
Aux professeurs de médecine..........3,600
Aux professeurs de théologie..........9,450
Aux professeurs de physique expérimentale.......................................1,600
Aux professeurs d'hydrodinamique. 2,000
Aux écoles de chirurgie..................7,500
Cours de maladie d'yeux..................500
Collège royal, professeurs...........22,000
Syndic..........................2,000
A reporter...........366,250 liv.
Report........... 366,250 liv.
Divers collèges de Paris.
Au collège de Louis-le-Grand.....15,600 liv
Navarre......................... 4,662
Mignon......................... 450
La Mercy.......................310
Cambray, contrat pour achat de
terrains ......................9,335
Tréguier, idem..................6,789
Beauvais, idem.................. 6,789
Bourgogne, contrat, prix de terrains cédés pour l'école de chirurgie ........................19,803
Cholets, cession des bâtiments de ce collège à l'Université..........15,559
445,557 liv.
Observations.
Les 300,000 livres affectées à l'université de Paris sont le prix de l'abandon qu'elle a fait des messageries qui lui appartenaient.
Un contrat du mois d'avril 1719 fixa ce prix au vingt-huitième effectif du bail des postes ; mais l'université n'a jamais touché le vingt-huitième effectif. Des augmentations successives ont porté sa rétribution à 300,000 livres. Sur cette somme, 30,000 livres ont été données au collège de Louis-le-Grand,et 15,000 livres au Collège royal. Il n'en reste donc à la faculté des arts que 255,000 livres prix de l'enseignement gratuit qui lui fut imposé par le contrat de 1719. C'est avec cette somme qu'elle stipendie ses principaux, ses professeurs ; qu'elle assure une retraite à leur vieillesse, qu'elle donne de modiques appointements à des aggrégés destinés à remplacer les professeurs ; qu'elle paye ses officiers, et enrichit tous les ans la bibliothèque.
Pour donner un chef-lieu à l'université, Louis XV acheta le collège des Cholets, au moyen d'une rente en grain, fixée à............. 15,559 liv.
Le chef-lieu n'a point été bâti ; l'université loue les bâtiments des
Cholets qui produisent environ.... 12,000 liv.
On pourrait annuler le contrat d'acquisition du collège des Cholets, le rendre au collège cle Louis-le-Grand, qui remettrait à l'université 15,000 livres sur les 30,000livres qui lui sont assignées sur les postes : le Trésor royal gagnerait à cette opération.... 15,559
Le collège de Louis-le-Grand a reçu du Trésor royal 15,000, livres on ignore à quel titre.
On observe que ce collège a une administration trop étendue et trop compliquée pour n'avoir pas ses abus ;
Que les élèves y sont trop nombreux pour que l'éducation y soit aussi surveillée qu'elle le doit être.
On observe enfin que, si jamais nous avons une éducation vraiment nationale, il sera juste et utile de rendre aux provinces ces fondations mesquines qui originairement n'étaient destinées que pour quelques classes de citoyens, et de leur assurer à toutes, dans leur sein, une éducation générale qui convienne à tous ;
Qu'un plan d'études mieux combiné, plus étendu, rendra à Paris plus qu'il ne perdra par cette distraction en faveur des provinces.
Les autres collèges jouissent de revenus sur le Trésor royal, qui représentent des donations anciennes ou d'anciennes propriétés.
Cambray, Tréguier, Beauvais, Bourgogne ont peut-être été traités avec trop de faveur dans les derniers temps.
Le Collège royal prend sur les 300,000 liv. que 1a Caisse des postes paye à l'université de Paris.............................15,000 liv.
Il a du Trésor royal............. 22,900
Le Syndic a...................... 2,000
39,900
11 n'est pas question ici d'examiner si cet établissement remplit dans toutes ses parties ce qu'on a droit d'attendre d'une pareille dépense; et les économies à cet égard ne pourront être déterminées que quand on considérera l'éducation nationale dans toute son étendue.
TABLEAU.
RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES.
arriéré de l'école vétérinaire. Par M. Lebrun.
Ces dépenses appartiennent à l'administration de 1782 au 5 juin 1787. Etat de ce qui reste à payer aux créanciers de V école vétérinaire d'Al fort.
NUMEROS des
pièces.
10 11 12
13
14
NOMS DES CREANCIERS et
leur profession.
SOMMES qui
leur sont dues.
I
Bei'thaud, pour solde d'ouvrage de , construction, compris dans un devis ho- ? 42,027 liv. 5 s.
mologué le 27 février 1785............ '
I Au même, pour les ouvrages détaillés ) au devis homologué à M. le contrôleur- [ 167,437 » général, le 29 août 1787.............. )
7 d.
OBSERVATIONS.
Enfin, pour celui des ouvrages com pris dans les mémoires d'augmentation ( 30 vérifies par le sieur Célérier, il est dû ' au sieur Berthaud....................
41
Perrier, frères, mécaniciens.
Marguerite, poêlier.
Laurent, plombier. Prévôt, menuisier.
Cheret, orfèvre.
2,047 »
S,994 4
975 10
14,418 13
2,271
Daubenlon, professeur, pour ses ap- 5 pointements des six derniers mois ae ] 1787 ................................
Vicq-d'Azir, idem.......
Fourcroy, professeur. Broussonnet, professeur.
Joron, fermier.
Delaunay, marchand de foin.
A reporter.
lre série. T. XI.
1,500
900 750 750
14,857
3,129
10
I Suivant une lettre de M. de la Fontaine, I du 10 décembre 1788, il paraît que le bu-' rcau des fonds a pris les arrangements f pour acquitter ce qui restait dû au sieur 1 Berthaud ; ainsi il ne sera fait mention ici 1 de cet objet que pour mémoire.
Justifié par des mémoires arrêtés par M. Chabert.
Le mémoire produit a été arrêté par le sieur Célérier, architecte, le 21 février 1788.
Justifié par deux mémoires arrêtés par idem.
Justifié par deux mémoires, idem, idem, les 28 octobre 1786 et 16 novembre 1787.
Justifié par ordonnance de M. Bertliier,
de............................1,130 liv. 10 s.
Idem par un reçu de
M. de Vaudran..................566 »
Idem par un reçu de
M. ûuteil............................575 »
Total.......... a,271 liv. 10 s.
Justifié par le certificat du directeur de » ) l'école d'Alfort du 30 décembre 1788.
Idem.
Idem.
Idem.
Les fournitures faites par ce fermier sont, savoir: Pour 1786, d'après la modération faite par M. Chabert................... 10,944 liv. »
Pour 1787 ........... 0,913 »
Total.......... 17,857 liv. »
Sur quoi il a été payé à compte le 24 avril 1787. 000 liv. »
Partant il lui reste tf.û. 14,857 liv. »
287,978 liv. 2 s. 7 d,
Justifié par un état arrêté par M. Chabert.
25
NUMÉROS NOMS DES CRÉANCIERS SOMMES
des et qui OBSERVATIONS.
pièces. leur profession. leur sont dues.
Ci-contre.................... 287.978 liv. 2 S. 7 d.
15 Madame de Morville, marchande de fourrages............•................ ■ 497 i g Justifié par un mémoire idem, par M. Flandrin.
16 Veuve Chatard, marchande de foin.... 882 » » Justifié par des idem, par M. Chabert.
17 Lambert et Boyer, faïenciers........ 150 » » Idem.
18 480 » Idem
19 1,221 » » Idem.
20 Desplanches, charron................ 2,638 » » Idem.
21 Robert, charron.................... 2,937 » Il était dû au sieur Robert ................... 5,337 liv. » | Sur quoi il a reçu à
Reste dû.......... 2,937 liv. »
22 241 » Justifié par des mémoires arrêtés par M. Chabert.
23 114 » » Justifié par un mémoire arrêté par M. Chabert
24 1,387 4 Les mémoires arrêtés montent à............. 1,744 liv. 04s. Sur quoi il a été payé
4 Reste dû.......... 1,587 liv. 04 s.
25 216 b ' 1 Justifié par des mémoires arrêtés par Chabert.
26 Le Moine, vitrier.................... 1,369 5 » i Justifié par des mémoires arrêtés, et qui Sur quoi il a été payé. 240 »
Total.......... 456 »
Reste dû.......... 1,369 liv. 05 s.
27 757 » 35 i Justifié par un état arrêlé par M. Chabert.
28 228 » 3) Justifié par idem.
29 405 » » Justifié par idem.
30 400 » » Idem. %
St 3,446 3) » Les mémoires arrêtés par M. Chabert montent à la somme de. 4,680 liv. » Sur quoi payé â compte. 1,234 »
32 7,880 » » ; Justifié par un mémoire arrêté par M. Chabert.
33 459 » » Idem.
34 Chardon, épicier.................... 1,230 s » Idem.
35 242 10 » Idem.
36 122 16 » Idem.
37 3,838 19 3 Idem.
38» 340 » » Idem.
/ 319,277 liv. 18 S. 10 d.
NUMEROS des
pièces.
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49 80
51
52
53
54
55
56
NOMS DES CREANCIERS et
leur profession.
Ci-contre,
Millon, cloutier.
Boissette, marchand de charbon.
Chapelet, peintre..............
Baichoux, marchand d'arbres....
Villemorin grainier.
Jacquot, coutelier Bertin, coutelier...
Coûtons, marchand de bois.
Mayer, tapissier...................
Charre, tapissier .................
La Cour, marchand de couleurs....
Senaud, taillandier................
Masson, boucher..................
Schusselaire, chaudronnier.........
Boulogne, voiturier...............
François, marchand d'arbres.......
Compiègne, potier d'étain..........
Rimbauît, marchand de papier......
SOMMES qui
leur sont dues.
319,277 liv. 18 s. 10 d.
1,239
M. Blondel, intendant des finances, a fait passer cet état au bureau des fonds le 27 mars 1789 ; mais depuis l'envoi qui en a été fait, M. l'intendant de Paris a encore adressé à M. Blondel les objets suivants.
Savoir :
Un mémoire par lequel le sieur Cosaque, menuisier, demande le payement d'une somme de...............
Un autre des sieurs Migault et Fournier, peintres...
Et un autre du sieur Des Rosiers.................
Total.
4,336
791 103 51 127 29 90 600 88
642
119 353 600
1
467 323 1,018 9
1,064 15
350 » 313 10
4,906 »
10
13
OBSERVATIONS.
Le mémoire arrêté
monte à................ 1,810 liv. »
Sur quoi il a été payé à compte............... 571 »
Reste dû.
1,239 liv. »
e t Justifié par des mémoires visés par le ( directeur.
fi | Le mémoire est arrêté par le sieur Célé-f rier, architecte. I
i Les mémoires sont arrêtés par le direc-j teur. I
Les mémoires montent
à...................... 1,278 liv. 15 s.
Sur quoi déduire pour pension d'un cheval qu'il avait placé à l'Ecole.... 214 j>
Reste dû.
1,064 liv. 15 s.
Justifié par des quittances du directeur.
ustifiés ; Chabert.
I Justifiés par des mémoires arrêtés par \ M. '
I
Justifié par mémoire arrêté par M. Chabert................... 1,094 liv. »
Idem, par trois ordonnances, ensemble....... 3,812 »
Total.......... 4,906 liv. »
Justifié par un état arrêté par M. Cha-
S Justi l bert.
» »
Idem.
Les mémoires sont arrêtés par idem. Idem.
Justifié par un mémoire arrêté par idem. Idem.
Le mémoire est arrêté par M. Flandrin. Idem, par M. Chabert. Idem.
Le mémoire est arrêté par [M. Célérier, architecte
337,288 liv. 18 s. 14 d.
La totalité des dettes anciennes de l'école vétérinaire d'Alfort, contractées sous l'administration de M. Berthier, monte à.............. 337,288 liv. 18 s. 4 d
Sur laquelle il paraît que le Trésor royal a payé au sieur Berthaud, maître maçon.......................
Partant il reste à payer quatre-vingt-dix-sept mille sept cent quatre-vingt-trois livres douze sols sept deniers, ci.....................«......................
239,505
97,783 liv. 12 S. 7 d.
RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES par AI. Lebrun.
école vétérinaire
A Al fort, paroisse de Maisonville,près de Charenton.
Directeur, appointements, frais de
bureau, secrétaires...............1l,000 liv.
Directeur-adjoint, faisant les fonctions de professeur d'anatomie .. 5,000
Quatre professeurs, à douze cents liv. 4,800
Deux sous-professeurs à six cents livres........................ .1,200
Aumônier..........................................1,200
Régisseur-caissier, concierge............1,000
Maître palfrenier..............................300
Maître jardinier........................600
Suisse......................................600
Hôpitaux, pharmacie............................4,500
Forge.... ............................2,400
Cabinet....................................................3,000
Jardin..................................600
Réparations........................................6,000
Quatre élèves aux frais du Roi..........2,033
Total..............44,233 liv.
Observations.
Lyon avait une école vétérinaire qui subsiste encore,avec 15,000 livres qui lui sont assignées sur la ferme des fiacres de cette ville. En 1765, M. Bertin inspira au feu roi d'en établir une à la porte de la capitale.
On acheta, pour le recevoir, le château d'Alfort, près de Charenton, fiarc, jardin, 22 arpents de terre dans a campagne..................... 30,000 liv.
Et 2,000 livres rente viagère sur la tête du baron de Bormes, ci....... 20,000
L'établissement fut formé. Les commissaires départis y envoyèrent des élèves, qui y furent entretenus aux frais des provinces.
Il y en a toujours eu environ cent, qui coûtent chacun 500 livres par an.
Le ministre de la guerre fit caserner dans les environs soixante cavaliers destinés à devenir maréchaux dans les régiments.
Ils ont été depuis réduits à 20 ou 24, entretenus aux dépens du département de la guerre.
Le Roi y en entretient quatre depuis quelques années. Les fonds destinés à cette école furent fixés à 60,000 livres, et ne s'élevèrent pas plus haut jusqu'en 1782.
M. Bertin, en quittant le ministère, reversa dans le Trésor royal 100,000 livres qu'il avait économisées sur cette administration.
En 1782, nouvelle administration, et nouvelles idées.
On appela des médecins ; on chan-
gea le régime : on voulut plus de science, plus de magnificence, et de là une dette qui, en août 1787, s'élevait à plus de 300,000 livres.
Il fallut revenir à l'économie et à des idées plus simples.
La dépense fut fixée à 44,233 livres.
Chaque objet fut déterminé, et il paraît quedepuis cetteépoque l'ordres a régné dans toutes les parties de cet établissement, et qu'il n'existe de dette de la nouvelle administration que 5,154 livres.
11 y a un jardin botanique bien tenu, un superbe cabinet d'anatomie, qui s'est formé par des travaux successifs.
Il y a en ce moment cent-douze élèves.
On y reçoit des chevaux dont la pension et le traitement produisent quelques bénéfices et l'instruction pratique des élèves.
Ferme de Maisonville.
Une des fautes de l'administration qui succéda à celle de M. Bertin, fut 1 acquisition d'une ferme qui autrefois avait dépandu du château d'Alfort, et qui en avait été détachée ; le propriétaire l'avait vendu 80,000 livres représentée par 4,000 livres de rente, et un pot-ae-vin de 10,000 livres ; mais, rentré en possession faute de de paiement de la rente,il la revendit au roi sous le ministère de M. de Ca-lonne, pour une somme de........ 74,050 liv.
Payé comptant................. 17,000
Pot-de.vin..................... 2,400
Rente viagère sur deux têtes,
7,200 livres au moins............. 90,000
de rente perpétuelles dues sur cetteferme.
P1US 1,'3811.' 16L4dj2.492I.18f.4d.ci 50,000
Douze boisseaux d'orges, dont plusieurs années d'arrérages, et enfin lots et ventes..................... 22,000
255,450
A déduire la rente viagère de 2,000 livres sur Alfort,quifut éteinte, ci............................... 20,000
235,450
Dû sur cette ferme.
1°. Le capital aux consignations. 74,050 2°. La rente de 7,200 liv. sur deux
têtes..........................................90,000
3°. Les deux rentes ensemble,
2,492 liv. 18 f. 4 d. ci..................50,000
4°. Les lots et ventes ...................22,000
5°. 16,200 liv. arrérages des deux
rentes ...............................16,200
6°. Douze boisseaux d'orge......
252,250
La régie de cette ferme sous la première administration a été très-onéreuse : c'était des expériences hasardées, des idées vastes et poiDt d'ordre. Sous la nouvelle, on s'est resserré, et ce n'a plus été qu'une simple exploitation. La recette depuis deux ans balance à peu près la dépense. Il y a même un bénéfice, parce qu'on a construit dans ces deux années une grange considérable : mais il n'en résulte pas moins un déficit important, si on compare le produit avec le capital de l'acquisition. Quelque parti qu'on prenne sur l'école vétérinaire, il est indispensable de vendre cette ferme ou de la louer.
L'école vétérinaire est portée à60,000 livres dans la plupart des comptes qui ont été imprimés, et le compte réel ne s'en écarte pas, puisque l'école consomme le produit de la ferme, qui, évaluée sur le capital, devrait donner environ 13,000 liv.
Le comité des finances proposera ses vues ultérieures, et se borne en ce moment à cet état de situation.
RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES
Par II. Lebrun
Arriéré des dépenses du Jardin du Roi.
Les sommes comprises dans cet état forment le restant des dépenses faites: 1° pour l'acquisition des terrains employés à l'agrandissement du jardin ; 2° pour celle des maisons et hôtels qui. servent de logement aux gardes du cabinet, aux professeurs et autres officiers du jardin ; 3° pour la construction de l'amphithéâtre; 4° pour la bâtisse des nouvelles galeries du cabinet d'histoire naturelle; 5° et enfin pour la maçonnerie de la grande serre chaude destinée à conserver et à naturaliser les végétaux étrangers. A M. de Buffon fils, pour avances faites par M. son père, suivant les mémoires et pièces justificatives... 2° A lui pour intérêts d'une maison prise pour le Jardin du Roi, six premiers
mois ..................
Au sieur Thorel,maitre charpentier................
Au sieur Mille, serrurier, restant d'une ordonnance
de 119,8311. 3 s. 7 d____
Au sieur Farcy, plombier.. Au sieur Pequery, peintre. Au sieur Thiery, fondeur . Au sieur Cotigny, poélier . Au sieur Biard, paveur.... Au sieur La Blanche, marbrier ..................
Au sieurGrandelet, couvreur Au sieur Gérôme, vitrier .. Au sieur Conetable, carreleur .................
Au sieur Forget, toiseur... Au sieur Damas, menuisier Dû aux professeurs, démonstrateurs, et sur1788,
environ...............
Dépense courante du jardin du Roi au 31 déc. 1789,
environ...............
Dépense extraordinaire de 1789, environ..........
121,5911. 9 s.
12,800 1. 155,962 1. 9 s. 10 d.
111,731 1. 20,2031. 11,787 1. 9,358 1. 12,818 1. 23,405 1.
2 s.
6 s. 8 s.
7 s. 6 s. 2 s. 10 d.
7d. 2 d. 2d. 4d.
4,304 1. 2 s. 10 d. 9,4171.17 s. ld. 12,3401. 6 s. 11 d.
2,5131. 12 s. 1,1521.12 s. 35,840 1.10 s. 9d.
10,000 1.
45,0001.
5,800 1.
Total..... 606,026 1. 16 s. 6d.
11 a été accordé pour achever une grande serre chaude, destinée à recevoir une riche collection d'arbres étrangers, 20,000 liv., payables en dix-huit mois, à compte du premier décembre 1789 ci.........20,000 livres pour....... mémoire.
RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES.
DÉPARTEMENT DES MINES, Par SI. Lebrun, Professeur.
M. Sage, comme professeur de minéralogie
souterraine.......... 5,000 liv.
Comme commissaire pour l'essai des métaux
et minéraux......... 6,000
Pour sa collection de
minéraux........... 5,000
M. Duhamel, comme professeur de géométrie souterraine...... 2,400
Comme inspecteur-
général ...........
Traitement........ 3,000
Gratifications...... 1,000
M. l'abbé Clouet, comme professeur de langues étrangères... 1,500
Gratifications...... 500
M. Brottemann , comme professeur pratique à Poullaouen... 2,400
M. Charles, pour enseigner la physique aux élèves.......... 600
16,000 liv.
6,400 liv.
2,000
3,000
Inspecteurs généraux.
M. Jars, traitement. 3,000 liv.
Gratifications...... 1,000
M. Monet, traitement 3,000
Gratifications...... 1,000
M. de Beljeant, trai- 3,000
1,000
M. Gillet deLauraont,
traitement.......... 3,000
Gratifications...... 1.000
4,000 liv. 4,000
4,000
4,000
Voyages des inspecteurs généraux.
Année commune............... 10,000 liv.
M. Pajot de Charmes, inspecteur honoraire .......................
Sous-inspecteurs.
1,000
j. Besson.................... M2Sliy
flassenfrats................ f
Voyages, année commune... 4,001)
Ingénieurs.
MM. Duhamel, fils ...............600
Le Lièvre....................................600
D'Hellancourt............................600
LeNoir ...............................600
Miché.................600
Brigaudin l'aîné ;.......... 600
Et pou rieurs voyages à4001iv.
chacun .v i :... I. m 2,400
Elèves.
A deux élèves qui donnent des leçons à leurs confrères........................400 liv.
Pour gratifications à douze élèves. 2,400
Prix à, distribuer .......................600
Commissaires du Roi.
E. de Dietrick, pour i
appointements............6,000 liv. 9,000
Pour voyages..........3,000 12,000
M. Faujas de Saint-Fond, pour pension . 6,000 Pour appointements 4,000 Pour voyages, environ.................2,000
91,800 liv.
Cabinet des mines.
M. de Vozelle, secrétaire et garde du cabinet, traitement..3,000 liv.
Gratifications..... 1,000 /4,000 liv.
Le sieur Bataillard, concierge, pour traitement .............1,000
Gratification ..... 200 /2,400
Deux garçons du cabinet........1,200/ 3,000
Entretien des machines du cabinet et de la salle, et achat de minéraux.
Pensions.
A Madame Olivier ,.................• 3,000 liv.
A la veuve Rougé........2,000
A la veuve Ruffin..................150
Pour appointements, gratifications et frais des bureaux du département
des mines............»......................33,250
140,800 liv.
Nota : Ce bureau est commun à celui des messageries.
Observation.
Les mines n'étaient autrefois qu'un objet de prétentions pour le gouvernement, de gênes et de vexations pour les propriétaires.
De grands seigneurs en obtenaient la surintendance et des appointements sans travail. Des intrigants sollicitaient des privilèges et ruinaient des compagnies.
En 1738, à la mort de M. le duc de Bourbon, dernier surintendant, M. Trudaine père en fut chargé. Sous lui la dépense se bornait à un bureau pour l'expédition des concessions et la connaissance des difficultés qui en étaient la suite.
Quelques sujets voyageaient pour acquérir ou répandre des connaissances. On les consultait au besoin. Après M. Trudaine, M. Bertin ; toujours mêmes principes et même économie.
En 1778, création d'une chaire de minéralogie et de métallurgie à l'Hôtel des Monnaies, avec 2,000 livres d'appointement.
En 1781, quatre places d'inspecteurs des mines, qui doivent parcourir les provinces, éclairer les ouvriers, etc.
En 1783, établissement d'une école en règle ; un professeur de géométrie souterraine, de physique, d'hydraulique.
Un cours d'étude de deux années, les élèves soumis à des inspections, à des examens ; destinés à des voyages dans les exploitations les plus actives, encouragés par des prix, par l'expectative du grade de sous-ingénieur.
En 1785, création d'une chaire de professeur de langues étrangères.
En 1785, encore un professeur-pratique, et 600 livres de gratification accordées à M. Charles, professeur de physique, pour recevoir les élèves a son cours.
Cependant on avait formé le cabinet des mines, et on y avait placé la collection des minéraux achetée de M. Sage, pour une rente viagère de 5,000 liv. ci............ 5,000 liv.
La décoration du cabinet a coûté environ...............112,000
Dont il est encore dû à peu près 36,000
La dépense de l'établissement a été calculée pour un autre royaume que la France ; pour la Suède, par exemple, ou pour l'Espagne, dont les mines constituent une grande partie de la richesse publique.
Mais chez un peuple agricole, les mines ne peuvent être qu'objet de police et d'inspection. On doit à cette partie protection, encouragement, instruction, sans faste et sans magnificence ; l'intérêt particulier fera le reste.
D'après les principes adoptés par le comité des finances, l'établissement des mines doit être réduit au simple nécessaire.
L'administrateur actuel (1) l'avait considéré sous le même point de vue, et le comité se
fait un devoir de lui rendre la justice d'annoncer qu'il ne proposera presque point
d'économie qu'il n'eût lui-même indiquée.
des rentes viagères de VHôtel-de-Ville de Paris,
Contenant les dates des édits de création, les capitaux fournis au Trésor royal sur chaque emprunt, les rentes originaires, les sommes pour lesquelles elles subsistaient au l®r janvier 1789, déduction faite des retenues, la somme restant due intrinsèquement, on y comprenant l'objet des retenues, et les extinctions survenues depuis l'époque de la création jusqu'audit jour 1er janvier 1789.
NOTES.
Évaluation du capital.
Idem. Idem,
Idem. Idem.
Exempt de retenue... Idem..............
Idem...........
Exempt de retenue... Idem .............
Idem..............
Par estimation.......
Rente de la compagnie] des Indes............
EDITS de
création.
8 0/0 sans retenue.
Tontine.
Féviier 1702.., Juillet 1704...,
Mai 1714.......
Mars 1715.....
Août 1717......
Octobre 1717...
Août 1720......
Novembre 1722 Juillet 1723..., Janvier 1724..., Décembre 1737.
Août 1739......
Novembre 1740. Octobre 1741.., Janvier 1743... Février 1743.. Novembre 1744 Juillet 1747....
Mai 1751.......
Novembre 1754 Novembre 1757, Novembre 1758 Novembre 1761 Janvier 1766.. Décembre 1768
Juin 1771.....
.Janvier 1777 .. Novembre 1778 Novembre 1779
Août 1780.....
Février 1781.. Mars 1781 .... Janvier 1782... Décembre 1783 Déeembre 1785
Mai 1787......
Novembre 1787 Février 1724...
Mai 1748......
Août 1765.....
Février 1770 .. Gouvernements 2 janvier 1696. 6 janvier 1709.
4 janvier 1733.,
5 janvier 1734.
6 janvier 1743.,
7 février 1743.,
8 février 1744.,
9 février 1745.,
10 février 1759,
Totaux ..,
CAPITAUX fournis au
tresor royal.
20,600,000 1,000,000 4,800,000 1,200,000 19,200,000 2,500,000 100,000,000 100,000,000 100,000,000 100,000,000 4,000,000 8,000,000 6,000,000 8,200,000 2,800,000 2,500,000 4,800,000 12,000,000 21,800,000 26,680,000 60,000,000 39,000,000 43,500,000 60,000,000 44,563,190 119,793,000 9,800,000 48,365,000 67,150,000 2,216,900 76,085,900 89,828,106 190,294,160 100,000,000 5,910,120 66,958,792 120,000,000 10,349,620 8,220,560 8,839,200 11,429,710 7,886,000 12,000,000 2,000,000 18,810,000 15,570,000 6,300,000 6,300,000 9,000,000 9,000,000 46,870,000
1,861,820,258
RENTES
originaires.
1,300,000 100,000 400,000 100,000 1,200,000 100,000 4,000,000 4,000,000 4,000,000 4,000,000 400,000 800,000 600,000 820,000 250,000 250,000 480,000 1,200,000 2,180,090 2,480,000 6,000,000 3,700,000 4,100,000 6,000.000 4,166,000 9,397,469 1,080,000 4,519,213 6,571,958 210,854 7,051,539 8,727,376 18,451,560 10,466,130 591,120 6,004,849 12,000,000 1,034,962 822,056 883,920 1,142,971 630,880 1,200,000 200,000 1,047,537 1,463,000 315,000 315,000 877,200 889,500 4,610,532
153,130,627
RENTES subsistantes au
1er janvier 1789 déduction
faite du dixième.
1,397 123 6,900 528 13,952 2,741 89,353 87,961 1,47,176 1,25,053 81,663 1,67,996 13,185 22,006 J?6,12d 44,333 61,074 169,246 280,144 437,414 3,021,015 1,508,790 2,656,404 3,614,914 3,580,689 8,286,388 987,408 3,856,091 5,671,798 182,222 6,830,116 7,639,309 17,789,799 9,760,080 531,911 6,004,840 12,000,000 427,250 435,652 570,253 784,542 532,204 100 5,631 116,064 96,723 94,536 95,478 208,819 176,224 2,406,275
101,687,938
MONTANT effectif, y compris le dixième pour
celles qui y sont assujetties.
1,552 136 11,000 586 15,502 3,041 99,281 97,734 163,528 138,947 90,736 186,662 14,650 24,451 62,361 49,238 67,860 188,051 316,826 486,015 3,386,677 1,676,438 2,951,560 4,016,571 3,978,543 8,286,388 987,403 4,284,545 6,301,997 202,468 6,830,116 8,388,121 17,789,799 9,760,080 501,120 6,004,849 12,000,000 474,722 484,057 633,614 871,713 132,204 100 5,631 116,094 06,723 94,536 95,478 208,819 176,224 2,406,275
105,721,022
EXTINCTIONS
depuis l'origine jusqu'au 1er janvier 1789.
1,298,448 99,864 389,000 99,414 1,184,498 96,959 3,800,719 3,902,266 3,836,472 3,861,053 399,264 613,338 585,350 798,549 187,639 200,762 412,140 1,011,945 1,863,144 1,993,985 2,643,323 2,023,567 1,148,440 1,983,429 187,457 1,111,081 92,592 234,668 269,961 8,385 221,423 239,256 661,762 706,050
560,240 337,099 250,306 271,258 98,67f 1,199,900 194,369 911,443 1,366,277 220,464 119,522 668,381 713,276 2,204,257
47,409,605
Rentes viagères réunies à celles de l'Hôtel-de-Ville, à compter du 1er janvier 1788, dont on ne connaît pas les
capitaux ni les rentes originaires.
( Edit de mai 1761.
Ordre du Saint-Esprit.....] De juin 1770.....
( De février 1777. r,.
Hôpital de Toulouse.........................
72,152 liv. 153,865 139,552
365,569 liv. 37,666
Total,
403,235 liv.
TABLEAU
des rentes perpétuelles de l'Hôtel-de-Ville de Paris.
Contenant les édits de création desdites rentes, les capitaux fournis au Trésor royal, le net des rentes subsistant au 1er janvier 1789, le montant desdites rentes, y compris les retenues auxquelles elles sont assujetties, et les extinctions qui y sont survenues par des remboursements successifs.
notes.
Sujet au 15e.......
Sujet au 10».......
4 0/0 sans retenue. Idem,............
5 0/0 sans retenue.
Idem........................Première classe.
Idem retenue du 15e ... Seconde........
Idem, retenue du 10e... Troisième.......
5 0/0, retenue du 10® et) ...........
reténue de a s p. 1... Quat»ème.......
edits de
création.
Juin 1720......
Avril 1758.....
Février 1770... Janvier 1777.... Décembre 1785.
reconstitution. Février 1786.
Sujet au 15e......
Réduits à moitié. 4 0/0 sujets au 10° Réduits à moitié. Idem,..........
rentes de la caisse d'amortissement.
CAPITAUX fournis au
trésor royal.
Réduits à 4 0/0.....
Idem............
4 0/0 ets au 10e.
Réduits moitié.......
Idem..............
Toutes sortes de deniers.
Réduits à moitié.......
Idem, à 4 0/0 sujet au 10e.
Réduites à 4 0/0........
Réduites à moité.......
Idem................
Sans retenue...........
Idem................
Réduites à moitié......
Sujettes au 10*.........
Idem................j
Toutes sortes de deniers. I Réduites à moitié ...... I
Sujettes au 10e.......
Août 1720, tailles.... Cinquante millions...
Cuirs, août 1759.....
Cuirs, mai 1760......
Cuirs, juillet 1761... Deux sols pour livre)
du 10e.............\
4e loterie royale......j
Indes de création
d'août 1765.........'
Colonies.............
Canada ..............
Domaines et bois.....
Annuités.............
Bretagne, 40 millions.. Actions des fermes....
Flandre maritime......
Offices municipaux.... Lorraine et Darrois...
Fortifications.........
Alsace...............
Offices sur les ports.. Augmentation de gages
en 1758............1
Fermes et gabelles ... ( Postes, mai I75t......
de
Idem.
Idem................
Idem............
Idem................
Réduites à moitié......
Toutes sortes de deniers.
Sujettes au 10®.........
Idem................
Idem....;...........
Idem................
Idem................
Exempts de retenue....
Sujettes au 10e.........
Idem................
Idem................
Idem................
Idem................
Idem................
Indes, emprunt
12 miliions.........
Indes, emprunt dei
18 millions.........
Droits manuels.......
Offices supprimés.....
Idem, Ordre de S.-Louis Dettes de la guerre... Taxations............
rentes
des offices sur les ports.
Capital par estimation..
Remboursement de la charge de chancelier de l'ordre de Saint-Louis...............
Volaille..............
Plancheurs...........
Garde-nuits..........
Inspecteurs des veaux.
Auueurs de toiles.....
Inspecteurs des vins.. Vendeurs de marée... Mesureurs de charbon. Porteurs de charbon..
Vendeurs de foin.....
Mesureurs de grains..
Porteurs de grains.....
Rentes constituées par l'Ordre du St-Esprit. |
Rentes à M. dePaulmyj à 4 0/0............t
1,000,000,000 80,000,000 187,741,200 18,000,000 3,065,500
6,420,000 10,800,000 4,126,620
631,920
400,000,000 36,585,630 2,748,426 60,000,000 30,000,000
36,000,000
26,634,853
24,600,000
24,495,307 40,813,980 9,826,100 34,089,300 40,600,000 72,000,000 5,623,910 3,585,297 137,880 353,960 53,703,300 4,194,580
2,880,000
7,051,980 30,000,000
12,000,000
18,000,000
900,000 18,666,fc66 832,500 60,270,965 2,995,183
1,192,000 5,932,000 2,938,000 520,000 2,694,100 6,980,840 7,800,000 116,000 104,000 3,283,249 1,129,080 1,411,600
11,269,740
150,000
Totaux
2,417,895,652
RENTES
originaires.
25,000,000 3,200,000 7,809,648 720,000 153,275
321,000 540,000 206,3311
31,596
4,000,000 1,779,281 132,421 1,800,000 900,000
1,800,000
1,331,742
1,107,000
1,224,765 1,836,630 393,044 1,704,425 2,030,000 3,600,000 281,195 179,264 6,894 17,698 2,685,165 209,729
144,000
235,067 900,000
600,000
900,000
48,000 933,333 41,625 3,113,550 103,206
59,600 286,600 146,900 26,000 134,705 349,042 390,000 5,800 5,200 164,162 56,454 70,580
563,487
6,000
73,986,414
RENTES existantes au
1er janvier 1789.
19,682,679 2,608,257 7,284,889 656,040 153,275
1,098,927
3,244,309 695,188
1,110,391
743,382
808,701
976,664
479,719 776,710 285,052 670,486 1,269,518 1,976,251 129,863 69,114 6,347 17,387 995,483 178,952
118,030
222,496 306,854
487,602
744,003
34,717 786,405 35,325 1,367,354 97,949
52,744 227,802 126,072 20,291 104,529 325,887 327,492 4,303 4,179 135,775 48,761 56,886
363,487
6,000
52,119,537
RENTES effectives, compris les retenues aux-
t quelles elles sont sujettes.
20,793,790 a,898,063 7,284,889 656,040 153,275
1,098,927
3,584,625 1,390,376
2,083,361
908,578
988,522
1,085,193
959,438 1,547,420 285,052 1,340,972 1,724,035 2,419,417 259,726 138,328 6,347 17,387 1,990,966 198,835
131,144
222,496 613,708
541,780
826,670
38,574 873'783 39,250 2,734,708 97,949
58,604 253,113 140,080 22,545 116,141 325,887 363,880 4,781 4,643 150,861 54,178 63,206
563,487
6,000
EXTINCTIONS survenues par
les remboursements.
62,056,930
rentes perpétuelles ci-devant payées par la Caisse d'amortissement et réunies à la partie des rentes, à compter du 1er janvier 1788, qu'on n'a pas pu comprendre dans le tableau ci-contre, attendu que les constitutions ci-après sont à prendre dans des emprunts dont la majeure partie subsiste en effets au porteur; et dont les intérêts sont payés par le Trésor royal.
ÉDITS DE CRÉATION. CAPITAUX. RENTES constitnées et portées à l'Hôtel-.Je-Ville.
Décembre 1783...................................................... Totaux........................................ 100,000,000 liv. 125,000,000 914,520 liv. 43,250
235,000,000 liv. 957,770 liv.
Conforme à l'état remis par le Trésor royal.
(de Nemours), au nom du comité des finances, propose le décret suivant, sur l'abolition du régime prohibitif des haras et dit :
L'Assemblée nationale a voulu détruire le régime des haras, puisqu'elle est dans la disposition d'en supprimer les dépenses. Elle l'a manifesté dans le préambule de son décret du 6 octobre dernier. Le ministre des finances l'a bien regardé comme supprimée, mais vous n'avez pas prononcé positivement sur le sort des établissements qui en font l'objet, ainsi que sur plusieurs autres dépenses qui vous sont connues, savoir : pour M. Des Essarts, en qualité d'ancien commis des haras, dix milles livre ; à M. de Polignac pour l'établissement de Chambord, cent mille livres pendant cinq ans; sur les recettes générales de quelques provinces, cinquante mille livres. Total : neuf cent soixante-quinze mille livres, sans y comprendre les traitements et gratifications particulières que ce régime occasionne.
11 est constant, d'après une trop longue expérience, que l'Etat n'a pas retiré de ces établissements l'avantage qu'il en avait espéré et que l'espèce des chevaux n'est devenue plus rare et plus abâtardie en France que depuis le régime prohibitif si contraire à vos principes.
C'est depuis cette époque que la France, négligeant ses propres productions, va porter pour la remonte même de ses troupes un numéraire immense dans les pays étrangers et que le luxe fait venir à grands frais des chevaux d'Angleterre.
C'est pour rémédier à de pareils maux, que vous connaissez mieux que je ne saurais les calculer, que le comité des finances vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale ayant, par le préambule de son décret du 6 octobre dernier, déterminé une réduction de 814,000 livres sur la dépense des haras ;
« Considérant que les établissements n'ont point produit dans l'Etat les effets qu'on avait lieu d'en attendre ; qu'ils sont nuisibles au commerce, destrucfifs ae l'espèce, contraires aux
vrais principes de la liberté, à charge au Trésor public et onéreux aux provinces, a décrété et décrète :
Art. 1er. Le régime prohibitif des haras est aboli.
Art. 2. Toutes les dépenses relatives aux haras sont supprimées.
Art. 3. Les étalons et les établissements des haras, autres que ceux qui sont formés dans les domaines dont le Roi se réserve la jouissance, sont à la disposition des département, à la charge de rendre justice à cet égard aux communautés et aux particuliers qui avaient fait les fonds de ces différents établissements. »
Je ferai remarquer à l'Assemblée que la plupart des haras sont dans les domaines du Roi ; que d'ailleurs, il n'est pas convenable de détruire entièrement et tout à coup ces établissements publics. 11 faut, d'ailleurs, distinguer dans les haras ceux qui sont devenus nationaux et ceux que le Roi se réserve ; le décret proposé ne peut concerner que les premiers, les seconds devant être compris dans la liste civile. Je propose, en outre, que le décret ne soit exécuté qu'à la formation des départements.
A l'appui de l'opinion de M. Laborde de Méréville, je viens rappeler à l'Assemblée qu'il n'y a de haras, pour le service des écuries du Roi qu'en Normandie, à Pompa-dour et en Limousin.
Supprimons les abus dans l'administration des haras, mais n'abolissons par les haras, ce serait une mesure impolitique et désastreuse pour notre remonte. Je propose de confier la surveillance des haras aux assemblées de départements et de districts.
Le meilleur moyen d'avoir de bons chevaux est de n'avoir point de haras, comme pour avoir de bons arbres, il ne fantjpas avoir de pépinières publiques ; toute
distinction, toute prohibition étouffe l'industrie. Je suis donc d'avis d'abolir les haras ; mais il faut prendre des précautions pour ne pas s'exposer à perdre les frais immenses qu'ont coûtés ces établissements. (Cesparoles excitent des murmures dans l'Assemblée).
En proposant l'abolition du régime prohibitif des haras, le comité y substitue le régime confiscatif. L'article 3 est une dérogation à la déclaration des droits. Je conviens que nos remontes et notre commerce de chevaux tirés de l'étranger coûtent infiniment à l'Etat, puisque les remontes seulesde la cavalerie s'élèvent à près de deux millions, mais je pense qu'au lieu de détruire les haras, il est plus sage de les réformer et je conclus à l'ajournement du décret proposé.
Le dispositif de l'article 3 semble autoriser les assemblées administratives des départements à dépouiller les particuliers de leurs établissements de haras; je propose, par amendement, que cet article ne soit applicable, ni aux domaines du Roi, ni aux particuliers.
Pour trancher la question, beaucoup trop longuement discutée, il faut laisser à chaque particulier le droit naturel d'élever les chevaux qu'il lui plaira.
Je conviens qu'il s'est introduit des abus dans le régime des haras ; mais j'objecte que la suppression de ces établissements et des encouragements accordés dans les provinces nuirait à la multiplication de l'espèce chevaline ; je propose donc de conserver les entrepôts d'étalons parce que peu de particuliers sont en état d'en avoir de bons à eux.
La suppression proposée ne peut avoir lieu qu'avec de grands ménagements. Je propose d'ajourner la discussion et d'inviter le comité des hnances à communiquer, sur cet objet, avec les comités militaire et d'agriculture.
consulte l'Assemblée qui ferme la discussion.
L'article premier est mis aux voix et adopté.
Les articles 2 et 3 sont ensuite relus.
propose une nouvelle rédaction.
propose de renvoyer l'examen préparatoire de cet amendement au, comité des finances qui sera chargé de présenter demain une rédaction qui puisse parer à tous les inconvénients qui viennent d'être signalés.
Le renvoi n'est pas ordonné.
propose de laisser l'entretien des haras aux frais du gouvernement jusqu'à la formation des assemblées de département.
, député du Maine, propose de revenir sur l'adoption de l'article premier et de décréter un seul article qui contienne à la fois l'abolition du régime prohibitif et qui réserve les autres questions jusqu'à la formation des assemblées de département et de district.
Cette motion semble réunir l'assentiment de la majorité de l'Assemblée.
Les articles du comité sont abandonnés.
(de Nemours) propose ensuite une rédaction qui est décrétée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète que les dépenses des haras sont supprimées à compter du 1er janvier courant et qu'il sera pourvu à la dépense et entretien des chevaux, en la forme accoutumée, jusqu'à ce que les assemblées de département y aient pourvu ».
lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET.
Séance du
, l'un de M. M. les secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
présente quelques observations au sujet du décret concernant la ville de Saint-Paul et la ville d'Antibes. Il demande qu'il soit bien expliqué que la ville d'Antibes ne sera point séparée du district de Grasse.
L'Assemblée maintient son vote d'hier et décide que le décret sera rédigé dans le sens indiqué par l'opinant.
Le procès-verbal est ensuite mis aux voix et adopté.
L ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
(de Nemours), organe du comité de constitution, présente un décret concernant le département de Bar-le-Duc. (M. Gossin s'était abstenu de faire le rapport sur la division de ce département qui était le sien.)
réclame pour la Champagne un bourg considérable qui a été compris dans le département de Bar-le-Buc. , Cette réclamation d'est pas admise.
réclame un chef-lieu de district pour Glermont-en-Argonne.
Un autre membre prétend que le chef-lieu de district sera mieux placé à Varennes et propose, en tous cas, de faire alterner Clermont et Va-rennes.
, député de Verdunt dit que la ville de Verdun, tout en conservant son siège épis-copal et tous les établissements ecclésiastiques qui en dépendent, doit alterner avec la ville de Bar-le-Duc ou de Saint-Mihiel pour être le siège de l'assemblée administrative au département et de son directoire. Il consent que la première assemblée se tienne dans la ville de Bar et propose de renvoyer toutes les autres difficultés à la décision des électeurs assemblés.
demande que les villages de
propose que les villages de Baudeville, Juerville, Dousson, Gussel èt Brioley-sur-Meuse,tous situés au couchant de cette rivière, soient cédés par le district du Bas-Gler-montois à celui de la partie haute de cette province; il indique provisoirement pour chef-lieu la ville de varennes, sauf aux électeurs à le fixer ensuite à Glermont, mais toutefois en conservant à Varennes la juridiction des deux districts.
, député de Bar, rappelle une convention faite avec les députés de Verdun, lorsque cette ville, pour conserver ses établissements ecclésiastiques,a demandé à faire partie du département de Bar-le-Duc. Il se plaint ae ce qu'au mépris d'une convention par laquelle Verdun avait contracté l'obligation de ne pas disputer le chef-lieu du département à Bar-le-Duc, ses députés violent aujourd'hui leurs promesses. 11 demande la question préalable sur tous les amendements.
prend le vœu de l'Assemblée qui adopte la question préalable à la presqu'una-nimité. Le décret suivant est ensuite rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1°. « Le département du Barrois sera divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont : Bar, Gon-drecourt et Vaucouleurs, Commercy, Saint-Mihiel, Verdun, Glermont et Varennes, Stenay et Mont-medy, Ëtain; mais ces districts pourront être réduits par la prochaine législature à quatre ou à cinq, sur la demande de l'assemblée de département, si l'intérêt des administrés l'exige.
2°. « La ville de Bar-le-Duc sera le chef-lieu du département, dont néanmoins l'assemblée et le directoire tiendront séance alternativement à Bar et à Saint-Mihiel, pendant quatre ans de suite, en commençant par Bar-le-Duc, qui, de plus, aura l'option entre les deux principaux établissements d'administration et de judicature ; auquel cas le second sera fixé à Saint-Mihiel, et l'alternat cessera d'avoir lieu.
3°. « Dans le district de Gondrecourt les établissements seront partagés entre Gondrecourt et Vaucouleurs, l'option réservée à Gondrecourt; dans celui de Glermont, ils seront partagés entre Glermont et Varennes, l'option réservée à Varennes.
« Dans celui de Stenay, ils seront partagés entre Stenay et Montmédy, l'oplion réservée à Stenay.
4°. « La ville de Ligny sera libre de passer dans le district de Gommercy, s'il est jugé par l'assemblée de département qu'elle puisse partager les avantages de quelques-uns de ces établissements publics, et, dans ce cas, l'indemnité du district de Bar-le-Duc sera déterminée par l'assemblée du département.
5°. « Les limites, convenues entre les députés du département de Barrois et ceux des départements voisins, subsisteront, sauf les échanges qu'ils pourraient mutuellement juger convenables. »
reprend ensuite son rapport et passe aux départements de la Bretagne.
Après un court échange d'observations entre
M. Lanjuinais et M. de Fermond, le décret du comité est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1°. « Que le département de Rennes est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Rennes, Saint-Malo, Dol, Fougères, Vitré, la Guerche, Bain, Rhédon et Montfort ;
2°. « Que le département de Nantes est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Nantes, Ancenis, Ghâteau-Briant, Blain, Savenay, Glisson, Guerrande, Paimbœuf et Machecoul ;
3°. « Que le département de Vannes est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Vannes, Auray provisoirement, Hennebond, le Faoiiet, Pontivy, Josselin, Ploermel, Rochefort et la Roche-Bernard;
4°. « Que le département déterminera entre la Ville d'Hennebond et Lorient, laquelle des deux doit être définitivement chef-lieu de leur district.
5°. « Que le département de Saint-Brieuc est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Saint-Brieuc, Dinan, Lamballe, Guinguamp, Lan-nion, Loudeac, Broon, Pontrieux et Rosternen.
6° « Que les paroisses de Saint-Enogat, Saint-Lunaire de Pontual, Saint-Briac, et Pleurtuy sur la rive occidentale de la Rance, appartiendront à Saint-Malo.
7° « Que les paroisses de Pludihen, Saint-Solain, Tressaint, Saint-Hélin, Lauvalay, Evranc, Saint-Judoce, Lequiou, Tréfumel, Guitté, Plonasne, et Saint-André-des-Eauxappartiendront à Dinan, sauf, en faveur des villes de ces quatre départements, la distribution des établissements qui seront déterminés par la constitution.
rend compte des prétentions respectives des villes du département de Brie et Ga-tinâis. 11 dit que les villes de Meaux et de Provins disputent à Melun l'honneur d'être chef-lieu du . département. Le comité, après avoir entendu les j parties intéressées et examiné, avec le plus grand soin toutes les réclamations, s'est prononcé pour Melun.
L'Assemblée adopte l'avié du comité et rend un décret ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1° « Que le département de la Brie et du Gati-nais est divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux sont : Meaux, Melun, Provins, Nemours et Rosoy ; que le tribunal de ce dernier district est placé à Goulommiers;
2° « Que les cinq districts seront rendus les plus égaux qu'il sera possible ; que leurs limites seront, sous trois jours, fixées à l'amiable par les députés du département à l'Assemblée nationale, et, en cas de difficultés, provisoirement arbitrées par le comité de constitution;
3° « Que la première session de l'assemblée de département se tiendra à Melun, et qu'il y sera délibéré si les sessions suivantes continueront d'y avoir lieu, ou si elles seront tenues dans quelque autre ville du département. »
rend compte du travail du comité de constitution sur les limites assignées aux deux départements contigus de la Basse-Auvergne et du Bourbonnais.
réclame cette limitation; il demande qu'on revienne à la première ligne qui avait été tracée et que surtout on laisse à l'Au-
vergne la ville d'Ebreuille qui a nettement manifesté son vœu dans ce sens.
Malgré cette protestation, le projet du comité est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« Que les limites entre le département de la Basse-Auvergne et celui du bourbonnais, sont telles qu'il reste du côté de l'Auvergne les paroisses de :
Arconsat.
La Chaux.
Ris.
Saint-Priest-Brames&n.
Saint-Sîlvestre.
Légals.
Denosne.
Sainl-Genest.
La Chapelle d'Andelot.
Saint-Quentin.
Saint-Gai.
Servant.
Monreuil.
Perouse.
Bassière.
Ars et la Crousillac.
Virclet.
Saint-Hilaire et Château-sur-Cher.
Et du côté du Bourbonnais, les paroisses de :
La Pruque.
Ferrière.
Mariol.
Saint-Yorre et Auterive.
Brughat.
Ebreuille.
Poisat.
Saint-Priest d'Andelot.
Colombiers-la-Celle.
Roussel.
Chonvigoy.
Radde.
Echassière.
Thouroux.
Biozat.
Charmes.
Marcillat.
Saint-Farjol.
Saint-Marcel.
propose ensuite un décret au sujet du département d'Augoumois, qui est adopté sans contestation, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis de son comité de constitution :
« Que le département d'Angoumois, dont Angou-lême est le chef-lieu, est divisé en six districts dont les chefs-lieux sont: Angouléme, la Bochefou-cault, Gonfolens, Ruffec, Cognac et Barbesieux. »
Le décret concernant la division du département d'Amiens, rapporté au procès-verbal du 26 janvier, dit que dans les cinq districts, il en sera formé un dont le chef-lieu alternera entre les villes de Montdidier et Boye. J'observe que ce décret n'est pas complet et qu'il doit y avoir à la suite, la clause, s'il y a lieu, ce qui rend l'article conditionnel au lieu de le rendre absolu.
Le décret est rendu, et je n'ai pas besoin de faire remarquer à l'Assemblée combien il serait périlleux pour elle de revenir sur ses décisions ; ce serait un sûr moyen de les déconsidérer.
Je réclame contre la division
des établissements qu'on veut partager entre les villes de Boye et de Montdidier. J'ajoute que le décret qui a été prononcé n'a été entendu que par une partie minime de l'Assemblée et qu'il y a lieu de le réformer.
met aux voix la rectification demandée. Elle est adoptée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« Que le département d'Amiens sera divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux sont les villes d'Amiens, d'Abbeville, Péronne, Doullens et Montdidier; sauf, à l'égard de cette dernière ville, à partager les établissements de district avec la ville de Boye, s'il y a lieu.
rend compte à l'Assemblée des trois décrets qu'il a portés à la sanction royale; le premier sur les octrois des villes; le second, concernant l'état civil des juifs de Bordeaux ; le troisième, qui interdit à tout membre de la législature actuelle d'accepter aucune grâce pendant la durée de cette législature. M. le Président ajoute qu'il vient de recevoir la sanction du décret sur la matière criminelle.
observe qu'il s'est glissé deux erreurs dans le procès-verbal du 13 janvier, n° 173; l'une au sujet de la ville de Clamecy, qui, par inadvertance de l'éditeur, a été présentée comme jointe à la principauté d'Orange, tandis que l'Assemblée l'a réunie au Nivernais. La seconde erreur, beaucoup plus importante, est absolument de la faute du secrétaire-rédacteur, dont la signature est dans ce n°, immédiatement au-dessous de celle du Président. Cette erreur est au sujet des enclaves de la province d'Alsace, qui appartiennent à des princes allemands.
dit que ces princes possèdent ces enclaves relevant de France, au même titre que si elles relevaient de l'empire. Il est juste d'entendre le rapport du comité féodal sur cette matière avant de rien prononcer sur les terres possédées par les princes étrangers, même à titre de suzeraineté.
Je suis effrayé des réclamations qui se produisent sur les procès-verbaux et je demande qu'il soit défendu au sieur Baudouin, imprimeur de l'Assemblée nationale, de délivrer aucun extrait sur la division du royaume sans qué j'aie corrigé les épreuves.
L'empressement, que le sieur Baudouin met à décrier un homme dont le patriotisme est connu, aurait pu engager un autre que moi à le mettre dans son devoir; mais je lui pardonne; qu'il sache seulement que mes fautes sont des erreurs et que les siennes sont des crimes. Un procès-verbal de l'Assemblée nationale doit être inaltérable, et tout le monde sait qu'il a été obligé de réimprimer plusieurs numéros.
L'Assemblée reconnaît la justesse des observations qui viennent d'être faites. Elle décide que les erreurs, échappées dans la rédaction du numéros 173, seront rectifiées sur la minute et que le numéro sera réimprimé.
L'ordre du jour appelle la discussion sur les finances et sur la perception des impositions de 1790.
rappelle que dans la séance du 23 de ce mois, il a fait un rapport à l'Assemblée, qui, depuis, a été distribué à tous les membres. Il se
borne donc à donner lecture du projet de décret.
La discussion est ouverte.
Rien n'est plus utile et plus instant que d'abolir le régime vicieux des anticipations, source de tous les abus de confiance, au moins à commencer du 1er janvier 1791. Le comité des finances doit bientôt s'occuper de parer au déficit que cause l'impossibilité de renouveler les anticipations. 11 est presque impossible que le nouveau système d'impositions, qui doit succéder à celui qui existe, commence avant le 1er janvier 1791. L'on peut supprimer dès à présent les receveurs-généraux, et faire compter les receveurs particuliers directement au trésor royal; mais s'il y a de l'inconvénient à changer dans ce moment trop brusquement la forme de l'imposition directe, il faut au moins prendre des précautions pour empêcher d'un côté les vexations en faisant viser les contraintes, et de l'autre, veiller à ce que toutes les opérations des receveurs soient connues et contrôlées ; cela est nécessaire pour exciter le zèle des receveurs-généraux, soutenir la perception, et donner aux assemblées de districts et de départements les connaissances nécessaires aux fonctions dont elles vont être chargées.
Je propose d'ajouter que le présent décret ne change en rien le mode de perception établi dans les pays d'Etats, où les préposés des municipalités verseront, comme auparavant, dans les caisses des trésoriers provinciaux, dits trésoriers des Etats, lesquels continueront de verser directement dans le trésor public.
Il ne faut pas que les impôts passent par tous les canaux qui les absorbent, comme en Alsace où les frais fictifs coûtent 200,000 livres à la province. Je propose en conséquence un amendement appuyé par tous les députés de l'Alsace, portant que les députés de cette province feront parvenir l'impôt de 1790 au trésor public, par telle voie directe qui sera concertée entre eux et le pouvoir exécutif.
combat le projet du comité, et cherche à prouver qu'il ne peut être admis. Il parle avec force contre les financiers et contre les projets sinistres qu'ils peuvent exécuter s'ils parviennent à faire disparaître le numéraire. Il demande qu'il n'y ait lieu à délibérer.
Je respecte les intentions du préopinant; j'admire son zèle; mais il nous écarte de la question.
L'affaire actuelle est une affaire d'ordre et d'habitude, pour la perception des droits; les frayeurs du préopinant ne doivent pas vous alarmer. La finance ne peut vous nuire, elle est anéantie par la constitution.
Attendu que le système de la recette actuelle doit subsister jusqu'à ce qu'il ait été expressément révoqué, l'Assemblée nationale doit déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur la proposition d'ordonner qu'il sera conservé pendant toute l'année 1790.
Les financiers ne sont pas dangereux dans une révolution. Que l'Assemblée opère avec courage.
On vous a parlé de la caisse d'escompte ; il est certain que le numéraire manque; votre décret
en fixe la circulation dans les provinces où il y a stagnation dans les impositions directes et indirectes elles manquent de numéraire, et n'envoient rien. L'industrie de Paris est diminuée; l'économie la plus sévère s'y porte sur tous les objets ; les grands propriétaires reçoivent moins de leurs terres, et d'autres sont absents ; mais à cela il y a remède, c'est de ne pas accroître la méfiance sur ceux qui coopèrent à l'administration.
Quant à la caisse d'escompte, les mêmes terreurs ont été portées à l'assemblée des représentants de la commune de Paris ; des commissaires ont eu des séances avec les actionnaires et les députés du commerce. Ils ont été tranquillisés sur le sort de la caisse. Il est possible que ceux qui font de l'argent un trafic honteux se soient établis auprès d'elle. Je vous prie de nommer des commissaires pour voir les opérations, et qu'elles soient mises sous la sauvegarde de votre vigilance.
Le comité des finances, d'après la discussion qui vient d'avoir lieu, modifie son projet de décret.
M. Anson donne lecture de la nouvelle rédaction qui est adoptée en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
Art. 1er. Les préposés aux recouvrements des impositions
directes, dans les différentes municipalités du royaume, seront tenus de verser entre les
mains des receveurs ordinaires des provinces, chargés dans les années précédentes de la
perception de ces impositions, le montant entier des impositions de l'exercice de 1790, et
des exercices antérieurs dans la forme et dans les termes précédemment prescrits par les
anciens règlements.
Art. 2. Attendu que les contribuables seront soulagés dans l'année présente par la contribution de ci-devant privilégiés, qui tourne à leur décharge, les trésoriers ou receveurs-généraux, entre les mains desquels lesdits receveurs verseront le montant de leurs recettes, seront tenus de-faire de leur côté toutes les diligences pour que les impositions de 1790 et des années antérieures soient acquittées entièrement dans les six premiers mois de 1791 au plus tard.
Art. 3. Les contraintes ne pourront être décernées que sur le visa des directoires des districts, lorsqu'ils seront établis.
Art. 4. Tous les receveurs particuliers seront tenus d'envoyer mois par mois l'état de leur recette et de ce q ui reste dû aux directoires des districts de leur arrondissement, lesquels seront tenus de l'envoyer au plus tôt au directoire du département.
Art. 5. Lesdits trésoriers ou receveurs-généraux et particuliers ne pourront faire compensation des fonds de leurs recettes avec ceux de leurs cautionnements ou finances.
Art. 6. Dans les six premiers mois de 1791, lesdits trésoriers ou receveurs-généraux remettront aux administrateurs des différents départements, un état au vrai de leurs recouvrements ; quant aux comptes définitifs, tant de l'exercice de 1790 que des années antérieures, ils seront présentés par eux à la vérification dans le courant de l'année 1792 au plus tard, devant qui, et ainsi qu'il sera ordonné par l'Assemblée nationale.
indique l'ordre du jour de la séance du soir qui aura lieu à 6 heures. Il invite ensuite l'Assemblée à se retirer dans ses bureaux
pour y procéder à lanomination d'un président et de trois nouveaux secrétaires.
donne connaissance du résultat du scrutin pour la nomination du comité de mendicité. Les membres élus sont :
MM. le duc de Lianconrt.
de Coulmiers, abbé d'Abbecourt.
Prieur.
Massieu, curé de Sergy.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, ANCIEN PRÉSIDENT.
Séance du
, ancien président, occupe le fauteuil. 11 annonce que la santé de M. Target ne lui a pas permis de venir à l'Assemblée et que les mêmes raisons ont empêché M. l'abbé de Montes-quiou de prendre sa place.
, l'un de. MM. les secrétaires, fait lecture des adresses de différentes villes, bourgs et communautés, contenant les témoignages du plus profond respect et l'adhésion la plus entière pour tous les décrets de l'Assemblée nationale, dans l'ordre qui suit :
Adresse des citoyens de la ville de Ghâlons-sur-Marne, réunis en assemblée générale de la commune, pour le serment de leurs nouveaux officiers municipaux. Ils saisissent avec empressement cette circonstance pour présenter à l'Assemblée nationale le respectueux hommage de leur reconnaissance et de leur soumission aux décrets émanés de sa sagesse. « Ce jour, disent-ils, nous annonce toute l'étendue de pouvoir que vous avez reconquis au peuple français ; il se choisit des chefs pour maintenir sa dignité, et cette dignité ne peut plus être impunément méconnue ou blessée : le titre de citoyen, cher à nos cœurs, étouffera les germes de discorde que faisaient naître tant d'intérêts opposés. Leur souvenir pourrait encore conserver des semences de division, mais les principes consacrés par vos décrets les ont proscrites sans retour; les préjugés sont vaincus, etl'âmour seul de la patrie l'emporte aujourd'hui. »Les nouveaux officiers municipaux expriment, dans une adresse séparée, les mêmes sentiments d'admiration et de dévouement.
Adresse de félicitation, remercîment et adhésion de la communauté d'Avrolles en Bourgogne elle fait le don patriotique de la somme de 3,611 livres et destine au soulagement des pauvres une somme de 800 livres, provenant de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Lettre des officiers du régiment royal-dragons, en garnison à Commercy, qui annoncent avoir
lu avec les sentiments de la plus vive et la plus respectueuse reconnaissance à leur régiment
assemblé, les témoignages d'estime et de bienveillance dont l'Assemblée nationale l'a honoré.
Ils protestent que, toujours fidèles à leur serment, ils n'emploieront jamais leurs armes que
pour la dé-
Adresse delà ville de Voiron e.n Dauphiné, qui adhère avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale; elle demande d'être chef-lieu de district.
Adresse des prébendés de l'église cathédrale de Carcassonne, qui, pénétrés d'admiration pour les travaux de l'Assemblée nationale, se soumettent avec joie à tous ses décrets ; ils font le don patriotique du superflu de l'argenterie de leur église, inutile au service divin.
Adresse d'adhésion et dévouement des notaires et procureurs de la ville de Gourrin en Bretagne; ils demandent avec instance la conservation du siège royal établi dans celte ville.
Adresse d'adhésion de la communauté d'Hui-neux ; elle fait le don patriotique dn produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la communauté de Liancourt, près Clermont-en-Beauvoisis, qui exprime avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement, dont elle est pénétrée pour le Roi et l'Assemblée nationale ; les officiers municipaux attestent qu'ils ont vu se présenter à leur bureau, non seulement les personnes les plus aisées, mais encore les vignerons, les artisans, les journaliers, les domestiques; non seulement les chefs de famille, mais encore les veuves, lesjeunesgensde l'un et de l'autre sexe, et jusqu'aux petits enfants; de manière que la contribution patriotique, soit en promesses obligatoires, soit en argent, soit en bijoux, monte actuellement à la somme de 6,084 livres Cette communauté destine en outre l'emploi du produit de de la contribution sur les ci-devant privilégiés en ateliers de charité.
Lettre de M. Vassan, major du régiment des chasseurs à cheval des Evechés, en garnison à Belfort, dans laquelle il annonce que les officiers et soldats français ont reçu avec sensibilité les marques de justice que les représentants de la nation donnent à leurs frères, qui seront toujours jaloux de mériter l'estime de leurs concitoyens par leur entier dévouement à la patrie et au Roi, qui n'est qu'un avec elle.
Adresse d'adhésion des communautés de Sar-trouville et de Sanois, élection de Paris ; elles demandent que le bourg d'Argenteuil soit le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Gosne, qui annonce que la plus grande concorde a régné dans sa formation ; elle consacre les premiers moments de son existence à jurer, entre les mains de l'Assemblée nationale, un dévouement absolu pour l'exécution de tous ses décrets.
Adresse de renouvellement d'ahésion et félicitation des citoyens de la ville du Mans ; ils font surtout éclater les sentiments de l'amour le plus tendre, et du dévouement le plus absolu pour la personne sacrée du Roi; ils font le don patriotique de leurs boucles d'argent.
Adresse du même genre des habitants de Saint-Gloud; ils réclament contre une concussion qu'ils estiment plus de 160,000 livres, et offrent cette somme en don patriotique.
Adresse d'adhésion de la communauté deGasny, près Vernon-sur-Seine ; elle réclame l'exécution d'une délibération contre les usurpateurs d'un terrain communal.
Adresse de félicitation et dévouement de la
ville deRosternen-en-Bretagne; indépendamment de la contribution patriotique, elle fait le don d'une lampe d'argent, d'une somme de 300 livres, et du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés; elle sollicite avec instance un siège royal.
Adresse d'adhésion et remerciement des habitants de la paroisse de Bessancourt, près Pon-toise, vallée de Montmorency ; ils font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789 et l'année 1790.
Adresse du même genre de la ville de Mont-Dauphin et Eygaliers en Daupbiné ; elle demande un siège royal.
Adresse de la communauté de la Salle, près Briançon en Dauphiné, contenant une adhésion entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et un désaveu formel des principes énoncés dans le procès-verbal de la commission intermédiaire des Etats de la province, touchant la nouvelle division du royaume.
Adresse de dévouement de la garde nationale de la ville d'Auray ; elle se justifie sur des plaintes que la municipalité aurait pu porter contre elle.
Adresse de la garde nationale du bourg de Bri-quebec, de celle de la ville de Boulogne-sur-Mer, de celle de la ville d'Orange et des officiers municipaux de la ville d'Abbevllle, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement, dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Adresse de la corporation des marchands fabriquants et garnisseurs de chapeaux de la ville de Marseille, qui présente ses hommages à l'Assemblée nationale, et la supplie d'ordonner la prompte exécution de celui qui recevait la procédure prévôtale qui s'instruisit dans cette ville par-devant les officiers de la sénéchaussée.
Adresse de M. Devissagnet, seigneur de plusieurs terres en Auvergne, qui fait le don patriotique du droit de Leyde et d'un droit appelé de Ferrages, qu'il a toujours perçu et perçoit encore dans les communautés de Merinchal et Gher-redon.
Adresse de la communauté de Saint-George d'Esperanche, près Vienne en Dauphiné, qui fait le don patriotique d'un contrat de constitution de rente au capital de 2,648 livres 16 sols.
Adresse de madame Verdier, citoyenne de la ville d'Uzès, qui fait hommage à la patrie de ses bijoux d'or, évalués à 660 livres 12 sols. Un grand nombre de citoyens de la même ville offrent également à l'Etat leurs vaisselles et bijoux en or et argent, évalués à 2,758 livres 11 sols.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la garde nationale de Boulogne en Go-minges.
Adresse du même genre de la communauté de Villeneuve-la-Lyonne en Brie j elle demande que la ville de la Ferté-Gaucher soit chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la ville de Bayeux et de celle de la Française en Quercy ; cette dernière demande d'être chef-lieu de district.
Adresse de la communauté de Valleroy en Lorraine, qui, en signe de son parfait dévouement à la chose publique, fait le don patriotique de la somme de 277 livres 17 sols, provenant des impositions sur les ci-devant privilégiés.
Adrésse du sieur Alexandre Guastalla, juif, résidant à Lyon depuis 1770, où il est arrivé avec un capital de 600 livres ; il fait le don patriotique de la somme de 1,500 livres, et prouve par ce sa-
crifice qu'il a été très actif depuis son arrivée à Lyon.
Lettres de M. Bissou, lieutenant-colonel du régiment d'Angoulême, infanterie, en garnison à Saint-Lô ; de M. Parazols. lieutenant-colonel du régiment des chasseurs du Languedoc, en garnison à Maubeuge ; de M. Henri de Fribois, commandant le régiment de dragons de Noailles, en garnison à Garcassonne ; de M. Lignol, commandant le régiment des chasseurs de Vosges, en garnison à Gollioure en Roussillon; de M. Tarsac, major-commandant du régiment d'Artois, en garnison à Rennes; et de M. Gandouin, major du régiment royal Guyenne, en garnison à Moulins; de M. le vicomte de Varguette, lieutenant-colonel, commandant le régiment du colonel général, cavalerie; enfin de M. Montel, lieutenant-colonel du régiment d'Aunis, dans lesquelles ils annoncent que c'est avec la plus vive sensibilité que ces régiments ont reçu les témoignages d'estime et de bienveillance dont l'Assemblée nationale les a honorés, et qu'ils ne croiront jamais trop entreprendre lorsqu'il s'agira de combattre pour la nation française et pour ses rois.
Adresses de félicitation et dévouement de la garde nationale de la ville de Navarrens en Béarn, et de celle de la ville de Rochefort en Aunis.
Adresse du même genre de la communauté de Saint-Didier au Mont-d'Or, près Lyon en Dau-phinéj qui fait l'offrande patriotique de la taxe des ci-devant privilégiés ; elle sollicite la permission de faire elle-même le recouvrement de cette taxe, pour adresser directement la somme en provenant aux représentants de la nation.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la ville de Toulon-sur-Arroux ; elle demande une justice royale.
Adresse des nouveaux officiers municipaux de la ville de Merville en Flandres, qui, voulant consacrer les premiers instants de leurs fonctions à manifester à l'Assemblée nationale les sentiments de la plus entière et inébranlable adhésion à ses décrets, déclarent qu'ils s'uniront toujours aux défenseurs des droits sacrés du peuple français, aux vrais appuis du trône, et qu'ils n'oublieront rien pour découvrir les ennemis de la nation et de notre auguste monarque; qu'ils regarderont comme un devoir sacré de les dénoncer et livrer à la vengeance des lois.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-Hippolyte en Languedoc, qui expriment la vive reconnaissance des non-catnoliques envers l'Assemblée, sur leur régénération civile. « Vous avez, disent-ils, Nosseigneurs, fait tressaillir de joie l'âme d'Henri IV, en redonnant la vie et l'activité à la plus belle de ses lois : quand il la fit, ceux qui en étaient l'objet venaient d'assurer la France à nos rois ; quand vous le faites, vous assurez à la France la plus heureuse révolution. »
Adresse d'une société de Strasbourg, dont le but est l'étude et l'application du magnétisme animal pour le soulagement de l'humanité souffrante; elle présente à l'Assemblée nationale l'hommage de son respectueux dévouement, et fait le don patriotique de la somme de 600 livres.
Lettre du conseil d'administration et de la municipalité de Vitry, portant que les habitants de cette ville ont vu avec la plus grande surprise qu'on pouvait jeter quelques doutes sur le patriotisme qui les anime. Ils annoncent que depuis longtemps, ils ont donné des preuves éclatantes leur parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée. Ils réclament contre les impressions défavorables
que M» de Mirabeau tenterait de répandre dans ses écrits.
Adresse du conseil général des ville et sénéchaussée de Brest, contenant l'acte fédératif et le serment national que les régiments de Beauce, Normandie, et du corps royal de marine, ont porté à l'assemblée municipale de ladite ville, le 29 décembre. Ce serment est ainsi conçu : « Nous, Français dévoués au service du Roi et de la nation, tous frères, amis et citoyens delà ville de Brest, y étant en garnison, soussignés, déclarons que désirant de resserrer de plus en plus les liens qui unissent les bons patriotes les uns aux autres, nous abjurons toutes querelles et prétentions de corps, comme contraires à l'ordre et à la saine raison; nous jurons de nous réunir au premier signal pour voler au secours de notre mère commune, la patrie; nous vouons une haine irréconciliable à tout aristocrate, notre ennemi capital; nous engageons notre parole d'honneur de secourir les soldats nationaux de toutes nos forces, de combattre avec eux et pour eux, et de prendre tous nos concitoyens sous notre sauvegarde particulière; nous promettons une obéissance aveugle à l'Assemblée nationale et à ses décrets, dont nous protégerons et même forcerons l'exécution si le cas le requiert. » La minute est revêtue de plus de 2,000 signatures.
Adresse de la ville du Havre, contenant, au nom de tous les habitants et citoyens du Havre, l'adhésion la plus formelle aux décrets de l'Assemblée nationale :
Que les lois qu'elle a dictées leur ont été sacrées, et que c'est avec l'empressement du patriotisme le plus pur qu'ils, se sont livrés à leur exécution; qu'ils ont l'avantage que, malgré des exemples fâcheux, la perception des droits du Roi n a pas souffert en leur ville la plus légère interruption ; qu'à peine le décret pour la contribution patriotique du quart des revenus leur a été connu, que la plupart se sont empressés de fournir leurs déclarations, qui déjà s'élèvent à 600,000 livres, non compris plus de 42,000 livres de dons patriotiques qu'ils ont déposés sur l'autel de la patrie; que c'est avec le même zèle qu'ils sacrifieront leurs fortunes et leurs vies, s'il le faut, pour le maintien des principes consacrés par les sublimes arrêtés de l'Assemblée nationale.
Ils exposent en même temps l'importance de la population de leur ville, qui est de vingt-cinq mille âmes, y compris son faubourg, et réclament de la justice de l'Assemblée le siège du district, contre la prétention de Montivilliers, petite ville distante de deux lieues et demie du Havre, et qui ne contient que 2,200 habitants.
Adresse du comité municipal de la ville de Saint-Quentin, qui présente a l'Assèmblée nationale ses très humbles remerciements du décret émané de sa sagesse le 20 de ce mois, qui autorise les habitants à regarder comme impôt direct la contribution à la garde soldée. Ils annoncent que la milice citoyenne, en signe de sa reconnaissance, a donné, les 22 et 23, les témoignages les plus éclatants de son entier dévouement pour l'exécution des volontés suprêmes de l'Assemblée.
Adresse de félicitation et adhésion des habitants de Marcilly; ils font le don patriotique d'une somme de 3,000 livres, à prendre sur une coupe de bois qui leur avait été permise dans l'ancien régime.
Adresse de la ville de Marseille, portant adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale. Cette municipalité déclare qu'elle est décidée à soutenir jusqu'à la mort ses résolutions; elle
jure, au nom des habitants de Marseille, d'être invariablement attachée à la Constitution, aux lois ét au Roi; elle regarde comme traîtres à la patrie ceux qui se permettent de déclamer et de répandre des libelles; elle supplie l'Assemblée de travailler à la paix et à la tranquillité du royaume par tous les moyens possibles, en s'oc-cupant promptement de l'organisation de toutes l^s parties du pouvoir exécutif; elle offre à l'Assemblée nationale et au Roi les hommages de sa reconnaissance et de son attachement, et témoigne son admiration pour les vertus de Sa Majesté et le désir de le voir visiter son royaume, et recevoir à Marseille les actions de grâce dues au restaurateur 4e la liberté française.
Adresse de la nouvelle municipalité de la paroisse de Boussay eh Touraine, qui s'empresse d'adhérer avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et s'engage à faire tous ses efforts pour concourir à la régénération du royaume et à la libération des dettes de l'Etat.
Adresse du sieur Godefroy, citoyen de Paris, qui présente à l'Assemblée nationale le tableau des noms immortels des membres qui la composent. Les emblèmes qui entourent ce tableau désignent leurs travaux et leur courage ; là, des faisceaux sont le symbole de la force qui naît de l'union; ici, la raison suprême qui règle les droits de l'homme et du citoyen, dicte la constitution, et fait jurer au pouvoir exécutif cet accord, dont le bonheur de la France doit être le résultat.
Adresse du sieur Jodelot, professeur de la Faculté de médecine en l'université de Nancy, qui supplie l'Assemblée nationale de recevoir avec bonté l'hommage qu'il a l'honneur de lui offrir, d'un mémoire sur la nécessité et les moyens de perfectionner l'enseignement de la médecine.
Supplique des citoyens de couleur des îles et colonies françaises demandant le droit de citoyen actif. Cette adresse dit :
Nosseigneurs, les Français commencent à jouir du fruit ae vos heureux travaux. La constitution, que vous venez de donner à l'Empire, est un bienfait auquel vous avez fait indistinctement participer tout le monde.
Les protestants, les comédiens, les juifs, les parents des suppliciés, tous ont recouvré, et c'est vous, Nosseigneurs, qui leur avez rendu la qualité, les droits, les prérogatives de citoyens actifs, que leur avaient enlevés, dans des temps de proscription et de barbarie, les préjugés odieux et sanguinaires, sous lesquels nous avons gémi pendant tant de siècles.
Les citoyens de couleur sont lès seuls qui n'aient pas encore été entendus et jugés, et s'fis en croient les bruits injurieux et décourageants que leurs ennemis répandent avec affectation, jamais ils ne le seront; l'Assemblée nationale ne leur fera, pas même l'honneur de se livrer à une discussion, qui pourrait amener un changement dans leur état.
Nous ne donnons auôune .croyance à cette calomnie; elle ne nous intimide, ni ne nous (lé-courage. Les citoyens de couleur sont pénétrés, plus que personne, des grandes et immuables vérités que l'Assemblée nationale a posées dans la déclaration des droits et dans la constitution.
Les hommes, les citoyens sont tous égaux aux yeux de la loi ; ils ont tous un droit égal à sa justice, à sa protection, et l'Assemblée nationale, qui en est la première conservatrice, ne s'en
écartera pas, pour perpétuer notre avilissement et nos malheurs.
Cependant, Nosseigneurs, nous sommes en instance depuis plus de quatre mois ; il y en a près de trois que le comité de vérification, auquel l'Assemblée nous avait renvoyés a vérifié nos pouvoirs; qu'il est en état, qu'il demande à faire son rapport; que nous sollicitons la faveur inappréciable d'une audience, et nous n'avons pas encore pu l'obtenir.
Les prétextes, les motifs pour éluder n'pnt jamais manqué à nos adversaires. Tantôt ils ont prétendu que l'affaire n'était pas suffisamment instruite; tantôt ils ont supposé des insurrections imaginaires; d'autre3 fois, ils ont prétendu que les colonies, la France, l'Assemblée nationale elle-même seraient en danger, si l'Assemblée se livrait à l'examen de nos demandes, de ces demandes que les lois naturelles, l'édit de 1685, la déclaration des droits et la Constitution ont jugées depuis si longtemps.
Cependant il faut que ces prétextes, ces motifs cèdent enfin à la justice, à la raison et à l'humanité. Il faut au moins qu'ils soient rapprochés de nos moyens ; il est juste, il est nécessaire qu'ils soient jugés.
Tel est, Nosseigneurs, l'objet actuel de notre demande. Nous vous supplions de la prendre en considération.
Nous demandons que l'Assemblée nationale veuille bien prononcer sur notre sort ; qu'elle déclare « si, conformément à l'édit de 1685, à la déclaration des droits, à la presque totalité des articles de la Constitution, les citoyens de couleur sont et doivent être considérés comme citoyens actifs ; s'ils doivent être admis aux assemblées primaires et participer à tous les avantages politiques et sociaux quand d'ailleurs ils réunissent toutes les qualités prescrites par la I Constitution. »
Lorsque cette question sera jugée, l'Assemblée prononcera sur l'admission de nos députés. Elle décidera si la classe des citoyens la plus nombreuse et la plus utile des colonies peut être privée du droit de représentation.
Signé de Joly; Haimond, aîné; Osé, jeune ; Fleury ; Honoré de Saint-Albert ; Du Souchet de Saint-Réal, commissaires et députés des citoyens de couleur, des îles et colonies françaises.
Plusieurs citoyens du district de Saint-Nicolas-des-Ghamps sont venus déposer sur l'autel de la patrie un don formant en totalité la somme d'environ 1,200 livres, en boucles d'argent, billets et argent monnayé.
Le district de Saint-Joseph est venu aussi déposer sur l'autel de la patrie, un don patriotique en boucles d'argent, formant en tout environ 23 à 2i marcs d'argent, un contrat de la somme de 1,000 livres, et quelque argent monnayé.
L'Assemblée a reçu ensuite l'hommage touchant de plusieurs dons patriotiques.
Après, M. le Président a fait lire la réponse d'une société anglaise, appelée « Société de la , Révolution » ; cette lettre est un remerciement d'une réponse de M. l'archevêque d'Aix, alors président de l'Assemblée, à une première lettre de lord Stanhope, président de cette société, et l'Assemblée en a ordonné l'impression.
Chevening House, proche de Sevenoaks en Kent, ce
« Monseigneur,
« J'ai reçu avec beaucoup de satisfaction la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, de même que l'extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale, du 25'du ïnois de novembre, et je ne manquerai pas de les communiquer au plus tôt à la Société de la Révolution. Cela fera sans doute grand plaisir aux membres de cette société, d'apprendFe que leur résolution ait été reçue si favorablement par cette illustre Assemblée. J'ai été enchanté, Monseigneur, des sentiments de paix et de bienveillance universelle qui régnent dans votre sage et excellente lettre. Qu'il serait heureux pour le genre humain que tous les hommes eussent des principes pareils! Je vous prie de croire qu'il n y a personne qui ait éprouvé un plus vif et sincère plaisir que moi dans le succès éclatant qui a accompagné les efforts glorieux des amis de la liberté en France. Cette liberté fera votre bonheur, et vous vous en êtes montrés dignes.
« J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect,
« Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : STANHOPE. »
« Les membres de la Société de la Révolution d'Angleterre prient M. l'archevêque d'Aix dere-cevoir leurs plus sensibles remerciements de la lettre qu'il a adressée à lord Stanhope, leur président, et par laquelle il leur a fait part de l'arrêté de l'Assemblée nationale de France.
« Ils n'ont jamais éprouvé de plus vive salis-faction que celle que leur a donnée sa lettre, et la mention pleine de bonté dont l'Assemblée nationale a pris plaisir à honorer leur adresse de félicitations. Ils ont ressenti particulièrement la justice que cette auguste Assemblée leur a rendue, quand elle a reconnu dans leur adresse l'influence de ces principes de bienveillance universelle qui doivent dans tous les pays du monde réunir les amis du bonheur public et de la liberté.
« Leurs cœurs sont pénétrés de ces principes, et ils ne désirent rien avec plus d'ardeur que de voir arriver le moment où ces principes, dominant dans le cœur de tous les hommes, doivent éteindre l'envie et les haines nationales, exterminer de la surface de la terre l'oppression et la servitude, et faire disparaître les guerres, ces terribles erreurs des gouvernemenis.
« Ils envisagent avec transport la perspective de ces temps fortunés, qui s'ouvre à leurs regards, et dont les décrets de l'Assemblée nationale semblent donner un gage au genre humain.
« La Société de la Révolution croit devoir ajouter dans cette circonstance que, parmi lés plus importants bienfaits de la révolution de France, elle compte la leçon salutaire que la tendance de ces grands mouvements doit donner à tous les rois.
« Les Français sont heureux d'avoir un roi si justement appelé le premier des citoyens, qui sait céder à leurs désirs, qui les encourage à reprendre leurs droits, et que leurs suffraigés ont couronné par le titre de restaurateur de la liberté française : ce titre l'élève au plus haut degré de gloire.
« Puissent les despotes du monde reconnaître leur erreur insensée ! Puisse son exemple leur apprendre qu'ils ne pourront jamais être plus grands, plus heureux et plus puissants que lorsque, abjurant le pouvoir despotique, ils se placeront eux -mêmes, ainsi que les rois de France et d'Angleterre, à la tête de la constitution d'un gouvernement libre et d'un peuple éclairé 1»
Signé : Stanhope.Benjamin Cooper, secrétaire.
, député d'Orléans, demande la parole pour désavouer authentiquement un pamphlet imprimé sous son nom, et rempli de traits aussi indécents contre les décrets de l'Assemblée au'injurieux pour plusieurs de ses membres ; et 1 Assemblée témoigne par ses applaudissements que M. Salomon n'a pas besoin de justification.
demande à l'Assemblée qu'une famille malheureuse, la famille Verdure, nouvellement sortie des cachots où une fausse accusation de parricide l'a détenue pendant lus de 10 ans, soit admise à la barre de l'Assem-lée. L'Assemblée, applaudissant à cette demande, la famille est introduite.
MM. Faucher, défenseurs de la famille Verdure, introduits avec elle; l'un deux a dit:
« Nosseigneurs, nous menons devant vous une famille qui, depuis dix ans, injustement accusée de parricide, vient enfin d'être rendue à la société par un jugement conforme à vos décrets.
« Il honorera notre vie le jour où nous venons offrir à la bienfaisance des lois nouvelles ces malheureuses victimes des anciennes lois.
« En rendant cet hommage à l'Assemblée nationale, nous en devons un à cette classe de nos concitoyens particulièrement dévouée au service de l'Etat, et à laquelle nous avons l'honneur d'appartenir.
« Elle nous a appris que nous devons autant à l'infortune particulière qu'à la défense de la patrie. »
Votre longue infortune touche vivement l'Assemblée. Ses pénibles travaux ont pour but d'écarter les erreurs qui ont fait tant de victimes. Oubliez, s'il est possible, les peines cruelles que vous avez éprouvées, et goûtez au moins cette consolation, que l'époque où l'on a reconnu votre innocence est celle d'un nouvel ordre de choses, qui préviendra d'aussi funestes méprises.
L'Assemblée vous permet d'assister à sa séance.
Messieurs, vous voyez paraître devant vous une famille pauvre et malheureuse, victime de l'ancienne tyrannie de nos lois, détenue injustement, depuis dix ans, dans un affreux cachot et que la calomnie la plus atroce a manqué de conduire sur l'échafaud. Mais, grâce à l'exécution de vos sages décrets, au constant et généreux enthousiasme d'un avocat de Rouen, M. Vieillard de Bois-Martin, zélé protecteur de l'innocence, ces cinq infortunés ont échappé à l'opprobre et à la mort. Quoi qu'il en soit, Messieurs, il est pourtant un autre malheur qu'ils n'ont pu éviter, c'est celui de l'indigence et de l'indigence la plus certaine. M. Vieillard de Bois-Martin, non content de partager leurs peines et leur malheur, a cru aussi, bien convaincu de leur innocence, devoir leur offrir tous les secours que sa fortune lui permettait de faire ; que dis-
je ? Il a tout sacrifié et sa famille, et son repos, et sa fortune pour voler au secours de ces innocentes victimes et les arracher à la cruauté des lois. Je ne demande pas si, d'un côté, ces sacrifices, aussi rares qu'ils sont louables, et de l'autre l'innocence opprimée pendant dix ans, c'est-à-dire dix siècles d'humiliation et de dangers, mais enfin reconnue, mais triomphante, je ne demande pas, dis-je si tous ces puissants motifs touchent les cœurs des pères de la patrie et les ouvrent à la pitié. Ils en ont donné la plus forte preuve en faveur du vieillard du Mont-Jura dont les seuls titres étaient le besoin et le hasard d'une longue vie. Je demande que par un effet de bienfaisance, l'innocence, opprimée pour la sûreté sociale, trouve dans la sagesse de vos décrets la consolation et l'adoucissement à ses maux ; que l'Etat l'indemnise et la dédommage autant qu'il sera possible des vexations injustes qu'elle a souffertes. Par là, vous consolerez l'innocent accusé, vous releverez son courage, et au fond de son cachot, le coupable même ne sentira que plus fortement l'horreur de son crime, et ne pourra s'empêcher de bénir la sagesse de vos lois ; mais en protégeant l'innocence, vous ne feriez qu'une partie au bien que vous vous proposez de faire, si vous ne tourniez, vos regards vers celui qui en est le défenseur. Peu d'hommes, dans ce pénible ministère, ont montré cette constance de courage et de générosité qui a porté M. Vieillard de Bois-Martin à consacrer dix années à la défense d'une famille obscure.
A Rome, on avait établi une méthode honorable pour récompenser un citoyen qui en avait sauvé un autre, et la couronne civique était un des monuments les plus flatteurs dont un citoyen pût décorer sa maison ; et une feuille de chêne fit taire des prodiges en faveur de l'humanité.
Il ne fallait pour l'obtenir qu'avoir sauvé la vie à un citoyen, et M. Vieillard de Bois-Martin l'a sauvée à une famille entière.
Ainsi, Messieurs, je propose d'ouvrir une souscription volontaire en faveur de cette famille malheureuse, et de décerner une couronne civique à M. Vieillard de Bois-Martin, son défenseur.
La commune de Paris vient de renouveler une scène aussi honorable, en couronnant ces jours derniers, un jeune Anglais qui, dans une émeute, a sauvé la vie à M. Planter de Vernon ; l'Assemblée nationale ne rendrait-elle pas à un Français le même hommage puisque, l'un n'a sauvé qu'un citoyen et que l'autre a sauvé une famille entière ?
La motion de M. Barrère de Vieuzac n'est pas appuyée et n'a pas de suite.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur l'affaire du prévôt de Marseille.
prend la parole pour se disculper, dit-il, sur certains faits, à 1 égard desquels on l'a accusé dans cette affaire.
Je demande à M. l'abbé Maury s'a résulte des pièces que les accusés aient récidivé postérieurement aux lettres d'amnistie.
Je crois ce fait étranger à l'affaire; on n'a fait que présenter la cause des accusés, et cette question ne nous regarde pas ; le prévôt de Provence peut avoir commis une erreur, mais les juges n'en sont pas exempts, et ce n'est pas là un crime de lèse-nation.
Comment peut-il
être étranger à l'Assemblée nationale de savoir si le prévôt a informé et décrété sur des faits antérieurs ou postérieurs à l'amnistie, pendant que celte affaire intéresse le parti populaire, et que son sort tient à la constitution? Quant à l'argument du rapporteur, que le prévôt a pu connaître des faits antérieurs, s'ils étaient ravivés par des faits postérieurs à l'amnistie, c'est là une clause comminatoire qui ne lui permettait pas de violer .douze fois l'ordonnance de 1670, et de faire tous ses efforts pour faire avorter la révolution.
Il s'élève un grand tumulte dans le côté droit de la salle.
Je demande si les faits antérieurs à l'amnistie, et qui se sont passés le 25 juillet, sont mentionnés dans la plainte portée devant le prévôt.
Le comité ne 3e croit chargé que de la cause du prévôt ; il n'a pas même vu la plainte, et je ne l'ai pas lue.
Puisque cette difficulté n'a été aperçue, ni par le rapporteur, ni par le comité, je demande qu'il soit fait un nouveau rapport.
Un membre. Je propose que toutes les pièces soient remises au nouveau comité.
Un membre. Je demande l'ajournement.
Je demande la priorité pour la motion de M. de Beaumetz.
MM. Ouval d'Eprémesnil, Gasalès et Maury demandent la parole.
L'Assemblée décide que la discussion est fermée sur les quatre questions.
L'ajournement est mis aux voix et refusé.
propose la question préalable sur les trois questions qui restent. Elle est rejetée.
On demande la priorité pour le nouveau rapport.
s'avance à la tribune pour consentir à la nomination d'un nouveau rapporteur et à l'impression de son rapport.
M. Duval, d'Eprémesnil s'y oppose.
insiste pour qu'on mette aux voix si le rapport de M. l'abbé Maury sera imprimé.
La question préalable écarte cette proposition.
Enfin l'on va aux voix sur la question principale, et il est décidé que l'affaire sera renvoyée au nouveau comité des rapports, avec toutes les pièces relatives, pour nommer un nouveau rapporteur.
La séance est levée à minuit.
à la séance de F Assemblée nationale du
Réponse de M. le comte Stanislas de Cler-mont-Tonnerre (1) à la dénonciation faite par
M. le comte de Mirabeau, contre le prévôt de Marseille (1). Messieurs, c'est sans doute avec regret que l'Assemblée nationale enlève quelques moments au travail de la constitution pour s'occuper des affaires d'un intérêt moins universel; mais, vous a-t-on dit, le procès de Marseille n'est point une affaire particulière, c'est un procès national. Il est effectivement question de savoir, non pas si des hommes, coupables ou imprudents, seront absous ou condamnés; non pas si une procédure instruite est légitimement ou illégitimement attaquée : ces intérêts, tout grands qu'ils sont, tout importants qu'ils vous paraissent ainsi qu'à moi, ne sont cependant que secondaires dans l'affaire qui vous occupe. Il s'agit de savoir si la trace des complots les plus funestes, de ces complots dont les nombreuses ramifications s'étendent par toute la France, et dont les explosions fréquentes exposent également la constitution, la liberté et la tranquillité publique; il s'agit, dis-je, de savoir si cette trace sera perdue ou conservée, et si les nombreuses dépositions existantes seront ou ne seront pas remises dans des mains ou corrompues ou trop faibles pour les soustraires aux entreprises des ennemis publics.
C'est sous ce point de vue qu'il serait important d'examiner cette affaire.
Cependant je ne négligerai aucun des arguments que m'a paru présenter le plaidoyer du préopi nant; je tâcherai, autant que ma mémoire me le permettra, de les rappeler et de les combattre.
Les objections de M. de Mirabeau se rangent toutes dans deux classes. Il a voulu armer votre justice contre le prévôt de Marseille ; il a voulu bien plus souvent émouvoir votre pitié en faveur des accusés. Je vais suivre les moyens dont il a appuyé, je ne dis pas la dénonciation des députés de Marseille, car ces députés n'ont rien dénoncé; je ne dis pas la dénonciation de la ville de Marseille; car la ville de Marseille n'a rien dénoncé; mais je dis la dénonciation que vous a faite, lui, M. de Mirabeau ; dénonciation qui est la troisième que vous ayiez entendue, et la première qu'il veuille bien suivre.
Premier grief.
Le prévôt de Marseille, a dit l'honorable membre, a instruit sur des faits antérieurs à l'amnistie accordée, et cependant sa commission eet postérieure à cette amnistie.
— Nous répondons que le fait n'a jamais été prouvé; aucun des décrétés ne l'a été que pour des faits postérieurs. Que dans les dépositions des témoins que le prévôt ne pouvait tronquer, il ait été question des faits antérieurs, cela est possible; mais ce ne pouvait être qu'au moment du jugement, que ce prévôt, qui n'avait pu s'interdire les questions directes ou indirectes qui pouvaient jeter de la lumière sur la procédure, devait les motiver, et que l'on pouvait prononcer si les instructions du prévôt de Marseille étaient antérieures ou postérieures à l'amnistie.
Second grief.
On reproche au prévôt d'avoir abusé des lettres
Le respect le plus inviolable est dû aux correspondances confidentielles, et si le juge avait établi son décret de prise de corps rur les faits contenus dans ces lettres, le juge pourrait être accusé ; mais ici rien de semblable. Le sieur Chompré est prévenu de délits graves, il est décrété de prise de corps ; la recherche, la saisie et l'apport de ses papiers sont ordonnés ; une correspondance qui porte bien véritablement le nom de madame Chompré sur l'adresse, mais qui ne contient que des détails politiques, des invitations à la résistance ou à l'activité, dont plusieurs passages ne peuvent naturellement s'adresser à la dame Chompré, une telle correspondance est trouvée, saisie, jointe au procès. On n'a encore assis sur cette correspondance ni décret, ni jugement ; on fait au prévôt un crime de s'en être emparé ; qu'aurait-on donc fait si les papiers d'un prévenu, d'un décrété, eussent échappés à sa vigilance ? Ces lettres en elles-mêmes peuvent n'être pas un délit, mais elles peuvent devenir un indice, on n'a pas dû les négliger. A ces reproches on en ajoute de plus directs, on accuse le grand prévôt d'avoir violé vos décrets.
Troisième grief.
Le prévôt a violé le décret du 5 décembre, rendu sur la motion de M. de Mirabeau ?
Que portait le texte de ce décret ?
Il ordonnait qu'il serait provisoirement sursis à l'exécution de tout jugement en dernier ressort et arrêts rendus dans la forme ancienne par quelque tribunal ou cour de justice que ce soit, postérieurement à l'époque où le décret parviendrait à chaque tributial.
Il ne s'agit pas de savoir si M. de Mirabeau a voulu ou non que ce décret fût applicable ; mais il s'agit de savoir s'il l'est, en effet, au jugement dont il est question.
Il s'agit, Messieurs, d'une sentence de débou-tement sur une récusation de juge. Cette sentence est-elle ou n'est-elle pas dans le cas du décret ?
Le décret du 8 octobre décide la question, s'il ne supprime point les formes anciennes : or, en parcourant les articles de ce décret, je n'y vois aucune mesure, comme clause relative aux récusations et aux sentences de déboutement; donc l'ordre commun subsiste à cet égard. L'objection de M. de Mirabeau tombe, et l'on ne peut pas reprocher au prévôt de n'avoir pas recommencé une partie de procédure, au mode de laquelle l'ordonnance nouvelle n'a rien changé.
J'observe encore que même en admettant 1$ système de M. de Mirabeau, il faudrait que la sentence de déboutement eût été prononcée postérieurement à l'époque où Je décret a dû parvenir à chaque tribunal. J'observe que votre décret du 8 octobre n'a été enregistré que le 4 novembre au Parlement d'Aix, parce qu'il était en vacance ; il ne l'a été que le 10 novembre à la sénéchaussée de Marseille, et le jugement du prévôt a été rendu ifi 27 octobre.
Quatrième grief.
Les accusés ont demandé la communication de la procédure, communication ordonnée par vos décrets des 8 et 9 octobre. Cette communication leur a été formellement refusée.
Rétablissons les faits. '— Le procureur du Roi a dit : Vu la présente requête, je requiers qu'il sera poursuivi sur les fins d'icelle en l'état ainsi qu'il appartient.
Le prévôt général a dit.: Il sera poursuivi en l'état ainsi qu'il appartient.
Ces réponses sont-elles un déboutement ou un simple retard ? Les accusés les ont prises pour un refus. Le prévôt soutient qu'il n'a voulu ni pu se permettre qu'un sursis. Je ne cherche point à m'expliquer une langue que j'espère que nous désapprendrons bientôt ; j'avoue cependant que le mot : il sera poursuivi en Vétat, m'avait au premier coup d'oeil présenté un sens équivoque ; mais en rapprochant la sentence du juge du réquisitoire du procureur du Roi, dont elle n'est que la confirmation, j'ai trouvé dans celuitci les mots : sur les fins d'icelle, qui m'ont expliqué les premiers. 11 est évident que les fins d'icelle requête ne sont autres que la communication demandée ; qu'on ne poursuit plus sur les fins d'une requête dont on déboute, et que tout ce français barbare n'est autre chose qu'un délai entre la présentation de la requête et la réponse qu'on y fera. Je vois, dans des lettres du prévôt, que les lieutenants criminels des principales villes de Provence, et notamment les juges d'Aix, Marseille et Toulon, ont entendu ces mots dans le sens où il les explique. Le prévôt n'a donc pas refusé, mais il a sursis à l'exécution de vos décrets. Mais, dit-on, tout sursis, tout retard â l'exécution de vos décrets est un véritable délit. C'est dans cette nouvelle hypothèse que j'examine sa conduite.
S'il avait cherché, dans des raisonnements étrangers au texte de vo3 décrets, des motifs pour retarder; quelque forts, quelque péremp-toires que puissent être ses raisonnements, le prévôt ne pourrait sans doute prétendre à votre indulgence; mais, Messieurs, c'est dans'votre décret même que le prévôt de Marseille a cru trouver le motif du sursis dont on veut lui faire Un crime. Votre décret contient deux clauses i par l'une,, vous ordonnez la communication de la procédure ; par l'autre , vous exigez que |'ac-cusé prête son interrogatoire dans les 24 heures qui suivent cette communication ordonnée. Le prévôt a vu dans cette seconde clause, une précaution sage contre l'inconvénient qui résulterait d'une combinaison, d'une préparation plus réfléchie dans lés réponses des prévenus.
La procédure de Marseille embrassant un très-grand nombre d'accusés, dont plusieurs, ou contumaces , ou à un point d'instruction moins avancé que les détenus , ne pouvaient être soumis à l'interrogatoire dans le délai fixé par votre décret ; on a cru; on a dû croire qu'il fallait attendre que la procédure fût au point où tous les accusés pussent être ouïs dans les 24 heures dë la communication à eux faite, et où les contumaces fussent eux-mêmes assez avancés pour que la procédure â faire contre eux ne retardât point celle qui avait les détenus pour objet.
Voilà, Messieurs, la difficulté que s'est faite le prévôt de Marseille ; il l'a communiquée au chef de la justice; il s'est borné à un simple sursis; il n'a prononcé aucune condamnation; il s'est tenu en mesure d'exécuter votre décret, il n'est nullement répréhensible,
Cinquième grief.
Sur une simple dénonciation qui n'a point été
communiquée au prévôt, à laquelle il n'a fourni ni pu fournir de réponse, vous avez pris un dé cret qui renvoie à la sénéchaussée de Marseille la procédure qu'il instruit, et au mépris de ce décret, le prévôt, vous a-t-on dit, poursuit encore sa procédure.
Je le demande à l'honorable membre qui s'est permis ce reproché, est-ce sérieusement qu'il a pu le faire? A quoi doit obéir un juge dans l'exercice de ses fonctions sacrées ? il ne doit sans doute obéir qu'aux lois du royaume. Or, Messieurs, votre décret n'est pas sanctionné, votre décret n'est pas une loi du royaume ; un juge ne peut à son gré obéir à de simples considérations, et quelque respect que l'on doive à vos désirs, à vos intentions connues, on ne leur doit, en matière de législation, l'obéissance que lorsque, par la sanction royale, elles sont devenues des lois. J'observe à ce sujet que ce n'est pas sans une sorte de surprise que j'ai appris par le préopinant qu'un particulier avait porté en Provence uue copie de ce décret, une expédition de ce décret, légalisée par votre président et vos secrétaires. Je demande comment on a pu, comment on a voulu donner une forme authentique, une prétendue forme légale à un décret que vous présentiez à la sanction et qui ne l'avait pas encore reçue?
Voilà, Messieurs, j'ose le dire, un véritable attentat contre la constitution : envoyer dans une ville agitée un décret de l'Assemblée nationale, avant qu'il ait acquis l'état d'une loi, c'est exposer cette ville à la plus dangereuse des erreurs. Je vous le demande, Messieurs, si cette opinion publique, dont M. de Mirabeau ne cesse de menacer le tribunal du prévôt, si cette opinion, égarée par le décret, eût excité des violences ; si le prévôt, si les troupes, exposés à des insultes d'autant plus graves, à des entreprises d'autant plus opiuiâtres que ce qu'on croyait la loi semblait les autoriser ; si, dis-je, le prévôt et les troupes eussent opposé la résistance à la force, s'il en fût résulté des malheurs ou des forfaits, sur qui serait retombée la faute ? A qui eussiez-vous demandé compte de ces excès, si ce n'est aux auteurs de l'envoi insidieux d'une pièce irrégulièremenl légalisée ?
Sixième grief.
Aux griefs que j'ai parcourus, le préopinant ajoute une inculpation générale sur les principes du prévôt. Je pourrai peut-être dire que c'est d'après la procédure, et non d'après les opinions du juge qu'il faut juger un tribunal ; et me renfermant dans la rigueur du principe, il me serait permis sans doute de ne pas vous prouver que le sieur Bournissac, dont l'espèce de profession de foi vous a été si vivement dénoncée, n'a pas réellement articulé des principes subversifs de la constitution française; j'observerai seulement que la défaveur que ce détail d'opinions a excitée, tient uniquement au sens vague que paraît présenter le mot de délit. Certes ! si le mot de délit ne s'attache qu'aux crimes capitaux, cette énu-mération pourrait vous sembler étrange; mais s'il y a entre les délits une graduation connue, si le mot délit s'applique à tout acte répréhensi-ble aux yeux de la loi ; si de même le mot autorité s'applique à'tous les agents légaux de la loi ; il est impossible de trouver sérieusement un crime ni une erreur dans les principes du prévôt. Il n'y a que deux états de choses, ou la loi existante, ou point de loi. Et si l'empire des circons-
tances avait permis que les autorités anciennes, toutes vicieuses qu'elles étaient, subsistassent sans atteinte jusqu'au moment où elles étaient tombées devant la loi nouvelle, véritable et unique organe de la volonté nationale, nous aurions à gémir de moins de maux.
Septième grief.
On a cherché des crimes au prévôt général jusque dans ses conversations particulières. Le même orateur qui s'était fortement élevé contre l'abus des lettres confidentielles, vous a dénoncé la conversation confidentielle du prévôt avec le sieur Jourdan. On blâme avec raison le sieur Bournissac d'avoir dit: L'autorité de l'Assemblée nationale est sans principes ; on loue le sieur Jourdan d'avoir ajouté : et sans bornes. Je ne puis, quant à moi, accorder aucun poids, aucune importance à une conversation fugitive qui n'est constatée que par la lettre d'un particulier intéressé ; mais s'il faut dire mon opinion, je soutiens que les deux interlocuteurs ont également une idée fausse sur l'autorité de l'Assemblée; elle repose sur des principes inébranlables, mais ces mêmes principes en ont posé les bornes, et vous ne les méconnaîtrez jamais.
Je crois, Messieurs, avoir suffisamment répondu à tous les reproches faits au prévôt générai ; j'ajoute une réflexion simple, c'est que je n'ai puisé mes réponses que dans les objections mêmes ; c'est que depuis trois mois le prévôt général a successivement détruit toutes les anciennes objections, à mesure qu'elles lui ont été communiquées ; c'est que toutes les objections nouvelles ne sont appuyées que sur des lettres missives ou des faits contestés ; c'est qu'enfin, quand même mes raisons ne seraient pas satisfaisantes, on aurait encore tort de condamner le prévôt de Marseille sans l'entendre, et que, dans l'état actuel, le décret qui condamnerait ce magistrat, serait un véritable arrêt sur requête.
M. de Mirabeau n'a rien oublié, n'a rien épargné pour émouvoir ses auditeurs en faveur des accusés qu'il a défendus. J'ai partagé la juste sensibilité de l'Assemblée, lorsque cet honorable membre lui a peint les exécuteurs d'un décret cherchant impitoyablement le décrété près du lit de mort de son épouse agonisante ; mais la sensibilité ne saurait l'empêcher d'être juste.
On ne peut accuser le juge de la manière dont s'est exécuté son décret, et la loi, forcée de détourner les yeux de cette scène attendrissante, ne peut faire acception ni de lieu ni de personne. Je me dispenserai de répondre à ce qu'a dit M. de Mirabeau, lorsqu'il a positivement assuré que cette affaire allait prendre une nouvelle face, et qu'au lieu d'avoir à punir les accusés, on aurait à récompenser leur patriotisme : la procédure prouvera le mérite de cette assertion ; mais M. de Mirabeau est bien loin de l'avoir démontrée. Il lui serait sans doute difficile d'établir que les hommes qui s'attroupaient à la porte d'un libraire, pour signer et faire signer aux passants un papier que le sieur Hétard, un des témoins, a dit être une adresse à M. de Mir... père du peuple ; que les hommes qui arrêtaient les enfants de 6 à 7 ans pour les faire signer, et qui signaient pour ceux qui ne savaient pas écrire, méritassent les éloges de l'Assemblée : il lui serait difficile d'établir que les particuliers, qui ont fait afficher des placards séditieux, que ceux qui ont fait courir dans les districts des billets contenant leurs noms pour faciliter leur
élection, méritassent véritablement les éloges de l'Assemblée nationale, parce qu'elle sait, comme tout le monde, que toute liste, que tout billet colporté flétrit également les électeurs et l'élu.
Sous quelque face qu'il ait présenté l'affaire de la Tourette, quoiqu'il vous ait dit que la garde nationale n'y a trouvé que des enfants et quelques ouvriers qui travaillaient, il lui sera difficile d'émpêcher que l'on ne trouve plus probable l'assertion de ceux qui disent qu'il y avait un attroupement considérable, attroupement indiqué et prévu par un placard ; que la garde nationale a été insultée ; qu'il y a eu des coups, de fusil de tirés de part et d'autre ; qu'il y a eu près de 40 hommes de blessés; que des' gardes nationales ont été insultées et leurs uniformes arrachés; tous faits décidément improbables, s'il n'y avait eu que des enfants et quelques ouvriers sur la place.
Messieurs, nous n'avons pas à juger les détenus et leurs délits ; nous avons à juger uniquement la conduite du prévôt général, et nous avons à décider s'il s'est rendu incapable ou indigne des fonctions dont il est chargé. J'ai détruit les reproches qu'on lui faisait ; je conclus qu'il ne mérite point d'être inculpé et qu'il faut lui laisser suivre la procédure qu'il a commencée. Mais ce parti n'a-t-il aucun inconvénient *? lui livrerons-nous la vie et les personnes des accusés ? La justice le permettrait sans doute, mais ie ne vous proposeras même tout ce que permet la justice. Je sens de quel poids doivent être les boupçons même mal fondés lorsqu'ils environnent un tribunal ; je veux désintéresser ceux qui se laissent entraîner à ces alarmes. Il me suffit que les preuves ne dépérissent pas, que le cours de la procédure ne soit point interrompu, que nous puissions enfin savoir ce qu'il importe tant que l'on sache...
Les délits de Marseille doivent être classés parmi les crimes de lèse-nation. Les flatteurs du peuple, les séducteurs du peuple, sont aussi ses ennemis ; ce sont même les ennemis les plus dangereux pour des Français.
Ils n'ont plus à se défendre du despotisme avec lequel ils sont devenus incompatibles, mais ils ont encore à redouter les prestiges que leur présentent les apôtres de la licence, qui se couvrent du titre respectable d'amis de la liberté.
On a dit dans la tribune de l'Assemblée: Pourquoi le pouvoir exécuti f avait-il nommé ce prévôt ? que voulaient les ministres quand ils soutenaient, quand ils refusaient leur sanction aux décrets des souverains législateurs de la nation ? Nous répondons : Pourquoi dans un moment où les juges anciens ne sont plus, et où les juges nouveaux ne sont pas encore, s'obstine-t-on à attaquer la seule juridiction qui puisse réprimer les malfaiteurs ? Pourquoi, à l'occasion des prétendus délits d'un prévôt, vous proposait-on de confiance, de détruire toutes les juridictions pré-vôtales ? Qu'est-ce que la constitution, si se renfermant dans les bornes qu'elle lui a prescrites, le monarque ne peut pas refuser sa sanction à un décret dont l'effet immédiat aurait été l'introduc-tiôn de l'anarchie dans Marseille, et la destruction de toutes les preuves qu'il est si important de conserver ? Enfin, qu'est-ce que cette harmonie, cette union qui doit subsister entre les pouvoirs constitutionnels, si l'on vous présente Comme un tort la lenteur respectueuse des ministres qui ont pesé 15 jours les observations dilatoires ou négatives que leur conscience les forçait d'opposer à votre décret ?
Je m'arrête et je conclus : il n'y a point lieu à inculper le prévôt ni à le dépouiller de son attribution. Il est utile, convenable, conséquent à vos décrets, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du prévôt de Marseille.
Dans ces circonstances, je propose le décret suivant :
L'Assemblée nationale décrète que le décret du 8 décembre sera rapporté.
Que le prévôt général de Marseille sera tenu de se conformer scrupuleusement aux décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, et le déclare responsable de toutes les violations qui pourraient y être faites dans le cours de la procédure ; lui enjoint de la poursuivre jusqu'à jugement définitif.
Ordonne qu'il sera sursis à l'exécution desdits jugements, et que copie de la procédure et desdits jugements sera envoyée à M. le garde des sceaux, et remise au comité des rapports.
PRÉSIDENCE DE M. TARGET
Séance du er février 1790
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des procês-ver-baux des deux séances du samedi 30 janvier.
représente, relativement au décret concernant la division du département du Bar-rois, qu'il ne doit pas être fait mention, dans le procès-verbal, de l'Ecole nationale en faveur de la ville de Ligny.
L'Assemblée ordonne la rectification de cette erreur.
Un membre demande d'ajouter à l'article 4 du décret sur les finances : « receveurs-généraux et particuliers. »
Un autre, de mettre après le mot cautionnement « ou finances. »
L'Assemblée admet ces deux propositions.
annonce que le résultat du scrutin, pour le nouveau président, n'a pas donné la pluralité absolue; que sur 694 votants, M. Bureaux de Pusy a réuni 331 suffrages; M. le baron de Menou, 328; et que 35 voix ont été données à d'autres membres ae l'Assemblée.
M. Target continue à présider l'Assemblée conformément au règlement.
Les secrétaires choisis sont MM. Guillotin, de Marguerittes et de LaCoste.
rend compte à l'Assemblée que Sa Majesté sanctionne :
1° Le décret du 23 janvier, concernant la contribution aux décimes pour les six derniers mois de 1789;
2° Le décret du 28 janvier sur le paiement des droits d'aides de toute nature, et autres droits y réunis, même pour les ci-devant privilégiés ;
3° Le décret du même jour, concernant les juifs portugais, espagnols ou avignonais;
4° Le décret du 26 janvier, portant renonce-
M. le garde des sceaux prévient l'Assemblée que les ministres du Roi avaient dû se flatter que les ordres de Sa Majesté et les précautions prises pour la prompte formation de la Chambre des vacations du parlement de Rennes, ne tarderaient pas à recevoir leur exécution ; que cependant les magistrats ne sont pas encore rassemblés en nombre suffisant. Les causes présumées de ce retard sont l'éloignement inégal des résidences de ces magistrats, ainsi que la difficulté des chemins et des communications; mais de tels obstacles ne peuvent suspendre longtemps l'exécution pleine et entière des décrets de l'Assemblée, sanctionnés par Sa Majesté.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
reprend la série de ses rapports et dit que les divisions du département de 1 ouest de la Provence sont attaquées et que Forcalquier et Manosque veulent être chef-lieu de district. Le comité de constitution propose de maintenir les limitesdudépartementtellesqu'elles ont été convenues, tracées et signées par les députés de Provence.
parle en faveur de Manosque, qui fait un commerce très étendu, et il ajoute que le comité souverain de Saugnes demande à dépendre de Manosque.
fils combat cette prétention en disant que Forcalquier est dans une position plus centrale, qu'il possède les anciens établissements et qu'il serait injuste de les lui enlever au profit d'une ville dont la prospérité est indépendante de ces mêmes établissements.
consulte l'Assemblée, qui adopte l'avis de son comité et rend le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, d'après l'avis du comité de constitution, décrète :
« Les limites du département de l'ouest de la Provence demeurent telles qu'elles ont été convenues, tracées et signées par les députés de la Provence, à l'exception dé la communauté de Viens, qui est du département de l'ouest.
La ville de Forcalquier est chef-lieu de son district.
prévient l'Assemblée qu'un courrier extraordinaire, envoyé de la ville de Chinon en Touraine, a apporté des paquets importants, relatifs à l'élection du maire de cette ville.
Sur la proposition qui est faite à l'Assemblée de s'occuper sur-le-champ de cet objet, elle décide que le paquet et les pièces y annexées seront envoyées au comité de constitution pour les examiner et pour en faire le rapport à la séance du mercredi 3 février.
L'Assemblée prend la même délibération pour quelques difficultés qui se sont élevées pour la nomination des officiers municipaux de la ville de Valenciennes.
fait connaître les prétentions réciproques des villes d'Aix et de Marseille à être chef-lieu du département de l'ouest de la Provence.
La ville de Marseille demande à être chef-lieu
de département; son influence s'étend sur la France entière; son commerce est dans la dépendance journalière de l'administration. La ville de Lyon, moins importante qu'elle, quoique placée à l'extrémité de son département, a obtenu d'en être le chef-lieu. Pourquoi Marseille ne jouirait-elle pas du même avantage? pourquoi serait-elle l'esclave d'un département agricole? pourquoi forcerait-on cent-cinquante mille habitants à se réunir à la ville d'Aix, tandis qu'une ancienne antipathie leur fait redouter cette réunion ? Dans une délibération prise par les parties intéressées, Marseille a obtenu en sa faveur douze suffrages contre six.
La ville d'Aix répond à cette cité : Soyez ce que la nature vous a faite; soyez commerçante et maritime; n'enviez pas les secours que réclame notre pauvreté ; vous redoutez un département agricole ; mais le commerce et l'agriculture ne tiennent-ils pas l'un à l'autre? nç doivent-ils pas s'aider mutuellement? Les décrets de l'Assemblée et l'intérêt des administrés prescrivent de placer, autant qu'il est possible, le chef-lieu dans le centre. La prétention de Marseille contrarie cet intérêt et ces décrets. Aix est parfaitement central ; à cet immense avantage local se joignent des considérations bien puissantes; elle va perdre son parlement, sa chambre des comptes, sa cour des aides; ces établissements attiraient quelques étrangers dans son sein, augmentaient un peu ses consommations, sur lesquelles se perçoit l'impôt qui fait toute sa richesse...
Le comité pense qu'on ne saurait trop, en ce ménager la ville de Marseille.....11 propose le décret suivant : « La ville de Marseille sera le chef-lieu du département de l'ouest de la Provence. Les électeurs s'assembleront à Lambesc, siège des anciens Etats, pour y déterminer, à la pluralité, les chefs-lieux des établissements que la constitution destine à cette partie de la Provence.
C'est un spectacle bien singulier que celui qui, depuis quelque temps, se présente à vos yeux. De petites villes viennent se disputer un peu plus d'illustration, un peu moins d'obscurité ; aujourd'hui, une ville riche et coinçante, qui possède 800 millions dans son commerce, et dont le territoire vaut 80 millions, vient disputer à une ville pauvre, le reste de vêtement que lui laisse une révolution salutaire. Marseille est connue de tout l'univers par son luxe, par son opulence et par son ambition. Cette ambition s'est montrée sous tous les règnes; tantôt Marseille a demandé l'administration, tantôt la cour des aides, tantôt la monnaie, etc. Elle a voulu toujours exister seule et par elle-même ; ses députés ne se regardent pas comme Provençaux. La rare honnêteté du comité a été trompée; c'est à tort qu'il dit qu'une délibération a décidé la question. Cette délibération n'existe pas; si elle existe, je demande qu'on en dépose le procès-verbal sur le bureau ; il sera notre juge... Marseille veut réunir tous les avantages, parce qu'elle jouit d'avantages immenses. Huit mille bâtiments, trente mille étrangers entrent et sortent journellement de ses murs et de son port. Elle a tous les établissements que le luxe peut désirer; la vingt-deuxième partie du numéraire, la cinquième partie du papier du royaume circulent chaque jour dans son sein. Ses dehors étalent les richesses du luxe et de la volupté. Douze mille habitations délicieuses l'entourent; elles forment une ville immense, dont les maisons semblent s'être pla-
cées, au gré du caprice et du plaisir, dans les sites les plus beureux. La ville d'Aix trouve toutes ses ressources dans quelques gens d'affaire, attirés vers elle par lés établissements civils, politiques et religieux qu'elle renferme depuis dix-huit cents ans. Elle est perdue, si la constitution la prive de cet unique et faible avantage. La raison, la justice et les convenances demandent qu'il lui soit conservé. Elle est au centre du département, Marseille est à l'extrémité; vos décrets et l'intérêt dés administrés plaident ici pour elle... Que Marseille ait ou n'ait pas les établissements nouveaux, elle n'en sera pas moins la plus florissante ville de l'univers. Le bienfait de la révolution n'est pas de faire mourir, pour ainsi dire, d'une apoplexie politique, des hommes engraissés par le luxe, les richesses et le commerce.
M. Bouche termine son opinion en rappelant un grand nombre de faits historiques, preuves frappantes du patriotisme des habitants d'Aix. Il représente, comme une raison qui .jkit prévaloir 6ur tous les avantages politiques, le fléau de la peste, qui règne continuellement dans le lazaret de Marseille, et qui, au premier soupçon, oblige d'intercepter les communications et de fermer les barrières et les tribunaux. Il conclut en demandant que lé chef.-lieu et les établissements du département de l'ouest de la Provence soient accordés à la ville d'Aix.
représente les droits anciens de Marseille, son importance, sa population, ses contributions. Il observe qu'il ne faut que trois heures pour se rendre d'Aix à Marseille, et que la peste exige que cette dernière ville soit le siège d'une administration qui veille sans cesse pour écarter ce fléau. Vous ne décidez pas, dit-il, les intérêts de Marseille, mais les vôtres, mais ceux de toute la France.
, archevêque d'Aix, appuie la conclusion de M. Bouche par des raisonnements dont voici les résultats. Le chef-lieu du département doit être rapproché du centre, Aix est le lieu de correspondance nécessaire. Il faut consulter l'intérêt de plus grand nombre; Marseille et son territoire présentent une population de cent cinquante mille hommes ; mais plus de deux cent mille sontrépandus dans le reste du département. Il faut consulter les convenances : les consommations, extrêmement chères à Marseille, rendraient trop coûteux le séjour des administrateurs et des électeurs. Enfin le besoin de favoriser les pays les moins riches, est un motif que la sagesse de l'Assemblée a toujours pris en grande considération. (Voy. le mémoire de M. de Bois-gelin, annexé a la séance de ce jour.)
On ferme la discussion.
« L'Assemblée nationale à une grande majorité, décrète :
« Que la ville de Marseille sera du département de l'ouest de la Provence, et que celle d'Aix en sera le chef-lieu. »
propose ensuite de diviser le département des deux Flandres, du Hainaut et du Gambrésis en huit districts, en laissant aux électeurs du département la faculté de décider Si le chef-lieu du district serait à Bergues ou à Dun-kerque.
demande que Bergues soit chef-lieu de district préférablement à Dunkerque, at-
tendu que Bergues est plus central et d'un accès plus facile. Il propose, en outre, de laisser aux électeurs du district, et non à ceux du département, la faculté de décider celle des deux villes qui obtiendra le tribunal.
La motion mise aux voix est adoptée dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département des deux Flandres, du Hainaut et du Cambrésis est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont: Valenciennés, le Quesnoy, Avesnes, Cambrai, Douai, Lille, Has-brouck et Bergues ;
« 2° Que le tribunal de justice du district d'Hasbrouck sera placé à Bailleul ;
« 3° Que le tribunal du district de Bergues sera placé à Bergues ou à Dunkerque, au choix des électeurs dudit district ;
> 4° Que les villes de Valenciennes, Avesnes, le Quesnoy, Cambrai, Lille et Douai réuniront les deux établissements ; sauf à statuer sur les limites de la Flandres et de l'Artois, ainsi que sur le chef-lieu du département dont il s'agit. »
fait un dernier rapport concernant le département d'Evreux et rend compte de toutes les réclamations qui se sont produites à cet égard. Il propose dediviser le département en six districts, qui seraient Evreux, Bernav,Pont-Audemer, les Andelys, Verneuil et Louviers. Plusieurs autres villes réclament des districts et il en faudrait au moins douze pour satisfaire Vernon, Pont-de-l'Arcbe, Breteuil, Ivry, Roger, Harcourt et Beaumont. Le comité pense que les réclamations de ces villes ne sont pas fondées et que la division arrêtée par les députés de Normandie est bien faite. Toutes les subdivisions réclamées n'intéressent que quelques petites villes qui sont trop près les unes des autres et qui ne consultent que leurs intérêts. Les campagnes ne demandent rien et les campagnes ne doivent pas être attribuées comme des propriétés à ces rivalités de clocher. Si les districts ne doivent pas être trop grands, ils ne doivent pas non plus être trop petits, car ce serait écraser les campagnes, au profit des petites villes, en frais de justice et d'administration.
dit que la division de la forêt de Lions entre le département d'Evreux et celui de Rouen, occasionnera de grandes difficultés dans l'exploitation.
dit que la division occasionnerait un doublement d'officiers et multiplierait les frais d'adjudication.
demande que la forêt de Lions, ne soit pas divisée, dans quelque département qu'on la place, et que le concordat fait entre les Andelys et Gisors soit renvoyé à l'assemblée de département :
L'Assemblée ferme la discussion et décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du çomité de constitution :
« 1° Que le département d'Evreux, dont Evreux est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Evreux, Bernav, Pont-Audemer, Louviers, les Andelys et Verneuil;
« 2° Que les électeurs du département détermineront s'ils trouvent nécessaire ou utile de former un. plus grand nombre de districts dans ce département;
« 3° Que le tribunal du district des Andelys sera placé à Gisors ;
« 4° Que la demande de la ville d'Elbeuf d'être distraite du département de Rouen, avec quelques paroisses environnantes, pour être unie à celui d'Evreux, lui est réservée, et qu'il lui sera libre de présenter sa réclamation à cet effet au département, et ensuite à la prochaine législature ;
« Sauf, en faveur des villes de la province qui en paraîtront susceptibles, la répartition des établissements et des tribunaux qui seront déterminés par la constitution. »
lit à l'Assemblée unè lettre du régiment de Dillon, conçue en ces termes :
« Monsieur le Président,
« Le régiment de Dillon a reçu la lettre qui lui a été adressée au nom de l'Assemblée nationale. Ce régiment dévoué depuis plus d'un siècle, sous le même nom, au service de la nation française, a toujours fait ses efforts pour bien mériter d'elle par son attachement à la patrie; et sa fidélité au Roi. 11 n'a jamais cru qu'un représentant de la nation eût pu se permettre de méconnaître, dans le sein de votre auguste Assemblée, la gloire de l'armée française dont il a l'honneur ae faire partie.
« Le régiment de Dillon, toujours fidèle à ses serments, n'oubliera point celui qu'il a prêté à la nation, à la loi et au Roi.
c Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
« Signé: LES OFFICIERS DU RÉGIMENT DE DILLON.
« A Bergues, le
On demande et l'Assemblée ordônne l'insertion de cette lettre au procès-verbal.
Dans une de vos précédentes séances vous avez décidé que le comité militaire serait entendu. En conséquence, je donne la parole à M. le vicomte de Noailles, qui, au nom ae ce comité, est chargé de nous présenter un rapport sur les objets constitutionnels de Varmée ; sur quelques rapports entre les milices nationales et tes troupes reglées ;sur la manière dont plusieurs décrets de l'Assemblée doivent être interprétés et exécutés; enfin sur l'avancement des officiers, bas-officiers et soldats (1).
Messieurs, vous remplissez une obligation vraiment sacrée en vous occupant de l'armée.
Cent-cinquante mille Français ont été privés du droit de suffrage dans les assemblées
primaires; et si votre justice a regardé comme nécessaire ce sacrifice, votre humanité doit
s'efforcer de le compenser. En écoutant vos dispositions, en vous rappelant l'estime que vous
avez conçue pour les troupes, l'admiration que vous ont inspirée leur conduite, leur courage,
leur patience, les services distingués qu'elles ont rendus dans tous les temps, vous dicterez
des lois militaires qui feront chérir à l'armée et vos décrets, et votre constitution, et
vous trouverez dans son zèlë lé plus ferme appui de la liberté français».
En écartant tout ce qui est étranger à son objet, le comité a senti combien il était difficile, dans ce travail important, de recueillir tout ce qui est nécessaire à le compléter. Dans cette carrière, il nous a paru que le premier pas à faire était de déterminer l'état civil de l'armée ; et> pour cet effet, nous avons pensé qu'à la vérité la réunion sous les drapeaux ne pouvait pas former un domicile, mais que le temps de service, toujours compté par la patrie, conserverait à celui qui l'aurait ainsi employé, l'avantage de jouir, dans son domicile naturel, de la plénitude des droits de citoyen actif, toutes les fois qu'il viendrait s'y présenter.
Le comité a pensé aussi que trente années consécutives de service militaire, sans interruption, devaient obtenir, à celui qui les aurait remplies, toutes les prérogatives accordées aux citoyens actifs. De semblables récompenses, prises dans le nouvel ordre de choses, le rendront aussi recom-mandable à chacun qu'il est utile à tous, et c'est l'objet que le législateur doit toujours se proposer.
Après avoir fixé l'existence de l'armée, sous le rapport social, nous passons aux rapports de l'armée avec la puissance qui ordonne et avec celle qui exécute.
Le pouvoir qui exécute ne doit pas fixer le nombre de troupes, ni régler la dépense de l'armée, par la raison que la quotité de troupes est la valeur représentative de l'impôt destiné à remplacer le service personnel.
Par une suite de ce principe, la disposition première des troupes dans le royaume doit être le fruit d'une convention entre les deux pouvoirs de législation et d'exécution.
Les conditions, auxquelles le pouvoir exécutif exerce l'autorité suprême sur l'armée, étant ainsi posées, il reste encore au pouvoir constituant de remettre les éléments de l'armée au pouvoir exécutif, qui en dispose hors du royaume, et qui peut la faire mouvoir, selon sa volonté, dans l'intérieur, toutes les fois que cette volonté est conforme à la loi, ou qu'elle a pour but d'agir contre l'ennemi de la nation.
Avant de fixer les éléments qui doivent contribuer à l'organisation de l'armée, il serait bon de déterminer comment les troupes peuvent et doivent sé comporter avec les milices nationales, lorsqu'elles ont à opérer ensemble.
Le principe militaire défend de confondre les corps divers ; ce n'est qu'en se trouvant dans leur ordre naturel que les troupes peuvent entreprendre avec fruit. Il faudrait éviter, toutes les fois qu'il y aura des milices nationales et des troupes régléés, de les réunir surtout par petites divisions ; elles agiront plus efficacement étant séparées. II paraîtra convenable que le militaire, qui ne cesse pas d'être citoyen, en s'offrant pour la défense de la patrie, conserve, sur les milices
nationales, l'avantage de l'expérience. Cette attention contribuera certainement à rendre les opérations, combinées entre les milices et l'armée, plus faciles et plus sûres dans leur exécution.
Ces principes constitutionnels étant établis, nous allons vous occuper de l'avancement militaire. Nousavons pris pour guide de nos réflexions les observations pressantes et nombreuses, qui nous sont parvenues sur l'ancien ordre, et nous les avons étudiées avec le plus grand soin, parce que nous avons cru y reconnaître l'esprit de tous les corps qui composent l'armée. Toutes les plaintes portent généralement sur les mêmes objets; partout on cite l'abus du pouvoir, la faveur et l'arbitraire à la place du droit que donnent les bons services et l'ancienneté. Les demandes des troupes sont justes et modérées, et l'on peut croire qne, sans empiéter sur les fonctions qui appartiennent au pouvoir qui exécute, nous pourrons satisfaire le vœu de l'armée et regarder ce qui intéresse le plus intimement son sort comme invariablement fixé. Dans les propositions qui nous ont été faites, il en est quelques-unes qui demandent pour les soldats l'élection de leurs bas-officiers. Le comité a pensé qu'il y aurait beaucoup d'inconvénients à rendre les inférieurs arbitres du sort de leurs supérieurs, et particulièrement dans les premiers grades. Ce principe introduirait des intrigues et des cabales pour les élections, et ce droit de suffrage, prenant de l'extension, mettrait la liberté en danger. L'expérience nous montre la république romaine renversée au moment où les soldats purent choisir leurs chefs. Cette méthode, si elle était suivie, entraînerait la destruction des troupes françaises.
Votre comité pense cependant qu'il y a des modifications à établir dans les nominations des grades subalternes; qu'il faut, en laissant le choix àcelui qui a la responsabilité directe, éviter que des caractères durs ou inquiets n'obtiennent des préférences, et que le mérite, reconnu tant par les compagnons d'armes que par les supérieurs immédiats, ne puisse être privé de l'avancement. Pour cela nous avons cru nécessaire d'indiquer au pouvoir exécutif de prendre des mesures convenables pour rendre cette responsabilité des officiers utile, en la rendant possible, et fonder l'obéissance des soldats sur leur confiance.
Le comité a trouvé que les soldats et les bas-officiers se plaignaient avec raison du peu d'égards que l'on a eu jusqu'ici pour leurs services; ils annoncent qu'ils supportent ies fatigues de la guerre, et que s'ils parviennent au grade d'officier, ce n'est jamais qu'à l'instant où leurs infirmités, fruits de services longs et pénibles, les obligent à prendre leur retraite. Cependant nos armées, commandées avec succès par des chefs qui avaient commencé par être soldats, sont une preuve qu'il est nécessaire de favoriser l'ambition de cette classe où se trouvent d'excellents juges, et souvent des talents distingués. Le souverain doit applanir les difficultés qui empêchent les soldats d'obtenir la récompense de leurs travaux et de leurs peines, et, pour cet effet, favoriser leur ambition : ce double but sera rempli, en fixant que, sur cinq places d'officiers, il y en aura toujours une destinée aux subalternes, arrivés par tous les grades, et qu'alors ils prendront rang dans la ligne militaire ; cette place sera donnée au bas-officier le plus méritant, et nommé par un conseil formé pour cet objet.
Nous touchons, Messieurs, au moment où une
partie de vos décrets doit avoir toute sa force d'exécution/ Privés, pendant des siècles, de tous les avantages que le service militaire peut offrir, la presque totalité des citoyens français était forcée de languir dans des "emplois inférieurs, tandis qu'une classe privilégiée arrivait aux honneurs par la protection et le crédit de ceux qui les avaient usurpés. Cette même classe se séparait en trois branches, que l'on appelait vulgairement nobles de province, nobles de cour et nobles du plus haut rang. Les premiers méritaient beaucoup par des services actifs, par une longue expérience, par des talents souvent ensevelis faute de circonstances, et n'obtenaient rien : la noblesse de cour, en général, franchissait, plutôt qu'elle ne parcourait, la carrière militaire : séparée du soldat par un espace immense, elle lui était étrangère : aussi ignorait-elle toujours et ses peines et ses plaisirs; aussi ne savait-eI le ni le distraire ni ad oucir même quelques instants la contrainte pénible d'une obéissance éternelle. Elle faisait supporter aux officiers de l'armée tout le poids du service, et en retirait tous les honneurs : de là ces distinctions vraiment humiliantes, d'officiers supérieurs, d'officiers inférieurs ou subalternes; de là cette foule immense de grâces accordées aux uns, que vous trouvez divisées sous toutes les dénominations, tandis que de faibles pensions de retraite gratifiaient tout au plus les autres, après des services vraiment utiles. Enfin, il existait une grande erreur, puisque plusieurs familles, avant l'âge de l'inscription civique, commandaient des corps nombreux ; et tant d'abus étaient consacrés par des ordonnances! Tous les corps ont fait des représentations, mais la malheureuse maxime pour les armées a trop longtemps été de n'avoir aucun égard aux réclamations. Ah ! si cette révolution est heureuse, c'est surtout pour ceux qui étaient condamnés à de si criantes injustices ; il fallait que le gouvernement se régénérât pour détruire ces odieux abus; ils ne seront jamais oubliés du militaire, parce qu'ils lui rappelleront ce qu'il était et ce qu'il est devenu.
La marche qui a été suivie, ne devant plus avoir lieu, nous allons vous entretenir des précautions que nous croyons indispensables pour corriger les vices de l'organisation militaire.
Il nous paraît convenable que, pour entrer au service dans le grade d'officier, il soit nécessaire d'ê're âgé de 18 ans révolus, et de réunir toutes les autres qualités de citoyen actif. Ce n'est qu'à cet âge que le corps et l'esprit ont une consistance azsez forte pour se passer des soins journaliers. Il nous a paru avantageux, en outre, que toute personne, proposée pour occuper une place d'officier, ait préalablement soutenu un examen public sur les objets relatifs aux premiers points de la constitution et aux éléments de l'art militaire. Une épreuve de ce genre est faite pour disposer avantageusement l'opinion publique. Elle paraîtra un juste motif de préférence sur un grand nombre de citoyens qui, n'appprtant au service que d'heureuses dispositions et du zèle, ne peuvent y entrer que comme soldats. L'artillerie et le génie, qui ont une réputation si haute et si méritée dans toutes les armées de l'Europe, sont soumis à des examens que nous croyons trop sévères pour le reste des troupes : mais pleins de confiance dans les personnes que le Roi a chargées de veiller à toutes les parties de l'administration militaire, nous nous bornons à poser le principe, sans entrer dans aucun détail.
Maintenant, Messieurs, nous aurons donc, dans le premier emploi militaire, des officiers par-
venus par tons les grades, dans la proportion d'un sur cinq, et des officiers distingués par les examens qu'ils auront soutenus.
Nous croyons que l'avancement doit dès lors suivre l'ancienneté jusqu'au grade de major exclusivement, pourvu seulement que les jeunes gens entrés au service avec le rang d'officier, prêtent, à l'âge fixé par la loi, le serment civique. Ce ne sera pas dans cette partie de la force publique, qui a toujours été l'asile de l'honneur, que cette loi paraîtra pénible, et l'on peut assurer d'avance que, sans aucune ordonnance prohibitive, celui qui ne serait pas digne d'être admis au serment, ne pourrait plus continuer ses services. Il est bon, il est juste autant qu'utile que le soldat soit citoyen, et que se voyant estimé, considéré, il aime son état, qu'il tienne à la patrie, et qu'il n'en devienne jamais l'oppresseur.
Nous allons vous occuper en ce moment des grades supérieurs, de ceux qui permettent de mettre les talents sous un plus grand jour, de ceux qni ont souvent servi de prétexte pour seconder l'arbitraire au lieu de favoriser le mérite et l'expérience. Le comité militaire a pensé que tous les grades, depuis celui de major jusqu'à celui de lieutenant-général exclusivement, appartenaient principalement à l'ancienneté, en exceptant un sur trois, destiné aux personnes qui, annonçant des talents rares, doivent obtenir des préférences et parvenir dans la vigueur de l'âge au commandement des armées. Sur la proposition principale, le comité a cru que là où il y aurait incapacité, il ne fallait pas. accorder des fonctions actives, et qu'il devait avancer comme principe utile, que le - pouvoir exécutif peut refuser l'avancement s'il croit y être fondé, mais qu'il ne pourra le faire sans un changement d'état pour celui qui serait ainsi privé de l'avancement, sans jugement par conseil de guerre, ou sans une retraite de gré à gré.
Cette loi utile, faite également pour les grades intermédiaires du capitaine au lieutenant général, étant justement appliquée, laissera une carrière qui ne sera jamais fermée à ceux qui méritent, et elle empêchera de dépouiller un officier arbitrairement, puisqu'il faut le placer, le juger, ou qu'il demande à se retirer.
Sur la seconde proposition, il a paru au comité militaire qu'il ne pourrait se rendre juge de l'incapacité ou du mérite, et en fixer les justes bornes, mais qu'il appartenait au pouvoir exécutif de tenir la balance et d'apprécier la valeur des poids; que c'était un des objets compris dans la responsabilité, que celui de faire des choix utiles et estiuiable8 ; qu'il fallait seulement exiger que depuis le grade de major, aucun officier ne pourrait parvenir à celui de lieutenant-général sans passer par tous les grades.
Enfin, pour les nominations de lieutenants-généraux, et pour les commandants d'armées, nous avons pensé qu'il n'y avait d'autre règle à prescrire que d'observer dans le choix la réuniou des talents éprouvés par l'expérience, et d'en laisser le Roi seul arbitre.
Après avoir ainsi posé les bases sur lesquelles le pouvoir exécutif doit opérer son action, il est essentiel encore de tourner votre attention sur les circonstances que la guerre peut offrir. Un militaire alors ne doit jamais prévoir l'avancement qu'il peut espérer : la gloire d'un général d'armée est attachée à favoriser le talent, le mérite, l'énergie dans tous ceux qui lui sont subordonnés ; il faut lui permettre de franchir toutes les règles prescrites pendant la paix, lui donner le droit
d'en créer de nouvelles, et l'obliger seulement à une responsabilité sévère.
Cette uécessité de se reposer, sur un seul homme, du sort d'un grand nombre d'individus, est un des motifs qui doivent rendre aux nations libres l'état de guerre redoutable, parce que, outre la ruine des finances, il mène à la perte de la liberté. Ce fut en rendant les guerres longues et même continues que les généraux de Rome, despotes de l'armée, parvinrent à se rendre les despotes de la République.
Il nous reste encore à veiller sur quelques officiers hors de rang, et qu'il est bon et utile de classer. Le zèle et l'honneurjfrançais onttoujours conduit nos guerriers partout où il y avait de la gloire à acquérir. Ou a vu Charles XII tué auprès d'un officier français ; et, sans remonter à une époque aussi reculée, quels efforts n'ont pas faits des Français pour obtenir la liberté à une grande partie d'un autre hémisphère? L'Amérique, comme on le sait, doit en partie sa liberté aux efforts qu'ils ont déployés dans les champs de Glocester et dans les affaires de Stony-Point et ds Redbanck. Naguères encore quelques Français se sont fait connaître d'une manière distinguée sur les bords de la mer Noire. 11 faut quelques exceptious pour des personnes dont les noms retentissent d'une manière favorable, et dont les actions méritent une place dans l'histoire. Le comité a donc pensé que tout Français qui, ayant la permission de servir une puissance alliée de la France, se ferait connaître par des actions d'éclat, ne serait pas soumis aux règles strictes qui ont été prescrites pour l'avancement. En même temps qu'il recommande un jugement sévère pour de semblables services, il trouve qu'il est utile d'avoir des officiers formés à la guerre, sans que la nation soit obligée d'en supporter les frais.
Le désir ardent que nous avons de voir tout ce qui compose l'armée en pleine activité, nous fait envisager comme une chose vraiment utile de limiter le nombre des officiers-généraux à Ja tête des troupes, et de ne les remplacer, le plus souvent, que par des officiers en activité de service.
Enfin, Messieurs, si l'économie nécessaire aux finances exige des réformes dans l'armée, la justice veut qu'elles portent sur les grands abus; qu'il n'y ait que des changements utiles, et qu'une constitution, qui doit faire le bonheur de tous, ne trouble personne dans ses jouissances.
Résumant le rapport que vous venez d'entendre, le comité demande que l'existence sociale du militaire soit fixée ; qu'on accorde après un certain terme, pour récompense des services, le droit important de citoyen actif; que les rapports de l'armée avec le pouvoir qui ordonne et celui qui exécute, soient réglés d'une manière invariable; que toutes les difficultés qui pourraient s'élever entre les troupes réglées et les gardes nationales soient déterminées d'avance, et que l'expérience conserve l'avantage qu'elle doit avoir pour le commandement ; que les justes réclamations du militaire soient enfin écoutées ; que les décrets de l'Assemblée, qui admettent au service toutes les classes de citoyens, soient mis en vigueur; que les soldats n'aient plus à redouter pour bas-officiers des hommes dont ils pourraient craindre le caractère, ou dont ils n'estimeraient pas la conduite ; que l'avancement pour les bas-officiers tleur assure les récompenses qu'ils ont droit d'attendre; que les officiers, avant d'entrer au service, soient appelés à des examens. toujours utiles ; qu'il n'y ait aucun passe-droit pour mon-
ter aux compagnies; que toute propriété de régiment soit détruite; que l'ancienneté, pour parvenir aux grades supérieurs, ainsi qu'à ceux de colonel et de marécnal-de-camp, ait toujours la préférence, lorsqu'elle se trouve accompagnée de la capacité et de l'activité qu'on doit exiger dans un chef; qu'un poste de tranquillité, qu'une retraite honorable soient accordés à celui qui, étant parvenu à la tête de son corps, ne serait pas avancé; ou qu'en cas de refus, il ait droit à un jugement légal; que la guerre laisse au talent le moyen de se faire jour et à l'ambition ceux d'arriver; que la valeur française trouve d'avance des récompenses préparées pour les succès non contestés; que les réformes de l'armée portent sur les grands abus; qu'enfin l'état militaire devienne, autant qu'il est possible, un état heureux.
Tel est, Messieurs, le rapport que nous avons cru devoir soumettre à votre examen ; il a été dicté par l'amour de l'ordre, le sentiment le plus vrai de coopérer efficacement au bien public. Nous avons pensé que la fixation des principes appartient au Corps législatif, comme l'application au pouvoir exécutif, et nous ne nous sommes jamais écartés de cette règle.
Le comité ne s'est pas dissimulé combien le travail qu'il avait entrepris était difficile à exécuter; il s'est moins occupé de créer une armée que de détruire des abus consacrés par le temps; il n'a voulu adopter que des formes que chacun puisse calculer, approuver, aimer même, s'il est possible, tant par l'avantage que le soldat trouvera à se les approprier, que par la conviction qu'elles offriront à l'officier de la justesse de leurs choix, et par l'heureux développement qu'elles donneront à. son intelligence et à son ambition.
Après avoir ainsi détaillé ce que le comité croit avantageux et utile à l'Etat, et par conséquent à l'armée, dont les intérêts sont inséparables, nous croyons devoir soumettre à l'Assemblée le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, Considérant que l'objet essentiel et spécial de l'armée est la défense de l'Etat contre l'ennemi de la nation;
« Que si pour bien remplir cet objet, l'obéissance est un devoir indispensable dans les subalternes, le respect des lois et des justes limites de leurs pouvoirs n'en est pas moins rigoureux-pour les chefs;
« Considérant que le régime sévère de la subordination militaire prête à des abus de pouvoir, et que chez la plupart des nations la perte de la liberté et le maintien de l'oppression sont dus à à un emploi inconstitutionnel des forces de l'armée;*
« Considérant que la condition pénible des hommes qni se dévouent au service habituel de la guerre leur donne des droits à la gratitude de leurs concitoyens et à l'humanité du législateur;
Considérant enfin que dans tous les temps 'armée française a donné des preuves signalées d'un patriotisme éclairé, et qu'elle a toujours offert un grand exemple de conduite à toutes les armées, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er T6ut militaire, domicilié dans un canton, conservera
son domicile, malgré les absences nécessitées par son service ; en conséquence elles ne
pourront lui faire perdre le droit d'élire et d'être élu dans ce canton, s'il a d'ailleurs
les qualités exigées par les décrets de l'Assemblée nationale.
« Art. 2. Après trente ans de service dans l'armée, un militaire français ou devenu Français, et domicilié, de fait, dans un canton, y jouira de la plénitude des droits du citoyen actif, quand même il ne serait sujet à aucune des contributions requises pour être éligible.
« Art. 3. Les troupes réglées sont particulièrement destinées à la défense du royaume contre les ennemis du dehors ; elles ne peuvent jamais être employées contre les citoyens, qu'à la réquisition du Corps législatif, des officiers » civils ou municipaux : dans ce cas, la réquisition de la main-forte doit toujours être lue aux troupes assemblées avant qu'elles puissent agir hostilement.
« Art. 4. Lorsque les gardes nationales et les troupes réglées seront ensemble sous les armes, les gardes nationales prendront la droite dans leurs villes et sur leur territoire ; mais hors de la ville et de leur territoire, le pas et le commandement appartiendront aux troupes réglées.
« Art. 5. Deux voies différentes conduiront au grade d'officier: 1°. la pratique distinguée des devoirs du soldat; 2° la connaissance des premiers éléments de l'art militaire.
« Art. 6. De cinq emplois de sous-lieutenants, il en sera toujours donné un à un bas-officier du régiment, de telle sorte cependant qu'il ne puisse jamais y avoir, dans l'armée, plus du cinquième des officiers parvenus par tous les grades. Les quatre autres places d'officier ne pourront être données qu'à des citoyens qui, dans un examen public, dont les formes seront fixées, auront prouvé qu'ils possèdent les premiers éléments de l'art militaire, et qu'ils sont les plus dignes d'être élevés à ce grade.
« Art. 7. Tout Français fils d'un citoyen actif est admissible à l'examen nécessaire pour parvenir au grade d'officier.
« Art. 8. Nul ne pourra être admis au grade d'Officier, s'il n'a dix-huit ans révolus.
« Arl. 9. Un conseil, composé des chefs et descapitaines du régiment, choisira parmi les bas-officiers celui qu'il croira le plus digne d'être élevé au grade d'officier.
« Art. 10. Les bas-officiers seront désignés par les bas-officiers et par les officiers de la compagnie, choisis par le capitaine et confirmés par le colonel.
« Art. 11. Les sous-lieutenants parviendront au grade de lieutenant, et les lieutenants au grade de capitaine, par ordre d'ancienneté : l'incapacité, jugée par un conseil, pourra seule changer cet ordre.
« Art. 12. Tous les grades militaires compris entre celui de capitaine et celui de lieutenant-général des armées, seront donnés, les deux tiers en suivant l'ordre d'ancienneté, dans la même arme, l'autre tiers à ceux que le roi eh jugera les plus dignes.
«Art. 13. Aucun militaire ne perdra le droit que son ancienneté lui donne à un grade supérieur, que dans deux cas: s'il y renonce pour accepter une retraite honorable, dans un emploi moins actif, ou s'il est jugé incapable par un conseil.
« Art. 14. La nomination des lieutenants-généraux, des' maréchaux de France et des généraux d'armée dépend absolument du Roi.
« Art. 15. Pendant la guerre, le Roi peutdonner aux généraux d'armée le droit de conférer des grades hors du rang, à tout militaire distingué par quelque action d'éclat.
« Art. 16. Tout militaire qui aura obtenu la permission de servir une puissance alliée de la
France, et qui dans le service se sera fait distinguer par quelque action d'éclat pourra être élevé hors de son rang, à un grade supérieur à celui qu'il avait dans l'armée.
« Art. 17. Toute vénalité des emplois militaires sera détruite, il n'y aura plus de colonel propriétaire ; on accordera des dédommagements convenables à ceux qui sont actuellement pourvus d'emplois de ce genre.
« L'Assemblée ordonne l'impression et la distribution du rapport ; elle en renvoie la discussion au lundi 8 février. »
annonce que M. Leclerc, député de Paris et M. Périsse-Duluc ont été nom? més pour l'inspection de l'imprimerie.
L'Assemblée se retire dans ses bureaux pour procéder à l'élection d'un nouveau président.
La séance est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du er février 1790
Mémoire en réponse à la demande des députés de Marseille, concernant la division des départements en Provence, par M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, député de la sénéchaussée d'Aix (i).
Le comité de constitution avait tracé un plan de division de la Provence en trois départements.
Un de ces départements contenait les vigueries d'Aix, Apt et Tarascon,les terres adjacentes d'Arles, les Baux et Salon et la ville et le territoire de Marseille.
Un autre était composé des vigueries de Saint-Paul, Grasse, Draguignan, Toulon, Brignoles, Apt, Lorgues, Barjols et Saint-Maximin.
Ces deux départements renfermaient toute la fiasse-Provence et partageaient la côte maritime ; l'un à l'ouest, depuis les embouchures du Rhône jusqu'à Marseille ; et l'autre à l'est depuis Marseille jusqu'à la rivière du Var.
Un troisième département était celui du nord ou de la Haute-Provence, contenant les vigueries de Forcalquier, Sisteron, Digne, Moustiers, Gastel-lanne, Annot, Golmars, Sevne, Vallée de Barcelon-nelte, communauté de Sault et Val de Barrême.
Les députés de Provence furent convoqués pour donner leur avis sur l'établissement et la division des départements.
Les députée de la sénéchaussée d'Aix avaient volés pour un seul département.
Plusieurs députés votèrent pour deux départements; la division en trois départements fut admise à la pluralité des voix.
Les députés de Marseille avaient demandé l'établissement d'un seul département pour Marseille et son territoire ; la décision de l'Assemblée nationale n'a point été conforme à leurs désirs. Au défaut d'un département particulier, les députés de Marseille ont demandé que Marseille fût placée dans le département de l'est, et non dans celui de l'ouest : ils ont proposé de former un département des vigueries de Toulon, Hyères, Brignoles, Barjols, Saint-Maximin et de réunir les vigueries de
Grasse, Draguignan et Lorgues au département du nord ou de la Haute-Provence.
Les vigueries de Grasse et de Draguignan sont séparées du département de la Haute-Provence par des montagnes inaccessibles ;ii n'y a point de chemins ouverts ; il serait très difficile ettrèscoûteux d'y faire des chemins.
La pente de la Haute-Provence est versée vers les vigueries d'Apt et d'Aix ; la ville ou la viguerie d'Aix est le passage, le centre et le lien nécessaire de toutes les parties de la Provence.
Les députés de Marseille pensent que le département du> nord recevrait, par sa réunion avec Grasse et Draguignan, un surcroît de population, de commerce et de richesse territoriale qui balancerait la disproportion qu'il éprouve dans le plan de division du comité.
Les productions sont différentes par la nature du climat ; les relations sont impossibles par la disposition des lieux.
On ne peut pas oublier les différences et les distances que la nature a marquées par des effets sensibles et par des obstacles insurmontables.
L'administration n'établit pas des rapports que la situation des lieux ne comporte point.
Le commerce de la Haute-Provence suivra toujours la pente de ses montagnes vers la plaine d'Aix, Tarascon et Marseille.
Celui de Grasse et Draguignan aura toujours le même cours vers les côtes maritimes et vers Marseille, et ne remontera vers la Haute-Provence que par les relations de commerce des vigueries de Barjols, de Saint-Maximin et d'Aix.
L'administration d'un département ne rend communs que les impôts établis pour les charges d'utilité publique, nationale ou provinciale ; et les impôts ne pourraient être transmis qu'avec peine et par de longs détours, de Draguignan à Digne ou de Digne à Draguignan.
La viguerie de Draguignan se trouverait placée à l'extrémité,de ce nouveau département, et perdrait tous les avantages que peut lui donner sa situation dans le département tracé par le comité de constitution.
Les députés de Marseille ont senti ces raisons; ils ont paru renoncer au projet de réunion de Grasse et de Draguignan avec la montagne ; ils ont proposé la réunion de Marseille avec le département de l'est, quelles qu'en soient l'étendue et les bornes.
Les députés de Marseille représentent que la division qu'ils proposent est mieux proportionnée aux bases de division établies par l'Assemblée nationale.
Ces bases sont celles de l'étendue territoriale, des contributions et de la population.
Il faut observer que le département de l'ouest, tel qu'il avait été tracé par le comité de constitution, ne comprenait point la viguerie d'Apt; c'est par des convenances particulières qu'on l'a séparée de celui delà Haute-Provence.
On sent bien que le département de l'ouest renoncera plutôt à l'accession de la viguerie d'Apt qu'à celle de Marseille.
Telles sont les proportions de deux départements dans le plan du comité des finances.
Le département de l'ouest est de 40,824 ioises dans sa plus grande longueur, et de 34,992 toises dans sa plus grande largeur..
Celui de l'est est de 55,404 toises de longueur, sur 40,824 de largeur.
Le département de l'ouest, tel qu'il avait été proposé, compte environ 1,190 feux, sans y comprendre Marseille.
Le département de l'est, 1,160 feux.
Les feu:| sont la mesure de la valeur des biens et des contributions.
La différeuce n'est pas sensible, et il est possible que, dans un nouvel affouagement, l'accroissement du commerce sur les côtes maritimes, le plus grand débit des viQS et la nouvelle contribution des privilégiés, rapprochent la proportion des deux départements.
On ne peut énoncer, par rapport à la population, que des évaluations probables, et c'est encore une observation à faire, que la Haute-Provence s'est dépeuplée, et que la population, en approchant des côtes maritimes, est sensiblement augmentée.
On croit pouvoir assurer, sans crainte d'une erreur sensible, que ces deux départements, Marseille excepté, sont à peu près égaux dans le rapport de la population comme dans celui des contributions. Leur véritable différence est celle du territoire. On augmenterait d'un côté, par l'accession de Marseille, le département le plus étendu.
On diminuerait de l'autre, par la séparation de Marseille, le territoire le plus borné.
Il faut dire la vérité ; de quelque côté que Marseille soit placée, il faut qu'elle dérange la proportion respective* des deux départements ; elle ne peut pas se partager elle-même ; il est d'une inévitable nécessité qu'elle rende plus considérable, sans aucune proportion, le département auquel elle doit être unie.
Ainsi la"question reste entière; l'inégalité des deux départements n'est que l'effet même de la réunion de Marseille, et ne peut pas être un principe de décision.
Les députés de Marseille exposent l'avantage de réunir l'administration de Marseille à celle des villes maritimes dont le régime et les intérêts peuvent plus aisément se concilier avec son administration.
C'est cependant entre les villes maritimes, entre les commerçants de ces villes, entre leurs entreprises et leurs spéculations différentes que la concurrence peut exciter quelque discussion. On pourrait craindre que, dans le même département, les demandes ou les plaintes des villes maritimes les plus faibles ne pussent pas l'emporter sur les prétentions des grandes villes.
C'est parce que leurs intérêts sont semblables, qu'elles sont en concurrence. Des villes, faibles par elles-mêmes, peuvent emprunter la force de leur département ; il semble qu'elles perdent leur propre force quand elles ont à supporter dans leur département la prépondérance d'une ville | considérable.
Mais Marseille ne veut point faire d'injustices et n'en a point à craindre dans un département plutôt que dans un autre.
Il n'y aura point de rivalité de commerce entre Marseille et les communautés du département d'Aix.
Quel serait l'objet de ces injustices?
Le commerce ne dépend point de l'administration d'un département.
Le commerce doit être libre.
Voilà le premier principe de tout département.
Si des commerçants veulent avoir des privilèges, l'administration d'un département, quel qu'il soit, peut et doit les contredire. Ces privilèges qui font le bien de quelques commerçants ne font pas le bien du commerce.
Le commerce est fait pour favoriser le transport et le débit des productions nationales; et, sous ce rapport, il n'a rien à craindre des prin-
cipes qui doivent diriger l'administration des propriétés territoriales.
Le commerce est fait pour favoriser l'importation des denrées étrangères. Les denrées peuvent être soumises à des droits par des vues d'administration générale. Ces droits peuvent être établis par des Assemblées nationales, et ne doivent point l'être par des assemblées de département ; et, sous ce rapport, l'administration d'un département ne peut porter encore aucun préjudice au commerce.
Quel serait l'objet des injustices que Marseille aurait à craindre?
Serait-ce un partage inégal et disproportionné des charges de Marseille et du département ?
Quel que soit le département auquel elle doit être unie, elle aura les mêmes intérêts à réclamer.
Il y aura des charges communes qui doivent être imposées par la municipalité.
L'Assemblée nationale établira les principes qui doivent décider des charges provinciales ou municipales. Il ne restera qu'a les exécuter.
Enfin, si Marseille, la plus puissante des villes dans un département comme dans un autre, avait des plaintes à former, elle ne craindrait pas de les adresser à l'Assemblée nationale, et Marseille serait bien sûre d'être entendue.
Il n'est pas vraisemblable que ce soient là les véritables raisons de la demande des députés de Marseille.
Les députés de Marseille n'ont d'autre motif que d'établir à Marseille le chef-lieu du département.
Ainsi les députés supposent que Marseille serait le chef-lieu du département de l'est. Cependant elle en serait exclue, par les mêmes raisons, dans un département comme dans l'autre.
Quelles sont ces raisons? les voici :
On dit que Marseille doit être chef de département à cause de sa grande population.
Sa population est moindre que celle du reste de chacun des deux départements de l'est ou de l'ouest.
200,000 habitants, répandus dans le département de l'est, concourent avec les habitants de Marseille, et ont le droit de demander un centre mitoyen dont chaque habitant soit rapproché dans une justé proportion.
Il faudrait rapprocher le centre et le chef-lieu dans le département de l'est comme dans celui de l'ouest.
Marseille serait également placée à l'extrémité des deux départements, et elle ne doit pas s'en laindre. Ce sont les avantages immenses de son eureuse position sur les bords de la mer, qui lui font perdre le faible avantage de devenir le chef-lieu d'un département.
Ce serait un faible avantage pour elle d'être le chef-lieu d'un département ; elle n'en a pas besoin. C'est le bien le plus sensible pour Aix, et pour toute autre ville de la Provence.
Marseille est tout par elle-même. Le plus beau des départements est celui de son port et de sa municipalité.
. Son département s'appuie d'un côté à Cadix, et delà s'étend jusqu'à l'Amérique; il embrasse de l'autre les côtes de l'Italie et de l'Afrique; il domine sur les Echelles du Levant, et son centre est à Smyrne et à Constantinople.
Voilà le département dont elle est le chef-lieu depuis deux mille ans, et cette heureuse administration, confiée à toutes les générations de ses concitoyens, s'est maintenue avec une égale
prospérité parmi les variations de tous les empires. Marseille est tout par elle-même, et ne peut pas envier à des villes sans richesses et sans puissance les ressources bornées d'un centre de département.
Marseille oppose, par ses richesses mêmes, un obstacle sensible à l'établissement de l'administration.
Les denrées y sont à plus haut prix qu'en aucun autre lieu de la province. La grande consommation en est la cause. Il n'est pas bon, pour des députés qui ne partagent point les richesses de Marseille, de se transporter dans le lieu de la plus grande dépense; il n'est pas bon pour un département d'augmenter les honoraires des députés.
Si Marseille est chef de département, dans le département de l'ouest, la ville d'Aix est ruinée sans ressources. Elle n'a d'autre ressource que celle des tribunaux et des corps d'administration, et des étrangers attirés par les places et par les affaires. La ville d'Aix est ruinée, et Marseille absorbe, sans s'en apercevoir, un faible accroissement de consommation, comme la mer reçoit un fleuve dans son sein, sans en distinguer les eaux et sans en conserver la trace.
Si Marseille est centre de département dans celui de l'est, elle ravit également sans intérêt ce qui ferait la prospérité d'une autre ville, et il faut, dans tous les cas, déranger la juste proportion des distances pour procurer à Marseille un honneur dont elle n'a pas besoin.
Il faut enfin considérer que le commerce par terre du Languedoc, du Dauphiné, du Lyonnais, de la Bourgogne et de toutes les autres parties du nord de la France avec Marseille ; se fait par les routes et chemins des vigueries de Tarascon et d Aix, depuis Avignon jusqu'à Marseille, que ce commerce est immense, qu'il n'y a pas de comparaison entre les transports par terre dans le département de l'ouest et de l'est, et que ce commerce fait une partie considérable des richesses et de la prospérité de Marseille.
C'est'sous ce rapport que les intérêts de l'administration, dans le département de l'ouest, s'unissent et se confondent avec tous les intérêts de Marseille ; et telle est leur correspondance et leur union qu'on ne peut pas comprendre quelles pourraient être les raisons qui mettraient en opposition le véritable intérêt du commerce de Marseille, et celui des propriétés territoriales dont ce commerce favorise sans cesse les améliorations et le progrès.
On a dit que les dépenses locales des villes maritimes avaient plus de rapports entre elles. 11 ne s'agit pas, sans doute, de celles que chaque ville doit faire dans le sein de sa propre administration, et quelle est, dans les villes moins considérables, telles que Cassis et LaciOutat, la dépense d'utilité publique qui puisse être d'une aussi grande importance pour Marseille, que celle des routes et des grands chemins, par lesquels s'entretient la communication de Marseille avec la France entière.
Il n'y a donc point de raison pour changer la division des départements établis par le comité de constitution. Le vœu des députés de Marseille forme sans doute une autorité respectable. Une ville de 200,000 habitants a des droits sur l'attention de l'Assemblée nationale. Mais la voix de tous les députés de la Provence représente le vœu de 600,000 habitants, et leur suffrage unanime semble devoir justifierj'ouvrage du comité de constitution et le mettre à l'abri des changements.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
ouvre la séance en donnant lecture du résultat du scrutin pour l'élection du Président.
M. Bureaux de Pusy a obtenu 397 voix ; M. le baron de Menou 318 ; en conséquence, M. Bureaux de Pusy est proclamé Président.
, ancien président, dit :
« Si l'honneur de présider cette auguste Assemblée, lorsqu'il est déféré par vos suffrages, donnait les talents nécessaires pour remplir dignement cette place, je n'emporterais, en me confondant parmi vous, que la douce pensée que votre choix laissera toujours dans une âme sensible; mais j'ai trop bien connu le poids des fonctions que vous m'avez confiées ; je' les ai trouvées souvent trop supérieures à mes forces, pour ne pas sentir lé besoin de votre indulgence. Elle n'est due qu'à mon zèle; maiR, par là, du moins, je l'ai méritée, et vos bontés pour moi seront une justice que j'ose vous demander. Souffrez aussi, Messieurs, qu'en vous félicitant sur le choix de mon successeur, je regrette de le voir perdu quelque temps pour des travaux que j'ai partagés avec lui; il est au nombre de ces hommes généralement utiles, qui, lorsqu'on les entraîne à un devoir particulier, manquent toujours quelque part. »
exprime sa reconnaissance pour le choix que l'Assemblée a bien voulu faire de lui pour son Président, et dit:
« Messieurs, j'accepte avec autant de reconnaissance que de respect, les importantes et délicates fonctions que l'Assemblée nationale me confie ; et quelque intimidé que je puisse être par les talents de mes prédécesseurs, j'ose espérer que l'indulgence qui m'a destiné à l'honneur de présider vos travaux ne m'abandonnera pas dans l'exercice difficile de cet emploi. »
L'Assemblée vote des remerciements pour M. Target.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
représente, sur l'objet relatif au département de l'ouest de la Provence, qu'il n'a pas été rendu compte dans le procès-verbal d'un amendement proposé par lui.
L'Assemblée décide qu'il en sera fait mention dans le procès-verbal de lundi.
demande à être entendu sur un objet particulier qui exige une prompte délibération.
L'Assemblée déclare qu'elle veut passer à l'ordre du jour.
insiste pour interrompre l'ordre du jour et pour porter à la connaissance de l'Assemblée un objet d'une extrême gravité.
, après avoir consulté l'Assemblée, lui dqpne la parole.
J'ai demandé la parole pour remplir un devoir douloureux. Les habitants de la ville et territoire des Baux, de la sénéchaussée d'Arles, territoire distant de Marseille de dix-huit lieues, et appartenant à M. de Monaco, viennent de nous apprendre que, dans la nuit du 23 au 24 janvier, le prévôt de Marseille a fait enlever, parla maréchaussée et par un détachement de dragons, M, Servan, ancien conseiller au parlement d'Aix, et le notaire du lieu. Quelque temps avant cet événement, les habitants de ladite ville des Baux, dans la persuasion que cette terre devait appartenir au Roi, ont arrêté de suspendre le paiement des redevancés seigneuriales, jusqu'à ce que la propriété du bourg ait été reconnue faire partie du domaine. Cette délibération a été envoyée à l'Assemblée nationale, et nous étions loin de penser qu'Un pareil acte pût donner lieu à une procédure criminelle, bien moins encore à une procédure prévôtale proscrite par vos décrets... - '
M. Durand de Maillane se dispose à entrer dans de plus grands détails.
On demande que cette affaire soit envoyée au comité des rapports ; ce renvoi est ordonné.
L'ordre du jour appelle la discussion sur la constitution, n
, au nom du comité de constitution, donne lecture de la fin de son rapport relatif à l'ordre judiciaire:
Titre XI. De la haute Cour nationale ;
Titre XII. Des juges et de la forme de juger en matière criminelle ;
Titre XIII. Des jugés en matière de police ;
Titre XIV. Des juges en matière de commerce ;
Titre XV. Des juges en matière d'administration et d'impôt :
Titre XVI. De la suppression.des offices et tribunaux incompatibles avec la présente constitution judiciaire.
(Voy. les titres XI à XVI, insérés dans le tome X des Archives Parlementaires, pages 731 à 734).
L'Assemblée ordonne la distribution à domicile de cette partie du rapport.
ajoute ensuite : IL devient instant que l'Assemblée s'occupe de l'organisation des corps judiciaires; le temps de la réunion des dé-partements est un moment précieux pour établir es nouveaux tribunaux ; il ne faut pas prolonger le terme de leur réunion, ni forcer les départements à se rassembler de nouveau.
Cette observation frappe vivement l'Assemblée.
monte ensuite à la tribune et propose, au nom du comité de constitution, huit articles à ajouter au décret sur l'organisation des municipalités.
L'organisation des municipalités éprouve de grands embarras dans quelques parties du royaume. Le comité de constitution a reçu un très grand nombre de lettres. Deux ou trois cents questions lui ont été présentées ; il les a distinguées et classées, et a répondu individuellement à plusieurs d'entre elles. Sept à huit points principaux demandent un décret.
L'Assemblée entend deux lectures successives des articles du projet de décret -et passe ensuite à la discussion.
, lit l'article 1er qui est ainsi conçu :
« Dans les assemblées de communauté et dans les assemblées primaires de campagnes, les trois plus anciens d'entre ceux qui savent écrire pourront seuls écrire au premier scrutin, en présence les uns des autres, le bulletin de tout citoyen primaire qui ne pourrait l'écrire lui-même.
« 11 ne pourra être reçu aucun bulletin que ceux qui auront été écrits ou par les citoyens primaires ou par les trois plus anciens d'âge. »
propose: 1° de retrancher le mot de campagnes après celui d'assemblées primaires; 2° de mettre dans les assemblées de citoyens actifs, au lieu du mot primaires.
demande que les trois plus anciens d'âge, qui recevront les scrutins de ceux qui ne savent pas écrire, prêtent le serment préalable de bien et fidèlement remplir leur commission, et de garder le secret.
demande que les personnes, qui seront chargées des fonctions de scrutateurs, pourront seules écrire les noms qui seront déclarés par ceux des électeurs qui ne sauront pas écrire.
pense qu'il faut décréter : que chaque électeur sachant écrire sera tenu de se rendre au bureau des scrutateurs pour y écrire le nom de la personne à laquelle il accorde son suffrage, sur un papier paraphé par le président.
demande qu'on appelle des paroisses voisines des écrivains dans ies lieux où il ne se trouverait pas trois personnes sachant écrire.
Les amendements de MM. Lanjuinais de Lachèze et Gaultier de Biauzat sont mis aux voix et adoptés. ^
Les autres amendements sont rejetés par la question préalable.
lit le second article conçu en ces termes :
« Lorsque plus de la moitié des membres d'une assemblée de communauté ou d'une assemblée primaire ne saura point écrire, on fera l'élection a haute voix, après avoir constaté la vérité du fait par un procès-verbal. »
représente combien il est dangereux pour la liberté des suffrages d'établir le scrutin à haute voix ; que ce serait donner une influence incalculable aux personnes en crédit et que rien ne pourrait balancer cet inconvénient.
Plusieurs membres avancent qu'il y a des communautés où tout au plus deux personnes savent lire.
propose pour amendement de réduire la disposition de l'article proposé par le comité aux assemblées dans lesquelles il ne se trouverait pas trois personnes sachant écrire ét faire les fonctions d'écrivains, conformément au précédent article du comité.
L'article II et l'amendement sont rejetés par la j question préalable.
donne lecture de l'article 3 qui devient l'article deuxième :
« Pour être citoyen actif ou éligible, il n'est pas besoin de payer dans le lieu même la quotité de contribution directe exigée par les décrets antérieurs; il suffit de la payer dans quelque partie du royaume que ce soit. »
représente qu'il y a une distinction utile à faire entre les citoyens éligibles aux assemblées de districts et de département et ceux qui pourraient être appelés aux fonctions municipales ; il propose pour amendement que les officiers municipaux paieront la contribution exigée par la, loi dans leur domicile.
L'amendement nïis aux voix n'est pas admis.
L'article II est adopté.
L'article 4 qui deviendrait l'article 3 est ainsi conçu :
« Les membres dés assemblées des communautés ou des assemblées primaires prêteront individuellement le serment patriotique. Le président prononcera la formule, et les citoyens actifs, appelés l'un après l'autre, répondront, en levant la main : Je le jure. »
monte à la tribune pour établir que ce serment ne doit pas être prêté, attendu que la constitution n'est pas faite; il commence une discussion qui a pour point de départ la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
le reppelle à la question et lui fait remarquer que le serment à prêter à la Constitution, est décrété non-seulement pour toutes les assemblées, mais même pour tous les citoyens.
L'orateur descend de la tribune. ?
L'article est mis aux voix et adopté.
Voici la teneur du cinquième article devenu le quatrième.
« Dans tous les lieux où des comités élus librement par la commune remplissent les fonctions municipales,-conjointement avec les anciennes municipalités, les opérations relatives à l'exécution du décret de l'Assemblée, sur la formation des municipalités nouvelles, seront faites par les officiers municipaux et les comités conjointement, dans les lieux où d'anciennes municipalités non électives seront cependant restées en possession des fonctions municipales, quoique des comités élus librement s'y soient établis, elles procéderont aussi à l'exécution du décret concernant les nouvelles municipalités, conjointement avec les comités libremeut élus : dans tout autre cas, les comités élus librement seront chargés seuls de l'exécution du décret relatif aux nouvelles municipalités. »
ditque,dansla ville deMirecourt, qu'il représente, il y a des officiers municipaux a finance ; il s'y est formé un comité permanent avec lequel les officiers municipaux ont exercé conjointement les fonctions municipales, pendant deux mois : ce comité ayant manifesté le désir de savoir comment les fonds de la commune avaient été administrés, les officiers municipaux se sont retirés et ont préténdu que le comité n'avait ni qualité ni fonction sans eux. Cependant le comité a continué les fonctions de la municipalité. L'orateur termine en demandant si ce sera
au comité ou aux officiers municipaux à veiller à l'organisation de la municipalité.
fait, au sujet de la ville de Sarlat, à peu près les mêmes observations quë M. Chan-laire.
(de Nemours) croit qu'il faut laisser l'exécution des décrets à la vigilance et aux soins des anciennes municipalités qui sont les seules légales, afin que le passage de l'ancienne' constitution à la nouvelle s'opère légalement..
propose de charger de l'eié'cution des décrets les seuls corps, soit officiers municipaux, soit comités permanents, qui se trouveront en fonctions à la promulgation du dlécret;
observe qu'il convient de trancher la difficulté, en chargeant expressément ou les municipalités ou les comités de faire exécuter les décrets.
Les divers amendements sont mis aux voix et rejetés.
L'article du comité est adopté dans sa teneur.
L'article 6 qui devient le cinquième est ainsi conçu :
« Lorsque les nouvelles municipalités seront formées, les comités permanents, électoraux ou autres, sous quelque dénomination que ce soit, ne pourront plus continuer aucune fonction municipale. »
demande que les milices nationales ne puissent se mêler de l'administration municipale, mais qu'elles soient tenues d'obéir aux réquisitions des officiers municipaux.
Cet amendement,est mis aux voix et adopté.
L'article 7 qui devient le sixième est ainsi conçu :
« Dans les lieux où il n'y a que des contributions territoriales, dans ceux ou l'on ne perçoit aucune contribution directe, soit parce qu'elle a été convertie en impositions indirectes, soit par toute autre cause, il est décrété, jusqu'à la nouvelle organisation de l'impôt, que tous les citoyens qui réuniront, d'ailleurs, les autres conditions prescrites par les décrets de l'Assemblée, seront, réputés citoyens actifs et éligibles : excepté dans-lés. villes, ceux qui, n'ayant ni propriétés, ni fa'Guitqs; .connues, n'auront d'ailleurs ni profession, ni métier ; et dans les campagnes, ceux qui n'auront aucune propriété foncière,. »
Je propose de réduire la durée de l'article à l'année présente.
propose d'admettre aussi à la qualité de citoyen actif Ceux des habitants des campagnes qui exercent des métiers ou qui font valoir une propriété valant 30 livres.
, 11 convient de réduire à 15 livres le taux des baux à ferme qui rendront les cultivateurs éligibles; il convient également d'admettre comme éligibles ceux des citoyens qui paient un loyer de 15 livres dans les campagnes.
L'amendement de M. Boutteville, portant ou faisant valoir une propriété valant 30 livres est mis aux voix et adopté.
L'amendement de M. Barnave est rejeté.
L'article 6 est ensuite adopté avec l'addition de M. Boutteville-Dumetz.
L'article 8, qui devient le 7, est ainsi conçu :
c L'Assemblée nationale décrète que l'on ne pourra, d'après les six articles ci-dessus, revenir sur les élections déjà faites. »
trouve cette réaction insuffisante et demande qu'il soit bien entendu que les articles décrétés ne préjudicient point aux élections déjà faites.
, rapporteur, modifie le texte de l'article 7 qui est mis aux voix et adopté.
donne lecture du décret tel qu'il résulte des propositions du comité de constitution et des amendements qui ont été admis. Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
« Art. 1er. Dans les assemblées de communautés, et dans les
assemblées primaires les trois plus anciens d'éntre ceux qui savent écrire pourront seuls
écrire au premier scrutin, en présence les uns des autres, le. bulletin de tout citoyen actif
qui ne pourrait l'écrire lui-môme; et lorsqu'on aura nommé des scrutateurs, ces scrutateurs
pourront seuls, après avoir prêté le serment de bien remplir leurs fonctions, et de garder le
secret, écrire, pour les scrutins postérieurs, les bulletins de ceux qui ne sauront point
écrire.
« 11 ne pourra être reçu aucun autre bulletin que ceux qui auront été écrits, ou par les citoyens actifs, ou par les trois plus anciens d'âge, ou par les trois scrutateurs dans l'assemblée même, et sur le bureau.
« Art. 2. Pour être citoyen actif ou éligible, il n'est pas besoin dé payer, dans le lieu même, la quotité de contribution directe, exigée par les aécréts antérieurs ; il suffit de la payer dans quelque partie du royaume que ce soit.
Art. 3. Les membres des assemblées des communautés et des assemblées primaires prêteront individuellement le serment patriotique; le président prononcera la formule, et les citoyens actifs, appelés l'un après l'autre, répondront, eh levant la main : Je le jure.
« Art. 4. Dans tous les lieux où des comités, élus librement par la commune, remplissent les fonctions municipales conjointement avec les anciennes municipalités, les opérations relatives à l'exécution du décret de l'Assemblée sfitr la formation des municipalités nouvelles, seront faites par les officièrs municipaux et les comités conjointement ; dans les lieux où d'anciennes municipalités électives ou non électives sont restées en possession des fonctions municipales, quoique des comités élus librement s'y soient établis, elles procéderont aussi à l'exécution du décret concernant lés nouvelles municipalités, conjointement avec lés comités librement élus ; dans tout autre cas, les comités élus librement, seront chargés seuls de l'exécution du décret relatif aux nouvelles municipalités.
Art. 5. Lorsque les nouvelles municipalités seront formées, les comités permanents, électoraux et autres,, sous quelque dénomination que ce soit, ne pourront plus continuer aucune fonction municipale ; les compagnies armées sous le titre de milice bourgeoise, gardes nationales, volontaires, ou sous toute autre dénomination, ne se mêleront ni directement, ni indirectement de
l'administration municipale, mais obéiront aux réquisitions des officiers municipaux, en conformité des décrets de l'Assemblée nationale.
« Art. 6. Dans les lieux où l'on ne perçoit aucune contribution directe, soit parce qu elle a été convertie en impositions indirectes, soit par toute autre cause, il est décrété, jusqu'à la nouvelle organisation de l'impôt, que tous les citoyens qui réuniront d'ailleurs les autres conditions prescrites par les décrets de l'Assemblée, seront réputés citoyens actifs et éligibles : excepté dans les villes, ceux qui, n'ayant ni propriétés, ni facultés connues, n'auront d'ailleurs ni profession, ni métier ; et dans les campagnes, ceux qui n'auront aucune propriété foncière, ou qui ne tiendront pas une ferme ou une métairie de trente livres de bail.
« Art. 7. Il ne pourra, sous prétexte de l'inobservation des articles ci-dessus, être procédé à de nouvelles élections dans les lieux où elles se trouveront faites. »
On avait indiqué une époque pour que le comité féodal fît son rapport sur le rachat des droits féodaux. Il est im portant que l'Assemblée s'occu pe incessam ment de cet objet. Il n'est plus temps ue dissimuler, je serais coupable si je tardais encore, que ma province (le Périgord) est en feu ; les gens sans propriétés dépouillent les propriétaires...
On demande à revenir à l'ordre du jour.
L'Assemblée, consultée, consent à entendre M. de Foucault, qui fait lecture de trois lettres à lui adressées, et dont voici très exactement la substance et presque toujours les expressions :
Première lettre. * Les paysans armés se sont transportés chez moi; ils m'ont tenu sur la sellette pendant vingt-quatre heures, et m'ont forcé à renoncer à des rentes échues. Si l'on avait seulement attaqué mes girouettes, je garderais le silence... Un usurier, reconnu à Paris pour un scélérat, m'a fait saisir réellement pourunesomme dont je n'ai pas reçu le quart... »
Seconde lettre. « M. de Bar a été brûlé ; il s'est réfugié à Sarlat. Un garde du corps, son neveu, a été mis en prison. Trois prisonniers ont été délivrés. M. de Bar, poursuivi, a été arrêté ; on l'a assommé de coups ; par intervalles, on délibérait de le pendre. Un escadron de troupes a marché ; le prévôt se dispose à des exécutions. On parle d'abattre les girouettes : voilà la triste situation de notre province. »
Troisième lettre. « La famille de Mirandolle a reçu la visite de deux communautés attroupées ; les girouettes sont attaquées; on sonne continuellement le tocsin ; le peuple ne se desenivre pas... »
M. de Foucault n'indique pas la signature de ces lettres. Tel est, dit-il, l'état de ma province. Je demande un décret confirmatif de l'arrêté du 6 août sur les droits féodaux, et qu'il soit ordonné aux gardes nationales de protéger la perception des cens et rentes.
Voici son projet de décret :
« L'Assemblée nationnale prenant en considération les réclamations qui lui sont faites par plusieurs provinces où des particuliers, dont les fonds sont assujettis à des rentes annuelles ou des droits couservés, refusent de s'acquitter de leurs engagements, déclareque par ses décrets du 6 août, par lesquels elle a aboli les droits féodaux personnels, elle a décidé que les rentes seraient rachetabies à l'avenir.
« Qu'elle n'a pas entendu différer ni empêcher le paiement des rentes et tous droits non suppri-
més que peuvent devoir les tenanciers et censitaires, et qu'ils continueront à les payer comme ci-devant, non seulement jusqu'à ce que l'Assemblée ait statué, comme elle se propose de le faire incessamment, sur le mode et prix du rachat desdites rentes, mais encore jusqu'à ce que le rachat soit effectué réellement par les redevables.
« En conséquence, l'Assemblée nationale ordonne aux municipalités de faire connaître et publier aussitôt le présent décret, et de tenir la main à ce qu'il ne soit exercé aucune violence contre les personnes qui reçoivent ou réclament les rentes qui leur sont dûes, ni contre les tenanciers qui veulent s'acquitter de leurs obligations. »
Ces excès sont connus au Quer-cy; six personnes y ont été tuées. Le mal empire, il arrive à son comble ; on en veut à toutes les propriétés. Je vous supplie, je vous Conjure, au nom ae ma province, de prendre ce mal en considération.
11 n'est qu'un moyen de ramener le calme et la paix ; c'est de travailler sans délai et sans obstacle à la constitution.
Les troubles s'étendent aux provinces voisines. Dans l'Agénois, une petite ville a battu le tambour; les citoyens ont pris un gentilhomme qui avait payé une rente à son suzerain ; ils lui ont fait rendre la quittance, et donner encore une pareille somme ; ils ont mangé cet argent sous les fenêtres du château.
Le comité féodal n'a pas cessé de s'occuper de l'objet qui lui est confié; mais je dois rappeler à l'Assemblée qu'il a reçu d'elle l'ordre ae ne présenter son travail qu après la constitution. J'appuie la motion de M. de Foucault.
Dans ma province (la Champagne), où règne une tranquillité parfaite, le paysan, chargé d'une redevance en blé, la regarde comme servitude personnelle, quand elle n'est pas attachée à sa terre : en conséquence, il ne croit guère au rachat. 11 est indispensable d'éclairer le peuple. Mais ce qui peut réellement occasionner le trouble, c'est que les seigneurs font assigner leurs vassaux.
Avant que les comités des finances, des domaines et ecclésiastique puissent vous faire des rapports, il faut que le comité féodal vous présente les bases du rachat des droits féodaux. Je demande que ce rapport soit fait le plus tôt possible.
demande l'ajournement à demain.
Le véritable objet du travail du comité féodal consiste dans la distinction des droits rachetables et des droits abolis avec indemnité. Le décret demandé par M. de Foucault n'éclairerait pas le peuple, ne remédierait à rien et augmenterait le trouble.
Il faut bien que je me fasse payer pour que je paie.
rend compte de l'état actuel du travail du comité féodal, et annonce qu'il pourra
présenter son rapport vendredi ou samedi prochain.
Ce rapport est ajourné à samedi, deux heures.
Dans le moment où les ci-devant privilégiés de Bretagne s'empressent à adhérer et à prêter serment à la constitution, la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes refuse d'enregistrer les décrets et de remplir les fonctions qui lui sont attribuées. Je prie l'Assemblée d'ajourner à demain le rapport que je dois présenter au sujet de ces faits.
Cet ajournement est adopté.
Vous avez pris notre bras droit pour le mettre à votre tête; M. Bureaux de Puzy était chargé avec nous de la division du royaume. Le brave et courageux M. Gossin, notre infatigable camarade M. Dubochet, et moi qui marche après eux, nous ne pouvons suffire à ce travail. Il faut donc remplacer M. Bureaux de Puzy. S'il nous était permis de diriger votre choix, nous vous indiquerions M. de Phéline.
, est admis à remplacer M. Bureaux de Puzy comme adjoint au comité de constitution, pour la division du royaume.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain, 3 février, pour 9 heures et demie du matin.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
propose de faire une addition au premier article du décret sur les municipalités adopté dans la dernière séance.
Cette addition ayant été reconnue nécessaire est mise aux voix et décrétée en ces termes :
« Il nè pourra être reçu aucun autre bulletin que ceux qui auront été écrits, ou par le citoyen actif, ou par les trois plus anciens d'âge, ou par les trois scrutateurs, dans l'assemblée même, et sur le bureau.
annonce que M. de Phéline, nommé pour le remplacer au comité de constitution, ne peut accepter cette place, étant absent. M. le Président propose M. le baron de Cernon, qui est agréé.
, députe de Chatellerault, et De-launay député de Caen, demandent un congé pour s'absenter pendant un mois : l'Assemblée le leur accorde.
M. le Président dit ensuite qu'il a présenté à la sanction du Roi le décret de l'Assemblée nationale, relatif aux impositions de 1790, et dont l'objet est de distinguer avec exactitude le service de cette année d'avec celui de l'année 1791 ; Sa Majesté a promis de le prendre en considération.
, au nom du comité de constitution, reprend ia série de ses rapports sur la division des départements du royaume.
Plusieurs des projets de décrets du comité de constitution ne sont pas contestés et sont adoptés ainsi qu'il suit :
I
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
» 1° Que le département de Rouen est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont ; Rouen, Caudebec, Montivilliers, Ganny, Dieppe, Neufcbâ-tel et Gournay; tels qu'ils ont été projetés par ses députés ; que la rivière de Bresle servira de limite entre ce département et celui d'Amiens.
«2° Que les réclamations des villes de Fécamp, d'.Ku et d'Aumale seront examinées par la première assemblée des électeurs du département, et que s'ils estiment juste et utile d'apporter quelques modifications, même des changements notables à sa division en districts, ils présenteront leur vœu à cet égard à l'Assemblée nationale ;
« 3° Que les électeurs du district de Montivilliers détermineront si cette ville en demeure le chef-lieu, ou si la ville du Havre sera préférée ; sauf, en faveur des villes du département, s'il y a lieu, la répartition de3 établissements qui seront déterminés par la Constitution. »
II.
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution ;
« 1° Que le département du Bourbonnais est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Moulins, le Donjon, Cusset, Gannat, Montmirault, Mont-Luçon et Cerilly ;
« 2° Que les limites de ces districts seront conformes au plan signé par la majorité des députés de ce département, et par eux remis au comité de constitution ;
« 3° Que le chef-lieu de ce département sera la ville de Moulins ;
« 4° Que le département déterminera s'il n'est pas avantageux aux administrés que les sept districts convenus pour le Bourbonnais, par les députés à l'Assemblée nationale, soient réduits à six, pour cette réduction être proposée à la prochaine législature ;
« Sauf, en faveur des villes du département, s'il y a lieu, la répartition des établissements qui seront déterminés par la Constitution. »
III.
présente les différentes demandes qui concernent le département de l'Orléanais, et entre autres celles de la ville de Malesherbes qui demande un district.
Cette petite ville, dit-il, dont le nom cher aux lettres et aux gens de bien, fait désirer que son vœu soit admis, est une ville centrale; elle est intéressante; elle fait beaucoup de pertes, et votre comité a désiré pouvoir la satisfaire, ainsi que la ville de Sully : tant il est vrai que les noms des bienfaiteurs et des amis de l'humanité laissent des traces ineffaçables; et que le sentiment de leurs vertus se joint à tout ce qui les rappelle 1
M. Gossin termine en disant que la ville de Lorris réclame également un district, mais que cette demande est combattue.
Cette ville est de trop peu d'étendue pour composer un district.
La ville de Lorris a été le séjour de nos roi3, et, sous ce rapport, elle mérite quelque préférence.
On demande à allçr aux voix.
Le projet de décret du comité est adopté ainsi qu'il suit:
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1° Que le département de l'Orléanais, dont Orléans est le chef-lieu, est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Orléans, Beaugency, Neuville, Pithiviers, Montargis, Gien et Bois-Commun ;
« 2° Que les électeurs du département détermineront a la première assemblée si le septième district ne serait pas mieux placé, pour le bien des administrés, à Lorris, qu'à Bois-Commun, ou du moins s'il n'est pas convenable de détacher la ville de Lorris du district de Montargis pour la réunir à celui de Bois-Commun, et lui en faire partager les avantages ; ce qui sera proposé à la seconde législature ; sauf aussi le partage des établissements du district de Pithiviers, et en faveur des villes du département, la distribution de ceux qui seront déterminés par la constitution, s'il y a lieu.
IV.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que dans les départements du Dauphiné l'assemblée du département alternera dans les lieux qui seront jugés convenables par la première assemblée des électeurs du département ;
« 2° Que la première assemblée des électeurs du département du Dauphiné nord, se tiendra à Moirans, celle du Bas-Dauphiné, à Ghabeuil, et celle du Dauphiné oriental, à Chorges ;
« 3° Que le directoire n'alternera point, mais que chacune desdites assemblées déterminera en quel lieu il sera fixé, et l'ordre dans lequel les assemblées de département alterneront;
« 4° Qu'il y aura, dans le département du Dauphiné nord, quatre districts, dont les chefs-lieux seront : Grenoble, Vienne, Saint-Marcellia et La-Tour-du-Pin ;
« 5° Qu'il y aura dans le département du Bas-Dauphiné ou Dauphiné du midi, six districts, dont les chefs-lieux seront : Romans, Valence, Grest, Die, Montélimart et le Buis ;
6° Qu'il y aura, dans le département du Dauphiné orientai quatre districts, dont les chefs-lieux seront : Gap, Embrun, Briançon et Serre ;
« 7° Que sous quatre jours les députés des trois départements seront tenus de remettre au comité de constitution le projet de démarcation de leurs districts et de leurs cantons, et qu'en cas de difficultés, le comité de constitution arbitrera ce qu'il jugera convenable de proposer à la décision de l'Assemblée. »
V.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le comité du Haut-Poitou, dont Poitiers est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Poitiers, Chatellerault, Loudun, Montmorillon, Lusignan et Civray;
« 2° Que les limites extérieures et intérieures de
ce département, et de ses six districts seront conformes à la carte arrêtée, signée et déposée au comité de constitution ;
« 3° Que la ville d'Angle aura également l'option d'être du département de Poitiers ou de celui du Berry ;
« 4° Qu'il sera libre aussi à la ville de Mirebeau de faire partie du district de Poitiers, ou de celui de Loudun; sauf à déterminer ensuite si les trois ou quatre paroisses environnantes devront suivre son choix pour Poitiers, ce qui est expressément réservé en sa faveur, ainsi que le partage des établissements qui seront déterminés par la constitution, s'il y a lieu. »
VI.
présente la division du département de la Corse en neuf districts, et propose de laisser aux électeurs, assemblés dans un lieu neutre, le choix de la ville chef-lieu.
Le premier acte, dit-il, d'un peuple réintégré dans ses droits politiques, sera le noble salaire de la confiance avec laquelle il vient de s'affilier à la France, et le premier bienfait qui lui fera goûter cette réunion sera l'usage d'une liberté dont il est digne, puisqu'il sait l'apprécier, qu'il a su la défendre, et que les forces supérieures, qui ont désarmé ses bras, n'ont jamais pu avilir son caractère ni abattre son courage.
Le projet de décret du comité est ensuite mis aux voix et adopté sans réclamation :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que la Corse ne formera provisoirement qu'un seul département, divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont :
Rastia.
Oletta.
L'Ile Rousse.
La-Porta-d'Ampugnani.
Corté.
Cervione.
Ajaccio.
Vico.
Tallano.
« 2° Que chacun de ces districts sera subdivisé en cantons, qui seront les anciennes pièvres de l'Ue; le tout, conformément au procès-verbal déposé au comité, et signé par les députés de la Corse; que la première assemblée du département se tiendra dans la pièvre d'Orezza, et que les électeurs assemblés décideront s'il est avantageux à la Corse d'être partagée en deux départements, et quels en seront les chefs-lieux; et dans le cas où ils croiraient que la Corse ne doit pas être divisée, ils fixeront le chef-lieu du département de l'île de Corse. »
VII.
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département intermédiaire du Poitou est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Niort, Saint -Maixant, Parthenay, Thouars, Melle et Ch&tillon ;
« 2° Que le siège de la juridiction du district de Chàtillon sera placé à Bressuire.
« 3° Que provisoirement l'assemblée du département tiendra successivement ses séances à Niort, Saint-Maixant et Parthenay, en commençant par Niort, mais que, la première assemblée du dépar-
tement pourra la fixer dans une de ces trois villes ou dans toute autre. »
VIII.
passe ensuite à la division du département de Lyon, et dit que la paroisse d'Ar-consat fait l'objet de quelque difficulté.
dit que cette paroisse a été comprise bien à tort dans les limites de l'Auvergne, et qu'elle a toujours fait partie du Forez.
, évêque de Clermont, dit que les relations d'Arconsat sont plus faciles avec Clermont qu'avec Lyon, et il insiste pour que le décret ne soit pas modifié.
ajoute qu'une grande partie des villages de cette communauté est sur l'Auvergne.
réplique que, si quelques villages sont sur l'Auvergne, le clocher est sur le Forez, et que la position du chef-lieu doit entraîner les fractions.
répond qu'il n'y a qu'un moyen de trancher la question, c'est de laisser aux habitants la faculté de se réunir au département de leur choix.
Cette proposition est adoptée, et le décret suivant est rendu :
' « L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1° Que le département du Lyonnais, Forez et Beaujolais est divisé en six districts ;
« 2° Que Lyon, provisoirement chef-lieu de ce département, sera aussi celui de son district, qui comprendra là ville, ses faubourgs et les dépendances; qu'il sera chef-lieu du district de la campagne ou de l'intérieur ;
« 3° Que les chefs-lieux des autres districts sont: Saint-Etienne, Montbrison, Roanne et Ville-franche ;
« 4° Que les séances du département alterneront en conformité de l'arrêté des députés, déposé au comité de constitution, à moins que les électeurs ne préfèrent de fixer définitivement le chef-lieu ;
« 5° Que la paroisse d'Arconsat, qui a été comprise dans le département de l'Auvergne, sur sa limite avec le Forez, appartiendra au département du Lyonnais, Forez et Beaujolais, ou à celui de l'Auvergne, selon le choix que formera la pluralité des électeurs de la municipalité de cette ville; sauf en faveur des autres villes de ce département, s'il y a lieu, la répartition des établissements qui seront déterminés par la constitution. »
IX.
« L'Assemblée nationale, conformément à l'avis du comité de constitution, acquiescé par les députés de la sénéchaussée de Nîmes, décrète :
« 1° Que l'administration du département de Nîmes alternera entre les villes de Nîmes, Alais et Uzès; que la première assemblée de département aura lieu dans la ville de Nîmes; la seconde, dans la ville d'Alais; la troisième, dans la ville d'Uzès ; et que l'on prendra en grande considération l'importance de la ville de Nîmes, lors de l'établissement des tribunaux de justice ;
2° Que ce département est divisé en huit districts dont les chefs-lieux sont :
La ville da Pont-Saint-Esprit.
Beaucaire.
Uzès.
Nîmes.
Sommières.
Saint-Hippolyte.
Alais.
Le Vigan.
« 3° Que les séances et le directoire du dictrict alterneront entre le Saint-Esprit et Bagnols; entre Beaucaire et Villeneuve-lés-Avignon ; entre Saint-Hippolyte et Sauve; les premières séances étant fixées au Saint-Esprit, à Beaucaire et à Saint-Hippolyte;
« 4° Que les électeurs du district de Saint-Esprit et du district de Beaucaire décideront dans leur première assemblée, à la pluralité des suffrages des électeurs de chaque district, si l'alternat continuera entre le Saint-Esprit et Bagnols, entre Beaucaire et Villeneuve-lès-Avignon. »
dit que M. le garde des sceaux vient de l'informer que le courrier de Bretagne avait apporté hier la nouvelle du refus que font treize des magistrats désignés pour tenir la chambre des vacations du parlement de Bennes, de remplir les fonctions qui leur étaient attribuées par les lettres-patentes du 7 du mois dernier, rendues en conséquence du décret de l'Assemblée du 15 décembre, sanctionné par Sa Majesté; qu'il prie M. le Président de mettre ce fait sous les yeux de l'Assemblée, et d'insister auprès d'elle sur la nécessité de prendre des mesures promptes et efficaces pour que la province de Bretagne ne soit pas plus longtemps dépourvue d'un tribunal souverain.
Cette affaire a été renvoyée à l'heure de deux heures.
annonce que M. Brevet de Beaujour a été nommé rapporteur de l'affaire du prévôt de Marseille, par le nouveau comité des rapports.
, ancien rapporteur, dit que toutes les pièces qui se trouvaient entre ses mains ont été remises par lui à M. Brevet de Beaujour, mais qu'il n'en a pas fait le catalogue.
M. Démeunier a la parole pour soumettre à l'Assemblée quelques difficultés survenues dans Vorganisation des municipalités.
Le comité de constitution croit devoir vous rendre compte des difficultés qui lui ont été soumises et auxquelles les membres pensent qu'il est facile de repondre.
Première question.
On a demandé si les directeurs des postes aux lettres et les contrôleurs des actes doivent être exclus comme percepteurs d'impôts indirects.
Le comité de constitution a pensé que non.
Deuxième question.
On a demandé si les retenues sur les rentes foncières doivent être considérées comme des contributions directes que paient ceux sur qui on les retient.
Le comité de constitution a pensé que oui.
Troisième question.
On a demandé si les fonctions municipales sont compatibles avec les fonctions de curé.
Le comité de constitution a pensé que ou».
Quatrième question.
On a demandé si les curés et les vicaires devront avoir habité un an dans la paroisse qu'ils desservent pour y acquérir domicile.
Le comité de constitution a pensé que, pour les curés et pour les vicaires, le domicile est acquis à peu près aussitôt qu'ils sont en fonctions dans une paroisse.
Cinquième question.
On a demandé si les religieux peuvent être admis aux droits de citoyens actifs.
Sur cette question délicate, le comité a pensé d'une manière absolue sur les religieux mendiants qu'ils ne doivent pas être admis ; et sur les religieux qui appartiennent à des ordres riches en propriétés territoriales, qu'il ne convient pas de les exclure au moment où on parle de les faire rentrer dans la vie civile et que, sans rien accorder et sans rien refuser à cet égard, il y avait lieu d'écrire dans les provinces qu'il ne faudrait pas les rejeter si une grande majorité des suffrages les appelait aux fonctions publiques.
Sixième question.
On a demandé si les religieux qui exercent les fonctions curiales seront en tout assimilés aux curés.
Le comité a jugé que cette assimilation était nécessaire.
Septième question.
On a demandé si les citoyens étaient libres ou de refuser une fonction sociale ou de s'en démettre après l'avoir acceptée.
L'opinion du comité a été que dans l'état actuel des choses, les citoyens peuvent jouir de cette liberté, mais que dans la suite, nul ne pourra refuser ses services publics à la patrie.
Dans tous les pays libres, ajoute M. Démeunier, le patriotismn impose les obligations de prendre les charges publiques ou oblige les citoyens d'accepter une place ou de payer une amende (Cette opinion excite de violents murmures.)
Huitième question.
Pour être élu, faudra-t-il être présent?
Le comité pense que non, mais que pour ne pas exposer la dignité des élections et des fonctions, il faudra s'assurer que l'absent élu acceptera.
Les avis du comité de constitution, tels qu'ils viennent d'être énoncés, ne donnent lieu à aucun vote de la part de l'Assemblée, qui se réserve de prononcer ultérieurement s'il y a lieu.
, après avoir rendu compte de ces questions d'ordre général, fait un rapport qui a pour objet une affaire et une personne particulières concernant le sieur Pichereau, à Chinon.
Un arrêt du parlement avait interdit toutes fonctions judiciaires à M. Pichereau, qui exerçait à
Chinon celles de lieutenant particulier. Un mémoire qui nous a été adressé le représente comme coupable des délits les plus graves, et annonce qu'il est dans les liens d'un décret d'ajournement personnel au sujet d'une accusation de spoliation d'hoirie. La municipalité, considérant que ce décret suspend toutes fonctions civiles, a cru devoir lui refuser les droits de citoyen actif. Ce refus excite dans la ville de Chinon des débats qui peuvent occasionner de grands désordres. Nous devons ajouter que M. Pichereau est en faillite; il faut faire exécuter votre décret concernant les faillis. Le comité vous propose de décréter ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport du comité de constitution, et conformément à l'article de son décret du 22 octobre dernier, qui constitue les assemblées primaires juges de la capacité et des titres des citoyens actifs, et des citoyens éligibles, renvoie aux deux sections de l'assemblée de la commune de Chinon, le jugement de la capacité du sieur Pichereau, d'après les décrets de l'Assemblée nationale ; déclarant au surplus expressément que les officiers municipaux et les commandants de la garde nationale de Chinon doivent prendre toutes les précautions nécessaires, même requérir, au besoin, les secours de la maréchaussée et des corps de troupes réglées, pour assurer la tranquillité dans les deux sections de l'assemblée de la commune de Chinon, lesquelles se formeront de nouveau, à l'effet de procéder aux élections. »
Lors des décrets sur les exclusions des droits de citoyen actif, vous avez pensé que ce serait déshonorer la constitution que d'y rappeler les noms des condamnés et des décrétés, mais je crois pourtant qu'il est sage de prononcer au moins l'exclusion des premiers, car il serait contraire à la morale publique de penser qu'un homme flétri pourrait être appelé par l'intrigue ou la corruption à des fonctions municipales. Je propose Je décret suivant :
« Tout homme flétri et entaché par un jugement en dernier ressort, dont il n'y a pas d'appel, ou qui a passé en force de chose jugée, ne pourra être considéré comme citoyen actif, ni être admis aux assemblées publiques, soit comme électeur, soit comme éligible. »
11 se fait beaucoup de cabales, et certes ce ne sont pas les honnêtes gens qui cabalent. Le décret que propose le comité ne lèvera pas non plus la difficulté. L'homme qui a cabalé pour être élu cabalera bien davantage encore pour être jugé favorablement. Qu'on fasse juger par qui l'on voudra, mais que ce ne soit pas par la commune de Chinon.
Vous avez déclaré les assemblées primaires juges de la capacité des citoyens actifs ; il n'est pas possible de s'écarter de ce décret. Celui du comité est très conforme aux principes; celui que propose M. Loys n'est pas convenable. Ces mots décrets d'ajournement personnel, entaché, sont très vagues : on sait avec quelle facilité ces décrets se décernent.
C'est un principe de jurisprudence civile et criminelle que quiconque est sous un décret d'ajournement personnel.est inhabile aux fonctions publiques.
appuie le projet du comité
comme plus conforme aux principes des décrets de l'Assemblée.
La discussion sur la motion de M. Loys est renvoyée à la séance de lundi prochain, deux heures.
rend compte d'une autre affaire particulière, en ces termes :
La municipalité de Pont-à-Mousson a refusé d'admettre aux assemblées primaires un officier du régiment du Beauvaisis, quoiqu'il passe trois quartiers d'hiver à Pont-à-Mousson, quoiqu'il y ait ses biens et que sa mère y soit établie. Le motif du refus est fondé sur ce que cet officier est logé en hôtel garni et que son père réside à Nancy. Le comité de constitution vous propose de décréter que les officiers des troupes soldées seront censés avoir leur domicile dans les lieux où ils passent leurs quartiers d'hiver.
La disposition qu'on vous propose est. comprise dans un décret proposé par le comité militaire.
Sur cette observation, la question est ajournée à lundi prochain, jour fixé pour s'occuper des rapports du comité militaire.
L'Assemblée passe à la discussion d'une adresse de la commune de Rennes, concernant la nouvelle chambre des vacations du parlement de Bretagne.
Obligé de mettre sous les yeux de l'Assemblée la conduite de la nouvelle chambre des vacations de Rennes, les conséquences fâcheuses de cette conduite, le besoin qu'a la Bretagne de n'êtreplus privée de la justice, je ne puis mieux remplir ces objets qu'en vous lisant la lettre de corresspondance de nos commettants, et l'adresse qu'ils ont envoyée à l'Assemblée.
Lettre de correspondance de la municipalité de Rennes,
. « Rennes, le
« Nous vous prions de nous procurer la plus prompte expédition possible sur notre adresse à l'Assemblée et notre dénonciation au comité dea recherches. Tout ce que vous avez prévu est arrivé ; il n'y a rien à espérer des magistrats ; l'esprit de corps semble s'être réfugié chez eux et ils ne craignent pas de professer hautement qu'ils agissent par principes de devoir, d'honneur et de conscience ; ils sont tous gardés chez eux par des hommes de planton; cette garde est d'autant plus nécessaire dans ce premier instant, que le départ de quelques-uns d eux fait craindre le départ de tous, que plusieurs se disposaient à partir, et que quiconque d'eux eût été présumé partant, eût été infailliblement saisi par le peuple dont vous savez que l'on ne peut calculer tous les actes; cette garde les gêne et fatigue les gardiens. Il est donc bien intéressant que l'Assemblée nationale prononce prompte-ment sur le sort de ces magistrats, qui ne nous ont pas laissé jouir, vingt-quatre heures, de l'espérance de paix que nous avait donnée la démarche des gentilshommes.
« Nous sommes aVec le plus respecteux attachement, Messieurs et chers compatriotes^ vos très humbles serviteurs.
« Signé : de Mouthieri, maire ;Gàndon, procureur-syndic; gohier, commissaire; Gilbert, commissaire; Le Moucaud de Lepinai. »
Adresse de la municipalité.
« M. le président de Talhouet est resté seul fidèle à la nation; il n'a quitté le temple de la justice que pour venir rendre hommage à la liberté dans le temple de la patrie. Les autres magistrats n'ont cessé de donner à la France indignée le scandale de la désobéissance..... Doutera-t-on que le corps entier n'adopte des sentiments aussi coupables?....... Serohs-nous toujours à la merci de ceux qui, ayant perdu sans retour la confiance du peuple, ne peuvent plus exercer le droit de le juger?... La voilà donc enfin consommée cette forfaiture; la voilà donc mise au jour cette conjuration contre le bien public ! Après avoir tant de fois désolé la France par leur ambition criminelle, par des démissions combinées, par une désobéissance impunie, ils se prétendent quittes, en abandonnant leurs fonctions, comme si cette désertion n'était pas coupable 1... Leur projet est connu; ils veulent exciter le peuple par la privation de la justice, perpétuer le désordre, anéantir vos décrets ; et dans quel temps suivent-ils l'exemple de leurs confrères? c'est dans ce moment où les gentilshommes, par un heureux retour à la raison, à la patrie, à la vérité, semblaient assurer le tranquillité de notre province ; c'est dans ce moment que la chambre des vacations, croyant tenir la paix et la guerre dans ses mains, se livre à sa haine; et n'écoute ni les intérêts du peuple, ni le cri de la patrie..... Ils renoncent à être magistrats-citoyens ; hommes, ils ne veulent être que nobles..... La veille du jour même où les magistrats nous ont refusé leurs services, nous leur prodiguions les nôtres. Nos milices nationales allaient défendre les habitations des nobles contre les habitants des campagnes, contré ces hommes si longtemps opprimés et trompés aujourd'hui sur vos décrets. 11 est temps que la loi s'appesantisse, sur cette coalition de résistance, tantôt contre le peuple, tantôt contre le monarque, aujourd'hui contre tous deux. Nous venons, au nom de la tranquillité publique compromise, des lois violées, demander qu'un aussi grand scandale soit réparé par un grand exemple. En conséquence, nous déclarons dénoncer à l'As-sembiée nationale et au comité des recherches, les membres de la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes, comme coupables de désobéissance à la nation, à la loi et au Roi, et nous supplions l'Assemblée nationale de les renvoyer au tribunal chargé de connaître des crimes de lèse-nation. »
La députation de Bretagne, assemblée hier, ayant pris connaissance des faits, a rédigé le projet de décret dont je vais vous donner lecture :
L'Assemblée nationale, instruite de la désobéissance de la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes,
« Décrète que pour former uu tribunal provisoire qui remplace ladite chambre des vacations, le Roi sera supplié d'adjoindre au président de Talhouet, ci-devant nommé président de cette chambre, deux juges de chacun des quatre présidiaux de Bretagne, quatre jurisconsultes parmi ceux du barreau de Rennes, et deux de chaque ville où les trois autres présidiaux sont établis ; d'ordonner que lesdits membres se réuniront et se mettront en activité le plus tôt possible; qu'en cas de refus d'absence de partie d'entre eux, ceux qui se trouveront réunis commenceront néanmoins, sans délai,
l'exercice de leurs fonctions, appelant à cet effet provisoirement et à leur choix, des avocats pour assesseurs; que dans l'absence du président de Talhouet, la chambre sera présidée par le plus anciennement admis au serment d'avocat; que le même ordre d'ancienneté sera observé pour la préséance entre les autres juges, et qu'ils pourront se diviser en deux sections, pour la plus prompte expédition des affaires ;
« D'ordonner en outre que la cour supérieure provisoire, ainsi formée, tiendra ses séances tous les jours, même pendant ceux des «fêtes de palais» qui ne sont pas gardées par l'Eglise ;
« Que les trois substituts du procureur général du Roi feront, tant à l'audience qu'à la chambre du conseil et dans l'instruction des procès criminels, toutes les fonctions du ministère public, concur-rement et sans aucune préséance entre eux; qu'ils se distribueront également les affaires nouvelles, et consenveront celles dont ils sont saisis ;
« D'enjoindre aux greffiers, huissiers et à tous autres officiers ministériels, attachés au parlement de Bretagne, de continuer leurs fonctions auprès de ladite cour supérieure provisoire :
« D'ordonner que les ci-devant juges, composant les deux chambres des vacations successivement nommées, et tous autres juges du parlement de Bretagne, le président Talhouet excepté, remettront au greffe, dans huit jours après l'entrée en exercice de ladite cour, les procès'et pièces qu'ils peuvent avoir ; et que, faute à eux de le faire, ils soient poursuivis, à cet effet, à la requête d'un des substituts, et condamnés par corps à faire cette remise, et aux dommages et intérêts des parties.
« L'Assemblée nationale décrète que ladite cour supérieure provisoire aura, pour l'exercice du pouvoir judiciaire, toute l'autorité dont le parlement de Bretagne était revêtu, à l'effet de juger toutes affaires, tant criminelles que civiles, à quelques sommes qu'elles puissent monter, ainsi, et de la même manière que les chambres des vacations du royaume avaient reçu cette autorisation par le décret du 3 novembre dernier, sanctionné par Sa Majesté;
Qu'à l'exception du président de Talhouet, qui conservera ses gages, les honoraires des juges, appelés à composer la cour supérieure provisoire, seront de douze livres par jour, à compter, pour ceux de Nantes, Vannes et Quimper, du jour de leur départ, et, pour ceux de Rennes, du jour de leur entrée en fonctions. Autorise le trésorier de la.proviuce de Bretagne, à payer chaque mois lesdits honnoraires, sur un mandat du président et signé d'un des substituts de ladite cour ; en conséquence, lesdits juges ne percevront aucuns droits, ni épices, sous quelque dénomination que ce soit. Les substituts, greffiers et autres officiers ministériels, n'étant point compris dans la fixation des honoraires, continueront de recevoir les émoluments qui leur sont attribués par les règlements; l'Assemblée nationale ne change rien à cet égard.
« Décrète que les ci-devant juges, composant la chambre des vacations dernièrement nommée, seront privés de leurs gages, depuis le jour qu'appelés parles décrets de l'Assemblée nationale pour rendre la justice, ils se sont assemblés sans remplir cette obligation, jusqu'au jour où la cour supérieure provisoire cessera ses fonctions, et où les juges qui seront établis d'après le nouvel ordre judiciaire commenceront les leurs. Ordonne que lesdits gages seront payés au trésorier de la province de Bretagne, et serviront à remplacer
d'autant dans sa caisse la somme qu'il paiera pour les honoraires de la cour supérieure provisoire.
L'Assemblée nationale charge son président de de porter le présent décret, dans le jour, à la sanction du Roi. >
Nous ne vous présentons pas de décret au sujet des délits des magistrats de Rennes et du jugement sollicité par la municipalité : nous nous en rapportons à votre justice et à votre sagesse.
demande des détails sur la quotité des gages des membres du parlement de Rennes.
répond.
interroge encore.
L'Assemblée témoigoe une vive impatience.
fait de nouvelles questions sur le même objet.
(1). J'appuie, Messieurs, la motion de M. Defermon et son projet de décret relatif à la
formation d'un nouveau tribunal souverain, chargé de rendre, à la province de Bretagne, la
justice dont elle se trouve privée par les circonstances qui viennent de vous être
détaillées. Les magistrats bretons n'ont cessé d'offrir le sacrifice de leurs charges, et de
demander que l'Assemblée natiouale confiât à d'autres juges le soin d'interpréter des lois
différentes de celles dont ils avaient juré d'être les dépositaires et les organes. Quant au
projet de composition du tribunal provisoire de remplacement qui vous a été proposé par MM.
les députés bretons, l'avantage qu'ils ont sur moi d'une connaissance parfaite des localités
et des circonstances ne me permet de présenter aucune objection, et cet établissement me
paraît si instant que je suis d'avis qu'il soit adopté (2). Quant à MM. les magistrats qui
ont été destinés, par le sort ou par le choix des agents du pouvoir exécutif, à composer la
seconde chambre des vacations, je vous demanderai la permission de vous présenter quelques
réflexions sur leur conduite; je ne suis point monté à la tribune pour les justifier : je ne
pourrais employer, en leur faveur, que les mômes raisonnements que j'y ai déjà fait entendre
lorsque la conduite de la première chambre a été soumise à votre jugement; ils ont été
improuvés, et je sais respecter le vœu de la majorité; mais je désire d'abord que vous
veuillez bien entendre un narré succinct et exact de ce qui s'est passé à Rennes, le 29
janvier, jour où la seconde chambre des vacations s'est rassemblée; si quelques-uns des faits
qui y sont refutés ne sont pas venus à la connaissance des députés bretons, ou peuvent être
contestés par eux, je déposerai les preuves ; ce récit disposera, j'espère, l'Assemblée, à
écouter favorablement quelques observations que je soumettrai à sa justice sur la demande
faite par la municipalité de Rennes, de renvoyer au Châtelet le jugement des magistrats
bretons.
Quatorze magistrats se sont rassemblés vers les neuf heures du matin au palais, en vertu d'ordres particuliers du Roi, adressés à chacun d'eux.
Le substitut du procureur général est entré, et a déposé, sur le bureau, une commission, etc. et des lettres-patentes, etc.
Après avoir procédé à l'examen de cette commission, les magistrats ont pensé qu'ils ne pouvaient ni ne devaient l'accepter. Ils ont écrit une lettre au Roi contenant les motifs de leur refus.
Quand ces magistrats se sont rendus le matin au palais, et quand ils en sont isortis* Ja plus grande tranquillité régnait dans la villegppendant leur séance, il n'est venu personne dana.les environs, ni dans les galeries du palais,
Chaque magistrat s'est retiré chea lui sans qu'aucun citoyen lui ait fait de questions, sans s'apercevoir que la tranquillité de la ville ait été en rien troublée.
Entre.les trois à quatre heures de l'après-midi, M. de Catuelan, étant chez lui avec M. de Bois-eau, son beau-frère, et M. de Malfilatre, conseil-er au parlement, MM. de Monthierry et Gàndon ont demandé à lui parler; ils suivaient immédiatement le domestique qui les annonçait. M. de Monthierry, qui paraissait fort agité, s'est approché de M. Catuelan, en lui disant: Monsieur, nous venons vous demander les motifs du parti que vous avez pris ce matin. M. de Catuelan a répondu : Dans aucun cas, un magistrat ne peut être tenu de donner les motifs de son opinion à des officiers municipaux, dans la circonstance présente. M. de Talhouet présidait les magistrats qui se sont rassemblés, c'est à lui que vous devez vous adresser.
Nous en venons, Monsieur, et nous voulons vous témoigner notre étonnement, de la conduite que tiennent quatorze magistrats ; depuis plus d'un an nous veillons jour et nuit ponr maintenir la tranquillité dans la ville, votre conduite dérange toutes nos mesures, nous ne répondons plus de rien. Là, s'est engagée une discussion fort vive entre les magistrats et les officiers municipaux, trop longue pour se rappeler tous les détails avec exactitude, mais qui a roulé en général du côté des magistrats, sur l'impossibilité où ils sont, d'accepter une commission qui substitue quatorze magistrats au corps entier du parlement ; ils ont prouvé que le parlement n'a jamais refusé de rendre la justice; qu'il l'a rendue l'année dernière, au milieu des troubles et dans les circonstances les plus critiques ; qu'il la rendrait encore s'il n'avait pas été mis en vacance; que la plupart des magistrats s'étaient rendus à Rennes, a la Saint-Martin dernière; mais que des motifs de prudence les avaient forcés de retourner chacun chez eux ; enfin sur la liberté dont on prétend que tous les citoyens doivent jouir, liberté qui doit laisser au magistrat, comme à tous les citoyens, le droit d'accepter ou de refuser de nouveaux engagements, qui diffèrent en tous points de ceux qu'il a antérieurement pris.
Toutes ces raisons ont été plutôt combattues que réfutées par les officiers municipaux ; ils ont, surtout, cherché à intimider par la crainte de voir renaître la fermentation dans la ville; ils ont accusé la première chambre des vacations d'être la cause des malheurs qui arrivent dans les campagnes ; (il leur a été répondu avec prudence sur cet objet, mais de manière, cependant, à ce que l'objection ne soit pas faite une autrefois); il leur a été répondu qu'il serait bien injuste que des
magistrats, qu'on arrache de leurs paisibles retraites, fussent accusés de vouloir mettre le trouble; qu'on aurait désiré que les portes eussent été ouvertes le matin pendant l'opinion des magistrats ; qu'en les entendant, on aurait jugé s'ils étaient des perturbateurs du repos public. M. Gandon a toujours discuté d'une manière honnête et sensée. M. de Monthierry a mis plus «de chaleur, et a fini par rendre les magistrats responsables de tout ce qui pourrait arriver; ces derniers mots ont été : « Il faut que tout le monde se courbe sous les lois faites par la pluralité ou le grand nombre. »
« Une demi-heure au plus après la sortie de ces deux messieurs, la maison de M. deCatuelana ! été investie de soldats, tant de la milice nationale que des troupes réglées. Un piquet de six hommes est entré dans son appartement ; peu de moment après, ce piquet a été renforcé de cinq ou six autres soldats.
M. de Monthierry est revenu environ une demi-heure après l'établissement de ce détachement, dans la chambre de M. de Gatuelan, il a dit aux deux magistrats qui étaient chez lui (MM. de Malfilatre et de Gonataudqn, qu'on n'avait pas voulu laisser retourner chez eux) qu'ils trouveraient des sentinelles à leurs portes ; il a balancé à les renvoyer à leur demeure, escortés de deux fusiliers '; il s'est ensuite décidé à les y mener lui-même. Mais avant de sortir, il a établi les sentinelles. Son premier projet était de les placer en dedans de l'appartement ; sur la représentation de M. de Boispeau, qu'il couchait dans la chambre de sa femme, grosse de 7 mois, il a placé les deux sentinelles dans la cour.
Vers les 7 heures du soir, on a annoncé une députation du comité, composée de MM. Gerbier, Goh ier, Godet, Sevestre, Bonneu, Emoneteau ; M. Gerbier portait la parole, et a dit ; « Nous venons, Monsieur, vous demander s'il est vrai que les magistrats qui se sont rassemblés ce matin, ont fait quelque acte portant improbation de la démarche qu'on faite il y a quelques jours, plusieurs membres de la noblesse. »
M. de Gatuelan a répondu : « Je ne présidais pas les magistrats qui se sont rassemblés, vous devez, Messieurs, vous adresser à M. de Talhouet. —Nous venons de chez M. de Talhouet, qui nous a dit avoir été d'avis d'enregistrer, mais que cet avis n'ayant pas passé, il n'avait plus pris part à la délibération ; qu'il ne croyait pas, mais qu'il ne pouvait pas assurer (Payant pas écouté la délibération) qu'il eût été pris de parti relativement à la noblesse ; vous avez dit, Monsieur, que vous auriez désiré que les portes de la chambre eussent été ouvertes, vous ne nous refuserez pas l'éclaircissement que nous vous demandons. — Messieurs, dâns tous les cas ordinaires, je dois garder le secret des délibérations auxquelles j'assiste, mais quand mon silence pourrait autoriser une calomnie, quand il pourrait causer de la fermentation, je ne dois pas balancer à rendre hommage à la vérité; non, Messieurs, il n'a point été parlé de la démarche de MM. de la noblesse, et il n'a été pris aucun parti à cet égard ; on n'y a pas même pensé. M. Gerbier a repris la parole, et a dit : -r-Nous sommes chargés de vous demander...-—Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de vous dire que je ne pouvais révéler le secret des délibérations, vous penseriez peut-être par adresse, m'amener, de question en question, à vous dire ce que je ne voudrais pas dire. Vous vous tromperiez. M. Gohier, alors, a pris la parole : Messieurs, il faut agir plus franchement, nous som-
mes chargés de faire trois questions à M. le Président. Il a répondu d'une manière bien satisfaisante à la première, la seconde est de lui demander s'il v a quelque chose d'écrit sur le registre; la troisième s'ils ont protesté contre le mandat donné par l'Assemblée nationale aux magistrats de la première chambre des vacations ; sur la première demande, il me semble que je n'ai rien à vous répondre, M. de Talhouet vous ayant dit qu'il avait été d'avis d'enregistrer la commission, mais qu'elle ne l'avait pas été, il résulte que, n'étant pas constitués, nous n'avons point eu de registre, s'il ne faut, pour vous satisfaire, que répondre à la troisième question, nous n'avons point chérché à nous envelopper du mystère; mais quand nous avons cru devoir refuser une commission qui nous a été adressée par le Roi, nous avons pensé qu'il devait connaître, le premier, les motifs de notre refus.
Chaque magistrat est gardé par deux fusiliers ; quelques-uns les ont dans l'intérieur de leur appartement. Le 30, à 10 heures du matin, toutes les sentinelles ont été introduites dans l'intérieur de l'appartement de chaque magistrat ; elles y couchent alors.
Telle a été, Messieurs, la conduite de 14 magistrats isolés, qui n'ont point refusé, comme on vous l'a dit, d enregistrer les décrets de l'assemblée mais-,de se constituer chambre de vacations, et de se charger de la commission qui leur avait été offerte : ils ont cru que leur conscience, leur honneur ne leur permettraient pas de faire ce que leurs prédécesseurs avaient refusé. Ils ont pu être coupables d'erreur, mais j'ai peine à me persuader qu'un homme de bonne foi les regarde comme criminels ; quel pouvait être leur but? conserver leurs charges ? ils ne pouvaient se dissimuler que c'était la manière d'en être plus promptement dépouillés. Ameuter le peuple ? Ils avaient tout à craindre de son insurrection, le le répète, ils ont pu se tromper : il faut les plaindre et non les punir. Serait -ce au moment où vous vous préparez à détruire les parlements, et tous les tribunaux préexistants à la constitution, le lendemain du jour où le projet d'organisation du pouvoir judiciaire, qui annonce cette destruction a été lu, et applaudi à trois reprises dans cette Assemblée, ce qui semble présager son adoption, serait-ce à cette époque, dis-je, que vous appesantiriez un bras qui paraîtrait suivre un esprit de vengeance, sur 14 magistrats qui ont cru que si près de la fin de leurs carrière judiciaire, ils ne devaient pas sacrifier leurs principes à leur sûreté ? Permettez-moi de vous le dire, Messieurs ; je comparerais notre sévérité envers eux à la question préparatoire, à laquelle on livrait autrefois les accusés avant de les condamner à mort dans le cas même où nous les regarderions comme coupables; détruisez le parlement de Bretagne, quelques instants avant les autres; mais qùe votre jugement n'isole pas ses membres. J'irai plus loin, Messieurs, je n'interrogerai pas l'Assemblée entière, mais chacun des honorables membres qui la composent ; j'interrogerai, non leur justice, mais le sentiment intérieur de leur conscience, et je suis convaincu (j'aime à l'être) qu'il en est peu qui, dans la position des magistrats bretons, n'eussent pas agi comme eux.
Je propose de mettre aux voix le projet de décret présenté par les députés de Bretagne et d'ajourner la dénonciation de la ville de Rennes sur la conduite des magistrats.
met aux voix le projet de décret.
Il est adopté.
Le surplus de la pétition de Rennes est ajourné à vendredi prochain, à une heure.
lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin, heure ordinaire.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
annonce qu'il a présenté hier au soir, à l'acceptation du Roi, les nouveaux décrets de l'Assemblée sur les municipalités, et celui qui établit à Rennes une nouvelle chambre de vacations, composée de magistrats choisis dans la province de Bretagne, et hors du parlement de cette province.
dit en outre que le garde des sceaux l'a prié d'informer l'Assemblée que le Roi a cassé, par un arrêt du conseil, la nomination, faite en contravention des décrets de l'Assemblée, de la Grande-Doyenne du chapitre de Remire-mont.
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
(de Nemours), organe du comité de constitution, propose deux décrets concernant la division des deux départements du Bas-Maine et du Haut-Maine en districts. Les décrets sont adoptés ainsi qn'il suit :
I
« L'Assemblée nationale décrète d'après l'avis du comité de constitution ;
» 1° Que le département de Laval est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Ernée, Mayenne, Lassay, Sainte-Suzanne, Laval, Graon et Ghâteau-Gontier;
« 2° Que les établissements du district,de Lassay pourront être partagés avec Villaines', l'option réservée à Lassay ; qu'il en sera de même de ceux du district de Sainte-Suzanne, en faveur 'de la ville d'Evron ;
« 3° Que l'assemblée du département, sur le vœu de celle du district, déterminera dans laquelle de ces deux villes chaque établissement devra être fixé;
« 4° Que l'assemblée de département sera fixée à Laval, sauf à faire participer, s'il y a lieu, les villes de Mavenne et de Château-Gontier aux autres établissements qui pourront être décrétés par l'Assemblée nationale ;
« 5° Qu'il seralibre aux départements d'Alehçon et de Laval de faire les échanges
nécessaires pour supprimer les embranchements respectifs ; qu'il sera libre à la communauté
d'Anvers-le-Hamon et à ses dépendances, de passer au département
II
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
«1° Que le département du Haut-Maine est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont les villes du Mans, Saint-Calais, Château-du-Loir, la Flèche, Sablé, Sillé-le-Guillaume, Frenay-le-Gomte, Mamers et la Ferté-Bernard ;
« 2° Qu'elleprendraenconsidération la demande des députés du Haut Maine, relativement au nombre et à l'emplacement des tribunaux de justice, lorsqu'il en sera question ;
« 3° Que les limites extérieures du département et les limites intérieures des districts et des cantons serontconformesà la carte signée, et remise au comité de constitution, sauf les échanges amiables qui pourront avoir lieu dans la suite ;
« 4° Que dans le cas auquel la paroisse d'Anvers-le-Hamon, profitant de la liberté qui lui estdonnée par l'assemblée nationale, passerait du Bas-Maine au district de Sablé, le département du Haut-Maine cédêra à celui de Laval la paroisse et communauté de Saint-Pierre-de-la-Cour; et si celle-ci n'était pas suffisante, que le département du Haut-Maine sera tenu de parfaire la compensation en population et contribution, par l'abandon de quelques autres paroisses ou communautés situées sur la frontière des deux départements du Mans et de Laval, ainsi qu'il sera amiablement réglé par les assemblées de ces deux départements. »
, autre rapporteur du comité de constitution, prend la parole et rend compte des diflicultés qui se sont produites pour la division du département de Bigorre.
Plusieurs villes, dit-il, réclament d'être chefs-lieux de districts. La ville de Rabastens fait valoir sa situation sur plusieurs grandes routes, ses marchés et l'établissement d'une justice royale; la ville de Saint-Sever invoque son titre de capitale du Rustan et la facilité de faire des établissements publics dans un riche couvent de bénédictins établi dans cette ville.
Trie, siège d'une grande subdélégation et d'une justice, demande, comme une indemnité qui lui est due, l'établissement d'un district. Tournai soutient la même demande, d'après l'établissement d'une justice royale qu'elle a dans son sein, ses marchés et sa population. Lannemézan et Gampan réclament aussi des districts. Enfin, Castelnau dans Rivière-Basse, fait la même demande ; mais le comité a pensé que ces villes étant placées dans les extrémités et n'étant pas les plus considérables, devaient céder les établissements des districts aux villes plus peuplées et plus centrale telles que Bagnère, Lourdes, Argelès, Tarbes et Vie, sauf au département à juger, si Trie pouvait avoir un sixième district, en réunissant des communautés voisines qui pourront s'annexer à l'avenir au département du Bigorre.
interrompt le rapport pour informer l'Assemblée qu'il vient de recevoir du Roi le billet suivant :
» Jê préviens M. le Président de l'Assemblée na-« tionale que je compte m'y rendre ce matin, « vers midi ; je souhaite y être reçu sans céré-« monie.
« Signé, Louis. »
La lecture de ce billet a été suivie d'applaudissements répétés et des acclamations de vive le Roi.
D'après la lettre du Roi, et vu la simplicité avec laquelle il veut être reçu, ne serait-il pas irrespectueux de ne pas envoyer une députation au-devant de Sa Majesté?
Après quelques légers débats sur le nombre et le caractère des membres qui doivent composer cette députation, il est décidé qu'elle sera formée de trente, choisis par M. le président.
Ges députés sont :
MM. Le Chapelier.
Defermon des Chapelières.
La Ponle.
Gérard.
de Gouy-d'Arsy.
Guillaume,
de Latour-Maubourg.
Bailly.
de Marguerites.
d'Ailly.
Guillolin.
de Blacons.
Jouye des Roches.
Barnave.
de Montesquiou.
de Colbert-Seignelay, évêque de Rhodez.
de Rostaing.
Rœderer.
Dom Gerle.
le cardinal de La Rochefoucauld, archevêque de
Rouen.
d'Egmont-Pignatellé.
l'abbé Sieyes.
Rewbell.
le vicomte de La Queille.
de La Fayette,
de Curt.
l'abbé de Pradt.
de Cléry de Sérans.
Target.
La députation sort de la salle pour aller au-devant de Sa Majesté.
Je pense que dès l'instant que le Roi est dans l'Assemblée, elle cesse d'être corps délibérant ; je demande si quelque autre que le Président aura le droit de prendre la parole devant lui.
L'Assemblée décide que le Président seul doit parler devant le Roi.
Je savais dès hier soir que le Roi avait le dessein de venir aujourd'hui à l'Assemblée ; je n'ai pas eu l'honneur de vous en prévenir, parce que je n'en avais pas la certitude; j'ai cependant, et de concert avec M. Guillotin, pris quelques arrangements que je soumets à votre décision; ils consistent à retirer le bureau des secrétaires, à jeter un tapis devant la place du Président, qui sera occupée par le Roi ; le Président se placera à la droite de Sa Majesté ; et comme elle ne s'assoiera probablement pas, toute étiquette sera mise de côté.
L'Assemblée approuve les vues du Président, et l'on s'occupe à les remplir ; le fauteuil destiné au Roi est recouvert d'un velours violet, parsemé de
fleurs de lys d'or ; pareil tapis est étendu devant Je fauteuil ; le bureau des secrétaires estdés-cendu et placé devantAla barre, et le Président préside debout jusqu'à l'arrivée du Roi.
L'ordre du jour est ensuite repris.
, rapporteur. G'est une heureuse circonstance, pour le département du Bigorre, d'être décrété au moment où le Roi vient favoriser nos travaux et consolider les graudes réformes de l'Etat. Le rapporteur rappelle les diverses demandes des districts qui ont été adressées au comité de constitution et propose un projet de décret.
(de Bigorre) réclame la parole pour présenter le vœu de plusieurs communautés de Rivière-Basse pour être annexées au département de Tarbes.
Les députés d'Armagnac, dit-il, ayant exposé au comité de constitution que ces communautés désiraient demeurer au département d'Auch, j'eus la faiblesse de les croire : je pensais que je ne devais pas attirer au département de Bigorre des communautés contre leur gré. Alors le Condomois n'était pas réuni à Auch; j'ignorais que les envoyés de cette ville avaient publié que le Bigorre n'était point le département. Ces communautés détrompées ont envoyé de nouvelles délibérations en faveur du Bigorre dont elles sont plus voisines que d'Auch.
Je propose, par amendement, que les communautés de Rivière-Basse et autres communautés limitrophes soient libres de se réunir au département d Armagnac ou de Bigorre, selon qu'elles le trouveront plus convenable.
oppose les limites convenues et signées sous condition entre lui et un député de Bigorre; il prétend que ces communautés ont exprimé le vœu d'appartenir au département d'Auch et il ajoute que les gardes nationales ont chassé les accapareurs de délibérations. L'orateur demande la question préalable sur l'amendement.
La question préalable est mise aux voix et adoptée.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis de son comité de constitution :
« 1° Que le département du Bigorre, dont la ville de Tarbes est le chef-lieu, est divisé en cinq districts, appelés districts de Tarbes, Vie, la Montagne, Bagnères, les Quatre-Vallées, et pays adjacents;
« 2° Que dans le district de la Montagne, le siège de l'administration est Argelès, et le siège de la juridiction avec les autres établissements, est à Lourdes;
a 3° Que le chef-lieu de l'administration du district des Quatre-Vallées et pays adjacents, est La-bar the de Nestes, et que l'assemblée des électeurs, tenue dans cette ville, déterminera si le siège de la juridiction sera à Labarlhe ou à tout autre lieu du district ;
« 4° Que l'assemblée de département déterminera, à la première session, s'il est convenable de former un sixième district à Trie ou dans toute autre ville du département, sauf, en faveur des villes de ce département, qui n'ont pas de district, la répartition, s'il y a lieu, des établissements qui seront déterminés par la constitution. »
propose un autre décret sur les
départements du Berry qui est adopté ainsi qu'il suit :
L'Assemblée nationale décrète: « l°Que la province du Berry est divisée en deux départements, suivant la ligne de démarcation arrêtée entre les députés de ladite province, dont le procès-verbal du 3 de ce mois est déposé au secrétariat du comité de Constitution ; 2° que le chef-lieu du département du Bas-Berry est provisoirement établi a la ville de Château roux, sauf à l'assemblée du département à décider à la pluralité des voix si ledit département sera ultérieurement fixé à Châteauroux ou à Issoudun ; 3° que dans le département du Bas-Berry, il y aura six districts dont les chefs-lieux sont Issoudun, Château-roux, La Châtre, Argenton, Châtillon-sur-Indre et lé Blanc, sauf, eu faveur des villes de Vatan, Vallançay, Buzançais, Levroux, Saint-Benoît-du-Sault, Saint-Gauthier, Aigurande et autres villes et lieux du département, le partage des établissements de chaque district, s'il y a lieu. »
A cet instant, un huissier annonce : le Roi.
M. le Président est allé recevoir Sa Majesté à la porte, du côté des Feuillants ; Sa Majesté est entrée dans la salle, suivie de plusieurs ministres et accompagnée de la députation. Les applaudissements répétés et les cris réitérés de : Vive le Roi ont manifesté la satisfaction générale de l'Assemblée. Le Roi s'est placé debout devant le fauteuil qui lui était destiné, les ministres derrière lui, et M. le Président à sa droite, tous les membres de l'Assemblée et des galeries debout. Sa Majesté a lu le discours suivant, interrompu dans quelques endroits par les applaudissements les plus vifs.
Discours prononcé par le Roi, à VAssemblée nationale, le 4 février 1790, au matin.,
Messieurs, la gravité des circonstances où se trouve la France, m'attire au milieu de vous. Le relâchement progressif de tous les liens de l'ordre et de la subordination, la suspension ou l'inactivité de la justice, les mécontentements qui naissent des privations particulières, les oppositions, les haines malheureuses qui sont la suite inévitable des longues dissensions, la situation critique des finances et les incertitudes sur la fortune publique; enfin, l'agitation générale des esprits, tout semble se réunir pour entretenir l'inquiétude des véritables amis ae la prospérité et du bonheur du royaume.
« Un grand but se présente à vos regards, mais il faut y atteindre sans accroissement de trouble et sans nouvelles convulsions. C'était, je dois le dire, d'une maniéré plus douce et plus tranquille que j'espérais vous y conduire lorsque je formai le dessein de vous rassembler et de réunir, pour la félicité publique, les lumières et les volontés des représentants de la nation; mais mon bonheur et ma gloire ne sont pas moins étroitement liés au succès de vos travaux.
« Je les ai garantis, par une continuelle vigilance, de l'influence funeste que pouvaient avoir sur eux les circonstances malheureuses au milieu desquelles vous vous trouviez placés. Les horreurs de la disette que la France avait à redouter l'année dernière, ont été éloignées par des soins multipliés et des approvisionnements immenses. Le désordre que l'état ancien des finances, lé discrédit, l'excessive rareté du numéraire et le dépérissement graduel des revenus devaient naturellement amener; ce désordre, au moins dans son éclat et dans ses excès, a été jusqu'à présent
écarté. J'ai adouci partout, et principalement dans ia capitale, les dangereuses conséquences du défaut de travail; et nonobstant l'affaiblissement de tous les moyens d'autorité, j'ai maintenu le royaume, non pas, il s'en faut bien, dans le calme que j'eusse désiré, mais dans un état de tranquillité suffisante pour recevoir le bienfait d'une liberté sage et bien ordonnée : enfin, malgré notre situation intérieure généralement connue, et malgré les orages politiques qui agitent d'autres nations, j'ai conservé la paix au dehors, et j'ai entretenu avec toutes les puissances de l'Europe les rapports d'égards et d'amitié qui peuvent rendre cette paix plus durable.
* Après vous avoir ainsi préservés des grandes contrariétés qui pouvaieit si aisément traverser vos soins et vos travaux, je crois le moment arrivé, où il importe à l'intérêt de l'Etat, que je m'associe d'une manière encore plus expresse et plus manifeste à l'exécution et à la réussite de tout ce que vous avez concerté pour l'avantage de la France. Je ne puis saisir une plus grande occasion que celle où vous présentez à mon acceptation des décrets destinés à établir dans le royaume une organisation nouvelle, qui doit avoir une influence si importante et si propice sur le bonheur de mes sujets et sur la prospérité de cet empire.
« Vous savez, Messieurs, qu'il y a plus de dix ans, et dans un temps où le vœu de la nation ne s'était pas encore expliqué sur les assemblées provinciales, j'avais commencé à substituer ce genre d'administration à celui qu'une ancienne et longue habitude avait consacré. L'expérience m'ayant fait connaître que je ne m'étais point trompé dans l'opinion que j'avais conçue de l'utilité de ces établissements, j'ai cherché à faire jouir du même bienfait toutes les provinces de mon royaume, et pour assurer aux nouvelles administrations la confiance générale, j'ai voulu que le3 membres dont elles devaient être composées fussent nommés librement par tous les citoyens. Vous avez amélioré ces vues de plusieurs manières; et la plus essentielle, sans doute, est cette subdivision égale et sagement motivée, qui, en affaiblissant les anciennes séparations de province à province, et en établissant un système général et complet d'équilibre, réunit davantage à un même esprit et à un même intérêt toutes les parties du royaume. Cette grande idée, ce salutaire dessein vous sont entièrement dus; il ne fallait pas moins qu'une réunion de volontés de la part des représentants de la nation ; il ne fallait pas moins que leur juste ascendant sur l'opinion générale, pour entreprendre avec confiance un changement d'une si grande importance, et pour vaincre, au nom de la raison, les résistances de l'habitude et des intérêts particuliers.
« Je favoriserai, je seconderai par tous les moyen s qui sont en mon pouvoir, le succès de cette vaste Organisation, d'où dépend le salut de la France ; et je crois nécessaire de le dire, je suis trop occupé de la situation intérieure du royaume, j'ai les yeux trop ouverts sur les dangers de tout genre dont nous sommes environnés pour ne pas sentir fortement que, dans la disposition présente des esprits, et en considérant l'état ou se trouvent les affaires publiques, il faut qu'un nouvel ordre de choses s'établisse avec calme et avec tranquillité, ou que le royaume soit exposé à toutes les calamités de l'anarchie.
« Que les vrais citoyens y réfléchissent, ainsi que je l'ai fait, en fixant uniquement leur attention sur le bien de l'Etat, et ils verront que,
même avec des opinions différentes, un intérêt émiDent doit les réunir tous aujourd'hui. Le temps réformera ce gui pourra rester de défectueux dans la collection des lois qui auront été l'ouvrage de cette Assemblée ; mais toute entreprise qui tendrait à ébranler les principes de la constitution même, toutconcert qui aurait pour but dp les renverser, ou d'en affaiblir l'heureuse influence, ne serviraient qu'à introduire au milieu de.nous les maux effrayants de la discorde ; et en supposant le succès d'une semblable tentative contre mon peuple et moi, le résultat nous priverait, sans remplacement, des divers biens dont un nouvel ordre de choses nous offre la perspective.
« Livrons-nous donc de bonne foi aux espérances que nous pouvons concevoir, et ne songeons qu'à les réaliser par un accord unanime. Que partout on sache que le monarque et les représentants de la nation sont unis d'un même intérêt et d'un même vœu, alin que cette opinion, cette ferme croyance répandent dans les provinces un esprit de paix et de bonne volonté, et que tous les citoyens recommandables par leur honnêteté, tous ceux qni peuvent servir l'Etat essentiellement par leur zèle et par leurs lumières s'empressent de prendre part aux différentes subdivisions de l'administration générale, dont l'enchaînement et l'ensemble doivent concourir efficacement au rétablissement de l'ordre et à la prospérité du royaume.
« Nous ne devons point nous le dissimuler; il y a beaucoup à faire pour arriver à ce but. Une volonté suivie, une effort général et commun, sont absolument, nécessaires pour obtenir un succès véritable. Continuez donc vos travaux, sans autre passion que celle du bien ; fixez toujours votre première attention sur le sort du peuple et sur la liberté publique ; mais occupez-vous aussi d'adoucir, de calmer toutes les défiances, et mettez fin, le plus tôt possible, aux différentes inquiétudes qui éloignent de la France un si grand nombre de ses citoyens, et dont l'effet contraste avec les lois de sûreté et de. liberté que Vous voulez établir. La prospérité ne reviendra qu'avec le contentement générai, Nous apercevons partout des espérances ; soyons impatients de voir aussi partout le bonheur.
« Un jour, j'aime à le croire, tous les Français indistinctement reconnaîtront l'avantage de l'entière suppression des différences d'ordre et d'état, lorsqu'il est question de travailler en commun au bien public, à cette prospérité de la patrie qui intéresse également tous les citoyens ; et chacun doit voir sans peine que, pour être appelé dorénavant à servir l'Etat de quelque manière, il suffira de s'être rendu remarquable par ses talents ou par ses vertus.
« En même temps, néanmoins, tout ce qui rappelle à une nation l'ancienneté et la continuité des services d'une race honorée, est une distinc-tion que rien ne peut détruire; et, comme elle s'unit aux devoirs de la reconnaissance, ceux qui, dans toutes les classes de la société, aspirent à servir efficacement leur patrie, et ceux qui ont eu déjà le bonheur d'y réussir, ont un intérêt à respecter cette transmission de titres ou de souvenirs, le plus beau de tous les héritages qu'on puisse faire passer à ses enfants.
Le respect dû aux ministres de la religion ne pourra non plus s'effacer; et lorsque leur considération sera principalement unie aux saintes vérités qui sont la sauvegarde de l'ordre et de la morale* tous les citoyens honnêtes et éclai-
rés auront un égal intérêt à la maintenir et à la défendre.
« Sans doute, ceux qui ont abandonné leurs privilèges pécuniaires^ ceux qui ne formeront plus, comme autrefois, un ordre politique dans l'Etat, se trouvent soumis à des sacrifices dont je connais toute l'importance ; mais j'en ai la persuasion, ils auront assez de générosité pour chercher un dédommagement dans tous les avantages publics dont l'établissement des Assemblées nationales présente l'espérance.
« J'aurais bien aussi des pertes à compter , si, au milieu des plus grands intérêts de l'Etat, je m'arrêtais à des calculs personnels; mais je trouve une compensation qui me suffit, une compensation pleine et entière dans l'accroissement du bonheur de la nation ; et c'est du fond de mon cœur que j'exprime ici ce sentiment.
« Je défendrai donc, je maintiendrai la liberté constitutionnelle, dont le vœu général, d'accord avec le mien, a consacré les principes. Je ferai davantage; et de concert avec la Reine, qui partage tous mes sentiments, je préparerai de bonne heure l'esprit et le cœur de mon fils au nouvel ordre de choses que les circonstances ont amené. Je l'habituerai dès ses premiers ans à être heureux du bonheur des Français; et à reconnaître toujours, malgré le langage desflatteur s, qu'une sage Constitution le préservera des dangers de l'inexpérience, et qu'une juste liberté ajoute un nouveau prix aux sentiments d'amour et de fidélisé dont la nation, depuis tant de siècles, donne à ses rois des preuves si touchantes.
« Je ne dois point le mettre en doute; en achevant votre ouvrage,, vous vous occuperez sûrement avec sagesse et avec ardeur de l'affermissement dit pouvoir exécutif, cette condition sans laquelle il ne saurait exister aucun ordre durable au dedans ni aucune considération au dehors. Nulledéfiance ne peut raisonnablement vous rester; ainsi il est de votre devoir, comme citoyens et comme fidèles représentants de la nation, "d'assurer au bien de l'Etat et à la liberté publique cette stabililé qui ne peut dériver que d'une autorité active et tutélaire. Vous aurez sûrement présent à l'esprit que, sans une telle autorité, toutes les parties de votre système de Constitution resteraient à la fois sans lien et sans correspondance ; et en vous occupant de la liberté que vous aimez et que j'aime aussi, vous ne perdrez pas de vue qne le désordre en administration, en amenant la confusion des pouvoirs, dégénère souvent par d'aveugles violences, dans la plus dangereuse, et la plus alarmante de toutes les tyrannies,
« Ainsi, non pas pour moi, Messieurs, qui ne compte point ce qui m'est personnel près des lois et des institutions qui doivent réglçr le destin de l'empire., mais pour le bonheur même de notre patrie, pour sa prospérité, pour sa puissance, je vous invite à Vous affranchir de toutes lesimpres-sions du moment, qui pourraient vous détourner de considérer dans son ensemble ce qu'exigé un royaume tel que la France, et par sa vaste étendue, et par son immense population, et par ses relations inévitables au dehors.
«Vous ne négligerez point non plus de fixer votre attention sur ce qu'exigent encore des législateurs les mœurs, le, caractère et les habitudes d'une nation devenue trop célèbre en Europe par la nature de son esprit et de son génie pour qu'il puisse paraître indifférent d'entretenir ou d'altérer en elle les sentiments de douceur, de confiance et de bonté qui lui ont valu tapt de renommée.
« Donnez-lui l'exemple aussi de cet esprit de justice qui sert de sauvegarde à la propriété, à ce droit respecté de toutes les nations, qui n'est pas l'ouvrage du hasard, qui ne dérive point des privilèges d'opinion, mais qui se lie étroitemenl aux rapports les plus essentiels de l'ordre public et aux premières conditions de l'harmonie sociale.
« Par quelle fatalité, lorsque le calme commençait a renaître, de nouvelles inquiétudes se sont-elles répandues dans les provinces! par quelle fatalité .s'y livre-t-on â de nouveaux excès ! Joignez-vous à moi pour les arrêter, et empêchons de tous nos efforts que des violences criminelles ne viennent souiller ces jours où le bonheur de la nation se prépare. Vous qui pouvez influer par tant de moyens sur la confiance publique, éclairez sur §es véritables intérêts le. peuple qu'on égare, ce bon peuple qui m'est si cher, et dont on m'assure que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines. Ah 1 s'il savait à quel point je suis malheureux à la nouvelle d'un attentat contre les fortunes, ou d'nn acte de violence contre les personnes, peut-être il m'épargnerait cette douloureuse amertume!
« Je ne puis vous entretenir des grands intérêts de l'Etat sans vous presser de vous occuper, d'une manière instante et définitive, de touf ce qui tient au rétablissement de l'ordre dans les finances, et la tranquillité de la multitude innombrable de citoyens qui sont unis par quelque lien à la fortune publique. Il est temps d'appaiser toutes les inquiétudes; il est temps de rendre à ce royaume la force de crédit à laquelle il a droit de prétendre. Vous ne pouvez pas tout entreprendre à la fois : aussi je vous invite à réserver pour d'autres temps une partie des biens dont la réunion de voslumières vous présente le tableau; mais quand vous aurez ajouté à ce que vous avez déjà fait, un plan sage et raisonnable pour l'exer-cjce de la justice, quand vous aurez assuré les bases d'un équilibre parfait entre les revenus et les dépenses de l'Etat ; enfin , quand vous aurez achevé l'ouvrage de la Constitution, vous aurez acquis de granas droits à la reconnaissance publique; et, dans la continuation successive des Assemblées nationales, continuation fondée dorénavant sur cette Constitution même, il n'y aura plus qu'à ajouter d'année en année de nouveaux moyens de prospérité. Puisse cette journée, où votre Monarque vient s'unir à vous de la manière la plus franche et la plus intime, être une époque mémorable dans l'histoire de cet empire 1 Elle le sera, je l'espère, si mes vœux ardents, si mes instantes exhortations peuvent être un signal de paix et de rapprochement entre vous. Que ceux qui s'éloigneraient encore d'un esprit de concorde, devenu si nécessaire, me fassent le sacrifice de tous les souvenirs qui les affligent; je les payerai par ma reconnaissance et mon affection. Ne professons tous, à compter de ce jour/ âe professons tous, je vous en donne l-'exemple, qu'une seule opinion, qu'un seul intérêt, qu'une seule volonté, l'attachement à la Constitution nouvelle, et le désir ardent de la paix, du bonheur et de, la prospérité de la France. »
Le discours du Roi a fini au milieu des applaudissements universels de l'Assemblée et des tribunes.
a répondu au Roi :
« L'Assemblée nationale voit avec la plus vive
reconnaissance, mais sans étonnement, la conduite confiante et paternelle de Votre Majesté. Négligeant l'appareil et le faste du trône, vous avez senti, Sire, que pour convaincre tous les esprits, pour entraîner tous les cœurs, il suffisait de vous montrer dans la simplicité de vos vertus. Et lorsque Votre Majesté vient au milieu des représentants de la nation contracter avec eux l'engagement d'aimer, de maintenir et de défendre la Constitution et les lois, je ne risquerai pas, Sire, d'affaiblir, en voulant les peindre, le témoignage de.la gratitude, du respect et de l'amour que la France doit au patriotisme de son Roi, mais j'en abandonne l'expression au sentiment sûr, qui, dans cette circonstance, saura bien lui seul inspirer les Français. »
Sa Majesté est sortie de la salle au bruit des. applaudissements et des acclamations générales,; témoignage de l'amour et de la reconnaissance de l'Assemblée pour ses vertus et son patriotisme. Elle est reconduite jusqu'à la porte par M. le Président. La salle est remise dans son premier état. — M. le président reprend son fauteuil.
a fait la motion suivante :
« Qu'il soi t fait une adresse de remerciements au Roi et qu'une députation soit chargée, de la lui présenter le plus tôt possible. »
demande que M. le Président se retire par devers Sa Majesté, aussitôt après la séance, pour l'assurer que tous les membres de l'Assemblée étaient réunis par leur zèle et leur désir d'opérer la régénération du royaume.
Les motions de M. de Menou et de M. de Clermont-Tonnerre sont Unanimement décrétées.
demande que, d'après la déclaration solennelle faite par Sa, Majesté, tous les membres de l'Assemblée présent à l'instant, par l'appel nominal, le Serment civique.
prend les voix de l'Assemblée, et la motion a été adoptée.
lit alors le projet de serment suivant, est adopté unanimement :
» Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi. »
demande qu'il soit fait une note dès mêmbrès'qui se trouveraient absents, afin qu'ils puissent être admis à prêter ce serment avant dé reprendre séance^ et qu'aucun ne puisse voter sans l'avoir prononcé-
M. le Présidènt prend les voix de l'Assemblée qui admet la proposition.
demande qu'un comité soit chargé de rédiger une adresse aux municipalités, pour les infprmer des. détails de cette séance, et inviter tous les citoyens à la paix et à l'union.. Cette motion est décrétée.
Au moment de commencer l'appel, arrive^la députation chargée de reconduire Sa Majesfé'.
, un des membres qui la composaient , a dit à l'Assemblée, qu'en approchant du palais des Tuileries, toute la famille royale était sortie au-devant du Roi, et que la Reine, accompagnant M. le Dauphin, avait adressé à la députation ces paroles touchantes et vraiment patriotiques :
«Je partage tous les sentiments du Roi, et je m'unis de cœur et d'esprit à la démarche que son amour pour le peuple vient de lui dicter : Voici mon fils : je l'entretiendrai sans cesse des vertus du meilleur des pères, et je lui apprendrai de bonne heure à respecter la liberté publique, et à maintenir les lois, dont j'espère qu'il sera le plus ferme appui. »
Vous savez combien est auguste et sainte la cérémonie qui va se faire ici. J'ai l'avantage de présider vos travaux : et j'espère que vous ne me refuserez pas l'honneur de prêter le premier le serment civique.
Cette proposition est accueillie, il est décidé que tous les membres monteront successivement à la tribune pour y prêter le même serment, et se borneront à en prononcer les deux premiers mots : Je jure.
, ex - président, prend le faufeuil.
, président, monte le premier à la tribune et s'exprime ainsi :
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi, au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi. »
reprend ensuite le fauteuil et reçoit le serment de tous les membres de l'Assemblée, appelés nominativement par ordre alphabétiqne de députation.
, après avoir dit : Je le jure, ajoute: «Je jure et je promets de donner l'exemple d'éteindre toutes les divisions , s'il peut en avoir existé dans cette Assemblée. »
, évêque de Perpignan, après avoir prononcé : Je le jure, ajoute : « Désirant, comme Sa Majesté, que la paix renaisse, espérant que la Constitution sera perfectionnée, dans les législatures à venir. >
L'Assemblée a décrété un serment qui n'est pas conditionnel, que M. l'é-vêque de Perpignan déclare s'il le prête purement et simplement.
, député de Perpignan, demande que le nom de M. l'évêque soit mis dans le procès-verbal.
déclare que son serment ne contient pas de restriction .
, garde des sceaux, prête serment en qualité de député de Bordeaux.
, maire de Paris, prête serment comme député.
remplit le même devoir et reçoit de vifs applaudissements.
qui était sorti pendant l'appel, étant rentré, demande à prêter le serment, parce que son tour est passé ; cela lui est accordé.
L'appel fini, MM. les députés suppléants, ceux du commerce et les députés extraordinaires demandent à l'Assemblée, par M. le Président, la grâce et l'honneur de se réunir à elle pour prêter le même serment : cette proposition accueillie avec|empressement et approbation par l'Assemblée; ils remettent entre les mains du Président leur signature au bas de la formule du serment.
MM. les citoyens et mesdames les citoyennes qui remplissent les tribunes, les huissiers et les secrétaires, commis de l'Assemblée, ayant fait la même demande, et l'Assemblée l'ayantapprouvée l'Assemblée reçoit leurs serments.
.Suivent les noms des députés suppléants, du commerce et extraordinaires; ceux des citoyens et citoyennes; ceux des huissiers et secrétaires-commis de l'Assemblée.
Députés suppléants.
MM. de Valence.
Bozon de Talleyrand.
de Broglio.
Saisseval.
Du Tertre de Sancé.
Thoumin.
Bonrdeau.
Archambauld de Périgord.
l'abbé de Quinson, prévôt d'Arles,
de Léon,
de Damas.
Bazille.
l'abbé de Damas,
de Chabanon.
Perrier.
Dnclos du Fresnoy.
de Charbonnel-Jussac.
Du Mans.
Royer.
Raffin.
Momart.
Labauce.
M. L. Cerisier.
Malartic de Fondât.
de BlainviUe.
Rameau de Monbenoist.
de Graviile.
Monestier.
Laborie.
Rouvre.
Trochereau.
Cessac.
Frennelet.
de Blaire.
Duval Mouville.
Lacr «telle.
Emmanuel de Salm-Salm.
Bénière. curé de Saint-Pierre,
de Chaillot. Mercier Terreford.
Lesnier.
de Launay Prouvel.
Lucy.
Baudouin, imprimeur de l'Assemblée nationale.
Lavoisier.
François de Neufchâteau.
Chaudot.
Deschamps.
de Barbantane.
Fleury.
Bory.
Botidoux.
André de PoUtet.
Députés des manufactures et du commerce :
MM. Lefebvre.
MM. Lesgnillier
Guyot.
Rostagny.
Abeille.
La Flèche.
Greling,
Boyetet.
Corbun.
Bechade-Cazaux.
Nairac.
Mosneron l'aîné.
Mosneron de Launay.
Puchelberg.
de Montmean.
Deschamps.
Dufour.
Quesnel.
Bodinier.
Blanche.
Legrand.
L. Niel.
Gosselin.
Tournachon.
Jourdain de l'Elogo.
Courau Duparc.
Reynaux.
Députés extraordinaires.
MM. Simiane.
Vérité.
Bordet.
Bossé.
Quesnay de Saint-Germain.
Fombault.
Saint-Blanguat.
Le Moine de Villarsy.
Romard.
Auber du Bourg.
Buquet.
Tounet.
Deschamps.
Dangeville.
Bailly.
Le Vasseur d'Eranville.
Chéron.
Le Maur, curé.
J. F. Courpasson.
de Mazorat.
Coulomb.
Albisson.
Estorc.
La Brousse la Grange.
Beaupuy.
Bousquet.
de Lavaux.
De la Borde.
Dijon de Saint-Mayard.
Le Lorme.
Mabru.
Bossanet,
Thouron.
De Bornes de Grandpré,
Godefroy.
De La Primaudière.
De Viguéras.
Laurenson.
Messieurs les citoyens et Mesdames es citoyennes.
MM. Rondonneau.
Frangeul.
Soren.
Coqueux,
Flocho.
G. Romme.
Dan tic.
Mariollay.
De La Terrie.
Chapsal.
Mejan du Luc.
Theurel de Flamicourt.
Desnos.
Turmency.
MM. Malancey.
Vaudey.
Ferrière.
Kloriche.
Dupart.
Hudicourt.
Houlict.
David.
Dufour de Saint-Pathus.
Manetel.
Bazet.
Mazeron.
Cholois, le jeune.
Pichard.
Ballet.
Touchardere.
Beaulieu.
Nervé de Mariallet.
Vesset.
J. B. Gilles.
Clair m ont.
Théroigne.
L'Eclau.
An tin.
Racquet, le jeune.
Richemont.
Ménard.
Lesguillier.
Collard.
L. Burdet.
Duchamel.
Dufour.
de Saint-Fargeau
Girardeot.
Hébert.
Mare t.
Joubert.
Soubeyran.
His.
Otchier.
Duplay.
Gouraud.
DéclOt.
A. Souque.
Goyon.
Lavergne.
Perier.
Viard.
Hochet de la Terrie.
Varin.
Ansot.
Perol.
Pochard.
Mouchy.
Gay.
Renouard.
Breyand.
Du Preuil.
Aubert.
Mersolin.
Viane de Belair.
l'abbé Laborie.
Duplay.
l'abbé de la Boderie
l'abbé Gênais.
Lauchard.
Clairmond.
Cas tan.
Lameth.
de Leymerie.
Muralet.
Mme de Delplauque et son fils.
Secure.
Plaisant.
Gombault.
Loquet.
Gau.
Le Prompt.
Prin.
Flalnant.
Meurisse.
Remi.
Tissandier.
Ladainte,
Tiphain.
Revol.
F. Saturnin.
Cosme.
Veuve Besson.
Besson.
Femme Renoire.
Toussaint.
Duplay.
Femme Duplay.
Tevenin.
Regnauld.
Le Reverand.
Hanique.
Remy.
Reubert.
Giroust.
Baranged.
Tiercé.
Vemeaux.
Clarat.
Femme Voilguin.
Ovide.
Jean Durand.
Lombard.
Rourieau.
Rebreget.
Hugard.
Cousin.
L'Ecolaut.
Laburthe.
Paulmier.
Cheynet.
Conseil.
Froissart.
Hardiu.
Savoure.
Longuemerre.
Long.
Delama.
Voisquin.
Havard.
Dumont.
Femme Chafaudel.
Huissiers de l'Assemblée.
MM. Armand.
Courwol.
Poiré.
Rollin.
Guillot.
de Varenne.
La Fontaine.
Houdelette.
Bertholet.
Delplanque.
Secrétaires-commis de l'Assemblée. Archives.
MM. Egasse.
IVigneux.
Le Coq de Cauville.
Procès- Verbaux.
MM. Braille.
Leger.
Plateau.
Gory.
Pierre.
Vanerel.
Correspondance.
MM. Férès.
Aubusson.]
Renvoizé.
Le Page.
Bureau des Renvois.
MM. Atrux.
G. Vaillant.
Baboin.
Le Harivel.
Henry.
Bureau des Scrutins.
M. Villiers.
Bureau des Distributions.
I MM. Girauld, l'ainé.
Girauld, le jeone.
Caisse des Dons patriotiques
MM. Cocural.
Gamblon.
Comité des finances.
MM. Vieillot.
Grangier.
Diacon.
Comité des pensions.
MM. Prébois.
Schlick, l'aîné.
Schlick, le jeune.
Sarthe.
Coquelin.
Darmenon.
Beaugrand.
Morhéry.
Comité d'Agriculture et de Commerce.
MM. Boisseau.
Charrier.
Comité des Rapports.
MM. Vaillant.
Hussenet.
Garnier.
Chaulay.
Comité_ de Constitution.
MM. Le Blanc.
Gallemant.
Comité des Recherches.
M. Lamothe.
Comité Militaire et de la Marine.
MM. Blochet.
De Mange.
Comité des Domaines.
MM. Molandre.
Horiel.
Comité de Judicature et de Féodalité.
MM« Paris.
Désaune t.
Comité Ecclésiastique.
M. Juhel.
Comité de l'envoi des Décrets.
M. Vieilh.
Architecte de l'Assemblée nationale.
M. Paris.
Inspecteur et sous-inspecteur de la Salle.
MM. Vacquier.
Février,
Garde-Meuble de l'Assemblée.
M. Le Blanc.
fait lecture des noms des soixante membres qui doivent composer la députation décrétée pour porter au Roi une adresse de remerciements et se sert des expressions ordinaires qui désignent les qualités de nobles.
demande que, pour être fidèle à la constitution et au serment qu'on vient de prêter, les noms de baron, comte, etc., ne soient jamais employés dans l'Asssemblée.
Il n'est rien statuer sur cette motion.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE U. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un des MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
Ensuite plusieurs membres de l'Assemblée, qui, à raison de leur absence, n'ont pas prêté, à la séance d'hier, le serment civique, le prêtent aujourd'hui successivement à la tribune.
rend compte de la députation faite hier au roi et à la reine.
La députation était composée des personnes suivantes :
MM. Bureaux dé Pusy, président.
Palasne de Champeaux.
Regnauld d'Epercy.
de Sainte-Aldégonde Champion de.
Cicé, évêque d'Auxerre.
l'abbé'de Pampelonne.
l'abbé d'Expilly.
de Vialis.
Darnaudat.
Cor t ois de Balore, évêque de Nîmes,
le marquis de Fournès.
le barou Brueys d'Aigalliers.
Rabaud de Saint-Etienne.
Gourdan.
le chevalier d'Esclans.
d'Abbadie.
le comte Destutt de Tracy.
Durget.
l'abbé Maury.
Ledean.
Lemoine de La Giraudais.
l'abbé Raymond Ducastaing.
l'abbé Rousselot.
le marquis Duhart.
Petion ae Villeneuve,
de Kyspottèr.
Tronchet.
Barrère de Vienzac.
Martineau.
l'abbé Longpré.
le baron de Cernon.
Ruffo de Léric, évêque de Saint-Flour.
Babey.
le pnnce de Robecq.
Gossin.
Grangier.
l'abbé Demandre.
Mérigeaux.
de Bonnal, évêque de Clermont.
d'Aguesseau de Fresnes.
Fonrnier de La Pommeraye.
le duc de Coigny.
Franco ville.
de Faye, évêque d'Oléron.
de Colbert-Seignelay, évêque de Rhodez.
le marquis de Thiboutot.
Duval d'Eprémesnil.
l'abbé Dubois.
le marquis de Bauharnais.
Huguet.
Hébrard.
le baron de Flachslanden.
le prince de Broglie.
l'abbé Péretti Délia Rocca.
le comte de Colonna-César Rocea.
Beaudrap de Sotteville.
Pison du Galand.
Delacour d'Ambérieux.
Bertrand de Monfort.
le marquis de Mortemart.
Discours de M. le Président au Roi.
« Sire, nous venons offrir à Votre Majesté les premiers fruits de son patriotisme et de ses vertus. L'oubli de toutes les divisions, le concert de toutes les volontés, la réunion de tous les intérêts particuliers, dans le seul intérêt public; le serment solennel prononcé par les représentants du peuple français, d'être fidèles à la nation, à la loi, au roi, à la constitution; les citoyens en foule demandant leur association à ce pacte auguste et saint; tels sont, Sire, les heureux effets de votre présence à l'Assemblée nationale. Pourquoi faut-il que le cœur humain, juste et sensible, de Votre Majesté, ait été privé de ce spectacle attendrissant ? Interprètes des vœux de la nation, nous devons l'être de sa reconnaissance. Daignez, Sire, en recevoir; le tribut avec bonté. L'amour et la confiance des peuples sont les. vrais trésors des bons rois. Jouissez-en, Sire, et que ce juste hommage de vos contemporains vous soit le garant des bénédictions que la postérité réserve à votre mémoire. »
Réponse du Roi.
« Le prix que vous attachez aux sentiments que je vous ai témoignés, m'est un nouveau garant de la réunion de nos soins pour le bien de la patrie. J'espère que tous les bons citoyens, tous les vrais amis du peuple, se rallieront autour de moi pour consolider sa liberté et son bonheur* Le serment, que vous avez prêté après m'avoir entendu, m'en donne l'assurance. Puisse cette heureuse conformité de nos principes et de nos sentiments, assurer la gloire et la félicité de la meilleure des nations 1 »
Discours à la Reine.
« Madame, l'Assemblée nationale a recueilli avec la plus vive et la plus douce reconnaissance les paroles nobles et touchantes qui lui ont été transmises de la part de Votre Majesté. Dépositaire des espérances de la France et du trône, veillez, madame, sur ce rejeton précieux: qu'il ait la sensibilité, l'affabilité, le courage qui vous carac-
térisent. Vos soins assureront sa gloire; et la France, dont vous aurez procuré le bonbeur, en sentira doubler le prix, en songeant qu'elle le doit aux vertus de Votre Majesté. »
Réponse de la Reine.
« Messieurs, je suis bien sensible aux témoignages de votre affection. Vous avez entendu ce matin l'expression de mes sentiments ; ils n'ont jamais variés pour une nation que je me fais gloire d'avoir adoptée en m'unissant au Roi. Mon titre de mère en assure pour toujours les liens. »
Ces discours sont vivement applaudis.
Je vote des remerciements à M. le Président, pour la manière convenable, auguste, patriotique et digne avec laquelle il a parlé nier au Roi.
L'Assemblée, par des applaudissements unanimes, adopte et remplit le vœu exprimé par M. le duc d'Aiguillon.
La séance d'hier a été trop intéressante pour que nous nous bornions à de stériles applaudissements. La démarche du Roi a eu de grands motifs; son discours renferme de grands objets. Je demande que l'Assemblée s'occupe des principaux points de ce discours, et je retiens la parole.
On s'écrie de toutes parts : « Passons à l'ordre du jour ! à la constitution 1 »
Il faut entendre les observations sur le discours du Roi, si quelques membres en ont à présenter.
On s écrie encore : « L'ordre du jour ! l'ordre du jour 1 »
La meilleure manière de prouver au Roi que nous sommes touchés de ses sentiments est de nè pas perdre un moment pour nous occuper de ceux de nos travaux qui importent le plus au bonheur de la nation.
Une partie de l'Assemblée ayant paru appuyer la proposition de M. Malouet, M. le président met aux voix cette proposition.
L'Assemblée décide à une grande majorité qu'on passera sans retard à l'ordre du jour.
(Voy. aux annexes de la séance, la motion de M. Malouet, telle qu'elle a été imprimée et distribuée.)
Le récit qui vous a été fait de l'état inquiétant de plusieurs provinces a prouvé au comité féodal combien il importe qu'il accélère ses travaux. 11 m'a chargé de vous prier d'ajourner son rapport à demain. Cet ajournement est ordonné.
Le comité des rapports a reçu plus de cinq mille requêtes; deux mille cinq cents sont déjà déblayées ; la plupart de celles sur lesquelles il faut encore statuer doivent être renvoyées ou aux départements, ou aux tribunaux; d'autres exigent l'interprétation de quelques décrets; presque toutes demandentdesréponsesqui pourraient tranquilliser beaucoup de communautés ou calmer un grand nombre de personnes souffrantes. Le comité désirerait être autorisé, non à donner des décisions, mais des avis.
J'adopte cette proposition et je
pense qu'il serait nécessaire d'accorder la même faculté au comité de constitution.
Il faudrait, dans le décret à rendre à ce sujet, insérer cette clause : « Après avoir consulté les députés des départements. »
Cet amendement est adopté et le décret suivant est rendu :
« Le comité des rapports et les autres comités sont autorisés à donner des avis et des éclaircissements aux personnes qui leur en demandent, sans être obligés d'en référer auparavant à l'Assemblée nationale, mais seulement après en avoir conféré avec les députés des départements, et de concert avec eux. »
Fait lecture de la lettre suivante, écrite par M. Sage, de l'Académie royale des Sciences, Directeur de l'Ecole royale des mines, contenant l'offre d'un don patriotique.
Monsieur,
« Je vous supplie d'avoir la bonté de présenter mon offrande sur l'autel de la patrie.
« Je remplirai désormais, sans émoluments, la place de commissaire pour les essais ; elle était aux appointements de six .mille livres par an.
« Je donne ma bibliothèque pour servir à l'instruction de l'École royale des Mines; c'est un objet'de douze à quinze mille livres.
« Je m'engage a faire Unir à mes frais le cabinet des mines nationales, à la Monnaie, ce qui est un objet de vingt-cinq à trente mille livres.
« Ayant reconnu, il y a trente ans, que la France était riche en mines, et que cependant elle était tributaire des autres nations, parce qu'elle n'avait pas l'art d'en tirer parti, j'ai fait, pendant vingt années, des cours publics et gratuits, pour fixer parmi nous les connaissances métallurgiques. J'ai sacrifié tout ce quë j'avais pour former le cabinet de l'Ecole royale des Mines, pour servir à l'étude de cette partie ; il fixe aujourd'hui l'attention de toute l'Europe, et est devenu un monument national.
« Je suis avec respect,
« Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Signe' : Sage,
« de l'Académie des sciences, directeur de l'Ecole royale des Mines. »
L'Assemblée applaudit vivement à cette offrande patriotique : elle ordonne l'insertion de la lettre dans le procès-verbal et charge son Président de répondre à M. Sage, et de lui témoigner sa satisfaction.
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
Le comité de constitution propose plusieurs décrets qui sont adoptés sans discussion, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département de Caen est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Caen, Bayeux, Vire, Falaise, Lisieux et Pont-l'Evêque ;
c 2° Que le tribunal du district de Lisieux sera placé à Orbec;
« 3° Que la ville dePont-l'Evêque réunira l'un
et l'autre établissement de son district, mais que la ville d'Honfleur aura aussi un tribunal du même genre, et que les ressorts des deux sièges seront déterminés par l'Assemblée nationale, sur les mémoires qui seront fournis à cet effet. »
II
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département de l'Auvergne sera provisoirement divisé en huit districts, dont les chefs-lieux et les limites seront incessamment indiqués par un procès-verbal que ses députés déposeront au comité de constitution*,
« 2° Que l'Assemblée du département pourra réduire ces districts à cinq, si les électeurs le jugent convenable au bien des administrés. »
III
« L'Assemblée nationale a décrété, d'après l'avis du comité de constitution, et du consentement unanime des députés du département :
« 1° Que le département du Gévaudan est provisoirement divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont Mende, Marvéjols, Florac, Lan-gogne, Viilefôrt, Meyrueis, Saint-Chely, ou le Malzieu, ainsi qu'il sera déterminé par les électeurs, qui s'assembleront la première fois à Saint-Chely ;
« 2° Que le chef-lieu du département alternera entre les villes de Mende et de Marvéjols, de manière que la première session se tienne dans la ville de Mende, et la seconde dans celle de Marvéjols, sauf, en faveur des autres villes du département, la répartition des établissements qui seront déterminés par la Constitution. »
IV.
(de Nemours) fait un rapport sur le département de l'Albigeois.
demande que le chef-lieu soit établi à Alby.
réclame pour Lavaur.
Après une très-courte discussion le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, sur l'avis du comité de constitution, a décrété et décrète que le dé-; parlement de l'Albigeois sera divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux seront les villes de la Canne, de Castres, de Lavaur, d'Alby et de Gailhac;
« Que l'assemblée du département sera convoquée à Castres, et s'alternera avec les villes d'Alby et de Lavaur dans l'ordre où elles sont nommées. »
V.
présente l'état des contestations élevées par la ville d'Epernon et fait adopter le décret qui suit :
a L'Assemblée nationale décrète que la /ille d'Epernon a la faculté d'opler le département auquel elle veut être attachée, sauf au département de Chartres à indemniser, s'il y a lieu, le district de Dourdan de celte diminution de son étendue.»
VI.
présente la division du département de Besançon.
réclame un district pour Mor-teau.
répond que la dé-putation de la province a signé un arrangement contraire, qui doit être suivi.
propose de renvoyer cette affaire au département.
L'Assemblée ferme la discussion et adopte le décret qui suit :
« L'Assemblée nationale, d'après l'avis de son comité de constitution, décrète:
«Que la province de Franche-Comté est divisée en trois départements, celui d'Amont, celui de Besançon et celui d'Aval, et que chacun de ces départements sera divisé en six districts ;
« Que les chefs-lieux des districts du département de Besançon sont Besançon, Quingey, Or-nans, Pontarlier, Saint-Hippolythe et Beaune ;
« Que l'assemblée, le directoire du département de Besançon, et l'Assemblée des électeurs à l'Assemblée nationale, se tiendront toujours dans la ville de Besançon. »
VII.
fait un autre rapport sur les départements de d'Aval et d'Amont.
défend avec force les intérêts de quarante-deux communautés des montagnes qui demandent l'établissement d'un district en Nozeroi. Il fait valoir les considérations particulières et locales qui doivent faire créer une justice de district dans cette ville; il représente ces communautés comme dépouillées, pour ainsi dire, de leurs bois, à cause des salines, et vexées dans le payement des amendes pour les plus légers délits ; il finit en demandant que l'établissement d'un nouveau district soit remis au département.
réfute le préopinant et demande que les projets du comité soient maintenus.
consulte l'Assemblée, qui rend les deux décrets qui suivent :
« L'Assemblée nationale, de l'avis de son comité de constitution, décrète :
« Que les chefs-lieux du département d'Aval seront Dôle, Salins, Poligny, Lons-le-Saulnier, Orgelet et Saint-Claude;
« Que l'assemblée et le directoire de ce département se tiendront alternativement dans lés villès ci-après désignées, et dans l'ordre suivant :
«1° Lons-le-Saulnier,
« 2° Dôle,
« 3° Salins,
« 4° Poligny;
« Que le lieu de l'assemblée générale des élections de département, et pour l'Assemblée nationale, de ce département, sera invariablement fixé dans la ville d'Arbois. »
VIII. .
» L'Assemblée nationale, de l'avis de son comité de constitution, décrète :
« Que les chefs-lieux des districts du département d'Amont sont Vësoul, Lure, Luxeuil, Jus-sey, Gray et Champlitte ;
« Que l'assemblée du département d'Amont, son directoire, et l'assemblée des électeurs à l'Assemblée nationale, se tiendront alternativement dans les villes de Vesoui et Gray, de manière cependant que lesdites assemblées et directoire seront deux fois de suite dans la ville de Vesoul, la troisième fois dans la ville de Grav, et ainsi successivement. »
donne la parole à un membre du comité ecclésiastique.
J'ai trois décrets à proposer à l'Assemblée de la part du comité ecclésiastique. Par le premier, ce comité demande que le nombre de ses membres soit augmenté de quinze personnes. Le nombre actuel ne peut suffire au dépouillement de cent mille déclarations et au travail qu'exige la correspondance à suivre avec les municipalités pour soumettre ces actes à une espèce de contrôle.
L'Assemblée ordonne qu'il sera ajouté au comité ecclésiastique quinze membres pris dans la totalité de l'Assemblée, et élus par sprutin de liste.
Le même comité propose aussi de décréter :
« Que tous possesseurs de bénéfices ou de pensions sur des bénéfices, à quelque titre que ce soit, sur lés économats, sur le clergé en général, sur le clergé des diocèses, etc., seront tenus de déclarer aux municipalités le titre et le nombre des bénéfices et pensions dont ils jouissent, et d'envoyer, sous quinzaine, cette déclaration à l'Assemblée nationale, sous peine d'être déchus des bénéfices et pensions non déclarés. Ces déclarations se feront sur papier libre et sans frais. Les ecclésiastiques, membres de l'Assemblée nationale, pourront remettre leurs déclarations au comité ecclésiastique. >
observe que le délai de quinzaine est trop sévère.
Je ne possède aucun bénéfice, et c'est pour cela que je prends la parole en faveur des bénéficiers. La clause comminatoire est trop dure ; elle est rigoureuse, et j'en demande la suppression. Le délai de quinzaine est trop court; je propose de l'étendre à un mois.
Le décret ne fait pas mention des chevaliers de Malte qui possèdent des bénéfices autrés que ceux de leur ordre. Je demande qu'ils soient compris dans la même disposition. Je possède un bénéfice de cette nature.
regarde la clause comminatoire comme odieuse, et trouve le décret inutile, parce que, ayant ordonné que les bénéficiers fassent connaître les charges de leurs bénéfices, l'Assemblée a fait tout ce qu'il faut pour connaître les pensions ecclésiastiques.
, évêque de Clermont. Je suis
membre du comité, et je ne sais pas si ce décret y a été présenté. Je me serais fortement opposé a la commination.
M. l'évêque de Clermont était présent lorsque le décret a été offert au comité et approuvé : j'invoque le témoignage des membres qui s'y trouvaient alors.
, arehevêque d'Aix, Je suis tellement persuadé de la fidélité avec laquelle les déclarations sont faites, que la clause comminatoire me semble inutile : elle serait extrêmement odieuse si elle n'était pas d'absolue nécessité : si des ecclésiastiques refusent leurs déclarations, on sera toujours à temps de la prononcer.
M. ***. Plusieurs curés m'ont chargé de remettre des déclarations dans lesquelles ils évaluaient 490 1. des revenus qui, à la vue des baux, s'élèvent à 1,700 1. Je leur ai renvoyé ces actes. La clause comminatoire est donc d'une absolue nécessité.
L'Assemblée délibère : cette clause est conservée.
Le délai d'un mois est substitué au délai de quinzaine.
L'amendement qui concerne les chevaliers de Malte est admis, en l'étendant aux chevaliers des autres ordres.
propose d'ajouter à la disposition du décret, ces mots : « et les chanoi-nesses. »
Ce sous-amendement est adopté.
demande que les déclarations soient envoyées par les municipalités, et non par les bénéficiers.
, en adoptant cet avis, propose d'ordonner que ces déclarations se feront aux municipalités des villes les plus voisines de la résidence des titulaires, et non aux municipalités des villages qui n'ont encore ni registres, ni moyens de correspondance avec l'Assemblée nationale.
Ces deux propositions sont agréées.
Vous avez ordonné à votre comité ecclésiastique de vous présenter le tableau de ceux des biens du clergé qui peuvent être aliénés. Ces biens sont de deux sortes : 1° ceux qui, dépendant d'abbayes vacantes, sont actuellement en économats; 2° les bâtiments des ecclésiastiques réguliers des villes. Les premiers consistent en domaines, cens, rentes, etc., et autres droits de cette nature, qu'on ne peut mettre en vente avant que le comité féodal n'ait présenté un mode de rachat pour les droits féodaux. Pour mettre en vente les fonds qui forment le deuxième objet, il faut au moins que vous ayez décrété les deux première bases d'une motion que le comité ecclésiastique vous a depuis longtemps présentée, c'est-à-dire la sortie des religieux et leur sort, et la refusion de toutes les maisons des grandes villes dans celles des petites villes et des campagnes : tout le reste pourrait être ajourné. Cependant, comme il importe au crédit qu'on prenne aujourd'hui même un parti, le comité propose l'adoption d'un décret.
consulte l'Assemblée et prononce ensuite les deux décrets dont la teneur suit:
Premier décret.
« L'Assemblée nationale décrète que tous possesseurs de bénéfices ou de pensions sur bénéfices, sur les économats, sur le clergé général, sur celui des diocèses ou sur des biens ecclé-siastiques quelconques, à quelque titre, que ce soit, même les chevaliers de Malte, de Saint-Lazare et autres, les chanoinesses, et toutes personnes .enfin sans exception, seront tenus, dans le mois de la publication du présent décret, de déclarer devant les officiers municipaux de la ville où ils se trouveront, ou de la ville la plus prochaine, le nombre et le titre des bénéfices qu'ils possèdent, et le lieu de leur situation, ainsi que toutes les pensions dont ils peuvent jouir, soit sur d'autres bénéfices, soit sur les économats, soit sur le clergé, sinon et faute par eux de faire ladite déclaration, qu'ils seront déchus des bénéfices et pensions qu'ils auront omis de déclarer.
« L'Assemblée nationale décrète, en outre, que les officiers municipaux, devant qui lesdites déclarations seront faites, seront tenus d'en tenir registre, et de les renvoyer à l'Assemblée nationale, dans la huitaine du jour où elles auront été reçues.
« Décrète pareillement que les membres de l'Assemblée nationale, possesseurs de bénéfices ou pensions, pourront faire leurs déclarations au comité ecclésiastique, et qu'au surplus, elles seront toutes faites sur papier libre et sans frais. »
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale ajourne la motion du comité ecclésiastique, sur les religieux, à jeudi prochain, et néanmoins décrète, dès à present, et en attendant des suppressions plus considérables, la suppression d'une maison de religieux de chaque ordre dans toute municipalité où il en existe deux, de deux maisons dans toute municipalité où il en existe trois, et de trois dans toute municipalité où il en existe quatre; qu'en conséquence la municipalité de Paris indiquera dans la huitaine, et les assemblées de département indiqueront aussitôt après leur formation celles desdites maisons qu'elles préféreron t de supprimer en vertu du présent décret, pour les emplacements en être aussitôt mis en vente, en exécution et conformément au décret du 19 décembre dernier. »
Le surplus de la motion est ajourné à jeudi prochain.
lève la séance, et indique celle de demain à l'heure ordinaire.
de VAssemblée nationale du
motion de m. malouet, sur le discours du roi, telle qu'elle devait être prononcée et telle qu'elle a été imprimée el distribuée.
Trois objets principaux, Messieurs, m'ont frappé dans le discours du Roi. Sa Majesté s'est assoeiée d'une manière plus intime aux travaux de l'Assemblée nationale, à la constitution, c'est-à-dire que tous les pouvoirs, toutes les forces de la nation concourent aujourd'hui à la même fin, qui est la liberté, le bonheur de tous, l'empire unique de la loi.
Dès lors, Messieurs, toutes les défiances sont désormais contraires au but que vous vous proposez, toutes les divisions, toutes les exagérations dangereuses.
Quel doit donc être te premier et le plus salutaire effet de la déclaration du Roi ? C'est de rétablir la confiance dans tous les cœurs, comme elle doit y porter l'espérance. C'est d'étouffer tous les germes d'inimitié et de ressentiment; c'est d'effacer les soupçons, et de faire disparaître au milieu de nous les barrières qui nous séparent de la vraie liberté, de son esprit, de ses principes et de ses mœurs ; je veux parler de ces formes ln-quisitoriales qui alarment une partie des citoyens, sans faire le bonheur d'aucun, car aucun de, nous ne s'intéresse au bonheur des méchants.
Le second objet remarquable dans le discours du Roi, est la touchante exposition des désordres qui affligent le royaume, et la nécessité d'y pourvoir. Je sais que la liberté vaut la peine d'être achetée; mais vous savez, Messieurs, que son illustre défenseur, Rousseau la croyait trop payée par le sang d'un seul citoyen. Sans doute la liberté commande des sacrifices ; mais ce n'est pas celui de l'ordre, des mœurs, des droits les plus sacrés de la société. Les sacrifices qu'elle exige, ceux qui lui sont utiles, participent au caractère auguste qui lui appartient : elle ne retranche de nos jouissances que pour y ajouter ; et ses bienfaits les plus précieux sont toujours à côté des privations qu'elle sollicite. Mais la licence, Messieurs, les violences de la cupidité, celles de l'orgueil, de la vengeance, la violation de tous les droits... Ah I tous ces fléaux qui désolent plusieurs de nos provinces, ne sauraient être les précurseurs nécessaires de la liberté des Français... Et qu'il me soit permis de vous le dire, Messieurs, il n'entre ici que des hommages ; mais l'inquiétude est à la porte, et celte tribune doit être l'asile de toutes les vérités. Si le calme ne se rétablit promp-tement, si les lois éternelles de l'ordre et de la justice sont plus longtemps méconnues, en vaiu vous en feriez de nouvelles. Il me semble que nous sommes tous pénétrés à cet égard du même sentimentt et tenus aux mêmes degrés ; car en apercevant le mal, nous ne pouvons nous dissimuler que le remède est dans nos mains.
Jamais l'autorité royale, dans sa pureté, et l'excellent prince qui en est dépositaire, ne vous ont été suspects. Ce sont les agents du pouvoir exécutif que vous avez redoutés ; ce sont leurs anciennes habitudes, leurs prétentions, leurs usurpations que vous avez voulu effacer, et cela est fait aujourd'hui. Mais convient-il à la nation, à son
bonheur, à son repos, au succès de vos travaux, de prolonger cette nullité du pouvoir exécutif; et serions-nous excusables de le faire, lorsque le chef suprême de ce pouvoir se plaît à montrer des dispositions aussi conformes aux principes que vous avez consacrés? Non, Messieurs, je vous en conjure au nom de la liberté même, ne nous permettons pas de plus longs délais pour rétablir l'action de la force publique.
Et si l'ordre du travail du comité de constitution ne met point encore en délibération les divers articles constitutionnels du pouvoir exécutif, hâtons-nous de livrer au Roi, qui se livre à nous avec tant de candeur, tous les moyens de mettre en action l'autorité pour le rétablissement de l'ordre et le maintien des lois.
Ici, je cherche les difficultés, j'appelle les objections, je demande ce que la prudence nous conseille, ce que la nécessité des circonstances commande; jexamine enfin le vœu de nos commettants, leurs instances répétées pour obtenir une autorité protectrice; partout je vois le nom du Roi chéri et invoqué à côté de la liberté dont il est aujourd'hui le garant, comme il en fut le premier promoteur; partout je vois le besoin de cette autorité, et la liberté compromise, 6i elle ne se manifeste.
La troisième partie du discours du Roi, qui m'a paru solliciter toute votre attention, est ce que le Roi vous dit et vous conseille sur l'état des finances.
Si nous ne mettons la recette de niveau avec la dépense, point de crédit, point de circulation, moins d'activité dans les échanges, dans toutes les spéculations du commerce ; et de là tous les maux, tous les désordres qui tiennent à la disparition du numéraire, à la diminution du travail et des consommations, aux alarmes des capitalistes et des créanciers de l'Etat.
Or, qu'avons-nous fait de réel jusqu'à présent pour rétablir les finànces, et pourquoi différer de poser les bases d'un meilleur régime?
Nous sommes accablés de mémoires et de projets sur les finances, il en est peu, il n'en est point peut-être qui présente un système complètement admissible; mais on trouve, dans plu-ïieurs, les notions et les principes qui peuvent nous conduire à en adopter un.
Je sais que le comité des finances, livré à un travail infatigable, s'est constamment occupé de remplir la mission qui lui est confiée ; mais je ne peux dissimuler mon étonnement, qu'il ne nous ait-pas encore présenté un état exact et précis de notre situation et de nos ressources.
Nous avons la certitude d'un nouveau déficit dans la recette des impositions indirectes, telles que la gabelle, les aides et les traites. A combien se monte-t-il? Quels moyens sont préparés pour y suppléer, sur quels calculs se fonde la recette de cette année?
La solution de ces questions est indispensable pour fonder le crédit et rétablir la circulation, mais l'ordre dans les finances et le retour du crédit dépendent essentiellement, comme le Roi vous l'a dit, d'un gouvernement bien ordonné, d'une perception exacte des revenus, de la protection des propriétés, de la sûreté des personnes et d'une autorité active pour la surveillance et la conservation de l'intérêt général.
C'est d'après ces considérations, Messieurs, que Je crois rendre hommage à nos principes, à nos devoirs, au'vœu de nos commettants, à la bienfaisance et à la sollicitude du monarque, en
soumettant à votre examen le projet de décret suivant :
I.
L'Assemblée nationale, croyant devoir à la nation l'exemple de la plus entière confiance dans les sentiments patriotiques que Sa Majesté lui a manifestés dans sa séance du 4; partageant les justes sollicitudes du Roi sur les désordres qui affligent le royaume^ et ne voulant point attendre, pour y pourvoir, la discussion et la délibération des divers articles constitutionnels qui régleront toutes les parties du pouvoir exécutif, supplie le Roi de donner tous les ordres et de prendre les mesures les plus efficaces pour la protection des propriétés et la sûreté des citoyens.
II.
L'Assemblée nationale ordonne, en conséquence, que tous les corps administratifs et militaires exécutent ponctuellement les ordres qui leur seront adressés par Sa Majesté, contre-signés par un secrétaire d'Etat.
III
L'Assemblée nationale déclare que toute résistance aux ordres du Roi, ou leur inexécution non motivée sur la violation constatée des décrets constitutionnels, seront punies comme forfaiture et que toute insubordination dans l'armée de terre et de mer doit être jugée et punie conformément aux ordonnances militaires.
IV.
L'Assemblée nationale, indissolublement unie à la Constitution et au Roi, par le serment que tous ses membres ont renouvelé, n'ayant plus rien à craindre pour la liberté publique, qui est désormais sous la garde du monarque et du peuple français, révoque et abolit son comité des recherches, et tous ceux qui pourraient être établis dans différentes villes du royaume.
Je propose, par un décret particulier, l'article suivant :
« La paix et la prospérité du royaume dépendant essentiellement du rétablissement du crédit public et d'un /ordre constant dans les finances, l'Assemblée nationale ordonne à son comité des linances de lui rendre compte incessamment du déficit constaté dans la recette des impositions pendant les six derniers mois de 1789, et des moyens préparés pour-assurer la balance des recettes et des dépenses. »
Signé : Malouet.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
annonce que la lecture du
procès-verbal de la séance d'hier n'aura lieu qu'à la séance du soir.
présente une troupe de jeunes élèves de la pension de M. de Prévert, à Picpus, qui offrent en don patriotique une somme de trois cents livres représentant le quart de leurs menus plaisirs. L'un des jeunes élèves dit :
« Nous jurons de nous instruire de vos sages décrets, d'en faire notre principale étude, et nous graverons dans nos cœurs le décret que nous attendons de vous sur l'éducation nationale. Puissions-nous nous rendre dignes d'être un jour citoyens actifs chez une nation qui ne connaît plus d'autres privilèges que ceux du mérite et des vertus !. »
leur a fait la réponse suivante :
« C'est au nom de la patrie que l'Assemblée nationale accepte votre offrande ; toujours sensible aux traits de patriotisme, elle voit avec une satisfaction plus particulière le germe des vertus civiques se développer dans le cœur des jeunes citoyens. »
L'Assemblée permet à ces enfants d'assister à la séance et les couvre d'applaudissements.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, organe du comité de constitution, propose un décret relatif à la division du département de Bordeaux.
Plusieurs députés de la sénéchaussée sont entendus pour et contre les villes de Bourg et. de Blaye.
met aux voix le projet de décret du comité, qui est adopté ainsi qu'il suit :
I.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution:
« 1° Que les limites du département du Bordelais demeurent fixées conformément aux délibérations prises par les députés du département, et par les députés des départements limitrophes ;
« 2° Que la ville de Bordeaux est chef-lieu du département du Bordelais, lequel est divisé en sept districts, dont ies chefs-lieux sont Bordeaux, Libourne, la Réole, Bazas, Cadillac, Bourg ou Blaye et Lespare ;
« 3° Que la division de ces districts en cantons est seulement provisoire; que la première assemblée de département est autorisée à rectifier toutes erreurs, et à faire les changements que les convenances locales exigeront ;
« 4° Que l'assemblée de département déterminera aussi l'établissement qu'elle jugera convenable de fixer dans la ville de Samte-Foy, unie au district de Libourne :
« 5° Que la ville de Castelmoron d'Albret, faisant partie du district de la Réole, étant en possession, depuis plusieurs siècles, de trois cours de justice, pourra être le siège de l'un des établissements que l'assemblée de département jugera convenable d'y fixer ;
« 6° Que, sur les difficultés qui se sont élevées pour savoir laquelle des deux villes de Bourg ou de Blaye serait le chef-lieu du district établi dans cette contrée, la première assemblée des électeurs de ce district, qui se tiendra dans la ville de Bor-
deaux, décidera cette contestation à la pluralité des suffrages, à laquelle assemblée n'assisteront pas les électeurs des paroisses du Fronsadois, faisant actuellement partie de ce district ;
« 1° Que ces paroisses ont dès à présent l'option de s'unir au district de Libourne, ou de rester à celui de Bourg ou de Blaye, si elles le jugent plus convenable ;
« 8° Que les électeurs du district de Bourg ou de Blaye décideront si le tribunal de justice et l'administration seront divisés entre ces deux villes, ou si ces établissements seront réunis.
II
fait un autre rapport sur le bourg de la Guillotière, près de Lyon. Ce bourg, dit-il, est depuis 300 ans' en procès avec la ville de Lyon ; ses habitants ont vu le terme de cette espèce de guerre, dans votre constitution en Assemblée nationale, et ses députés la supplient de donner à leur cause l'attention que lé sénat romain accordait aux cités de l'empire sur le sort desquelles il prononçait.
Le bourg de la Guillotière est séparé dé Lyon Ear le Rhône ; ce fleuve est la limite générale du auphiné avec le Bugey, le Lyonnais et le Vivarais ; il intoque la décision portée pour le bourg de Saint-Laurent que le Maçonnais a en vain prétendu obtenir.
Tout prouve que te bourg de la Guillotière n'est pas un faubourg de Lyon, comme le prétend celle-ci. Tout le prouve,'les querelles anciennes et nouvelles, les barrières entre Lyon et le bourg, les derniers arrêts du conseil, tout se réunit pour l'établir.
Mais le comité a pensé que le bourg devait rester uni à Lyon. C'est une exception à tout ce que le comité a proposé sur des contestations de ce genre ; mais elle est nécessaire par l'importance de la ville de Lyon et de son commerce. Il est évident aussi que les habitants de la Guillotière doivent être citoyens de Lyon, participant aux mêmes avantages municipaux et administration communale. Le juger autrement ce serait établir la guerre entre les deux villes, miner le commerce de Lyon et nuire même à celui du bourg. Il ne faut pas que ces malheureux habitants soient comme autrefois des ilotes. Le temps de ces séparations haineuses, de ces existences solitaires, est passé. Les malheurs de la Guillotière, ce qui lui manque en prospérité, vient de la séparation de Lyon. Ils étaient ennemis, il faut qu'ils soient amis ; et ils le deviendront parce qu'il existe une grande vérité morale, c'est que l'intérêt rapproche les hommes que l'intérêt a divisés.
Mais à quelles conditions ou sous quelles réserves ce bourg serait-il uni à Lyon ? ce sera l'objet d'un court rapport qui vous sera fait bientôt. En attendant le comité vous propose un premier décret.
s'élance à la tribune et propose un amendement pour les intérêts de la ville de Lyon.
, répond par un autre amendement favorable au Dauphiné.
Une foule de membres ; Aux voixl la question préalable sur les amendements !
consulte l'Assemblée, qu
adopte la question préalable sur les amendements et sanctionne le décret du comité qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le bourg de la Guillotière appartiendra à la ville de Lyon;
« 2° Que le comité de constitution proposera incessamment son avis sur les demandes que le bourg de la Guillotière a subsidiairement formées dans le cas auquel il serait décidé qu'il ferait partie de la ville de Lyon, pour y être statué ce qu'il appartiendra. »
III.
(de Nemours) fait le rapport de la division au département d'Aunis et de Saintonge. Il dit que quelques babitants de la ville de Bar-bezieux demandent d'être réunis au département de Saintonge, mais le comité trouve plus utile qu'elle demeure dans celui de l'Angoumois.
Quant au chef-lieu du déparlement, trois villes y prétendent, Saintes, La Rochelle et Saint-Jean-ci'Angély. Après avoir exposé, avec une grande clarté, les motifs qui rendent faciles à concilier les prétentions de ces villes, le rapporteur propose un décret au nom du comité de constitution.
représente fortement que la ville de La Rochelle, plus puissante, plus peuplée, plus riche, mérite d'être préférée comme chef-lieu ; que celte ville est en possession d'être le siège de l'intendance du gouvernement, d'un hôtel des monnaies et d'une sénéchaussée ; il invoque ensuite la protection que l'on doit aux villes ae commerce et il finit par rappeler les traits de courage et de patriotisme donnés par les Rochelois en diversès circonstances.
insiste longtemps pour lire une adresse de la nouvelle municipalité de La Rochelle et un mémoire de M. Nairac, député extraordinaire de La Rochelle.
Beaucoup de membres font remarquer que cela est contraire à l'ordre du travail et ne peut avoir lieu que dans les séances du soir (voy. plus loin le Mémoire de M. Nairac).
(de Saint-Jean-d'Angély) réplique que le décret proposé par le comité est conforme à l'intérêt public, tandis que La Rochelle voudrait qu'on lui sacrifiât les intérêts de la Saintonge, dont les habitants cultivateurs et pauvres ont besoin d'avoir leurs administrateurs au milieu d'eux. Il justifie la fixation du chef-lieu du département à Saintes ou à Saint-Jean-d'Angély et conclut au rejet de la demande de M. Alquier.
met aux voix l'avis du comité, qui est décrété ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
c Que le département de Saintonge et d'Aunis sera divisé en sept districts, dont les six premiers auront pour chefs-lieux Saintes, la Rochelle, Saint-Jean-d'Angély, Rochefort, Marennes et Pons; dans le septième, les électeurs assemblés à Mont-lieu décideront si le, directoire et les assemblées subséquentes y seront fixées, ou se tiendront ailleurs.
« Le district de la Rochelle comprendra l'île
de Rhé, celui de Rochefort l'île d'Aix, et celui de Marennes l'île d'Oléron.
« La première convocation de l'assemblée de département seraiaite à Saintes, et la première session de cette assemblée et du directoire s'y tiendra. Les convocations et les sessions suivantes auront lieu successivement à La Rochelle et à Saint-Jean-l'Angely, à moins que, dans le cours de la première session, l'assemblée de département n'ait cru devoir proposer à l'Assemblée nationale une autre disposition définitive; et sous la réserve encore, dans le cas où l'alternat de l'assemblée de département ne se réaliserait pas, de fixer dans la ville de La Rochelle les établissements publics qui pourront y être placés, et particulièrement ceux qui seront les plus propres à favoriser son commerce, comme aussi d'avoir tel égard que de raison aux conventions faites entre les députés de Saintonge, et mentionnées dans le rapport du comité de constitution. »
IV.
fait un autre rapport sur la division du département du Verman-dois et du Soissonnais.
réclame pour La Ferté-Milon et demande qu'elle.entre en partage dans la distribution des établissements a créer par la constitution.
La question préalable sur l'amendement est demandée et prouoncée. Le projet du comité est adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« Que le département du Vermandois et Soissonnais est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Soissons, Laon, Saint-Quentin, Château-Thierry, provisoiremeni Guise et Ghauny ;
« Que les établissements du district de Guise pourront être partagés avec Vervins ; et que les électeurs du district, lors de leur première assemblée, statueront définitivement sur le choix du chef-lieu et sur la réunion ou division des différents établissements résultant de la constitution ;
« Que les électeurs du district de Ghauny détermineront définitivement, lors de leur première assemblée, les chefs-lieux des différents établissements résultant de la constitution, de manière que ces établissements soient partagés, le plus également possible, entre les trois villes de Ghauny, Coucy et La Fère, si toutefois le nombre de ces établissements le permet ».
fait lecture d'une lettre qui lui a été écrite par M. le comte d'Antraigues, à l'occasion du serment civique que chaque membre de l'Assemblée doit prêter.
Paris, le
« Monsieur le Président.
« Je n'ai pu assister jeudi à la séance et prêter le serment civique, parce que je suis malade; mais je ne veux pas différer plus longtemps à prêter le serment imposé à tous les députés.
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi, au roi, et ae maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi.-
« J'ai l'honneur de vous observer que je ne regarderai jamais comme une atteinte portée à la constitution, d'exposer dans ses discours et dans
ses écrits, ses opinions sur les imperfections de la constitution, afin qu'une autre législature puisse y remédier, si elle le juge convenable.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : d'ANTRAiGUES, député du Bas-Vivarais. »
« Veuillez, je vous prie, faire lire ma lettre à l'Assemblée. »
Je demande que la lettre soit renvoyée à son auteur, et qu'il lui soit annoncé que l'Assemblée ne recevra son serment qu'à la tribune.
Je pense que l'Assemblée doit exiger le serment civique de tous ses membres-, mais je crois aussi que censurer la lettre de M. le comte d'Antraigues, ce serait porter atteinte à cette liberté d'écrire que vous avez voulu consacrer. Je crains aussi que cette censure ne fît, dans les provinces, une impression désagréable.
Le désir que montre M. le comte d'Antraigues de prêter le serment civique sans attendre l'entier rétablisse-sement de sa santé est sans doute très louable. Les restrictions que M. d'Antraigues fait à son serment ne peuvent être que l'effet de ses scrupules et de sa sollicitude sur le sort de la chose publique. Ge député a déjà publié des opinions diamétralement opposées aux principes de l'Assemblée, et sans doute que c'est pour lui un grand besoin que d'écrire sur les objets de politique. Je crois que nous devons recevoir son serment, et lui laisser entière liberté d'écrire. La constitution a-t-elle quelque chose à craindre de la plume d'un homme qui s'est mis si.souvent en contradiction avec lui-même?_____
J'ai encore trois lettres à vous communiquer; elles .sont toutes trois dans les mêmes principes, et signées, l'une de M. Le Garpentier de Ghailloué, la deuxième de M. le vicomte de Mirabeau, et la troisième de M. de Bou-ville.
( Voy. ces documents annexés à la séance.
L'Assemblée ne statue rien sur ces lettres et passe à l'ordre du jour.
La commune de Soissons est fort agitée en ce moment-ci. Deux députés viennent d'arriver en grande hâte, pour réclamer contre elle une détermination du comité permanent de cette ville, qui fixe le prix des journées de travail à 20 sous, c'est-à-dire au taux le plus élevé. Cette détermination exclut des élections à la municipalité, un grand nombre de citoyens. La raison en est simple; le prix des journées de travail n'avait jamais été, dans cette ville, porté à plus de 12 soiis. Cependant l'élection aux municipalitéssefait demain à Soissons, et je sollicite aujourd'hui de l'Assemblée un décret qui ne fixe Je prix contre lequel on réclame qu'à 15 sous au p.lug,
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion,...........
annonce que le Châtelet demande à être admis dans l'Assemblée, pour y prêter son serment civique. — L'Assemblée recevra Ce soir les officiers de ce tribunal.
L'ordre du jour appelle un rapport du comité des finances.
monte à la tribune et fait le rapport suivant de la dépense des affaires étrangères.
Messieurs, votre comité des finances vous a présenté l'aperçu des réformes et des économies qu'il a jugées praticables et nécessaires, non pas un aperçu vague, sans bases positives, ouvrage de l'imagination et de l'espérance, mais un aperçu fondé sur les calculs approfondis et sur l'examen sévère de toutes les parties de la dépense.
Sans doute les résultats qu'il vous a offerts peuvent éprouver encore quelque variation, parce que l'ouvrage entier de la constitution n'est pas terminé ; parce que votre comité, quoique pénétré de votre esprit, n'a pas été peut-être assez heureu x pour deviner toutes vos vues, pour anticiper toutes vos résolutions.
Mais ses plans, encore hypothétiques dans quelques parties, ne s'écarteront toujours que d une quantité infiniment petite de la réalité; et quelle que puisse être la différence, vous pouvez, dès aujourd'hui, vous appuyer sur une réduction de plus de cent millions dans la dépense du trésor public.
Vous concevez, Messieurs, et nous vous l'avons déjà répété, que ces cent millions, retranchés à la dépense du Trésor public, ne seront pas relran^ chés en entier de la dépense de la nàtion.
Mais plus de 60 millions seront économisés même sur cette dernière dépense, ét ce sera encore une grande économie que de livrer à l'administration paternelle des départements une dépense de trente ou quarante millions qui, faite autrefois par le gouvernement, se faisait souvent au hasard, souvent au gré de la faveur, toujours sans égalité, sans proportion connue, toujours avec une complication dangereuse et d'opérations et d'instruments. Du moins, Messieurs, la dépense touchera immédiatement à la recette. Le contribuable sera consolé par la certitude de voir s'employer utilement ce qu'il aura payé; du moins le malheur n'accusera plus les mains qui répandront le soulagement et les grâces; du moins la comptabilité des finances sera réduite à un petit nombre d'éléments connus de tout le monde, et on ne redoutera plus cette confusion qui a décrié les calculs et enveloppé les erreurs des ministres.
Ce tableau, Messieurs, a dû vous rendre présent le gage d'une prompre restauration. Déjà elle serait opérée, siae malheureux événements n'avaient pas contrarié la marche de la liberté publique, si des changements imprévus, incalculés, mais trop nobles dans leur cause pour être condamnés dans leurs effets, n'eussent fait chanceler tout-à-coup le vieil édifice des finances, et nécessité à tout reconstruire, au lieu de tout modifier.
Mais ces changements même, qui ont les dangers du moment, porteront sur l'avenir la plus heureuse influence. L'hydre des abus sera coupée sans retour, et tout ce que vous aurez retranché aux abus deviendra le germe d'une nouvelle prospérité.
Mais nous nous tromperions, Messieurs, si, sur la foi de ces économies, nous nous exagérions la grandeur de nos ressources, et la diminution que nous pouvons opérer sur les impôts. Chaque jour accroît le vide du Trésor public; aux perceptions déjà évanouies, il faut ajouter le décroisse-ment progressif de toutes les autres, sans aucun décroissement effectué sur les frais de recouvrement ; et les peuples, abusés d'une vaine espérance, ne croyent déjà plus à nos besoins et jouissent d'un avenir imaginaire.
Il ne faut cependant pas vous le dissimuler,
Messieurs ; après le retranchement le plus rigoureux, 450 millions de revenu effectif seront encore nécessaires pour faire face aux dépenses fixes des départements, pour asseoir l'intérêt de la dette publique, pour assurer un fonds de remboursement modique d'abord, mais qui, toujours croissant, opérera bientôt la restauration entière de l'Etat.
11 ne faut pas nous dissimuler que jamais nous n'atteindrons à ces 450 millions uniquement par des impôts directs, par des impôts qui ne s'écartent point des principes rigoureux de la théorie.
Quand votre comité présenta à votre délibération le décret du remplacement de la gabelle d'Anjou, il se flattait, il avait droit de se flatter, que cette mesure, adoptée par une province, deviendrait bientôt la loi de toutes les autres ; que les peuples n'y verraient qu'un allégement à un fardeau qu'ils supportaient avec impatience.
Vous nous ordonnâtes de vous présenter le projet d'un remplacement général. Sans doute vous avez plus d'une fois accusé nos lenteurs; mais, si vous daignez porter vos regards sur les circonstances qui nous ont environnés jusqu'ici, vous sentirez, Messieurs, qu'il n'était peut-être pas de la prudence de vous offrir des projets quand il manquait à tous vos projets leur véritable point d'appui, des corps administratifs, qui, pénétrés de la justice de vos décrets, en assurassent l'exécution ; quand toutes les provinces, émues par des prétentions et des espérances, attendaient de grands soulagements, et ne connais* saient pas encore la mesure exacte de nos besoins ; quand de tous côtés l'insurrection contre les impôts auciens devait alarmer sur le sort des impôts qu'on serait forcé d'établir.
Ces temps de trouble et d'anarchie doivent enfin être écoulés, et l'intérêt le plus pressant, l'intérêt le plus sacré, celui de notre constitution, vous commande aujourd'hui de protéger les revenus qui vous restent, et de remplacer ceux qui vous sont échappés.
Les peuples, rendus au sentiment de leurs véritables intérêts, se souviendront que, pour être libres, il faut être justes, que sans revenus publics, sans foi publique, il n'y a que despotisme ou anarchie.
Ils compareront l'avenir et le passé; ils se rappelleront quels étaient les vœux qu'ils formaient a l'époque de notre convocation, et contents d'un ordre de choses qui a passé de si loin leurs espérances, ils accepteront sans murmure le fardeau modéré que la justice et l'honneur nous impose.
Oui, Messieurs, nous avons déjà le gage de cette heureuse révolution. Nos serments garantissent l'harmonie de la nation, comme la nôtre et la marche tranquille de nos travaux. Sous un Roi qui ne veut plus que des citoyens pour sujets, il n'est plus de Français qui ose refuser d'être citoyen.
Il vous avait été proposé de fixer à 20 millions les dépenses personnelles du Roi et de son auguste famille, et de là résultait une économie de 5 millions. Une respectueuse inquiétude ne vous a pas permis de regarder cette fixation comme prononcée et irrévocable; vous avez supplié Sa Majesté de consulter moins son économie personnelle que la dignité du trône et l'amour de ses sujets.
Nous attendrons qu'elle ait daigné exprimer son vœu, ou que vous nous avez ordonné de vous indiquer le terme auquel les circonstances vous forceraient de Vous arrêter.
3 millions 540,000 liv. ont été retranchées sur la maison des princes, frères du Roi.
20 millions d'économie ont été déterminés sur le département de la guerre.
C'est à votre comité militaire de le renfermer dans les limites provisoires que vous lui avez marquées, ou à vous de l'y rappeler.
Sans doute il ne faut rien ôter à votre sûreté ; mais il ne faut rien donner à de vaines alarmes, ni à ce luxe d'émulation et de rivalité qui a tourmenté jusqu'ici toutes les nations de l'Europe, et par l'ostentation de leurs forces, anéanti leurs forces véritables.
Un million 500,000 liv. a été promis sur la marine ; le comité que vous avez établi ramènera sans peine à cette faible économie un département où l'administration dispersée a eu nécessairement jusqu'ici ses abus, et sur lequel doit partir l'influence de la révolution.
Un million de retranchements successifs a été annoncé sur les affaires étrangères, et nous allons vous offrir la certitude que cette réduction est déjà très avancée.
Nous n'avons pas pu, nous n'avons pas dû vous offrir imprimé le tableau du département des affaires étrangères : le voile d'un grand intérêt politique le couvre, et dans ce moment même vous n'attendez pas de nous des développements que cet intérêt nous défendait d'exiger.
La dépense des affaires étrangères,"telle qu'elle avait été calculée pour l'année dernière, telle qu'elle vous est présentée dans l'état des revenus ordinaires et des dépenses fixes qui sont sous vos yeux, s'élevait à 7,330,000 livres.
Elle se partage en cinq branches.
1° Secrétaire d'Etat et bureaux de la Cour.
Les appointements du secrétaire d'Etat. 300,000
Bureaux......................................................300,000
Voyages de la cour..................................25,000
Fournitures, etc........................................25,000
Correspondance journalière....................100,000
Présents du roi........................................200,000
Remboursements, indemnités pour divers objets............................250,000
1,200,000
2° Ministres, ambassadeurs et autres employés.
Appointements et traitements................2,550,000
Frais de voyages, de premier établissement, dépenses extraordinaires de
service et de représentation................450,000
Frais accessoires du service des ambassadeurs...........................................300,000
4,500,000
3° Subsides et secours.
A l'Infante duc de Parme............ 375,000
Au duc de fieux-Ponts.............. 500,000
Au prince de Nassau-Saarbruck...... 100,000
A divers étrangers.................. 375,000
5,850,000
4° Dépenses secrètes................ 200,000
Fonds réservés pour les dépenses imprévues.......................... 450,000
5° Dépense ordinaire des ligues suisses et grisons........... L. .w/ÈV:. .. 830,000
Total 7,330,000
Tel était, Messieurs, l'état présumé de la dépense en 1789.
Notre premier soin a été de comparer le présent avec le passé. Nous n'avens pu remonter que jusqu'en 1772, et voici le tableau que nos recherches nous ont mis à portée de vous offrir.
En 1772.....,...........!............9,296,000
73.........................8,8ti4;000
74.................................7,203,000
75..............................................11,510,000
76...........................8,767,000
77............................8,314,000
78..................................................11,287 000
79..................................................7,957,000
80.............................................11,843,000
81 ................................................11,825,000
82..............................................14,154,000
83.........................................13,624,000
84...........................11,210,000
85..................................................9,771.000
86....:.......................9,616,000
87........................ 10,955,000
88 ........................ 11,652,000
Et dans ce calcul n'étaient pas comprises les ligues suisses.
L'année 1789 nous a donc ramenés à un degré d'économie, dont nous nous étions depuis longtemps éloignés.
Des circonstances connues avaient élevé la dépense depuis 1775. Nos malheurs et la nécessité, bien plus peut-être que les convenances politiques, l'ont fait retomber au point où elle se trouve aujourd'hui.
En vous développant, autant que 1e permet la raison d'Etat, toutes les parties de cette dépense, nous vous indiquerons le résultat de nos réflexions sur chacune, et les limites dans lesquelles nous avons cru qu'elles pouvaient être successivement rappelées, si les circonstances, qui dans ce département commandent avec plus d'empire que dans tout autre, permettaient (l'asseoir des bases certaines et invariables.
Les appointements du secrétaire d'Etat furent fixés d'abord, sous M. de Vergennes, à 218,000 livres, et s'étaient élevés bien plus haut à l'époque de sa mort.
Après lui, ils furent arrêtés à 300,000 liv. dont il faut retrancher 20.000 liv. pour intérêt de 400,000 liv., prix de la finance de la charge du secrétaire d'Etat.
Restait donc 280,000 liv.
Nous avons cru que cet article pouvait être réduit, mais qu'il était un terme à cette réduction.
Le ministre d'une grande puissance est assujetti à une grande représentation. L'intérêt politique, bien plus que l'intérêt de la dignité, l'exige ; et quelle que soit son économie personnelle, il lui faut pour certains jours, pour des circonstances imprévues, une grande dépense habituelle.
Le ministre a proposé de se soumettre au retranchement le plus rigoureux, mais il a observé qu'il fallait que la dépense extraordinaire fût faite par l'Etat, et vous jugez, Messieurs, qu'il n'y a point à balancer entre un traitement fixe et une dépense incertaine.
Les bureaux, portés à 300,000 livres, nous ont paru, dans un Etat forcé, des commis trop nombreux, des appointements peut-être exagérés.
Mais dans cette partie une économie soudaine aurait ses dangers. Le secret de l'Etat est dans les bureaux; il faut choisir et ménager les hommes qui y sont employés, et de là, la nécessité de les conserver, lors même qu'ils seraient devenus inutiles de les tenir encore attachés à la chose publique par une honorable retraite.
Ge n'est donc que le temps, Messieurs, qui peut amener une entière réforme. Le ministre travaille à la hâter par tous les moyens qui sont en son pouvoir.
Les voyages de la cour entraînent le déplacement des bureaux, et ce déplacement des gratifications. C'est depuis longtemps que cet objet a été fixé à 25,000 livres.
L'année dernière, il n'y a point eu de voyages, mais il y a eu des contrariétés et des mouvements plus dispendieux que des voyages.
25,000 livres pour des fournitures de bureaux et autres dépenses. Cet article nous a paru excessif après toutes les autres dépenses dont il est l'accessoire, et nous avons cru qu'il devait être entièrement supprimé.
Courses et services de la correspondance journalière, 100,000 livres.
Cet article est et doit toujours être indéterminé. Il est impossible d'en assigner les limites autrement qu'après l'année révolue, et c'est sur une longue expérience qu'il a été porté par aperçu à 100,000 livres.
Les présents du Roi, 200,000 livres.
Cette somme a été fixée depuis longtemps. 11 existe toujours dans les bureaux un assortiment d'effets précieux qui s'élèvent à cette valeur. On les rétablit à mesure que les circonstances déterminent l'emploi d'une partie.
Cette dépense nécessaire n'est, sous aucun rap port, perdue pour l'Etat; elle porte dans les pays étrangers nos goûts, notre luxe, et elle est rendue avec usure à notre commerce et à notre industrie.
La fixation des indemnités et des rembourse-mens ne peut-être qu'éventuelle. Elle a été déterminée par aperçu, à 250,000 livres, d'après une année commune', et doit ou s'étendre ou se resserrer dans des circonstances données.
Ge sont des secours à dés Français qu'il faut rendre à leur patrie, des dépenses pour le bien des arts et du commerce.
Si nos rapports diminuent, si le nombre de nos ministres décroit, cette dépense décroîtra aussi.
Elle peut augmenter si les appointements sont trop réduits ; alors l'intérêt calculerait tout, et l'économie de l'ambassadeur ferait la dépense de la nation.
Ambassadeurs et ministres, 2, 550,000 livres.
Cette partie peut diminuer^ et par une réduction sur les appointements, et par une réduction sur le nombre des ministres.
Il a été sans doute un temps où la faveur les a peut-être trop multipliés, où il n'était point de petite puissance, de, petite République, si lointaine si indifférente qu'elle pût être, qui ne fût honorée d'un représentant du Roi de France.
Ces ministres, appartenant à une classe distinguée; appelés à de grandes espérances, avaient nécessairement de grandes prétentions et, peut-être, une idée exagérée dé là dignité extérieure de leur représentation.
De là aussi l'exagération dans les traitements, de-là des comparaisons d'homme à homme,, de place à place, d'où résultait toujours la nécessité d'accorder davantage.
Depuis Louis XIV surtout, nos ambassadeur^ avaient marqué dans les cours de l'Europe, comme leur souverain parmi les rois. Il ne leur était pas permis de n'être qu'honorables, ils étaient condamnés à être magnifiques ; l'intérêt des étrangers, d'accord avec la vanité nationale, leur faisait une loi d'un luxe qui n'était pas toujours utile au succès de leur mission.
Sous l'empire de la liberté, nous déployerons un nouveau caractère. Nos ministres seront plus habiles que brillants. Forts de notre puissance réelle et de notre immobilité, nous laisserons lés autres nations s'agiter encore dans le cercle de la vieille politique, et nous leur opposerons nos principes, nos vertus, et notre courage.
Nous ne croirons cependant pas qu'une nation, attachée par tant d'intérêts au reste de l'univers, puisse s'isoler du système général et imiter ces puissances de l'Asie qui, sans commerce et sans relation, ignorent, pour ainsi dire, si elles ont des voisins, ou dédaignent de les connaître et de les ménager. Mais ce que nous retrancherons du faste de nos négociateurs, il faudra le donner à leur instruction.
Il nous manque une école de politique et des encouragements à ceux qui ne portent dans cette carrière que des talents et le désir d'êtres utiles. Jusqu'ici, Messieurs, elle a été stérile pour ceux qui s'y sont voués sans fortune et sans appui. Et vous penserez, peut-être, qu'ils méritent enfin de fixer les vœux de la nation, que ce n'est qu'en s'occupant de leur sort que vous pouvez assurer la tradition et le goût des connaissances les plus importantes à notre prospérité.
Frais de voyage, de premier établissement, dépenses extraordinaires de service et de représentation, 450,000 livres.
Cet article, Messieurs, avait été fixé d'après l'ancien système, et, peut-être, d'après d'anciensabus. Plus d'une fois on a vu nos ambassadeurs circuler de cour en cour, nommés à une ambassade, partir pour une autre, dévorer des traitements attachés à des fonctions qu'ils n'avaient pu remplir, et se rembourser des dépenses d'un établissement qu'ils n'avaient pas fait.
Rien de tout cela n'appartient ni à nos temps, ni au ministère actuel. On verra désormais nos ambassadeurs fixer un pays qu'ils auront appris à connaître, y servir la patrie jusqu'à ce que de grands succès les aient marqués pour des emplois plus importants.
Frais accessoires du service des ambassadeurs, 300,000 livres.
C'est encore ici, Messieurs, un article indéterminé soumis aux circonstances, mais où de nouveaux principes ont amené déjà l'ordre et l'économie.
Sudsides et secours* à des étrangers.
Les subsides connus portent avec eux leur motif ou leur excuse. Il en est que nos intérêts commandent ; il en est d'autres que la bienséance justifie.
Dans d'autrestemps, vous vous défendrez peut-être sévèrement de scruter cette partie de la dépense des affaires étrangères. Elle tient à vos intérêts les plus délicats, et ce n'eût pas été sans effroi que les ^ministres du vieux temps eussent vu la violation du secret que les circonstances ont nécessitée.
Dépenses secrètes, 200,000 livres,
Dépenses imprévues, 450,000 livres.
Les dépenses secrètes sont couvertes, et doivent l'être d'un voile encore plus épais. Votre comité a été étonné, Messieurs, qu'un objet qui pouvait cacher tant d'abus, n'eût pas été plus étendu.
Des dépenses imprévues doivent être calculées dans tous les départements, mais elles ne sont pas toujours effectuées. La somme qui leur est assignée dans les affaires étrangères, se reverse, ainsi que toutes les autres, sur l'année suivante, quand elle n'a pas été consommée.
La dépense des Ligues Suisses et Grisons, 830,000 livres.
Cet article, plus considérable autrefois, a été réduit par le ministre : quelques dettes qui restent encore à acquiter, et qui s'acquittent chaque année, promettent, pour Pavenir la. perspective d'une plus grande économie.
Tout ce qui touche à nos alliés, les plus anciens, les plus fidèles, les plus, nécessaires, doit être sacré pour nous. Quand vous peserez dans la balance d'une sage politique tous les avantages que vous devez à ce sacrifice annuel; quand vous porterez vos regards sur cette ligne, immense dégarnie de troupes, de forts, de citadelles, et gardée par la fidélité de vos voisi ns ; quand vous songerez que d'autres canaux vous ramènent une grande partie de ces sacrifices, vous sentirez qu'il est un terme aux économies que vous conseilleraient les circonstancès.
Il y avait, Messieurs, sur cette partie, des pensions à des ministres, àdes veuves, àdes.enfantsde ministres qui avaient utilement servi.
Nous avons cru que les récompenses ne devaient pas être plus ignorées que les services, et que le mystère, tôt ou tard, dégénérait en abus.
La liste de ces pensions sera remise au comité que vous avez chargé de ce travail. Elles s'élèvent à 61,000 livres.
Sous le nom d'Employés se trouvaient encore des objets qui ne tiennent pas essentiellement à ce département, ainsi des commissaires des limites, ainsi des ingénieurs géographes chargés de les déterminer.
Cette partie même nous a paru susceptible et d'économie et de réforme.
Les limites qui devaient être fixées entre la France et l'Espagne, en vertu du traité des Pyrénées, ne le sont pas encore ; etcependant des commissaires ont été chèrement payés, et des ingénieurs géographes reçoivent toujours des appointements pour ce travail éternel.
En Alsace, en Lorraine, le travail des limites était fini mais les appointements' étaient conservés. Ces deux objets formaient une somme de 85,000 livres.
Nous avons cru, Messieurs, qu'il était nécessaire d'assigner un terme à ces opérations, et de cesser de les payer quand elles sont finies.
Quelques écrivains distingués, qui ont été ou qui sont encore chargés de rédiger des ouvrages politiques, sont portés sur l'état du département pour 23,000 livres. Nous avons pensé que la publicité des récompenses était nécessaire pour honorer la nation qui les accorde et les talents qui les obtiennent; que les récompenses même ne devaient peser sur le département des affaires étrangères, qu'autaut que les talents liii sont actuellement utiles; que quand ils cessent de l'être, ce n'est plus que sur l'état des pensions qu'ils doivent être portée.
Tel était l'état du département en 1789.
La dépense qui s'élevait à 7,330,000 livres, n'est plus aujourd'hui que de 6,700,000 livres. Les appointements du ministre sont entrés pour 100,000 livres dans cette économie;
Quand ces temps de crainte et de défiance seront évanouis, quand l'habitude de l'ordre aura calmé nos inquiétudes, alors, Messieurs, l'intérêt de l'Etat vous prescrira d'envelopper du voile du secret une grande partie de la dépense étrangère, sous peine de n'avoir ni amis, ni alliés. Telle est la maxime des nations les plus sages, telle a été celle des rois les plus économes, et avec des ministres responsables, telle doit être la vôtre.
Le temps soulève toujours ce voile, quand les circonstances qui l'avaient nécessité sont passées, et la vengeance publique retrouverait infailliblement le ministre qui aurait abusé du mystère.
11 n'appartient pas à votre comité d'en fixer les bases, mais vous sentez, Messieurs, qu'elles doivent toujours avoir une grande latitude, tant que l'Europe, agitée par l'incohérence de ses gouvernements, par les vieilles haines et les vieilles rivalités, offrira des dangers à prévenir, des dangers à repousser, et des intrigues à déjouer par des intrigues.
Vous pourriez, dès ce moment, diviser en deux parties la dépense totale du département, l'une publique, soumise à une discussion publique, et justifiée par des pièces.
L'autre confiée à la probité du ministre, et à la surveillance du Roi.
La première comprendrait : 1° les appointements des secrétaires d'Etat, les bureaux;
Les appointements des ambassadeurs et des ministres ;
Leurs frais de voyage, de premier établissement, de représentation;
Les dépenses extraordinaires de service;
Les frais accessoires;
Les dépenses imprévues.
La seconde comprendrait les subsides, etc.
Secours à des étrangers ;
Les ligues suisses, etc.
Les remboursements et indemnités ;
Les dépenses secrètes.
D'après ce système de division, nous avons l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er. Que la dépense du département des affaires étrangères
sera fixée, pour 1790 seulement, à 6,700,000 livres et réduite au premier janvier 1791, à
6,300,000 livres.
Art. 2. Que le secrétaire d'Etat sera tenu de rendre un compte appuyé de pièces justificatives de toutes lés parties de cette dépense, sauf ce qui regarde les subsides et secours, les ligues suisses, les remboursements et indemnités, et lés dépenses appelées secrètes, qui seront confiées à la probité du ministre et à la surveillance de Sa Majesté.
affaires
étrangères. ÉTAT
des traitements annuels des premiers, commis et autres employés des bureaux des
affaires étrangères en 1789.
AGES.
DATES
des services
dans les bureaux.
1774 1734 1763 1770 1774 1774 1766 1773 1776 1780
1768 1786
1779 1751 1765 1771
1777 1785 1784 1788
1778
1766 1762
1767
1772 1766 1766 1785 1787
1772 1752 1763 1767
1780 1784
1781
1787 1781 1787
1778
1779
1783
1784 1783
1785 1785
1766
1789 1750 1786
1787 1781
APPOINTEMENTS.
Premier bureau $ expéditions politiques.
A M. de Rayneval, chef.........................;............................32,000 liv.
An sieur dé Montcarel, premier commis depuis 1774............................8,300
Au sieur Gossinet..............................................................................................5,900
Au sieur le Bartz...................................................................................5,400
Au sieur Campy................................................................................................4,500
Au sieur Etienne............................................... - 4,400
Au sieur le Tellier,.............................................. 4,000
Au sieur Cornillot!...,....................... ..................................3,900
Au sieur Rosenstiel.............................................3,800
Au sieur Fournier...................................................................................3,000
75,200 liv.
Au sieur Pfefe) père, jurisconsulte ...............................il,400 \ 90,600liv.
Au sieur Pfefel flls, adjoint ..........................................................................4,000
Deuxième bureau d'expéditions politiques.
A M. Hennin, chef.......................................,............24,000 liv.
Au sieur Lesseps, principal commis depuis 1779....................................8,300
Au sieur Delatour..................................................5,500
Au sieur Delaville.......................................................5,000
Au sieur de Bernage........................................................................................4,000
Au sieur Hernandez..................................................3,600
Au sieur Cardonne...............................................................3,500
Au sieur Belland................................................................................3,500
57,400 liv. i /Art
Au sieur Tessier, chargé d'un travail particulier....................................3,000 ' '
Bureau des fonds.
A M. Durival, directeur depuis 1770 ..........................................................24,000 liv.
Au sieur Chenuat, principal commis depuis 1770....................................10,000
Au sieur Guillois. (Il était dans les bureaux de la finance depuis
1758)..................................................................................................................5,000
Au sieur Beschard.,........................................................................................4,500 \ 60,500
Au sieur Bedringer..........................................................................................4,500
Au sieur Baud.........................................................................4,500
Au sieur Bassigny............................................................................................4,000
Au sieur d'Ambrun...................................................4,000
Bureau du dépôt.
Au sieur Semonin, chef................................................................................18,000 liv.^
Au sieur Poisson..............................................................................................4,500
Au sieur Crouvisier........................................................................................3,500
Au sieur Huet...............................................................................3,000 \ 34,800
Au sieur de la Peyronnie..............................................................................2,000
Au sieur Gamet.......................................................2,000
Au sieur Bonnet................................................................................................1,800
Secrétaires du ministre.
Au sieur Gandolphe........................................................................................9.600 liv i
Au sieur Geoffroy............................................................................................9,600 } 22,200
Au sieur Lemoyne..........................................................3,000 )
Garçons de bureaux.
A Chandioux......................................................................................800 liv.
A Savary..............................................................................................................850
A Jacquelin...................................................................................800
A Lafond fils.................................................................800 \ 5,600
A Hervé............................................................................................800
A Lhérondel......................................................................................................800
A Rioche...................................................................................................800
Traitements particuliers.
A M. de Rayneval........................................................................................3,000 liv.'
A M. Hennin, avec 600 livres de supplément..........................................3,600
Au sieur Montcarel.............................................................................800 J. 10,600
Au sieur Le Bartz.......................................................800
Au sieur Bourdon, ci-devant du bureau des interprètes......................2,400
( Autres employés pour le service extraordinaire des Bureaux.)
Au sieur Fray, chirurgien...............................................................900 liv.
A Lafond père, garde-meuble........................................................................1,200
Alair, tapissier-garde-meuble adjoint..........................................................800
Au suisse de l'hôtel des affaires étrangères, compris l'habillement,
la lumière et le chauffage..........................................................................1,300 } 8,450
Au portier du petit hôtel du ministre.............................600
A un garçon frotteur........................................................................................900
Pour la solde des Invalides de la garde de l'hôtel des affaires
étrangères........................................................2,750 _
Total............................................. 293.150 liv.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES.
. N° Ier bis.
Etat des traitements annuels des Ambassadeurs, Ministres et autres employés du département des affaires étrangères en 1789.
APPOINTEMENTS.
Ambassadeurs.
A M. le Marquis de Noailles. . à Vienne....
A M. le Duc de la Vauguyon. . à Madrid ....
A M. le Marquis de la Luzerne. à Londres. . . .
A M. le Cardinal de Bernis . . à Rome.....
A M. le Comte de Choiseul
Gouffier...........à Constantinople
A M. le Baron de Choiseul . . à Turin.....
A M. le Baron de Talleyrand. - à Naples . . . .
A M. le Comte de Châlon ... à Lisbonne . . .
A M. le Marquis de Pons ... à Stockholm . .
A M. le Marquis de Bombelles. à Venise . . . .
200,000 liv. 200,000 200,000 150,000
104,000 100.000 100,000 100,000 90,000 72,000
Ministres.
le Comte de Ségur. . . , le Comte de Moustier . . le Comte d'Esterno . . . le Marquis d'Osmond. . . le Baron de la Houze . . le Comte de Flavigny . . le Vicomte de Vibraye. . le Comte de Montezan . .
le Comte O-Kelly.....
le Comte de Vergennes. . le Comte de Maulevrier. . le Comte de Durfort. . . le Marquis de Monteil . .
Bérenger.........
le Chevalier de Bourgoing. le Baron de Groschlag. .
A M. le Marquis de la Coste. . A M. le Marquis de Sainte-Croix. A M. le Baron de Mackau . . . A M. Barthélémy.......
à Pétersbourg. . 100,000
à New-York. . . 72,000
à Berlin .... 60,000
à la Haye. . . . 60,000
à Copenhague. . 50,000
à Parme .... 50,000
à Dresde .... 40,000
à Munich. . . . 40,000
à Mayence . . . 30,000
à Trêves. . . . 30,000
à Cologne . . . 30,000
à Florence . . . 30,000
à Gênes .... 30,000
à Ratisbonne . . 30,000
à Hambourg . . 30,000 près le cercle du
Haut-Bhin . . 30,000
aux Deux-Ponts. 24,000
à Liège..........20,000
à Stuttgard . . . 18,000 à Londres en l'absence de l'ambassadeur , à 16,0001. par an, ci. mémoire. .
Résidents.
A M. le Baron de Castelnau . . à Genève. . . .
A M. le Chevalier de laGravière. à Bruxelles. . .
A M. de Pons.........à Dantzick . . .
Au Sieur Barotzi.......à Francfort. . .
Chargés d'affaires.
Au Sieur Caillard à la Haye, jusqu'à l'arrivée du ministre à cette résidence, à 12,000 livres par an,
ci. . . . . . . - mémoire........'. . .
A M. le Chevalier de Scytres Caumont, à Malte. .
Secrétaires.
Au Sieur Barthélémy ..... à Londres. . . .
Au Sieur Caillard.......à la Haye. . . .
Au Sieur Chalgrin.......à Constantinople.
Au Sieur Otto......; . . à New-Yorck . .
Au Sieur Hérissant......à Ratisbonne . .
Au Sieur Bernard.......à Rome.....
Au Sieur Gabard.......à Vienne ....
Au Sieur le Marchand.....à Madrid . . . .
Au Sieur de la Lande.....à Turin.....
Au Sieur Cacault.......à Naples ....
Au Sieur Chevalier de Gaussen. à Stockholm . .
Au Sieur Genêt........à Pétersbourg. .
Au Sieur Hirsinger......à Dresde . . . .
Au Sieur d'Urtubise......à Lisbonne . . .
Au Chevalier d'Henin.....à Venise
Àa Sieur Falciola.......à Berlin.....
Au Sieur Laquiante......à Munich . . . .
Au Sieur de la Flotte.....à Gênes.....
Au Sieur Brunatti...... . à Dantzick . . .
Au Sieur Deshaquets.....à Bruxelles. . .
24,000 18,000 16,000 2,000
6,000
12,000 6,000 6,000 6,000 5,000 3,400 3,000 3,000 3,000 3,000 3,000 3,000 3,000 2,000 2,000 2,000 2,000 1,500 1,500 1,200
lre SÉRIE. T. XI.
Commissaires de limites.
A M. le Comte d'Ornano, aux Pyrénées; avec 1,8001.
pour son secrétaire..............25,800 liv.
A M. Gérard, en Alsace.............12,000
A M. Noblat, aussi en Alsace..............12,000
A M. le Président de Sivry, en Lorraine..........6,000
Au Sieur Mathis, aussi en Lorraine,..............2,400
Ingénieurs géographes.
Au Sieur Granjean, aux Pyrénées.........10,600
Au Sieur Chrétien, Idem.. .......... 5,100
Au Sieur Brossier, Idem........................5,100
Au Sieur Vitry, Idem..................5,100
Au Sieur Cassiery, à Versailles....................1,500
Rédacteurs d'ouvrages politiques.
Au Sieur Rulhière, avec 600 livres pour un copiste. 6,600
Au Sieur Prieur................................6,000
Au Sieur Le Clerc ... .....................6,000
An Sieur Moreau................................3,000
Au Sieur Le Gendre....................3,000
Autres employés particuliers.
A M. l'Abbé de Bayanne, auditeur de rote à Rome. 9,000 Au Chevallier Dufresne, mattre de chambre à l'ambassade du Roi, aussi à Rome..................3,000
Au Sieur Digne, garde des archives de S. M. aussi
à Rome......................................2,000
Au Sieur Aubert, agent à Varsovie................6,000
Au Sieur Bonneau, correspondant, aussi à Varsovie. 4,000
Au Sieur Pfeffel, jurisconsulte pour le droit ger- *
manique......................................2,000
Au Sieur Henneberg, Idem...................2,000
Au Sieur Cherin, généalogiste du département . . 2,000 Au Sieur Puzos, inspecteur à la visite des effets
des ambassdeurs a la douane..................1,000
A Corroy, concierge du cimetière des protestants à
Paris..........................1,000
Traitements particuliers.
A M. le Comte de Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople (1). A M. Gener, employé à Pétersbourg. A M. de la Roche, ci-devant employé
en Turquie. ............
A M. le Comte de Jumilhac, employé
en pays étrangers........
A M. le Comte de Clermont-Tonnerre, employé en pays étrangers .... Au Sieur Fontou, secrétaire honoraire de légation à Constantinople . . . Au Sienr Gaudin, secrétaire de l'ambassadeur du Roi à Madrid. . . . Au sieurFleury, secrétaire del'ambas-i-adcurde SaMajesté à Constantinople
36,000 liv. 9,000
4,000
4,000
3,000
3,200
1,500
1,200
61,900 lir.
Nota. Le projet des fonds du service pour 1789 avait porté la somme des traitements ci-dessus à 2,550,000 livres; mais divers changements, arrivés ensuite dans les places, ont diminué cette première évaluation d'environ 120,000 livres.
Ces changements peuvent se rapporter tant au rappel de l'ambassadeur du Roi à La Haye, remplacé ensuite par un simple ministre, qu'aux traitements temporaires d'un ministre à Londres, et d'un chargé d'affaires à La Haye, portés pour mémoire dans l'état ci-dessus.
On demande l'impression du rapport-
300,000 livres sont passées en appointements aux commis de ce département : combien y
a-t-il de commis? Quel est leur traitement? — Quel sera celui des ambassadeurs? —
Qu'entend-on par la dépense à faire des premiers établissements des ambassadeurs? Les
ameublements y sont-ils compris? — Je demande
L'Assemblée décrète cette motion (1).
(de Nemours). Notre situation en finances est plus-affreuse que jamais; et si vous ne vous occupez saos relâche à rétablir cette partie de l'administration, vous risquez de perdre cet empire que vous avez été appelés à sauver. Vous avez créé une caisse de l'extraordinaire, et rien n'a été mis dedans. Cependant, la plus grande faute publique est le manque d'argent. Toutes les autres fautes possibles n'ont détruit aucun empire; celle-là seule en a renversé plusieurs. Je demande que l'Assemblée décrète qu'elle s'occupera sans retard de l'état constitutionnel à donner au clergé, et de la recherche des moyens de trouver un mode de remboursement pqur les opérations suspendues et je fais la motion suivante :
« Qu'il soit.décrété .que F Assemblée s'occupera sans discontinuation des points constitutionnels qui sont les plus naturellement liés avec le bon ordre et les ressources des finances ;
« Que l'on prononcera sur l'état constitutionnel des ministres du culte;
« Sur les fonds nécessaires à ce premier service public;
« Que l'on constatera ainsi à quoi se monte la ressource que l'on peut trouver dans les biens du clergé ;
« Que l'on ne se bornera pas à cette ressource, et que l'on pourvoira aussi au remplacement des branches de revenu dont la perception a été suspendue, ou qu'il .convient de supprimer. »
La motion appuyée par M. Roederer, est ajournée à mardi prochain, à deux heures.
, membre du comité ecclésiastique, fait la motion suivante qui est votée :
« L'Assemblée nationale décrète que le comité ecclésiastique lui présentera incessamment le plan de constitution et d'organisation du clergé, ainsi que ses vues sur le traitement des titulaires actuels. »
proclame les douze membres du comité de liquidation, ainsi qu'il suit :
MM. l'abbé Gouttes.
Volfius.
l'abbé de La Salcette.
d'Aiguillon.
le marquis de la Coste.
le comte de Croix.
Couderc.
Dubois de Crancé.
Mathieu de Ronde ville.
Biaille de Germont. '
Marquets.
d'Harambure.
demande que les séances du soir aient lieu tous les jours jusqu'à ce que le travail sur les départements soit terminé.
lève la séance et ajourne l'Assemblée à ce soir, six heures.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 février.
donne lecture des adresses suivantes : '
Adresse delà municipalité de Saint-Fort-Gironde en Saintonge, contenant l'assurance de sa respectueuse adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et.la demande d'être chef-lieu de canton.
Adresse des habitants dp pays d'Ostabarets en Basse-Navarre, assemblés, en cour générale, contenant un tribut d'hommage, d'admiration et de reconnaissance pour l'Assemblée nationale ; ils y déclarent que les Navarrais, unis désormais aux Français par la conformité de leurs sentiments et de leurs intérêts, verseront jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour défendre la cause commune.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Charleville, qui, en présence de l'assemblée générale des habitants, et de concert avec elle, a fait le serment auguste d'être à jamais fidèle à la nation, au-Roi et à la loi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution.
Adresse du même genre de la nouvelle municipalité de la ville de Quintin en Rretagne. « Pénétrés, disent-ils, d'admiration, Nosseigneurs, à la vue du plan sublime que vous avez tracé, nous soupirons après le moment où nous jouirons des fruits de vos nobles travaux : cet heureux moment sera arrivé quand les pouvoirs que vous avez si sagement organisés seront en activité, et quand le meilleur des rois jouira de la plénitude du pouvoir que la Constitution lui attribue. Alors la Constitution obtiendra tous les hommages, et vaincra tous les obstacles ; elle sera immuable, parce qu'elle aura pour base la félicité publique. » Cette nouvelle municipalité de'ma'nde avec instance d'être un chef-lieu de district, et ;le siège d'uue justice royale.
Adresses du même genre de la nouvelle municipalité d'Arçay en Poitou, de celle de la ville d'Epernay en Champagne, de celle de la ville de Fismes, de celle de la ville de Maubeuge, et de celle de la ville de Blois; cette dernière remercie l'Assemblée, principalement d'avoir, sous le règne de Louis XVI, décoré le berceau de Louis XII, en décrétant que la ville de-Blois serait chef-lieu de département. '.' 1 '
Adresse des officiers municipaux de la ville de Castelnaudary en Languedoc, qui annoncent que le décret concernant la npuyelle organisation des municipalités est sur le point de s'effectuer : avant de terminer leur carrière,- ils offrent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur respectueux dévouement.
Adresse-de félicitation j remerciement et adhésion delaçommunautédeHaute^Rivoire en Forez;
indépendamment de la contribution patriotique, elle fait le don du produit de la taxe sur les
ci-devant privilégiés,
Adresse du même geore.de là ville do Bourg-en-Bresse ; elle fait le don patriotique de 226 marcs 5 onces d'argenterie.
Adresse des curés, prêtres et religieux de l'ar-chiprêtré de Bourgoin en Dauphiné, et des environs, qui jurent d'opposer l'ascendant qu'ils ont sur les peuples aux pièges, dont usent les ennemis de la Révolution pour les perdre, et de faire respecter, au péril de leur vie, tous les décrets de l'Assemblée nationale ; ils invitent tous les curés du royaume à suivre leur exemple.
Adresses de la communauté d'Evry-les-Châ-teaux, près de Brie-Comte-Robert, et de celle d'Ussy et Vendrest, près Meaux, qui font hommage à la patrie du moins imposé au profit des anciens tail-lables.
Adresse de la ville de Gandelu-en-Brie, qui adhère avec une admiration respectueuse à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et demande d'être chef-lieu de canton-
Adresse d'adhésion delà communauté 4e Saiot-Laurent-du-Pont en Dauphiné ; elle fait le don patriotique du produit de la taxe sur les ci-devant privilégiés, et supplie l'Assemblée de fixer au plus tôt le prix du rachat des rentes et 4e celui des arrérages en grains à un taux modéré.
Adresses de félicitation, remerciement et adhésion du bourg de Saint-Pierre-de-Bœuf en Forez, et de onze communautés du baillage de Roye; elles font plusieurs observations importantes sur les impositions qui doivent être supportées par les Ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre des communautés de ; Saint-Barthélëmy et de Chàrtonges en Brie; elles demandent que la ville de la Ferlé-Gaucher soit chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la communauté de Filon en Languedoc; elle supplie l'Assemblée de s'occuper au plus tôt des lois interprétatives des décrets du 4 août.
Adresse du même genre de la ville et jurisdic-tion de Pellegrue-en-Albret; les habitants s'engagent de payer la somme de 14,000 livres pour leur contribution patriotique ; ils demandent l'établissement d'une justice royale dans cette ville.
Adresse du même genre dp la communauté de Lanespede en Bigorre ; elle demande que la ville de Tournay soit chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la municipalité de Monhetày-sur-Loire eh Bourbonnais ; elle demande avec instance que le mode du rachat dès droits non supprimés soit fixé le plus tôt possible.
Adresse 4e dévouement de la compagnie des volontaires de la ville de Moulins; elle supplie l'Assemblée de la prendre en considération lorsqu'elle s'occupera de l'organisation des milices nationales.
Adresse d'adhésion de la communauté de Tuffé au département du Mans; elle dénonce une infraction au décret de l'Assemblée, portant qu'il sera sursis à toute nomination 4e bénéfices qui ne sont pas à charge d'âmes.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la communauté de Peyrat-Lanonière, élection de Guéret ; elle instruit l'Assemblée que les trois religieux bénédictins qui composent l'abbaye de Notre-Dame de Bonlieu dilapident les bois, et divertissent les effets mobiliers, denrées et bestiaux appartenant à cette abbaye.
Adresse de félicitation et remerciement des écoliers du collège Royal Dauphin, de Grenoble :
« Veuillez bien, disent-ils, Nosseigneurs yous occuper de l'éducation publique, et ajouter â nos classes une chaire où nous puissions apprendre, et les devoirs que nous aurons à remplir comme citoyens, et les lois qui feront notre bonheur* » Adresse d'adhésion et dévouement de la nouvelle municipalité de la ville d'Angerville; elle demande que cette ville dépende du district de celle' d'Etampes,
Adresse du même genre de la commune de Bouy en Nivernais ; elle demande d'être le chef-lieu d'un canton dépendant du district de Donzy et du département de Nevers,
Adresse du même genre de la ville de Durtal ; elle demande avec instance d'être réunie à La Flèche pour le district et la justice.
Adresse du même genre de la communauté de Rouvroy en Lorraine; elle demande 4e dépendre du bailliage de Longuyon.
Adresse du même genre de la nouvelle municipalité de la commune de Tannay,
Adresse des gardes nationales de plusieurs communautés du Vivaraiset du Dauphiné, qui, réunies dans la plainede Saint-Peray en Vivarais, ont fait le serment solennel d'être in valablement attachées à notre glorieux monarque, et de faire respecter jusqu'à leurs derniers soupirs, les décrets de l'Assemblée nationale; elles ont adhéré à la fédération faite dans la plaine d'Etoile,
Adresse de la corporation des maîtres voituriers et charretiers de la ville 4e Marseille, nui fait le don patriotique 4e tout ce qui lui est dû par le trésor royal, et supplie l'Assemblée d'ordonner la plus prompte exécution du décret qui renvoie la procédure prévôtale à la sénéchaussée de cette ville. La corporation des maîtres charcutiers de la même ville fait la môme supplication à l'Assemblée dans une adresse séparée.
Adresse d'adhésion 4e la municipalité de Cha-tel-Gensoir ; elle envoie les déclarations des biens des ecclésiastiques domiciliés dans le territoire de cette ville,
Adresse du comité permanent, municipalité et jeunes citojens militaires de la ville de Saint-Brieuc, qui dénoncent à l'Assemblée nationale le refus fait par les commissaires des anciens états de Bretagne, dans le diocèse de Saint-Brieuc, de continuer leurs fonctions, relativement à l'exécution du décret de l'Assemblée du 12 décembre dernier; ils applaudissent unanimement au discours de M. Le Chapelier sur la conduite des membres de l'ancienne chambre des vacations du parlement de Rennes, et désapprouvent fortement celui de M. le yicomte de Mirabeau.
Adresse des officiers municipaux et du comité permanent de la ville de Nîmes, qui, au moment d'éxécuter les décrets 4e l'Assemblée sur les nouvelles municipalités, lui offrent le tribut 4e leur reconnaissance et de leur dévouement. « Près de jouir 4e vos bienfaits, nous voudrions, disent-ils, nous lier plus étroitement à votre auguste destinée, et consolider par tous nos efforts cette triple union, du Roi, de I Assemblée nationale et dupeu-ple, qui fait la joie 4es bons citoyens, le desespoir des malveillants, et qui fera le salut de la France. #
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement 4e la communauté de Saint-Jean de Valeriscle en Langue4oc; elle demande que la ville de Nîmes soit le chef-lieu d'un département et le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse du même genre de l'Assemblée générale des citoyens 4e Perpignan ; elle réclame avec instance la conservation 4e son évêché, de ses
maîtrises, et que cette ville soit le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse du même genre des officiers municipaux et habitants de la ville de Saint-Dié-sur-Loire; ils annoncent que la nomination de leur nouvelle municipalité s'est faite dans le plus grand ordre, et à la satisfaction de tous les citoyens.
Adresse du même genre de la nouvelle municipalité de la ville de Joinville.
Adresse du même genre de la ville de Lesneven en Bretagne, et de vingt-cinq communautés circon-voisines; elles expriment les vives alarmes des habitants sur la perte qu'on leur a fait craindre du bailliage royal dans cette ville.
Adresses de la ville de Saint- Pol-de-Léon en Bretagne, de la ville de Castellane en Provence, de celle de Vailly en Champagne, de celle d'Ar-genton-le-Ghâteau en Poitou, de celle de Cassa-gnebere en Nebousan, et de la municipalité de Valons en Vivarais, etde plusieurs citoyens avoués par les communautés circon voisin es," contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, la demande d'un chef-lieu de district et d'une justice royale.
Adresse de la ville et commune de Chatillon-les-Dombes, présentée par MM. Delorme et Dan-geville, ses députés extraordinaires, contenant abandon, au profit de la nation, du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés; la même ville, le corps des marchands et artisans y réunis, font le don patriotique d'un contrat, sur la ville de Paris, de 600 livres, et des arrérages qui en sont dûs; ils supplient l'Assemblée d'agréer ces dons comme une preuve de patriotisme, de reconnaissance, et de l'adhésion la plus réfléchie à ses décrets.
Adresse d'adhésion de la communauté de Tracy ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande d'être comprise dans l'arrondissement du district à établir dans la ville de Cosne.
Adresse des citoyens de la ville de Gai lardon en Beauce, qui, réunis pour la nomination de leurs nouveaux officiers municipaux, déclarent unanimement qu'ils font l'adhésion la plus formelle à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et s'engagent avec serment de les exécuter et faire exécuter de tout leur pouvoir.
Adresse du même genre des citoyens actifs de la ville d'Enghien-Montmorency.
Adresse de félicitation et dévouement de la garde nationale de la ville deVesoul en Franche-Comté ; elle donne les plus grands éloges à la conduite du régiment des chasseurs, en .garnison dans cette ville.
Adresse du même genre de la garnison de Rennes ; elle jure sur son honneur de verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour le maintien de la nouvelle Constitution.
Lettres de M. de Neuilly, lieutenant-colonel du régiment mestre-de-camp général-dragons, en garnison à Neufchâteau; de M. Dagobert, major des chasseurs-royaux de Dauphiné, en garnison à Romans ; et de Dom Grazio de Rossi, commandant le bataillon de chasseurs-corses, en garnison à Bournon en Vivarais, par lesquelles ils annoncent que ces régiments ont entendu avec la dus vive sensibilité la lecture de la lettre qui eur a été adressée par l'Assemblée nationale, et qu'ils la supplient d'être bien convaincue de leur entier dévouement à la chose publique.
Adresse de la milice nationale de la ville de Grenoble, qui, empressée de donner dans toutes les occasions des preuves de son zèle et de son
patriotisme, vient de prendre une délibération par laquelle elle a nommé des députés pour se rendre à une assemblée fédérative, indiquée à Valence, et pour adhérer aux résolutions qui y seront prises ; elle supplie l'Assemblée d'agréer cette délibération, comme renfermant le gage de la profonde vénération des citoyens de Grenoble et de leur parfaite soumission aux lois.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Saint-Benoît-sur-Loire, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale ; ils demandent avec instance que cette ville soit le chef-lieu d'un district.
Adresse des entrepreneurs de la manufacture de Sédan qui conjurent l'Assemblée nationale de considérer que la liberté dés nègres porterait le dernier coup à leurs établissements, et ruinerait le royaume; ils adhèrent aux représentations et demandes des colons français à ce sujet.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement du comité municipal séant à Berneuîl, comprenant neuf paroisses ; elles sollicitent d'être comprises dans le district et le département de la ville de Saintes.
Adresse du même genre de la ville de l'Isle-sur-le-Doubs, et de trente autres communautés déjà formées en municipalités dans la province de Franche-Comté ; elles demandent toutes que cette ville soit un chef-lieu de district.
Adresse de la nouvelle municipalité d'Albert en Picardie; elle représente que le vœu de tous les habitants est d'être compris dans le district d'Amiens.
Adresse de la communauté de Biauzat en Auvergne ; elle demande de n'être pas réunie à la ville de Moulins, dont elle est trop éloignée, et de dépendre du district de Clermont-Ferrand ou de Riom.
Adresse de treize communautés du département de Péronne : elles supplient l'Assemblée nationale de prendre en considération le décret concernant l'abolition des dîmes, et de statuer sur leur remplacement.
Adresse de la commune de Choisy-le-Roi, assemblée pour la formation de sa nouvelle municipalité ; elle fait le don patriotique de ia somme de 75 livres de 23 marcs 4 onces 1 gros d'argent, et de 1 once 7 gros d'or ; les chargeurs et déchargeurs de son port offrent particulièrement le produit d'une journée de leur travail, formant la somme de 20 livres.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Broisie ; elle fait part d'une difficulté élevée au sujet de élection uu troisième officier municipal.
Adresse de M. le comte de la Merville, résidant à Saint-Germain-en-Laye, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage sur l'impôt et la dette publique.
Adresse du sieur Lambert, citoyen à Toulon, qui fait hommage à l'Assemblée d'un recueil imprimé des délibérations, arrêtés et décrets de l'Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le Roi.
Adresse de la ville de Tartonne en Auvergne, qui adhère de rechef à tous les décrets de l'Assemblée nationale ; elle déclare que si, par le plus grand des malheurs, il arrivait une opposition ouverte à leur exécution, elle en rendrait individuellement responsables ceux qui manifesteraient leur intention de tenir encore a la distinction des ordres. Indépendamment de la
contribution patriotique, elle fait don du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse d'adhésion et dévouement de la ville d'Aumale ; elle fait don patriotique de la moitié de la somme provenant de la vente de ses bois en réserve, laquelle somme, en total, est entre les mains au receveur des domaines de la généralité de Rouen, depuis plus de dix ans. Elle demande d'être le chef-lieu d'un district.
Adresse de la ville de Vannes en firetagne, contenant le don patriotique de plusieurs effets d'argenterie, du poids de 50 marcs ; elle annonce que les religieux grands carmes de Bondon, près de cette ville, quoique pauvres, ont fait une déclaration patriotique de près de 900 livres et offrent en outre, en pur don, plusieurs effets en or et en argent, pesant plus de vingt-cinq marcs.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la nouvelle municipalité et des habitants de la communauté d'Ormes eu Champagne; elle demande que la ville d'Arcis-sur-Aube soit le siège d'une justice royale.
Adresse de la jeunesse de Bretagne et d'Anjou, qui s'est assemblée à Pontivy le 15 du mois dernier, pour y renouveler le pacte fédératif qui a porté le premier coup au despotisme et à l'aristocratie : son devoir le plus cner a été d'en faire hommage à l'auguste Assemblée.
Adresse de lacommunautéde Gagne en Provence contenant la prestation de serment de sa milice citoyenne ; elle annonce que, par ses soins et sa vigilance, l'ordre et la tranquillité régnent parmi les citoyens.
Adresse d'adhésion et dévouement de la communauté de Rudelle dans le Haut-Quercy ; elle supplie l'Assemblée de s'occuper au plus tôt des lois interprétatives des décrets du 4 août.
Adresse du même genre des officiers municipaux et habitants de la ville du Vigan en Languedoc ; ils font le don patriotique ae la finance de plusieurs charges dont la communauté était propriétaire, montant à la somme do 12,000 livres et du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Cette ville se glorifie, à juste titre, d'avoir donné le jour au brave d'Assas.
Adresse des gardes nationales de la même ville, et d'une multitude de communautés voisines, formant 6,000 hommes des Basses-Cévennes, sous les ordres de M. le baron d'AIbignac, maréchal-des camps et armées du Roi, qui ont juré solennellement d'être fidèles à la constitution française, à la loi et au Roi, et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la défense de la liberté, et de la gloire de notre bien-aimé monarque, qui en est le restaurateur.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des habitants des quatre paroisses qui composent les territoires des Baux en Provence; ils portent plainte contre leur maire.
Adresse du même genre de la garde nationale de la ville de Nancv, et du district de Bonne-Nouvelle de la ville de Paris.
Adresse du même genre de la ville de Hau-terive en Languedoc ; indépendamment de la contribution patriotique, elle fait don du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés ; elle sollicite avec 40 communautés voisines un chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la communauté de Migé en Bourgogne ; elle demande d'être chef-lieu de canton.
Adresse des maîtres cordonniers de la ville de Gap, qui, indépendamment de la contribution patriotique, font le don de la somme de 200 livres.
Adresses de félicitation, adhésion et dévouement de la ville de Saint-Bonnet-le-Château en Forez, de celle de Salon en Provence, et de celle de Montfort en Bretagne ; elles demandent avec instance d'être chefs-lieux de districts.
Adresses des communautés de la Roche-sur-le Buis-d'Olon, Montréal, Merindol, Saint-Sauveur, Mirabel et de plusieurs autres communautés de la contrée des Baronnies en Dauphiné, tant eu deçà qu'au delà de la rivière d'Eygues, qui portent une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée nationale ; elles expriment le vœu, fondé sur les convenances d'intérêt et de localité, qu'aucun desdits lieux et des circonvoisins ne soit démembré des district et juridiction de la ville de Buis, capitale des Baronnies.
Adresse des officiers municipaux et de la garde nationale de la ville de Bouchain et de celle de Montluçon, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Adresse des principaux officiers des troupes en garnison à Strasbourg, qui annoncent avoir fait lecture, à la tête de leur régiment, de la lettre qui leur a été adressée par l'Assemblée nationale : « Unis de cœur et d'esprit avec tous les bons citoyens, et surtout avec la garde nationale de Strasbourg, nous jurons, disent-ils, de mourir, s'il le faut, pour l'établissement de la constitution et le maintien de tous les décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le Roi. »
Adresse des gardes nationales de la ville de Metz, dans laquelle elles déclarent que leur zèle pour la défense de la constitution ne se bornera pas à l'enceinte de leur ville ou de leur département, qu'il s'étendra à tout l'empire Français, et qu'elles seront toujours prêtes à voler aux extrémités du royaume, lorsque la propriété et la liberté pourront y être en péril. Elles finissent par faire nommage à l'Assemblée nationale d'un souvenir cher à tous les cœurs messins, celui de l'ancienne constitution dont leur cité a joui, constitution libre, républicaine, pendant laquelle les Messins ont contracté des alliances avec ae grands peuples, et ont eu des souverains à leur solde ; ils déclarent que la constitution nouvelle ne leur laisse rien à regretter dans l'ancienne existence de la République, et qu'au contraire, leurs pères seraient sans doute jaloux de leur bonheur s'il leur était possible de le contempler.
Adresse des non - catholiques de la ville de Montauban en Quercy, remise par M. Poncet Del-pech, dans laquelle ils présentent à l'Assemblée nationale les témoignages de reconnaissance et de sensibilité profonde, à raison du décret qui leur assure la qualité de citoyens actifs.
Adresse d'adhésion et don patriotique de la ville de Beaumont en Gatinais -, elle abandonne à la nation le produit de l'imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de l'année 1789; de plus, elle déclare qu'elle ne recevra ni Je remboursement, ni l'intérêt de la contribution du quart du revenu.
Adresse de la municipalité deChamps-surrMarne; les habitants de cette paroisse jurent d'être fidèles' à la nation, à la loi et au Roi, de rester inviolable-ment attachés à l'heureuse constitution française, d'obéir à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la liberté.
La commune de Champs supplie l'Assemblée nationale de vouloir bien recevoir avec bonté la seule offrande qu'à raison de sa pauvreté, elle
puisse faire à la nation : c'est l'abandon des impositions des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de l'année dernière, montant à 1,800 livres.
, député de Vermandois, offre, au nom de la communauté d'Urcel, près de Laon, l'abandon, au profit du Trésor public, du produit de l'imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789.
, député de Nôuf-Château, a fait lecture : 1° d'une adresse des citoyens de cette ville, (pli offrent en don patriotique leurs boucles et beaucoup d'effets et de bijoux d'or et d'argent, qu'ils se sont empressés dy joindre; l'adresse annonce une adhésion sans réserve aux décrets de l'Assemblée nationale. Ce même membre assure l'Assemblée qu'aucune ville dans le royaume ne reçoit avec plus de reconnaissance, et n'exécute plus fidèlement ses décrets.
2° D'une adresse des religieux prémontrés de Maraux, qui donnent, pour leur côntribution patriotique, une somme de 3,000 livres, déposée dans la caisse des domaines à ChaUmont-en-Bassigny; ils témoignent leurs regrets de ce que les procès ruineux que leur abbé leur a suscités, ne leur permettent pas d'écouter leur patriotisme, en offrant à la nation une somme plus considérable; ils supplient l'Assemblée nationale de permettre qu'ils continuent à vivre réunis sous les règles dé leur institut.
3° D'une adresse de la communauté de Remo-ville, qui témoigne les plus vifs regrets de ce Su'une récolte presque nulle lui enlève le moyen e se joindre à ceux qui donnent à la patrie des témoignages actuels de leur patriotisme; elle supplie l'Assemblée d'accepter pour sa contribution patriotique le quart des bois communaux qui lui appartiennent, ét qui sont en état d'être exploités.
4° D'une adresse de la communauté de Graf-fignyt qui offre en don patriotique deux statues de saints, deux burettes d'argent, et une somme de 1,540 livres: le curé, digne de tels paroissiens, demande que la note de cette offrande soit insérée dans le procès-verbal, pour servir d'exemple aux communautés plus nombreuses, plus riches et plus en état que celle de Graffigny, de venir au secours de la patrie.
Adresse d'adhésion, et don patriotique consistant en argent, argenterie et bijoux, présentés §ar MM. Jacquesson, de Vauvignol et de Sainte-uzanne, députés extraordinaires de la ville de Tonnerre, au nom de ladite ville.
, député à:Âunisy offre en don fiatriotique, de la part des officiers et soldats de a troisième compagnie de grenadiers de la garde nationale de La Rochelle, un bordereau de 302 livres 12 sois 2 deniers, montant de leurs boucles d'argent portées à la monnaie de ladite ville.
Les députés du district des Feuillants sont introduits à la barre; ils présentent l'offraude patriotique de ce district, et l'hommage de sa soumission aux décrets de l'Assemblée nationale; ils jurent en son nom d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi.
Un grand nombre de jeunes étudiants sont ensuite Introduits à la barre ; tous viennent déposer
sur l'autel de la patrie des dons et des serments patriotiques.
Les boursiers du collège de Louis-le-Grand offrent leurs boucles d'argent et la somme de 900 livres.
Les pensionnaires du collège du Plessis, 1,300 livres.
Les étudiants du collège d'Haïcourt, 1,684 livres.
Et les élèves de M. Patris, maître de pension à Paris, 245 livres et leurs boucles.
Les discours de ces jeunes gens sont fort applaudis; et pour encourager autant que pour récompenser leur patriotisme naissant, l'Assemblée reçoit, malgré leur jeunesse, leur serment civique, et ordonne que leurs noms soient inscrits sur le procès-verbal.
Collège de Louis-le-Grand.
MM. Charles Joret, de Caudebec.
Clande Aper, de Vitry.
Louis Florentin Belin, de Laon.
Nicolas Corby, de Reims.
Adrien Peron, de Paris.
Victor Dupuis, de Dormans.
Benoit Savary, de Paris. Migneron.
Collège du Plessis.
MM. François Davelin.
Aman l Fouquet.
Louis Rayon. Aimé Lalot.
Jacques Louston, Charles Quatretols.
Joseph Dufay. Joseph Monnège.
Auguste de Courtray.
Auguste Jacquemart.
Félix d'User.
Noms ie MM. les députés du Collège d'Harcourt.
MM. Brard, orateur,
de Perrochelles,
de la Vincendière.
Hulot.
Delisle.
Eugène de Beauharnais,
de Thebaudières.
Marca.
Renouard.
d'Herbecourt.
Une députation des « volontaires », c'est-à-dire des conquérants de la Bastille, se présente à la barre, et y est introduite, M. Dusaulx, organe de ces braves citoyens, a peint leurs exploits, leurs vertus, et surtout leurs sentiments patriotiques, avec le pinceau mâle et énergique de la liberté. « Jaloux de vous faire un don patriotique, dit-il, ces citoyens voudraient, à l'exemple de leurs compatriotes les plus fortunés, vous apporter aussi, Messieurs, de l'or des diamants; mais, hélas I que peuvent-ils vous offrir, ces généreux élèves de la Providence et de l'honneur? Ge qu'ils peuvent offrir ? la dernière pierre arrachée des fondements du dernier cachot de la Bastille. »
De vifs applaudissements couvrent les dernières paroles de l'orateur, auquel il est permis, ainsi qu'aux volontaires, d'assister à la séance.
répond à fous ceux qui ont parlé à l'Assemblée. S'adressant d'abord aux écoliers^ Ï1 leur dit :
Messieurs,
« L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction votre offrande. Puisse ce premier acte de vertus civiques vous rappeler sans cesse ce que tout citoyen doit à la chose publique, et vous faire trouver le prix de votre dévouement dans la seule estime de la patrie 1 »
S'adressant ensuite à la foule de ceux qui ont offert des dons patriotiques, M. le Président leur dit :
« Messieurs, l'Assemblée nationale est dans l'heureux embarras de répondre à tous les actes du patriotisme dont elle est le témoin. Citoyens de tous les âges, de toutes les conditions, allez, et dites à vos condisciples, à vos frères, à vos concitoyens, que l'Assemblée nationale, remplie d'admiration pour 1e dévouement des Français, sera au comble de la satisfaction quand elle les verra réunir l'esprit de paix et de fraternité, l'oubli de toutes les haines et le respect des lois au noble désintéressement qui les anime.
« L'Assemblée nationale vous permet d'assister à la séance. »
Le Châtelet de Paris, ayant à sa tête M. de Bou-lainvilliers, prévôt de Paris, et M. Talon, lieutenant civil, est annoncé et introduit à la barre. Cette cour vient, en conséquence de la permission qu'elle a demandée, et qui lui a été accordée le matin par l'Assemblée nationale, prêter le serment civique.
, lieutenant civil, prononce le discours suivant :
« Messieurs, nous venons remplir le vœu le plus cher à nos cœurs, et nous acquitter du plus saint de nos devoirs. Quand tous les Français s'empressent de se réunir à la constitution par un serment solennel, les ministres de la loi, encore plus comptables de leurs sentiments et de leurs principes envers la nation, doivent offrir les premiers ce témoignage religieux de fidélité et d'obéissance.
« Placés sous l'empire d'une constitution libre, nous n'avons plus a redouter ces jours de deuil, où nous ne pouvions servir la cause publique que par l'icaction et le silence, et nous sommes assurés que désormais le serment qui lie tous les citoyens a la patrie ne se trouvera plus en opposition avec celui qui nous attache à nos fonctions.
« Le Châtelet de Paris doit, en particulier, jurer à l'Assemblée nationale qu'étant revêtu par elle du plus redoutable des pouvoirs, porté par elle au milieu d'une carrière aussi pénible qu'éclatante, où l'expérience ne peut lui servir de guide, il ne cessera de^ marcher avec courage vers le flambeau qui lui sera présenté par la loi, au travers des tumultes et des orages dont la fureur des passions, ou l'erreur des préjugés, peuvent chercher à l'environner. »
, prévôt de Paris, exprime ensuite les sentiments de patriotisme, de soumission aux décrets de l'Assemblée, et d'attachement à la nouvelle constitution, qui l'animent, ainsi que les magistrats dont il a l'honneur d'être le cher.
Tous ensuite ont prêté solennellement le serment civique, au bruit des acclamations et des
applaudissements dont la salle retentissait de toutes parts.
fait au Châtelet de Paris la réponse suivante :
« Messieurs, le Châtelet de Paris, dépositaire des plus grands intérêts, justifie l'honorable confiance que l'Assemblée nationale lui a témoignée. Elle voit avec satisfaction cette cour être la première à donner l'exemple de la soumission, de la fidélité et du respect pour les lois. »
lit un billet de M. le garde des sceaux, qui lui annonce que les lettres patentes portant établissement d'une cour supérieure provisoire de justice à Rennes, en exécution du décret de l'Assemblée, sont pcellées et envoyées.
La discussion sur le jugement à porter sur la conduite de la nouvelle chambre des vacations du parlement de Bretagne obtient la priorité sur plusieurs autres affaires placées à l'ordre du jour.
Avant de présenter un projet de décret, je rappellerai que l'adresse de la ville de Rennes nous prescrit de demander une punition éclatante, et que la députation de Bretagne, touchée de l'aveuglement de quelques magistrats ses compatriotes, a cru devoir s'en référer à l'Assemblée. Mais depuis, les circonstances ont bien changé : sa générosité, secondée par des conjonctures nouvelles, la démarche du Roi, le patriotisme des citoyens, tout l'engage à proposer un décret aussi doux qu'il est possible.
« L'Assemblée nationale délibérant sur la conduite des membres de la seconde chambre des vacations du parlement de Rennes, déclare que dans le moment où le Roi est venu se réunir si intimement avec la nation, elle ne veut se rappe 1er que les actes de patriotisme qui honorent le monarque et les citoyens; mais, attendu que ceux qui ont refusé d'obéir à la loi et au Roi ne peuvent exercer les droits de citoyens actifs, l'Assemblée décrète que les magistrats de la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes seront privés de ces droits jusqu'à ce que, par une requête présentée au Corps législatif, ils aient obtenu la permission de prêter serment à la loi, au Roi et à la Constitution. »
Ce décret étant conséquent à ce lui que vous avez rendu dans une pareille circonstance, doit être admis quasi dans toutes ses parties. Il serait cependant très aisé de prouver que les magistrats de la nouvelle chambre des vacations de Rennes n'ont pas commis de délit. Ne pas convenir nue tout citoyen est le maître de rentrer quand il le veut dans la vie privée, ce serait méconnaître la liberté que vous avez consacrée... Vous devez réprimer l'abus d'autorité de la municipalité de Rennes, et venger l'atteinte qu'elle a portée à la liberté de onze citoyens non prévenus de délits, non jugés, et dont les membres de la municipalité ne sont pas les juges, en plaçant des sentinelles jusque dans la chambre des magistrats. Se pourrait-il que la constitution, que nous avons tant désirée, fît renaître l'oppression ? que nous eussions changé le despotisme ministériel contre le despotisme municipal?... Il est temps que l'Assemblée assure la liberté des individus, qu'elle désavoue tout ce qui peut y être contraire, et qu'elle annonce qu'elle hait ie despotisme, quelque part qu'il se trouve.
Je demande que la liberté soit rendue aux magistrats, et la municipalité blâmée.
La municipalité de Rennes s'est conduite aussi bien qu'on pouvait le désirer. Quand des magistrats réiractaires à vos décrets refusaient la justice au peuple, une partie de la garde natiouaîe venait de quitter ses foyers pour aller défendre les foyers des nobles et des magistrats. 11 y avait alors une grande fermentation, l'insurrection paraissait difficile à retenir sans de grandes précautions ; la municipalité a placé les magistrats sous la sauvegarde de la loi; des sentinelles ont été mises, non dans les appartements, mais dans quelques parties de leurs maisons; et l'on vous propose de blâmer des citoyens qui, ayant tant à se plaindre, ont été si généreux!
La question préalable est demandée et rejetée.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale délibérant sur la conduite des juges désignés pour composer la chambre des vacations dernièrement nommée parmi les membres du parlement de Bretagne, déclare que dans le moment où le Roi est venu se réunir si intimement aux représentants de la nation, elle ne veut 43e rappeler que les sentiments patriotiques qui ont animé tous les Français; mais, attendu que ceux qui ont résisté à la souveraineté de la nation et aux ordres du Roi ne peuvent exercer les droits de citoyen actif, jusqu'à ce que, sur leur requête, le Corps législatif les ait relevés de l'incapacité qu'ils ont encourue;
« Décrète queles ci-devant juges, appelés pour composer la chambre des vacations dernièrement nommée en Bretagne, ne seront admis à exercer les droits de citoyen actif, que lorsque, sur leur requête présentée au Corps législatif, ils en auront obtenu la permission. »
, président du comité d'agriculture et de commerce, a demandé l'impression d'une mémoire sur l'uniformité des poids et mesures, rédigé par la Société royale d'agriculture, sur la demande du comilé. (Voy. ce document annexé à la séance.)
, membre du comité des rapports, fait un rapport sur la double nomination d'officiers municipaux faite à Ris. 11 propose un projet de décret qui est adopté par l'Assemblée dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale adécrétéet décrète que, sans avoir égard à aucune des deux municipalités formées à Ris le 11 de ce mois, elle renvoie au pouvoir exécutif, pour, sur une nouvelle convocation et assemblée générale, qui se tiendra, au jour indiqué par tous les citoyens, à l'église à défaut d'Rôtel-de-Ville, être procédé au choix de nouveaux officiers municipaux, et statué entre eux sur toutes les contestations qui pourraient s'élever relativement au titre de citoyen actif. »
rend compte des troubles du Quercy, et se dispose, après de longs détails, à présenter des projets de décrets. 11 est interrompu.
Si chacun de nous entretient l'Assemblée des mouvements de sa province et de ses correspondances journalières, on emploiera inutilement un temps bien précieux. Le comité des rapports est établi pour examiner tous ces objets; il faut y renvoyer les détails que présente M. Faydel.
Cette proposition est contestée avec quelque violence.
L'Assemblée l'adopte et ajourne le rapport du comité à ce sujet à lundi, deux heures. La séance est levée à dix heures et demie.
à la séance de l'Assemblée nationale du
, député d'Alençon, relative au serment individuel, adressée à M. le Président de l'Assemblée nationale (1).
c Monsieur le Président, profondément pénétré de la sainteté du serment individuel, et de la rigueur des obligations qu'il impose, j'ai cru me devoir à moi-même de descendre dans ma conscience, pour mesurer l'étendue de celles qui résulteraient du serment, que l'Assemblée nationale a cru devoir proposer à chacun de ses membres. Permettez-moi de soumettre à l'Assemblée, le résultat de mes réflexions.
Si la formule du serment proposé m'est bien présente, ce serment renferme deux parties bien distinctes. Il consiste à jurer d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi : à promettre de maintenir, de tout son pouvoir, la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi.
« La première partie de ce serment est gravée dans mon cœur, depuis l'instant où j'ai cçm-mencé à connaître mes rapports et mes devoirs ; et jamais ma bouche ne se refusera à en consacrer, à en renouveler l'engagement.
« Quant à la Constitution faite et à faire par l'Assemblée, quelle que soit mon opinion particulière sur les principes qu'elle aura consacrés, je lui obéirai, parce qu'il est du devoir de tout citoyen d'être soumis aux lois de son pays ; et si c'est là que doit se borner le maintien, dont il est question, je suis prêt, Monsieur le Président, de jurer devant la nation, l'obéissance et la soumission à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi.
« L'Assemblée a sans doute ledroit incontestable d'exiger l'une et l'autre, mais son autorité ne peut s'étendre jusqu'à commander à l'opinion. Elle ne peut pas commander à chacun de trouver ses décrets également bons et justes, également sages ; elle ne peut donc pas exiger que chacun s'engageà les maintenir ne tout son pouvoir; car enfin, un engagement de cette nature ne peut jamais être contracté qu'en faveur de la vérité, de la justice.
« Je dirai plus, c'est aux vœux du peuple à consacrer les décrets de la Constitution,
c'est à lui, c'est à la nation toute entière, qu'il appartient éminemment de décider si elle
est propre à faire son bonheur. S'engager à la maintenir de tout son pouvoir, serait
promettre d'opposer tous les moyens de résistance qui seraient en son pouvoir, aux vœux, aux
demandes de ce même peuple, s'il venait à réclamer contre quelques-uns de nos décrets, à
solliciter la réforme ou la modification de quelques-uns d'eux. C'est ainsi,
« Je suis avec respect, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé de Chailloué. »
, député du Haut- Limousin, relative au serment individuel adressée à M. le Président de l'Assemblée nationale (1).
« Monsieur le Président, mon absence de l'Assemblée, au moment où le serment exige des membres qui la composent a été prononcé, n'est point un effet du hasard, elle a été calculée, et comme je crois lui devoir compte de ma conduite, j ai l'honneur de vous prier de lui faire part de ma lettre.
« Le serment individuel demandé à chacun des membres de l'Assemblée, renfermait deux parties : la première, qui promet fidélité à la nation, à la loi et au Roi, a toujours été dans mon cœur, et je la prononce avec d'autant plus d'empressement que je la signerais de la dernière goutte de mon sang; il n'en est pas de même de la seconde partie de ce même serment. J'aurais juré, et ie suis prêt à le l'aire encore, d'être soumis à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi, Je connais le respect dû par un citoyen aux lois de son pays, mais je ne puis jurer, et je nejurerai jamais de maintenir de tout mon pouvoir une Constitution dans laquelle j'ai cru reconnaître quelques dispositions susceptibles de modifications et de changements et contre lesquelles je réclamerais, si ma voix pouvait être entendue.
« Nous avons tous rendu hommage à cette vérité sacrée qu'aucun peuple ne peut être soumis qu'aux lois qu'il a consenties ; comment pourrions-nous penser que la nation française peut être forcée d'obéir à des lois qu'elle rejetterait, qu'elle regarderait comme nuisibles à son bonheur.
« Gomment pourrions-nous donc prêter 1e serment de maintenir de tout notre pouvoir, des lois que la volonté générale, que les réclamations
de toute la France pourraient nous obliger à réformer nous-mêmes.
« Nous ne sommes point la nation, nousne sommes que ses députés ; chacun de nous, en votant dans cette assemblée, a dû chercher à exprimer la volonté des peuples qu'il représentait ; mais nous avons pu nous tromper, et dès lors je regarderai comme criminel celui qui entreprendrait de maintenir des lois vicieuses, des lois que le peuple, que la véritable nation répudierait ; je ne puis donc prêter un serment qui pourrait m'obliger un jour à m'armer contre ie peuple, à opposer à la volonté générale une résistance que je crois d'avance très criminelle.
« Je connais trop la force d'un serment, et celle des obligations qu'il entraîne après lui,pour l'interpréter en le prêtant, ou pour croire l'annuler par des restrictions mentales.
« Telle est ma profession de foi : quant au serment que je suis prêt à prêter, le voici :
a Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et d'être soumis à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi.
« Ma conscience et mon honneur ne me permettent pas d'en prêter un autre. Je vous prie de faire part de ma lettre à l'Assemblée que vous présidez et de laquelle j'ai l'honneur d'être membre. Je lui aurais présenté moi-même mes réflexions, si elle eût admis une discussion ou permis quelques explications; c'était même mon plan ; mais la manière dont on a cru devoir prescrire la simple alternative du oui ou du non ne m'a pas permis de m'expliquer.
« J'ose me flatter que l'Assemblée ne verra dans ma conduite que celle d'un franc et loyal citoyen, qui ne sait, ni ne veut composer avec son honneur et sa conscience.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : le vicomte de Mirabeau.
« Ce
, député du pays de Caux, relative au serment individuel, adressée à M. le Président de l'Assemblée nationale (1).
« Monsieur le Président, lorsque l'Assemblée nationale a décrété qu'un serment individuel serait prêté par tous les représentants de la nation, elle n'a pas eu l'intention de violenter leur conscience, et chacun d'eux est resté personnellement juge de ce que son honneur pouvait lui permettre de jurer. C'est d'après ce principe, que j'ai cru devoir m'abstenir du serment, dans un moment où il ne m'eût pas été permis d'expliquer le sens que j'y attachais : je prends la liberté de revenir sur cette explication et j'ose me flatter qu'elle satisfera les représentants de la nation française.
« Je ne me permettrai aucune observation sur la première partie de la formule du serment.
Il y a longtemps que j'ai juré dans mon cœur d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi,
mais la formule m'oblige de maintenir, de tout mon pouvoir, la Constituion décrétée par
l'Assemblée nationale et sanctionnée par le Roi : je jure de lui obéir, je jure de lui être
fidèle ; mais si cette constitution renferme à mes yeux des imperfections, si je suis
persuadé qu'elle peut être améliorée, que plusieurs des lois qu'elle renferme peuvent être
cbau-
« Dans la circonstance actuelle, je jouis avec tous les bons citoyens du bonheur de voir la nation rentrée en possession de son droitinaliénable de liberté. Je crois que la Constitution qui en assure la jouissance, a peut-être moins d'imperfections que le moment où elle a été faite ne semblait en annoncer, je crois qu'elle renferme un grand nombre de lois utiles, mais en même temps je crois qu'il en est, qu'il sera avantageux de changer; je reconnais dans la nation le droit essentiel d'en ordonner la réforme, je reconnais dans les prochaines législatures le droit d'être l'organe de la nation. D'après cette opinion, si je jurais de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution telle qu' elle est, ce serait jurer de m'opposer de tout mon pouvoir à l'exercice du droit de la nation, ce serait jurer d'employer tous mes efforts à empêcher qu'elle ne fasse de ce droit un usage que je crois utile, ce serait préférer un décret de l'Assemblée nationale au droit essentiel et inhérent de la nation.
« Mes principes sont sans doute les mêmes que ceux de tous les membres de l'Assemblée nationale et en prêtant le serment, ils n'ont pas cru le violer; mais, sans doute, ils n'ont pas attaché aux mots du serment le sens que j'y rattache : ainsi ils ont agi suivant leur conscience en le prêtant, comme j'obéis à la mienne en refusant de m'y soumettre ; j'ose croire, enfin, que si les paroles diffèrent, je suis d'accord avec tous mes collègues sur le serment de l'obligation que je contracte : je jure donc d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, d'obéir à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le Roi.
« J'ai I honneur de vous supplier,M. le Président, de faire part de ma lettre à l'Assemblée nationale. J'ose espérer que, parmi les représentants de la nation française, ma conduite, fondée sur l'honneur et la loyauté, ne trouvera pas de désapprobateur, et qu'ils jugeront tous que celui qui se refuse à un serment qu'il croit contraire à sa conscience sera fidèle à celui qu'il aura prêté.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : DE BOUVILLE. »
(1). député de Lyon>relative au serment individuel, adressée à M. le Président de VAssemblée nationale (2).
a Paris, le
« Monsieur le Président, ma santé, qui, depuis longtemps, me prive de l'avantage d'assister à vos délibérations, ne m'a pas permis d'être présent à la séance royale du 4 de ce mois, dans la quelle on a exigé de chacun des députés qu'il prêtât le serment d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution que l'Assemblée a décrétée, et qu'elle a fait accepter au Roi.
« Je croirais manquer essentiellement au caractère dont je suis revêtu, si je ne me hâtais de manifester mon opinion sur un pareil acte, et sur les conséquences dangereuses qu'il peut avoir.
« J'adopte sans peine la première partie du serment, c'est-à-dire que je promets volontiers d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi ; mais je refuse formellement, et de toute la force de ma volonté, de souscrire à la seconde.
« Voici mes raisons :
« D'abord, je n'estime pas que la Constitution que l'Assemblée impose à la France soit une constitution libre. Le caractère essentiel d'une constitution libre, qu'elle soit républicaine ou monarchique, est la distinction et l'indépendance réciproque des trois pouvoirs que toute constitution doit rassembler, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ; et je démontrerai, quand il en sera temps, et que je pourrai le faire avec quelque espoir de succès, que celle qu'on nous ordonne de maintenir aujourd'hui, n'offre qu'une confusion monstrueuse de pouvoirs, et ne nous prépare ainsi pour l'avenir qu'une autre espèce de servitude plus intolérable cent fois que celle à laquelle nous venons d'échapper. Or, je demande s'il existe quelque autorité sur la terre qui puisse légitimement me contraindre à jurer de maintenir de tout mon pouvoir une constitution que je crois incompatible avec ma liberté.
« En second lieu, je ne pense pas que votre travail, pour régénérer la France, soit une
constitution: je ne connais que deux espèces de constitution ; la constitution républicaine,
et la constitution monarchique; tout le reste, de quelque forme qu'on le décore, n'est que
despostisme ou anarchie: et certainement vous n'avez pas fait une constitution monarchique:
car le propre de la constitution monarchique est qu« le prince en soit une partie tellement
intégrante, qu'elle ne puisse marcher sans lui ; et dans votre constitution, le prince n'est
essentiel à rien, et, comme vous êtes de bonne foi, vous ne disconviendrez pas, sans doute,
que si demain il vous plaisait de l'en bannir, les choses étant arrangées ainsi que vous
l'avez imaginé, n'en iraient pas moins bien, et peut-être mieux. Certainement aussi vous
n'avez pas fait une constitution républicaine, car le propre d'une constitution républicaine
est que le pouvoir suprême, d'où émanent tous les autres pouvoirs, ne soit pas tellement
concentré dans
« En troisième lieu, votre constitution n'est point achevée; vous n'en avez point examiné l'ensemble, vous ignorez si les diverses parties qui la composent se rapportent entre elles, et à moins que vous ne vous déclariez infaillibles (ce qui serait une absurdité que je ne saurais supposer), vous ne pouvez pas dire que l'expérience, la réflexion ne vous feront pas apercevoir dans votre ouvrage, d'ici à la fin de la session, des défauts que la chaleur des discussions et l'ivresse de vos propres succès ne vous ont pas permis de remarquer encore. Or, pourquoi, par un serment indiscret, cherchez-vous à vous priver de la faculté de revenir sur vos idées et de les échanger contre des idées moins imparfaites ou plus utiles? Et pourquoi encore voulez-vous que je prête ce serment indiscret, moi qui pense, avec quelque raison, que le propre de l'espèce humaine est d'errer, et que dans tout ce qu'on fait, il faut toujours se ménager une place pour le repentir?
« En quatrième lieu, je ne puis prêter le serment Sue vous exigez et que vous ferez sans doute ans peu prêter à toute la France, sans blesser essentiellement les droits des prochaines législatures; car jusqu'à ce que la nation, dans des délibérations libres, et après un mûr et pénible examen, ait arrêté elle-même sa constitution, chaque législature a incontestablement le droit de la revoir, de l'améliorer, de la réformer; et comment l'exercera-t-elle ce droit, si nous l'en privons d'avance, si nous jurons, si nous faisons jurer de maintenir tel qu'il est un ouvrage qu'il est important de corriger et de perfectionner sans cesse?
« En cinquième lieu, je trouve votre serment non seulement attentatoire aux droits des législatures; mais aux droits imprescriptibles de la nation. J'ose vous dire ici que le Roi et l'Assemblée, depuis qu'on travaille à la constitution, ont tous les deux excédé leurs pouvoirs. Nous ne sommes, comme je l'ai dit ailleurs, qu'une convention nationale, c'est-à-dire une assemblée d'hommes chargés de proposer une constitution à la nation, et non pas de la lui imposer ; c'était ensuite à la nation assemblée par bailliages et par provinces, ou enfin, de toute autre manière, pourvu qu'elle fût légale, à juger cette constitution, à décréter qu'elle lui convenait, et ensuite à inviter le Roi, par de nouveaux députés, à la revêtir de son acceptation. Telle est la marche politique de la régénération des Etats ; et ici non seulement nous n'avons pas suivi cette marche, mais nous travaillons à priver sans retour la nation du droit essentiel qu'elle a de ne rien accepter en matière de constitution qu'elle ne l'ait soigneusenent délibéré: car si nous faisons jurer à chacun des individus qui la composent, qu'il maintiendra de tout son pouvoir l'œuvre de nos mains, comment, si cet œuvre se trouve ensuite ne pas convenir à l'intérêt général
des individus, comment s'y prendront-ils pour y retoucher ? Il faudra donc qu'ils enfreignent leur serment, et les voilà placés entre le parjure qu'ils doivent craindre s'ils sont honnêtes, et la raison qu'ils doivent écouter s'ils sont sages.
« Enfin, Monsieur, non seulement le serment qu'on ose me commander attente aux droits des législatures, attente aux droits de la nation; mais, ce qui est bien plus fort, il anéantit la liberté de penser en politique au moment même ou vous accordez la liberté de penser en matière de religion. J'ai incontestablement le droit de porter ma pensée sur tout ce qui est du ressort ae l'intelligence humaine; et quiconque blesserait ce droit si essentiel à l'homme, et sans lequel le développement de son être moral est impossible, offenserait la Providence elle-même, qui, en nous dotant du plus précieux de tous les avantages, n'a pas entendu nous faire un présent inutile. Or vous ne pouvez pas me contester la liberté d'écrire à mon gré tout ce que j'imagine pour le bien de mes semblables, et si rien ne les intéresse de si près que les institutions politiques par lesquelles ils deviennent ou bons ou méchants, ou heureux, ou malheureux, vous ne me contesterez pas davantage que j'ai le droit de dire sur les gouvernements tout ce que je pense, d'en faire remarquer les principes vicieux quand j'y trouve des principes vicieux; je vais plus loin, de travailler de tout mon pouvoir à les renverser, par la force de mes opinions, toutes les fois que j'estime qu'ils sont incompatibles avec la liberté de l'homme et les progrès de ses facultés. Or, si vous ne pouvez me contester aucune de ces vérités, alors que signifie votre serment? pourquoi voulez-vous que je mette ma pensée dans un cercueil et que je me dépouille, pour vous complaire, de la plus importante de mes prérogatives? Si, par hasard, il m'arrive un jour de découvrir que votre constitution a des vices essentiels, qu'elle blesse gravement les droits du peuple, qu'elle tend à tourmenter, à corrompre ses plus précieuses habitudes, il faudra donc parce que j'aurai fait un serment téméraire, parce que j'aurai juré de maintenir ce qui alors me sera démontré mauvais, que je garde un honteux silence, que je laisse là cette cause sacrée du peuple, jouet éternel des ambitieux qui l'égarent, ou des tyrans qui l'oppriment? Non, Messieurs, non, je n'en ferai rien; et, pour conserver à mon esprit toute son indépendance, à ma volonté tout son courage, à ma conscience toute sa force, pour ne pas abandonner lâchement l'honorable poste de défenseur des hommes et de la liberté, je répète, de la manière la plus solennelle, que jamais je ne souscrirai à cette partie de votre serment, qui, en donnant des fers à ma pensée, en me condamnant à une obéissance passive, tandis que la religion n'exige de moi qu'une obéissance raisonnable, m'empêcherait de m'occuper avec succès de la plus chère de mes études, de l'étude de la morale et de la législation, ou, ce qui est la même chose, de l'étude de la morale et de la liberté.
« En deux mots, j'obéis à la loi quand elle est sage, comme j'obéis à ma raison. Je m'y soumets quand elle ne l'est pas, comme je me soumets à la nécessité; mais je ne jure de maintenir que ce qui est juste; et si, par hasard, ce qui m'a paru juste un jour, m'est démontré injuste le lendemain, je le renverse comme je l'avais maintenu.
« Encore une réflexion, Messieurs : qui sommes-nous pour prescrire à la France entière un serment tel que celui que l'Assemblée me propose?
Comment osons-nous dire au peuple : « Jure d'observer ce que tu n'entends pas, ce que tu n'as pas examiné, ce que nous t'avons presque défendu d'examiner? » Et si, par de perfides manœuvres, on parvient à tromper ce peuple, à lui persuader de jurer ce qu'il n'a pas délibéré, de quel front osera-t-on proposer un serment semblable à toute cette classe de la société où se trouvent à la fois les lumières et les mœurs, à tous ces hommes qui n'ont pas renoncé à penser par eux-mêmes? Qu'arrivera-t-il ici? Ou ces hommes honnêtes, autant qu'éclairés, Monsieur, voudront délibérer avant que d'engager leur conscience, ou ils n'oseront pas délibérer, effrayés par les clameurs du peuple qu'on aura indignement abusé. S'ils veulent délibérer, si le peuple est séduit au point de ne souffrir aucun délai, à quels périls ne les exposez-vous pas? S'ils ne délibèrent pas, au contraire, si entraînés par la crainte, ils jurent contre leur conscience, pourrions-nous avoir oublié que quiconque jure contre sa conscience commet un crime, et que celui qui exige un pareil serment commet un crime plus grand encore?
« Je n'ai plus, Monsieur, qu'une observation à faire sur la détermination qu'on assure avoir été prise par l'Assemblée, d'exclure de son sein quiconque ne prêterait pas le serment qu'elle impose.
« Il me semble, Monsieur, qu'elle n'a pas le droit de porter un tel décret. Qui sommes-nous tous ici? Des représentants de la nation, chargés de sa procuration spéciale, et n'ayant à obéir à d'autre serment qu'à celui que nous lui avons prêté dans la personne de nos commettants, mais si cette idée est vraie, si nos fonctions sont déterminées dès le commencement de notre carrière politique, si ce n'est pas l'Assemblée qui a déterminé nos fonctions, comment peut-elle se permettre d'ajouter à notre serment primitif? D'où lui viendrait ce droit? Et d'après quels principes se croirait-elle fondée à infliger une peine à celui, qui se maintenant dans les bornes de son mandat, et se souvenant de toute la dignité de sa place, ne souffrirait pas qu'on changeât la nature de sa mission, et qu'on entreprît sur son indépendance. Je ne fais ici, Monsieur, qu'effleurer une question d'une grande importance, et de la solution de laquelle dépend, plus qu'on ne le croirait d'abord, la liberté politique des citoyens; mais ce que j'en dis doit suffire, ce me semble, pour persuader qu'il y aurait peut-être quelque imprudence à la décider à mon désavantage.
« 11 est temps de terminer cette lettre, déjà trop longue. J'ose vous prier, Monsieur, de vouloir bien la lire à l'Assemblée. 11 m'importe que mes opinions, dans une conjoncture telle que celle où nous nous trouvons, soient connues : j'aurais été les manifester moi-même, avec tout le respect que je dois aux représentants de la nation, mais en même temps, avec toute l'énergie dont je suis capable, si ma santé ne s'y opposait ; daignez suppléer à mon insuffisance, et permettez que je compte sur vos bontés.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : bergasse,
c député de la sénéchaussée de Lyon. »
, député du clergé du bailliage d'Amiens et Ham, évêque d'Amiens, abbé de Valoir es, au sujet du serment civique (1).
« On exige de moi qne je prête le serment civique; avant d'y procéder, je dois observer ce que la loi de Dieu nous apprend et nous prescrit pour faire légitimement un serment. Cette action mérite une sérieuse attention, puisqu'un serment est un acte de religion, par lequel on prend Dieu à témoin de ce que l'on dit, de ce que l'on fait, ou de ce que ron promet. La sainte Ecriture nous apprend qu'il y a trois conditions dont il est nécessaire que le serment soit accompagné pour être licite, savoir : la vérité, la justice et la prudence. C'est faire injure à Dieu que de l'attester pour des choses fausses ou mauvaises, et réprouvées par sa sainte loi. C'est manquer aussi de respect envers Dieu que de faire serment avec légèreté, inconsidération et sans nécessité, comme le second commandement de Dieu nous le défend :
tels sont les principes qui doivent régler un chrétien lorsqu'il est obligé de faire un serment. C'est en conséquence que je vais m'expliquer : Je fais, ou plutôt je renouvelle le serment de fidélité que j'ai déjà fait au Roi. Je le fais aussi à la nation; et je crois pouvoir en cette circonstance, me permettre d'énoncer, qu'indépendamment de tout serment, j'ai donné des preuves journalières et incontestables de mon zèle et de mon affection pour le service de la patrie. J'ose dire qu'il n'est personne en cette ville, qui ait pris un plus grand intérêt que moi à la misère publique, et qui ait plus contribué à la soulager, et qu'on ne pourrait sans injustice me refuser le titre de bon citoyen. Je m'engage aussi à observer les lois et la constitution nouvelles, décrétées par l'Assemblée nationale et sanctionnées par le Roi, dans tout ce qui n'est pas contraire à la religion catholique, apostolique et romaine, la seule véritable, la seule qui vienne de Dieu, contre laquelle par conséquent, aucune autre loi ne peut prévaloir. Le gouvernement civil et politique des nations peut changer, et lorsque les changements en ce genre prennent une consistance légitime, c'est un devoir de se conformer à l'ordre reçu. Mais notre sainte religion étant la loi de Dieu, établie par sa suprême autorité, les hommes ne peuvent y rien changer. Or, il est nombre d'articles de la nouvelle constitution, qui blessent essentiellement la religion, et auxquels on ne peut adhérer sans y être infidèle.
Tels sont : l°une constitutionqu'on nomme du clergé, dont on presse l'exécution,
quoiqu'elle ne soit point revêtue de l'autorité légitime. L'Evangile nous
apprendqueNotre-Seigneur Jésus-Christ, avant de quitter ce monde, y a établi son Eglise,
pour enseigner et gouverner les nations dans l'ordre de la religion. Il l'a établie par ces
paroles qu'il a adressées à ses apôtres: Tout pouvoir m'a été donne dans le ciel et sur la
terre ; allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du
Saint-Esprit, leur apprenant a observer tout ce que je vous ai commandé, et voilà que je
suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles, par conséquent avec vous
dans la personne de ceux qui vous succéderont légitimement dans le ministère que je vous
confie jusqu'à la fin du monde. Nous croyons par ces paroles de Notre-Seigneur qu'il y a
« 1° On prétend attribuer aux évêques les pouvoirs que l'Eglise seule dépositaire des pouvoirs de Jésus-Christ, pour lier et délier les consciences, a réservés au Saint-Siège pour les dispenser. La surveillance de l'éducation publique et de l'enseignement moral est ôtée à ceux à qui elle est confiée dans toute nation chrétienne, parce que Notre-Seigneur leur en a donné la charge, en leur disant : Allez, enseignez toutes les nations, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ; et elle est transférée à des assemblées où toutes les sectes et toutes les erreurs peuvent être admises.
« 2° On détruit l'état religieux, cet état de sainteté préconisé par tous les pères de l'Eglise, cher et vénérable à tout le monde chrétien qui en a reçu de si grands secours. Plusieurs ordres étaient il est vrai, tombés dans le relâchement; ceux-là
auraient pu être réformés, ou supprimés canoni-quement, si on n'avait pu en espérer la réforme.
« Mais il est encore des communautés religieuses, fécondes en âmes saintes, dont les vertus, les prières et les bonnes œuvres en font des objets de complaisance pour Dieu, et des anges tutélai-res pour le monde. Il en est qui fournissaient de dignes ouvriers évangéliques, dont le ministère est si précieux et le besoin si grand. Tout cela va être aboli. La porte est ouverte à l'apostasie dans tous les couvents, quoique la religion, l'honneur même la défendent, et que l'Eglise y attache l'excommunication. Les nouvelles lois proscrivent la profession solennelle dés vœux de religion, qui sont la pratique des conseils que Jésus-Christ, dans l'Evangile, donnent à ceux qui veulent le suivre et atteindre à la perfection.
« 3° On prend des mesures qui tendent à l'anéantissement du clergé, en ne lui laissant qu'une existence avilie, précaire et incertaine, qui, vraisemblablement, réduira dans peu les ecclésiastiques à un si petit nombre, qu'il sera entièrement insuffisant pour soutenir la religion, et administrer au peuple les secours les plus nécessaires au salut. Dieu veuille encore que ce peu de prêtres ne soient pas des schismatiques, sans missions et sans pouvoirs légitimes, qui seraient plus propres à perdre le troupeau qu'à le sauver.
« 4° On propose la destruction d'un grand nombre d'églises, monuments de la pitié de nos pères envers Dieu, de leur zèle et de leur charité pour le salut des âmes ; déplorables destructions qui tendent oncore à la diminution du service divin et des moyens de salut.
« 5° Les biens ecclésiastiques sont envahis. J'observe d'abord, avec frayeur, que cet envahissement et Ja destruction des ordres religieux ont toujours annoncé, dans les pays où ils ont eu lieu, la destruction prochaine de la religion catholique. Les biens de l'Eglise sont des biens offerts et consacrés à Dieu par la piété et l'expresse volonté de ceux qui les ont donnés, dont un grand nombre sont des ecclésiastiques eux-mêmes, sous l'autorité et la garantie de toutes les lois; pour l'entretien du culte et de la religion de Jésus-Christ, pour la subsistance de ses ministres, pour le soulagement des pauvres, qui sont ses membres, et pour toutes les bonnes œuvres relatives à ces fins salutaires, si expressément recommandées dans l'Evangile, le code des lois immuables de l'Eternel. Prendre ces biens pour une autre destination, c'est violer les maximes les plus sacrées du droit naturel, divin, ecclésiastique et civil, reconnu universellement de toutes les nations catholiques, depuis l'établissement de là religion jusqu'à nos jours. Saint Laurent se livra au martyre plutôt que de livrer aux persécuteurs de la religion les biens offerts à Dieu par la charité des chrétiens. Saint Thomas de Cantorbérya souffert le martyre pour la même cause. Nous pouvons voir dans nos histoires combien notre nation a détesté et condamné les usurpations des biens de l'Eglise faites dans les derniers siècles par les Luthériens, les Calvinistes, et plus anciennement par les Vaudois. Il fallait, dit-on, que l'Eglise fit des sacrifices pour le bien de la nation : aussi en a-t-elle offert de très considérables ; mais on les a rejetés, parce qu'on voulait la dépouiller. Voici comment, dans toutes lois, le saint Concile de Trente s'explique sur la déprédation sacrilège des biens de l'Eglise, Sess. 22, cap. 11. « Si quelque ecclésiastique ou laïque, de quelque dignité qu'il soit, fût-il même empereur ou roi, est assez dominé par la cupi-
dité, source de tous les maux, pour convertir à son usage ét usurper par soi ou par autrui, par force ou par menaces» même par des personnes interposées, sous quelque prétexte que ce soit, les biens, cens, fruits ou quelques revenus que ce soit des églises, bénéfices, monts-de-piété, et de tous autres biens destinés aux pauvres et à ceux qui desservent ces lieux, ou pour empêcher, par les mêmes voies, que lesdits biens ne soient pas perçus par ceux à qui ils appartiennent de plein droit, qu'il soit soumis à l'anathème jusqu'à ce qu'il ait entièrement restitué à l'Eglise, à son administrateur, ou au bénéficier, lesdits biens, effets, droits, revenus dont il se sera emparé, ou qui lui seront, advenus, de quelque manière que ce soit, même par donation de personnes supposées, et jusqu'à ce qu'il en ait ensuite obtenu l'absolution du Souverain Pontife.,, Tout ecclésiastique, qui aura consenti ou adhéré à ces entreprises exécrables, sera soumis aux mêmes peines, privé de son bénéfice, et rendu inhabile à tout autre, et même après l'entière satisfaction ét absolution, il sera en suspens de la fonction de ses ordres, tant qu'il, plaira à son èvêque. »
« 6° La déclaration des droits de l'homme présente nombre de maximes entièrement opposées à la sainte Ecriture et même à la saiuté raison : par exemple, il faut que les hommes naissent libres, car ils naissent dans un état de faiblesse et de dépendance. Ils naissent dans la dépendance de leur parents, avec obligation naturelle de reconnaître leur supériorité, de les honorer et de leur obéir. Cette obligation naturelle, que la raison nous démontre, a été sanctionnée par l'autorité de Dieu même. Les hommes naissent dans la dépendance de ceux qui exercent l'autorité publique dans la société, avec l'obligation de reconnaître cette autorité, et de s'y soumettre. Cette obligation est démontrée par la raison ; elle est aussi sanctionnée par la parole expresse de celui qui est l'auteur et le conservateur des sociétés. Les hommes naissent et demeurent dans la dépendance de leur créateur, avec l'obligation inviolable de se soumettre aux lois émanées de son autorité suprême : cette remarque est d'autant plus importante, que l'article VI semble ne donner pour règle à la liberté d'autres lois que celles qui sont l'expression de la volonté générale; d'où on pourrait conclure que la volonté des hommes est leur seule règle, qu'il n'y a point d'autres lois que celles que Tes hommes se font à eux-mêmes; ce qui supposerait l'athéisme ou le déisme le plus révoltant. Ou trouve encore dans ces maximes nombre de choses fausses, fort mauvaises et imbues des poisons de la philosophie moderne. 11 en résulte des maux infinis, spécialement de la liberté de publier par l'impression toutes sortes de mensonges, d'erreurs et d'impiétés qui brouillent toutes les idées et renversent tous les principes de la vertu.
« On ne saurait se le dissimuler, et on ne peut y penser sans la consternation la plus profonde : les décrets et les dispositions ci-dessus énoncées introduisent le schisme et l'hérésie, changent la religion, et tendent à la détruire totalement. Je ne peux donc faire Je serment qu'on exige de moi, qu'en les exceptant très-positivement, ainsi que tout autre article qui pourrait blesser la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ et dé la sainte église catholique, apostolique et romaine, hors de laquelle. il ne peut y avoir de salut. J'aimerais mieux perdre les biens et Ja vie que d'adhérer à rien de ce qui y esteon-traire, et d'être infidèle à mon Dieu et à mon
Sauveur, convaincu que je suis, selon sa parole, que celui qui aurait perdu sa vie pour lui et pour son Evangile, en retrouvera une meilleure avec lui dans son royaume céleste. J'exhorte de tout mon cœur mes diocésains, auxquels je dois l'instruction, à entrer dans les mêmes sentiments que moi : leur salut éternel est attaché, comme le mien, à leur fidélité pour la foi chrétienne et catholique. Jamais,.hélas! notre patrie ne fut en plus grand danger de la perdre : cette perte est le plus grand châtiment de la colère de Dieu ; et ne devons-nous; pas la redouter dans ce déluge d'impiétés et d'iniquités qui nous inondent ? Prions Dieu sans cesse d'avoir pitié de nous et de ne pas nous abandonner,
« Signé : LOUIS-CHARLES, évêque d'Amiens. »
, curé de Sainte-Croix de Bernay, député du département de l'Eure, « l'Assemblée nationale, sur la prestation du serment ordonnée par le décret du 27 novembre 1789.
« Le moment est arrivé où le serment le plus solennel va garantir aux peuples que la religion n'aura que des ministres fidèles à Dieu et a la patrie. Le décret de l'Assemblée nationale qui l'ordonne va calmer leurs inquiétudes, et rendra aux prêtres la confiance des fidèles et la considération sans laquelle leur ministère est sans dignité comme sans fruit.
« Le petit nombre de ceux qui refuseront de prêter le serment décrété le 27 novembre, attestera à la France que la constitution, décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi, trouvera bien peu d'ennemis parmi les ecclésiastiques fonctionnaires. La natioo rendra cette Justice à ses pasteurs, de croire qu'un grand nombre d'on-tre eux, députés à l'Assemblee nationale ont été constamment et invariablement attachés aux principes qui ont servi de baser à la constitution, qu'ils ont appuyé de tous leurs efforts les décrets mémorables qui fondent aujourd'hui les espérances des Français et qui feront bientôt leur bonheur. La nation applaudira au patriotisme avec lequel ils ont oifert les plus grands sacrifices, au zèle avec lequel ils ont contribué à la réforme des abus introduits dans le sanctuaire, à l'empressement avec lequel ils ont accepté les lois qui doivent rappeler les plus beaux jours de l'Eglise primitive, à l'esprit de charité qui les a engagés à ne pas se rendre les dénonciateurs de leurs frères, en désignant eux-mêmes les abus contre lesquels mille voix s'élevaient de toutes les parties de la France, à la modestie qui les a déterminés à préférer le parti d'attendre la loi pour s'y soumettre et l'adopter, à la vaine gloire de la proposer et de la solliciter.
« La France reconnaîtra que l'opposition momentanée de quelques membres de l'Assemblée nationale aux lois les plus désirées, était l'effet d'une persuasion fondée sur d'antiques préjugés, confirmée par de longues habitudes; elle ne verra plus dans cette opposition le dessein criminel d'armer les citoyens contré les citoyens au nom de la religion ; elle n'y verra que les efforts excusables de quelques nommes accoutumés à de grandes jouissances, pour éviter les privations immenses auxquelles ils allaient être condamnés. Bientôt ces mêmes hommes qu'on accusait d'allumer les torches de la superstition et du fanatisme convaincront tous les Français qu'ils sont Français comme eux, digues d'êtres libres, et ca-
pables des plus généreux sacrifices pour le bon-fleur de leur patrie.
« Déjà, un grand nombre de pasteurs dans les différents départements du royaume ont manifesté leur dévouement à la Constitution; bientôt tous s'empresseront de montrer qu'ils sentent profondément cette grande vérité, que les prêtres d'un peuple libre n'ont de droits à l'estime publique que par leurs vertus, et que leur premier devoir est d'être soumis aux lois et de prêcher au peuple cette soumission.
« Us vont être oubliés ces jours où l'esclavage avait sillonné sur tous les citoyens de toutes les classes l'empreinte honteuse de ses fers. Le despotisme avait aussi dégradé le sacerdoce; le caractère' des ministres de la divinité va reparaître dans toute sa pureté ; on ne verra plus des prêtres courtisans, avides de richesses et d'honneur, s'avilir pour parvenir aux dignités de l'Eglise, et ramper aux pieds des despotes pour dominer sous leur protection.
c L'église de France s'est trouvée dans une position singulière, également menacée des invasions du pouvoir arbitraire du gouvernement de France et de la cour de Rome, ses ministres eurent l'habileté de flatter ces deux puissances, de les opposer alternativement l'une à l'autre, et de se maintenir dans une eispèce d'indépendance à la faveur de cette guerre entre le sacerdoce et l'empire. On ne sera point étonné que* dans le moment où tant de passions, tant d'intérêts s'élevaient contre la constitution civile du clergé, quelques ministres de l'église se soient souvenus des moyens que leurs prédécesseurs avaient tant de fois employés avee succès. On a voulu soumettre les décrets de l'Assemblée nationale au jugement de la cour de Rome. Si la cour de Rome avait proposé les réformes décrétées par les représentants de 1a nation française, on aurait regardé ses jugements comme incompétents, on aurait sollicité l'opposition de l'Assemblée nationale, et l'on aurait trouvé dans l'histoire de l'église gallicane des faits pour justifier deux marches si opposées.
« Nous ne sommes pas réduits à ne faire que ce que nos pères ont fait; nous devons profiter de leurs erreurs. Les leçons de l'expérience seraient bien perdues, si on avait pu croire de nos jours qu'un rescrit du pape ou un canon d'un concile provincial ou national et même œcuménique, auraient efficacement réformé tous les abus qui obscurcissaient l'éclat de l'Eglise en France. Il était trop facile de méconnaître ou d'éluder ces autorités.
« Lorsqu'une loi est nécessaire» qu'il n'existe qu'une autorité qui puisse la proposer et en assurer l'exécution, c'est à cette autorité qu'il appartient de faire cette loi.
« La réforme du clergé était indispensable ; toute la France la demandait, tous les pasteurs la sollicitaient; la religion, ensevelie sous la masse des scandales était méconnaissable.
« La volonté de la nation fortement exprimée, soutenue de toute sa puissance coercitive, pouvait seule prononcer un anathème efficace et irrésistible contre les abus. Il fallait donc que l'Assemblé nationale les proscrivît.
« Plusieurs pasteurs ont cru que l'Eglise avait seule le droit de prononcer sur ces matières, ou du moins ils auraient désiré que cet honneur lui fût déféré; et la puissance temporelle aurait.dû, suivant eux, se charger seulement de faire exécuter ce que la puissance spirituelle aurait ordonné. Cette opinion ne doit point les empêcher
d'adhérer au décret de la constitution civile du clergé.
« Si l'Eglise a fait une loi que la puissance temporelle trouve sage et utile, et qu'elle la confirme , cette, loi faite par la puissance spirituelle devient une loi de l'Etat ; si lorsque l'autorité spirituelle dort, la puissance temporelle promulgue une loi aussi essentielle à la gloire et à la conservation de la religion qu'à Ja prospérité d'un grand royaume, 1 Eglise ne peut raisonnablement se dispenser d'adopter cette loi, et alors la loi de l'Etat devient une loi de l'Eglise. Peu importe que l'Eglise ait fait la loi, ou qu'elle l'ait reçue; son autorité doit être la même aux yeux de ceux qui croient qu'elle seule doit régler les points de la discipline.
Pour qu'une loi civile devienne une loi de l'Eglise dans un royaume, l'intervention. de l'é-vêque de Rome n'est pas nécessaire ; il n'est pas indispensable de recourir à un Concile, il suffit que les pasteurs de ce royaume .se soumettent à oette loi, et qu'elle soit observée dans ses différentes églises.
« Toutes les Assemblées nationales de France ont dd^aé lieu à des ordonnances relatives à la discipline ecclésiastique ; ces ordonnances ont été publiées et exécutées sans qu'on ait eu recours à l'autorité du pape et sans qu'on ait convoqué de conciles pour demander l'adhésion des ministres de l'Eglise.
« L'Eglise de France ne s'est pas toujours montrée jalouse de l'autorité législative ; souvent on l'a vue substituer àl'ancienne discipline, desédits, des arrêts du conseil; et aujourd'hui, on ne voudrait pas adopter les décrets de l'Assemblée nationale qui rappellent la discipline des siècles les plus brillants du christianisme !
« Quel prétexte pourrait colorer la résistance à ces décrets? Parlera-t-on encore du danger auquel la religion est exposée? Les craintes, que des esprits malveillants avaient affecté de répandre à cet égard, sont dissipées ; il n'est plus possible de suspecter les intentions des représentants de la nation ; ils^ont tout fait pour l'honneur de la religion. S'ils ont refusé de déclarer la religion catholique dominante, c'est qu'ils ont craint que l'esprit de domination et de persécution ne s'emparât de ceux qui la professent, et que cette expression ne servît de prétexte à l'ambition et aux autres passions des hypocrites; c'est qu'ils n'ont voulu humilier, ni inquiéter aucuns de ceux à qui ils accordaient la liberté des opinions religieuses ; c'est qu'ils ont voulu détruire toutes les semences de jalousie et de querelle entre les citoyens de diverses croyances ; mais la religion catholique est la religion nationale, puisque son culte seul est aux frais de la nation.
«La nouvelle constitution civile du clergé ne donne atteinte à aucun dogme de la foi ; elle contient des règlements sages qui tendent à améliorer les mœurs des ecclésiastiques, à assurer à l'Eglise des ministres vertueux : si quelqu'un avait conçu un plan de réforme plus parfait, ii devait se "hâter de le proposer, et ne pas s'arrêter à critiquer celui qui est passé en loi.
« On ne reviendra plus à cette objection, tant de fois réfutée, que l'Assemblée nationale a excédé ses pouvoirs. Le sacerdoce est établi pour la nation; son existence doit tendre à l'utilité, au bonheur du peuple ; lorsqu'il s'écarte de ce but, la nation a le droit de l'y rappeler; elle peut dire aux ministres de son culte: Vous êtes trop nombreux; votre opulence est nuisible à la prospérité publique; on a fait prévaloir un mode d'élection
qui porte aux emplois des hommes peu faits pour y parvenir : le vaste dépôt des aumônes publiques remis en vos mains n'a point produit fe soulagement des malheureux qu'on pouvait attendre lorsque la religion s'est établie, lorsqu'elle a été reçue dans l'empire, la division des diocèses et des paroisses a été calquée pour le spirituel sur les divisions établies pour le civil ; aujourd'hui qu'un nouvel ordre d'administration civile est établi, l'administration ecclésiastique doit subir le même changement dans ses divisions.
« On contesterait à la nation le pouvoir de réformer les ministres de son culte! Si elle interdisait même ce culte, elle abuserait certainement de son pouvoir; mais qui serait son juge sur la terre? Si l'Assemblée nationale pouvait oublier les principes de justice, de sagesse et de religion qui l'ont toujours guidée, et nous prescrire des lois contraires à notre conscience et à la foi que nous professons, nous saurions qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes; mais lorsqu'elle nous propose des lois conformes aux maximes les plus pures du christianisme, lorsque le rétablissement de la religion, l'honneur de notre ministère, le repos et la tranquillité de l'Etat dépendent de notre soumission, lui obéir, c'est obéir à Dieu.
« Nous respectons le chef de l'Eglise; ses vertus, sa modération, sa prudence sont des garants assez sûrs de l'opinion qu'on doit lui supposer sur la réforme du clergé de France; mais nous ne croyons pas nécessaire de solliciter son avis, encore moins son jugement sur des questions dont tout ecclésiastique, fidèle à sa vocation, doit trouver la solution dans les principes même de sa religion.
« Les ministres dont les bénéfices sont supprimés doivent-ils s'abstenir d'exercer leurs fonctions? Ceux dont le territoire a éprouvé des retranchements, doivent-ils s'interdire leurs fonctions à l'égard de leurs anciens diocésains ou paroissiens? Ceux dont le territoire a reçu deè accroissements, doivent-ils exercer leur ministère dans les lieux qui n'étaient pas précédemment soumis à leur juridiction? Doivent-ils reconnaître les ministres qui seront nommés suivant les nouvelles formes prescrites pour leur élection?
« Eh! qui pourrait élever des doutes sur ces questions? Le pouvoir, que nous avons reçu du ciel par -l'ordination j ne doit servir qu'à l'édification dé l'Eglise; il serait employé à sa destruction, si on voulait l'exercer contre la volonté sage et réfléchie d'un peuple fidèle, au mépris des lois d'une Assemblée protectrice de la religion catholique.
« Celui-là serait bien présomptueux, qui,lorsque la voix du peuple lui déclare qu'il doit cesser d'administrer une église, ou une portion de l'ancien troupeau qui lui était confié, croirait que lui seul peut bien gouverner son ancienne église ou la portion qui en est démembrée. Il importe peu que ce soit tel ou tel individu qui soit préposé au gouvernement spirituel d'un diocèse ou d'une paroisse; mais il importe infiniment que tous ceux à qui le soin d'une église est confié, sachent qu'ils appartiennent à l'église, et que l'église ne leur appartient pas ; qu'ils soient toujours prêts à sacrifier leur intérêt particulier au repos, à la tranquillité de leur église.
« Quelle occasion de troubles et de scandales ne donnerait pas l'opiniâtreté d'un ministre qui, contre la volonté générale de la nation, entreprendrait de continuer un ministère dont toute
l'autorité consiste dans sa persuasion, dont toute l'utilé dépend de la charité, de la modestie, des vertus et des lumières de celui qui l'exerCe? Comment pourrait-il persuader? Quelle idée pourrait-on avoir de son désintéressement, de sa modestie, de sa bienfaisance, s'il n'était pas effrayé par le danger de compromettre la tranquillité de l'Eglise, d'attirer des calamités sur sa patrie, et sur ceux au bonheur desquels il devait spécialement travailler? Non, aucun prêtre français ne donnera ce dangereux exemple.
« Les pasteurs conservés refuseront-ils les secours spirituels de la religion à la nouvelle portion du troupeau qui leur est attribuée ? Le pouvoir qu'ils ont reçu du ciel s'étend sur le monde entier. Le zèle des apôtres et des fondateurs des églises ne fut jamais circonscrit dans des limites au delà desquelles il ne leur fût pas permis de travailler au salut des âmes. Leur mission était vers tous les peuples de la terre. La démarcation des territoires assignés à chaque ministre n'a lieu que lorsqu'il est possible d'organiser l'administration spirituelle dans un Etat où la religion catholique est solennellement reçue. La nation qui a admis cette démarcation peut la changer lorsque ses intérêts politiques l'exigent ; elle n'a pas besoin de chercher hors de son sein une autorité qui établisse la police qu'elle juge nécessaire. La division des diocèses et des paroisses est un règlement de simple police et d'ordre pour partager le travail entre les ministres et faciliter à tous les fidèles les secours de la religion. Lorsque l'ancienne division ne remplit pas ces objets, la puissance civile peut la changer : alors elle exerce le droit du peuple, et les ministres des autels, qui lui résistent, transgressent leurs devoirs.
« Aucun ministre de l'Eglise ne doute qu'il doit exercer des fonctions hors de son territoire dans le cas de nécessité. Quelle plus grande nécessité que celle qui est imposée par la volonté juste d'un grand peuple ? Les fidèles, privés de leurs ancien pasteur, ne resteront donc point sans secours spirituels. L'Assemblée nationale y a pourvu ; et la religion impose aux pasteurs conservés l'obligation de leur accorder les soins de leur ministère.
« La nouvelle forme des élections, si conforme à la raison, ne l'est pas moins à la discipline des premiers temps du christianisme : on se rappellera de nos jours, ce qui était reconnu dans ces heureux temps, que la voix du penple est la voix de Dieu. La nation, lorsqu'elle prescrit le mode d'admission aux emplois ecclésiastiques le plus raisonnable et le plus religieux, a droit de compter sur l'obéissance des pasteurs, plus sûrement que François Iep, qui cependant fut obéi, lorsque, malgré toutes les réclamations de toutes les corporations du royaume, il entreprit de renverser l'ancien usage des élections, et de cencentrer en sa personne tous les droits de la nation. Les pasteurs nouvellement élus n'éprouveraient donc aucune difficulté de la part des anciens.
«Je crois que l'intérêt delà religion et la tranquillité publique font un devoir à tous les pasteurs de l'Eglise de France de prêter le serment décrété par l'Assemblée nationale. J'espère qu'il ne s'en trouvera aucun qui balance à rendre cet hommage à sa patrie ; cependant il serait possible que quelques hommes vertueux, mais peu éclairés, fussent déterminés à s'y refuser par le souvenir de la la lecture qu'ils auront faite de quelques écrits anti-constitutionnels, qu'on a dit sortir même du sein de cette Assemblée. Il serait pos-
sible qu'ils lussent confirmés dans celte résolution aussi contraire à leurs devoirs qu'à leurs intérêts, par le compte qui sera rendu dans les papiers publics de ce qui se passe dans l'Assemblée nationale par rapport à ce serment. Les ennemis de la Constitution ne manqueront pas de publier qu'un grand nombre de membres de l'A3semblée nationale refusent de prêter le serment ; que plusieurs hésitent, et ces bruits, ar-tificieusement répandus, alarmeront les consciences timorées.
« Il n'est qu'un moyen de prévenir ce danger, j'invite tous les ecclésiastiques députés de l'Assemblée nationale à l'adopter. Je suis persuadé qu'ils sont tous dans l'intention de donner à la nation cette preuve de soumission à ses lois, rendons tous ensemble cet hommage à la patrie : donnons-lui au même moment cette assurance de cette fidélité qu'elle exige de nous. Cette démarche solennelle enlèvera aux malintentionnés l'occasion d'interpréter malignement les délais que plusieurs pourraient prendre sans affectation. Plus notre obéissance sera prompte, moins elle sera suspecte, et plus l'exemple que nous aurons donné aura d'influence sur la détermination des pasteurs , à qui il resterait encore quelque incertitude sur la conduite qu'ils doivent tenir.
c Signé : LlNDET. »
a la séance de VAssemblée nationale du
Mémoire pour la ville de La Rochelle (l),
L'Assemblée nationale, consultant le droit naturel des choses et le droit naturel des positions , a décrété l'union de l'Aunis et de la Saintonge.
L'Assemblée nationale a consacré, par ce décret, une union déjà formée,et qui subsistait depuis l'établissement de la généralité de La Rochelle.
Les députés de Saintonge demandent le département pour la ville de Saintes, ceux de l'Aunis le demandent pour la ville de La Rochelle. Si ces prétentions sont décidées par des raisons de droit et de convenance, elles ne peuvent rester longtemps douteuses, et la décision doit être nécessairement en faveur de la Ville de La Rochelle.
Raisons de droit.
Si l'on se permet de parler de droits devant une Assemblée de législateurs, lorsque toutes les provinces, toutes les villes du royaume ont abaissé les leurs devant le grand intérêt national, c'est que les droits, que détend la ville de la Rochelle, ont l'heureux avantage de s'allier à l'intérêt national, sans blesser réellement aucun intérêt particulier.
La ville de La Rochelle a été,depuis l'établissement de la généralité qui porte son nom, la capitale et le siège de l'administration de cette généralité. C'est une propriété, c'est un rang que
son importance lui a acquis, que le temps a confirmé, et dont on ne peut la dépouiller sans injustice. Comment voudrait-on aujourd'hui enlever à la ville de La Rochelle ce qu'elle possède, ce qu'elle mérite, pour en investir une ville inférieure, sans aucune sorte d'industrie et d'activité? Ne serait-ce pas un renversement d'idées et de choses; et l'Assemblée nationale, si circonspecte, si sévère dans ses principes de justice, voudrait-elle faire une exception pour la province d'Aunis seulement, et la rendre, en quelque sorte, la seule qui eût à mêler des regrets à l'heureuse révolution que doit immortaliser l'auguste Assemblée dans le cœur de tous les Français?
Si la ville de la Rochelle demandait une concession nouvelle, si, comme celle de Saintes, elle aspirait à un nouvel ordre de choses, à s'élever sur le patrimoine d'autrui,' cette demande, portant sa réprobation avec elle, mériterait sans doute d'être mise au rang de ces suggestions d'un intérêt particulier, dont l'Assemblée nationale a dû être fatiguée de plus d'une manière ; mais la ville de la Rochelle ne demande qu'à rester en possession de ce qui lui appartient, en vertu du titre le plus respectable.
Raisons de convenance.
La ville de La Rochelle réunit en grand tous les établissements d'ordre public; un hôtel pour le commandant général des trois provinces d'Aunis, Poitou et Saintonge: un hôtel de l'intendance; un palais, rebâti en 1788 avec étendue, et même magnificence; un palaisêpiscopal, dont la construction ne remonte pas à quinze ans ; un vaste hôtel de ville; un hôteldes monnaies; un hôtel de la Rourse, etc. Tous ces établissements offrent le choix le plus varié, et les commodités les plus étendues. Partout ailleurs, dans les autres villes de la généralité, la plupart de ces établissements manquent ; ceux qui peuvent exister, sont dans un état d'imperfection ou de faiblesse, qui les rend insuffisants. On dira bien qu'on trouvera dans la suppression des communautés religieuses des moyens d'établissements également gratuits ; mais ces moyens, qui n'existeraient pas moins à La Rochelle, cesseront bientôt de paraître suffisants. On fera des changements : insensiblement peut-être, on voudra des établissements qui aient de la dignité, et la province se verra soumise à des dépenses qu'on pouvait lui épargner.
Les différents tribunaux, qui sont à La Rochelle, offrent des magistrats exercés dans tous les genres, dont les lumières et l'expérience peuvent devenir très utiles pour la composition des nouveaux tribunaux.
L'agriculture et le commerce se tiennent par la main ; ils se soutiennent l'un par l'autre ; leur activité dépend absolument du même principe, c'est une grande production. Le développement de ce principe, si nécessaire aujourd'hui, ne peut être bien senti que dans une ville de commerce ; c'est là que le mouvement et le jeu journalier de l'industrie des hommes peuvent frapper l'esprit et le sens des représentants d'une province, et les conduire à des vues et des rapports qui échapperont longtemps,dans une ville intérieure, à des représentants qui ne connaîtraient que leur horizon (1). La ville de Saintes dont la population
n'excède pas sept à huit mille âmes, n'a de commerce que, celui qui résulte de ses propres consommations, un peu augmentées par un assez grand nombre d'ecclésiastiques qui l'habitent toute l'année; et dans l'hiver, par une grande quantité de noblesse,
Une ville de commerce a nécessairement besoin du mouvement des caisses publiques, pour le placement de son papier, et la régénération du numéraire que ses achats consomment sans cesse; les caisses publiques pnt besoin, à leur tour, du commerce pour la facilité de leurs reprises, Ces besoins, ces secours mutuels et indispensables ne trouveraient aucun aliment à Saintes; sans commerce et sans papier, il faudrait voiturer les espèces, ou subir la loi d'un agiotage qui s'établirait bientôt, et le commerce de jLa Rochelle, réduit aux Plus onéreux expédiants, serait frappé d'une langueur, dont les tristes effets atteindraient promptement l'agriculture,,
On veut que les çljefs-lieux de département en soient, autant qu'il est possible, le point central, Il faut encore comparer, à cet égard, la ville de Saintes et celle de La Rochelle.
S'il n'était question que de mettre les deux villes en oppositions de distance, elle n'auraient aucun avantage l'une sur l'autre; mais en assujettissant La Rochelle à Saintes, il y aurait cette différence très marquée au préjudice de La Ro-r chelje» c'est qu'ayant par la population et par son commerce, beaucoup plus d'affaires que n'eu aurait la ville de Saintes, les habitants de La Rochelle seraient bien plus fréquemment appelés à Saintes, que ne le seraient les habitants de Saintes à La Rochelle. Il y a des points au delà de Saintes, qui se trouveraient plus éloignés de La Rochelle; mais cette augmentation est tout au plus de dix lieues ou d'une journée, tandis que plusieurs points de la Saintonge sont plus rapprochés dé La Rochelle que de Saintes; et qu'il est également à 8 et [0 lieues de la Rochelle, des points importants dans TAunis tels que l'île de Ré dont la population excède 20,000 âmes; Marans qui en compte 12,000; Mauzé, 3>000, qui se trouveraient à l'égard de Saintes, dans la même position que seraient les points au delà de Saintes, à l'égard de La Rochellç. Ainsi point de motif eu faveur de la première de ces villes, qui ne parle plus fortement en faveur de La Rochelle ; et l'on verra même bientôt que cette dernière ville est bien plus réellement le point central du département que rie peut l'être Saintes.
La Rochelle, environnée de ses superbes rades, compte trois îles qui lui servent en quelque sorte de ceinture: l'île de Ré ët l'île d'Aix en Au-nis, l'île d'Oléron en Saintonge. Ces îles mettent géométriquement La Rochelle au centre du département. ï)es bateaux de passage en rendent la communication journalière et presque sans frais; et dans, un vent favorable, il ne faut pas à l'Ile d'Oléron une heure de plus pour gagner le port de La Rochelle que ses ports ordinaires de déchargement sur la côte de Saintonge. Tous les établissements de cette côte jouiront de l'avantage d'aborder par mer à La Rochelle (il y a des bateaux de passage qui font régulièrement cette navigation) j on le répète, il n'y a nulle comparaison entre les frais d'un trajet par eau, et ceux d'un trajet par terre; ainsi l'on voit que la situa= tion de La Rochelle sur le bord de l'Océan, loin* d'en faire un point d'extrémité, la rend un point central; que cette situation ouvre des moyens de communication et d'économië infiniment pré-
cieux, qui ne peuvent se rencontrer à Saintes»
Au surplus, la ville centrale d'un département quelconque n'est point celle qui divise les distances dans la proportiop la plus géométrique, mais celle vers laquelle tendent, par une pente d'habitude pu de circonstance, lep principales relations d'ofdre .public et d'intérêt particulier.
On a vu que les relations d'ordre public étajept formées depuis longtemps à La Rochelle; les relations d'intérêt particulier lé sont également par le commerce. Les consommations seqles de la ville de La fyocheUe offrent un débouché considérable aux productions de la Saintonge. Les négociants de la. Rophelle font acheter une partie des vins, des eàux-de-vie et des sçls de la Saintonge; ils achètent presque en totalité les eaux-de-vie de l'île d'Oléron, et les font exporter par le port de La Rochelle, Ces relations d intérêts appellent les habitants 4e la Saintonge à La Rochelle ; et ils ne pourraient l'être à Saintes que par une loi de devoir.
Si J'en veut enfin joindre à toutes ces considé-rations^elles du caractère des Rpchelois, (Jont |es traits sont si bien conservés par l'histoire, on verra qu'ils ont repoussé, autant; qq'ils l'ont pu, l'oppression et l'injustice. Ce souvenir peut avoir encore des droits aux bontés de l'Assemblée nationale; La Rochelle a ^té le dernier boulevard qui ait résisté à l'intolérance d'un siècle peu philosophique, et au despotisme d'un ministre sultan. Il fallut tout le poids de la France et tout le génie de Richelieu, pour abattre ce que l'on nommait alors la derrière tête de la rébellion, et ce que l'on nommerait aujourd'hui la dernière tête de la liberté publique? Cet esprit, ce courage, ce feu patriotique régnent dans lé peuple roche-lois. Des citoyens y sont aussi communs que des esclaves l'étaient ailleurs. Je n'en veux citer qu'un exemple célèbre, l'éloquent et intrépide Dupàty : c'est à la Rochelle qu'il a reçu le jour, l'éducation et cette mâle vertu ayee laquelle il a le premier ébranlé le colosse effrayant de la tyrannie judiciaire.
Signé : Nairac, député extraordinaire du çommerçe de La Rochelle,
3e annexe
à la séanoç de l'Assemblée nationale du
Observations de la Société royale d'agriculture, sur l'uniformité des poids et mesures, par MM. Til-let et Abeille.
M. le marquis de Bonnay, président du comité d'agriculture et de commerce de l'Assemblée nationale, a fait l'honneur à la Société rpyale d'agriculture de lui demander des observations sur un mémoire de M. de Villeneuve, tendant à établir l'unité et la conformité des mesures dans tout le royaume. En conséquence, nous avons été chargés, M. Tillet et moi, d'exécuter ce travail. Nous nous en sommes occupés avec tout le zèle qu'inspire une matière si intéressante.
Le mémoire de M. de Villeneuve a deux objets; l'un relatif à l'ordre public; l'autre à la situation actuelle de quantité d'ouvriers qui manquent d'occupation. Quoiqu'il n'entre dans aucun détail sur nos poids et nos mesurés en eux-mêmes, nous
sommes absolument de son avis sur l'importance et l'utilité de les rendre uniformes. Cette espèce d'identité sera la sauvegarde de tous, dans les achats ou les échanges, et le premier tribunal de justice et de paix entre les citoyens. Il propose, pour remplir son second objet, de faire très promptement cette grande opération. Son vœu serait que l'immense quantité de nouvelles mesures qu'il faudrait fabriquer, fournît du travail, pendant cet hiver, à vingt classes d'artisans qu'il désigne, et qui restent malgré eux dans le désœuvrement. Nous ne pouvons qu'applaudir à cé sentiment d'humanité ; mais nous ne pouvons nous dissimuler l'impossibilité d'exécuter, dans Je cours de deux ou trois mois,- et dans toute l'étendue du royaume, une entreprise si considérable.
Nous allons donc nous renfermer dans la discussion de ce qui nous paraît avoir servi de type à ceux de nos poids et de nos mesures, que nous croyons dèvoir être la base d'une réformation générale; et nous tâcherons de concilier le degré d'exactitude que demande une opération dont le besoin est si étendu et si urgent, avec des moyens de célérité dans l'exécution, qui tiennent Je milieu entre la précipitation et la lenteur.
NOTIONS PRÉLIMINAIRES
sur nos poids et mesures.
Depuis Ghildéric 111, dernier roi de la lre race, jusqu'à présent, on n'a point varié en France sur le principe que l'utilité publique et particulière demandent, qu'en facilitant les achats et les ventes, on en assure la fidélité par l'usage général des mêmes poids et des mêmes mesures (1).
Philippe le Long, en 1321, résolut d'établir dans toute la France les mêmes poids et les mêmes mesures. Ce projet fut repris en 1322 par Charles le Bel. Il n'a point eu d'exécution. Voy. l'Abr. chron. de l'histoire de Méze-rai, édit. _in-4° de 1755. tom. II, pages 396 et 400.
Cependant un nombre considérable de corps municipaux et de marchands de toutes les classes tient encore aujourd'hui, et très fortement, au principe, ou plutôt à l'opinion contraire.
Les raisons qu'allèguent les partisans de la diversité des poids et mesures sont connues. Les plus spécieuses ont été clairement présentées et solidement réfutées par La Condamine (1). Mais l'autorité des lois et les discussions victorieuses de ceux qui ont examiné la question avec impartialité, n'ont détruit ni le préjugé presque général, ni le christianisme des marchands ; car c'est surtout l'intérêt personnel des marchands revendeurs qui perpétue ces fausses et dangereuses id ées. On ne doit pas s'en étonner. Le désqrdre et la confusjon serviront toujours plus efficacement l'avidité qui abuse de tout, que l'ordre et la règle ne secourront la bonne foi qui n'abuse de rien. Ici la justice et la raison ont presque toujours contre elles la crédule confiance de celui même qu'elles cherchent à garantir des pièges qu'on lqi tend.
Mais plus une opération juste et utile à la nation entière présente d'obstacles à la surmonter, plus il est digne de ses représentants d'en établir invariablement les bases et d'amener en même temps, par de sages préliminaires, le sacrifice volontaire et général des préjugés et des habitudes à l'intérêt public.
Les difficultés à vaincre, pour remplir un si vaste projet, sont de deux espèces : la détermination des poids et des mesures qu'il serait le plus utile d'adopter, et le choix des moyens propres à rendre familier l'usage de ces poids et de ces mesures. Il paraît que c'est sous ce double rapport que la proposition dopt il s'agit doit être examinée,
11 n'y a rien ou presque rien qui ne puisse être acheté ou vendu, soit au poids, sqit à la mesure. Dans les choses même qu'on, aphète ordinairement à la quantité, il y en a peu dont le marché ne pût se conclure aussi aisément et plus équitablenjent au poids. Rien n'est plus commun que de voir les contractants se passer de ces secours et s'en rapporter à eux-mêmes dans les appréciations qui se ront à la main ou au coup d'œil, parce que ce moyen est plus expéditif. Toutes ces méthodes sont licites et doivent être abandonnées à la liberté sociale, Mais lorsgue la liberté préfère des mesures ou des poids, il faut que les dimensions en soient déterminées par les législateurs. C'est la seule barrière contre la mauvaise foi dans tous les genres de commerce.
Nous avons des poids, des mesures de contenance, et des mesures en longueur : h livre, le boisseau, la pinte, et enfin Vaune et la toise, qui, l'une et l'autre, ont pour élément le pied de Roi. Tous les autres poids, toutes les autres mesures en dérivent, et n'en sont que des soup-divisions ou des multiples. L'objet essentiel est de se fixer à des poids et des mesures quelconques qui soient les étalons matrices de ceux dont on se servira dans toute la France.
Si chaque étalon matrice nous était fourni par la nature, qu'uniforme partout, il fût répandu partout comme les choses àîpeser et à mesurer, la dissémination, son immutabilité opposeraient des barrières éternelles à nos systèmes, a nos caprices, à nos erreurs. Mais il n'existe aucun étalon qui réunisse ces caractères, ou s'il existe, il nous est inconnu. Nous sommes donc forcés de nous en tenir
à des étalons qui paraissent de pure convention, surtout pour la mesure d'objets dont le besoin se renouvelle chaque jour, à chaque instant; objets qui n'exigent pas à beaucoup près, nous ne dirons pas une rigueur absolue, mais ce degré d'approximation qui suffi taux besoin s multipliés et sans cesse renaissants des sociétés humaines.
La longueur du pendule à secondes, avant qu'on sût que la pesanteur n'était pas égale sur tous les points de la surface de la terre, ou plutôt parce qu'on ne s'en doutait même pas, a été indiquée par plusieurs savants comme l'étalon invariable d'une mesure universelle. Une spéculation si grande, si belle, ne pouvait être abandonnée; l'intérêt des nations était trop visiblement lié à l'exécution d'un projet si séduisant. Devant l'objet d'un désir avoué par la raison, il devint en même temps un objet d'espérance ; et le génie, dont le caractère propre est de s'élancer au loin, et souvent même au delà des limites de nos forces, ne dut pas balancer à se promettre un succès prochain et complet.
Quelque naturel qu'il soit de s'abandonner avec complaisance à des idées si attrayantes, peut-être serait-il prudent de ne pas détourner nos regards des suites qu'ont eues d'autres spéculations qui, comme celles-ci, intéressaient éminemmen t les nations policées. Nous pouvons citer, pour exemple, les projets publiés pour l'adoption d'une langue universelle (1), et celui d'une paix perpétuelle en Europe (2). Nous pourrions aussi citer en preuve de la difficulté de faire adopter universellement ce qui paraît le plus à l'abri de toute répugnance la répulsion du calendrier grégorien, si incontestablement préférable au calendrier julien (3). Mais arrêtons-nous à l'idée excellente en elle-même, de n'admettre pour base de toutes nos mesures qu'un type fourni par la nature, et donner un coup d'œil sur ce qu'en ont pensé ses plus zélés partisans.
Ils ont été arrêtés par deux obstacles qui leur ont paru difficiles à surmonter : l'un fondé sur la difficulté de s'assurer avec une exactitude rigoureuse des différentes longueurs du pendule, sur différents points de la surface du globe ; l'autre d'accorder les nations sur celles de ces longueurs qu'elles consentiraient à prendre pour base commune, invariable, et par conséquent universelle de toutes les mesures.
Ils ont pensé, sur le premier de ces obstacles, qu'après avoir été détrompés par l'observation et
(2) Voy. les Economies royales de Sully, in-folio, tom. III, pag. 3 de l'édition aux V verds couronnés d'Ama-ranthe, où le projet de Henri IV, pour l'établissement d'une paix perpétuelle entre les princes de l'Europe, est indiqué. — Voy. aussi le second discours du projet pour perpétuer la paix en Europe, par l'abbé de Saint-Pierre. — Voy. enfin le même projet adopté et exposé par J. J. Rousseau, sous le titre d'Extrait du projet de paix perpétuelle, par M. l'abbé de Saint-Pierre.
l'expérience sur l'opinion que la terre était sphé-rique, les mêmes moyens pourraient nous démontrer que l'égalité de la pesanteur sur tous les points du globe et l'exacte conformité entre les parallèles qui se correspondent dans les deux hémisphères, ne sont que des conjectures ; que des conjectures ne pouvant servir de base à des résultats rigoureux, il nous reste beaucoup à faire avant que d'avoir des points d'appui solides et débarrassés de toute hypothèse.
Ils ont pensé, sur le second obstacle, que sans attendre le concert peu vraisemblable des nations sur ce point, chaque pays pourrait du moins, en se fixant à la longueur du pendule sous l'équa-teur, ou sous un parallèle quelconque, s'assurer des mesures uniformes et invariables, et se munir par là d'un moyen qui faciliterait extrêmement la comparaison exacte et précise de ces mesures avec celles de tout autre pays (1).
Sous ce dernier point de vue, La Condamine a rassemblé, dans un mémoire présenté à l'Académie en 1747, toutes les raisons capables de porter la France à réformer ses mesures sur la longueur du pendule à l'équateur. Quelque pénétré qu'il fût, et avec raison, des avantages que procurerait un type commun pour les mesures de tous les peuples, il n'a pu cacher à quel point il était contrarié par la persuasion que, quand même le pendule de l'équateur serait établi en France, il se passerait probablement bien des an~ nées, avant qu il devînt la mesure commune de toute l'Europe. Et pour hâter cette révolution, du moins parmi nous, il a imaginé et proposé quantité de moyens préparatoires pour éviter l'inconvénient d'abroger d'abord, par une loi précise et absolue, toutes les ancien nés mesures, avant qu'on se fût familiarisé avec les nouvelles.
Malgré les inquiétudes de La Condamine sur l'invraisemblance d'amener les nations à l'adoption d'une mesure universelle, voyons si le chemin qu'on a déjà fait sur cette route ne nous laisse pas quelque espérance d'atteindre ce but, du moins pour notre propre utilité.
Lesacadémiciensenvoyés, en 1735, par le feu roi à l'équateur pour déterminer la figure de la terre, nous ont donné la longueur du pendule à secondes sur ce cercle, l'unique qui soit commun à tous les peuples de la terre. Dans l'année même de leur départ, Mairan mesura la longueur du pendule à Paris (2).
Il n'entrait pas dans le plan des Académiciens envoyés au Pérou, en 1735, d'indiquer la longueur du pendule par une partie aliquote du degré terrestre qu'ils avaient mesuré. Ils ont rapporté cette longueur à celle de la toise de France. Par là, ils nous ont donné une idée claire, en énonçant que sur le grand cercle qui est le milieu du globe, qui est le terme extrême d'où l'on commence à compter les latitudes, et le terme de la moindre pesanteur, lependule a troispiedssix lignes quatre-vingt-trois centièmes de ligne de notre pied de roi. Si nous n'avions pas entre les mains notre toise, nous n'aurions aucune idée de cette détermination. Toute longueur qu'on veut faire
connaître a besoin d'une pièce de comparaison.
La longueur du pendule est prise dans la nature ; la longueur de la toise ou du pied de roi ne l'est pas : il serait fort à désirer que l'un et l'autre longueur eussent des rapports absolus et faciles à saisir. Mais malheureusement, la différence entre ces mesures est à la fois et trop grande et trop petite pour ne pas jeter dans l'inconvénient majeur des fractions ; et ces fractions en plus et en moins seraient telles, que l'ouvrier le plus adroit parviendrait difficilement (supposé même qu'il pût y parvenir) à cette précision rigoureuse à laquelle on attache l'espérance de l'adoption d'un étalon universel.
Le pendule, sous l'équaleur, a 3 pieds 6 lignes83/100 de ligne de notre pied de roi.
Trois de nos pieds, ou notre demi-toise, excédent donc la longueur du pendule de 6 lignes 83/100, c'est-à-dire d'un peu moins de 7 lignes.
Le tiers du pendule excède notre pied de roi d'un peu plus de 2 lignes et demie.
Voilà donc, d'abord, des fractions dans la longueur totale du pendule, mesurée avec notre pied de roi; ensuite des un peu plus, des un peu moins.
Lorsque nous mesurons avec le même pied la moitié ou le tiers de cette longueur totale, la discordance est peu frappante, mais le calcul le rend incontestable.
Il faudrait donc ou renoncer à prendre pour base la longueur du pendule, longueur qui n'est connue que d'un petit nombre de savants, dont personne ne s'est servi pour des besoins domestiques, que personne n'a vue tracée nulle part ; ou renoncer au pied de roi, mesure connue dans toute l'Europe, d'un usage fréquent, familier, perpétuel dans toute la France, mesure d'après laquelle la longueur même du pendule a été exprimée par nos académiciens. Sans la connaissance du pied de roi nous n'aurions pas la plus légère idée de cette longueur.
Mais avant que de sacrifier notre pied de roi à l'espérance, ou plutôt au désir de partir d'une base inaltérable et rigoureuse, il nous paraît indispensable d'examiner si cette base a été déterminée en rigueur; car si elle n'était pas d'une rigueur absolue, il est évident que le but serait manqué et que nous n'aurions qu'à perdre à substituer cet étalon à notre pied de roi. Ecoutons La Condamine sur ce point de fait :
« Nous nous accordons, M. Godin, M. Bouguer et moi, presque dans le centième de ligne sur la longueur du pendule à Quito. Les expériences les moins conformes ne donnent guère plus d'un dixième de ligne de différence. »
La longueur, 3 pieds 6 lignes, 83/100n'est donc
que le résultat moyen d'expériences qui ne s'accordaient pas rigoureusment entre elles.
Ce que nous venons de dire sur le pendule équinoxial, nous le disons sur celui qu'a mesuré Mairan, et nous croyons pouvoir le dire de toute opération semblable. Mairan a trouvé qu'à Paris, la longueur du pendule était de 3 pieds 8 lignes 70/30de notre pied de roi. Le pied de roi répon- drait donc à4320/13217 parties de ce pendule, fraction
qu'on peut réduire à 326/1000 en négligeant seulement
2/10,000. En sorte que notre pied de roi serait au
pendule de Paris à très peu près comme 216 est a 661, ou comme 16 est à 49.
Mais n'oublions pas ce que dit Mairan lui-même sur son observation. « Tout ce que je puis recueillir de plus approchant du vrai dans la mesure du pendule à secondes à Paris, dans le vieux Louvre, au second étage, c'est qu'il doit avoir 3 pieds 8 lignes 17/30(1).
Nous rendons le plus sincère hommage au mérite et au travail de ces quatre académiciens. Nous sommes convaincus qu'ils ont porté l'attention et l'exactitude aussi loin que ie permet l'imperfection inévitable et avouée de nos instruments et de nos organes (2). Notre unique but dans cette espèce ae discussion est de nous défendre nous-mêmes de l'ascendant d'une spéculation trop belle et trop grande peut-être pour ne pas nous faire illusion sur l'extrême difficulté de la réaliser. Nous n'avons personnellement que trop de propension à désirer qu'un étalon, pris dans la nature, pût servir de base à toutes les mesures; à espérer que l'usage des mesures nouvelles pourrait promptement devenir facile et assez général pour ne pas arrêter l'importante célérité de la marche des achats journaliers ; à désirer enfin, surtout en faveur des classes inférieures, qu'elles pussent se familiariser rapidement avec ces instruments de sûreté, infiniment plus intéressants pour elles que pour les classes riches et aisées de la société. Celles-ci savent réfléchir, calculer et se défendre. Les autres n'en ont ni le temps, ni les moyens. Mais nous sommes convaincus qu'à l'égard de la sûreté des parties contractantes, la seule uniformité des mesures l'établirait complètement, qu'elle n'augmenterait pas le plus légèrement par leur conformité avec un étalon primitif d'une justesse rigoureuse et démontrée ; que d'ailleurs, l'hommejne parviendra jamais à ce degré de justesse, faute d'instruments et d'organes d'une perfection absolue. On n'a jamais régardé comme rigoureuse une observation faite par un seul observateur. Lorsqu'elle est faite par plusieurs qui observent en même temps, il y a toujours des différences entre les résultats. On prend un milieu entre les uns et les autres; mais ce milieu est-il un résultat sûr ? 11 peut souvent augmenter l'erreur ou les erreurs, en y ajoutant au lieu de les compenser.
De quelque manière qu'on s'y prenne, on n'obtiendra jamais de résultat absolument rigoureux, et par conséquent les résultats toujours contentieux exciteront perpétuellement à recommencer les mêmes opérations. Enfin quand il serait possible d'atteindre ce degré de justesse absolue pour le prototype des étalons, il serait évidemment impossible d'y conformer, nous ne dirons pas les milliers, mais les millions de copies qu'exigent des besoins urgents et qui se renouvellent à chaque instant.
Les classes nombreuses de citoyens occupés sans relâche du soin dé pourvoir aux besoins de toutes les autrës classes : les arpetiteurs, les maçons* les charpentiers, les menuisiers, les màr-chârids d'étoffes* de toilés, dé mefceriéS ; lés marchands de denréës de toute espèce, lësirinbtti1* brâbles vendeurs ou débitants à la livre, à la pinte et dans leurs subdivisions, tous ont des mesures, et presque tous ont intérêt à se les procurer à bas prix: L'incroyable multitude de tes instruments ; l'eitrêiile rapidité si nécessaire dans les achats et lés Vehtes ; le défaut d'at-tetttioti ou de précipitation de la plupart des ouvriers qui fabriquent ces instrumenté; le besoin qu'ils ont eux-mêmes de suffire par la promptitude de leur travail aux frais de leur subsistance, tout manifeste, à quiconque observe lés faits de pratique,! impossibilité de concilier avec les nécessités sociales lës plus indispensables, le Vœu de n'avoir que des mesures usuelles d'une jiistésse rigOUréUse. C'èstbeaucoup que de pouvoir compter sur une justesse d'approximation.
Vivement frappés de ces considérations parce qU 'elles sobt liées àl'étât et à la nature de l'homme et des choses, nous ne le Sommes pas moins : l6 de l'importance de fixer invariablement UOS étalons matrices, et de les porter au degré d'exactitude dbdt nous sommes capables ; 2° de se munir d'un moyen de rectifier bU de rétablir ces étalons matrices s'ils venaient à s'altérer ou à se perdre.
C'est pbur remplir ces deùx objets que les longueurs du pettdUle mesuré à Quito, à Tornêa et à Paris* serâietit des bases d'Une justesse plus que suffisante.
Les toises,employées à mesurer la longueur du pendule sur trois points du globe si éloignés les uns des autres, sont au dépôt dé l'Académie des sciëhces, et elles y sont conservées avec le plus grand Soiti. Elles serviraient à tracer sUr un corps d'Une dureté éprouvée contre l'action de l'air, comnie le porphyre, les longueurs du pendule, et à déterminer le rapport entre ces longueurs et les dimedsiorts des mesures qu'il s'agit de donner âla nation.
Outre ce témoin durable de la proportion de nos mesures de cohverttioh (supposé qu'elles ne soient eh effet que des mesures de Convention) avec lé type fourni par la nature, nous croyons que l'énonciation dé lëtii* rapport devrait être marquée sUr chacun des étalons matrices, et en faire Utté partie intégrante.
Ce résultat demanderait des mains savantes et exercées : ou est sur de les trouver dans l'Académie dés SCiehceS.
Dès copies, sévèrement comparées aux étalons matrices par les mêmes académiciens, seraient envoyées dans les principales villes du royaume pour servir & ajuster et à vérifier les mesures usuelles disséminées dâils les magasins1 et dans ateliers.
Bientôt ies moyens, employés pour l'exactitude de ce travail et de ses résultats, seraient connus ét consignés dâns toutes les académies et dans toutes lès bibliothèques de l'Êuropë.
Ces précautions noUS paraissent très suffisantes pour repondre à tous les intérêts nationaux. Nous aurions des mesures uniformes. Leur rapport avec le pendule serait solidement établi. On n'aurait à tîraindre ni l'altération ni la perte d'étàlohs matrices dont lé péndule resterait le type de restauration perpétuel et indestructible, Et les progrès successifs, peut-être rapides, dé la substitution des mesures réformées a celles dont on fait usage aujourd'hui porteraient partout la bonne foi et le
bon ordre, sans arrêter brusquement la marche essentielle et journalière dè ventes, d'achats, d'approvisionnements qui s'étendent à tout, qui vivifient tout.
Qu'il nous soit permis de répéter que nous avons eu besoin de quelque effort pour avouer que nous préférions au projet brillant d'asservir toutes nos mesures au penuule, le vœu moins imposant dé régler l'uniformité, dont nous sentons l'utilité, d'après nos mesures actuelles vérifiées et rectifiées. Mais nous sentons en mêmë temps que les idées d'achat et de vente, de poids, de mesures* renferment toujours la comparaison de la choSé achetée ou vendue avec là mesure ou le poids qui servent à en régler le prix, bans quel désordre rte jetterait-on pas des hommes continuellement^gilés par la nécessité d'acneter ou. de vendre, à qui leurs moyens habituels de comparaison seraient sabltement enlevés ?
Pressés detoUs côtés et à chaque instant par nos bësoins; appelés par la nature à la Vie active qui peut seule nous garahtir du danger des privations, nous ne devons jamais perdre de vue que la facilité et la rapidité des seeours quotidiens en augmente l'utilité. Distinguons scrupuleusement nos mesures usuelles de nos mesures savantes. Et par rapport à ces dernières mêmes, songeons que le degré de perfectionnement, auquel l'homme s'est élevé, l'avertit à chaque pas que la perfection absolue, en quelque genre que ce soit, échappe constamment à ses efforts. Nous avons sûus la main tout ce qui suffit à nos affaires commerciales et domestiques; ne portons pas plus loin.nds désirs et nos espérances.
Les poids et mesures* qui portent [le nom de poids et mesures de Paris, sont connus et peut-être désirés dans tout le royaume (1); La justesse des uns est certaine : la rectification des autres est facile. Nous pensons donc qu'après avoir pourvu au moyen de les fixer et de les conserver, c'est sur ces mesures que doivent être étalonnées toutes celles dont l'usage sera permis.
On nous demandera, sans doute, quel est le vrai pbids de la livre OU du marc dans la capitale ? quelle est ia vraie capacité du boisseau, de la pinte, la vraie longueur du pied, de la toise,, de l'aune.9 G'est sur quoi nous allons nous explique^
La livre, le marc.
On conserve à* la cour des monnaies de Paris un poids de 50 marcs* avec les subdivisions, qu'on nomme le poids de Charlèmagne. Gette manière de le désigner est ancienne : elle est liée* sans doute, à la tradition que c'est à ce grànd pribce que nous devons les premiers étalons des mesU»-res authentiques dont on se sert à Paris.
Le «tari;, proprement dit, le poids de 8 onces qui fait partie de la pile, ou du poids de 50 marcs dont il s agit, Sert depuis très longtemps d'étalon matrice dans toutes les occasions où le gouvernement se propose de disséminer des étalons publics
ou particuliers du marc de France (1). Il paraît en effet s'être conservé sans altération, puisqu'il s'accorde avec la dernière précision au poids de monnaies d'or qui ont été frappées au commencement du xive siècle, qui sont parfaitement conservées, et dont on connaît le poids exact relativement au marc légal du temps de leur fabrication.
L'étalon de la cour des monnaies, ou un étalon scrupuleusement semblable, est donc celui d'après lequel on ajustait la monnaie du prince avant le xiv® siècle (2).
Cependant il ne faudrait pas en conclure que la fabrication du poids de 50 marcs, dont on vient de parler, remonte au temps de Gharlemagne. Si c'était l'étalon originaire, nous trouverions dans une de ses subdivisions la livre romaine proprement dite, qu'il ne faut pas confondre avec la livre dont on se sert aujourd'hui. Or la livre romaine, la livre de 12 onces en un seul poids, ne fait point partie des subdivisions de la pile totale de 50 marcs. Nous observerons de plus que cette pile, pesant 400 onces, répondrait a 33 livres romaines et un tiers. Il faudrait se faire violence pour supposer que Gharlemagne eût donné à la France, pour étalon matrice, un poids avec ses divisions, dont la totalité n'eût pas formé un nombre entier de livres romaines. Enfin nous ajouterons que nous trouvons dans cet étalon une subdivision de 8 onces, connue et fort en usage dans tous les détails de leur commerce. Nous sommes donc fondés à croire seulement que Gharlemagne , qui réunissait les titres de roi de France et d'empereur, a introduit parmi nous, avec ses divisions, la livre romaine de 12 onces; que c'est sur le poids de 2/3 de cette livre, qu'a été adoptée pour la pesée de l'or et de l'argent (auri et argenti) notre livre poids de marc; et que c'est postérieurement à son règne et à cette adoption que la livre française s'est établie sur le pied de deux marcs, pesant ensemble 10 onces. Aussi une des pièces de la pile est-elle de deux marcs, et une autre d'un marc ; aucune n'est de 12 onces.
Tout le monde connaît le profond ouvrage de Budé, qui a pour titre : De asse et partibus ejus. Il observe qu'en Fiance, la livre est de deux espèces : la livre étalonnée ou royale qui est de 16 onces, dont on se sert pour les marchandises qui se vendent avec des balances ; et la moitié de ce poids de 16 onces, dont les monnayeurs et les orfèvres se sont fait une livre qu'ils nomment marc. Les Romains, ajoute-t-il, divisaient là livre en 12 onces, et leur poids de 8 onces (Bes) serait la moitié de notre livre royale ajustée par le dépositaire de l'étalon public à Paris.
Plusieurs auteurs se servent des mêmes expressions en parlant du poids de la livre romaine L'once (uncia), en fait toujours la 12e partie (1). Il est vrai qu'ils sont postérieurs à Budé, et qu'ils ont profité de son ouvrage. Mais ils y ont ajouté des éclaircissements très précieux, qui prouvent qn'ils avaient approfondi cette matière.
On n'ignore pas qu'Auzouta conclu du poids de l'eau, dont il avait rempli le congé du duc de Parme, que la livre romaine pesait treiz onces quarante-trois grains de notre poids. Mais indépendamment des fortes tfBjeçtions qu'on a faites contre son observation, c'est ici le cas de se rappeler la sage réflexion de La Hire : « Il y a toujours beaucoup de difficulté à mesurer la capacité d'Un vase par le moyen des liqueurs, surtout lorsque le vase a son ouverture fort large, comme celui-là » (le congé) (2).
Nous pouvons clonc regarder comme un fait certain que la livre romaine était de douze de nos onces.
A ces différentes preuves, joignons en une nouvelle, qui, quoique indirecte, concourt à fortifier les autres. C'est la livre médicinale, poids de douze onces, dont la médecine de Paris n'ont cessé de faire usage que depuis assez peu de temps, et dont il est vraisemblable qu'on se sert encore dans plusieurs anciennes villes du royaume (3).
Les méprises sur le poids des médicaments peuvent avoir des suites si funestes, que la prudence et l'humanité devaient naturellement porter les médecins à consérver les poids auxquels les apothicaires étaient accoutumés de longue main; et cet article de prudence était d'autant plus important, que dans la plupart des ateliers de pharmacie, les élèves» les femmes, les enfants, les servantes même, pèsent les drogues et composent les remèdes prescrits aux malades. Aussi lorsque Henri II ordonna, en 1557, l'uniformité des poids et des mesures, la livre médicinale fut-elle nommément exceptée. « Et au regard du poids médicinal, qui est de douze onces seulement pour livre, demeurera (pour la diversité d'opinions d'aucuns médecins et
apothicaires, qui, de l'ordonnance desdits commissaires, se sont pour cet effet assemblés) en l'état qu'il est à présent, jusqn'à ce que par nous autrement en ait été ordonné. » Voilà très évidemment le poids dans l'usage duquel il ssraitle plus dangereux de se tromper en plus ou en moins, persévéramment respecté, et défendu contre toute innovation par le corps entier de la médecine. Il porte le nom de livre, et cette livre se divise en douze de nos onces (1). Comment se refuser à reconnaître dans ce poids la livre romaine perpétuée en France, quoiqoe-la livre française fût lixée depuis longtemps kseize onces ou à deux marcs ?
A l'égard de notre marc, qui répond aux 2/3 de cette livre romaine et médicinale, lequel, suivant Budé, peut être regardé comme une livre particulière à la France, JJucange, sur la foi de quelques écrivains, en fait remonter l'usage à Philippe-Auguste (2).
Nous avons aujourd'hui des preuves que le poids formant les 2/3 de la livre de Charlemagne,
en un mot que le marc s'établit parmi nous pour peser l'or et l'argent vers la fin du XIe
siècle, sous le règne de Philippe 1er. Et quoiqu'il soit constant qu'il a existé en France
quatre marcs principaux et différents entre eux (celui de Troyes, celui de Limoges, le marc
de Tours et celui de La Rochelle) (3),'il n'y a pas lieu de douter que le marc royal n'ait
toujours été de huit onces, et tel que nous l'avons aujourd'hui. Nous croyons devoir dire de
plus que jusqu'à ce qu'on ait recouvré des actes antérieurs à ceux du XIe siècle dont nous venons de parler, on peut conjecturer : 1° que la
fabrication de la pile de cinquante marcs qui est à la monnaie, remonte à peu près à cette
époque ; 2° qu'elle ne peut être antérieure que de très peu d'années, puisque cette pile
renferme, dans ses subdivisions, un poids d'un marc, et qu'il paraît que ce poids, comme
faisant la moitié de notre livre, n'était pas en usage avant Philippe 1er.
Mais à quelque époque que nous ayons commencé à faire usage du marc, l'introduction de ce poids distinct, et le nom que nous lui avons donné et conservé, loin de prouver que la pile dont il s'agit a été fabriquée du temps de Charlemagne, prouve au contraire qu'elle n'a pu l'être que dans des temps postérieurs.
Quoiqu'il en soit, l'ancienneté de cet étalon matrice est incontestable. Il est parfaitement conservé ; l'exacte justesse en a été vérifiée en 1765 (4). Nous sommes dans l'habitude de réduire à notre marc de huit onces les poids étrangers que nous cherchons à comparer entre eux ou avec les nôtres. Tout concourt donc à rendre cet étalon très précieux, et nous pensons qu'on ne peut rien
faire de plus sage que de le prendre pour le type de tous les poids au-dessus ou au-dessous au marc, dont l'uniformité sera ordonnée partout le royaume.
Nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet article qu'en mettant sous les yeux des lecteurs la notice de la somme totale, et des subdivisions de la pile que vérifia M. Tillet en 1765. Nous avertirons seulement que le poids total et celui du marc ou de huit onces, sont les seuls qu'on ait originairement ajustés avec scrupule. Les autres divisions s'écartent en plus ou en moins du poids qu'elles devraient avoir, et la différence est quelquefois assez considérable. Plus on a d'occasions de vérifier d'anciens poids ou d'anciennes mesures en longueur, plus on est étonné de l'inexactitude des ouvriers dans la proportion des subdivisions, soit entre elles, soit avec la mesure entière.
POIDS ORIGINAL DE CHARLEMAGNE
qui est déposé à la cour des monnaies de Paris.
La boîte pèse..........20 marcs.
1er poids..................14
2e poids..................8
3e poids..................4"
4e poids..................2
5e poids..................1
6e poids..................» 4 onces.
7e poids..................» 2
8e poids..................» 1
9e poids..................« » 4 gros.
10e poids...............» » 2
11e poids..................» » 1
12e poids..................» » 1
Total....... 50 marcs » »
Le boisseau.
Personne ne doute qu'une mesure,destinée à la vente du blé et de la plupart des autres denrées, n'ait existé de tout temps dans les pays policés. Mais on voudrait savoir si les dimensions de cette mesure particulière ont toujours été les mêmes en France, et si le boisseau, tel qu'il est aujourd'hui, est notre ancien boisseau. C'est sur quoi nous manquons de témoignages suffisants pour satisfaire notre curiosité.
Avant le règne de saint Louis, il y avait à Paris des étalons publics, sur lesquels on ajustait les mesures dont on se servait dans le commerce. C'est ce que nous apprennent les premiers statuts qui ont été rédigés pour les arts et métiers qui s'exerçaient'dans la capitale en 1258 (1). Ceux de mesureurs de blé et de toute autre manière de grains assujettissaient à ne se servir que de mesures seignées du seing du Roi (2). Celui dont la mesure
était altérée par quelque cause que ce fût, était obligé de la rapporter pour être arse (brûlée) et cassée. Ces mêmes statuts parlent narrativement du muid, de la mine, du minot, du sextier.
Qu'il nous soit permis de remarquer que ces noms, qui se sont conservés jusqu'à présent, sont tous des noms de mesures romaines (1).
Longtemps avant le règne de saint Louis, le sel avait un étalon particulier. Cet étalon qu'on nommait mine, était de pierre (2).
L'ordonnance de Henri II, du mois d'octobre 1557, que nous avons déjà citée, et que nous citerons dans plusieurs occasions, porte qu'on se servira « pour la mesure du bled, de la mesure dont on use à présent, selon Vestalon et marque étant à l'hostel de ville, soit de boisseau ou minot, dont les trois font le minot, et les quatre minots le septier, et les douze septiers le muid ; et à semblable mesure se mesureront, pour l'avenir, l'avoine, orge, seigle, farines, poids, febves, navette, chenevix, mil et tous autres légumes, aulx, oignons, pommes, noix, neffles, chastaignes, guelde, chaux, piastre, charbon, et généralement toutes autres denrées et marchandises accoutumées estre vendues à la mesure. »
Ces détails ne nous indiquent rien sur les dimensions du boisseau. Le Père Mersenne dans son traité intitulé : Parisienses mensurœ, devrait nous être plus utile. Le boisseau de Paris, dit-il, est un cylindre de 9 pouces de diamètre sur 8 pouces 5 lignes de hauteur. Ce savant religieux est mort en 1648 ; ainsi il est évident que le pied dont il s'est servi, est celui de là toise de Henri II, dont nous parlerons dans la suite, laquelle n'a été réformée ou changée qu'en 1668. Mais il est vraisemblable qu'il y a dans cette évaluation quelque erreur de copiste ou d'imprimeur. Car il n'est pas possible d'accorder ces dimensions, soit avec celles du boisseau actuel, soit avec celles Su'on aurait prises sur le boisseau du temps de enri II.
Un édit du mois d'octobre 1669, portant règlement pour les mesures à blé et pour les étalonnages, ordonna pour Paris la fonte de nouveaux étalons à la place des anciens qui étaient composés de plusieurs piècesCet édit garde le silence sur les dimensions de ces étalons nouveaux, soit en hauteur, soit en diamètre. Mais le prévôt des marchands et les échevins rendirent le 29 décembre 1670, une sentence pour l'exécution de l'édit de 1669, et cette sentence énonce que le boisseau sera de huit pouces deux lignes et demie de haut, sur dix pouces de large et de diamètre (3).
Tout le monde sentira les principales convenances qui demanderaient que le boisseau fût diminué de la fraction bizarre d'une demi-ligne qu'on a fait entrer dans sa juste hauteur totale ; ces convenances sont :
1° De le concilier en nombre rond, tant avec le pied romain que nous regardons comme son étalon primitif, qu'avec notre toise réformée en 1668;
2° De ne pas présenter à tout le royaume, comme une mesure générale déterminée avec réflexion, un boisseau qui ne s'accorde avec aucun système métrique, et dans la hauteur duquel on a cependant fait entrer des fractions dont la dernière est d'une demi-ligne. La destination du boisseau suffirait pour faire renoncer à ce degré de précision, dont personne ne connaît le motif, et qui vraisemblablement n'en a pas d'autre qu'un assujettissement servile à d'anciens étalons assez négligés, lors de leur formation, pour être composes de plusieurs pièces.
Le boisseau est peut-être de toutes les mesures celle dont l'uniformité intéresse le plus immédiatement l'universalité des habitants du royaume. Cette uniformité serait non-seulement un obstacle à mille fraudes de détail que le peuple éprouve en achetant par petites parties des grains et d'autres comestibles, mais un guide sûr et prompt dans ces circonstances inquiétantes où les achats, d'une extrémité du royaume à l'autre, sont l'unique moyen de mesurer l'approvisionnement des substances sur le besoin.
Cette mesure, comme nous venons de le dire, est un cylindre qui doit avoir 8 pouces 2 lignes et demie de hauteur sur 10 pouces de diamètre. Ces dimensions du demi-boisseau, du quart et du demi-quart de boisseau, du litron et du demi-litron,ont été sans doute déterminées sur le même principe.
Nous n'examinerons point si les proportions de ces subdivisions sont en rapport exact avec les dimensions du boisseau, ni même si ces rapports peuvent être conservés dans la pratique. Mais nous ne pouvons nous empêcher de faire ici plusieurs remarques.
L'emploi presque universel du boisseau est de mesurer les grains, les graines, les fèves, les lentilles, les fruits secs, tels que les châtaignes, les noix, et même le charbon, or, il n'y a aucun de ces objets, qui, sur une hauteur de 10 pouces 2 lignes et demie, rende sensible une demi-ligne, ou même une ligne de plus ou de moins. 11 n'y a que la farine, à l'égard de laquelle une demi-ligne pût être comptée pour quelque chose. Ge serait même porter le scrupule bien loin.
Cette réflexion conduit à penser que le boisseau de Paris n'est point une mesure isolée et indépendante de toute autre. L'homme le plus insouciant ne se fût jamais permis d'en fixer la hauteur à 8 pouces 2 lignes et demie. Ces fractions annoncent donc deux choses : l'existence d'un étalon antérieur sur les proportions duquel celles du boisseau devaient être réglées ; et une attention médiocre dans l'étalonnage d'une mesure consacrée à tant d'objets de peu de valeur, et à l'égard desquels un défaut de précision, même sensible, pouvait être compté pour rien. Peut-être, et nous le présumons, le boisseau originaire a-t-il été construit d'après le pied romain, dont nous parlerons avec quelque détail dans l'article où nous examinerons la juste longueur de l'aune.
Le pied romain répondait certainement à 11 pouces justes de notre pied de roi actuel. En
comparant les dimensions de notre boisseau à cette mesure :
Sa hauteur serait de 8 pouces 11 lignes 5/11 romains.
Son diamètre de 10 pouces 10 lignes10/11 romains.
On voit que ces dimensions se rappfochèiït beàUiibùi) a'uri Hbalbïë déterminé de pouces du pièd romain, puisquë la hâuleui4 de notre boisseau répond à 9 pbubes dë ce pied antique, à Uiie dettii-lignô près, et que le diamètre répond à la loîigUeur du pied romalti moins environ une ligné. Cés différences paraîtraient biëtt peu considérables, si l'on songé que ce ne sont ni les ma-thëmàticiens ni ieis faiseurs d'instruments de mathématique d'aujourd'hui qui ont surveillé la formation ad premier étalon tuatrice du boisseau, et lefc étalonnages successifs et ihhombrables qui ont été faits depuië.
L'étalon primitif est vraisemblablement perdu ; mais on conserve à l'hôtel de ville des étalons matrices, eti cuivre ou en bronze* du boisseau et de toutes ses divisions fabriqués en 1671. Peut-être ne sërait-il pas impossible de retrouver les procèrjverbaux de leur vérification après les fabrications* et ces actes pourraient nous aider à reconnaître la mesure originaire qui servit de guide à l'ouvrier et aux vérificateurs.
Mais ce qui intéresse éminemment le bien général du commerce, c'est d'assujettir aux dimensions précises d'un boisseau quelconque la multitude ét la diversité à peine croyable des boisseaux dont on se sert en France. Non-seulement la aisproportion entre des mesures qui portent toutes cette dénomination est quelquefois énorme; mais de plus elle varie d'un lieu à un autre» et souvent dans le même lieu. Partout ou presque partout, on vend et en achète, tantôt au boisseau «-as, tantôt au boisseau comble. Le boisseau n'est pas la même mesure pour le froment, le seigle* le méteil, l'avoine, le sol et autres denrées, G'est une source intarissable de pièges et de méprises.
Il nous paraît donc très-important de ramener le boisseau de Paris à des dimensions auxquelles les boissëlierB de la capitale et des provinces puissent aisément se conformera
Sans l'extrême conséquence de s'occuper principalement du commerce des grains, dans cette opération^ nous proposerions d'établir le boisseau tel que nous supposons qu'il était originairement, c'est-à-dire ayant neuf pouces de hauteur du pied romain, et la longueur de ce même pied pottr diamètre; Mais nous croyons plus prudent, et par conséquent plus sage de se borner à substituer la ligne entière» à la demi-ligne qu'on a fait entrer dans la fixation de sa hauteur actuelle, Avec ce léger changement, absolument imperceptible dans les résultats pratiques» le boisseau dê France sera un Cylindre de 8 pouces 3 lignes de hauteur, sur 10 pouces de diametre.
Ce n'est pas sans motifs que nous croyons qu'on doit s'en tenir aux dimensions dë notre boisseau, quoiqu'elles dérangent en apparehce la filiation qu'il nous paraît utile de conserver entre les mesures romaines et les nôtres:
Le boisseau relativement au blé est une mesure de détail. Dans le commerce un peu en grand de cette denrée, il n'est que l'élément d'un multiple auquel nous avons donné le nom de setter. C'est le setier qui sert de guide* tant aux propriétaires et au! fermiers vendeurs, qu'aux commerçants
et aux marchands dont les magasins pourvoient par la circulation à la subsistance générale.
L'évaluation du poids moyen du setier de Pàris est de 240 livres de 16 onçes.
L'évaluation en denier de notre livre monnaie est 240 deniers* ,
Il en résulte que la livre pesant de.blé vaut Ou coûte autant de- deniers que lé setiér coûté de livres monnaies i k
Le setieh de blé, vendu 24 livres ou 24 francs, établit le prix de la livre pesant de blé à 24 deniers. Ici les fractions n'ont rien d'embarrassant; le prix du setier s'élevant à 27 liv. 10 s. là livre pesant de blé coûte 27 deniers 1/2..
Qu'on joigne à cette formule si simple les résultats tout calculés de deux excellents pUvràges, l'un de M. Tillet, l'autre de M Parmentier.et tous les officiers de police du royaume n'auront aUcun examen, aucun travail à faire pour savoir, dans toutes les circonstances possibles, le vrai prix que doivent être Ve.ndus la farine et le pain (1).
il nous paraît donc d'une utilité générale de ne faire dans le boisseau aucun Changement qui dérange la proportion entre lés 240 livres, poids du setier, et les 240 deniers qui composent notre livre monnaie* Cette proportion éclaire sur le champ» sans calcul, sans combinaison compliquée, et les genres les plus bornés,et le calculateur le plus exercé. Ils peuvent voir tous, et du premier coup d'oeil, le prix qu on veut leur vendre la denrée» et le prix qu'ils croient devoir én offrir. Et combien n'est-il pas à souhaiter que l'uniformité d'une mesure qui peut avertir si sûrement et si promptement de la différence de valeur du blé dans toutes les parties du royaume, devienne promptement la mesure de tous les Français 1 La dépense des plus , grands approvisionnements pourrait alors se mesurer éur la même échelle ; par conséquent on pourrait toujours et sans méprise tirer les seçours des lieux qui pourraient à ta fois les procurer et en moids de temps et à meilleur marché.
Nous croyons donc qu'il importe beaucoup que le boisseau de Paris reste tel qu'il est, ét que ce serait n'y rien changer que d'augmenter sa haU-teur d'une demi-Ugne, puisque le poids de 24'0 livres du setier n'est qu'une moyenne proportionnelle entre les différentes pesanteurs du blé.
Quoique les autres denrées,qui se vendent au boisseau, ne se prêtent pas au rapport que nous venons d'observer entre la livre pesant , et la livre monnaie, n.oUs croyons qu'il, convient d'ordonner que toutes les denrées et toutes les marchandises, qui se vendent au boisseau, n'auront point d'autre mesure que îe boisseau de Paris. Ceux qui achètent au liientt détail des denrées de toute espèce, y trouveront l'avantagé d'être à 1 abri des surprises que lëur font Continuellement des revendeurs avides.
La Pinte.
Le hiot pinte n'ayant aucun rapport avec les noms dont së servaient les Grecs et les Romains pour désigner les mesurés des liquides, il est
plus que difficile d'assigner son origine. Quelques I étymologistes ont prétendu qu'il venait du celtique, du grec, de l'allemand, mais leurs conjectures annoncent des efforts, et n'apportent aucune lumière. Ce que nous croyons pouvoir dire I de certain, c'est que le mot pinte (mensura liqui- I dorum) n'est par fort ancien dans notre langue, et que, dans la basse latinité, le mot pinta, pris dans la même acception, est d'une date plus récente encore.
Dans la collection des statuts rédigés en 1258 I par Etienne Boyleaux que nous avons déjà citée, I on voit que les taverniers avaient des mesures légales (1). Ils étaient obligés au chantelenage, c'est-à-dire à l'étalonnage de celles dont ils se servaient. Mais on n'y trouve ni le nom, ni la capacité de ces mesures.
Les statuts des huiliers sont un peu plus instructifs. lis portent que c la somme d'huile doit tenir 28 quartes, la demi-somme 14 quartes, le quart de la somme 7 quartes. Et est la quarte de quoi on mesure l'huile plus fort et plus grand que celle dont l'on mesure le vin, largement le ! tiers. C'est à savoir que la quarte de l'huile tient bien une quarte et demi-quarte de celle de vin. »
Ou voit par là que la mesure du vin ne portait point alors le nom de pinte, mais celui de quarte.
Cent ans après, nous trouvons le nom de pinte donné à la mesure du vin ; mais sans aucune instruction sur sa capacité. « Les Taverniers ne pourront vendre tout ie meilleur vermeil cru au royaume que dix deniers la pinte.... La mesure Saint-Denis est justement la tierce, partie plus grande que de Paris (2) ».
A l'égard du mot pinta, nous croyons que les statuts du collège de Saint Bernard de Paris,rédigés en 1493, sont le plus ancien titre où il soit employé (3),
L'ordonnance de Henri 11, du mois d'octobre 1557, parle de la pinte, de la chopinc, du demi-setier ; mais elle garde le silence sur la capacité de ces mesures. Elle nous apprend seulement qu'elles doivent être étalonnées à la mesure royale étant à l'hôtel de ville de Paris (4). Si ces anciens étalons existent encore, l'examen qu'on en ferait, pourrait être de quelque utilité. Mais il nous parait plus sûr de nous arrêter à des déterminations plus modernes, et par conséquent plus exactes.
L'opinion la plus générale est que la pinte rase contient environ deux livres d'eau,-moins 7 gros, et que trente-six de ces pintes répondent à un pied cube* La pinte comble pèse à peu près deux livres d'eau, et, pour répondre à un pied cube, il n'en faut que trente-cinq.
Indépendamment des mots a peu près, il est évident que ces deux manières de désigner la capacité de la pinte manquent de précision. La pinte rase est presque nécessairement au dessous de la vraie mesure. Celle qu'on nomme comble peut l'être plus ou moins, parce que le comble est
plus ou moins considérable, et que d'ailleurs il augmente ou diminue dans sa différence même, selon que l'orifice du vase est plus large ou plus étroit* ...
Nous pouvons ajouter que l'eau froide ou tiède, l'eau commune ou filtrée de différentes rivières* l'eau de source ou de fontaine n'ont pas le même volume à poids égal, quoiqu'à la vérité les différences soient très peu considérables.
La Hire,ayant rempli d'eau de rivière un étalon de bronze qui est à l'hôtel de ville, trouva qu'elle pesait une livre 14 onces 3 gros 2 grains (1). Il ne nous dit point, si c'était celui qui existait avant Henri II, ou s'il a fait son expérience sur un étalon fabriqué depuis.
Quoi qu'il en soit, il s'est certainement glissé dans cette observation quelque erreur dont nous ignorons la cause. Nous avons aujourd'hui deux garants que notre pinte usuelle rase,remplie d'eau, pèse à très-peu de chose près 31 onces et un gros, et que le volume de cette quantité d'eau répond à 48 de nos pouces cubes. Nous croyons cependant devoir avertir que,pour pouvoir indiquer 48 pouces justes, on n'a pas tenu compte d'une fraction de I beaucoup trop petite pour n'être pas absolument négligée. Ces garants sont M. d'Onzenbray, dont l'exactitude est connue (2), et M. Tillet, inventeur d'une machine qui donne avec la dernière précision ie poids et lé volume de liquide que contient un vase quelconque (3).
On peut donc compter que la capacité de la pinte rase de Paris est de 48 pouces cubes, et qu'elle contient 31 onces et un gros d'eau de la Seine. 1 Nous ne voyons aucune raison pour toucher à [ cette mesure en elle-même, et nous pensons qu'il suffit de défendre toute mesure Gomblei et de n'autoriser que la pinte rase.
Peut-être cependant serait-il à désirer qu'on pût diminuer l'orifice de la pinte dans les étalons matrices et dans ceux qu'on enverra en province. Il ne doit pas être trop étroit, parce qu'il est indispensable de nettoyer l'intérieur de ces vases. Mais il nous paraît qu'on pourvoirait à tout en ordonnant que la forme de cette mesure fût absolument cylindrique*
Au reste nous ne pouvons que désirer la vérification de la conjecture de plusieurs savants* et de La Hire en particulier, sur la conformité originaire de toutes nos mesures avec celles des romains: «J'ajouterai encore,dit-il à ce sujet, une remarque que j'ai faite sur le mot demi-sex-tier. Il n'a aucun rapport à notre pinte, puisque la chopine serait le sextier, qui n'est point la 6* partie de nos mesures. Mais le sextier des Romains était la 6è partie de leur congé, qui était la 8*partie de leur pied ciibique ; et leur detni-sextier, qu'ils appelaient aussi hémine, se trouvé presque égal à notre demi-sextier (4)*
Si l'on parvenait à s'assurer de cette conformité, à quelques légères différences près qu'entraînent toujours la maladresse des ouvriers et l'usage continuel des mesures, nous aurions un grand moyen de perpétuer la connaissance suffisamment exacte des mesures françaises, puisqu'elles pourraient être comparées partout aux innombrables monuments des Romains, en édifices, en poids, en vases, en monnaies, en médailles.
La Toise.
Nous ignorons à quelle époque remonte l'usage de la toise. Cette mesure est ancienne parmi nous. Ducange et les savants Bénédictins, à qui nous devons la dernière édition de son Glossaire et quatre volumes de supplément, ont trouvé des litres du XIIe siècle qui en font mention (1). Aucun de ces titres ne porte que cette mesure eut six pieds en longueur. C'est donc une conjecture de la part de ces savants, et ce n'est rien de plus, que ces mots tesa, mensura sex pedum. Mais nous avons la certitude qu'avant le commencement du XVe siècle, la toise était de six pieds au pied-le-Roi, c'est ainsi que l'indique un arrêt de la Chambre des comptes rendu le 3 février 1403, à l'occasion d'une tour de la ville qui fut arrentée aux Blanc-Manteaux (2).
On retrouve la même expression des partitions de la toise dans l'ordonnance de Henri II du mois d'octobre 1557, et au regard de la toise, demeurera à raison de six pieds par toise, et douze pouces par pied (3).
Quelle était la longueur du pied le roi dans ces temps reculés ? Nous n'en avons aucune connaissance directe. Mais nous savons, à n'en point douter, qu'elle était différente de notre pied de roi actuel. Nous croyons de plus être en état de reconnaître sa juste longueur par des moyens indirects ; et ces moyens nous conduisent à penser que le pied romain, lequel répond à onze pouces du notre, était l'ancien pied de France. Nous sommes persuadés que ce pied antique a été l'élément sur lequel on a formé la toise. Nous savons que nous ne pouvons plus le justifier que d'après des probabilités : elles nous paraissent très imposantes ; cependant nous ne les donnerons pas pour des preuves (4).
Les mesures se sont réglées pendant longtemps àParis sur un étalon légal de la toi3e appliquée dans la cour du Châtelet, contre un des piliers du
bâtiment. Cette toise, dit la Hire, par le haut, èst toute faussée par le défaut du pilier qui a ployé dans cet endroit (1).
Un nouvel étalon fut placé en 1668, à l'entrée et sous le grand escalier du Châtelet ; il y existe encore.On fit dans lemême temps la réformation du pied des maçons, qui était plus grand d'une ligne environ que le pied du nouvel étalon. La Hire ajoute : « J'ai entre les mains un très-ancien instrument de mathématique, qui avait été fait par un de nos plus habiles ouvriers, avec un très grand soin, où le pied est marqué, et qui a servi à faire le rétablissement de la toise du Châtelet suivant ce j'en ai appris de nos anciens mathématiciens. »
La Hire ne nous dit point si le pied du nouvel étalon et celui de l'ancien instrument de mathématique étaient conformes.il nous dit que le pied des maçons fut réformé, mais il ne nous dit point que l'ancienne toise du Châtelet fut réformée-, il dit simplement qu'elle fut rétablie,parce que l'ancien étalon était tout faussé par le haut.
Si les expressions de ce savant académicien doivent être prises dans leur sens propre, nous devons regarder comme des faits que l'ancienne longueur de la toise ne fut point changée, qu'on se borna à rétablir l'ancien étalon ; qu'un ancien instrument fait avec très grand soin, sur lequel lepiedétait marqué,servit à ce rétablissement,qu'il n'y eut de réformé que le pied des maçons, parce qu'il se trouva d'une ligne environ plus long que celui du nouvel étalon, et par conséquent que celui de l'instrument de mathémathique. Il faudrait en conclure que l'étalon de la toise de Henri II,qui s'était faussé,et celui de Louis XIV, étaient de même longueur. C'est ce que d'autres faits que nous rapprocherons dans l'article de l'aune ne nous permettent pas de supposer.
D'un autre côté ce que ait La Hire de la réformation du pied des maçons ne paraît être que la répétition de ce qu'avait écrit l'abbé Picard avec son laconisme ordinaire, dont La Condamine se plaint avec raison. L'abbé Picard avait dit Parisiis, anno 1668, facta est reformatio pedis La-tomorum quorum sexpeda veram excedeoat lineis quinque (2). Ici l'excès de la toise des maçons est affirmativement fixé a cinq lignes. La Hire dit que leur pied était plus grand d'une ligne environ, que celui de l'étalon rétabli en 1668. Cette différence dans l'expression quoique légère, se joignant à l'incertitude sur la pièce de comparaison qui a servi à la réformation du pied des maçons, nous fait regretter que cette singularité n'ait pas été rapportée avec plus de détail et de précision.
Ecoutons La Condamine sur le même fait. « On sait par tradition,dit-il,que pour donner au nouvel étalon (de la toise) la véritable longueur qu'il devait avoir, on se servit de la mesure de la largeur de l'arcade,ou porte intérieure du grand pavillon qui sert d'entrée au vieux Louvre du côté de la rue Fromenteau. Cette ouverture^ suivant le plan, devait avoir douze pieds de largeur. On en prit la moitié pour fixer la longueur de la nouvelle toise, qui se trouva plus courte de cinq lignes que l'ancienne (3).
Cette tradition, si elle est bien établie, ne pourrait qu'augmenter encore l'étonnement que cause un rétablisement ou une réformation de cette con-
séquence enveloppé de tant de ténèbres dans son éxécution. La Condamine suppose qu'on prit pour modèle une largeur qui avait été certainement déterminée d'après la toise de Henri II, et vrai-sembablement avec la toise usuelle des architectes du temps (sexpeda Latomorum). 11 devait donc en résulter que la longueur de la nouvelle toise serait semblable à l'ancienne. D'un autre côté il suppose que la nouvelle toise ajustée sur cette base se trouva plus courte de cinq lignes. Nous avouons que La Hire et La Condamine nous paraissent inconciliables sur ce point de fait.
Tout le monde est en droit de faire ces deux questions : l'ancien étalon matrice étant faussé, ne régla-t-on pas l'étalon nouveau sur les toises et les pieds dont on se servait généralement alors0 Quel fut réellement le modèle qu'on crut devoir préférer pour ajuster la toise nouvelle, et par quels motifs se détermina-t-on à le préférer ? Faute de nous avoir transmis ces détails, ne pou-vous-nous pas regarder comme arbitraire la longueur de la toise de 1668, puisque nous ne connaissons ancun type auquel nous puissions la comparer?
Nous comptons faire voir à l'article de l'Aunetque lalongueurdel'anciennetoiseet lalongueurdecelle de 1668 n'étaient pas égales,et que la différence entre elles n'était pas dé cinq lignes.L'étalon même de l'aune,, fabriqué sous le règne de Henri II, et l'ordonnance de ce prince, de 1557, seront les garants de notre opinion. Cet étalon devient bien précieux dans laquestion dont il s'agit, puisqu'il est impossible aujourd'hui de comparer la toise ancienne, faussée avant 1668, avec le nouvel étalon, qui est lui-même altéré, faussé et que sa longueur a changé (1).
Heureusement notre toise, quoique établie sur une base inconnue, a pris un degré d'authenticité et de publicité qui ne laisse rien à désirer. De quelque manière qu'on s'y soit pris en 1668, pour en déterminer la longueur, on doit regarder aujourd'hui comme l'étalon duquel il n'est plus possible de s'écarter, non pas celui qu'on voit à l'entrée et sur le grand escalier du Châtelet, puisqu'il est devenu défectueux depuis 1735, mais la toise de l'Adadémie des sciences. C'est en 1735, qu'elle a été ajustée sur l'étalon du Châtelet. Elle l'a été avec toute l'attention, tout le soin, tout le scrupule que demandaient les grandes opérations géodésiques que le feu roi fit faire alors sous l'équateur et sous le cercle polaire. Les quatre toises qui ont servi à mesurer les longueurs des degrés au Pérou, en Laponie, en France et au cap de Bonne-Espérance, sont au dépôt de l'Académie. On peut affirmer que trois de ces toises sont identiquement les mêmes que celle dont on s'est servi sous l'Equateur; la quatrième qui est celle du Nord, quoique mouillée de.l'eau de la mer dans un naufrage, n'en diffère que d'un 20e, ou d'un 30e de lignes. Ce sont ces mêmes toises d'après lesquelles ont été déterminées les longueurs du pendule à secondes, sur plusieurs points principaux du globe, et notamment à Saint-Domingue, a Porto-Bello, à Panama, à Quito, à Cayenne, à Torneo, et au Cap de Bonne-Espérance. G'est à des travaux qui font tant d'honneur à notre siècle et à la France en particulier, à des travaux qui intéressent l'astronomie, la géographie, la navigation, que nous devons l'empressement des
savants étrangers, et même de plusieurs souverains, à se procurer des toises rigoureusement ajustées sur celles de l'Académie ; et c'est à cet étalon que M. Masklyne a rapporté la mesure du degré faite dans l'Amérique anglaise (1). Voilà donc, nous ne pouvons trop le répéter, voilà le véritable étalon fondamental dont il ne nous est plus permis de nous écarter.
On s'en est servi pour ajuster avec précision les toises, dont la déclaration du 16 mai 1766 a ordonné Je dépôt au Châtelet et dan3 29 de nos principales villes. On a même été plus loin, puisqu'on en a envoyé 80 qui ont été déposées dans d'autres villes et dans les priucipaux bailliages (2). On chercherait vainement ailleurs un modèle aussi parfait pour procurer des étalons dans les lieux où cette mesure n'a pas été envoyée. Ces copies authentiques seront, dans toute la France, des témoins et des garants de l'exactitude des académiciens français à qui toutes les nations policées doivent deux services importants: la mesure des degrés de la terre, et la longueur du pendule sous l'équateur et sous divers parallèles.
L'aune.
Cet instrument (Ulna) n'a pas toujours été employé à la seule mesure des étoffes et des marchandises qui se vendent à la longueur. On donnait autrefois le même nom à une espèce de toise ou de perche qui servait à mesurer les terres.
La mesure, qu'on nomme aune de Paris, n'est point uniforme; sa longueur est tantôt de 3. pieds 7 pouces 8 lignes, tantôt de 3 pieds 8 pouces. Il y a donc deux aunes de Paris ; l'une plus longue que l'autre de 4 lignes, et ce qui rend cette singularité plus remarquable, c'est que chacune de ces aunes est appuyée d'un titre qui leur donne les mêmes apparences d'une mesure légale.
L'ordonnance de Henri II du mois d'octobre 1557, porte que l'aune, dont on a accoutume d'user à Paris, contient 3 pieds et demi de Roi, 1 pouce 8 lignes, revenant chaque pied à 12 pouces et chaque pouce à 12 lignes (3 pieds 7 pouces 8 lignes.) #
Une instruction donnée le 24 septembre 1714 aux inspecteurs de manufactures étrangères établis à Calais et Saint-Valery, porte que les étoffes doivent être mesurées à l'aune de France, qui est de 3 pieds 7 pouces et 8 lignes de long (3).
Ces deux indications de la longueur de l'aune paraissent uniformes, et cependant ne le sont pas. La différence vient de ce que la toise de Henri II et celle de Louis XIV ne sont pas de la même longueur. C'est ce qu'il devient indispensable d'éclaircir.
L'ancien étalon de l'aune de Paris existe dans le bureau des marchands merciers. Il porte la date de l'année de sa fabrication (1554). Il n'y a paa
lieu de douter que ce ne soit l'étalon dont on avait accoutume d'user, suivant l'expression de l'ordonnance de 1557, et qu'il n'ait 3 pieds 7 pouces 8 lignes de la toise de Henri II. Or, cet étalon (à une très légère fraction près) est de 3 pieds 8 pouces de la toise de Louis XIV, rétablie ou réformée en 1668 (1), Il y avait donc une différence sensible entre l'ancienne et la nouvelle toise (2).
L'étalon de 1554, conservé au bureau des merciers, est le seul monument authentique que nous connaissions à Paris, d'après lequel nous puissions déterminer, à très peu près, le rapport entre l'ancienne toise et la nouvelle.
Nous avons observé ci-devant que la toise d'Henri II était faussée. Nous devons dire ici, d'après Hellot, que L'étalon de 1554 est grossier, mal construit et mal divisé. Nous croyons devoir ajouter que nous n'en avops pas la longueur ab-
solument rigoureuse, puisque plusieurs académiciens, qui l'ont mesuré, ne s'accordent pas entièrement entre eux ; enfin que la longueur très-précise de la toise de Louis XVI, ne peut être connue qu'en supposant que les toises de l'Académie la représentant scrupuleusement.
A travers ces incertitudes, tout ce que nous pouvons dire pour comparer l'ancienne et la nouvelle toise, c'est que l'étalon de l'aune répondant à 3 pieds 7 pouces 8 lignes de celle de Henri II, et à 3 pieds 8 pouces de celle de Louis XIV, à très peu de chose près, la toise ancienne devait être de 6 pieds 0 pouces 6 lignes 78/131de notre pied-de-Roi. Si nous étions plus sûrs de l'exactitude des éléments sur lesquels cette évaluation est fondée, nous dirions qu'il est évident que la toise de Henri II était plus longue que celle de Louis XIV, non pas de 5 lignes, mais d'un peu plus de 6 lignes et demie.
Après avoir considéré l'ancien étalon de notre aune dans ses rapports avec nos toises, il ne sera pas inutile de le considérer sous un rapport plus gépéral. Par exemple, si cet étalon répondait à un nombre précis de pieds romains : que la différence fût infiniment petite, et telle qu'il serait étonnant qu'elle ne fût pas plus grande par l'accumulation inévitable d'erreurs dans la fabrication d'étalons copiés les uns sur les autres, pendant la succession de tant de siècles, l'aune de Paris deviendrait un élément principal et bien précieux pour asseoir tout le système de nos mesures. Sous ce point de vue, il nous paraît indispensable de rassembler ici les notions dispersées sur lalongueurdu pied romain, et quelques observations dont nous avons lieu de croire qu'on n'a pas encore fait usage.
C'est déjà un préjugé que la réunion des savants qui se sont occupés de cet objet, dans l'opinion que l'aune de Paris répond à 4 pieds romains. Si aucun d'eux ne s'est déterminé d'après des mesures et des calculs d'une rigueur absolue, l'approximation est si grande, qu'en l'appréciant sur le degré d'exactitude qu'on peut imaginer dans l'ouvrier qui a fabriqué l'étalon de 1554, il n'y aurait eu de sa part qu'un quart de ligne d'erreur par pied, sur 4 pieds romains. En rejetant sur l'ouvrier une si petite erreur, le résultat serait que le pied romain avait juste 11 de nos pouces (1).
L'abbé Picard, dans son Mémoire de Mensuris, dit expressément que l'aune de Paris ou des Merciers est égale à 4 pieds romains ; mais il n'entre dans aucun détail (2),
Auzout rend compte des motifs sur lesquels il s'est porté à affirmer ie même fait. Il compara, avec le pied du Châtelet, diverses mesures des anciens et des mesures étrangères modernes. Le pied dont il se servit, était, dit-il, celui qui fut réduit en 1668, conformément à la toise du Châtelet. Ces mots, qui fut réduit, indiquent clairement le pied-de-Roi dont on fit usage dès la même année, après avoir diminué ou réduit celui des architectes et des maçons qui se trouva plus long d'environ une ligne que le pied du nouvel étalon de la toise. Auzout ajoute :
Le pied romain antique de Belyédère est de 10 pouces 11 lignes 1/10. Celui de la vigne Mattéi est de 10 pouces 11 lignes 1/2.
Voilà deux longueurs qui diffèrent entre elles de près d'une demi-digne, et toutes deux sont un peu au-dessous de 11 pouces de notre pied du Cnâ-telet. Cependant le même académicien fait immédiatement l'observation que par toutes ces parties (des deux pieds romains antiques qu'il avait mesurés), on peut prendre Vaune de Paris pour 4 pieds romains. Quoique cet aperçu ne nous donne ni la vraie longueur du pied romain ni celle de l'étalon fabriqué en 1554, il n!est pas à négliger (1).
Gassini a conclu, de mesures itinéraires rapprochées avec beaucoup de soin, la proportion du pied romain au nôtre, « Le pied de Paris de 12 pouces, dit-il, est égal à un pied ancien, et 1 pouce et 1/23de pouce du pied ancien. Et le pied ancien sera égal à 11 pouces 1/23» du pied de Paris.»
Cette détermination s'éloigne sensiblement de celle d'Auzout, et se rapproche infiniment de la longueur du pied romain que nous croyons être de 11 de nos pouces (2).
Enfin La Hire a pris une route qui nous paraît plus sûre, en multipliant les pièces de comparaison qui devaient le conduire au résultat qu'il cherchait. Il a mesuré le pied antique romain qui est en bas-relief sur deux sépultures de marbre de deux architectes ou arpenteurs. Quoiqu'ils soient fait grossièrement (ce sont les termes de cet académicien) l'un a encore 10 pouces 11 li- gnes et 1/2 de notre mesure, et l'autre 10 pouces 11 lignes 1/10 (3). « On pourrait juger, ajoute-t-il, qu'ils étaient d'abord de 11 pouces, car un quart
de ligne de chaque côté est peu de chose pour un sculpteur en marbre.
Cette conséquence est d'autant plus remarquable qu'elle affaiblit celle qu'on serait porté à tirer des mesures prises par Auzout, et qu'elle fortifie l'évaluation du pied romain par Cassini, laquelle doit évidemment être prise pour 11 pouces justes de notre pied-de-Roi.
Mais La Hire ne sen tînt pas là. Il voulut voir s'il pourrait tirer de la mesure de bâtiments antiques des connaissances plus sûres de la longueur du pied-romain (1). Il commença par le Panthéon, comme un des plus entiers et des plus beaux monuments de Rome.
La longueur du portique de ce temple est juste de 110 pieds romains, en supposant le pied de onze pouces.
Le temple rond de Bacchusa75 pieds romains; et la largeur des côtés entre la face extérieure du mur et les colonnes, se trouve avec précision de 25 pieds, formant le tiers de tout le diamètre, toujours en supposant le pied romain de 11 pouces du pied-d e-Roi.
Le temple de Faune, qui est aussi de forme circulaire, a son diamètre exactement de 216 pieds de 11 pouces chacun.
En mesurant le diamètre des colonnes et les ouvertures des portes, cet académicien trouva que le pied romain devait être en proportion de notre pied-de-Roi.
Pe 10 pouces 11 lig. 3/4
11 pouces 1/10lu de ligne
10 pouces 11 lig.5/8
et d'après la longueur connue du palme des anciens, de 11 pouces justes (2).
Toutes ces longueurs de détail, à l'exception de la seconde, sont plus fortes que celles qu'avait prises Auzout sur les deux pieds romains sculptés; et la dernière est rigoureusement de U de nos pouces juste, longueur que nous regardons, et que La Hire aussi regardait comme la seule vraie.
Au reste, nous ne devons rien dissimuler sur une question que nous regardons comme la clef de tout notre système métrique.
Ciaconius a placé à la marge de la page 189 de ses opuscules, deux lignes ou réglets disposés parallèlement, entre lesquelles on lit ces mots : Pedis Ro. mensuram hœ duœ lineœ, simul jùnctœ, constituunt (3).
Ces deux réglets ne sont pas exactement de la même longueur. On les a mesurés le plus attentivement qu'il a été possible avec un pied-de-Roi en cuivre qui porte le nom de Langlois, excellent artiste en instruments de mathématiques. La somme des deux longueurs réunies est 10 pouces U lignes et demie du pied-de-Roi.
Ces longueurs, indiquées par des lignes imprimées sur du papier, manquent nécessairement de précision. Cependant il est remarquable que celle du pied romain de Ciaconius s'accorde avec
celle d'un des pieds romains mesurés par Auzout, qu'elle se rapproche beaucoup des longueurs de ce pied antique, mesurées par d'autres savants ; et que toutes ces mesures différent peu des 11 Souces justes de notrepied-de-Roi, établis par La ire, d'après les grandes dimensions d'éditices publics qui existent à Rome.
Nous avons la même observation à faire sur les longueurs qu'on a imprimées ou gravées sur du papier, pour nous faire connaître celle du pied romain. Le pied-de-Roi qu'a fait graver Perrault, mesuré scrupuleusement sur l'exemplaire dont nous nous sommes servis, est plus court d'une demi-ligne, qu'uti pied fait avec très grand soin par le célèbre Langlois. C'en est assez pour ne pas nous permettre de compter sur le pied romamquenous voyons sur la même planche, lequel n'a que 10 pouces 10 lignes de notre pied. 11 dit, à la vérité, dans une note, que « le pied romain, que nous appelons l'antique romain, est plus petit que notre pied-de-Roi de 13 lignes 2/5». Mais il paraît qu'il ne comptait pas lui- même sur l'exactitude de cette proportion avec notre pied ; car s'étant réglé sur le pied qui est à Rome au Capitole, il avertit qu'il y a d'autres pieds antiques qui sont plus grands (1).
M. de Romé de Lisle donne à peu près la même longueur à ce pied antique. Il l'a lixéà 10 pouces 10 lignes 60/100 et il ajoute vraie mesure du pied romain (2). A l'appui de cette détermination qui ne s'accorde avec aucune de celles que nous fournissent les savants qui l'ont précédé, il cite un pied romain en cuivre qui est dans le cabinet de M. l'abbé de Tersan.
Nous l'avons examiné et mesuré avec beaucoup d'attention. Ce n'est pas sans regret que nous affirmons que ce pied romain est si mal conservé, ou, pour mieux dire, en si mauvais état, qu'il est, non pas difficile, mais impossible de reconnaître sa vraie longueur originaire. Fréret avait averti dès 1723, qu'on ne doit pas se fier aux pieds de fer et de bronze que l'on garde dans quelques cabinets (3).
Nous n'avons que trop de raisons pour ne pas nous lier à l'exaçtitude des mesures prises sur de petites parties en cuivre ou en marbre. Elles peuvent avoir manqué de justesse lors de leur fabrication. Elles ont subi les altérations qu'amènent nécessairement une longue suite de siècles. Elles ne s'accordent point entre elles. Le pied-de-Roi,auquel on les compare, peut n'être pas exact. Les pieds dont se sont servis différents savants pouvaient n'avoir pas la même longueur absolue (4). Nous sommes d'autant plus
en droit de le soupçonner, que nous possédons plusieurs pieds-de-Roi de la main des meilleurs artistes français qui ne s'accordent pas parfaitement entre eux.
Mais recourons à des témoins d'un autre genre. Nous espérons qu'ils affaibliront, nous oserions presque dire qu'ils dissiperont entièrement les nuages qui pourraient rester sur ce point de fait.
Les Romains n'ont eu pendant très longtemps aucune notion suffisante de l'astronomie. C'est des Grecs qu'ils empruntèrent, jusqu'au temps même de Pline, le peu d'idées qu'ils avaient sur la théorie et la pratique d'une science si belle et si utile (1). Ainsi, en supposant, comme il y a tout lieu de le croire, que les mesures romaines ont eu pour base une partie aliqruote de la circonférence d'un grand cercle de la terre, c'est dans les mesures grecques qu'il faut chercher celte partie aliquote.
L'école d'Alexandrie a fait usage ponr la mesure de la terre de deux stades principaux : l'un de 700 au degré, qui est celui d'Eratosthènes ; l'autre de 500, qui est celui de Possidonius. Le stade de 500 au degré a été généralement adopté depuis, comme le prouve la graduation des cartes de Marin de Tyr, qui vivait sous Trajan, et de celles de Ptolémée, qui vivait environ 40 ans après Marin de Tyr.
Lorsque Jules-César conçut le projet de réformer le calendrier, il attira à Rome Sosigènes, formé à l'école d'Alexandrie, et par conséquent disciple de Possidonius. On ne peut guère douter que les mesures romaines, appuyées sur une base astronomique, n'aient été lixées à l'époque delà réformation du Calendrier, et d'après le principe de Sosigènes appelé pour cette grande opération. Pline nous assure qu'un stade répondait â 125
pas romains, c'est-à-dire à 625 pieds romains. Ainsi, en partant du stade de 500 au degré du grand cercle, le degré était de 312,500 pieds romains (1).
Le résultat des opérations modernes fixe la longueur du degré à 57,060 toises, et par conséquent à 342,360 pieds-de-roi
En comparant l'évaluation de l'ancienne et delà nouvelle mesure d'un degré du grand cercle l'une en pieds romains, l'autre en pieds-de-roi, nous trouvons que le pied romain était de 10 pouces 20 —jde notre pied actuel.
Ce rapport presque rigoureux entre ces mesures nous paraît mériter l'attention ; et s'il n'est pas une preuve, il est du moins une probabilité de la plus grande force, que Je pied romain était de 11 de nos pouces.
Les diverses causes qui ont dû influer surl'ex-trêmement petite différence entre le résultat que donne le calcul etlâ longueur rigoureuse de 11 de nos pouces pour le pied romain, se présenteront en foule à tout le monde.
Des mesures subsistantes parmi nous, et qui remontent à des temps très reculés, vont nous donner le même résultat.
Notre arpent se subdivise en perches, comme notre toise se subdivise en vieds. Nous avons un étalon de la toise, et cest habituellement notre base de comparaison pour prendre une idée juste de toute autre longueur. Mais nous n'avons point d'étalon de la perche, et nous n'en avons jamais eu. Cette longueur est le multiple d'une autre; il faut donc la considérer en général et comme indépendante des mesures actuelles auxquelles on voudrait aujourd'hui la rapporter. Cependant, pour nous faire entendre. prenons pour mesure de comparaison notre pied-de-roi.
L'article 14 du titre de la police et conservation des eaux et forêts, de l'ordonnance du mois d'août 1669, embrasse sans exception les bois et forêts de tout le royaume. Il fixe Varpent à 100 perches, la perche à 22 pieds, le pied à 12 pouces, le pouce à 12 lignes.
Cette ordonnance est postérieure au rétablissement, ou à la réformation de la toise en 1668. Elle n'annonce ni une mesure nouvelle, ni une mesure rétablie ou réformée. C'est évidemment une ancienne mesure conservée telle qu'elle a toujours été, et rendue générale pour toute la France, afin que la diversité des arpents et des perches dans les provinces ne pût altérer l'uniformité des arpentages des bois et forêts.
La désignation d'un terrain d'une certaine étendue, par le mot arpent, est aussi fort ancienne parmi nous. Columelle, qui vivait au commencement du premier siècle de notre ère, en parle comme de la mesure usitée dans les Gaules (2).
Du Cange, au mot arapennis, fixe l'arpent de de Paris en particulier à 100 perches, et la perche à 22 pieds (t ).
Cette application de notre pied à la longueur nommée perche est, comme nous l'avons dit, absolument indépendante de l'ancienne longueur de cette mesure. Elle est, nous ne pouvons trop le répéter, une longueur isolée, qui n'est le multiple d'aucune des mesures françaises. On a observé que la perche répondait à 22 pieds de France; elle eût répondu à un autre nombre de pieds, si on l'eût comparée au pied du Rhin, ou au pied anglais, sans que sa longueur prupre eût changé. La perche, qui n'était déterminée par aucune loi écrite avant l'ordonnance de 1669, n'est donc autre chose qu'un» longueur ancienne, connue, laquelle, comparée à la toise et au pied fixés en iGGc, s'est trouvée correspondre à 22 pieds ue cette toise.
Or, quelle était çette ancienne longueur, relativement au pied romain? C'est une longueur de 24 pieds de 11 pouces chacun, puisque 22 de nos pieds donnent 264 pouces, qui, divisés par 11, donnent juste 24 pieds de 11 pouces.
La longueur ancienne et actuelle de notre perche de Paris est donc une nouvelle probabilité que nos mesures nous viennent des Romains, et que leur pied était de 11 pouces du pied-de-roi (2).
Vers 1750, il s'éleva une contestation entre les profiriétaires de la navigation de la Loire, depuis Saint-Rambert jusqu'à Roanne, les marchands fréquentant la Loire et les charpentiers constructeurs de bateaux. Ceux-ci soutenaient, juridiquement, que les bateaux étaient de 16 toises, quoiqu'ils n'eussent pa3 96 pieds-de-roi de longueur. Ils se fondaient sur ce que leur toise était juste de cinq pieds et demi de la toise du roi ; d'où ils concluaient que c'était avec cette toise de 5 pieds et demi que les bateaux devaient être mesurés.
On vérifia ce fait, et il fut constaté que les charpentiers et autres ouvriers en bois, achetaient leurs bois à la toise de 6 pieds; qu'après les avoir travaillés, ils les vendaient à ia toise de 5 pieds 6 pou es; que sur la rive droite de la Loire, la toise de 5 pieds et demi ou de 66 pouces, était la seule en usage ; que sur la rive gauche, on ne se sert que de la toise de 6 pieds, à l'exception,
cependant, de quelques paroisses où l'on connaît celle de cinq pieds et demi (1).
Cet usage, conservé dans le Lyonnais, est un nouveau témoin que l'ancienne mesure du pays était composée de pieds de 11 pouces de notre pied-de-roi, puisque la toise actuelle des ouvriers en bois est de 06 pouces de la nôtre, et que 66 pouces répondent exactement à une toise de 6 pieds de 11 pouces chacun.
L'antiquité de la ville de Lyon, ses relations continuelles avec les Romains, prouvées par l'histoire et par les restes d'anciens monuments connus de tout le monde, ne permettent pas de douter de l'identité de l'ancien pied de Lyon avec le pied romain.
Nous espérons qu'on nous pardonnera la longueur de cette digression. Elle nous a paru nécessaire pour répandre un peu de jour sur une matière ensevelie sous tant de décombres. Nous n'avons trouvé partout que des nombres rompus, que des fractions plus que minutieuses, auxquelles ne se prêteront jamais des mesures d'un service journalier, fabriquées par des ouvriers et des artisans continuellement occupés à les renouveler et à les multiplier. L'ineptie du plus grand nombre, l'insouciance de presque tous, occasionneront plus difficilement des altérations, lorsque nous aurons des étalons réglés sur une base qu'on pourra vérifier à tout instant, et dont l'Europe entière fournit d'innombrables pièces de comparaison. Et nous ne croyons pas qu'on puisse adopter une meilleure base que les toises de l'Académie d'un côté, et de l'autre la longueur du pied romain reconnue pour être de 11 pouces du pied-ue-roi
La longueur de l'aune de Paris, telle que l'établit Hellot, est un exemple frappant de l'impossibilité de se plier dans la pratique aux nombres rompus, aux fractions minutieuses dont nous venons de parler. Il établit trois assertions :
1° Que l'étalon déposé au bureau des marchands merciers est reconnu contenir 4 pieds romains antques;
2° Qu'il est de 3 pieds 7 pouces 8 lignes de pied-de-roi, tel qu'il était avant 1668 ;
3° Qu'il répond à 3 pieds 7 pouces 10 lignes 5/6 ou 4/5 du pied-de-roi, réduit en 1668.
Nous sommes d'accord avec Hellot, quoique par d'autres motifs, sur le fait que l'étalon dont il s'agit contient quatre pieds romains. Nous différons en ce qu'il suppose que la proportion entre le pied romain et notre pied-de-roi ne peut être indiquée que par des fractions qui échappent à nos sens, et dont nous ne pouvons avoir l'idée intellectuelle que par des fractions infiniment petites; au lieu que nous pensons que le pied antique répond juste à 11 pouces du nôtre (2).
Nous sommes également d'accord sur le fait que l'aune répond à 3 pieds 7 pouces 8 lignes de notre ancienne toise. Mais nous pensons qu'il est nécessairement
entré une et peut-être plusieurs causes d'erreur dans les moyens de mesurer l'étalon, et de réduire la longueur de l'aune à 3 pieds 7 pouces 10 lignes 5/6 ou 4/5 de notre pied-de-roi. Nous le pensons :
1° Parce que cette longueur n'est pas rigoureuse, puisqu'on laisse l'alternative entre deux
fractions 5/6 ou 4/5 de lignes ;
2° Parce que les pieds-de-roi, qu'on emploie dans l'espérance de s'assurer rigoureusement d'une mesure, ne sont que rarement d'une conformité absolue entre eux, et qu'il est possible que le pied dont se servit Hellot ne fût pas exactement juste (1).
Après ces éclaircissements il parait qu'il ne nous reste plus qu'à rendre compte des causes qui ont introduit dans le commerce, et parmi les citoyens de tout état, deux aunes de Paris de différente longueur.
Un ouvrier en instruments de mathématiques, chargé de faire pour la ville de Nantes un étalon d'aune, conforme à celui qui est conservé depuis l'an 1554, dans le bureau des marchands merciers de Paris, ébaucha d'avance son étalon à 3 pieds 7 pouces 8 lignes, persuadé que c'était la vraie longueur de l'aune. Il se trouva trop court de quelques lignes. Hellot fut chargé par l'Académie d'examiner ce point de fait. Les gardes des marchands merciers furent peut-être plus étonnés que lui de trouver une différence si sensible entre leur étalon et la longueur de l'aune établie dans le public. L'aune plus courte avait pour garant, disaient-ils, « une tradition fondée sur une ordonnance du roi Henri II, donnée au mois d'octobre 1557, qui déclare que l'aune doit être de 3 pieds 7 pouces 8 lignes de longueur, mesure de roi; et sur une instruction du 14 septembre 17i4, donnée aux inspecteurs de Calais et de
Saint-Valery, où il est dit que les draps et étoffes doivent être mesurés à l'aune de France, qui est de 3 pieds 7 pouces 8 lignes (1). » Ce fut dans ces termes que s'expliquèrent les gardes de la mercerie au moment de la vérification de leur étalon.
Cette coudradiction entre le fait et le droit eût disparu, si l'on eût réfléchi que l'Instruction, sur laquelle on s'appuyait, n'était pas un titre à invoquer; qu'elle^ ne pouvait avoir d'autorité qu'autant qu'une ordonnance antérieure eût changé l'ancienne longueur de l'aune constatée par l'étalon ; qu'une telle ordonnance nk jamais existé; qu'alors, comme aujourd'hui, on ne connaissait d'étalon sur lequel on pût légalement se régler, que celui de 1554; que, par conséquent, au lieu de copier l'énoncé de l'Ordonnance de Henri II, qui n'était exacte que relativement à la toise dont on se servait sous son règne, il fallait que l'auteur de l'instruction comparât l'ancienne toise à celle qu'on avait réformée en 1668. Cette réflexion l'eût conduit à une évaluation qui lui eût donné, à très peu, mais à très peu de chose près, 3 pieds 8 pouces de notre toise pour longueur correspondante aux 3 pieds 7 pouces 8 lignes de la toise de 1557.
Nous ignorons le nom du rédacteur de cette Instruction. Nous savons seulement qu'elle est revêtue de la signature de M. Desmaretz, alors contrôleur général des finances ; qu'elle ne contient en 40 articles que des règles de manutention de bureau pour les inspecteurs des manufactures de Calais et de Saint-Valery; que ce n'est proprement qu'une série de documents domestiques; et que, par conséquent, rien ne porte moins le caractère d'une loi destinée à changer les mesures publiques de tout un royaume.
Le résultat de l'examen de Hellot, comme nous l'avons dit, fut de proposer de fixer la longueur de l'aune légale à 3 pieds 7 pouces 10 lignes 5/6 ou 4/5 du pied-de-roi, réduit en 1668.
Les égards qui sont dus à tant de titres à un aussi bon citoyen, à un académicien aussi éclairé que Hellot, ne nous permettent pas d'insister de nouveau sur l'impossibilité où sont, non seule ment les vendeurs et les acheteurs, mais les ouvriers qui font et qui ferrent chez eux les aunes, de s'assurer de la juste longueur d'une mesure si répandue, d'un usage si continuel, dans laquelle il entrerait des fractions qu'on doit regarder dans la pratique comme des infiniment petits.
Nous insisterons encore moins sur les conjectures, d'après lesquelles il s'est persuadé que la toise, sur laquelle Henri II a fixé la longueur de l'aune, était trop longue de quatre lignes et près de 2/3. Nous allons nous renfermer dans ce qui nous paraît aussi constaté qu'un fait de cette espèce puisse l'être, et nous dirons qu'à notre avis :
1° Le pied romain avait 11 pouces de notre pied-de-roi actuel, et que ce pied antique est
l'étalon matrice de presque toutes nos mesures, et peut-être de toutes ;
2° Que la toise de Henri II était un multiple de cet étalon matrice, et qu'elle était divisée en pieds comme le porte l'ordonnance de 1557;
3° Que la longueur de ces 6 pieds était, non )as de six pieds romains, mais formait 6 pieds de rance de ce temps-là, qui répondaient, par 'inexactitude et l'ineptie des ouvriers successivement employés, ou par toute autre cause, à 97 6 pieds .7 pouces 1 ligne 97/131 du pied romain, et par conséquent à 6 pieds 6 lignes 78/131 de notre pied-de- roi, ou de notre toise actuelle;
4° Que ce fait est prouvé par la longueur de 3 pieds8pouce8 8 lignes du temps de Henri II, qui faisaient la juste longueur de l'aune, longueur dont l'ancien étalon, actuellement existant, nous prouve l'accord avec 4 pieds romains;
5° Que quand on a dit,en 1714, aux inspecteurs de Saint-Valery et de Calais, que l'aune était de 3 pieds 7 pouces 8 lignes de longueur, mesure de roi, on ne fit que copier les mots de l'ordonnance de 1557 ; et qu'au lieu de copier les mots, on aurait dû se fixer à la chose, c'est-à-dire à la longueur de la mesure en elle-même, et dire en conséquence aux inspecteurs que l'aune doit être de 3 pieds 8 pouces de longueur, mesure de roi actuelle. Par là on eût conservé tout à la fois à l'aune ancienne et vraie la longueur de 4 pieds romains, ou ce qui est la même chose, 3 pieds 7 pouces 8 lignes de Henri II, et l'on eût déterminé son rapport avec la toise réformée en 1668, en nombre entier et sans fractions minutieuses, c'est-à-dire qu'on l'eût déclaré de 3 pieds 8 pouces ou 44 pouces de la toise réformée, longueur qui répond juste à 4 pieds romains.
Ce n'est point par une vénération superstitieuse pour ce que les Romains nous ont transmis, et dont nous sommes servis pendant tant de siècles, que nous manifestons le désir de fixer l'aune de France à 4 pieds antiques. Si l'usage de l'aune de 3 pieds 7 pouces 8 lignes pris sur notre toise, eût universellement prévalu, si toutes nos aunes usuelles avaient actuellement cette juste longueur, nous respecterions cette mesure quoiqu'elle différât de 4 pieds romains, parce que tous les vendeurs, tous les acheteurs agiraient avec connaissance de cause en vendant et en achetant. C'est, au contraire, parce que la longueur de 'aune marchande est tantôt de 44 pouces, tantôt de 3 pieds 7 pouces 8 lignes de notre toise, gue nous croyons devoir insister sur l'inconvénient de laisser subsister dans le commerce, sous le même nom, sous le nom d'aune de Paris, des instruments d'inégale longueur, qui, cependant, sont tous regardés comme des copies exactes du seul étalon légal de l'aune, En effet, toutes les aunes qui ont été ajustées sur l'étalon du bureau des merciers et sur celui des marchands de Lyon, ainsi que les aunes qui ont été ajustées sur ces copies étalonnées, ont 44 de nos pouces en longueur ; et le nombre en est certainement fort considérable. Les aunes qui, au contraire, ont été ajustées, avant ou après l Instruction de 1714, sur la toise du Châtelet, ont 3 pieds 7 pouees 8 lignes de cette toise, et par conséquent environ 4 lignes de moins que les premières.
Ce que nous disons ici avait été remarqué par La Hire dans la même année où parut ['Instruction pour les inspecteurs. « Les mesures de l'aune dont on se sert à Paris sont, dit-il, différentes chez les différents corps des marchands ; car il y
en a a qui sont plus courtes que les autres de près de quatre lignes. J'ai trouvé, ajoute-t-il, entre les mains d'un de nos faiseurs d'instruments de mathématiques une grosse règle de laiton qui était ancienne, et qu'il disait être la mesure de l'aune. Elle avait justement 44 de nos pouces (1). » Voilà un indicateur de plus, que l'aune de Paris répond à 4 pieds romains de 11 pouces juste, et qu'elle n'est pas de 3 pieds 7 pouces 8 lignes de notre pied moderne, mais de 3 pieds 8 pouces, ce qui fait 4 lignes de différence.
C'est donc la sûreté et la fidélité, si nécessaires dans tous les marchés de détail, qui nous fait désirer qu'on défende l'usage de l'une ou de l'autre des aunes usitées, par la raison majeure qu'elles ont un caractère de légalité imposant, celui d'avoir été ajustées sur des étalons publics. Or, dans la nécessité du choix, il nous paraît convenable de préférer 44 pouces qui donnent juste 4 pieds romains ou 3 pieds 8 pouces de notre toise, à des fractions bizarres et sans point d'appui, qui fixeraient l'aune à 3 pieds 7 pouces 8 lignes de la toise du Châtelet (2}.
La plupart des laits qu'on vient de rapporter et de comparer, sont tirés d'excellents mémoires publiés par des savants distingués, mais ils n'ont de rapport direct qu'avec les poids et les mesures de la capitale. 11 nous manque des observations du même genre et d'aussi bonne main sur les mesures de toutes les parties du royaume. Si nous avions sous les yeux le tableau de leur diversité, de leurs altérations, il serait effrayant.
C'est un fait notoire que nonseulement on se sert en France de quantité de poids différents qui portent tous le nom de tore, mais encore d'une multitude de boisseaux, d'aunes, de verges, de cannes, de toises, de pintes; que ees mesures différant entre elles, quoiqu'on les désigne par le même nom; que ces différences sont très considérables non pas d'une province à une autre, ou d'une ville à une autre, mais dans la même ville, dans le même bourg, dans le même village. Ce désordre, qu'on pourrait qualifier de malheur public, tient à plusieurs causes, et il faut qu'elles soient bien puissantes ou par elles-mêmes ou par leur réunion, ou par l'empire de l'habitude, puisqu'elles ont résisté à tous les moyens employés depuis plusde 12 siècles pour les détruire.
L'Assemblée nationale approuvera, sans doute, que la Société royale d'agriculture profite de cette occasion pour jeter un coup d'oeil sur les mesures rurales. Elles présentent la même diversité, les mêmes irrégularités et par conséquent les mêmes inconvénients.
La simple nomenclature d'une partie si intéressante serait la matière d'un travail de longue haleine, et personne n'oserait se flatter de rassembler et de fixer dans sa mémoire tous les rapports qu'ont entre elles les mesures d'une seule province. Un petit nombre de faits suffiront pour persuader qu'on ne se permet ici aucune exagération.
L'assemblée provinciale du Hainaut, tenue en 1788, a compté, dans 313 communes de cette province, jusqu à 123 mesures différentes.
Dans le seul bailliage de Montdidier, quoiqu'il ne ne soit composé que de 146 paroisses, il y a d'abord les mesures du bailliage, ensuite celles de la prévôté, et enfin des mesures locales. Les unes et les autres ne s'étendent qu'à des cantons peu étendus ; mais chacun de ces cantons a des mesures particulières sur lesquelles se règlent les arpentages. Il résulte de l'examen détaillé qui en a été fait, qu'il existe dans le bailliage, savoir :
Des journaux de 758, 847, 933, 1016,1029, 1062, 1086, 1111, 1129, 1145 1/2, 1198, 1264, 1287 de nos toises carrées;
Des verges, employées à la mesure des journaux, de 20, 21, 21 1/2, de 22, 24, 25 pieds de notre toise :
Des pieds de 10 pouces 4 lignes; 10 pouces 8 lignes, 11 pouces, 11 pouces 4 lignes, 11 pouces 8 lignes, 12 pouces de notre pied-de-roi (1).
Qu'on jojgne à ce chaos local la diversité générale des arpents, des journaux, des perches, des verges et de leurs innombrables subdivisions, on verra que, d'un bout du royaume à l'autre, les Français traitent de leurs propriétés foncières en parlant une langue dont chacun d'eux entend a peine quelques mots.
Si le comité d'agriculture et de commerce de l'Assemblée nationale juge qu'on ne doit autoriser dans le royaume qu'un boisseau, qu'une pinte , qu'une aune, il paraît conséquent à ce principe de n'autoriser qu'une seule mesure pour l'arpentage des terres, des vignes et des bois.
Une fâcheuse et longue expérience nous avertit qu'en reprenant aujourd'hui l'utile projet de remédier à tant d'abus, on éprouvera des difficultés, peut-être des résistances inquiétantes et déplus d'une espèce. L'intérêt et le besoin qui portent cha-queindividuà ne pas s'écarter d'habitudes invétérées, contractées par tous les marchands et tous les acheteurs d'un pays, formeront seuls un obstacle puissant et durable. Cependant on est persuadé qu'avec un plan sage, une marche continue et ferme, la raison, la justice et l'utilité publique reprendront leurs droits en moins de temps qu on n'oserait d'abord se le promettre.
S'il nous est permis d'esquisser le plan que nous croyons qu'on pourrait suivre à l'égard des mesures dont on se sert dans les magasins, le3 boutiques et les marchés, nous dirons qu'il nous paraît que le premier pas à faire serait de rendre une loi qui ordonnât impérieusement que les poids et les mesures seront uniquement uniformes dans toute l'étendue du royaume (2) ; que tous les étalons seront ajustés sur ceux qui auront été fixés pour la ville de Paris, et que pour y parvenir, la même loi portât :
1* Que pour en assurer l'exécution, la pile de 50 marcs déposée à l'hôtel des monnaies, désignée communément par le nom de Poids de Charle-magne, sera vérifiée dans son ensemble et dans ses divisions; et que les différences dans le rapport que doivent avoir entre elles les 12 pièces ou poids qui composent cette pile, seront constatées ;
2° Que les étalons du boisseau de Paris, qu
sont au Châtelet, à l'hôtel-de-ville, ou dans les dépôts des communautés d'arts et métiers, seront comparés entre eux dans leur hauteur et leur diamètre, même avec ceux de la halle au blé et des principaux marchauds de grains, farinés et grenailles, pour déterminer les dimensions d'un étalon matrice du boisseau avec toutes ses divisions;
3° Que la pinte rase de Paris sera établie d'après un étalon de forme cylindrique, ajusté avec la machine inventée par M. Tillet; que sa capacité sera de 48 pouces cubes, et qu'elle contiendra 31 onces et un gros d'eau de la Seine;
4° Que la toise sera ajustée sur les toises du cabinet de l'Académie des sciences;
5° Que l'aune sera lîxée à 3 pieds 8 pouces ou à 44 pouces des toises de l'Académie, et que l'usage des aunes ajustées sur la longueur de 3 pieds 7 pouces 8 lignes de la toise réformée en 1668, sera généralement interdit;
6° Qu'en faisant ces opérations, on établira le rapport des poids et mesures actuels et des poids et mesures dont il sera fait de nouveaux étalons, avec les poids et mesures des Romains, avec la juste longueur de l'ancienne et de lav nouvelle toise de France, et avec la longueur du pendule à Quito, à Tornéo et à Paris;
7° Qu'il sera dressé un procès-verbal circonstancié de tous les moyens employés pour les déterminations ci-dessus, et que, après ce procès-verbal, il sera exécuté des étalons matrices de la livre poids de marc, du boisseau, de la pinte, de la toise et de Vaune, lesquels seront déposés au Châtelet et à l'hôtel-de-ville;
8° Qu'il sera ajusté des copies de ces étalons matrices pour être déposées, savoir : le marc, au bureau de la maison commune des orfèvres ; le boisseau à la halle au blé et au bureau des communautés des boulangers et des grainetiers; la pinte, au bureau du corps des marchands de vin, et de la communauté des potiers d'étain; la toise au bureau des maîtres maçons; et faune à celui des marchands merciers;
9° Que toutes les copies ajustées sur des étalons matrices et déposées dans lesdits bureaux, seront comparées tous les ans aux étalons originaux, et qu'il en sera rapporté procès-verbal qui demeurera déposé, tant à l'hôtel-de-ville qu'au Châtelet;
Enfin qu'il sera dressé un monument public, aussi solide que simple, défendu par des grilles de fer, dans lesquels sera encastrée une table de porphyre, d'une longueur suffisante, et la plus épaisse qu'on pourra se procurer, sur laquelle seront tracées, sous les yeux de commissaires de l'Académie, la longueur des mesures connues du pendule; celle delà toise et de l'aune de France, et les dimensions en hauteur et en diamètre de deux cylindres, l'un pour la contenance du boisseau, 1 autre pour celle de la pinte. Une inscription annoncera que les longueurs tracées sur le porphyre sont les types sur lesquels ont été ajustés tous les poids et toutes les mesures de France.
Après le dépôt des étalons de ces poids et mesures, il sera indispensable d'en faire des copies régulièrement ajustées, et de les envoyer sucessivement dans les provinces. On croit qu'il sera convenable de commencer par les mesures qui intéressent le commerce des comestibles et la vente des marchandises nécessaires à l'universalité des habitants, telles que le boisseau et l'aune. Il y aurait moins d'inconvénient à envoyer plus tard la livre, la pinte, la toise.
Nous regardons comme un devoir de prévenir
qu'en attaquant à la fois toutes le? provinces, et sur toutes les espèces de poids et de mesures, on éprouverait des difficultés si multipliées qu'elles pourraient faire avorter le projet d'uniformité, dont le succès est si désirable.
On ne se dissimule point que la lenteur de l'envoi successif de tant de copies, fidèlement ajustées sur les étalons-matrices, doit être pénible pour ceux qui aiment l'ordre et sont, impatients d'en jouir. Mais on croit ne devoir pas perdre de vue que les désavantages momentanés de ces retardements seront compensés par un adoucis-sementdigne de quelque attention. La sunpression de tous les poids, de toutes les mesures répandues jusque dans les plus petits lieux du royaume, entraînera une perte réelle pour ceux qui les ont achetés ; l'acquisition d'un nombre égal de poids et de mesures uniformes, s'élèvera à une somme immense, et malgré la dissémination sur un si grand nombre d'individus, il est évident que cette dépense pèsera sur l'Etat, et sera fort onéreuse pour quantité de particuliers. Cette raison suffirait peut-être pour ne pas regretter de n'envoyer que successivement dans les provinces les copies de nouveaux étalons.
Au reste, l'Assemblée nationale trouvera dans sa sagesse les moyens d'affaiblir ou de tempérer cette secousse générale. D'ailleurs, en chargeant les départements qu'elle a établis de surveiller l'exécution de cette grande opération, on ne doit pas douter qu'elle ne s'effectue en aussi peu de temps et avec aussi peu de détriment que le permettront les circonstances.
C'est notre vœu, et nous sommes pleinement convaincus des avantages innombrables qui résulteront de J'unité et de l'uniformité des poids et mesures,lorsque l'établissement en sera consolidé.
Après avoir rempli avec zèle la mission dont nous avons été chargés, nous croyons pouvoir nous permettre de solliciter un travail plus approfondi. Il guiderait, dans mille occasions, et à perpétuité, toutes les nations savantes : aucune ne l'a entrepris. Cependantdes obscurités de tout genre dans les sciences, et des méprises continuelles dans le rapprochement des mesures les plus nécessaires à l'homme en société, nous eu font sentir le besoin à chaque instant.
Nous avons une multitude d'ouvrages nationaux et étrangers sur les poids et les mesures, anciens et modernes. Parmi ces ouvrages, il y en a d'excellents, et il n'y en a point qui n'ait son utilité. Mais il n'en existe pas un seul qui pùt justifier le titre de Métrologie fondamentale. Tous sont appuyés sur les rapprochements d'une multitude de passages d'auteurs grecs et romains, qui ont fait mention de certains poids, de certaines mesures. Quelques médailles, qu'on a regardées comme parfaitement entières et parfaitement conservées, ont été annoncées comme des garants auxquels on pouvait aveuglément se fier. On a conclu la capacité des mesures des liquides de leur cubature réglée d'après des poids antiques d'une diversité pour le moins inquiétante. On a eu recours à des pieds romains, la plupart tirés de décombres, qu'on a recueillis dans les cabinets des antiquaires. On n'a point été découragé par l'incertitude où jette le défaut de conformité entre les mesures de différentes républiques, de différents empereurs, à des époques différentes. Enfin ces divers moyens réunis ou séparés ont constamment servi d'éléments pour étayer le système que chaque savant a cru devoir imaginer ou adopter.
Il est si difficile, surtout lorsqu'on est préoc-
cupé d'un système, d'apporter une exactitude scrupuleuse à la pesée d'une petite pièce d'or ou d'argent; de s'assurer de la contenance absolue d'anciens vases employés à la mesure des liquides; de comparer à nos mesures linéaires un pied romain, qui pouvait manquer de justesse en sortant de mains de l'ouvrier, et qui a subi pendant des siècles l'action destructive du temps : enfin, il est si difficile de s'assurer de la justesse des balances, des poids et des pieds modernes qu'on emploie à des vérifications si délicates, que des médailles, des monnaies, des poids, des vases, des instruments antiques de mesures linéaires, ne peuvent donner que des résultats équivoques par le canal d'observateurs isolés. Si notre défiance à cet égard avait besoin d'être justifiée, il nous suffirait, sans doute, de citer cet aveu trop modeste de M. l'abbé Barthélémy : « Je n'ai évalué, dit-il, ni les mesures cubiques des anciens, ni les monnaies des différents peuples de la Grèce, parce que j'ai eu rarement occasion d'en parler, et que je n'ai trouvé que des résultats incertains. Sur ces sortes de matières, on n'obtient souvent, à force de recherches, que le droit d'avouer son ignorance, et je crois l'avoir acquis (1). »
L'ouvrage moderne le plus approfondi sur cette matière, est la Métrologie de M. Paucton. M. de Romé de l'isle a publié depuis une Métrologie très propre à éclairer sur les rapports des poids et des mesures des anciens. Nous avons profité des lumières répandues dans ces deux ouvrages (2); mais la sincérité que nous devons au comité de l'Assemblée nationale, nous impose la loi d'avouer que les traités les plus étendus qui ont paru jusqu'à présent sur les poids et les mesures des anciens, quelque précieux qu'ils soient en eux-mêmes, font désirer que ce cnaos soit enfin débrouillé, et que les nations puissent marcher d'un pas ferme et sùr dans ce labyrinthe.
Nous croyons que ce travail, qui serait considérable sans être immense, ne devrait être confié à aucun particulier, quelque étendues que fussent ses connaissances. On ne connaît que trop la difficulté, peut-être même l'impossibilité pour l'homme, de s'affranchir de tout esprit de système, de toute séduction du côté des hypothèses. Il n'y a que des compagnies savantes qui puissent rassurer le public contre ces deux écueils, par un travail fait ou du moins discuté en commun, et avoué par ces mêmes compagnies dans ses détails et son ensemble.
L'Académie des belles-lettres et celle des sciences rempliraient supérieurement cette glorieuse tâche. Indépendamment des secours tirés des bibliothèques publiques et particulières, ces compagnies trouveraient dans la collection des mémoires qui, d'année en année, leur ont été fournis par leurs membres, un très grand nombre de matériaux d'élite qu'on chercherait vainement ailleurs. Et ce qui serait plus précieux encore, elles trouveraient dans l'expérience et la sagacité de tant d'hommes savants toutes les ressources qu'on peut attendre et des sciences mathématiques et de l'érudition.
Nous désirons, pour l'honneur de l'humanité,
I que le résultat d'un si bel ouvrage substitue, aux probabilités que plusieurs savants ont déjà rassemblées, des preuves claires de l'ancienne existence d'un système métrique universel. Tout nous porte à croire que ce système existe encore, et qu'il suffirait d'écarter la rouille qui en défigure les copies, pour reconnaître que les peuples se servent de poids et de mesures dont l'étalon matrice, pris dans la nature, a toujours été le même. Si cette conjecture, appuyée d'avance sur l'opinion de savants distingués et sur un grand nombre de faits, d'observations et de rapprochements, était une vérité, il ne serait ni impossible, ni difficile de retrouver le type élémentaire des mesures de tous les peuples d'Europe, et peut-être de tous les peuples policés.
Au Louvre, le 4 février 1790.
Signé : Tillet et Abeille.
ADDITION.
Il ne restait à imprimer que les dernières pages de ces observations, lorsqu'un membre de l'Assemblée nationale nous a envoyé une brochure intitulée : Tribut de la société nationale des Neuf-Sœurs. Nous sommes persuadés que la plupart des lecteurs nous sauront gré d'avoir extrait ce qui suit, d'un Mémoire sur la nouvelle mesure qu'on propose d'établir en France, par M. de La Lande.
« La toise de Paris, dit cet académicien astronome, est si célèbre dans tout l'univers, que je ne pense pas qu'il faille la changer pour ysubstituer le pendule à secondes..... Le seul avantage qu'on y ait aperçu, serait de faire adopter par l'Angleterre une mesure nouvelle prise dans la nature.. .. ; mais une révolution générale dans les deux nations me paraît impossible, L'opération sera très longue, très embarrassante, très incomplète. Elle mettra une confusion dans les opérations de ceux qui calculent et sera absolument indifférente à ceux qui ne calculent pas.
« Je dis plus, elle ne remplira pas l'objet qu'on se propose, en considérant le pendule à seconde â 45 degrés de latitude..... Car on différera toujours sur la longueur du pendule, plus qu'on ne différera sur la longueur de deux mesures. On ne peut pas s'assurer d'un centième de ligne sur le pendule; l'on peut s'en assurer avec un étalon bien fait____Je suppose que nous fassions l'expérience du pendule avec toute la précision possible actuellement-, dans 20 ans, sans doute, on la fera avec une précision plus grande, on trouvera quelques centièmes de plus ou de moins. Alors, d'après la mesure adoptée, on sera réduit à dire par un nouveau calcul : le pendule à secondes diffère de notre mesure de tant de centièmes. Or, dès qu'il faut une réduction, la difficulté restera, et il faudra toujours en revenir à un étalon convenu, dont les copies exactes, répandues dans la France et dans les Etats voisins, seront l'objet de la convention générale, lors même qu'il sera reconnu pour n'être pas le pendule à secondes.
« Cette mesure (la toise de Paris) est immortalisée en Angleterre même, par le livre fameux de Newton, qui s'en sert pour les dimensions de la Terre.
« Le pendule, qu'on mesure par expérience, n'est pas celui qu'on peut adopter pour servir de mesure universelle, car il varie pour plusieurs causes : 1° par la dilatation du froid et du chaud ; 2° par l'étendue des arcs qu'on fait décrire au
pendule d'expérience ; 3° par la hauteur au-dessus du niveau ; 4° par la résistance de l'air et par sa densité ; 5° par la nature du terrain dan? le pays où l'on opère. ,
« Je ne crois pas que l'on trouve le pendule à 45 degrés de latitude exactement de la même longueur, dans les landes de Bordeaux, dans les rochers du Piémont, de la Hongrie, de l'Arménie et de la Tartarie, quoique toùjoiirs à 45 degrés de latitude.
« C'est donc une illusion d'imaginer que le pendule naturel sera jamais une mesure fixe. Il en approchera beaucoup ; mais le, plus ou le moins vaut-il la confusion et le désordre auquel il faudra livrer toutes les mesures exécutées depuis un siècilé,rapportées dans tous les ouvrages de mathématique, de géographie, de commerce, de politique, d'agriculture, et dans toutes les parties de l'Europe ?
« La société, établie à Londres, pour l'encouragement des arts, J ayant proposé un prix.en 1774, pour la manière de réduire les mesures . d'Angleterre à une mesure fixe, rejetait Vidée du pendule à secondes.,\i{'dans lé programme qui fut pUlftjé: dans le téiùpS.
« n me semble donc qu'il n'est plus temps de la changer (la mesure de Paris). Mais la Confusion qui règne dans ies mesures de toutes les parties de la France, ést un abus intolérable, Uh reste' de Vabkurdité et ne la barbarie féodçâe.
« Après avdir tâché de prouver qu'il ne faut point changer, là'toise- dé Paris, qui est si! connue, !ie dirai la même chose de la réforrùation du calendrier. Il serait mieux sans douté que notre année,commençât à l'é'quirioxè du printemps ; que lés mojs dé 30 et' de 31 jours fussent distribués d'Une manière pïùs conforme âux intervalles dés ' douze signes du'zodiaque dans jesqUels on les a répartis ; mais cet avantage, ou plutôt cette simple cànvéhàpce, ne saurait balancer les inconvénients du désordre réel qui se trouverait dauS nos calen-drièrsv dans nos époques, dans nos dates, dans nos histqires, dans nos relations étrangères, si nous venions â compter d'une manière nouvelle. »
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
La lecture du procès-verbal des deux séances. du 6 février est remise à demain.
annonce que l'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, organe du comité.de constitution, propose pour le, département du flaut-Berry le décret suivant, qui est adopté :
Département de Bourges.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution : 1° que le
département de Bourges, dont Bourges est le chef-lieu, est di-
Après avoir établi les divers motifs qui avaient déterminé les députés du Vivarais à désirer unanimement l'alternative des séances du département et des districts, dans plusieurs Villes de leur province,M. Gossin propose le décret suivant, qui est agréé par l'Assemblée : Département du Vivarais.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution:
« Que le département du Vivarais est provisoirement divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Annonay, Toûrnon, Vernoux, Aube-nas, Privas, Villeneuve-de-Berg, et l'Argentière ;
« 2° Qu'en conséquence de l'arrêté des députés de ce département, les séances alterneront entre les villes d'Annonay, Tournon, Privas, Aubenas et le Bourg, mais que la première assemblée se tiendra à Privas;
« 3° Que les autres conventions des députés du Vivarais, sur l'alternative des séances des districts de Tournon, Vernoux, Privas, Aubenas et l'Argentière seront provisoirement exécutées en faveur des villes de Saint-Perex, de Saignes, la Voûte, Montpesat, Joyeuse ; de manière néanmoins que les premières Assemblées aient lieu à Tournon, Vernoux, Privas, Aubenas et l'Argentière.
« 4° Que l'Assemblée nationale aura les égards que de raison à la division des établissements de ces districts, entre les villes ci-dessus énoncées, sur le vœu des députés à l'Assemblée nationale, ou sur celui des électeurs du département ;
« 5° Que les articles ci-dessus pourront être modifiés et changés par la prochaine législature, sur la demande des électeurs du département. »
expose ensuite les diverses opinions des députés des Deux-Flandres, du Hainaut et du Gambrésis, sur le chef-lieu du département. Les députés de Douai et les députés de Lille le réclament chacun pour leur ville. Le comité, après avoir mûrement réfléchi sur les prétentions rivales, propose le décret suivant :
Département des Deux-Flandres, du Hainaut et du Cambrésis.
« 1° L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comités de constitution, que la ville de DoUâi lest le chef-lieu du département des deux Flandres, du Hainaut et du Gambrésis;
« Que les limites de ce département, avec ceux de l'Artois, de la Picardie ët du Vermandois, subsisteront telles qu'elles ont été convenues par les députés respectifs, dans I'actë signé d'eux au comité de constitution. »
,député de Lille, combat les propositions du comité de constitution.
, député de Bailleur insiste beaucoup pour que l'Assemblée donne la préférence à Lille sur sa rivale.
, député de Douai, s'oppose à ces prétentions avec une grande énergie et ajoute que si Douai n'était pas chef-lieu de département, sa nombreuse population serait réduite à une profonde misère.
met aux voix le projet de décret proposé par le comité de constitution.
Ce décret est adopté sans changement.
(de Nemours), autre membre du comité de constitution, fait un rapport sur le département du Beauvoisis et propose un décret qui est adopté sans contestation, ainsi qu'il suit :
Département du Beauvoisis.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département du Beauvoisis est divisé en neuf districts et en soixante-seize cantons, conformément à la carte et au procès-verbal remis par les députés du département au comité de constitution ;
« 2° Que la première assemblée de département se tiendra dans la ville de Beauvais, et décidera, dans Je cours de la session, où seront convoquées les suivantes, s'ils ne jugent qu'elles doivent être continuées à Beauvais ;
« 3° Que la ville de Verberie sera libre de passer au district de Compiègne, aussitôt que celui-ci aura pu fournir au district de Crépy un nombre de communautés équivalent en population et contribution, et que, jusqu'à cet échange amiable, elle restera au district de Crépy. »
, autre membre du comité de constitution, fait un rapport relatif au département de Meaux, au sujet de la ville de Rozoy.
annonce que la question dont il s'agit sera arrangée à l'amiable et propose l'ajournement.
L'Assemblée ajourne cette affaire à la séance d'après demain y février.
propose ensuite un rojet de décret pour le département de la Haute- rovence qui, après quelques débats, est adopté dans les termes suivants :
Département de la Haute-Provence.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que le chef-lieu du département de la Haute-Provence est établi provisoirement à Digne; que ce département est divisé en cinq districts dont les chefs-lieux sont : Digne, Forcalquier,Sisteron,Castellane, Barcelon-nette.
« La ville de Manosque pourra concourir avec Forcalquier pour les autres établissements qui seront fixés dans ce district. »
fait donner lecture par un de MM. les secrétaires du résultat du scrutin pour la nomination des quinze adjoints au comité ecclésiastique.
Ce résultat est en faveur de:
MM. Dom Gerle.
Dionis du Séjour.
L'abbé de Montesquiou.
Massieu, curé de Sergy.
L'abbé Expilly.
MM. Chasset.
Gassendi.
Boislaiidry.
Guillaume.
le marquis de la Coste.
Dupont (de Nemours).
Defermon.
Lebreton, prieur de Redon.
La Poule.
Thibault, curé de Souppes.
,député de Sarreguemines, obtient la parole et dit: Vous avez établi des lois criminelles, mais vous n'avez pu vous occuper encore des moyens de prévenir les crimes. Je viens vou? proposer d'empêcher un parricide.
M. Rousseau, officier de la petite chancellerie au parlement de Nancy, est père d'un jeune hom me aujourd'hui âgé de vingt-quatre ans, qui n'a cessé de lui donner les chagrins les plus amers. Ce jeune homme s'est engagé cinquante-une fois, et quatre fois en un jour, dans quatre régiments différents. Le père, à force d'argent, est parvenu à rompre tous ces engagements; il espérait que ses bontés et les années ramèneraient son fils à ses devoirs. Il s'est trompé; les dettes particulières de ce jeune homme se sont encore montées à plus de 100,000 livres.
Un jour du mois de juin dernier, ce fils ingrat s'enferma dans sa chambre et tira un coup de pistolet, pour persuader sans doute à ses parents qu'il s'était brûlé la cervelle. Le père, accompagné de la garde nationale, s'est présenté à la porte et a voulu la faire enfoncer. Le malheureux fils l'a ouverte lui-même, s'est présenté avec un pistolet dans chaque maiu et en a déchargé un, chargé de trois balles, sur un des gardes. Le coup n'a pas porté mortellement; le coupable a été arrêté et, sur la requête de ses parents au procureur-général, conduit dans les prisons de Nancy. Cependant le procureur général se dispose aujourd'hui à le faire élargir, et ce malheureux promet de ne profiter de sa liberté que pour assassiner son père, sa mère et son frère aîné.
Je demande, pour cette famille infortunée, que M. le président soit autorisé à écrire au procureur général, pour que ce fils trop coupable soit retenu dans les prisons jusqu'à ce que la famille elle-même en sollicite la liberté ou consente à ce qu'elle lui soit accordée.
Le rapport qui vient de vous être fait est saus doute bien intéressant, et fait sentir combien il nous importe de hâter l'établissement d'un tribunal de famille; mais je ne crois pas que cette affaire,qui n'est qu'une affaire particulière, doive vous occuper un seul ius-tant. La demande du préopinant est contraire aux principes que vous avez dû consacrer, et je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
J'appuie de toutes mes forces l'avis du préopinant. Vous ne devez ni ne pouvez accueillir la demande qui vient de vous être faite. L'ordre de votre président serait une lettre de cachet, et dès lors un exemple dangereux pour les législatures suivantes. 11 ne faut pas croire que l'auteur de la sublime invention des lettres de cachet ait osé la présenter dans sa hideuse nativité. Non, Messieurs, ces ordres arbitraires ne devaient être prononcés que pour la consolation des familles. On l'avait promis, et les temps ont prouvé combien on avait été fidèle à cette promesse. Hâtons-nous, Messieurs, d'établir un tribunal de famille. Pré-
venons les crimes par la justice, et jamais par l'arbitraire. II n'y a pas lieu à délibérer.
demandent en amendement que l'affaire soit renvoyée au pouvoir exécutif.
J'observe que renvoyer cette affaire au pouvoir exécutif, ce serait dire au pouvoir exécutif de donner une lettre de cachet.
La question préalable est invoquée sur les amendements et sur la motion principale.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Le comité d'agriculture et de commerce demande à soumettre un rapport à l'Assemblée. Je donne la parole à son rapporteur.
donne lecture du rapport suivant sur le dessèchement des marais du royaume que l'Assemblée entend avec une satisfaction marquée (1):
Messieurs, votre comité d'agriculture et de commerce, pour avoir gardé le silence jusqu'à ce jour, n'est point resté dans l'inaction. Pénétré de l'importance des objets qui lui sont confiés,il s'est ditquede même qu'une sage constitution,donnant la vie politique à toute association des hommes, est la base de la liberté, de même l'agriculture et le commerce,sources intarissables des subsistances, des rapports entre les peuples, sont les premiers appuis de la prospérité réelle et de la durée des empires.
Votre comité a pris d'abord en considération les subsistances des colonies,dont M. de La Jacque-minière, à qui vous n'avez pas encore accordé la parole, est chargé de vous faire le rapport. Bientôt il vous eu sera présenté un très important sur la Compagnie des Indes, un non moins intéressant sur le nouveau tarif des droits de traites, et sur la suppression des droits de l'intérieur du royaume, et un autre sur les mines précieuses de fer et de charbon de terre.
Votre comité va rassembler les matériaux d'un Code rural, et des lois générales et protectrices de l'industrie et du commerce. Ce Gode désiré sera d'autant plus succinct, que par la simplicité dans l'assiette des subsides, la clarté dans leur perception, l'extinction de la gabelle, et l'abaissement des barrières de toute espèce,qui rendaient les divers parties de ia grande famille de la France étrangères les unes aux autres , vous aurez rempli, Messieurs, les désirs de toutes les provinces, centuplé leurs forces par leur union, et formé, pour ainsi dire, un faisceau invincible de la France.
Votre comité s'est occupé du dépouillement d'une grande quantité de mémoires, dont un petit
nombre lui paraît avoir des droits à votre attention et à la reconnaissance publique.
Quelques-uns, tels que les sages observations des dé-jutés extraordinaires du commerce, les
aperçus umineux de la société royale d'agriculture, les exellentes expériences do M. de
Lormoi, l'ouvrage connu de M. de Cormt» e, offrent d'excellentes leçons aux cultivateurs ou
aux commerçants, et méritent qu'il vous en soit fait une mention honorable. Tous vous seront
connus, lorsque vous
Dans les mémoires qui ont été remis à votre comité, les projets qu'il avait distingués, et qu'il avait destinés les premiers à fixer les regards du Corps législatif sont ceux qui peuvent augmenter l'étendue cultivable du territoire, ceux qui traitent des douze ou quinze cent mille arpents de marais qui accusent l'industrie du royaume.
La demande des représentants de la commune de Paris se trouve liée à ces grandes améliorations; elle a rapport à l'emploi des gros ouvriers, qui manquent d'ouvrage; elle vous prie d'aider lu commune de vos lumières et de votre protection pour la tirer de l'inquiétude où elle se trouve ; elle vous indique ces mémoires qui contiennent les moyens propres à ouvrir des ateliers utiles. L'Assemblée nationale a renvoyé cette demande au comité d'agriculture et de commerce, et lui a ordonné de rendre compte au plus tôt de son travail sur cet objet : c'est ce qui me donne un droit, Messieurs, à réclamer quelques-uns de vos moments pour le rapport que je vais avoir l'honneur de vous faire, la division en sera très simple.
Je commencerai par vous présenter le précis des mémoires sur les dessèchements, qui ont été remis à votre comité. Je vous soumettrai ensuite ses réflexions ; elle me conduiront à la demande des représentants de la commune de Paris, et je finirai par vous proposer un projet de loi.
M. de Boncerf, membre de la Société royale d'agriculture de Paris,avance, appuyé sur la balance du commerce, que la France fait venir annuellement des pays étrangers, pour quarante millions de matières agricoles et de première nécessité Il croit que le royaume pourrait s'affranchir de ce tribut onéreux, en appliquant les sommes que ces objets nous coûtent à vivifier notre agriculture et à dessécher d'immenses marais. C'est surtout des terrains marécageux, tantôt noyés et tantôt découverts par la mer ou par les rivières, qu'il veut obtenir ces nouvelles richesses. Il voit dans ces terres vierges le germe de toutes les productions; il appelle les bras et l'industrie pour les féconder. Il fait sentir de quelleressource seraient les travaux de ce genre, dans les circonstances présentes, où le commerce languit énervé. Il établit que les premiers créanciers d'une nation sont les bras qui demandent de l'ouvrage, et la terre qui attend des bras. Il ne doute pas que la nation n'ait le droit de prononcer sur le sort des marais; il ne considère le droit des propriétaires comme sacré, que lorsqu'il est uni à la jouissance, et qu'il est l'effet de la culture. Il pense que nos rois n'ont fait, à divers particuliers, de grandes concessions de marais, sous la condition de les dessécher, que parce qu'ils regardaient ces terrains, à raison de la non-culture, comme faisant partie du domaine public.
M. Lefebvre, agent général de la même Société d'agriculture, a imaginé un moyen de multiplier les dessèchements, bien digne d'un gouvernement puissant, tel que celui de la France devrait être. Il est à regretter que la nation ne soit pas assez opulente en ce moment pour l'adopter. La Caisse
nationale ferait les avances, quand elle serait réclamée à cet effet, et le propriétaire du terrain reverserait chaque année, dans cette caisse bienfaitrice, la moitié du produit des marais mis en valeur, jusqu'au parfait remboursement.
M. Langlois, représentant de la commune de Paris, versé dans l'art des dessèchements, a proposé un autre système patriotique. Il vouerait que tout propriétaire eût le droit de dessécher ses marais, mais que lorsqu'il ne le pourrait pas, le tiers du marais desséché lui restât franc, et que les deux autres tiers entrassent dans le domaine public. La nation se chargerait à une époque prochaine de rendrefà l'entrepreneur la totalité de ses avances, y compris les intérêts à sept ou huit pour cent, et elle en trouverait les moyens dans la vènte des deux tiers de ce marais, qu'elle diviserait en petites propriétés. M. Langlois désirerait que, d'une manière ou d'autre, l'Etat fît un premier fonds d'avances pour les dessèchements,qui s'accroîtrait par son usage, et se partagerait ensuite dans ses effets bienfaisants.
La Société royale, de médecine, qui veille par principe et par devoir à la préservation des maladies des hommes et à celles des animaux, nous a aussi communiqué ses idées patriotiques sur les avantages des dessèchements. Son mémoire, appelant en témoignage toutes les provinces de France, dit que le voisinage des marais cause des lièvres de toute nature, durant l'été et l'automne; que leurs exhalaisons malsaines dépeuplent les villages de bestiaux, et détruisent les forces des ouvriers de la campagne cfàns les saisons des travaux les plus nécessaires. On y voit que ja ville de Bordeaux n'a joui d'un air salubre que depuis la construction d une chaussée bordée d'arbres, qui a desséché, dans son sein, un marais infect. On y lit que sur les bords marécageux de la Sommé, non loin de Saint-Quentin, il existe des villages où les propriétaires et les fermiers sont obligés de donner de doubles gages aux domestiques de l'agriculture, pour les déterminer à s'y fixer, tant l air qu'on y réspire est redoutable ; il ne l'est pas moiqs aux environs des Moeres, marais situés dans là Flandre maritime. D'après les observations de pette société,les meuniers ont tpus le défautd'élevçr trop leurs écluses; des changements seraient désirables dans la construction des moulins, et tout pays est intéressé à la suppression des étangs que ne traverse Pôint Une eau vive; d'après ses calculs, la population des cantons de marais ne montent pas à la moitié de celle des pays secs; d'après ses conseils, on ne doit commencer les dessèchement qu'à la fin de Tau tomme, aux milieu des eaux, afin d'éviter les vapeur s impures de iafange mise en fermation par la chaleur.
Vous venez d'entendre, Messieurs, le précis des mémoires ; vous allez prendre connaissance de l'opinion que le comité a eue de leurs principes.
Il nous a paru incontestable que les dessèchements des marais sont les plus importantes améliorations, et que notre industrie doit placer sa gloire, et la nation un de ses devoirs à triompher de ces erreurs de la nature, On ne peut se dissimuler que les dessèchements ne contribuassent à éteindre l'agiotage, à augmenter la population, à ramener l'ordre, à régénérer les mœurs. On ne peut se dissimuler qu'ils ne reportassent du numéraire dans les provinces, qu'ils n'y fissent refluer tous les hommes qui ont fixé quelques instants la fortune dans la capitale, et que maintenant la suppression de beaucoup d'emplois doit obliger de s'attacher à l'agriculture, et de réparer
par leur industrie dans le premier des arts le dommage qu'ils lui ont causé par leur luxe. On ne peut se dissimuler que ces ateliers ouverts dans les provinces n'y fussent, en ces moments, d'un secours assuré aux ouvriers qui y restent inactifs: effet inévitable de la Révolution, qui, réformant tous les abus,mais aussi inquiétant tes divers états de la société, a rendu tous les citoyens circonspects dans Ipurs dépenses, et forcé les riches à s'occuper d'eux-mêmes. Il est incontestable que c'est un des devoirs de la nation d'ordonner ces entreprises utiles sous tous les grands rapports, comme c'est un de ses droits inaliénables de faire des lois piour sa sûreté, sa force et sa félicité. Si nous remontons à l'origine du pacte social, nous nous convaincrons de cette vérité. En recherchant la nature du droit de propriété, base nécessaire de toute association, nous voyons qu'il est uni à des devoirs, et soumis constamment à l'intérêt général et à l'inspection du .législateur. Les propriétés, comme les citoyens, sont sous la sauvegarde et la protection de la force publique; mais tout Ce qui arrête les progrès de cette force est une obstruction dans la société, et c'est au législateur à le détruire. Une nation, nécessairement circonscrite dans un espace de terrain limité, ne peut perdre le droit de rendre productive, une partie de ce terrain, d'épurer l'air, notre aliment Continuel, de donner une issue facile à des eaux stagnantes,qui deviendront utiles au commerce et à la navigation. Le regard de la loi sur les propriétés doit être surveillant sans cesse pour le bien général. Certes la nation manifestera ses lumières étendues et ses principes équitables quand çlle n'ordonnera des changements dans les possessions particulières que pour l'avantage de tous les citoyens, quand elle n'exercera son droit de souveraineté que pour rendre à la propriété son caractère et sa destination Véritable, quand elle ne lui êtera la licence que pour mieùx lui àssurer la liberté. En effet, une terre inculte, souvent submergée, ou couverte d'exhalaisons pestilentielles, sans produit, sans usage, peut-elle s'ap-peller une propriété dans toute la plénitude de ce terme? Ce n'en est, à dire vrai, qu'une espérance. La liberté illimitée du. droit de propriété ne pourrait exister que dans une société de sages qui habiteraient un terrain où il n'y aurait jamais rien à perfectionner. Votre comité,a donc, cru voir, Messieurs, que la morale et la, politique de la législation s'accordaient parfaitement avec l'obligation générale du dessèchement des marais.
Mais votre comité a pensé aussi que c'est avec une autorité sage et mesurée sur lés circonstances, que le législateur doit préparer qne opération si délicate; que c'ést avec autant de justice que de prudence qu'il 4pit ; mettre en activité le uroit de souveraineté de là nation, sur les propriétés individuelles : nous avons pensé que 1 Assemblée nationale adopterait peut-être les principes de se borner, d'abord à encourager les, dessèchements, à ne les ordonner ensuite qu'avec ménagement, et à attendre beaucoup plus du patriotisme, de l'intérêt personnel, et de la liberté toute puissante, que des lois mêmes.
Je vais en peu de mots avoir l'honneur de vous remettre sous les yeux les lois anciennes sur les dessèchements, et je les ferai suivre ' des nouveaux moyens d'encouragement, èt des lois nouvelles qui se sont présentées à nous.
Les lois anciennes remontent à plusieurs siècles, et sont une infinité d'édits, de déclarations ou d'arrêts du conseil, imparfaits dans leur teneur:
Quelques-uns font de grandes concessions de marais a des particuliers, à la charge de les mettre en valeur , ce qu'ils n'ont point fait ou qu'ils n'ont pas pu faire. Tous accordent de grands avantages apparents aux entrepreneurs ; les uns leur promettent, pour indemnité, la moitié ou les deux tiers du marais desséché ; d'autres permettent aux propriétaires de garder la part de l'entrepreneur, en la lui payant, ou de le forcer d'acheter celle que l'édit ne lui concède pas ; presque tous obligeaient les particuliers à dessécher leurs marais, sous un temps très court, à défaut de quoi les entrepreneurs étaient autorisés à procéder,sous des conditions extrêmes et trop vagues, à ces améliorations. Il en est résulté que tous ces édits n'ont point opéré de grands dessèchements, et l'on remarque, avec douleur? qu'ils ont produit une foule de contestations renaissantes et de procès interminables. Il était réservé à notre siècle de concevoir l'idée d'établir une coalition entre la nation, l'entrepreneur e«- le propriétaire; de convaincre lés grands propriétaires et les rois qde ce ne sont pas de vastes plages submergées par moments, et des continents incultes qui donnent le pouvoir et les richesses, mais des propriétés heureusement circonscrites et soignées avec intelligence. 11 nous était réservé de ne plus douter uetous les lacs de la Nouvelle-Espagne et les éserts de la §ibérie sont d'un moindre produit qu'un bon domaine en France,et,par conséquent, que toute l'étendue des plus grands marais n'en vaut pas le tiers qui serait desséché et prêt à recevoir le défrichement.
L'édit dé 1764 et les déclarations postérieures qui l'expliquent, tant pour le royaume en général que pour leà provinces én particulier, sont les seules loisqui aient produit quelque effet heureux, parce que ces lois ont encouragé le travail sans gêner la liberté; elles ont accordé quinze années d'exemption d'impositions pour les défrichements des terres, et vingt années1 pour les dessèchements des marais. Les moyens nouveaux qui vont vous être soumis se rapprochent de l'esprit de ces lois et les perfectionnent.5
Protecteurs des propriétés, Messieurs, vous sentirez que la justice commande de dédommager, à dire d'experts, les propriétaires riverains pour la destruction de leurs moulins, de leurs étangs, de leurs digues, de leurs chaussées qui s'opposeraient aux dessèchements entrepris. Vous voudrez empêcher qu'un terrain, en se desséchant, n'en submerge un autre. Vous désirerez qu'un homme instruit de l'art d'irrigation, dans chaque département, y forme un plan général, qui,conduisant les eaux stagnantes par une pente combinée, les rende utiles dans un can^I, ou les verse, avec intelligence, dans le lit d'Un fleuve.
Créateurs de la liberté, Messieurs, vous n'accorderez sans doute à aucune compagnie le privilège des dessèchements; s'il se forme des associations, ce qui est à désirer pour l'augmentation des moyens, vous voudrez que ce soit seulement avec la protection de la loi, et non avec sa préférence. Vous croirez qu'il est dans la nature de la constitution que vous formez, que les dessèchements soient publiés et mis au rabais par les assemblées de département, et que l'adjudication en soit accordée à. la société ou au particulier, qui s'engagera de les exécuter aux conditions les moins onéreuses aux propriétaires, et les plus avantageuses à la nation. Tous les autres moyens nous ont paru défectueux, parce que tout, en ce genre, est soumis aux localités. Ici vous trouverez des marais qui appartiendront aux domaines
de la couronne : là ils seront situés dans les pos-sessiéns des ordres religieux ; ils peuvent exiger des différences, relatives aux circonstances, dans les adjudications. Ailleurs ce seront des communaux, qui demandent des considérations particulières. Les pauvres sont propriétaires partiels de ces terrains ; il convient de ne point inquiéter les campagnes. C'est pour ces terrains respectables, qu'une caisse patriotique, toujours ouverte,comme en Angleterre,aux améliorations de l'agriculture, serait le comble des bienfaits ; c'est pour les communaux, surtout, que l'intérêt des avances devrait être dans le bienfait même. C'est un partage équitable de quelques communaux ainsi protégés qui donnerait du goût pour la division des grandes propriétés sans vie, en petites propriétés qui ne tarderaient point à s'animer, qui amalgament tout naturellement l'intérêt particulier à nn-térêt général, parce que la Jouissance y est plus directe, parce que les contributions y sont plus atténuées etpèsent moins sur le contribuable,parce que plus de citoyens ont la faculté de les mettre en valeur qu'elles sont, pour l'ordinaire, mieux cultivées, et ainsi les plus sacrées et les plus utiles à la force et à la félicité publique.
Législateurs éclairés, Messieurs, vous reconnaissez que les premiers droits sont dans le peuple entier, et la vraie force dans la population ; vous apercevrez à quel point de prospérité une caisse semblable de secours pourrait porter l'agriculture, et le commerce, qui embrasse et unit lés deux hémisphères, et sans lequel l'agriculture ne peut parvenir à tout son développement. C'est par l'agriculture et lé commerce que la France acquerra cette puissance inconnue qu'il serait téméraire de borner, même dans la spéculation. C'est en ' considérant les Français comme un peuple agricole, que vous deviendrez,sous tous les rapports, le premier peuple de l'univers. La Révolution qui s'achève, Messieurs, doit avoir l'ambition d'atfer-mir la France dans le rang qui lui appartient parmi les grands peuples du monde, et cette ambition ne sera point trompée si l'Assemblée nationale ne perd jamais de vue toute l'étendue de la protection, de la considération, de la liberté qu'elle doit assurer aux cultivateurs. Leurs droits sont fondés sur leurs services : c'est du sillon que trace la charrue que sort la subsistance du peuple; c'est dans le sillon que renaît le subside, et que va reposer la Constitution.
S'il m'est permis de vous citer des exemples, je rappellerai à votre mémoire que les Anglais, peuple qui a le plus médité sur le prix de la terre, pénétrés de toute la protection qu'un gouvernement doit à l'agriculture et au commerce, au lieu d'accumuler les propriétés dans les mains, en faisant,avec des compagnies opulentes,une affaire de finance des dessèchements des marais, ont quelquefois confié ces travaux,longs etdifflciles, à une multitude de pauvres ouvriers robustes, qui étaient surveillés par les lumières d'un homme de l'art, et secourus par la caisse d'agriculture; durant un nombre d'années limité, ces entrepreneurs jouissaient du total du produit du terrain amélioré; ainsi ils acquéraient la faculté de remettre le capital des avances à la caisse d'agriculture, ou d'en payer la rente annuellement. C'est en agissant a peu près de cette manière, pour les défrichements des terres incultes, que la Prusse s'est attaché dés étrangers, a augmenté sa population, et soutenu de nombreuses armées.
Quant aux défrichements des landes et des forêts dévastées, le comité n'a pas vu les mêmes avantages ni les mêmes difficultés à les opérer,
qu'à effectuer les dessèchements; mais il les considère également comme soumis aux localités et à la surveillance des assemblées de département. Des montagnes, dont la culture a mis le roc à nu, ont prouvé que les défrichements de tous les terrains n'étaient pas utiles. Une grande raison même a empêché votre comité de s'en occuper en ce moment: on ne peut défricher des terres nouvellessans abandonner des terres habituellement en culture, à moins qu'on ne se procure une augmentation de bestiaux; cette augmentation ne peut naître que des fourrages, et ce sont les dessèchements qui vous les donneront. Pour inviter les propriétaires à entreprendre les défrichements qui seront avantageux, il nous a semblé que le nouveau système d'imposition ne devait taxer toutes les terres que relativement à leur produit actuel, qu'il serait impolitique de calculer ce que le travail pourra obtenir du sol, et que la nation devrait n augmenter, dans aucune circonstance, la première imposition assise sur des terrains incuites, aussi longtemps que le propriétaire ou le fermier, qui les défricherait, les ferait valoir lui même, quel que fût la fécondité où l'industrie les fit parvenir. Le temps n'est plus où la main avide du fisc suivait pas à pas l'industrie, et où, à tous moments, sa voix lui criait: Partageons! Le Trésor national ne fonde pas aujourd'hui son opulence sur l'arbitraire de la luxe, mais sur l'exactitude du recouvrement et sur la fidélité de la recette.
L'êdit de 1764, qui accordait quinze années d'exemption d'impositions aux terres nouvellement défrichées et vingt années aux marais desséchés, ne nous a point paru trop favorable aux propriétaires, vu l'ancien régime de l'impôt. Nous iivons même cru qu'il était à propos de consacrer, par une nouvelle loi. l'exemption que cet édit accorde pour les dessèchements, Cependant il s'élève déjà des contradictions qui arrêtent ces divers travaux; les concessionnaires, qui sont inquiétés par les paroisses, réclament l'esprit de la loi, et disent, avec justice, que ce n'est point la continuation d'un privilège exclusif qu'ils sollicitent, mais qu'ils se croient dans le droit d'exiger que Je gouvernement remplisse les conditions du contrat tacite passé entre lui et eux sans lequel ils n'auraient pas fait les avances dont ils ne sont pas encore remboursés.
Le comité a trouvé cette réclamation juste, et a même pensé que toutes les concessions de marais faites jusqu'à ce jour,à quelque condition que ce soit, ne doivent pas être recherchées, pourvu que les marais fussent mis en valeur. Il sera nécessaire que vous vouliez bien prononcer sur ces deux objets et déterminer si l'édit de 1764 continuera d'avoir son effet ou non pour les défrichements qui seront entrepris à l'avenir.
Nous ne craignons pas,Messieurs,que les moyens intellectuels ou physiques nous manquent ici pour effectuer les dessèchements; nous serions heureux si nos finances étaient en proportion de nos lumières et de notre population: ces travaux sont attendus parla classe nombreuse des hommes qui unissent les besoins,les forces et la bonne volonté, par les pionniers des provinces exercés à des ouvrages durs et continuels, par tous les hommes prêts à se porter sur les lieux où ils trouveront des salaires proportionnés aux fatigues. Dans cette crise violente et passagère, ce soq plutôt les ateliers qui manquent aux Hommes, que les hommes aux ateliers.
Le cours des idées amène ici, dans toute sa force, la requête des représentants de la com-
mune de Paris, qui vous demandent des moyens d'employer les gros ouvriers de cette ville immense, inquiète pour la première fois du grand nombre de citoyens qu'elle attire.
Le comité a pris cet objet dans la plus grande considération; il ne s'est point caché que cette vaste capitale peut être embarrassée de plus en . plus chaque jour, des moyens de procurer la subsistance à des milliers d'hommes robustes, qu'il est aussi utile que prudentde ne pas laisser corrompre par l'oisiveté.
Dans la difficulté de trouver des moyens de salaire qui ne fussent onéreux à personne, et emporté par un mouvement du cœur, votre comité avait, au premier aperçu, eu l'idée de proposer à l'Assemblée nationale de destiner une partie des dons patriotiques au plus patriotique des emplois, celui de donner de l'ouvrage aux hommes qui n'ont que leurs bras pour richesse; mais, après des réflexions plus profondes, nous nous sommes dit qu'il pouvait se présenter telle circonstance où ces généreux sacrifices sauvassent du danger du moment la Caisse publique. Nous avons pensé que vous trouveriez injuste d'offrir à la capitale des secours qui ne s'étendaient point sur les provinces ; nous avons craint que cette préférence n'arrêtât les dons patriotiques dans leur cours. Nous n'avons pu ignorer que Paris reçoit, ou des bienfaits de Sa Majesté, ou du gouvernement, des sommes pour fournir de l'occupation à une partie de ses ouvriers; nous savons qu'il s'en est transporté une partie au canal de Bourgogne. Nous ne nous point déguisé les dépenses que fait la ville de Paris; mais nous nous sommes aussi objecté que chaque ville a les siennes, en proportion de ses revenus. Votre comité a donc arrêté qu'il ne pouvait proposer pour la ville de Paris, à l'Assemblée nationale, que le moyen adopté par toutes les provinces. Toutes les villes se sont taxées librement pour soutenir jusqu'à l'époque des travaux de la campagne, et autant qu'elles le pourraient, la classe souffrante du peuple; la ville de Rouen, notamment, vient en dernier lieu d'en donner l'exemple. Il n'est si petite ville en France qui n'ait pris cette précaution; il n'est si petit propriétaire qui n'ait rempli ce devoir: soit que la ville de Paris adoptât ce moyen ou tout autre, si elle continuait à être inquiète du sort de ses ouvriers, les sommes qu'elle destinerait à rendre utile la surabondance de sa population ne pourraient être mieux confiées qu'au dessèchement des terres inondées de son département, ou à toute autre amélioration de son territoire.
Votre comité m'a chargé,Messieurs,de vous exprimer tous ses regrets de n'avoir pu imaginer, dans cette circonstance, un moyen extraordinaire qui remplisse les vues bienfaisantes de la commune de Paris. Tous les membres du comité d'agriculture et de commerce se considèrent comme des laboureurs, des fermiers, des manufacturiers, tous pères et amis naturels des ouvriers et des pauvres; occupés de leur sort, et partageant leurs peines, nous n'avons donc pu nous rassurer sur les inquiétudes delà commune de Paris,qu'en considérant la beauté extraordinaire de la saison, qui permet aux gros ouvriers de se livrer indistinctement à lous les travaux, qu'en nous rappellant la sollicitude et la surveillance du gouvernement pour cette capitale, la sensibilité charitable de ses habitants, et par l'espoir que les heureux effets de la gnnde Révolution que vous consommez rendront incessamment la vie au commerce, l'activité à l'iodustrie, et au numé-
raire la rapidité de circulation reproductive de , tous les travaux, de tous les salaires et de . toutes les prospérités.
Votre comité a pensé que la demande des représentants de la commune de Paris est le plus important des objets, tant par son influence sur la destinée des ouvriers, que par son action sur cet art vivilicateur éternellement respectable, et digne à jamais de nos soins, de nos hommages, et de notre reconnaissance, l'agriculture !
Enfin votre comité a conclu que, sous l'un de ces deux rapports, la demande des représentants de la commune de Paris est un objet d'administration qui nous sera constamment cher, et qui doit être envoyé sans délai au pouvoir exécutif ; et que, sous l'autre rapport, cette demande amenait le moment propice de vous proposer le projet suivant de décret sur les dessèchements des uiarais de la France :
décret.
L'Assemblée nationale considérant qu'un de ses premiers devoirs est de veiller à la conservation des citoyens, à l'accroissement de la population, et à tout ce qui peut contribuer à l'augmentation des subsistances, qu'on ne peut attendre que de la prospérité de l'agriculture, du commerce et des arts utiles, soutiens des empires ; considérant que le moyen de donner à la force publique tout le développement qu'elle pout acquérir, est de mettre en culture toute l'étendue du territoire ; considérant qu'il est de la nature du pacte social que le droit sacré de propriété particulière, protégé par les lois, soit subordonné à l'intérêt général ; considérant enfin qu'il résulte de ces principes éternels que lus marais, soit comme nuisibles, soit comme incultes, doivent fixer toute l'attention du Corps législatif, a décrété ce qui suit:
Art. 1er. Chaque assemblée (1) de département s'occupera des
moyens de faire dessécher les marais et les terres inondées de son territoire, en commençant,
autant qu'il sera possible, ces améliorations, par les marais les plus nuisibles à la santé,
et qui pourraient devenirlesplus propres à l'accroissement des subsistances ; et chaque
assemblée de département indiquera le meilleur plan, et emploiera les moyens les plus
avantageux aux communautés, pour parvenir au dessèchement de leurs marais.
Art. 2. Les municipalités enverront, sous trois mois, à l'assemblée de leur district un état raisonné des marais ou terres inondées de leurs canions, et l'assemblée de district sera tenue d'en instruire, deux mois après, l'assemblée de département ; cet état contiendra les noms des propriétaires de ces marais, l'étendue de ces terrains, le préjudice qu'ils portent au pays, les avantages qu'il pourrait en retirer, les causes présumées du séjour des eaux, les moyens d'effectuer le dessèchement, et l'aperçu des dépenses qu'il entraînera.
Art. 3. Les assemblées de département communiqueront, à toutes personnes qui voudront en prendre connaissance, les mémoires qui leur auront été adressés sur cet objet ; elles feront vérifier sur le lieu, de la manière qui leur conviendra, la nature des marais dont le dessèchement leur sera indiqué, et les observations des mémoires qui le concerneront ; le procès-verbal en sera rendu public par la voie de l'impression, et envoyé à toutes les municipalités, et le rapport de tous les mémoires, ainsi que du procès-verbal de vérification, sera fait à la plus prochaine assemblée du département.
Art. 4. Lorsqu'une assemblée de département aura déterminé de faire exécuter le
dessèchement d'un marais, le propriétaire de ce marais sera requis de déclarer, dans l'espace
de six mois, s'il veut le faire dessécher lui-même, le temps qu'il demande pour l'opérer et
les secours dont il a besoin pour cette entreprise ; l'assem-
Art. 5. Si les propriétaires renoncent à faire eux-mêmes le dessèchement, de leurs marais, ou s'ils ne remplissent pas l'engagement qu'ils ont contracté de les faire dessécher aux termes convenus, l'assemblée de département aura le droit de faire exécuter le dessèchement, en payant aux propriétaires la valeur actuelle du sol du marais, à leur choix, soit en argent, soit en partie du terrain desséché ; le tout à dire d'experts, dont un sera nommé par le propriétaire.
Art. 6. Quand l'assemblée de département sera forcée de se charger du dessèchement d'un marais, elle fera procéder trois fois, de quinze jours en quinze jours, à l'adjudication au rabais du dessèchement dudit marais : celte adjudication sera annoncée dans toutes les municipalités, par des affiches explicatives des diverses conditions proposées par les entrepreneurs. Les adjudications seront indiquées et ouvertes au chef-lieu du district, à ce autorisé par l'assemblée de département, en présence des membres du district assemblé, et d'un officier municipal du lieu où sera situé le marais ; à la troisième séance, le dessèchement du marais sera adjugé définitivement au particulier ou à la société qui conviendra de s'en charger à la condition la plus avantageuse au département, soit par argent, soit plutôt par abandon d'une partie du marais à dessécher. L'entrepreneur quel qu'il soit s'obligera d'indemniser d'avance, à dire d'experts, les propriétaires riverains, pour les divers dommages qu'ils éprouveront, jet il donnera une caution solvable, dont la décharge n'aura lieu qu'après le ressuiement total du marais. L'assemblée de département donnera toutefois à l'entrepreneur les facilités que les circonstances et les localités permettront.
Art. 7. Si, par le marché fait avec l'entrepreneur du dessèchement d'un marais, il restait au domaine public une partie du terrain desséché, l'assemblée de département vendrait incessamment cette partie du terrain, en la divisant, autant qu'il sera possible, par petites propriétés.
Art. 8. Les assemblées de département sont autorisées à vendre, quand elles en auront les moyens, les parties des marais desséchés, devenues domaine public, à des ouvriers ayant la force do les défricher eux-mêmes : la forme de la vente sera une redevance amortissable par huitième de la totalité du terrain. Les assemblées de département sont autorisées, enfin, à n'imposer à ces ouvriers entrepreneurs, que telle condition paternelle qu'elles jugeront à propos.
Art. 9. Si un marais est indivis, le propriétaire à qui il appartiendra en partie, pourra entreprendre le dessèchement entier, en cas de refus des autres propriétaires d'y coopérer ; mais il leur remboursera, à leur choix, leur portion, suivant la valeur actuelle du sol dudit marais, soit en argent, soit en une partie du terrain desséché, le tout à dire d'experts nommés en égal nombre par les parties.
Art. 10. Les propriétaires des terrains desséchés et des terres défrichées sur la foi de l'édit de 1764, ou d'après tous les arrêts du conseil précédents ou postérieurs, continueront de jouir des avantages qui leur ont été accordés. A l'égard des dessèchements entrepris à l'avenir, lorsqu'ils auront été faits par le propriéiaire, les terrains seront exempts, pendant vingt années, de toutes impositions : il en sera de même pour la partie des marais qui, après le dessèchement, Testera à tout entrepreneur, considéré dès lors comme vrai propriétaire; mais, pour les parties de terrain que les conditions de l'adjudication du dessèchement porteront dans le domaine public, la durée des franchises territoriales sera subordonnée aux localités et aux conventions de la vente arrêtées entre les départements et les acquéreurs.
Art. 11. Dans le cas où les propriétaires riverains des marais qu'on desséchera éléveront quelques difficultés pour le cours des eaux, ou pour des dédommagements, il en sera référé à l'assemblée du département, qui, d'après le rapport des personnes qu'elle commettra à la vérification des faits, ot d'après l'avis du district et des municipalités des lieux, prononcera, par voie de conciliation, sur les indemnités demandées, et sur toutes les réclama-
tions imprévues, sauf aux propriétaires à se pourvoir devant le tribunal du lieu, s'ils ne sont pas satisfaits de l'arbitrage.
Art. 12. Les assemblées de districts et les municipalités seront tenus de prendre connaissance et de rendre compte à l'assemblée de leur département des concessions de marais faites dans leurs cantons par nos rois, par les provinces, ou par les communautés d'habitants, à la charge de les dessécher. Dans la supposition où le dessèchement n'aurait pas été effectué, au moins à moitié, les anciens propriétaires rentreront dans lesditu marais ; et dans le cas où le dessèchement aurait été troublé par les contestations des propriétaires riverains, ou par quelque autre cause semblable, les concessionnaires seront obligés de poursuivre sans délai la levée des empêchements, de continuer ensuite le dessèchement, et d'y travailler sans relâche, jusqu'au parfait ressuie-ment du marais, sous peine de perdre définitivement lesdites concessions.
Plusieurs membres demandent l'impression et la distribution à domicile du rapport de M. Heur-taultde LaMervilie.
Cette proposition est décrétée par l'Assemblée.
lève la séance à trois heures, après avoir indiqué celle de demain pour l'heure ordinaire.
à la séance de VAssemblée nationale du
Nota. Nous insérons ici une opinion de M. Grégoire relative au dessèchement des marais. — Cette pièce a été imprimée et distribuée et fait partie des documents parlementaires de l'Assemblée nationale constituante.
Observations sur le rapport du comité d'agriculture, concernant le dessèchement des marais, par M. Grégoire, curé d'Ëmberménil, député de Lorraine (1).
Messieurs, le rapport que vous avez entendu vous présente un des grands objets qui puisse vous être soumis, et pour lequel on puisse invoquer le secours de votre autorité. Je n'ai point à vous le persuader, puisque vous avez ordonné la réimpression du mémoire de M. Boncerf sur la nécessité et les moyens d'occuper les gros ouvriers, objet de ce rapport, et que le principal moyen qu'il a proposé est le dessèchement des marais. C'est le plus utile de tous, puisque c'est celui qui fera cesser les épidémies causées par les exhalaisons des marais, qui permettra de multiplier les bestiaux, et les engrais dont notre agriculture manque, et d'avoir les viandes, les suifs, les cuirs, les laines qui manquent à notre consommation. Mais en vous présentant ces avantages, on ne s'est pas assez occupé,dans cet excellent rapport, de l'urgente nécessité, je le répète, de la nécessité urgente, mille fois urgente, d'occuper à l'instant les gros ouvriers, ni des fonds que vous devez destiner à ce trop pressant objet : je vais donc y suppléer.
J'ouvre le compte des revenus et des dépenses fixes qui vous a été remis pour y découvrir les fonds que vous pouvez appliquer à ces opérations,
dont la nature est de vous soustraire aux tributs énormes que vous payez à l'étranger et de vous rapporter annuellement plus que votre mise.
Dès la page 5, je vois que le bénéfice sur les loteries est sou mis à des retenues sous le nom de remises, de croupes, de traitements excessifs à un trop grand nombre d'agents.
Page 15.Que les abonnements d'impositions ont fait perdre annuellement plusieurs millions.
Chaque page du compte général des dépenses présente un abus, une déprédation, un scandale et, par conséquent,des économies à faire; une économie sévère dans les dépenses les réduira d'un quart et peut-être davantage. Votre comité des finances en convient.
Page 37. Vous payez 10,000 livres par an pour la construction d'une route pour aller au château d'un ex-ministre; non seulement cette dépense doit cesser, mais ii doit restituer les sommes employées à cet objet.
Vous avez supprimé les haras, les 814,000 livres de cette partie doivent retourner à l'agriculture.
Pages 50 et 51. Vous payez des rentes de toute espèce dont il est duuteux que les fonds aient été fournis, elles doivent d'abord être suspendues jusqu'après vérification, dont l'avènement en fera anéantir plusieurs.
Page 67- On a fait des anticipations effrayantes pour subvenir aux dépenses abusives, et on serait sans énergie pour le nécessaire I
Pages 70-71-72. On â faitpour des sommes immenses cent acquisitions onéreuses et inutiles qui n'étaient que des dons déguisés et nous ne saurons pas faire fa dépense nécessaire à la mise en valeur de nos terres I
Page 86 Que dirai-je de ces brevets de retenue dont on a chargé l'état de vos finances, et qui plus est, dont on vous fait payer l'intérêt?
Quoi! vous payez les énormes intérêts de vingt fois plus énormes anticipations, et ils ne seraient assujettis non plus que les traitements à aucune de vingtième ni de dixième I Faut-il s'étonner si personne ne veut confier ses fonds à l'agriculture et qu'il n'en reste point pour venir à son secours? Le seul dixième imposé sur les intérêts des anticipations et sur les- traitements des financiers suffirait pour faire les fonds que je vous demande au nom de l'agriculture et des ouvriers, et pour faire leur prospérité.
Page 97. Vous payez 2,500,000 livres au clergé, les pauvres ouvriers réclament cette somme.
Pages 110-11-12. Ces énormes et scandaleuses pensions, ces croupes, ces traitements excessifs qui font l'opprobre de ceux qui les reçoivent, j'espère qu'en étant délivrées, vos finances recevront un assez ample soulagement qui vous mettra à même de secourir ce bon peuple qui les a si longtemps payés.
Je ne puis jeter les yeux sur ce compte sans voir les ressources variées et les talents qu'on avait pour vous dépouiller; tous les revenus publics affectés, toutes les formes employées pour y prendre part, rien n'a été épargné pour dessécher le Trésor public et les peuples qui l'alimentent.
Page 133. Les traitements énormes des ministres et du conseil doivent être réduits et soumis au dixième (144). Combien de traitements à supprimer en entier?
Tous ceux de la finance doivent être réduits dès à présent; pourquoi continueriez-vous à engraisser tant d'inutiles?
Page 172. Je vois aussi des fonds réservés:
1° pour la bienfaisance, voilà l'ouvrier qui les attend ; 2° pour les Ho Uandais réfugiés, et le Français malheureux n'obtiendrait pas vos regards 1
Page 173. En continuant ces étals, vous y trouvez plus de 1,200,000; livres donnés à des corps ecclésiastiques; ces dépenses sont cessées de droit depuis vos décrets surladisposition de leurs biens et la suppression des monastères.
Vous payez 419,000 livres aux invalides pour leur entrée; mais pourquoi des invalides à Paris?
On a supprimé les francs salés en nature et on les paie en argent.
Page 184.1,911,000 livres sont employés, à ce que dit le compte, à des travaux de charité; il est urgent de les appliquer à l'agriculture et aux ouvriers»
Pàge 190. Dans les dépenses pour les travaux littéraires, on rougit de plusieurs noms et de leur traitement, tel que celui de l'apôtre du despotisme sous le nom de discours sur l'histoire et le droit public.
Page 186. Vous pensiez que ceux qui achetaient des nègres les payaient de leurs deniers, point du tout ; ce sont les laboureurs, c'est vous, Messieurs, qui fournissiez tous les ans environ 2,800,000 livres au commerce du crime et de l'esclavage. Je réclame, il en est temps, cette somme pour l'agriculture, pour repeupler, ranimer nos campagnes, les féconder et vous fournir les matières agricoles que vous tirez de l'étranger. Je dis les matières agricoles que vous tirez de l'étranger: elles montent à 138 millions de matières brutes, à 66 millions de fabriquées. Voilà ce qui vous épuise et qui ruine la nation; c'est à l'agriculture, qui vous les fournira, que vous devez porter vos fonds ; elle vous en demande, cent fois moins que ces ruineux achats.
Page 19. Vous avez trouvé 43 millions pour secourir les Américains, et ceux d'une guerre pour les aider à conquérir leur liberté, et vous n'auriez pas de fonds ni pour consommer la vôtre et la garantir, ni pour payer des travaux utiles qui vous procureront l'abondance de tout ce que vous tirez annuellement de l'étranger 1
On en a trouvé pour surcharger les villes de bâtiments stériles et inutiles, pour prêter 6 millions à un prinçe d'Allemagne.
Vous n'avez pas de fonds, vous dit-on ; mais si ces milliers d'ouvriers qui sont sans pain faute d'ouvrage, venaient, réunis, vous en demander, que feriez-vous alors 1.......Ce que vous
feriez, il faut le faire à l'instant, consacrer une partie des dons et des offrandes patriotiques pour mettre ces ouvriers en activité. Les premiers créanciers delà nation sont les bras qui demandent de Vouvrage et la, terre qui attend des bras, a dit le vertueux auteur des mémoires qui ont donné lieu à l'affaire qui nous occupe; ce sont donc eux qui doivent être payés les premiers. L'or que vous aurez répandu ainsi vous reviendra avec usure, vous aurez sanctifié les dons du patriotisme qui verrait à regret que vous consentez à les engloutir avec tous les revenus publics dans les abîmes de ces caisses auxiliaires sur lesquelles personne n'est sans inquiétude.
Faut-il d'autres ressources? En voici quel'im-
Bortance de l'affaire m'autorise à vous indiquer.
ne augmentation d'un quart sur les ports de lettres pendant trois ans produira par an trois millions; la retenue du dixième sur les lots des loteries qui montent à plus de 30 millions en Produira autant ; voilà des fonds que vous pourvoir, à commencer dès le moment où vous
l'aurez voulu. Aucun pays de l'Europe ne paie à si bas prix le port des lettres que la France, et l'augmentation que je propose n'atteint pas le prix de l'Angleterre ; quant aux lots gagnés, tous ceux qui les ont verront sans regret la retenue du dixième pour l'emploi des ouvriers.
Après vous avoir indiqué vos ressources et démontré la nécessité d'en user, je finirai par vous proposer d'ajouter au projet de décret dont vous avez entendu la lecture : 1° d'accorder des primes à ceux qui feront des dessèchements, savoir 48 livres par arpent desséché dans le cours de l'année 1790; 24 livres pour chaque arpent desséché en 1791, et 12 livres par arpent desséché en 1793.
2° Pour accélérer les entreprises et mettre plus promptement les ouvriers en activité, de faire prêter par la Caisse nationale aux propriétaires ou entrepreneurs de dessèchements au moins jusqu'à concurrence de 1,200,000 livres en différents lots dont le plus fort n'excédra pas 50,000 livres, à la charge de remboursement dans trois ans; sauf à faire de plus grands prêts si d'heureux succès y engagent.
3° Comme l'art et les procédés divers des dessèchements sont peu connus, et qu'il est essentiel d'éclairer ceux qui voudront en entreprendre, je propose à l'Assemblée de charger un homme expérimenté dans cette matière de composer une instruction sur les méthodes, les moyens et les procédés les plus sûrs et les plus économiques de faire les dessèchements. Un pareil ouvrage épargnera beaucoup de fautes; or les fautes sont dangereuses, parce qu'elles produiraient le décri d'opérations dont vous devez attendre les plus heureux effets.
4° De faire imprimer le rapport de la Société Toyale de médecine sur les épidémies causées par les marais et les avantages de leur dessèchement.
Je finis en vous observant que ce qu'il peut vous arriver de plus heureux est qu'il se présente beaucoup de gens solides et capables pour profiter du prêt que je propose, et que vous ayez beaucoup de primes à payer. Vous avez été à portée de vous en convaincre par d'autres écrits ae M. Boncerf, surtout par Vaperçu des effets qui résulteront des dessèchements,défrichements, et où il a présenté les produits en argent, en nature, en bétail, et ceux de l'accroissement du commerce et des arts, ainsi que de la population. Des colonies tentées si malheureusement ou établies avec succès ont coûté mille fois plus, ont dépeuplé les provinces, et n'ont donné que des fruits tardifs : ici vous les recueillerez à l'instant.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, Vun de M. les secrétaires, donne lecture des procès-verbaux des deux séances du 6 février.
, autre secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
annonce que la commune de Paris doit faire chanter, dimanche 14, un Te Deum à l'église Notre-Dame ; elle désire que l'Assemblée, par sa présence, rende plus imposante cette auguste cérémonie, et se propose de lui envoyer une députation à cet effet.
L'Assemblée décide qu'elle recevra demain soir la députation de la commune et qu'elle assistera au Te Deum.
L'ordre du jour appelle la suite de la disscussion sur la division des départements du royaume.
, organe du comité de constitution, dit que la Basse-Navarre, le pays de Soûle et le pays de Labour ont été réunis au Béarn par un précédent décret; ces provinces demandent aujourd'hui que, dans la division des districts, leurs anciennes limites soient conservées.
Le rapporteur, aprè3 avoir exposé les prétentions respectives,propose un décret ainsi conçu :
Département du Béarn.
Premier décret.
L'Assemblée nationale décrète; d'après l'avis du comité de constitution :
« 1° Que le département du Béarn est divisé en six districts,dont les cnefs-lieux sont Pau.Orthez, Oléron, Mauléon, Saint-Palais et Ustaritz ;
« 2° Que ces districts auront provisoirement seulement, pour limites, celles propres aux provinces du Béarn, de Soûle, Navarre et Labour;
« 3° Que le département du Béarn présentera à la prochaine législature une division de son territoire en six districts, aussi égaux qu'il sera possible, pour être décrétée par la prochaine législature;
« 4° Que les députés présenteront incessamment leur vœu sur le chef-lieu du département du Béarn. »
représente que si on adopte ce décret, on donnera lieu à une explosion déjà prête à éclater dans le pays de Soûle.
parle de la différence des mœurs et du langage qui font désirer à la province de Soûle de s'unir seulement au Labour et à la Navarre. Il propose de réunir là Chalosse au Béarn pour en l'aire un département de manière que les trois autres pays forment un autre département avec une représentation et une administration proportionnelle à leur étendue et à leur population. L'orateur demande que si l'Assemblée n'adopte pas le parti qu'il propose, elle décide, au moins, que les districts seront aussi éyaux que possible et que la ville de Mauléon-en-Soule sera chef-lieu du département du Béarn.
rappelle à M. Lahorde que les limites ont été lixées par l'accord des députés; il lui r.ippelle qu'il a cherché à étendre le ressort de son district, au moyen de quelques communautés du Béarn et que" d'ailleurs, une partie de la Navarre a.adhéré aux décrets de l'Assemblée. Quant à l'incomptabilité des habitants du pays découle avec les Béarnois, l'Assemblée peut être tranquille il en sera des commettants comme il en a été des députés.
réclame le tribunal de district en faveur de la ville de Bavonne qui, par ses établissements, sa population et son commerce, ne doit pas être oubliée.
appuie fortement la demande de M. Basquiat et ajoute que le tribunal de district doit être placé là où il y a des justiciables.
Vainé, soutient que la capitale du Labour est Ustaritz, que ses habitants ne pourraient aller à Bayonne que par des chemins très difficiles, très escarpés et qu'il est.de toute justice d'établir le tribunal de district à Ustaritz. — L'orateur demande la question préalable sur tous les amendements.
La question préalable est mise aux voix et prononcée.
Le décret du comité de constitution est ensuite adopté dans sa forme et teneur.
rend compte à l'Assemblée des réclamations que présente la ville de Morlaas contre la division des districts du département du Béarn.
dit que la ville de Morlaas réclame un district en sa faveur parce qu'elle est la capitale du Béarn, l'ancienne demeure de ses souverains et le siège d'une sénéchaussée composée de 184 communes et de cinq villes ; elle a joui jusqu'à ce moment d'une prééminence honorable qui consiste en ce que le maire de celte ville a ie droit de présider, aux Etats du Béarn, la chambre des communes; elle a été maintenue parHeriri IV dans la possession de. son tribunal et il serait injuste de la dépouiller des avantages dont elle est en possession depuis si longtemps.
répond que le comité de constitution a reconnu qu'il était fort difficile d'établir un district à Morlaas, mais qu'il trouve juste de faire bénéficier cette ville de l'un des établissements du département du Béarn : en conséquence, il propose un décret qui est adopté en ces termes :
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que les villes de Pau, Orlhez et Oléron sont les chefs-lieux de leurs districts, sauf à prendre en considération la demande de la ville de Morlaas, où est établi l'ordre judiciaire. »
, autre rapporteur du comité de constitution, propose un décret qui est adopté ainsi qu'il suit :
Département de l'Artois.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution, que les limites convenues par les députés de l'Artois, pour les districts de ce département, subsisteront telles qu'elles ont été arrêtées. »
présente ensuite le décret suivant :
Département dligenois.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis
du comitéde constitution, que la première session de l'assemblée de département se tiendra à Agen, et qu'ensuite on alternera dans les villes qui en seront susceptibles; laissant néanmoins à la majorité des électeurs la liberté de fixer le chef-lieu ;
« Que ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs- lieux sont Agen, Nérac, Cast ljaloux, Tonneins, Marmand*, Villeneuve et Valence, Montllanquin, Lauzun. L'Assemblée accorde à la ville d'Auvillars la faculté d'opter le département auquel elle désirera d'être réunie. »
propose de fixer dès à présent à Agen le chef-lieu du déparlement ; cette ville est plus centrale que les autres. Quaut aux villes de Nérac et de Casleljaloux.ell s ne peuvent prétendre à l'alternat parcequ'elles sont situées à la fois au delà de la Garonne et sur les frontières du département.
, trouve que le nombre des districts est beaucoup trop considérable; il propose de le réduire a quatre.
appuie, au contraire , lesproposi-lions du comité et demaude la question préalable sur les amendements.
La question préalable est prononcée.
met aux voix le décret du comité de constitution, qui est adopté en sa forme et teneur.
annonce que MM- Bourgeois, député de Villers-Côlterets ; Bouvet, député de Chartres; Le Carlier, député du Verman-dois, et le bailli de Fresnay, député du Maine, demandent un congé pour s'absenter quelques jours ; il leur est accordé.
L Assemblée passe maintenant à son ordre du jour de deux heures. Bile a à s'occuper 1° d'un rapport du comité féodal; 2° d'une adresse aux provinces: 3° des troubles du Quercy; 4° d'une imposition demandée par la commune de Rouen. L'Assemblée doit décider d'abord quelle est celle de ces matières qui aura la priorité.
La priorité est donnée à l'affaire de Rouen, et M. l'abbé Gouttes, rapporteur, monte à la tribune.
La ville de Rouen avait demandé à être autorisée à percevoir sur tous les citoyens, pour soulager les ouvriers sans travail, une contribution égale aux trois quarts d'une année de lacapitation. Vous avez exigé qu'une nouvelle assemblée manifestât plus autbentiquement ce vœu : elle vient de former la même demande. Le comité de finances m'a chargé de vous proposer, en conséquence, le décret dont voici les dispositions :
c L'Assemblée nationale décrète qu'il sera assis sur tous les citoyens de la ville et des faubourgs de Rouen, qui payent trois livres et plus de ca-p'*ation, une contribution égale aux trois quarts de ta. capitatiou à laquelle ils ont été imposés pour rannée 17b9; laquelle capitation, en ce qui concerne Ws ecclésiastiques, sera déterminée par le rôle qui sera. fait en exécution des décrets de l'Assemblée nationale pour les six derniers mois de 1789 : lesquels trois quarts seront acquittés en
trois payements égaux, le premier en janvier, le second en février le troisième en mars; que les rôles d'assiettes qui seront dressés à cet effet seront rendus exécutoires par la municipalité, devant laquelle seront portées toutes les contestations qui pourraient survenir, soit sur la confection des rôles, soit sur la perception, pour être jugées sommairement et sans frais; et néan-moins aucun contribuable ne sera entendu sur lesdites contestations, qu'en justifiant préalablement du payement de son imposition é;bue ; et que les actes, procédures et jugements à intervenir seront rédigés sur papier non limbré, avec exemption de contrôle, sceaux et droits réservés, à la charge par la municipalité de rendre, par la voie de 1 impression, un compte public de l'emploi qui aura été fait des sommes provenant de la cotisation. »
met aux voix le projet de décret proposé par le comité des finances.
Le décret est adopté.
, député d'Aval, propose d'affranchir les bois des communautés voisines des salines de Montinorot, de la charge qui leur a été ci-devant imposée, de fournir à la consommation desdites salines.
Un membre demande la destruction de ces mêmes salines et propose de renvoyer les deux questions au comité des domaines pour qu'il en fasse rapport.
Ce renvoi est décrété.
L'Assemblée reprend la discussion delà motion de M. Loys tendant à exclure les condamnés de l'exercice des droits de citoyen actif.
On a ajourné à aujourd'hui la question de savoir si des personnes entachées par des jugements et arrêts peuvent être élevées aux places municipales. En excluant les faillis et leurs enfants, vous avez exposé la rigidité de vos principes en pareille matière, et vous ne pouvez refuser de décréter que, conformément à i'esprit de vos précédents décrets, les personnes notées sont, de fait et de droit, incapables d'exercer toutes fonctions administratives.
Le préopinant s'écarte de la question : il ne s'agit pas de savoir si une personne entachée par quelque arrêt peut être éli-gible pour les municipalités, mais si un ajournement personnel prive des droits de citoyen actif. Si l'on veut décider ces deux questions, il faut les séparer. Dans le premier cas, les lois anciennes prononcent; elles ne sont point abrogées, j elles doivent être observées. Le second cas pré-I sente une question plus délicate : un homme décrété d'ajournement personnel n'a pas été entendu, n'est pas jugé, et ne peut élre traité I comme s'il était coupable. Cette dernière partie forme le seul point de la discussion.
l'aîné. La question relative à l'ajournement personnel doit être décidée par les lois qui subsistent en ce moment; or ces lois déclarent incapable de fonctions publiques quiconque n'a pas purgé ce décret. Dans le code que vous ferez, abrogerez-vous le décret d'ajournement personnel et ses effets? Je n'en crois rien : il importe à la délicatesse française que tout homme soit suspect, s'il a, pour aiusi dire, acquiescé au jugement qui le déclare tel, et c'est un acquiesce-
ment réel que de ne pas prendre les moyens de i prouver son innocence, quand ils sont offerts par j la loi.. .
représente l'importance d'une question qui ne peutnétre décidée que,par un décret constitutionnel.-Il observe que les .assemblées primaires étant chargées.de juger de la capacité des individus, ce décret n'e&tipas nécessaire qu'ainsi il n'y a pas à délibérer, s'il regarde le présent; ;que sîil regarde l'avenir, il faut discuter, examiner, et pour cela ajourner,en renvoyant au comité de constitution.
est d'avis du,grand intérêt que présente la que.-tioq, et, appuie l'ajournement.
On se dispose à aller aux voix.
M. le vicomte de Mirabeau entre «dans :1a salle.
Je demandeque la délibéra- j tion Soit suspendue, ;po,ur quç les, membres qui n'ont pas prêté le serment civique le prêtent iou se retirent.
Je suis l'un de ! ces membres : ]'ai eu l'honneur d'écrire mes motifs et d'énoncer le serment que ma conscience me permet de prêter. Je jurerai d'obéir à la constitution,, mais je ne puis jurer de la maintenir; et par ce refus, je crois faire quelque chose d'uiile à la nation. 11 est impassible-de lui enlever leidroit de.changer la constitution,; il est impossib/e de ne pas convenir que les prochaines législatures sont appelées à faire ces changements. Jurer de maintenir la constitution, ce serait donc jurer de s'opposer aux droits de la nation. Sans doute, on n'a pas attaché ce sens au serment proposé ; mais, si c'est le sens naturel, si c'est l'acception véritable du mot maintenir, on ne peut blâmer mon^refust
L'Assemblée nationale, ne se croyant pas liée,.par les capitulaires des races passées, .elle ne. pen$e .pas lier ;les races futures. ^ai constitution conserve au peuple le droit de s'assembler en-convention nationale pour réformer cette mêime constitution. Ainsi Je préopinant, enjurant de la maintenir, jurera également de maintenir à la nation 1e droit de la perfectionner.
.Je ne puis permettre des restrictions. Jeudi dernier,, l'Assemblée ,a décidé que j'interpellerais par oui;ou par non les tnem-bnes qui.se présenteront pouivprôter le sertment dont ta formule .a étéiarrêtee,; j;e.dois me conformer it cette décision..11.ne s'agit pas. de.détruire' le.pouvoir.de la volonté génénale, mais d'opposer lé pouvoir individuel de celui qui jure au pouvoir individuel de quiconque essaiera de porter atteinte à la constitution.
, Le préopinant n'aurait pas montré les scrupules iqu'iLa témoignés, s'il, avait voulu se rappeler qu'un article de la déclaration des droits conserve ; le , droit essentiel-inhérent à la aaation, de ohanger .la loiqq'eMe s!est donnée, .et certes, on a assez souvent prêché .cette doctrine dans cette assemblée. L'erreur du préopinant vient d'un ;pur oubli, d'un pur sophkme, développé dans une lettre de M . Bergasse,-et que l'on rend à la porte de cette salle..... Je demanderai à ces consciences délicates, dans quel principe de droit public elles ont vu qu'on peut refuser d'obéir aux lois, même imparfaites., Il faut faire
observer le décret qui oblige tous -les membres;à prêter le serment.
M. le vicomte de Mirabeau ! monte à la tribune.
Ou ne peut ouvrir de discussion sur un objet décrété; il ne reste:plus qu'à obéir au décret.
reste à ta tribune pendant quelque temps. Il en descend ; on croit qu'il :se .dispose à ,s®i?tir : an applaudit, il remonte à sa place; la grande .majorité se. lève à l'instant. On entend plusieurs voix prononcer: « Faites-le sortir I »
Des membres refusent de prêterile serment; le décret de l'Assemblée est connu; mais ne serait-iil pas juste.de leur laisser vingUquatre heures pouris'aviser?
Je fais -la motion expresse, que si dans vingt-quatre heures, M. le ,v-icomte.de Mirabeau ,n'a pnsprêté le?senment, il soit déelané déchu des fonctions de député et des droits de, citoyen actif.
D'après l'explication adoptée par, l'Assemblée, je lie jurv.
MM. de Bouville; Le .Gansentier de Ghailloué et le vicomte de Miraoeau prêtent leur serment; mi se servant des mêmes expressions.
M. Merli n (de Douai) a lapa-role, au nom du comité féodal1 pour faire uwrap-port sur la suppression et le rachat des droits féodaux.
, député de Boudi (1). Messieurs, en détruisant Je régime féodal;-en renversant, pour
meservird'uneexpression connue de Montesquieu, ce chêne antique dont les branches couvraient
toute la surface de l'empire français, tandis que ses racines ignorées se perdaient dans les
mœurs et le -gouvernement .des ..barbares .auxquels 'les -Gaules ont dû l'expulsion des
Romains ; en faisant, parce grand acte de'vigueur et ;de.|>uissance, non une simple loi, mais
un article de constitution, et le plus important, peut-être, que vous eussiez à faire pour
vous .aplanir la carrière pénible set glorieuse qui s'offrait à votre courage, vous avez
rendu à 'la nation un service inestimable, mais voua vouscêtes imposé iune granule tâche. —
Ge n'est pas assez d'avoir fait disparaître jusqu'à la dernière trace de ce régime, qui
n'aurait , pu se lier ni, avec .ceMe précieuse égalité des droits que voius avez d éclarée,
ni avec cette grande maxime qui rappelle toute autorité à la nation dont elle;émane, comme
àsa source; ce n'est pas assezd'avoir,.avant de commencer l'édifice delà constitution,
déblayé tous ces;.décombres, tous.ces restes gothiques d'un système inconstitutionnel qui
composaient encore la féodalité moderne; ce n'est pa« assez, en un mot, d'avoir établi des
principes, il faut encore, par un juste développement de leurs conséquences, en faciliter la
pratique; il faut surtout aller au devant des abus que la cupidité pourrait en faire; il
fautles environner de dispositions conservatrices de la propriété autant que la liberté; Il
faut enfin présenter au peuple une loi dont la justice;force au silence j'égoïste
G'està lapréparalion de cette loi importante que i vous nous avez appelés par votre décret du 12 août. iNous ne devions, aux.termes de ce décret, vous rendre compte de notre .travail qu'après que celui de la constitution secait,entièrement achevé; votre juste impatience vient de nous imposer un ordre différent; nous nous y soumettons, mais nous ne pourrons vous présenter aujourd'hui qu'une partie.de la loi si désirée et si jiéeessaire qui nous occupe constamment.
Vos décrets .du 4 août, Messieurs, comprennent, par rapport à la mission dont vous nous avez chargés, quatre dispositions très distinctes.
1° Llâ détruisent ,1e régime féodal.
2° Ils abolissent la mainmorte, la servitude et' les droits qui les représentent ou qui y tiennent.;
3° Us déclarent rachetables les autres droits et devoirs tant féodaux que censuels, même les simples prestations et charges foncières.
4° Enfin, ils suppriment sans indemnité îles .justices seigneuriales.
Nous vous dirons peu de choses en .ce moment des droits que vous avez déclarés irachetables; le' mode du rachat que vous en .avez permis, fait l'objet de nos méditations actuelles; mais il n'est p is encore avancé., ,ass iz mûr, pour vous, être présenté, et nous nous réservons de vous en; parler un autre jour.
Cest aussi à un autre jour que nous remettons^ tout ce,qui concerne les droits ,dépendants des justices seigneuriales, tels que les droits d'épave,! dedéshérence, de voirie, d'af'forage, de taverne,, de labellionage,etc. Nous ne vousiparlefrons même point du tout des droits de péage et de minage, parce que le comité d'agriculture doit vous en entretenir incessammetil.
Ainsi, des quatre dispositions principales ique je viens de rappeler, les deux premières seront: le principal objet de ce rapport,; et vous approuverez sans doute, Messieurs, le motif,qui,nous a déterminesià les. placer dans l'ordre de notre travail, avant .-celle qui est relative au modieidu rachat que vous .avez autorisé. La fixation dut .mode au rachat ne devant.et ne pouvant s'appliquer qu'aux droits rachetables, il nous ,a paru qu'elle devait être précédée d'une détermination précise de ces droits; et nous avons pensé que cette détermination ne pouvait être que le résultat d'une définition claire et'exacte des droits abolis sans indemnité. Nous croyons d'ailleurs remplir, quant,à présent,, tout ce qui est, nécessaire pour l'aire cesser les désordres et les mal-.heurs dont quelques provinces sont, depuis .peu le théâtre.
Quels sont les droits que wous avez .abolis .sans indemnité? Quels sont, au contraire, ceux que vous avez laissés subsister, ;en les assujettissant seulement au rachat? G'està cette question que se réduit, en dernière analyse, presque tout ce que nous venons soumettre ià votneiexamen.
"Pour résoudre cette question dans toutes ses parties, il faut.se reporter à vos décrets mêmes, et d'abord se fixer sur les effets detla destruction qu'ils ont faite durégime féodal.
Saris contredit, en détruisant Je régime iféodal, vous n'avez pas ^entendu dépouiller detleurs ^possession.les propriétaires légitimes des fiefs ornais vous avez changé la nature de cessions: affranchis désormais des lois de la féodalité, ils sont demeurés soumis >à celles de la propriété fon-
cière; en un mot, ils ont cessé d'être fiefs, et sont deveaus de véritables alleux.
Vous apercevez déjà, Messieurs, les conséquences .qui doivent résulter de ce premier principe.
Il n'existe plus de fiefs : —donc iine peut plus y avoir lieu à la foi-hommage; or l'objet de la foi hommage est de reconnaître la supériorité du seign«urdomiaant,de lui jurer fidélité ; etcomme, suivant la remjrijue de Dumoulin, c'est précisément ien cela que consiste t'essencedu fief (t) ; iLest clair que cette essence étant détruite, un ipapeil accessoire ne «peut plus subsister.
Il n'existe plus de fiefs: donc >nous devons regarder comme abolie toute charge imposée au vassal, ;qui, sans être utile, mais seulement hono-riû jue;poiir le suzerain, ne .servait, soit concurremment avec la foi-hommage, soit en la remplaçant, qu'à manisfester la puissance de celui-ci et l'intériorité.de celui-là; telle -est dans plusieurs seigneuries la chaîne de danser, de faire un certain nombre de sauts devant le seigneur, à certains jours de l'annéepteltees t'encore^et sans-doute ce rapprochement ne ifera pas suspecter les -sentiments religieux de voCre comité), telle est l'obligation .à laquelle,sont assujettis les possesseurs des fiefs relevants des églises, dans les trois Eyé-cliés, de porter le dais aux processions du Saint Sacrement. Telle.est pareillement,^ l'égard des fiefs qui ne sont point de pmftt »et me doivent que /a;bouche et les mains, l'obligation d'en fournir des dénombrements à chaque mutation.
Il n'existe plus de.tiefs:—donc les;lois parti-culiôresiqui, dans les successions, régissaient les biensici-devant féodaux, deviennent sans objet et sans application; donc plus de droit d'aînesse ni de -.masculinité pour les fiefs, à moins que les auceessions de meubles et de rotures (sur lesquelles nous ne pourrions vous proposer aucune vaie de (législation nouvelle,sans excéder les bornes de ,notre mission), n'y fussent elles-mêmes sujet tes;, do ne égalité absolue dans -les partages déifiefS'entre tous les héritiers du dernier possesseur, lorsque.ceusx-ci sont appelés au partage égal de*ses meublés et rotures.
Il n'existe .plus de ,fiefs, nous devons ajouter, et plus de'eeM8ive:— donc la*supériorité féodale et censuelle est évanouie : done>le retrait féodal •et censuel,qui n'étaient que des attributs de cette 'supériorité, comme .nous nous réservons de l'établir ipar des détails particuliers, ne peuvent iplus avoir lieu.
Il ntexiste plus de-fiefs: donc>les droits utiles dont sont chargés les biens ci-devant féodaux ne doivent.plus être considérés que comme des droits purement fonciers et des créances purement réelles.
Permettez, Messieurs,'que nous nous arrêtions :à cette dernière conséquence, pour en tirer toutes les conséquences ultérieures que nous en voyons découler.
Il en résulteid'abord'Cpie la formalité d'aveu et de dénombrement doit être regardée comme
abolie, même à Hégarddôs 'fiefs de profit, mais en tant, que formalité féodale seulement;
car, en dénaturant les fiefs, la 'loi n'a pas dispensé les propriétaires-de'reconnaître'les
charges dont ils sont tenus envess les seigneurs; et l'on doit, à cet égard, les;assimiler
aux débiteurs de rentes
La même raison s'applique aux déclarations à terriers; elles sont certainement abolies en tant que formalités censuelles, mais les censitaires ne sont pas pour cela déchargés de l'obligation de reconnaître leurs seigneurs; seulement les seigneurs étant descendus au rang de simples cré anciers de dettes foncières, il ne peut plus être exigédes censitaires, d'autres reconnaissances ni d'autres déclarations, que si ceux-ci n'avaient été originairement que débiteurs ordinaires de prévalions ou redevances réelles.
De là cependant naît une difficulté. Dans la plus grande partie du royaume, les déclaiations à terriers se faisaient , comme elles le devaient, aux frais des censitaires; mais il y avait quelques provinces où l'usage avait chargé le seigneur de ces frais. On demande si cet usage pourra encore avoir lieu pour les simples reconnaissances, qui, dans ces provinces seront dorénavant substituées aux déclarations à terriers? —Du premier abord, il semble que l'objet de vos décrets du 4 août, ayant été d'adoucir le sort des censitaires, il serait injuste de faire tourner à leur désavantage le nouvel ordre de choses qui n'a été établi qu'en leur faveur. Cependant, votre comité a considéré que si les censitaires étaient à l'avenir chargés des frais de reconnaissances, dans les provinces où un usage contraire aux principes les en avait déchargés jusqu'à présent, ce ne serait pour eux qu'un fardeau, non seulement très léger, mais encore très amplement compensé par les avantages qu'ils trouveront dans le nouvel ordre de choses; que d'ailleurs on ne doit pas faire à l'amélioration du sort de-censitaires, le sacrifice des principes de la justice et de l'équité; que le seul point auquel on doit s'attacher, c'estque le régime féodal étant détruit les droits féodaux et censuels ne peuvent être regardas que comme de simples droits fonciers; qu'ainsi-c est aux simples droits fonciers qu'ils doiventétre entièrement assimilés; quec'est à celte assimilation seule qu'il faut s'arrêter; que c'est de cette assimilaiion seule que l'on doit partir, sans examiner si elle est ou si elle n'est pas à tous égards favorable aux censitaires; et que, comme ii est partout de principe que la reconnaissance d'un simple droit foncier doit se faire aux frais du redevable, il doit aussi partout être tenu pour principe à l'avenir, que le censitaire est soumis aux frais de la reconnaissance à laquelle il est tenu envers son seigneur.
Voire comité a ensuite porté ses regards sur les saisies féodales et censuelles; et toujours fondé sur le principe que la destruction du régime féodal a converti tous les droits féodaux et censuels en simples rentes foncières, il a pensé qu'il ne pouvait plus y avoir, pour la poursuite de ces droits, ouverture à d'autres actions qu'à celles dont le payementdesrentes foncièreselles-mêmes, est le but;" en conséquence, nous avons cru qu'il ne devait plus être exercé à l'avenir aucune saisie féodale ni censuelîe. - Cette opinion, je dois vous le déclarer, Messieurs, cette opinion nous a paru évidente relativement à la saisie féodale, qui aurait pour cause le défaut de dénombrements servis ou de droits payés; mais nous l'avons trouvée bien plus évidente encore relativement à la saisie féodale faute de foi-hommage. En effet, celle-ci emportant perte de fruits, ne pouvait être considérée que comme un acte de puissance et de upériorité de fiefs, comme une peine de pure
féodalité, comme un corollaire direct et immédiat du régime féodal, qni ne pouvait conséqueuiment survivre à la destruction de ce régime même. En un mot, la sai-ie avec perte de fruits ne i ouvait avoir lieu que faute de foi-hommage; or foi-hommage est abolie, et certainement il est impossible de concevoir encore l'idée d'une punition, là où il ne peut plus y avoir de faute.
C'est par le même principe que nous avons cru pouvoir résoudre la question de savoir si l'abolition du régime féodal emporte celle de la rè^le qui jusqu à présent, a interdit toute prescription entre le seigneur et le vassal, relativement à certains droits ou devoirs féodaux. Par l'abolition du régime féodal, avons-nous dit, tous les devoirs et droits féodaux out perdu leur caractère féodal, et sont devenus simples droits fonciers; dès là, ils doivent nécessa rement suivre, pour la prescrip-tibilité, les mêmes lois et la même jurisprudence que les droits fonciers ordinaires. Par une conséquence ultérieure, ils sont ou ne sont pas sujets à la prescription, suivant que le sont ou ne le sont pas les autres droits fonciers ; en un mot, il ne doit pour l'avenir y avoir aucune différence entre la législation des simples droits fonciers et la législation des droits féodaux.
Quant à l'influence de la destruction du régime féodal sur l'i nprescriplibilité du cens, votre comité a d'abord observé qn'il y avait à cet égard trois sortes de coutumes ou d'usages locaux à distinguer : — 1° qu en Bourgogne, le cens était prescriptible quand il dépendait du fief, et imprescriptible quand il dépendait de la justice ; — 2° que dans la coutume de Paris et dans la plupart des autres, ainsi que dans les pays de droit écrit, le cens était toujours imprescriptible, soit qu'il dérivât de la justice ou du fief; — 3° que dans le Dauphiné, le cens, de quelque nature qu'il fût, se prescrivait toujours par le laps de cent ans. parce que toujours on l'y considérait comme emphythéotique. — Reprenant ensuite celle division, nous avons pensé: l°que le cens même justicier devait être regardé dorénavant comme prescriptible, parce que la justice qui faisait la base de l'imprescriptibilité de ce cens, étant détruite par l'article 4 des décrets du 4 août, l'imprescriptibilité elle-même devait cesser; 2° que l'imprescriptibilité du cens devait éga'ement être regardée comme abrogée dans les pays de droit écrit, dans la coutume de Paris et dans celles qui avaient le même esprit, parce que, dérivant du régime féodal, il était d'une impossibilité absolue qu'elle survécût à ce régime; 3° qu'il en devait être de même du cens en Dauphiné, quoique dérivant du contrat emphytéotique, parce que l'emphytéose étant déclarée ra-chetable par l'article 5 des décrets du 4 août, ii était impossible qu'elle ne fût pas devenue prescriptible, d'après le principe général, que tout ce quieslsoumisau rachatl'est aussiàla prescription.
En suivant le fil des conséquences de cette idée-mère, que les droits féodaux ont été, par la destruction du régime féodal, convertis en simples droits fonciers, nous sommes arrivés à la question de savoir si les lettres de ratiticaiion auraient à l'avenir l'effet de purger ces droits, effet que leur refuse expressément l'article 34 de l'édit des hypothèques, du mois de juin 1771. Cette question, Messieurs, nous a paru mériter un examen particulier. — D'un côté, la parfaite similitude qui règne actuellement entre les rentes foncières et les droits seigneuriaux, semblait ne pas nous permettre de soustraire ceux-ci à l'effet des lettres de ratification, dans la supposition que
celles-là y fussent constamment soumises; — et dès lors nous nous trouvions forcés de regardt-r comme abro ;ée pour l'avenir la disposition de l'article 34 de I é lit cité. — Mais d'un autre côté, nous avous considéré qu'il n'y a point de loi qui ait attribué expressément aux lettres de ratification la vertu de purger les rentes foncières ; qu'elle leur a même été refusée par quelques arrêts, quoiqu'elle leur ait été accordée par d'autres; que les opinions des commentateurs sont partagées sur ce point ; et qu'enfin le silence, que tient a cet égard l'édit de 1771, exige une interprétation de la part du corps législatif. — Nous ne pouvions, Messieurs, preu.lre sur nous de vous proposer cette interprétation, et sans doute vous en laisserez le soin à vos successeurs. Mais dans l'état actuel d'incertitude où so it les principes relatifs aux effets des lettres de ratification sur les rentes foncières, nous avons cru devoir pro-visorrement nous arrêter, pour les droits enlevant féodaux et censuels, à un parti qui réunit à l'avantage d'alléger le fort des redevables, celui d'épargner aux seigneurs des embarras incalculables et des sollicitudes infinies.
Il est certain que les mlevables seraient écrasés de frais d'oppositions, si, soumettant les droits dont ils sont grevés au creuset des lettres de ratification, vous forciez le seigneur de former autant d'oppositions que sou territoire renfermerait d'arpents et de parcelles d'arpent. Eh! à quoi servirait donc cette multiplicité effrayante de procédures, si ce n'est à enrichir les greffiers, les procureurs, les huissiers? — Ce ne serait pa« la peine d'abolir les fonctions des commissaires à terriers.
C'est donc par intérêt pour les redevables eux-mêmes, que nous oserons vous proposer le maintien provisoire de l'article 34 de l'édit de 1771
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, considérant quepar l'article premier de ses décrets des 4,6, 7, 8 et II août 1789, elle a entièrement détruit le régime féodal; qu'à l'égard des droits et devoirs féodaux ou censuels, elle a, par le même article, aboli sans indemnité ceux qui dépendait-ut ou étaient représentatifs, soit de la mainmorte personrvlle ou réelle, soit de la servitude personnelle; qu'elle a en même temps maintenu tous les autres droits jusqu'au rachat par lequel elle a permis aux personnes qui en sont grevées, de s'en affranchir; et qu'elle s'est réservé de développer, par une loi particulière, les effets de la destruction du réyime féodal, ainsi que la distinction des droits abolis d'avec les droits rachetables, a décrété et décrète ce qui suit :
TITRE I.
Des effets généraux de la destruction du régime féodal.
Art. 1er Toutes distinctions honorifiques, supériorité et
puissance résultant^ du régime féodal, sont abolies. Q iant à ceux des droits utiles nui
sunsi^teront jusqu'au rachat, ils sont entièrement assimilés aux simples rentes et charges
foncières.
Art. 2. La foi-hommage, et tout autre service pure lient personnel, nu |uel les vassaux, censitaires et tenanciers ont été assujettis jusqu'à présent, sont abolis.
Art. 3. Les fiefs qui ne devaient que la bouche et les mains, ne sont plus soumis à aucun aveu ni reconnaissance.
Art. 4, Quant aux fiefs qui sont grevés de devoirs utiles ou de profits rachetables, et aux cen-sives, il en sera fourni par les redevables desimpies reconnaissances passées à leurs frais par-devant tels notaires qu'ils voudront choisir, avec déclaration expresse des confins, et ce, aux mêmes époques, en la même forme et ne la même manière que sont reconnus, dans les différentes provinces et lieux du royaume, les autres droits fonciers par les personnes qui en sont chargées.
Art. 5. En conséquence, la forme ci-devant usitée des reconnaissances par aveux et dénombrements, déclarations à terriers, gages-pleiges, plaids et assises, est abolie; et il est défendu à tous propriétaires de fiefs de continuer aucuns terriers, gages-pleiges. ou plaids et assises, commencés avant la publication du préseut décret.
Art. 6. Lu saisie féodale et la saisie censuelle sont abolies; mais les propriétaires des droits féo laux et censuels rachetables, pourront exercer les actions, contraintes, exécutions, privilèges et préférences qui, par le droit commun, les différentes coutumes et statuts des lieux, appartiennent à tous premiers bailleurs de fonds.
Art. 7. Tous les droits féodaux et censuels seront, à l'avenir soumis, jusqu'à leur rachat, aux règles que les diverses lois et coutumes du royaume ont établies sur la prescription, relativement aux simples droits fonciers.
Art 8. Les lettres de ratification établies par l'édit du mois de juin 1771, continueront de n'avoir d'autre effet sur lesdits droits que d'en purger les ai rérages, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par une nouvelle loi, à un régime uniforme et commun à toutes les rentes et charges foncières, pour la conservation des privilèges et hypothèques.
Art. 9. Le retrait féodal, le retrait eensuel, le droit de prélatiou et le droit de retenue seigneuriale sont abolis.
Art. 10. Toute féodalité et nobilité de biens étant détruite, les droits d'aînesse et de masculi-ni é sont abolis à l'égard des fiefs, domaines et aile ix nobles,,qui seront en conséquence, soumis dans les successions et partages, aux mêmes lois, statuts et coutumes que les autres biens.
Suite du rapport fait à l'Assemblée nationale, au nom du comité de féodalité, le S février 1790(1), par M. Alerlin, député de Douai. (Imprimépar ordre de l'Assemblée.)
Messieurs, après avoir examiné quels doivent être les effets de la destruction du régime féodal, pro loncée par la première partie de l'article 1 de vos décrets du 4 août 1789, nous sommes arrivés à la partie de ce même article qui supprime sans indemnité et la mainmorte tant personnelle que réelle, et la servitude personnelle, et les droits dépendants ou représentatifs de l'une et de l'autre.
Là, trois difficultés principales se sont présentées, et la première a été de savoir
précisément quelle avait été votre intention en anolissaut la
Un seigneur avait dans son territoire deux fonds, A et B ; il a concédé lè fonds A en
censive, et le fonds B en mainmorte: Pâr cette diversité de concessions, 1er possesseur dU'
fonds,,A n'a dû, jusqu'à présent àt ce seigneur,qu'un cens annuel, etf un droit de lods à
chaque mutation par vent'e. Le possesseur du fonds B, au contraire,, a été jusqu'à présent
assujetti par sa possession même non seulement au.cens annuel et au droit de lodsj qui lui
sont communs avec les possesseurs du fonds A,, mais encore à toutes les charges, à toutes les
privation s,-j'ai pensé dire, à toutes les horreurs de la servitude. Aujourd'hui que
la'raison et' l'humanité ont enfin triomphé d'un usage barbare ; aujourd'hui qu'à la voix dè
l'Assemblée nationale, tous les mainmortables ont secoué leurs fers» quel doit être lë sort
du possesseur du fonds B? Sans doute, il est maintenant aussi libre quelle possesseur du
fonds. A; mais l'èst-il plus que'lui^Sans doute il est affranchi, comme l'a toujours été 1b
possesseur du fonds A, des'droits dè' mainmorte auxquels il s'était soumis dans le principe;
mais l'est-il aussi des droits de cen^ et de lods qu'à toujours snp-portos; comme'lui*, le
possesseur du fonds A r,É(n un mot, sa condition est-elle aujourd'hui meilleure que si*
Originairement il, lui avait été fait une concession encensive; au lieu*d'une concession en
mainmorte ? Tel' est, Messieurs, lè véii-table1 état delà question. — Votre comité a pensé
Cette première difficulté résolue,il s'en est é'evé-une seconde sur l'aboli lion que vous
avez faite des droits représentatifs de la mainmorte; et tou-
Vous avez décréta l'abolition1 pure; simplè et sansindemnité; de tous les droits qui représentent la mainmorte; et en cela, vous n'avez fait que suivre le lii des principes éternels qui assurent à l'homme une 'liberté toujours*inaliénable, et que jamais ne peuvent atteindre ni l'esprit commercial, ni les transactions qu'il produit. Sous ce rapport, votre-décret est souverainement'juste, et1 il n'y a que la cupidité'1 en délire qui puisse le censurer.
Mais si la justice'de ge décret1 est au-dessusdè toute exception, relati vement aux' droits représentatifs de la mainmorte personnelle, nous ne devons pas dissimuler qu'il n'en serait pas de même par rapport aux droits représentatifs de la mainmorte réelle; si, à cet égard, votre décret devait être entendu a la lettre.
Un seigneur avait aliéné des fonds pour être tenus de* lui eu main-morte; par là, il
s'était proouré des droits de servitude} droits odieux sans doute, mais tolérés alors, et qui
lui1 tenaient lieu du prix qu'il aurait pu tirer de ces fonds en les vendant. Dans lasuiie,
touché du sort'de ses concessionnaires, devenus maiemortables par la possession des héritages
qu'il1 avait aliénés, il a souscrit à la conversion de ces droits inhumains en droits plus
doux : il a remplacé par'des» droits affectés sur les fonds seuls, des droits qui pesaient en
partie sur le& personnes; il a enfin métamorphosé ses mainmortables en' censitaires* en
les délivrant de la mainmorte, au moyen ou d'un cens, ou d'un droit de lots, ou de l'un et1
de l'autre conjointement. —Rien de plus digne assurément de l'approbationi des hommes justes
et' sages, qu'un tel*contrat envisagé' dans son principe; et certes^ orï-auraft épargné bien
des maux à l'humanité,1 si l'on eût fait de pareils traités dans toutes tes seigneuries
mammortables ?'S rait-il donc possible qu'aujourd'hui l'Assembléenationale
Il est universel remeut' reconnu, et c'est une véri'é incontestable; qu'un seigneur propriétaire de fonds a1 éié originairement le maître de les concéder en censi^e plutôt qu'en mainmorte. Il n'est pas moins constant qu'àprès avoir fait une concession primitive en mainmorte, il a pu, dè concert avec son mainmortable, résilier le contrat, fait entre lui et ce dernier, reprendre son fonds, et1 par ce moyen le décharger dé la mainmorte. Il est certain encore qu après ce résiliement, et' redevenu propriétaire de son fonds*, il a pu faire avec son ci-devant mainmortable, un nouveau contrat; et lbi rendre le fonds pour le tenir dorénavant en censive.
Or, voilà' précisément ce qui's'èst fàit entre le seigneur et le mainmortable, lorsque le premier a délivré le second de la mainmorte, moyennant' un sens ou un droits de lods et ventes. A la vérité' le seigneur n'a pas dit textuellement : je prends l'héritage que je vous avais concédé; et le main-mortab'e n'a pas dit en propres termes : je vous rends l'héritage que je tiens de vous en mainmorte. A la vérité, le seigneur' n'est' pas rentré1 réellement et corporellement en posses.-ion de cet héritage, et le mainmortable n'en a p,as été dessaisi de fait A la vérité, le seignéur n'a pas fait expressémentune nouvelle concession au cMevant' mainmortable', et celui-ci n'a pas été, par une stipulation expliciie et directe, réinvesti de ce fonds. Mais tout cela s'est fait, ou plutôt estcensé; s'être fait, par une sorte d'opération tacite, qu'on appelle en droit fictio brtvis manus-; fiction: qui, pour abrégeret' éviter un circuit inutile derésilie^ ment, de rétrocession et' de tradition nouvelle, suppose que l'héritage, sans sortir d^s mains du mainmortable, est entré, dans celles du seigneur, et que celui-ci l'a ensuite concédé de nouveau en censive. C'était précisément ainsi et'par le seul effet d'une fiction semblable, que se faisait, sous le régime féodal, la conversion d'une censive en fief, quoiqu'à proprement parler, elfe ne pût être opérée-que par un résiliement du contrat de cens; une rétrocession faite au seigneur du fonds cen-sueli et une nouvelle concession de ce fonds dè la part du seigneur à titre de fief. La fiction bre-vis manus suppléait à tous ces acies, et, comme le remarque Dumoulin, la censive devenait fîef par la seule intention simulranée du seigneur, et du censitaire, d'établir cette innovation, animo novum siatum rn inducêndi (1).
Vous voyez donc; Messieurs, qu'il n'y a dans les traités qui ont substitué la tenure en censive à la tei ure en mainmcrie, rien qui ne s'accorde parfaitement avec les principes de la justice, rien qui ne dérive directement du droit de propriété, rien par conséquent qu'il ne soit de votre devoir, comme dans votre intention, dé maintenir; et d'après cela, je demande sous quel prétexte on pourrait dépouiller le seigneur des droits de cens et de lods et ventes, qui remplacent actuellement dans ses mains la mainmorte et les droits qu'elle produisait?
Qu'on ne dise pas au reste que votre décret est ; général, qu'il ne distingue pas entre les
différents
11 en serait autrement, sans doute, si le seigneur, en déchargeant son mainmortab e des droits de servitude dont il l'avait précédemment grevé, ne substituait pas à ces droits des redevances ou prestations foncières, ti lles que le cens et leslods et ventes, mais d'autres droits ou devoirs personnels par leur nature. Dans ce cas, la mainmorte ne serait pas véritablement abolie, l'acte qui l'a établie aurait encore son effet, puisque le main-mortable resterait plus ou moins asservi dans sa personne; et d'ailleurs, en la supposant détruite, que resterait-il à sa place ? La fiction brevis manus aurait beau ici venir au secours du seigneur; elle ne pourrait jamais faire supposer, de la part ne celui-ci, qu'une nouvelle stipulation de servitudes personnelles; et ce sont précisément ces servitude s personn Iles que vous avez voulu abolir sans indemnité.
La troisième difficulté que nous a offerte la seconde partie de l'article premier des décrets du 4 août, a été de savoir ce qu'on y doit entendre par droits qui tiennent à la servitude personnelle, ou qui la représentent. Après un examen très réfléchi, il nous a paru qu'on devait comprendre, dans la liste de ces droits, tous ceux qui ne dérivent ni de contrats d'inféodaiion r:i de contiats d'accensement, qui ne sont dus que par les personnes, indépendamment de toute possession de fonds, et n'ont pour basequ'uneusurpation enhardie par la féodalité, soutenue par la puissance seigneuriale, légitimée par lu loi du plus fort.Que sont-ils, en effet, ces droits dont une concession de fonds n'a pas été le principe? D s droits féodaux ? Non, car qui dit droit féodal, dit un droit établi par le contrat de fief, nés droits censuels? Non encore; car qui dit droit censuel,dit un droit établi par le contrat de cens. Que sont-ils donc enfin ? Des exactions seigneuriales, et rien de plus. Mais par là même, ils tiennent à la servitude; car il n'y a qu'un esclave qui puisse les souffrir, et celui-là est nécessairement plus ou moins esclave, qui les souffre plus ou moins. Or, sous ce point de vue, il ne peut ê.re douteux que ces droits ne soient abolis sans indemnité; et c'est une vérité qui deviendra plus sensible encore par le détail de ces mêmes droits
I. Il est un grand nombre de seigneuries où jusqu'à pré.-ent il a été perçu au profit des seigneurs, des droits de taille ou aide, soit à la volonté ae ceux-ci, soit dans certains cas oéterminés par les coutumes ou par les titres. Ces cas sont le plus générale i ent : 1° celui où un seigneur parvient à la chevalerie; 2° celui où il marie sa fille aînée; S0 celui où, pris à la guerre par les ennemis de son I prince, il faut qu'il rachète sa liberté par une |
sommed'argent;4°celuioù il a un voyaged'outre-mer à faire; et c'est delà qu'est venu l'expression de taille ou aide aux quatre cas. D'Olive, livre 2, quest. H, indique trois autres cas dans lesquels ces sortes d'exactions ont éié encore autorisées par un arrêt rendu à son rapport au parlement de Toulou-e, le 22 mai 1631. Ce sont: 1° lesnoc;'sdu seigneur; 2° les couches de sa femme; 3°l'acquisition qu'il lui plaît de faire d'une nouvelle terre.
Rien de plus odieux sans doute que ces droits; mais ce n'est pas à la défaveur qu'ils provoquent, c'est à leur nature que nous devons nous attacher. Tout odieux qu'ils sont, s'ils avaient été imposés aux vassaux ou aux censitaires, par les actes mêmes de concession de leurs fiels ou censiyes, nous serions obligés de les maintenir; et les infortunés sur lesquels ils pèsent, n'auraient d'autre moyen pour s'en affranchir, que de les racheter. Ainsi, quelle a été l'origine de ces droits, et quelle en e^t la nature ? Voilà tout ce que nous avons à examiner.
Distinguons d'abord deux sortes de tailles ou aides seigneuriales : les unes qui jusqu'à présent oritétédues en quelques coutumes, par les vassaux, en leur seule qualité de vassaux, c'est-à-dire de possesseurs de fiefs: les antres qui jusqu'à présent ont été dues par les habitants des seigneuries, indépendamment de toute possession de biens quelconqi.es.
Les premières sont de véritables impositions, dont on ne peut attribuer 1 origine qu'aux abus d'autorité, que s'est permis la puissance seigneuriale, lorsquelle n'était ni éclairée ni contenue par les lois; et la seule destruction du régime féodal suffit pour la faire cesser.
Les secondes ont donné lieu, par rapport à leur origine, à diux opinions différentes, mais dont le résultat, pour notre objet actuel, est absolument le même.
L'un des jurisconsultes modernes qui a le mieux saisi l'ensemble et le plusapprofondi les détails de toul le système de la féodalité, M. Hervé(l), n'hésite pas de placer la taille seigneuriale au rang des oroitsauxquels la servitude personnelle et la mainmorte ont donné naissance. — Voici ses termes : « De la servitude, de la mainmorte, de l'abolition de l'une et de l'antre dans plusieurs Provinces...., sont nés nombre de droits, de redevances et de charges dont nous n'entreprendrons pas de faire l'énumération exacte; nous nous bornerons à une analyse succincte qui em-brasseia: 1° le droit de,.. ; 2* la taille à volonté, laquelle a été abandonnée dans plusieurs endroits..-.; 3° les aides qu'on appelle aussi taille aux quatre cas, parce qu'elles avaient ordinairement lieu en quatre cas principmx. »
Collet, dans son commentaire sur les statuts de Bresse et Bugey, partie 1, page 355, indique une autre origine à la taille seigneuriale : suivant lui, elle ne dérive ni de la féodalité proprement dite, ni de la servitude, mais de la justice, et elle n'est que le prix de la faculté que le seigneur à qui elle est due, veut bien laisser aux villageois, d'habiter sa terre et d'y vivre sous sa protection.
Mais cette opinion est contredite par le président Bouhier, dans ses observations sur la
coutume d • Bourgogne chapitre 59, numéro 9. Si Collet, dit-il, « avait pi is la peine
d'examiner les coutumes qui out parlé de cetie imposition, et
An surplus, quelques victorieuses que paraissent les preuves sur lesquelles ce savant magistrat fonde son avis, il est inutile de nous y arrêter, parce que dans l'une comme dans l'autre opinion, la taille seigneuriale doit toujours êire regardée comme proscrite par lesdécrets du 4 août. — En effet, si c'est de la justice qu'elle dérive (il faut convenir qu'elle pourrait bien en beaucoup d'endroits n'avoir pas d'autre source), • lie est certainement comprise dans l'abolition de la justice elle-même sans indemnité, puisque 1 accessoire ne peut plus subsister quand le principal est détruit. — Si, au contraire, c'est à la mainmorte qu'elle doit son origine, le texte même de l'article premier des décrets dont il s'agit la pulvérise; ainsi, nulle difticullé à cet égard.
Ce qui rend la chose encore plus évidente, s'il est possible, c'est que nulle part on n'a considéré la taille seigneuriale comme une charge réelle et représentative des concessions de fonds, et que partout on l'a jugée personnelle. Ecoutons encore M. Bouhier, à l'endroit déjà cité, numéro 19 : « La question si cette taille est réelle ou personnelle, ne doit pas faire de difficulté; car je ne vois pas qu'aucune coutume l'ait mise au rang des réelles; quelques-ui.es, au contraire, disent précisément qu'elle est personnelle, et qu'elle s'impose sur le chef et la personne (1), et d'autres, avec plus de raison, donnent à entendre qu'elle est mixte, en disant qu'elle s'impose sur ie corps des taillaides et sur leur meix; et que si pourtant i|s n'en ont point, il n'en est pas moins loisible au seigneur de les imposer sur leurs corps seulement (2) foù il résulte que les forains ne doivent pas y éire imposés, e icore qu'ils aient des héritages dans l'élendue de la seigneurie à qui ce droit appartient. La chose fut ainsi décidée par un arrêt du
parlement de Paris du 5 juillet 1651.....Et il en
fui jugé de même par une sentence des requêtes du palais, rendue en faveur de plusieurs particuliers du village de Jarot, qui avaient des fo ids dans celui de Giroles, contre l'abbé de Saint-Martin d'.Autun, seigneur de Giroles. » — Assurément une redevance qui ne pèse que sur la personne, ou qui n'est imposée sur les fonds qu'à cause de la personne, et parce qu'ils font partie de ses facultés (3 , une telle redevance ne peut pis être' mise au rang des droits féodaux ou censuels, c'est-à-dire des droits provenant d'inl'éod ntion ou d'accensement, que vous avez maintenus par vos dé rets du 4 août, et dont vous avez seulement permis le rachat. Elle est donc bien évidemment dans la clause des droits abolis sans indemnité.
II. Le droit de fouage doit, et par les mêmes
Uu arrêt du parlement de Paris de 1718 a jugé, entre la dame engagiste de la bironnie de la Koche-liloin. et quelques habitants du même lieu, que le droit de fouage n'est pas réel, mais personnel ; qu'il est dû par chaque feu al lu né, et qu'il diminue ou augm rite pour le seigneur, suiva it la diminution ou l'accroissement que reçoit le nombre des feux.
On ne peut donc, pas se méprendre au caractère de ce droit; c'est, dans toute l'énergie du terme, une serv tude personnelle, et dès là son abolition sans indemnité ne peut ê re douteuse.
Cette vérité paraîtra encore plus frappante, si l'on fait attention aux prétextes dont se sont servis les seigneurs pour s'atiribuer ce droit.
111. On sait qu'anciennement le droit de battre monnaie fut usurpé par un grand nombre de seigneurs. Louis-le-Débonnaire est peut être le premier de nos rois sous lequel commença cette entreprise sur la souveraineté. Il chercha, à la vérilé, à la réprimer dani l'Assemb ée d'Attigny en 823; mais il y a grande apparence qu'il ne fut guère écouté, puisqu'en 854, Charles-le-Cliauve fut obligé, par son é lit de Pistes, de renouveler les défenses déjà faites à ce sujet.
Les successeurs de Charle-le-Ghauve ne firent que compromettre et affaiblir de pi us en plus l'autorité royale. Ce qui avait élé regardé comme une usurpation sous les règnes précédents, devint un droit incontestable. Ciiarles-le-Gi os, dans l'ordonnance qu'on lui attribue, et que les conjectures de Prêcher obligent effectivement de rapporter à ce prince, suppose cl.irement qu'il y avaii à cette époque plusieurs grands vassaux à qui l'on ne contestait pas le droit de battre monnaie.
Hugues-Capet ne fit à cet égard qu'augmenter le desordre, Seigneur puissant, mais roi faible, il accorda à différents corps ecclésiastiques, notamment au chapitre de Stiin-Mnrtin de Tours, | le droit de battre monnaie, que les seigneurs I laïcs excerçaieut de leur propre autorité., j Ces seigueurs avaient même leurs cours des ! monnaies; no s en trouvons la preuve dans la | collection de Martenne, page 340 : et l'usurpation I fut portée si loin de leur part, qu'ils ne soutïri-j rent plus que dans leurs terres ou Ht circuler j d'au're monnaie q ie la leur. Lie là, ce trait remarquable dont il est parlé dans t histoire de Frunce par I abbé Vélv, tome 8, édition in-12, qu'en 1185, Philip e-Au'guste fut oblige, pour donner cours a sa monnaie parisis dans les seigneuries dépendantes de l'abbave de CorbeiJ, d'en de-
mander la permission au supérieur dé ce monastère.
Lespeuiples ne pouvaient pas manquer d'être victimes de cette usurpation des prérogatives du trône. Après avoir dépouillé le monarque, les seigneurs se tournèrent contre les sujets: eti par des changements très fréquents dans lesr monnaies, ils alarmèrent le commerce, ils firent trembler tous les citoyens sur leur fortune1.
Pour faire cesser ce genre de spéculation aussi effrayant' par ses suites qwe coupable' en lui-méme, les. habitants* dont les' seigneurs avaient été assez fonts ou assez audacieux-pour s'emparer du droit de battre monnaie,composèrent avec eux , et il lut convenu que moyennant une in position qui serait levée sur chaque feu. ici tous les ans, là tous los trois ans, ailleurs à des- époques plus ou moins éloignées* les seigneurs s'abstiendront de tout changement dans1 les monnaies.
Telle est l'origine du droit de fouage, si l'on err croit Brussel dans son livre de l'usage-général des fiefs.;,et.ce qui le prouve iincontestablement,, c'est que tous:: les auteurs qui en parlemit présentent ce mot fouage comme;sviion>y fireide montage. Une autre preuve non moin»! convaincaetei c'est que dans le chapitre 15.' de Kantienne coutume: ae Normandie, qu'on peut; sûrement regarder comme un témoin fidèle des-anciens usaiges, il est dit expressément que « le moméagie est une aide de deniers qui esl due au due.de Normandie, de trois en trois ans,,afîn.qu'il ne fas^e changer la monnaie, et pour ce, souloir être appelée fouage, parce que ceux qpi le paient tiennent feu et lieu ».
D'après, ces détails, il ne i eut, ce semble,, y avoir la n.oindre difficulté à déclarer que les droits de louage sont éteints sans indemnité; mais je, dois observer que les louages de Bretagne ne seront pas compris dans cette décision, et voici pourquoi.
En Bretagne, le droit de fouage n'est point seigneurial ni même domanial; c'est une imposition ordinaire qui affecte, non lt;s seules habitations ou feux, mais les terres roturières en général, et qui, tous lesdeux ans, était ci-devant consentie parles états provinciaux. On conçoit, d'après cela; que les fouages de Bretagne n'ont rien de commun avec notre objet actuel, et qu'ils- appartiennent entièrement au système des finances.
IV. Que déerderez-vous, Messieurs; à l'égard du droit'île-guet et degarde,appelé en quelqueslieUX, stage ou estage? B-ien, ce semble, de, plus simple. Ce droit consiste dans une prestation personnelle, il tient véritablement à la servitude ; il tombe donc de lui-même dans la classe des droits supprimés sans indemnité par les décrets du 4 août. — Et il n'importe qu'il soit, en plusieurs seigneuries-, remplacé par des'renteserr argent ou en denrées (I); car les rentes représentatives des droi'ts. de servitude sont abolies sans indemnité, comme ces droits eux-mêmes.
Nous ne devons pas même' excepter de cette abolition, le cas* où ces rentes seraient
affectées sur des fonds. A la vérité, l'auteur de la pratique des droits seigneuriaux prétend
que par une affec* tatian de cette nature, le droit'de gu» t est devenu réeh; mais il est
clair que cet écrivain confond
V. Voici' encore un droit sur ïè sort duquel vous n'aurez pas de peine à vous déterminer :. c'estcelui de pulyérage,. c'est-à-dire, celui que les seigneurs sont,, dans certains endroits, en possession dé lever sur les troupeaux de moutons passant dans leurs terres, à cause de la poussière qu'ils y eacciteni.Cèrtainement ce droit ne dérive ni d'inféodation ni d'accensement.; il ne peut avoir été introduit que par un abus monstrueux de la puissance féodalè, et il y, a d'autant moins de difficulté à le supprimer sans rachat, que le déclarer rachetable; ce serait non seulement en consacrer l'existence et en légitimer là perception, mais encore le. rendre.perpétuel par le fait, puisque, n'affectant aucun individu déterminé,et ne pe?ant que momentanément sur ceux qui font passerdesmoutonsdansuneseigneuriequ'ils n'habitent pas, il ne se trouverait jamais personne qui voulût le racheter.
VI. Il est un grand nombre de terres où le seigneur s'est attribué'le droit xTémpêcher.ses
vassaux, pendant un certain temps l'année,, dê vendre le vin, le cidre, et les,autres
boissons prove? nantes de leur cru,afin que lès siennes se débitent à, plus haut prix et plus
facilement. Ce droit qu'on appelle ici banvin, là étanche, ailleurs vel-du-vin, dans un autre
endroit maïade. ou muïes-que, porte certainement avec lui tous les caractères d'une servitude
personnelle; car c'est bien asservir la personne, que dë la priver de la faculté de disposer
de ses denrées pendant un temps quelconque. Ce qui le prouve encore d'une manière sensible,
c'est que la plupart des: coutumes dans.-lesquelles il est parlé de ce droit,,en font,
l'attribut particulier d un certain degré de puissance seigneuriale. Ansijla coutume
d'Anjou,, article 180, et celle du Maine, article 202; reservent, le droit de banvin aux
seigneurs châtelains et.aux seigneurs supérieurs exclusivement ...Ainsi,com me le remarque
Hévin (Questions, féodales, pag. 201 et 202), dans la. province de Bretagne,. dont la coutume
n'a cependant aucuue disposition à ce sujet, le droit de banvin, qu'on y appelle étanche,
n'appartient qu'aux seigneurs hauts justiciers d'une, qualité supérieure. C'est assez dire,,
sans doute, que lè droit de banvin n'est que l'èlfet de la violence des seigneurs, et. de la
faiblesse des vassaux ; et que dans les lieux où il est établi, il n'est parvenu à-triompher
de-la liberté naturelle des hommes, qu'en raison de ce que lesseigneurs
VIL II s'est jusqu'à présent perçu dans plusieurs provinces, notamment en>Auvergne, sous le nom deceus en commende,.un droit qVil faut bien1 se garder de confondre avec le cens. foncier, et qui par cotte raison, mérite une attention particulière;
Ce droit se. paie à» certains seigneurs, ou pardes viUages*entiers-, et c'est le plus ordinaire, ou par quelques particuliers.' seiaiLernent, à cause de la sûreté et de la protection que cesiseigneurs ont promise à ceux qui s'y sont recommandés. Prœs-tatio pro tutelâ et protections ; c'est e® ces» termes mêmes que le définit Ducange. —Les incursions dt s enneiiiis ou des brigands, dit encore cet au* teun, ont lorcé les faibles qu'elle menaçaient* de se mettre, en» et-leurs biens, sous la sauvegarde des seigneurs les- plus; puissants; et ceuxi-cileur ont accordé leur protection* au moyeni d'un* cens1 annuel. In cotnmvndationern> pxUentior secum etires suas ponebant inférions cotnditionis: twmines, ut essent.quùse et sua tuerervtur et protegerent contra immioos aut bonorum incasore&,tibque in tuitdorvis mercedem a licujuscensûs prestation/ sese adstringe-bant. Ducange1 en rapporte différents exemu pies. (l)v
Il se perçoit d*'s droits sembhibles'dans d'autres provinces, quoique» sous des noms différents; car il ne peut étro douteux qu'on ne doive attribuer à la même cause les redevances1 qu'ow appelle-, en Lorraine, droits* de1 sauvement owsauvegarde;- en Alsaice^duoifS d avauevieï eu Haimmt, droits de poursoinr; en Flantires*,en Artois et Cambresi&,droits1 de gave, de gavenne ou de-gaulé'.
lia ohose au moins'est évidente pour les1 droits' de sauvement ou sauvegarde ; la 'seule- dénomination seit.à les désigner, eni indique l'Origine, et prouve qu^ils-ne sent que le1 prix' de la» protection1 des seigneurs-
Il ne peut pas y-avoir plus de'difficultêparrap"--port aux droits de poursmn ;car ce qui se paie à un seigneur pour lfesoini procuré, qu'il est censé prendre des personnesétabliesdafns1 satJerre; est évidemment un droit1 de*protection.
Il en. est de même*du droit dlatouerrie en latin, jus advocaiiœcar o h »sai tq u'avoué eet1 synonyme dv protecteur, et que le mot latin mdvocatiasignifie protection : ainsi; un droit (Vavouerie ne peut éguliment être une reconnaissance, unecompen-. sationnJes' soins et dt!® secours» de Pavoué,dupro-teoieur (2)».
Quant aux droits-' de gave1, gavenne ou gaule; termes dérivés d'un mot flamand qui signifie
pré-
D'abord, il est prouvé- par un arrêt du conseil du 18 février 1687, qui sera analysé dans un instant; qu'ils consistent en redevances dont' l'objet1 est de reconnaître1, deirécom,penser,dë' stipendier; en quelque sorte;lés soins et là protection de1 celui' à qui elles se paient..
C'est aussi ce qu'àssure Monstrelét, tome premier, chap. 43. « Le duc de Bourgogne, dit-il, à cause de sa comté' dè Flandres, est gardien de toutes les églises du Càmbresis, héréditairement et à toujours ; et pour ladite garde, prend, chacun an,perdurablement; certaine quantité de grains sur les terres et seigneuries desdiies églises au pays de Cambresis;et se nomme icelle seigneurie, appartenante au comte de Flandres; la gavenne de Càmbresis1 ».
Enfin, il est si vrai'qne tei est l'objet des droits dont il ' s'agit, qu'il n'est pas sans exemple que ces droits1 aient été refusés, nimême^que ceux àqui ils étaient dus, aient'été soumiS1 à des dommages intérêts, faute d'avoir protégé et défendu, comme ils-le devaient; les personnes'qui en étaient tenues envers eux. G'est'ce que nous rematqnons singulièrement pardèux transactions dte 1231'et 1290; qui sont visées dans l'arrêt du conseil déjà cité. Pàr là première; le comte de Flan 1res donne à l'église de saint Géryde Cambray une somme de 30$ livres, pour réparer les dommages qu'elle avait essuyés, et dont lè droit de gave qu'elle lui payait l'avait mis dans la nécessité de la garantir. Pàirla seconde,le comte dé Flàndres consent de ne point recevoir le droit de gave des chapitres de Notre-Dame de Saint Géry et! de Sun te-Croix de Cambray, en cas que le tort qu'ils recevraient faute de protection, ne fût pas réparé dans les six mois, ou' qu'il ne rapportât pas une cause légitime pour s etr excuser.
On ne peut donc pas dbuter que les droits de gave ne soient comme 1 k cens en commende, les1 dboits de poursoin, d'avouerie et dé sauvegarde; le prix delà protection accordée par ceux à qui ils sont' dus', à ceux* qui les paient. — Reste à savoir si; dans l'état actuel des choses, ces droits sont encore exigibles; ou s'ils doivent être supprimés sans indemnité:
C'est un principe constant en droit, qu'il ne peut pas y avoir de contrat'sans cause juste et licite ; et qu'un contrat qui était obligatoire dans son principe; parce qu'il avait une cause, cesse dé l'être dès que sa cause vient à cesser.
Cé principe reçoit'ici une application directe et entière.Les droits de gave, depoursoin;
d'avouerie, etc., ont été établis par un contrat qui avait pour cause la protection au'
seigneur, et dont ces droits eux-mêmes formaient lè. prix. N6us iVexamirions pas si,lors de
la formation de ce contrat, il'dépendait du seigneur de vendre ainsi sa protection,et si en
conséquence, le contrat a été valable dans son origine; mais nous disons qu'aujourd'hui tous
les citoyens sont indistinctement sou- la protec-
C'est même ce qui a déjà été jugé par un arrêt du conseil du 18 février 1687, rendu en faveur des communautés ecclésiastiques du Cambresis. Voici dans quelles circonstances il est intervenu.
Lorsque le Cambresis eut été uni à la couronne par la conquête qu'en fit Louis XIV, il fut question de savoir s'il devaitdemeurer sujet au droit de gave. Les pariiculiers n'osèrent pas entrer en lice sur cette question avec le fermier des domaines; mais les ecclésiastiques, plus riches, plus accrédités, et par conséquent plus en état de se défendre, sout'nrent que ce droit devait entièrement cesser; que jamais il n'avait été réputé domanial; qu'il n'avait été payé qu'en reconnaissance de la protection que les comtes de Flandres et les ducs de Bourgogne accordaient au Cambresis; que le roi étant devenu souverain du Cambresis, il ne pouvait plus en être regardé comme le simple protecteur, ni par conséquent exiger le droit de gave, puisque son titre de souverain lui imposait la nécessité de protéger également tous ses sujets; que d'ailleurs les villes de Metz, de Toul ét de Verdun, qui étaient précédemment soumises à un pareil droit, en avaient été déchargées depuis qu'elles étaient sous la domination de la France.
Le fermier des domaines répondait que la possession successive du droit de gave par les comtes de Flandres, les ducs de Bourgogne et les rois d'Espagne, était justifiée par les extraits des comptes qui en avaient été rendus de temps en temps à la chambre des comptes de Lille; que ce droit ayant été employé depuis longtemps dans les comptes du domaine, il était devenu de nature domaniale, quand il ne l'aurait pas été par son origine, suivant la maxime qui répute domaine de la couronne, toutce qui a été possédé par le roi pendant dix ans; que d'ailleurs ce droit étant ta maruue de la sauvegarde et de la protection continuelle que recevaient les églises du Cambresis, elles ne pouvaient le contester à Sa Majesté sous la protection et sauvegarde de laquelle elles devaient toujours demeurer.
Les moyens du fermier furent d'abord adoptés par des ordonnances d'intendant; mais les communautés ecclésiastiques du Cambresis, ainsi que des lieux circonvoisins, s'étant pourvues au conseil, il y intervint contradictoirement, le 18 février 1687, un arrêt qui, sans s'arrêter aux ordonnances dont était appel, déchargea « les prévôt, doyen et chapitre de l'église métropolitaine de Cambrai, et autres bénéliciers et communautés ecclésiastiques tant du Cambresis, que des autres lieux circonvoisins, du payement du droit de gave ou gavenne prétendu par le fermier des domaines, auquel Sa Majesté lit défenses d'en faire aucune levée; et en cas qu'il eût reçu aucune chose dudit droit desdits ecclésiastiques, Sa Mj'este ordonna qu'il en ferait la restitution ».
Deux choses à remarquer dans ce dispositif.— D'abord il ne parle, à la vérité, que des possesseurs ecclésiastiques qui étaient poursuivis pour le droit de gave ; mais il ne peut exister a cet
égard aucune différence entre les ecclésias'iques et les laïques ; et l'affranchissment prononcé par l'arrêt en faveur des premiers, s'éteud nécessairement et par lois aux seconds.
Ensuite, ce n'est pas seulement en faveur du Cambresis que l'arrêt est rendu; il l'est également en faveur des lieux circonvoisins, c'est-à-dire des lieux de la Flandre, de l'Artois et du Hainaut qu'habitaient les ecclésiastiques qui, dans cette affaire, s étaient joints au clergé de Cambrai. On ne peut donc pas, dire que l'arrêt ait eu pour motif quelque circonstance particulière à la province de Cambresis; et dès lors, rien ne p ut s'opposer à ce qu'on en éiende la décision à io^s les droits de gave qui se perçoivent encore danâ plusieurs cantons de la Flandre, de l'Artois et du Hainaut.
Mais, au surplus, ce n'est pas sur cet arrêt que l'Assemblée nationale doit se fonder pour abolir et le droit de gave, et celui d'avoueri", et celui de sauvegarde, et généralement toute espèce de droit établi en reconnaissance de la protection des seigneurs; c'est sur les principes auxquels cet arrêt même a servi de base, et ces principes, que nous avons exposés plus haut, ne sont restreints ni au Cambresis, ni aux lieux circonvoisins, quels qu'ils soient; ils étendent leur infl 'ence sur tous les pays qui participent aux bienfaits de la constitution que vous avez donnée à lu France.
Nous ne croyons pas devoir nous étendre beaucoup sur les droits, heureusement peu communs, auxquels un excès de despotes ne seigneurial a fait soumettre les biens meubles, les denrées, les marchandises; tels que sont : 1° en Alsace, le cinquantième denier des ventes d'effets mobiliers, les droits d'umgeld sur les vins et autres boissons, les droits d'acci-e sur le pain, la viande,etc.;2° à Brest, lesdroits de lods et ventes sur les navires; 3° en Bretagne, les impôts et billots seigneuriaux, etc.— Il est évident que ces droits ne dérivent ni d'iuféodation ni d'acc.ense-ment de biens-fonds, qu'ainsi ils ne sont, à proprement parler, ni féodaux ni ceusuels; et que s'il est des droits auxquels puisse s'appliquer, avec une justesse incontestable, le terme d'exactions seigneuriales que nous avons précédemment employé (1), c'est principulement à ceux-ci.
VIII. Il faut eu dire autunî des droits que bs seigneurs, en quelques provinces, et
notamment en Alsace, se font payer pour les permissions qu'ils accordent de faire des choses
qu'il n'est pas en leur pouvoir d'empêcher. Par exemple, vendre du fer, des sabots, des
planches, des lattes, des cercles, des bois de charpente et de menuiserie, ramener les
cheminées, tenir des bains, aiguiser les couteaux et ciseaux, acheter et ramasser les
chiffons propres à la papeterie, priver un animal de la faculté de se reproduire, sortir d'un
pays pour aller s établir da is un autre, etc. etc. etC; etc., sont des choses qui, pur le
droit sacré et imprescriptible de la nature, sont libres à tous les hommes. Aucune charte,
aucune possession, n'a pu autoriser un seigneur à les interdire à ses vassaux; et la
permission qu'il leur donne d'user à cet égard do la liberté naturelle, n'est de sa part
qu'une vaine et absurde promesse de ne pas exercer contre eux une oppression souverainement
inique. — Comment donc ose t-il se faire payer cette permission? Et n'est-ce pas une sorte de
honte, pour l'humanité, qu à la lin du dix-huitième siècle, il ait fallu un décret de
l'Assemblée nationale de France pour délivrer les peuples d'une aussi horrible vexation ?
Le premier qui se présente, et le plus onéreux peut-être, est celui de banalité, c'est-à-dire, comme le définit M. le président Bouhier (l), « le droit d'interdire, à ceux qui y sont sujets, la faculté de faire certaines choses autrement que de la manière qui leur est prescrite, sous les peines portées par les lois, les conventions ou la coutume».
Vous savez, Meneurs, quels sont les effets de la banalité; ils consistent principalement en deux points : le premier, de venir au moulin, au four, au pressoir banier (2); le second, d'empêcher toute construction de moulins, de fours ou de pressoirs dans le lieu soumis à ce droit.
Ces effets peuvent-ils encore subsister depuis que vous avez aboli tous les droits dépendant ou représentatifs de la servitude personnelle? C'est ce que vous avez à décider.
Cette question paraît à quelques esprits, peu attentifs sans doute, se résoudre en un seul mot. « La banalité, disent-ils, affecte la personne ; c'est doue un droit personnel; et puisque ce droit est une servitude, il est clair qu'on doit le regarder comme aboli sans distinction et sans indemnité. »
Ce raisonnement, nous osons le dire, est essentiellement vicieux.
D abord il y a des banalités qui, ayant été réservées in traditione fundi, forment le prix
des fonds concédés par les seigneurs auxquels elles sont dues, et certainement ces banalités
ne sont pas des droits personnels. En effet, pour distinguer les droits personnels d'avec les
droits réels, ce n'est ni à la substance de la chose qu'on paie ou de la charge qu'on
supporte, ni à la personne qui fait le paiement ou sur laquelle pèse la charge, qu'il faut
s'attacher, mais uniquement à la cause pour laque'le est éiablie la ciiarge ou la prestation.
— 11 n'importe que vous payiez de l'argent, du grain, des volailles, ou que vous fassiez même
des ouvrages manuels; dès que vous faites, soit ces ouvrages, soit ces payements, pour une
con cession d'immeubles, ce sont des charges réelles, parce qu'elles sortent, pour ainsi
dire, du sein des immeubles concédés, et qu'elles sont encore censées en faire partie. C'est
ainsi que les corvées, de l'aveu de tous les jurisconsultes, sont réelles lorsqu'elles ont
pour cause une concession de biens-fonds. — Mais, si ces droits, dont vous êtes grévé, ne
sont pas le prix d'un immeuble, s'ils ne vous ont pas été imposés comme une condition de la
concession qui vous a été faite de l'immeuble même'; en un mot, s'ils ne doivent l'être qu'a
l'oppression seigneuriale ou à une convention libre et synallagmatique, très sûrement alors
ce sont des droits personnels, parce qu'ils sont dus indépendamment de toute possession de
fonds, et que conséquemment c'est la personne elle-même qui les doit. D'après cela, il est
clair que toutes les banalités ne sont pas des servi-
Il est également certain qu'on ne peut pas regarder toutes les banalités comme abolies sans indemnité, puisque celles qui appartiennent à la classe des droits réels n'ont rien de commun avec la servitude personnelle.
Mais que devez-vous décider par rapport aux banalités vraiment personnelles? C'est-là le point de la difficulté.
Ces banalités, nous l'avons déjà dit, peuvent avoir deux causes très différentes. Elles peuvent avoir été établies par la force, et n'être que les effets de la puissance seigneuriale; mais elles peuvent aussi avoir été stipulées librement par des contrais faits pour l'avantage des communautés d'habitants.
Dans le premier cas, nul doute que les banalités ne soient des servitudes personnelles, et qu'elles ne soient, par une conséquence nécessaire, abolies sans indemnité.
Il en doit être de même, dans le second cas, à l'égard des banalités fondées sur des contrats par lesquels les seigneurs n'ont fait, pour les acquérir, que mettre en liberté des habitants précédemment serfs, ou renoncer à des droits dépendants de la servitude personnelle. La raison en est qu'alors la banalité représente véritablement l'ancienne condition servile des habitants; et il n'est pas besoin de répéter qu'à ce titre, elle trouve sa proscription directe et formelle dans l'article premier des décrets du 4 août.
Mais quel est le sort des banalités purement conventionnelles, et dont l'établisssement n'est pas le prix de la liberté donnée à d'anciens serfs? Sont-elles comprises dans l'abolition que vous avez faite de la servitude personnelle, ainsi que des droits qui y tiennent ou la représentent? Non. Elles ne peuvent pas l'être, et elles ne le sont pas.
Elles ne peuvent pas l'être, parce que les contrats faits légitimement entre les particuliers, sont sacrés pour les législateurs comme pour les juges; et que dépouiller un citoyen du droit qui lui est acquis par une convention passée avec des parties capables de le lui transmettre, serait, de la part du Corps législatif, un attentat contre le droit naturel.
El'es ne le sont pas, parce que le décret d'abolition ne frappe que sur la servitude et les droits qui la représentent. En effet une banalité conventionnelle n'est pas une servitude ; il n'importe que quelques docteurs lui en aient donné la dénomination, leurs erreurs n'ont pu en changer ie caractère, et elle n'en a point d'autre que celui d'une obligation personnelle. Du Moulin l'a dit il y a longtemps : Non est servitus...., sed obliga-
tio personalis..... quamvis doctores vocent servi-
tutem, amo abusive loquuntur (1). Dans le fait, en quoi cette convenlion ressemble-t-elle à
un acte d'asservissement: « Donnez-moi ceci, obligez-vous envers moi à cela, et je me soumets
à ne pas moudre mon ble ailleurs qu'à votre moulin ?» il n'y a évidemment là qu'un de ces
contrats qu'on appelle en droit, do ou facio ut facias; et assurément ces contrats n'ont rien
d'opposé à la liberté naturelle (2).
ment permis de ks: racheter.
Maintenant, il reste à savoir à quels traits on ! pourra reconnaître les banalités réelles .et con- ] ventionnelles dlavec les autres. La chose serait j très-simple et très facile, s'il existait des titr-es constitutifs de toutes les banalités.; mais,.comme j il y a en a un très grand nombre dont -o,u .ne ; saurait représen ter -aucuoe espèGe de titrea, il faut nécessairement établir une,règle qui puisse « guider les juges dans l'application des principes ! que nous vous proposons d'ériger en lois.
Le point ,d'où il. nous paraît que l'on doit partir, j c'est que le droit de banaliié considéré en lui - 1 même, et ahstractivement à toute convention par- j ticulière, est contraire à la liberté que tout! homme tient de la nature, et forme par consé- j quent une servitude personnelle. — Ce principe ! une .fois reconnu (et vraisemblablement il ne j trouvera point de contradicteurs), il nous semble \ que l'article premier de «wos décrets du -4 août nous force impérieusement de; regarder le droit j de banalité comme aboli sans indemnité. — * Voilà la .règle généralq.
Sans doute, il y a des.exceptions.à.cette règle, 1 puisqu'il 'est des cas ioù, comme nous l'avons prouvé, la banalité ne tpeut être envisagée comme une servitude ; mais ,ce ne ,s®nt que des ex cep-! tions, et dès lors, c'est àicelui qui les allègue ou • qui veut s'en pré valoir, à les vérifier : car l'homme j qui a en sa laveur la règle .gémérale, n'a ,rien à i prouver; .elle milite pour lui,tant que l'exceptuon ! par laquelle on prétend èn atténuer la force, .ou i en écarter ^application, m'est \,pas établie par des i preuves mon suspectes.
Ainsi, toute banalité qiai ne .sera pas,prouvée ; avoir [pour cause, soit une concession de, .fonds j ou de droit réel, soit une .convention réciproque j et souscrite librement, devra cesser à l'aveuir, j comme comprise dans1,'abolition de la servitude | personnelle.
Cette conséquence paraîtra peut-être sévère, ! mais il suffit .qu'elle soit juste» .pour que nous sne j puissions nous dispenser de (l'adopter ; et d'aii- s leurs sa sévérité même s'adoucirait bien aux yeux I des partisans du régime qué -vous awesz détruit, | s'ils prenaient la peine de remonter à 1 l'ancien ! état.des choses*seul,moyen de connaître au juste j l'origine des banalités et d'en apprécier la «na- j ture.
C'est une vérité .malheureusement trop .con-
On juge bien qu'avec tant de moyens d'opprimer leurs serfs, les seigneurs ne manquèrent pas de leur imposer l'obligation d'aller aux moulins, aux fours, aux pressoirs établis dans leurs terres, et qui ét-aient pour eux des objets de revenu.
'Et il .ne faut pas croire qu'en affranchissant leurs serfs, les seigneurs les aient déchargés de cette obligation; ihest, au contraire, -prouvé par un grand nombre de chartes d'affranchissement, que les serfs n'obtinrent ila liberté, que -sous la condition expresse'de demeurer soumis à ce reste de servitude (2).
Ainsi, tout ce qui, alors,îi'élaiWi ecclésiastique ni noble, devait îêtre soumisaux
banaM'tés, puisqu'il n'y avait personne alors da»s la roture qui :11e fût ou serf, ou
affranchi, ou descendant d affranchi.Et effectivement,;!.- chapitre 108 des /Etablissements
de saint Louis prouve'que! soirs le règne de ce prince, les coutumiers, >Crest-à-dire, tous
les habitants des seigneuries qai-netenaient ni,au clergé ni à la imblesse, ne pouvaient
l'aire moudre leurs grains ailleurs qu'au moulin de leurs seigneurs, quand il leiir»plaisait
d'en biâtir un dans la bamliieue ^de letsr résidence (8). 'La somme rurale : de Bouïeiller
atteste que telle 1 était eneore la jurisprudence'du temps où elle futécrite (4) ; et'tout le
monde sait qiue'Bou'teiller était contemporain de Charles'Vl.
A l'égard des autres coutumes et des pays de j droit écrit, on s'y est insensiblement accoutumé i à regarder la banalité comme un droit extraordinaire; elle y a Cessé d'être mise au rang des attributs naturels du fief ou de la justice; et tout seigneur, qui a voulu en jouir, a été obligé de prouver qu'il était fondé à la réclamer.
Mais, dans ce nouvel ordre de choses, le sei- ! gneur qui avait exercé sans interruption le droit ! que lui donnait l'ancienne jurisprudence, dè cou- ! traindre ses sujets à user exclusivement de ses moulins. fours et pressoirs, n'a perdu .aucun de ; ses avantages ; la possession seule, prouvée par; d'anciens aveux et dénombrements, a suffi pourj l'y faire maintenir : les coutumes, .même les plus ! sévères en fait de banalité, l'ont ainsi réfilé (ï).
On sent combien il a dû, par là, se conserver i de ces banalités qui avaient été établies pendant; la servitude, que les affranchissements avaient j expressément confirmées, et qui, dans le trei- | zième et le quatorzième siècles, assujettissaient, encore indistinctement tous les habitants des sei- j gneuTies.
Mais, dès lors, de quel œil devons-nous regarder j une banalité qui n'a pour base qu!une ,possession i dont l'origine se perd dans la nuit des temps, ou, ; ce qui est la.même chose, qui n'a d'autres titrés | que des actes possessoiresr Sans doute il nous . paraîtra qu'elle doit être considérée comme déri- j vaut de 'la source çommuneà toutes les anciennes j banalités, et elle nesera, à nos yeux, qu'un reste j de ce droit absurde et barbare, niais primitif et j universel, qui vit encore dans les onze coutumes ! où la banalité suit de plein droit le fief où la ! justice.
La présomption générale est donc que les ,ba- j nalités n'ont pour cause que l'oppréssion, qu'elles ne sont jjuejl.es émanations de la servitude personnelle, qu'elles ont par conséquent été abolies, sans indemnité, par les décrets du 4;ajoût; et s'il ; en est qui sortent du cercle de cette présomption, s'il en est qui.ont-été établies légitimement, c'est' à celui qui tes réclame à en justifier.
Muisiie doit-on pas excepter de cette règle gé-i nérale les banalités de pressoir.? La
question paraît singulière du premier abord,; cependant ' elle mérite d'être examinée. Ce qui
la motive, c'est que,d'une spart, nous ne .pouvons nous dis-: penser de maintenir les
banalités réelles, *et que, I de l'autre, presque tous les auteurs s'accordent à ; regarder
comme réelles les banalités de pressoir : j d'où il suit nécessairement que, si
l'opinion.deees! auteurs est fondée, les banalités de pressoir doivent, ^sans .titre spécial,
sans preuve parti-j culière, et ipso jure, être rangées dans là classe j des droits conservés
jusqu'au rachat. Mais ces au leurs ne se sont-ils pas trompés ? Ecoutons un j savant
magistrat, qui, là-dessus, ne peut pas être
« J'avoue, dit-ril, que je ne comprends pas la raison de la distinction que l'on veut faireientire cette banalité (eelle de pressoir); et les autres.
« En elfe t, on ne saurait douter que, quelbe qu'ait été originairement la cause de l'établissement des différentes banalités dans une même communauté, elle n'ait été vraisemblablement la même pour toutes, soit qu'elles aient étéétabfies dans les anciens affranchissements, isoitpar .quelques conventions.ou autrement; la nature en doit donc être la même. On peut dire, de plus, qu'on n'a jamais pu les rendre réelles qu'en chargeant précisément les fonds de la sujétion dont iks'agit; car C'est cela seul qui produit la réalité. Si idoine il était prouvé que les vignes eussent!étédwinéfls sous la condition de. la banalité, il n'y aurait nul doute que ce droit ne fût réel;; c'st même le seul cas ou il puisse l'être, comme; l'a remarqué un des plus judicieux (interprètes des coutumes. ; mais, comme un tel fait ne se présume point, on doit croire que la bannalitéilu pressoir,a été instituée comme toutes les autres ; et c'est sains cboute pour cela que la coutume d'Anjou, en l'article 31, n'en fait aucune différence par rapport à la personnalité.
« Uue chose assez singulière, est que l'arrêt du parlement de Paris, du 24 avril 1600 (qui fait le principal fondement de l'avis contraire, soutenu par Chopin, lequel a été aveuglément -suivi par tous les autres), fut rendu dans une hypothèse dont le fait devait conduire à une décision toute opposée ; car il s'y agissait dîune banalité de pressoir, qui avait été établie par un acte d'affranchissement dè la mainmorte ; d'où il résultait que.ce droit étant subrasé à une servitude qui était incontestablement personnelle, il devait ètFe considéré comme étant de là même qualité, suivant la maxime subrogation sapit naturam sw-brogati. Aussi cet arrêt n'a-t-il pas empêché qu'on n'en ait rendu dans .la suite plus d'un contraire. »
On voit que M. Bouhier écarte toute espèce de différence entre la banalité de pressoir et celle de moulin; et, effectivement, il est impossible d'assigner un'motif même-"plausible à la distinction qui répute la première réelle, plutôt que la seconde.. Quèîles sont donc, s'écrie un .célèbre jurisconsulte .que .choque, également cette dis tin c-tioi (2v, * quelles sont donc les raisons que donnent de leur opinion les auteurs qui se sont rangés du parti contraire ? aucune (répond-il) : cela paraît'incroyable, cependant cela est vrai. 'Un^an-cien jurisconsulte (Chopin), sur la foi d'un arrêt encore plus ancien, a dit : lés banalités de pres-.sôir sont réelles ; et les auteurs qui ont écrit depuis, ont répété : les banalités de pressoir pont réelles; et cela «ans peser les motifs de cette opinion, sans examiner si elle avait'un fondement quelconque. C'est ainsi que les livres se multiplient et que la science reste au même point. »
C'est trop de détails pour réfuter une erreur qui tombe d'elle-même; il est cl air que la
banalité de pressoir est de la même nature que celte de moulin; et d'après cela, il ne peut y
avoir aucune
difficulté à les comprendre dans une disposition commune.
X. Quant aux corvées, on les distingue, comme les banalités, en réelleset en personnelles, c'est-à-dire, en corvées qui ont été imposées sur les fonds lors de la concession primitive qu'en a faite le seigneur, et en corvées qui sm établies sur les personnes, sur les habitants d'une seigneurie, sans considérer s'ils sont détenteurs d'héritages, ou s'ils n'en possèdent pas.
Les corvées réelles ne peuvent donner lieu à aucune discussion sérieuse, et vous penserez fû rement, Messieurs, comme votre comité, qu'elles n'ont reçu aucune atteinte par vos décrets du 4 août; que, seulement, elles sont, depuis cette époque, soumises au rachat, et que tant que ce rachat ne sera pas effectué, il n'y aura pour s'en libérer qu'un seul moyen, celui de déguerpir les fonds qui en sont chargés.
Les corvées personnelles n'occasionneront sans doute pas plus de difficultés ; car il est
généralement reconnu, et les défenseurs les plus zélés des droits seigneuriaux avouent
eux-mêmes (1), que si elles n'ont pas été établies par une violence ou-vei te, elles sont du
moins des restes de l'ancienne servitude; qu'elles lui ont été subrogée?, et que par
conséquent elles la représentent ; ce qui entraîne nécessairement cette conséquence ulté
rieure, qu'elles sont au nombre des droits abolis sans indemnité par les décrets du 4 août
1879.
XI. Nous avons encore à vous présenter, Messieurs, une question fort importante par son objet, et d'un intérêt très général: c'est de savoir quelle doit être l'influence de l'article premier de vos décrets du 4 août, sur le triage des biens communaux.— Avant de vous exposer nos vues sur cette question, permettez que nous déterminions, d'une manière exacte et précise, la nature du triage
On appelle triage une opération qui consiste à distraire le tiers des biens communaux d'une paroisse, au profit du seigneur de la concession gratuite duquel ils proviennent.
Je dis biens communaux, et par cette expression j'entends, non les biens dont une communauté d'habitants n'est qu'usagère, mais les biens qui lui appartiennent, et dont elle est réellement propriétaire.
Je fais cette observation d'après Coquille et le président Bouhier, qui ont censuré, avec
raison, l'emploi des termes biens communaux pour désigner de simples usages; et je la fais
parce que le titre 25 de l'ordonnance de lti69, c'est-à-dire le litre sous lequel sont
rangées toutes les dispositions relatives au tirage, a pour inscription ces mots : des bois,
prés, marais, etc., appartenant avx communautés d'habitants; ce qui prouve clairement, comme
je l'ai annoncé, que le triage
Il y a plus: non seulement le triage a lieu dans le cas dont je viens de parler, mais il n'a lieu que dans ce cas précis. Lorsqu'une communauté n'est pas propriétaire, mais simplement usagère, ce n'est plus au titre 25 de l'ordonnance de 1669 qu'il faut recourir pour déterminer les droits respectifs du seigneur et des habitants; c'est à un autre genre de législation, ou plutôt de jurisprudence, qui a sa source'dans le droit romain, et dont Je résultat s'appelle cantonnement.
Le cantonnement est une opération qui consiste à resserrer, à circonscrire le droit indéfini et illimité des habitants usagés sur une partie déterminée des fonds soumis à leur droit d'usage, afin de laisser le reste libre au seigneur propriétaire.
Nous venons de dire que le cantonnement a sa source dans le droit romain ; et, en effet, il n'est, pour ainsi dire, que la combinaison de deux lois des Pandectes, dont l'une porte que personne n'est tenu de demeurer dans l'indivision, et l'autre décide que le droit de tirer des pierres de la carrière d'autrui, même moyennant une redevance, ne doit pas empêcher le propriétaire de jouir de son fonds (1). C'est de la réunion de ces deux lois, que tous nos jurisconsultes ont conclu que l'usage d'un bois ou d'un marais accordé par un seigneur*à une communauté d'habitants, pouvait être restreint à une certaine partie du marais ou du bois, quand le seigneur le requérait; et leur doctrine, consacrée par une chaîne d'arrêts qui embrasse près de trois siècles, est devenue une des maximes les plus constantes de la jurisprudence française.
Il 7aut donc bien distinguer le cas où les communautés ne sont qu'usagères d'avec celui où elles sont propriétaires. Dans le premier cas, le seigneur peut exercer contre elles l'action en cantonnement, et cette faculté, qu'il titre de son droit de propriété, n'a ni été, ni pu être altérée par les décrets de l'Assemblée nationale. Dans le second cas, l'ordonnance de 1669 a accordé au seigneur l'action en triage, non pas à la vérité dans toutes les circonstances indistinctement, mais du moins lorsqu'il réunit en sa faveur le concoursde plusieurs conditions; et la question que nous avons maintenant à résoudre, est de savoir si cette action peut encore avoir lieu depuis l'abolition que l'Assemblée nationale a faite, non seulement du régime féodal, mais encore de tout ce qui tient à la servitude, et conséquemment des droits uniquement fondés sur les abus de l'ancienne puissance seigneurale.
On pourrait, ce semble, réduire la question à des termes plus simples, et dire; « Le droit de triage est-il ou n'est-il pas un droit véritablement féodal ou censuel ? dérive-t-il ou ne dérive-t-il pas, soit de contrats d'inféodation, soit de contrats d'accensement? enfin tient-t-il réellement et par sa nature, au système féodal, ou n'est-il que le fruit d'une extension abusive de la féodalité? »
Si le droit de triage découle de la féodalité véritable et proprement dite, s'il a été
établi par les contrats mêmes d'inféodation ou d'accensement en un mot, si c'est un droit
féodal dans le sens naturel de ce mot, nul doute qu'il ne doive être conservé, ou du moins
soumis au rachat. Mais s'il n'est droit féodal que de nom, s'il est
Ainsi, en dernière analyse c'est par la nature et l'origine du droit de triage qu'on doit se déterminer à l'anéantir ou à Je conserver.
A cet égard, il faut convenir que parmi les droits réputés féodaux et vulgairement qualifiés tels, il en est peu qui se présentent avec un caractère aussi singulier que le triage.
Le triage, nous l'avons déjà dit, est pour un seigneur, le droit de distraire à son profit le tiers des bois ou marais qu'il a concédés gratuitement et en toute propriété, à la commune de son territoire, ou, pour parler plus clairement encore, le droit de reprendre le tiers de ce qu'il a donné.
En général, ce que nous avons donné purement et simplement n'est plus à nous, et il ne nous est permis d'en reprendre ni Je tiers, ni le quart, ni une partie quelconque.— Les donations que les seigneurs ont faites aux communautés d'habitants, seraient-elles exceptées de la règle générale? Mais si cette exception existait, quel en serait le motif? La qualité du donateur? mais un seigneur qui donne à un particulier, donne irrévocablement.—La qualité des donataires? mais une communauté d'habitants est aussi habile qu'un particulier à recevoir une donation irrévocable dans ses parties comme dans son tout. —11 resterait donc à dire que le triage a été réservé par les actes mêmes de concession, et c'est ce que personne n'oserait avancer.
Quels sont donc les prétextes dont on s'est servi pour introduire le triage? Je l'ignore; je connais seulement ceux dont se servent actuellement les feudiste, qui prétendent le justifier, et les voici.
Une propriété, dit-on, peut être transférée par un seigneur à une communauté d'habitants, de deux manières, moyennant un prix, soit payé cèmptant, soit distribué et reparti en redevances annuelles,ou gratuitement par la voie de la donation. Lorsque les communautés propriétaires se trouvent dans le premier cas, c'est-à-dire lorsqu'elles ont acheté leurs biens communaux, ou qu'elles en paient des redevances, elles les possèdent d'une manière indépendante et absolue; et le seigneur, totalement exproprié, n'a rien à y réclamer. — Si, au contraire, la concession a été gratuite, le seigneur conserve la faculté d'user de la chose comme le reste de la communauté. Ainr si une forêt, un marais gratuitement concédés par le seigneur à des habitants, forment entr'eux et lui une propriété commune et indivise.—Mais personne n'est tenu de demeurer dans l'indivision ; le seigneur peut donc en sortir, lorsqu'il le juge à propos ; et comme son droit dans la chose commune est le plus éminent, sa portion doit être la plus forte: c'est ce qui l'a fait porter au tiers par l'ordonnance de 1669.
Ainsi raisonnent les apologistes du triage (1) : mais j'oserai leur demander d'abord si le
seigneur n'est pas aussi totalement exproprié dans le cas d'une concession gratuite, qu'il
l'est dans le cas d'une concession à titre onéreux. Ce que je donne
Ensuite, il n'est pas vrai que, dans le cas d'une concession à titre onéreux, le seigneur soit, relativement au simple usage des biens comunaux, de pire condition que s'il avait concédé gratuitement. On se prévaut de ce que le seigneur qui a concédé gratuitement, ne laisse pas de jouir en commun avec les autres habitants : mais il eh est de même du seigneur qui a concédé à titré ofté-reux, et la preuve èn est textuellement écrite dans l'ordonnance de 1669, titre 25, articles 4 et 5» Quelle en est la raison ? C'est qu'en concédant à la communauté* lé seigneur concède nécessairement à tous les membres qui la composent; et qu'ainsi» tout en s'expropriant coihme individu, il acquiert comme membre du corps* au profit duquel il s'exproprie. Dès là* il Importe peu, quant à la faculté de jouir en commun avec les autres habitants, que la contegsibn soit gratuite ou b titre onéreuxi Si elle est gratuite, le seigneur participe, comme membre de la communauté) à la donation qu'il a faite à celle-ci comtne individu? si elle est à titre onéreux, il vend Comme individu, et il paie, comme membre de la communauté, sa part du prix. Ainsi* dans l'un et l'autre cas* il à droit de jouir des biens concédés, et les autres habitants ne peuvent, à cet égard, qu'aller de pair aVec lui»
Mais de ce qu'on ne peut lui contester la jouissance en commun avec les autrës habitants, s'ensuit-il qu'il puisse demander le partage des biens sur lesquels s'exerce cette jouissance* et en prendre le tiers pour sa portion ? ObservohB d'abord que* Si Cette conséquence était juste pour le seigneur qui a concédé gratuitement, elle le serait aussi, d'après ce que nous venoils de dire, pour le seigneur qui a concédé à titre onéreux ; et Gommé on est fbrcé de convenir qu'elle «ie peut pàs s'appliquer à celui-ci, il est bien difficile de Croire qu'elle puisse se soutenir par rapport à celui-lài
En second lieu, ce n'est pas comme individu que le seigneur jouit des biens qu'il a concédés, c'est comme membre de la communauté concessionnaire : il ne peut donc pàs* conïme individu, demander le partage d'Un bien dans lequel.comme individuel n*aaucun droit; il he jouit que comme membre de la communauté* et a ce titre, le der-hier des habitants est son égal. Ainsi* ou il ne peut exiger un partage, ou le dernier des habitants peut l'exiger comtne lui ; et dès lors, il faut en revenir à ce principe conservateur des propriétés communales* que ce n'est pas aux individus qu'appartiennent les oiens des corps politiques ; que quoique membre d'une communauté, je ne puis individuellement m'approprier* ni prétendre rien dè Ce qu'elle possède* et que, consé-quemmént, il ne peut jamais y avoir d'action en partage entré ùh membre d'une communauté d'habitants et la cOthtnuhauté elle-même.
Il n'y a donc ni raison qui puisse justifier le triage,ni prétexte qui puisse eh pallier l'odieux : aussi devons-nous dire, à la louange de nos pères, que l'origine n'en est pas fort ancienne; Consultons les monuments les plus authentiques et lés plus complets des premières sources de notre jurisprudence féodale; ouvrons les assises de Jérusalem, les établissements de Saint-Louis* les conseils de Pierre de Fontaines, la coutume du
Beauvoisis par Beaumanoir, les coutumes notoires du Châtelet, les décisions de Jean des Mares. — Descendons, s'il le faut, à des temps plus modernes, et parcourons cette immense galerie de lois gothiques et bizarres, qui, dans le seizième siècle, ont été formées par le concours de plus de la moitié des habitants de la France ; qu'y trouverons-nous sur le triage ? Pas un mot ; et certainement on ne persuadera à personne qu'un silence aussi absolu( aussi universel, perpétué aussi longtemps, BUr Un droit d'une telle importance, soit compatible avec l'idée qu'il ait alors existé, je ne dis pas des traces, mais une ombre de ce droit/
Aussi n'est-cê qu'au commencement du dix-Septiêmè siècle qu il a été introduit, et comment l'a-t-il été? Par une confusion d'idées et de principes, qui a fait appliquer aux bois et aux marais concédés en propriété, des règles particulières aux bois et aux marais dont il n'y avait que l'usage d'aliéné» Je m'explique.
J'ai déjà observé que le cantonnement était en vigueur depuis près de trois siècles ; et en effet* on trouve un arrêt du 22 décembre 1515 (1) qui l'Ordonne entre la dame de Sainte-Palaye et les habitants de sa Beigneurie ; on en trouve d'autres de 1531 (2), de 1547, de 1548 (3), qui prononcent de même : depuis* le nombre dé ces arrêts est devenu presque incalculable.
Mais si la jurisprudence des tribunaux a toujours été Uniforme pour l'admission du cantonnement* elle he l'a jamais été, elle n'a même jamais dû l'être sur la quotité des portions respectives du seigneur et des usages. Par les arrêts de 1531,1547 et 1548,1e Seigneur a obtenu les deux tiers, et les usagers ont été réduits au tiers. Il en été rendu d'autres qui ont adjugé aux Usagers les deux cinquièmes, d'autres le quart ; quelques-uns les ont limités au tiers j et de ce nombre sont deux jugements de la table de Marbre et de lâ chambre des Eaux et Forêts de Paris, des 25 mai et 24 décembre 1607, que rapporte l'auteur des Lois forestières de France, tome II, page 281.
Ces déux jugements peuvent être considérés comme l'époque occasionelle de l'introduction du
triage. A l'exemple de ceux qui n'avaient concédé à leurs habitants que des droits d'usage,
des seignedrs, qui avaient concédé aux leurs une véritable propriété, crurent pouvoir tirer
aussi quel* que parti des bois et des marais dont ils s'étaient anciennement dépouillés* Sans
doute, du premier abord i on ne fit pas une attention bien exacte à la différênce qui se
trouvait entre les uns et les autres ; et» dans lë fait* il n'était pas toujours aisé de
distinguer les Concessions en propriété d'avec les concesssions de simple usage. D'ailleurs,
les habitants usagers jouissent comme les habitants propriétaires ; et puisque la jouissance
des premiers peut être intervertie par le cantonnement* pourquoi n'en serait-il pas de même
de la Jouissance des seconds?— Ainsi raisonnait l'intérêt personnel des seigneurs. Les
habitants, opprimés de mille manières sous le régne désastreux de Louis XIII, pouvaient
rarement opposer à Ce raisonnement vicieux et absurde une défense assez vigoureuse pour
conserver leurs propriétés ititactes* et la plupart prévenaient ou terminaient par des
transactions désavanta-
On Voit pàr cette disposition qu'un grand nombre de Seigneurs avaient profité des troubles dont avaient été agités le règne de LoUiS XIII et la minorité de Louis XIV pour exercer le triage sur le3 biens dë leurs communautés. Il n'est pas douteux que par là il ne se fût formé Une sorte d'habitude de regarder le triage Comme un droit seigneurial. Aussi la loi que nous venons de Citer hele cohdamne-t'-elle pas eh lui-même : elle indique seulement un remède côhtrë les abus qu'on en a faits ; et c'est à ce point ijue s'est également réduite 1'ordonnattbe des Eaux et Forêts de 1669, la première de nos lois qui ait autorisé formellement la distraction du tiers des communes au profit des seigneurs.
Suivant cette ordounance, lorsque les communes proviennent de là concession gratuite des seigneurs, ët que les deux tiers en sont suffisants pour les besoins des habitants auxquels ëllës ont été concédées, les Seigneurs ont le droit de s'en approprier le tiers.
Je hè m'arrêterai pas à faire remarquer Combien peu est réfléchie cëtte loi qui fait dépendre l'exercice actuel d'un droit aussi important, de la condition si éventuelle, Si versatile de la suffisance oU de l'insuffisance des deux tiefë polir les besoins des communàutês, comme si là population. qui est la mesure de ces besditis, était invariable dans chaque paroisse! comme si la concession d'une commune avait pu, dans son origine, avoir d'autre objet que de pourvoir aux besoins, hon de telle ou de telle époque, mais de tous les temps 1
Mais ce qui paraît mériter une attention sérieuse, C'est ie point de savoir si, d'après les détails que nous venons de parcourir, le triage peut encore avoir lieu au profit des seigneurs.
Cette question pëut être présentée de deUi manières différentes, mais qui, en résultat, vont au même but.
On peut demander d'abord si l'Assemblée na-
Mais (et c'est ici le second point de vue Sous lequël notre question peut être envisagée) faut-il une loi Spéciale pour abolir directement ie triage, oU ne doit-Un pâs plutôt le regàruer Comme déjà aboli pat* les décrets du 4 août 17891
Ici, deux nouveaux points de vue s'ouvrent à notre examen et fâcilitènt la solution de la difficulté qui noUs occUpè.
Ou le droit de triage est, dans l'esprit de l'ordonnance de 1669, un attribut dë là Seigneurie directe, ët forme par conséquent, aux yeux de Cette loi, Un droit féodal ;
Ou elle est censée, malgré son silence, le réserver aui seigtieurs justiciers, et conééquem-ment elle le Considère comnie Un droit de justice.
Je n'entends pas prottbtidèf entre les deux membres de cette alternative ; je sais que l'un et l'autre a Ses partisan g : il m'importe peu lequel est le UliéUx fondé dans l'esprit de l'ordonnance de 16Ô9 ; mais Voici commuent je raisonne.
Si l'ordonnance dé 1669 a fait du droit de triage un droit de seigneurie directe, ou, ce qui est la même chose, un droit de fief, à coup sûr elle l'a fait dépendre du régime féodal ; mais le régime féodal est entièrement détruit ; le droit de triage né peut doUc plus subsister dans cette hypothèse. Et qu'on ne prétende pas alors se soumettre att rachat, ùommë lès autres droits féodaux qui ne tiennent n} à la mainmorte, ni à la servitude personnelle : ils sont satis doute rachetables, tous ces droits qui, dérivant ou d inféo-datioh OU d'accensement, forment de Véritables émanations de la propriété foncière j mais peut-on leur assimiler à cet égard Un droit qui ne tient son existence qued'unë loi arbitraire ? L'Assemblée nationale a bien soumis au rachat les droits qui sont féodàux par leur nature ët qui le sont réellement, niais elle n'a sûrement pas compris dans Sa disposition un droit qui U'est féodal que de nom, et dont la féodalité fictive a sa source dans un édit encore récent.
Veut-on, au contraire, que le droit de triage ne «oit» dans l'esprit de l'ordonnance de 1669, qu'un droit de justice ? La condition des seigneurs qui prétendaient le conserver n'en serait pas plus avantageuse ; car les droits de justice seigneuriale étant supprimés sans indemnité, il n'est pas possible qu'il en subisse encore des attributs ; les accessoires suivent nécessairement le sort du principal, et la destruction de l'un emporte de droit la destruction des autres.
Ainsi, qUe ledroit de triage soit dans l'esprit de l'ordonnance de 1669, un droit de fief, ou un droit de justice, c'est la chose du monde aujourd'hui la plus indifférente ; et sous l'un comme sous l'autre aspect, il est évidemment supprimé par les décrets du 4 août.
Ce n'est pas néanmoins qu'il soit inutile de le comprendre formellement dans ie nouveau décret
que vous allez porter. Nous pensons, au contraire, que le passer sous silence et ne pas le frapper d'une suppression expresse, ce serait laisser la porte ouverte à une difficulté qu'on ne manquerait pas de faire, et à l'aide de laquelle ce droit.échapperait peut-être, dans certains tribunaux, à la proscription qu'il aurait été dans votre intention implicite de lui faire subir. — Cette difficulté consisterait à dire que, dans l'exacte vérité, le triage n'est ni un droit de justice, ni un droit de fief; que c'est une simple faculté qui a été établie par l'ordonnance de 1669, et que la disposition de cette ordonnance n'étant pas révoquée, cette fa culté doit encore subsister et avoir tout son effet, rrrr Je ne dis pas, Messieurs, que ce raisonnement serait bien victorieux ; je ne dis pas qu'il serait sans réplique ; mais je dis qu'il pourrait embarrasser les juges, et c'est un inconvénient auquel il est de notre devoir de parer, en décrétant positivement l'abolition du droit de triage.
Maintenant, une nouvelle question se présente : la suppression du droit de triage aura-t-elle un effet rétroactif? Rigoureusement, j'ose le dire, elle devrait l'avoir, et l'avoir indéfiniment, parce qu'en abrogeant une loi injuste, on ne fait, strictement parlant, ou du moins on ne devrait que rétablir les choses dans l'état où elles seraient, si cette loi n'avait jamais existé. Mais il est dans la justice même, unexcèsqneles législateurs doivent éviter comme les magistrats ; en faisant les lois comme en les appliquant.il ne faut jamais être extrême; c'est le sens et l'objet de cette maxime, summum jus summa injuria ; et en la combinant avec une foule de considérations particulières à l'exercice qui a été ci-devant fait du triage, il est impossible de ne pas conclure que la suppression de ce droit ne pourrait, sans les plus grands inconvénients, refluer jusque sur le passé.
Votre comité, Messieurs, a donc pensé que le droit de triage, tel qu'il est établi par l'ordonnance de 1669, ne devait être aboli que pour l'avenir ; mais son opinion, unanime sur ce point général, a été divisée par rapport au triage auquel, par une extension bien étrange de cette ordonnance, des lettres-patentes sur arrêt obtenues par les seigneurs de la Flandre Wallonne et de l'Artois, ont assujetti les biens possédés par les communautés à titre onéreux. On vous présentera, Messieurs, les raisons respectives de l'un et de l'autre avis, et ce sera à vous à décider si les seigneurs Flamands et Artésiens peuvent garder, ou doivent restituer à leurs communautés les portions de biens dont ils se sont ainsi fait mettre en possession depuis onze à douze ans, par des arrêts du conseil rendus sur requêtes non communiquées.
Suite du projet de décret sur les droits féodaux. TITRE II.
Des droits seigneuriaux qui sont supprimés sans indemnité.
Art. 1er. La mainmorte personnelle, réelle ou mixte, ainsi que
la servitude d'origine, la servitude personnelle du possesseur des héritages tenus en
mainmorte réelle, celle de corps et de poursuite, les droits de taille, de corvées
personnelles, d'échute, de vide-main, le droit prohibitif des aliénations et dispositions à
titre de vente, de donation entre-vifs ou testamentaire,, et tous les autres effets de la
mainmorte réelle, person-
nelle oumixte, qui s'étendaient sur les personnes ou les biens, sont abolis sans indemnité.
Art. 2, Néanmoins, tous les fonds ci-devant assujettis à la mainmorte réelle ou mixte, continueront d'être assujettis aux mêmes charges, redevances, tailles ou corvées réelles dont ils étaient précédemment chargés.
Art. 3. Lesdits héritages demeureront pareillement assujettis aux droits dont ils pouvaient être tenus en cas dè mutation par vente, pourvu néanmoins que lesdits droits ne fussent pas des compositions à la volonté du propriétaire du fief dont ils étaient mouvants, et que lesdits droits n'excédassent point ceux qui ont accoutumé être dûs par les héritages non mainmortables, tenus en censive dans la même seigneurie, ou suivant la coutume.
Art. 4. Tous les actes d'affranchissement par lesquels la mainmorte réelle ou mixte aura été convertie sur les fonds ci-devant affectés de cette servitude, en redevances foncières et en des droits de lods aux mutations, seront exécutés selon leur forme et teneur, à moins que lesdites charges et droits de mutation ne se trouvassent excéder les charges et droits usités dan & la même seigneurie, ou établis par la coutume, relativement aux fonds non mainmortables tenus en censive.
Art. 5. Dans le cas où les charges réelles, stipulées par les actes d'affranchissement, se trouveraient excéder létaux indiqué par l'article précédent, elles y seront réduites, l'excédent ne devant être regardé que comme le prix des servitudes personnelles qu'emportait la mainmorte réelle, lesquelles n'étaient pas susceptibles d'indemnité; et seronteniièrement supprimés les droits et charges qui ne seront représentatives que des servitudes purement personnelles.
Art. 6. Seront néanmoins les actes d'affranchissement faits avant l'époque fixée par l'article XIX ci-après, moyennantunesomme dedeniers,ou pour l'abandon d'un corps d'héritage certain, soit par les communautés, soit par les particuliers, exécutés suivant leur forme et teneur.
Art. 7. Toutes les dispositions ci-dessus, concernant la mainmorte, auront également lieu pour les tenues en bordelage et en quevaise.
Art. 8. Les droits de meilleur cattel ou morte-main (1), de taille à volonté, de taille ou d'indier aux quatre cas de cas impériaux et d'aide seigneuriale, sont supprimés sans indemnité.
Art. 9. Tous droits qui, sous la dénomination de fouage, monéage, bourgeoisie, congé ou autre quelconque, sont perçus par les seigneurs, sur les personnes, sur les bestiaux, ou a cause de la résidence, sans qu'ils soient justifiés être dus,soit par les fonds invariablement, soit pour raison de concession d'usages ou autres, sont abolis sans indemnité.
Art. 10. Sont pareillement abolis sans indemnité les droits de guet et de garde, ainsi que
les rentes ou redevances qui en sont représentatives, quoique affectées sur des fonds qui ne
seront pas
Les droits de pulvérage, levés sur les troupeaux de moutons passant dans les chemins publics des seigneuries;
Les droits qui, sous la dénomination de banvin vet du vin, étanche, ou autre quelconque,emportaient pour un seigneur la faculté de vendre seul et exclusivement aux habitants de sa seigneurie, pendant un certain temps de l'année, les Boissons provenant de son crû.
Art. 11. Les droits connus en Auvergne et autres provinces, sous le nom de. cens en com-mende ; en Flandres, en Artois ,et en Cambrésis, sous celui de gave, gavenrie, ou gaule ; en Hainaut, sous celui de poursoin; en Lorraine, sous celui de sauvement ou sauvegarde; en Alsace, sous celui d'avouerie ; et généralement tout droit qui se payait ci-devant en reconnaissance et pour prix de la protection des seigneurs, sont abolis sans indemnité: sans préjudice des droits qui, quoique perçus sous les mêmes dénominations, seraient justifiés avoir pour cause des concessions de fonds.
Art. 12. Les droits sur les achats, ventes, importations et exportation de biens-meubles,de denrées et de marchandises, tels que les droits de cinquantième ou de centième denier du prix des meubles vendus, les lods et ventes sur les vaisseaux, les droits d'accise sur lés comestibles, les droits d'umgeld sur les vins et autres boissons, les impôts et billots seigneuriaux et autres de même nature, sont abolis sans indemnité (sans rien préjuger, quant à présent, sur les droits de péage et de minage).
Art. 13. Tous droits exigés sous prétexte de permissions données par les seigneurs, de faire des choses ou d'exercer des professions, arts ou commerces, qui, par le droil naturel et commun, sont libres à tout le monde, sont supprimés sans indemnité.
Art. 14. Toutes les banalités de fours, moulins, pressoirs à vins ou à huiles,de boucheries, de taureau, de verrat, de forges, et autres, ensemble le droit de vere-rhoute usité en Normandie,soit qu'elles soient fondées sur la coutume ou sur un titre, ou acquises par prescription, sont abolies et supprimées sans indemnité sous les seules exceptions ci-aprês.
Art. 15. Sont exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables :
1° Les banalités purement conventionnelles, c'est-à-dire qui seront prouvées par la présentation du titre primitif, avoir été établies par une convention souscrite' entre le seigneur et la communauté des habitants, pour l'intérêt et l'avantage desdits habitants;
2° Celles qui seront prouvées par la représentation du titre primitif, avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d'usages dans ses bois ou prés, ou de communes en propriété.
Art. 16. Au défaut de titre primitif, les causes d'exception indiquées dans l'article précédent pourront être établies par deux reconnaissances énonciatives d'une plus ancienne, données par la communauté des habitants, suivies d'une possession de 40 ans, et rappelant, soit la convention, soit la concession de droits d'usages ou de communes en propriété, sous la charge de la banalité.
Art. 17. Toute redevance ci-devant payée par les habitants à titre d'abonnement des banalités de la nature de celles ci-dessus supprimées sans
indemnité, et qui n'étaient point dans le cas des exceptions portées par l'article 15, est abolie et supprimée sans indemnité.
Art. 18. Toutes les corvées, à la seule exception des réelles, sont supprimées sans indemnité; et seront réputées corvées réelles, celles qui ne sont dues qu'à cause de la propriété d'un fonds ou d'un droit réel, et dont on peut se libérer en aliénant ou déguerpissant le fonds ou le droit.
Art. 19. Le droit du triage, auquel les biens appartenant aux communautés d'habitants ont été assujettis par l'article 4 du titre XXV de l'ordonnance des Eaux et Forêts de 1669, demeurera aboli pour l'avenir.
Art. 20. Toutes les dispositions du présent titre et celles du précédent, auront leur effet à compter du jour de la publication des lettres-patentes du 3 novembre 1789, portant envoi aux tribunaux, municipalités et corps administratifs des décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août précédent.
Art. 21. L'Assemblée nationale se réserve de prononcer, s'il y a lieu, sur les indemnités dont la nation pourrait être chargée envers les propriétaires de certains fiefs d'Alsace, d'après les traités qui ont réuni cette province à la France.
TITRE III.
Des droits seigneuriaux rachetables.
Art. 1er. Seront simplement rachetables et continueront d'être
payés jusqu'au rachat effectué, tous les droits et devoirs féodaux ou censuels utiles, qui
sont le prix et la condition d'une concession primitive de fonds.
Art. 2. Dè cette nature sont :
1° Toutes les redevances seigneuriales annuelles en argent, grains, volailles, denrées ou fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, sur cens, rentes féodales, seigneuriales ou emphytéotiques, champart tasque, terrage, agrier, soété, corvées réelles, ou sous toute autre dénomination quelconque, qui ne se paient et ne sont dus que par le propriétaire ou possesseur d'un fonds, tant qu'il est propriétaire ou possesseur et à raison de la durée de sa possession ;
2° Tous les droits casuels qui, sous les nom3 de quint, requint, treizième, lods et treizains, lods et ventes, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevoisons, plaids, et autres dénominations quelconques, sont dus à cause des mutations survenues dans la propriété ou la possession d'un fonds, par le vendeur, l'acheteur, les donataires ou les héritiers et ayants cause du précédent propriétaire ou possesseur.
Art. 3. Aucune municipalité, aucun district, aucun département né pourra, à peine de nullité, de prise à partie et de dommages-intérêts, prohiber la perception d'aucuns des droits seigneuriaux dont le paiement sera réclamé, sous prétexte qu'ils se trouveraient implicitement ou explicitement supprimés sans indemnité, sauf aux parties intéressées à se pourvoir, par les voies de droit, devant les tribunaux ordinaires.
Art. 4. Les propriétaires de fiefs dont les archives et les titres auraient été brûlés ou pillés à l'occasion des troubles survenus depuis le commencement de l'année 1789, pourront en faisant preuve du fait, tant par titres que par témoins, dans l'année de la publication du présent décret, être admis à établir, soit par actes, soit par la preuve testimoniale d'une possession de trente
ans, la nature et la quotité des droits qui leur appartenaient.
Art. 5. La preuve testimoniale dont il vient d'être parlé, ne sera suffisante que par dix témoins, lorsqu'il s'agira d'un droit général.
Art. 6. Les propriétaires de fiefs qui auraient, depuis l'époque énoncée ians l'article 4, renoncé par contrainte ou violence à là totalité ou à une partie de leurs droits non supprimés par le présent décret, pourront, en se pourvoyant également dans l'année, demander la nullité de leurs renonciations, sans qu'il soit besoin de lettres de rescision.
On demande l'impression du rapport de M. Merlin.
L'impressioq est ordonnée.
annonce que les juges consulaires demandent à être introduits a la barre, à la séance de demain soir, pour y prêter le serment civique.
Cette demande est accordée.
lève la séance, après avoir indiqué celle de dentain matin pour l'heure ordinaire.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal.
Je m'étonne qu'on n'ait pas inséré au procès-verbal que ce n'est qu'après avoir entendu les observations qui ont été faites sur mes scrupules, que je me suis déterminé à prêter le serment- Après les mots :je le jure, j'ai ajouté ceux-ci : d'après la nouvelle interprétation donnéepar l'Assemblée. Je demande que ces mots soient rétablis sur le procès-verbal ; et, si M. le secrétaire a cru m'obliger en les supprimant, je le remercié d'une attention que je n'ai pas sollicitée et que je ne suis sûrement pas jaloux d'obtenir.
Je ne connais que deux manières de parler du serment prêté hier par M- 4e BouviUe; p'est de dire' qu'il l'a prêté où qu'il ne l'a pas prêté ; il ne peut pas exister une troisième manière d'en parler. Je pense donc qu'il n'y a pas lieu à déliberer sur la demande qu il vient de faire»
Je pense qu'il y a lieu à délibérer; et comme c'est avec M. de Bouville, et de la même manière que lui, que j'ai prêté mon serment, je demande avec lui que les termes dans lesquels je l'ai prêté soient stipulés dans le procès-verbal.
Je prends le vœu de l'Assemblée : Y a-i-il lieu à délibérer sur la réclamation de MM. dp BouviUe et le vicomte de Mirabeau ?
L'Assemblée décrète la négative.
En ce cas, je regarde mon serment comme nul.
(L'Assemblée ne tient aucun compte de cette protestation.)
donne lecture d'une lettre de M. Bouche, membre de l'Assemblée nationale, qui fait don de plusieurs de ses ouvrages intitulés : 1° Essai sur l'histoire de la Provence: 2° Essai sur lè droit public et sur la contribution aux impositions. « J'ai cru, écrit M. Bouche, qu'il serait utile que les provinces et villes qui ont leur histoire écrite, en déposassent un exemplaire dans les archives de l'Assemblée nationale ; je paie le tribut à cette idée.
L'Assemblée applaudit et ordonne que les ouvrages seront déposés aux archivés.
, curé de Sergy. J'étais absent lors de la prestation du serment civique, parce qu'à la sollicitation de mes paroissiens, j étais allé les aider à organiser leur municipalité. La démarche du Roi auprès de l'Assemblée nationale a été accueillie à Pontoise avec enthousiasme et les habitants ont organisé une fête patriotique pour célébrer l'acpord du Roi ét de la nation. Je dépose sur le bureau Une adresse de Sergy et de Pontoise portant renouvellement d'adhésion aux décrets de l'Assemblée eit après avoir expliqué les motifs de mon absence, je demande a être admis à là prestation du serment.
, prête serment.
fait lecture d'une lettre de M. le comte de Saint-Priest, qui témoigne, au nom du Roi, le désir qu'aurait Sa Majesté de voir que la ville de Fontainebleau formât, avec la forêt, un seul district particulier.
(de Nernours). Il me semble que nous ne pouvons refuser au Roi la satisfaction qu'il demande; je pense que sa réclamation doit être accueillie*
Le décret rendu depuis quinze jours sur le département de Fontainebleau remplit, à très peu de chose près, le vœu de Sa Majesté; et comme nous ne pouvons revenir sur nos décrets, je demande que M. le Président soit autorisé à conférer à ce sujet avec le Roi, et à lui présenter cette observation.
, curé de Souppes. Il me semble que M. le comte de SainUPries» aurait dû s'adresser aux députés du département de Fontainebleau, et non pas à l'Assemblée.
L'avis proposé par M. le vicomte de Noailles est adopté.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, rapporteur du comité de constitution, représente que les députés de ïa Chalosse et du pays de Marsan demandent la création d'un S4« département dans la division générale du royaume, au profit de Mont-de-Marsan. Le comité est d'avis que les décrets antérieurs doivent être maintenus, que la demande doit être rejetée et il propose un décret qui est adopté en ces termes :
Département de la Chalosse et du Marsan.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis
du comité de constitution, que, dans le jour, les députés de ia Chalosse et du Marsan présenteront au comité la division de ce département en districts, sinon les commissaires sont autorisés à le diviser et à proposer à décréter demain, à neuf heures du matin, les districts, leur chef-lieu, et celui du département. »
propose ensuite les décrets suivants qui sont adoptés sans contestation.
Districts de la Lorraine et d1 Alsace.
« L'Assemblée nationaledécréte, d'après l'avisdu comité de constitution : 1° que la portion de Sainte-Marie-aux-Mines, dépendante ci-devant de la Lorraine, les communautés de Sainte-Croix, Lièvre, l'Allemand, le Romback; Saint-Hippol^te et Tau-ville, appartiendront définitivement à l'Alsace ; en échange de quoi le comté de Dabo, situé au revers occidental des Vosges, restera au département de Nancy;
2« Que pour indemniser le district de Saint-Diez des quatre communautés et des deux villes qu'il perd dans le Val-derLièvre, il lui sera rendu les communautés de Saale, Bruche, Ranrupt, Saint-Biaise, Colroi, ia Roche et le Han. »
Département des Vosges.
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
« l* Que le département des Vosges est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont Saint-Diez, Rambervilliers, Remiremont, Bruyères, Epi-nal, Mirecourt, Darney, Neuf-Château et la Marche;
2* Que les électeurs du département s'assembleront à Epinal, et que là ils détermineront, à la pluralité des voix, quel sera le chef-lieu du département entre les villes d'Ëpinal et de Mirecourt, sauf là répartition entre ces deux villes des principaux établissements administratifs et judiciaires, qui Seront déterminés par la constitution, dé manière qu'aucune des deux nepuisseles réunir. »
propose un décret concernant la division en districts du département de la Basse-Auvergne.
demande un district pour la ville d'Aigueperse dont il exposé les pertes énormes dans le nouvel ordre 4e choses.
répond que cette réclamation ne peut être accueillie parce qu'elle blesse, de la manière la plus évidente, les intérêts des administrés.
répond qu'il ne faut pas bouleverser toute l'organisation sociale et que les intérêts particuliers sont respectables ; la ville d'Aigueperse doitavoirsa part dans la répartition des établissements publics du département,
déclare qu'il modifie son décret qui est adopté en ces termes :
Département de la Basse-Auvergne.
L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution :
1° Que les chefs-lieux de districts de la Basse-Auvergne sont Glermont, Riom, Ambert, Thiers, Issoire, Billon et Montaigu;
2" Qu'à l'égard du district de Besse, les électeurs du département détermineront s'il doit être fixé à Besse, ou s'il serait mieux de le fixer à la Tour ou à Tauves;
» Mais que la première assemblée se tiendra à Besse, sauf à prendre en considération la demande de la ville d'Aigueperse, lorsqu'il sera question des établissements judiciaires.
Un député de la ville d'Auxonne offre à l'Assemblée un don patriotique de deux rentes sur les tailles, au principal de 2,524 livres, et témoigne qu'il est heureux par cette offrande, faite au moment où l'Assemblée a prononcé contre cette ville, de témoigner son respect et son obéissance aux décrets de l'Assemblée.
répond : L'Assemblée nationale applaudit au civisme et à la générosité de la ville d'Auxonne; elle me charge de vous en témoigner sa satisfaction.
, autre rapporteur du comité de constitution, rend compte de la Vdivi-sion du département ouest de la Provence.
soutient avec chaleur les intérêts de la ville d'Apt et cherché à prouver qu'elle doit rester exclusivement chef-lieu de district sans tenir compte de la ville de Perthuis. Il invoque la possession en faveur de la ville d'Apr, sa position centrale, tandis que Perthuis est à l'extrémité du district; Apt a à perdre son évéché et son chapitre, tandis que Perthuis n'a rien à perdre et se trouve favorisé par un plus grand commerce.
répond que les prétentions d'Apt sont exagérées et que Perthuis est assez important pour avoir sa part dans la distribution des établissements publics du département.
s'en tient au provisoire pour la ville d'Apt» sauf au département à prononcer seulement sur l'alternat.
met aux voix la clôture de la discussion qui est prononcée.
Le décret suivant est rendu :
L'Assemblée nationales décrète, conformément à l'avis du comité de contitution, que le département de l'ouest de la Provence est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Aix, Arles» Marseille, Tarascon, Apt et Salon;
f Que la ville deSaint-Remi alternera pour l'assemblée et le directoire du district avec Tarascon; que la ville d'Apt aura provisoirement le district, sauf à faire arrêter par les électeurs du département d'Aix s il y a lieu à alterner avec Perthuis, et celle deMartigues avec Salon: que, dans tous les cas, la première assemblée sera à Tarascon, Apt et Salon. »
, Je propose de décréter, dès à présent, que les fleuves et rivières naviguables forment invariablement, par leurs cours, la ligne de démarcation entre les provinces qu'ils partagent.
Le comité de constitution doit présenter incessamment un projet de décret sur ce point.
propose un dernier décret qui a est adopté sans discussion en ces termes :
Département du Roussillon.
L'Assemblée nationale décrète, conformément à l'avis du comité de constitution, que la ville de Perpignan est' le chef-lieu du département du Roussillon ; ce département est divisé en trois districts, dont les chefs-lieux sont Perpignan Geret et Prades.
annonce que sous deux jours, le comité de constitution pourra proposer à l'Assemblée le décret général sur la division du royaume.
L'Assemblée témoigne une visible satisfaction .
M. Garat demande la parole pour rendre compte à l'Assemblée de ce qui s'est passé à Bordeaux au sujet du décret concernant les juifs, v
l'aîné. Un courrier extraordinaire arrivé hier de Bordeaux m'a apporté une lettre donf je demande la permission de vous faire lecture.
Cette lettre porte que : « le lundi, après l'arrivée d u décret rendu par l'Assemblée nationale, quelques jeunes gens formèrent à la Bourse de Bordeaux une cabale contre les juifs; que cette cabale se manifesta aux spectacles le soir du même jour, mais que tous ces désagréments finirent là.
« Les juifs eurent la satisfaction de recevoir le lendemain les excuses de quelques-uns de leurs ennemis, et l'expression de l'intérêt que mille autres citoyens avaient pris à leur peine. Le général de la milice nationale leur prouva son amitié d'une manière particulière. Les quatre-vingt-dix électeurs les prévinrent qu'ils avaient pris des précautions pour assurer la tranquillité; et ce jour là même la cavalerie et le régiment de Saint-Rem} se réunirent aux environs de la Bourse, pour protéger et défendre ces malheureuses victimes d'un préjugé que la philosophie a réprouvé depuis longtemps. La lecture du décret en leur faveur fut faite le soir dans un café, où étaient assemblées plus de huit cents personnes; tout le monde prêta le serment de fidélité aux décretsde l'Assemblée nationale, et promit de regarder les juifs comme frères. Les cris de vive le Roi! vive lAssemblée nationalel furent unanimement répétés. »
Cette communication excite une vive joie et de vifs applaudissements.
l'aîné ajoute : Messieurs, c'est ainsi que partout seront reçus vos décrets lorsqu'ils seront fondés sur la raison et la justice et qu'ils feront rentrer les hommes dans la jouissance de leurs droits éternels.
L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures.
(deNemours). J'ai eu l'honneur de vous parler, dans une de vos dernières séances, de l'état affreux de vos finances, et de la nécessité de rétablir l'ordre dans cette partie de l'administration, sans laquelle toutes les autres parties ne peuvent exister. J'ai cru que vous deviez vous prescrire, à ce sujet, un ordre de travail utile et suivi pour alimenter sans relâche les occupations de l'Assemblée, et faciliter en même temps les discussions, en donnant aux membres le temps nécessaire pour les préparer.'Je propose aujourd'hui le décret suivant, que j'ai rédigé dans les principes que je viens d'exposer:
Art. 1er. L'Assemblée nationale ordonne que les comités de
finance, des domaines ecclésiastiques, féodal et des impositions, la mettront, le plus*
promptement. possible, à portée de s'occuper sans discontinuation: 1° de fixer le nombre et
le sort des ministres du culte; 2° de prononcer sur les ordres religieux; 3° d'assurer aux
ecclésiastiques qui ne seront pas nécessaires au ministère des autels un traitement honnête,
convenable, provisoire et proportionné à celui dont ils sont en possession ; 4° de connaître
positivement et d'appliquer aux besoins extraordinaires les biens qui sont en sa disposition,
et qui ne seront pas nécessaires à l'entretien des ecclésiastiques séculiers et réguliers, et
au service du culte ; 5° de chercher et d'employer les moyens les plus propres et les plus
prompts pour assurer d'une façon régulière le service ordinaire de l'année 1790, en
soulageant néanmoins le peuple de tous les faux-frais et de toutes vexations qu'entraînaient
les différentes impositions dont les inconvénients ont été reconnus; 6° de préparer et
d'établir, pour 1791, un système de contribution, conforme aux principes d'équité et de
liberté qui sont la base de la constitution; 7° d'établir une forme de comptabilité par
laquelle on puisse être instruit en tout temps de l'état des finances.
Art. 2. Toutes les parties de ce travail étant corrélatives, et devant s'étayer mutuellement, l'Assemblée entendra, sur chacune d'elles, les rapports des comités des finances, des domaines, ecclésiastique, féodal et d'impositions, à mesure que ces rapports se trouveront prêts.
Art. 3. Jusqu'à ce que ces rapports soient prêts, et pendant les intervalles que pourra laisser leur discussion, l'Assemblée s'occupera du travail de l'organisation des districts et des départments, et et dë celui qu'exigera l'établissement de l'ordre judiciaire.
Art. 4. Le pouvoir exécutif pourvoira aux affaires particulières, jusqu'à ce que les points constitutionnels, qui sont l'objet du présent décret, aieùt été décrété, sauf la responsabilité des ministres.
Art. 5. L'Assemblée prendra séance les diman-ches et fêtes.
Le projet de décret qui vient de vous être proposé est rédigé dans des principes qui ne peuvent pas être les vôtres; le préopinant semble regarder le travail sur les finances comme un objet principal, dont le travail sur la constitution n esl qu'un simple accessoire, et certes je ne crois pas que vous pensiez ainsi ; je demande que la motion de M. Dupont soit ajournée indéfiniment.
Quelques membres demandent la question préalable.
Je pense que la question préalable ne doit pas être invoquée. La demande de M. Dupont n'est point une demande, puisqu'il est vrai que Vous avez ordonné à vos comités de faire incessamment ce qu'il veut que vous exigiez d'eux. Encore une fois, je crois qu'il faut laisser tomber sa motion et passer à l'ordre du jour.
La proposition de M. Démeunier est adoptée.
MM. Devoisin et Ferté, membres de l'Assemblée, demandent la permission de s'absenter pendant quinze jours, pour raison de santé et d affaires pressantes.
Ce congé leur est accordé.
fait part à l'Assemblée d'une lettre de M. Arsandeau, écrite au nom de la com-
munede Paris, qui désire présenter à l'Assemblée une adresse sur le marc d'argent. L'Assemblée décrète que cette adresse sera envoyée au comité de constitution.
L'Assemblée reprend la suite de son ordre du jour et passe à la discussion des rapports de son comité militaire sur la constitution militaire.
, député de Pé-ronne (1). Messieurs, vous avez entendu les deux rapports qui vous ont été faits par votre comité militaire : je suis loin de refuser à ces ouvrages le genre de mérite que chacun d'eux présente, et dont leurs auteurs paraissent s'être particulièrement occupés. Le premier offre, sans doute, des vues utiles, des détails intéressants, des données indispensables pour l'organisation de l'armée. Le second y joint des dispositions importantes sur la constitution militaire; mais il semble que ni l'un ni l'autre n'a présenté l'ensemble du travail dont vous avez à vous occuper; et que surtout la marche que vous devez suivre n'y est pas assez clairement indiquée.
Vous avez été envoyés, Messieurs, pour rendre la France libre, et pour lui donner une constitution; cette idée principale est celle à laquelle vous devez ramener sans cesse vos pensées; c'est le centre auquel toutes vos opérations doivent aboutir; c'est le principe qui doit toutes les diriger.
Ainsi, quand vous portez vos premiers regards sur l'organisation de l'armée, sa liaison à la constitution, les lois générales qui, déterminant son usage et le but de son institution, la rendront propre à défendre la France contre l'étranger, sans compromettre jamais sa liberté intérieure; celles qui, conciliant son existence, non seulement avec la prospérité publique, mais avec les droits naturels des individus, marqueront avec précision ce que le soldat doit à la discipline, et ce que la loi militaire doit au citoyen engagé sous les drapeaux. Voilà, selon moi, les premiers rapports sous lesquels vous devez envisager la tâche que vous avez à remplir. De là naîtra, Messieurs, une première classe de lois sur l'armée, lois fondées immédiatement sur les maximes éternelles des droits des hommes, liés à la forme de notre gouvernement, qui seront une partie essentielle de la constitution, et que, par conséquent, il n'appartient qu'à vous de décréter avec l'acceptation du Roi.
Les lois subordonnées, nécessaires à l'application de celles-là, mais susceptibles, pour le bien de l'Etat, de varier suivant les circonstances, nous présentent ensuite une féconde classe de lois militaires; leur établissement appartiendra aux simples législatures.
Enfin, après l'émission de ces lois, doit suivre l'organisation intérieure de l'armée, qui exigera des règlements et des ordonnances sur la formation des troupes, sur les manoeuvres, sur la discipline, enfin, sur toutes les parties de l'économie militaire. Je pense que ces règlements subordonnés et assujettis aux lois que vous aurez portées, doivent, à tous égards, être abandonnées au pouvoir exécutif; et parmi les objets que votre comité vous a présentés, je crois qu'il en est plusieurs qui rentreront dans cette classe.
En considérant pour la première fois, Messieurs, les lois militaires dans leurs rapports
avec une constitution libre, il est impossible de se dissimuler les difficultés d'une si
grande et d'une si importante tâche; des préjugés invétérés, de longues
Jetez les yeux, Messieurs, sur les divers peuples de l'Europe, et vous verrez, presque partout, les armées agir en raison inverse de leur véritable institution : faites pour défendre les peuples, elles ne sont occupées qu'à les contenir; destinées à protéger la liberté, elles l'oppriment; à conserver les droits des citoyens, elles les violent; elles sont une espèce de propriété royale, entretenue à grands frais par les peuples pour assurer leur oppression. Si, dans un coin de l'empire, quelques hommes généreux ont assez d'énergie pour n'être pas arrêtés par la crainte, et réclament l'exercice des droits naturels, on y envoie des soldats, les faibles plient, les courageux périssent, et tout rentre dans l'ordre, c'est-à-dire dans l'esclavage. Vivant au sein, je ne dirai pas de leur patrie, mais de leur pays, comme des conquérants au milieu de peuples vaincus, les officiers et les soldats, aveugles instruments des volontés d'un maître, ne sout occupés qu'à étendre ce qu'ils appellent sa gloire, c'est-à-dire son autorité. En entrant au service, ils doivent renoncer aux plus chères affections de la nature; leur religion est de ne connaître ni parents, ni frères, ni amis, de ne savoir qu'obéir. Tel est, Messieurs, l'affligeant spectacle que présentent les armées du nord, et telle est la conséquence presque nécessaire de cette étrange corruption des institutions humaines, qui plaçant dans un état continuel de discorde et de guerres, des nations faites pour s'aimer et s'entre-secourir, a placé, dans les forces mêmes qu'elles sont obligées d'entretenir pour leur défense, une source de ruine, et un moyen continuel d'oppression.
Sans doute le moment approche où les lumières universelles mettront un terme à cet inconcevable délire; une révolution, peut-être lente, mais inévitable, prépare à toutes les nations la connaissance et la conquête de leurs droits : alors une des premières vérités qui viendra frapper tons les yeux, c'est l'intérêt qu'elles ont de s'unir, et l'étrange abus de laisser à un petit nombre d'hommes le pouvoir de sacrifier des peuples entiers à leurs ressentiments personnels, à leurs méprisables caprices. Il ne sera plus nécessaire alors d'entretenir, au sein d'une nation, une multitude d'hommes armés; et les moyens de concilier leur existence, soit avec les revenus publics, soit avec la conslitution et la liberté, ne seront plus un des points les plus difficiles delà science des gouvernements.
Mais jusqu'à cet heureux jour que peut-être pouvons-nous nous flatter d'atteindre, et que nous aurons au moins la satisfaction d'avoir avancé pour l'espèce humaine, l'exemple que nous avons à donner, c'est celui de lier l'existence, encore nécessaire, d'une grande armée, avec une constitua tion libre.
C'est aussi, Messieurs, à remplir ce but que je me suis principalement attaché : j'ai considéré l'organisation de l'armée, sous les rapports du pouvoir constituant, du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif-, mais pendant que les objets de cette dèrnière classe étaient étrangers à nos travaux, et que ceux de la seconde ne doivent être arrêtés qu'après une mesure préalable que j'aurai l'honneur de vous présenter, je me suis surtout attaché à la partie constitutionnelle. Parmi les dispositions de ce genre, il en est qui m'ont paru assez peu susceptibles de discussion pour vous être proposées à décréter dès à présent. Les autres présentant de plus grandes difficultés, et n'exigeant pas une décision instante, je vous inviterai, après vous avoir présenté quelques idées, à les renvoyer à votre comité de constitution, qui se concertera à cet égard avec le comité militaire.
l'usage et le développement de la force militaire dans une grande monarchie, exige la célérité dans les ordres, l'ensemble dans les mouvements, les rapports immédiats dans les projets, et l'unité deforces dans l'action, si en fin l'impulsion doit être donnée par le centre et communiquée à toutes les parties, il s'ensuivra qu'une seule pensée doit présider à toutes les opérations, qu'une seule volonté doit diriger toutes les forces individuelles qui constituent la force publique et la sûreté de 1 empire ; l'armée devra donc être remise entre les mains du pouvoir exécutif. De là résulte la nécessité d'un premier décret constitutionnel, qui déclarera le Roi chef suprême de la puissance militaire.
Après avoir consacré cette première base, après avoir conféré au chef de la nation, un pouvoir que la nature des choses rend indispensable; la prudence vous appelle, Messieurs, à prescrire immédiatement les précautions qui doivent en prévenir l'abus. Les représentants de fa nation doivent prévoir qu'il peut arriver un temps où la France ne sera pas, comme aujourd'hui, gouvernée par un Roi citoyen, qu'il peut en exister un jour, qui, aveuglés sur leurs véritables intérêts, chercheraient un autre pouvoir que celui de la - constitution; que même avec des patentions droites, ils pourraient être dirigés par des ministres qui méconnaissant les grands principes des droits des hommes et des peuples, croiraient encore que les rois sont nés pour commander aux nations, au lieu d'être institués par elles pour faire exécuter les lois, qui, par l'amour et le souvenir du pouvoir, voudraient soustraire le monarque à cette dépendance immédiate, qui voudraient enfin le mettre hors de la nation, en lui créant un intérêt particulier, en le séparant de'l'iqtérêt national, Il n'est pas hors des règles de la prudence, de leur supposer de pareilles intentions, et il est de son devoir d'en prévenir les dangers.
Divers moyens pourraient être employés avec succès contre la constitution.
Si les ministres étaient les maîtres d'augmenter le nombre des troupes, ils pourraient, par des économies faites pendant plusieurs années, soit sur les revenus particuliers du Roi, soit sur les fonds attribués à chaque département, et dont ils présenteraient assez facilement un emploi inexact, soit par des changements dans la solde, augmenter
le nombre des soldats, et menacer la liberté. Ces dangers sont faciles à prévoir, et la constitution doit les prévenir; elle prononcera donc que le nombre des troupes et la solde de l'armée, ne pourront être changés que par des décrets du Corps législatif,
Si les ministres étaient les maîtres de composer l'armée de troupes étrangères, d'hommes qui ne seraient liés, ni par les intérêts, ni par les devoirs qui attachent les Français à leur patrie, la force destinée à la défense de l'État pourrait être facilement tournée contre sa liberté. Il est donc important que ce moyen d'oppression ne soit pas en leur pouvoir.
J'aurais voulu, Messieurs, qu'il me fût possible de vous engager à consacrer en ce moment une grande vérité; c'est qu'une nation de vingt-six millions d'hommes doit se suffire à elle-même, et n'être pas réduite à appeler des étrangers pour la défendre. Je crois, Messieurs, que l'établissement de ce principe intéresse également et la liberté et l'honneur national; mais j'avoue en même temps que les circonstances présentes ne permettent pas d'en tirer des conséquences rigoureuses, que l'état actuel de l'Europe, que la fermentation qui y règne, que les événements qui s'y préparent, que les impressions différentes qu'a produites, dans divers pays, notre Révolution, et les projets qui peuvent en être la suite; qu'enfin le soin de l'avenir doit nous rendre prudents, et que ce ne serait pas sans danger que vous retrancheriez en ce moment la portion si considérable et si essentielle que forme les troupes étrangères dans l'armée française, et qui irait accroître encore des forces ennemies. Divers moyens seront propres à concilier l'intérêt général avec les égards que méritent des militaires distingués par leurs talents et les services signalés qu'ils ont rendus. Je me bornerai à proposer, en ce moment, que la constitution prononce qu'aucunes troupes étrangères ne pourront être employées au service de le France sans le consentement du Corps législatif.
Si les ministres étaient les maîtres de diriger à leur gré l'action des forces militaires dans l'intérieur du royaume, il leur serait facile, en paraissant agir pour le maintien de l'ordre et la sûreté publique, d'attenter à tous les droits des citoyens, et de préparer la ruine dé la liberté.
Il est donc important que le pouvoir constituant détermine avec le plus grand soin les règles auxquelles sera assujetti l'emploi des forces militaires dans l'intérieur du royaume. Ces règles résulteront du rapport établi par la constitution entre la force militaire et le pouvoir civil. Vous avez déjà ordonné, Messieurs, que les troupes prêteraient serment en présence des officiers municipaux, et qu'elles ne pourraient agir que sur leur réquisition; mais cette disposition est absolument insuffisante : il faut encore statuer sur leurs relations avec les milices nationales ; car je me garderai de mettre en doute que vous ne consacriez cette institution, qui a si puissamment contribué à la conquête de notre liberté, et qui en sera toujours le plus ferme appui. Et quoique ces relations portent toutes sur ce grand principe, que les troupes réglées sont auxiliaires des milices nationales, pour le maintien de l'ordre intérieur, et que les milices nationales sont auxiliaires des troupes réglées pour la défense extérieure, et qu'en conséquence elles sont alternativement subordonnées les unes aux autres, à raison des fonctions auxquelles elles sont employées; les statuts à faire à cet égard ne laisseront pas que d'être difficiles et compliqués. Les règles a établir pour
les garnisons, et surtout pour les places fortes, qui, pouvant toujours être attaquées, doivent être considérées comme étant toujours en ètatdeguerre, et où les chefs militaires étant responsables de toqt ce qui est relatif à la défense de la place, doivent disposer de toutes les forces qu'elle renferme ; les mesures à prendre à cet égard, Messieurs, ne laisseront pas que de présenter d'assez grandes difficultés, et ont besoin d'être mûrement examinées ; elles exigent particulièrement un concours de connaissances militaires et de principes politiques; elle3 ont besoin surtout d'être calculées d après les bases qui auront dirigé la formation des milices nationales. Les questions relatives à leur établissement n'ayant pas encore été discutées, ie ne me permettrai pas de vous soumettre mes idées sur cet objet, pensant que le comité de constitution, réuni au comité militaire, devront être invités-à vous présenter les leurs.
Si les ministres étaient les maîtres de destituer un militaire de son emploi, sans motif et sans formalité, non seulement ils deviendraient les arbitres despotiques de la destinée d une multitude de citoyens, mais ils pourraient, par la dépendance absolue dans laquelle ils les tiendraient, tourner leur force contre la constitution : et ainsi le sort de l'Etat, ou au moins la tranquillité, seraient incessamment dans leurs mains.
Il faut donc pourvoir à ce danger ; il faut que l'état et l'honneur d'qne classe précieuse de citoyens ne puissent^ quel que soit leur grade, dépendre qUe d'un jugement. Le soldat, comme ses chefs, a droit d attendre que son honneur et son existence ne seront point compromis par une exclusion arbitraire. En un mot, la forme des jugements doit être aussi simple, aussi appropriée au maintien de la discipline qu'il sera possible ; mais il doit être prononcé constitutionnellement qu'aucun militaire ne pourra être cassé ni destitué de son emploi sans un jugement préalable.
Vous avez décrété, Messieurs, que le recrutement de l'armée active se ferait par le moyen d'engagements volontaires ; vous avez pensé que la conscription militaire, pour cette première ligne de troupes^ n'était pas admissible, et l'qn ne peut; disconvenir qu'elle présentait de grandes difficultés. Vous avez pensé ayec raison, et d'après l'expérience, que les engagements volontaires, et surtout lorsque le sort du soldat serait amélioré, pourraient suffire pour en procurer le nombre suffisant en temps de paix ; mais une autre grande difficulté se présente, et il faut la résoudre ; c'est de trouver le moyen de soutenir, d'alimenter, d'augmenter même très considérablement l'armée ordinaire, dans les temps de guerre, et de répondre à l'immense consommation d'hommes qu'elle entraîne nécessairement. Je sais, Messieurs, que la philosophie calcule avec peine Ces grands désastres, ces fléaux destructeurs de l'espèce humaine; je sais aussi que l'heureuse Révolution qui s'est opérée parmi nous, ne s'arrêtera pas aux limites du royaume, et que la liberté changera têt ou tard la face de l'univers. Mais jusqu'à cette époque désirée, mais jusqu'au moment où toutes les nations de l'Europe auront dit d'une manière aussi énergique que nous, qu'elles veulent être libres, et auront établi entre elles des rapports d'alliance et de fraternité ; vous sentez, Messieurs, combien il est important de conserver avec elles une proportion de force qui puisse en imposer et ôter aux monarques qui en disposent le désir de nous attaquer, par l'espoir de le faire avec succès; vous sentez combien il est important de nous assurer, de mettre au grand jour nos moyens de défense, pour
éloigner de nous les agressions, ou les repousser si elles avaient lieu. Nous devons donc préparer des moyens dignes d'une grande nation* et qui nous mettent à même d'en user rarement.
Quand il s'agira de déterminer quel nombre de troupes est nécessaire à la position géographique de la France, et aux circonstances politiques dont elle est environnée, il sera facile de prouver que les 140,000 hommes demandés par le comité militaire ne sont pas, en temps de paix, un nombre trop considérable, et ne forment pas, en temps de guerre, la moitié des forces qui peuvent être nécessaires à notre défense, (l est donc indispensable de vous occuper des mesures à prendre pour vous procurer cette quantité de soldats; car il est impossible de vous dissimuler, Messieurs, que les engagements volontaires sont absolument insuffisants pour alimenter l'armée en temps de guerre; que, de tout temps, il a fallu recourir à l'emploi des milices, et que c'est à ce régime vicieux à tant d'égards qu'il faut suppléer. C'est ici le moment de rappeler le principe que tout citoyen dpit ses services à la patrie, et qu'il est de son devoir de voler à sa défense, jadis, cette obligation était pénible, lorsque la guerre se faisait presque toujours pour les intérêts particuliers des rois; mais avec quel enthousiasme des citoyens ne prendront-ils pas les armes, pour les seuls motifs qui pourront désormais les leur mettre à la main, celui d'une légitime défense, ou l'utile et glorieux projet d'aider les autres peuples à conquérir leur liberté. Mais la constitution doit s'assurer que cette nécessité de se procurer des forces extraordinaires en temps de guerre, ne sera pas un prétexte pour violer les droits des citoyens et entreprendre sur leur liberté : elle aura donc à prescrire les règles qui devront être suivies.
Un moyen fàcile se présente naturellement, Messieurs, pour voils assurer que la patrie ne manquera pas de défenseurs, et cè moyen se trouve dans l'établissement des milices nationales. En effet, quoique j ignore sur quelles bases votre comité de constitution se propose de les instituer, il n'est pas douteux cependant qu'il n'établisse une conscription nationale où tous les citoyens en état de porter les armes devront être compris. C'est dans cette masse imposante de la meilleure espèce d'hommes, qui presque tous auront déjà quelques notions d'évolutions militaires, ou au moins ne seront pas étrangers au maniement des armes, que devroat être pris ceux que Vpus destinerez à Servir d'auxiliaires en temps de guerre. 11 ne s'agira plus alors que de savoir combien chaque département renfermera d'hommes inscrits, et de répartir, d'après cette proportion, le nombre de ceux que les circonstances exigeraient.
Je sais qu'au premier regard, il peut paraître difficile de concilier cette mesure avec la liberté individuelle dont tous les citoyens doivent jouir; mais je sais aussi qu'en y réfléchissant, il sera facile de trouver des moyens de convertir cette obligation commune en uhe distinction honorable, avantageuse, et faite pour exciter l'émulation des citoyens. Je pourrais, Messieurs, mettre sous vos yeux plusieurs idées propres à remplir ces vues ; mais votre comité de constitution ayant été chargé de vous soumettre un plan sur l'institution des milices nationales ,dans le sein de squelles les soldats auxiliaires seront nécessairement choisis, je m'abstiens de vous les développer, en vous proposant de charger ce comité de se concerter avec le comité militaire, pour vous présenter incessamment ses vues à cet égard.
Les lois qui protègent l'honneur, la vie, les
propriétés des citoyens, devant être d'une égale impartialité pour tous, le pouvoir constituant devra diriger avec soin l'établissement des tribunaux militaires, régler leur compétence, distinguer les cas qui doivent y ressortir de ceux qui sont purement civils; déterminer ce qui doit appartenir à ia loi, et'be qui doit être abandonné à la simple police. Un préalable nécessaire sera sans doute de supprimer le tribunal des maréchaux de France ; mais vous penserez aijssi, Messieurs, que les citoyens dévoués à la défense de la patrie doivent trouver, dans ia législation qui leur est propre, les mêmes avantages qui sont assurés à ceux qui exercent d'autrés professions. Vous croirez donc de votre justice d'introduire dans le jugement des délits militaires, comme vous l'avez fait dans la jurisprudence criihihelle ordinaire, lés formes les plus propres à protéger l'innocence. Une autre conséquence de ce principe, c'est que les militaires ayant le même droit que tous les autres citoyens, d'appeler du jugement qui les condamne, l'établissement d'une cour martiale, instituée pouf recevoir les jugements des conseils ae guerre, serait d'une stricte équité. Cette idée, Messieurs, est digne sans doute de toute votre attention. Cependant, comme les délits militaires sont, par leur nature, extrêmement simples, qu'ils peuvent être facilement prévus et déterminés par la loi; que l'instruction est susceptible dë la plus grande clarté, peut-être croirez-vous plus avantageux d'introduire dès à présent, daris les jugements militaires, la procédure par jurés, qui, en supprimant le second degré ae juridiction, lui substitue une forme encore plus avantageuse^ Dans tous les cas, Un Code de délits et de peines, dicté par la justice et l'humanité, prescrira aux juges leur devoir, et assurera aux militaires une distribution éclairée et impartiale de la justice. Toutes ces idées, Messieurs, aussi nouvelles qu'importantes, méritent sans doute, avant d'être adoptées, d'être mûrement approfondies; et comme il n'est pas pressant d'y statuer, j'ai l'honneur de vous proposer de lès renvoyer à l'examen1 du comité de constitution, qui se concertera, à cet égard, avec le comité militaire.
Je ne vous propose point, Messieurs, de placer dans la .constitution le Code des délits et peines militaires : cette partie de la législation a trop besoin d'être perfectionnée parle temps et le progrés des lumières. Cëslois, faites pour être adoucies avec le temps, comme le seront sans doute toutes les lois criminelles, à mesure que l'influence d'un gouvernement libre aura amélioré les mœurs, et les habitudes de la nation, doivent être confiées au pouvoir législatif. C'est ainsi que, sans être livrées à l'arbitraire, elles pourront cependant se perfectionner d.e jour en jour. Le pouvoir constituant doit donc se borner à prononcer què les règles relatives aux dèlitset peines militaires seront de la compétence du pouvoir législatif.
La déclaration des droits, après avoir établi que toutes les distinctions sociales ne peuvent avoir pour but que l'utilité générale, consacre ce grand acte de justice, que tous les citoyens Sont admissibles à tous les emplois et dignités civiles, militaires et ecclésiastiques. Après avoir reconnu et proclamé ce principe comme un droit appartenant à tous les hommes, vous l'avez, Messieurs, par un nouveau décret, mis au nombre de ceux qui servent de base à la constitution française : il ne vous reste donc, en ce moment, qu'à prendre lés mesures nécessaires pour qu'il ne puisse éprouver aucune altération dans la législation militaire : vous prononcerez donc, constitutibn-
nellerpent,que le pouvoir législatif, ni le pouvoir exécutif ne pourront y déroger par aucunes lois, règlements, ni ordonnances.
On ne verra plus alors le grade d'officier dévolu exclusivement à la noblesse, et les grades supérieurs concentrés dans une petite portion de nobles favorisés. Qui pourra se plaindre, quand le mérite seul aura droit à des préférences 1
Là force de l'armée devant dépendre bien plus de sa composition, que du nombre d'hommes dont elle sera formée, il est important, Messieurs, de chercher tous les moyens qui, en améliorant le sort du soldat, puisse l'inviter à remplir cet honorable emploi. 11 est juste (et l'intérêt delà liberté l'exigé) de réunir, autant qu'il est en notre pouvoir, la jouissance des droits de citoyens à l'exercice des fonctions militaires. Si nous réfléchissons à la dépendance indispensable à laquelle se soumettent ceux qui embrassent cette profession, aux fatigues qu'ils ont à supporter, aux dangers continuels qu'ils affrontent, nous sentirons combien ils ont droit à obtenir de la patrie qu'ils défendent, un témoignage éclatant de son estime. Votre comité a été pénétré de cette vérité; et le second rapport-qui vous a été fait de sa part, vous propose de statuer que les militaires qui auront servi pendant l'espace de trente ans, jouiront des droits de citoyen actif. Il m'a semblé que cette faveur, qui ne consiste qu'à suppléer à la contribution de trois journées de travail, et à appeler les militaires à jouir d'un droit naturel, que vous avez toujours désiré, Messieurs, étèndre sur le plus grand nombre de citoyens possible, était trop retardée par la disposition de votre comité; et qu'étant réservée pour un âge trop avancé, tous les avantages que les militaires pourraient en tirer, et l'émulation qu'elle devrait exCiter parmi eux, n'existerait plus. J'ai pensé que seize années de service devaient suffire pour l'Obtenir, et que, sans rendre trop commune cette récompense, et sans appeler à en jouir des hommes qui n'en seraient pas dignes, vous présenteriez un motif puissant pour entrer au service, et y renouveler un engagement.
Il est évident que la liberté individuelle des citoyens serait incessamment exposée, si les enrôlements uiilitaires n'étaient assujettis à aucune loi, ou si les règles à établir à cet égard étaient abandonnées au pouvoir exécutif. Chaque jour, Messieurs, vous seriez exposés à voir renaître ces abus, qui ôht'désolé tant de familles ; vous seriez exposés à voir introduire au milieu de vous ces moyens dont les Anglais font usage pour le recrutement de leur flotte, et qui, quelle que soit là uécessité par laquelle on prétend le justifier, leur a, de tout temps, attiré de si justes reproches. Ces violences, Ces surprises par lesquelles on ne peut que faire de mauvais soldats, et préparer de nouvelles désertions, doivent donc être proscrites par dès lois qui, en réglant les formes de l'enrôlement, assureront qu'il seront tous l'effet d'une volonté libre, et garantiront ainsi l'exécution du décret que vous avez déjà porté sur la forme du recrutement. Il est donc nécessaire, Messieurs, que la constitution attribue au pouvoir législatif le droit de régler les formes de l'enrôlement.
Les principes de l'admission et de l'avancement aux différents grades de l'armée, n'intéressent pas moins, Messieurs, l'ordre public et les droits les plus chers des individus. S'il importé à la nation que les volontés particulières d'Un ministre ne puissent pas faire ces distinctions que vous avez abolies, il importe également que tous lès individus de l'armée cessent enfin d'être les jouets des caprices ministériels et ne soient plus exposés aux
changements continuels qui, depuis longtemps, la désolent, et y portent le découragement. Il importe enfin, que la faveur et l'intrigue ne puissent pas dicter, pour leur avantage, des règles dont l'esprit doit être de récompenser le mérite, d'exciter l'émulation et d'assurer la force de l'armée. Ces diverses vues, Messieurs, ne pourront être remplies qu'en attribuant au Corps législatif le droit de discuter les principes et les règles générales de l'admission et de l'avancement.
D'après l'exposition que je viens d'avoir l'honneur de vous faire, Messieurs, il résulte : premièrement, que le pouvoir constituant doit établir les bases de la constitution militaire, sur plusieurs décrets généraux, dont j'ai eu l'honneur de mettre sous vos yeux ceux qui m'ont paru susceptibles d'être adoptés dès à présent, en vous proposant de renvoyer l'examen des autres à votre comité de constitution ;
Secondement, que le pouvoir constituant doit encore déterminer quels sont, parmi les objets ultérieurs de l'organisation de l'armée, ceux qui doivent être décrétés par le pouvoir législatif, et que ces objets que j'ai successivement indiqués, sont : 1° le nombre des troupes qui devront composer l'armée; 2° la somme à affecter annuellement aux dépenses militaires; 3° la solde de chaque grade; 4° les règles de l'admission au service, et de l'avancement; 5° les formes de l'enrôlement; 6° les délits et peines militaires; 7° enfin, l'admission des troupes étrangères au service de l'Etat.
11 est évident, Messieurs, que les objets que vous croirez ne devoir mettre ni au nombre des articles constitutionnels, ni parmi ceux qui seront du ressort des législatures, seront, par là même, à la disposition du pouvoir exécutif. Il est donc inutile, et il serait long, et presque impossible d'en faire l'énumération.
Mais après avoir, Messieurs, en votre qualité de pouvoir constituant, statué sur les bases de la constitution militaire, et distingué parmi les points qui restent à traiter ceux qui sont du ressort de la législature, et ceux qui doivent être confiés au pouvoir exécutif, il vous reste, en qualité de pouvoir législatif, à porter fes décrets dont la constitution attribue la compétence aux législatures, et que l'organisation actuelle de l'armée peut rendre nécessaires.
Je développerais ici, Messieurs, lesidées que j'ai conçues sur cette matière, si je ne croyais pas que vous choisiriez une marche plus prompte et plus avantageuse, en demandant au pouvoir exécutif de mettre d'abord sous vos yeux ses projets et ses vues sur l'organisation de l'armée. En effet, Messieurs, c'est après avoir pris une connaissance approfondie de l'ensemble du plan et du rapport des diverses parties entre elles; c'est après avoir reçu les instructions que le pouvoir exécutif peut seul uous donner, soit sur l'état actuel de nos frontières, soit sur ce qu'exigent nos relations extérieures, soit sur les détails de diverses parties d'administration, confiées à ses Soins, que nous serons à mîême de statuer, avec connaissance de cause, sur les points généraux dont nous nous sommes réservé la décision. Jusque-là, nous ne pourrions nous en occuper sans éprouver l'embarras d'avoir à nous décider indépendamment de toutes données précises, de toute notion exacte, et sans nous exposer à adopter des résolutions qui ne sauraient s'accorder ensuite avec les conditions ultérieures d'une bonne organisation.
Je pense donc qu'il ne peut y avoir aucun inconvénient, et que vous trouverez, au contraire,
de grands avantages à demander préalablement, au pouvoir exécutif, une communication qui, sans pouvoir gêner votre liberté,me parait indispensable pour éclairer ,votre décision.
Vos intentions, Messieurs, sont connues, et je pense que le pouvoir exécutif aura soin de ne vous présenter que des mesures qui soient compatibles avec les diverses améliorations que vous avez résolu de faire.
Vous avez aboli les privilèges, et vous ne souffrirez pas qu'il en subsiste parmi les corps militaires. Ainsi, les avantages et les préférences accordés jusquà ce jour à certains régiments disparaîtront devant les principes de justice et d'égalité qui doivent régner dans toutes les [parties de l'organisation sociale.
Des régiments entretenus par la nation, et destinés à la défendre, ne seront plus la propriété des particuliers, transmis de génération en génération, et donnés en dot à leurs filles (1). ;
Aucun citoyen, fût-il prince du sangj ne pourra prétendre au-grade, sans en être reconnu digne par son mérite ou l'ancienneté de ses services.
Les chefs des régiments ne seront plus un titre d'honneur, d'être affranchis, pendant la plus grande partie de l'année, du service militaire et de la surveillance des corps qui leur sont confiés. Le temps de leur service sera le même que celui des autres officiers, et ils acquèreront, par le même nombre d'années, la récompense honorable attachée à la valeur et à l'ancienneté.
Une nouvelle organisation de l'armée augmentera sa force réelle, en supprimant le luxe des emplois inutiles, qui, loin d'augmenter son activité l'embarrassent et la surchargent d'un poids ruineux.
Les commandants de province, remplacés dans leurs fonctions civiles par les assemblées administratives, seront supprimés.
Les officiers généraux seront réduits au nombre strictement nécessaire, et les grades supérieurs, en cessant d'être prodigués, recevront un nouvel éclat.
Les colonels-généraux, mestres-de-camp-géné-raux et commissaires généraux dans les différentes armes, ces places si avantageuses à ceux qui les possédaient, et si inutiles au service, toujours condamnées et toujours ménagées sous l'ancien régime, disparaîtront avec les autres abus que votre sagesse a proscrits.
Toutes ces suppressions indispensables serviront encore, Messieurs, à faciliter
l'accomplissement de vos intentions en faveur des soldats, des bas-officiers, et des divers
grades dont la paye est reconnue insuffisante. En vous ôccupant du traitement dés soldats,
vous ne vous bornerez point à l'augmentation de 20 deniers par jour qui vous a été proposée
par votre comité militaire, et vous penserez qu'un sou de plus, formant pour l'état une
augmentation de dépense d'environ 2 millions, lui sera certainement bien rendu par l'aisance
qu'il répandra sur une classe, jusqu'ici si injustement traitée, et l'attachement que lui
inspirera pour la nouvelle constitution ce grand acte de justice dont elle aura été pour eux
le signal. Le même esprit de justice vous portera à assurer leur avancement, à ouvrir devant
eux
Enfin, Messieurs, dans tout ce qui peut intéresser l'organisation de l'armée, vous ne perdrez jamais de vue tout ce que doit une grande nation a cette classe généreuse de citoyens» qui dévoue pour elle sa vie et une partie de son indépendance. Mais combien ce sentiment naturel ne serà-t-il pas fortifié par le souvenir de tout Ce qu'ont fait dans ces derniers temps ces militaires citoyens ,dont nous allons régler la destinée ! Combien n'avons-nous pas dû à leur patriotisme, et combien tout ce que nous aurons fait pour eux, ne nous sera-Nil pas rendu en actions de grâces, par cette nation qu'ils ont si bien servie! Ah ! sans doute, elle B'est montrée digne de sa destinée, quand on a vu les peuples s'armer de toutes parts pour la défense de ses représentants, et pour ainsi dire des bataillons sortir de la terre, aux premières alarmes de la liberté. Mais il est aussi di^ne d'elle de reconnaître les services de ceux qui l'ont si bien secondée, et de leur accorder cet espoir, ce bien-être et cette dignité qui doivent distinguer les guerriers d'une nation libre des satellites des despotes.
Voici, Messieurs, la suite du décret, que j'ai l'honneur de vous présenter :
« L'Assemblée nationale charge son comité de constitution de conférer avec le comité militaire pour lui présenter sês vues:
c 1° Sur les règles qui doivent être établies relativement à l'emploi des forces militaires daus l'in-térieUr du royaume, et les rapports de l'armée, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ;
« 2° Sur l'organisation des tribunaux et les formes des jugements mililaires;
« 3° Sur les moyens de recruter et d'augmenter l'armée en temps de guerre, en supprimant le tirage de la milice :
« Décrète dès à présent, comme articles constitua tionnels :
« 1° Que le Roi des Français est le chef suprême de l'armée;
2° Qu'aucun militaire ne pourra être cassé ni destitué de son emploi sans un jugement préalable;
« 3° Qu'il ne pourra être établi, sous quelque prétexte que ce soit, aucune loi, règlement, ni ordonnance tendant à exclure aucun citoyen d'un grade militaire quelconque;
« 4° Que tout militaire retiré après seize années de services, jouira des droits de citoyen actif.
« Décrète également, comme points constitutionnels, qu'il appartient au pouvoir législatif de statuer : 1° sur la somme à affecter annuellement aux dépenses militaires ; 29 sur le nombre d'hommes destiné à composer l'armée ; 3° sur la solde de chaque grade ; 4° sur les règles d'admission au service et d'avancement pour tous les grades ; 5» sur les formes des enrôlements ; 68 sur l'admission des troupes étrangères au service de l'Etat ; 7° sur les lois relatives aux délits et peines militaires*
* Décrète, en outre, que le Roi sera supplié de faire incessamment présenter à l'Assemblée nationale ses vues sur l'organisation de l'armée, pour être ensuite délibéré pàr elle sUr les divers objets qui concernent le pouvoir législatif. »
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Alexandre de Lameth.
prend le vœu de l'Assemblée qui prononce l'impression.
, député de Clermont en Beauvoisis (1). Messieurs, votre comité militaire a successivement soumis à votre délibération deux rapports différents»
Par le premier, il vous a présenté des vues sur quatre des plus importantes questions de la constitution de l'armée, la combinaison des différentes armes, 1e nombre d'officiers, et les dépenses de l'administration générale du département de la guerre, dans lesquelles sont comprises les sommes affectées à chaque»détail, et particulièrement la solde et le traitement des soldats et officiers»
Par le second rapport, votre comité embrasse les rapports des milices nationales et des troupes reglées, et vous présente des vues sur l'avancement des officiers et soldats, en conservant le titre de citoyen actif à tout militaire au service qui peut en remplir les conditions, et en le don-nant, par l'effet seul de ses anciens services, à celui qui se retirerait sans les pouvoir remplir»
Il est impossible de ne pas applaudir aux principes sages et patriotiques,aux vues saines et éclairées dont sont remplis ces différents rapports; de ne pas approuver le travail immense dont ils sont le résultat ; mais il me Bemble que, par l'immensité et la nature des détails qu'ils renferment, ils ne peuvent pas être délibérés par l'Assemblée nationale, dans la forme dans laquelle ils vous sont présentés.
L'Assemblée nationale, revêtue du pouvoir constituant, a, sans doute, , le droit d'entrer dans les détails de toutes les différentes parties de l'administration de l'empire ; mais si elle en a le droit, il ne lui est pas moins nécessaire d'examiner quels moyens elle peut employer pour l'exercer.
Il est, relativement à la constitution militaire, des parties sur lesquelles il faut absolument qu'elle prononce ; des parties qui ne peuvent recevoir un ordre certain et fixe que par elle ; des parties auxquelles il convient qu'elle appose le sceau de sa puissance ; mais il en est sur lesquelles elle ne peut pas être assez profondément instruite pour prononcer sans inconvénients; il en est quelle ne peut pas prétendre fixer par des lois ou des règlements positifs, parce que leur perfection est encore un problème ; il en est sur lesquelles, par prudence, elle ne devra pas prononcer, pour ne pas préparer ; par des décisions précises, des embarras ultérieurs au pouvoir exécutif. D'ailleurs comme Assemblée nationale considérée en elle-même, ne së pourrait-il pas qu'elle ne comptât parmi ses membres aucun militaire ? Dans les motifs divers qui ont déterminé le choix de nos commettants, les connaissances réfléchies sur l'arméé et sur l'art de la guerre ontdûtétre comptées pour rien : cependant pour prétendre statuer en détail sur les combinaisons les plus parfaites de la formation de l'armée, il faut connaître les différentes parties dé cette science; et cette science tient nécessairement à la connaissance des plus grands principes militaires, à la connaissance de tout ce qu'il y a dé plus parfait en ce genre chez nos voisins, à leur comparaison avec nos mœurs, nos besoins, notre population
Les armées de Prusse et de l'empereur, généralement reconnues supérieures à la nôtre par
leur
La science de la guerre se pérfectionne chaque jour. Il n'est peut-être aucune partie du système général de l'administration, où le mieux possible dépende autant que dans le système militaire, de l'exemple des autres et de la réflexion, car le mieux absolu n'y est pas encore trouvé.
Trop d éléments mobiles entrent dans la composition des armées, poUr que l'Assemblée nationale puisseoser entreprendre de fixer par un décret guelfe doit être la meilleure formation de l'armée française.
Vouloir fixer, en assemblée, la proportion précisé de la cavalerie, dè l'infanterie, des troupes légères, la quantité et l'espèce des armes, la question des placés fortes, le système des fortifications, celui de l'artillerie, et les nombreux et importants détails qui en dépendent, c'est vouloir s'exposer, avec une grande vraisemblance, à décréter des erreurs.
La formation d'une armée n'est qu'un détail d'administration, qu'il ne faut pas confondre avec la législation de l'armée, qui appartient essentiellement à l'Assemblée nationale : elle ne doit, si j'ose le dire, s'occuper que de la partie morale de l'armée. C'est sur ces lois fondamentales qu'elle doit prononcer, sûr Celles qui attachant la force militaire à la constitution : c'est à elle â poser les bases sur lesquelles doit s'élever cet édifice protecteur de nos libertés, et imposant pour qui voudrait les attaquer.
11 serait bien à désirer, Messieurs, que chacun de vos comités n'eût à présenter à vos délibéra-rations que des objets sur lesquels vous auriez arrêté de délibérer, et dans l'ordre que vous auriez prescrit. Cette marche qui, aès le premier jour de votre travail, vous en ferait voir l'ensemble, plus sûre et plus prompte pour tous, est encore plus nécessaire podr le comité militaire ; car il est, par plus d'une considération, instant de fixer, d'une manière positive, le sort et l'état de l'armée.
Il serait difficile à qui n'aurait connu jusqu'ici l'armée française que par l'état de ses dépenses, de croire que, coûtant de 105 à 106 millions, le nombre des combattants était moins fort qu'il ne devait être, quand la nation était sans milices, nationales sur pied, que l'état du soldat y était inférieur à ce qu'il est dans aucun pays du monde, enfin, que l'épargne la plus forte, la plus nuisible pour les parties esentielles de cette grande machine, se trouvait à côté des dépenses excessives pour des parties qui présentent beaucoup moins d'utilité.
Il faut donè, par esprit de justice, augmenter la pave du soldat, rendre son sort plus heureux, et il faut le fixer promptement. Llncertitude de l'armée sur son sort, après une commotion aussi forte, aussi générale que celle qu'a éprouvée la France entière, achèverait de détruire toute espoir de rétablissemént dans la discipline due lès circonstances ont considérablement relâchée,
mais que beaucoup de régiments encore ont cependant maintenue avec une constance digne d'é-loge. 11 faut se hâter de faire disparaître cette incertitude par laquelle l'armée eût pu être susceptible de recevoir toutes les impressions funestes contre la liberté des citoyens, si l'esprit de patriotisme n'eût pas prévalu en elle sur toutes instigations contraires.
A ceè conditions de tranquillité intérieure qui rendent nécessaire la prompte organisation de l'armée, il cbnvient d'ajouter lés considérations politiques. Là tranquillité d'une partie de l'Europe est troublée ; toutes les grandes puissances semblent s'agiter; bien d'autres intérêts Se joignent peut-être encore à ceux qui se montrent avec plus d'évidence : le choc de ces grandes masses pourrait avoir sur nous une réaction qu'il faut prévoir, et qui pourrait devenir dangereuse, si nous ne nous hâtiods, par rétablissemént. de noô forces militaires, d'assurer notre indépendance politique, sans laquelle il n'y a point de véritable liberté civile.
Si la France est dans l'heureuse position de ne pas désirer l'accroissement de ses possessions, elle doit au moins prétendre à les conserver dans l'intégrité et l'ensemble, qui font de ce vaste royaume le plus bel empire du monde.
Je n'entreprendrai pas de discuter ici les motifs sur lesquels le comité militaire établit que votre armée doit être forte, en temps de paix, de 142,000 hommes, et portée â 240,000 hommes en temps de guerre. D'accord avec lui sur les considérations qui résultent de l'état militaire de nos voisins, de notre position politique à leur égard, de la garde de nos frontières, je me permettrai seulement de dire que l'armée qui, en temps de paix, approche le plus de la force qu'elle doit avoir en temps de guerre, qui est préparée pour agir et entrer en campagne dans un plus court délai, est celle dont l'empire doit se promettre de plus grands avantages.
Pour se croire parfaitement en état de défense, il faut être ën état d'attaquer, et de ré-
Jtousser sur ses ennémis le mal de ia guerre; il aut mênle pouvoir le prévenir quand il en est temps, et surtout ne pas souffrir, s'il est possible, que son pays devienne le théâtre de la guerre; car le succès le plus complet coûte encore bien cher, quand on a l'ennemi dans ses foyers.
Les moyens politiques d'équilibre pour un Etat tel que la France sont tous dans le poids de ses forces : c'est aux Etats faibles encore, auxquels l'ambition peut être nécessaire pouf acquérir une existence, a chercher à' s'accroître par ces complots dont lé partage de quelques grandes dépouilles est le gage. Mais la France, riche, pardessus toutes ses autres richesses, d'une constitution heureuse et libre, n'ayant rien à envier à qui que ce soit, ne doit voir que des amis dans les nations qui peuplent le monde. Il est de sa dignité et de sa force, de n'avoir aucun secret politique : son intérêt n'étant que l'intérêt général, elle peut et doit annoncer hautement ses desseins. Ne rien entreprendre et ne rien souffrir, voilà quelle doit être et quelle sera bientôt, sans doute, sa politique. Mais ce maintien auguste ne convient qu'à la force, parce que la seule présence d'une grande force, dirigée par la sagesse, obtient le respect des nations, et assure la paix qui, premier bien et première richesse d'un Etat vraiment puissant, doit être le seul objet qu'il se promette dans l'entretien d'une grande armée.
D'après cette incontestable vérité, l'armée qui,
à la facilité de rassembler le plus promptement le nombre le plus grand d'hommes équipés et exercés, réunirait la condition d'une moindre dépense, est celle dont la formation est préférable quand surtout, et avant toute autre condition, elle aura celle, plus précieuse encore, de ne pouvoir, par sa composition et son système, porter aucun effroi à la liberté nationale.
Car il faut, en assurant la constitution de l'armée de manière à pouvoir puissamment écarter les menaces d'une guerre étrangère, placer dans sa constitution même des moyens de sûreté pour la conservation de notre liberté, des moyens qui ne laissent aucune inquiétude aux esprits les plus méfiants.
Je trouve ces moyens dans l'impossibilité pour le Roi d'augmenter, sans un décret de l'Assemblée, le nombre de ses troupes étrangères ; d'augmenter même, à un certain point, la force de l'armée, dans l'impossibilité d'employer les troupes dans l'intérieur du royaume, autrement que par les formes ordonnées par la constitution. Ces moyens acquerraient une nouvelle force encore, en y ajoutant celui de la responsabilité des ministres et des agents militaires.
Cette précieuse responsabilité, puissant régulateur de l'autorité, est une indispensable précaution contre le pouvoir militaire.
Cependant, pour le salut de l'armée, et par conséquent pour celui de l'Etat, elle doit être employée avec mesure. La responsabilité des agents militaires ne peut concerner aucun de ceux qui agissent comme subalternes; la subordination si nécessaire aux armées se trouverait détruite si chacun, en vertu de sa responsabilité particulière, avait le droit de discuter les motifs de son obéissance. Les subalternes ne peuvent répondre que de l'exécution arbitraire qu'ils auraient donnée aux ordres dont l'exécution leur est confiée; mais la responsabilité doit être bornée à celui qui donne des ordres, à celui qui agit en chef, de quelque grade qu'il soit, à celui qui agit sans ordre. Où l'ordre peut être montré, la responsabilité n'attaque que celui dont il émane; là, si elle attaque les lois, elle doit s'exercer avec la plus grande rigueur.
Le caractère de cette responsabilité est simple, ne peut causer d'erreurs, et elle réunit le double avantage de protéger la liberté civile, sans donner prétexte à l'indépendance militaire.
Qu'il me soit permis d'ajouter encore quelques mots sur les précautions prises dans la constitution de l'Angleterre, pour la conservation de sa liberté contre l'existence d'une armée, pour répondre à ceux qui voudraient les introduire, en France, dans leur entier.
Les Anglais ayant, ainsi que nous, recouvré leur liberté, et voulant, ainsi que nous, conserver aussi le gouvernement monarchique, comme le plus propre à unir la force publique et à défendre les intérêts d'un grand Etat, reconnurent la nécessité de conserver à la prérogative royale la levée, la disposition et le gouvernement entier des forces de terre et de mer; mais pour prévenir le danger dont la liberté constitutionnelle pouvait être menacée par la présence d'une armés constamment sur pied, ils eurent recours à deux actes préservateurs.
Le premier, dont l'objet est de punir la désertion et la révolte, et d'assurer le paiement des troupes, n'a de force que pour un an : s'il n'est pas renouvelé, l'armée est, dès l'instant, licenciée et dégagée de tous les liens de la discipline militaire.
Le second acte de sûreté est celui des droits, dans lequel il est déclaré que, lever ou tenir sur pied une armée régulière dans l'intérieur du royaume en temps de paix, sans le consentement du parlement, est acte illégal.
De ces deux actes garants de la liberté anglaise, le dernier nous est commun , il ne doit y avoir de troupes dans le royaume que celles que vous aurez consenti de payer ; quant au premier, convenable pour des insulaires, mais peu propre à notre position géographique, il est heureusement remplacé en France par l'organisation de nos municipalités et de nos milices nationales, qui fournissent à la conservation de la liberté une force bien plus réelle que l'inutile possibilité de licencier une armée qu'il faut nécessairement conserver; et la constitution de votre armée peut encore accroître vos motifs de confiance, sans diminuer vos moyens de force.
Ces lois fondamentales posées, préservatrices de la constitution du royaume, il en est encore qui tiennent à la constitution de l'armée, et sur lesquelles il convient à l'Assemblée nationale de prononcer, soit qu'elle les présente dans leur complet à l'acceptation du Roi, soit qu'elle se borne à les présenter au pouvoir exécutif, comme bases des ordonnances qu'elle doit rendre.
Votre comité militaire vous a présenté des vues sur les rapports des milices nationales et de l'armée, de la force militaire et de la force civile; il vous a parlé de la nécessité d'établir des tribunaux permanents auxquels serait attribuée la révision des grands jugements militaires; enfin, il vous a entretenus de la nécessité de pourvoir à l'augmentation de l'armée, quand la nécessité obligerait de la porter au pied de guerre. Le préopinant a développé ces vues avec plus d'étendue encore. Je pense avec lui, et avec le comité militaire, que ces lois doivent sortir dans leur perfection de votre prévoyance et de votre sagesse. C'est à votre comité de constitution à s'entendre avec votre comité militaire pour nous les présenter; et bien pénétrés de l'esprit de justice et de liberté qui vous a fait rejeter avec unanimité l'idée de la conscription militaire pour le service de l'armée, ils vous soumettront des moyens qui porteront l'armée à la force que les circonstances rendront nécessaire, par la volonté libre de ceux qui composeront cette augmentation.
11 est encore du devoir de l'assemblée nationale de prononcer positivement et promptement l'augmentation de solde pour le soldat. On ne peut trop souvent répéter que la paye est évidemment insuffisante. Le malaise, qui ôte à l'homme une partie de ses forces, lui ôte encore l'énergie si nécessaire pour faire un métier honorable qui ne peut être bien fait .par celui que la comparaison de son état avec l'état des autres citoyens peut faire souffrir : il faut au soldat une bonne paye tant qu'il sert, et une expectative assurée pour le temps où la diminution de ses forces ne lui permettra plus de continuer ses services.
Vous croirez donc, sans doute, Messieurs, absolument nécessaire de décréter promptement une augmentation à la paye du soldat.
Votre comité militaire vous propose, en l'augmentant de 20 deniers, de la porter à 9 sols. Cette augmentation, forte en apparence, ne portera pas dans son entier, ainsi qu'il vous a été dit, sur la subsistance du soldat. Une partie ajoutée avec nécessité à la masse aujourd'hui insuffisante, destinée à son entretien, réduira à un sol l'augmentation véritable de bien-être qu'il re-
cevrait. Vous délibérerez donc, sans doute, Mes I sieurs, d'ajouter encore à la proposition de votre comité, et vous aurez facilement le moyen d'élever à 9 sols 6 deniers la totalité de la paye, c'est-à-dire d'augmenter de 26 deniers chaque solde actuelle.
Le préopinant a proposé de porter à un sol ce surcroit d'augmentation : je n'avais osé le proposer que de 6 deniers; mais j'adhère de toute ma volonté sans doute à cette plus grande amélioration. Le plus grand bien-être des défenseurs de l'Etat est toujours le vœu d'un bon citoyen.
Quel que soit le système que vous croyiez devoir adopter, dans l'ensemble de l'armée et dans la combinaison des différentes armes qui la composent, quelle que soit la somme générale que vous attribueiez au département, cet accroissement de dépenses, qui ne s'élève pas à 1,200,000 livres pour 6 deniers, et à 2,400,000 livres pour un sol, est trop peu considérable pour qu'il ne vous soit pas facile d'y suffire. Il vaudrait mieux d'ailleurs ne pas avoir d'armée que d'en avoir une dont les individus, mal payés et mécontents, ne rendraient à l'Etat que des services incomplets, les rendraient à contre-cœur, et soupireraient sans cesse après la possibilité de quitter un état où le besoin les aurait poussés, et qu'il faut aimer pour en remplir honorablement les devoirs.
L'économie à faire relativement aux forces militaires d'un grand empire, ne consiste qu'à éviter toutes dépenses inutiles, à ne rien payer au delà de sa valeur, à n'employer que le nombre d'officiers et de soldats nécessaires, enfin, qu'à bien administrer toutes choses; car celle qui porterait sur le nombre indispensable, comme celle qui aurait lieu sur le traitement convenable à faire à chaque individu de l'armée pour l'attacher à son état, serait une épargne destructive des résultats heureux qu'une nation doit se promettre de l'entretien d'une armée.
11 faut aussi, sans doute, que l'Assemblée s'occupe d'assurer à l'officier un bien-être Certain pour le présent, et pour l'avenir, il faut une augmentation à son traitement, dans presque tous les grades ; mais bien persuadé de cette indispensable nécessité, je ne penserais pas. cependant, que vous puissiez dans ce moment décréter positivement l'augmentation précise que vous propose le comité militaire.
Pour connaître quelle augmentation vous pouvez faire au sort de l'officier, il vous faut connaître quel nombre dans chaque grade vous en devez employer dans l'armée. Cette connaissance ne peut être" que le résultat du système qui sera adopté, et pour le nombre des régiments qui composeront l'armée, et pour le nombre de compagnies dans chaque régiment, d'officiers dans chaque compagnie, et pour plusieurs autres parties encore du régime militaire. Il est temps de reconnaître que le nombre d'officiers, dans tous les grades, ne doit être qu'en raison des véritables besoins de l'armée. Cette juste proportion n'est pas universellement jugée la même. L'armée de Prusse a, comme vous l'a dit votre comité, plus d'officiers dans la même proportion de troupes, que l'armée autrichienne, et bien moins que l'armée française. L'usage ancien qui en a attaché un nombre plus grand à nos armées, est-il fondé sur des raisons que l'on ne puisse contredire? ou ce nombre pourrait-il être diminué? Cette question doit être examinée soigneusement avant sa décision ; mais de quelque manière qu'elle le soit, toujours est-il vrai que les
officiers employés doivent être assez bien traités, pour qu'ils désirent conserver leur état, et craignent de le perdre.
Le métier des armes ne sera plus à l'avenir un métier nécessaire; et bien que les sentiments d'honneur, de devoir et de patriotisme, portent, avec nécessité, l'officier français à faire exactement, et de toutes ses facultés, le métier qu'il a volontairement embrassé, et qu'il peut quitter à chaque instant de sa vie, toujours est-il vrai que si les considérations de l'intérêt présent et d'un sort assuré pour l'avenir, ne présentent pas quelque attrait, la profession des armes sera moins sollicitée, et, ce qui est peut-être pis encore pour le bien du service, elle ne sera qu'un état de passage, et nous ne devons pas oublier que cette continuelle mutation d'officiers est, dans le militaire français, un des plus grands vices, un de ceux auxquels il est le plus nécessaire et le plus instant de porter remède.
Cette dernière considération, si importante, vous fera sans doute désirer, Messieurs, de trouver, dans le système des retraites à accorder aux officiers, un nouveau moyen de les attacher avec plus de constance au service.
Peut-être, en examinant différents projets, croirez-vous utile d'adopter celui qui, plaçant la ressource des retraites dans une retenue annuellement faite sur les appointements, donnerait à l'officier, dans chaque grade, pour le temps de son service, un traitement plus fort que celui dont il jouit actuellement, et lui en assurerait encore, à l'époque où il voudrait le cesser, un beaucoup plus considérable que celui auquel, à présent, il peut prétendre. Ce système, en soustrayant l'ancien officier à l'arbitraire de ses supérieurs et du ministre, pour la certitude, l'époque et la somme de son traitement, aurait encore le précieux avantage de diminuer, dans un certain temps, les charges du Trésor public de presque toutes les sommes affectées à présent aux pensions des militaires.
Ces pensions s'élèvent aujourd'hui à 18 millions qui, avec beaucoup d'économie, ne peuvent, dans le régime nouveau, s'élever à moins de neuf à dix; et ce projet, facile à réaliser, n'exigerait, après un certain nombre d'années, qu'une somme affectée tout au plus d'un million ; parce que les seules pensions destinées, ou à quelques officiers blessés à la guerre, ou à quelques officiers généraux, dont la masse ne serait pas assez considérable, seraient payés sur ce fonds.
Le même principe d'équité vous portera sans doute à chercher les moyens de pourvoir au sort du soldat après l'expiration de son engagement, de manière qu'une somme dont il aurait alors la disposition, et qui ne diminuerait, par aucune retenue, sa solde pendant le temps de son service, lui donnerait la possibilité de quitter son état s'il ne désirait pas le continuer, de faire un établissement, d'embrasser avec; quelques ressources une profession nouvelle,ou de ne continuer le métier de soldat, qu'autant que son goût et son intérêt l'y détermineraient; et ces moyens se trouveraient peut-être sans difficulté.
Parmi les différents objets sur lesquels vous croirez devoir arrêter quelques principes, vous compterez sans doute les engagements : vous avez dû déterminer le mode de recrutement de l'armée, parce que l'obligation générale du service militaire attaquait directement la liberté des citoyens, et que vous ne deviez pas mutiler cette liberté sous le spécieux prétexte d'assurer des défenseurs à l'Etat, quand vous pouviez pourvoir
à la défense commune, en respectant les droits de chacun. Si les enrôlements à prix d'argent ont pu donner lieu à de grands abus, les plaiQtes multipliées les ont fait connaître : cette connaissance vous suffit pour exiger des lois propres à les détruire et à les empêcher de reparaître.
L'Assemblée doit prendre dans toute sa sollicitude le rétablissement et le maintien de la discipline. Sans discipline, vous aurez des soldats, mais vous n'aurez jamais d'armée. Ce que vou3 croirez dépenser pour votre sûreté, pourrait tourner contre vous-mêmes.
On supposerait, sans fondement, que la subordination militaire pourrait porter atteinte à la liberté publique, et comprendre des devoirs contraires aux droits du citoyen. La discipline n'est que le maintien de l'ordre jugé nécessaire. L'imperfection du commandement, qui ordonnerait ce que le soldat aurait droit de ne pas faire, ne peut être regardée comme faisant partie de la subordination militaire; mais les objets sur lesquels elle s'élève sont sacrés; le salut de la République en dépend, et, dès lors, ils deviennent les premiers devoirs du citoyen.
Le rétablissement de la discipline dans l'armée, si essentiel pour le salut de tous, doit être une loi de l'État, émanée de l'Assemblée nationale, et sanotionnée par le roi. Revêtue de ce grand caractère, elle fera, sur tous les individus de l'armée, une impression profende qui ne pourra laisser douter du succès. Ainsi les fautes contre la discipline et la subordination deviendront un délit national; la subordination et la discipline, des vertus vraiment patriotiques ; et Farmée. attachée à l'observation ae ses devoirs par les sentiments de citoyen, les remplira dans tous ses détails avec plus de dévouement et de patriotisme.
Pour écarter tout arbitraire dans la punition des crimes et délits niilitaires, l'Assemblée nationale croira sans doute devoir établir- les points essentiels d'un code pénal bien précis, où les peines proportionnées aux fautes ne seraient point arbitrairement ordonnées, où tout moyen ae justification serait donné à l'accusé, et tout moyen d'équitable application de la loi, au juge. Ainsi, vous compléterez, par la certitude de la justice, le bonheur du soldat.
L'Assemblée doit encore indiquer ses vues sur les règles à établir pour l'avancement. Il est temps, sans doute, de détruire les barrières insurmontables que la classe la plus nombreuse voyait opposer à son avancement, soit par les ordonnances qui lui interdisaient l'accès de certains grades, soit par la faveur qui l'en repoussait.
Mais en voulant reconnaître et servir les droits de l'ancienneté, on ne saurait perdre de vue qu'une armée n'est pas seulement instituée pour assurer le bien-être de ceux qui la composent, qu'elle l'est plus particulièrement • encore pour Futilité de l'empire. Cet important objet serait mal rempli, si les lois militaires assuraient les mêmes avantages à l'homme incapable, à l'homme inappliqué, inassidu à ses devoirs, et à l'homme que ses talents, sa conduite et son intelligence feraient distinguer par l'opinion publique.
Ainsi, si vous croyez devoir adopter, pour règle générale de l'avancement, le système de l'ancienneté, vous croirez sans doute aussi devoir laisser place à des exceptions pour le mérite distingué et l'incapacité reconnue; et comme aucune loi précise ne peut fixer ni l'étendue, ni l'occasion de ces exceptions nécessaires; comme le mérite d'un chacun, toujours considérable à son propre sens, ne peut être justement appréeiê
par des règles constantes, vous laisserez l'exercice de ces exceptions au roi, à qui la conduite, la direction, la disposition de 1 armée doivent être confiées sans réserve, sous la condition des lois constitutionnelles du royaume et du militaire.
Tels sont. Messieurs, les points sur lesquels il semble essentiel que l'Assemblée nationale pose des bases, pâree que ces points, intéressant essentiellement la constitution de l'armée, ne peuvent pas être laissés à l'arbitraire. Tels sont aussi les points sur lesquels elle doit se borner à prononcer, parce qu'elle n'a pas en elle les moyens d'entrer, ainsi qu'il a déjà été dit, danB tous les détails multipliés fde l'organisation de l'armée, et que cette organisation, cette direction appartiennent sans aucun doute au roi, chef suprême de toutes les forces militaires.
Ces bases posées, et l'Assemblée ayant décrété, sur la demande du roi, quelle somme doit être affectée à l'entretien de l'armée et de combien d'hommes elle doit être composée, le soin du reste doit être entièrement abandonné au pouvoir exécutif.
C'est au ministre à bien mériter de la nation, en proposant là formation d'armée qui réunisse au plus grand nombre d'avantages l'économie la plus sage; c'est à lui à calculer dans la plus grande perfection possible la combinaison et la division des armes, la formation des corps, l'équipement et l'armure, toutes les ordonnances auxquelles vos principes connus serviront de bases, enfin, tous les détails de l'armée. Il considérera que la France a besoin d'une nombreuse cavalerie, pour agir au delà du Rbin, ou pour défendre les pays ouverts qui nous servent de frontières depuis Dunkerque jusqu'à Bàle; que les armées, dont nous avong à craindre l'approche de ces côtés, sont fortes d'une cavalerie considérable, et mènent à leur suite une formidable artillerie de campagne. 11 examinera si le projet d'entretenir sous les armes un moins grand nombre de troupes pendant un long temps de l'année, pour en réunir un nombre plus considérable pendant un temps suffisant, et pour augmenter ainsi la force de l'armée prête à marcher au premier signal, ne pourrait pas présenter des vues utiles à la force, à la bonne composition de l'armée et au maintien de la constitution. Sa science et son habileté s'exerceront à former une armée qui rassemble dans unebonne proportion tous les moyens de défense que notre position nous rend nécessaires ; et s'il résout ee grand problème en se renfermant exactement pour les dépenses dans la somme assignée au département, peut-être, malgré l'augmentation de paye du soldat, inférieure encore à celle indiquée par le comité militaire, il aura rempli le but qu'il doit se proposer. Alors FAssemblée donnera par son décret une existence constitutionnelle à l'armée; et la réunion de tous ces moyens assurant la liberté des citoyens, la jouissance naturelle de leurs droits et le maintien de la constitution, assurant sous tou3 les rapports le bien-être de tous les individus de l'armée, assurant enfin, par l'existence d'une force formidable bien organisée, la liberté politique de la France, remplira toutes les conditions que la nation a droit d'attendre de la sagesse de ses représentants.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale décrète, comme loi constitutionnelle du royaume:
1° Que chaque législature, dans les premières séances de la première session, devra, sur la préaeotation du ministre du roi, décréter les sommes affectées au service de l'armée, et l'emploi de ces sommes j
2° Que la force de l'armée, arrêtée par un décret de l'Assemblée, ne pourra être, d'une législature à l'autre, modifiée par le pouvoir exécutif au delà de la latitude que lui laissera ce même décret ;
3° Qu'il ne sera jamais introduit dans le royaume aucun corps de troupes étrangères, sans un décret de l'Assemblée nationale, qui devra prononcer sur les conditions de leur admission -,
4° Que les troupes ne pourront être employées dans l'intérieur du [royaume que d'après le mode et les fqrmes ordonnées par la constitution ;
5° Que le ministre de la guerre et tous les agents du pouvoir militaire^ seront et demeureront responsables de toute violation des droits du citoyen, de tout ^cte ou ordre attentatoire aux lois constitutionnelles et autres du royaume, de toute infidélité ou négligence en gestion d'argent, en marchés, ep entreprises, qui ne pourront pas, sans un décret de l'Assemblée, s'éteqdré au delà du terme de la législature où ils auront été faits, le tout conformément; aux lois qui seront promulguées à cet effet ;
Que % défaut de discipline dans l'armée est un délit contraire at^x vœux et à l'intérêt national.
L'Assemblée décrète, en outre, qu'à l'avenir et à commencer du premier japvjer dernier, là solde du soldat» cavalier, dragon, hussard» sera augmentée dè trente-deux denier?* et portés à dix sols,
^'Assemblée charge son comité militaire çt son comité de constitution réunis de lui présenter incessammeqt des projets 4e lois ;
1° Sur les moyens de porter prompteipent l'armée à la force que les circonstances pourront rendre nécessaire i
Sur l'organisation des tribunaux militaires et sur la forme des jugements ;
3° Sur le rapport des gardes nationales et 4e l'armée.
Enfin, l'Assemblée décrète que, quand elle aura, sur la demande du roi, fixé la somme affectée au département de la guerre, et le nombre d'hommes dont l'armée doit être composée, le soip de la formation et. organisation de l'armée dans tous ses détails sera remis au pouvoir exécutif, qui devra prendre, pour hases des ordonnances et des règlements qui la constitueront, les principes suivants :
1° Que les engagements soient préservés de toutes les fraudes, surprises et violences dont l'expérience a fait reconnaître le vice ;
2° Qu'il soit fait une augmentation dans le traitement des officiers, et particulièrement des grades inférieurs ;
3° Que d'après les principes universellement reconnus d'admissibilité pour toutes les classes des citoyens aux places militaires comme à toutes autres, les règles d'admission soient posées de manière à ce que la faveur ne puisse plus en disposer ;
4° Que les règles d'avancement satisfassent aux droits de l'ancienneté, en ménageant les ressorts de l'émulation, sans laquelle une armée perdrait prompteipent de sou activité et de ses ressources ;
5° Qu'une proportion quelconque dans les places de l'officier soit assignée à la classe des bas-officiers, pour, par cette perspective, prévenir en
eux le découragement, et entretenir l'amour de leur état ;
6° Qu'un Gode pénal soit établi, qui, préservant les coupables de l'arbitraire, leur donne les moyens possibles de justification, et aux juges les moyens sûrs et faciles d'appliquer la loi ;
7° Qu'il goit pourvu à la retraite des officiers et soldats, de manière à remplir à la fois les intentions, de les attacher plus constamment au service, de les préserver de l'arbitraire des supérieurs, et eftfiq de diminuer les charges du Trésor public.
Il me semble Que cet ordre de travail nous promet, dans un court délai) (es résultats qu'il est si instant d'opérer,
Divers membres demandent l'impression du discours de M. le duc ae Liancourt.
Cette proposition est pu?e aux voix et adoptée.
annonce que la séance du soir s'ouvrira à 6 heures. La séance est. levée.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses ainsi qu'il suit:
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des habitants de la commune de Gensac, près de Gannat en Bourbonnais : après avoir formé leur nouvelle municipalité, ils ont tous juré de mourir, s'il le fallait, pour le maintien de la constitution et la défense de notre bon roi.
Adresse du comité permanent et de la garde nationale de Périgueux ; ils portent plainte contre la prévôté de cette ville.
Adresse de la nouvelle municipalité de Bour-goin en Dauphiné, et de celle de Chef-Boutonne en Poitou ; elles sollicitent avec instance l'établissement d'une assemblée de district, et d'un siège royal.
Adresse du président et des commissaires du district de Porte-Froc de la ville de Lyon, nouvellement constitué.
Lettres de M. du Petit-Bois, commandant le régiment de dragons d'Orléans, en garnison à Rennes ; de M. de Bardon, commandant le régiment de Bassigny, en garnison à Lorient, et de M. La-roque, commandant le régiment d'infanterie de Bourgogne, en garnison à Arles, par lesquels ils annoncent que c'est avec la plus grande satisfaction que ces régiments ont entendu la lecture de la lettre qui leur a été adressée par l'Assemblée nationale, et qu'ils lui présentent l'assurance de la soumission la plus entière à ses décrets sanctionnés par le roi.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la communauté de Contigny en Bourbonnais
; « ellesupplie l'Assemblée nationale de décréter que provisoirement la ville de
Saint-Pourçain sera chef-lieu de district, sauf à la seconde législature de décider s'il doit
être conservé. »
Adresse de remerciement, adhésion et dévouement de la communauté de Beaumont-Monteux en Dauphiné; elle demande de dépendre du district de la ville de Romans.
Adresse des gentilshommes résidant en la ville de Pont-de-Vaux en Bresse, au nombre de onze, qui déclarent adhérer formellement, d'esprit et de cœur, à toutes les opérations, actes et décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, à laquelle ils vouent respect, soumission et fidélité, et jurent de sacrifier leurs biens et leur vie pour soutenir et défendre la constitution, qui, en régénérant le plus florissant empire de l'univers, assure à jamais son bonheur et sa gloire.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Belesme, qui expose que la plus grande partie des membres qui la composent, les plus faits pour inspirer et mériter sa confiance, languissent dans les liens d'un décret ; elle supplie l'Assemblée de vouloir bien les en délivrer.
Délibérations des communautés de Saint-Victor-sur-Loire, de Saint-Cyprien en Forez, et de celle de Fontenay en Puisaye, contenant l'offre patriotique du produit de la contribution sur les ci-de-vant privilégiés.
Adresse de la garde nationale de la ville d'Angers, qui exprime avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale; elle sollicite un tribunal supérieur pour cette ville.
Adresse des villes et pays de Bléré en Touraine ; elle demande l'établissement dans cette ville d'une juridiction de première instance, d'une maréchaussée, et d'un centre de district ou de canton.
Adresses des nouvelles municipalités de la ville d'Iwy-Garignan, du bourg de Gondé-sur-lton, de la ville de Péronne, de la ville de Mer, de la communauté de Gandelu eu Brie, de celle de Fresne, élection de Château-Thierry, des villes de Pontar-lier et de Beaume-les-Dames en Franche-Comté, de Mont-sur-Courville en Champagne, de celle d'Epineuil en Bourbonnais, de la ville de la Flèche, de la ville de Lorient, de celles de la Rochelle et de Rochefort, de la communauté des cantons des Mouilliers, de celle de Grand-Pré, de celle de Lo7 ches, de celle de Bucy-le-Roi en Orléanais, de celle de Saint-Apollinaire, prés de Dijon, de celle de Saint-Glémentin en Poitou, de celle d'Houpline sur laLys,de celle des Essarts en Normandie, de la ville de Cognac en Auvergne et de la ville d'Etampes. Toutes ces municipalités consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à ses décrets, et d'un dévouement sans bornes pour leur exécution ; de concert avec tous les citoyens, elles ont juré solennellement.d'être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de défendre la constitution au péril de leurs fortunes et de leurs vies. Délibération de la ville de Josselin en Bretagne,
de laquelle il résulte que douze gentilshommes et chevaliers de Saint-Louis, résidant dans cette ville, se sont rendus avec empressement à l'Hôtel-ds-Ville, pour prêter le serment civique.
Adresse d'adbésion de la communauté de Gous-sargues, près de Bagnols en Languedoc ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Délibération des habitants de Ghàteau-du-Loir, convoqués par ie conseil général de la commune, d'après la nouvelle organisation, par laquelle ils ont nommé MM. Mauboussin et Rousseau le jeune, pour réclamer la juridiction pour la ville et Ghâ-teau-du-Loir, et les ont chargés d'assurer l'Assemblée nationale de leur adhésion respectueuse à ses sages décrets.
Adresse du district des Jacobins-Saint-Honoré, contenant le procès-verbal de prestation du serment civique de l'assemblée générale de ce district.
Adresse des habitants de la paroisse de Ché villé au Maine, qui, pénétrés d'admiration, de respect et de dévouement pour tout ce qui émane de l'Assemblée nationale, désirant, malgré leur misère, prouver leur attachement à la cause nationale, et au roi, offrent à la patrie 2 marcs 7 onces pesant d'argenterie, et en outre le produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés ; ils demandent la permission de faire pour 1790 un rôle particulier de la cote personnelle, dont ils feraient également l'hommage.
Adresse de remerciement et adhésion des habitants de la ville de Condrieux en Forez; ils font le don patriotique du moins imposé au profit des anciens taillables.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la communauté ae la Féline et du Theil en Poitou ; elle demande que la ville de Saint-Pourçain soit chef-lieu du district.
Adresse de félicitation des officiers des justices seigneuriales de Martes, de Vaire et autres communautés en Auvergne ; ils demandent que les seigneurs soient obligés de leur restituer le prix de leur place.
Adresse de la ville de Massenbé en Gascogne ; elle adhère notamment au décret concernant la contribution patriotique, et sollicite un chef-lieu de district.
Adresse de la ville de Pontrieux en Bretagne; elle fait le don patriotique de ses boucles et autres effets, consistant en 8 marcs 1 once d'argent et 5 onces d'or ; elle demande une justice royale.
Adresse de madame la baronne ae Vassé, qui, anglaise d'origine, a adopté la France pour sa patrie ; elle fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage qui présente le parallèle des grands hommes de la France et de l'Angleterre, et le tableau des constitutions des empires et des républiques de l'Europe.
Adresse des habitants d'Ostabarets en basse-Navarre, assemblés en cour générale, contenant le tribut d'hommage, d'admiration et de reconnaissance pour l'Assemblée nationale ; ils y déclarent que les Navârrois, unis désormais aux Français par la conformité de leurs sentiments et de leurs intérêts, verseront jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour défendre la cause commune*
Adresse de la communauté des maîtres chapeliers et bonnetiers de la ville de Ghaumont en Bassigny, qui fait le don patriotique de la somme de 40 livres, d'une image de Sainte-Barbe, deux vases, un chandelier, la garniture d'un bâton en argent, le tout du poids de 5 marcs 6 onces. Adresse de la municipalité de la ville de Pon-
toise, qui annonce que c'est avec le plus grand attendrissement que tous les citoyens ont appris l'arrivée de notre monarque chéri au milieu des représentants de son peuple, dans la séance du 4 de ce mois, et le discours vraiment paternel u'il a prononcé. Assemblés extraordinairement ans la principale église, ils ont souvent interrompu la lecture de ce discours par les cris redoublés de Vivent le roi et l'Assemblée nationale ; le maire, après avoir prêté le serment civique décrété par l'Assemblée, a reçu celui des citoyens actifs présents, a prévenu que pendant huit jours il recevrait à l'Hôtel-de-Ville le serment des citoyens actifs absents, et que, passé ce délai, tous ceux qui ne l'auraient pas piété seraient rayés de la liste des citoyens actifs. Ge maire demande l'approbation de l'Assemblée.
Adresse de la municipalité de la ville d'Estagel en Roussillon, qui renouvelle son hommage auprès de l'Assemblée nationale, et déclare faire remise en don patriotique d'une rente dont elle est créancière sur l'Etat, de la somme de 2,160livres en capital, aujourd'hui réduite à 864 livres, ainsi que des arrérages, montant à 453 livres.
Adresse des bas-officiers du régiment royal Champagne, en garnison à Hesdin, qui, jaloux de donner à la patrie des preuves d'un zèle infatigable, renouvellent leur serment de fidélité qu'ils protestent de maintenir jusqu'à la mort ; ils supplient l'Assemblée de s occuper sans relâche de la constitution militaire, l'armée s'affaiblissant de jour en jour.
Adresse d'adhésion de la ville de Ribérac en Périgord; elle demande d'être chef-lieu de district, et que le lieu de la Tour-Blanche, enclave de l'Angoumois,en dépende, conformément à son vœu.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement .de la ville de Saint-Yrieix en Limousin ; elle demande d'être chef-lieu de district.
Adresse de la garde nationale de la ville d'0-range, qui exprime, de la manière la plus patriotique et la plus énergique, les sentiments de la liberté et ceux de dévouement à l'Assemblée nationale.
Adresses de quarante municipalités ; savoir :
Raye.
Champaubert. Congy. Toulon. Vert.
Montmort.
Leménil-les-Lacaure.
Lacaure.
Loizy.
Givry.
Soches.
Corribert.
Le Bezil.
Reaunoy.
Fabriange.
E toges.
Aunizenl.
Coizard.
Courjonnel.
Villevenard.
Oyes.
Reuve.
Broussy-le-Grand.
Rroussy-le-Petit.
Chaltrait.
Villers-aux-Bois.
Etrechy.
Bannes.
Lin telle.
Lucy.
Brugnv.
Saint-Martin d'Ablois.
Soulière.
Gionge.
Coligny.
Aulnay.
Ecurie-le-Repos. Bergère. Pierre-Morains. Morains.
contenant félicitation, remerciements et adhésion à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale.
Adresse de la communauté des procureurs du bailliage d'Epernay en Champagne, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée, et offre d'un contrat sur le roi au principal de 1,200 livres, et de deux années de rentes échues.
Adresse de la compagnie des notaires de la ville de Reims en Champagne, avec offre d'une somme de 600 livres pour leur don patriotique.
Adresse du comité électif de la ville de Ber-nay, qui rend compte de son empressement et de ses soins pour faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, et pour maintenir dans cette ville la paix qu'on a craint de voir troublée par des mouvements provoqués par les ennemis du bien public, et par l'imprudence et la négligence des préposés à la régie : il demande la suppression du droit de treizième et des banalités, sans indemnité ; il exprime des vœux pour que l'Assemblée nationale achève l'ouvrage qui doit l'immortaliser ; qu'il s'élève au plus tôt des corps d'administration dans les provinces, et qu'à côté de ces corps l'on voye bientôt siéger des juges choisis par la nation.
Celte adresse est ainsi conçue :
« Nosseigneurs, le comité électif de la ville de Bernav a l'honneur de vous représenter que les habitants de la ville et des campagnes sont alarmés d'entendre encore parler de la banalité. Les partisans du régime féodal publient que l'on ne conviendra jamais du prix et du mode de ce rachat; que la conversion de cette servitude en une prestation pécuniaire ne sera qu'un surcroît de charges pour le peuple, et que la banalité ne sera jamais supprimée.
« vous avez détruit entièrement, Nosseigneurs, le régime féodal; vous avez décrété que dans les droits, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité. La banalité est une servitude personnelle.
« Lorsque les rois jouissaient seuls de l'intégrité des droits, ils avaient seuls des moulins, des fours, des pressoirs publics. Tout propriétaire pouvait en avoir chez lui pour son usage ; mais nul autre que le prince n'en pouvait avoir de publics ou communs, parce que cette publicité se confondait avec la police: c'était un acte de jouissance publique qui appartenait au prince.
« Les gouverneurs, les ministres profitèrent de la faiblesse des peuples pour s'emparer de la puissance publique. Les administrateurs des justices et des recettes royales imitèrent leur exemple. Tout seigneur envisagea comme une propriété et un patrimoine cette portion de la puissance publique, dont la situation du gouvernement lui avait permis de se saisir.
« Les pressoirs, les fours et les moulins publics appartinrent,par cette raison, à ces nouveaux dépositaires de la puissance publique. Ces lieux n'a-
vaient été établis que pour la commodité publique et pour l'usage de ceux qui ne pouvaient pas s'en procurer; mais on s'appliqua bientôt à ëii faire des lieux de contrainte.Les moulins, lés pressoirs ne furent plus ouverts uniquement pour l'usage et la commodité de ceux qui n'en avaient pas : les administrateurs, devenus propriétaires s contestèrent aux citoyens le droit d'en àVoir, et voulurent les obliger de se servir des preââdlrS êt des moulins publics; ils prétendaient, enfin,quetous les habitants de leur territoire devaient sejpré-senter à leurs moulins et à leurs pressoirs, sans avoir la liberté du choix entre les différents moulins et pressoirs publics. Leurs prétentions étaient injustes, exagérées ; mais leur puissance était sans bornes, et les citoyens sans lumières et sans énergie : ils réussirent presque partouti
« Fulbert, évêque de Gnârtres, employa son zèle et ses talents à défendre, auprès de Richard, duC de Normandie* la cause de ses nombreux vassaux, qu'on s'efforçait d'assujettir à faire moudre leurs grains aux moulins de Saint-Ouen. Il se plaignait de l'introduction de ce régime comme d'une servitude nouvelle, accablante pour les peuples. La banalité n'était pas encore établie ; on commençait à l'introduire.
« Tant qUe les rois furent seuls dépositaires de la puissance publique, 13 droit d'avoir des moulins ét des pressoirs publics fut un privilège exclusif qui ne consistait qu'à tenir des lieux publics et à recevoir ceux qui se présentaient volontairement, Dans la main des seigneurs* Ce droit s'est converti en un privilège de contrainte. On né s'est plus borné à attendre et à recevoir ceux qui, pour leur commodité, Voudraient bien se présenter ; on a contraint de s'y présenter cettx même qui ne le voulaient past
« La banalité fut moins une charge de fonds qu'Uh assujettissement des personnes. On nB peut voir; dans l'origine et l'introduction de la banalité» qu'une servitude personnelle. Le consommateur perdit la liberté de faire construire des moulins et des pressoirs pour son Usage ; il perdit la liberté de faire moudre où il le désirerait les grains nécessaires à sa consommation. Cette servitude ne fut ni déterminée, ni restreinte par la considération de la quantité des grains que les habitants recueillaient. Les habitants des villes et des campagnes qui ne recueillaient aucuns grains étaient assujettis à la banalité) comme les propriétaires ou les fermiers des terres cultivées;
« Pour se soustraire à cette servitude, qui favorisa longtemps le plus affreux brigandage* il fallait Se pourvoir de farines étrangères ou acheter du pain dans des boulangeries éloignées.
C'était donc la volonté et la disposition de 1'homnie qui le rendait lujet à cette servitude : celui qui voulait convertir des grains en farines était soumis à la banalitét Le propriétaire d'un moulin banal était un artisan privilégié» qui exerçait seul sa profession* qui rendait tributaires de son impéritie et de son avidité tous ceux qui faisaient convertir des grains en farines* qui na-vaient pas la commodité de se pourvoir de farines étrangères* ou d'acheter le pain qui leur était nécessaire chez des boulangers établis dans des lieux de liberté.
*. Les seigneurs qui avaient en partage la domination des contrées fertiles en grains, voulant donner à la banalité l'extension la plus lucrative, conçurent le projet de la rendre réelle* en continuant de la maintenir.sur le pied_de la servitude personnelle. Geux qui ne recueillaient aucuns grains restèrent toujours assujettis à la banalité,
lbrsqu'ils voulurent faire convertir des grains en farines : on rechercha les moyens de frapper du même impôt les grains mêmes que les propriétaires né faisaient pas convertir en farines»
« Lé résultat de cette rëcherche fut l'établissement d'une nouvelle exaction. Plusieurs propriétaires des moulins banaux disposèrent, danB les liëuisoumis à leur domination féodale,que le cultivateur acquitterait le droit de mouture en récueillant ses grains ; ainsi lé consommateur fut obligé d'acquitter les droits attachés à la banalité pour tous les grains qu'il faisait convertir en farine, SOit qu'il les recueillît, sdit qu'il les achetât ; et le cultivateur fut obligé d'acquitter les mêmes droits* non seulëment pour les grains qu'il destinait à sa consommation* mais encore pour Ceux qu'il vendait. Telle fut l'origine du droit de vertë-moute.
« Le cultivateurfutcontraintd'acquitterles droits de mouture au champ dans le temps de récolte ; et le consommateur qui âehétait uhe partie de ses grains payait encoré le droit de mouture lorsqu'il les faisait convertir en farine^
« La banalité fut déclarée une servitude personnelle, pour assujettir à un tribut odieux les consommateurs qUi achetaient des grains et n'en recueillaient pas. Elle fut aussi déclarée une servitude réelle, pour assujettir au même tribut ceux qui recueillaient et vendaient des grains. En frappant ainsi la consommation et la production, on fut assuré d'avoir procuré au dominateur de la contrée le plus haut et le plu9 injuste bénéfice. Il fut impossible de tien soustraire à la banalité : ët toutes les fois que le consommateur achetait le superflu de son voisin et le faisait convertir en farine, il payait une seConde fois un droit de mouture que le propriétaire avait acquitté au champ.
t L'avare propriétaire d'un moulin bànal, calculant le profit fie la taoutUre de toUS les grains dë fea Contrée, sachant que le défaut de consommation obligera de transporter et de débiter une grande partie de la récolte dans lës marchés voisins, fond sur le champ» en fait ehlevër la seizième gerbe, se fait payer le salaire d'un travail dont il est dispensé* et lorsqu'un autre habitant achète une partie de ces grains, sur lesquels le droit de mouture a été perçu, il est contraint de payer encore le même tribut au moulin banal.
* Une servitude réelle n'aurait jamais été susceptible d'extension et d'exactions si avilissantes pour l'inventeur et le percepteur, si accablantes pour le cultivateur et le consommateur; UnB servitude réelle ne grève que 18 fonds : l'exercice en est toujours simple et uniforme ; mais là banalité enchaîne l'homme, sa volonté, ses facultëg. C'est ce qui a fait dire à M. Pithou, sur l'article 4 de la coutume de Troyes,que ces banalités ont succédé à l'esclavage personnel.
« Choppin, sur l'article 13 de la coutume d'Anjou, dit que c'est se tromper que de cfoire que la banalité de four et de moulin soit Un droit réel. C'est, dit-il, une servitude persohdëllë, à laquelle on a assujetti les cultivateurs JtVilis et serfs. Servitutem personnalem vilibus àgrbfùm co-lonis et servis indictam.
* Toutes les fois que des hommes, se croyant nobles,ont été inquiétés et recherchés au sujet de la banalité, à laquelle d'autres hommes plus puissants, se proposaient de les soumettre,ils ont rappelé l'origine des banalités, llë ont Soutenu que leur naissance les en exemptait. L'article 12 de la coutume d'Anjou, l'article 26 du titre II de la coutume du Maine, justifiaient leur ré-
sistance et leur refus : « gens d'églises De nobles ne doivent moutes ne corvées et iront leur métayer et gens roturier demeurants es-lieux et féa-geB nobles audit moulin et four : car le privilège de non y aller descend des personnes et non pas des lieux. »
« Le texte de ces coutumes prouve que la banalité est une servitude personnelle ; puisqu'elles obligent de considérer la qualité des personnes et non pas des lieux i Le mode d'exaction et de perception du droit de mouture prouve encore plus clairement que cette servitude eBt personnelle. Elle est par conséquent abolie, puisque l'Assemblée nationale à déclaré les hommes égaux eh droite qu'elle a décrété que les droits qui tiennent à la mainmorte réelle au personnel sont abolis sans indemnité.
« La banalité a retardé dans la France le progrès dë mouture économique ( elle a nui à la perfection de là Construction des moulins ; elle a nui aux arts et à l'industrie \ elle a occasionné une perte de grains incalculable ; elle est enfin abolie.
« Pourquoi faut-il que; dans le desséih d'alarmer les provinces, on publie que le droit de banalité sera compris dans la classe des droits rache-tables, et qu'il sera conservé et maintenu jusqu'à ce qu'on soit convenu du mode et du prix du rachat?
« Le droit de mouture n'était-il pas le salaire que l'on payait au propriétaire du moulin qui convertissait les grains en farine ? Quand on ne l'emploiera plus; faudra-t-il encore le payër? faudra-t-il le payer pour être dispensé de l'employer^ et pour faire soi-même, ou faire ailleurs ce qu'il faisait autrefois pour nous, et malgré nous ? N'aurait-on aboli lés privilèges, le régime féodal et les Servitudes personnelles, que pour laisser subsister des privilèges exclusifs et de contrainte des meuniers privilégiés ?
« De quel poids péut être la réclamation des propriétaires ? on leur laisse leurs moulins; s'ils savent les entretenir; perfectionner la mouture, borner leurs profits ; ils seront assez occupés; et leur gain,plus légitime,sera la récompense de leur industrie et de leur fidélités
« Ge serait en vain que l'Assemblée nationale aurait détruit le régime féodal et aboli tous les droits qui tiennent "a la servitude personnelle, si l'on convertissait toutes les exactions féodales en prestations pécuniaires! Quel propriétaire voudrait ou pourrait même payer pour rachat du troisième de banalité; et dë beaucoup d'autres droits aussi injustement établis, une indemnité qui égalerait la valeur capitale de ses fonds, ou se charger d'une prestation péduniaire qui absorberait. son revenu ? Il nous semble qu'on ne peut proposer une indemnité pour l'abolition d'un privilège exclusif et de contrainte, établi par une autorité usurpée, pour lë rachat d'un salaire qu'on payait à des artisans qui s'étaient déclarés ou fait déclarer privilégiés; qui auraient encouru la privation de leur privilège, s'il avait été légalement établi; et sur le compte desquels on ne changera l'opinion publique qu'en les dépouillant de ce privilège.
« Arrêté en l'assemblée à l'hôtel-de-ville de Bernay; le 20 janvier 1790; Lindet, le Comte, le Cordier, Deurival, le Prévôt, Boivin, du Bois,Cauchois, Fouquai et Formage^ secrétaires. .
« N. B. Les dispositions |de l'Assemblée nationale par rapport à la suppression des dîmes, ne sont pas encore connues ; mais quelles que puissent être les conditions de cet affranchissement, il est aisé de prévoir qu'elles seront infiniment avantageuses aux grands propriétaires.
La noblesse y trouvera un dédommagement de son assujettissement aux charges publiques et de la suppression des bénéfices que lui procurait la servitude de ses vasBaux. Au moment bû tous les citoyehs font des sacrifices* la noblesse seule trouverait-elle le moyen d'accroître ses revenus ? »
Les députés extraordinaires de la communauté du bourg de Ceriziers, près de Sens, offrent à la nation Une Somme de 1,?S8 libres boUr subvenir aux besoins de l'Etat; ilâ adhèrent a tous lés décrets de l'Assemblée: rendent hommage à ses travaux qui leur prpCUreht dë si grands bienfaits, et jUrent d'êtfé fidèles â la nation, à la loi ët au rdi, et de maintenir de tout leui' pouVdlMâ Constitution décrétée par l'Assëmblëë, et âCCëptée par lë rbi.
Un dès mènibrèS dè VÀSàembltèe & fait part d'Uh dôtt patriotique deS habitâdtS de Roisst, cousis* tant en uhé sombië de 7,200 livrés ;
M.*** lit une adresse, signée de W; Beaulieu, acteur du théâtre du Palais-Royal. En voici la substance
« Jë rt'ét&is Hen lorsqd'Un dé vos décrété a relevé mon âme, et m'a dodfiê lë droit d'êtrë quelque chose. Rendu à ia société, par l'abolition du jpiréjugê Siktë lequel jë gémisââiS, j'ai éàtél l'occasion qUi B'ëàt pre&ëntêe de rëtidre hobmàge aU décret nâhleqûçl vous âyëfc àttafjué ùnaUtre préjugé... J ajaé([uiùë uhé dettê, Voilà tout le mérite dë mohâciion... Devenu citoyëd, je désirhis porter aUsSi ffibn offrande sut l àutel dè la patrie. Lé raiblë produit dé mbn industrie, consacré à l'existence de çë que j'ai dè plus cher» ne m'en ôffràit pas les moyens. Là générosité dé mes directeurs m'a tire aë pëi né, et je nuis concilier aujourd'hui çë qûë je.dbis a ma iamille et à mon pays. » M. BeàulieU dbnhë trois âhnèës d'une pension de 400 livres qui lui a été faite bât les directeurs du théâtre du Palais-Royal, a l'eboaue de Sôh action gëhêfëuee envers M. Agasse lë jëurie, en faveur dë ddi il s'était démis de son gradé de lieutenant dti bataillon du district saint-Hdtiorë.
fait une tûotiëh pour qUë le cblbitë des rapports soit divisé ën plusieurs sections ët augmenté de 15 membres: Gette proposition d'à pas de sUHe:
Une députation de ia commune de Paris est introduite.
, maire, invite l'Assemblée tiationile à Un Te DèuM ët à la cérémonie dU Bërmënt civique. 11 prononce le discours suivant :
« Messieurs, « Là Commune de Paris notas à député vers vous pour inviter l'Assemblée nationale à honorer de §à présence le Te Deûtn qui sera Chanté dimanche à Notre-Dame. La garde nationale y jurera dë maintenir la Gonstitutidii, ét d'être fidèle à la pàtrië et aU roi. Vous avez prêté les premiers 6e serment, Messieurs, et jë me féliCitë de l'hotH neur de l'avoir prêté avec vous. La commune, les districts, le peuple l'ont répété ; votre voî± Sera partout entendue et partout répandue ; le cridë fidélité que l'Assemblée nationale a proféré, vâ S'étendre d'un bout dU royaume à l'autre. NoUs demandons que l'Assemblée soit à Notre-Dame le témoin de l'empressement avec lequel Sës exemples Sont suivis dans la capitale, i
lui répond :
« L'Assemblée nationale, qui n'a point oublié que la commune de Paris a partagé avec elle les inquiétudes, les amertumes, les dangers de la Révolution, saisit avec empressement l'occasion de prendre part à la juste allégresse des bons citoyens de la capitale. Elle assistera en corps à la cérémonie qui doit avoir lieu dimanche prochain à l'église Notre-Dame. *
.Les juges-consuls de Paris se présentent pour prêter le serment civique.
leur dit :
« L'Assemblée nationale voit avec une véritable satisfaction, des citoyens recommandables par leur probité et par leurs lumières, utiles par des travaux précieux qui vivifient l'Etat, donner encore l'exemple de la fidélité et du respect pour les lois constitutionnelles de l'empire. Elle vous admet à la prestation du serment civique, dont je vais vous faire connaître la formule. »
L'Assemblée reçoit des juges-consuls de Paris le serment civique.
Une députation de Chauny est également admise à offrir un don patriotique consistant en bi-oux et boucles d'argent.
, président du comité des rapports, rend compte des troubles qui subsistent dans le Quercy, lé Rouergue, le Périgord, le Bas-Limousin et une partie de laBasse-Bretagne.
Quelques paysans réunis en troupes armées portent la désolation dans toutes les propriétés nobles ou roturières ;, ils augmentent en nombre à mesure qu'ils étendent leurs ravages.
Le comité a cherché à découvrir les causes de ces désordres pour vous en indiquer le remède. M. le vicomte de Mirabeau, dans un écrit qu'il vient de publier, appelle ces événements la guerre de ceux qui n'ont rien contre ceux qui ont quelque chose.
« On voit à la tête de ces brigands, dit-il, des gens dont le visage n'est pas flétri par le travail, qui parlent latin, etqui ont un plan de campagne: des phrases prononcées dans cette tribune, des lettres anonymes et incendiaires ont occasionné ces désordres, que les municipalités laissent subsister, si elles ne les fomentent pas.....» Aucune
pièce communiquée au comité, aucun fait parvenu à sa connaissance n'appuient cette assertion.
Le contraire est exactement vrai.
.Je dénonce ce qui concerne les municipalités comme une calomnie.
M. l'abbé Grégoire continue : Les municipalités des pays où ces troubles ont lieu pensent qu'ils naissent : 1° de l'ignorance de la langue. Les paysans entendent par décrets de l'Assemblée nationale, des décrets de prise de corps ; 2° de la crainte que les décrets du 4 août ne soient point exécutés ; 3° de la fausse interprétation de ces décrets; 4» des erreurs dans lesquelles cherchent à faire tomber les habitants des campagnes, ceux qui préfèrent l'esclavage et l'anarchie à l'ordre et à l a liberté ; 5 «de faux décrets et de fausses lettres-patentes perfidement montrés aux paysans. Il faut que les bons citoyens se réunissent : ils ont fait à Sarlat un parti fédératif, à la tête duquel est révêque, et qui a pour but l'instruction du peuple; ils ont publié à Brives une lettre circulaire, modèle de patriotisme et de simplicité. II faut déclarer au plus tôt quels sont les droits féodaux rachetables, quels sont ceux abolis sans
indemnité. Le régime féodal est encore en vigueur dans quelques provinces. Une lettre de Lorraine contient cette phrase: « Nous sommes à la veille d'une guerre sanglante, intestine et féodale. » On a voulu, dans cette province, obliger les curés à dire au prône que les paysans doivent continuer à payer tous les droits seigneuriaux... Le comité propose de rendre le décret suivant : « 1° Que le fcroisoit supplié de donner incessamment les ordres nécessaires pour l'exécution du décret du 10 août dernier, en ce qui concerne la tranquillité publique; 2° que Je Président écrive aux municipalités des pays où les troubles ont lieu, pour témoigner combien l'Assemblée nationale est affectée des désordres dont la continuation nécessiterait le pouvoir exécutif à déployer toutes les forces qui sont à sa disposition.
Le mot affectée n'est point assez fort ; il faut dire que l'Assemblée blâme et 'condamne la conduite des auteurs des insurrections.
Il me semblerait utile d'engager les curés, membres de cette Assemblée, à écrire à leurs confrères, afin que ceux-ci donnent la véritable interprétation des décrets, et en favorisent l'exécution par tous les moyens que leur offre la confiance due au ministère sacré-don t ils sont revêtus.
Le décret du 10 août porte que les municipalités veilleront à la tranquillité publique, et que, sur leur réquisition, les gardes nationales, les maréchaussées et les troupes soldées arrêteront les auteurs et complices des troubles; que les personnes arrêtées seront remises aux tribunaux de justice, et interrogées incontinent, pour leur procès être fait; mais qu'il sera sursis à l'exécution des jugements rendus contre les auteurs et instigateurs des insurrections, et copies des interrogatoires et de la procédure envoyées à l'Assemblée nationale, afin qu'elle puisse remonter à la source de ces projets contre le bien public. Je demande que le sursis à l'exécution des jugements soit étendu à toutes les personnes arrêtées pour fait d'insurrection. Les brigands arrêtent sur les chemins, dans les champs, enlèvent des chaumières isolées des paysans tranquilles, et les forcent à marcher avec eux ; ils les placent à leur tête, ils les exposent les premiers aux coups qui sont tirés. Ces malheureux peuvent être pris et jugés comme s'ils étaient coupables.
J'ai des nouvelles certaines des malheurs dont on vous a fait le tableau. Il y a dans le Rouergue, dans ie Limousin et dans ie Périgord, des gens qui se sont érigés en réparateurs des torts; ils jugent de nouveau des procès jugés depuis trente ans, et rendent des sentences qu'ils exécutent. Il faut inviter le pouvoir exécutif à user de tous les moyens qui lui sont donnés par vos décrets pour arrêter cette frénésie. C'est vraiment une frénésie ; car ceux qui vont à ces exécutions croient faire la chose la plus juste du monde. Un moyen plus sûr encore, c'est de délibérer jeudi ou veudredi, sans plus atteudre, sur le projet de décret qui vous a été présenté par. le comité féodal.
Les insurrections populaires qui vous sont dénoncées méritent d'autant plus votre attention, qu'étrangères à la classe des citoyens qu'on aurait cru opposés à la Révolution, elles ne présentent que l'effrayant commencement
d'une guerre civile. (.A ces mots, on interrompt par des murmures.) Je désire, avec tous les bons citoyeas (nouveaux murmures), qu'il soit aussi facile d'écarter ce fléau qu'aisé d'en désapprouver le nom ; mais toutes les fois que je verrai une classe de citoyens s'élever contre une autre classe, sans avoir dès injures personnelles à venger, je le dirai, avec douleur, c'est un déplorable commencement de guerre civile. Nous ne pouvons différer que sur le nom. Examinons le décret proposé.
H renferme trois moyens de pacification : recourir au pouvoir exécutif; faire écrire une lettre aux municipalités; mettre les curés à même d'éclairer les peuples sur les véritables principes de l'Assemblée nationale.
Le recours au pouvoir exécutif, dans l'état ordinaire, pourrait suffire; mais, dans l'état actuel, ce serait le compromettre inutilement que d'invoquer son appui; car quelle autorité luireste-t-il? Les grands tribunaux sont en vacances, les tribunaux ordinaires du second ordre, munis d'une force suffisante pour attaquer individuellement ies malfaiteurs, sont incapables de s'opposer à une émeute populaire : ils ne peuvent juger en dernier ressort. Les troupes soldées sont inutiles au pouvoir exécutif, depuis que vous avez sagement décrété qu'elles ne peuvent marcher contre les citoyens que sur la réquisition des officiers municipaux; les officiers municipaux, effrayés delà multitude des brigands, n'oseront pas invoquer la force armée. Les milices nationales ne sont point aux ordres du pouvoir exécutif, elles ne sont pas instituées dans les campagnes, et c'est loin des villes que les grands désordres se commettent. Ainsi le recours au pouvoir exécutif est donc démontré illusoire dans ces circonstances malheureuses; il est insuffisant, il serait compromis.
Le second moyen consiste à écrire aux provinces pour les engager à la paix, au respect dû à la propriété ; mais est-ce à des invitations que nous devons nous arrêter quand on incendie les châteaux, quand on massacre les citoyens, quand le prétexte hypocrite de la constitution tend à la renverser? Est-ce par des invitations que le Corps législatif doit traiter avec des scélérats? Non, c'est par des décrets supposés qu'on a commis des crimes, c'est par des décrets qu'il faut dire ana-thème aux brigands. Pourquoi des palliatifs, tandis que la force publique est entre nos mains? Si nous n'avons pas cette force, l'Etat est dissous.
L'influence des curés est le troisième moyen proposé. Je loue ce système de charité sacerdotale; mais, en 1775, M. Turgot usa de ce moyen : ce remède, insuffisant alors, serait insuffisant aujourd'hui. Ce n'est pas à des hommes soumis à la religion que vous avez affaire, vous n'auriez pas besoin de tous ces moyens : eb I quand celui-ci pourrait être efficace, le serait-il sur un peuple que les ennemis de la nation ont égaré? L'influence des curés serait donc absolument inutile.
Sans tribunaux, sans armée, sans maréchaussée, vous ne rétablirez donc jamais l'ordre ; plus vous mettrez de rigueur pour prévenir le crime, moins il faudra de sévérité pour le punir.
Le seul moyen est donc de déclarer coupable toute insurrection contre l'ordre public; de livrer aux tribunaux les porteurs de décrets et d'ordres supposés, et de les rendre responsables ; d'ordonner à l'armée soldée de déployer toute sa force contre les brigands attroupés, sans qu'il soit aucunement besoin de la réquisition des officiers municipaux.
(Mouvement d'indignation dans une grande partie de l'Assemblée.)
C'est dans vos propres décrets que je puise la doctrine qui parait si difficilement obtenir votre suffrage. Permettez-moi de vous rappeler aux principes : vous avez décrété la loi martiale; vous avez ordonné que jamais les troupes soldées ne pourraient marcher contre les citoyens que sur la réquisition des officiers municipaux ; vous avez ordonné des précautions pour les villes, et jamais vous n'en avez fait l'application aux campagnes. Quand vous avez voulu que le ministre de la loi ordonnât au peuple attroupé de se retirer, et qu'on ne pût user de la force des armes que sur son refus, avez-vous entendu prendre sous votre protection des armées de douze cents brigands? Pourquoi craignez-vous d'autoriser le pouvoir militaire à marcher dans les champs oû les municipalités n'existent pas encore ? Il n'est pas un commandant militaire qui ait l'imprudence d'empêcher le plus grand crime dans les campagnes... (On murmure.) Il est infiniment facile de contredire, il est plus facile encore de désapprouver ; mais si vous voulez des preuves que les municipalités n'ont pas osé se servir de leur pouvoir, bientôt il vous en viendra de quatre provinces à la fois. Qui oserait dire à un officier municipal d'aller, votre décret à la main, arrêter une armée de douze cents brigands ? Voilà cependant, si l'on s'en tient aux expressions littérales de votre loi, la formalité qui doit d'abord être remplie : on désobéit si on l'élude.
D'après ces considérations, je conclus que les moyens indiqués sont insuffisants, et je propose de décréter : 1° que tout Français qui se dira porteur de décrets de l'Assemblée ou d'ordres du roi, et qui autorisera le désordre, demeurera responsable et sera puni comme atteint et convaincu du crime de lèse-nation ; 2® qu'aucun décret ne pourra servir de prétexte pourréclamerle moindre droit, à moins que la municipalité n'en ait une connaissance authentique ; 3° que les milices nationales prêteront les secours qui leur seront demandés; 4° que les juges poursuivront en toute rigueur quiconque portera atteinte à la propriété ou à la sûreté des citoyens ; 5° que dans les provinces où les brigands circulent dans les campagnes, sans entrer dans les villes, les troupes soldées pourront marcher sans qu'il soit besoin de la réquisition des officiers civils.
Il est certain qu'il existe de très grands troubles, et qu'il faut prendre des moyens prompts et efficaces pour les faire cesser. Le préopinant a examiné ceux que propose le comité; mais j'avoue que je n'ai remarqué dans tout ce qu'il a dit qu'erreurs et que contradictions manifestes. M. l'abbé Maury prétend qu'il n'y a plus en France ni tribunaux, ni armée, ni maréchaussées ; que les milices nationales sont dans l'indépendance du roi, et il trouve ses moyens dans les tribunaux, dans l'armée, dans les milices nationales. Il vous propose dé violer un décret constitutionnel, en demandant que les troupes marchent contre les citoyens sans qu'il soit nécessaire de la réquisition des officiers civils. Il a dit que recourir au pouvoir exécutif, c'était le compromettre inutilement, et il propose d'y recourir. Moi, je crois que si l'on a jamais pu relever le pouvoir exécutif, c'est dans ce moment où trois provinces ont besoin de ses secours ; c'est dans ce moment qu'il faut montrer toute notre confiance dans sa justice, dans son zèle, dans sa force ; c'est ce moment qui est vraiment propre
à le releverfdans l'opinion. Ge parti ne produirait peut-être pas tout l'effet possible ; mais s'il peut un moment éloigner OU arrêter lés brigands, les loiB sur la féodalité, arrivant ensuite» calmeront tout, ôteront tout prétexte à l'insurrection. Par prudence, par politique» par humanité» on doit n'avoir recours qu'au pouvoir exécutif» et le charger de tous les moyens possibles pour arrêter les troubles.
LeS causes des troubles du département de Bretagne sont connhes; Les arrêtés du 4 août ont été le signal de toutes les vexations féodales; on a multiplié les exécutions
{iour lé paiement des rentes arriérées; on a exigé es corvées féodales, les assujettissements avilissants. Depuis la publication des décrété, oh a intenté quatre cents procès» au sujet des moulins Seulement; les meules des moulins à bras, moyens uniques dé subsistance du pauvre» Ont été brisées avec violence*.. On calomnie aujourd'hui les municipalités t celle de Rehnes mérite les éloges des bons citoyens et la reConhaissahce des privilégiés; elle a employé» pour défendre ceux-ci» toute lai force dont elle pouvait disposer 2 chaque individu de la garde nationale s'est disputé le plaisir d'alleir secourir les nobles attaqués. Elle a surtout usé avec sdccêB des moyens dé conciliation; les communautés contre lesquelles elle avait marché Ont exprimé le vœu de lui être réunies, soit par l'arrondissement du district, soit autrement. La désobéissance des magistrats a encore été une des causes deâ troubles; les paysans disaient i U n'y a pas de justice, nous ne serons pas punis...
Je demànde qu'on ajoute au décret que les voies dë conciliation et d'exhortation Seront d'abord employées» et qu'on ne recourrà à la force armée que dans la plus urgente nécessité. Je crois aussi convenable* pour remplir cet objet, d'insérer dans 1 adresse qui doit être rédigée» au sujet de l'union intime du roi avec l'Assemblée. quelques phrases relatives aux circonstances qui nous occupent, et que cette adresse soit lue au prône»
raconte aVëc beaucoup de Calme que, dans le bas Quercy,on a brûlé un dé ses châteaux ; lës habitants ont éteibt l'incendie, et attaqué les brigands àvéè succès. Ainsi, dit-il, les malheurs qui nous affligent ne prennent pas leur solirCe dans lës Vexation^ quë jé crois fort rares, mais dans le défaut dë force pUbliqUe, et dans la faiblesse du pouvoir exécutif.
M. Lahjuinaisa proposé d'épUiSer les voles de conciliation àvâut d'employer la forëe militaire Contre le peuple qui a brûlé lës châteaux.:*
Ge n'est pas le peuple, ce sont des brigands.
Si vous voulez, je dirai les citoyens accusés d'aVoir brûlé les châteaux...
Dites donc des brigands !
Je ne me servirai que du mot d'iiomnes, et je caractériserai assëii ces hommes eh disant le crime dont OU les accuse.
La force militaire employée contre des hommes est un crime, quand elle n'est pas absolu-
ment indispensable. Le mbyeh humain propo8^ par M. Lanjuinais est plus convenable que les propositions violentes de M. l'abbê Maury. Il ne vous est pas permis d'oublier que houfc sommes dans un moment où tous les pouvoirs sont anéantis, oû le peuple se trouve tout à coup soulagé d'une longue Oppression ; il ne vous est pas permis d'oublier que lës maux locaux doht on vous rend compte Sont tombés sur Ces hommes qu'à tort où à raison le peuplé accusé de Son Oppression et des obstacles apportés chaque jour à la liberté; n'Ohbliez pas que des hommes, égarés par le souvenir de leurs malheurs, ne sont pas des coupables endurcis, et vous conviendrez que les exhortations peuvent les ramener et les calmer.
GraignonS que cet amour de là tranquillité ne soit la sourbe d'un moyen propre à détruire la liberté ; craignons que ces désordres ne servent de prétexte pour mettre des armes terribles dans des mains qui pourraient les tourner contre là liberte ; craignons que cës armes ne soient dirigées pàr des hommés qui ne seraient pas les meilleurs amis de la RéVolUtioh. L'Assemblée, à peine dè manquer à la cause populaire qu'il est de son devoir de défendre, doit ordonner que les municipalités Useront de tous les moyens dé conciliation, d'exhortation et d'idstrhction, avant que la force militaire puisse être employée*
Plusieurs membres demandent la parole ; le rapporteur la réclame : l'ASsemblëe décide qu'il sera seul entendu: M. l'abbé Grégoire observe que cë qui concerne les curés në forme pas partie du décret.
demande la parole. —1 On remarque qu'elle ne peut plus être accordée»
On fait lecture de diverses rédactions et amendements*
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
La priorité est accordée au projet de décret du comité de rapport*
Plusieurs membres [demandent une nouvelle lecture du projet de décret.
Le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nàtionale, sur le rapport de Son Comité, décrète:
* iB Que le roi sera supplié de donner incessamment les ordres nécessaires pour l'exécution du décret du 10 août dernier, en ce qui concerne le maintien de la tranquillité publique ;
k 2° Que le Président sera chargé d'écrire aux municipalités où lës troubles ont eu lieu; pour -témoigner combien l'Assemblée est affectée des désordres dont la continuation nécessiterait le pouvoir exécutif de déployer toutes les forces qui sont à sa disposition. *
Le décret du comité des rapports ëst mis aux voix et adopté.
L'Assemblée se réunira demain à 9 heures du matin: La séance est levée*
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
Vun de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal.
prétend qu'il s'eét glissé une erréur dans lë décret du 29 jahvier detniër, relatif ad département du Quercy et il eù demandé la rectification.
, organe dti Comité de constitution, déclare qu'il d'y a pas eu d'erreur commise ét s oppose a là modification rêèlâ-mée.
consulte l'Assemblée Qui décide qu'il n'y à pas lieu à délibérer.
, au nom du comité, propose le décret suivant :
Département de Paris.
« L*Assemblée iiationalë décrété, d'après l'avis du comité de bdristitbtloni
« Que lë département de Paris est diVièé en trois districts; l'un est formé |tàr là ville dè Paris, un autre à Saint-Denis et le trol&ëiiîé à Bourg-la-Reine ; que ces deux derniers sont purement administratifs; de sorte qdë tous les établissements de judicatUrë seront fixés à Paris. »
Aux termes dé.ceux dë vôs décrets qui fixent les basés dë là représentation, chaque départëment doit avoir trois députés pour son tërritoire ; cependant oh lit dans l'instruction sur [a représentation nationale, qUe le département de Paris n'àura qu'un député pour cette bâse. ie demande qUe vos décrets soient déclarés communs au département de Paris.
Là partie dë ^instruction qui donne lieu à l'observation du préopinant n'à point été luë à l'Assemblée. Lë pômbre dës départements n'était point encore fixe, et le calcul des représëntants a l'Assemblée hationàle était resté en blânc. Je me joins, ainsi que là députation dè Paris, à la réclamation de M. Camus. Il faUt que l'Assemblée ordonné l'exécution dé son décret, ou qu'elle prononce l'exception.
L'Ile-de-France, qui n'a que l'étendue d'un département* en forme cinq j aura-t-elle, à raison de ce nombre, quinze représentants pour son territoire ? des départements réunissent déjà de trop grands avantages pour qu'on n'y regarde pas de très près quand il s agit de leur en accorder encore. Deux questions se présentent à décider : Paris n'aura-t-il qu'un seul député pour son territoire? Les eiûq départëméhts de l'Ile-de-France n'auront-ils pour la même base pas plus de représentants qu'un seul département? Il faut ajourner ces questions, afin que lë Comité nous présente Un travail à ce sujet»
J'appuie la réclamation dë M. Camus, car s'il est vrai, comme vient de le dire le préopinant) que 1e département de Paris ëst moindre eh étendue que lès autres départements du royaume; il n'en est pas moins vrai que d'autres considérations doivent décider en sa faveur. Il est juste de considérer que, dans son immense population» Paris compte, par rapport aux autres départements, un bien moindre nombre de citoyens actifs parce que, par la force des choses, Une grande partie des impositions de cette ville sera toujours une contribution indirecte qui né doit pas servir de base à la représentation. Je crois donc qu'il est équitable, en balançant les avantages et les désavantages, de ne pas faire unë exception pour le département de Paris en tenant compte pour sa représentation uniquement de son peu d'étendue territoriale.
met aux voix le décret proposé par le comité de constitution. Il est adopté sans changements
propose un second décret qui est adopté ainsi qu'il suit :
Départemeht âè là Haute-Auvergne.
« L'Assemblée uàtibMlë décrété, conformément à l'àVië du comité de éotifctitUtion, dùé leâ villages dë Saint-Christophe, LôhpiàC, Saint-Martin-Cantales, Saint-Chamans et Sàint-Prbjet, Sont du district d'Aurillac ;
« Que, ceux de Saint-Martin, Valinerousse, Dru-geac, laTille-de-Pleaux, sOnt de Cêltti dë Màuriac;
« Que l'établissèment du tribunal supérieur, s'il à lieu dans cë département, sera fixé à Au-rillac. i
, continuant son rapport, propose un troisième décret, àind conçu :
Département de la Basse-Auvergne
« L'Assemblée nationale décrète que la première assemblée de département sera tenue en la ville dë Glermont ; et que, dans le cas où il serait établi un tribunal supérieur dans ce département, il sera délibéré par les électeurs itu département s'il convient de le fixer par préférence dans la ville de Glermont; auquel cas l'administration de département serait fixée définitivement en la ville de Riom. »
demande la parole et insiste pour que la ville de Riom obtienne l'alternat avec celle de Glermont II prétend que Riom perdra huit tribunaux et qu'elle n6 pourra se soutenir, si l'alternat lui est refusé.
répond que la ville de Glermont perdra par le nouvel ordre de choses autant de tribunaux que belle de Riom ; que toutes les villes principales du royaume perdront aussi et qu'il ne convient pas de ehereher à diminuer les pertes de l'une par une augmentation des pertes de l'autre ; il fait remarquer que la convenance et les circonstances de localité désignent Glermont comme la ville du département la plus propre à recevoir l'établissement principal qui pourra être fait dans le département; que cette ville peut réclamer l'état actuel et la possession,
ayant en ce moment, outre les sièges de sénéchaussée, présidial. élection, officialité et chambre ecclésiastique, l'intendance avec tous les bureaux d'administration, l'assemblée provinciale est la seule cour souveraine de la 'province, dont le ressort comprend i l'étendue ae cinq départements.
Il termine par cette considération que toutes les villes de la province, à l'exception de deux, et presque toutes les communautés, ont exprimé par des adresses à l'Assemblée nationale leur vœu pour que l'établissement politique principal soit fixé dans la capitale qui, assure-t-il, est très patriote.
, rapporteur, fait observer que la ville de Riom aura un tribunal de district qui remplacera en partie le siège actuel de la sénéchaussée et présidial de cette ville.
réclame contre l'observation du rapporteur. Il dit que le décret rendu hier réserve à la ville d'Aigueperse l'établissement judiciaire du district lorsqu il y aura lieu de l'établir.
répond que ce décret ne statue pas et que la réserve qu'il contient n'est qu'un simple ajournement.
défend les intérêts de Riom et ajoute que l'intendance n'a passé de Riom à Clermont qu'au commencement de ce siècle et par l'effet d'une simple lettre ministérielle.
expose le vœu formé à plusieurs reprises par la ville d'Issoire, pour l'établissement d'une cour supérieure dans la ville de Clermont; il ajoute qu'Issoire réclame cette cour supérieure pour elle-même, mais seulement dans le cas où cet établissement ne serait pas fixé à Clermont.
L'honorable membre repousse l'alternat demandé par M. Malouet. Il observe qu'il ne faut
Êas s'attacher à examiner l'ancienneté des éta-lissements que les villes de Clermont et de Riom ont obtenue jusqu'à ce jour, mais les avantages que leur situation peut présenter aux administrés ; que sous ce point de vue la ville de Clermont doit obtenir la préférence ; qu'elle est dans une position plus centrale; que si la Basse-Auvergne n'obtient qu'un seul établissement, il est convenable qu'il soit placé invariablement dans la ville de Clermont; que les alternats multiplient les frais d'administration; qu'ils causent des déplacements qui sont toujours contraires au bien public et que ces inconvénients sont encore plus sensibles lorsqu'ils ont pour objet de changer une position centrale pour chercher une ville éloignée du centre. Clermont est le siège de l'administration, et si cette administration a été transportée anciennement de Riom à Clermont, c'.est pour l'avantage des administrés qui persistent à réclamer pour que les établissements principaux soient fixés dans cette capitale.
Divers membres réclament la clôture de la discussion.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
propose la question préalable sur l'amendement de M. Malouet.
L'Assemblée consultée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.
Le projet de décret du comité est ensuite mis aux voix et adopté.
propose un quatrième décret ainsi conçu :
Département est de la Provence.
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis du comité de constitution ; 1* que le département de l'est de la Provence est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont: Toulon, Grasse, Hyères, Draguignan, Brignolles, Saint-Maximin, Fré-jUs, Saint-Paul-les-Venens et Barjols; 2° que les assemblées de département alterneront entre les chefs-lieux de district, en commençant par la ville la plus affouagée et la plus imposée ; 3° et en conséquence, que la première assemblée du département se tiendra à Toulon, et ainsi de suite; 4° que les électeurs assemblés dans cette dernière ville détermineront si le directoire du département alternera, ainsi que l'assemblée d'administration, ou s'il sera fixé dans un des chefs-lieux de districts ; 5° que dans ce dernier cas, l'assemblée des électeurs désignera le chef-lieu où sera établi le directoire. »
met aux voix ce décret qui est adopté sans opposition.
, autre rapporteur du comité de constitution, demande à faire connaître les réclamations d'un grand nombre de citoyens de Saint-Jean-d 'Angély, contre la nomination du maire de cette ville.
, après avoir consulté l'Assemblée lui donne la parole.
L'élection de la municipalité de Saint-Jean-d'Angély trouble cette ville d'une manière assez grave pour que votre comité de constitution croie devoir vous demander un décret à ce sujet.
line grande partie de .la ville réclame contre l'élection du maire, auquel plusieurs reproches sont faits, et dont la nomination est attaquée de nullité. L'Assemblée ne peut prononcer définitivement qu'après s'être procuré des preuves authentiques.
Le comité propose de décréter ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, sur les discussions élevées à Saint-Jean-d'Angély, au sujet de l'élection du maire, renvoie au pouvoir exécutif, et supplie le roi de donner, après la vérification des faits, les ordres nécessaires pour une nouvelle élection. »
Ce décret n'est pas dans les principes de l'Assemblée nationale. Le roi sera juge des faits, et cependant l'article 19 de la constitution établit que le pouvoir exécutif ne peut exercer le pouvoir judiciaire.
Il ne s'agit pas d'un jugement, mais de l'application des décrets.
On prétend que l'élection du maire .est contraire aux décrets constitutionnels et cinq faits articulés semblent le prouver. Si ces faits sont vrais, l'élection est nulle. Mais l'Assemblée ne peut s'informer elle-même de ces faits ; il faut bien en charger le pouvoir exécutif.
, Suivant le projet de décret, le
roi est juge de la nullité de l'élection; il est juge de la question de savoir s'il y a lieu à une élection nouvelle, si l'on s'est écarté de vos décrets; il est donc interprète de vos décrets.—Du moment où le pouvoir exécutif sera juge des élections, il pourra les empêcher, il pourra les diriger: quelle est la ville où il ne trouvera pas le moyen d'exciter des réclamations? Le jugement de ces sortes d'affaires doit appartenir à un tribunal quelconque. Vous désignerez probablement les districts ou les départements; mais comme ils ne sont point encore établis, c'est vous, c'est vous seuls qui avez le droit d'interpréter vos décrets. 11 faut donc, dans les circonstances présentes, que l'Assemblée se réserve de statuer, après avoir fait prendre les renseignements nécessaires par le pouvoir exécutif. Cependant, comme cette affaire est très délicate et très importante, j'en demande l'ajournement à une séance du soir.
, député de Saint-Jean-d'Angély. Je ne connais pas les détails de cet événement; s'il y a quelques coupables, ils sont mes compatriotes, et mon cœur en gémira ; mais je demande que la vérité soit constatée et la justice rendue. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur la question de savoir si elle peut juger ou renvoyer au pouvoir exécutif.
Le pouvoir de juger les élections ne peut jamais appartenir au pouvoir exécutif, autrement il jugerait des éléments du pouvoir législatif. Les élections ne pourront être jugées que par les assemblées adml-. nistratives; mais aujourd'hui que nous n'avons pas distribué tous les pouvoirs, quel que soit le parti ultérieur que vous puissiez prendre, il est certain que le pouvoir de juger les élections vous appartient et n'appartient qu'à vous. Je ne vois pas de quelle espèce de prétexte on pourrait colorer le renvoi du jugement d'une élection au pouvoir exécutif.
Il est certain que n'ayant pas départi les pouvoirs, c'est à nous à juger; dès lors c'est à nous à nous procurer les renseignements nécessaires pour connaître sûrement les faits; celui qui a la connaissance du droit doit avoir celle du fait; mais nommerons-nous un commissaire? Ce parti offrirait de grands inconvénients. Il vaut mieux déléguer la municipalité la plus voisine, et charger ae dresser un procès-verbal des faits....
Je demande l'ajournement, afin que le comité! de constitution puisse préparer uni travail sur la partie importante du jugement des élections.
La nomination d'une commission est inconstitutionnelle : le délégué véritable de l'Assemblée nationale et de la nation, c'est le roi ; son seul commissaire, c'est le pouvoir exécutif. Je conclus en adoptant le projet du comité de constitution.
Le principe dé M. de Mirabeau est juste; mais ce qui n est pas exact, c'est qu'il faille décréter le plus tôt possible. Je pense qu'on doit renvoyer à l'assemblée de département, quand elle subsistera.
Vous n'avez pas encore de décret sur le jugement des élections ; vous n'avez pas d'assemblée ni de tribunal pour l'exécution de
vos décrets. Cependant il faut mettre fin à des dissensions qui d'un moment à l'autre peuvent ensanglanter la ville de Saint-Jean-d'Angély. Ne pouvant déléguer personne,ni vous confier au pouvoir exécutif, vous devez vous borner à suivre une marche que vous avez déjà prise au sujet de la municipalité de Ris. Ordonnez une nouvelle élection.
Le décret rendu pour la municipalité de Ris n'est point applicable à la circonstance ; s'il s'agissait, non d'une élection nulle, mais de deux municipalités élues en même temps dans le même lieu. Par qui les informations seront-elles faites? par qui le fait sera-t-il jugé? Vous avez le droit de juger ; vous avez dès lors celui d'instruire; si vous avez le droit d'instruire, vous avez celui de nommer dès commissaires ; si vous pouvez les nommer, vous pouvez les choisir; c'est sur la mu nicipalité la plus voisine que doit tomber votre choix.
La municipalité de la Rochelle vient d'être organisée d'une manière qui a satisfait tous les citoyens, et qui la rend digne de la confiance de l'Assemblée.
On ferme la discussion.
Le décret suivant est adopté à une grande majorité.
« L'Assemblée nationale décrète qu'elle fixera incessamment les règles constitutionnelles pour le jugement des élections, et par provision le maire de la ville delà Rochelle, assisté de deux de ses officiers municipaux, se transporteront à Saint-Jean-d'Angély, y prendront des informations sur les faits allégués contre la validité de l'élection des officiers municipaux de Saint-Jean-d'Angély; qu'ils en dresseront un procès-verbal, et renverront à l'Assemblée nationale pour être par elle statué ce qu'au cas appartiendra: et sera le présent décret présenté au roi pour être sanctionné, et adressé, sans délai, aux officiers municipaux de la Rochelle.
fait part d'une lettre de M. Dupac de Badens qui, absent [par congé, marque que ie mauvais état de sa santé le force de donner sa démission et de prier l'Assemblée d'agréer à sa place M. le comte ae Rochegude,son suppléant.
La démission dé M. le marquis Dupac de Badens est acceptée et M. le comte de Rochegude est admis à le remplacer.
M. l'abbé Rollin, député de Montreuil-sur-Mer, demande un congé de 15 jours.
Le congé est accordé.
annonce que le tribunal de l'amirauté de la ville de Paris demande à être introduit à la barre pour prêter le serment civique.
L'Assemblée décide que ce tribunal sera reçu à la séance de demain soir.
, évêque d'Autun, lit, au nom du comité de constitution, un projet d'adresse aux provinces.
Cette adresse reçoit de grands applaudissements; elle sera discutée demain.
lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; il ne s'élève pas de réclamation.
J'ai reçu la lettre suivante, dont je donne communication à l'Assemblée :
« Je vous supplie instamment de vouloir bien prévenir l'Assemblée que madame Mouret, descendante du côté maternel de l'inimitable Lafan* taine,désirerait présenter un ouvrage très impor* tant pour le bien public (Traité d'éducation., particulièrement destiné aux filles). J'ai, l'honneur de connaître cette dame, à laquelle tout bon citoyen s'intéressera vivement, dès qu'il saura combien ses vues sont louables, et dignes de l'attention de l'Assemblée.
« J'ai l'honneur d'être aveo respect, Monsieur le Président, votre, etc.
« Signé Delcour. »
annonce que, M. Gossin se trouvant indisposé, il n'y aura pas aujourd'hui de rapport sur la division des départements du royaume,
fait une motion pour restituer aux descendants des protestants, les biens oonfisqués en exécution de la révocation de l'édit de Nantes, qui sont encore entre les mains de l'administration.
L'orateur s'exprime en ces termes :
Serait-il possible, Messieurs, que dans un temps de tumulte et d'erreur et sous l'appât de conserver peut-être un millipn de revenu dont la perception faisait aux yeux de l'Europe Popprobre de notrç ancien gouvernement, vous voulussiez risquer de réduire au désespoir une foule de citoyens dont vous êtes la plus chère espérance, et dont vous pourriez d'autant moins faire punir les excès qu'ils seraient lq suite d'un oul?li ou d'une négligence qu'ils n'ont pas lieu d'attendre des représentants de la nation française 9
Vous avez décrété, Messieurs, qué les juifs seraient électeurs et éligibles dans vos assemblées politiques, s'ils con tribuaien taux charges annuelles de l'Etat pour une somme que vous avez fixée dans votre sagesse ; vous avez proposé le même décret pour les Français qui font profession de la religion protestante: Jusques-là tout est égal entre iè mir et le Français ; mais, celui-ci, Mes-sièurs, n a-t-il pas droit de réçlamér de vous une faveur de plus, surtout lorsque eette faveur n'est dans le fond qu'un acte de justiee rigoureuse t
Il existe daps, plusieurs de nos proyinçes un grand nombre de protestants chassés de leurs
propriétés lors et depuis la révocation de l'édit de Nantes. Avec des sacrifices, les riches
ont obtenu avee le temps la restitution de leurs biens ; mais dénués de ce moyen, les
pauvres, ceux que le besoin nous indique coname les plus intéressants, errent autour ae leurs
foyers et les moins
Soutfrirez-vous plus longtemps, Messieurs, que le respect dû aux propriétés, le respect que vous avez si solennellement établi par votre déclaration des droits de l'homme, soit violé par la fiscalité? que l'on repousse de leurs tristes foyers une foule de oitoVens infortunés qui sont nos frères ? Français et libres, verrez-vous sans horreur le bras despotique de Louis XIV mort peser encore de nos jours sur la postérité de ceux que son fanatisme poursuivait en 1682 ?
Les persécutions que l'on connaît sous le nom de dragonnades, les pillages, les enlèvements multipliés pour fait de religion, la fuite, l'exil et souvent le dernier supplice infligé aux ministres. auront sans doute privé plusieurs de ces malheureuses familles de la facilité de justifier rigoureusement de leur descendance aux yeux de la loi ; et si vous ne venez fraternellement à leur secours, Messieurs, l'effet de leur infortune passée serait de les dévouer pour toujours au malheur. J'ose donc me flatter d'avoir lu dans vos cœurs en vous proposant le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que tout Fran* çais dont la famille aura été dépouillée de sa propriété' en vertu de la révocation de l'édit de Naptes, et dont les possessions se trouvent encore actuellement entre les mains des fermiers de la régie des biens des religionnaires, y sera réintégré sans délai, à la charge par lui de justifier, soit par actes, rôles des impositions anciennes, enquête de publique renommée, ou, enfin, par certificat des officiers municipaux des lieux où se trouvent situées les propriétés, qu'il est le descendant et l'héritier direct des biens dont s'agit ; décrète, au surplus, que cette preuve sera faite sans frais par devant le juge royal le plus prochain, qui, sur la preuve acquise, sera autorisé à prononcer définitivement l'envoi en possession des biens réclamés ».
, député d'Aix, propose aussi sur la même matière le décret suivant :
# 1/Assemblée nationale décrète que, lorsqu'elle prendra connaissance delà caisse.des économats et de toute autre où les revenus des biens des religionnaires auront été versés, elle aura soin d'en distraire les deniers qu'elle y trouvera, pour les rendre, après la publication qu'elle en ordonnera, à leurs véritables propriétaires qui se présentèrent munis de titre? validés et non suspects.
« Elle décrète, de plus, que les biens immeubles libres des religionnaires expatriés ou rentrés dans le royaume, leur seront restitués, ou à leurs légitimes héritiers et descendants ; s'il ne s'en présente aucun, ils seront vendus publiquement et aux enchères, et leur produit employé à des objets d'utilité publique.
« L'Assemblée nationale entend néanmoins, et décrète que les tiers acquéraurà, acheteurs de bonne foi des biens aliénés des religionnaires, ne seront point troublés dans la possession, sauf aux légitimes héritiers ou descendants des religionnaires, de répéter le prix desdits biens vendus contre les particuliers qui l'auraient exigé, ou qui le détiendraient,ou qui posséderaient ces biens sans titre .»
observe que le comité des domaines s'est déjà occupé, il y a deux mois,
de ce grand acte de justice et qu'il sera prêt incessamment à faire un rapport sur cet objet.
consulte l'assemblée qui ajourne les deux motions et les renvoie au comité des domaines.
, au nom du comité de constitution, dit :
Il s'est, dans quelques villes, élevé des troubles sur la fixation du prix de la journée de travail et sur le choix des officiers qui doivent être chargés de cette détermination. À Soissons, les citoyens se sont assemblés par quartier pour procéder eux-mêmes à cette fixation; vos décrets, avaient cependant prévu toutes les difficultés : par celui du 15 janvier, vous avez fixé le maximum au prix des journées à 20 sous ; et par celui du 2 du présent mois, vous avez confié l'exécution des formalités à suivre pour les élections aux comités librement élus, aux municipalités où il n'y a point de comités établis, et aux uns et aux autres dans les lieux où ils administrent conjointement. M. Target présente un projet de décret.
, propose par amendement que le décret, en «statuant sur les lieux où il n'y a ni municipalité ni comité librement élu, attribue dans ces; lieux la fixation de la journée de travail aux syndics el aux collecteurs.
Cet amendement est adopté et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale déclare, en conformité de l'article 4 du décret du 2 du présent mois, que la détermination de la valeur locale de la journée de travail d'après laquelle-doit se former la liste des citoyens actifs, a dû et doit être faite définitivement dans les lieux où les anciens officiers municipaux sont, restés en possession des fonctions municipales, par ces officiers conjointement avec les comités librement é'us, et partout ailleurs par les seuls comités librement élus, sans que qui que ce soit puisse élever aucune réclamation contre cette détermination, pourvu néanmoins qu'aux termes du décret du 15 janvier dernier, elle n'excède pas vingt sols pour chaque journée de travail.
« A l'égard des communautés où il n'y a point d'officiers municipaux ni de comités, l'évaluation de la journée de travail sera faite par les syndics, collecteurs, consuls, trésoriers, ou autres faisant les fonctions municipales, sous quelque dénomination çue go soit, sans que du présent décret, l'on puisse induire qu'il y ait lieu de recommencer aucune des élections qui se trouveront faites.
« Et sera le présent décret porté dans le jour à l'acceptation du roi, pour être incessamment adressé aux tribunaux, corps administratifs et municipalités. »
Les faubourgs de la ville de Noyon prétendent former une municipalité séparée : celte prétention, contraire à vos décrets, donne lieu à beaucoup d'agitation.
Je demande qu'en conformité des précédents décrets, l'Assemblée ordonne que la ville et les faubourgs de Noyon ne feront qu'une seule et même municipalité.
M. l'abbé Gibert propose ensuite un décret qui adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète que les habitants des faubourgs de la ville de Noyon, tels que
Landrimont, le Goisel, Aplincourt, Tarlefesse et autres, continueront de s'assembler avec ceux dé ladite ville, et ne formeront comme par le passé, qu'une seule municipalité ; et que ce décret sera porté dans le jour à l'acceptation royale, et adressé sur-le-cnamp aux municipalités, »
fait une autre motion relative aux assemblées représentatives en généralqui est adoptée immédiatement, en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète que toutes les délibérations des assemblées représentatives, municipales et administratives, seront rédigées et signées, assemblées ou conseils tenants, et contiendront les noms de tous les délibérants. »
On a déposé au comité des recherches beaucoup d'effets qui appartiennent au régiment de Nassau, et dans lesquels il se trouve des lettres de change échues en valeur de plus de 10,000 livres. Un officier de ce régiment est porteur d'une procuration pour réclamer ces effets. Comme,'en les recevant, nous avons donné la décharge du comité, nous croyons devoir demander à l'Assemblée si elle veut nous autoriser à les remettre.
Cette autorisation est donnée.
L'Assemblée passe à la discussion, du rapport présenté par M. Treilhard, le 17 décembre 1789 sur les ordres religieux du royaume (voyea Ce document au tome X. des Archives parlementaires, lre série page 624).
fait une nouvelle lecture du rapport et du projet de décret.
M. de La Coste demande la parole et mon te h la tribune,
, après avoir examiné les principes généraux sur lesquels la destruction des monastères est fondée, demande une exception honorable pour les ordres religieux consacrés au service des pauvres et à celui des malades, et pour la congrégation de l'Oratoire, qui a le mérite très approprié aux circonstances de ne pas exiger des v$ux, et d'offrir ainsi le tableau mobile de l'utilité et de la liberté. Il faut aussi conserver quelques Chartreuses, Sept-Fonds et la Trappe. Ces établissements doivent être assez nombreux pour la fervente dévotion qui trouve j des charmes dans la solitude, mais en assez petit nombre pour ne pas favoriser- la paresse,
M. de La Qoste examine ensuite quelques articles du décret ; il trouve le traitement trop peu i proportionné aux avantages dont jouissaient I plusieurs maisons, et il divise en deux classes les moines qui quitteront le cloître ; la première comprend les monastères qui subsistent sans secours étrangers; la seconde ceux qui vivent d'aumônes. Il accorde aux individus de la première, 1,000 livres, 1,200 livres, 1,500 livres, suivant l'âge ; à la seconde, 700 livres, 850 livres et 1,000 livres, et aux généraux d'ordre résidant en France, 12,000 livres. L'article 15 lui parait inadmissible, parce que les réparations plus ou moins considérables, plus ou moins dispendieuses, suivant les lieux, mettraient trop d'irrégularité dans le sort des diverses maisons.
demande que la discussion du décret se fasse article par article, et non en masse.
Il y a dans ce décret deux par-
ties distinctes : l'une pour supprimer les ordres religieux; l'autre pour statuer sur le sort des moines actuellement existants. Cette dernière partie ne peut être examinée que quand vous connaîtrez les ressources et les moyens que leurs biens peuvent vous offrir. 11 faut borner la discussion à la première.
J'adopte cette opinion ; mais je vais plus loin : je crois que la discussion ainsi réduite est encore déplacée. Songeons aux finances : c'est de notre travail sur cet objet que dépend la tranquillité publique, le retour de l'ordre et du crédit ; songeons que ce travail est le plus important de nos devoirs, et ajournons toute autre discussion.
(de Nemours). En abolissant les ordres monastiques, on fait une opération excellente et pressante pour l'bumanité et pour les finances.
Nous avons pris des engagements; il est impossible que la caisse d'escompte remplisse les siens si nous ne remplissons les nôtres ; et les moyens de les remplir tiennent à l'opération qui nous occupe.
La marche à suivre pour la discussion donne lieu à quelques débats tumultueux.
renouvelle sa proposition.
Un autre membre demande que cette séance soit destinée à discuter le décret en général. — — L'Assemblée ne décide rien, et la discussion continue.
Les pensions proposées sont in-suflisantes ; le comité les fixe à 700 livres pour les religieux qui seront sécularisés, et à 800 livres pour ceux qui resteront dans la vie claustrale : cette disposition est inconséquente ; les derniers ont un logement; il en coûte moins cher pour subsister à des individus réunis : il faudrait, sous ces deux rapports, augmenter le traitement des religieux qui quitteront le cloître. Vous donnez 1,200 livres aux curés; pourquoi donner moins à des êtres qui auront les mêmes besoins? Quand vous vous occuperez des évêques, peut-être irez-vous jusqu'à leur accorder 12,000 livres de traitement ; la pension que je demande pour un religieux n'est que le douzième de cette somme.
M. Legrand remonte à l'établissement de la religion dans les temps du paganisme ; il cherche la source des moines dans les déserts de la Thé-baïde, pour prouver que leur destruction doit être entière, et propose de décréter que tous les corps religieux seront éteints ; que tous ceux actuellement existants se verseront dans les différentes maisons, au nombre de vingt-cinq dans chacune; que le comité se procurera des renseignements sur les maisons à conserver, et connaîtra le nombre total des religieux et le nombre des bénéfices attachés aux monastères.
, e'vêque de Clermont (1). Messieurs, j'ai promis et j'ai juré de remplir avec fidélité ce
que mes commettants ont cru devoir me prescrire, lorsqu'ils m'ont attribué ie droit honorable
de siéger dans l'Assemblée de la nation. Je n'ai pas été assez téméraire pour me sou-
L'article 5 de mes cahiers, Messieurs, porte littéralement ce qui suit :
« Les ordres religieux des deux sexes, pouvant être, de tant de manières, utiles à l'Eglise et à l'Etat, et contribuer encore efficacement, comme ils l'ont fait, à la gloire et àla prospérité de l'un et de l'autre, nos députés invoqueront la puissante protection des Etats-Généraux, non-seulement pour que ces ordres ne soient pas supprimés, mais pour qu'ils reprennent leur ancienne splendeur, et que, sans délai, il soit assuré à leur état, que les idées irréligieuses du siècle ont rendu flottant et incertain, une stabilité décidée, qui attire des sujets à leurs maisons. Ils combineront, avec les autres députés, les moyens les plus propres de rendre la considération à ces corps respectables, que l'irréligion voudrait plonger dans l'avilissement, et les voies les plus sûres, tant civiles que canoniques, de rétaolir parmi eux la discipline monastique et de les faire vivre, en leurs cloîtres dans la subordination et la conformité à leurs saintes règles. »
D'après une injonction aussi précise et aussi formelle, comment aurais-je pu adopter, Messieurs, l'ensemble des délibérations de votre comité? Comment pourrais-je me dispenser de faire ici tous mes efforts pour combattre quelques articles du rapport qu'il vous a fait? Il faut tout le poids du devoir pour que je m'y détermine; mes égards et ma déférence pour mes respectables collègues du comité me réduiraient au silence, si je ne sentais vivement ce que me prescrit ma conscience.
Aussi éloigné de l'excès qui fait outrer les principes que delà lâcheté ou de la prévarication qui les font abandonner, j'avouerai, avec amertume, que quelques ordres religieux ont dégénéré, de la manière la plus déplorable, de leur ancienne régularité et de leur ferveur ; je conviendrai que, dans tous, il se trouve probablement des sujets inquiets et impatients de secouer le joug de la discipline monastique ; mais aussi je me permettrai de dire qu'il faut attribuer, en grande partie, ces malheurs à la détestable manie du changement, qui de nos jours a relâché, dans les monastères, tous les liens de la subordination, favorisé toutes les insurrections, fomenté tous les abus et protégé l'anarchie.
Sans doute que les établissements humains, quelque respectable que soit leur origine, quelque sainte que soit leur fin, portent en eux-mêmes le germe de leur corruption, puisqu'ils sont composés d'hommes. Personne ne peut méconnaître cette triste vérité, mais la sagesse en tire cette conséquence unique : qu'il faut que le gouvernement civil protège l'autorité des supérieurs réguliers ; qu'il faut que les législateurs travaillent a resserrer les liens trop détendus de l'autorité des chefs des différents corps qui la composent : qu'il faut enfin qu'en se réservant le droit qui lui appartient incontestablement de punir les supérieurs qui auront abusé, ils fassent sentir aux sujets dyscoles le poids de leur improbation et de leur courroux.
Le comité, pressé par un sentiment d'humanité, vous propose de permettre aux religieux, fatigués de leur état, la sortie du cloître; de les autoriser
à vivre dans le siècle avec l'habit ecclésiastique sous la juridiction des évêques, sauf leur recours à l'autorité ecclésiastique, en ce qui concerne le lien spirituel.
Sur cette permission, Messieurs, j'ai des observations à faire qui nie paraissent tenir à des principes essentiels.
Que l'autorité souveraine puisse, par des considérations supérieures, déclarer qu'elle désire condescendre à la faiblesse des religieux qui gémissent sur leur destinée, se relâcher à leur égard de l'empire de. la loi civile qui les concentre dans leur cloître; favoriser même le succès de leur recours à la puissance spirituelle ; je ne le conteste pas : il peut entrer dans cette conduite des motifs d'une sage piété, faits pour déterminer l'unanimité des suffrages; mais ce que je ne crois pas légitime dans l'usage de cette autorité, c'est qu'elle rompe seule des barrières qu'elle seule n'a pas placées ; c'est que,sans le concours de l'Eglise, elle accorde la liberté à des hommes qui se sont librement engagés, sous le sceau de la religion, à vivre et mourir dans le cloître, et qu'elle a promis d'y contenir dans tous les termes de leur engagement; c'est qu'elle leur permette de quitter les livrées aeleur état, et de s'éloigner de la pratique de leur règle, avant que la puissance, qui seule, dans l'ordre spirituel, a le pouvoir de lier et de délier suri t terre, ait prononcé.
Je suisijj i vaincu que je me rendrais coupable si je coopérais à une telle décision, et que je manquerais à ce que je me dois à moi-même, commeà ce que je dois à l'Eglise, si je ne manifestais mon opinion sur cet objet.
Je dis donc que les religieux qui profiteraient de lali berté que vous leur donneriez de quitter leur maison avant d'y avoir été autorisés par la puissance spirituelle, manqueraient à leurs engagements, et que le décret qui le leur permettrait serait pour eux à la fois une tentation et un moyen 'apostasie, dont nous resterions responsables; si le poids de l'autorité les y contraignait, ils seraient sans doute exempts de blâme; avec la liberté ssule, ils se rendraient coupables, s'ils en profiaient, sans être dégagés, par l'Eglise, des promesses qu'ils ont faites.
Votre comité, Messieurs, en paraissant conserver les ordres religieux, vous invite néanmoins équivalernment à les détruire : il croit voir dans la solennité des vœux une chaîne cruelle, et il met sous vos yeux un projet plus conforme aux idées du siècle.) : .
Sans doute que, si l'on perd de vue les vérités de la religion, et qu'on ne considère que les forces naturelles de l'homme, le joug de la discipline monastique doit paraître odieux; et â qui celui de l'évangile pourrait-il même ne pas se montrer comme insupportable?
Qu'il me soit permis d'observer que la même religion, qui a consacré la pratique des vœux, nous apprend que le ciel a des ressources incomparables pour aider la faiblesse humaine, et qu'en acceptant les engagements pris pour lui plaire, et d'après les impulsions, il promet toujours les secours nécessaires pour les remplir. Ge n'est point ici, Messieurs, le langage de l'ascétisme, c'est celui de la foi.
Les vœux solennels, d'après votre comité, doivent être interdits à l'avenir. Je sais que tout gouvernement a le droit de ne plus protéger des engagements de ce genre; de ne plus reconnaître comme morts à la société ceux qui en contracteront; de ne plus attribuer aux vœux les effets civils qu'ils ont. jîus^jusqu'ici. Mais,. Messieurs,
oserai-je vous représenter, avec toute la déférence que je vous dois, et toute la confiance que m'inspire le mérite de la cause que je soutiens, qu'en faisant un pareil exercice de votre autorité, vous ôtez à l'Eglise un de ses ornements, à la religion un appui, aux citoyens une ressource précieuse ; je vais plus loin : vous enlevez à l'évangile le triomphe le plus intéressant, celui de la pratique solennelle et constante des conseils qu'il donne; celui de fixer la légèreté des hommes appelés par l'Esprit-Saint à une vie plus parfaite, et vous renoncez à une des plus glorieuses prérogatives des législateurs, qui sont les dieux de la terre : celle d'être les garants des engagements contractés avec le Dieu du ciel.
Si l'on envisageait les vœux comme une tyrannie, ce serait impiété ; si on les regardait comme impraticables, ce serait hérésie; si on les anéantissait comme contraires aux droits de l'homme, ce serait une contradiction, parce que le plus grand, comme le plus bel usage que l'on puisse faire de sa liberté, c'est de choisir le genre de vie qui plaît le plus ; c'est d'en faire le sacrifice volontaire à l'auteur de son être, et jamais la plus subtile philosophie ne parviendra à me persuader que l'on soit véritablement libre, quand on n'a pas même le droit de se faire esclave de celui à qui l'on doit tout.
Si vous ne considérez, Messieurs, que les abus des cloîtres, et que ce soit là le motif de la destruction qui se prépare, à quelles extrémités ne conduirait pas le principe qui vous déterminerait? Eh! quoi, faut-il donc détruire tous les établissements où l'on voit des abus? Hélas 1 aucun établissement humain ne survivrait dès lors à vos décrets.
Non, Messieurs, ce n'est pas un pareil principe qui dirigera la conduite des législateurs de la nation française ; ils adopteront une autre marche bien plus digne de leur sagesse; ils se diront que l'on ne doit pas abattre un arbre qui a porté, qui porte encore et peut porter longtemps d'excellents fruits, parce que quelques branches en sont desséchées; ils ne feront pas à leur siècle l'injure d'adopter un système de destruction, système qui annonce toujours la disette de moyen, de préférence à celui d'une réforme salutaire et bien combinée, qui est le fruit du génie.
Votre comité, en réduisant, pour l'avenir, les religieux à des vœux simples, sur lesquels nul gouvernement humain ne peut avoir d'influence ni d'action, ne veut accorder encore qu'aux établissements qui se rendront utiles à la société, par le soin des malades,l'éducation publique ou la culture des lettres, de se perpétuer, en recevant des novices. J'avoue qu'un décret, qui semblerait proscrire toute société d'hommes consacrés à la prière et à la pratique sublime des conseils évangéliques, me paraîtrait bien contraire aux principes de notre religion, comme si, d'après le cri d'une philosophie autichrétienne, l'on était véritablement inutile, quand on se consume en vœux et en supplications pour la prospérité de l'Etat, et pour attirer sur ceux qui le gouvernent les grâces du ciel; comme si, en imitant la vie cachée du rédempteur des hommes, et s'unissant à lui, pour obtenir, par lui, tout ce qui est utile à la République, on ne remplissait pas sa tâche de la manière la plus intéressante, pour le bien public; comme si, en se rendant digne des complaisances du ciel, on devait être en horreur aux habitants de la terre. :
Je blâmerai, sans doute, et je détesterai tou-1 jours, autant et plus qu'nn autre., l'inertie. £éelle
des religieux qui s'y livreraient; mais je n'appellerai jamais inertie, ni oisiveté, l'habitude édifiante et sainte delà méditation et de la prière; je regarderai même, à travers tous les préjugés du siècle et tous les sarcasmes* qu'uhe pareillé opinion peut attirer» ce genre dé'vie* comme le plus propre à procurer le vrai bien de l'Etat, parce qu'il faut du renoncer à la foi catholique, ou reconnaître la vertu et' l'efficacité deè prières pour le bien publie t c'est un des àrtiolës de notre croyance../
Enfin* Messieurs, j'ai pensé qu'on pouvait se prêter à la sortie des religieux qui gémissent sous le joug de la discipline monastique; mais uniquement par le motif de conserver et de perpétuer;, dans la plus grande régularité* les ordres religieux, en détruisant le plus grand des obstacles à cette heureuse régénération; c'est-à-dire en étant le funeste levain de corruption que les sujets sanS principes y perpétueraient : mais je l'ai déjà dit, ^je ne croirai jamais qu'il Soit permis de lefe autoriser à cette démarche que de concert avec, la puissance spirituelle:
Je sais, Messieurs, que l'on m'a imputé Un avis doht j'ai toujours été très éloigné, et j'ai un grand ititérêt à rétablir, e!n ma faveur y line opinion tout à fait opposée à celle qu'on a essayé dé répandre sur ma façon de penser.
L'on a dit que j'avais manifésté le désir de vdir les fidèles et respectables religieux qui; resteraient dans leur état, réduits à la médiocre dotation qui Vous a été proposée*. Je déclare, Messieurs* que j'ai pensé, au contraire, que je pensé ehGore et penserai toujours; qiie le eofet qu'on Vods a proposé de fixer pour eux est absolument insuffisant ; qu'il doit répugner à votre cœur, ainsi qu'à votré justice* de traiter ainsi au moins ceux qui ont des droits plus particuliers àuxbiensdOnt vous avez déclaré avoir la disposition Je dis que l'dn ne doit à ceux qui sortiront de lèurs cloîtres que la subsistance la,plus étroite; et qu'il est du plus grand intéfêt de les forcer à chereher les moyens de Se rendre utiles* parce que c'est le seul de les rendre bohri» Je dis due la fixation de huit cents livres me paraît absolument insuffisante pour les premiers; je ne me permets pas de prononcer sur le sort dès autres. Je dis qUé l'en doit considérer* d'une manière particulière, llàgé, les infirmités et le genre de travaux dans toutes les sociétés qui seront conservées, et toujours supposer qu'il y aura des besoins plus pressants, sous ces différents rapports. Je dis enfin qu'il faut de quoi fournir* avec détente* au culte, et qu'il est impossible qu'avec la somme détérminée* l'on puisse remplir cet objet.
Je conclus donc, Messieurs, et voici le décret que je propose.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
1° Qu'il n'y aura aucun ordre religieux de supprimé; à moins qù'il ne s'en trouve qui soient tellemènt réduits par le nombre* qu'ils ne puissent plus former une conventualité régulière ; mais que, dàhs la Vue de rendre à ces corps la considération et le respect dont ils sont si dignes par leur institutidn et par leur objet, ainsi que par les vèrtus d'un grand nombre dë leurs membres* il teera permis à tous ceux qui éprouvent dans ce Saint état un dégoût qu'ils ne croient pas potivoir surmonter, et qui nuirait essentiellement à la tranquillité, à la Régularité et au bonheur des autres, de le quitter ; mais seulement aux conditions qui seront énoncées dans les articles suivants.
2° Les religieux qui voudront quitter leur clol-
tre, seront tenus de déclarer leur defcseifl par flëJ vant les officiers municipaùx où lès juges des lieux où se trouvent situés leurs monastères, ou ! de la ville la plus voisine; mais ils ne pourront profiter dé la permission qu'après y avoir été autorisés par la puissancë spirituelle, et l'Assemblée | nationale les protégera à cet effet. I
Outré cequiest prescrit pari 'article ci-fleSsus, lesdits religiéuit feront idscrire leurs noms et ' surnoms, et exhibèrent leurs lettres d'ordre s'ils y ont été promus, au secrétariat des êvêçhés, dés ! diocèses où ils voudront se retirer, et Ils déclareront dans quelle paroisse ils> se proposent de résider; (&s eenditions remplies* ils pbtirfdflt y vivre en habit ecclésiastique Séculier, sous la juridiction des évêques, et ils seront soumis à la discipline du diocèse.
4° Ils pourront être employés dans les fonctiohs ; du ministère ecclésiastique^ même ën qualité de vicaires* lorsqu'ils en seront jugés dlgftes et capables, et ils seront de plus sUsceptiblës dë'bénéfices séculiers*, avec ou sàns charge d'âmesi; - 5°'11 leur Sera fixé unë pension Convenable pour fournir à.lëurs Besoins» dès qu'il aura été possible de combiner les moyens doht l'Assemblée natioi nale aura la disposition: Dads le Cas où ils seront | employés comme vicaires, ils la conserveront en entier ;.qUand ils seront pourvus d'un bénëfiCe-cure, ou d'un autre dont le revenu ne surpassërà pâr 1*200 livreë{ ils en conserveront la moitié.
6° Les religieux fidèles à leur vocation* qui voudront continuer de vivre sous leur réglé» se-; ront sous la protectidfi spéciale;.de la nation* et i ils auront toute liberté de remplir les devoirs auxquels ils se sont voués.
m Les communautés de différents ordres qui subsisteront/ seront au moins composées de ; quinze religieux* sans y comprendre le supérieur^ et elles continueront à lêtrè goUrvernêes par le régime qui leur est respectivement propre et particulier; elles auront des maisons de noviciat, comme pfer le passé, et il Sera permis d'y prononcer dës vœux solënneié) qui auront les mêmes effets qu'ils ônt eus jusqu'ici; après les épreuves ; prescrites.
8* La mendicité sera interdite à tous les religieux, set il sera pourvu à la dotation convenable des monastères qui y ont été assujettis jusqu'à celourj
9° Quant aux mbnfcstêres qui ont des revenus/1 il sera pris des moyens pour que ehaoune des maisons qui subsisteront soit dotée de manière à ce qu'il y règne unè honnête aisance; et. pour cet effet, on prendra sur celles qui auront du superflu pour donner le Suffisant aux autres, et tant pour celles-ci que pour celles mentionnées en l'article 7 ci-dessus, oh observera que : chacune ait de quoi remplir^ avec décence et dignité, ce qui a rapport aU culte divin;
Divers membres demandent l'impression du discours de M. de Bonnal.
D'autres membres s'opposent à l'impression.
L'Assemblée ne devrait ordonner l'impression que des rapports de ses comités^
L'impression demandée, ne la fUinera pas.
11 ne s'agit pas de savoir si l'Assemblée se ruinera, mais tout
au pitié fle fUlnëf rifeprtttièuf: Jë dëfflttttde à la côhSclëttëe dë M. l'ëVèquë dë Glernidttt é'11 èrdlt son diSftJUrs fe^se^ botl polir qU'il lë fasëè IfH-priifier aux frais de M. BàUdoUih?
L'ASsëniblée consultée décide qU'il rit'y à pas lieu à délibérer sur la defnatide ëti impression.
Je dois suspendre la délibération pour donner communication à l'Assemblée de la lettre suivante de M. le garde des sceaux : M. le garde des Sceaux transmet à M: lë président de l'Assemblée nationale la edpie du Conclusum pris par les députés au cercle du Haut-Rhin, assemblés à Francfort* et qui a été adressé à M.- le cdmte de Montmorin. M. le garde des sceaux y joint copie de la lettre que ce ministre lui a écrite ; il prie M; le Président de vouloir bien eu donner connaissance à l'Assemblée nationales
Siijrië ! CÉÀMpioN DË GlÊÊi « f Aïth. de Bordedtifb.
« Parid, tè
, f un de MM. les secrétaires donne lecture du Conclusum dont voici la traduction s
f il èSt notôire que l'ÀsSëmblëë îiâtibttttle dii royaume de France, par les arrêtés du 4 août jusqu'au 11 àoût ët du S UdVedibfe de l'année dér-niérë, a décrété indistinctement *
» l1» Qtië tfftis les drdits et dëtoirs, prestations përsoûBëlles ët réëlles,- ët touS lës cëns provenant de la féodalité sont abolis sans radèmttité;
t 2® Que toutes leS justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité;
V 3° Quë léS dîtheà dë toutë nature et redëVàUCeë qui èrt tieflriëht liëù, po&sétfêeS për léS corps ôé^ culiers et réguliers; rttêdië par leè bènéfleiers, sont aboiiëS ;
t 4° Quë touS lës priVilêged particuliers des provinces, principautés; pats, Cantons, villes ëlcdttM munau tés d'habitants, SOit péfeuhiâires,soit de toute autre nature* sbnt àbëliessânâ rëtdttr;
« 5* Bnfift éfUe tous lëà rëtenuS ëëèléSlastiqtiëS sont à la disposition de la riâtiàn, 6 la charge dé pourvoir aui frais du éUlté, à 1 eUtrêtiëti dë Ses membres ëi aU soulagement des pàUvres.
« Aussi grândës quë seraient l'injustice ët la violation des traités de paix subsistants entré l'End pire germanique ët la CôUronUë dé France, si lesdits décrets pbuVâiënt, ôU par érrettf ou à dessein, être étendus môme sur ies possessions due les Etats dé l'Empire,ainsi que la ftoblésâe et le clergé ont dans l'Alsâcë ët lâ Lorraine; aussi forts et manifestes paraissent être lë devoir et l'intérêt dés Cercles de l'Empire de veiller soigneusement à la Conservation de ses possessions et privilèges.
* Par ce motif lë cerclé du HauMlBln s'Uèetipa déjà sérieusement au commencement de Cë siècle* en 1709, à l'occasion de la négociation d'alors, sur l'association des cercles, de faire valoir Ses avis, afin que dans les articles de là paix dont il pourrait être question, on Uë perde pas de vue la reStitutidn des provinces de l'Empiré, usurpées par lâ France Contre l'êVidëttce des traités antérieurs et qu'on fasse à cet effet des insinuations salutaires.
c On s'estimerait, en conséquence, obligé, dans le câS présènt, et fondé en droit a l'égard desdits arrêtés de l'Assemblée nationale de France: « 1° De requérir très humblement, par une dénonciation expresse et par des remontrances tirées des considérations ci-dessus, Sa Majesté impériale qu'elle daigne accorder sa puissante pro-
tëction et son assistance nécessaire* conjointement avec tout l'Empire, aux Etats inclusivement, la noblesse et le clergé, qui sont menacés de la perte sensible de leUrs droits garantis par des traiiës solennels, « On trouverait de plus nécessaire : « De CorhttiUUiqUër pôUr lë même objet avec lë céfaile êlèdlbrël ët âvéc ceux de Francdhié, de Souabë ët (lé Wëâtphalie, afifl (Jti'iis s'unissent au cercle du Haut-Rhin, et qu'une résolution et des rëmodtraUCeS semblables dë leur part fassent une ittipreSsiou plus forte auprès de l'Empereur et de l'Empire.
« On croirait en même temps qu'il serait utile et favorable au but qu'on se propose :
f 3° Que les Ëtâts ef corps rësfrëctifs que les décrets de l'Assembléè nationale peuvent concerner, ne discontinuassent point, en attendant leur négociation prè§ delà cour de France et ladite Assemblée, afin de détourner, l'extension appréhendée de^ décrets, si contraire âu£ traités publies de paix* sur îéiïrs possessions situées dans ies deux provinces d'Alsaçé et de Lorraine ; , . « 4* Qu'on priât» d.e là pàrf du çerçle, Son Ëxèel-' lence le baron de (jroscblag, ministre de France, d'insinuer provisoirement àUprès de sa QoUr la forte attention. que, lis, arrêtés eiionCés par l'Assemblée nationale doivent, excitér pr^s les cerclés de i'Empire et près tous les corps gërmà-niques. »
rend compte d'une conférence qu'il a.eûè Hier avec^M. de Montmorin, au sujet des diverses réclamations relatives aux fiefs ayant le droit jle supériorité eh Alsace. Après avoir exposé les principes, îi fait la motion suivante
Que le pouvoir exécutif soit invité de régler avec lés possesseurs de certains fiefs ayant, par la cessation faite à la France dU landgraviat d'Alsace, conservé, en ladite province, des droits ; de supériorité territorïâle, l'indemnité qui pourrait leur être due pour raison des droits dont ils se trouvent privés par l'établissement dè la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi.
La quéstion peut être examinée sous les rapports du droit naturel et sous ceux du droit public : j'aurais dit volontiers du droit public naturel et du droit public germanique. Vos principes ne sont pas d'accord avec le droit publie germanique, mais bien avec la nature; ainsi, sous ce premier .rapport, la question serait bientôt décidée. Mais il faut l'examiner en droit public germanique; il,est nécessaire de connaître les faits et les actes* et personne, sans être préparé, ne pourrait répondre à l'érudit Conclusum des princes d'Allemagne. Gomme le droit public germanique se trouve parmi les choses inutiles que j'ai apprises dans ma vie* je demande à prouver que, même d'après les principes germaniques, les réclamations ne sont pas fondées.
Je ne vois pas comment; la nation pourrait être tenue d'une indemnité pour avoir agi suivant les principes du droit naturel, qui doivent être les principes de toutes les nations ; tout ce qu'on pourrait faire, par courtoisie pour l'auteur du Conclusum, ce serait de lui envoyer la copie de nos décrets, car il les a mal lus.
Si la question doit être jugée en droit naturel, il n'y a pas lieu à délibérer ; si elle doit l'être
en droit public germanique, il faut ajourner au plus prochain jour.
Je. demande le renvoi au comité féodal, qui sera tenu d'en faire rapport mardi, à deux heures.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
L'Assemblée passe à la discussion de l'Adresse aux provinces dont la lecture a été faite hier.
, évêque d'Autun, membre du comité de constitution, fait de nouveau lecture de l'adresse ainsi qu'il suit :
Séance du
L'Assemblée nationale, s'avançant dans la carrière dé ses travaux, reçoit de toutes parts les félicitations des provinces, des villes, des communautés, les témoignages de la joie publique, les acclamations de la reconnaissance ; mais elle entend aussi les murmures, les clameurs de ceux que blessent ou qu'affligent les coups portés à tant d'abus, à tant d'intérêts, à tant de préjugés. En s'occupant du bonheur de tous, elle s'inquiète des maux particuliers : elle pardonne à la prévention, à l'aigreur, à l'injustice; mais elle regarde comme un de ses devoirs de vous prémunir contre les influences de la calomnie et de détruire les vaines terreurs dont on chercherait à vous surprendre. Eh! que n'a-t-on pas tenté pour vous égarer, pour ébranler votre confiance? On a feint d ignorer quel bien avait fait l'Assemblée nationale: nous allons vous le rappeler. On a élevé des difficultés contre ce qu'elle a fait: nous allons y répondre. On a répandu des doutes, on a fait naître des inquiétudes sur ce qu'elle fera: nous allons vous l'apprendre.
Qu'a fait l'Assemblée ?.....( >» ùJno*;»àtj
Elle a tracé d'une main ferme, au milieu des orages, les principes de la Constitution qui assure à jamais votre liberté.
Les droits des hommes étaient méconnus, insultés depuis des siècles ; ils ont été rétablis pour l'humanité entière, dans cette déclaration qui sera à jamais le cri de ralliement contre les oppresseurs et la loi des législateurs eux-mêmes.
La nation avait perdu le droit de décréter et les lois et les impôts : ce droit lui a été restitué, et en même temps ont été consacrés les vrais principes de la monarchie, l'inviolabilité du chef auguste de la nation, et l'hérédité du trône dans une famille si chère à tous les Français.
Nous n'avions que des Etats généraux : vous avez maintenant une Assemblée nationale,et elle ne peut plus vous être ravie.
Les ordres, nécessairement divisés et asservis à d'antiques prétentions, y dictaient les décrets, et pouvaient y arrêter l'essor de la volonté nationale: Ces ordres n'existent plus : tout a disparu devant l'honorable qualité de citoyen.
Tout étant devenu citoyen, il vous fallait des défenseurs citoyens; et au premier signal, on a vu cette garde nationale qui, rassemblée par le patriotisme, commandée par l'honneur, partout maintient ou ramène l'ordre, et veille avec un zèle infatigable à la sûreté de chacun,, pour l'intérêt de tous.
Des privilèges sans nombre, ennemis irréconciliables de tout bien, composaient ..tout notre droit public : ils sont détruits, et à la voix de '
votre Assemblée, les provinces les plus jalouses des leurs ont applaudi à leur chute : elles ont senti qu'elles s'enrichissaient de leur perte.,
Une féodalité vexatoire, si puissante encore dans ses derniers débris, couvrait la France entière : elle a disparu sans retour.
Vous étiez soumis, dans les provinces, au régime d'une administration .inquiétante : vous en êtes affranchis, nun ujo:j'i h > ;
Des ordreB arbitraires attentaient à la liberté, des: citoyens : ils sont anéantis. :
Vous vouliez une organisation complète des municipalités : elle vient de vous être donnée ; et la création de-tous ;ces corps formés par vos suffrages, présente eu ce moment, dans toute la France, le spectacle le plus imposant.
En même temps, l'Assemblée nationale a consommé l'ouvrage .de la nouvelle division du royaume, qui, seule pouvait effacer jusqu'aux dernières traces des auciens préjugés ; substituer à l'amour-propré (le province l'amour véritable de la patrie ; asseoir les bases d'une bonhe représentation et fixer à la fois les droits de chaque homme et de chaque canton, en raison de leurs rapports avec la chose publique :problème difficile, dont la solution était restée inconnue jusqu'à nos jours.
Dès longtemps vous désiriez l'abolition de la vénalité des charges de magistrature : elle a été prononcée.— Vous éprouviez le besoin d'une réforme, du moins provisoire, des principaux vices du Code criminel : elle à été aécrétëe, en attendant une réforme générale. De toutes les parties du royaume nous ont été adressées des plaintes, des demandes, des réclamations : nous y avons satisfait autant qu'il était en notre pouvoir. La multitude des engagements publics effrayait: nous avons consacré les principes sur la foi qui leur est due. — Vous redoutiez le pouvoir des ministres ^ftous leur avons imposé la loi rassurante de la responsabilité.
L'impôt de la gabelle vous était odieux : nous l'avons adouci d'abord, et nous vous en avons promis l'entière destruction!; car il ne nous suffit pas que les impôts soient indispensables pour les besoins publics; il faut encore qu'ils soient justifiés par leur égalité, leur sagesse, leur douceur.
Des pensions immodérées, prodiguées souvent à l'insu de votre Roi, yous ravissaient le fruit de vos labeurs : uous avons jeté sur elles un premier regard sévère, et nous allons les renfermer dans les limites étroites d'une stricte justice.
Enfin, les finances. demandaient d'immenses réformes : secondés par le ministre qui a obtenu votre confiance, nous y avons travaillé sans relâche et bientôt vous allez en jouir.
Voilà notre ouvrage, Français, ou plutôt voilà le vôtre : car nous ne sommes que vos organes, et c'est vous qui nous avez éclairés, encouragés, soutenus dans nos travaux. Quelle époque que celle à laquelle nous sommes enfin parvenus ! Quel honorable héritage vous allez transmettre à votre postérité 1 Elevés au rang de citoyens, admissibles à tous les emplois, censeurs éclairés de l'administration quand vous n'en serez pas les dépositaires, sûrs que tout se fait et par vous et pour vous, égaux devant, la loi, libres d'agir, de parler, d'écrire, ne djevant jamais compte aux hommes, toujours à la volonté commune ; quelle plus belle condition 1 Pourrait-il être encore un seul citoyen, vraiment digne de ce nom, qui osât tourner ses regards en arrière, qui voulût relever les débris dont nous sommes environnés, pour en recomposer l'ancien édifice !
Et pourtant, que n'a-t-on pas dit? que n'a-t-on pas fait pour affaiblir en vous l'impression naturelle que tant de biens doivent produire?
Nous avons tout détruit, a-t-on dit : C'est qu'il fallait tout reconstruire. Et qu'y a-t-il donc tant à regretter ? Yeut-on le savoir ? Que sur tous les objets réformés ou détruits l'on interroge les hommes qui n'en profitaient pas ; qu'on interroge même la bonne foi des hommes qui en profitaient; qu'on écarte ceux-là qui, pour ennoblir les afflictions de l'intérêt personnel, prennent aujourd'hui pour objet de leur commisération, le sort de ceux qui, dans d'autres temps, leur furent si indifférents, et l'on verra si la réforme de chacun de ces objets ne réunit pas tous les suffrages faits pour être comptés.
Nous avons agi avec trop de précipitation... et tant d'autres nous ont reproché d'agir avec trop de lenteur ! Trop de précipitation ! Ignore-t-on que c'est en attaquant, en renversant tous les abus à la fois qu'on peut espérer de s'en voir délivré sans retour ; qu'alors, et alors seulement, chacun se trouve intéressé à l'établissement de l'ordre; que les réformes lentes et partielles ont toujours fini par ne rien réformer ; enfin, que l'abus que l'on conserve devient l'appui et bientôt le restaurateur de tous ceux qu'on croyait avoir détruits ?
Nos assemblées sont tumultueuses... Et qu'importe, si les décrets qui en émanent sont sages? Nous sommes, au reste, loin de vouloir présenter à votre admiration les détails de tous nos débats. Plus d'une fois nous en avons été affligés nous-mêmes; mais nous avons senti en même temps qu'il était trop injuste de chercher à s'en prévaloir, et qu'après tout, cette impétuosité était l'effet presqu'inévitable du premier combat qui se soit peut-être jamais livré entre tous les principes et toutes les erreurs.
On nous accuse d'avoir aspiré à une perfection chimérique.:. Reproche bizarre, qui n est, on lé voit bien, qu'un vœu mal déguisé pour la perpétuité des abus. L'Assemblée nationale ne s'est point arrêtée à ces motifs servilement intéressés ou pusillanimes : elle a eu le courage, ou plutôt la raison, de croire que les idées utiles, nécessaires au genre humain, n'étaient pas exclusivement destinées à orner les pages d'un livre, et que l'Etre suprême, en donnant à l'homme la perfectibilité, apanage particulier de sa nature, ne lui avait pas défendu de l'appliquer à l'ordre social, devenu le plus universel de ses intérêts et presque le premier de ses besoins.
Il est impossible, a-t-on dit, de régénérer une nation vieille et corrompue... Que l'on apprenne qu'il n'y a de corrompu que ceux qui veulent perpétuer des abus corrupteurs, et qu'une nation se rajeunit, le jour où elle a résolu de renaître à la liberté. Voyez la génération nouvelle. Comme déjà son cœur palpite de joie et d'espérance! Comme ses sentiments sont purs, nobles, patriotiques! Avec quel enthousiasme on la voit chaque jour briguer l'honneur d'être admise à prêter le serment de citoyen!... Mais pourquoi répondre à un aussi misérable reproche?... L'Assemblée nationale serait-elle donc réduite à s'excuser de n'avoir pas désespéré du peuple français ?
On n'a encore rien fait pour le peuple, a-t-on osé dire... Et c'est sa cause qui triomphe partout. Rien fait pour le peuple! Et chaque abus que l'on a détruit ne lui prépare-t-il pas, ne lui as-sure-t-il pas un soulagement? Etait-il un seul abus qui ne pesât sur le peuple?
Il ne se plaignait pas... C'est que l'excès de ses
maux étouffait ses plaintes... Maintenant il est malheureux .. Dites plutôt: il est encore malheureux... mais il ne le sera pas longtemps : nous en faisons le serment!
Nous avons détruit le pouvoir exécutif... Non : dites le pouvoir ministériel ; et c'est lui qui détruisait, qui souvent dégradait le pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif, nous l'avons éclairé eu lui montrant ses véritables droits, et surtout nous l'avons ennobli en le faisant remonter à la véritable source de sa puissance, la puissance du peuple.
Il est maintenant sans force... Contre la constitution et la loi : cela est vrai ; mais en leur faveur, il sera plus puissant qu'il ne le fut jamais.
Le peuple s'est armé... Oui, pour sa défense : il en avait besoin. — Mais, dans plusieurs endroits, il en est résulté des malheurs... Peut-on les reprocher à l'Assemblée nationale ? Peut-on lui imputer des désastres dont elle gémit, qu'elle a voulu prévenir, arrêter par toute la force de ses décrets, et que va faire cesser sans doute l'union désormais indissoluble entre les deux pouvoirs et l'action irrésistible de toutes les forces nationales ?
Nous avons dépassé nos pouvoirs. La réponse est simple.Nous étions incontestablement envoyés pour faire une constitution: c'était le vœu, c'était le besoin de la France entière. Or, était-il possible de la créer, cette constitution, de former un ensemble, même imparfait, de décrets constitutionnels, sans la plénitude des pouvoirs que nous avons exercés? Disons plus : sans l'Assemblée nationale, la France était perdue ; sans le principe qui soumet tout à la pluralité des suffrages libres, et qui a fait tous nos décrets, il est impossible de concevoir une Assemblée nationale ; il est impossible de concevoir, nous ne disons pas une constitution, mais même l'espoir de détruire irrévocablement le moindre des abus. Ce principe est' d'éternelle vérité : il a été reconnu dans toute la France ; il s'est reproduit de mille manières dans ces nombreuses adresse d'adhésion, qui rencontraient sur toutes les routes cette foule de libelles où l'on nous reproche d'avoir excédé nos pouvoirs. Ces adresses, ces félicitations, ces hommages, ces serments patriotiques : quelle confirmation des pouvoirs que l'on voulait nous contester !
Tels sont, Français, les reproches que l'on fait à vos représentants dans cette foule d'écrits coupables où l'on affecte le ton d'une douleur citoyenne. Ah! vainement on s'y flatte de nous décourager; notre courage redouble; vous ne tarderez pas à en ressentir les effets.
L'Assemblée va vous donner une constitution militaire qui, composant l'armée de soldats citoyens, réunira la valeur qui défend la patrie et les vertus civiques qui la protègent sans l'effrayer.
Bientôt elle vous présentera un système d'impositions qui ménagera l'agriculture et l'industrie, qui respectera enfin la liberté du commerce ; un système qui, simple, clair, aisément conçu de tous ceux qui payent, déterminera la part qu'ils doivent,1 rendra facile la connaissance si nécessaire de l'emploi des revenus publics, et mettra sous les yeux de tous les Français le véritable état des finances, jusqu'à présent labyrinthe obscur, où l'œil n'a pu suivre la trace des trésors de l'Etat.
Bientôt un clergé citoyen, soustrait à la pauvreté comme à la richesse, modèle à la fois du riche et du pauvre, pardonnant les expressions injurieuses d'un délire passager, inspirera une
confiance vraie, pure, universelle, que n'altérera ni l'envie qui outrage, ni cette sorte de pitié qui humilie ; il fera chérir encore davantage la religion; il en accroîtra l'heureuse influence par des apports plus doux et plps intimes entre les peuples et les pasteurs ; et il n'offrira plus le spectacle que le patriotisme du clergé lui-même a plus d'une fois dénoncé dans cette Assemblée, de l'oisiveté opulente et de l'activité sans récompense.
Bientôt un système de lois criminelles et pénales, dictées par la raison, la justice, l'humanité, montrera, jusque dans la personne des victimes de la loi, le respect dû à la qualité d'homme ; respect gans lequel qn n'a pas le droit de parler de morale.
Un code de lois civiles, confié à des juges désignés par votre suffrage, et rendant gratuitement ia justice, fera disparaître toutes ces lois, obscures, compliquées, contradictoires, dont l'incohérence et la multitude semblaient laisser, même à un juge intègre, le drpit d'appeler justice sa volonté, son erreur, quelquefois son ignor rance ; mais jusqu'à ce moment, vous obéirez religieusement à ces mêmes lois, parce que vous savez que le respect pour toute loi non encore révoquée est la marque distinctive du vrai citoyen.
Enfin, nous terminerons nos travaux par un code d'instruction et d'éducation nationale, qui mettra la constitution sous la sauvegarde des générations naissantes; en faisant passer l'instruction civique par tops les degrés de la représentation, nous transmettrons, dans toutes les classes de la société les connaissances nécessaires au bonheur de chacune de ces classes, en même temps qu'à celui de la société entière.
Voyez, Français, la perspective de bonheur et de gloire qui s'ouvre devant vous 1 il reste encore quelques pas à faire, et c'est où vous attendent les détracteurs de la Révolution. Défiez-vous d?une impétueuse vivacité; redoutez surtout les vjQr lences, Gar tout désordre peut devenir funeste à la liberté. Vous chérissez cette liberté ; vous la possédez maintenant : montrez-vous dignes delà conserver; soyez fidèles àl'esprit, à la lettre des décrets de vqs représentants, acceptés ou sanctionnés par le Roi; distinguez soigneusement les droits abolis sans achat, et les droits rachetables, mais encore existants. Que les premiers ne soient plus exigés, mais que les seconds ne soient point refusés. Songez aux trois mots sacrés qui garantissent ces décrets : la nation, la lai, te roi, La nation, c'est vous fia Ipi, c'est encore vpus t c'est votre volonté i le rëi, c'est le gardien de la loi* Quels que soient les mensonges qu'on prodigue, comptez sur cette union- C'est le Roi qu ou tirom-
Êait : clest vous qu'on trompe maintenant, et la on té du Roi s'en afflige j il veut préserver son peuple des flatteurs qu'il a éloignés du trône; il en défendra le berceau de son (ils ; car au milieu de vos représentants, il a déclaré qu il faisait 4e l'héritier de la couronne le gardien de la constitution.
Qp'on ne vous parle plus de deux partis. H n'en est qu'un ; nous l'avons tous juré : c'est celui de la liberté. £a victoire est sûres, attestée par les conquêtes qui se multiplient tous les jours. Laissez d'obscurs blasphémateurs prodiguer contre nous lés injures, les calomnies ; pensez seulement que, s'ils nous louaient, la France serait perdue.'Gapdezrvous surtout jitj réveiller leurs espérances par des fautes, par deg désordres, par l'oubli de la loi. Voyez comme ils triomphent de quelques délais dans la perception de l'impôt. Ah !
ne leur préparez pas une joie cruelle! Songez que cette dette... Non, ce n'est plus une dette : c'est un tribut sacré, et c'est la patrie maintenant qui le reçoit pour vous, pour vos enfants ; elle ne le laissera plus prodiguer aux déprédateurs qui voudraient voir tarir peur l'Etat le Trésor public, maintenant tari pour eux ; ils aspiraient à des malheurs qu'a prévenus, qu'a rendus impossibles la bonté magnanime du Roi. Français, secondez votre Roi ; par un saint et immuable respect pour la loi, défendez contre eux son bonheur, ses vertus, sa véritable gloire; montrez qu'if n'eut jamais d'autres ènpemis que ceux de la liberté ; montrez que pour elle et pour lui votre confiance égalera votre courage ; que pour la liberté dont il est Je garant, on ne se se lasse point, on est infatigable. Votre lassitude était lë dernier espoir des ennemis de la Révolution; ils le perdent : pardonnez-leur d'en gémir, et déplorez, sans les haïr, ce reste de faiblesse, toutes ces misères de l'humanité.
Cherchons, disons même ce qui les excuse. Voyez quel concours de causes a dû prolonger, entretenir, presque éterniser leur illusion. lh 1 ne faut-il pas quelque temps pour chasser de sa mémoire les fantômes d'un long rêve, lesrêvesd'uue longue vie? Qui peut triompher en un moment des habitudes de l'esprit, des opinions inculquées dans l'enfance, entretenues par les formes extérieures de la société, longtemps favorisées par la servitude publique, qu'on croyait éternelle, chères à un genre d'orgueil qu'on imposait comme un devoir ; enfin mises sous 1a protection de l'intérêt personnel qu'elles flattaient de tant de manières? Perdre à la fois ses illusions, ses espérances, ses idées les plus chéries, une partie de sa fortune t est-il donné à beaucoup d'hommes de le pouvoir sans quelques regrets, sans des efforts, sans des résistances d'abord naturelles, et qu'ensuite un faux point d?bonneur s'impose quelquefois à lui-même $ Eh 1 dans cette classe nagpère si favorisée, il s'en trouve quelques-uns qui ne peuvent se faire à tant de pertes à la fois, soyez généreux ; songez que dans cette même classe, il s'est trouvé des hommes qui ont osé s'éleyeP à la dignité de citoyens, intrépides défenseurs de vos droits, et dans le sein même de leur famille opposant à leurs sentiments les plps tendres le noble enthousiasme de {a liberté.
Plaignez, Français, les victimes aveugles de tant de déplorables préjugés ; mais, sous l'empire des lois, que le mot vengeance ne soit plus prononcé. Courage, persévérance, générosité, sont les verms de la liberté -: nous vous les demandons au nom de cette liberté sacrée, seule conquête digue de l'homme, digne de vous, par les efforts, par les sacrifices que vous avez faits pour elle, par les vertus qui se sont mêlées aux malheurs inséparables d'une grande Révolution; ne retarde? point, ne déshonore; point 'e plus bel ouvrage dont les annales du monde nous aient transmis la mémoire. Qu'aveg-vous à craindre ? Rien, non rien, qu'une funeste impatience i encore quelques moments-. C'est pour la liberté! Vous avez donné tant de siècles au despotisme 1 Amis, citoyens, une patience généreuse au lieu d'une patience servile. Au nom de là patrie, vous en avez une maintenant ; au nom de votre Roi, vous avez un Roi ; il est à vous; non, plus le Roi de quelques milliers d'hommes, mais le ïj.oides Français... de tous les Français, Qu'il doit maintenant mépriser le despotisme 1 qu'il doit le ha'ipl Roi d'un peuple libre, comme il doit reconnaître l'erreur de ces illusions mensongères, qu'entretenait sa cour qui
se disait son peuple! prestiges répandus autour dé Son berceau, enfermés cûipme à desseip dan? l'éducation royale, et dont on a cherché, dans tous les temps, à*£pmppser r^tendgjqQëQt des rois, pour faire des erreurs .de leurs pensées. Je patrimoine des cours. Il est ^ yo^s : qu'il nous est cher J Ah ! depuis que sçn peuple pst devenu Sa cpur, lui refuse^e?-vqus: l^àqquilli^é, J'e bonheur qu'il ménfèç ff^orqiais qu'il h'ipppènne plus $999113 dç eê? tïp'lçBt'èp qui çpt tant affligé §op cœur'; qu'ij apprenne, ap contraire, ,4fe l'ordre renaît, que partout'ïçs propriétés pont respectée^ .défendues ; que ' Vqiçs •reçevei, âu&fOU| placez sots règide des lpis, ï'mppcent, Iççqu-pàblë... De côujpable i iln'én est ppin t, s j loi ne pronouçé. Ou plutôt, qjj'lf apprenne encore, vptfè vertueux monarque, quçlqùes-pps de ces traits généreux» èe? nobles exemples çjul déjà ont illustré le berceau de ialîbèr$ française... Etonnez-le de vos Vertus, pour îui 'donrier^lus tôt le pri* des sienpps; ep avfmcant'pour Ipi le mo-pdept'dela trah^uiilij;^ pubjftu^ efTp ?pec|âclede votre fèlicî|é.
"jfpuif nous, poûrsuiy^nt nôtre tàç% laboFië]nsé, voués, pônsacrês au1 grapd trayail de (a copsti-tutjôn, yptrè ouvragé ,autànt qUe le n.çtrg, nous le terminerons, aidés d'e tputes ie^ jymièfes de la France, et vainqueurs de tous les obstacles. Satisfait^ de notre $'f'ayançe heureux djë vôtre pfocpmU .boiyjpur, nou? placerons entrer 'vos n^ins ce qépôt s,acfé de la cppisti-tutiôn? sobs la g$rje des vprjtus poûyefiès, dont le i£erme, énfërm^ daps yos àm$?>; vï^hf dégïprp aux! premiers jpurs de là liberté;
De fréquents applaudissements interrompent la lecture de cette adresse.
A peine est-elle achevée, qu'on demande à aller aux voix.
M, l'évêque d'Autun a rendu supérieurement j tÔHles }^ idi§S qp il. i eues, m.aisil ne les $ pas eues toutes; il y a un grand nombre de choses a ajouter sjfr là partie destinée à calmer ]esprpvjncpsrNpus avons piété le serment piyiqqe, les citoyens detops gesont unis par cette cérémonie : c'est le cas de dire au peuple que cep* qui sont venus ft la pn-ziéme heure méritent autant que: qui sont yen US . â J'aufre du jour. Il fftm psésentgr {put çè qui peut détruire les défiances ent.ve ie^ ^m-.,. Je pensg qji-jon dpit repypyeF) l'a^r^i? ai "de rédaction, pour .qu'elle p9§ôiy£ 1§§, ^ipendgr ments et additions convenantes.
- Elle est bien ei) principes et élégante en style ;t'son succès Une sêapce académique; m^s y fftUJt PfiP" je ppur pie un style plus simple,'Je d£®jtfî# ÇU'fw rédigé ayfl? plus dé $impj]pim.
consulte l'Assemblée, qui ^4pptfé l'gdre$j§. prgo'Qn^ l'impression et renvoi' au* provinces,,ppùr être, aifnçhjee, et * jw'uf être lue au prône dans tflptes 'es paroisses et expliquée aphespin par ies curés.
demandent
quJ1 jeu £ SfDjf permis'jije fa^èntèF "pençfli i}t' quelques jdiirs pour leurs afF^ifes. , ' (^'Asse^bl^ Jejjtr àçiQprde cette permission-
annonce qpe lp comité de là marine a "eriteùdu aujourd'hui même
la lecture d'un Mémoire sur les classes de la marine, par M. Pouget, intendant général des clusses et que le comité ep demande l'Impression. (Voy. ce aocument annèxé à la séance dé ce jour.) il ne s'élève aucune réclamation,
lèye la sé^nqeet ipdique celle du soi? ppur six beures.f
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX de PUSY.
Séance du
, l'un àq MM- les $ecr,ç foires, lecture des adresses et des dons patriotiques dont là teqeqr suit :
Adresse cte félicitation, adhésion et dévouement de lu ¥jlle |e Foix ; elle faii le don patriotique du produit de ]a contribution @UF les ci-^devant privilégiés, et jnyite toutes les communautés de la province à suivre son eiefPRl^s
lettre des officiers qu régiment d'Austrasie, en gârnisqn p,W? par laquelle ils annoncent avoir reçu la feîlr9 qui leur a &é adressée par l Assemblée nationale, et lui présentent l'assurance de leur entier dévouement à ses décrets.
Adresses d§ ïa yiile de Bugge eu Pépigord, et de la communauté déLimantpqen JNiVÊFiiaiSI eues fpnt le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégié?.
Adresse de commune du boufg de Cabannes, formant quatre paroisses et deux annexes; elle sfljMte un tri^UPai de distirjct,
Adresse de la communauté de ia Brioule, dans la Jlaute-Prpyepce ; elle offre eq. dPU patriotique la somm§ de 1,050 livres.
Adresse de la eommupauté d'Uzès en Languedoc ; elle fait Je don patriotique de la somme de |,2Q01ivres,
Adresses des communautés de ^onbpillon, LongiïHe, ;Vellépj^ire, Vellefrey et Sesin én Frau-che^Comté: elles demandent que la ville de G y soit chef-1 jeu du district-
Adresse? de dejuix pommUPautés de lyonnais et de Bofirgogné, qui ?e par|ggent la paFjej^se rande. fv§|sii| ue la ville de MarGignyriuET-LoiP.e; elle? dsniandent: 1° leur réunion pour ne former qu'une seule munie|p|ilité qui dépendra d'un même district, e|;Le plus pfoche ; p que l'Assem»-blée nationale daigne faire que se? décrets soient envoyé? 4 là communauté de Bourgogne, pour qu'elle puisse s'y conformer; et elles font hom«-m^ge patrie du moins?iipposé au profit âe? S,ncjeps Jaillaibiés-r ;
Adresse de la milice nationale de Kéajmont en Aibig^pig, qui repo^éiie, entré le? main» de l'Assemblée nationale, le serment de faire dbser-ver ses décrets ; elle fait part des difficultés majeures que lui lait essayer la perception de l'im^ pôt de 1g, gabelle.' ,
Adresse di;.la yjllfî de Coucyrie-Çhâteauen Ver-mandoïs? présentée par Je? sieurs Bugniatre, Pir pelpt et Carlier., députés exîrao#inaires.
Adresse des officiers municipaux de ville de Trqyes, qui, d^U? iè? dernier? moments de
l'ex-cice de leur? fonctions, présentent à l'Assamblée
Adresse du comité dë~Ponancé, petite ville du Bas-Anjou; il représente qu'il appréhende des troubles relativement ^ Timpôt de la gabelle.
Adresse dé la ville de Ghaiaïs en Saintonge; elle exprime de la manière la plus touchante la douleur que lui cause la nouvelle de se voir bientôt séparée de la ville de Saintes, sa mère-patrie.
Adresse de là ville de Mont-Louis; elle exprime sa sensibilité sur les reproches renfermés dans la : lettré qui lui à été adressée de là part de, l'Assemblée nationale, où l'on Se plaint que plusieurs habitants refusent d'acquitter les impôts àctdels; elle proteste et justifié que les: impôts de l'àniiée 1789'et précédentes sont entièrement acquittés.
Ad'rèsse de là paroisse de Sâint-Dizant'-dù-BoiS ën Saintdtfgé; élie supplie instamment l'Assemblée de lui permettre de décerner une couronne èiviqùë au éitbyèh lè plus pauvre et lè plus misé- ! rable de cette communauté, qui a déjà fait l'offre de sa contribution patriotique au-dessus de ses forces.
Adresses des nouvelles mùnieipâlités de la com- ; munauté de MarCq en Barœul, Cbàtellenie de Lille en Flàttdfes ; dé la ville des VertuS en Campagne, de la ville de Longuyon, dé la communauté de i Biève en LaonbîsVde céîledé Barrâux en Dauphiné, ; de celte de Juvighv-sur-Or ge, de celle de Brumets, près- deGandelù en Brie; de la Ville d'Aigueperse; de la cçmmunautë de Bërnin, près d0 G rénoble; de la ville de Montbrisdn, de celle de Vermantoh, de la communauté de Nesle^ près dé Château-Thierry; de celle de Saint-Pierre d'flabilly eh Berry, de celle du Quesnoy-Flandres, de la ville de Villers-la-Monta^nè. de la éommuhaùtëde la Selle en Hermoy, près de Montargis ; de là Ville de Saint-Pau! Trois-Châteaux en Dauphiné, de la communaùté de Sainte-Suzanne, de la ville de Bourbourg dahs là Flatidre maritime, de la communauté de Sain t-Gondon, de celle de Palai-Seau, district de Versàilles; de la ville d'ArdeS en Auvergne, de la ville dè la Châtre en Berry, de . celle de Montargis, de celle d'Çlesdin, de la Communauté de Chambonàt-Lespin en Franche-Comté, de la'Ville du Pont-Saint-Esprit, dé la communauté de Mohtigny-lès-Condé en Brie, de celle de Bousies eh Flandre^, de celle de là Jârrie en Aunis, de celles de Savignié et de Teillon en Poitôui dè la villé' de Chauvigny, dé celle de Saint-James en Normandie* et de neuf communautés voisines; des communautés de Gergv en Puiseux, près dé POntoisé, et enfin de la "ville d'Avesnes. Toutes cès -municipâlités consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationâle le tribut de leur admiration et dele?ur dévouement; èt;! de- çoiicert avec tous les citoyens, elles ont prêté le serment civique. Lamunicipâlitê dé Pont-Saint-Esprit consulte l'Assemblée sur une difficulté relative à l'élection d'un officier municipal. Celle de Saint-James porte plainte contre la commission intermédiaire de la Basse-Normandie, relativement à une instruction sur lés impositions, qui ëst contraire au principeJMiLSiitutiûiiiifiiiifi-i'égalité de. la. répartition de l'impôt entre, tous les ci toyens,à, raison
de leurs facultés, ^es officiers municipaux de la ville d'Avesnes disent ces paroles remarquables : Vos moments sont précieux, NosseignjGurs ; il s'agit du bonheur des Français : la ville d'Avesnes se bornera à vous exprimer l'hommage qu'elle vous a déj^t voué; elle continuera dveo-tretenir le calme dans son Seïrt ; elfë. se sacrifiera,s'il le faut, pour que vos travaux ne^ soient ûi interrompus m contredits par les ennemis de la nation, de la loi et du Roi. V,,
Adresse de la ville de Mahon en Angoumois ; elle demande d'être un cheMie^l. dé district." V.
Adresse des communautés de Saint-Pienemont en ThiéraChe et de Tréminés ;, eiLes font' le don patriotique du produit qe la contribution sur les çiïdèvant privilégiés.
Adresse de M, le barqû de LucJtner, par laquelle il porte aux pieds de l'Assemblée nationale sa profonde et respectueu&e . reconnaissance pour l'exception flatteuse qu'elle a bien voulu faire en sa faveur. Il prouye, par des lettres du ministère de France, qu'il a refusé 135,000 .livres de traitement que Catherine secondé vient dé lui offrir pour passer à son service, et proteste qu'il tient à plus grand honneur d'être à celui de la plus grande et de la plus sublime nation de l'Univers pour laquelle il ésit prêt à verser jusqu'à la dernière goutte de, son. sang,
Adresse des jeunes citoyens volontaires de la garde nationale de, Châtelleraut : à l'exemple de ceux d'Angers, ils Supplient l'Assemblee, Iprsr qu'elle organisera les gardes nationales, de conserver les corps volontaires 'sous un mpd'é unir-forme, et de Considérer que la jeunesse devant recueillir tous lés fruits de ia'Révolution, c'est à «lie surtout de déployer toutes ses forces pour la consolider.
Adresse et don patriotique des (habitants et du curé de Menucourt, près de Pontoise.. Ce curé à portion congrue, et sçs paroissiens^quoique tous très pauvres et exempts, aux termes des décrets, de la contribution du quàrt de leurs' revenus, font cepèndant hommage à la patrië de la'sommé de 53 liv. 8 sols.
Adresse de la ville de Valence eh DaUphiné, qui a donné des preuvés de l'amour le plus ardent pour la liberté, du dévouement le plus entier à soiltenir les décrets dé l'Assemblée nationale, et de l'attachement, lë plus inviolable à la personne sacrée du Roi : elleajouteaù don patridtiqué qu'elle a déjà fait de là somme de 5,000 liv. celui de 34 marcs, 6 onces, 15 deniers én boucleis d'argent, et de 18 deniers bijoux en or.
dit :
J'ai rëçu, MesSieiirs, une somme de 1,000 livres que je suis chargé de vous remettre att nom des écOliërs du collège de Juiliy, dirigé par MM. de POràtoire; en don patriotique.
Les écoliers de ce côllégé, dont l'institutibn utile et patriotique a donné plusieurs membres.distingués à cette Assemblée,'ânnohcent que parmi les différents dons offérts toàs les jours sur 1 autel de là patrie^l'Assemblëe; nationale1 neîdéçlàighe pas'ceux mêmes qùi sont déposés par dés enfants et par des écoliers, et qùëconséquetament ils ont cru pouvoir a&ssi faire leur offrande ; ils ajoutent qu'en attendant l'heureux moment où ils pourront bien mériter de la patrie» ils, forment des vœux ardents pour l'auguste Assemblée qui prépare leur bonheur, et qui : a déjà fixé Jeur/existences sociale."Ils observent que 1,000 livres sont peu,de c^^.maia.qu'elles sont-données de bon cœur, et que cette petite somme prise sur leurs
menus.plaisirs leur procure une jouissance plus agréable que tel autre usage qu'ils auraient pu en faire. Ils seraient trop présomptueux, si, en vous écrivant, ils tentaient de détourner un seul instant sur eux l'attention quç.yous donnez journellement aux objets importants qui vous occupent, et ils ont bien voulu me confier cette honorable mission.
Permettez-moi de mettre sous votre protection une institution vraiment"utile,'où règne l'égalité, l'harmonie intérieure et' l'économie," et de vous supplier de vous en occuper ' particulièrement lorsque vous travaillerez au pouvoir institution des plus importants que vous ayez à régler.
Vous avez Chargé dernièrement M. l'évêque de Rodez' de répondre'en votre nom aux écoliers de Rodez à"l'occasion de leur don patriotique; je demande que M', le vicomte de Noailles soit également chargé d'écrire' de la part de l'Assemblée aux .élèves du collège royal de Juilly et de leur témoignervotresatisfaction.Cette proposition est adoptée.
Un membre représente que plusieurs citoyens de Ruelle se plaignaient des cabales qui avaient eu lieu pour la nomination du maire et autres officiers municipaux de ce bourg......
Plusieurs membres-de l'Assemblée ayant aunoncé des réclamations semblables,il est décidé que ces affaires seront portées au "comité de constitution.
Un membre fait un don patriotique de'260 livres au nom des étudiants en rhétorique du collège de Mqntaigu.
dit que les citoyens de la ville de Gan-ges> empressés; de suivre l'exemple de l'Assemblée nationale, ont envoyé leurs boucles d'argent à la monnaie de Montpellier; que le récépissé du directeur se monte à 1,032 livrés, 6 solsi deniers, et que cçs citoyens prient l'Assemblée nationale d'agréer leur offrante et l'assurance de leurs respects et de leurs hommages.
.11 ajoute qu'une, adresse de cette même ville exprime pour l'Assemblée'ses sentiments d'admiration et ^le reconnaissance; elle y annonce que la contribution patriotique s'élève déjà à 50,000 livres, et que ses citoyens ont moins consulté leurs facultés que l'amour du bien public, dont ils se font gloire d?être animés.
Un autre membre : Au nom de M. de la Nauze, avocat au parlement, un des officiers du siège royal de Montclar, offre la finance de son office en don patriotique; l'Assemblée décide que ce don sera consigné dans son procès-verbal.
Un député des communes de la ville de Bourges se présente à la barre,, et dit :
Messieurs,
Pénétrée des bons sentiments qui animent aujourd'hui tous les bons citoyens, la ville de Bourges a daigné me choisir pour vous apporter l'hommage de son respect et de son dévouement. Appelée, depuis quelques années, à goûter les douceurs d'une administration patriotique, dont le premier essai a été formé dans son sein, cette ville crut y voir l'aurore de la liberté et l'heureux présage d'une régénération que la France attendait depuis longtemps,:, c'est à vous, Messieurs, que ce grand ouvrage, était réservé ; Vous avez reçu le vœu des provinces, et vous avez su
le remplir avec ce zèle infatigable qui a si souvent fait retentir ici la voix de la reconnaissance. C'est en partageant, Messieurs, ce même sentiment, que mes concitoyens se sont réunis pour voter une offrande d'environ 24,000 livres à l'Assemblée nationale, Je, viens, Messieurs, la déposer, en leur nom, sur l'autel delà patrie. G'est un faible hommage de notre patriotisme, et un gage de, notre fidélité à la constitution.
témoigné au député de Bourges la satisfaction de l'Assemblée nationale sur les preuves de patriotisme qUe la ville de Bourges a données dans tous les temps,'et notamment dans l'instant où il fallait faire de nouveaux efforts en faveur de la liberté. Il invite le député de Bourges à assister à la séance!
Les six corps des marchands de la ville de Paris se présentent à la barre pour prêter le serment civique; ils disent :/ '
Messieurs,
Les six corps de marchands représentant le commerce de cette capitale, encouragés par les témoignages de bonté dont vous les avez honorés, se présentent avec confiance dans cette Assemblée, pour y briguer la gloire de prêter entre vos mains, de la manière la plus éclatante, le serment civique, et d'exprimer à la face de la nation leur respect pour la nouvelle constitution, et les sentiments vraiment patriotiques que vos sublimes travaux ont fait naître dans tous les cœurs déjà régénérés.
Les six corps de marchands prêtent le serment civique.
MM. de l'amirauté se présentent à la barre.
, lieutenant général de l'amirauté, portant ta parole, dit :
Messieurs,
G'est avec le même respect, la même admiration et une reconnaissance encore-plu s étendue, que les Officiers de l'amirauté de France paraissent de nouveau devant les augustes et dignes représentants du peuple français----
Chargés de l'honorable fonction de faire exécuter les lois maritimes du-royaume,-on ne nous reprochera jamais d'avoir transgressé le serment que nous en avons1 fait............1
Si le commerce maritime est la source la plus abondante de la richesse de cet-empire, si son activité présente nous est parfaitement connue, nous pouvons certifier à cette-auguste Assemblée que l'avenir le plus flatteur-dans cette-partie se prépare à récompenser ses nobles travaux.
Admis-en ce jour dans -le premier et le plus auguste sanctuaire de la législation française, nous nous félicitons, Messieurs,-de .pou voir-y. renouve-ler^entrë ivos mains le serment sacré et patriotique que vous avez, fait.à-la France entière.
Nous vous jurons donc,. Messieurs, et de tout notre cœur, d'être.fidèles à la nation,, à la. loi et au Roi, et de maintenir de.tout notre pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi.......
L'Assemblée reçoit le serment civique de MM. de l'amirauté. .
dit : Partout où .il existe des,.cœurs français, le patriotisme les échauffe. La communauté des notaires dé la ville de Bourges met sur l'autel de, la patrie un contrat de rente au
principal de 2,200 livres, et deux années d'intérêts. Cette offrapde est d'autant plus précieuse, que les termes dans lesquels la d^Ube^tiop est conçue, anDoncentque ces vertueux citoyens ont êp plus de plaisir à se dépouiller, que be^ucoqp ^'autres n'en auraient à jjçqqénr/
, prenant la parois au popi d'un grand nombre de cpnjmunautéà qe Fr^ncher Comté, dit que dépuis que le délai pour le paie-ment de la contribution p^triptiq^fi a été prorogé de deux mois, le zèle des communauté^ dépendantes de la ville de Vesoul semble se ralentir; il demande que le nom de 67 communautés for? mant au plus le cinquième de celles dépendantes du département de Vesoul, et qui ont offert 97,634 livres 1 sol 7 deniers, il ajoute que cela réveillera sûrement le patriotisme des autres com-munautés.
Quant à la ville de Vesoul, qui est composée au plus de 6,000 âmes, elle a déjà fait des offres pour la somme de 93,959 livres 14 sols 10 dçpiers, et il y a encore des offres à faire; èèite ville se fera gloire ds donner en tout temps des preuves de son patriotisme. •
L'Assemblée décrète que le nom de ces villes et de ces communautés sera inséré dans le procès-verbal, ainsi qu'il suit :
CONTRIBUTION PATRIOTIQUE.
PROVINCE DE FRANCHE-COMTÉ, DÉPARTEMENT DE VESOUL.
Détail des contributions patriotiques de différentes .oâmmaqHtéB du bailliage d'Aumont,
Noms des communautés qui ont déclaré.
Adelans................ 900 liv. » s. »
Aillevans............... 766 1 ii »
Aillevillers............. 600 M » »
676 1 »
Anchenoncour.......... 768 a
Arcey.................. 1,087 ' * >: »
Bassigney.......,,'..... 600 » 9
Baudoncour............. 90-7 13
Baumotte-lès-Montboson. 1,100 9 »
Bouligney.............. 1,300 1 ;337 a »
Bourguignon-lès-Morey.. » »
Calmoutier............. s;ooo »
Chariez................ 1,600 » ' - »
Cendrey ............... 768 » »
Chassey-lés-Rougemont.. 2,000 » »
Chasseyrl^s-Siey........ 600 » M
Citers................. 1,000 » a
Colombier............ 613 17 »
1,000 9
Gontreglise............. 653 5 »
1,284 5 »
Courchatton............ 1,091 ' » >
Cubry-lès-Faverney.... 1,000 > »
Echenoz-la-Meline...... 1,200 » »
Flaigy................. 962 10 »
Fontaine-lès-Luxeuil.... 3,573 15 »
Fougerolles et dép^ndap-
cé^......... 1........ 0,000 » »
Frottey-lès-Lure_______ i 600 » »
GenevreUjlle........... 60Q » »
Grandvelle............. 4,152 15 »
[11 février 1790.]
Granges-le-Bourg....... 922 liv. 5 s. » d.
Gruey 0t Atrey„.f......, 1,159 18 »
Le canton d'Amont - .,. , 913 S
Le canton de la Rosière.. 644 17 t
Le canton des Moulières. 728 18 1
Lyevans T.. .. ........ «, 1,005 J8 »
677 »
Pprt-suf-Saôpg,,. M,,., r. 4,485 ï
MaillèViljers, M. 663 : 3|
1,729 il
3,351 jl »
863 17 »
Xlf2 9 7
Neurey-en-Vàux........ 1,800 ' » T>
Nojdans-lèg-Yesoul.,..,. 2,186 13 »
1m 9 f
942. n y
Proyepct^re, '..., .f ,f.t,. §00 12 »
8i0 14
942 il
RaincourtT....... r, i,?57 H
Saint-B'arthelèmy-lès - Me-
lisey................ 600
SainV-piprre-I^TM.elisey J,8QQ . »
Saulnqt, yillar? et Cha-
3,938 1
SeCènàns........,ffT, r ' * il® y
Senoncourt............. 1,000 »
Tfajyre £t Montoille.,.,.. 1,436 »
7s>0 .
Velle/Âpqffiçiyf.,,... 780 >
VeforCéy............... 600 >
^jâflfflnùfi'kjf 'MA t,2Q9 lô
§08 ,
1,813". *
795 " 14
Total......... 95,494 liv, 13 s. 74.
Le canton d'Aval. 1,138 19 ' f
La Voivre, faisant partie
du canton d'Aval.,.. f ' 1.000 »
TQTAL.,...,... 12 sf 74,
Certifié véritable et conforme aux soumissions particulières dë chacune des communautés ci-devant rappelées. A Vesoul,1 le trente-et-un janvier mil sept cçnt quatre-vingt-dix.
Signé : VaigNEDROYE, sçcrétaire-grçffier.
offre, au nom de la ville d'Aufoigny, un don patriotique de tous les citoyens de cette ville.
fait ensuite une ipotidn pour que l'Assemblée déterminé l'emploi des sommes provenant des dons patriotique^:.
Il pnbposp un projet de décret poqr que le produit dès dons patriotiques soit versé à la caisse d'amortissement pour servir à amortir lés effets les'plus onéreux et que le comité des financés soit chargé de gfopoSer, samedi soir, un projet de décret.
propose d'affepter le produit des dpns patriotiques au paiement des rentes viagères au-dessous de 50 livres.
demande que les sommes sqiënt versées dans la caisse de 1'extra-prdiriaire.
est d'avis de conférer au comité des finances le droit de faire l'application des fonds.
réclame la priorité pourra motion de M. le marquis d'Estourmel.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
Vaine demande la division de la motion et prépose de la réduire au seul projet de consulter lé comité dès finances sur le meilleur emploi ^ faire des dons patriotiques.
consulte l'Assemblée et le 4écret suivant est rendu :
« L'Assem blée nationale a décrété qus la somme provenant des dons patriotiques, serait remise au comité des finances, qui en ferait l'application de la manière là plus convenable aux circonstances, à la charge d'en rendre compte samedi prochain. »
r t
, député d'Aix. Le décret que vien de rendre l'Assemblée nationale appelle un complément. En conséquence, je fais la motion suivante :
« L'Assemblée nationale décrète, que sous quinze jours les trésoriers des dons patriotiques mettront sous ses yèux un état exact dés sommes auxquelles se montent les dons patriotiques depuis le UT septembre 1789; elle enjoint à tous les directeurs dps hôtels des monnaies du royaume, de lui faire parvenir, soùs'le môme terme, Tin état fidèle ëf détaillé de la quantité de vaisselle d'or et d'argent qui leur a été remise depuis le septembre 1789, et de la quantité du numéraire que cette vaissellè a produite, et quel en a été l'emploi.»
Ge projet de décret est mis aux voix et décrété en S3 forme et teneur.
, député du Berry, expose que la chute d'une' partie du pont deXa Cbarite-sur-Loire, pendant l'hiver dë 1789, a nécessité l'établissement d'un bac, pour le service duquel la ville a été autorisée, en vertu d'un arrêté du con-seilfju 4 juillet dernier, à percevoir un droit ; cet arrangempii); n'a p^s fait disparaître la géne qu'éprouvé lé epmmeroe des' provinces du Berry, du Nivernais et du Bourbonnais ; il demande que la pèrcepfîôn des droits soit à la charge du gouvernement, en attendant la construction d'un pont provisoire.
L'Assemblée renvoie cette affaire à la prochaine assemblée du département!
demande la permission d'interrompre l'ordre du jour pour entretenir l'Assemblée d'Une affaire qui demande une prompte solution et qui intéresse particulièrement la ville de Lyon. Il rend compte des troubles passagers qui ont eu lieu dans cette ville à l'occasion d'une préférence accordée par MM. les officiers municipaux, à la troupe des volontaires, sur la milice nationale. Le calme heureusement a succédé le lendemain à ces troublés, qui semblaient ménaper la vil lej entière. Les malheureux ouvriers, qui y. abondent et qui depuis deux ans souffrent beaucoup par l'interruption du travail des manufactures, sont rentrés dans l'ordre et le devoir, dans l'espérance que l'Assemblée nationale voudra bien ' avoir égard à leur position.
Il représente qu une des principales causes de
la fermentation qui existe parmi eux, vient de ce qu'un grand nombre d'entre eux, qui en 1788 supportaient une cote d'imposition suffisante pour être citoyens actifs, ontétô réduits, au rôle de 1789, à une cote d'imposition inférieure, ce qui leur enlève la faculté de concourir à l'élection de leurs officiers municipaux, tandis qu'ils ont pu dopner leurs voix pour nommer leurs représentants à l'Assemblée nationale ; ils demandent à grands eris que leur qualité de citoyens actifs soit déterminée par le rôle de 1788 et non par celui de 1789 ; ils prétendent qu'il n'y a aucun inconvénient à leur accorder cette faveur puisqu'elle ne peut porter que sur des maîtres ouvriers domicilés, et ils supplient VAssemblée d'en prononcer à l'instant le décret, comme devant servir à calmer les inquiétudes de cette classe intéressante de citoyens.
En conséquence, l'orateur propose le décret suivant t
« L'Assemblée nationale, informée des contestations qui se sont élevées dans la ville de Lyon, relativement au prix des journées ; instruite que dans cette grande ville de manufacture, la cessation du travail, depuis près de deux ans, à mis plusieurs bons citoyens, qui payaient auparavant la somme équivalente au prix de journées hxées par la municipalité, dans le cas d'être diminués au rôle, ou même d'en être tout à fait rayés» a décrété et décrète que ceux des maîtres ouvriers de Lyon, domiciliés, qui poqrront prouver, par quittance, qu'en 1788 ils ont payé la somme exigée dans la ville de Lyon pour être citoyen actif seront admis auxditeg qualités, dans les élections. »
fait remarquer que le serment prêté à la constitution ne permet d'admettre aucune exception aux décrets.
objecte qu'il serait injuste de priver du droit de citoyens actifs les malheureux qui ont été déchargés d'une partie de leurs impôts à cause dès pertes qu ils ont éprouvées.
propose d'étendre au peuple indigent de toutes les villes du royaume le projet de décret présenté pour Lyon.
fait l'apologie des volontaires de Lyon qui ont rendu des services essentiels au Dauphiné et aux provinces voisines en les purgeant des troupes de brigands qui les ravageaient.
attribue la misère des ouvriers de Lyon à la légèreté française qui ruiee nos manufactures pour enrichir les pays étrangers: il propose de rendre un décret portant que tout Français ne pourra se servir que des étoffes manufacturées dans le royaume»
pense que l'Assemblée, ne pourrait faire droit à la réclamation des ouvriers de Lyon sans altérer un arti.cle important de la Qonstitutioq.
demande le renvoi de cette affaire au comité de constitution pour qu'elle soit rapportée sans délai*
consulte l'Assemblée sur (e renvoi qui est ordonné,
, membre du comité des rapports, rend compte d'une réclamation de M.'Cousin de BeauménH, procureur du Roi à Montdidier. : Par une délibération des officiers municipaux'descette ville, M. de Beauménil a été rayé du tableau des bons Mttfèrtè ' et à jamais déclaré indigné' de leujr confiancei Le prétexte qui a portélaimunicipalité de cette'ville à traiter avec autant'de rigueur un de ses membres, vient de ce que ïe'procureur du Roi dë Montdidier s'est fait remplacer»deux fois pour monter sa garde ;f d'oiHes officiers municipaux ont conclu qu'il avait méprisé un des devoirs lëS''plus sacrés que leè' citoyens >pussent rendre à la patries.... Messieurs, ajoute le rapporteur,'cette faute vous semblera légère, lorsque vous saurez que le procureur du roi de Montdidier n'ë s'est permis'de se faire^rémplâcer pour sà gaj> tt^ (^ftié'd'après la délibération inscrite sur les registres de Montdidier,autorisant ces sortes dë ré1-présentations!; que ! d'ailleurs tes représentants qu'il a donnés ont fait le service sans aucune espèce dë réclamation»; qu'au surplusiil n'est pas encoré décidé qu'un citôyen ne1 puisse se faire remplacer dans cétte espèce dé service,' qui', jusqu'à Ce qu'il y ait à ce sujet une constitution particulière' étâMie, i n'a absolument rien de coercitif. Il est aU' contraire certain qu'une municipalité, quelle qu'elle soit,'n'a jamais eu le droit .dè déci-der de l'état civild'un de ses" membres;qu'on ne peut la'C0l1aidêl^r qUë'Câ^fflme,une sorte d'agrégation 'de: cvtOyenS' àj une mérhe'fouctiony mais sans autorité,; sang:Itlspecfièn des' uns sur- lès autres; que jusqu'à ropgaQ,isation/des pouvoirs, l'Assemblée nationale protecteur et vengeur des citoyens, surtout des citoyens administrateurs, et à ce^itre,'W^rer - des" asfamfàtéçsr 'élémentaires du corps 'législatif
Le comité des rapports propose le décret* suivant:
« L'A^s'émblëe'nationalë décréte que le procureur du Rorde'la'commune de Montdidier n'a pu ni dû^étre inculpé fparla>d!élibérationdu 6 novembre dernier, fii privé1 des -fonctions de citoyen. L'Assemblée improuve ladite délibération, ainsi que tout ce qui pourrait s'en être ensuivi, en ordonne la radiation sur les registres, avec mention en marge du' prëîent' décret. »
prend avec chaleur la défense de là iiiuhicipàfiEé et fin pute au procureur duîfioi des manquèments personnels, dés négligénces dans l'exercice de ses devoirs sociaux.
invite l'orateur à-se renfermer dans la question.
réplique en disant que; ceux qui réclament la justice de l'Assemblée nationale ne doivent trouver que des juges dans les membres qui la composent et non point des adversaires; qu'il serait à désirer -que M. Guillaume se fût' pè-nétrè un peu plus de la dignité de son mandat et ! dé ses dèvoirs; que certainement ilrne se serait pas permis une diffamation aussi cruelle, aussi ca-lomnieusement imaginée ; que personne au monde ne la méritait moins que M. de Beauménil, qui, à l'exercice honorable qu'il faisait depuis trois ans dès fon ctions de procureur du Roi^ venait de réunir ; à l'hôtel-de-ville de Montdidier, pour cette même place, le vœu de la pluralité absolue de ses Concitoyens ; que c'était principalement par respect • po'Uf'eux qu'il s^ôtait imposé de^proscrire l'autorité arbitraire qu'avaient exercée contre lui les
anciens officiers municipaux; que le motif de ces mêmes officiers était que le maire désirait placer son frère, puisque, d'après la délibération même, il avait été appelé à remplir les fonctions du sieur de Beauménil.
croit que l'Assemblée doit baser '8on déerefe sup= l'incompétence -de la municipalité de Montdidier .et propose, le projet suivant:;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport d'un membre de son.comité des rapports décrète que le sieur Cousin* procureur du Roi de la commune de Montdidier n'a pu ni dû être inculpé par la municipalité de cette ville, à raison des faits à. lui imputes dans la délibération du 6riô-v'embre dernier,
met successivement > aux voix les projets de décret du comité des rapports et de M. de Lameth. Ils sont rejetés, n ,8? Un troisième projet de-/décret ainsi conçu est ensuite adoptéru;- oa ïraboB-i nu'ti asnijd^yi ! « L'Assemblée nationale déclare que lés municipalités!^ n'ayant Jii le droit de destituer leurs membres; ni'de les priver d'aucun de leurs droite civils,/ la délibération de ^municipalité de Mont^ didier, du 6 novembre dernier, n'a aucun caractère légal, et cfu'elle ne peuLen conséquense pqr-ter atteinte ^ à l'honneur, ni à'aucun -des . droits du sieur-Cousin de Beauménil. »
, membre du comité des rapports, enr tretient l'Assemblée (des discussions qui ; se sont élevées,à Brie-Comte-Robert, entre la compagnie du Bon-Dieu ou du-Sàint-Sacrement et la garde nationale. La compagnie du Bon-Dieu veut faire un corps; séparé de ila garde nationale; . elle fait de nouvelles ïecrues;elle a choisi un étendard qu'elle veut faire bénir dimanche, elle est en opposition avec la municipalité et des désordres peuye(rtt surgir à cette occasion. Le comité propose le décret .«HtBïttteo^ yo' ,\rm& «& VW^fc .-»- M
« -L'Assemblée nationalerdeGnête ; qu'il, ne doit exiétér dans les différentes -villes; du royaume aucun corps de gardes nationales qui ne soit autorisé par lés municipalités^ J3.n conséquence,, ordonne qUïbsera sursis à.toute augmentatjori dé la compagnie appelée du Bon-Dieu pu', du Saint; Sacrement dè la ville de Brie-Gomte-Robert, ainsi qu'à;j la I bénédiction du drapeau.de ladite -compagnie, jusqu'à ce que l'Assemblée .nationale ait jdécrété;l'organisation uniforme de toutes les gardes nationales du royaume. »
fait observer que cette affaire n'a pas été portée au comité par la municipalitéde ' Br ie-Gomte-Robert, mais bien par M.-Cousin; major dé la garde nationalei; il lui semble qu'iliest nécessaire de prendre de; uout-Veaux rénseignemen ts avant de se prononcer ; et il demande l'ajournement n
L'Assemblée prononce l'ajournement.
lève la séance, après' avoir indiqué celle de demain pour 9 heufes du matin. "
à la séance de l'Assemblée nationale du
Mémoire sur les classes de la marine, lu au comité de la marine de VAssemblée nationale, le 11 février 1790, par M. Pouget, intendant général des classes (1).
L'établissement des classes de la marine, formé en France, vers la fin du siècle dernier, a pour objet deprocurer les moyens de rassembler promptement les gens de mer nécessaires pour l'armement de la flotte. Sans doute il est très convenable, dans les circonstances actuelles, d'examiner si cet établissement n'a rien de contraire aux principes généraux du gouvernement et .aux droits des citoyens, quelle est son utilité,, son importance, s'il pourrait être remplacé par quelque autre institution, ou bien s'il est inaispeusable-ment nécessaire de le conserver, et alors si ie régime actuel est susceptible de quelques modifications avantageuses, ou s'il est possible et convenable d'y faire des changements.
Mais afin de traiter cette grande question avec la clarté qu'elle exige et en développer les importants détails, il est nécessaire de bien exposer d'abord ce que c'est que cet étabissement des classes, et d'établir le principe des obligations qu'il impose aux gens de mer. Peu de personnes ont été à portée d'acquérir à cet égard des idées précises et justes; on confond souvent les classes avec les milices ordinaires, ou bien on les conçoit comme un enrôlement forcé, quoique rien ne soit plus différent. Je me crois donc obligé.de traiter la question d'une manière très générale et de la prendre dès son origine pour pouvoir la poser avec exactitude.
C'est un principe généralement avoué que tous les citoyens doivent contribuer à la défense commune de l'Etat lorsque la nécessité l'exige. Pendant longtemps, on n'a connu en Europe, pour la guerre de terre, d'autres armées que celles qui étaient formées par la réunion instantanée des citoyens,- qui prenaient les armes dès que cela devenait nécessaire ; successivement on a remplacé' ces milices par des corps de troupes constamment entretenus pendant la paix, et soudoyés au moyen des contributions générales. Mais comme ces armées n'ont pas toujours été suffisantes, les milices ont subsisté en partie sous différents régimes et avec des modifications déterminées par les circonstances. Le principe de l'obligation du service personnel, pour la défense commune, n'a jamais été perdu de vue, et dans les grands mouvements, dans les dangers pressants, il a repris son activité. La formation des milices nationales nous en offre dans ce moment un grand exemple.
Le changement produit en Europe depuis quelques siècles, dans le système militaire, pour la formation des corps de troupes soudoyées, des armées permanentes, n'a eu lieu que pour les troupes de terre; les armées de mer ont continué à être composées, d'après les anciens principes, et formées de milices rassemblées au moment du besoin.
Cette différence, si remarquable entre le système des armées de mer et celui des armées de
terre, peut être facilement expliquée, si on considère que presque tous leS hommes peuvent, avec quelques soins, devenir en peu de temps de bous soldats, et ne pas perdre ces qualités dans l'inaction même de la paix. Ainsi, les Etats qui ont été forcés à se défendre d'une attaque dangereuse, ou qui ont eu l'esprit de conquête et le désir d'étendre leur puissance, ont pu lever et former en peu de temps de graudes armées et les entretenir ensuite ; cela a été plus ou moins facile, suivant [que leur population fournissait plus de moyens de recruter ; et lors même qu'elle a été insuffisante, on a pu trouvera cet égard des ressources chez les nations étrangères.
Mais il n'en est pas de même pour les armées de mer. Parmi les hommes qui doivent servir sur les vaisseaux, les plus nécessaires sont sans cloute ceux qui sont employés à la manœuvre, et que je désignerai par le nom générique de matelots. Ce sont véritablement des nommes d'art qui ne peuvent être formés que par une longue expérience et par l'habitude de la vie entière ; ce serait en vain qu'un Etat, qui n'aurait pas d'hommes de cette espèce, voudrait essayer de former en un instant une grande flotte. Peut-être en prodiguant des trésors, il pourrait attirer quelques matelots appartenant aux puissances étrangères, mais comme dans chaque pays il ne s'en trouve qu'un nombre exactement proportionné aux besoins ordinaires de la navigation "nationale, cette ressource serait renfermée dans des limites très étroites; et après la fin de la guerre, qui aurait donué lieu à ce grand mouvement, il ne serait pas possible de maintenir et de conserver cette armée. Pour y réussir, il faudrait la tenir toujours en temps de de paix dans une activité à peu près égale à celle de la guerre ; sans cela les matelots perdraient bientôt dans l'oisiveté des ports cette habitude qui constitue essentiellement leurs qualités de gens de mer, et il deviendrait impossible d'en former de nouveaux, si on n'avait pas de moyens d'en recruter sur la navigation marchande. Les soldats peuvent être formés et exercés dans des garnirons, les ma-telots ne peuvent l'être qu'à la mer par une longue habitude commencée dès l'enfance. Mais il est facile de reconnaître que le projet d'entretenir pendant la paix une grande armée de mer en tenant la flotte entière dans une activité continuelle, est absolument impraticable, soit à cause des dépenses énormes qu'exigerait l'exécution de ce projet, soit parce que les autres puissances seraient trop intéressées à s'y opposer, et ne pourraient voir sans inquiétude uue pareille force constamment armée; ainsi tous les Etats maritimes se sont réduits à entretenir pendant la paix leurs vaisseaux et leurs munitions navales, et n'ont pas entrepris d'avoir des corps de matelots constamment soudoyés; ou s'il a été fait quelques essais à cet égard, dans certains pays,ces corps, entretenuset exercés par les armements de paix, n'y forment qu'une très petite partie de ce que les armements de guerre exigent.
Ces considérations doivent conduire à établir deux grands principes qu'il me semble important de ne pas perdre de vue. Le premier, que la force maritime d'un Etat ne peut pas avoir une étendue arbitraire et indéfinie, mais que cette force est déterminée ou du moins renfermée dans des limites assez précises, par le nombre de gens de mer que cet Etat peut fournir, et qui sont formés et entretenus par la navigation marchande et par la pêche.
Le second principe, c'est que l'armée de mer ne doit pas être, constamment soudoyée, et que pen-
dâftï là paix, lës Soins ét lés dêpènsèÉ dU gbuVër-nërftèdt aôiVëht îë réduire presUUë entièrement; pour là rharihe, à là Construction, à l'entretien dés vaisseaux ët à l'approvisionnement de tout Cë qîli peut étrë nécessaire pour lëS armér SU rtiOL nient d'Urië |uërre en Observant Cependant que totitës tes pbissâuceS maritimes seront toujours obligées d'avoir Unë $ëtitë partie dë leurs forces armées en tëmps de paix, Soit pour la protëCtiUU du CottSdlerée ou dë leurs colonies éloignées, soit par d'àUtreS considérations politiques, Soit enfin pouf exercer ët fOrfner des bfficièrs, qui ne peuvent apprendre que sur des bâtiments dë guerre ce qu'ils doivent savoir pour commander ces bâtiments, y maintenir l'Ordre et la discipline, enfin ce qUi n'est relatif qu'aux arts de la gUetre, et que la simplë manœuvre dës bâtiments ordinaires ne peut point enseigner.
Ainsi On peut âisémëtlt distinguer la partie dé l'arttiéé dë nier qui ddit être entretenue ët sou-doyéë pëndaiit là pàifc, dë celle qu'OU peut licencier êt qu'on doit Se disposer seulement à ràssettlblër, âveC facilité; âu morbëtf t du besoin; Çëtté première partie ëSt composée des dfflderS ou du moins du plus grand nombre de Ceux qui ddiVënt former les élàté^ihajors, de Quelques-uns dës Subalternes destinés à remplir leS fonctions dé bas-officiers, féoiïhtts sous la dénomination de maîtres et d'0ffftJfs; niâHrtierSi enfin de cânon flierS ët d'hommes qu'on puisse instruire êt for-mer pour lè service aë î'Ifillfertê, tout le reste des getfsf.de mer deStidéS àut manœuvres doit être rènaii ëfl temps tié pâii âu commerce et à la pêche, à l'exception dè Cë dUi est réellement em*-plofé pOUr lès armements ordinaires* | Îl résulte de tout ce que je viens d'exposer; qu'on ne peut parvenir à augmenter réellement la force maritime d'uft Etàt qU'fen augmentant l'activité de sâ navigation marchande et surtout de sa pêche; c'ëst principalement cette branche importante dMridustrlé, qui, ën procurantâ l'État de nouveaux moyens dë subsistance,- et dë riches productions étrangères â Sort Soi, forme ufi grand nombre de bons et VigoUredx matelots endurcis aux langues ët accoutumés aux dangers.
Je th'écarterais trop de l'objet principal de ce mémoire, SI j'entreprenais de rechercher ies moyens ae favoriser lë commerce et la pêche» et de développer leur influence sur la force navale; il ifie Suffit d'atoir ëfcposê Cë principe assez évi-^ dëht par lui-même, qu'ils en constituent ia base uniduë, ët que là flotte ne pouvant être armée que pâr lëS matelots que la navigation particulière a formes et entretient, c'est leur nombre qui déter-rbinë Cette forcé.
il est bien évident aussi que, dans quelque situation que se trouve lâ navigation d'un Etat, on n'aura donné à sa flotte toute la force dont elle est susceptible, qu'autant qu'on l'aura disposée de manière â pouvoir employer pendant le Cours d'une guerre tous les gens dë mer qui appartiennent à cet Etat; et on ne peut négliger à cet égard àUçtïOès dë SëS ressourcés, lorsqu'on se trouve doUVëht danê le Cas d'être en opposition avec une àùtré puissance maritime, dont la flotte est réellement uluë fortë; il faut alors ou renoncer à tout espoir ae résistance, ou développer avec vigueur tOus ses inoyens; C'ëst la situation dans laquelle Sè trouve la France, et qui doit engager à s'occui per àVeé Un Soin extrême dë tout de qui pourra contribuer à augmenter dans là suite notre force navale, et maintenant à déployer avec la plus grande activité possible celle dont nous pouvons disposer ; mais avant que d'en chercher les moyens,
il faut en revenir à l'examen du principe de l'obligation des gens de mer pour le service militaire.
Ce principe, reconfiU par toutes les nations maritimes, est, dans le fait, le même qui oblige tous les citoyens à itfëiidre léë ârfbës lorsqu'ils sont attaqués psfr dès forcés (fui exigent une résistance générale.
Mais, dans ies guerres de terre» le besointde la défense ne pouvant jamais exiger qu'on forme ubë armée de tous les habitants du royaume, cette obligation në sera ordinairement remplie que par un petit nombre de citoyens; ils peuvent même en être déchargés au moyen de troupes soudoyéeBi au lieU que dans la guerre de mer, il n'y a qu'un très pelii nombre d'hommes qui soient propres à là manœuvre des vaisseaux, chacun suivant leurs talents et leurs connaissances qui lëS rangent dans des classes particulières; car il faut observer que' la masse totale des gens de mer est composée de plusieurs classes d'hommes très différents, qui ne peuvent pas se remplacer mutuellement^ et qui tous doivent être employés dans la formation dës équipages des bâtiments dé guerre, suivant un rapport,déterminé; et dans l'état actuel de la marine de la France» une grande guerre forcera nécessairement à les, employer tous. L'obligation doit donc être générale, et ne peut être divisée. Mais ce n'est pas (comme beaucoup de personne le croient) la suite d*une sorte d'engagement personnel et à vie; non sàns> douté» c'est une conséquence de l'état de marin, Unë Obligation inhérente à cet état, et qui cessé dès qu'on abandonne cettë profession pour en embrasser une autre; cëtte obligation est très exactement la même que celle des milices nationales; 1a qualité de citoyen d'une ville impose le devoir de ladéfendrèaubesoin;on ne peut s'y soustraire qu'en cessant d'habiter cette ville; la qualité de marin impose de mêmn l'obligation de défendre la flotte; c'est la mer qui est le lieu de la demeure des mà-telots, les navires où ils sont constamment sont leur vrai domicile, ils doivent réunir tous leurs efforts pour les mettre à l'abri des dangers pressants dont l'attaque d'un ennemi les menace, et ils ne peuvent y parvenir qu'en se réunissant dans b'S citadelles flottantes, dans les vaisseaux de guerre destinés à. résister aux efforts de 1 en* nemi, à protéger et défendre le commerce. ^,
En choisissant la profession de marin, ën continuant à l'exercer, on consent à en supporter la charge commune; c'est la loi impérieuse de là nécessité, c'est celle de la résistance et de la défense naturelle qui, loin d'être contraire au droit imprescriptible de l'homme à la liberté, en est le soutien et l'appui; l'obligation imposée aux gens dë mer, chez presque toutes les nations maritimes* n'est donc pas Une exception aux rèr gles générales» mais une conséquence directe et simple de ces principes. À la vérité, cette obligation se trouve souvent dans le cas d'une àppli-cation générale pour cette classe d'hommes, au lieu qu'il est heureusement très rare que les hà-bitants des villes soient obligés de prendre tous les armes, et de les employer pour leur défense commune; mais je repéterai encore que si les matelots se trouvent ainsi trpp surchargés du poids des obligation? sociales, c'est par leur Choix libre de cet état, et par leur volOnté constante de suivre cette profession avec ses charges; d'ailleurs, cette obligation de service est bien moins onéreuse pour ces hommes, accoutumés à un genre de vie plus pénible, plus dur et plus âgité quë celui dès camps, et familiarisés avec les dangers de tous les genres, qu'elle ne le serait pour
des citoyens paisibles; ce n'est pas de leurs maisons qu'ils passent sur les vaisseaux dè guerre, c'est d'un vaisseau sur un autre, pour y vivre de la même manière, y être employés aux mêmes travaux^ mais à la véfité, en réunissant aux dangers de la mer ceux des combats; et les matelots que leur éducation a rendus intrépides et fermes, n'envisagent pas ces dangers avec la même inquiétude qu'ils inspireraient aux tranquilles habitants des campagnes. Je suis bien éloigné, en faisant ces observations, de vouloir diminuer le mérite des sacrifices que les gens de mer font au service et à la défense de l'Etat; ces hommes précieux, dout les qualités fct les vertus sont trop peu connues, sont bien dignes de la reconnaissance de tous les bons citoyens, ils méritent tous les soulagements, tous les secours qu'il sera possible de leur accorder; mais je ne pense pas, en même temps, qu'il soit possible de séparer de leur profession de marin l'obligation de service militaire, sans anéantir absolument la force navale, comme il sera facile de le reconnaître en comparant l'état des hommes :de mer, existants en France, avec l'état de la flotte ; et, je suis fort éloigné aussi de penser que l'affranchissement du service soit une conséquence des principes généraux de la liberté, puisqu'aucune société ne pourrait subsister sans l'obligation des citoyens à la défense commune.
Mais, en reconnaissant cette obligation, il est important d'en établir la nature et l'étendue d'une manière nette et précise; on ne peut se dissimuler qu'on n'a pas eu toujours des idées bien exactes à cet égard. On avait confondu le classement, qui n'est que l'inscription de ceux qui sont dans le cas de faire ce service, sur un rôle destiné à cet objet, avec l'obligation même; le classement était devenu un enrôlement à vie, et qui ne pouvait être dissous que par des ordres exprès ; l'ordonnance du 31 octobre 1784 a rétabli les principes à cet égard, en donnant à tous les gens de mer la faculté de se faire déclasser, lorsqu'ils renoncent aux professions maritimes; et cette faculté n'est restreinte que par quelques précautions nécessaires, pour constater cette détermination de changement d'état, et prévenir les abus qu'on pourrait en faire, en renonçant pendant la guerre, et au moment même de remplir le service militaire, à la profession de marin, pour la reprendre pendant la paix. On a fait un heureux essai des avantages de ces principes de liberté, dont beaucoup de personnes avaient d'abord craint les conséquences; loin de produire une diminution dans les classes, il en est résulté des augmentations. Les gens de mer ne quittent pas la profession qu'ils suivent depuis longtemps, et ceux qui veulent s'y livrer, ne eraignant plus d'être enchaînés pour la vie, embrassent volontiers un état que rien ne les empêche d'abandonner, lorsqu'il cesse de leur convenir.
Je crois donc qu'il est convenable, et même nécessaire, de conserver et de bien prononcer le principe établi, et tel qu'il est actuellement modifié, il semble qu'on pourrait l'exposer à peu près de la manière suivante : savoir, qu'en conséquence de l'obligation générale de tous les citoyens de concourir à la défense commune, les gens de mer étant particulièrement propres au service de la flotte, sont spécialement attachés à ce service; qu'il est l'obligation inséparable de l'état de marin, et que tous ceux qui exercent des professions maritimes y demeurent assujettis tant qu'ils continuent à exercer ces professions.
je n'exposerai pas ici le détail des dispositions
particulières relatives aux moyens de reconnaître ceux qui sont dans le cas d'être compris sous cette dénomination générique de gens de mer, et qui ont embrassé et exercent réellement les professions maritimes. Cet objet mérite un examen attentif, (et peut-être on sera satisfait dps règles établies à cet égard par l'ordonnance du 31 octobre 1784; elles ont paru sages, douces et justes, çt ont fait disparaître l'arbitraire ei la rigueur de Celles qui étaient précédemment suivies. Il en est de jnême pour ce qui concerne lé classement,.et enfin l'âge et les motifs qui font cesser cette obligation, en déclarant les gens de mer hors de service (1).
Après avoir discuté le principe général de l'obligation des gens de mer, par rapport au service militaire, il faut examiner quels sont les meilleurs moyens de leur faire remplir cette obligation, avec le plus grand avantage pour le service public, de la manière la plus douce, ia moins onéreuse pour eux et la moins défavorable au commerce.
Je crois qu'on peut ranger en trois classes tous les moyens possibles de se procurer les matelots nécessaires à l'armement de la flotte :
1° Des engagements volontaires;
2° Un classement, c'est-à-dire un enregistrement de tous les gens de mer, soumis à cette obligation, pour pouvoir les appeler tous successivement et à tour de rôle, à ce service, suivant les diverses règles qui peuvent être établies à cet égard;
3° La presse, ou l'enlèvement forcé de tous les matelots dont on peut s'emparer au moment du besoin. .
Et d'abord, quant aux engagements volontaires, il est certain qu'ils ne pourraient remplir l'objet proposé, que dans un Etat où le nombre des matelots formés par le commerce, serait beaucoup plus grand, que celui qui est nécessaire â l'armement de la flotte; puisqu'on ne peut jamais supposer que ces engagements attirent la totalité, ou même ia plus grande partie des matelots, à quelque prix qu'on les mette, et quelle que soit la dépense qu'on voudrait faire pour cet objet; les prix courants des salaires pour les navires du commerce et les corsaires, augmenteraient alors en proportion, et dans cette concurrence ruineuse pour l'Etat etpour le commerce, lesarmements particuliers auraient toujours la préférence. L'exemple des autres nations peut nous instruire à cet égard ; l'Angleterre qui a bien plus de gens de mer que nous, et surtout un immense cabotage sur ses côtes, ne peut pas trouver dans ses engagements volontaires des moyens suffisants pour les moindres armements : ceux qui sont faits ordinairement en temps de paix étant à peu près constants, se trouvent naturellement formés par des hommes continuellement employés à ce service; mais pour peu qu'on en augmente le nombre, on est forcé de recourir à la funeste ressource de la presse.
La Hollande est peut-être le seul pays où cette mesure fût praticable, parce qu'avec la plus grande navigation marchande et un nombre prodigieux de matelots, elle n'a qu'une très petite force navale; et cependant on a vu, pendant la dernière guerre, qu'en donnant les salaires les
plus forts, en prodiguant les primes, en faisant une dépense excessive, ce n'est qu'avec une extrême difficulté, et au bout d'un temps très long, qu'on y est parvenu à former les équipages des faibles escadres que cette puissance a armées. Mais le pays où il serait le plus évidemment impossible de réussir par cette méthode, est certainement la France, parce que sa flotte est maintenant proportionnée avec assez d'exactitude au nombre de ses gens de merj c'est-à-dire qu'elle est telle qu'elle exige, pour ses armements dans le cours d'une guerre de quelques années, la totalité de ses matelots; par conséquent, si on ne prend pas des mesures pour les rassembler tous, une partie de la flotte doit demeurer dans l'inaction, et pour peu qu'on connaisse les ports, on sera bien convaincu que même, avec une dépense énorme, on ne parviendrait pas à rassembler en six mois, par des engagements volontaires, les matelots nécessaires pour la première escadre qu'on voudrait armer. Le résultat de cette mesure serait donc une dépense excessive, la perte de la première campagne de guerre, et tous les maux qui en seront la suite, enfin, la nécessité de recourir au moyen oppressif de la pressé qui ne remplacerait que bien incomplètement, malgré ses rigueurs odieuses, les ressources des classes. Il n'est actuellement aucune puissance maritime, en Europe, à laquelle la méthode des engagements volontaires, pour l'armement de sa flotte, puisse convenir; parce qu'il faudrait pour cela, ainsi que je l'ai déjà observé, que cette flotte fût très faible relativement au nombre de ses matelots ; d'où il résulterait que celte puissance laisserait sa force navale fort au-dessous du point où sa population maritime lui permettrait de la porter. Si toutes ces puissances convenaient de n'employer que ce moyen, alors tout deviendrait à peu près égal, ou pour mieux dire proportionné, et leurs forces navales s'établiraient dans un rapport peut-être plus relatif à l'état de leurs finances qu'à leur force respective; mais si une seule emploie le moyen des classes, ou celui de la presse pour réunir sur sa flotte toute sa population maritime, elle acquerra une augmentation de force funeste à celles qui ne l'imiteront pas; et si, comme dans l'état actuel, toutes les grandes puissances maritimes suivent Ce système, celle qui voudrait l'abandonner tout à coup se trouverait par là au-dessous de toute proportion; bientôt même elle ne pourrait plus revenir à la place qu'elle aurait quittée, pafce que les autres, usant de la force qu'elles auraient conservée,renverseraient toutes les bases de son commerce, et par conséquent de sa population maritime.
La France doit voir avec satisfaction un ordre de choses dans lequel la force navale est dans un juste et vrai rapport avec la population maritime, puisque son commerce étant susceptible de très grands accroissements, elle peut espérer d'avoir tles moyens d'augmenter successivement sa flotte et de vaincre enfin tous les obstacles qui ont arrêté jusqu'à présent la prospérité de son commerce. Mais, sans chercher des motifs dans ces espérances éloignées, c'en est un assez puissant que celui de maintenir notre forcé navale dans son état actuel, et il est très certain que tous les gens de mer du royaume seront nécessaires pour cet objet, dans une longue guerre. Si on se privait des moyens de les rassembler au besoin, il ne serait plus possible d'armer Ja flotte; nous ne pourrions prévoir que des malheurs dans la première guerre maritime, et l'établissement de la presse, auquel on en viendrait nécessairement,
ne les réparerait pas. J'ai cru devoir traiter cette question avec quelque étendue, quoiqu'elle soit assez évidente pour tous ceux qui ont été à portée d'acquérir quelques connaissances à cet égard ; mais elle est si grande, si importante, qu'il m'a semblé nécessaire de rappelerfortement que l'existence même de la puissance navale de la France en dépend.
Peut-être on pourrait penser que si les engagements volontaires sont insuffisants pour armer la flotte en temps de guerre, il serait convenable d'employer ce moyen pour les armements de paix, afin de ne gêner par aucune entrave l'activité du commerce et la reproduction des matelots. Mais il est certain que cette mesure serait encore plus funeste à la navigation du commerce que la levée de quelques matelots; parce que la concurrence des engagements produirait une augmentation successive dans le prix des salaires, qui sont déjà portés sur les navires marchands à un prix très haut; et je crois qu'iiyaun moyen bien plus simple et bien plus sûr de parvenir au but qu'on désire, et de faire en sorte que les armements de paix ne soient pas onéreux aux gens de mer : il suffit pour cela de rendre ces armements à peu près constants et uniformes; alors la population maritime des grands ports se proportionnera naturellement aux besoins ordinaires de la flotte, on y trouvera toujours à peu près ce qui sera nécessaire, et les levées dans les quartiers des classes se réduiront presqu'à rien, excepté lorsqu'on sera dans le cas d'augmenter beaucoup le nombre des armements, et dans les mouvements de guerre.
Je crois avoir prouvé qu'on ne peut s'occuper ni des moyens d'armer la flotte par des engagements volontaires au moment du besoin, ni de tenir une armée de mer constamment soudoyée et entretenue pendant la paix; mesure impraticable en elle-même, et dont une dépense énorme et trop disproportionnée aux ressources des financés de l'Etat n'est pas le seul inconvénient : il ne resté donc que la presse ou lès classes, c'est-à-dire un enregistrement général des gens de mer; je vais examiner et comparer ces moyens.
J'observerai d'abord que l'un et l'autre de ces moyens de la presse et des classes supposent la même obligation de la part des gens dé mer: et en effet, pour que la presse puisse n'être pas considérée comme une infraction à toutes les lois de la société, il faut supposer que les matelots sont obligés à servir sur la flotte, et que c'est un devoir qu'on peut les contraindre à remplir par la force. Ainsi en Angleterre comme en France, en Espagne, en Danemark, le principe de cette obligation dont j'ai tâché de développer la nature au commencement de ce mémoire, doit être également admis; mai3 la manière de l'employer est très différente. Dans les pays où il existe quelque établissement-de classes, chaque matelot est appelé successivement, à tour de rôle, suivant un ordre quelconque, à remplir ce service: dans la presse anglaise, c'est le hasard et ia violence qui en décident; il existe entre ces deux méthodes la même différence qu'entre une levée d'impôts à main armée, par une contribution générale et une perception régulière et tranquille, par une répartition également et équitablement faite. Cette considération suffit sans doute pour mettre en état de juger entre les deux méthodes, et je peux me dispenser de présenter le tableau des vexations particulières, des injustices, des abus d'autorité qu'un moyen aussi oppressif et aussi despotique doit nécessairement entraîner; mais je dois ajou-
ter à la liste nombreuse de ses inconvénients celui de remplir mal son objet quant à la célérité du service des armements et à la bonne composition des équipages. En effet, malgré la violence de la presse, ce n'est qu'avec beaucoup de lenteur et de frais qu'on parvient à rassembler des équipages en Angleterre; et les premiers surtout, composés par le hasard, le sont toujours très mal. Les classes donnent à cet égard à la France un avantage décidé pour la première campagne d'une guerre; on peut y armer très bien, en peu de temps, une flotte redoutable, tandis que l'armement de la moindre escadre exige en Angleterre un long exercice de la presse : ce fait est prouvé par de nombreux exemples, et un avantage si précieux sur la plus redoutable des puissances maritimes doit certainement être conservé avec soin.
Je n'ai pas eu besoin de développer beaucoup les inconvénients de la presse, ils sont trop évidents et trop nombreux pour qu'il soit nécessaire d'en parler longtemps; mais je dois examiner si quelques avantages ne peuvent pas les compenser au moins en partie : je n'en aperçois qu'un seul, celui de laisser aux gens de mer une liberté entière pendant la paix, ou du moins lorsqu'il n'y a pas d'armements; car il est important ae remarquer qu'on est obligé d'exercer la presse en Angleterre, même pendant la paix, lorsqu'on augmente un peu les armements ordinaires. Il est certain que si l'enregistrement ou classement des matelots les tenaient constamment asservis à des gênes embarrassantes et assez fortes pour nuire a l'accroissement de la navigation, cet inconvénient attaquerait le principe même de la force navale. Mais il me paraît possible, et même très facile, de faire disparaître ces entraves; de donner une très grande liberté aux matelots ; et en bornant leurs obligations, en temps de paix, à ce qui est strictement nécessaire pour connaître leur marche, sans l'embarrasser et la gêner, de réduire presque à rien ces obligations, ou pour mieux dire encore, de les faire consister uniquement dans un petit nombre de précautions utiles pour eux-mêmes, et qui ne leur soient désagréables à aucun égard : c est ce que je développerai dans un instant, lorsque j'exposerai les principes du régime actuel des classes.
Quant aux levées pour les armements de paix, j'ai déjà observé que si ces armements sont uniformes et constants, il se formera nécessairement dans les grands ports, ou aux en virons, une population de gens de mer suffisante pour y fournir, et qu'ils ne seront pas onéreux aux ports de commerce (1). Dans les années qui ont suivi la fin de la guerre, les levées ont été assez fortes, parce que les armements étaient nombreux, et que la guerre avait considérablement diminué les premières classes des gens de mer; mais cet inconvénient n'a été que momentané, et ces levées
doivent successivement se réduire à très peu de chose. Si on parvient alors à rendre le régime des classes tel qu'il ne soit pas gênant pour les matelots lorsqu'ils ne sont pas nécessaires au service de la flotte, ce régime ayant ainsi le seul avantage qu'on puisse attribuer à la presse, et n'ayant aucun de ses inconvénients, on ne peut hésiter à prononcer qu'il lui est préférable à tous égards.
Après avoir établi ces principes, jedois présenter une idée de l'établissement actuel des classes et de la forme sous laquelle je pense qu'on pourrait le constituer; je tâcherai de me renfermer dans les choses générales et d'éviter tous les détails pour abréger autant qu'il sera possible un mémoire dont la longueur ne peut être excusée qu'à raison de l'importance de son objet.
Les classes sont établies en France depuis environ un siècle; lorsqu'en 1670, on rendit général sur toutes les côtes du royaume, ce régime qui avait d'abord été essayé partiellement, on ne s'occupa qu'à former partout des rôles des gens de mer; et à les rendre aussi complets qu'il serait possible, en établissant des préposés dans tous les points principaux; si on n'avait jamais suivi que cette marche, qu'on n'eût employé que les recherches particulières, et les délations pour parvenir à connaître les marins, on les aurait tourmentés et opprimés sans atteindre le but qu'on se proposait ; mais un grand objet de police générale, très important pour la navigation, vint naturellement et presque sans qu'on s'en aperçût, se réunir à la police des classes et donna les moyens de connaître fort exactement tous les gens de mer, de suivre leurs mouvements, sans recherche de la part des préposés, sans gêne pour eux, et en les ramenant sans cesse par leur intérêt personnel au bureau où ils sont inscrits; c'est la tenue des rôles d'équipage, objet qui mérite la plus grande attention.
Il existe quelques usages communs à presque toutes les nations naviguantes et dont l'utilité a fait presque des lois par le consentement universel, quoique tacite, de tous les peuples; tel est l'usage des rôles d'équipages. Les gens de mer, embarqués sur un navire, y sont toujours commandés par un chef qui doit compte à l'Etat et aux familles des hommes confiés à ses soins et soumis à son autorité ; ainsi lors de l'expédition d'un navire, on dresse un rôle des hommes qui composent l'équipage; ce rôle doit être rédigé par un officier public et conservé dans un dépôt, afin qu'au retour, on puisse exiger la représentation de ces hommes, ou la preuve des motifs légitimes de leur absence. Une expédition authentique de cette pièce demeure entre les mains du capitaine; et cet acte forme, avec le congé ou passe-port national, la preuve de la légalité du pavillon du navire, parce qu'il constate que l'équipage est composé, conformément aux principes du droit des gens, d'hommes appartenant à la nation dont il porte la bannière; ces mêmes rôles sont devenus l'acte qui établit l'engagement réciproque du capitaine avec chacun des hommes de l'équipage et leurs conventions particulières relatives aux fonctions qu'ils doivent remplir et aux salaires qui en sont le prix. Les changements survenus dans l'équipage pendant le cours du voyage, les paiements faits aux matelots, leur débarquement, leur mort, enfin tout ce qui peut intéresser ces hommes ou leurs familles, est inscrit avec soin sur ces rôles par les commissaires des classes établis dans les ports du royaume où ces navires abordent, et dans les ports étrangers par les consuls ; ainsi, au retour, le rôle est la
pièce unique qui peut servir à constater l'existence et l'état des nommes de l'équipage, et donner les moyens de régler leurs intérêts et d'arrêter les comptes de leurs salaires.
Les commissaires des classes chargés de la confection et de la garde de ces rôles, doivent donc être considérés en même temps et comme les notaires des engagements des navigateurs, et comuve les gardiens de& titres de leur existence,.qui.rom-placentàcetégard lesregistres des paroisses* parce que toutes les notes particulières des rôles sont rapportées avec soin sur des registres nommés matricules?, où les noms de tous les matelots sont inscrits, de manière que l'article de chacun présente toujours les détails qui peuvent l'intéresser. Il est facile de voir que sur cette base on a pu aisément établir un ordre tel, qu'il soit également impossible qu'un navigateur ne se trouve pas inscrit sur ces registres, et qu'un homme y soit porté comme navigateur s'il ne va pas à lat mer, ce qui donne les moyens de suivre facilement tous lës mouvements des matelots, sans perquisitions, sans recherches, sans presqu'exiger d'eux qu'ils se présentent aux bureaux des classes, si ce n'est lorsque leurs intérêts les y appellent, c'est à dire lorsqu'ils s'embarquent ou qu'ils se débarquent; et cette police est celle de nos classes.
Le principe fondamental que je viens d'exposer n'a pas toujours été suffisamment senti; quelquefois même il. paraît qu'on l'a perdu de vue, et qu'en reconnaissant l'utilité des rôles d'équipage pour la police des classes, on a oublié qu'elle portait sur cette base unique, qu'elle n'existait que par ce seul moyen. Cet oubli a causé quelques fautes et quelques erreurs, parmi lesquelles je compterai l'idée de transporter sur les rivières un régime qui n'était fait que pour les ports, et qui n'était nullement applicable à un autre ordre de choses.
Les défauts de cet établissement sur les rivières ont été reconnus, et on avait proposé d'y faire d'assez grands changements; ils auraient même été effectuas depuis quelques années, si la nécessité de réunir:un assez grand nombre de connaissances locales, et quelques difficultés particulières, n'avaient forcé à différer l'éxécution de ce projet; mais eile deviendrait uue conséquence de ce que je vais proposer pour les classes maritimes, si le plan que je présenterai était adopté.
Je crois qu'il est impossible d'avoir un meilleur moyen de connaître les gens de mer et de suivre leurs mouvements, que celui que donnent les rôles d'équipage pour ce qui concerne les navigateurs ; et cet ordre, si important pour eux, ne doit point être changé; ainsi je ne m'occuperai pas davantage de cet objet. Les détails relatifs à l'âge et au temps de navigation nécessaire pour qu'on puisse les considérer comme véritablement gens de mer et assujettis au service, l'âge où cette obligation doit cesser, ce qui concerne leur déclassement volontaire et tous les objets de ce genre, exigeraient des développements trop longs qui ne doivent être soumis à un examen de détail qu'après que les bases principales seront établies et les principes généraux bien posés.
Quant aux pêcheurs résidant sur les côtes» et qui ne naviguent que dans de petits bateaux, auxquels on ne donne pas de rôles d'équipage; comme ils sont gens de mer, ils doivent supporter l'obligation commune, et ils sont ordinairement bien connus par les déclarations de tous les marins de leurs paroisses : on observe à leur égard les mêmes règles qu'envers les navigateurs ; ils ne sont classés qu'après qu'ils ont déclaré
vouloir exercer cette profession, qu'ils ont persisté dans cette déclaration après l'avoir exercée, et toujours ils demeurent libres d'y renoncer.
Les ouvriers employas à la construction et au grément des vaisseaux, et qu'il est souvent nécessaire d'employer dans les arsenaux, lors des grands travaux, sont aussi ©lassés pour cet objet de la même mamèreu , ;
J'eti viens enfin à la question essentielle de l'ordre suivant lequel les gensdemer «loiveut être successivement appelés à remplir leur obligation de service, et des moyens de là leur faire remplir..
Dan* l'origine de cet établissement, on crut devoir diviser les1 matelots en plusieurs classes, dont une serait toujours de service et prête à marcher. Cette division fut faite '-assez généralement en quatre parties ou classes; mais on reconnut bientôt que cet ordre ne serait bon que dans le cas où il y aurait toujours très régulièrement chaque année le même nombre d'armements : en temps de paix, on n'a pas besoin du quart des matelots, et il aurait été injuste et dur; de tenir datis l'inaction et sans salaire une multitude d'hommes qui pourraient.être, pendant .ee temps-là, utiles à leurs famiil s et à eux-mêmes. Pendant la guerre, la classe de service était évidemment insuffisante, et la nécessité obligeait d'enfreindre l'ordre établi et d'ounlier toute distinciion.
L'inconvénient auraiLétéle même quoique bien moins sensible, si on avait fixé une proportion différente pour le temps de paix et pour c lui de la guerre; parce qu il est impossible d'admettre une parfaite égalité de besoins, et de les prévoir avec une précision rigoureuse, ce qui serait cependant nécessaire pour éviter le danger Je manquer d'une partie des équipages dont on aurait besoin, ou l'injustice de retenir chez eux des matelots qu'on ne;peut pas employer. Aussi cet ordne fut bientôt troublé; mais en cessant de le suivre, on n'y substitua rien; la disposition des levées devint nécessairement arbitraire, ët uniquement dépendante de la.volonté et de la déaisiou absolue du commissaire de chaque quartier; on leur recommandait expressément de. faire marcher chacun des gens de mer successivement à son tour; mais la;nécessité d'avoir souvent égard à des circonstances particulières, relatives à la santé des matelots, à l'état de leurs familles et autres motifs de ce genre, surtout l'impossibilité absolue de surveiller exactement la conduite des commissaires, et d'examiner la vérité de ces détails qui ne peuvent être bien connus que sur les lieux, leur avait donnéi une autorité absolue, qui ne pouvait être ni dirigée par des règles, ni gênée par des contrôles1; elle était bien augmentée encore par l'extension des premiers principes de l'établissement des classes; on avait oublié que l'obligation du service militaire était une conséquence de la profession de marin, que e'était en quelque manière l'impôt, la charge de cette profession; et que l'inscription sur les registres n'était que le moyen de faire remplir cette obligation; on considéra au contraire cette inscription comme un véritable enrôlement, qui ne devait avoir aucun terme, et que rien ne pouvait rompre, même pour ceux qui avaient cessé d'être gens de mer, à moins qu'un ordre exprès du roi n'y autorisât. Il n'existait d'ailleurs aucune règle précise pour fixer les motifs du classement, et établir ce qui devait faire considérer un homme comme marin : c'était encore de la décision absolue du commissairequedépendaient uniquement ses décisions si importantes pour les individus qui en étaient l'objet. Le pouvoir que l'usage leur avait
attribué de retenir chez eux ies gens de mer qu'on avait le projet de comprendre dans les premières levées, de refuser la permission de s'embarquer ou de sortir du quartier, et même d'influer ainsi sur la composition des équipages des bâtiments marchands, enfin la disposition des fonds destinés au paiement des gens de mer, tout contribuait à augmenter l'autorité de ces commissaires, qui était devenue successivement la plus entière et la plus absolue. Us en usaient-généralement avec équité et modération, mais malgré cela il était impossible qu'elle n'excitât pas des plaintes très vives; les choix les plus justes, les décisions les plus sages, doivent souvent faire naître des murmures, lorsque les motifs n'en sont pas connus et n'ont pas pour bases des règles constantes : la suite de cet état de choses devait être et était en effet un mécontentement presque général et le découragement des gens de mer. Telle était la situation en 1784, lorsqu'on jugea nécessaire de rappeler les vrais principes du classement; de donner aux gens de mer la faculté, dont on n'avait pu les priver, de renoncer à leur profession et de s'affranchir par là de l'obligation du service; d'établir des règles précises et invariables et bien plus douces que tout ce qui avait été suivi jusqu'alors pour déterminer l'âge et la durée de navigation qui doivent faire reconnaître un homme comme marin et Je mettre dans le cas d'être classé; de rendre aux gens de mer la liberté la plus entière de naviguer et de sortir de leurs quartiers, lorsqu'ils ne sont pas nécessaires au service de la marine; d'ôter aux commissaires toute influence sur la formation des équipages des bâtiments marchands; enfin de substituer au choix arbitraire et secret des hommes qui doivent composer les levées, un tour de rôle régulier et connu de tous ceux qui y ont intérêt. Tels sont les objets des principales dispositions de l'ordonnance du 31 octobre 1784» Mais en établissant ces règles, il fallait aussi s'assurer des moyens de les faire observer. On ne pouvait se dissimuler que l'autorité des commissaires dans leurs quar-tiersétablie par un long usage, et n'étant balancée par rien, leur laisserait longtemps ies moyens d'agir suivant les anciens principes : et on avait surtout élé frappé de l'inconvénient souvent éprouvé d'être privé de tous les moyens de faire examiner les faits allégués par les gens de mer qui se plaignaient d'oppression et de dispositions arbitraires; les commissaires n'étaient subordonnés qu'aux intendants des ports qui, occupés de beaucoup d'objets importants et nécessairement fixés dans ces ports, ne peuvent suivre très exactement ces détails, ni même connaître assez bien tous les quartiers et ceux qui y sont employés, souvent à une distance considérable du chef-lieu du département, pour bien juger les plaintes, et démêler la vérité, et encore moins les aller vérifier sur les lieux ; et quelques inspections passagères ne pouvaient remédier que très imparfaitement à ce défaut. Après avoir bien réfléchi sur les moyens d'assurer l'exécution des règles, et la liberté des gens de mer, le seul qu'il fût alors possible d'employer consista à partager l'autorité descommissaires,et à en confier une partie à des officiers de la marine retirés et résidant dans les quartiers. On crut devoir compter sur l'inspection mutuelle de deux personnes d'état différent; et bien plus encore sur la confiance que les matelots ont ordinairement dans les officiers avec lesquels ils ont s'rvi, et qui ont parlagé leurs fatigues et leurs dangers. On doit en effet remarquer que la qualité d'homme de mer qui est commune aux
officiers de la marine et aux matelots, les lie bien plus que la différence des qualités de chef des subalternes ne les éloignent; et pour peu qu'on ait connu les ports, on a observé avec intérêt cet attachement mutuel et cet empressement à s'obliger qui les réunit.
Cette institution, par laquelle les officiers qui, ayant employé la partie active de leur vie à conduire les matelots sur mer et dans les combats, consacrent le reste de leurs jours à prendre soin des compagnons de leurs travaux, à les protéger, à 'leur procurer tes récompenses qu'ils ont méritées, à encourager les jeunes gens qui se destinent à les remplacer, et à préparer ainsi à l'Etat de nouvelles forces et de nouveaux secours, fut celle qu'on choisit. Et l'établissement des officiers militaires dans les classes a produit tous les heureux effets qu'on en espérait, dans les parties des côtes du royaume où il existe depuis assez longtemps, pour qu'on ait pu en éprouver et en reconnaître l'influence.
La seule objection raisonnable qu'on ait pu faire, contre cet établissement, est celle d'une augmentation de dépense; mais je dois observer que cette dépense réduite à environ 126,000 liv. (1), est véritablement très modique, si on la compare avec l'importance de l'objet, et que la plus grande partie est réellement employée comme récompense ae retraite, donnée à des officiers qui auraient mérité ces bienfaits; enfin, que le corps de la marine était alors le seul des corps militaires qui n'eût point de places de retraites à espérer.
On a objecté aussi qu'on avait augmenté par là le nombre des agents de cette administration, et cela est vrai ; mais j'observerai qu'il faut très peu d'agents, lorsqu'on veutdonnerà tous ceux qu'on emploie, une autorité absolue et arbitraire, on est forcé, aucontraire.de les multiplier, lorsqu'on se détermine à ne confier à chacun qu'une portion de pouvoir limité, et qu'on veut établir une surveillance.
On ne peut pas employer ici les mêmes raisons qui tendent à prouver qu'il ne faudrait dans les ports qu'un seul administrateur responsable; il y a des différences très marquées à cet égard. L'administration des arsenaux porte moins sur des hommes que sur des choses dont il est possible de se faire rendre compte ; ses objets sont grands, très marqués et attirent sans cesse l'attention de l'administration générale ; le nombre d'agents de toute classe nécessaires dans les ports établira toujours une surveillance de fait; enfin, elle sera très réelle de la partie active de la marine, qui doit employer à la mer ce qu'on prépare dans les ports. Mais le pouvoir des commissaires de classes neportaitque sur des individus, et n'avait pour objet que de petits détails. Le commissaire
était seul au milieu des gens de mer qui lui étaient subordonnés; on ne pouvait prendre de renseignements sur les lieux que par lui, et il restait Bien peu de moyens aux administrateurs eu chef pour distinguer, dans les réclamations des matelots, le cri de l'insubordination de la plainte légitime que l'oppression peut arracher.
Mais on observe que l'administration des classes était, en général, douce et humaine, et qu'il y avait bien moins d'abus qu'on ne le croyait généralement. J'ai reconnu, en effet, cette vérité qui honore d'autant plus les commissaires des classes, qu'ils avaient plus de moyens d'abuser. C'est avec une vive satisfaction que je leur rends ce témoignage ; mais quoiqu'un pouvoir arbitraire puisse produire de bons effets, lorsqu'il est confié à des hommes sages et modérés, il n'en est pas moins dangereux; ainsi puisque les administrateurs étaient bons, on a dû les conserver, on aurait dû même les récompenser et améliorer leur sort, si les circonstances l'avaient permis; mais le régime était vicieux, on a dû le changer, et prévenir les abus, si on avait le bonheur de n'en avoir pas à punir.
Tout ce que je viens de dire sur l'ordonnance du 31 octobre 1784 a pour objet d'en exposer et d'en faire connaître les motifs; de prouver qu'on a fait alors tout ce qu'on pouvait faire; mais non pas de soutenir qu'il est indispensablement nécessaire de conserver entièrement un régime, auquel je vais proposer moi-même, dans un instant, de faire des changements.
Je ne peux cependant me dispenser de remarquer encore combien il est étrange qu'on ait cru pouvoir reprocher à cette ordonnance qu'elle avait aggravé et resserré les liens des matelots, tandis que c'est la première qui ait réuni ces engagements indissolubles et à vie aussi injustes qu'onéreux; qui ait rendu aux gens de mer la liberté de se déclasser; celle encore plus précieuse pour eux de disposer entièrement d'eux-mêmes, lorsque les besoins de l'Etat ne les appellent pas au service de la flotte; qui ait fait tomber les entraves dont ils étaient enveloppés, et les gênes qui embarrassaient les armements du commerce; qui ait substitué un tour de rôle régulier à des levées arbitraires, trop semblables à la presse; divisé le pouvoir auquel ces hommes étaient soumis, pour l'affaiblir, et leur donner des moyens certains de faire toujours parvenir lèurs plaintes; réglé et assuré leurs récompenses, ainsi que la subsistance de leurs familles, lorsqu'ils sont employés au service de l'Etat; enfin, dont toutes les dispositions de détail portent le caractère de la bienfaisance et de l'humanité. On n'opposait d'abord à cette ordonnance que la crainte, démentie par l'expérience, d'affaiblir les classes, et de diminuer les ressources de cette institution, en relâchant trop les liens qui attachent les matelots au service; mais si le reproche, si difficile à prévoir, d'aggraver leur servitude, a été fait ensuite, il est sûr au moins que ce n'est pas de la part des gens de mer ; et je peux, au contraire, affirmer avec vérité, parce que j'en ai la certitude complète, que partout où ces hommes si dignes de nos soins ont eu le temps de connaître et de sentir la différence du régime actuel à l'ancien, ils ont regardé les dispositions de cette ordonnance comme le plus grand bienfait qui ait pu leur être accordé; et leur satisfaction a été une récompense bien douce pour ceux qui ont concurru à ce travail; mais leur reconnaissance s'exprime d'une manière peu éclatante, et les matelots n'écrivent pas.
Quoi qu'il en soit à cet égard, il est bien moins
important d'examiner ce qui a été fait alors, que de rechercher ce qu'il peut être utile de faire actuellement pour perfectionner le régime des classes ; et en suivant les motifs qui ont dirigé les dispositions faites en 1784, puisque ces motifs avaient pour principal objet, l'avantage des gens de mer, de changer ce qui peut mériter de l'être, faire enfin ce qu'on ne pouvait pas exécuter à cette époque, et ce que les circonstances actuelles permettent d'effectuer.
Il faut d'abord déterminer l'ordre suivant lequel les matelots seront appelés au service et levés. Je crois que la meilleure règle, la seule même qu'on puisse suivre à cet égard, est celle d'un tour de rôle bien connu de tous ceux qui y seront compris.
L'objection ordinaire contre cette méthode consiste à ce que le tour de rôle ne peut pas être exactement et régulièrement observé, parce que souvent ceux dont le tour de marcher est arrivé se trouvent absents et à la mer au moment de la levée, et que si on les avait retenus d'avance dans l'inaction, il en résulterait une gêne très onéreuse. Cette objection n'est pas sans fondement; je la crois cependant moins réelle qu'elle ne peut le paraître au premier aperçu; et surtout je ne pense pas qu'il faille, pour la détruire, astreindre les matelots, en tour de marcher, à attendre la levée, à moins cependant qu'elle ne fût très prochaine et même déjà annoncée; le matelot qui voudrait alors s'éloigner serait injuste envers ses camarades, et chercherait à se soustraire à une obligation légitime, il mérite d'être retenu; mais lorsque ces absences ne seront dues qu'au hasard des circonstances, rien n'empêche que le service du matelot absent ne soit rempli par celui qui le suit dans la liste, sauf à le comprendre dans la première levée après son retour; il en est de même des hommes que des maladies, ou d'autres raisons particulières, empêcheraient de faire leur service; et tout cela est actuellement observé. Mais, d'ailleurs, en temps de paix, les levées seront toujours peu nombreuses, et se réduiront même presque à rien, si les armements sont constants et à peu près égaux ; et dans les grands mouvements, pendant la guerre, l'activité du commerce se ralentissant, les matelots rentrent tous successivement chez eux, et, dans un court espace de temps, les variations du rôle de service doivent se trouver réparées et compensées. Le tour de rôle ne doit pas être établi d'ailleurs d'une manière si sévère et si stricte, qu'on ne puisse avoir égard à la longueur des campagnes, et à la nature des services, même aux besoins des familles, et à la situation particulière des individus; ce ne doit pas être une loi impérieuse et dure, mais un règlement de famille, pour la répartition la plus égale qu'il sera possible d'une obligation commune; et son exécution doit être suivie d'une manière paternelle et douce. Sous ce point de vue, je ne vois pas d'inconvénient réel à adopter un ordre si simple et si juste ; pourvu cependant qu'en formant les rôles, on ait soin (comme cela est prescrit actuellement) d'en dresser ae particuliers pour les officiers mariniers, et pour les diverses classes de gens de mer; parce que les besoins du service exigent que les demandes de levées distinguent toujours les grades et les qualités des hommes nécessaires pour former et compléter les armements.
Il faut maintenant examiner à qui il convien de confier le soin de dresser ces rôles, de les garder, et de composer, d'après cela, les levées. C'est l'objet qui demande la plus sérieuse attention,
puisque c'est celui qui intéresse le plus essentiellement les gens de mer.
Dans l'état actuel, les officiers et les commissaires sont chargés conjointement de ce travail; et on ne pouvait, lorsque celte disposition a été faite, prendre plus de précautions pour prévenir les inconvénients des décisions arbitraires d'un seul homme. Maintenant il est devenu possible de changer quelque chose à cette disposition, si cela paraît absolument nécessaire ; et, dans ce cas, je proposerai de confier cette importante fonction aux gens de mer eux-mêmes; c'est-à-dire à des hommes choisis parmi eux, et librement élus par eux-mêmes dans chaque paroisse des côtes maritimes.
Ceci exige quelques développements; mais, avant que de les présenter, je dois observer que ce projet n'est pas nouveau ; il avait été formé en 1784, et ce n'est qu'après s'être convaincu de la vérité et de la réalité des obstacles qui s'opposaient alors à son exécution sur la plus grande partie des côtes, qu'on renonça à s'en occuper; mais dans ce moment où on peut espérer de trouver, dans toutes les classes des citoyens, des hommes disposés à s'occuper de leurs intérêts communs, par les principes de cet esprit public, dont le germe n'était pas encore suffisamment développé alors ; je reviens avec plaisir à ce premier plan, qui me parait pouvoir remplir les vues qu'on avait eues dan s l'établissement des officiers militaires; et qui, s'il n'est pas exempt d'inconvénients, présente aussi quelques avantages.
Les quartiers des classes ont été divisés en syndicats, conformément aux dispositions del'ordon-na,nce de 1784 ; et il y a été établi des syndics, choisis parmi les anciens marins, ils sont actuellement nommés par les inspecteurs. Je propose qu'il en soit élu un ou plusieurs dans chaque paroisse par une assemblée générale des gens de mer ; et qu'en réunissant plusieurs des syndicats actuels, on leur donne une étendue plus considérable; que ces syndics soient chargés de dresser et de garder les rôles de tour de service, dont il serait remis des doubles aux officiers municipaux ; que la proportion suivant laquelle chaque syndicat et chaque paroisse contribueraient aux levées du quartier, fût déterminée; et que, par conséquent, lorsqu'il arriverait des ordres de levée dans un quartier, on n'eût qu'à la distribuer au bureau des classes, suivant la proportion établie ; ensuite tous les syndics de chaque syndical, rassemblés dans le lieu principal, feraient publiquement la levée demandée, en suivant les principes établis dans l'ordonnance de 1784; et surtout en n'écoutant les représentations qui pourront être faites par quelques-uns des nommes levés, qu'en présence de ceux qui doivent les remplacer, s'ils ne marchent pas. La levée serait enfin présentée au commissaire dans les lieux qui seront indiqués pour le rassemblement, et aux époques fixées; ce commissaire la passerait en revue pour examiner si les gens qu'on lui présente ont les grades et qualités portés dans la demande, et sont propres au service.
On pourrait même lors de cette revue, à laquelle tous les principaux syndics assisteraient, autoriser. les gens levés dont les représentations n'auraient pas été admises dans leurs syndicats, à les renouveler pour faire juger leurs demandes par l'assemblée générale des syndics du quartier.
Telles sont les principales dispositions de ce plan, auquel il me reste à ajouter quelques détails.
Je crois absolument nécessaire de conserver les bureaux des classes, tèls qu'ils existent actuelle-
ment dans les ports, pour l'expédition des rôles d'équipage, et la tenue des matricules; registres si importants pour les matelots et pour leurs familles. C'est dans ces mêmes bureaux qu'on doit continuer à verser les sommes dues aux gens de mer pour le service de la marine; arrêter et régler leurs comptes pour les navigations particulières; et déposer dans la caisse destinée à cet objet ce qui leur est dû à raison de ces navigations, lorsqu'ils ne sont pas à portée de le recevoir moment même.
Les commissaires des classes sont, ainsi que je l'ai déjà exposé, des officiers publics, dont les fonctions sont très importantes ; en les considérant comme chargés de l'expédition de l'une des deux pièces nécessaires pour établir la légitimité du pavillon des navires nationaux ; comme les notaires des engagements des gens de mer; les dépositaires des titres les plus intéressants pour eux, et des registres qui constatent leur existence ; ies défenseurs, et en quelque manière, les curateurs des matelots surtout de ceux qui sont absents, et dont ils doivent réclamer et conserver les droits, en faisant déposer à la caisse des invalides ce qui leur appartient ; enfin, en qualité d'agents et d'administration, ils sont chargés du paiement de ce que doit la marine aux gens de mer qu'elle a employés; des secours qui sont accordés à leurs familles pendant leur absence; de l'examen des demandes de ceux que leur âge, leurs infirmités, leurs services et leurs besoins mettent dans le cas de prétendre aux soldes d'invalides, et autres récompenses et secours qui leur sont destinés. Il me paraît donc évident que les commissaires des classes doivent être conservés dans leur état actuel, et demeurer à la nomination du Roi; leurs fonctions ont dès objets d'un intérêt trop général, pour qu'on puisse les considérer comme municipales; ils sont chargés d'une comptabilité très étendue, et souvent assez compliquée, qui, en temps de guerre, forme une des parties les plus considérables des dépenses de la marine ; et l'administration, surtout une administration responsable, doit pouvoir choisir ses agents, et les tenir dans une entière dépendance, particulièrement quant aux objets de comptabilité. Enfin, il est bien nécessaire d établir, dans toutes les parties de cette grande machine des classes, une exacte uniformité et un ordre constant, et cela ne peut avoir lieu que lorsque l'administration disposera complètement de ses agents. C'était l'objet des levées qui avait donné aux commissaires des classes un pouvoir trop étendu; dès qu'ils n'en seront plus chargés, que cette fonction sera donnée à des syndics librementélus, qu'ils n'auront plus d'influence sur la formation des équipages des bâtiments marchands, leur autorité ne pourra plus devenir dangereuse ; et l'utilité, l'importance de leurs fonctions, réduites aux objets que je viens de présenter ne peut être révoquée en doute.
J'ai exposé ci-dessus ae quelle manière la rédaction des rôles d'équipage, et la tenue des matricules, formaient la base de toute la police des classes. Ce n'est en effet que par ces registres qu'on peut connaître les gens de mer, leurs services, leurs navigations, les grades qu'ils acquièrent; il serait donc nécessaire, dans le plan proposé, d'établir une correspondance très intime entre les bureaux des classes et les syndicats : c'est parlacom-munication des matricules que les syndics pourront prendre des notions exactes sur les navigateurs appartenant à leur paroisse, et sur leurs mouvements, pour former d'après cela les registres particuliers de ces syndicats et les rôles de tour de service.
Eux seuls peuvent à leur tour faire connaître au commissaire les pêcheurs résidants et les ouvriers des professions maritimes : ainsi une communication respective et continuelle serait nécessaire, et ces détails sont faciles à régler.
J'ai déjà observé que pendant la paix les gens de mer devaient être absolument libres, et qu'on ne doit pas les retenir chez eux, à moins qu'une levée avancée, l'avis d'un mouvement et d'une préparation à la guerre ne fassent sentir la nécessité de prendre quelques précautions; mais dans l'éiat ordinaire des choses, il suffit que les syndics soient informés des absences des gens de mer de leur paroisse : la demande d'un billet ou passeport qui ne pourrait pas être refusé par le syndic, est la seule chose à laquelle je crois convenable d'assujettir les matelots; en observant néanmoins qu'il serait nécessaire que ces passe-f orts fussent connus au bureau du quartier, et même revêtus de la signature du commissaire, afin de pouvoir faire foi dans tous les ports du royaume, où ces hommes voudront s'embarquer; et aussi parce qu'il faut que les commissaires connaissent à chaque instant les ressources que le quartier peut fournir dans le moment même, afin d'instruire l'administration générale par des états de situation, de ce qu'elle peut entreprendre, si des circonstances majeures exigent sans délai de grands armements.
Los syndics, étant très indépendants des commis-aires, pourront cependant remplir plusieurs fonctions importantes relatives aux bureaux des classes; par exemple, celle de rechercher les hommes auxquels il est dù des salaires et parts de prise non réclamées; de distribuer aux femmes et enfants des gens de mer employés sur les vaisseaux les avances et secours connus sous le nom de mois de famille; de recevoir, examiner sur 1> s lieux, et transmettre aux commissaires les demandes de soldes d'invalides, avec leur avis sur la situation personnelle, blessures etinfirmités de ceux qui les sollicitent, ainsi que sur les besoins de leurs familles; mais il est inutile de s'occuper actuellement de tous ces détails, et j'en viens à l'objet important de la répartition des levées.
Toute l'étendue des côtes du rovaumeest actuellement divisée en quatre parties'nommées ins-
Sec ions; dont deux, celles de Bretagne et de
ormandie, sont particulièrement destinées à fournir aux armements des ports de Brest et de Lorient; et celles de Toulon, et de Rochefort chacune aux armements du port dont elles portent le nom; mais la dernière doit souvent contribuer aux armements de Toulon parce que la population maritime des côtes de la Méditerranée n'est pas assez grande pour suffire à cet objet; et en cas de nécessité toutes les inspections doivent s'aider mutuellement.
Cette première division des classes paraît mériter d'êtreconservée; les inspections sont divisées en quartiers dont le chef-lieu est un port dans lequel le bureau des classes est établi. La distribution des quartiers sur les côtes a été revue avec soin depuis peu de temps, leurs limites marquées avec précision, et je crois qu'il y a peu de choses àfaireà cet égard quant à présent. La sous-division des quartiers en syndicats semble exiger une révision pour l'exécution du plan actuel; mais ce travail serait facilement exécuté, parce qu'on a dans le département de la marine des renseignements pris sur les lieux pour cet objet, et relatifs à la population maritime de chaque paroisse, leurs dif tances respectives, et toutes les convenances locales qui peuvent déterminer à les
réunir dans le même syndicat, ou à les séparer r on se procurerait d'ailleurs très promptement de nouveaux renseignements s'ils étaient nécessaires. Il faudrait ensuite déterminer le rapport suivant, lequel chaque quartier devrait contribuer à la m. sse générale des levées de l'inspection; et les états de situation donnent tous les éléments nécessaires pour établir ce rapport, sur lequel je n'ai que deux observations à faire, savoir: 1° qu'il ne peut être fixé que pour un temps déterminé, parce que la population maritime de chaque quartier peut changer par des causes particulières, et leurs rapports varier par conséquent; 2° que les rapports de la contribution des levées des quartiers entre eux ne peuvent pas être les mêmes pour toutes les classes des gens de mer: quelques quartiers pouvant fournir des officiers mariniers, ou des matelots de telle espèce dans une plus ou moins grande proportion. Ainsi ces rapports doivent être déterminés pour chaque classe de gens de mer particulièrement. Et de même pour les ouvriers des professions maritimes, charpentiers, calfâtes, perceurs, etc. qui sont dans le cas d'être levés pour le service des arsenaux.
Ce que Je viens de dire peut être aussi appliqué à l'établissement des rapports des levées euire tous les syndicats du même quartier. Les connaissances de détail qu'on a dans le département de la marine sont suffisantes pour que ce travail puisse être fait en fort peu de temps, quant à cette première fixation ; mais on ne peut pas douter qu'elle ne dût éprouver dans la suite beaucoup de changements et de variations, suivant les circonstances particulières qui peuvent influer sans cesse sur les ressources et la population maritime de quelques paroisses ; et comme tous ces détails ne peuvent être bien observés et jugés sur les lieux mêmes; je crois que pour maintenir les principes de justice, d'égalité de répartition, de bienfaisance et de douceur qu'on ne doit jamais perdre de vue dans le régime des classes, une inspection active et vigilante est très nécessaire. Elle ne l'est pas moins pour bien examiner la conduite de tous ceux qui seront employés à cet objet ; recevoir, vérifier et transmettre les plaintes particulières, les demandes et les réclamations des gens de mer, surtout celles qui sont relatives à leurs salaires et parts de prises; leur distribuer les récompenses dues à leurs services, et vérifier beaucoup de détails, dont on ne pourrait jamais sans cela avoir une connaissance exacte.
Ges inspections ne devront avoir pour objet que de tout examiner sans pouvoir rien ordonner, ni régler; sans donner surtout aucune autorité sur les gens de mer et sur les syndics, il me semble que ces commissions ne peuvent être données qu'à d'anciens officiers de la marine ; | parce que les matelots s'adresseront à eux avec plus de confiance et de plaisir qu'à toute autre espèce d'hommes r et que ces officiers peuvent bien mieux juger des objets de leurs réclamations, de leurs plaintes, et des droits que leur donnent leurs services.
Je proposerais, en conséquence, de conserver les quatre inspecteurs particuliers et l'inspecteur général, qui sont actuellement établis ; pour faire chaque année des tournées sur les côtes; et continuer à s'occuper de la plus grande partie des détails dont ils sont actuellement chargés. Le traitement des inspecteurs n'est qu'un très modique objet de dépense, et c'est à cela seulement que se trouverait réduite celle qu'exige actuellement la partie militaire des classes. Et si on trouve absolument nécessaire de supprimer les
chefs et officiers d'arrondissement, dont les fonctions, par rapport aux levées, se trouva m remplies par les syndicats, ne viendraient inutiles; je ne peux me dispenser d'observer qu'en supprimant ces places pour F avenir, la situation des ofncii fs qui les occupent actuellement iwériiela plus grande attention. Ces modiques retraites, dont les unes Sont de 1500 livres, les autres de 900 livres, sont le prix et la récompense de leurs services, et il serait très injeste de les en priver sans dédom-magemen't (lj.
Quant bux syndics, je n'examinerai point ici tous les détails que cet objet pourrait .présent r dans l'exécution, sur leur eh ction, letir nombre dans chaque syndicat, qui doit être relatif à la population maritime, la formation îles bureaux ae syndicat, et les fonctions de ces bureaux. Je dirai seulement, quant à présent, que je pense que ces syndics doivent être choisis, autant qu'il sera possible, parmi les anciens marins; qu'il ne faut pas que ces places soient perpétuelles et à vie, mais seulement pour un temps déterminé; que les bureaux, qui seront assemblés lors des levées, et peut-être aussi à certaines époques fixées, pour faire revoir et corriger les rôles de tour de service, soient composés par la réunion de plusieurs syndics et formés de manière à assurer aux gens de mer une justice impartiale et exart-- dans les ordres de service, et à les garantir de l'influence des peiites considérations particulières et locales. Cet objet est d'autant pms irn-
portant, qu'on ne peut se dissimuler que c'est de là que dérivent les principaux inconvénients du ptan que je propose, et qu'il sera peut-être assez difficile de s'assurer de l'exacte impartialité des syndics, et peut-être plus difficile encore d^n convaincre les gens de mer, et de prévenir leurs plaintesà cet égard; il est certain que ce danger est bien moindre dans l'état actuel, l'officier et le commissaire, qui décident des levées, étant trop éloignés dé ces petits détails, pour être ordinairement soupçonnés de paitialité. Je désire que le choix des gens de mer soit toujours bien fait; et surtout que leur conliance dans les syndics qu'ils auront élus, puisse éloigner leurs soupçons; mais malgré reïa, il sera nécessaire d'établir des règles qui puissent les ra-surer, s'il n'est pas possible de conserver les officiers pour agir de concert avec les syndics.
Ou pourrait croirequ'il serait utile d'admettre les ofliciers municipaux dans les bureaux de syndicat, mais après y avoir bien réfléchi', je ne pense pas qu'il convienne de leur attribuer aucunes fonctions particulières à cet égard; de quelque manière qu'on les limitât, leur influence détruirait bienïôt celle des syndics; et ce serait anéantir aussi par le fait, le droit que je propose de donner aux gens de mer de faire eux-mêmes, ou par leurs représentants, la disposition des levées, et d'en réparir entre eux la charge commune. Et j'observerai que les gens de mer étant les seuls qui soient intéressés à cette répartition individuelle, eux seuls aussi semblent avoir le droit de la faire, soit par eux-mêmes, soi't par leurs syndics; d'établir l'ordre détour de rôle qu'ils jugeront le plus con venable, même de l'intervertir et de le changer lorsque cela leur paraîtra juste. Si on chargeait des magistrats de ce soin,on risquerait de convertir souvent en une loi sévère et inflexible ce tour de rôte qui ne doit être, je le répèle, qu'on arrangement de famiUe subordonné aux nrconstanees;enfin, en multipliant ainsi les agents loeaux, on s'expose aussi à augmenter le danger des petites considérations personnelles. Je pense donc que les fonctions des officiers muni-cipau x doivent se réduire à présider les assemblées d élections des syndics, recevoir leurs serments, et as-urer l'exécution des ordres donnés par les bureaux de syndicat; en employant pour cela les moyens- coactifs qui seront en leur pouvoir, mais sans s'occuper de l'examen et des motifs de ces ordres.
Le développement de tous ces détails ne peut être fait, sans doute, que lorsqu'on s'occuperait de l'exécution de ce plan, lit quant à ce qui concerne ta division d s quartiers en syndicats, c'est tin travail particulier qui serait peu diflicile avec les matériaux qui sont déjà rassemblés; je remarquerai seulement qu'il faudrait que les arrondissements de ces syndicats fussent peué'endus, et tels qu'il fût toujours facile d'atler de chaque paroisse au chef-lieu, et d'en revenir le même jour pour ne pas latiguer les matelots lorsqu'on sera obligé, de. Ie.s rassembler-. Mais . il serait inutile de s'occuper actuellement de tous ces objets.
Le projet que je viens d'exposer peut présenter une économie sur les frais actuels de l'administration des classes et les réduire à ce que je présume, de près d'un quart (1). Mais ce n'est pas là
le principal avantage de ce plan ; et dans le fait, la dépense d'une administration aussi chargée de détails, et qui exige des établissements de bureaux dans tous les ports de commerce, ne paraîtra pas excessive, si on l'examine avec soin ; les appointements des commissaires des classes sont modiques; je crois même pouvoir assurer que lixés à 2,000 livres, et pour un petit nombred entre eux à 2,400 livres,ils sont trop faibles pour leur assurer une existence honnête, dans les ports où ils résident; et leurs frais de bureaux sont en général établis sur un taux très-bas ; je ne peux donc pas proposer de réduction sur cet objet; mais je crois qu'il faudrait diminuer le nombre de ceux auxquels on donnera le titre de commissaires; et les diviser en plusieurs classes, quant aux appointements, dont les plus faibles seraient de 2,000 livres, et les plus forts de 3,000 livres; établir un certain nombre de sous-commissaires avec de moindres appointements, pour les employer dans les petits quartiers, et quelques-uns même en second dans les grands ports de commerce, sous les ordres des commissaires, afin de les instruire, les former et pouvoir juger quels sont ceux qui méritent le plus de confiance et qui doivent être avancés; enfin, il faudrait en placer aussi dans de petits ports qui ne sont pas chefs-lieux de quartiers, et où il est cependant utile qu'on puisse expédier des rôles d'équipage.
Ce que j'ai exposé sur la forme que je crois convenable de donner à l'administration des classes, suffit pour faire voir de quelle manière ce service pourrait être rempli. Lorsque les armements exigeraient des levées de gens de mer et d'ouvriers, l'état général de la levée étant arrêté par le ministre, la répartition en serait faite entre les différents quartiers, suivant les rapports établis : le commissaire de chaque quartier ferait de même la répartition entre tous les syndicats ; et adresserait aux principaux syndics, ou aux bureaux des syndicats, des demandes contenant le nombre et l'espèce d'hommes à lever, leur destination, et les époques auxquelles ils doivent y être rendus. Après que les syndics auraient complété les levées, elles seraient remises au commissaire, qui en passerait la revue dans les lieux de rassemblement qui seraient indiqués comme les plus commodes pour les gens de mer, et il leur naierait les avances et frais de conduite. II restera sans doute à régler de quelle manière ces hommes se rendront à leur destination; mais je pense qu'il paraîtra convenable, d'établir à cet égard, une parfaite égalité entre les hommes employés pour le service militaire de la marine, et ceux qui le seront pour le service de terre ; par conséquent tout ce qui sera réglé pour la marche des troupes pourra être employé pour celle des matelots.
Je n'ai qu'une seule observation à ajouter pour ce qui concerne les répartitions des levées. Quoiqu'on dût toujours se conformer aux rapports qui seront établis entre les différents quartiers, il ne s'ensuit pas qu'on puisse et qu'on doive suivre cette égalité de répartition dans chaque levée en particulier, cela serait contraire à l'intérêt des gens de mer, parce que dans certains endroits, et surtout dans les ports où on arme pour les grandes pêches, les levées seraient bien plus onéreuses dans quelques époques de l'année que dans d'autres; on a maintenant beaucoup d'égard à ces circonstances locales, et on distribue les époques des levées dans les différents quartiers, de la manière qu'on a reconnu la plus convenable pour les marins; sans doute il faudrait se conserver les moyens d'adoucir ainsi les obligations du service; et pour maintenir l'égalité de répartition, il n'est pas nécessaire qu'elle soit observée dans chaque levée particulière, pourvu qu'elle se retrouve dans la totalité de celles d'une année. Quant à la distribution entre les syndicats du même quartier, ces différences n'existent pas; mais comme les demandes ne seraient pas toujours composées d'un nombre qui puisse se diviser par le rapport déterminé, la contribution de quelques syndicats pourrait se trouver quelquefois plus forte d'un homme qu'elle ne le devrait; et ces légères différences se compenseraient facilement.
Je me suis contenté de tracer l'esquisse générale du plan que je propose, et qui me paraît réunir beaucoup d'avantages pour les gens de mer, et pour le service. Il conserve tout ce que les établissements actuels des bureaux des classes ont d'utile pour le service public et pour les gens de mer; et en retranche toute espèce d'autorité, quant aux levées, pour la transporter aux syndics choisis par les gens de mer eux-mêmes, qui seuls auront quelque pouvoir réel sur les matelots, surtout quant à l'objet le plus important pour eux, celui de la répartition individuelle de ces levées. Le commissaire ne demeurerait chargé, à cet égard, que de la répartition numéraire entre les syndicats; et comme elle devrait être faite suivant une proportion fixée, et que les résultats de ce travail seraient toujours publics et bien connus, il ne peut en dériver aucun inconvénient (i).
Quant à la répartition entre les quartiers, cet objet ne peut regarder que l'administration générale de la marine ; puisqu'il dépend entièrement des ordres qui devront être donnés pour les armements des vaisseaux dans les différents ports, auxquels les levées de chaque quartier seront destinées; des époques de ces armements et des projets relatifs à ceux qui doivent leur succéder et qu'il peut être utile de tenir secrets. Les mêmes considérations peuvent avoir lieu quant aux travaux des arsenaux. Et il sera toujours bien
facile de reconnaître si les répartitions auront été faites suivant les rapports déterminés.
L'établissement des syndics n'ayant pour objet que d'assurer la justice de la répartition individuelle des levées; il me paraît au moins inutile d'établir des rapports entre les syndicats d'un quartier et ceux d'un autre ; ce serait compliquer sans nécessité une administration de détail qu'il importe beaucoup de rendre très simple. Ce n'est que l'administration générale de la marine, qui doit toujours considérer dans son ensemble cette grande machine des classes ; afin de pouvoir ordonner et répartir les armements dans les différents ports, et combiner leurs époques, suivant les moyens qu'on peut avoir dans chaque moment pour former les équipages ; et diriger enfin tous les mouvements de la flotte de la manière la plus active et la moins onéreuse aux gens de mer.
Je ne peux me dispenser de discuter ici un autre projet, qui a été présenté au comité de la marine, et qu on a bien .voulu me communiquer. Mais, sans en faire un examen détaillé, je me réduirai à un petit nombre d'observations, qui suffiront, je crois, pour prouver que l'exécution de ce plan présenterait les plus grands inconvénients.
Dans le mémoire qui contient ce projet, l'auteur, après s'être élevé avec force contre l'ordonnance de 1784, et contre le régime des classes, qu'il ne paraît pas avoir été à portée de bien connaître, propose un décret qui supprime entièrement les classes, en qualifiant cette institution de la manière la plus odieuse; mais, au même instant, ce décret les rétablit, et sous une forme bien plus onéreuse pour les gens de mer et surtout bien arbitraire, en détruisant tous les principes conservateurs de la liberté, et en supprimant toutes les règles destinées à assurer l'égalité de répartition de la charge commune du service; il substitue enfin à un engagement volontaire, subordonné à la profession de marin, et qui cesse avec elle, une conscription générale, et forcée, de tous les habitants des côtes, jusques à quatre lieues de distance de la mer, sans égard aux professions qu'ils exercent, et sans aucune exception. Ils seraient divisés en deux sections; l'une, comprenant les marins proprement dits; l'autre, tout le reste des habitants. La première section est chargée du service de la flotte en temps de paix, et la seconde sera grévée alors d'une imposition en faveur de ces matelots. En temps de guerre, les deux sections doivent remplir conjointement ce service; et nul habitant des côtes n'en serait exempt, à moins qu'il ne s'en rachetât par une redevance ou qu'il ne fût employé dans les bataillons des milices-gardes côtes. On voit que, dans ce projet, on a donné une très grande extension au principe de l'obligation des gens de mer pour la défense de la flotte; et la conscription proposée n'est certainement pas une conséquence directe de ce principe. Il est aisé de reconnaître d'ailleurs que cette conscription générale serait, pour les habitants des côtes, le fardeau le plus intolérable; et on peut craindre, avec raison, que si cet établissement avait lieu, ces côtes ne fussent bientôt désertes ; que, dans l'espace désigné, la culture ne fût négligée, les manufactures abandonnées, et que la population des villes maritimes ne diminuât considérablement.
Dans ce projet on détruit, par le fait, ce moyen si simple de connaître les navigateurs par ies rôles d'équipages, ce qui forme cependant la base essentielle du régime des classes. Un homme
n'est classé maintenant comme marin, que lorsqu'il a déclaré qu'il veut l'être, lorsqu'il l'a réellement été pendant un temps assez long pour lui faire bien connaître l'état qu'il a embrassé, et lorsqu'il a persisté ensuite dans sa résolution. On veut détruire toutes ces précautions ; et les habitants des côtes, soumis d'abord â une conscription qui les assujettirait au moins à un impôt, seraient traités ensuite comme matelots, et passeraient, sans leur aveu, dans la première section, sur le témoignage toujours suspect, puisqu'il serait intéressé, de trois marins de leur communauté. Et comme le déclassement ne pourrait pas avoir lieu, tant qu'on continuerait à habiter les côtes, les reproches, faits sans motifs dans d'autres écrits au régime des classes, deviendraient alors bien fondés ; et il serait vrai (pour la première fois) que les hommes naîtraient matelots sur les côtes, et continueraient à l'être jusque à la fin.de leurs jours: ce qui est certainement très contraire aux principes actuels de cette institution.
Dans ce projet de loi, les ordonnances antérieures, étant détruites, ne sont remplacées que par un petit nombre de dispositions générales, qui donnent un pouvoir très absolu aux assemblées de syndics, auxquelles cette administration serait confiée. Sans doute, en proposant d'établir une autorité aussi arbitraire, aussi dégagée des principes et des règles, on a beaucoup compté sur la justice, la modération et l'équité de ces assemblées, et cette confiance est sans doute fondée ; mais quels que soient les agents chargés de l'exécution des lois, il faut encore qu'elles soient précises, et que les obligations qu'elles imposent soient limitées et bien déterminées, surtout lorsqu'elles tendent à gêner la liberté; ainsi, en partageant, à quelques égards, l'opinion de l'auteur de ce projet, sur le choix de ceux qui doivent être chargés de l'autorité relative à l'obligation du service, et pensant comme je l'avais déjà dit, avant l'ordonnance de 1784, que ce pouvoir doit être confié à des hommes élus par les gens de mer, et choisis parmi eux, je suis très parfaitement convaincu qu'il faut encore établir des règles, ou conserver celles qui existent puisqu'elles sont bonnes; et bien prononcer surtout le principe élémentaire, et que je regarde comme sacré, que l'obligation du service n'est qu'une conséquence de l'état de marin, qu'on choisit librement et que l'on continue de même. Je crois aussi que les moyens que fournissent les rôles d'équipages, pour bien connaître les navigateurs, sont précieux, et qu'on ne peut y renoncer; que les matricules, ces registres si importants pour les gens de mer et pour leur famille, ne peuvent être détruites, et je ne vois enfin que des avantages, et point d'inconvénients, dans la conservation des bureaux des classes, réduits aux fonctions que j'ai proposé de leur réserver. Quant à l'économie qu'on pourrait avoir en vue, j'observerai qu'en .adoptant le projet que je discute, il faudrait enfin s'occuper des moyens de faire payer aux gens de mer chez eux tout ce qui peut leur être dû par la marine. Cette comptabilité, que la multiplicité des détails rendra toujours assez compliquée, exigera nécessairement, dans toutes les suppositions des agents de l'administration de la marine sur les côtes; et soit par cette raison, soit à cause des frais qu'exigeraient aussi les bureaux ou secrétariats, et tout ce qu'on voudrait établir pour remplacer les commissaires des classes, je ne vois pas que leur suppression puisse produire la moindre économie. Je pense aussi qu'on peut remplir, d'une manière très simple, l'objet proposé de ne
soumettre les gens de mer qu'à l'autorité de leurs représentants, librement élus, sans donner à celte idée autant d'extension qu'on l'a fait dans ce projet. En établissant des syndics dans toutes les paroisses maritimes, on propose de formerensuite» par la réunion de ces syndics, des assemblées de département, qui auront des commissions intermédiaires permanentes; elles seraient subordonnées à des assemblées provinciales maritimes, qu'on établit au nombre de quatre,, et entre lesquelles on partage toute l'étendue des côtes du royaume; C'est à ces assemblées que serait confiée toute l'autorité, non seuli ment pour la partie des classes» mais encore pour tout ce qui concerne la police maritime, la navigation, la pêche, la construction et l'entretien des ports, et tout ce qui en dépend ; mais j'observerai qu'en enlevant ces objets importants à la surveillance et à l'autorité des départements des côtes ou de l'administration générale du royaume, pour en charger une adminictralion particulière et indépendante, on prépare des causes de discussion, de conflits d'autorité et des difficultés d'autant plus embarrassantes, que ces départements maritimes n'ayant pas, comme les autres, l'administration des fonds publics, n'auront pas aussi les mêmes moyens de faire exécuter leurs projets. Cette vaste machine de départements et d?aasemblees provinciales maritimes serait peu liée à l'organisation générale du royaume, formerait une exception aux règles, et produirait nécessairement quelque embarras; au lieu que 1» s syndics que je propose rentrent dans l'ordre général et ne peuivent, ce me semble, avoir aucun Inconvénient. Enfin, on voudrait aussi que ces départements fussent des tribunaux pour les affaires commerciales et maritimes; mais ce mélange de l'autorité judiciaire avec l'autorité administrative ne me parait pas bien conforme aux principes de la constitution et aux maximes adoptées par l'Assemblée nationale, et il serait facile d'en développer les inconvénients. Il paraît donc que tout ce grand établissement est au moins inutile, et que, pour l'avantage des gens de mer, il suffit de fixer les rapports d'une répartition égale entre les différentes parties des côtes, ensuite d'établir, dans chacune de ces parties, un moyen bien simple et juste pour la repartition individuelle; c'e^tce qui intéresse essentiellement les matelots. La liaison entre ces diverses parties est sans objet à cet égard : et je répéterai encore que c'est l'administration générale de la nrnrine, qui seule doit considérer toute la machine des classes dans son ensemble, afin de combiner les levées dans ies quartiers avec les armements des vaisseaux dans les ports; prendre les moyens convenables pour réunir dams ses arsenamx le nom lue des gens de mer nécessaires pour former les équipages, au moment où ils peuvent être utiles;: et éviter ainsi le double inconvénient de manquer de matelots à l'instant du besoin, ou de les fatiguer par des levées inutiles, ou au moins prématurées, et de les entretenir ensuite à grands frais'tans les casernes des ports, jusqu'à ce qu'ils puissent être embarqués (1).
Je crois avoir prouvé que le plan que j'ai proposé, plus simple que celui que j'ai élé forcé de combattre, présente les mêmes avantages pour les gens de mer, de bien plus grands encore, assure mieux leur liberté, et en même temps l'avantage du service; je n'insisterai pas davantage sur cet objet, et je terminerai ce mémoire, en «lisant quelque chose des classes actuelles des bateliers die. rivière, et des autres ressources accessoires qui sontemployées pour procurer à la flotte les hommes que les classes des côtes ne peuvent fournir.
J'ai déjà exposé mon opinion sur l'établissement des classes des rivières : je crois que l'on y a mal à propos transporté un régime qui n'y était pas applicable, ,et que la police des classes étant fondée sur les rôles d'équipage, qui font connaître les navigateurs et les ramènent sansces^ volontairement, et pour leurs propres intérêts, aux
bureaux des classes; dès que rien de semblable n'existe sur les rivières, ce régime ne pouvait pas y être établi delà même manière; il faut donc ou le modifier ou le changer; mais pour se décider à cet égard, il faut examiner de quelle importance est pour la flotte le secours qu'on tire des bateliers de rivière, et il serait possible de s'en passer. Ceci nous conduit à une considération très importante.
Les matelots soui certainement les hommes les plus nécessaires à l'armement des vaisseaux de guerre, et sans eux il serait impossible de les manœuvrer; ils ne peuvent èire remplacés par rien; mais il ne s'ensuit pas qu'ils doivent former la totalité des équipages, et qu'on ne^ puisse armer des vaisseaux qu'avec des matelots. On peut, ce me semble, disitnguer dans ces équipages trois classes d'hommes : les matelots, gens d'art destinés à la manœuvre formeront la première; la seconde composée d'hommes pour le combat, ou de canoimiers et de soldats; enfin la troisième est celle des hommes employés aux travaux de force, aux manœuvres qui 'n'exigent ni talents particuliers, ni connaissances préalablement acquises, et qu'on ne puisse leur donner en peu de temps, soit pour les objets relatifs à la conduite du vaisseau, soit dans le combat pour le service de l'arullerie. Je crois qu'on ne s'éloignera guère de la vérité, en supposant, par une considération générale, que ces trois classes d'hommes peuvent être employées sur la flotte à peu près en nombre égal ; d'où il résulte1 que, quoique la force nav'.ile d'un Etat soit limitée par le nombre de ses matelots, elle n'est pas cependant bornée au nombre de bâtiments de guerre qu'on pourrait armer en y employant que des gens de mer; mais qu'elle a une plus grande extension proportionnée à ce nombre, et relative au rapport, suivant lequel on peut faire entrer les matelots dans la compo-ition des équipages. Ainsi, lorsque j'ai dit que, dans l'état actuel, notre flotte était proportionnée à notre population maritime, je n'ai pas entendu que les classes pussent suffire pour l'armer en entier, et l'entretenir armée pendant une guerre de plusieurs années, mais qu'il y avait assez de matelots pour cet objet, en supposant qu'on continuerait à admettre dans la composition des équipages, comme on l'a fait jusqu'à présent, d'autres hommes que des gens de mer, t? dans la plus grande proportion possible.
Les matelots sont ceriainement propres à remplir tous les services sur un vaisseau; ils sont hommes d'art pour la manœuvre, hommes de guerre dans les combats, et, pour le* travaux ordinaires, ils réunissent l'adresse à la force; mais cette classe précieuse est bornée; elle ne se renouvelle pas pendajit la guerre à cause de l'inac-t'on du commerce et de la pêche, et il faut une longue paix pour réparer complètement, à cet égard, les perles d'une guerre; on peut au contraire, en peu de temps, former des soldats et des canonniers, et bien plus facilement encore, de simples manœuvriers : on peut les recruter pendant la guerre. II serait par conséquent très déraisonnable de ne pas réserver avec un soin extrême des hommes aussi importants que les matelots, po. r les choses auxquelles ils sont absolument nécessaires et de les employer à un service auquel d'autres hommes seront également propres.
Il faut donc, indépendamment des classes, se ménager d'autres ressources accessoires pour l'armement de la flotte; il faut même les tenir tou-
jours préparées pour le commencement d'une guerre, et les déployer toutes avec activité dès la première campagne. L'a dernière guerre a donné, a cet égard, une grande leçon, dont il est bien important de profiter. On'avait fait la faute irréparable d'armer les premières escadres eh entier avec l'élite des classes; d'où il résulta que tous les bons marins formés ont eu à soutenir les fatigues et les dangers de la guerre entière, et que cette classe importante a prodigieusement souffert, et se trouva enfin presque entièrement épuisée. Lorsqu'on fut forcé ensuite à employer des ressources accessoires, on n'avait plus de quoi composer de bonnes têtes d'équip;iges; et enfin, les vaisseaux se trouvèrent si mal armés, que si la guerre avait été prolongée, on aurait été dans le cas d'avoir de vives inquiétudes à cet égard, cette mauvaise opération a encore l'inconvénieat d'arrêter tout d'un coup, dès le début d'Une guerre, toute la navigation marchande, par des levées rigoureuses; et enfin de donner toiit de suite une idée très impolitique d'épuisement de forces et de ressources. Si au contraire on a disposé d'avance des moyens telsqu'on puisse n'employer sur les vaisseaux que ce qu'il faut de bons matelots formés, on peut, dès les premiers armements, combiner un plan général pour tous ceux qui doivent leur succéder, et pour les remplacements pendant plusieurs campagnes ; alors les levées étant modérées et bien réparties sur toutes les classes d'hommes qu'oit est dans le cas d'employer, les vaisseaux seront toujours bien armés, et il restera, dans les ports, des hommes pour les mouvements du commerce et particulièrement pour équiper les bâtiments marchands qui doivent former les convois, et pour armer les corsaires.
Je ne développerai pas davantage cette importante vérité; mais après avoir établi la nécessité de ces moyens, il faut examiner quelles sont à cet égard nos ressources. Les classes nous fourniront tous les hommes de manœnvre, les véritables gens de mer, et même une partie de.- hommes de manœuvres basses; parce que, quoique tous les gens classés soient marins, il s'en trouve beaucoup particulièrement parmi les pécheurs des côtes, qui ne sont pas assez exercés, pour être employés aux manœuvres hautes.
Les troupes d'infanterie ont fourni, pendant la dernière guerre, les garnisons des vaisseaux, et il paraît absolument nécessaire de suivre dorénavant cette méthode. Il y a lieu d'espérer que dans la nouvelle organisation de l'armée, il ne se trouvera rien qui puisse empêcher de l'employer à la défense de l'Etat dans les guerres de mer, comme dans celles de terre; et alors les deux objets principaux sero it bien remplis (l).
Mais il reste une troisième classe d'hommes pour le service de l'artillerie, et pour les ma-
nœuvres basses ; les moyens qu'on a employés pour se procurer, pendant la guerre, ce que les classes ne peuvent pas en fournir, peuvent se réduire à trois: les classes des rivières, les gardes-côtes et les enrôlements.
Les bateliers de rivière ne sont pas gens de mer; mais leurs occupations ordinaires et leurs habitudes les en rapprochent à quelques égards ; et ce sont peut-être ceux qu'on peut employer le plus utilement sur les vaisseaux, pour aider aux travaux des marins. D'ailleurs, on a considéré que si la navigation maritime était grevée de l'obligation d'un service personnel, il n'était pas juste que celle des rivières en fût totalement exempte. Je crois en effet qu'il suffirait peut-être d'adoucir et de modifier les obligations actuelles des bateliers, sans les détruire entièrement; et que le besoin absolu que l'Etat a de ce secours, qu'on peut évaluer à environ 10,000 hommes, rend cette mesure nécessaire (1) ; enfin, qu'elle peut être disposée de manière à n'êlre pas onéreuse.
Il faut distinguer, parmi les bateliers de rivière, deux classes d'hommes très différentes: les maîtres, qui sont ordinairement propriétaires des bateaux, et les mariniers employés aux gages des maîtres, qui sont souvent des hommes sans domicile fixe et peu disciplinés ; on a reconnu depuis longtemps la nécessité d'établir à cet égard une bonne police sur les rivières, et déjà le régime des classes a été utile pour cet objet; mais il n'a pas rempli tout ce qu'on pouvait en attendre, parce qu'on n'a pas suivi une bonne route; on s'est occupé essentiellement à former les registres des classes des rivières; la police des mariniers n'a été qu'un accessoire; même il a été nécessairement négligé, parce que, pour bien remplir ce plan, il aurait fallu pouvoir concilier plusieurs autorités qui se gênent mutuellement. Si on était parvenu à les réunir pour établir une police utile, elle aurait donné les moyens d'employer les bateliers au service de la flotte; cela aurait été d'autant plus facile, que dans les levées faites sur les rivières, le choix est bien moins important que dans celles des quartiers des côtes. Les matelots sont des hommes d'art, que leurs talents, leurs connaissances,ou, si l'on veut, leurs habitudes rendent utiles sur les vaisseaux, chacun d'une manière différente; ainsi il faut les bien distinguer, les connaître parfaitement, pour assigner à chacun la place qui lui convient, et les employer tous convenablement. Une levée composée au hasard, quoique toute formée de bons navigateurs, ne donnerait pas le moyen de bien armer les vaisseaux; la même considération ne peut pas avoir lieu pour les bateliers de rivière; tous sont à peu près également propres au service pour lequel ils sont destinés. On n'a donc pas le même besoin de les connaître individuellement, un de ces hommes pouvant presque toujours être remplacé indistinctement par tout autre. Ces réflexions, et tout ce que j'avais été à portée d'observer dans les classes des rivières, m'avaient
conduit à penser que l'ordre actuel devait être changé; qu'il conviendrait d'y substituer une police très simple sur les mariniers, et d'en charger les maîtres. Je proposai en conséquence de former, dans les points principaux des rivières, des corporations ou municipalités de bateliers, dans lesquelles ils éliraient d^s syndics ou chefs, de n'admettre comme mariniers que les hommes qui, s'étant présentés à ces syndics, auraient été inscrits sur les registres destinés à cet effet, et auraient reçu un billet qui constatât cette admission ; ils seraient prévenus en même temps que l'obligation de servir sur les vaisseaux, en temps de guerre, et chacun à leur tour, est la condition à laquelle ils sont admis. Alors ce serait par un choix libre, par un engagement volontaire, qu'ils s'y soumettraient; et ils pourraient toujours faire cesser cette obligation en renonçant à la profession de marinier. Les syndics pourraient être chargés, non seulement de cette police générale, mais de plusieurs détails importants, particulièrement pour les marchés faits entre les maîtres et les mariniers, qui sont aujourd'hui une cause continuelle de discussions, de difficultés et de désordres; ces marchés seraient faits devant ces syndics, qui en retiendraient note, délivreraient des espèces de rôles d'équipage, et décideraient, dans les bureaux où ils se réuniraient, les contestations relatives à ces objets.
Cet ordre étant établi, on peut fixer le rapport suivant lequel chaque rivière contribuerait, en temps de guerre, à l'armement de la flotte, d'une manière qui ne puisse pas être onéreuse à la navigation; et sous-diviser ensuite cette contribution totale, en la répartissant entre les différents syndicats de bateliers. Les bureaux des classes deviendraient, dans ce système, peu utiles sur ces rivières; un seul commissaire, qui pourrait même souvent être celui du port situé à l'embouchure de la rivière, suffirait pour faire passes dans les syndicats les demandes de levées, et il n'aurait pas besoin de tenir les matricules de tous ces syndicats : des états numéraires seraient très suffisants. Les syndics composeraient la troupe qui devrait former leur contingent, en faisant marcher le nombre des mariniers nécessaires, suivant l'ordre et le tour de rôle qui auraient été établis ; et ceux de ces mariniers qui seraient parvenus à la qualité de maître, qualité qu'il serait important de bien définir, seraient exempts de ces levées, comme cela est prescrit aujourd'hui. Un commissaire ou officier serait envoyé dans les points de rassemblement pour recevoir ces troupes, les passer en revue, vérifier si elles sont composées d'hommes propres au service, et remplissant les conditions qui seront prescrites généralement à cet égard; enfin, payer les avances et frais de route ou de conduite.
Ces levées n'auraient lieu qu'en temps de guerre et pour les grands armements ; à moins cependant qu on ne jueeât utile, comme je le crois, de continuer à envoyer tous les ans de chaque rivière un petit nombre de jeunes gens aux écoles d'artillerie des ports, pour s'y instruire du service auquel ils sont particulièrement destinés sur les vaisseaux.
Ge plan que je viens de présenter avait été agréé il y a quelques années; mais comme on prévoyait alors des difficultés locales dans son exécution, elle avait été différée; il me semble que maintenant on pourrait remplir de cette manière l'objet qu'on doit avoir en vue, et qu'en établissant une police utile sur les rivières, en dégageant les bateliers des gènes actuelles, en les chargeant
eux-mêmes de la levée du contingent d'hommes qu'on serait dans Je cas de leur demander, on ferait disparaître tous les inconvénients du régime actuel; et les mariniers prévenus, lorsqu'ils embrasseront cette profession, de l'obligation qui y serait attachée, ne pourraient se plaindre lorsqu'ils seraient levés, puisqu'ils ne feraient alors que remplir un engagement contracté librement.
Je n'ajouterai rien sur les détails d'exécution de ce projet, il serait facile de les développer: mais il paraît convenable de ne s'en occuper qu'après que les bases principales auraient été fixées, si on ne trouve pas d'autres moyens de rassembler en temps de guerre le nombre d'hommes nécessaires à l'armement de la flotte.
Si cette proposition était adoptée, les rivières pourraient fournir ainsi un secours très utile; mais il serait encore insuffisant, et il faut y ajouter d'autres ressources.
Celle des gardes côtes, qu'on a employée jusque à présent, a les plus grands inconvénients. Dans une guerre marilime, les habitants des côtes déjà très grevés par l'interruption du commerce, et par l'absence des gens de mer, et des employés au service public, sont obligés, par Je besoin de la défense commune, de faire un service fort actif pour la garde des côtes, les signaux qu'on y étabJit, et l'armement des batteries. II ne paraît pas juste de les surcharger encore de l'obligation de fournir une milice pour l'armement de la flotte ; on y a été cependant forcé par une nécessité impérieuse daus plusieurs guerres, et il y a tout lieu de craindre que dans celles.qu'on pourra avoir à soutenir dans la suite, la même nécessité ne se fasse encore sentir; et qu'on ne soit forcé d'avoir recours à cette ressource onéreuse, si on ne se prépare pas d'avance des moyens de la remplacer. Il serait en effet bien juste de soulager un peu les habitants de ces côtes, qui jusque à présent ont porté seuls, dans les guerres maritimes, Je poids des obligations générales des citoyens pour la défense commune; mais il est aussi très difficile de répartir ces obligations d'une manière plus égale, sans s'exposer à de grands inconvénients. Cette question importante mérite un sérieux examen, et quoique j'y aie longtemps refléchi, je n'oserais encore prononcer une opinion positive à cet égard; je me permettrai cependant une réflexion qui est fondée sur les principes qu'on semble disposé à adopter pour l'organisation de l'armée. Il paraît qu'elle doit être divisée principalement en deux parties, l'une de troupes soudoyées et constamment entretenues, l'autre de milices qui ne seraient mises en activité qu'au moment du besoin. Mais si la première partie de cette armée continue, comme je le crois nécessaire, à être employée dans les guerres de mer, pourquoi une portion de la seconde ne Je serait-elle pas aussi ? Si les troupes soudoyées fournissent Jes garnirons des vaisseaux, ne serait-ce pas possible que Jes milices, ou ce qui sera établi pour en tenir lieu, y fournissent aussi des détachements pour le service de l'artillerie, qui est l'objet auquel on avait destiné particulièrement les gardes côtes par la dernière ordonnance qui les concerne?
On pourrait croire cependant qu'il serait possible de se passer de toutes ces ressources, et de es remplacer par des enrôlements volontaires. On 'a essayé pendant la dernière guerre avec beau-;oup d'activité, mais avec très peu de succès; les lommes, gui n'ont pas été familiarisés avec les 3ées maritimes par de très longs séjours dans les orts, ont ordinairement une extrême répugnance
pour ce service; les recrues ont par conséquent été peu nombreuses et fort mal composées à tous égards, et les hommes qu'on parvenait à se procurer ainsi, étaient en général peu propres a un service aussi actif. Je suis cependant fort éloigné de croire qu'il convienne de renoncer à ce moyen; et je pense au contraire que, dès le début d'une guerre, il faudrait s'occuper à faire des recrues, et les rassembler dans des ports, pour les accoutumer à quelque discipline, et instruire ces hommes du service qu'ils auront à remplir, particulièrement pour l'artillerie; mais cette ressource faible en elle-même, et qui exige une forte dépense, ne pourrait pas suffire à tout; d'ailleurs elle ne peut pas servir pour une première campagne; on n'a que trop éprouvé combien il y avait d'inconvénients à embarquer ces volontaires dès qu'ils sont enrôlés, et avant que d'avoir pu les discipliner et les exercer.
Ainsi les ressources accessoires qu'on a employées jusqu'à présent pour suppléer à ce que les classes des côtes ne peuvent fournir, se réduisent à trois, savoir, les classes des rivières, les gardes côtes, et les enrôlements volontaires. Le premier de ces moyens doit, à ce que je crois, être conservé en y faisant beaucoup de changements et de modifications; il conviendrait de renoncer au second en cherchant les moyens de le remplacer; et on doit tâcher de rendre le 3e plus utile qu'il ne l'a été jusqu'à présent.
Je me suis peu occupé dans ce mémoire de ce qui concerne les ouvriers des professions maritimes, relatives à la construction et au gréement des vaisseaux ; mais une grande partie de ce que j'ai dit sur les gens de mer peut être appliquée à ces ouvriers, quant à l'obligation d'aller travailler dans les arsenaux lorsque cela devient nécessaire pour le service public; aussi il faudrait régler les répartitions des levées, pour chacune des classes de ces ouvriers, entre les quartiers, et les sous-diviser ensuite par rapport aux syndicats; et ces levées pourraient se faire de la même manière que celles des gens de mer, c'est-à-dire par les syndics, à l'élection desquels il serait juste, par cette raison, que les ouvriers pussent concourir.
J'observerai à cet égard qu'en réglant les travaux des arsenaux de la manière la plus régulière qu'il est possible, en sorte qu'ils soient à peu près constants et uniformes en temps de paix ; on peut espérer de parvenir à les exécuter en entier avec les ouvriers résidnat dans les ports, et sans être obligé d'employer ceux des classes, dont Je secours ne serait nécessaire que dans les grands mouvements et pendant la guerre.
Mais l'objet principal et duquel dépend essentiellement l'existence même de la force navale, c'est la conservation de l'établissement des classes des gens de mer sur les côtes. Et en résumant tout ce que j'ai exposé dans ce mémoire, je pense qu'il serait nécessaire d'en établir les bases par une loi qui aurait pour objet de fixer le principe de l'obligation du service militaire dépendant ae l'état de marin, et à laquelle les gens de mer doivent demeurer assujettis après avoir embrassé librement cette profession, et tant qu'ils continuent à l'exercer; détablir d'une manière précise les règles principales qui seront suivies pour reconnaître ceux qui doivent être compris sous cette dénomination générique, ainsi que les causes qui feront cesser cette obligation; déterminer la manière de la faire remplir par une égale répartition; charger du détail des levées des syndics élus librement par les gens de mer et choisis parmi eux ; fixer les objets des fonctions des commissaires des
classes, et de celles des syndics;, établir. pour les ouvriersdesprofessionsmaritimes, des règles semblables à c Iles des gens de mer; déterminer la manière dont les bateliers des rivières contribueront à l'armement de la flotte ; exposer enfin toutes les règles générales de cette importante administration.
Je crois qu'on devrait ensuite s'occuper sans délai dés moyens d'exécution et des lois ou règlements dé détails; en examinant tout ce qui existe maintenant à cet égard, pour conserver les dispositions utiléfe,1 réformer ce qui doit l'être,.ajouter ce qu'on jugera nécessaire, et composer enfin un Code complet pour cet objet, qui rende inutiles tous les règlements antérieurs. Ce travail est sans doute difficile et exige beaucoup d'attention et de soin; mais il serait aussi bien important, non seulement pour ce qui concerne directement le service de la flotte, mais encore pour assurer la liberté des gens de mer, et celle dé la composition des équipages Jes bâtiments marchands, régler les salaires elles récorn penses des marins, leurs soldes d'invalides, les secours donnés à leurs familles, les peines de la désertion, peut-être la police des équipages, objet intéressant et dont on s'est peu occupé, enfin un grand nombre d'autres, dont je crois inutile d'exposer ici le développement. Mais qu'il me soit permis de rappeler encore l'importance des questions générales présentées dans ce mémoire, et qui ont pour objet la conservation de la puissance maritime de la France, a'.nsi que le bonheur d'une nombreuse classe de citoyens.
J'ai présemé le plan qui m'a paru le plus propre à concilier ce qu'exigent les besoins de l'Etat avec l'avantage des gens de mer; j'ai expo>é,: aussi nettement qu'il m'a été possible, les motifs de mes opinions; et j'ai dit avec Vérité ce que j'ai appris en exerçant cette administration, en examinant la plus grande partie dés côtes avec beaucoup de soin, et en y faisant un recensement général qui m'a mis à portée de voir tous les détails. Il me reste à désirer seulement que mes idées puissent paraître utiles; once que, sans doute, je préférerais beaucoup, qu'elles puissent en faire naître de meilleures, et qu'il s'offre d'autres moyens que je n'aperçois pas pour maintenir la force navale, et pour adoucir le sOrt des matelots; je lés connais trop bien pour ne pas les chérir, et souhaiter ardemment qu'ils soient aussi heureux qu'ils le méritent; la plus douce satisfaction que je pourrais éprouver, serait de contribuer à la leur; et je ne puis terminer ce mémoire sans représenter qu'il serait bien juste de chercher quelques moyens de lés récompenser des sacrifices qu'ils font pour la chose publique et de tous les avantages qu'ils lui procurent. Je ne proposerai pas d'examiner dans ce moment tout Ce qui peut les intéresser, particulièrement la fixation de leurs salaires sur les bâtiments de guerre; mais je demanderai s'il ne serait pas possible de leur accorder quelques témoignages de satisfaction; et particulièrement de régler qu'après un temps de servicé'fixé, ifs seraient considérés comme citoyens' actifs, quand même ils ne paieraient pas "l'imposition directe déterminée pour cet objet. Leur service militaire personnel paraît bien pouvoir être considéré comme un impôt équivalant à celui de la valeur de trois journées de travail.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un de MW. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.
, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier soir.
Il ne se produit aucune réclamation.
, abbé d'Abbecourt, fait lecture d'une" adresse de l'abbé général des Préman-trés, qui, après.avoir établi que son ordre est un ordre pastoral ; que toutes les maisons dudit ordre sont, ou des séminaires, ou des maisons de retraite pour les anciens curés, offre de nouveau de se charger de l'éducation publique.
, curé de F lins, député de Mantes, demande un congé de dix jours pour affaires indispensables de sa paroisse. .
Le congé est accordé.
annonce que Vordre du jour e$i la suite de la discussion sur le rapport du comité ecclésiastique relatif aux ordres religieux du royaume.
Je propose de déterminer, avant toute chose, dans quelle forme et à quelles époques se fera la vente des biens domaniaux dont l'aliénation est décrétée.
Je propose de revenir à notre ordre du jour et de délibérer d'abord sur les questions suivantes:
1° Les corporations ou ordres religieux seront-ils conservés ou supprimés ? Le seront-ils tous, ou fera-t-on une distinction entre les ordres rentés et ceux qui ne le sont pas ?
2° Si on les supprime, ou tous, ou partie d'entre eux, conservera-t-ron quelques maisons, pour donner aux religieux qui voudront continuer de vivre dans le cloître, la faculté d'y rester?
3° Quelle sera la pension qu'on accordera aux religieux qui rentreront dans le monde ? Sera-t«elle la même pour les religieux rentés, et pour ceux qui nè le sont pas ?
4° Les religieux qui pourront, dans la suite, être nommés à des cures, conserveront-ils une partie de leur pension ?
5° Les religieux qui ont des cures, conserveront-ils ces cures ? et, s'ils les conservent, auront-ils des pensions ?
6° Les religieux seront-ils habiles à recevoir des donations par testament ou entre-vifs ?
demande une nouvelle lecture des 17 articles proposés par le comité ecclésiastique.
, rapporteur, propose de décréter, avant tout, les trois articles suivants : er. Les ordres
religieux seront-ils aboLis ? y aura-t-il des exceptions'?.
Art. 2. Quel sort fera-t-on aux religieux q>ui s déclareront ne vouloir pas vivre dans les mai- j sons, .et sous Uhabitde leur ordre ?
Art. 3. Quel sort fèra^t-on aux religieux qui déclareront vouloir vivre dans les maisons et sous l'habit de leur ordre ? Cette motion est vivement appuyée.
, consulte l'Assemblée qui accarda la prioritéià la rédaction de M. Treithard. ; La motion est mise aux voix et adoptée.
fait une nouvelle lecture des trois articles et annonce que la discussion est -ouverte.
Messieurs, vous avez chargé votre comité ecclésiastique de vous présenter nécessairement un plan de 'constitution ecclésiastique. Ge plan ne vous est pas encore soumis; ceipendant ce même comité ecclésiastique vous propose aujourd'hui de prononcer sur le sort des corps -et communautés religieuses.
Je necomprends pas,comment on vous demande de statuer sur des détails, après que vous avez décidé flfue d';abord vous embrasseriez l'ensemble. «Cette marche, contraire à vos décrets, l'est aussi à la saine logique; car, Messieurs, il n'y a qu'une seule question à examiner relativement aux moines ; c'est de savoir si le culte public exige d'autres officiers que des évêques, des curés et des vicaires, >et s'il exige aussi des religieux. Je dis que la question se réduit à ce point, ; parce que si l'on parle des intérêts de la culture que les moines ont fait prospérer, je dirai que nos insiitutioes politiques feront désormais prospérer l'agriculture, en attirant tous les propriétaires dans les campagnes. L'on me parle de l'intérêt dtes sciences que les moines ont cultivées ; j mais notre constitution encourage ceux qui s'y livreront à l'avenir.* Si on me parle des aumônes que les moines. orit répandues, je dirai que l'assistance des pauvres est une charge publique et qu'indubitablement nous chargerons des institutions politiques de la quête ; si l'on me parie de la vocation de certains hommes pour la vie sédentaire, solitaire, contemplative, je dirai que nos lois n'empêcheront personne d'être ou dans sa chambre ou dans un désert; mais que la société ne doit pas davantage faire les frais d'un couvent pour les. gens 'qui veulent penser sans agir et sans parler ; si 'l'on me parle enfin de l'éducation publique et des maisons de charité, je répondrai que ce nVst pas comme moines que quelques religieux se sont voués à Téducation publique ou aux hospices de charité, maas «comme citoyens; qu'ainsi on peut' fort bien détruire en eux le caractère monacal et en même temps honorer et récompenser leurs services publics...
Je reviens donc à ma proposition et je dis qu'il n'y a d'autre question à examiner relativement aux moines, que Celle de savoir s'ils sont nécessaires au culte, ou s'ils ne le sont pas. Mais pour le savoir, il faut que le plan du comité soit présenté, que les besoins du culte soient connus, que les fonctions du culte soient déterminées ; que les différents caractères sacerdotaux, celui de'ia. séoularité et oelui de la régularité soient coin parés, pour que l'on juge lequel de ces caractères convient le mieux au culte. Il faut évidemment passer par tous ces points, avant
d'en venir à décider si il'on conservera ou si l'an supprimera les moines. Que le comité pnopose donc d'abord son plan général, qu'il nous découvre les bases de l'éditioe et l'espace qu'il doit occuper avant de nous proposer d'en construire une partie ; autrement nous risquerons de bâtir sur le sable et sans proportions.
Messieurs, vous ouvrirez la porte des «cloîtres, parce que de pareilles institutions ne oonviennent pas à un peuple libre.
Lus ordres religieux ont été utiles, il es»t vrai, â la religion, aux lettres^ à l'agriculture; jeiaisse aux ministres de la religion le soin de vous prouver le premier de ces points. Quant aux lettres, les religieux ont rendu des, services essentiels; mais ce n'est pas dans des. cloîtres quelles lettres peuvent aujourd'hui recevoir des progrés.
L'agriculture sera 'mieux servie par vos lois déjà publiées, par les entraves que vous enlèverez au commerce et par les dois que vous projetez de faire. Je conclus avec l'opinion publique, que vous devez prononcer l'abolition des ordres religieux en conservant aux individus qui les composent actuellement le droit d'y rester, ou celui d'en sortir avec un sort convenable.
Je n'adopte pas non plus tout ce que le comité ecclésiastique et M. de Lacoste vous ont proposé sur certains ordres particuliers, relatifs à l'éducation publique. Je crois que l'esprit de corps est dangereux dans l'éducation de la jeunesse.
Je commence par ma profession de foi Je ne crois* 'pas qu'on doive abolir en entier les établissements religieux. Le culte, les sciences et l'agriculture demandent que quelques-uns soient conservés. Il »n'y a pas assez de prêtres séculiers;'il est nécessaire de se ménager des troupes auxiliaires. Lesmoines ne sont, dit-on, pas nécessaires à l'agriculture; oui, mais ils lui sont otiles. On sait combien les campagnes ont perdu à la suppression des jésuites. Je conviens, quant à l'éducation, qu'il n'est point indispensable de les charger encore d'y concourir; lorsqu'ils auront été élevés dans les principes de notre constitution, ils pourront être plus propres à ces sortes de fonctions que des citoyens libres, que des prêtres séculiers. Relativement aux sciences, en voyant ce qu'ils ont été, on verra' ce qu'ils peuvent -être :'les abbayes de Saint-Ger-main-des-Prés, d^ Sainte-Geneviève, rendenticha-que jour aux lettres des services importants ; elles sont remplies de savants distingués; on y continue en ce moment la Gallia christiana, etc. Sous tous ces rapports, il serait impolitique et dangereux de'Supprimer en entier le6 "établissements ecclésiastiques.
C'est un principe constant que tous les corps étant faits par la société, la société peut les détruire s'ils sont inutiles, s'ils sont nuisibles. Voyons si les religieux sont utiles* s'ils ne sont pas nuisibles.
Autrefois les religieux priaient et travaillaient; aujourd'hui ils ne travaillent plus.; ce sont des bras ravis à l'agriculture, des richesses enlevées à ia société. Ainsi les moines sont nuisibles individuellement; ils sont dangereux comme corps. Si l'E>pagne, autrefois si peuplée, est actuellement déserte et appauvrie, elle le doit entièrement à l'établissement des monastères. Si l'An-
gleterre est florissante, elle le doit en partie à I abolition des religieux. Si ces établissements sont utiles aux campagnes, c'est parce qu'ils consomment sur le lieu qui produit. Mais, d'après votre constitution, le citoyen, plus attaché aux propriétés territoriales, trouvera de l'avantage à habiter le sol qu'il possédera à la place des ordres religieux. Il faut détruire entièrement ces ordres : en conserver quelques-uns, ce serait préparer la renaissance de tous. Quant à l'éducation, peut-on croire que vous conserverez aux maisons religieuses le soin précieux d'élever des citoyens? Rendez des hommes à la liberté, des citoyens à la société, des bras à l'agriculture et aux arts qui les redemandent; rendez à la circulation d'immenses propriétés qui restent dans une sta-
nation funeste, et vous ferez un bien inestima-le à la nation.
Doit-on conserver les ordres religieux? Non. Et pourquoi? 1* parce que leur régime est continuellement en opposition avec les droits de l'homme; 2° parce que aucun avantage ne compense cette cruelle opposition.
, général des lazaristes, député de Paris (1). Messieurs, si dans la discussion de la matière soumise à vos délibérations, j'osais rappeler un trait assez singulier, ie prendrais la liberté de vous faire observer que les procédés qu'on cherche à vous inspirer contre les ordres religieux, ressemblent assez à la manière des habitants de la Louisiane, qui abattent l'arbre pour en cueillir le fruit. Il eût suffi, sans doute, de retrancher le bois inutile, et d'enlever au frelon avide un fruit destiné à nourrir l'abeille active. On met la cognée à la racine de l'arbre, on lui enlève des rameaux pleins encore de suc et de vigueur, et il ne restera bientôt qu'un tronc stérile et dégradé.
Ge parti est le plus expéditif, le plus efficace; mais est-il le plus sage, le plus digne de vous, le plus convenable à la chose publique?
Pour atteindre ce but, oa a prodigieusement exagéré les torts des religieux. Les fautes de quelques-uns sont devenues les fautes de tous; on n'a vu que dés abus, du relâchement, de l'ambition.
II eût fallu, ce me semble, rapprocher le bien du mal, mettre les services à côté de l'inutilité prétendue. Ge contraste simple et naturel eût peut-être produit son effet.
Je suis toutefois bien loin de vouloir accuser les intentions de l'auteur de la motion; mais je ne crains pas de dire qu'il a été séduit par une apparence de bien, et.que son zèle pour ce qu'il croit être le salut de l'Etat l'a porté loin du but.
Vous en serez convaincus, Messieurs, si vous daignez réfléchir aux maux qui en résulteraient pour l'Etat, et à l'idée défavorable que l'exécution d'un pareil projet donnerait de votre justice et dé votre sagesse.
L'honorable membre a d'abord cherché à exciter votre zèle en liant la destinée dé l'Etat au temporel du clergé régulier surtout, et en vous montrant une régénération facile et nécessaire pour la fortune publique dans le décret du plan destructeur qu'il vous présente.
Messieurs, on vous parle sans cesse de régénération et on ne vous propose que des systèmes
op-
On veut donc tout régénérer en dépouillant le clergé et en supprimant les religieux, et sans doute la régénération commencera par Paris. Mais j'avoue qu'à cet égard les mesures qu'on vous indique me paraissent bien peu justes. Paris a fait des pertes immenses par l'émigration de ses plus riches citoyens ; il est à la veille d'en faire de nouvelles par la retraite d'une multitude prodigieuse d'individus qui tiennent à la magistrature. De combien ses maux vont-ils être aggravés par la suppression desmaisons religieuses, dont la consommation est si considérable et les aumônes si abondantes? Paris ne serait donc peuplé que d'artistes découragés, de commerçants sans crédit, de propriétaires de maisons sans locataires.
On veut régénérer les campagnes et les vivifier, et cependant on vous propose ae leur enlever ces communautés vénérables et riches, d'où coulait sans cesse un fleuve d'abondance vers la cabane du pauvre, pour les livrer aux capitalistes, qui, placés loin de l'infortuné, n'entendent jamais ses cris, et ne pourvoieront pas à ses besoins.
On a cru répondre à ce raisonnement pressant, en disant que les biens-fonds des religieux, ainsi que ceux du clergé, ne changeront pas de place et de sol ; mais ils changeront de mains, et ia main des capitalistes sera-t-elle aussi bienfaisante et aussi généreuse que celle des religieux ?
On nous a annoncé qu'on placerait de préférence les communautés dans les campagnes. Espoir trompeur, le plan qui les organise les anéantit; ils sont donc perdus pour les campagnes, où ils seraient d'ailleurs dans l'impuissance de faire du bien, étant sans propriétés et sans administration.
Que dirai-je du tort presque irréparable que va faire à une infinité de familles, surtout dans les provinces, la suppression des ordfés religieux? Que deviendra l'homme sans fortune, surchargé d'une nombreuse famille? Dans un autre ordre de choses, le cloître lui eût offert un débouché facile et honorable ; le sanctuaire lui eût donné des espérances et des ressources ; tout va lui manquer, et il sera réduit à gémir d'une fécondité qui fait son tourment.
Je le sais, Messieurs, on vous peint la France désormais heureuse et riche ; on vous montre la fortune planant sur ce vaste empire, y répandant de toutes parts ses trésors; mais ces tableaux ne sont bons que dans la tribune. On n'entre pas dans le commerce sans quelques fonds, on ne parvient pas à une place sans une éducation coûteuse, on ne devient pas artiste sans moyens.
On ne peut se dissimuler sans doute les maux que présente cette perspective effrayante ; mais on cherche à en écarter l'impression, en vous montrant des secours immenses pour l'État dans les biens des religieux, et la fortune des particuliers naissant de l'abondance générale. Silama-tière n'était pas si sérieuse, on serait tenté de s'égayer en voyant les biens des réguliers présentés comme le remède à tous nos maux, la ressource à tous nos besoins, le gage assuré des créanciers, le moyen infaillible de liquider nos dettes, de bannir la mendicité. Ah 1 l'âge d'or va renaître et le bonheur public s'élèvera sur les ruines des corps monastiques.
Mais si ce n'était là qu un beau rêve, n'auriez-vous pas regret d'avoir enlevé à une infinité de familles des moyens de subsistance sans aucun avantage réel pour l'Etat ?
L'auteur de la motion n'a pas cru sans doute devoir persuader en annonçant que les fonds morts du clergé régulier de Paris produiraient au moins cent-cinquante millions, et que les ressources qu'ils offraient dans les provinces étaient encore plus considérables. J'avoue, pour ma part, que je n'ai pas été convaincu, et je ne crois pas être le seul.
Je souhaite que cette vente projetée fasse le salut dé l'Etat ; mais sans chercher à augmenter les alarmes, il me sera permis de dire qu'elle doit souffrir beaucoup de difficultés dans un temps où toutes les fortunes sont ébranlées, où la confiance est perdue, le commerce anéanti ; , dans un temps où l'inquiétude des esprits, l'incertitude des événements ne permettent pas un choix sur le lieu de son séjour, ni sur les objets qui doivent servir de base à sa fortune; dans un temps où il y a tant d'hôtels en vente ou sans locataires. Ceux qui connaissent les provinces savent bien qu'on y chercherait en vain des acquéreurs pour la plupart des couvents supprimés. Ceux que la disette des sujets y a laissés sans habitants ne présentent plus qu un tas de ruines. D'ailleurs pour tirer quelque parti de ces maisons de communautés, il faut commencer par les abattre pour les rebâtir sur nouveau plan, et cette spéculation est peu flatteuse pour le plus grand nombre des acquéreurs.
On peut donc avancer, ou que ces ventes ne réussiront pas, ou qu'elles rapporteront peu.
Cependant la dépense relative aux religieux va augmenter prodigieusement; il faudra pensionner tous les religieux qui quitteront leurs couvents, et on ne peut leur donner guère moins de huit à neuf cents livres par tété. Ceux qui seront fidèles à leurs engagements ne seront pan sans doute moins bien traités. De plus, on se propose de pensionner les religieux mendiants, ainsi que toutes les religieuses. Quel surcroît énorme de dépense I Les religieux mendiants ne coûtaient que très peu à l'Etat, et ils n'étaieut pas aux frais du clergé. D'un autre côté les religieuses sont en général très pauvres, et on peut assurer qu'elles n'ont pas l'une dans l'autre deux cent-cinquante livres par tête; un travail assidu, un pensionnat et surtout une vie très frugale fournissaient à leurs besoins.
En supprimant leurs communautés, il faudra leur donner une pension à peu près égale à celle des religieux. Ainsi les pensions pour les religieux ou religieuses se trouveront monter au moins à la somme de 60 millions, et, comment peut-on se flatter de trouver cette somme immense dans les monastères supprimés ? Ceux qui cherchent à nous rassurer parlent au hasard ; ils n'ont à cet égard aucune donnée certaine, et leurs calculs n'ont d'autre but qu'une apparence trompeuse. En effet, on ne connaît ni les charges ni les dettes des communautés religieuses ; on ignore le montant de leurs revenus ; ce qu'ils perdront par la suppression des droits féodaux, par le remplacement des dîmes et le rachat des ventes, par l'assujettissement à toutes les impositions et encore par la dégradation des forêts depuis la Révolution.
On s'expose donc au plus terrible mécompte pour la suppression des ordres religieux, et cette opération est dans le moment aussi imprudente qu'impolitique.
Mais pourquoi ce bouleversement de choses et de principes ? n'est-il donc aucun moyen d'aller au secours de l'Etat, si l'on ne supprime les ordres religieux? il en-est un simple et facile
qui concilie tous les intérêts : ne supprimez aucun institut, mais réduisez-les tous ; que les maisons où il n'y a pas vingt religieux soient vidées, et qu'ils soient tenus de se réunir à leurs confrères dans les couvents qu'on formera d'après un nombre convenu. Par ce seul moyen , vous avez, à votre disposition un nombre très considérable de maisons religieuses, et si la vente en est possible, vous allez efficacement au secours de la chose publique. Cette suppression est donc sans motif et sans intérêt.
J'ajoute qu'elle serait peu digne de cet esprit de justice qui dirige vos délibérations et des sentiments religieux qui vous animent.
Les corps, comme les individus, ont des droits à la protection et à la justice de l'Assemblée ; chargée des intérêts de la nation, elle l'est aussi de ses engagements, et si elle doit procurer un avantage elle n'est pas moins tenue d'acquitter ses dettes.
Vous avez décrété, Messieurs, que les propriétés seraient inviolables et sacrées, et sans doute vous n'avez pas distingué entre les objets de ces propriétés ; tout ce qui ën présentait le caractère vous a paru également sacré ; c'est en partant de ce principe que je maintiens qu'il n'est pas au pouvoir de l'Assemblée de supprimer les ordres religieux actuellement existants.
En effet, Messieurs, lorsque les ordres religieux ont pris naissance dans le royaume, ce n'est que par l'autorisation légale du souverain qu'ils s'y sont établis ; la solennité du vœu a été reconnue et approuvée, la faculté de vivre sous un certain régime, de posséder des maisons affectées à leur institut leur a été accordée par lettres-patentes dûment enregistrées , et ce n est que d'après cette concession, reconnue et consacrée par une longue possession, que des citoyens se sont voués à ,ce genre de vie ; ce n'est que dans l'espoir et la certitude qu'il leur serait libre de vivre et de mourir dans cet état, sous la protection de la loi, et qu'ils y trouveraient les consolations et les secours qu'on leur promettait, qu'ils ont renoncé à leurs biens par un acte autorisé par la loi : ainsi, leur état est leur bien, leur trésor, leur propriété : c'est le souverain qui leur en a garanti la jouissance, on ne peut donc les en priver aujourd'hui sans injustice.
Je vous le demande, Messieurs, si dans le moment où le religieux allait se consacrer à Dieu par la profession religieuse, on lui eût dit : La loi autorise votre démarche et elle l'approuve, vous êtes sous sa sauvegarde ; mais il viendra un temps où une révolution inattendue amènera de nouveaux principes, le souverain vous retirera sa protection, vous serez bannis de votre demeure paisible, et on vous traitera comme un homme inutile à l'Etat et étranger à la Constitution. Je vous le demande, Messieurs, est-il un seul religieux qui se fût engagé,sous une condition aussi humiliante ?
La profession des religieux a donc été fondée sur l'engagement pris par la société avec eux, et sur la garantie formelle qu'on leur a donnée, qu'on ne contrarierait pas à cet égard leurs goûts et qu'ils ne seraient pas troublés dans leur profession d'état ; ce serait donc une violation formelle du contrat passé entre le souverain et les ordres religieux, ce serait un attentat à la propriété et vous avez juré de la respecter.
Vous ne pouvez changer cet état de choses que du consentement des religieux, ou pour quel-
que délit caractérisé qui les reude indigues de la protection de la loi ; ce consentement n'existe pas si l'on en excepte quelques religieux mécontents ; le très grand nombre réclame contre le projet de suppression; les religieuses surtout, ont montré à cet égard une opposition, une fermeté qui les honorent à jamais aux yeux de la religion.
Quant au délit caractérisé, seul capable de leur faire perdre leur propriété, on le chercherait en vain ; il est parmi les communautés d'hommes des ordres très réguliers, et l'on peut dire, en général, que la ferveur primitive habite encore dans les couvents de filles.
Les abus, le relâchement qu'on peut reprocher à quelques ordres sont un grand mal sans doute, mais ce n'est pas là un délit qui puisse faire perdre des droits acquis et la protection du souverain.
Tous êtes appelés, Messieurs, à réformer les abus et à porter dans tous les états une nouvelle vie; les ordres religieux seraient-ils les seuls exceptés ? N'auriez-vous pour eux que des arrêts de proscription et de mort ? Jamais la circonstance ne fut plus heureuse pour rappeler à l'esprit primitif ceux des ordres monastiques qui s'en sont écartés. La liberté que vous accordez aux ordres religieux mécontents de se retirer, ramène l'ordre et le calme dans les communautés ; ceux qui résisteront à l'ordre que vous leur faites, seront à coup sûr, bons reli* gieux, et ils se prêteront sans peine à tous ies projets d'améliorations que vous leur présenterez. Ah I il serait bien plus glorieux pour vous de régénérer des corps, qui ont été jadis la gloire de la religion, que de les punir par un anathème éternel, pour avoir cédé au torrent de la faiblesse humaine.
J'entends dire qu'on ne prétend pas punir les religieux, que c'est, au contraire, par un seoti-ment d'humanité qu'on va au-devant de leurs désirs, et qu'en leur rendant la liberté on croit ies rendre heureux ; permettez-moi de vous le dire, Messieurs, quand on veut rendre quelqu'un heureux, il faut que ce soit à sa manière et non à la nôtre, le bonheur est relatif ; on ne vous montre dans le cloître que de tristes victimes qui sont accablées de leurs chaînes et qui maudissent leurs engagements ; mais s'il n'en était pas ainsi, si l'offre que vous leur faites de la liberté est rejetée avec horreur, s'ils ne craignent rien tant què de perdre leur état, vous opposerez-voua au bonheur de ceux qui
Êensent ainsi? et c'est le très grand nombre.
hl quoi, cette liberté que vous laissez à tout citoyen, de prendre un genre de vie qui appelle les plaisirs et la mollesse, vous ne la laisseriez pas à des hommes qui cherchent la vertu et la sagesse, loin des pièges et des écueils!
Je sais que, dans le plan de votre comité, on ne doit pas forcer les religieux qui veulent persévérer à rentrer dans le monde; on leur ménage des maisons où ils pourront finir leurs jours dans la pratique des observances monastiques.
Mais ce bienfait n'est qu'illusoire, et cette marque de protection ne tend, en effet, qu'à aggraver leur destinée.
Par une suite de ce projet, on les arrache de ces maisons où un choix réfléchi les avait fixés, et qui leur étaient chères à tant de titres, où tout leur rappelait le bonheur de leur consécration et ranimait leur ferveur, où l'habitude,
réunie à des goûts innocents, à des jouissances permises, à des relations intéressantes, leur procurait mille petits agréments ; on les arrache, dis-je, de ces maisons pour les porter dans des campagnes isolées, et peut-être dans des maisons peu commodes et malsaines, sans connaissances, sans amis, chargés eu quelque sorte de la proscription de la loi et livrés au mépris et à l'ignominie.
Et quel bonheur peuvent-ils trouver dans des maisons composées de sujets, tous maîtres de leur sort, libres de se retirer quand ils le jugeront convenable à leurs intérêts ou à leurs plaisirs et avec la certitude d'une extinction prochaine et totale ? l'organisation de ces maisons en bannit nécessairement la subordination et l'ordre, la paix et l'innocence.
Ge n'est pas là assurer aux religieux la protection que les lois leur avaient promise; c'est les placer dans l'alternative de couler des jours tristes dans la douleur et l'amertume, au sein de l'anarchie et du trouble, ou de rentrer dans le monde,dont le séjour contraste avec leurs devoirs, leurs habitudes et leurs goûts.
Plus on réfléchit sur ce sujet, plus on est étonné que sous le règne de la liberté, et malgré l'engagement solennel de respecter les propriétés, on ose vous proposer de devenir injustes envers les religieux, après avoir contrarié leurs goûts et enchaîné le penchant qui les porte vers la solitude.
Pour vous cacher l'odieux de ce procédé, on vous peint l'institut religieux, non seulement comme un hors-d'œuvre dans la constitution, mais comme contraire aux droits de l'homme, aux devoirs du citoyen et à la prospérité de l'Etat.
Je conviens que notre constitution n'est pas intimement liée avec l'institut religieux ; elle peut s'en passer et lui refuser même une existence légale; mais ce ne peut être que pour l'avenir. El le est liée par les engagements du souverain avec les ordres monastiques.
Cependant qu'il me soit permis d'observer que l'institut religieux n'a rien d'incompatible avec notre constitution et que dans un État catholique il peut être autorisé sans préjudice de 1a chose publique.
11 contrarie, dit-on, les droits de l'homme; il fait disparaître cette heureuse égalité, cette liberté précieuse dont il n'est jamais permis de se départir.
Je n'examinerai pas si l'égalité est un droit naturel de l'homme ; ce qu'il y a d'incontestable, c'est qu'elle ne peut exister dans une société bien organisée, et qu elle y ferait un grand désordre. Il faut nécessairement un souverain et des sujets, des maîtres et des serviteurs, et par conséquent des supérieurs et des inférieurs. Cet ordre de choses inévitable dans toute société peut donc s'allier avec une dépendance volontaire, telle que celle des religieux, et surtout lorsque la religion la consacre et qu'elle en adoucittoutes les rigueurs. La perpétuité des engagements religieux n'a rien de révoltant. Ne* voit-on pa3 tous les. jours des citoyens» pour se procurer un repos nécessaire, s'obliger, sous la foi même du serment, à obéir à des souverains qui ont bien des défauts, et à des lois très gênantes, et cela sans aucune exception de temps et de lieu? Pourquoi donc le religieux ne pourrait-il,pour fixer son inconstance et prévenir des retours fâcheux, engager sa liberté, non à un homme, mais à l'Eternel, qui est le seul objet de son vœu ?
Je ne dis plus qu'uu mot là-dessus ; la religion
autorise, conseille, récompense le vœu des vertus les plus sublimes et les plus difficiles; et sans doute elle ne peut rien conseiller de contraire aux droits essentiels de l'homme, aux engagements du cito^en^
Mais, ajoute-t-on, un religieux ne peut être un citoyen, il est mort pour la société, elle n'a plus de droit sur lui, elle ne peut en exiger aucun service, en attendre aucun secours.
J'avoue que dans un Etat où la religion est comptée pour rien,le religieux ne joue pas un rôle bien intéressant. Parmi-nous,le religieux a comme tous les ministres du culte, sa place marquée entre les citoyens et des fonctions qui intéressent la société; que son ministère soit plus ou moins nécessaire, il eBt très utile et cela doit suffire. Dans un royaume catholique, les lots sont divisés entre les citoyens t les uns s'occupent de l'administration des affaires publiques, les autres se livrent à des études pénibles, aux Spéculations du commerce, à la perfection des arts, aux travaux de l'agriculture; il en est quelques-uns qu'on affranchit de tous ces soins pour lès charger des vœux et des hommages de la patrie» au Très-Haut, et pour offrir aux fidèles les ressources de leur ministère dans l'ordre de la religion. Voilà la tâche des religieux comme des autres ministres; il est vrai que le religieux n'a pas tout-à-fait les mêmes rapports avec la société que les autres membres du clergé, il ne peut pas acquérir, mais qu'importe, s'il est sans désirs et sans besoins, il ne peut pas donner, c'est qu'il à donné et qu'il a enrichi sa famille pour se vouer aux plus rudes privations, line peut pas plaider pour son compte. Et Messieurs, regardez-vous donc comme un grand avantage de faire retentir les tribunaux des débats des ministres de la religion (i)? d'ailleurs le religieux est soumis aux lois, il porte avec ses frères le poids des charges publiques, il partage son bien avec les malheureux ; que faut-il de plus pour mériter le nom de citoyen ?
Je ne rappellerai pas ici les services intéressants rendus à la France par les anciens religieux; je ne parlerai pas non plus de ceux que lui rendent encore les religieux de nos jours par les travaux de l'éducation* le soin des malades, la culture des sciences; il ne tient qu'à vou3, Messieurs, de les rendre encore plus utiles; de toutes parts ils s'offrent à vous, pour entrer dans vos vues et contribuer, sous vos auspices, au bonheur de notre commune patrie» Il est» je le sais, quelques ordres religieux, des deux sexes, que leur régime éloigne de tous ces soins tumultueux, et se livrait à une solitude entière, mais ils sont si intéressants dans l'ordre de la religion qu'on ne peut soutenir l'idée de leur destruction : quel spectacle, aux yeux de la foi, que la Trappe, Sept-fonds, les Chartreux, le Carmel, quel horomage rendu à l'être suprême dans ces sanctuaires! quel* héroïsme de vertu ou y pratique l
L'esprit du jour ne voit dans ces saintes demeurés que les victimes de la superstition et du fanatisme, mais ceux qui ont fréquenté ces maisons vénérables y ont trouvé la raison la plus éclairée, la plus haute sagesse, et la paix et la joie qui en sont le doux fruit.
Eh I quoi, Messieurs, on souffre que des millions de citoyens végètent dans la société,
sans état, sans profession, uniquement occupés de leurs plaisirs;
Mais il est ^ne considération plus importante sur cette matière qu'il est temps de développer.
Dans la profession religieuse, il y a deux choses : le lien spirituel qui résulte du Vœu, et les effets civils qui en sont la suite par la disposition des lois canoniques et civiles. Personne ne respecte plus que moi les droits, le pouvoir de la nation ; mais vous me désavoueriez vbus-fnêmes, Messieurs, si j'allais vous attribuer une autorité qui ne peut vous appartenir. Maîtres de tout ce qui a trait au droit civil, vous pouvez accorder et refuser votre autorisation à de nouveaux instituts, ou l même empêcher la perpétuité des anciens ; mais robligatiott spirituelle du Vœu échappe au Souverain; c'est sous les yeux de jDieu qu'elle est contractée; lui seul peut la rectifier ou en sus* pendre les effets par le ministère de son Eglise. Déclarez tant que vous voudrez les ordres religieux supprimés, l'obligatloil du vœu reste en Son entier, et elle doit avoir son effet dans tous les cas où cela n'est pas impossible, ainsi que cela a lieu pour le Vœu ae chasteté. Laissez aux religieux la liberté de sortir, cette conceàsion ne les affranchit pas de leurs engagements, cette faveur n'en est point une et he leur donne aucun droit réel. Ils ne peuvent devenir libres que par une dispense donnée en connaissance de cause par l'autorité ecclésiastique. Voilà les vrais principes.
Elle est donc bien irréguliére la marche qu'on v6us trace. L'autorité qui a présidé à la formation et au régime des corps religieux, établie par Dieu, seul juge du bien spirituel de la profession, n'est m appelée ni consultée; bien loin de prévenir les effets de l'inconstance et du dégoût chez le religieux, on tente la foi qu'il a jurée à Dieu par l'offre la plus séduisante, on provoque son infidélité par les ressources qu'on lui présente. C'est devant des officiers municipaux qu on envoie les religieux mécontents,et par le seul effet de sa déclaration, il devient libre et rentre dans le monde; et ce n'est qu'après une apostasie solennelle et lorsqu'il est rendu au siècle qu'on le renvoie devant les supérieurs écclésiastiques pour faire autoriser son infidélité et son crime. Ce recourè tardif est un outrage à la puissance spirituelle, et il n'est plus qu'une Vaine formule,et cette chaîne que l'amour des devoirs eût rendu si douce se changera en une chaîne de fer qui accablera ce mauvais religieux tous les jours de sa vie.
Vous n'adopterez pas, Messieurs, un pareil pro-'et; il compromettrait votre sagesse et votre justice, "oh, il ne tombera pas sous vos coups cet arbre antique et majestueux, qui, planté depuis douze siècles sur 16 sol heureux de la France, a poussé de si profondes racines et étendu au loin ses rameaux ; non, elles ne seront pas anéanties par Vos ordres ces institutions saintes, consacrées par la religion, autorisées de l'église universelle, protégées dans tous les empires catholiques et tolérées même dans la domination des Turcs. Non vous ne souffrirez pas que dans un royaume très chrétien il soit défendu à des citoyens de suivre les Conseils évangéliques et de choisir un moyen de perfection qui peut leur être si utile sans nuire à la société.
J'opine donc pour que le projet du comité ecclésiastique soit rejeté et qu'on se borne à réduire les corps religieux sans en supprimer l'institut.
Le préopinant a voulu parler en faveur des religieux ; je soutièns uûe thèse opposée
à la sienne, et je parle aussi pour eux. Il ne s'est occupé que des chefs, de quelques maisons religieuses opulentes, qui, ayant fait vœu d'obéissance et de pauvreté, jouissent de toutes les douceurs de l'indépendance et de la richesse. Moi, je songerai aux individus. Le préopinant s'est livré à des calculs dans lesquels il a glissé beaucoup d'erreurs. Je ne m'arrêterai pas à cette nature de raisonnement. Il suffit que l'existence des moines soit incompatible avec les droits de l'homme, avec les besoins de la société, nuisible à la religion, et inutile à tous les autres objets auxquels on a voulu les consacrer.... (Les murmures d'une partie de la salle interrompent l'opinant.) Je crois n'avoir pas besoin de démontrer l'incompatibilité des ordres religieux avec les droits de 1 homme : il est très certain qu'une profession qui prive des hommes des droits que vous avez reconnus est incompatible avec ces droits.....
(MM. l'abbé Maury, deJuigné, l'évêque de Nîmes, Dufraisse-Duchey, l'évêque d'Angouleme, etc., se livrent à des mouvements si impétueux que l'orateur ne peut continuer.)
Si ces Messieurs ne veulent pas entendre la discussion, il faut délibérer.
Un grand nombre de membres demandent à aller aux voix. — Le tumulte cesse.
continue. Ma proposition est juste; il suffit, pour le prouver, de rappeler ce premier article des droits de l'homme : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits... Les ordres religieux sont contraires à l'ordre public ; soumis à des chefs indépendants, ils sont hors de la société, ils sont contraires à la société-Obligés à des devoirs que n'a pas prescrits la nature que la nature réprouve, ne sont-ils pas par la nature même conduits à les violer ? Le respect pour la religion n'est-il pas alors attaqué ? G'est un très grand mal politique. Quant à l'éducation politique, elle doit être faite par des hommes qui jouissent des droits du citoyen, qui les aimentpour les faire aimer.....Tout homme qui ne peut subsister par son travail doit subsister par la société; ainsi les secours à donner aux pauvres, aux malades, sont des devoirs dé la société ; des hommes étrangers à la société ne peuvent être chargés de remplir ces devoirs.
Les ordres religieux sont donc incompatibles avec l'ordre social et le honneur public; vous devez les détruire sans restriction.
, évêque de Nancy (1). Messieurs, je ne m'arrêterai point à réfuter ici ce qui a été dit par le préopinant (M. Barnave). Les opinions religieuses qu'il professe peuvent excuser quelques assertions hardies qu il s'est permises, mais qu'il n'a pas prouvées. Il vous a présenté des déclamations vagues et des sophismes; je vais vous soumettre des calculs positifs : je les crois exacts, irréfragables. Si je me trompe, il sera facile de relever mes erreurs.
La proposition sur laquelle la discussion a été fixée et qui consiste à savoir si les corps
religieux doivent. ou ne doivent pas être supprimés, atteint par ses conséquences tout le
système religieux. La nécessité de mettre dans son véritable jour le danger d'exécuter la
suppression proposée, me
Je suis bien loin de penser qu'on veuille porter aucune atteinte à la religion de nos pères ; mais il faut convenir que, si ce funeste projet eût été formé, il était difficile de travailler plus efficacement à son succès. *
Un monarque de ce siècle, justement célèbre (1), ' a consacré, dans ses ouvrages philosophiques, cette opinion trop certaine, que rien n'était plus capable d'affaiblir l'empire de la religion catholique que d'enlever aux églises leur patrimoine. Il aurait pu ajouter que de supprimer les ordres religieux.
La marche, Messieurs, que vous avez suivie à l'égard du clergé n'était pas sans doute guidée par ce principe, mais le résultat n'est pas moins alarmant.
Le rachat de la dîme a été décrété ; la rédaction postérieure de votre décret a porté son abô-lition.
Bientôt a suivi la proposition de déclarer le patrimoine du clergé propriété nationale. Votre justice s'y refusait. On s'est borné à vous investir de la simple disposition des biens ecclésiastiques, d'après les instructions et sous la surveillance des provinces.
Déjà le projet de la vente générale de tous les biens patrimoniaux des églises vous avait été présenté. Vous aviez paru le rejeter; mais, après avoir proscrit la lettre ae ce projet, vous en avez adopté l'esprit par votre décret du 19 décembre; vous l'avez porté sans que les membres du clergé, inscrits pour la parole, eussent pu se faire entendre.
Ici, Messieurs, la ruine des églises et du culte n'était que trop avancée.
Jetez, pour un moment, vos regards en arrière, et faisant aujourd'hui ce qui devait être votre première opération, comparez la nécessité de la dépense du culte et des ministres avec la possibilité des ressources qui vous restent.
Les plans les moins suspects d'exagération et de faveur pour le clergé demandent un fonds annuel de cent millions pour la dépense du culte. Ge fonds se trouvera-t-il, d'après le résultat de vos précédents décrets et des nouveaux qu'on vous propose? Cette connaissance devient indispensable, pour ne pas compromettre la disposition des biens ecclésiastiques que vous vous êtes réservée.
Si la dîme restait abolie, il faudrait soustraire des revenus possibles du clergé. 70,000,000 liv.
Pour la partie des droits féodaux supprimés sans indemnité 2,000,000
Pour la rente représentative de deux cents millions au moins de valeurs terrritoriales et improductives, qu'il faudra vendre pour compléter les quatre cents millions de propriétés ecclésiastiques que vous projetez de ven dre........... 10,000,000
Car vous ne croirez pas qu'une
Pour les intérêts de la dette du clergé de France et de ses diocèses, au moins.. ........ 8,000,000
Pour les intérêts de la dette du clergé étranger et des établissements ecclésiastiques du royaume, au moins...............4,000,000
La soustraction à faire sur les revenus du clergé sera, dès ce moment, de.............. 94,000,000 liv.
Or, les calculateurs les plus exagérés n'étendent pas au delà de cent-cinquante millions la possibilité des revenus ecclésiastiques................... 150,000,000
Il ne restera donc plus que cinquante-six millions...— 56,000,000 liv.
C'est d'après ce tableau, que personne ne vous avait présenté, et qu'il vous était cependant si essentiel de connaître préalablement, que je vais aborder la question proposée.
On vous propose, Messieurs, d'ouvrir les cloîtres, et de rendre au siècle tous les religieux de l'un et l'autre sexe, en fixant à chacun une pension graduée par l'âge dont la moyenne proportionnelle sera huit cents livres par tête.
Ainsi la volonté de l'homme pourra rompre à son gré l'engagement qu'il aura volontairement et librement formé. La conséquence naturelle d'une pareille doctrine doit être d'annuler, selon son caprice, tout engagement religieux, civil et militaire. Cette assertion n'aurait pas besoin de développement, pour que l'on pût juger combien ses suites seraient antisociales ; mais il est de mon devoir de vous tracer rapidement les conséquences funestes d'une semblable proposition. Elle attaque, à la fois, la religion, la morale ét la politique.
En effet, Messieurs, n'est-ce pas s'élever contre la religion que de ne voir dans les vœux monastiques qu'un îoug odieux, de le réprouver, de le briser et d encourager, par une loi de l'Etat, cette même apostasie que jusqu'ici les lois ecclésiastiques et civiles avaient réprimée ?
La morale sera essentiellement attaquée, car l'effet inévitable de votre décision sera de multiplier à la fûis les désordres dans le siècle et dans les cloîtres, si vous en conservez. Dans le cloître, Messieurs, quelle règle, quelle subordination y laisserez-vous ? Plus d'attachement, plus d'obéissance pour les supérieurs ; le plus léger prétexte, le moindre sujet d'humeur fera déserter les cloîtres ; personne ne voudra obéir; personne ne pourra commander. A quel malheur n'allez-vous pas dévouer ces asiles, autrefois si paisibles ! Dans le siècle, combien de sujets de scandales n'allez-vous pas causer 1 Des passions, qui se réveilleront avec d'autant plus d'énergie qu'elles auront été comprimées plus longtemps, auront peut-être des explosions fâcheuses: l'inexpé-riense, l'ignorance du monde, l'isolement où se trouveront la plupart des individus, tout,
jusqu'à la simplicité des premières mœurs, rendra les fautes plus faciles ; et cependant l'état saint qu'on aura quitté les aggravera aux yeux des hommes et la masse des désordres grossira avec les scandales. Quel moyen de régénération pour les mœurs publiques !
La politique elle-même ne serait pas respectée dans cette opération. Elle vous défend d'étendre sans besoin les charges de l'Etat, et par les pensions que vous serez forcés de donner, vous les étendrez au delà de vos moyens. La politique vous défend de troubler l'ordre social, et vous le troublerez en reportant au sein de leurs familles les citoyens sortis des cloîtres. Les droits de l'homme leur en auront ouvert les portes. Ces droits devront les suivre dans le siècle. L'ordre des successions changera donc avec eux et pour eux. Les clauses des contrats seront annulées ; je veux que dans votre sagesse vous croyez devoir restreindre ces droits ; aurez-vous la force de résister à la voix de la justice qui réclamera pour eux 1'exercicè entier de leurs premiers droits ? Si vous le faites, la renonciation à sa portion d'hé* ritage faite par une religieuse rendue au monde, ou par un religieux qui ne serait pas engagé dans les ordres sacrés, tiendrait-elle contre le cas d'un mariage légal dont il résulterait des héritiers naturels que la loi a toujours eu coutume de réintégrer ?
Je ne parle pas des ministres, des haines, des querelles et des procès qui déchireraient le sein des famillefe, et que le législateur véritablement sage doit toujours prévoir et qu'il doit éloigner avec soin, quand il en a le pouvoir.
On vous a proposé de donner à tous les religieux mendiants une pension égale à celle des religieux rentés. Il est juste de les doter, et cette proposition se présente sous un jour favorable. Mais la justice doit marcher avant la générosité, et le religieux renté a un droit incontestable à une pension proportionnée aux biens dont jouissait l'ordre dont il était membre.
Ce principe de justice distributive a échappé au rapporteur de votre comité ecclésiastique, il vou3 a proposé de fixer à huit cents livres de pension chaque tête qui aura préféré de rester dans le cloître. Encore veut-il que sur cette pension, déjà si modique, soient prélevés les frais du culte et des réparations. Cette annonce a jeté la consternation dans tous les monastères de la capitale, et les autres dispositions du projet n'étaient pas faites pour dissiper cette première alarme.
Le rapport ne s'explique pas sur le sort réservé aux religieuses. Mais du moment qu'elles ne recevront plus de novices, elles seront obligées de renoncer bientôt à la ressource des pensionnats, qui les aidaient à subsister ; dans leur triste position, une pension individuelle de huitcents livres n'aura rien d'exagéré. Votre intention, sans doute, est que l'inquiétude, du besoin, n'assiège pas leurs derniers jours et qu'elles vivent heureuses.
Le nombre des religieux des deux sexes, dans toute l'étendue du royaume, est au moins de cinquante-deux mille.
En partant de ce nombre et de la fixation de huit cents livres pour chaque tête, la dépense sera d'environ quarante deux millions.
L'Etat, Messieurs, pourrait-il supporter cette surcharge ? acquitterait-il fidèlement cette dette sacrée^ cette obligation qu'il aurait solennellement contractée ? S'il ne l'acquittait pas avec fidélité, si tant de malheureuses victimes de la spéculation financière, que l'Etat aurait faite sur leurs biens, étaient réduites à demander en vain leur
paiement..... jetées dans le monde, sans état,
sans crédit, sans ressources.....cette supposition
fera frémir toute âme sensible; mais telle serait la perspective que votre opération pourrait faire entrevoir aux personnes les moins prévoyantes.
Et, Messieurs» n'avons-nous pas, en ce moment sous nos yeux un triste exemple fait également pour intéresser et pour éclairer nos coeurs?
Qu'arrive-t-il aujourd'hui aux membres dispersés de cette société célèbre consacrée à l'éducation publique» à qui la France a peut-être dû la plupart de ses grands hommes,et la gloire des derniers siècles? I] leur arrive» Messieurs, Ce qui arrivera à ces milliers de nouveaux pensionnaires que vous voulez donner à l'Etat. Leur pension, et quelle pension encore I une pension honteuse, avalisante et barbare, de quatre cents livres, qui ne leurestpas payée!—Ces vieillards,semblables aux débris de ces beaux édifices de l'antiquité, que l'on admire et que le goût consulte encore dans leur état de ruine, ces vieillards, les ornements, les soutiens et les modèles des dio? cèpes qui les ont recueillis (le mien, Messieurs, a le bonheur d'être de ce nombre), ces vieillards attendent plusieurs termes échus de cette pension si insuffisante, et, sans les secours de la charité, obligé^ de l$pr cacher la main qu'elle leur tend, ils périraient de besoin, de faim et de misère ; et cependant la suppression de l'ordre des jésuites avait laissé à l'Etat (Jes biens beaucoup plus que suffisants pour leur faire un meilleur sort, et surtout pppr leur payer avec exactitude celui qui leur était fait.
Revenons, Messieurs, à notre calcul. La dépense (le l'Etat pour ses nouveaux pensionnaires serait donc d'environ quarante-deux millions.......................................42,000,000 1.
Cette partie de dépense, calculée avec la déduction ci-dessus rapportée, de quatre-vingt-quatorze millions, èi.............. 94,000,000
Donne un résultat de..... 136,000,000
Mais il faut ajouter les impositions nationales, les contributions communes et locales, les reconstructions et réparations des fermes et bâtiments d'exploitation, l'acquittement des fondations (car vous voudrez qu'elles s'acquittent), pour le tout, un quart au moins du revenu total. Ce quart, soustraction faite du produit des dîmes, supposées abolies, de la partie des droits féodaux, supprimés saqs rachat, et de la portion des domaines ecclésiastiques vendus, sera d'enyiron quatorze millions...................14,000,000
La totalité de l'emploi prévu des revenus ecclésiastiques sera donc déjà de.................. 150,000,000
Déjà, Messieurs, la dépense égale la possibilité du revenu ecclésiastique ; rien n'est encore attribué à l'entretien du culte et des ministres; votre comité cependant vous avait encore préalablement présenté de nouveaux projets.
Solon lui, c'est à la nation d'administrer les biens ecclésiastiques- L'argument invincible dont il appuie cette assertion, il le tire de l'avantage de ne point embarrasser par des soins temporels le ministre des autels. Cette vue est sûrement
très morale : mais il y aurait, ce me semble, plus de justesse à dire que c'est à celui à qui la jouissance d'un bien quelconque a été donnée de veiller à sa conservation et de l'administrer. L'expérience et les principes combattent d'ailleurs victorieusement cette proposition de votre comité.
L'expérience, Messieurs, démontre suffisamment que tous les biens appartenant aux communes, soit des villes, soit des villages, sont mal et très mal administrés; cependant c'est la nation, soit de la ville, soit du village, qui administre ou afferme à vil prix. Les paiements sont inexacts, les demandes en indemnité fréquentes et fréquemment accordées ; des insolvabilités continuelles, soit de la part des fermiers, soit de la part des comptables ; en un mot, il n'est guère d'administration de cette espèce où pareilles causes n'enlèvent pas, dans le cours de dix années, la valeur au moins d'une année de revenus,
La nouvelle constitution aura bien de la peine à changer, à cet égard, les choses dans les campagnes.
Là seront vos administrateurs locaux ; mais quels seront-ils? Dans la plupart des villages, ce sera une municipalité composée de trois personnes, suivant l'organisation que vous avez décrétée: ces trois personnes renouvelleront les baux, vendront les bois, percevront les revenus et auront le dépôt de ces mêmes titres, que souvent il leur sera si essentiel et presque toujours si facile de supprimer. Dans une communauté peu nombreuse tout le monde est lié de parenté, d'amitié et d'intérêt ; ce rqode d'administration serait-il sage ? n'entraînerait-il pas les inconvénients les plus graves ?
L'arrière-but du plan proposé serait peut-être de confier à des régisseurs généraux cette immense manutention. Ce parti, Messieurs, serait diamétralement contraire à la liberté nationale que vous voulez établir : les provinces souffriraient-elles que les agents avides d'une régie étrangère vinssent fondre sur leurs campagnes, forcer tous les baux, rendre toutes leurs clauses de rigueur, multiplier les contraiqtes, ruiner les laboureurs, épuiser les terreô, tyranniser les villages, étendre partout la véritable et la plus odieuse aristocratie ét élever sur la ruine, le sang et les débris du malheureux, l'excès et le scandale de leurs fortunes.
A tous ces maux, ajoutez les frais énormes inséparables d'une régie ; elle absorberait au moins le dixième du produit ; le dixième des cinquante-six millions environ qui resteraient à régir, après les déductions ci-dessus établies, serait de cinq à six millions, 5,000,000.
Ce n'est pas tout. On proposait d'assigner aux pauvres le quart du revenu total. Ën conséquence, dans chaque heu, le quart du produit des biens ecclésiastiques devrait être versé dans une caisse des pauvres, dont la direction serait, exclusivement au pasteur, confiée au triumvirat municipal. Dans ce plan, qui renferme des vues louables à beaucoup d'égards, ce serait encore, après la déduction faite, sur la masse totale, d'un dixième pour les frais de régie, un prélèvement à faire d'eqviron onze millions, 11,000,000.
La récapitulation de toutes ces dépenses, préalables à l'entretien du culte et des ministres, donnerait une somme de 166,000,000, c'est-à-dire que ces dépenses secondaires excéderaient de seize millions la possibilité reconnue des revenus du clergé. Ce calcul méritait sans doute de fixer l'attention de votre comité et de l'Assemblée.
On dira peut-être qu'on pourra vendre pour
quatre cents millions de valeurs mortes, comme maisons et emplacements appartenant à l'Eglise, et qu'en conséquence il faut soustraire du calcul les dix millions de rente, représentatifs de valeur de deux cents millions de biens territoriaux et productifs. Je n'estime pas, à beaucoup près, qu'il puisse être vendu pour une pareille somme de valeurs mortes ; mais en l'admettant, la dépense, provisoirement déterminée par vos décrets, déborderait encore de six millions la possibilité des revenus du clergé, avant qu'il eût été rien attribué à l'entretien du culte et des ministres.
Voilà pourtant, Messieurs, où vous mènent ces motions isolées, étendues ou divisées avec art, qui se pressent et se précipitent sans cesse avec une incroyable rapidité. Encore quelques décrets, et il ne restera plus rien de ces vastes possessions qui naguères excitaient l'envie, mais dont bientôt la déplorable dilapidation fera pitié. Dans cette triste subversion, qui pourvoira à l'entretien du Gulte ? Je vous laisse à juger, Messieurs, quel sera, pour la religion de noB pères, l'effet de la réaction inévitable ; et, sans l'avoir prévu, sans l'avoir voulu, vous aurez la douleur éternelle d'avoir été les instruments et les agçnts de sa ruine.
Que diront les provinces, en voyant aboutir à ce terme la disposition des biens ecclésiastiques, que vous vous étiez attribuée pour agir, disiez-vous, d'après leurs instructions et sous leur surveillance ? Que répondrons-nous aux vertueux citoyens qui nous ont envoyés, lorsque, sur leurs foyers, devenus nos maîtres et nos juges à leur tour, ils nous demanderont le compte que nous leur devons? Que diront-ils, lorsqu'ils auront vu les fondations de leurs pères dissipées, la religion ébranlée, les autels et les ministres dépouillés, les cloîtres ouverts et profanés, les biens de l'Eglise mis à l'encan, la subsistance des pauvres compromise, les campagnes frappées de stérilité par la suppression de ces établissements religieux qui leur donnaient la vie, en entretenant le travail et la circulation?
Prévenons, Messieurs* prévenons des plaintes légitimes et des maux irréparables Arrêtez l'impétuosité de vos décrets ; éçlaireg vos consciences avant qu'on les entraîne. Le plan de votre comité n'a point de base ; il n'a calculé ni la nécessité des dépenses, ni la possibilité des ressources. La gloire du barreau ne suffit pas pour procurer cette immensité de connaissants de détails dont le régime ecclésiastique est enveloppé. Ordonnez à ceux dont la vie est consacrée à les connaître, et qui ont fait une étude particulière de Iqs méditer ; ordonnez-leur de vous présenter des projets possibles, et dont la combinaison sache toujours ailier la nécessité avec injustice.
Le moment est venu 4e ramener la sécurité dans tous les esprits : c'est lorsque les fondations d'un grand édifice viennent (Fêtre posées qu'il faut surtout éviter les ébranlements. Un honorable membre vous l a dit sagemeqt ; « Il est d'une nation qui se régénère, de ne jamais s'écarter des lois de la justice. Ce qiii est juste est encore politique. Il faut que la Révolution mécontente le moins de Citoyens possible. »
Oui, Messieurs, la sécurité générale doit être, si je peux m'exprimer ainsi, la clef de voûte de notre constitution ; seule, elle assurera mieux sa solidité que la force des légions armées et l'appareil menaçant de la guerre.
Ët quelles circonstances en firent jamais plus impérieusement la loi que celles où la France se trouve aujourd'hui ?
Chaque jour voit crouler autour de nous quelque appui du système financier de l'Etat. Le crédit public est anéanti; la confiance a disparu; le numéraire s'est caché; la circulation est interrompue et les affaires publiques vont toujours se détériorant.
Ce malheur, Messieurs, est sans doute inséparable d'une grande révolution, où la machine politique est agitée en tout sens et avec tant de violence; mais il ne faut pas s'y tromper, il est encore plus l'ouvrage de cet ébranlement con-vulsif et presque continu qu'ont éprouvé à la fois toutes les propriétés. Si ce n'est pas toujours les propriétés physiques, ce sont du moins les propriétés morales du citoyen, son état, ses goûts, son libre arbitre qui sont attaqués par des motions violentes et trop souvent irréfléchies.
Ah I Messieurs, c'est assez de ruines ; sortons* sortons enfin du milieu de tant de décombres amoncelées: cb n'est pas par de nouveaux malheurs que nos finances se rétabliront, que les créanciers de l'Etat, cette classe de citoyens si nombreuse et peut-être si alarmée, pourront être payés ! Renonçons à tous ces remèdes empiriques dont l'annonce fastueuse semble promettre la vie, mais dont l'effet inévitable est de donner la mort. Ce n'est pas d'évacuer les cloîtres, c'est de remplir le Trésor public qu'il faut s'ocouper, et s'occuper sans délai.
HâtonsrnoUs d'organiser le nouveau système de finance, d'établir le niveau des dépenses, d'y proportionner les recettes, de régler la masse des contributions publiques, d'aésurer la perception dans les provinces, et de rétablir l'ordre partout, par une autorité centrale et constitutionnelle ; voilà, Messieurs, notre devoir, notre devoir pressant, le plus pressant de tous. Le temps ne manquera point aux réformes à faire sur le temporel du clergé : car il faut qu'il en soit fait; mais bientôt peut-être le temps manquera pour remédier aux dangers imminents et à la catastrophe terrible de nos finances. Empêchons, empêchons du moins que jamais on puisse accuser d'un semblable malheur la marche incohérente de nos travaux.
Pour me résumer, je pense que, conformément au décret du 2 novembre, il ne peut être rien statué sur la suppression des corps religieux que d'après les instructions des province* ; que rien, à cet égard, ne doit être exécuté que sous leur surveillance; et que la loi suprême du salut de l'Etat exige que l'Assemblée s'occupe sans délai, et dès ce moment, du rapport et de la plus prompte organisation possible du nouveau système de finances, seul remède aux maux incalculables qui menacent la fortune publique.
Une partie de la salle applaudit et demande l'impression de ce discours. — L'Asseqabée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
On propose de fermer la discussion.
s'y opposent, et réclament l'exéoution du règlement qui veut qu'une motion importante soit discutée pendant trois jours.
consulte l'Assemblée, qui renvoie à demain, samedi, la suite delà discus-] sion. Elle décide, en même temps qu elle ne se séparera pas demain sans avoir porté un décret sur la première question conçue en ces termes :
Les ordres religieux seront-ils abolis?
Y aura-t-il des exceptions ?
, député du Cam-
brésis, déclare qu'il est chargé de demander qu'à la mutation des abbés réguliers de la province dans laquelle la commende n'a pas lieu, les pensions sur les abbayes soient appliquées par préférence aux ecclésiastiques de la province, et que, dans aucun cas, la commende ne puisse être introduite dans cette province, même en faveur des cardinaux.
écrit à l'Assemblée pour lui annoncer que le mauvais état de sa santé ne fait qu'empirer, qu'il perd tout espoir de pouvoir reprendre des fonctions chères à son cœur; qu'il prie, en conséquence, l'Assemblée d'agréer ses regrets, sa démission, et le suppléant destiné à le remplacer. Enfin, M. de Toulongeon prête, par écrit, le serment civique, dont il adresse la minute, signée de sa main, à l'Assemblée.
Il est ensuite fait lecture d'une lettre de M.d'André,datée de Marseille, le 5 février, dans laquelle il mande qu'il a été instruit du décret de l'Assemblée qui interdit à tous ses membre d'accepter ni. place, ni emploi du gouvernement ; qu'il serait parti sur-le-champ pour se rendre à 1 Assemblée nationale, si la situation dans laquelle se trouve la Provence lui avait permis de l'abandonner avant d'avoir un successeur ; qu'il a écrit, pour en réclamer un, à M. de Saint-Priest, et que, fidèle aux principes de l'Assemblée, il viendra reprendre son poste dès qu'il aura reçu la réponse du ministre; qu'au surplus, il n'a été que chargé de rétablir la tranquillité dans la province, et qu'il n'a point accepté la place de commissaire départi.
L'Assemblée approuve les sentiments et la conduite de M. d'André, et arrêté qu'il en sera fait une mention dans le procès-verbal.
lève la séance.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès -verbal de la séance d'hier.
fait remarquer qu'on a omis d'y comprendre sa déclaration au nom de la province du Cambrésis.
répond que cette déclaration n'a pas été remise sur le bureau et que la rectification sera faite.
, député, se plaint que des gardes-françaises viennent d'exiger qu'il ôte un ruban qu'il portait à sa boutonnière, en le menaçant de l'arracher eux-mêmes.
réclame, au nom de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg, contre un article inséré dans le
procès-verbal de la séance du 22 décembre. Cet article contient un récit fait
donne lecture d'une lettre de M. le maire de Paris, relative aux dispositions prises par le commandant général, pour recevoir demain, à Notre-Dame, l'Assemblée nationale. Ces dispositions sont approuvées et MM. les députés se réuniront dans la salle demain,à dix heures et demie, pour aller en cérémonie assister au Te Deum.
communique ensuite à l'Assemblée une lettre du président de la commune de Paris, qui demande audience pour une députation des représentants de la commune.
L'Assemblée indique la séance de ce soir huit heures (1).
Un membre du comité des rapports annonce que, d'après les informations prises à Brie-Comte-Ro-bert, les volontaires de la compagnie du Bon-Dieu n'ont rien fait pour la bénédiction de leur drapeau que de concert avec la municipalité et la garde nationale de cette ville.
, prieur de Saint-Martin de Nevers, député du Nivernais, demande la permission de s'absenter pour quinze jours.
Ce congé est accordé.
, desservant de Mardyck, suppléant de M. Vanden-Bavière, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis après avoir prêté le serment civique.
donne lecture d'une lettre de M. le garde des sceaux, relative à une instance pendante au Conseil, qui intéresse le sieur de Vou-ges, ancien fermier des messageries et des diligences de Lyon. Ce fermier réclamant une indemnité, l'Assemblée renvoie l'affaire au coinité de liquidation.
fait part à l'Assemblée d'un projet de monument et d'une fête patriotique en l'honneur de la nation et du Boi, par le sieur Gois, sculpteur du Roi, et professeur de l'Académie de peinture et sculpture.
Le plan de cette fête, et le monument en relief, sont mis sous les yeux de l'Assemblée, qui en témoigne sa satisfaction au sieur Gois, et lui permet d'assister à sa séance.
, rapporteur du comité de constitution, propose le décret suivant relatif à la division des départements du royaume:
Département de Lyon.
« L'Assemblée nationale décrète, conformément à l'avis du comité de constitution, que le
règlement pour fixer les conditions de la réunion du bourg de la Guillotière à la ville de
Lyon sera
met aux voix le décret qui est adopté.
propose un autre décret relatif au district de Bourbonne. Il dit que le député du district de Bourbonne, qui fait partie du département de Ghaumont, a fait valoir auprès du comité que ce district n'a pas l'étendue voulue par les décrets, et qu'il y a lieu de réviser les limites. Le comité de constitution pense que la plainte est fondée et propose le décret suivant :
Département de Chaumont.
« L'Assemblée nationale décrète que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Ghaumont, Langres et Bourbonne seront déterminées par la prochaine assemblée du département. »
Les députés des autres districts réclament l'exécution des démarcations signées entre eux et déposées au comité.
Le réclamant observe qu'il est le seul représentant du district de Bourbonne contre douze représentants pour les autres districts; il persiste à réclamer la réparation de l'injustice qui a été commise.
appuie le renvoi de la décision à l'assemblée du département.
D'autres membres proposent la question préalable sur le décret.
La division déjà faite ne peut être opposée au réclamant puisqu'il l'a combattue et qu'il s'est trouvé seul contre douze adversaires. Si le district est inférieur en étendue et en population à tous les autres, rien n'empêche d'approcher davantage de l'égalité; ie conclus donc à l'adoption du décret et je demande qu'il obtienne la priorité.
met le décret aux voix, il est adopté.
propose un troisième projet de décret pour laisser à la vallée de Bar-celonnette la faculté de se déterminer à la prochaine législature sur sa réunion à la Provence ou au Dauphiné.
Vous ne pouvez changer vos décrets toutes les vingt-quatre heures. Dimanche dernier vous avez décrété que Barcelon-nette serait le chef-lieu d'un district du département de la Provence, vous ne devez pas vous déjuger à si courte date.
La vallée de Barcelonnette ne réclame pas; en conséquence, je propose de décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
La motion de M. Bouche est mise aux voix et adoptée.
L'ordre du jour appelle la discussion sur celte question : Les ordres religieux seront-ils abolis ? Yaura-t-il des exceptions?
L'Assemblée nationale doit-elle
supprimer les ordres religieux? Comment doit-elle le faire? Doit-elle ne conserver aucun des établissements ecclésiastiques ?
Vous pouvez supprimer les ordres religieux, si vous ie devez : vous le devez, s'ils n'ont plus d'objets d'utilité. Nos champs sont défrichés; l'imprimerie a conservé et propagé les lumières ; les établissements publics de charité rempliront mieux que les ordres religieux les devoirs de la société. Les ordres religieux sont donc inutiles? Etaut inutiles, ils ne peuvent être que nuisibles. Vous devez donc les supprimer; vous le pouvez donc? Mais les religieux ont des droits à ce qu'ils ont possédé. Nous ne pouvons être à leur égard ni injustes, ni économes ; la mesure de leurs possessions est celle de leurs droits ; elle doit donner la proportion de leurs pensions.
J'adopte l'affirmative de la question présentée à la discussion, et je propose, eu amendement de conserveruniquement la congrégation de Saint-Maur, parce qu'elle a bien mérité de l'Etat par ses vertus et par son amour pour les lettres.
, député du clergé de la Basse-Alsace {l). Messieurs, combien il serait heureux et avantageux, peut-être, pour la chose publique, que la grande majorité de cette Assemblée eût éprouvé, en écoutant hier et avant-hier le rapport au comité ecclésiastique, la même impression d'assentiment qui l'a affectée, lorsqu'elle a entendu, lundi dernier, celui de votre comité féodal 1 C'est le propre de ce qui est vraiment juste et utile de captiver rapidement ; ainsi, l'universalité des suffrages, en dépit des préventions et de l'intérêt, tandis que ce qui n'est pas marqué à ces grands caractères n'a ni le même ascendant, ni la même prépondérance, et qu'il laisse à la variété des opinions la persuasion respective que chacun a la meilleure et qu'elle doit prévaloir. Puisque, tel est à mon grand regret et à celui de beaucoup d'autres, le sort de la question actuelle, essayons du moins de l'environner et de la frapper de tant de lumières que la conscience de chacun soit acquittée, et que votre jugement, quand il sera prononcé, n'ait imprimé et ne laisse aucune trace que celle de l'équité et du bien général. Vous avez fait hier, Messieurs, un acte réel de justice, quand vous avez prolongé la discussion qui nous est soumise, et que vous avez reculé la décision d'un problème aussi imposant que celui de savoir si l'Assemblée nationale supprimera en France l'ordre religieux en tout ou en partie ; car tel est le premier article auquel on a réduit la grande question qui nous occupe, et sur laquelle plusieurs orateurs vous ont déjà exposé des idées et des senti-timents bien opposés ; cette opposition elle-même, et cette diversité prouvent, Messieurs, combien il est nécessaire de s'éclairer avant de prononcer.
Si vous jetez un seul religieux hors de son état, vous avez le même droit contre tous. Si vous annulez un seul de ses vœux, vous avez le même pouvoir contre tous ses autres vœux. Ici le principe est si sévère, les conséquences sont tellement cohérentes, que tous les hommes et tous les vœux vous sont soumis, ou que vous êtes forcés de respecter également et tous les vcéux et tous les hommes.
Voilà l'étendue et la rigidité du droit qu'il s'agit de chercher, du droit sur lequel avant
tout
Mais au milieu des vérités frappantes et des erreurs non moins grandes que je crois avoir entendues hier dans cette discussion, m'est-il permis de demander si on atraitéla proposition sous son véritable point de vue et si on nous a mis à portée de prononcer sur la question qui a été rédigée ? Le rapporteur du comité ecclésiastique 'a ainsi énoncée : supprimera-t-on l'ordre religieux en totalité ou en conservera-t-on une partie ? Lorsqu'on discutait les termes exacts ae cette énonciation, je pris la liberté de dire que la vraie manière de l'exprimer était celle-ci : abrogera-ton pour ta suite ou prohibera-t-on l'émission des vœux monastiques? Tout ce que j'ai entendu et tout ce qui a été dit sur cette matière m'a confirmé dans mon avis, et je crois le prouver par vos intentions elles-mémeè et par la manifestation de vos décrets subséquents : ceci n'est point hors du sujet, et peut au Contraire servir beaucoup à l'éclairer; vous allez en juger.
Une preuve certaine, Messieurs, que la loi constitutionnelle, dont vous formez le projet en ce moment, porte infiniment plus sur l'avenir que sur le présent, c'est que je suppose pour un instant qué la totalité des religieux, auxquels vous offrez la liberté et la sortie du cloître, se refusât absolument au changement proposé, et que tous ou presque tous vinssent à opter pour la conservation dé leur état ; ils le peuvent puisque le choix libre leur en est laissé ; qu'arriverait-il alors ? Une chose toute simple, c'est que toutes les dispositions que vous êtes dans le dessein de décréter sur le3 vœux deviendraient et seraient en effet, une loi prohibitive pour la suite, c'est-à-dire, ou qu'il serait défendu de faire des vœux ou qu'on né pourrait en prononcer qu'à tel âge, avec telle ou telle modification : vous voyez donc bien, Messieurs, que dans cette hypothèse très admissible assurément, puisque les articles subséquents du décret la prévoient, l'abrogation des vœux monastiques pour la suite, est bien mieux le sujet de la loi que vous voulez établir, que celui de la suppression actuelle des ordres religieux. Car si chaque individu optait pour la négative et restait en place dans sou ordre, vos décrets actuels seraient sans effet pour le moment. Que voulais-je conclure de cet éclaircissement? Uue vérité bien conséquente encore, c'est que ce qu'on veut appeler improprement suppression actuelle, ne sont vraiment que des dispositions pour préparer une extinction ou une suppression future.
Or, l'une de ces dispositions est d'annuler l'effet civil et religieux des vœux, prononcés librement et volontairement en face des autels, sous l'autorité de la loi. L'Assemblée nationale, le Corps législatif, peuvent-ils, sans le concours des pouvoirs ecclésiastiques, dissoudre ce lien comme il a le droit d'établir ou de créer des lois, sur l'émission ou la non-émission des vœux solennels? C'est, Messieurs, à mon avis, l'une des deux questions renfermées dans celle qui vous est présentée, et qui n'a pas été entamée encore; la seconde est celle de savoir s'il est bon et utile à l'Etat de supprimer toute corporation dont les membres se croient liés par des-vœux solennels.
Quant à. la première, à Dieu ne plaise, Messieurs, que je m'oppose à ce que la liberté soit accordée et rendue à ceux qui se disent malheureux de l'avoir perdue, et qui peuvent trouver du bonheur à la recouvrer ! je crois bien, au contraire, que par ce motif et par celui aussi de procurer paix et tranquillité aux religieux qui
préféreront de conserver leur état, il est plus que nécessaire d'effectuer cette séparation: je crois encore que des vues sages de politique et de législation bien entendue peuvent et doivent déterminer des suppressions et des réductions; mais je sais aussi qu'il existe, pour y parvenir, des lois et des formes consacrées par une pratique constante, qu'il est dangereux d'enfreindre quand on peut, en s'y assujettissant, obtenir le même résultat. Pourquoi ne pas soumettre le projet et l'exécution au concours des deux puissances qui ont jusqu'à ce jour opéré conjointement et légalement les suppressions et les extinctions de ce genre? Ges lois sont en pleine viguéUr; elles n'ont été abrogées, ni par vous, ni par ceux qui étaient investis de l'autorité légitime avant votre convocation : il me paraît donc conforme à la justice et digne de vous, Messieurs, de les appeler à votre secours dans cette circonstance, et de donner un exemple qui inspirera pour vos prp«-près lois un respect dont il me semble qu'on ne saurait trop se bâter d'établir et d'affermir les fondements.
Une loi qui détruirait, qui troublerait seulement une possession, une jouissance jusque là reconnue légitime, serait précisément le contraire d'une loi, l'infraction de toute loi.
De cette vérité immuable, résulte cette maxime, qu'une loi nouvelle ne peut avoir d'effet rétroactif.
Il faudrait renoncer à tout principe, si on hésite à se soumettre aveuglément à celui-ci-
Aussi, strictement parlant, les ordres religieux existants par le pouvoir de la loi antérieure ne peuvent être dissous que par leur extinction naturelle, c'est-à-dire que par la mort de chacun des membres qui les composent.
L'Assemblée nationale n'est donc pas compétente pour abroger l'effet civil des vœux monastiqu,es déjà prononcés sous l'autorité de la loi.
Elle ne l'est pas, car elle est puissance législative, et qu'à ce titre, elle n'est que l'organe de l'équité. Ce pouvoir est incompatible avec la puissance, car la puissance se changerait en usurpation, en tyrannie» si elle troublait une possession, un état acquis par des sacrifices déjà consommés.
Ramenez les religieux à l'âge où ils étaient lorsqu'ils ont fait le premier pas vers le cloître. Restituez-leur les années qui se sont écoulées pour chacun d'eux depuis cette époque. Rendez-leur les jouissances qu'ils ont sacrifiées, les perspectives auxquelles ils ont renoncé ; faites que tout à coup ils se trouvent instruits, disposés aux divers états qu'ils eussent pu embrasser ; donnez leur des professions dans lesquelles ils puissent se trouver aussi habiles qu'ils pourraient l'être s'ils en eussent suivi les travaux pendant autant de temps que les lois leur ont permis de vivre dans le cloître ; faites enfin qu'ils puissent dire : Nous n'avons rienperdu, et les lois ne nous ont pas trompés.
Voilà ce que la probité vous demande ; mais n'est-il pas encore une autre voix qui vous fait entendre d'autres réclamations ?
Un vœu, qui soumet à la fois à des devoirs de plusieurs genres, peut-il être annihilé dans l'une de ses conditions sans l'être dans toutes ? Celui qui se voit dégagé de l'un des liens qu'il avait juré de respecter autant que le6 autres ne doit-il pas se croire délié de tout à la fois, pour peu que ses passions lui rendent cette opinion utile ? Enfin, l'effet civil des vœux monastiques peut-il
cesser, sans que l'effet religieux des mêmes vœux ne soit également anéanti ?
Vous auriez donc.par un seul acte, brisé et les uns et les autres. Je vous vois rappelés ici par l'Intérêt de la religion, par celui des mœurs, comme par l'objet politique et civil. Votre unique devoir à l'égard de 1a religion se borne à la faire respecter ; mais ce devoir est le premier de tous. Songez donc au coup qu'elle recevrait dans l'opinion, si les vœux qu'elle a reçus et sanctifiés étaient méprisés et ne devenaient plus qu'un obiet de scandale.
Armés d'un pouvoir plus actif pour les mœurs, votre vigilance doit vous faire prévoir tous les dangers qu'il y a à faire sortir des cénobites de leurs solitudes pour les jeter au milieu d'un monde dans lequel ils se trouveront si étrangers. Cette transition subite est assurément le plus redoutable éoueil pour la sagesse humaine. Que peuvent devenir, dans le sein de nos cités, des citoyens sans état, sans occupation, sans expérience? Ceux qui ne seront que des hommes peu vent y être bientôt les victimes de la corruption, et la corruption infecte tout ce qu'elle approche.
11 est une observation encore relative à cette abrogation irrégulière des vœux, très importante à mon gré, qui le paraîtra moins à beaucoup d'autres 3 elle tient cependant au bonheur de chaque individu : vous Je voulez sans doute, Messieurs, ce bonheur du citoyen que vous réportez au milieu de la société, en brisant les liens qui l'attachaient au cloître? Eh bien, négligez, n'usez pas du préalable légal que je réclame, et vous risquez de livrer un jour à l'anxiété et au tourment des scrupules plusieurs de ceux-là mômes qui sollicitent ou paraissent désirer avec tant d'ardeur leur changement et leur retour au siècle : en effet, Messieurs, s'il en est dans le nombre que la légèreté ou des motifs irréfléchis, que la contrainte même ont précipités dans l'émission des vœux, il en est beaucoup aussi qui ont très librement et très volontairement embrassé l'état monastique, vis-à-vis desquels les formes d'épreuve dans tous les genres ont été observées strictement, et qui longtemps eux» mêmes ont rempli avec autant de succès que d'édification leurs devoirs et de pénibles fonctions : il en est qui, saris le trouble excité généralement dans les cloîtres, trouble qui, dans les ordres les mieux réglés et les plus paisibles, a amené une entière désorganisation, n'eussent jamais désiré un changement, et bien moins encore la destruction. Avec ces êtres timorés, le recours tardif à l'autorité ecclésiastique, en ce qui concerne le lien spirituel, ne fera qu'ajouter un iour à leurs regrets.àleurs remords ; tout vous invite donc, Messieurs, et la règle, et l'humanité, et les considérations politiques et religieuses, à appeler à votre secours, dans une occasion si importante, les formes légales, ces mêmes lois canoniques dont vous allez sous peu et avec raison, invoquer l'ancienne vigueur, pour rappeler l'ordre et la discipline dans la hiérarchie ecclésiastique, Vous parlerez peut-être alors du respect qui leur est dû et de la sagesse de leurs dispositions ; ne vous convient-il point, dans ce cas, d'en faire l'apologie et l'application dès à présent, pour échapper à tout reproche de partialité, et surtout pour remplir une loi de justice, pour prévenir tous les inconvénients, et procéder avec ordre dans la réforme ou suppression que vous méditez ? Je ne balance point à penser que l'Assemblée nationale, sans ce préalable et ce concours légal, ne peut donner un effet rétroactif et
présent aux vœux monastiques remis librement sous l'autorité de la loi, et dans les formes et la solennité religieuse, propres à chaque ordre qu'on embrassait. Je crois qu'il n'est point indifférent pour l'Assemblée nationale d'adopter ou de rejeter les fbrmes établies dans l'opération proposée; je crois qu'en ne les adoptant point, elle peut compromettre ses décrets et la tranquillité particulière d'une infinité de citoyens. Vous êtes législateurs, Messieurs, prenez garde de faire des malheureux et des coupables; avant d'ordonner, consultez encore votre vertu.
Actuellement, est-il utile à l'Etat de supprimer les ordres religieux, en tout ou en partie ? Cette question vous a été présentée hier, Messieurs, sous différents aspects et sous différents rapports très intéressants, et je ne répéterai paB les réfle-I xions justes et solides de plusieurs des préopinants : les preuves lumineuses dont ils ont étayé leur opinion ne pourraient que s'affaiblir dans ma bouche, et je suppose qu'elles ont répandu un grand jour sur cette discussion : il me semblerait juste surtout et prudent qu'on débattit les calculs présentés par M. l'évêque de Nancy, et qu'on en prouvât l'erreur, car s'ils sont exacts, ils doivent nécessairement être pris en considération, et influer sur la détermination de l'Assemblée, ainsi que sur les mesures de détail si importantes en ce moment : puisque le mot calcul m'a échappé, permettez-moi, Messieurs, de vous parler d'un seul qui est très simple et qui ne peut manquer de vous frapper dans la disposition générale et particulière des biens ecclésiastiques séculiers et réguliers
Il y a cent-cinquante mille ecclésiastiques dans le royaume, en y comprenant les maisons religieuses des deux sexes : à 600 livres par tête, l'un dans l'autre, c'est la somme de quatre-vingt-dix millions qu'il faudrait prélever sur la masse totale des revenus du clergé : sans les dîmes, il s'en faut de ie ne sais combien de millions que ce revenu lui reste : jugez donc comment, dans l'opération particulière et générale dont vous vous occupez en ce moment pour les religieux, il vous sera possible de pourvoir à tout. J indique à peine un raisonnement qui, s'il était développé, affaiblirait au moins le grand système d'utilité politique qu'on cherche à croire lié à la suppression des ordres religieux; il présenterait de grandes objections pour le moment, et il fortifierait celui de ne détruire ou de ne réduire nue par extinction graduelle, système infiniment plus juste, si, par hasard, il n'était pas politique.
Et à cette occasion, puis-je me dispenser, Messieurs, de relever deux propositions que j'ai entendu prononcer dans cette tribune, dont l'une a été bien mal employée, et plus mal appliquée, et dont l'autre est entièrement fausse? La première est une maxime toujours invoquée pour trancher brusquement toute difficulté; maxime cependant, qui, appliquée par des législateurs irréfléchis, servirait à ravager promptement la terre, c'est celle-ci : qu'il faut toujours sacrifier le bien particulier au bien public. Qu'on la réserve cette terrible maxime pour le salut des empires, lorsque de grands sacrifices seront l'unique, l'infaillible remède à des périls certains : mais dans toute autre circonstance, n'oublions jamais que le bonheur public ne se compose que du bonheur des individus, que 1a loi; qui a fait gémir quelques citoyens, flétrit le code qui la recèle, et ne se transmet avec lui à la postérité que pour l'accuser et susciter contre lui les plaintes des générations.
Messieurs,nous sommes arrivés à la législature,
si pénétrés de la sainteté des droits de l'homme, que nous avons jugé que l'édifice politique ne pourrait être bien affermi que sur la déclaration de ses droits.
Et de quel homme, Messieurs, cette déclaration a-t-elle entendu parler? Serait-ce de l'homme sauvage, de l'homme dans l'état de nature, ou de l'homme social ? Si c'est de l'homme sauvage, l'un des préopinants (1) a eu raison d'opposer notre déclaration à l'état des religieux, et c'est ici la seconde proposition erronée dont je veux parler : certes, rien n'est plus incompatible que la vie sauvage et la vie monastique ; mais si c'est pour l'homme civilisé que nous avons fait cette déclaration, c'est elle que j'invoque en faveur des religieux, car elle veut l'observation rigide des lois et de l'équité, car elle commande le plus profond respect pour tous les contrats garantis par la foi publique. Et quel est le lien et l'engagement pris dans la société, qui, d'après cette maxime, ne serait pas contraire aussi à la déclaration de nos droits ? Les nœuds sacrés du mariage seraient donc confondus dans cette prétendue contradiction ; et quel funeste bouleversement ne serait pas la suite d'une doctrine sur de pareils principes, et sur un commentaire aussi bizarre de la déclaration de nos droits ?
Lé même orateur a pu avancer encore que l'existence des religieux et l'émission des vœux monastiques étaient incompatibles "avec la religion elle-même : ce qui peut excuser une pareille assertion, c'est l'ignorance des rapports intimes de la vie monastique avec la religion catholique, et d'avoir oublié que l'on ne pouvait encore parler ici que des principes de cette religion.
J'excuse le préopinant par ces motifs d'autant plus fondés, que plusieurs autres maximes, plus contraires encore que les premières à la religion de l'Etat, sont sorties de sa bouche ; mais s'il lui a été libre de prêcher une doctrine si désolante au milieu des législateurs d'un peuple chrétien, je puis me croire autorisé à rappeler que cette licence est ici d'un exemple trop dangereux : c'est dans ce sanctuaire surtout que nous devons savoir que la religion est le lien qui attache les hommes aux devoirs inspirés par la conscience, qu'elle est la lumière qui les éclaire et les console, et qu'elle est la vie des corps politiques : si un seul doute pouvait s'élever à cet égard, regardons Rome pieuse, dominatrice des nations ; voyons-la ensuite infectée d'épicurisme, s'ensevelir avec son empire, dans la tombe des dieux de Lucrèce.
Pardonnez, Messieurs, cet épisode à un zèle qui ne peut, je crois, que mériter votre approbation.
Je reviens aux religieux dont l'absolue et entière suppression me paraît nuisible à
l'Eglise, qui peut et qui en tirerait infailliblement des services majeurs, si on en conserve
un nombre limité et qu'on fixe pour l'émission des vœux des lois qui puissent se concilier
avec le système de liberté que vous voulez étendre sur toutes les parties ; et j'avoue que ce
bienfait inestimable, distribué avec intelligence au milieu de vos concitoyens, est fait pour
inspirer une reconnaissance éternelle aux générations présentes et futures ; mais ne
pouvons-nous en jouir que par
L'état religieux est du nombre : je vous soumets mon opinion à ce sujet avec d'autant plus de raison que la majeure partie des cahiers de mes collègues, députés de la province d'Alsace, nous font une loi de vous demander pour cette province. Messieurs, la conservation des maisons religieuses, les uns sans restriction, les autres avec des modifications. Il y existe une congrégation particulière de religieux bénédictins dont le prince-évêque de Strasbourg est le général, et quelques maisons de cette cçngréga-tion sont situées au delà du Rhin : je dois dire à sa louange et je ne serai point démenti par les députés de la province, que l'état religieux dans cette congrégation y conserve encore beaucoup de son éclat primitif par la sévérité de sa règle et par l'édification de sa conduite. La province et les habitants de la campagne désirent beaucoup,en général, la conservation de ces maisons, par les secours abondants qu'elles versent dans le sein de l'indigence et par l'utilité dont elles sont en se prêtant avec le plus grand zèle à seconder MM. les curés dans leurs pénibles fonctions.
Je ne dis rien ici des religieuses, parce que l'intention de l'Assemblée, d'après le rapport du comité ecclésiastique, m'a paru décidée à en faire la matière d'une discussion particulière : elle mérite en effet toute son attention ainsi que son intérêt le plus réfléchi.
Je conclus donc ainsi :
1° Si l'Assemblée nationale se détermine à prononcer une abrogation de l'effet civil des vœux, je demande que la forme des lois canoniques soit observée, et que tout religieux ne puisse obtenir sa sécularisation sans recourir à l'autorité ecclésiastique, comme partie nécessaire dans les jugements à porter à ce sujet.
2° J'opine à la conservation d'un certain nombre de maisons religieuses, et notamment de celles ae la province d'Alsace, sauf à déterminer, pour la suite, une loi positive sur les vœux, matière très importante et qui exige une discussion particulière.
l'aîné. La religion gagnera-t-elle à la suppression des religieux? Elle gagnera des ministres : les prêtres réguliers n'existant plus, il y aura davantage de prêtres séculiers. L'éducation nationale y gagnera-t-elle ? Elle y aurait beaucoup perdu dans l'ancien état de choses ; mais dans l'état actuel, l'éducation sera éclairée, elle sera pure comme les principes; il faudra, pour élever des citoyens, des hommes libres comme eux. L'indigence y gagnera-t-elle ? Le doute calomnierait nos mœurs actuelles, la bienfaisance se montre de toutes parts ; soyez confiants en votre humanité, ne doutez pas que,par les lois que vous ferez sur la mendicité, le sort des pauvres sera bien moins précaire. Les finances y gagneront-elles? Si l'on en croit M. l'évêque de Nancy, on dira non; mais des calculs promis par M. Dupont annoncent un résultat bien plus avantageux. Les familles y gagneront-elles ? Elles y perdront, elles redouteront cette opération, a dit hier un préopinant; une semblable assertion fait frissonner d'horreur. Les droits de l'homme y gagneront-ils? Voici la véritable question. Les établissements religieux en étaient la violation la plus scandaleuse. Dans un moment de ferveur passagère, un jeune adolescent prononce le serment de ne re-
connaître désormais ni père, ni famille, de n'être jamais époux, jamais citoyen ; il soumet sa volonté à la volonté d'un autre, son âme à celle d'un autre ; il renonce à toute sa liberté dans un âge où il ne pourrait se dessaisir de la propriété la plus modique ; son serment est un suicide civil. Y eut-il jamais d'époque plus déplorable pour la nature humaine, que celle où lurent consacrées toutes ces barbaries?... Voici ma profession de foi. Je iure que je n'ai jamais pu concevoir comment rhomme peut aliéner ce qu'il tient de la nature, comment il pourrait attenter à la vie civile plutôt qu'à la vie naturelle. Je jure que jamais je n'ai conçu comment Dieu pourrait reprendre à l'homme les biens et la liberté qu'il lui a donnés...
MM. de Bonnal, évêque de Glermont, de Juigné, l'abbé Maury, etc. crient au blasphème.
veut continuer ; le tumulte d'une partie de l'Assemblée l'en empêche: l'autre partie demande à aller aux voix.
M. Garat. Enfin, je juré...
On insulte l'Assemblée en disant ie jure.
il paraît, par les interruptions qu'éprouve M. Garat, que son discours a suffisamment instruit ces messieurs sur la question. Je demande en conséquence que la discussion soit fermée.
Les membres placés à la droite du président se lèvent, s'agitent. MM. l'abbé d'Eymar, de Bouville, de Juigné, de La Fare, évêque de Nancy, de Guil-hermy, Dufraisse-Duchey, de Foucault parlent tous a la fois.
annonce que Ces messieurs font une motion tendant à ce qu'il soit préalablement reconnu que la religion catholique, apostolique et romaine.est la religion nationale. Mais, ajoute-t-il, il en a été fait une autre : elle a pour objet de fermer la discussion.
, évêque de Nancy. Je fais la motion formelle de décréter avant tout « que la religion catholique, apostoligue et romaine, est la religion de F Etat. »
Il n'y a plus de ménagements à garder, il faut que l'Assemblée prenne un parti décisif.
,évêque de Nancy. Il est des circonstances impérieuses ; car pourquoi ai-je fait la motion de déclarer que la religion catholique-est celle de l'Etat? C'est parce que tous les cahiers nous obligent- de demander avant tout cette déclaration. Quand nous assistons ici pour entendre à chaque instant outrager, et en ce moment blasphémer la religion, il n'est pas possible de ne pas réclamer. Un des membres a été accusé d'avoir manqué à l'Assemblée par des expressions très équivoques, et il a été censuré: lorsqu'il sera question de la religion de nos pères, souffrirez-vous que des idées philosophiques fermentent dans Cette assemblée, et fasse éclipser cette religion? Voilà les motifs de ma motion : je demande qu'elle soit mise en délibération sur-le-champ.
(Le tumulte augmente; les interruptions partent de tous les côtés de la salle; le Président ne peut se faire entendre. —M. l'abbé Villebanois réclame la parole avec une vive insistance (voyez
son Dire, annexé à la séance), elle lui est refusée. -—M. Blin parle au milieu du bruit, mais n'est pas entendu. Enfin un calme relatif se produit.)
consulte l'Assemblée sur la question de savoir si une motion qui est hors de l'ordre du jour peut être mise en délibération. La partie droite interrompt avec tumulte.
(de Nemours) obtient la parole; il est deux fois interrompu.
M Une motion pareille à celle de M. l'évêque de Nancy ne doit pas être discutée.
Le règlement défend la délibération par acclamation.
(deNemours). 11 n'y a personne dans cette Assemblée qui ne soit convaincu que la religion catholique est la religion nationale. Ce serait offenser la religion, ce serait porter atteinte aux sentiments qui animent l'Assemblée, que de douter de cette vérité. On ne doit mettre en délibération que ce qui est douteux, il ne faut donc pas faire délibérer sur la motion de M. l'évêque de Nancy.
M- l'évêque de Nancy, en interrompant la délibération, pourrait faire croire que la religion périclite au milieu de nous, et que nous hésitons dans nos respects pour elle. C'est qualifier sans rigueur cette motion que de l'appeler injurieuse, et ce serait agir en citoyen infidèle que de ne pas relever cette injure.
Il n'est pas au pouvoir de l'Assemblée nationale de changer la religion ; il n'était pas en son pouvoir de ne pas reconnaître que le royaume est monarchique, et cependant vous l'avez déclaré. Il ne faut que trois minutes pour faire la déclaration qu'on vous demande aujourd'hui.
Il n'est question que d'un vil intérêt personnel et temporel; et c'est faire une injure à la religion que de croire que cet intérêt peut, parmi nous, influer sur elle.
Je ne m'élève assurément pas contre la motion de M. l'évêque de Nancy ; mais je m'élève, autant qu'il est en moi, contre l'intention de l'apôtre qui l'a faite. Je ne vous rappellerai qu'une circonstance, je ne ferai qu'une comparaison qui, je crois, est frappante. Lorsque nous avons attaqué les ordres injustes, contraires au bonheur de la nation, on a dit que nous voulions porter atteinte à la puissance royale. C'est ici le sanctuaire de toutes les autorités , et si la religion était en péril, c'est ici qu'elle trouverait ses vrais défenseurs. Je poursuis ma comparaison. Dans cette circonstance, où il ne s'agit plus de détruire les ordres, mais les désordres religieux, quand il est question de vils intérêts temporels ét d'argent, on vient nous parler de la divinité..... Il s'agit de la suppression des ordres religieux : eh bien 1 si l'on peut les rappeler- à leur institution primitive, personne ne s'élèvera contre eux; mais, si pour sauver une opulence si ridicule aux yeux de la raison, si contraire à l'esprit de l'évangile, on appelle l'inquiétude des peuples sur nos sentiments religieux, si l'on fait naître, par une motion incidente à l'ordre du jour et très insidieuse, les moyens d'at-
taquer la confiance si légitimement due à cette Assemblée, si l'on a le projet absurde et crimineld'armer le fanatisme pour défendre les abus.....(une partie de l'Assemblée interrompt par des murmures et par des cris); si jamais cette intention a pu être conçue, si elle a pu n'être pas aperçue, je la dénonce à la patrie. Je suis forcé de prophétiser à son auteur qu'elle n'aura pas le succès qu'il s'en promet. On veut détruire par le fanatisme l'ouvrage de la raison et de la justice; ces efforts coupables seront inutiles..... Gette question est trop embarrassante : elle ne le sera pas, si vous reconnaissez à chacun de nous des sentiments profonds de religion* Nous ne pouvons opposer à cet objet sacré la question préalable; mais il faut ajourner..... La religion catholique ne court aucun danger, pas plus que n'en a couru la royauté. Ce n'est pas au moment où nous avons décrété des actions de grâce à l'Etre suprême, qu'on peut élever des doutes. Demain l'Assemblée nationale, en se rendant au pied des autels avec les sentiments de piété qui l'animent, donnera à la France et à l'Europe entière une preuve frappante de son amour et de son respect pour la religion, que l'on prétend être en péril.
Une grande partie de l'Assemblée applaudit et demande à revenir à 1 ordre du jour.
L'Assemblée a décrété hier qu'elle délibérerait aujourd'hui, sans désemparer, sur la question proposée : je déclare que je ne sortirai pas d'ici que le décret ne soit exécuté. Les uns* par respect pour la religion, veulent qu'on déclare la religion catholique religion nationale; d'autres, par le même respect, regardent cette motion incidente comme injurieuse à la religion. Je n'ai qu'une manière de terminer cette contestation: c'est de consulter l'Assemblée.
Je veux qu'on prononce sur les deux motions sans désemparer.
La motion de M. l'évêque de Nancy ne tend à rien moins qu'à renouveler les guerres de religion. L'Assemblée nationale ne doit jamais délibérer sur une question de cette nature. Je demande en conséquence qu'on r evien ne à l'ordre du jour.
On va aux voix. — L'Assemblée décide de passer à l'ordre du jour.
M. l'évêque de Nancy persiste à vouloir parler hors de cet ordre. On demande qu'il soit rappelé à l'ordre et inscrit sur le procès-verbal.
M- Garat doit être mis à l'ordre pour ses discours ; j'en fais la proposition, et je demande qu'on la discute.
L'Assemblée consultée décide qu'il n'y a pas lieu à mettre M. Garat à l'ordre.
Je réclame pour l'Etat,
Eour la religion, que la motion de M. l'évêque de
ancy soit délibérée dans celte séance.
MM. l'évêque de Glermont, l'évêque de Nancy et tous leurs voisins appuient cette proposition.
Le désordre recommence.
Il faut fermer la discussion, dès qu'on ne veut passe conformer au décret par lequel l'Assemblée a arrêté de revenir à l'ordre du jour.
On fait silence.
l'aîné. J'ai dù être surpris des soulèvements qu'a occasionnés une partie de mon discours; je soutiens de nouveau les sentiments que j'ai exprimés, et je me déclare aussi bon chrétien catholique-apostolique que personne.....J'applaudis avec transport aux vœux pour la suppression des ordres religieux'.
paraît à la tribune et reçoit de grands applaudissements. Avant de traiter la question qui vous occupe, j'oserai vous parler de la reconnaissance que m'inspirent les bontés dont vous m'honorez. La tâche que je me suis imposée est embarrassante; je sollicite votre indulgence, et je vous rappelle un axiome qui doit influer sur votre délibération; il faut rendre à César ce qui appartient à César, à Dieu ce qui appartient à Dieu.
Examinons d'abord quel est le pouvoir de la société sur les ordres monastiques, quel est son pouvoir sur les vœux. Qu'est-ce que c'est qu'un vœu ? Le vœu n'est autre chose que les promesses d'un homme à l'Eternel et à sa conscience, de vivre constamment dans l'ordre religieux cju'il a choisi. Jusque-là il n'y a rien que de spirituel dans cet engagement sacré; mais dans les Etats catholiques, la loi a cru devoir marcher à côté du vœu : elle a voulu que la société renonçât à l'homme qui renonçait à elle. Maintenant il existe des vœux. Pouvait-on, a-t-on dû faire des vœux? On a pu faire des Vœux, puisque la loi reconnaissait et autorisait les vœux. Peut-on empêcher les vœux ? Oui, sans doute, parce que la société peut ce qu'elle veut. La société peut-elle rompre ies vœui déjà faits?Non, parce qu'ils ont été faits sous la sauvegarde de la loi. On ne peut pas rompre les vœux. Je dirai donc aux religieux : Si vous voulez sortir, sortez; si vous ne le voulez pas. demeurez; car votre vœu est un contrat, et je n ai pas le droit de rompre un contrat. La loi et le religieux, le religieux et la loi, voilà ce que nous devons respecter. Vous êtes hommes, tout ce qui est humain vous appartient; vous êtes hommes, tout ce qui est spirituel n'est pas de vous.
Doit-on ouvrir les cloîtres dès à présent? Non : vous lie pouvez les ouvrir qu'à ceux qui veulent en sortir; et ceux-là même qui voudront en sortir doivent se retirer pardevant les supérieurs ecclésiastiques, qui seuls et les premiers peuvent rompre les engagements contractés avec l'Eternel. Ces principes vous ramènent à examiner quelles sont les propositions que vous devez décréter en ce moment.
Vous devez décréter que ceux qui voudront être libres obtiendront leur liberté, et recevront Une pension convenable. Vous devez indiquer des maisons commodes à ceux qui voudront être fidèles à leurs vœux.
Il me reste à appeler votre attention, votre justice et votre clémence sur-une portion monastique plus heureuse que riche, par cela même qu'elle est heureuse sans richesses Je Veux dire les religieuses.
Je n'ai reçu jusqu'ici que des lettres et des adresses de religieuses qui veulent rester dans leurs cloîtres. Vous ne pouvez ni ne devez les forcer à renoncer à leurs habitudes ; car il ne faut pas oublier que les habitudes font le bonheur, et vous ne voulez pas faire des malheureux. Je demande donc que les religieuses soient exceptées de l'article de votre décret qui ordonnera la réunion de plusieurs maisons dans une seule. Gagneriez-vous d'ailleurs beaucoup à vendre les
établissements des religieuses? Non, sans doute; car s'il en est de riches, il en est aussi de très pauvres; et nous connaissons uu grand nombre de maisons religieuses de femmes, dans lesquelles on ne peut compter que sur environ deux cent cinquante livres pour chaque individu; en vendant leurs propriétés, vous jetteriez, il est vrai, une plus grande partie d'effets dans le commerce ; mais le trop grand nombre en ferait diminuer la valeur et le prix.
Ces différentes réflexions me déterminent à vous proposer le décret suivant:
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1* Que la loi ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels de l'un ni de l'autre sexe ;
« 2° Qu'elle ne mettra aucun empêchement à la sortie des religieux ou religieuses existant aujourd'hui dans les cloîtres, et que la puissance ecclésiastique n'en connaîtra que pour le for intérieur ;
« 3° Que tous ceux qui voudront rester dans les cloîtres seront libres d'y demeurer, en se retirant dans des maisons composées au moins de quinze personnes ;
« 4° Que les assemblées de département choisiront pour les religieux qui veulent rester dans leur état, les maisons les plus commodes :
» 5° Que les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd'hui,l'Assemblée les exceptant expressément de l'article qui oblige les religieux de réunir plusieurs maisons dans une seule. »
Le discours de M. l'abbé de Montesquiou est suivi de nombreux applaudissements.
L'Assembléedécrèteque la discussion est fermée.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'un grand nombre de projets de décret. Ceux de MM. de Montesquiou et Barnave réunissent beaucoup de suffrages, et l'ont met eu délibération la question de savoir auquel sera accordée la priorité.
Celui de M. Barnave est conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, que les ordres et congrégations de l'un et l'autre sexe, où l'on s'engage par des vœux solennels, sont et demeureront supprimés, sans qu'il puisse en être établi à l'avenir, l'Assemblée se réservant de statuer incessamment sur l'état et le traitement des religieux et des religieuses.
Le projet de M. de Montesquiou obtient la priorité.
J'ai l'honneur de demander à M, l'abbé de Montesquiou s'il croit que le for intérieur puisse entrer pour quelque chose dans les décrets de l'Assemblée?
J'ai dit que la puissance ecclésiastique pouvait seule relever de leurs vœux les religieux disposés à les rompre. C'est ce motif qui m'a déterminé à me servir de cette expression dans l'article que j'ai proposé.
On fait lecture du premier article.
Je demande à M. l'abbe de Montesquiou ce que c'est que les vœux solennels de Fan et de l'autre sexe. Je demande si le mariage n'est pas un vœu solennel?
Les observations de M. le comte de Mirabeau me paraissent trèsjustes, et pour y répondre, je consens à ce que le mot monastiques soit mis après celui solennels, à ce que ceux des personnes soient mis avant ceux-ci, de l'un et de l'autre sexe.
propose d'ajouter a l'article : « Déclare en conséquence que leâ ordres et congrégations religieuses de l'un et de l'autre sexe sont et demeureront supprimés en France » sans qu'on puisse à l'avenir en établir d'autres. »
L'amendement proposé par M. Thouret n'est autre chose que le projet de décret présenté par M. Barnave, et auquel l'Assemblée a refusé la priorité ; il ne peut donc pas être admis. Je demande qu'il soit rejeté, ou tout au moins ajourné.
Abolira-t-on les ordres religieux ? Telle est la question que l'Assemblée a décrété hier devoir être décidée aujourd'hui. Si M. l'abbé de Montesquiou a voulu remplir le vœu de l'Assemblée, je lui demande si l'article qu'il propose répond à cette question. Si, au contraire, M. l'abbé de Montesquiou n'a pas voulu, comme on pourrait le faire entendre, répondre à cette question, il faut bien que l'Assemblée entende que c'est là ce qu'on lui propose de décréter.
L'Assemblée a refusé la priorité à la motion de M. Barnave ; l'amendement de M. Thouret est exactement la motion de M Barnave; il doit donc être rejeté. Je demande ce que tout membre de l'Assemblée a le droit d'exiger, ce que l'Assemblée n'a pas le droit de me refuser, que la motion de M. Barnave et l'amendement de M. Thouret soient lus (des murmures s'élèvent); il vous sera plus possible de défendre et d'appuyer un article contraire aux principes, que de m'empêcher d'en attaquer un contraire à ma conscience. Je persiste dans ma demande.
On fait la lecture demandée par M. Duval d'Eprémesnil.
J'observe que refuser la priorité à une motion, ce n'est pas décréter qu'elle ne pourra pas être représentée en amendement.
Je suis chargé d'exprimer le vœu d'une province entière, de l'Alsace, qui demande la conservation de quelques maisons religieuses.
J'observe que je suis député d'Alsace, et que cette demande n'est consignée dans aucun article de mes cahiers.
demande, ainsi que plusieurs autres députés, à présenter des réclamations, et se dispose à les changer en amendements.
L'Assemblée décide qu'elle n'entendra aucune réclamation de provinces.
L'amendement de M. Thouret est mis aux voix et décrété. L'article entier est relu et décrété en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, que la loi ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels de personnes de l'un ni de l'autre sexe; déclare en conséquence que les ordres et congrégations réguliers,dans lesquels on fait de pareils vœux, sont et demeureront supprimés en France, sans qu'il puisse en être établi de semblables à l'avenir. >
Divers membres font remarquer qu'il est cinq heures et proposent de renvoyer la délibération à lundi.
D'autres membres réclament la continuation de la discussion.
Ce dernier avis est adopté par l'Assemblée.
donne lecture de l'art. 2, conçu en ces termes :
« Que l'Assemblée ne mettra aucun empêchement à la sortie des religieux ou des religieuses existants aujourd'hui dans les cloîtres, et que la puissance ecclésiastique n'en connaîtra que pour ie fort intérieur. »
Plusieurs membres disent encore que la question principale, sur laquelle on avait promis de statuer, est décrétée et que, par conséquent, on peut ajourner la suite de la discussion.
Nous venons de décréter la suppression des ordres religieux; ce décret se répandra demain dans tout le royaume ; il faut prévenir les conséquences qu'il pourrait avoir. Il faut empêcher que toutes ies maisons religieuses soient désertées. Les maisons destinées à l'éducation publique et les maisons hospitalières ne doivent pas éprouver cette désertion. Il ne faut pas non plus que les religieux puissent croire qu'ils sont abandonnés par la nation. Je demande qu'il soit pris une détermination sur ces deux objets.
appuient la proposition de M. Le Chapelier, qui la rédige en décret.
Ce nouveau projet est lu à l'Assemblée, et décrété par elle ; il est conçu en ces termes:
« L Assemblée nationale décrète que tous les individus de l'un et l'autre sexe, existants dans les monastères et maisons religieuses, pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité du lieu, et il sera pourvu à leur sort par une pension convenable.
« il sera pareillement indiqué des maisons où pourront se retirer ceux où celles qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret.
« Déclare au surplus, l'Assemblée nationale, qu'il ne sera rien changé, quant à présent, à l'égard des maisons chargées de l'éducation publique et des établissements de charité ; et ce, jusqu'à ce que l'Assemblée ait pris un parti sur cet objet. »
J'avais eu l'honneur de proposer à l'Assemblée un décret particulier aux religieuses. Je demande qu'il soit relu et adopté, ou rejeté. J'ai dit tout ce que je devais dire pour l'appuyer.
Cet article est relu. Quelques membres demandent la question préalable.
propose en amendement qu'il soit décrété que les religieuses ne pourront pas être réunies en nombre inférieur à celui de dix.
Cet amendement est rejeté.
On demande encore la question préalable sur l'article.
J'observe à l'Assemblée que la justice et la loyauté française ne permettent pas de traiter ainsi de malheureuses religieuses. On vous a observé, d'une part, que les avantages à retirer de la vente de leurs maisons ne seraient pas très considérables; d'autre part, que vous
devez prendre garde de ne pas vous charger d'un trop grand nombre de pensions.
On applaudit dans toute la salle aux observations de l'orateur.
En conséquence, l'article 3 est décrété en ces termes :
Les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd'hui, l'Assemblée les exceptant expressément de l'article qui oblige les religieux de réunir plusieurs maisons dans une seule. »
consulte le vœu de l'Assemblée. La discussion des autres articles est renvoyée à lundi prochain. La séance est levée à sept heures et demie du soir.
à la seance de r Assemblée nationale du
,curé de Saint-Jean-le-Vieil, de la ville de Bourges, député du clergé du Berry, à l'Assemblée nationale : sur la motion de M. de La Tare, concernant les ordres religieux (1). Messieurs, la religion est le lien essentiel de toute société politique ; sans elle, il ne peut être de constitution vraiment solide et raisonnable; en commandant aux consciences, elle embrasse des détails et des rapports, que la puissance de la loi ne peut atteindre; en imposant des devoirs au monarque comme au dernier des sujets, elle assure l'obéissance, en même temps qu'elle prévient l'abus du pouvoir.
En vain vous établirez des lois, en vain vous les ferez sanctionner par le Roi ; en vain vous établirez des juges pour en faire l'application ; si ces lois ne sont encore sanctionnées par le législateur suprême de toutes les nations, si la religion ne préside aux jugements que rendront vos magistrats, vos lois ne seront point observées, et vos juges ne seront que des juges d'iniquité.
En vain vous aurez des armées nombreuses, pour la défense de vos frontières; en vain, vous aurez des troupes nationales pour la sûreté de l'intérieur du royaume; si Dieu ne protège vos armes, si Dieu ne veille à la garde de vos cités et de vos campagnes, vous n'aurez jamais la paix et la tranquillité dans vos foyers; vos campagnes seront dévastées, et vous deviendrez ia proie et le jouet de vos ennemis extérieurs. Ce sont là des vérités que personne, sans doute, de ceux qui croient encore en Dieu et à l'influence de sa providence sur tous les événements, ne contestera.
11 est donc important, pour les nations comme pour les individus, de reconnaître et de
professer une religion, et plus encore de la respecter;
De toutes les religions, la religion chrétienne est la seule qui porte les caractères d'une religion vraiment divine; vous les trouvez ces grands et frappants caractères dans la sainteté de son auteur, dans la sagesse de ses préceptes, dans la pureté de sa morale, dans l'idée qu'elle nous donne de la grandeur de l'litre-Suprême, de la dignité de l'homme, de son origiue et de sa fin,de l'étendue de ses devoirs résultant de ses rapports avec Dieu et avec ses semblables.
Eufin, cette religion auguste ne se trouve dans toute son intégrité que dans l'église catholique, apostolique et romaiue, à laquelle la France s'est fait un devoir, dans tous les temps, d'être invio-lahlement attachée. C'est là, cette cité bâtie sur la montagne, visible à toutes les nations ; c'est là où se trouve cette succession de légitimes pasteurs jamais interrompue, cette unité de régime et d'enseignement, qu en vain vous chercheriez dans toute autre société religieuse; c'est là, en un mot, où se trouve dans toute sa pureté le dépôt précieux de la foi que nos pères nous ont transmis au prix de leur sang, et que nous conserverons, sans doute, au prix du nôtre, s'il Je faut.
Cependant, Messieurs, vous le savez, la foi de nos pères s'altère, le respect pour la religion s'affaiblit de plus en plus. Et, qui sait jusqu'où peut aller ce dépérissement de la foi, si vous ne prenez dans votre sagesse des mesures pour arrêter le progrès de l'irréligion? l'oubli des principes, la dépravation des mœurs, les libelles, les brochures aussi immorales qu'irréligieuses qui se répandent partout, et qu'on ne craint pas d'étaler jusque sous vos yeux et aux portes de cette Assemblée, les maximes perverses d'une philosophie insensée, qui, dans le délire de son orgueil, ne respecte rien, et, dans les accès de sa fureur, attaque tout, renverse tout dans l'ordre de la religion et de la morale, comme dans l'ordre de la politique, semblent menacer également d'une ruine totale l'autel et ses ministres.
Hâtez-vous donc, Messieurs, pendant qu'il est encore temps, hâtez-vous de la protéger, cette religion sainte, contre les coups qu'on lui porte de toute part; hâtez-vous de calmer nos craintes, de dissiper nos inquiétudes. Nous vous le demandons et en notre nom et au nom de nos commettants ; nous vous le demandons au nom de ia nation dont vous êtes les représentants ; nous vous le demandons surtout au nom des malheureux de toutes les classes, qui, souvent, dans leur malheur, n'ont de ressources que dans les consolations que leur offre la religion ; c'est elle qui leur apprend à souffrir sans se plaindre et à mourir sans s'effrayer. Ce n'est pas dans les froides maximes d'une philosophie orgueilleuse, qui d'ailleurs n'est jamais consolante que pour ceux qui n'ont pas besoin de consolation, qu'ils trouveront cette force, ce courage, qui leur est souvent si nécessaire pour s'arracher aux horreurs du désespoir, pour se préserver de ces excès affreux dont les exemples scandaleux se sont multipliés à la boute et pour le malheur de l'humanité en proportion des progrès de cette prétendue philosophie.
En attendant que vous puissiez vous occuper des lois de détail que vous croirez, dans votre
sagesse, devoir faire relativement à ce grand objet, consacrez dès aujourd'hui dans un arrêté solennel le respect dont vous êtes pénétrés pour la religion de vos pères. Votre silence seul dans cette disposition de malveillance contre la religion, qui se manifeste de toute part, votre silence seul, dis-je, sur un objet aussi important, affligerait sensiblement toutes les âmes honnêtes, ajouterait aux inquiétudes et aux alarmes, dont elles ne sont déjà plus les maîtresses, et accroîtrait l'audace des ennemis de la religiou, qui, n'en doutez pas, seront toujours également les ennemis de ia patrie.
Déclarez donc dès aujourd'hui que la religion seule de l'église catholique, apostolique et romaine, est la religiou de l'Etat et que le seul culte public et solennel qui est et sera à jamais admis et reconnu en France, est le culte de l'église catholique, apostolique et romaine, et que le présent décret sera mis à la tête des décrets constitutionnels comme étant la base la plus solide de la constitution.
Ce sera, Messieurs, celui de tous vos décrets qui portera le plus de consolation dans le cœur du roi et de son auguste épouse qui partage ses sentiments comme ses malheurs, de ce roi trè3 chrétien, dont 1a piété et l'attachement à la religion vous sont connus, de ce roi si justemeut, si profondément affligé dépuis longtemps, et par ses malheurs personnels, et plus encore par ceux de la nation, que son amour pour son peuple lui rend toujours plus sensibles que les siens propres.
à la séance de VAssemblée nationale du
, député de Nantes. Opinion sur le clergé (1). Messieurs, il est temps que l'Assemblée nationale s'explique définitivement sur le clergé. J'ai toujours pensé que le clergé ne devait point faire un ordre séparé dans l'Etat, qu'il ne devait pas non plus rester organisé en grande corporation. Chaque district a ses besoins à part. Il n'est pas nécessaire que ses ecclésiastiques fassent corps avec ceux d'un autre district. La nécessité des évéques pour le culte romain ne change rien à la justesse de cette politique. Quand on aura réduit les évêques au nombre convenable dans une étendue de pays comme la France, il sera facile de donner à chacun d'eux plus ou moins de districts, plus ou moins de départements à surveiller pour tout ce qui regarde la religion. 11 ira une fois tous les ans, ou tous les deux ans, tenir ses assises épiscopales dans chaque district pour y ordonner des prêtres, etc., etc. C'est tout ce qu'il faut.
J'ai toujours pensé aussi que le clergé pouvait être regardé comme une profession
publique. Non pas que je croie à la nécessité d'une religion dominante, la religion et
encore moins ses ministres ne doivent rien dominer; chacun pense comme il veut, ou comme il
peut, et la loi ne s'étend pas jusqu'à régler les choses de l'autre monde. Mais dès que la
presque totalité d'un pays professe le même culte, ce culte qui n'est fonciè-
Quiconque fera attention que le l£gislateur a le pouvoir ^'interpreter souo ces rapports l'inten- tion des foodateure, s'apercevra aisement que ce plan pourrait s'ex£cuter sans rencontrer beau- coup d'opposition. Ainsi, les biens du clergy pour- raient bien donner I'existence dans tous les dis- tricts a un bureau des pauvres; soulenir toutes les parties de Instruction publique, et ce second objet est bien plus etendu qu'on ne pense; enfin il en resterait une portion suffisante pour entre- tcnir le culte calholique et ses ministres. ^en- semble des officiers publics attaches h ces trois parties d'administration pourrait fetre regard6 commc le nouveau clergt. Ce serait veritablement une profession publique, une partie de l'admi- nistration nationale. Bientdt les deux tiers de ce nouveau clerg6 seraient des la'iijues, des pferes de famiile; rien de plus convenable, car pour avoir soin des pauvres, et poor 6tre les organes de 1'instruction publique, il n'est pas nfecessaire sans doute d'fitre pr&re. Enfin, les prGtres eux- m£mes deviendraient des ciloyens comme les autres, et, en verity je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous accouturner h entendre prGcher, an nom de Dieu, sur les devoirs d'6poux et de Ills, de respectables p£res de famiile, qui ajouteraient la force de I'exemple acelle de leurs lecons.
Je pense, comme w. rabbe bieyes, que pour aller h un but aussi desirable, il n'4tait nulle- ment n6ceesaire d'abolir les dimes, car la dime n'appartient certainement pas k celuiqui la paie. Quand un propritftaire a achet6 son champ, ou qu'il l'a reiju d'une manifcre quelconque, il l'a achet6 ou il l'a regn, ci la charge de payer la dime, et il n'a jamais d& penser que la nation lui en ferait pr6sent.
Vous dites que Fobligation de payer la dime est dure pour les proprtetaires. Je r6ponds que l'obiigation de payer ses dettes est dure pour le debiteur.
Vous dites que cettecharge nuit & Tagriculture; entendons-nous: esl-ce du fermier que vous voulez parler? Mais qui nesait que le fermier sera forc£, oans son hail, dedonncr au proprietaire ce qu'il doDnait aupardvant b son cure ? Est-ce du propri6taire riche? Certainement il sera avan-
ae iu,uou uvres. wais qu imperii? pour i agricul- ture que ces 11,1)00 livres soient touchfes pur le m6me homme ou par deux coproprietair*le proprtetaire de la lerre et le decimateur ? Quant aux petiis proprifctaires, jeconviensqu'ilsdoivent vous inspirer plus d'int^rtt ; aussi, aurait-il fallu les favoriser particuliereiuent dans le rachat de la dline.
Le rachat de la dime! Bli oui, e'est ce qu'il fal- lait decr6ter, et non son abolition. 11 fallait dire : pai tout oil le decimateur louche cent pifrtoles net de dime, le proprietaire pate en nature la valeur d'environ 15 k 16,000 livres; offrons-lui de le d6charger de sa dette, en remboursant seulemeDt le fonds de 1,000 livres; bien 6videmment il y gagnera beaucoup, le decimateur n'y perdra rien ; je ne parle encore que des gios proprietaires.
II fallait charger les administrations de district et les municipality, sous Tinspection du district, de veiller & I'acquiitement libre et volonlaire do ces rachats, de les dinger, de les faciliier, etc.
11 fallait dire ensuite: une dime de 1,000 livres et, rachet6e au denier vaudra 25,000 livres; nssons 5,000 livres au aistrict, el portons 20.000 vres a I'eooprunt national: sur c« la, je reinar- ue que les 5,000 livres que je laisse au district, ii plusg6n6ralemeutlacinquit'me partie des ra- hats aurait donne la facility d'amortir la dime es plus petits propti6iaires. au moindre taux tossible, en venanta leur secours. J'aurais mieux im6 ce plan de conduite que celui de les affran- hir niirpinpnt ft simnlement.
Suivons les 20,000 livres port£es l'emprunt national: je sais bien que les rachals n'auraient ite que succesifs, que largent serait venu peu k peu. Mais je lie doute pas un instant que cette operation n'eOtt suffi a remonter tout de suite le credit public. Je (lis pius; si Ton avait eu soin, en m£me temps, de defendre de nommer ix aucun benefice vacant, ceux qui vaquaient deja, et ceux qui vaquent continuellement par la mort des titulaires, nous aurai"nt permis de faire une excellenle operation. Nous aurions decrete que le Tror public ne paierait que 3 0/0 des somme3 provenant des racbats des dimes, sauf k dedom- ma^er les districts par le revenu des benefices vacants. Je ne veux pas ilGvelopper davantage ces deux id6es. On s'aperfoit assez qu'elles se patent un mutuel secours, et enfin que e'etait une ope- ration digue de l'Assemblee nationale que de remonter le credit, et de faire baisser le taux de IMnt6ret, dansun moment ou la France paraissait 6crasee sous le terrible fardeau de sa delte, de son deficit, et de la cessation partielle des impflts.
Je n'ai rien dit encore qui ne soit I'opinion de M. I'abb6 Sieyfcs; je puise dans ses observations sommaires sur les biens ccclesiastiqucs, et dans son dire sur la question des dimes; e'est exacte- ment le plan qu'il nous a indique.
Je pense encore, comme ce depute, que nullc autorite sur la terre n'a le droit ae faire des lois retroactives, etqu'ainsi lorsque la loi regardait comme inamovibles des benefices donn6s a un eccliastique, lorsqu'il n'y avait pas d'exemple qu'un benefice eOt ete 6te, autrement que par un iugement legal prononce en mattere criminelle, lorsqu'il n'y avait pas un bomme en France qui ne sftt I res-bien que le don d'un benefice etait irrevocable; e'estdis-je,un gvtoement iuattendu que celui qui prive les titulaires actuels d'une partie ou de la totality de leurs benefices.
Faites des lois pour I'aYcnir, decretez, si vous voulez, que i'on pourra Ater arbitrairement a un prfctre son salaire, son benefice, tout comme il
vous plaira ; mais vous ne pouvez pas dire que ce qu'il a reçu à titre inamovible, vous pouvez le lui ôter. C'est là un véritable renversement de principes.
J'ai cherché à cet égard à pousser la sévérité jusqu'où elle peut aller, sans manquer tout à fait à la justice, et voici tout au plus ce que l'on ourrait tenter dé soutenir. On pourrait dire : les énèfices ont été donnés à titre inamovible, soit; mais ceux qui par la pluralité, des bénéfices, ont accumulé cent, deux cents, cinq cent mille livres de rentes, avaient-ils bien le droit de les solliciter, de les recevoir? à la bonne heure que celui quia rénoncé à tout autre état, qui, sous la bonne foi publique et la sauvegarde de la loi, est entré dans une carrière pénible, avec l'espérance d'obtenir de quoi vivre, et a enfin mérité un sort convenable, mais modéré, soit respecté dans sa profession. Mais l'abbé commendataire, mais le prélat insatiable qui, au méprisdes règles de son état et de la décence publique, s'est couvert de bénéfices enlevés à ceux de ses confrères qui n'avaient rien ! j'avoue qu'il m'est impossible de lé plaindre, lorsqu'une force supérieure le remettra à sa place, lui ôtera tout ce qui excède une mesure raisonnable.
Alors je dis au trop riche bénéficier : sans doute, celui qui vous a donné un bien inamovible, ferait mal de vous le reprendre. Mais, vous, vous ne pouviez pas le demander, le recevoir, étant déjà doté d'un premier bénéfice. Vous êtes inhabile à posséder, "à retenir tous ceux que vous avez accumulés. Gardez tout ce que vous avez pu recevoir, et cédez le reste.
On pourrait, ce semble, soutenir aussi, avec beaucoup de justice, que l'ecclésiastique, réduit à un seul bénéfice, doit encore supporter une grande diminution dans le revenu de ce bénéfice ; il doit évidemment payer l'impôt comme tout autre citoyen ; il doit payer outre l'impôt toute la partie de son revenu qui, excédant son nécessaire absolu ou relatif, était destiné par les fondateurs à l'aumône ou à l'instruction publique, et ne peut être considéré que comme un dépôt entre les mains des bénéficiers. Dès que nous confierons à des laïques le soin de l'enseignement, et celui de soulager les misérables, dès que nous dispenserons l'ecclésiastique de subvenir à ces objets, il doit sans regret abandonner la portion de son revenu qui y était affectée.
D'après toutes ces considérations et la nécessité de ne pas laisser plus longtemps un grand nombre de citoyens dans l'inquiétude sur leur sort, et déterminer aussi quelque chose sur les futurs rapports du clergé avec la chose publique, je propose à mes collègues de concourir à rendre le décret suivant :
Décret concernant le clergé, Vordre de Malte, vtc.
Art. 1er. Tous les titres de bénéfices, même les chapitres de
chanoinesses, les bénéfices de Malte, et autres ordres militaires, les monastères, les
couvents et les maisons des religieux et religieuses, les séminaires et toutes corporations
ecclésiastiques ou fondations particulières , telles que celles de Sorbonne, de Navarre,
etc. sont éteints.
Art. 2. L'administration de tous les biens compris dans l'article précédent, en y ajoutant ceux des fabriques, sera confiée aux administrations de district, sous l'inspection de celle des départements.
Art. 3. Les prochaines assemblées de dépar-
tement et des dlstrics donneront leurs avis sur la meilleure manière de remplacer les dîmes, lesquelles continueront à être payées jusqu'au remplacement, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale.
Art. 4. A. l'avenir, et à commencer du l,r avril 1790, nul évêché ne pourra avoir plus de 3Ôi0!H) livres, ni moins de 20,000 livres de rentes.
Art. 5. Aucune cure ne sera dotée de plus de 3,000 livres, ni de moins de 1,200 livres.
Art, 6. Aucun vicaire ne recevra, pour son traitement, plus de 900 livres, ni moins de 600 livres.
Art. 7. Les évêques, les curés et les vicaires seront payés sur la caisse des départements, des districts ou de3 municipalités, ainsi qu'il sera réglé ci-après.
Art. 8. Quant aux autres titulaires de bénéfices, tels qu'ils sont compris dans l'article premier, ceux qui possèdent actuellement, soit en un, soit en plusieurs bénéfices ou pensions ecclésiastiques, plus de 6,000 livres de rentes, seront tous réduits à cette somme de revenu.
Art. 9. Ceux qui ont moins dé 6,000 livres de rentes en bénéfices, conserveront leur jouissance jusqu'à leur mort-
Art. 10. A leur mort ou sur leur démission, aucun des titulaires mentionnés aux articles 8at 9 ne sera remplacé.
Art. 11. Les moines et les religieux auront Chacun 6,000 et 1,300 livres, suivant la fortune des ordres auxquels ils appartiennent.
Art. 12. Les reljgieux auront entre 400 livres et 800 livres, suivant la fortune de leurs maisons.
Art. 43. Toutes les permissions seront acquittées par la caisse nationale, ou, sur son mandement, par les caisses de département.
Art* 14. Le comité te constitution présentera incessamment un plan de service pour le culte catholique en France, Où la quotité des frais et le nombre des personnes seront réduits aux vrais besoins duculte.
Et en attendant qu'on examine les rapports qui peuvent lier à l'ordre public les cérémonies publiques du culte catholique, on pourrait décréter les règlements suivants, dont la plupart des citoyens sentent la nécessité et réclament l'établissement.
Art. 15. Toutes les fêtes, sans exception, seront partout ou supprimées, ou renvoyées aux dimanches.
Art. 16. Il n'y aura nulle part d'offices publics que les jours de dimanche.
Art. 17. Les clochers des églises ne pourront servir à appeler les fidèles que les jours de dimanche, et elles ne serviront à aucun autre usage, sans la permission de la municipalité.
Art. 18. Elles ne sonneront jamais avant neuf heures du matin et après cinq heures du soir, et même dans cet intervalle on ne se permettra point de sonneries ou carillons, plus propres à étourdir les gens occupés et à tourmenter les malades, qu'à avertir sérieusement les fidèles de bonne volonté. .
Art. 19. Ott ne sonnera pas plus de trois fois par jour, et tout au plus, un quart d'heure chaque fois. : .
Art. 20. II n'y aura qu'une ou deux cloches, tout au plus, par église, les autres seront vendues par les municipalités, au profit du bureau des pauvres.
Après cela, ce qu'il y a de mieux à faire est
d'attendre le travail du comité. Mais puisque j'ai tant fait que dire mon avis, on me permettra bien d'en indiquer au moins la suite.
Je désirerais que l'entretien des vicaires fût pris sur une somme qu'on laisserait aux municipalités, pour cet objet et beaucoup d'autres, afin que si plusieurs paroisses de campagne veulent se réunir pour n'avoir qu'un vicaire, ce soit tant mieux pour les autres dépenses d'utilité qu'elles auront à faire.
Je désirerais que les curés fussent payés de même des deniers particuliers du district, et enfin que les évêques le fussent sur cette partie de la recette que les départements pourront garder pour leur défense propre. Rien ne nous garantira mieux la réduction du nombre des ecclésiastiques à ses justes bornes, qu'un semblable règlement. Il aura encore un bon effet, qui est de proportionner le traitement des ecclésiastiques à la convenance locale, sans néanmoins passer la mesure en plus ou en moins, qui a été prescrite par le décret ci-dessus.
Je n'imagine pas qu'il soit besoin d'avoir plus de dix-huit évêques en France, y compris les archevêques, car ce n'est qu'une différence de noms.
On doit faire une observation générale; la division de la France en départements ou en districts a été combinée surtout pour la représentation ou pour l'administration proprement dite. Le pouvoir judiciaire, l'établissement ecclésiastique peuvent facilement se prêter à un autre cadre; il n'est pas nécessaire qu'il y ait ni un tribunal dans tous les districts, ni un évêché dans tous les départements.
Après les évêques viennent les curés ; il en faut un par district, comme il faut sous son inspection, un vicaire par municipalité, en permettant, comme nous l'avons dit, à plusieurs villages de se réunir pour n'avoir à payer qu'un vicaire commun. On peut croire qu'une pareille considération réduira tôt ou tard le nombre des vicaires à 12,000 ou environ.
Il y aura alors en France, pour l'établissement ecclésiastique, 18 évêques, qui, à 23,000 livres, taux moyen, coûteront..... 450,000 livres.
Environ 700 curés à 1,500 livres, taux moyen, coûteront........... 1,050,000
12,000 vicaires à 700 livres, taux moyen, recevront la somme de......... 8,400,000
Total pour les honoraires
des personnes. ...... 9,900,000
Ajoutez-y pour les frais d'administration du service et l'entretien des églises,
environ. . ...............2,100,000
Total général. . . . 12,000,000
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Procès-verbal de la cérémonie de Notre-Dame, le
En exécution de son décret de la veille, l'As-
semblée nationale s'est réunie, le dimanche matin, dans le lieu ordinaire de ses séances.
L'Assemblée s'est mise en marche à ooze heures, pour se rendre en corps à l'église de Notre-Dame.
La garde nationale formait la haie depuis les Feuillant jusqu'à la métropole; un peuple immense remplissait les rues. M. le Président, précédé des huissiers de l'Assemblée, et d'un détachement de la cavalerie nationale, ouvrait la marche; les membres le suivaient deux à deux; ils étaient escortés par la garde nationale et la prévôté réunies; les gardes de la prévôté et les grenadiers de la garde nationale marchaient alternativement.
L'Assemblée étant arrivée à l'église de Notre-Dame, une députation de la commune, M. le maire Bailly à la tête, est venue la recevoir. M. le maire a prononcé un discours analogue à la circonstance, auquel M. le Président a répondu.
Le doyen du chapitre, à la tête du clergé, a pareillement harangué l'Assemblée, qui a répondu par l'organe de M. le Président.
L'Assemblée est entrée dans l'église au son des cloches, au bruit du canon, des tambours et d'une musique militaire. MM. les députés ont été placés à droite sur des gradins.
La commune de Paris était à la gauche, ayant auprès d'elle les ministres du roi.
, chanoine régulier de Saint-Victor, docteur en théologie, président de l'Assemblée des représentants de la commune, a prononcé le discours suivant (1) :
Facto in se spiritu Dei, dixit Régi et Populo :Audite me..... Transibunt dies, absque lege.....Non erit in tempore illo pax egredienti et ingre-dienti, sed terrores undique..... Vos ergo conforta-mini et non dissolvantur manus vestrœ ; erit enimmerces operi vestro..... Et intravit Rex ad corro-borandum fœdus..... Et juraverunt domino vocemagna in jubilo, in clangore tuba omnes..... cumexecratione.....in omni enim corde suo juraveruntet in omni voluntate.... et prœstitit eis Dominus requiem per circuitum.
Plein de l'esprit divin, il dit au Roi et au Peuple : Ecoutez-moi : il y aura des jours où l'on méprisera la loi.....Alors la paix sera bannie du sein des coupables : soit qu'ils s'éloignent de leurs villes, soit qu'ils y rentrent; partout la terreur agitera leurs âmes..... Pour vous, armez-vous de force; redoublez d'efforts; ne vous séparez pas, et vos travaux auront leur récompense. Et le Roi vint aussitôt faire un pacte d'alliance solennelle, et le peuple a juré cette alliance; il en a fait le serment à son Dieu : il a prononcé l'ana-thème contre les ennemis de la loi : son cœur dictait ; sa volonté consommait son serment.....Et le Seigneur a répandu sur le souverain et sur le peuple les dons bienfaisants du repos et de la paix.
(Au livre II des paralipomènes, chap. XV.)
Messieurs,
Quel est cet homme inspiré, qui parle avec tant de sagesse et de franchise à son roi, et
qui donne à tout le peuple des conseils aussi précieux? Quels sont ces coupables que la
frayeur poursuit jusque dans leurs retraites? Quel est ce monarque vertueux, si docile à la
voix qui l'ins-
Ce tableau n'offrirait-il que l'image de quelques faits empruntés à l'histoire immense des nations, ou serait-ce la peinture prophétique de ce qui se passe sous nos yeux?
Ah ! Messieurs, c'est l'un et l'autre. Le temps, en parcourant le vaste cercle des siècles, ramène les mêmes événements. Dans tous les âges, les rois justes et bons sont l'objet des complaisances de la divinité qui retrouve en eux son image. Dans tous les âges, la dent impartiale et cuisante des remords, déchire et tourmente les cœurs perfides. Dans tous les âges, les alliances sincères des princes et de leurs sujets sont consacrées par la sanction du Roi des rois; et le bonheur général en est la suite.
En traçant donc les actions du vertueux Aza, docile à la voix d'Azarias, le pacte mutuel de ce prince avec les tribus fidèles de Benjamin et de Juda, pour le maintien de la loi, et le sort infortuné des déserteurs de cette même loi, que la terreur accompagne dans leur fuite, l'auteur sacré de l'histoire des Juifs traçait aussi la nôtre, et sa plume, guidée par l'esprit divin, qui atteint d'une extrémité des siècles à l'autre, consacrait l'un des plus beaux faits de nos annales, et l'époque brillante où nous nous trouvons.
Reconnaissons dans cette histoire d'un des plus justes et des plus grands rois qui aient honoré la Judée, reconnaissons nos grandes destinées : applaudissons au bonheur que va répandre sur nous la main bienfaisante de la divinité : bénissons la providence qui, disposant tout avec douceur, presque sans effusion de sang, a rendu victorieuse la liberté; qui, du sein des désordres inséparables des révolutions, va faire naître l'ordre et la paix; qui, en subversant entièrement notre empire, le maintient dans son rang de premier des empires de l'univers, par la sagesse des lois qu'elle lui donne, par l'union qu'elle inspire à tous les Français pour le maintien de ces lois.
C'est pour jurer cette indivisible union, guerriers citoyens, que vous avez rassemblé vos légions. C'est pour en entendre le serment que l'auguste Assemblée de la nation, et celle de - la commune se rendent dans ce temple antique, mille fois témoin des vœux et des actions de grâces de nos rois, mais qui ne l'a été qu'une fois encore du serment d'un peuple libre. C'est pour le rendre plus saint; c'est pour vous engager plus spécialement avec le Dieu vengeur des parjures que vous voulez le faire autour de ses autels, plutôt qu'au champ des guerriers.
Votre cœur ne peut plus le contenir ; votre bouche s'entr'ouvre pour le prononcer : ah ; modérez l'ardeur qui vous anime : je veux la doubler, s'il est possible, en vous développant l'étendue et la justice de ce serment.
Cette honorable fonction m'a été confiée par des mains trop chères pour que je m'abstienne de la remplir. Mes vénérables collègues, en me l'imposant, savaient que mes talents étaient bornés; que ma voix était faible; mais ils connaissaient et le sujet qu'ils me donnaient à traiter, et votre sensibilité. Ils ont ordonné et je n'ai pu qu'obéir.
Esprit divin, témoin que l'ambition et l'orgueil ne m'ont pas conduit près de cet autd (l), cou-la seule éloquence que je désire, l'éloquence du cœur.
C'est à la nation que vous allez jurer d'abord d'être fidèle. A la nation ! ah! qu'il doit être doux pour vous ce serment! C'est le cri de l'amour pour une mère chérie : c'est l'expression de la plus noble des passions, de ces passions louables, nécessaires à l'homme dont elles créent l'énergie, nui agrandissent son âme, et, quoique puisées dans la nature, l'exhaussent au-dessus de la nature même. C'est ce sentiment consolant et flatteur qui rend si légers les travaux pénibles qu'il fait entreprendre et ajoute aux peines cuisantes de l'exil, et au vide même de l'absence.
Amour vivifiant de la patrie ! tu es répandu dans l'âme de tous ces guerriers ! ton feu sacré les consume ! c'est toi qui leur fis sentir toute la honte de l'esclavage sous lequel en vieillissant languissait la France : c'est toi qui leur conseillas et leur fis obtenir la conquête de la liberté. C'est pour mieux servir cette patrie, la nation, qu'ils ont brisé leurs chaînes : c'est pour la protéger et la défendre qu'ils ont pris ces armes qui ennoblissent leurs mains.
Semblables aux Machabées, que l'amour de la patrie a rendus si célèbres, ils ne veulent que vivre et combattre pour elle, et la victime la plus belle qu'ils n'hésiteraient pas de lui offrir, est leur vie même; le plus grand honneur à leurs yeux est de mourir pour elle.
Ah ! si l'histoire a recueilli avec complaisance les grandes actions que l'amour de la patrie a fait éelore dans les plus beaux siècles du monde, sa main s'arrêtera d'admiration à la fois et de fatigue, lorsqu'elle voudra retracer tous les prodiges que le même amour a produits, et opère encore chez les Français.
Qu'on vante ces Républiques fameuses où cet amour a enfanté de si grands orateurs et tant d'intrépides soldats 1 La France l'emporte sur Athènes et devient la rivale de Rome.
Nous avons vu, de nos jours, un corps entier de doctes sceptiques proposer gravement un prix à celui qui résoudrait ce problème : si l'amour de la patrie peut être aussi vif' sous un monarque qu'au sein d'une société républicaine ; quelques années de plus et l'expérience leur eût épargné cette demande. Témoins de notre révolution, la vue seule de ces troupes citoyennes les eût fait rougir d'une question semblable. Oui, sous un monarque, on peut respirer l'air de la liberté : on ne craint point la tyrannie d'un prince qui a tout le pouvoir d'exécuter la loi, mais qui en est le premier sujet lui-même : et où commandent les lois protectrices de la liberté, la patrie a tous ses droits, et l'amour de la patrie est la vertu de tous.
Jurer d'être fidèle à la nation, c'est donc jurer de suivre le plus doux penchant de la nature ; c'est donc jurer d'abandonner son cœur à l'impulsion du plus pur amour ; c'est jurer d'obéir, sans inquiétude et satis résistance, à la voix de la nation; c'est confondre sa volonté avec la sienne ; et, se reposant paisiblement sur sa sagesse, s'épargner jusqu'à la peine même de vouloir.(1) L'oratenr était, non dans une chaire, maii debout devant un autel.
Saints interprètes de la volonté générale, augustes représentants de la nation qui, par votre présence, ajoutez à la solennité de cetle fête civique, jurer d'être fidèle à la nation, c'est déposer entre vos mains une volonté sujette à l'erreur et vouer une entière obéissance à vos décrets.
Sans doute il est permis à l'homme libre d'en mesurer l'étendue, d'en calculer les effets : il est permis de vous en présenter, avec franchise, les imperfections, suites de l'imperfection de l'humanité ; mais ce n'est qu'après avoir obéi ; et tant que vos décisions ne sont pas réformées par vous-mêmes, vos décisions doivent toujours être respectées.
Elles le seront, je vous le jure, au nom des amis de l'ordre et de la paix, des amis de la patrie, au nom de tous les bons Français. Elles le seront ; vous en lisez l'assurance sur le front de ces guerriers ; vous allez entendre leur bouche vous la donner ; et, si quelque audacieux et téméraire ennemi de la France osait concevoir l'espérance contraire,, qu'il contemple leurs armes.
Oui, guerriers citoyens, fidèles à la nation, et pleins d'amour pour "elle, vous jurerez encore d'être fidèles aux décisions de ses sages dont le recueil offre le code de la loi ; vous jurerez d'être fidèles à la loi, qui est l'âme de la nation, et sans laquelle elle ne serait qu'un corps immense, composé de membres sans harmonie, comme sans nombre, et qui, mus par des impulsions contraires, l'entraîneraient sahs cesse vers une inévitable destruction.
La loi est un phare toujours lumineux, toujours nécessaire, qui montre les écueils, et les fait éviter. C'est le mur le plus invincible, le rempart le plus impénétrable que des citoyens puissent offrir aux ennemis dè la patrie.
C'est l'aliment de la vie des empires, comme le froment est l'aliment du corps; et, lorsque ce sceptique fameux du siècle dernier, dont les écrits ont, tout à la fois, fait éclore et obscurci tant de vérités, formait, dans son imagination chimérique, sa république d'athées, c'était par la loi qu'il remplissait leur Dieu.
Eh ! qui donc pourrait se refuser à se soumettre à la loi? Tout ne lui obéit-il pas dans la nature? Les saisons reparaissent et se terminent à des époques fixées par des lois. La naissance des êtres est soumise aux lois de la reproduction : cette fleur si simple, qui porte avec elle tant d'odeur, s'est régénérée dans la corruption; sa tige s'est graduellement élevée; son bouton s'est ouvert; ses feuilles se sont développées et il n'est qu'un seul moment propre à la cueillir. Les astres sont réglés dans leur cours, et jamais ils ne s'écartent des cercles qu'ils parcourent. L'astre du jour habite successivement ses douze demeures, et, par respect pour les lois, il permet que la reine des nuits intercepte ses rayons, et prive quelques instants les mortels de sa bienfaisante lumière. Les comètes errantes sont elles-mêmes sujettes à des lois, et ne viennent se montrer qu'au moment calculable de leur apparition. Enfin, Dieu lui-même, le législateur suprême, en qui est la loi, dont la toute puissance est infime, ne peut rien sur l'essence des choses, éternelle comme lui.
0 hommes, refuseriez-vouR donc de suivre l'exemple de toute nature, l'exemple de toute la nature, l'exemple de votre Dieu? non, sans doute, la loi vient au-devant de vous, et vous courez au-devant d'elle ; non, vous ne sauriez méconnaître sa voix. Compagne de la sagesse, appuyée
sur elle, elle vous tient le même langage : « Enfants des hommes, vous dit-elle, écoutez-moi ; je vous apprendrai de grandes choses ; mes lèvres annonceront la justice; ma bouche publiera la vérité... tous mes discours sont justes et pleins de droiture... c'est de moi que vient le conseil et l'équité : c'est de moi que vient la force... les rois régnent par moi... par moi les princes commandent, et c'est par moi que ceux qui sont puissants, rendront la justice : j'aime ceux qui m'aiment... les richesses et la gloire, la magnificence et la justice sont avec moi ; car les fruits que je porte sont plus estimables que les pierres les plus précieuses et l'or le plus pur. Heureux ceux qui gardent mes voies! »
Vous les garderez, les voies de la loi, braves guerriers, et le serment que vous en allez faire en est le garant : vous les garderez comme citoyens et comme soldats; vous ne souffrirez pas que d'autres s'en écartent. Toujours prêts à obéir à la loi, toujours prêts à la défendre, vous n'agirez que par elle et pour elle. Par vous la licence sera réprimée et la liberté soutenue : vos bras et vos armes seront toujours au service de la loi et au service de la patrie, qui n'existe que par la loi. Et si bientôt jouissant tous du calme qu'elle donne, après avoir appesanti vos mains sur les ennemis de la nation, après avoir ravi à la tyrannie sa proie, vous prenez quelque repos, que les ennemis de la nation ne s'en prévalent pas I Ce repos sera celui de Juda; ce sera le repos du lion : qui pourrait jamais oser exciter son réveil? Al anus tua in cervicibus inimicorum..., ad prœdam ascendisti... Requiescens accubuisti ut leo... quis suscita bit eum?
Mais peut-on être fidèle à la loi, sans être fidèle à celui qui en est le dépositaire, à qui le souverain pouvoir de la faire exécuter appartient, à celui qui la reçoit de la main de tous, pour exiger ensuite, de chacun, la soumission la plus entière à ses préceptes ? Non, certes ! Aussi venez-vous joindreàvos premiers serments, celui d'être fidèles au roi. -
Ce serment n'a jamais coûté à des Français. L'amour du souverain est la vertu de la nation : c'est, si j'ose le dire, une propriété du sol ; l'enfant en est investi dans le sein de sa mère, qui le lui transmet avec la vie ; son cœur s'en nourrit en grandissant, et le plaisir le plus doux est de le manifester par ses cris, comme la dernière censure de ses rois est de leur en refuser le témoignage par son silence.
Mais ce serment dut-il jamais être fait avec plus d'ardeur que dans les circonstances où nous nous trouvons ? jamais souverain mérita-t-il davantage et notre fidélité et notre amour ?
Ah 1 nous parcourerions en vain nos Annales : en vain nous rapprocherions notre monarque de ceux qui ont le plus glorieusement porté sa couronne ; après avoir épuisé nos fastes, nous serions forcés de lui dire ce que Dieu lui-même disait de Salomon : « Parmi ceux qui l'ont précédé, « parmi ceux qui le suivront, il n'est pas de roi « qui puisse lui être comparé. Nullus, in regibus « ante te, nec post te, similis tuî. »
Tous les titres, que la France esclave a donnés à ses maîtres, peuvent en effet se réunir sur sa tête; et ces surnoms, que trop souvent a prodigués la flatterie lâ-he et servile, le Français libre peut les lui offrir.
Le nom de Pieux appartient, sans doute, à un prince qui fait respecter, par ses exemples, la j religion dont il chérit les principes ; qui nourrit I dans son cœur la vénération la plus grande pour
les vertus d'un père qui lui en a transmis le goût, la tendresse la plus pure pour une épouse qui embellit ses destinées; et l'amour le plus ardent pour un tils qu'il destine à faire, après lui, le bonheur de ses sujets.
Ah 1 si j'osais mettre en parallèle avec lui, non ce conquérant sanguinaire, dont la grandeur si fausse, quoique tant vantée, n'a consisté que dans les succès de l'ambition et de l'orgueil, dans le nombre immense de ses conquêtes qui toutes faisaient à l'Stat, dont elles préparaient la ruine, des plaies, sensibles encore de nos jours et qui toutes étaient achetées au prix du sang de ses sujets; dontla grandeur colossale, en apparence, s'est évanouie sans lui survivre ; mais ce roi chéri, père de son peuple, dont on l'avait forcé de devenir le vainqueur, ce roi qui ne porta pas vainement le nom de Grand: combien sur cette idole adorée des Français, notre monarque aurait-il d'avantages!
Henri, dans son enfance, ignore sa destinée : des montagnes agrestes lui tiennent lieu de pares ; une chaumière est son Louvre : il ne s'accoutumera point au langage de la flatterie chez de simples agricoles qui ne parlent que celui de la nature: il apprend à être franc comme eux. Les fruits de cette éducation patriarcale, il les porte sur le trône; et, comme la grandeur véritable ne consiste que dans l'exercice solennel des plus simples vertus, il n'a besoin que de son cœur pour être grand.
Mais Louis, ce bon roi qui nous gouverne, est né dans le sein de la corruption des cours, Bercé par la mollesse, il n'a jamais pu s'endormir ou se réveiller qu'au milieu de l'encens des flatteurs. Ces préjugés anti-populaires, anti-patriotiques, qui peignent les hommes comme trop petits et trop méprisables pour arrêter les regards des rois, qui ne leur représentent la loi que comme un frein bon pour ses peuples, et qui ne saurait contrarier les volontés arbitraires de ceux qui gouvernent, il les a tous reçus dès le premier jour de son existence; et, pour parvenir au degré de grandeur qu'il possède, il lui a fallu les vaincre, et sa grandeur est son ouvrage. 11 est donc vraiment grand et grand par lui-même, le monarque objet de notre amour; il est vraiment grandi Mais il est un autre titre plus cher à son cœur : c'est le titre de Père du peuple.
Celui de nos souverains qui l'obtint autrefois, l'avait mérité, sans doute; mais l'avait-il acquis à tant de titres ?
Quel prince fit tant d'efforts pour maintenir ou ramener l'harmonie et l'ordre dans son empire, partagea plus sincèrement les alarmes, les inquiétudes, les peines, les malheurs de son peuple et se dépouilla plus volontiers pour lui ?
Qui, de tous nos rois, donna surtout plus de marques de confiance à ses sujets?
Rappelez-vous, chers concitoyens, ces moments de trouble, dé confusion et d'horreurs où, contre le penchant naturel de votre caractère, vous -ne sembliez respirer que le carnage; où l'air retentissait du cri des victimes si cruellement immolées ; où l'on ne voyait, de tous côtés, que des canons, des épées, des piques et des armes de toute espèce aussi extraordinaires et aussi redoutables que ceux qui les portaient. Votre roi, sans ses gardes, sans sa cour, le front serein, 1 âme paisible, sûr de Ses vertus et des vôtres, ne tra-versa-t-il pas cette foule armée, et, sous la voûte d'acier que vos épéeâ formaient au-dessus de sa tête, ne monta-t-il pas à la maison commune, au temple dè la liberté, pour jurer sur son autel
qu'il voulait et ferait tout pour votre bonheur ?
Pour notre bonheur! ôbon roi, recevez, par la bouche du ministre du Dieu de vérité, le titre le plus doux pour votre âme, le titre de Père de votre peuple. La philosophie vous a donné ceux de roi d'un peuple libre, de restaurateur de la liberté; mais c'est celui de père qui vous plaît davantage, c'est celui de père que préfèrent de vous donner vos sujets : oui, vous êtes notre père, nous sommes vos enfants et vos enfants vous jurent, de concert, et la fidélité et l'amour.
Vous l'avez dit, ausruste souverain, que la peinture de cet amour était votre plus douce consolation : notre plus grand bonheur est de vous l'exprimer.
Une des preuves les plus sensibles de l'amour, c'est la réunion, la confusion des volontés, des vœux, des désirs ; prouvons donc à notre roi combien nous l'aimons, en jurant de maintenir, de toutes nos forces, la Constitution que lui a présentée l'auguste Assemblée de la nation, et qu'il a si solennellement acceptée.
Jurons de maintenir une Constitution qui enchaîne la tyrannie, bannit l'esclavage pour ne faire régner que les lois et obéir la liberté; qui rend à l'homme les droits imprescriptibles queiui a donnés la nature, et que les sociétés méconnaissaient et outrageaient depuis longtemps ; qui ramène cette égalité précieuse par laquelle un grand peuple n'est qu'une famille de frères qui ne peuvent être distingués les uns des autres que parles nuances dominantes des vertus ou des talents; qui assure au mérite les honneurs et les dignités que dispensait la faveur et qu'achetait la bassesse : qui brise les fers donnés à la pensée et met fin tout à la fois à la captivité des esprits et à celle des corps ; qui fait concourir tous les citoyens à la cause commune, et les rend ou dépositaires ou Censeurs de l'administration ; qui fait disparaître jusqu'aux vestiges de la barbare féodalité ; qui, inflexible pour les crimes, les punit également dans tous les coupables, mais équitable, proportionne les peines aux délits, et juste, n'en rend responsable que le criminel seul, en qui elle respecte encore le titre auguste d'homme ; qui déjà nous laisse entrevoir les bases d'une justice prompte, gratuite et impartiale; qui soumet au pouvoir de la loi les forces militaires dont on ne pourra plus se servir que pour assurer le repos du citoyen, le règne de l'ordre, le bonheur de tous.
Oui, vous allez jurer, guerriers reconnaissants, de maintenir cette Constitution sage. Eh ! qui pourrait ne pas applaudir au serment que vous allez faire de l'appuyer de vos forces?
Serait-ce quelqu'un de ceux que des décisions nécessaires dépouillent de leur état et de leur bien?
Non, frères, non, il n'est personne qui n'applaudisse à votre auguste serment; nous apportons, pour la plupart, ces mêmes biens sur cet autel sacré, pour en offrir l'holocauste à la patrie; et si, de même qu'autrefois, au pied du mont Sinaï, où Dieu lui-même dictait la loi, les Hébreux ont adoré les fausses divinités de l'Egypte, on a vu des Français, au pied du temple de la nation, honorer leurs antiques idoles, à l'aspect du volume de la loi; ils se sont prosternés et tous ils ont dit d'un commun accord : « Nous ferons ce qu'il contient ; nous jurons l'obéissance : omnia quœ locutus est.. .faciemus et erimus obediewes »
Il est, à la vérité, quelques-uns de nos frères éloignés de notre patrie commune, par ia crainte ou par l'erreur, qui ne peuvent faire avec nous
ce serment civique. Ah ! ne prononçons pas contre eux d'anathêmes ; ils sont assez punis de ne pas assister à cette solennité, de ne pas partager notre Jbonheur. Que dis-je ? si j'en crois mon cœur, et si c'est l'esprit divin qui m'anime, ils le partageront bientôt; ils reviendront tous soumis à la loi, et jureront de lui être fidèles. Réunis à nous sons l'empired'un roi qui régnera paria loi, ils ne formeront plus qu'un seul troupeau sous un même pasteur, unum ovile, unus pastor ; et notre royaume, régénéré par la loi, vivifié par l'amour de" la patrie, conduit par la sagesse de notre monarque, n'offrira plus aux autres nations que l'image de la cité sainte où Dieu régne au milieu de ses élus. Ainsi-soit-il.
, à la fin de ce discours, a invité les représentants de la commune, les gardes nationales, et tous les citoyens, à jurer, en présence de l'Etre Suprême et des représentants de la nation :
« D'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le roi. »
, maire, s'est avancé auprès de l'autel, s'est tourné vers l'Assemblée nationale, et, après l'avoir saluée, il a prononcé à haute voix la formule de ce serment civique.
Dans le même instant, toutes les mains ont été levées, les drapeaux ont été inclinés, les épées balancées en l'air, tous les spectateurs ont juré de maintenir la Constitution; le roulement des tambours, le sou des cloches, le bruit du canon, ajoutaient encore au spectacle imposant et majestueux de ce serment solennel.
La cérémonie a été terminée par un Te Deum, et par le Domine, salvum fac regem; ensuite l'Assemblée nationale s'est retirée, et a reçu les mêmes honneurs qu'à son arrivée.
Signe : Bureaux de Pusy, président ; te baron de Maiiguerittes, le vicomte de iNoAlLLts, l'abbé expilly, Laborde Du Meréville, le marquis de la Coste, Guillotin, secrétaires.
PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 13 février.
dit que l'article 2 du décret concernant les ordres religieux porte : « 11 sera pareillement indiqué des maisons où pourront se retirer ceux ou celles qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret. »
fait remarquer que le mot celles ne doit pas se trouver dans l'article.
propose de ;
député d'Agen, reconnaît que le mot celles qui se trouve dans l'article 2 est en contradiction avec l'article 3. 11 ajoute, en même temps, que l'Assemblée nationale, en laissant aux religieuses la faculté de rester dans leurs cloîtres, n'a pas entendu leur ôter la liberté de changer de retraite, si elles le jugent à propos.
Ce n'est pas l'article 2, mais bien l'article 3 qui doit être changé.
J'adopte la rédaction proposée par M. le vicomte de Noailles, mais je crois qu'il faudrait ajouter un nouveau paragraphe pour décréter que, lorsque les religieuses se trouveront en trop petit nombre pour former une communauté, elles se retireront dans les communautés qui leur seront indiquées à leur réquisition.
Quand nous avons porté notre décret, nous avons voulu témoigner des égards pour les religieuses et nous sommes aujourd'hui encore tout disposés à les leur accorder ; nous sommes donc réellement d'accord, il ne s'agit que de nous entendre pour faire finir tout ce débat; je propose de mettre après les mots : et celles, cette clause : pourront néanmoins les religieuses rester dans les maisons où elles restent aujourd'hui.
Je pense qu'il suffit de supprimer du décret le mot: celles, qui y a été iutroduit par suite d'une erreur.
Le parti le plus sage c'est d'adopter le procès-verbal sans changement.
Je me rallie à l'opinion du préopinant, par ce motif, que le décret rendu samedi est déjà connu dans beaucoup de maisons religieuses et qu'il l'est dans les termes qui figurent au procès-verbal.
Le décret est positif pour les religieux; il est facultatif pour les religieuses; on peut donc laisser la rédaction telle qu'elle est.
Vos décrets ne peuvent laisser de place au doute; ils doivent être positifs et je pense que l'article 2 doit être modifié dans sa rédaction.
fait quelques changements à son projet primitif.
consulte l'Assemblée. Elle décide d'abord que l'article 2 sera rectifié. Elle adopte ensuite la dernière rédactiou proposée par M. de Noailles et qui est ainsi conçue :
« Il sera indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret. »
L'Assemblée s'est fait une loi qu'elle n'a jamais méconnue, elle a décidé qu'aucune protestation ou réclamation ne serait mentiounée
dans le procès-verbal. Nous ne devons pas aujourd'hui nous écarter de cette loi.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée qu'il faut faire une distinction entre des protestations, des réclamations et des demandes. Lorsque, samedi dernier, je me suis présenté à la tribune, je n'ai point fait une protestation, je n'ai point fait de réclamation ; j'ai énoncé le vœu particulier d'une partie de la Basse-Alsace ; ce vœu a pour objet la conservation des maisons religieuses ; je demande aujourd'hui que l'expression de ce vœu soit insérée dans le procès-verbal.
Comme M. l'abbé d'Eymar, un député du Dauphiné a fait une demande particulière à la ville de Grenoble, qui désire la conservation de quelques-unes des maisons religieuses qu'elle renferme.
, député de la Basse-Alsace. J'observe que la réclamation de M. l'abbé d'Eymar doit d'autant moins être insérée dans le procès-verbal qu'elle n'est ni exacte ni juste ; je suis aussi député de la Basse-Alsace; je trouve en effet dans mon cahier le désir de la conservation des ordres religieux ; mais il faut connaître les motifs de ce désir. On venait de supprimer une maison religieuse pour réunir les biens à un chapitre noble. Voilà la seule espèce de suppression redoutée par la Basse-Alsace.
, e'véque de Lyda. Je crois important de ne laisser aucun louche sur la question dont M. l'abbé d'Eymar occupe l'Assemblée. Dans mon cahier, émané de la même province, je trouve un article qui m'ordonne de demander que les maisons religieuses ne soient pas supprimées. Les motifs qui ont dicté cet article, les voici : c'est que plusieurs fois, et notamment en dernier lieu, une maison religieuse ouverte aux enfants de roture a été supprimée, et ses biens ont passé dans les mains d'un chapitre noble. Or, je prie l'Assemblée de voir si l'article de mon cahier peut justifier la réclamation contre le décret.
J'avais demandé la parole samedi dernier, pour répondre à M. l'abbé d'Eymar à l'instant où il a prononcé sa réclamation ; je voulais lui dire nomiuativement ce que je dis aujourd'hui, qu'il a présenté sa réclamation au nom des viogt-quatre députés de la Basse-Alsace, tandis qu'il est vrai qu'il n'a communiqué à aucun d'eux son projet. Je prie l'Assemblée de croire que je ne suis pour rien dans la réclamation de M. rabbê d'Eymar.
, évêquede Nancy. L'Assemblée s'éloigne de l'observation de M. Dupont. D'abord, qu'est-ce qu'un procès-verbal ? c'est un récit exact et vrai de ce qui s'est passé dans les séances. Or, je demande s'il est exact, s'il est vrai que l'Assemblée ait décrété qu'elle n'écouterait pas les réclamations particulières des provinces ? J'affirme que j'ai si bien cru que l'Assemblée l'avait ainsi décrété, que je me suis présenté au milieu de la salle, où ma voix n'a pu se faire entendre, pour réclamer contre ce décret, comme député de la Lorraine et comme évèque de Nancy. Il serait de la plus grande immoralité, du plus grand danger et du plus mauvais exemple, de ne point insérer dans le procès-verbal les décrets rendus par l'Assemblée, et spécialement celui-ci, que je crois
être absolument nécessaire pour absoudre les députés aux yeux de leurs commettants. Je conclus à ce que le décret qui éloigne les réclamations faites au nom des provinces soit consigné dans le procès-verbal.
appuie l'avis de M. l'abbé de La Fare.
J'ai été un des premiers à faire, non pas une protestation, mais une déclaration au nom de mes commettants, qui désirent la conservation de quelques maisons religieuses. Je suis bien loin de m'opposer à aucun décret de l'Assemblée ; je suis bien foin de vouloir protester contre aucun de ces décrets; je demande seulement que les dispositions de votre décret contre les maisons religieuses soient confirmées par les départements.
L'opinion de M. l'abbé d'Eymar ne peut pas même être regardée comme une opinion. Je rappelle à l'Assemblée que, lorsque des protestations s'élèvent contre ses décrets, elle doit refuser de les entendre. Elle ne peut pas insérer dans son procès-verbal des articles extraits de différents cahiers. J'observe encore que la déclaration de M. l'abbé d'Eymar porte le caractère d'un acte protestataire; et c'est de cette déclaration qu'on vous propose de conserver des traces dans le procès-verbal. On veut se réserver la faculté de réunir des moines religieux roturiers à des moines religieux nobles, pour grever les besoins et les intérêts du peuple d'Alsace! Je m'oppose, autant qu'il est en moi, à ce que le souvenir de cette déclaration puisse être conservé, et je demande que rien n'y ait rapport dans 1e procès-verbal.
Lorsque le clergé et la noblesse se réunirent aux communes, il y eut des déclarations de faites : l'Assemblée décida qu'elle ne pouvait les recevoir. Je demande si ce décret a été inséré dans le procès-verbal du jour.
, secrétaire. J'ai lu ce matin ce procès-verbal. Ce décret y est mentionné. J'offre de le prouver.
pose les questions :
Y a-t-il lieu à délibérer sur la réformation demandée du procès-verbal ?
L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.
Laisserait-on dans le procès-verbal la mention du décret rendu sur les déclarations?
L'Assemblée décide que cette mention sera supprimée du procès-verbal.
MM. l'abbé d'Eymar, l'évêque de Nancy, Du-fraisse-Duchey, etc., témoignent leur opposition à cette décision par des gestes et des clameurs.
Il est nécessaire que le comité de liquidation prenne des ordres au sujet de l'article 9 du décret par lequel vous l'avez créé. Les ministres et le conseil croient devoir cesser de juger les contestations qui leur sont soumises par des créanciers de l'Etat. Cet article est ainsi conçu : « Le comité rendra compte à l'Assemblée de chaque partie de la dette à mesure qu'elle sera vérifiée, et lui soumettra 1e jugement de celles qui seraient contestées. » Le comité pense que le conseil doit juger les affaires de cette nature dont il est saisi.
C'est bien volontairement que les ministres ont trouvé de l'obscurité là où il y avait une grande clarté. Le conseil doit cesser de juger les contestations sur les dettes à liquider.
Des commissaires du conseil sont notamment chargés d'apurer des comptes. Nous ne pouvons regarder comme dettes de l'Etat d'autres dépenses que celles qui auront été soumises soit à ces commissaires, soit au ministre du département, pour être allouées et jugées par eux> En cas de contestation, nous jugeroas la créance et le jugement.
Les actions déjà intentées au conseil doivent être suivies par lui; et soit d'après la responsabilité, soit d'après le droit qu'a l'Assemblée de reviser tous les comptes en finance, il n'y aurait nul avantage à arrêter la suite de ces affaires.
Il se,présente, deux questions. L'instruction des affaires en matière de liquidation serart-elle continuée par le conseil? Vous avez décidé que le conseil continuerait ses fonctions» ihn'y a donc nul doute sqr cette première question. Si les parties réclament contre le jugement, quefera-t-on? Je n'ose donner mon avis personnel.
Vous avez décrété que le conseil du roi exercerait les mêmes fonctions que ci-devant, excepté toutefois que le* évocations et les arrêts du propre mouvement lui sont interdits : ainsi le conseil doit apurer les comptes. Sur la seconde question, l'Assemblée avisera dans le temps ce qu'elle croira convenable. Je conclus à ce que le comité de liquidation soit autorisé à répondre aux ministres que le conseil doit continuer l'apurement 4es comptes et à çe qu'on passe à l'ordre du jour.
Ces conclusions sont adoptées..
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la division des départements du royaume.
, rapporteur du comité de constitution, propose le décret suivant :
Département des Landes et de la Çhqlosse.
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que. l'assemblé? du département des Landes et de la Chalosse réunies, se tiendra provi-soirèméht à Mont-de-Marsan; que les éiepteurs proposeront un alternat, s'ils le jugent çonveL nàole aux intérêts du département;
« 2° Que ce département est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont Mohl-de-Marsan, Saînt-Sever, Tartas, Dax.
« S'il est établi un tribunal dans ce départe^ ment, il sera placé à Da^:. »
attaque vivement le prbjét du comité et demande la création de deux districts dans le pays de Marsan,'dont l'un serait établi à Villeneuve^ qui est le siège de l'administration.
trouve que les districts sont trop dispendieux pour qu'ils soient si multipliés.
demande que là
première assemblée de département se tienne dans la ville deDax, sauf à délibérer ultérieurement, s'il est plus avantageux d'alterner avec quelqu'autre ville, ou de choisir une ville plus cofivenàble.
lit une déclaration par laquelle les députés de la Guyenne demandent que les Landes seules forment un département. Il conclut, en conséquence, à ce que la sénéchaussée de Saint-Sever en soit distraite pour être réunie au Béarn en ajoutant que cette affaire a été rapportée légèrement par M. Gossin et rapportée un jour autre que celui qui lui avait été indiqué.
répond que le décret qui fixe les limites du département a été précédemment rendu, qu'il n'y a pas de raisons pour le modifier et que la seule chose qui soit en discussion aujourd'hui, c'est la division du département en districts.
M. Gossin,' malade, lie peut assister à la séance et répondre à l'accusation de légèreté que M. le baron de Batz vient de formuler contre lui. Mais, comme nous avons tous apprécié son zèle, son esprit conciliant, sa droiture et son équité, je pense que l'Assemblée pensera avec moi que M. Gossin n'a mérité que des éloges comme rapporteur du comité de constitution. Je propose de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. le baron de Batz.
, député de Tartas, fait de vains efforts pour obtenir la parole.
consulte l'Assemblée qui ferme la discussion et adopte le décret proposé par le comité après avoir prononcé la question préalable sur tous les amendements.
fait un rapport sur les réclamations de plusieurs villes. Il dit que les villes, qui n'ont pas de district, demandent que lès tribunaux à établir leur soieht réservés et que mention en soit faite dans les décrets rendus pour la division defe départements. 11 pense que cette expression, introduite dans le^ décrets, sera de nature à calmer la fermetitatiôn qui se manifeste en divers endroits. Il cite la ville de (livet qui réclame le tribunal du district dè Rocrov et dont la réclamation est appuyée par les Villes de Philippe-ville et Mariembourg.
fait une semblable réclamation eh faveur de Bourbon-l'Archambaut, dans ie département du Bourbonnais.
observe que de semblables demandes doivent être renvoyées au moment oà l'on formera de nouveaux tribunaux judiciaires.
consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas à délibérer quant à présent.
, député du Maine, demande et obtient l'autorisation de s'absenter quelques jours pour vaquer à des affaires indispensables.
, député de Nemours, fait, au nom du Comité de constitution, un rapport sur le décret
général relatif aux départements du royaume ( l).
Votre comité, Messieurs, va vous présenter, dans un seul décret, le résultat des décisions que vous avez déjà rendues sur les quatre-vingt-trois départements et sur la subdivision de leurs districts , afin que cette grande organisation du royaume, cette espèce de terrier général de l'Empire français, puisse être renfermée dans un seul acte, et sanctionnée par une seule résolution du roi.
Mais avant de vous soumettre ce projet de décret définitif, il croit devoir vous exposer les principes d'après lesquels il lui paraît que vos décrets précédents doivent être entendus; et indiquer les moyens qui lui semblent propres à pourvoir aux défauts inévitables que doit renfermer un travail aussi immense et aussi promptement exécuté, au milieu d'un combat d'intérêts, qui n'a pas toujours permis de reconnaître avec évidence, à travers une multitude d'assertions contradictoires, ce que pouvaient exiger les localités.
Dans les démarcations qui vous ont été proposées, Messieurs, soit paries députés des différents départements, soit par vos commissaires, on a pris, autant qu'il a été possible, pour bases, les limites physiques, les rivières, les chemins, les crêtes de montagnes, et leurs eaux pendantes»
Quelquefois aussi, on a tiré des lignes purement conventionnelles, et telles que la convenance réciproque a paru les commander.
Un principe général a été adopté pour ces lignes conventionnelles, c'est que les clochers emporteraient les paroisses avec tout leur territoire; que les chels-lieux de communauté entraîneraient avec eux tous les hameaux cotisés sur les mêmes rôles d'impositions.
Votre comité aurait regardé comme un grand mal de rompre les habitudes contractées par les citoyens de ces premiers éléments de l'Empire, et de faire passer a différents districts ou à difféi-rents départements, des hommes accoutumés à être de la même paroisse ou de la communauté. La maxime de Lycurgue, ne séparez pas les amis, lui a paru conforme à votre sagesse. Vous ne permettrez pas que les limites indiquées sur les cartes authentiques de la division du royaume, servent de prétexte pour détacher aucun hameau, aucune maison de son ancienne communauté, et les faire passer dans un autre département, ou même dans un autre district que celui auquel leur chef-lieu a été assigné.
Ainsi, Messieurs, lorsque sur les cartes déposées à vos archives, et qui feront titre dans toute la France, des lignes ont été tirées, ces lignes doivent être regardées comme simplement indicatives des chefs-lieux, comme totalement idéales quant aux finages et aux territoires. Aucune des lignes réelles qui devront un jour
être rapportées sur ces cartes, ne sera parfaitement conforme à celles qui s'y trouvent aujourd'hui tracées.
Elles souffriront toutes des ondulations qu'un travail subséquent pourra seul faire connaître, et qui seront déterminées par l'empiétement mutuel que le territoire des villes, des paroisses ou des communautés situées sur les limites de chaque département, de chaque district, de chaque canton, sera sur le terrain, qui, d'après les lignes fixées par les députés des provinces et par votre comité, semblerait devoir appartenir au canton, ou au district, ou au département voisin.
Les assemblées administratives et les municipalités devront être invitées à faire passer aux archives de l'Assemblée nationale la véritable configuration des limites, à mesure que, par des arpentages exacts, on aura pu apprendre jusqu'où s'étendent les paroisses et communautés situées sUr les confins des départements, des districts et des cantons.
Ge que votre comité vient de vous demander, Messieurs,de vouloir bien décider,s'applique même aux limites physiques.
11 ne peut y avoir aucune difficulté quant à celles indiquées par des chemins, puisque les chemins ont toujours été faits pour traverser des paroisses, et pour la commodité du chef-lieu, qui se trouve ordinairement placé à leur centre.
Quant aux rivières qui présentent une limite bien plus naturelle, et qui en général séparent, excepté vers la tête des ponts, et vis-à-vis des bacs et autres lieux de passage, les établissements civils et religieux, votre comité s'est attaché, autant qu'il a dépendu de lui, à en mettre le vallon entier sous une même administration, afin de pouvoir contenir, par une seule autorité, les tentativesqui forment quelquefois de part et d'autre les riverains, pour augmenter leur territoire par des alluvions, et jeter la rivière sur leurs voisins.
11 y a des rivières dont il faut nécessairement défendre les rives, ou plutôt il n'y en a pas qui n'exigent ce soin d'une manière plus ou moins impérieuse; mais il importe aux principes des sociétés qui veulent que l'on conserve à chacun sa propriété, que les travaux, souvent indispensables sur les bords des rivières, soient diriges avec l'impartialité la plus exacte, et que l'on ne puisse pas en ordonner d'un côté, sans avoir combiné leur effet sur l'autre. G'est par cette raison que votre comité s'est refusé à un projet très plausible, qui avait été proposé par quelques députés de Guyenné, pour borner le département d'Agen par la Garonne, et pour étendre jusqu'à ce fleuve le département situé à son midi.
Dans d'autres parties du royaume, et particulièrement entre le Dauphiné et le Vivarais, ou a été obligé de prendre lefleuve pour limite, d'après la règle que vous avez prescrite, de respecter, autant qu'il serait possible, celles des anciennes provinces, lorsqu'il n'y aurait pas de puissantes raisons pour les déranger. Mais, à cet égard, votre comité a pensé qu'il importait au bien public, lorsque l'on ne pouvait confier à une même administration la totalité du vallon de ne pas laisser le cours du fleuve tout entier à un seul département, dont le directoire, uniquement chargé de travaux nécessaires, pourrait être plus touché de l'intérêt du peuple de son département que de celui du peuple du département voisin. Il a donc entendu en général que les limites, marquées par un fleuve ou par une rivière, seraient fixées au milieu de l'eau, et que chaque département ou
même chaque district, serait propriétaire-administrateur de sa rive. C'est en ce sens qu'il vous a proposé plusieurs décrets, et que vous les avez rendus.
Il se réservé, lorsqu'il vous proposera les principes de l'administration fluviatile, d'indiquer des moyens, pour que cette administration n'entraîne que le moins d'inconvénients qu'il sera possible, lorsqu'il faudra la partager entre deux départements ; et le premier de ces moyens, celui qui sert de base aux autres, est précisément de partager le cours de la rivière.
Mais ce principe n'empêche pas que les villages et les hameaux, actuellement dépendants d'une paroisse située de l'autre côté de la rivière, ne continuent de lui appartenir, au moins jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par les législatures suivantes, d'après les observations réciproques des départements et des districts intéressés.
Quant aux crêtes des montagnes qui déterminent, de deux côtés opposés, la pente des eaux, et qui sont ainsi les plus imposantes de toutes les limites, votre comité a encore jugé que, malgré les fortes raisons qu'elles semblent présenter pour dovenir les limites invariables de départements et de districts, on doit croire, que même en pays de montagne, jamais un hameau n'a fait partie d'une paroisse ou d'une Communauté, que parce qu'il avait avec elle des communications plus faciles qu'avec les autres communautés dont il ne dépend pas.
Il peut y avoir, à cet égard, quelques exceptions très rares, mais il faut attendre qu'elles aient été démontrées pour permettre aux hameaux, soit de changer de communauté, soit d'en former une nouvelle. La prévention est toujours pour la possession.
Mais si les anciennes relations des hameaux et de leurs paroisses doivent être maintenues.il est important de laisser à l'expérience à juger les relations nouvelles, établies par vos décrets entre les paroisses elles-mêmes placées sur les limités des districts ou des départements, et ces départements ou ces districts.
Le principe de tout votre travail à ce sujet a été l'intérêt des administrés et des juridiciables. Votre comité s'en est fortement occupé, et il a lieu de croire que les députés des provinces ont été animés du même esprit. Cependant il est possible aussi que l'intérêt particulier des villes se soit quelquefois confondu, aux yeux des députés qu'elles ont envoyés, avec l'intérêt public, et que malgré la vigilance de votre comité, il ait influé sur plusieurs points des démarcations que vous avez tracées.
11 est constant que plusieurs villes et un nombre bien plus grand de communautés de campagne, se trouvent attachées à d'autres départements, à d'autres districts, que ceux auxquels elles auraient désiré appartenir.
II ne s'ensuit pas, Messieurs, que vous deviez actuellement faire droit sur leurs réclamations.
Premièrement, il faut finir; vous vous êtes déterminés par des motifs raisonnables, et quand il y aurait quelques méprises, comme il doit nécessairement y en avoir dans un si grand travail, votre devoir actuel et l'intérêt public qui vous commandent, ne sont pas que vous jugiez, même équitablement, des réclamations particulières, mais que vous vous hâtiez d'organiser le3 départements et les districts, et de monter l'administration générale. Les erreurs locales se répareront dans la suite ; mais un plus long retard dan3 l'établissement d'une forme régulière d'ad-
ministration pour toutes les parties de cet empire, présente un danger qui pourrait avoir des effets irréparables.
Secondement, votre comité est convaincu par les pièces qui lui ont été mises sous les yeux, qu'une partie des réclamations actuelles des villes et des paroisses situées sur les limites des départements et des districts, ont été ou sollicitées par les agents des villes principales, ou déterminées par des idées peu justes que l'on se formait de l'institution des cantons, des districts et des départements. Il faut donc laisser au temps et à l'expérience à démêler, à constater les véritables intérêts, à fixer les véritables vœux. Ainsi, Messieurs, sans fermer la porte aux réclamations fondées,, il parait à votre comité que c'est devant la prochaine législature que vous devez ordonner de porter ces réclamations, et que, quant à présent, vous ne pouvez en admettre aucune contre vos décrets relatifs aux limites, qui doivent avoir provisoirement leur exécution, jusqu'à ce que la prochaine législature les ait ou confirmés ou réformés d'après les demandes qui pourront lui êtré faites.
Il paraît encore à votre comité qu'il ne faudra même admettre à réclamer, devant la prochaine législature, que les villes et les paroisses qui seront assez proches des limites pour que leur passage d'un département ou d'un district dans un autre, ne dérange pas l'équilibre général des départements et des districts..
Votre comité pense donc qu'il ne faut étendre la liberté de changer de district ou de département qu'aux villes, paroisses et communautés, dont le clocher n'est pas à plus de cinq cents toises des limites, lorsqu'il s'agira d'un simple changement de district à district; et que lorsqu'il s'agira de passer d'un département dans un autre, la liberté de ce passage ne doit pas être étendue aux villes, paroisses et communautés, qui sont à plus de douze cents toises des limites.
Quant aux cantons, leur nombre et leurs limites sont des arrangements purement intérieurs, sur lesquels votre comité pense que vous devez vous déterminer d'après les lumières des départements et des districts, à qui, ni vous, ni les législatures suivantes ne refuserez jamais sans doute l'autorisation nécessaire pour les changements qu'il pourrait être utile d'apporter dans la distribution et les limites des cantons. Il faudra seulement que cette autorisation soit demandée à la législature; car il importe que les cartes topographiques, déposées aux archives de la nation, soient toujours semblables à celles qui devront l'être aux archives des départements et des districts, et qu'il soit perpétuellement possible, tant aux législatures qu'aux agents du pouvoir exécutif, lorsqu'il s'élèvera une réclamation quelconque d'une communauté ou même d'un hameau, de savoir à quelle paroisse, à quel district, à quel département ce hameau appartient, et de juger sa position.
Il importe encore plus que nul changement ne se fasse dans l'Etat que par l'autorité du pouvoir législatif. Dans une constitution Sage, èe pouvoir émané de la confiance du peuple, et dont les organes sont sans cesse renouvelés par le choix du peuple/ ne peut être délégué par ce corps, auquel te peuple ne l'a remis que comme une fonction incommunicable. Ce corps doit profiter de toutes les lumières : il ne doit en repousser aucune ; il doit chercher de toutes parts tous les renseignements ; il doit attacher le plus grand poids à ceux qui lui sont fournis par les corps
administratifs ; mais dépositaire, avec le chef du pouvoir exécutif, de la Majesté nationale, il ne doit pas souffrir qu'aucun ordre impérial puisse être donné que par ses décrets, ou par le roi, pour leur exécution.
Cette dignité des deux pouvoirs principaux, est l'unique garant de la liberté du peuple, l'unique préservatif contre les conflits d'autorité dont le peuple pourrait être la victime ; l'unique assurance que l'ordre régnera dans la société, et qu'elle sera gouvernée, comme l'univers, par des lois uniformes et cohérentes.
Lorsque vous avez décrété, Messieurs, que les électeurs, assemblés dans les départements ou dans les districts, détermineraient le lieu, soit de leurs séances subséquentes, soit de l'emplacement de tel ou tel établissement public, quel a été votre but? De ne pas vous décider encore, parce que les informations ne vous paraissaient point présenter un résultat assez constant, d'attendre en conséquence les lumières ultérieures que l'intérêt des administrés et des juridiciables, et la connaissance du pays qu'ils habitent, pourraient vous procurer. Vous avez donc ordonné qu'ils délibéreraient pour savoir où il leur paraîtrait le plus convenable de placer les différents établissements sur lesquels vous consultez leur vœu. Vous avez déclaré que vous auriez égard à leur délibération, et aux propositions qui en seraient la suite; mais vous n'avez pas pu entendre qu'ils seraient dispensés de prendre votre attache ou celle des législatures qui vous succéderont.
Vous leur avez donné la plus puissante des voix consultatives, et vous avez bienfait, puisqu'elle sera la plus éclairée sur les localités ; mais vous ne pouviez pas, sans manquer à leur confiance même, leur donner rien de plus.
Ainsi, Messieurs, votre comité pense que vous approuverez que, dans le décret général où vous relaterez l'intention qne vous avez, que le vœu des assemblées de département ou de district soit le motif déterminant, cette intention soit exprimée de manière à ne laisser aucune équivoque sur les principes constitutionnels, qui font que ce soit vous qui ordonniez, conformément à l'intérêt du peuple, après avoir été éclairés par la manifestation de son désir, par la preuve de son avantage.
C'est son plus grand avantage qui est l'unique but de vos travaux; vous avez cru le voir quelquefois dans des dispositions d'alternat pour les sessions des différentes assemblées, et de leur directoire entre différentes villes ; et l'on ne peut nier, en effet, qu'il ne doive souvent en résulter, pour l'administration, une connaissance plus approfondie de tous les différents intérêts locaux, et vraisemblablement une plus grande variété dans le choix des personnes qui composeront le directoire.
Mais il est sensible aussi que cette disposition rendra beaucoup moins facile le bon ordre et la conservation des papiers; qu'elle pourra quelquefois exposer ceux-ci à des risqués inévitables dans les transports et que comme il est à peu près impossible que plusieurs villes soieut également centrales, il ne puisse y avoir un inconvénient très réel à ranger tous les citoyens d'un département ou d'un district, à faire cesser pendant un temps leurs principales relations avec la ville qui était la plus à leur portée, pour aller en former de nouvelles, plus embarrassantes, moins naturelles, plus dispendieuses, avec une ville située vers une des extrémités du district
ou du département. Il n'y a en France qu'environ les deux septièmes de la population qui habitent les villes, et ce n'est pas pour leur intérêt spécial, c'est pour l'intérêt commun que vous avez divisé le royaume.
Les villes avaient des représentants qui savaient très bien parler ; mais vous étiez, vous, les représentants de la nation entière, obligés de penser pour les citoyens qui ne vous parlaient pas. Vous n'avez donc pu accorder aux villes aucune faveur particulière que sous la condition sacrée que leurs demandes ne seraient pas contraires à l'intérêt du pays ; vous n'avez donc pu enlever aux assemblées de district et de département le pouvoir et le droit d'éclairer les législatures suivantes sur les avantages et les inconvénients de ce que vous avez décrété relativement à l'établissement alternatif ou stable des chefs-lieux de départements ou de districts, et vos décrets à cet égard n'emportent que l'exécution provisoire que la prochaine législature rendra définitive, ou dan? laquelle, sur la demande des provinces, elle pourra faire des améliorations.
Quant à ce que votre comité vous a proposé plusieurs fois, relativement aux tribunaux de justice, il est sensible que les villes qu'il vous a indiquées, ne peuvent y trouver qu'un motif légitime d'espérance dans le cas de cet établissement ; et que les autres villes où vous avez placé des établissements différents, ne doiveut y voir qu'un avertissement de ne se pas flatter d'une cu-mulation qui ne vous a pas paru dans leur province conforme à l'intérêt public. Mais, n'ayant encore rien statué sur l'ordre judiciaire, n'ayant même pas discuté les propositions qui vous ont été faites à cet égard par votre comité, il serait prématuré et susceptible de beaucoup d'inconvénients que vous prissiez, par votre décret général, des engagements positifs que vous n'êtes pas certains de pouvoir réaliser.
Ces différentes observations, Messieurs, ont déterminé votre comité à rendre dans te décret général votre pensée, par des dispositions qui ne fussent pas trop affirmatives; à vous proposer de commencer ce décretqui rassemblera toutes les dispositions particulières auxdépartements parquelques articles généraux, propres à prévenir toutes méprises dans le sens de vos décrets antérieurs, et dans celui des articles particuliers qui vont vous être proposés.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
TITRE PREMIER.
Articles généraux.
Art. 1er. La liberté réservée aux électeurs de plusieurs
départements ou districts, par les différents décrets de l'Assemblée nationale, pour le choix
des cbefs-lieux et l'emplacement de divers établissements, est celle d'en délibérer, et de
proposer à l'Assemblée nationale, ou aux législatures qui suivront, ce qui paraîtra le plus
conforme à rintérêt général des administrés et des juridiciabies.
Art. 2. Toutés les Assemblées de départements pourront en tout temps proposer aux législatures tous les changements qui paraîtront utiles quant
aux chefs-lieux des départements et des districts, comme aussi le3 échanges de territoire entre les départements et les districts qui pourraient convenir à l'intérêt des administrés.
Art. 3. Dans toutes ies dém;iraiions fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l'administration directe de leurs municipalités, et que les paroisses de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées, dont les habitants sont cotisés sur ies rôles d'imposition du chef-lieu, et tous ceux qui sont soumis à l'administration spirituelle de la paroisse.
Art. 4. Lorsqu'une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements, ou les deux districts, ne sont bornés que par le fil de l'eau, et que les deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière, sans préjudice du droit provisoirement conservé par l'article précédent, aux villes, paroisses et communautés sur le territoire, les hamt aux ou les maisons situés de l'autre côté de la rivière, et qui ont dépendu jusqu'à présent de l'administration directe de leur municipalité, ou de l'administration religieuse de leur paroisse.
Art. 5, Les administrations de département et de district feront faire, le plus promptement qu'il sera possible, l'arpentage et la carte topographique des paroisses situées sur les limites, et enverront copie certifiée de ces cartes et du procès-verbal des arpentages à l'Assemblée nationale, ou aux législaturesquiluisuccèderont, pour être déposée aux archives nationales, et pour que la véritable configuration des limites de chaque département, et de chaque district puisse être tracée sur les cartes autographes de la nation.
Art. 6. Il sera libre à toutes les villes, paroisses et communautés, dont le clocher ne sera pas à plus de 500 toises des limites des districts, dans l'intérieur de chaque département, et à toutes les villes, paroisses et communautés dont le clocher ne sera pas à plus de 1,200 toises des limites du département, de présenter requête à la prochaine législature, pour passer d'un district ou d'un département dans un autre; et, sur le vu des observations respectives des départements et des districts intéressés, la prochaine législature prononcera définitivement.
Art. 7. Ladivision du royaume en départements et en districts n'est décrétée, quant à présent, que pour l'exercice du pouvoir; administratif; et les anciennes divisions, relatives au pouvoir judiciaire, subsisteront jusqu'à lanouyelleet prochaine organisation de ce pouvoir. Les dispositions relatives aux villes, qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l'ordre judiciaire.
au rapport relatif aux départements du royaume.
Observations sur les principes qui doivent déterminer le nombre des districts et celui des tribunaux dans les départements, par M. Idupont, député de Nemoursy membre-adjoint du Comité de constitution (1).
Toutes les villes du royaume ont envoyé à Paris
des députés extraordinaires, pour demander à être chefs-lieux de district. Dix-huit-cent-vingt-quatre de ces députés environnent déjà ie comité de constitution, et il en arrive tous les jours de nouveaux.
Il n'y a pas un d'entre eux qui n'allègue des raisons très plausibles. Si la ville pour laquelle on sollicite est grande, peuplée, riche, commerçante, on appuie sur tous ces motifs de considération, et l'on demaude : Comment est-il possible de refuser un district à une ville si importante ?
Si au contraire il s'agit d'une petite ville mal peuplée, sans commerce, sans industrie, on dit qu'il n'y a d'autre moyen de la vivifier et même ae la soutenir, que de lui accorder un district ; et l'on demande : comment refuser cette faveur à une ville si malheureuse, qui sera ruinée, perdue, anéantie, si on n'en fait pas un chef-lieu de district ?
Toutes les villes réclament ainsi à la fois, on est inévitablement ému des discours, des délibérations, des allégations, des raisonnements que leurs députés accumulent: on se dit, il faudrait partager les avantages, il faudrait autant que l'on pourrait contenter tout le monde-, et cè qu'on appellein volontairement tout le monde, c'est toutes les personnes qu'on entend.
Mais ce sont celles qu'on n'entend pas, c'est le peuple, et particulièrement celui des campagnes, qui paiera toujours aux villes les frais de l'administration et de la juridiction; c'est le peuple qui a intérêt que l'administration, que la justice soient bonnes, intègres, éclairées, et s'il est possible peu coûteuses ; c'est le peuple enfin qu'il faudrait servir et contenter.
L'intérêt des villes n'est donc ici que secondaire; c'est celui de l'Etat, c'est celui des campagnes, où vivent les cinq septièmes des populations du royaume, dont il est question.
L'intérêt des villes est d'être un impôt sur les campagnes, d'appeler dans leurs murs beaucoup de dépenses, ét de multiplier à cet effet toutes leurs relations. L'intérêt des campagnes est d'être administrées avec lumières, d'être jugées avec capacité, et de payer pour tout cela suffisamment, sans doute, afin que le service soit bien fait, mais cependant de payer le moins qu'il soit possible.
Il y a, dans les rapportsd'administrationet de ju-dicature, que les campagnes ne peuvent éviter d'avoir avec les villes, un terme de perfection indiqué parla nature des choses et par les positions locales, line faut pas que les administrateurs et les juges soient trop loin des administrés et des justiciables; il ne faut donc pas donner aux districts un ressort trop étendu. Mais il faut aussi que les administrateurs et les juges soient des hommes d'élite, choisis parmi les citoyens les plus habiles, et les plus estimables. Les hommes habiles, ét d'une vertu complètement pure, ne sont nulle part très communs; ils ne peuvent qu'être rares dans un royaume où l'éducation publique'a été constamment mauvaise. Il faut donc se réserver le eiioix sur un nombre de sujets qui puisse donne? lieu d'espérer que ce choix sera bon; il ne faut donc pas trop multiplier les districts.
Il ne le faut pas non plus, parce qu'il ne faut pas multiplier sans nécessité les dépenses de l'administration, ni celle de la justice qu'on ne paie qu'avec des impôts.
Il est clair que, si l'on voulait que trois districts, trois directoires, trois tribunaux fissent ce qui pourrait être fait avec une commodité presque égale pour le peuple par un district, par un direc-
toire, par un tribunal, on triplerait la dépense à la charge des administrés et des juridiciables,
On fait une objection et l'on ait que si pour épargner l'imposition aux contribuables, on les oblige d'aller chercher l'administration et la justice à sept lieues de chez eux, comme cela se trouve quelquefois dans les grands districts, on les soumet à des dépenses de voyage et à des pertes de temps, bien plus considérables que l'impôt qu'ils auraient payé pour les frais d'une administration et d'une justice plus rapprochées.
Mais, en faisant cette objection, on ne pense pas que, dans les plus grands districts, si l'irrégularité de leurs formes commandée par la localité, oblige quelquefois à laisser quelques communautés à sept lieues du siège de l'administration et de la justice, ce n'est jamais la totalité des communautés, ce n'est qu'un très petit nombre d'entre elles qui sont à cette distance ; qu'il est facile d'en indemniser ce petit nombre par une modération d'imposition, et qu'il n'y a pas de raison pour tripler la dépense de l'administration et de la justice pour le très grand nombre de communautés qui se trouvent à la porte du chef-lieu, ou à des distances très médiocres, alin d'épargner, dans quelques cas rares, quelques journées à quelques habitants de trois ou quatre communautés, à qui l'on peut les compenser aisément. On ne pense pas que la dépense certaine d'un petit district, qui serait onéreuse à tous les contribuables, serait plus qué triplée relativement à la justice; car, indépendamment des juges, qui peuvent et doivent être payés sur le revenu public, il faut des ofliciers ministériels dont les honoraires seront toujours acquittés par ceux qui les emploieront. Si ces officiers ne peuvent exercer leur ministère que dans un très petit ressort, ils n'auront que peu d'affaires qui leur viendront naturellement; ils chercheront donc à les multiplier et à les compliquer, car il faudra que leur travail suffise à leur subsistance. Ils deviendront chicaneurs, ils donneront des conseils insidieux, ils fomenteront les contestations dont ils devront vivre, el la justice deviendra pour les citoyens un impôt de séduction. C'était l'inconvénient des justices seigneuriales et des très petits bailliages royaux qu'on avait multipliés à l'excès et par de honteuses vues fiscales dans quelques provinces. C'est cette fâcheuse nécessité de vivre sur un territoire resserré qui avait rendu les praticiens de campagne si redoutables dans une grande partie du royaume : beaucoup de médecins, beaucoup de maladies, beaucoup de procureurs, beaucoup de procès.
Le danger dé trop multiplier les administrateurs et les officiers de justice est double ; il serait en raison composé des maux qu'il entraîne ; plus on en a au-delà du besoin, plus ils coûtent; plus on en a, moins ils valent; plus on en a, moins bien leur service est fait; car plus on en a et moins l'on peut espérer qu'ils réunissent les qualités propres à remplir les devoirs qu'on leur confie.
Des hommes d'esprit qui vivent avec leurspairs, et qui ont plus de connaissance des livres que des cboses, se persuadent trop qu'il suffit d'imposer des fonctions aux hommes pour qu'ils s'en acquittent; parce qu'ils se sentent propres au service public, sur lequel ils ont beaucoup réfléchi, ils imaginent dans leur modestie et dans leur inexpérience qu'il n'est difficile pour personne de faire ce qui leur semble aisé. Cependant tout métier demande une étude particulière ; et lorsqu'on sait très bien qu'on ne sera jamais un
musicien, un menuisier, ni un cordonnier avec une lettre missive, on devrait croire qu'on ne sera pas davantage un procureur-syndic, un président de directoire, un magistrat, un juge avec des lettres-patentes i (1), ni même avec un scrutin. Le scrutin choisit le meilleur des candidats, mais il ne peut choisir que parmi les candidats.
Quand on fait de petits districts, on ne pense point assez à la quantité d'hommes habiles et intègres qu'on se prescrit la loi de chercher et de trouver. Il faut en donner une idée. Il faut à un district pour son administration, un
directoire composé de quatre hommes : ci 4d
Un conseil de district huit hommes ... 8
Un procureur syndic. ....... . I
Un greffier............... 1
Au moins un commis. ......... 1
Il faut que le district fournisse, pour former l'assemblée de département, environ
quatre hommes . . . . ......., . 4
S'il renferme cinquante municipalités, ce qui n'est pas une forte proportion, il faut pour leur administration cent-cinquante officiers municipaux. .. ....... . . 150
Il faut cinquante greffiers........ 50
11 faudra même six membres de plus pour la municipalité de la ville principale ... 6
Et si le district renferme plusieurs villes,, il faudra autant de fois six conseillers municipaux de plus qu'il y aura de villes comprises dans le district . . . . . . . . . Mémoire
Total des officiers d'administration. 225
Un district a de plus besoin d'un assez grand nombre d'officiers de justice.
Si' l'on suivait le plan du comité, il ne faudrait que cinq juges pour le tribunal de district, mais il n'y aurait que les affaires dont le capital n'excéderait pas 2,500 livres, qui finiraient sur le lieu où elles seraient commencées ; et pour tout procès de quelque importance, il faudrait aller plaider au tribunal de département. Or, il a quelquefois fallu donner aux départements une forme très irrégulière, à laquelle on a été contraint par les localités. On a été obligé quelquefois de prendre la capitale du département où elle sfe trouvait, c'est-a-dire à une extrémité du département. 11 faudrait donc, suivant ce plan, que tout ' procès relatif à un capital de plus ae 250 livres fût plaidé et jugé au moins à neuf ou dix lieues, quelquefois à dix-huit ou vingt du domicile des parties.
C'est précisément pour éviter cet inconvénient qu'on a entrepris de diviser le royaume en départements et en districts ; et presque tous les membres de l'Assemblée nationale, avant été frappés du principe qui a déterminé cette division, sont persuadés aujourd'hui qu'il vaut mieux ne point avoir de tribunal de département, étendre jusqu'aux jugements sur des capitaux de 2 ou 3,000. livres, la compétence que l'on attribuerait aux tribunaux de districts, et appeler directement de cés tribunaux aux cours supérieures.
Si l'on adopte ce nouvel arrangement, plus favorable aux juridiciables, il faudra augmenter un peu le nombre des juges dans les tribunaux de districts, et l'on ne pourra guère composer ces tribunaux de moins de huit magistrats ; savoir un lieutenant-général, six conseillers et un
procureur du roi .... .............8
Il faudra en outre un greffier..........1
Et six adjoints-notables..............6
Au-dessous du tribunal de district, il faudra neuf juges de paix................9
Qui auront chacun un greffier..........9 Et dont le service exigera dix-huit adjoints-notables..........................18
Total des officiers de justice...... 51
Ajoutons les officiers d'administration. 225
Total général...... 276
11 faut que le peuple présente au choix du roi deux sujets pour les places de judicature. Les officiers d'administration doivent être renouvelés au bout de deux ans. Il faut donc avoir au moins le double des sujets que l'on doit employer aux différents services publics dont nous venons de présenter ie catalogue. Il faut de plus les officiers ministériels, qui, pour ne pas être dangereux, ne doivent être que peu ou point inférieurs en lumières et en probité aux officiers administratifs et judiciaires; il faut un notaire par canton, et ce n'est pas trop que de supposer six ou sept avocats ou procureurs par district. Il laudra donc eu total trouver dans le plus petit district, cinq cent soixante-huit hommes d'une probité reconnue, d'une capacité applicable aux affaires publiques, et qui ne soient pas maîtrisés par d'autres devoirs qui les empêcheraient de consacrer leur temps aux travaux de l'administration ou de la justice. Or, dans un district de trente-six lieues carrées, il n'y a l'un dans l'autre que trenle-six-mille habitants de tout .âge et de tout sexe. De ces trente-six-mille habitants, un tiers au moins sont enfants : un sixième sont vieillards : les femmes sont, très-heureusement pour nous, la moitié du surplus ; il ne reste donc qu'un quart ou neuf mille hommes d'un âge raisonnable et propres au travail. C'est sur ces neuf mille hommes qu'il en faudra prendre cinq cent soixante-huit ; il faudra retrancher des neuf mille tous les domestiques de labourage, tous les domestiques de service personnel, tous les manouvriers, presque tous les artisans, tous les ouvriers de manufactures, et parmi les commerçants, tous ceux qui ne peuvent quitter ie soin de leur commerce et du leur utile travail; il faudra retrancher tous ceux des entrepreneurs de culture qui sont dans le même cas. 11 faudra retrancher tous les hommes encore à qui la nature ou les circonstances ont refusé les talents de l'esprit ou les secours de l'étude ; tous ceux enfin chez qui, soit le mauvais exemple, soit l'abus des richesses, soit au contraire les pensées fâcheuses de la pauvreté révoltée que Salomon appelle une mauvaise conseillère, ont pu altérer les qualités du cœur.
Je demande à mes lecteurs s'ils croyent que, toutes ces soustractions faites, il y ait réellement clans toutes les parties du royaume un homme sur seize, pur lequel ils voulussent être administrés ou jugés. Je leur demande s'il n'y a pas visiblement à espérer que les administrateurs et les juges seront meilleurs, en raisou de ce qu'on pourra les choisir sur un plus grand nombre; je leur demande s'il n'y aura pas plus de ressources à cet égard dans les districts de cent huit lieues carrées dont il ne faut que trois pour former un département.
On a très-mal entendu l'esprit de l'Assemblée nationale, quand on a supposé, à cause qu'elle a
permis de placer depuis trois districts jusqu'à neuf dans un département, qu'elle jugeait que l'on doit plutôt en mettre neuf que trois; et j'ai toujours souffert quand j'ai entendu les solliciteurs de district dire : Il n'y en a pas neuf, on est au-dessous des vues de l'Assemblée.
Autre chose sont les vues, autre chose est la tolérance. Les vues sont que l'administration et la justice soient bonnes et coûtent peu ; les vues ont posé en principe que cent huit lieues carrées ou cinq à six lieues de rayon, lorsque le chef-lieu serait central et les communications faciles, dans un pays de plaine et de bonnes routes, présentaient une raisonnable proportion. Mais la sagesse de l'Assemblée n'a point voulu faire une loi de cette proportion ; car elle a senti qu'il pouvait, qu'il devait se rencontrer des localités qui la rendraient inapplicable. Lorsque le chet'-lieu est excentrique, il faut faire le district plus petit; car il ne faut pas que les distances de ce chef-lieu, aux points les plus éloignés de son district, soient plus grandes qu'elles ne seraient dans un district de cent huit lieues, dont la forme serait régulière et h; chef-lieu central. Lorsque les communications sont difficiles, que des marais, que des montagnes, que la nullité des chemins et la difficulté d'en construire, rendraient trop pénible aux administrés et aux juridiciables d'aller chercher l'administration et la justice même à une distance qui paraîtrait médiocre dans un beau pays, il faut bien faire les districts plus petits encore : ces circonstances plus ou moins variées ont paru à l'Assemblée pouvoir exiger ou justifier six proportions différentes de districts; et c'est à trente-siy lieues carrées qu'elle a fixé la plus petite de ces proportions, le terme au-dessous duquel on ne pourrait multiplier les administrations et les justices de districts sans qu'elles fussént plus coûteuses et plus onéreuses qu'utiles aux administrés et aux juridiciables.
On ne doit donc se permettre de former de petits districts que lorsque les circonstances locales, opposant des obstacles considérables aux communications, rendent impossible d'en faire de grands. Ainsi, lorsqu'il s'agit de diviser un département en districts, il faut d'abord examiner si ia position centrale des chei's-lieux et ia facilité des communications permettent de n'y en mettre que trois; et si la chose est possible, il faut bien se garder d'y en placer un de plus. Mais, si l'excentricité des chefs-lieux ou les difficultés physiques des voyages dans le pays obligent d'en faire plus de trois, on peut les multiplier selon les circonstances jusques à neuf; et on ne saurait passer ce terme qui présente la nécessité effrayante d'avoir à choisir un homme sur seize ou même sur quatorze ou quinze dans les pays mal peuplés. C'est en ce sens qu'il faut entendre les décrets de l'Assemblée nationale.
Telle est la doctrine que j'ai prêchée dans le comité de la constitution, que j'ai exposée à tous ceux de mes collègues qui ontbienvoulu m'enpar-ler ailleurs, que j'ai tâché de démontrer aux députés extraordinaires des villes de province. Presque tous les membres de l'Assemblée nationale, avec qui j'en ai conféré, out partagé mon opinion. Presque aucun des députés des villes n'a pu se permettre de l'adopter ; envoyés par les villes, pour l'intérêt particulier de ces villes, ils auraient cru manquer à leur mission.
Je fais donc imprimer ces principes, je le fais trop tard, et lorsqu'un grand nombre de petits
districts sont déjà formés : c'est avec beaucoup de regret que je vois le remède qui était à ma portée arriver après qu'une partie du mal est consommée; c'est une profonde peine de ne pouvoir, même en passant les jours et les nuits, remplir qu'une faible portion de son devoir. On se laisse entraîner par l'obligation du moment; on fait le moins mal qu'on peut le métier de commissaire de l'Assemblee; mais celui du patriote qui pourrait développer à ses concitoyens des vérités utiles, mais celui du représentant de la nation n'est pas fait, et après avoir épuisé ses forces par la fatigue, on termine encore ses journées par le remords. Une ressource reste pour les départements où le désir de contenter les villes a fait trop multiplier les districts relativement à l'administration ; c'est du moins, puisque l'ordre judiciaire n'est pas encore établi, cle ne les pas tant multiplier relativement àla juridiction; c'est, dans les départements où l'on a fait plus de cinq districts, et surtout dans ceux où l'on en a porté le nombre jusqu'à neuf, de n'établir qu'un seul tribunal de district pour deux ou irois districts, car c'est principalement dans les tribunaux que l'inconvénient d'un ressort trop borné est le plus redoutable ; les juges ont besoin d'encore plus d'études spéciales que les administrateurs; et les officiers ministériels, plus onéreux que les j uges, sont stables par leur nature.
Si l'on adopte cette dernière mesure, que le travail déjà fait sur les districts me paraît rendre indispensable, on aura diminué un peu le mal auquel l'envie de satisfaire les députés des villes de province a conduit. Je propose donc cette vue sur le nombre des tribunaux au comité de constitution, et j'invite mes autres collègues à l'adopter lorsque le comité de constitution en fera le rapport à la tribune.
L Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Dupont (de Nemours).
invite MM. les députés à se réunir immédiatement dans les bureaux pour procéder à la nomination d'un président et de trois secrétaires.
La séance est levée à trois heures.
PRÉSIDENCE DE M. TALLEYRAND, ÉVÉQUE D'AUTUN.
Séance du
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la cérémonie qui a eu lieu dimanche dernier, 14 de ce mois, à la métropole, à laquelle l'Assemblée a assisté.
, autre secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier. Il ne se produit pas de réclamation.
, président, annonce le résultat du scrutin pour la nomination de son successeur. Sur 603
votants, M. de Talleyrand, évêque d'Autun, a réuni 373 voix; M. l'abbé Sieyès 125; il y a eu
105 voix perdues.
Le scrutin pour la nomination des secrétaires a donné la majorité des suffrages à MM. le comte de Castellane, Nompère de Champagny et Gaultier de Biauzat. Ils remplacent MM. le vicomte de Noailles, l'abbé Expilly et Laborde de Méréville, secrétaires sortants.
, en quittant le fauteuil, dit :
« Messieurs, je ne m'étais point dissimulé les difficultés, les épines de la carrière que je viens de parcourir; mais vos bontés ont applani ma route et j'emporte, en quittant le poste honorable que vous m'aviez confié, la pensée consolante que le mérite et les talents connus de mon successeur auront bientôt fait oublier les fautes involontaires qui ont échappé à l'inexpérience de mon zèle. »
, évêque d'Autun, nouveau président, a prononcé le discours suivant :
« Messieurs, vos bontés m'appellent à une place que vos suffrages rendent dans tous les temps si honorable, et dont vos travaux rehaussent tous les jours la dignité. Dans cet instant, qui déjà m'atteste toute votre indulgence, j'ose vous en demander une nouvelle preuve: c'est de permettre à mon zèle de solliciter l'emploi de tous vos moments, de vous présenter sans relâche vos grands travaux, et d'implorer votre secours contre tous les objets secondaires qui chercheraient à retarder votre marche, à usurper votre attention.
« Je me trouve heureux que ma première fonction soit d'être l'organe de l'Assemblée dans l'expression des sentiments qu'elle conserve pour mon prédécesseur. Vos suffrages lui ont renouvelé chaque jour l'honneur d'un premier choix, et la France entière y a applaudi avec transport à l'époque à jamais mémorable où il a si dignement exprimé l'émotion universelle qu'a fait naître la présence du Roi dans cette Assemblée. »
Un membre propose de voter des remerciements à M. Bureaux de Pusy, ex-président.
Cette proposition est votée par acclamation et les applaudissements réitérés de l'Assemblée font connaître qu'elle est satisfaite de la manière dont la présidence a été exercée.
, député de Bailleul, observe qu'il est nouvellement admis et qu'il ne se trouve placé dans aucun bureau.
L'Assemblée décide qu'il y entrera dans le 30e bureau qui n'est composé que de 39 membres et qui se trouve être numériquement le plus faible.
annonce que l'Assemblée va passer à la discussion du projet de décret proposé hier par le comité de constitution sur la division du royaume.
Un de MM. les secrétaires fait une lecture suivie et non interrompue de ce projet de décret, divisé en sept articles.
relit ensuite l'article 1er et le soumet à la discussion en ces termes :
« Art. Ier. La liberté réservée aux électeurs de plusieurs
départements ou districts, par les différents décrets de l'Assemblée nationale, pour le 1
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choix des chefs-lieux et l'emplacement de divers établissements, est celle d'en délibérer et de proposer à l'Assemblée nationale ou aux législatures qui suivront ce qui paraîtra le plus conforme à Fintérêt général des administrés et des juridiciables. »
Cet article détruit absolument tout ce que vous avez fait. Vous avez prononcé des décrets définitifs, et vous laissez la liberté de revenir sur ces décrets. Je propose cette rédaction : Les électeurs des départements et des districts pourront proposer à l'Assemblée nationale ou aux législatures ce qu'ils croiront nécessaire à l'intérêt des administrés, pour être décidé par elles ce qu'elles jugeront convenable. »
Cette rédaction aurait l'inconvénient de faire arriver à l'Assemblée une foule de demandes qui retarderaient ses opérations. D'ailleurs, je prie le préopinant d'observer que la liberté accordée par l'article n'est réservée qu'aux électeurs de quelques départements.
retire sa rédaction.
demande que les délibérations sur les points réservés aux départements soient provisoirement exécutoires.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur les amendements.
Bile adopte l'article premier.
« Art. 2. Toutes les assemblées de département pourront* en tout temps, proposer aux législatures tous les changements qui paraîtront utiles quant aux chefs-lieux des départements et des districts, comme aussi les échanges de territoire entre les départements et les districts, qui pourraient convenir à l'intérêt des administrés. »
propose d'ajouter après ces mots : « quant aux chefs-lieux des départements et des districts, » ceux-ci : « et au nombre des districts. »
Cet amendement est adopté.
demande l'addition du mot cessions, après celui échanges.
Le comité substitue le mot administrations à celui de assemblées : on s'est souvent servi de cette dernière expression dans les décrets qui vous ont été présentés ; le comité a pensé que cette expression devait être réformée. Il résultera, de l'article ainsi rédigé, que la cascade naturelle se trouvera établie ae manière que tout citoyen et les électeurs auront la liberté de former des demandes que les administrations de département seront chargées de faire parvenir aux législatures.
L'expression en tout temps, employée dans l'article, doit être supprimée, si vous ne voulez pas que les départements et les districts soient sans cesse en mouvement pour des changements intérieurs.
Cette suppression laisserait encore à l'article la même signification ; il vaut autant le laisser tel qu'il est.
l'aîné. L'Assemblée nationale, n'ayant pour but que le plus grand bien de toutes les parties du royaume, n'a jamais pu
avoir l'intention d'écarter les demandes et les justes réclamations, dans quelque temps qu'elles soient présentées. Tous ses décrets en sont la preuve; c'est pour elle une jurisprudence constante et jusqu'à Ce moment suivie.
Il est conVenabté de borner à deux législatures la durée de la faculté de proposer des changemehts.
La question préalable est demandée sûr l'amendement de M. Fréteau.
L'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à délibérer.
En entendant les députés extraordinaires des villes et communautés, vous avez eu pour objet de concilier tous les intérêts. Pourquoi laisser de l'incertitude sur les lieux des différents établissements ? On ne s'attachera point à ces lieux, si l'on n'y est attiré que par des avantages incertains ; et dans les assemblées des électeurs, chacun fera valoir des intérêts et des prétentions dont la discussion peut occasionner des désordres. L'article 6 dit tout ce qu'il faut relativement aux échanges de territoire. Je demande la question préalable sur l'article 2.
Plusieurs provinces avaient demandé que les chefs-lieux des départements ou des districts ne fussent que provisoirement fixés. Vous avez rejeté ces demandes, et vous accorderiez aujourd'hui un provisoire général 1 J'appuie la question préalable.
L'article 2 est nécessaire pour expliquer l'article Ier. La faculté de délibérer n'est réservée aux électeurs que dans un petit nombre de cas. Voiis ne voulez pas que les assemblées d'électeurs soient toujours assemblées délibérantes ; je pense que l'article doit être ainsi conçu : « A l'avenir, les seules administrations de département, pourront proposer aux législatures les changements qu'elles croiront utiles aux administrés. »
Oh n'a pas fait une observation décisive. L'article 2 relia générale une faculté d'hésitation, que le premier article a restreinte : ainsi l'article Ier et l'article 2 présentententreeux une contradiction dangereuse.
Il manque aux raisons des préopinants une preuve parlante. M. Garat vient de la fournir. 11 espère, à la faveur de l'obscurité de ^article, obtenir pour le petit pays de Labour, dont il voudrait faire un royaume, ce que la sagesse de l'Assemblée lui a refusé. Beaucoup d'autres conservent la même espérance.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 2.
donne lecture du troisième article du projet de décret qui, s'il est adopté, deviendra le deuxième.
Il est ainsi conçu :
a Art. 3. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l'administration directe de leurs municipalités, et que les paroisses de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées, dont les habitants sont cotisés sur les rôles d'imposition du chef-lieu, et tous ceux qui sont soumis à l'administration spirituelle de la paroisse.
Je propose de substituer le mot communautés au mot paroisses. Il y a telle paroisse qui contient plusieurs communautés annexées aujourd'hui, d'après vos décrets, à un département autre que celui du chef-lieu ; si vous adoptiez l'article du comité de constitution, vous vous mettriez en contradiction avec vous-mêmes.
Je demande, à mon tour, le retranchement des mots : et tous ceux qui sont soumis à l'administration spirituelle de la paroisse. C'est le complément obligé de l'amendement que nous propose M. Delley-d'Agier.
Les deux amendements sont successivement mis aux voix et adoptés.
L'article 2 est ensuite adopté en ces termes :
« Art. 2. Dans toutes les démarcations hxées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l'administration directe dé leurs municipalités, et que les communautés de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées dont les habitants sont cotisés sur les rôles d'impositions du chef-lieu. »
donne lecture de l'article 4 du projet du comité de constitution, qui deviendra le if* en cas d'adoption.
« Art. 4. Lorsqu'une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements ou les deux districts ne sont bornés que par le fil de l'eau, et que les deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière, sans préjudice du droit provisoirement conservé par l'article précèdent aux villes, paroisses et communautés, sur ie territoire, les hameaux ou les maisons situées de l'autre côté de la rivière, et qui ont dépendu jusqu'à présent de l'administration directe de leurs municipalités, ou de l'administration religieuse de leur paroisse. >
La province du Languedoc était jadis adminitrée par des États: ces Etats ont fait des dépenses considérables. pour arrêter les invasions de ce fieuve, qui souvent laisse ou couvre sur ses bords une immensité ae terrain* U ne serait pas juste que les dépenses faites par le Languedoc tournassent au profit du Dauphiné ou de la Provence. Je demande d'ajouter à l'article proposé les mots suivants : « Le fleuve du Rhône excepté, le provisoire restant en instance, jusqu'à ce que la question de la propriété des deux Hbônes ait été réglée définitivement par les départements du Languedoc, de la Provence et du Dauphiné* »
réclame, au nom de sa province (le Dauphiné), contre l'amendement de M, le baron de Marguerites.
appuie l'amendement.
Le prétendu droit du Languedoc sur le Rhône est fondé sur les usurpations des Etats du Languedoc; je ne m'arrête point aussi à cette question, et je fais particulièrement une observation sur l'article. Que signifient ces mots : le fil de Veau ? J'imagine qu'on a entendu le milieu respectif de cette rivière ; je propose donc
en amendement de substituer à ces mots : ne seront bornés, que par le fil de l'eau, ceux-ci : par le milieu de l'eau de cette rivière.
La propriété du Rhône a constamment nourri un procès entre les provinces du Languedoc, la Provence et le Dauphiné. Je ne pense pas que l'Assemblée veuille lasser subsister ces semences de division, car aux prétentions du Languedoc je pourrais opposer les prétentions du Dauphiné, ensuite celles de la Provence. Je demande la question préalable sur l'amendement de M. le baron de Margue-rittes.
Plusieurs autres amendements sont proposés; l'Assemblée n'adopte qui celui de M. Bouche, et décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur tous les autres.
Avant que l'article soit mis aux voix, j'en demande la division, et je pense qu'il doit se terminer à ces mots : Que les deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière.
Cette division est adoptée.*
Je propose un nouvel article, sur lequel je pense que l'Assemblée ne peut s'empêcher de statuer. Le voici :
« Les atterrissements, ou les lies que les fleuves, les rivières et les torrents formeront, appartiendront entièrement aux bords lés plus voisins, et les propriétaires seront imposés dans les districts dont ces atterrissements relèveront. >
L'admission de Cet article trancherait deB difficultés sur dés questions trop importantes pour qu'elles ne soient pas discutées. Je demande la question préalable.
L'article proproposé par M. Bouche touche à la législation et non à la constitution; il existe déjà des lois sur cette matière et il ne convient pas de faire loi sur loi.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Par suite des amendements adoptés, l'article 4, devenu le 3e, se trouve ainsi rédigé:
c Art. 3. Lorsqu'une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements, ou les deux districts, ne sont bornés que par le milieu du lit de la rivière, et que les deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière. »
fait lecture de l'article 5 du projet de décret du comité de constitution; le voici :
« Art. 5. Les administrations de département et de district feront faire, le plus promptement qu'il sera possible, l'arpentage et la carte topographique des paroisses situées sur les limites, et enverront copie certifiée de ces cartes et du procès-verbal des arpentages à l'Assemblée nationale, ou aux législatures qui lui succéderont, pour être déposée aux archives nationales, et pour que la véritable configuration des limites ae chaque département et dé chaque district puisse être tracée sur les cartes autographiques de la nation. »
Je propose l'ajournement de ce
article jusqu'à la deuxième ou troisième législature, parce que les dispositions de l'article 6 laissent la porte ouverte à des changements dans les limites.
L'article 5 doit être adopté parce qu'il contribuera puissamment à l'établissement d'un cadastre général qui servira de base à une égale répartition de l'impôt.
L'arpentage que nécessiterait l'adoption de l'article 5 jetterait tout le royaume dans une très grande dépense, dépense d'autant plus inutile que la carte de l'Académie offre tout ce qu'on peut désirer de mieux à cet égard; d'ailleurs, les limites qu'il s'agit de définir ne formeront qu'une ligne de circonvaliation en laissant le milieu absolument vide. Je demande la question préalable sur l'article 5.
L Assemblée consultée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 5 proposé par le comité.
donne lecture de l'article 6 proposé par le comité. Il est ainsi conçu :
« Art. 6. Il sera libre à toutes les villes, paroisses et communautés, dont le clocher ne sera pas à plus de cinq cents toises des limites des districts dans l'intérieur de chaque département, et à toutes les villes, paroisses et communautés, dont le clocher ne sera pas à plus de mille deux cents toises des limites du département, de présenter requête à la prochaine législature, pour passer d'un district ou d'un département dans un autre ; et sur le vu des observations respectives des départements et des districts intéressés, la prochaine législature prononcera définitivement.
Je demande la question préalable sur l'article 6.
(de Nemours). L'article 6 a pour objet de réserver à un grand nombre de communautés leur recours à la prochaine législature contre des imperfections et des erreurs mêmes qu'une œuvre aussi difficile que celle de la division du royaume doit nécessairement entraîner. De plus, il est fait pour tranquilliser la conscience des députés et de 1 Assemblée nationale elle-même sur le travail de son comité de constitution, dont les erreurs involontaires ne doivent pas devenir des lois irrévocables.
Si l'article était adopté, les paroisses pourraient se trouver successivement dans le rayon prévu par l'article; elles pourraient aussi successivement former des demandes qui anéantiraient d'abord le district et ensuite le département.
Vous avez créé 83 départements; bientôt vous n'en aurez plus que 82, si vous laissez subsister l'article parce qu'un grand nombre de communautés de la Basse-Auvergne n'attendent que le moment de réclamer.
L'Assemblée consultée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur 1 articlé 6.
donne lecture ainsi qu'il suit, de l'article 7 et dernier des articles généraux du projet de décret proposé par le comité de constitution :
« Art. 7. La division du royaume en départe-
ments et en districts n'est décrétée, quant à présent, que pour l'exercice du pouvoir administratif ; et les anciennes divisions, relatives au pouvoir judiciaire, subsisteront jusqu'à la nouvelle et prochaine organisation de ce pouvoir. Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l'ordre judiciaire. »
Je pense qu'il y aurait grand avantage à rappeler ici le décret déjà rendu sur la perception des impôts.
La chose est en effet urgente et même facile. Il suffirait d'ajouter aux mots : relatives au pouvoir judiciaire, ceux-ci : et à la perception des impôts.
L'amendement est mis aux voix et adopté.
L'Assemblée adopte ensuite l'article 7, qui devient l'article 4 du décret, avec la rédaction suivante :
« Art. 4. La division du royaume en départements et en districts, n'est décrétée, quant à présent, que pour l'exercice du pouvoir administratif, et les anciennes divisions relatives au pouvoir judiciaire et à la perception des impôts, subsisteront jusqu'à ce qu il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée. Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l'ordre judiciaire. >
Je vais donner lecture du décret tel qu'il résulte des votes émis par l'Assemblée dans le cours de la séance.
L'Assemblée nationale a décrété et décrête :
Art. 1erLa liberté réservée aux électeurs de plusieurs
départements ou districts, par différents décrets de l'Assemblée nationale, pour le choix des
chefs-lieux et l'emplacement de divers établissements, est celle d'en délibérer, et de
proposer à l'Assemblée nationale, ou aux législatures qui suivront, ce qui paraîtra le plus
conforme à l'intérêt général des administrés et des juridi-ciables.
Art. 2. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à 1 administration directe de leur municipalité, et que les communautés de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées dont les habitants sont cotisés sur les rôles d'imposition du chef-lieu.
Art. 3. Lorsqu'une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements ou les deux districts ne sont bornés que par le milieu du lit de la rivière, et que les deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière.
Art. 4. La division du royaume en départements et en districts n'est décrétée, quant a présent, que pour l'exercice du pouvoir administratif; et les anciennes divisions relatives au pouvoir judiciaire, et à la perception des impôts, subsisteront jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée. Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l'ordre judiciaire.
fait lecture de la lettre suivante de M. le garde des sceaux :
M. le garde des sceaux a été invité par M. le comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, de transmettre à M. le Président de l'Assemblée nationale la copie de la lettre que lui a écrite M. l'évêque de Basle, le 26 septembre dernier, et le traité sur lequel il fonde ses prétentions.
« Signé : Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux.
« Paris, le
Cette lettre est accompagnée des pièces qu'elle annonce. •
L'Assemblée renvoie le tout au comité de la féodalité, pour en faire incessamment son rapport.
fait lecture d'une seconde lettre de M. le garde des sceaux, conçue dans les termes suivants :
« Le Roi a accepté le décret de l'Assemblée nationale du 11 de ce mois, sur la détermination de la valeur locale de la journée de travail, d'après laquelle doit se faire la liste des citoyens actifs, et çelui du même jour concernant la municipalité de Noyon.
« Sa Majesté a aussi sanctionné :
« 1° Le décret du 5, portant que tous possesseurs de bénéfices, ou de pensions, sur les biens ecclésiastiques quelconques, seront tenus d'en faire leur déclaration ; et, en outre, suppression de maisons religieuses de chaque ordre ;
2° Le décret du 6, concernant les magistrats qui composaient la dernière chambre des vacations du parlement de Rennes ;
« 3° Le décret du 8, portant qu'il sera assis sur tous les citoyens de la ville de Rouen, qui payent trois livres et plus décapitation, une contribution égale aux trois quarts de la capitation ;
4° Le décret du 10, relatif aux faits allégués contre la validité de l'élection des officiers municipaux de Saint-Jean-d'Angely ;
5° Le décret du 11, portant qu'il sera mis sous les yeux de l'Assemblée nationale, sous 15 jours, un état exact, tant des sommes auxquelles se montent les dons patriotiques, que de la quantité de vaisselle d'or et d'argent, du numéraire qu'elle a produit, et quel en a été l'emploi.
t Quant à celui du 9, concernant l'exécution du décret du 10 août dernier, en ce qui regarde le maintien de la tranquilité publique. Sa Majesté l'a pareillement sanctionné ; mais elle a voulu que le mémoire ci-joint fût communiqué à l'Assemblée nationale, et M. le Président est prié de vouloir bien lui en faire donner lecture.
« Signé : Champion de Cicé.
« Arch. de Bordeaux.
« Paris,
Cette lettre est accompagnée d'un mémoire concernant les désordres qui régnent dans quelques provinces.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de ce mémoire qui porte en substance :
Les désordres qui régnent dans les provinces affectent douloureusement le cœur de Sa Majesté. Si ces alarmantes insurrections n'avaient pas un terme prochain, toutes les propriétés seraient bientôt violées; rien n'est sacré pour les brigands. Sa Majesté, en sanctionnant le décret relatif à l'organisation des nouvelles municipalités, était dans la confiance que les officiers civils et municipaux
emploieraient, avec autant de courage que de succès, tous les moyens possibles d'arrêter les troubles qui se propagent. Cependant ces troubles subsistent encore dans les provinces méridionales ; et Sa Majesté, voulant donner à son peuple l'exemple du respect qu'on doit à la loi, communique à l'Assemblée 1 exposé des malheurs dont la ville de Béziers particulièrement vient d'être le théâtre. L'Assemblée nationale devra prendre à ce sujet le parti qui lui paraîtra convenable, et qu'elle pèsera instantanément dans sa sagesse.
Des gens faisant la contrebande du sel furent arrêtés aux portes de Béziers, par les commis chargés du recouvrement des deniers royaux. Un nombre infini d'hommes s'armèrent pour attaquer les commis. M. de Vodre, colonel-commandant du régiment de Médoc, en garnison dans cette ville, fit de lui-même, et sans l'autorisation de la municipalité, de vains efforts pour arrêter les brigands. Quelques commis se réfugièrent à l'hôtel-de-ville ; M. de Vodre insista inutilement pour qu'un consul au moins y passât la nuit. Le peuple demandait à grands cris que le nommé Bernard et les autres commis lui fussent livrés. M. de Vodre prévint ces malheureux persécutés, et se flatta d'empêcher le peuple d'entrer pendant une heure. Les portes furent fermées, et bientôt enfoncées ; les séditieux poursuivirent leur proie. Les malheureux commis furent mutilés d'une manière horrible. Cinq d'entre eux furent pendus, et le secours du commandant, sollicité par plusieurs citoyens, parvint enfin à calmer, un peu tard, la fureur des scélérats.
Le récit de ces horreurs a vivement affecté l'Assemblée, qui en a témoigné sa juste indignation.
Je cède à l'impression que je viens d'éprouver, et je ne prends la parole que pour examiner avec vous les moyens que nous devons employer pour empêcher que de semblables horreurs "se renouvellent. Nous écarterons-nous des principes que nous avons adoptés, ou bien ne nous en écarterons-nous pas ? Je ne crois pas que, quelque graves que soient les circonstances, nous puissions, nous devions nous écarter de nos principes. J'ai toujours pensé que le Roi, comme chef du pouvoir exécutif, a dans sa main tous les moyens de réprimer les émeutes. Les officiers civils doivent, dans des cas d'insurrection, réquérir la force militaire et diriger cette force. Voilà le principe. Mais les officiers ne veulent pas, dit-on, requérir cette force, crainte des suites funestes qu'un pareil acte peut amener pour eux-mêmes. J'observe d'abord que les officiers municipaux, établis par le nouveau régime, n'ont pas encore été dans le cas de donner des preuves ni de leurs alarmes, ni de leur volonté, ni de leur courage. Je crois, moi, que nous devons compter sur les nouveaux officiers municipaux. D'ailleurs, les tribunaux seront bientôt organisés, et dès lors nous aurons le moyen sûr de prévenir les maux qui nous affligent. Mais il est indispensable d'aviser à un expédient pour, parer aux maux actuels, aux maux du moment. Quel moyen emploierons-nous pour cela ? Je n'ose en prévenir aucun ; je ne pense pas que vous deviez en adopter aucun sans réflexions, et je me borne à demander que votre comité de constitution soit obligé de vous.présenter demain, demain sans faute, un projet' de décret qui remédie au mal, avec une telle mesure que votre sagesse et la liberté du peuple ne soient pas compromises.
Je suis allé
hier au comité des rapports. Je voulais lui communiquer des détails sur les insurrections qui s'élèvent dans ma province (le Périgord). Ledit comité était séparé, et je ferai mon rapport moi-même. Je n'ai pas fait de discours étudié. Je ne suis pas venu ici pour entretenir deB correspondances avec les ministres. Que tout le monde en dise autant.
Je crois que l'origine des troubles des provinces méridionales est dans le Bas-Limousin ; que les chefs actifs des émeutes s'autorisent de 1 abolition du régime féodal et se livrent à toutes sortes d'infamies d'après des décrets et des ordres du Roi supposés. Ces chefs convoquent les assemblées de paroisses pour planter le mai et éclairer les châteaux ; c'est le mot d'ordre. Ils vont d'abord chez les seigneurs ; ils les somment d'abattre les girouettes de leurs châteaux, de faire porter sur la place les mesures» du vin, des rubans et des plumes, sous peine d'être éclairés; ils prennent dans les bois le plus bel arbre qu'ils plantent sur la place et auquel ils attachent les girouettes, les cribles et les plumes avec des rubans et mettent ensuite pour légende : Quittance finale des rentes. Je crois qu'il serait convenable de cantonner dans les villages de la cavalerie qui se joindrait au besoin avec la maréchaussée et réprimerait les violences par la force. Le peuple est bon, mais il est facile à séduire; il faudrait s'attacher à punir ceux qui l'égarent; j'ai entendu dire à cette tribune que dans dix ans tous les citoyens sauraient écrire ; je n'en crois rien, mais si cela était, je le regarderais comme le plus grand des malheurs.
Le moyen le plus efficace de maintenir l'ordre et la paix parmi les hommes, c'est de les éclairer sur leurs véritables intérêts, qui seront toujours d'observer la justice et de respecter la propriété. C'est pour arriver à ce résultat que le comité patriotique de Brive, en Bas-Limou-sin, a fait répandre à profusion la lettre suivante :
lettre circulaire du comité patriotique derr1ve aux habitants de la campagne.
Messieurs et chers amis,
Tous les braves gens voient avec la plus grande peine ce qui se passe dans quelques paroisses. Ceux qui forment des attroupements et qui se rassemblent soit pour aller chez les seigneurs, soit chez d'autres particuliers, sont coupables envers la nation et envers le Roi ; le Roi et l'Assemblée nationale défendent ces attroupements sous les peines les plus graves.
Vous manquez à la loi : vous allée contre les premières notions de la justice et de la raison, quand vous vous présentez en attroupements chez quelqu'un pour manger son pain, pour boite son vin et pour le mettre à contribution. Les maisons doivent être des asiles assurés pour tous ceux qui les habitent, et céUx qui ne respectent pas ces asiles méritent d'être punis.
Si des ennemis très étrangers venaient en faire autant chez vous, vous vous plaindriez. Combien ne doivent pas se plaindre vos voisins qui se voient ainsi persécutés par leurs propres concitoyens, par leurs propres frères qui devraient être les premiers à les protéger et à les défendre ?
Dans vos campagnes où les instructions ne peuvent parvenir qu'un peu tard, où la plupart des habitants, occupés aux travaux de l'agriculture, ne peuvent eux-mêmes s'instruire que lentement ;
vous vous demandez ce que portent les lois nouvelles, vous vous persuadez tout ce qui peut vous plaire, et vous vous permettez d'agir en conséquence. Nos chers amis, ce n'est pas le peuple qui peut se faire des lois, parce qu'il lui serait impossible de s'entendre, et qu'il n'est pas, d'ailleurs, assez éclairé pour connaître celles qui lui sont nécessaires. Ce sont ses représentants, se3 députés qui doivent les faire. C'est le Roi qui doit les sanctionner et les faire exécuter. Laissez donc agir l'Assemblée nationale et le Roi, qui ne travaillent que pour votre bonheur. En attendant, conformez-vous aux lois que 'vous connaissez ; elles subsistent toujours jusqu'à ce que les nouvelles soient achevées et soient mises à exécution.
C'est inutilement que vous attendriez des lois qui vous permissent d'agir par des voies de fait, et de vous faire justice vous-mêmes.
C'est précisément pour éviter ce désordre que les lois ont toujQurs été et seront toujours nécessaires.
Croyez-vous qu'il existe jamais des lois qui autorisent le vol! Mais qu'est-ce donc que voler? Qu'est-ce autre chose que de prendre letbien d'autrui, ou de forcer quelqu'un à nous donner ce qu'il possède, ce qu?il aurait droit de nous refuser et qu'il nous refuserait s'il en était le maître ?
La violence n'est jamais permise; si vous prétendez que votre voisin, riche ou pauvre, vous doive quelque chose, vous ne pouvez pas employer la violence pour l'obtenir, vous devez vous pourvoir devant les juges.
Ces juges ne sont autres que ceux que vous avez déjà ; ils ont ordre de continuer leurs fonctions jusqu'à ce qu'il en ait été créé d'autres.
Quand l'Asserobléè nationale a dit que tous les hommes étaient égaux en droit, elle a entendu seulement qu'ils doivent tous être également protégés par les lois ; mais elle ne veut pas que personne ait droit sur les propriétés d'un autre; elle veut que chacun soit plus assuré que jamais de jouir avec tranquillité de ce qu'il possède.
Pourquoi vous persuade-t-on d'inquiéter les seigneurs? ne sont-ils pas hommes comme vous? N'ont-ils pas le même droit que vous à la protection de la loi? Ne sont-ils pas les maîtres de leurs propriétés autant que vous pouvez l'être des vôtres ? Vous voulez donc que la loi soit pour vous, et qu'elle ne soit pas pour les autres ? Mais la loi doit être pour tous.
Si les seigneurs avaient ci-devant des privilèges, ils les ont sacrifiés; ils payent la taille, tout comme nous; ils s'empressent de reconnaître qu'ils sont nos égaux, qu'ils n'ont pas plus d'autorité que les autres hommes; plus ils perdent, moins ils méritent d'être insultés; ils ne sont plus à craindre pour personne, il faut donc les laisser tranquilles; mais si nous ne les craignons plus, nous devons craindre les lois qui nous punissent toujours, et plus sévèrement que jamais si nous n'y sommes pas soumis.
Ceux qui ont persuadé ces attroupements dans les paroisses où ils ont eu lieu sont des ignorants ou des méchants qui ont trompé les autres ; ils ont fait faire des maux infinis qui, tôt ou tard, retomberont sur eux, et peut-être sur la société entière.
Nous somme8 tous intéressés, les pauvres comme les riches, à ce que nous soyons bien gouvernés. Si nous ne reconnaissons plus de frein ; si par l'effet des désordres de cette espèce, le Roi n est plus le maître, nous allons tomber dans les mains des nations étrangères qui ne
demandent pas mieux que de nous trouver désunis; alors vous verrez des ennemis redoutables vous rendre tout le mal que vous avez voulu faire. Vous les verrez ravager les maisons du pauvre comme celles du ricbe, égorger vos femmes et vos enfants, vous exterminer vous-mêmes ou vous réduire à l'esolavage.
Connaissez donc, nos chers amis, les suites funestes de vos égarements. Revenez à vous. Vivez tranquilles. Attendez tout de l'Assemblée nationale qui vous prépare un sort heureux pour l'a-venir, et d'un Roi généreux et bon qui agit de concert avec elle pour vous le procurer.
Nous avons l'honneur d'être, avec un sincère attachement et avec les sentiments d'égalité et de fraternité que doivent professer tous bons Français, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les membres du comité de Brive.
. Je nq crains pas qu'on se range à l'opinion de M. de Foucault sur l'instruction du peuple : la vertu a sa place naturelle à côté des lumières et de la liberté. Des pièces relatives aux faits dont il vous a parlé ont été remises hier au comité des rapports; nçus en ferons le dépouillement, nous nous concerterons avec le comité de constitution, et demain, à deux heures, nous vous rendrons compte de ce travail. Permettez-moi seulement d'observer aujourd'hui que les causes de ces événements sont les libelles qu'on répand avec profusion, et l'ignorance dans laquelle on tient le peuple sur vos décrets. Je dois aussi vous faire remarquer, qu'ainsi que dans le mois de juillet, les troubles ont commencé le même, jour dans les diverses provinces où ils ont lieu. Cette identité mérite qu'on y réfléchisse.
paraît à la tribune. Des applaudissements redoublés et prolongés se font entendre. Un profond silence s'établit ensuite.
Messieurs, dit l'orateur, l'objet proposé à l'Assemblée est aussi grave que pressant. Déjà plusieurs fois l'Assemblée nationale a témoigné sa douleur, et son indignation même, contre les excès qui lui sont dénoncés aujourd'hui; mais ces excès n'ont pas cessé, ils se multiplient, au contraire, au grand regret des amis de la liberté qui y voient un danger pour elle; des amis de la justice et de l'humanité-, qui comptent les infortunes particulières; des amis du peuple, dont le repos est troublé, et ia subsistance journalière compromise. Qu'il me soit permis de défendre ce peuple et contre ceux qui l'inculpent et même contre plusieurs de ceux qui le justifient.
Le peuple veut avant tout la liberté; mais il veut aussi la justice et la paix; il les attend non seulement de la conclusion de nos travaux, mais aussi de nos décrets provisoires; il les attend du zèle des officiers civils et municipaux qui, s'ils préfèrent à leurs devoirs la popularité, en deviennent indignes ; il les attend aussi de l'énergie du pouvoir exécutif, qu'il ne faut plus chercher sous des ruines, mais là où il est, dans la Constitution ; c'est par elle et pour elle qu'il doit agir avec vigueur pour rétablir l'ordre public, sans lequel la liberté n'est jamais ni douce, ni assurée. M. Bmmery a fait sentir combien l'objet soumis à notre discussion est important; mais, avec son importance, il faut considérer sou urgence encore. Je conclus avec lui qu'il faut que le comité dq
constitution présente un projet de décret; mais j'ajoute qu'il doit le présenter dès demain.
(De nombreux applaudissements succèdent à ces paroles.)
. Je demande que le comité de constitution se concerte avec celui des rapports pour nous présenter, non pas un simple décret, mais un projet de loi qui statue, notamment sur le cas où les officiers civils refuseraient de recourir aux moyens qui leur sont confiés.
L'Assemblée adhère à ces deux propositions et arrête que le mémoire sera renvoyé ati comité de constitution, lequel se concertera avec le comité des rapports, et proposera un projet de loi demain ou jeudi au plus tard.
lève là séance, après avoir indiqué celle du soir pour six heures.
PRÉSIDENCE DE M. TALLEYRAND, ÉVÉQUE D'AUTUN.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses suivantes, contenant des offrandes patriotiques, et des actes d'adhésion et de soumission aux décrets de l'Assemblée nationale.
Adresses de félicitation, adhésion et dévouement de la commune de Clamecy, de celle de Saint-Omer et de celle d'Issurville.
Adresse de la ville d'Ambronay en Bugey; ses anciens officiers municipaux présentent en particulier leurs hommages à l'Assemblée nationale, et annoncent que l'union la plus parfaite a régné dans la formation de la nouvelle municipalité, que tous les citoyens ont manifesté la joie la plus yive, et surtout les sentiments de l'amour le plus vrai envers le meilleur des rois, dont le nom seul excite l'attendrissement dans tous les cœurs.
Adresse des officiers du siège de la Monnaie de la ville de Troyes, qui expriment avec énergie là joie qu'ils ont ressentie à la nouvelle de la mémorable journée du 4 de ce mois; ils prêtent entre les mains de l'Assemblée le serment civique, et déclarent qu'ils font avec résignation le sacrifice de leur état, s'il doit en résulter un meilleur ordre de choses dans l'ordre judiciaire.
Adresse de la garde nationale de la même ville; elle exprime la même joie, et prête le même serment que les officiers de la Monnaie.
Lettre de M. Guillaume des Deux-Ponts, colonel du régiment des chasseurs de Flandres, en garnison à Sarreguemines, qui annonce queson régiment a entendu avec la plus vive satisfaction la léttre qui lui a été adressée par l'Assemblée nationale.
Adresse de félicitation et d'adhésion de la ville de Montbron ; elle sollicite un chef-lieu de district, ou du moins une justice royale.
Adresse du corpsfdes commerçants,imarchands, arts et métiers de la ville de Fronton ; il
fait le
Adresse du comité municipal et de l'état-major de la milice citoyenne.de la ville de Tours, contenant le procès-verbal de ce qui s'est passé dans cette ville le 7 de ce mois, à la nouvelle de la démarche vraiment sublime, et du discours paternel du Roi dans la séance du 4 de ce mois. Il est impossible de décrire les sentiments de joie et d'amour que les citoyens ont fait éclater : les canons ont été tirés, ûne illumination générale a succédé, et les habitants, réunis comme d'eux-mêmes sur la place publique, ont prêté avec transport le serment civique. « Sans se concerter dans cette mémorable circonstance, la France entière, disent-ils, n'aura qu'une manière de voir, de sentir et d'exprimer. Il n'est personne parmi nous qui ne soit prêt à tout sacrifier pour prouver son attachement aux nouvelles lois de cet empire, sa reconnaissance infinie pour les sages législateurs qui nous les ont données, et son amour inaltérable pour le monarque vertueux qui s'en est montré le premier sujet, et qui en sera le plus zélé défenseur. »
Adresse de félicitation et d'adhésion de la ville du Bourg-Argental en Forez ; elle demande une justice royale.
Adresse de la ville de Ducyras en Dauphiné ; indépendamment de la contribution patriotique, elle tait don de la somme de 1,500 livres.
Adresse d'adhésion des habitants du bourg de Saint-Urcize en Auvergne ; ils déclament fortement contre une inégalité de répartition faite par les députés du départeihent dè Saint-Flour, relativement à l'imposition sur les ci-devant privilégiés.
Adresse du bourg de Montaignet en Forez ; elle fait hommage à la patrie du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande d'être chef-lieu de canton.
Adresse d'adhésion de la communauté de Pom-merie en Agenois ; elle demande d'être chef-lieu de canton.
Adresse du sieur François Ramonde, lieutenant dé juge de la juridiction,royale deMontelar en Agenois, qui fait le don patriotique de la finance de son office.
Lettre de M. Quintin, major, commandant le régiment de La Fèrty artillerie, en garnison à Auxonne, par laquelle il annonce que c'est avec la plus vive satisfaction que tous les officiers et canonniers ont entendu la lecture de la lettre qui leur. a été adressée par l'Assemblée nationale ; il atteste à i Assemblée que ce régiment donne l'exemple de la soumission aux lois, de l'obéissance et du respect pour le Roi, et celui d'une entière subordination à la discipline militaire.
Adresses des nouvelles municipalités de la communauté de Grain en Auxerrois, de celle de Saint-Remi de Lavanne en Brie, de la ville de Vesoul, de celle d'Orange, de la communauté de Vregille en Franche-Comté, de celle de Parnot, de la ville de Réthel, de la communauté de Sau-linot, de la ville de Lausargne, de celle de Nuits en Bourgogne, de celle de Barre en Gévaudan, de la communauté de Rouvray-Saint-Denis, de celle de Saint-Jean-sur-lndre en Touraine, d-u bourg de - Damville, de la communauté de Lassy, de celle de Villers-AIIly, près d'Abbeville, de la ville de Calais, de la communauté de Chezy-l'Ab-baye, de la ville d'Auxonne, de celle de Nemours, de la communauté de Villiers-sur-Marne, de celle de Guyemoust et Plessière-Godin, de la ville de
Marennes en Suintonge, de celle de Bonnétable au Maine, de la ville de Philippeville, de celle de Granville, de celle de Varennes, de la communauté de Ruys en Dauphiné, et de celle de Jaudun en Champagne. Toutes ces municipalités, après avoir, de concert avec les habitants, prêté le serment civique, présentent à l'Assemblée le tribut de leur hommage et de leur admiration.
Les officiers municipaux de la ville de Vesoul annoncent que les déclarations patriotiques s'élèvent actuellement à 103,507 livres 4 sols 10 deniers et celles des campagnes de leur ressort à 127,717 livres 13 sols 4 deniers.
La municipalité de Parnot fait don, au nom de cette communauté, de la somme de 1,400 livres du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et sollicite un chef-lieu de canton.
La municipalité de Réthel dit ces paroles remarquables :
« Depuis que le meilleur des Rois et le plus tendre des pères a paru comme ami de la loi dans votre auguste Assemblée, pour exprimer et manifester son adhésion à vos décrets, il a imposé silence au murmure de ces préjugés antiques qui osaient réclamer contre eux ; il a rallié tous les esprits, conquis tous les cœurs, et la France va offrir le sublime spectacle d'une famille immense, docile et soumise à la voix de son chef. »
Ceux de la ville d'Auxonne font l'offrande patriotique de la somme de 3,524 livres, consistant en deux principaux de rentes sur les tailles.
La commune de Nemours a député extraordi-nairement M. Le Petit, son maire,et M. Doutrelan, un de ses officiers municipaux, qui sont ici présents, et demandent à prêter le serment civique,
Adresses de la communauté d'Outre-Suran, près de Saint-Etienne en Forez, et de celle de Cham-poleon en Dauphiné.
Adresses de la garde nationale de la ville du Palais à Belle-Isle-en-Mer; elle supplie l'Assemblée d'autoriser le choix qu'elle a fait deM. de Briauce, lieutenant du Roi, commandant en cette lsle, pour occuper la place de maire.
Adresse de la communauté de Pallouen, en Basse-Bretagne ; elle consulte l'Assemblée sur des difficultés relatives à l'élection du maire.
Adresse de l'Association de bienfaisance judiciaire, établie à Paris, qui, pour faire connaître à l'Assemblée son empressement à consacrer les principes de la nouvelle loi contre le préjugé qui étendait la honte au delà des limites du crime, a arrêté d'envoyer à M. et à Mme Agasse de Gresne, membres de cette association, une députation pour leur porter des paroles de.consolation, et les îuviter à venir dans son sein recevoir les hommages dus à leurs vertus personnelles.
Adresse et délibération de la ville de Cosne-sur-Loire, portant que les sentiments de justice et de bonté que le meilleur des Rois a fait éclater dans son discours prononcé à l'Assemblée le 4 de ce mois, ont pénétré tous les citoyens de la plus vive sensibilité ; que ce discours doit être gravé dans tous les cœurs ; que pour en perpétuer à jamais le souvenir dans les archives de cette ville, et que ces paroles si consolantes : « Vous qui pouvez influer par tant de moyens sur la confiance publique, éclairez sur ses intérêts ce peuple qu'on égare, ce bon peuple qui m'est si cher, et dont on m'assure que je suis aimé quand on veut me consoler dans mes peines. Ah I s'il savait à quel point je suis malheureux à la nouvelle d'un attentat contre les fortunes, ou d'un acte de violence contre les personnes, peut-être il m'épargnerait cette
douloureuse amertume 1 » sçront inscrites en lettres d'or sur un tableau qui sera placé dans la salle de l'Hôtel-de-Ville. Les officiers municipaux et citoyens ont prêté le serment civique.
Adresse de la ville de Puymaurin en Com-minges.
Adresse des nouveaux officiers municipaux de la ville de Beaumont-le-Vicomte ; fiers de déposer leurs hommages aux pieds de l'Assemblée nationale, ils l'assurent de leur attachement inviolable à la Constitution, à la loi et à la personne sacrée du Roi, dont le cœur est le sanctuaire où reposent toutes les vertus.
Adresse de la légion patriotique de la ville de Périgueux.
Adresse des habitants de la paroisse de Mar-villesen Hainaut, qui, réunis dans l'église paroissiale, ont juré de maintenir, au péril de leur vie et de leur fortune, la nouvelle Constitution du royaume, et d'adhérer à tous les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le meilleur des Rois.
Adresses de la garde nationale de Saint-Bonnet, de Galaure-Mureil, Fai-la-Bretonnière, Ratières, et Saint-Avit en Dauphiné.
Adresse de la ville de Sauveterre en Rouergue ; elle fait l'abandon de tous les privilèges particuliers dont elle jouissait, et ofrre à la nation une créance sur l'Etat de 1,760 livres, à raison de l'acquisition de divers offices municipaux ; elle annonce que trois ou quatre cents brigands armés l'ont mise dans la dure nécessité de mettre à exécution la loi martiale, et qu'elle les a vaincus.
Adresse des citoyens de la ville de Riom en Auvergne, qui, réunis pour la nomination de leurs officiers mnnicipaux, ont interrompu leurs scrutins pour se faire lire le discours du Roi dans la séance du 4 de ce mois; ils ont fait éclater les plus vifs transports d'allégresse et de reconnaissance, et ont prêté avec la plus grande solennité le serment civique.
Adresse du même genre de la commune du Havre.
Adresse des officiers du bailliage et siège pré-sidial de la ville de Troyes, qui prêtent le serment civique entre les mains de l'Assemblée nationale.
Adresse du bourg d'Auvilly en Champagne; il fait le don patriotique de la somme de l,22f livres 6 sols.
Adresse de la commune de Villeneuve-l'Arche-vêque ; elle fait hommage à la patrie du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Brieuc en Bretagne; elle contient la prestation du serment civique, faite par vingt-quatre gentilshommes de cette ville.
Adresse de la commune de Saint-Béat; elle renonce expressément à tous les privilèges particuliers dont élie jouissait.
Adresse du procureur de la commune de la ville d'Epernay, qui annonce que les habitants se sont Jivrés aux transports de la joie et de la reconnaissance la plus étendue, à la nouvelle du discours du Roi a la séance du 4 de ce mois.
Adresse de la commune de Dijon, assemblée pour la formation de sa municipalité.
Adresse de la ville de Bourdeille en Périgord ; elle demande avec instance une justice royale.
Adresse des citoyens actifs du district de la Trinité de Marseille.
Lettres du lieutenant-colonel du régiment de cavalerie de la Reine, et des officiers du régiment des dragons de Condé, en garnison à Metz, du
lieutenant-colonel du bataillon de chasseurs Cantabres, en garnison à Saint-Jean-Pié-de-Port, et des officiers du régiment de dragons de Lorraine, en garnison à Tarascon, par lesquelles ils annoncent avoir fait lecture de celle qui leur a été adressé par l'Assemblée nationale, à la tête de leurs régiments, et qu'ils saisiront avec zèle les occasions qui s'offriront de prouver à la nation, au roi, et à la loi, leur dévouement, tant pour la défense de la patrie, que pour le maintien des lois constitutionnelles de l'Etat.
Adresses des nouvelles municipalités de la ville de Pont-à-Mousson, de celle d'Ernée en Maine, de la communauté de Saint-Sulpice, de Villiers-Adam, de celle de Pierre-Buffiêre, de celle de Saint-Pierre, et de la ville du Château en l'île d'Oléron, de la communauté de Grénouillet, de celle de Juziers près de Meulan, de celle de Moriers près de Bonneval, de celle de Saint-Maurice-des-Lyon s, en Angoumois, de celle de Saint-Clar-de-Lomaigne, de la ville de Mayenne, de lacommunautédeTernant, de la ville de Chaumont en Bassigny, de la communauté de Cham-bry près de Meaux, de la communauté de Monta-gnac en Lauguedoc, de la ville de Turenne, de la communauté d'Arry,de celle de Coussac-Bonne-val en Limousin, de celte de Méry près de Pon-toise, de la ville du Grand-Lucé en Maine, de la communauté de Valdam-Pierre, de la ville d'Agde en Languedoc, de la ville de Mortagne au Perche, de la ville de Chaumont en Vexin, de la ville de Moirans, de celle de Compiègne, de celle de Melle, de la communauté de Villars-les-Blamont, de celle de Laive en Bourgogne, de la ville d'Embrun en Dauphiné, de la communauté de Saint-Jean-de-Rives en Charollais, de la ville de Charolles, de celle d'Arras, du bourg de Dieuville en Champagne, de la ville d'Etain en Lorraine, de la communauté de Dombasle, près de Nancy, de celles de Vourroux et Chasseuil en Bourbonnais, de la communauté de Saint-Laurent en Franche-Comté, de la ville de Cette, de celle de Montreuil-sur-Mer, de Viethorey, de la ville de Beaune, de celle d'Annonay, de celle de Mery-sur-Seine, de celle de Nogent-sur-Seine, de celle de Guines près de Calais, de celle de Saint-Maixent en Poitou, de celle de Perriers en Cottentin, du bourg d'Attigny en Champagne.
De plus, la municipalité d'Ernée demande une justice royale ; celle de Pierre-Buffière, un chef-lieu de canton.
Les officiers municipaux de la ville de Chaumont en Bassigny font le don patriotique de la finance de leurs anciens offices, fixée à 30,000 livres, ils annoncent que tous les citoyens se sont réunis dans l'église paroissiale, à la nouvelle de la démarche sublime et paternelle du Roi, et ont prêté le serment civique dans les plus grands transports d'allégresse et de reconnaissance.
La ville de Turenne fait hommage à la patrie du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
La ville de Grand-Lucé demande un bailliage roval.
Les officiers municipaux de Dampierre demandent si les municipalités des campagnes pourront allouer quelques honoraires à leurs greffiers.
La ville d'Agde réclame avec instance un tribunal de district; elle annonce que les déclarations patriotiques montent déjà à la somme de 53,000 livres.
La ville de Mortagne fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
La communauté de Saint-Laurent en Franche-Comté consulte l'Assemblée sur des difficultés relatives à la libre circulation des subsistances.
La ville de Nogent-sur-Seine demande un tribunal de district.
Celle de Guines fait plusieurs demandes relatives à ses octrois.
La ville de Perriers fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande que la ville de Caen soit le siège d'un tribunal supérieur.
Don patriotique de 600 livres, déposé sur le bureau, présenté par un député de Dijon, au nom et de la part de la communauté de Soissons, près de Pontailier-sur-Saône.
Don patriotique de MM. Constantin frères, négociants a Angers ; ils offrent un contrat constitué sur l'Etat, au principal de cinq cents livres, et d'une année d'arrérages,
Offrande de 6,000 livres pour don patriotique, faite par la municipalité et communauté de Som-mevoire en Champagne, quoique le quart des revenus de cette communauté ne monte qu'à la somme de mille livres, suivant les déclarations.
Adresse de félicitations et d'adhésion de la ville de Gray en Franche-Comté ; don patriotique du produit du la contribution des privilégiés, soumission à la contribution du quart des revenus, et demande d'un tribunal de justice, à l'exclusion de la ville de Cbamplite.
Adresse de la nouvelle municipalité dç la ville de Saint-Quentin.
Adresse du marquis de Beauveau, qui déclare renoncer à tous les droits qu'il peut avoir à la propriété des biens de la maison des Augustins d'Angers et les transporter en entier à la nation. L'Assemblée, sur la motion d'un honorable membre, ordonne qu'il sera fait mention particulière de ce don patriotique dans le procès-verbal.
MM Bezançqn de la Percerie, Moreau Descombes et Joubleau de la Motte, députés particuliers de la ville de Villeneuve-le-Roi sur Yonne, sont admis à la barre; porteurs d'un don patriotique, ils le déposent sur le bureau,après avoir exprimé les sentiments patriotiques qui animent tous les habitants de cette ville, et leur résolution de sacrifier tous leurs fortunes au maintien de la constitution. L'Assemblée leur permet d'assister à sa séance.
M. Nusse, curé, maire de Gbavignon en Sois-sonnais, député de sa paroisse, admis à la barre, fait l'offre du don patriotique du produit de l'imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, sans aucun retour, et sans préjudice de sa contribution et de celle de ses paroissiens, qui, n'ayant pas 400 livres de revenus, se proposent de faire un don à la nation, selon leurs facultés. 11 fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé: \'Ecclésiastique citoyen, sur la nécessité et les moyens de rendre lés établissements, les personnes, et les biens ecclésiastiques plus utiles à l'Etat et à la religion.
Il prononce le discours suivant:
Messieurs, les premières villes du royaume se sont empressées de rendre leurs hommages à l'Assemblée nationale. Les habitants des campagnes, qui partagent leur zèle, espèrent que vous leur permettrez le même acte de patriotisme.
Oui, Messieurs, le peuple auquel vous aurez rendu la liberté, et qui vous devra bientôt l'abondance, tressaille de joie à la vue de l'heureuse ré-
volution que vos lumières et votre courage lui préparent, de concert avec le meilleur des rois.
Permettez-moi de vous offrir mon hommage particulier en vous présentant l'Ecclésiastique citoyen, ouvrage qui a précédé de cinq ans le nouvel ordre des choses, l'admiration et l'exemple de l'Europe.
Qu'il est doux pour moi d'en voir adopter les principes par le sénat de la France; de voir la société et la religion, trouver également leur avantage dans la réforme des abus qui déshonoraient un état dévoué à l'édification et au bonheur publicl . itf» 's:-:^.'.'
L'Assemblée applaudit au zèle et au patriotisme de M. l'abbé Nusse, l'admet à prêter le serment civique et lui permet d'assister à sa séance.
M. Gois, sculpteur du Roi, professeur de son Académie de peinture et de sculpture, est admis à la barre, et fait hommage à l'Assemblée d'un projet de monument à élever à la gloire du Rc>i et de ia nation» avec le projet d'une fête patriotique ; l'Assemblée témoigne par ses applaudissements toute sa satisfaction sur cette offre patriotique, et permet à M. Gois d'assister à sa séance.
La ville de Peyrehorade perçoit un octroi qui forme son unique revenu. Le parlement de Bordeaux, pour se conformer à vos décrets, n'a pas voulu cette année enregistrer cet impôt. Sur la demande de la ville de Peyrehorade, le comité des rapports, quoiqu'il s'agisse d'un objet de finance, propose d'autoriser cette perception.
Voici le projet de décret que nous vous posons :
Sur la demande faite par la ville de Peyrehorade, en la généralité d'Auch et de Bordeaux, qu'il plût à l'Assemblée l'autoriser à continuer la perception des octrois établis par arrêt du conseil de 1769, jusqu'à ce qu'on ait décrété un mode d'imposition général et uniforme pour la subsistance des villes du royaume; l'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a, conformément à son précédent décret, qui maintient provisoirement les villes dans la perception de leurs octrois, autorisé ladite ville de Peyrehorade à percevoir celui qui a été établi en sa faveur par le susdit arrêt du conseil, et renouvelé par un autre du 4 octobre 1788. »
11 existe un décret qui autorise en générai la perception des octrois des villes: il n'y a pas lieu à délibèrér.
L'Assemblée décide que les décrets qu'elle a précédemment rendus sur cette matière étant suffisants, il n'y a pas lieu à en faire un nouveau, et que ses décrets précédents sur cet objet seront envoyés à la ville de Peyrehorade.
Le comité des domaines s'est occupé des travaux qui lui sont confiés. Il a notamment voulu examiner les détails de l'échange du comté de Sancerre ; mais il n'a pu obtenir encore, malgré les ordres donnés par les ministres, les pièces qui lui sont nécessaires. Il demande que cet obstacle soit levé par un décret qui pourrait être ainsi conçu : « Les minutes des procès-verbaux d'évaluation des échanges, et tous autres renseignements, seront remis au secrétariat du comité des domaines, qui donnera un récépissé* »
Il faut que ce décret soit général.
Le comité des pensions a éprouvé et éprouve encore les mêmes difficultés.
Le comité des domaines doit s'occuper aussi du comté de Clermont, que M. de Calonne a fait acheter 36,000,000 par le Roi, quoi" qu'il ne rapportât que 68,000 livres annuellement*
Le grand Gondé étant devenu prince du sang, Louis XIV lui donna en apanage le comté de Clermont avec tous les droits régaliens. La France se trouvant très gênée par 1 exercice de ces droits, le roi acheta 12,000,000 ce comté, qui rapportait réellement 600,000 livres. Il est malheureux de se tromper des deux tiers en sus.
Mais le roi n'a acheté que les droits indirects attachés à ce comté; le prince de Condé est resté propriétaire des droits directs. Ainsi il n'est point exact de dire qu'un revenu de 600,000 livres a été cédé au roi.
Un rapporteur est chargé de faire connaître tous ces détails à l'Assemblée, d'après les pièces authentiques s il ne s'agit en ce moment que de pourvoir à ce que ces piècea soient communiquées au comité.
consulte l'Assemblée et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que les différents comités établis par elle seront autorisés à demander dansleB dépôts des départements, ceux des cours et autres dépôts publics, toutes les pièces qu'ils jugeront nécessaires à leurs travaux, desquelles pièces il leur sera délivré des copies certifiées sur papier non timbré et sans frais, même que dans le cas où lesdits comités jugeraient nécessaire de voir les minutes, elles seront représentées aux commissaires qu'ils nommeront à cet effet, et remises en leur pouvoir s'ils le jugent convenable, sur le récépissé des secrétaires desdits comités, à la charge d'être rétablies dans les dépôts dont elles auront été tirées, après qu'il en aura été rendu compte à l'Assemblée. »
J'ai à proposer quelques Observations relatives au régime intérieur de l'Assemblée.
Toutes les expéditions qui sont remises aux archives sont scellées d'un sceau qui porté pour légende: Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, au lieu dé Rùi des Françaisi 11 faut demander la réforme dé cet usage, contraire à l'intitulé de la loi.
Une raison a empêché de faire jusqu'à présent de nouveaux sceaux ; c'est la cherté dé cette opération. Je n'ose assurer quelle serait cette dépense, mais je sais qu'on l'estime a,000,000.
Je n'entends pas les sceaux de chancelleries et des tribunaux judiciaires : ces; changements se feront successivement, lorsque; le nouvel ordre de choses sera établi*
, évêque de Chartres. Il V a huit jours que j'ai vu deux nouveaux sceaux chez M. l'archevêque de Bordeaux.
On' demande la question préalable.
Un décret est toujours nécessaire: M. le garde des sceaux ne peut changer les sceaux
sans un décret positif qui l'autorise à ce changement.
met aux voix la question préalable. Elle est rejetée;
Le décret suivant est ensuite adopté s
« L'Assemblée nationale décrête que son Président se retirera par devers le Roi* à l'effet de lui demander que la forme du sceau actuellement en usage soit réformée, et la légende rendue conforme à l'intitulé des lettres émanées du Roi. »
propose de nommer quatre commissaires pour surveiller les dépenses en bougies, bois et papiers dans les bureaux et comités.
On observe que MM. Anson et Salomon sont déjà chargés de ces fonctions. — L'Assemblée ordonne qu'il leur sera donné deux adjoints.
Sur la proposition de M. 1 abbé Goiaud de la Salcette, elle supprime les feux des bureaux.
, député de Pamiers, demande là parçlè pour faire une motion sur un projet de caisse patriotique et militaire.
lui accorde la parole après avoir consulté l'Assemblée.
(1). Messieurs, c'est l'aniou^ du bien général qpi vous a engagés à décréter que la caisse d escompte servirait, en quelque sorte, de caisse nationale. Pénétré des mêmes sentitnents qui vous animent, je ne crains pas de vous proposer le projet d'une caisse patriotique et militaire. 11 ne reste aujourd'hui à tout citoyen animé d'un vrai zèle pour le bonheur dé sa patrie qu'un seul moyen d'en offrir des preuves honorables; celui de tourner ses vues sur des objets utiles ; d'offrir des causes capables de déraciner les abtts,'ét de faire renaître in-sensiblemeqt les sources du bonheur dont le peuple est privé de^utë si longtemps. Le plan dont j'ai à vous entretenir a pour objet principal la destruction dé l'usure et de l'agiotage : c'est assez vous dire qu'il peut influer sur les moeurs, sur les fortunes, par conséquent sur la félicité publique.
11 ne fëut pas à tous les individus ce qu'on appelle dè la fortune : un partage ^ peu près égal de richesses sèfait absolument impossible; mais il faut à tout le monde une existence proportionnée à son état, à ses habitudes, à ses besoins. Les moyens manquent souvent à ceux qui voudraient s'en procurer une-, et quand l'indigence sé fâit sentir, ii est rare que celui qui en souffre n'oublie pas Sés principes, et ne se laissé aller, du plus au moins, à des opérations qui achèvent de le ruiner, ou à des actions qui le conduisent à l'opprobre.
Dans uné constitution comme celle qde vous avez commencé d'établi"^ Messieurs, il me paraît essentiel de prévoir toùt Ce qui peut contribuer au bonheur des citoyens, dans toutes les classes de la société.
Les établissements qui préparent des secours à l'infortune sont bien plus sages, bien plus
dignes d'admiration que les ordonnances qui la punissent d'être deVéûUe criminelle. Jusqu'ici
on a beaucoup parlé du pauvre, mais on s'en est
Quelles ont été, au temps que nous quittons, les ressources des personnes nées dans les dernières classes de la société? Le placement en rentes, l'agiotage et l'usure; mais ces ressources ont été aussi celles de l'homme riche, et encore avide de l'or. Ainsi, de toutes parts, de fausses spéculations, formées par la cupidité, ont entraîné des pertes immenses ; ainsi l'amour et l'habitude des richesses, en corroborant l'égoïsme, déjà si vigoureux dans les siècles de perversité, ont ruiné pour l'avenir des familles nombreuses, en accumulant sur une seule tète des possibilités de jouissances qui devaient s'éteindre avec elles.
Je ne vous représenterai pas, Messieurs, tous les affreux inconvénients qui ont déjà résulté de ce système destructeur : oubli des vertus, des principes, de la pudeur, dé la probité, de Fhon-neur, uë tout Ce qui est rèspeciable, de tout ce qui est sacré, de tout ce qui contribue à l'ordre et à l'avantage de la société. Vous en avez été les témoins et vous en avez gémi cent fois.
Le projet que je soumets à vos lumières, loin d'avoir pour but de priver le citoyen peu fortuné des secours que les rentes viagères semblent lui promettre pour l'âge de la caducité, a, àu contraire, pour but principal, de les lui assurer d'une manière non douteuse, et de les étendre sur ses enfants, sur sa femme, sur tout ce qui peut lui être cher.
Mon projet doit donner à la bienfaisance une extension qu'elle n'a jamais eue, ouvrir des facilités à toutes les personnes qui ne manquent d'être généreuses que parce qu il leur est difficile de l'être. Par lui, l'artiste, l'artisan, le journalier même, pourront, avec une légère économie, se procurer dés moyens d'existence dans les temps où les travaux sont rares et même s'assurer un,e espèce d'aisance pour les jours de la vieillesse. J'ipsiste principalement sur cette dernière clause. Accoutumée a vivre et à se contenter de peu, elle n'éprouve point, à mesure que l'âge augmente, des besoins aussi impérieux que ceux qui tourmentent l'homme opulent, ou l'homme simplement aisé, mais familiarisé avec la recherche habituelle des consolations délicates ; il ne faut pourtant pas non plus que, dans cette classe, la pauvreté pénurieuse se trouve à côté de la décrépitude. Il y a une indifférence coupable à considérer passivement le peuple dans cette triste position : il y aurait de la barbarie à vouloir l'y laisser.
G'est par une suite de ces réflexions, ainsi que des mouvements dont elles ont agité mon âme, que j'ai imaginé le plan d'une caisse patriotique et militaire ; je vais vous expliquer comment il est conçu, vous en serez les juges. Je me permettrai seulement d'observer, d'abord, qUe s'il ressemble par le mot à la routine depuis longtemps suivie pour les emprunts et placements en rentes viagères,il ne lui ressemble pourtant en rien, parce qu'il s'en écarte absolument par le fond et par les conséquences.
La caisse patriotique recevra chaque année jusqu'à la concurrence de 10 millions; dans les proportions qui seront fixées, on pourra placer depuis la naissance jusqu'à l'âge de quarante-six ans. On sera quinze ans sans recevoir d'intérêts,;
mais à la fin de la quinzième année, on jouira d'une rente viagère de 50 0/0 de la mise. - Les fonds placés dans la caisse patriotique seront prêtés, sous cautionnements de tous genres, à raison de 6 0/0, sans aucuns frais ultérieurs. Les conditions de ce prêt et la possibilité de l'exécution seront détaillées et prouvées dans la suite du projet.
Les détails, Messieurs, seraient trop longs pour être lus et discutés dans l'Assemblée; je vous prie done de vouloir bien ordonner à votre comité des finances d'entrer avec moi dans la discussion ; mais avant que le rapport vous en soit fait, ne pensez-vous pas qu'il faut que l'opinion publique soit consultée?
Après vous avoir présenté, Messieurs, les moyens de procurer à vos concitoyens les facilités de faire à eux ou à leurs enfants un sort du plus au moins heureux, en raison de leurs facultés proportionnelles, je croirais n'avoir point rempli le but que je me suis proposé, si je ne vous offrais pas la possibilité de fournir, à peu de frais, une subsistance honnête à cette classe de citoyens, qui, après avoir sacrifié leur jeunesse et leur sang au service de la patrie, n'en recueillent ordinairement, au jour de leur retraite, que le stérile honneur de s'être immolés pour elle, qui ne conservent d'autre espoir que celui de végéter dans un hôpital ou de reporter dans leurs familles un revenu modique et difficile, lequel peut à peine les mettre au-dessus du besoin.
Je ne prétends pas détruire l'établissement des Invalides ; mais je pense qu'il faut, pour ajouter à son utilité, qu'il y ait dans chaque département un hospice militaire, où les soldats de la province, qui voudront s'y retirer, apportent la pension qu'ils auront méritée.
Ges maisons pourront encore servir de maisons d'éducation pour la jeunesse qui se destine au métier des armes, et surtout aux soldats nationaux.
Je crois, pouvoir prouver, Messieurs, que moyennant 36 livres par homme de recrue, et même somme à chaque réengagement, on pourra, à la vingt-quatrième année de service, à dater du jour de l'établisement de la caisse patriotique et militaire, donner à ceux qui auront dix ans de sergent, 200 livres d'argent comptant et 400 livres ae rente viagère; et à ceux qui ne seront point parvenus à ce grade, la même somme de 200 livres d'argent comptant, et seulement 300 livres de rente viagère.
Je proposerai encore à votre comité de procurer aux officiers de l'armée, au bout de trente-deux ans de services, une somme d'argent comptant, une rente viagère proportionnelle à leur grade, et ce, par un léger sacrifice sur les fonds des départements, et par la retenue annuelle d'un mois des appointements de chaque grade, depuis celui de sous-lieutenant jusqu'à celui de lieutenant-colonel. Ge sera, sans doute, un moyen d'alléger les frais du département de la guerre. Je t pense encore qu'il faut qu'il y ait toujours un fonds destiné à faire un sort a ceux que leurs blessures empêcheront de remplir le temps nécessaire pour jouir des avantages que je propose.
Je crois, de plus, que ceux qui serviront plus de trente-deux années, terme que je fixe pour la retraite, doivent obtenir un traitement sur la guerre.
Ne m'ordonnerez-vous pas, Messieurs, de discuter cette partie du projet avec le comité militaire, et d'en conférer avec le ministre de la guerre?
Avant de soumettre ce plan à vos lumières, Messieurs, j'ai consulté les gens les plus habiles en calculs; j'ai sondé l'opinion des militaires mêmes ; et ce n'est qu'après avoir obtenu leurs suffrages, que j'ai acquis assez de confiance pour l'offrir moi-même à vos observations, comme à l'examen scrupuleux de cette raison profonde dont vous donnez tous les jours à la patrie des preuves qui vous assurent à jamais son amour et sa reconnaissance.
Si je me suis trompé, je n'aurai que le chagrin de n avoir point été utile à mes concitoyens ; mais je n'aurai pas à me reprocher de n'avoir point voulu l'être, et j'espère qu'ils voudront bien rue savoir gré de leur avoir apporté des témoignages de mon patriotisme.
J'ai vu dans ce projet le bien de l'humanité; j'ai cru y apercevoir un but moral : |j'ai satisfait mon cœur. Il ne me reste rien a désirer sinon que, dans le cas où mon projet paraît insuffisant ou difficile à exécuter, il se trouve parmi vous, Messieurs (et cette découverte ne sera sûrement pas tardive), des hommes plus éclairés que moi, qui ajoutent âmes idées, qui les perfectionnent et qui m'aident ainsi à consommer le bien j'ai voulu faire.
L'Assemblée ordonne l'impression du projet de M. le marquis d'Usson et le renvoi au comité des finances et au comité militaire.
lève la séance.
PRÉSIDENCE DE M. DE TÀLLEYRAND, ÉVÊQUE D'ÀUTCN.
Séance du
Le procès-verbal de la séance d'hier n'étant pas terminé, la lecture en est renvoyée à demain.
, rapporteur du comité de constitution, propose un projet de décret sur la division du département du Béarn.
l'aîné. Je demande que la première assemblée du département du Béarn se tienne dans un chef-lieu ae district, et je propose la ville de Saint-Palais.
La ville de Navarreins est bien plus convenable que celle de Saint-Palais; elle est plus centrale et ce motif seul doit la faire préférer.
déclare que cette raison a déterminé l'avis du comité de constitution.
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que la première assemblée des électeurs du département de Béarn se tiendra dans ia ville de Navarreins, et qu'ils délibéreront sur le choix de la ville dans laquelle se tiendra la première assemblée de ce département, et s'il y a lieu à l'alternement. »
donne lecture d'une
La lecture du rapport de M. de Cernon est fréquemment interrompue par les réclamations de divers députés.
, député d'Alsace, fait décréter que les habitants du comté de Mont-Joye seront libres de quitter 1e district de Beifort pour se réunir au district de Saint-Hippolyte.
, après avoir terminé la lecture de son rapport, propose de décréter que la division des départements en districts n'est que réglementaire et pourra être changée dans les législatures suivantes.
Les décrets doivent être définitifs; l'Assemblée a décidé hier celte question ; il faut se conformer à cette décision.
(de Nemours), La division des départements est constitutionnelle; celle des districts et la détermination des limites sont réglementaires.
Gomme M. le rapporteur pourrait oublier les observations qui ont été faites, je demande que tous les décrets sur la division soient réunis sous leurs dates, pour que ce recueil, substitué au décret général, soit présenté à l'acceptation du Roi.
Ces décrets, ainsi présentés, seraient incompréhensibles pour la plupart des provinces.
Cette forme est absolument contraire à l'usage de cette Assemblée; ce n'est pas ainsi que les articles de la déclaration des droits et les articles constitutionnels ont été rassemblés.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu, à délibérer sur l'amendement de M. Bouche.
Je demande un jour pour présenter une motion que je crois aussi pressante qu'importante.
On demande à ne pas s'écarter de l'ordre du jour.
Ma motion a pour objet de fixer l'époque à laquelle les membres de cette Assemblée seront renouvelés et une nouvelle législature convoquée. t>
La partie placée à la droite du Président applaudit vivement.
Les peuples doivent choisir pour une nouvelle législature les vrais amis de la Constitution; ils he peuvent les connaître que quand la constitution sera finie : il faut donc la terminer, il faut donc ajourner la motion de M. Cazalès après ia constitution.
Je demande l'ajournement à jour fixe.
Quelque naturel qu'il edlt, en général, d'accorder à tout membre rajournément d'uhe motion qu'il désire soumettre & l'Assemblée, je crois que ce n'est plus lè Cas, lorsque, par la nature de la chose même, la question eàt résolue.....
Comment pouvez-vous parle* ainsi d'une motion que vous ne connaissez pas?
Cette motion est connue, puisque M. de Cazalês en a énoncé le fond. Je demande à faire une observation simple. Nous sommes liés parle serment mémorable.........{Lapartie droite interrompt et murmure.) Nous sommes liés par le serment mémorable et solennel de ne pas nous séparer que la constitution ne soit terminée. Il est impossible d'indiiquer le moment où elle sera faite; il est donc impossible, de décider cette question : quand finira-t-elle? Nous avons & le demander à ceux qui ne sont paâ du même avis que nous ; nous avons à leur demander, puisqu'ils désirent la fin de nos traVàdx, de ne pas en interrompre le courts, fet de nous faire perdre le moins de temps possible. Si la Juestjon de M. de Cazalês est aussi simple que acile â résoudre, je demande, non un ajournement, mais la décision soudaine qu'il n'y a lieu à délibérer : si, au contraire, je n'ai pas prévu comment M- de Cazalês prétend proposer la question pour la rendre soutenable, je demande qu'il soit Soudainement entendu.
Nous touchons à l'époque Vraiment décisive de la Révolution; les départements vont s'assembler., et la nation va juger la conduite de ses représentants, Nous ne pouvons nous dissimuler quemportés par l'amour de la liberté nous avons dépassé les pouvoirs qui nous ont. été confiés : le succès de nos opérations, le bonheur qui naîtra sans doute d'une constitution égale et libre sera notre excuse. 11 n'en est pas moins vrai que la constitution, pour être vraiment nationale, doit avoir la sanction de la nation, elle-même ; que la nation seule peut lui donner le grand caractère qui Sera safoïce; et placer au rang des délits nationaux les atteintes gui lui seraient portées. Des serments et des adhésions individuels ne peuvent équivaloir à cette sanction générale : il raut que la nation approuve par l'organe des députés nouveaux..Vii
On ne peut entendre plus longtemps des assertions aussi contraires aux principes, aussi dangereuses, aussi évidemment destinées à troubler les provinces 1
L'union intime de l'Assemblée avec les départements peut seule assurer le bonheur de l'Etat. Ce serait à tort qu'on voudrait chercher quelque accord dans une Assemblée composée de membres, mutuellement aigris.i... (On çrie à Fordre.) Je, demande comment il se fait qu'on repousse ainsi une motion qui, à Versailles, présentée par M. de Volney, a été reçue avec Un enthousiasme gériêral. Personne ne désire plus que moi l'accord des membres de cette Assemblée ; mais il n'est que trop vrai que cet accord est impossible entre des hommes choisis dans trois classés différentes et chargés de soutenir des intérêts opposés. Ces germes de division se sont développés depuis notre réunion dans cette enceinte : la division s'est accrue par la chaleur des discussions ; elle s'est fortifiée par l'a-
moUr-propre qu'on met toujours à soutenir des opinions combattues. C'est runion intime de l'Assemblée nationale avec les départements qui peut sauver la patrie, qui peut arrêter les calomnies qui sont répandues contre vous. (Par vous, par vous /entend-on dans différentes parties de la salle.) Quand on veut m'insuiter, qu'on parle seul et qu'on se montre.
Vous insultez tout le monde !
Il est important de consacrer le principe de la souveraineté de la nation, de demander l'adhésion générale â la constitution, et d'éloigner les soupçons dés provinces sur le séjour de l'Assemblée et du Roi dans Une capitale qui n'a pas les mêmëâ intérêts qu'elles.....
M. dè Cazalês est parjure à son serment.
Je ct*ols que les intentions du préopinant sont ptires ; mais il en est pas moins vrai que ses opinions tendent à allumer l'incendié dans tout le royaume. Je demande qu'il soit rappelé à l'ordre.
Cette demande est fortement appuyée.
reprend. Ma motion est dictée par le patriotisme le plus pur: je savais cependant qu'elle serait désapprouvée.
Je conclus, et je propose un décret en ces termes :
« 1° Dès que les départements seront assemblés, ils éliront de nouveaux députés à l'Assemblée nationale ;
« 2° Aucun des membres de la législature actuelle ne pourra être élu pour celle qui la remplacera;
« 3° Le Roi sera supplié de convoquer la nouvelle Assemblée nationale dans une ville distante de Paris, au moins de trente lieues. »
(Cette motion excite d la fois de grands applaudissements et de violents murmures.)
M. Lucas, député de Moulins. Messieurs, je laisse aux orateurs qui parleront après moi le soin de relever les erreurs de M. de Cazalês ; je monte à cette tribune pour remplir un devoir personnel. Je n'étais point à l'Assemblée le 20 juin, lorsqu'on a prêté le serment de ne pas' se séparer que la constitution ne soit terminée. Je le prête.
La majeure partie de la salle, les tribunes et les galeries applaudissent avec transport.
Je demande que tous ceux qui n'ont pas prêté le même serment le prêtent sur-le-champ.
, chartreux. La motion de M. de Cazalês me paraît si propre à détruire l'harmonie qui commence à régner dans les provinces que, désespéré de ne m être pas trouvé à l'Assemblée le 20 juin, jour auquel vous avez prêté le serment de ne vous séparer qu'après avoir terminé la constitution, je viens jurer de ne me séparer de vous qu'après la confection de cet important ouvrage : je le jure.
Le serment de Dom Gerie est vivement applaudi, et les escaliers de la tribune sont assiégés d'un nombre infini de membres qui, à l'exemple de ce religieux, renouvellent le même serment.
paraît à la tribune et insiste
vivement pour être entendu; (Voy. son discours annexé à la séance de ce jour).
Je ne puis vous donner la parole; elle a été demandée avant vous par M. Chassebœuf de Volney.
M. de Cazalès s'étant servi dé mon nom pour appuyer sa motion, je crois devoir éclairer l'Assemblée sur la différence qui existe entre sa motion et la mienne. J'observerai d'abord que lés circonstances et les temps étaient bien différents ; et c'est ,en dire assez pour établir un caractère de disparité entré les deux motions.
Vous vous rappellerez, Messieurs, que le joui* même où je présentai ma motion, il en avait été présenté une autre dont j'approuvais les principes et qui fut obstinément rejetée. Le lendemain, M. le duc de La Rochefoucauld la présenta : elle fut adoptée. Lors donc que je proposai de convo-3uer une seconde législature, mon dessein était e terminer des débats qui prenaient une tournure fâcheuse, Je n'ai pas perdu la propriété de ma motion, et je l'ai réservée comme un remède nécessaire dans le cas où de funestes influences auraient repris Uh nouvel ascendant. Cette circonstance ne s'est pas. présentée ; nos opérations ont eu le succès que obus devions en attendre, et je me suis condamné moi-même sur cet objet à un silence dont je m'applaudis encore aujourd'hui. Ces réflexions me déterminent à demander la question préalable sur la motion de M. dé Cazalès.
Mes idées ne sont pas les mêmes que celles de M. dé Cazalès ; mais vous allez voir que par amendement elles y rentreront beaucoup. (La plus grande partie de l'Assemblée demande à grands cris de passer à Vordre du jour.) Lorsque nous avons été nommés, nous avons tous, dans ma province, été chargés de pouvoirslimitatifs {Nouveaux cris) quant à la durée... (Encore des réclamations-) On 1 c'est incroyable..... Je dis, Messieurs qu'il faut absolument que l'Assemblée décide quel èSt le corps qui nous remplacera. (On demande encore àvec plus d'empressement l'ordre du jour.) On doit entendre un orateur. (Quelques personnes disent : Cela est vrai! et cependant s'obstinent à ne pas vouloir entendre davantage M. de Montlosier.)
Y a-t-il lieu à délibérer sur la motion de M. de Cazalès?
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
L'Assemblée passe à son ordre du jour, oui appelle un rapport du comité ecclésiastique relatif à l'ordre du travail à adopter par l'Assemblée et au traitement à accorder aux religieux et aux religieuses.
M. Treilhard a la parole.
Messieurs, en vous parlant du traitement à faire aux religieux qui voudront sortir de leurs maisons, votre comité a différé de vous indiquer celui qu'il paraissait convenable d'assurer aux religieuses, parce qu'il a cru que votre travail était plus instant sur le premier objet que sur le dernier. Votre opération sur les religieux sera d'ailleurs plus facile, parce que les cloîtres destinés aux femmes renferment un plus grand nombre d'individus que ceux desti-
nés aux hommes, parce que surtout les maisons religieuses des hommes sont beaucoup plus riches que celles des femmes.
J'ai dit qu'il serait plus facile qu'on ne semble s'imaginer de statuer sur le traitement à faire aux religieux; et voici ma preuve : Il y a eu France environ dix-sept mille religieux, ou tout au plus dix-huit tnille; si vous donnez à chacun 800 livres, vous établissez uhe dépense annuelle de 16,000,000, et certainement vous trouverez aisément cette sooime dans la vente que vous ferez des maisons dé Saint-Bruno, de Saint-Bernard, de Saint-Vànnes, de l'ancien ordre de Cluny, etc. Je suppose môme que le produit de ces ventes ne fût pas suffisant, vous appelleriez à votre secours des maisons de l'ordre de Saint-Benoît, qui sont en grand nombre dans les Pays-Bas ; vous auriez alors beaucoup plus qu'il ne vous faut; et, ©ussiez-vous besoin au tout, il résulterait encore de ce calcul que la nation profiterait des propriétés de toutes les autres maisons monastiques répandues dans le sein de la France.
Mais quel sort ferez-rvous aux religieux? Avant de-délibérer sur cette question, je crois important de décider deux autres questions préalables :
1° Dans votre décret sur le traitement à faire aux religieux, ferez-vous une distinction entre ceux qui ont été reçus dans des maisons rentées, et ceux dont les maisons ne le Sont pas?
2° Ferez-vous encore une distinction entre les religieux qUi, dans leur ordre, auront été élevés à des grades supérieurs, et les simples moines ?
Après avoir prononcé sur des deux accessoires, la question première se présentera toute seule à votre décision.
Je propose donc de dédréter d'ahord, que vous vous occuperez du sort des religieux avant celui dès religieuses, je présente ensuite les deux questions que je viens d'énoncer.
Je dirai sur les deux questions, qu'il est certain que tous les religieux appartiennent à la nation, qu'ils ont tous les mêmes droits à la justice de la nation. J'ajouterai que les religieux font presque tous partie d'une classe de citoyens qu'il est important d'attacher à la constitution par des bienfaits.
Dans mon opinion particulière, j'avais cru d'abord, contre l'avis d'urte partie des membres du comité, qné les distinctions dans le sort des moines étaient indispensables. De sévères réflexions ont pu affaiblir cet avis; quel qu'il soit aujourd'hui, je le subordonne au décret que vous prononcerez.
Je ne dois pas oublier d'appuyer uhe distinction que vous approuverez tous sans doute ; elle doit exister dans la différence d'âge; en effet, les religieux infirmes et affaiblis par l'âge, sollicitent votre bienfaisance plus encore que ceux qui se portent bien.
Je propose à présent un ordre de travail conforme aux principes que je Viens de développer.
M. Treilhard fait la lecture d'un projet dè décret rédigé dans ces vues.
Je demande que les jésuites soient compris dans la fixation du traitement à faire aux religieux qui voudront sortir de leurs maisons régulières. Les jésuites n'ont obtenu du gouvernement que 400 livres de pension.
consulte l'Assemblée sur le projet de décret proposé par le comité ecclésiastique. 11 est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète : 1° qu'elle s'occupera d'abord du sort des religieux qui sortiront de leurs maisons ; 2° qu'elle examinera, avant tout, s'il faut admettre à cet égard une différence entre les ordres rentés et les ordres non rentés ; 3° qu'elle examinera ensuite si, parmi les individus du même ordre, il sera fait quelque différence relativement à leur âge, à leurs litres et qualités dans leur ordre, ou dans leurs maisons. >
lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour neuf neures du matin.
de VAssemblée nationale du
Nota. Nous insérons ici plusieurs pièces qui ont été imprimées et distribuées à tous les membres de l'Assemblée nationale et qui font partie des documents parlementaires de l'année 1790.
PREMIÈRE ANNEXE.
Projet de décret sur la question militaire (1), précédé d'un discours, par M. le baron Félix de Wimpfen, député de Caen (2).
Messieurs, je ne monte pas à la tribune pour réfuter, une à une, des propositions qui me semblent de véritables hérésies militaires; je vais les combattre en masse, parce que cela sera plus court, et parce qu'il en est même plusieurs qu'il serait dangereux d'v discuter; car, ce que quel-
qu'un a dit du peuple, peut, en changeant un seul mot, tout aussi bien s'appliquer à l'armée, qu'il est plus aisé d'égarer que d'organiser: et ce n'est pas d'une organisation d'armée que vous avez chargé votre comité militaire, c'est de vous présenter des bases d'après lesquelles le pouvoir exécutif devra organiser l'armée comme il le jugera bon.
Voilà, Messieurs, la mission que vous avez donnée, la seule mission que vous avez pu donner à votre comité militaire, parce que l'organisation d'une armée devant être la savante combinaison d'un génie militaire, elle appartient à un seul, à celui entre les mains duquel la nation dépose la force défensive de l'Etat contre les ennemis de l'Etat.
Les bases qu'il vous convient de déterminer sont connues; elles sont simples, elles sont constitutionnelles, elles sont à la portée de tous les esprits; il n'est pas nécessaire d'être militaire pour les juger avec connaissance de cause.
Les meilleures qui vous ont été proposées sont deMM. de Lameth et de Noailles, quoique je n'adopte pas tous les articles proposés par M. de Noailles, et que j'eusse désiré qu'il n'eût pas ajouté un mode au fond de quelques autres; mais au moyen d'une légère réforme que je me permettrai de faire à son décret, et en dégageant certains de ses principes des parties hétérogènes qui les défigurent, je n'en serai peut-être que plus d'accord avec ce qu'il vous eût offert s'il n'avait pas eu des coopérateurs.
J'ai dit que la détermination des bases appartenait au pouvoir législatif, et l'organisation au pouvoir exécutif; et j'ajoute que passer cette iigne de démarcation qui sépare les pouvoirs serait blesser les principes que vous avez établis, renverser l'ordre des choses que vous vous efforcez de fixer, et vous engager dans un labyrinthe de détails d'où il ne sortirait qu'une monstrueuse production qui ferait le désespoir de cette armée dont vous désirez tant faire le bonheur.
S'il est vrai, comme l'a dit Montesquieu, que les plus grandes têtes se rétrécissent en se rassemblant, c'est surtout dans la discussion d'un sujet inépuisable en détails. S'il est vrai que les septavortons de constitution militaire, qui, depuis la paix de 1763, ont convulsionné l'armée jusqu'à l'épuisement, et qui toutes ont été l'ouvrage de plusieurs, viennent encore à l'appui de la sentence de Montesquieu, il est facile de préjuger quel ouvrage émanerait d'une assemblée aussi nombreuse que la nôtre, et dont les huit-dixièmes des membres qui la composent n'ont pas la connaissance des premiers éléments de l'organisation d'une armée, d'une organisation où il n'est pas un seul objet de détail d une seule arme, qui n ait sa ressemblance et sa dissemblance avec l'objet de détail correspondant d'une autre arme; des rapports immédiats ou médiats avec des objets de la plus haute importance, et dont l'œil de la pratique seul voit l'enchaînement.
Oui, quand je songe que, pour vous empêcher de défendre votre dignité de législateurs, pour entrer dans la carrière subalterne, où l'on essaie
de vous entraîner, il ne faudrait que vous faire envisager l'immensité de ces détails, leur masse énorme, se présentant confusément à mon esprit, semble paralyser ma langue, parce que je sens que la patience la plus robuste ae cette Assemblée ne pourrait seulement en soutenir la fastidieuse nomenclature sans éprouver les angoisses du plus mortel ennui.
Que serait-ce donc des interminables débats auxquels donneraient lieu les divisions et subdivisions dont chacun de ces détails est susceptible, et auxquelles, certes, aucun n'échapperait ici ? et le tardif résultat de tant de tourments serait, d'un côté, la perte du temps et le retard d'une multitude d'autres affaires; de l'autre côté,le mécontentement de l'armée. Et c'est ainsi qu'on vous conduirait à l'époque des plus funestes espérances, si toutefois il y en a encore.
Il n'en est pas, Messieurs, de l'organisation d'une armée, comme de l'organisation des assemblées que vous avez décrétées, et des tribunaux que vous allez décréter : comment peut-on les confondre ? ici tout est simple, là tout est compliqué à l'infini. Les assemblées et les tribunaux sont des puissances morales; tandis qu'une armée est une puissance physique, une espèce de mécanisme dont les ressorts ne peuvent (parce qu'ils ne le doivent)» agir qu'au gré des lois, et par la main de celui auquel la nation en a confié le dépôt.
Or, pour combiner un mécanisme où aucune partie ne jure avec l'autre, où, au contraire, toutes les parties se correspondent, tendent toutes à la même tin, et harmonisent en accord parfait,; il faut une seule conception qui peut bien s'entourer de conseils, recueillir des lumières, écouter, peser des observations, mais elle seule doit choisir, placer, organiser.
Ne doutons point, Messieurs, que ce ne soit la quantité d'ouvriers employés jusqu'à présent qui est la vraie cause des différentes défectuosités des diverses organisations qu'a subies notre malheureuse armée- Que pouvait-il résulter de l'entreprise d'une machine où chacun était jaloux de mettre la main, de placer sa pièce, de faire saillir sa petite idée, et où il fallait que chacun admît celle de son voisin pour faire recevoir la sienne?
On vous a proposé, Messieurs, dès décrets qui auraient consacré la plus vicieuse organisation si vous les eussiez acceptés; au lieu que vous bornant de décréter le nombre d'hommes dont devra être composée l'armée, vous n'avez pas à craindre qu'un ministre substitue des colonels à des soldats, puisque, pour faire un colonel de plus qu'il ne serait nécessaire, il faudrait qu'il réformât une grande quantité de soldats afin de se retrouver dans la finance, et qu'il nq pourrait pas répéter souvent ce petit jeu sans compromettre sa responsabilité.
Je sais par exemple que le projet du ministre, qui, pour le dire en passant, me paraît à moi un chef-d'œuvre, , est de conserver le plus de soldats et le moins de colonels possible, et qu'il déroge en cela et en bien autres choses, à l'ancienne politique ministérielle, qui consistait à se ménager beaucoup de régiments à donner. Si donc vous aviez accepté certains décrets qui vous ont été proposés, vous anéantissiez cet excellent projet.
Mais comme si un plan pour être bon devait s'assortir aux combinaisons personnelles dont nous avons tant souffert, le reproche principal que l'on fait au plan de M. de la Tour du Pin,
part positivement du principe qui me le rend plus estimable ; je veux dire en ce qu'il porte les régiments d'infanterie à trois bataillons et les régiments de cavalerie à cinq escadrons.
Je n'entrerai ici dans quelques détails que pour défendre un plan attaqué que je trouve pariait, et que je désirerais sauver de la mutilation que pourrait lui faire éprouver l'intérêt particulier, au grand préjudice de l'intérêt général.
J'ai dit que le projet de M. de la Tour du Pin était de porter l'infanterie à trois bataillons et la cavalerie, à cinq escadrons ; et je vous observerai, à ce sujet, que tout ce qu'on peut alléguer en faveur de l'organisation en trois pour l'infanterie est applicable à l'organisation en cinq pour la cavalerie, vu que le cinquième escadron serait, pour la cavalerie, ce que le troisième bataillon serait pour l'infanterie, l'agent réparateur, l'école, le dépôt, le magasin, l'ouvrier, ta ressource inépuisable des deux bataillons et des quatre escadrons en activité.
Les jeunes recrues élevées, dressées, exercées par les vétérans placés à ce troisième bataillon ; tous les ouvriers du régiment attachés à ce troisième bataillon; ce troisième bataillon chargé du recrutement, des magasins, de la confection des effets de grande et petite montures, de la garde des femmes et des enfants, de l'hôpital régimen-taire, des convalescents, lorsque les deux bataillons iront à la guerre, à une expédition, à un campement : tous ces avantages sont une décharge d'embarras, de soins et de soucis qui ne peuvent être méconnus que par ceux qui n'ont jamais éprouvé combien l'application à ces détails nuit à l'esprit qu'on doit porter à la guerre.
Au moyen de ce troisième bataillon et de ce * ; cinquième.escadron, les régimentst oujours complétés en officiers et en soldats,' en cavaliers et en chevaux tout dressés ne seront plus exposés à se voir renvoyés sur les derrières pour se refaire, et nos armées resteront complètes ; les régiments pourront tenir la campagne tant qu'il se trouvera des hommes dans le royaume.
Je conviens, que si l'état de nos finances le permettait, il serait infiniment préférable de donner à chaque régiment un troisième bataillon de nouvelle levée ; mais cela n'étant point, il faut transiger avec la réforme et l'incorporation.
Porter la réforme sur les soldats afin de conserver le même nombre de régiments >que nous avons actuellement, serait faire deux maux à la fois ; le premier négatif, le second positif. Ce serait d'une part, manquer l'occasion d'organiser l'armée en trois et en cinq* sans frais quelconque ; de l'autre part ce serait réduire les régiments à une telle faiblesse qu'ils ne pourraient jamais manœuvrer en deux et en quatre, et par conséquent ce serait leur faire perdre toute instruction de ligne,! toute idép de tactique de guerre.
Quant au mécontentement qu'on présume que l'incorporation répandrait dans l'armée, les murmures . qu'elle1 y. exciterait, abstraction faite du sentiment pénible et honorable qu'éprouvent des amis en se séparant, ce n'est pas la première fois qu'on se trompe sur l'esprit qui anime l'armée. J'ai quelquefois^ eu l'honneur de servir avec.des Français, même d'en commander, et j'ai remarqué que, prompts à saisir l'intention et le but, ils se soumettaient gaiement à l'impérieuse loi de ia nécessité, et allaient au-delà du bien de la chose publique; j'en conclus que la prétendue difficulté de conduire les officiers et soldats français ne provenait que de l'ignorance et de l'égoïsme des novateurs e
de leurs adeptes ; et surtout de l'absurdité de ces systèmes où l'orgueil d'un chef personnel sapait les heureux préjugés qui donnent de l'énergie à la nation, et où il était du principe de punir comme indiscipline la réaction de l'estime que l'homme d'honneur se doit à lui-même.
En effet, Messieurs, d'où partiraient et ce mécontentement et ces murmures? L'opération projetée est bonne ; et l'armée ignore-t-elle que, si depuis des'siècles le pouvoir arbitraire n'opérait que d'après des considérations individuelles, et que si les débauches multipliées de ce pouvoir ont ruiné le corps social, les représentants de la nation, chargés ae régénérer ce corps délabré, ne doivent et ne peuvent envisager que l'ensemble sans autre considération que 1 intérêt commun ? D'ailleurs que perdront les officiers particuliers et les soldats ? rien ; loin de perdre, tous y gagneront : augmentation d'appointements et de" solde pour tous les grades, et un officier supérieur de plus tiré de leur sein, le commandant du troisième bataillon* Si l'un perd un raDg, un autre le gagne ; point de perdant qu'il ne se trouve un gagnant a côté de lui ; et le troisième bataillon donnant une chance d'avancement de plus, tout rëste de pair.
Il ne pourrait se trouver de mécontentement, fondé en motifs pertoonels, que parmi MM. les colonels qui péroraient le commandement de leurs régiments incorporés et parmi les aspirants; colonels : mais que faire si le plus grand bien le veut ainsi ? les plaindre et ajouter qu'il est fâcheux de voir leur zèle et leur talent ajournés à une époque indéfinie.
Maintenant, Messieurs, que je-touche à, une question des plus arides de sa nature, et qui veut être préparée pour être bien entendue, j'implore toute votre indulgence pour une digression nécessaire à l'exposé de mon- sujet et qui ne sera pas tout à fait indigne de l'attention d'une assemblée de législateurs, pour lesquels la con^ naissance de l'esprit des différents gouvernements doit être l'étude chérie.
Si lés passions, comme d'habiles, sophistes, ne mettaient pas trop souvent notre raison dans leurs intérêts, je pourrais mè dispenser de remopter à l'origine des préventions qu on a conçues, et que des échos peuvent vous avoir rapportées, contre les régiments allemands dont je vais parler. Mais ces régiments, trop Iodés dans un temps, trop calomniés dans un autre, étant dévenus une pierre d'achoppement pour une espèce de militaires, vulgairement désignés par l'épitbéte de Faiseurs, je vais prouver que les Français sè trompent lorsqu'ils pensent et prétendent que c'est l'exemple des régiments allemands qui a corrompu la discipline nationale.
Voici comment ce changement s'est opéré.
Tout le monde sait avec quelle gloire le feu roi de Prusse a soutenu une guerre de sept ans contre la France et l'Autriche réunies. Tout le monde sait aussi que le Français est si avide de gloire que, faute du corps, il embrasse l'ombre.
A la paix de 1763, il ne fut donc question que des armées prussiennes ; l'on exaltait leur discipline, leurs manœuvres, leur tenue et ce fut alors que naquit cette espèce dé militaires connus sons le nom d & Faiseurs.
Ces Faiseurs, jaloux de porter leurs régiments au niveau des régiments prussiens, crurent qu'il leur suffirait d'avoir obtenu Un regard de Frédé-ric-le-Grand, pour être aimantés de son génie, et pour revenir en France avec des miracles de talents et des prodiges de découvertes.
Ils firent donc successivement lé pèlerinage de Berliny d'où ils rapportèrent entré'autres choses ce fameux habit prussien qui devint là robe de ! Nessus pour nos malheureux soldats.
Ces Faiseurs (1), les moins philosophes des i hommes', Voyànt établie dans toute l'Allemagne une subordination si bien graduée, qu'on serait i tenté de croire qu'elle est l'ouvrage dé l'éternel géomètre; en oé qu'elle s'étend jusque sur !les femmes, si insubordonnées chez notis ; cés têtes fumeuses, dis^je, ne se sont pas dôùtées que cette i subordination provenait d'un système de gouvernement ) entièrement militaire, où Thomme qui . fournit des chevaux à votré voitUfe à commandé un escadron ; où le conseiller a lé grade de lléu-tenant-colonel, le chambellan celui de général-major ; où presque tous les emplois dans le civil et dans l'administration deviennent là récompense des guerriers, et où les principes de 1 e-ducation domestique sont 1eB mêmes que ceux qu'on professe dans les armées.
Incapables de pénétrer jusqu'à là source de cette subordination, d'en découvrir lçs causes cachées dans cette habitude d'actions qu'on appelle mœurs, et cette disposition d'eisprit' qu'on nomme caractère,!ils s'en sont tenus à tout ce qui ne péut'échapper aux oreilles et aux yeux, à moins d'être sourd et aveugle.
Or la rudesse dé la langue allemande donnant de la raideur aux organes de la parole et partant de l'impératif au ton;'surtout en y ajoutant'lès pompeux jurements qui n'offensent persOhne, parce qu'ils sont aussi uBés qu*USitéS, dès que l'autorité se rendait un peu sensible, le Faisêur voyaitf la menace du despote dans ce qui équivaut à peine l'interpellation chez nous ; et dans l'exactitude du subalterne, il voyait la prompte obéissance de l'esclave effrayé.
Cependant, comme il est nécessaire que l'autorité parle suivant les circonstances, et à toutes les classes, et à'chacune dans les nuance» convenables, que fait-elle, cëtte autorité, lorsqu'elle s'est épuisée en gros mots avec les premières classes ? où trouve-t-elle des termes pour les dernières? Elle n'est pas, embarrassée j Messieurs, elle a des fers pour l'dfficier, dés coups de plat de sabre pour le cadet gentilhomme, et le bâton est l'idiome qu'elle parle au peuple.
Le Faiseur, qui a vu tout cela, est Vehu nous dire qu'on ne peut conduire les hommes que paï la force, et aurait bien voulu nous persuader que le bâton dans la main du caporal allemand devait devenir le' législateur de la France, sous peine de n'avoir jamais d'armée* fondant Sa belle doctrine sur ce que le cœur humain est partout le même. •
Sans doute que le cœur humain est partout le même ; partout il est mû ét déterminé par la crainte et l'espérance, enfants de la dôuleUr et du plaisir; sentiments qui sont à l'homme ce que les éléments sont à la nature, ils composent tout son être; mais ce cœur peut se modifier à l'infini par le gouvernement et l'éducation. Que faut-il faire craindre? que faut-il faire'espérer? Ah 1 voilà un sujet bien trop vaste pour l'esprit d'un faiseur ; et ce que le génie a;créé avec modestie, un faiseur l'imité avec présomption.
De là ces imitations anti-natiodàles, ces dégra-
dantes vexations dont vous avez été les témoins et qui ont répandu je ne sais quoi d'odieux sur les pauvres régiments allemands, par la seule similitude de leur nom et d'un peu de ce régime, avec celui du pays où les Faiseurs avaient été puiser leurs barbares principes-
Mais avant de prononcer l'arrêt de mort de ces régiments, n'eût-il point fallu préalablement prouver que la France ne doit point avoir de régiments allemands ?
Vous sentez bien, Messieurs, que la solution et le développement de ce problème politique exigeraient un temps et une patience que je me garderai de vous demander, parce que ce n'est pas à des hommes exercés à saisir d'un coup .d'oeil les rapports et les conséquences des principes les plus féconds qu'on doit se croire obligés de tout aire.
Sachant donc à qui je parle, je supprimerai les idées intermédiaires, et ne m'assujettirai point à une méthode fatigante.
Je vous dirai, Messieurs, que plusieurs des régiments allemands sont arrivés en France avec des hommes qui ont illustré vos armes, tels que les maréchaux de Rosen, de Saxe, de Lowendal, baron de Glosen, etc. ;
Qu'à la mort de ces héros, de petits ministres, croyant qu'il était d'une profonde politique de s'attacher, quelques petits princes d'Allemagne, se sont servi de ces régiments comme d'amorces pour ces grandes alliances.
Mais je suis de trop bonne foi pour ne pas convenir que ce n'est plus dans cette politique qu'on doit chercher des soutiens aux régiments allemands ; que je vois approcher le jour où la France, sans ambassadeurs au dehors, se déclarera l'alliée de tous les peuples qui voudront de la liberté. C'est là le nouveau rôle qui lui convient; c'est oelui qu'elle jouera; et c'est dans cette haute destinée même que je trouve encore des motifs qui militent pour ia conservation des régiments allemands.
Voisine de 1a Hollande, de l'Allemagne, de la Savoie, de, l'Italie et de l'Espagne, la France ne peut se dispenser de s'assurer des coureurs et déserteurs qui lui arrivent de ces diverses contrées, et qui, faute de service,{ deviendraient des vagabonds dangereux ; et comme il n'est pas de la sagesse de les rècevoir dans les régiments nationaux, elle doit avoir un certain nombre de régiments étrangers où ils puissent être contenus par la discipline.
le vous observerai à ce sujet que la loi obligeait déjà les régiments allemands d'avoir un tiers de nationaux pour contenir les déserteurs ennemis; et que chaque déserteur ennemi enrôlé dans ces régiments étrangers vaut trois hommes à la France, uu homme en diminution chez l'ennemi, uq homme de plus chez vous, et un homme de moins que vous enlevez à votre agriculture ; total : trois hommes. Ce calcul qui a l'air magique est cependant des plus exacts.
Sous ces deux rapports, les régiments allemands qui, dans le nouveau système, ne formeront plus u'un corps de quatre à cinq mille hommes, et ont le cadre est combiné de façon à s'élargir à volonté, pour en renfermer autant que les occurrences nous conseilleront d'en recevoir : sous ces deux rapports, dis-je, les régiments allemands doivent être conservés et si nous les envisageons encore sous le rapport de l'utilité dont ils nous seront, par l'usage de la langue et leurs relations avec les pays où la plus belle des causes peut nous faire porter la guerre, je présume, Messieurs,
que la réunion de ces trois rapports leur rendra votre jugement favorable.
Viendrait-on nous dire que quatre à cinq mille hommes, commandés par des pfficàers qui seront dorénavant tous Français, pourraient attenter à la liberté do vingt-six millions d'hommes ? Cette assertion serait une véritable ipsulte ; car à qui essayerait^ on d'inspirer une crainte semblable, à des hommes qui ont promulgué les droits de l'homme au milieu de l'appareil du despotisme? et qui par là, je l'espère, ont affranchi tout le genre humain.
Jé conclus donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'organisation de l'armée, et vous propose le décret suivant :
L'Assemblée nationale décrète que c'est au pouvoir constituant seul qu'il appartient de statuer: 1° sur les règles qui doivent être établies relativement à l'emploi des forces militaires dans l'intérieur du royaume, et les rapports de l'armée» soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales;
2* Sur l'organisation des tribunaux et les formes des jugements militaires;
3° Sur le mode du recrutement de l'armée, et sur lesmoyens de l'augmenter en temps de guerre, dans le cas où le recrutement volontaire ne suffirait pas ;
4° Suri admission ou la non-admission d'étrangers au service de la nation;
5° Sur les qualités exigibles pour être admis au premier grade militaire, et sur l'ordre de l'avancement;
6° Que c'est au pouvoir législatif à déterminer le nombre d'hommes dont devra être composée l'armée, ainsi que la,somme qui devra être affectée à l'entretien de cette armée* Bt même la solde ou les appointements de chaque grade; si des circonstances faisaient penser à une législature qu'il est dë sa sagesse de prévenir ou de redresser des abus.
Après avoif distingué ce qui appartient au pouvoir constituant, de ce qui, étant susceptible ae Variations, appartient aussi au pou voir législatif,, et qui est compris dans l'article six, l'Assemblée nationale décrète : kJ° Que le roi des français est le chef suprême de l'armée ;
.2° Que le nombre des régiments étrangers actuellement au service de l'Etat ne pourra être augmenté que du consentement de la nation ;
3° Qu'excepté les régiments suisses, aucun étranger ne pourra, à l'avenir, devenir officier dans aucun des régiments de l'armée;
Que le pied de paix des troupes de ligne, réglées et soldées, de l'armée de terre, sera de cent trente-six à cent trente-sept mille hommes, non | compris les officiers;
5° Qu'il sera affecté à l'entretien de cette armée une somme de qùatre-viugt-quatre millions, afin j d'augmenter la paye du soldat de vingt-huit de-| niers au lieu de vipgt, comme l'avait proposé le comité militaire j et de porter les appointements des colonels à six mille livres au lieu de quatre mille, somme reconnue insuffisante pour le temps I de présence au corps, qui devra être exigé d'eux;
6° Que les sous-officiers (1) sont libres ; que pour obtenir leur congé absolu, il leur suffira dë prévenir trois mois d'avance que leur intention est de se retirer, et qu'au bout de ce terme, le congé
absolu leur doit être expédié, s'ils persistent dans leur demande ;
7° Qu'après vingt-cinq années de service, sans interruption, n'importe dans quel régiment ou dans quel grade, tout militaire français ou devenu Français et domicilié de fait dans un canton, y jouira de toute la plénitude des droits de citoyen actif, quand, même dépourvu de propriété, il ne serait sujet à aucune des contributions exigées pour être éligible à l'Assemblée nationale;
8° Que les absences pour raison de service ne pourront jamais préjudicier au droit de citoyen actif;
9® Que les places d'adjudants, de porte-drapeau, de sous-lieutenant et lieutenants de grenadiers, seront exclusivement données à ceux des sous-ofticiers qui auront manifesté le plus de zèle et de talents; et que leur rang, pour arriver à tous les grades, commencera à courir de la date de leur commission de sous-lieutenant, et celui pour la retraite etla décoration, du jour de leur entrée au service;
10* Que les autres emploisde sous-lieutenants ne pourront être donnés qu'à des citoyens ou fils de citoyens actifs, qui, dans une assemblée dont la forme sera déterminée, auront subi un examen sur les lois constitutionnelles du gouvernement français, sur les premiers éléments de la tactique, sur la fortification de campagne, sur la discipline et l'administration régimentaires, et que tous les citoyens et fils de citoyens actifs, soldats et autres, qui n'auront pas vingt-cinq ans passés, pourront se présenter au concours, où le plus digne obtiendra le prix;
11° Que nul ne pourra être admis au grade d'officier qu'il n'ait dix-huit-ans révolus ;
12° Que nul officier ne pourra être avancé au grade de capitaine qu'à son tour d'ancienneté, après avoir percé la colonne des sous-lieutenants et celle des lieutenants;
13* Que les deux tiers des emplois d'officiers supérieurs des régiments, ainsi que les deux tiers des grades d'officiers généraux, jusqu'à celui de maréchal-de-camp inclusivement, seront dorénavant donnés à la pure ancienneté; l'autre tiers laissé à la disposition du roi, afin d'entretenir l'émulation, avec la clause que nul ne pourra être promu à un grade supérieur, qu'il n'ait occupé, au moins pendant deux ans, le grade immédiatement inférieur ;
14° Que la propriété des régiments et la vénalité de tous les emplois militaires sont supprimées^
15° Que toutes les charges telles que colonel-général, mestre de camp-général, commissaire-général et autres charges semblables, imaginées par la fiscalité et achetées par l'ambition, sont supprimées;
16° Qu'il n'y aura plus ni corps ni régiments privilégiés, ne considérant pas comme telle la maison du roi ;
17° Que tous les ans, le 14 juillet, tous les régiments de l'armée sous les armes, en grande parade, drapeaux et étendards déployés, renouvelleront leur serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi ;
18° Que M. le président se retirera par devers le roi pour présenter à son acceptation les articles mentionnés ci-dessus, et qu'il suppliera Sa Majesté de vouloir bien s'occuper incessamment de la nouvelle organisation de l'armée, qu'elle aura déterminée dans sa sagesse.
Au, surplus, l'Assemblée nationale décrète: 1° que le comité militaire se raccordera avec le
comité de constitution pour lui présenter, dans le plus court délai, un projet de loi pour le recrutement volontaire ; 2° un projet pour augmenter l'armée dans le cas où le recrutement volontaire ne suffirait pas ; 3° l'organisation des tribunaux auxquels tout militaire pourra en appeler s'il se croyait lésé dans ses droits ou attaqué dans son honneur par quelqu'un de ses supérieurs en tout ce qui ne concerne pas le service, lesquels tribunaux pourront seuls destituer un militaire de son emploi, en vertu du pouvoir dont l'Assemblée nationale les aura investis, et en jugeant conformément aux ordonnances purement militaires, émanées du roi ; 4° la formule du serment militaire ; 5° le code des délits et peines militaires ; 6° l'organisation des assemblées qui devront examiner les candidats aux emplois de sous-lieutenants, et le plan de l'ouvrage élémentaire sur lequel ils seront examinés.
Le comité militaire présentera également à l'Assemblée nationale l'estimation du dédommagement dont paraîtront susceptibles MM. les colonels propriétaires des régiments étrangers qui auront été dépossédés de leur propriété.
Notas. Si le mot incorporation effraye, ce n'est que parce qu'il réveille des souvenirs d'injustices, d'oppressions, de duretés ; mais, grâce au ciel, ces temps ne sont plus, et les cèdres du Liban ont disparu. Les opérations se calculent maintenant sur une autre échelle. Le méchant, condamné à l'exercice de quelques vertus, peut bien ne faire que singer et la justice et la bonté ; son cœur de marbre ou d'airain peut bien se désespérer sous les traits assassins de ses vices concentrés; mais la crainte commande, il faut obéir à la loi.
Que restera-t-il d'effrayant à l'incorporation, quand on ne la séparera plus des douceurs qui peuvent et doivent raccompagner ? L'excédant de soldats sera fort aise de passer six mois, un an et plus dans ses foyers, avec la moitié de la solde ; et l'excédant d'ofnciérs qui paraît inquiéter est à mes yeux une source detànt d'agréments, qu'il laissera de longs regrets quand il se trouvera absorbé par les remplacements. Voici comment je le conçois: ce que je dirai d'un grade convient à tous.
Supposons un excédant de quatre capitaines par régiment ; en attendant la vacance de quatre compagnies, il pourrait se faire, à tous les moments de l'année, des arrangements entre des capitaines surnuméraires et des Capitaines en activité, par lesquels les uns viendraient remplacer momentanément ies autres.
Par exemple, si le capitaine a désirait s'absenter ou prolonger son semestre, il s'arrangerait avec le capitaine e pour le remplacer l'espace de temps et sous les clauses dont ils seraient convenus ensemble.
La condition la plus naturelle serait qu'ils se partageassent la masse commune de leurs appointements, vu que les officiers surnuméraires, de même que les soldats, doivent être payés de la moitié de leurs appointements ou solde, par le quartier-maître du régiment comme s'ils étaient présents, et ce, sur leur simple reçu, légalisé en forme de certificat de vie, par la municipalité du lieu de leur domicile ; et que sous aucun prétexte, nulle autorité militaire ne pourrait supposer à ces mutations passagères et conventionnelles, à moins que le régiment n'y découvrît un abus et ne réclamât contre.
Qu'on ne vienne pas me dire que la discipline et l'instruction souffriraieut de ces mutations; terreurs dé l'ancien charlatanisme que çà : ce qui est vraiment de l'essence de notre métier ne s'oublie pas si vite, et ce qui a corrompu cette essence n'est bon qu'à être oublié. Plût à Dieu que ce qu'on y a ajouté s'effaçât de la mémoire des hommes, parce qu'il est de la nature humaine dé prendre en aversion l'Etat où le mal surabonde et n'est plus dans aucune proportion avec les avantages et les jouissances qu'il promettait ; un Etat où l'on avait entassé des tourments d'une si singulière espèce, qu'on craignait de passer pour un esprit chagrin en les détaillant un à un : car pris séparément, ils paraissaient si petits que je les comparais volontiers aux insectes qu'on appelle, je crois, moustiques et qui désolent les habitants des zones brûlantes ! Mais ce qui vient de se passer dans les régions morales, doit en avoir détruit jusqu'au germe dans les cervelles fumeuses de nos ci-devant faiseurs privilégiés.
Que les nouvelles ordonnances émanent du bon sens, qu'elles soient justes et je réponds de tout. Mon expérience n'est pas une chimère de mon âme : non, non, ceux qui prétendent qu'on veut un meilleur sort, qu'on veut le salut de la chose publique, mais qu'on ne veut cela que pour soi-même; qu'on est si personnel de caractère et si aveugle d'esprit, qu'on se réfusera jusqu'aux sacrifices idéals, ceux-là, ou calomnient le militaire français, ou ne le connaissent point ; ce n'est qu'en eux-mêmes qu'ils trouvent cette incohérence entre le désir et la volonté : ce modèle n'est que leur image, c'est leur secret et non celui des autres, qu'ils nous révèlent.
à la séance de lyAssemblée nationale du
Mémoire adressé le
Messieurs, les administrateurs et les actionnaires de la Caisse d'escompte, après s'être dévoués, eux et leur fortune, au salut de la chose publique; après avoir soutenu seuls, pendant dix-nuit mois, -le Trésor royal, dans un temps où les approches d'une famine effrayante exigeaient des achats considérables de grains à l'étranger; dans un temps où le gouvernement n'avait ni le crédit d'emprunter, ni la force nécessaire pour percevoir les impôts, ;Où la suspension des paiements devenait inévitable, n'avaient pas lieu de s'attendre qu'ils recevraient pour prix de leurs services^ des déclamations affligeantes, et des imputations injurieuses qu'on se plaît à répéter avec affectation dans tous les papiers publics de la capitale.
Attaqués de toutes parts, et même dans le sein de:votre Assemblée,ils viennent, Messieurs, solliciter la justice que vous vous plaisez de rendre à tous : ils viennent réclamer le secours de votre protection, en faveur d'un des premiers établissements publics de la capitale, d'un établissement dont le sort n'est malheureusement que'trop lié à celui de la chose publique, et qui est devenu, en quelque façon, national, par les
| engagements que la nation a contractés avec lui, et par ceux qu'il a contractés avec la nation.
Cet établissement ne peut subsister que par la confiance. Daignez, Messieurs, nous accorder quelques instants d'attention, et vous jugerez s'il la mérite : daignez, surtout, faire remettre sous vos yeux le rapport des commissaires que vous avez nommés, et qui ont été les témoins de nos opérations : multipliez les vérifications, si vous le jugez nécessaire, jusqu'à ce que votre justice soit suffisamment éclairée, et qu'elle soit pleinement satisfaite. Notre administration ne craint point la lumière; tout ce qu'elle redoute, ce sont les embûches, que l'imposture, l'intrigue et la calomnie préparent dans le secret et dans l'obscurité.
Jusqu'à la fin du ministère de M. l'archevêque de Sens, la Caisse d'escompte n'avait secouru le gouvernement par aucune émission de ses billets ; elle s'était renfermée dans les bornes étroites que ses règlements lui avaient prescrites, et toutes ses opérations se bornaient à l'escompte des effets de commerce et de banque.
Ce ne fut qu'au mois de septembre 1788, que des circonstances impérieuses, et auxquelles le salut public était attaché, la forcèrent ae s'écarter de ses principes.
Daignez, Messieurs, vous rappeler la situation où l'Etat se trouvait alors : M. l'archevêque de Sens venait de quitter le ministère ; une opération désastreuse avait accéléré sa chute ; l'alarme était répandue de toute part dans le public. Les remboursements étaient suspendus, les paiements du Trésor royal interrompus : en un mot, la banqueroute était faite. Rappelé au ministère des finances dans cette situation désespérée des affaires, dénué de toute ressource; M. Necker ne vit d'autre moyen pour soutenir le Trésor royal, jusqu'à l'époque de la réunion des Etats-généraux, que d'engager la Caisse d'escompte à se charger de rescriptions à douze et quinze mois, que le Trésor royal avait en, porte feuille, et à en fournir la valeur en ses billets. Il s'en ouvrit avec les administrateurs de la Caisse d'escompte; il leur fit sentir toute l'importance du service que les circonstances exigeaient d'eux, et qu'eux seuls pouvaient rendre : le roi lui-même joignit ses instances à celles de son ministre, et ses intentions sont consignées dans des pièces authentiques qui ont été imprimées.
La Caisse d'escompte pouvait-elle se refuser à de si puissantes considérations? Devait-elle dans un moment où la convocation assurée des Etats-généraux, le caractère personnel du ministre, la confiance due aux intentions du monarque, ranimaient les espérances, devait-elle se refuser au seul moyen praticable de reprendre les paiements du Trésor roval? Enfin, devait-elle replonger la nation dans*les horreurs de la banqueroute, obliger le roi lui-même à désespérer de la chose publique, et à renoncer au plan de régénération qu'il avait formé?
La chute] du Trésor royal devenue inévitable, si la Caisse ne l'eut secouru, aurait ébranlé, peut-être anéanti toutes les fortunes ; les porteurs de billets seraient demeurés sans gages, la Caisse d'escompte sans moyens, les ouvriers sans occupation, l'industrie sans activité, et toutes les maisons de finance et de commerce auraient été réduites au désespoir.
Paris était en butte à toutes ces calamités: il en ressentait déjà les avant-coureurs, et vous conviendrez, Messieurs, que le ministre qui les a prévenues, que l'établissement qui vous a pré-
servés peut avoir acquis quelques droits à la reconnaissance publique, et surtout à celle des habitants de cette capitale.
C'est par des négociations de cette espèce, faites en septembre et Octobre 1788, et en avril 1789, sur rescriptions et assignations, que le ministre des finances est parvenu à faire face aux dépenses de toute espèce, jusqu'à l'époque de la réunion des Etats-généraux. Vous vous rappelez, Messieurs, Combien fut rigoureux l'hiver de 1788 à 1789; combien les approvisionnements de la capitale furent dispendieux et difficiles : combien les alarmes furent grandes. Vous vous rappelez que pendant trois mois la navigation de la Seine et de toutes les rivières affiuentes, fut interrompue ; que les moulins furent en chômage ; que le gouvernement fut obligé de tirer, â grands frais, des farines de provinces éloignées de la Capitale, même de l'étranger, et de les faire transporter à Paris par terre. Grâces à l'activité infatigable du ministre des finances et de ses zélés coOpérateurs, grâces surtout anx secours fournis par la Caisse d'escompte, la famine qui vous menaçait a été conjurée; l'approvisionnement de Paris à été complet ; les lettres de changes tirées pour l'achat des bléB ont été fidèlement acquittées. Le Trésor royal a repris et continué ses paiements, et le dépôt de la chose publique a été remis encore dans son entier entre les mains des représentants de la nation, à l'ouverture de l'Assemblée.
Pardonnez, Messieurs, si vos concitoyens s'arrêtent avec une sorte de complaisance, au récit de ces faits.' assez d'amertumes ont depuis racheté les instants de satisfaction dont ils ont pu jouir eh vôub servant
Cette heUrelise époque, cette époque si désirée de la réunion des Etats-généraux, semblait devoir être le terme de toutes les inquiétudes ; le ministre des finances l'espérait ainsi: il en avait donné l'assurance aux administrateurs de la Gaisse d'escompte, qui croyaient toucher au port, et le roi lui-même ne doutait en aucune manière du prompt rétablissement des affaires.
Cependant une suite d'événements que la prudence humaine ne pouvait calculer, ni prévoir, a trahi ces espérances; ou du moins a éloigné le moment auquel elles devaient se réaliser. Le refus d'une partie de la noblesse et du clergé de se réunir aux communes a mis pendant les premiers mois l'Assemblée nationale dans l'impossibilité de s'occuper des finances. L'époque mémorable à laquelle nous devons une constitution libre â été accompagnée d'excès et de désordres inévitables : les barrières ont été renversées, les bureaux de perception incendiés, les employés des fermes mis en fuite ; la gabelle a été anéantie dans plusieurs provinces, et tous les droitB sur les consommations oht éprouvé des diminutions considérables.
Les impositions directes, les vingtièmes, la tajlle, la capitation se sont également ressentis du choc de la Révolution. Les rôles, qui s'arrêtaient précédemment en septembre et en octobre, sont à peine en recouvrement dans certaines provinces. H en est résulté un retard dans les rentrées, au moins de deux ou trois mois et ce n'est pas trop compter que d'évaluer tous ces retards et toutes ces pertes à quatre-vingt et peut-être à cent millions.
Cette suspension des impôts dans les provinces a été, Messieurs, une véritable calamité publique, et la ville de Paris a été la première à en ressentir les effets.
Considérez, Messieurs, que la ville de Paris ne produit, dans son intérieur, rien de ce qui est nécessaire à ses subsistances et à ses consommations ; qu'elle est obligée de tirer du dehors les matières premières qu'emploie sbn industrie.
Vos commissaires vous en ont déjà fait l'observation, et ils ont évalué à 800,000 livres par jour ou à 300 millions environ par an la dépense qui en résultait.
Mais la ville de Paris se trouverait bientôt épuisée de numéraire, si ce qu'elle dépense ainsi tous les jours pour la valeur de ses consommations, ne lui rentrait pas d'une manière quelconque ; et puisque dans les temps ordinaires, le numéraire en circulation dans Paris n'augmente ni ne diminue, d'une manière sensible, on doit en conclure que les rentrées sont à peu près égales aux sorties, et que par conséquent, Paris reçoit des provinces environ 30Ô millions par an.
Paris est donc le centre d'une immense circulation de numéraire, et nous pourrions comparer cette circulation à celle du sang humain que le cœur repousse par les artères, et qui lui revient par les veines. Chaque année, Chaque mois, chaque jour, le numéraire afflue flans la capitale, principalement par la rentrée des impositions: chaque jour, il est reporté dans lès provinces par l'achat des consommations et par les dépenses de toute ëspèoe que fait le Trésor royal.
Les circonstances, qui ont accompagné la révolution, ont changé le Cours de cette circdlation. La dépense de la villé de Paris en numéraire a augmenté plutôt qu'elle n'a diminué, parce que ses consommations ont été à peu près les mêmes pour les quantités, et qu'il y a eu un renchérissement dans les prix, surtout à l'égard du blé.
Mais puisque la dépensé restant, la même, il y a eu Une diminution de 100 millions dans les recettes parle défaut de rentrée des impositions, il en résulte évidemment que le numéraire, existant à Paris, a dû diminuer de 100 millions. Ce ne sont Ici ni des raisonnements ni des hypothèses, ce sont des faits : vouloir le nier, ce serait se refuser à l'évidence.
Mais, dira-t-on, le Trésor royal n'a pas cessé ?es paiements et il a continué de répandre dans la capitale des sommes à peu près égales à celles qu'il y verse habituellement chaque année, il n'a donc pas dû s'opérer de vide dans la circulation. Oui, sansdoute, le Trésor royal a payé ; mais il a pavé en papier : l'impôt ne rendant plus les sommes accoutumées, il a été obligé d'y suppléer pàr les billets de la Caisse d'escompte. Ainsi tandis que l'argent sortait journellement par les consommations» il était journellement remplacé par du papier, et cé papier n'ayant môme cours que dans l'intérieur de la capitale, elle n'a pu s'en aider en aucune manière dans ses relations commerciales avec les provinces.
Ce n'est donc point seulement à l'inquiétude, comme on le croit communément, et aux craintes des capitalistes qu'est due la disparition du nu-méraire* Il a éprouvé, il a dû éprouver une diminution graduelle et nécessaire, et l'équilibre ne peut être rétabli que par la rentrée intégrale des impositions, et par l'égalisation des recettes et des dépenses du Trésor public.
Quoi qu'il eti soit, l'Assemblée nationale ne pouvant plus compter sur les rentrées ordinaires en espèces, a été obligée d'y suppléer par un signe représentatif. Des billets d'Etat, un papier-mon-naie, des obligations nationales à terme fixe ont été proposés; mais l'Assemblée nationale a jugé
que les billets de la Caisse d'escompte devaient être préférés, et que ces billets même ne pouvaient être considérés comme un papier-monnaie proprement dit, puisqu'il était possible de les appuyer sur des valeurs réelles et foncières; et de donner un terme fixe à leur réalisation en espèces.
Ce n'est au surplus qu'après une longue discussion et le plus mûr examen, qu'elle s'est décidée. Deux commissions nombreuses ont été successivement nommées. L'administration de la Caisse d'escompte a ^té scrupufôusemènt examinée; elle a été-(Scrutée jusque dans sës moindres détails.-Les rapport» des deux commissions ont été imprimés, et ils sont entre les mains du public; Enfin le décret est intervenu* ot non seulement les représentants de la nation ont approuvé ce que la Caisse d'escompte avait fait, mais ils ont exigé d'elle encoreI davantage, puisqu'ils 'ont décrété'-qu'elle remettrait au Trésor royal pour quatre-vingts millions de ses billets, indépendamment des quatre-vingt-dix qu'elle avait déjà fournis, et qu'il liihserait remis pour valeur une pareille somme de cent soixante-dix millions d'assignats sur la vente des biens du domaine et du clergé, payables de mois en mois, à raison de dix millions par mois, à compter du mois de janvier 1791,:
Vous voyez, Messieurs, que les billets fournis par la Caisse d'escompte^ n'ont .eu pour objet que de donner à la natioa une jouissance.-anticipée des assignats, ou plutôt des biens qu'eux-mêmes ils représentent; que ne n'est point un papier-monnaie proprement dit;,que c'est une véritable délégation à court terme portant privilège sur des biens-fonds ; que;cette opération au surplus a eu pour objet un service d'Etat; qu'elle est en quelque façon étrangère à la Caissei d'escompte, dont l'intervention a paru seulement nécessaire pour la négociation des assignats; Vous voyez encore que; ce ne sont pas ces billets qui ontcbassé l'argent, comme on vous l'avance ; qu'ils ont au contraire été mis.en circulation par le gouvernement, pour suppléer au numéraire qbi ®e rentrait plus par la voie des impositions. Ainsi avancer que l'émission considérable des billets de la Caisse d'escompte a fait disparaître le numéraire» c'est confondre ensemble la cause et l'effet.
Il est donc évident que la plupart de ceux qui ont écrit ou parlé sur cet objet-.n'ont pas connu la véritablé cause du mal qui .afflige dans/ce moment le corps politique, et vous né serez plus étonnés, Messieurs, s'ils n'ont pas été plus heureux dans le choix des remèdes qu'ils ont proposés. Que servirait» par exemple, de substituer un, autre.papiér, quel qu'il fût, à celui de la Caisse d'escompté 7 Peut-oh penser qùe la substitufioù d'un papier à un autre pût rappeler le numéraire papier.de la Caisse d'exempte] jouirait-il donc seul de là ^^rlété' de rcpotMsef lès espèces?
Quel est d'aillêUrs ce papier au?ott propose de créer ? un effet sûr la Laisse, de l'extraordinaire. Mais ce papier qu'ôn demande éiîste déjà ; il a été créé par l'Assemblée nationale souS lé nom d'assignats» Il en a été donné à la Caisse d'escompte .jfàur' ude : soinriie de 170 millions pour sûreté dè éès àvâhcesi. Elle an notice dans tous les papiers publics, dans tous les journaux et par clçs affiches:, qu'elle les 'échange contre ses billets. Léjjuplic trouve dans ces assignats ùri intérêt de 5 0/0 qu'oit ; lui paye d'àvance; il y trouve une hypothèque spéciale sur des biens-fonds : Ainsi non seulement l'Asssemblée nationale
a fait ce qu'on vous propose, mais elle fait plus pour le public. En erfet, on vous demande que le cours des assignats soit rendu forcé* et l'Assemblée nationale, en laissant le cours libre et volontaire, donne au public l'option entre le billet de caisse et l'assignat. On peut donc dire à M. Kornmann qui a mis en avant cette proposition : ou l'assignat que vous proposez de substituer au billet de caisse est un effet moins bon que lui ou il est meilleur* S'il est moins bon, vous commettrez une injustice, en le rendant forcé;' s'il est meilleur, il sera préféré sans contrainte et vous n'avez pas besoin d'employer la force.
On pourrait opposer un raisonnement à peu près semblable à la proposition qui a été faite d'attacher un intérêt aux billets de caisse. L'assignat créé par l'Assemblée nationale, porte intérêt, à 5 0/0 : or tout porteur 4e billet est autorisé à échanger son billet contre un assignat; on a donc pu sanB injustice se dispenser d attacher l'intérêt aux billets, et l'Assemblée nationale semble avoir rempli le même objet en offrant à tout particulier l'option entre le billet qui ne porte pas d'intérêt et l'assignat qui en porte un.
La question» au surplus, de savoir s'il convient à la circonstance actuelle de rendre forcé le cours des assignats^ de les substituer aux billets de la Caisse d'escompte, ou de les mettre en concurrence avec eux , enfin d'attacher un intérêt aux billets, de caisse^ a été discutiëe dans plusieurs comités. Le pour et le contre a été rigoureusement pesé, et vos commissaires eux-mêmes sont demeurés dans un état d'incertitude,à cet égard. Quel que soit le parti qui sera pris, jamais les actionnaires de la Caisse d'escompte ne se refuseront' à aucune des propositions qui pourront tendre à l'utilité générale. Ils en ont pris l'engagement ; avec le ministre, avec le public, avec eux-mêmes : ils ont toujours déclaré qu'ils étaient entièrement résignés à tout ce qu'il plairait à l'Assemblée nationale d'ordonner de leur établis* sement. Ils ont trop fait de sacrifices au bien public, pour ne pas consommer tous ceux qui pourraient leur rester à faire. ,,
On vous a parlé, Messieurs, de l'aliment que la Caisse d'escompte, fournissait à l'agiotage: mais fait-on attention qu'elle a fourni plus de billets au Trésor royal, qu'elle n'en a dans ce moment en circulation? La totalité des billets qui son dans le public y a été versée par le Trésor royal ; ils n'ont donc pas été fournis par la Caisse d'escompte aux agioteurs. L'examen, au surplus, que vos commissaires ont fait du portefeuille, la très petite quantité d'effets de circulation qu'ils y ont trouvés, répond suffisamment à cette assertion.
•On vous a parle de la liquidation dé la Caisse d'escompte. Et comment cette liquidation pourrait-elle s'opérer» dans un moment où le gouvernement lui doit une somme immease qu'il n'est point en, état d'acquitter?
On fait entrer dans le calcul de» sommes qu'elle peut employer à cette liquidation le fonds de ses actions qui est de cent millions. Mais sur ces cent millions, soixante-dix ont été déposés au Trésor royal, et il lui a été donné pour valeur des annuités payables en vingt ans : ces annuités ne sont point un effet dont elle puisse s'aider sur-le-champ, surtout dans un moment de discrédit et de défiance,
Une portion très considérable des 30 autres millions font partie de son portefeuille: les compter indépendamment du portefeuille, ce serait Taire un double emploi.
Les cent millions qui composent le fonds des actions ne peuvent donc être comptés presque pour rien dans les moyens de liquidation de la Caisse d'escompte: ces moyens, dans cempment, se réduisent uniquement à son portefeuille, et vos commissaires vous ont très sagement exposé qu'on ne pdurrait le réaliser brusquement, sans une commotion qui entraînerait la ruine de toutes les maisons de commerce de la capitale. Ils vous ont ajouté qu'en supposant même que cette réalisation fût possible, elle ne mettrait pas un seul écu dans la circulation, puisque la totalité des rentrées s'effectuerait nécessairement en billets de caisse et non en espèces.
Les moyens de liquidation qui vous sont proposés sont donc illusoires, et vous pouvez regarder comme certain que cette liquidation est absolument impossible dans ce moment autrement qu'en papier : mais alors ce serait substituer un papier à un autre, il n'en résulterait aucun des avantages qu'on vous promet relativement à la circulation des espèces.
Vous ne pouvez, Messieurs, avoir aucun motif de défiance sur ce que nous avons l'bonneur de vous assurer, relativement à la difficulté delà liquidation. Les actionnaires sont trop intéressés à ce qu'elle s'opère, pour ne pas s'empresser de vous en présenter les moyens, s'il en existait ; car la valeur de leur action leur rentrerait alors sur le pied de 4,000 livres, tandis qu'elle est maintenant au-dessous de 3,500, au cours de la place : ils y trouveraient donc un bénéfice de 500 livres. De plus, iïtP seraient affranchis des sacrifices qu'ils sont obligés de faire journellement pour se procurer du numéraire à l'étranger, et ils seraient débarrassés d'un effet qui ne produit pas beaucoup au-delà de 5 0/0, à en juger par les derniers dividendes.
Enfin, on vous a parlé de l'obligation où est la Caisse d'escompte de reprendre ses paiements à bureau ouvert, et de se procurer des espèces pour satisfaire à ses paiements. Mais pense-t-on que l'administration de la Caisse d'escompte néglige un seul des moyens possibles de parvenir à cet heureux but? Tout ce qu'elle a pu faire pour se procurer du numéraire, elle l'a fait. Elle a extrait tout ce qu'il a été possible de piastres et de matières d'or et d'argent: de l'Espagne et de la Hollande ; elle n'a pas à se reprocher d'avoir négligé les moyens même les plus minutieux.
Daignez interroger vos commissaires; daignez leur prescrire des vérifications encore plus étendues ; l'administration de la Caisse d'escompte ne craint pas qu'on lui réproche d'être restée au-dessous de ce qu'elle pouvait faire, en tout ce qui a dépendu d'elle r elie ne peut qu'attendre le reste du rétablissement des affaires, et du retour de là confiance.
Que ces hommes sont cruels qui ne voient jamais dans leurs concitoyens que des coupables ou des hommes froids pour le bien public; qui ne tiennent aucun compte du patriotisme et du zèle; qui ne croient ni au désintéressement ni à la vertu; qui, à la difficulté des circonstances, joignent les embarras que continuellement ils iont naître ! Quelle jouissance peuvent-ils donc trouver dans le tableau des malheurs publics, et dans celui d'un ministre cher à la nation, dont ils voient les jours se consumer dans l'amertume et dans la douleur!
Quel peut être le but de leurs déclamations, dans un moment surtout où tous les pouvoirs, toutes les volontés se réunissent pour concourir à l'intérêt commun ; où les réprésentants de la
nation et le monarque ne sont plus dirigés que par un même esprit; où la tendance à l'ordre, à la tranquillité, au bonheur de tous, forme Je véritable caractère auquel on reconnaît les bons citoyens! Ne voient-ils pas que le dernier espoir des ennemis du bien public est dans le désordre des finances et qu'augmenter ces désordres, c'est en quelque façon conspirer avec eux ? '
Pardonnez ces plaintes que nous arrache une juste douleur. Pourrions-nous ne pas être profondément affligés, quand on cherche à nous faire perdre la confiance de nos concitoyens, la vôtre, Messieurs, cette confiance que nous nous sommes efforcés de mériter par de si pénibles efforts ?
Peut-être, nous oserons vous le dire, est-ce un malheur pour la chose publique, que la question qui vous occupe ait été élevée dans votre Assemblée : mais puisqu'enfin la Caisse d'escompte a excité votre sollicitude, puisque vous avez cru devoir vous livrer à la discussion de la plus épineuse de toutes les questions d'économie politique, d'une question qui tient essentiellement au système général des finances de ce moment; ne l'abandonnez pas, nous vous en conjurons, jusqu à ce que vous ayez éclairci tous vos doutes, que vous ayez approfondi jusqu'au moindre de vos soupçons. Nous ne cesserons de vous le répéter, nous ne désirons que la lumière : vous comblerez donc tous nos vœux et ceux des actionnaires, si, vous pouvez obtenir de l'Assemblée nationale, ce que nous lui avons déjà demandé deux fois avec instance; c'est de nous nommer des commissaires pris dans son sein, qui inspecteraient habituellement les opérations de l'établissement qui nous est confié. De si respectables garants ne laisseraient plus aucune prise à la méfiance et à la calomnie et nous marcherions avec plus de tranquillité vers la régénération qui nous est promise.
Nous nous bornerons à celte demande parce qu'elle paraît les renfermer toutes. Lorsqu'en effet, aux forces naturelles de l'établissement s'ajouteront celles qui résulteront de la réunion des commissaires de l'Assemblée nationale, il n'est rien qu'on ne puisse entreprendre de réformer, rien qu'on ne puisse entreprendre de perfectionner.
Nous nous référons au surplus, Messieurs, aux offres que nous avons faites à vos commissaires pour la distribution des sommes en espèces qui seront versées journellement dans le public.
à la séance de l'Assemblée nationale du
(1), député du bailliage de Caux, sur la motion de M. de Caza-lès ainsi conçue: L'Assemblée nationale doit-elle décréter que les départements, aussitôt qu'ils seront assemblés, nommeront de nouveaux députés (2)?
Messieurs, lorsque l'on a jeté de la défaveur sur ùne proposition dictée par le
patriotisme, il
A voir l'espèce d'enthousiasme avec lequel plusieurs députés se sont empressés de
renouveler le serment déjà prêté de ne point se séparer que la constitution ne soit
terminée, il semble que l'on ait cru que l'intention de l'auteur de la motion ait été
d'engager l'Assemblée à ioterrom-
Car, nous ne devons pas nous le dissimuler, tant que l'Assemblée nationale existera, la constitution ne sera que dans nos décrets, et les effets qu'elle doitproduire n'existeront qu'en espérance. Quelle place, en effet, peut trouver dans la constitution une Assemblée qui est supérieure à la constitution elle-même ? Si la constitution est la distribution des pouvoirs qui doivent s'exercer dans l'Etat, et dont l'ensemble lorsqu'il est heureusement combiné, doit produire un ordre constant, elle ne peut exister avec une Assemblée dont le premier principe est de réunir tous les pouvoirs. Tant que vous pourrez faire des lois sans la sanction du Roi, le pouvoir législatif constituant existera, mais le pouvoir législatif constitutionnel n'existera point ou sera confondu avec le premier. Tant que vous pourrez, par les seuls actes de votre volonté, qui bientôt deviennent des lois, déplacer les juges, les suspendre de leurs fonctions, prononcer sur les manières dont ils les remplissent, transporter le droit de juger d'un tribunal à un autre, casser des procédures, juger vous-mêmes si vous le voulez, le pouvoir judiciaire sera sans considération et sans force; tant qu'il s'élèvera au-dessus de l'autorité royale une autorité supérieure à elle, qui remplira une partie de ses fonctions, à laquelle on aura recours de toutes les parties du royaume plutôt qu'au dépositaire du pouvoir exécutif suprême, le pouvoir exécutif n'existera point, ou sera sans vigueur; et sans pouvoir législatif eon-stitutionnellementétabli, sans pouvoir judiciaire, sans pouvoir exécutif, comment pourrait-on trouver autre chose qu'une constitution eu espérance et des lois en spéculation ?
Si la constitution était en activité, le corps législatif n'aurait pas eu à prononcer sur l'affaire du procureur du roi de Falaise, des parlements de Metz, de Rennes et de Rouen, de l'insurrection de Toulon, du prévôt de Marseille, de la municipalité de Saint-Jean-d'Angely,etsur tant d'autres affaires particulières; il ne renfermerait pas dans son sein un comité des rapports, un comité des recherches, un comité des lettres de cachet. Les juges qui doivent dénoncer, instruire et punir; le pouvoir qui doit exécuter les lois et les maintenir, connaîtraient leurs devoirs et pourraient
s'acquitter de leurs fonctions : on ne verrait pas une seule Assemblée uniquement chargée de pourvoir à tout, de lever tous les obstacles, de vaincre toutes les difficultés, de prévoir tous les dangers, de suppléer enfin à l'impuissance ou à l'anéantissement de tous les autres pouvoirs. Il y aurait des tribunaux, une police, une autorité royale, une force publique active ; les désordres seraient prévenus, les crimes seraient punis, ou ne se commettraient plus, enfin on jouirait des effets d'une constitution, de l'ordre et de l'harmonie, au lieu du désordre et de l'anarchie.
Et que l'on ne croie pas que je veuille accuser l'Assemblée nationale d'imprévoyance ou de faiblesse; je ne cite que des faits; je me hâte de protester que l'on ne doit accuser personne de leurs résultats, puisqu'ils sont dans la nature des choses; l'heureux effet d'une constitution est de tout soumettre à une loi préexistante : chacun sachant l'étendue de ses devoirs, ou les bornes de son pouvoir, chacun connaissant à qui il doit obéir, et jusqu'à quel point il doit commander, il en résulte une marche réglée et uniforme, qui ne peut être interrompue que par les vices de la chose, et alors on les réforme, ou par les délits des personnes, et alors on les punit; mais ce n'est plus la même chose, lorsqu'un pouvoir supérieur à tous les pouvoirs et qui n'est point celui de la loi écrite les domine par son influence et les absorbe tous; alors la marche est interrompue, on n'a plus de régularité; on n'obéit plus au pouvoir auquel on est soumis, parce qu'on espère ou le détruire ou le ralentir par le pouvoir qui lui est supérieur; on ne commande plus parce que ceux qui pourraient commander sont découragés ou effrayés par l'influence du pouvoir immense qui les domine.
Faut-il donc s'étonner si l'on voit les troupes presque anéanties par l'indiscipline des soldats et le découragement de leurs chefs; les tribunaux réduits au silence, ou forcés de s'entourer d'une armée, pour prononcer les sentences qu'on veut leur dicter en les menaçant, les officiers municipaux contraints de dissimuler ou de fuir, l'autorité royale généralement méconnue, et par là toutes les parties de la force publique rendues presque impuissantes et dans quel moment ! Quand l'insurrection se reproduit incessamment dans toutes les parties de l'empire, quand les propriétés sont attaquées, que la vie des citoyens est menacée, que la noblesse est presque généralement poursuivie par le fer et le feu, et n'a pas même de refuge dans sa généreuse résignation; que l'on refuse les impôts; que les revenus de l'Etat sont pillés et l'espérance de la fortune publique détruite ; que des gens mal intentionnés sèment partout l'erreur et la discorde; que la terreur est dans toutes les âmes honnêtes, et la révolte dans celle de tous les mauvais citoyens ; lorsqu'entin il suffirait d'une force active bien dirigée, pour rendre inutiles les efforts de ceux que l'on trompe, et d'une surveillance sévère pour arrêter les projets criminels de ceux qui les égarent.
On nous dit souvent dans celte tribune que ce sont là les effets nécessaires d'une révolution. Eh qu'importe leur cause 1 Nous ne demandons pas qu'ils n'existent point puisque vous les jugez nécessaires, mais nous demandons qu'ils cessent le plus tôt possible; nous demandons de prévoir le moment où l'on ne regardera plus comme nécessaires ces effets redoutables des circonstances, où la France pourra enfin se reposer dans un état plus tranquille des malheurs de l'anarchie.
Nous demandons quand pourra commencer à exister cette constitution, qui, quelle qu'elle soit, nous offrira au moins le remède d'un ordre durable et permanent.
Voilà, Messieurs, les circonstances où vous est présentée la motion de M. de Gazalès. S'il était possible de rétablir l'ordre dans l'état actuel, elle pourrait paraître déplacée, mais avec toute la puissance dont vous êtes revêtus, vous l'avez essayé en vain. A la nouvelle des malheurs qui vous arrivent tous les jours, vous excitez l'activité du pouvoir exécutif, vous avertissez les tribunaux de leurs devoirs, vous écrivez des adresses de paix, et cependant tous les malheurs se perpétuent, et loin d'être rétablie, la tranquillité s'éloigne encore, et le pouvoir exécutif est sans force, et le pouvoir judiciaire sans activité, et le peuple, égaré par ceux qui sont intéressés à le tromper, n'écoute point les paroles de paix qui lui sont portées par ses représentants. Il faut donc employer de nouveaux moyens, il faut donc chercher dans un autre ordre de chose la tranquillité que celui-ci ne peut plus nous laisser espérer. Il faut chercher dans un état permanent ce qu'il est prouvé que nous ne pouvons plus attendre de l'état précaire où nous vivons ; il faut chercher dans la distribution constitutionnelle des pouvoirs l'effet que ne peut point produire leur réunion dans une seule assemblée.
Je sais que vous étant prescrit le devoir d'achever la constitution, vous ne pouvez pas abandonner cette entreprise et convoquer sur-le-champ l'Assemblée qui, suivant les principes de la nouvelle Constitution, sera dépositaire d'une partie des pouvoirs que vous exercez ; mais au moins, vous pouvez annoncer l'époque où elle sera convoquée ; vous pouvez indiquer le moment où une législature constitutionnelle venant vous succéder, sera réduite aux pouvoirs que vous lui avez assignés ; vous pouvez annoncer celui où les autres pouvoirs reprendront l'énergie que vous leur donnez dans la constitution ; vous pouvez enfin faire prévoir la fin de cette dictature que vous exercez et qui devient impuissante à tant d'égards. Par là, les esprits s'accoutumeront peu à peu aux idées d'ordre, d'autorité et de subordination; les citoyens se rassureront en voyant au moins dans l'éloignement un tetme à leurs mauX; les gens mal intentionnés perdront l'espérance de perpétuer les désordres, l'autorité acquerra plus d'influence et d'énergie par la certitude d'en obtenir bientôt davantage; enfin si l'ordre ne se rétablit point entièrement, au moins les désordres seront moins grands, et ce ne sera pas peu de chose d'en prévoir le terme,
A des raisons aussi pressantes qu'oppose-ton? On dit que la constitution n'est point terminée, qu'il est impossible de fixer un terme à l'Assemblée nationale actuelle, tant que la mission qui lui a été donnée n'est point remplie ; mais toutes les bases principales en sont posées, et le reste ne peut pas sans doute nous conduire à un terme que nous ne puissions pas prévoir. On dit que vous mettriez des bornes à votre autorité dans uu moment où il est essentiel que vous la possédiez dans toute sa plénitude. La raison de cette nécessité, je l'ignore ; mais je sais que, si c'est la trop grande étendue de votre autorité qui diminue l'énergie de la force publique, vous devez, aux dépens même de cette autorité, qui n'est que passagère, redonner à la force publique qui doit être durable celle qui lui manque. On dit qu'il ne suffit pas que vous ayez organisé la constitution, qu'il faut encore que
vous la mettiez eu action, que vous en jugiez les mouvements. Mais comment pouvez-vous l'espérer puisque votre existence elle-même est en contradiction avec celle de la constitution ; puisqu'il est impossible que vous y trouviez une place et que, par conséquent, elle puisse se mettre en mouvement tant que votre Assemblée sera en activité. On dit enfin que la révolution n'est point achevée, et que la présence d'une Assemblée toute-puissante est nécessaire pour la consolider: mais la révolution ne sera point achevée tant que l'ordre ne sera point établi. Une révolution tient à l'établissement d'un nouveau régime autant qu'à la destruction de l'ancien. Il est donc encore vrai de dire que l'état de révolution, c'est-à-dire l'état d'agitation, de trouble et d'inquiétude, qui accompagne un grand changement, durera, malgré tous vos efforts, tant que l'on ne sera point parvenu à cet ordre nouveau dans lequel chaque pouvoir sera à sa place et connaîtra son étendue comme ses bornes, dans lequel l'ordre résultera de l'impossibilité où ils seront d'empiéter l'un sur l'autre : et c'est ce passage violent d'un état à un autre, c'est cette crise d'agitation, d'inquiétude et de malheur que l'on vous demande d'abréger. Ne prolongez pas plus longtemps l'état critique de la France: pensez que tant qu'une révolution dure, l'Etat est menacé, soit par les mouvements violents qui peuvent en résulter, soit par l'épuisement qu'elle occasionne. N'oubliez pas cette grande vérité qu'avant qu'une révolution soit achevée, il est impossible de prévoir où elle pourra s'arrêter ; et si, comme je le crois, vous n'avez pas l'intention de pousser plus loin celle qui nous agite, craignez que, si vous n'y mettiez pas vous-même une borne fixe, elle ne vous emportât plus loin que vous ne le voudriez et avec une rapidité avec laquelle vous ne pourriez pas commander. Posez donc cette borne que l'ou ne puisse plus passer ; et en annonçant yous-même le terme où finiront nos pouvoirs, annoncez le moment où il n'y aura plus ni prétexte ni possibilité à la prolonger: annoncez une nouvelle législature; et tous les esprits se tourneront vers elle, les uns pour y voir l'affermissement de cette constitution, que vous avez établie, les autres pour y voir opérer les réformes qu'ils croient nécessaires, tous pour jouir enfin d'une tranquillité qui est également nécessaire à tous.
L'imperfection actuelle de la constitution que vous vous étés promis de terminer est sans doute la plus forte des objections contre la motion qui vous est présentée : mais quand le décret qui fixera un terme à vos pouvoirs n'aurait pas d'autre résultat que de hâter vos travaux sur la constitution, il produirait encore un effet bien utile. G'est moins d'une constitution parfaite que la France a besoin à présent que d'une constitution promptement faite et qui puisse bientôt s'établir. La nation la réformera, corrigera ensuite ses défauts : mais il existera un ordre quelconque ; et les réformes qui s'opéreront auront au moins sur la constitution l'avantage d'être faites dans le calme et la paix, tandis qu'elle aura été le fruit des troubles et de l'agitation.
Mais, d'ailleurs, on vous effraie de tout ce qui nous reste à faire. U semble que cette constitution soit l'ouvrage de Pénélope, et qu'il soit impossible d'arriver à sa fin. Je souhaite que quelques motifs particuliers ne servent pas en cela à égarer le patriotisme; mais il me semble que si vous n'êtes pas arrivés au but, il vous est au moins très aisé de le prévoir ; il me semble surtout que si vous distinguez soigneusement ce qui
tient à la constitution de ce qui appartient à la législation; que si, vous bornant à la constitution, vous ne faites en législation que ce qui y est intimement lié; que, si vous n'avez pas la dangereuse ambition de tout faire et que vous laissiez à vos successeurs le soin de faire ce qui, dans vos principes, ne tient pas essentiellement aux pouvoirs particuliers que vous exercez; il me semble, dis-je, que vos travaux peuvent avoir un terme bien plus rapproché qu'on ne vous le fait croire. Si, en vous retirant, vous deviez laisser la nation sans défenseurs, on aurait raison de vous engager à ne quitter le poste où elle vous a placés que lorsque tout ce qu'il est possible de faire serait terminé: mais de nouveaux représentants viendront vous remplacer; ils seront comme vous légalement choisis par la nation ; ils seront comme vous chargés d'exprimer son vœu; ils auront les mêmes droits que vous en législation. Que leur manquera-t-il donc pour achever l'ouvrage que vous avez commencé?
Enfin, et cette observation est bien essentielle à faire pour ceux qui jugent avec tant de sévérité la motion qui vous est soumise; on ne vous propose rien qui puisse interrompre la constitution, ni vous empêcher d'achever cet important ouvrage; on ne vous propose pas de décider que vos fonctions cesseront dans un mois, dans six semaines, soit que la constitution soit terminée, soit qu'elle ne le soit pas. On vous demande de prononcer qu'elles cesseront quand les départements seront assemblés, c'est-à-dire quand vos commettants, quand la nation, dont vous tenez vos pouvoirs, sera réunie, à l'époque enfin où vous ne pourrez plus les conserver sans empiéter sur les droits de la nation elle-même. On vous demande de hâter, autant qu'il est en vous, ce moment où la nation doit se rassembler pour juger l'usage que vous avez fait de ses pouvoirs ; on vous demande de reconnaître que votre autorité est subordonnée à la sienne et qu'elle aura le droit de mettre un terme à celle que vous exercez en son nom, aussitôt qu'elle pourra exprimer un vœu légal. Je sais que si c'est uu crime de chercher à mettre des bornes à l'autorité dont cette Assemblée est revêtue, l'auteur de la motion est coupable, car elle n'a pas d'autre but. Mais si c'est au nom de la nation, si c'est pour la mettre dans le cas d'exercer ses droits qu'il cherche à poser les limites de votre autorité, il n'est pas sans doute si coupable. Depuis assez longtemps, Messieurs, on vous parle de votre pouvoir et de son immense étendue pour que l'on puisse enfin vous parler de ses bornes et des droits de la nation.
Lorsque les pouvoirs des représentants de la nation seront réglés par les lois fixes que la nation aura acceptées, lorsque l'étendue de leurs pouvoirs et la durée d e leur mission seront réglées, alors ils seront subordonnés à la constitution et devront compte de tout ce qu'ils pourraient faire au-delà des pouvoirs qu'elle leur donne. Mais lorsqu'ils exercent comme vous des pouvoirs sans bornes ; que la nation n'a point prescrit à la plupart de ses représentants répoque où ils doivent cesser; que rien dans la constitution ne les avertit encore ni jusqu'où ils peuvent aller, ni où ils doivent s'arrêter, que la nation à laquelle ils ont défendu de s'assembler n'a aucun moyen légal pour exprimer ses intentions: alors il faut dire ou qu'ils peuvent s'éterniser dans la place qui leur est confiée, ou qu'ils doivent eux-mêmes mettre des bornes à la durée de leurs pouvoirs. C'est un grand défaut dans l'organisation de cette Assemblée que les pouvoirs qu'elle exerce ne
soient pas au moins limités dans leur durée, puisqu'il en résulte pour elle le droit, bien dangereux, de les prolonger à volonté et de se mettre, tant qu'elle le voudra, à la place de la nation, sans que celle-ci puisse réclamer contre une usurpation qui la rendrait esclave. Les décemvirs étaient moins puissants que vous: mais on avait négligé de prescrire des bornes à la durée de leur pouvoir; et par cela seul ils en abusèrent jusqu'au point de le rendre redoutable au peuple lui-même. Ils crurent qu'ils n'auraient jamais de compte à rendre, et il fallut enfin que le peuple les dépouillât avec violence d'une autorité qui, de légitime qu'elle était d'abord, était enfin devenue tyrannique en se prolongeant. Je sais que la nation française n'a point ce danger à craindre d'une Assemblée qui a prouvé son patriotisme ; mais c'est précisément pour cela qu'il vous est plus facile de la tranquilliser entièrement en vous retirant à vous-mêmes cet excès de pouvoir, dont vous ne pouvez pas user, en rendant librement aux droits de la nation un hommage qui ne retranche à votre autorité que ce qu'elle a d'abusif et ce qui pourrait la rendre dangereuse.
11 est sans doute conforme au principe de cette Assemblée de convenir que la nation a le droit d'examiner notre ouvrage, de juger notre conduite : elle ne cherchera sans doute jamais à se soustraire à cette responsabilité, pour laquelle l'opinion publique n'est qu'un organe imparfait et que la nation ne peut réellement exercer que clans des assemblées légales. Mais pour qu'elle puisse exercer ce droit qu'elle s'est éminemment réservé, il faut qu'il arrive un moment où l'autorité de l'Assemblée nationale tombe devant l'autorité de la nation elle-même. Il faut qu'il vienne une époque où les pouvoirs des représentants de la nation cessent et où la nation exerce ses droits. Or, je soutiens que cette époque est nécessairement celle où les départements seront assemblés. Dans un corps politique peu étendu la nation ne serait assemblée que lorsque tous les citoyens seraient réunis. Dans un corps politique comme la France, où ce point de réunion unique est impossible, l'Assemblée de la nation existe lorsque chacune des réunions particulières est formée: ainsi, lorsque tous les départements sont assemblés, la nation est assemblée; et alors le vœu de la nation est supérieur à celui de l'Assemblée nationale et le pouvoir de celle-ci tombe s'il n'est pas confirmé, et passe à d'autres députés, si on lui nomme des successeurs.
Et je le demande, si l'Assemblée nationale pouvait prolonger son existence malgré l'assemblée de la nation, quel pouvoir sur la terre pourrait la dépouiller de ses pouvoirs? Quel nouveau pouvoir pourrait l'engager à y renoncer? Comment pourrait s'exercer cette responsabilité sans laquelle son autorité pourrait devenir et deviendrait nécessairement une autorité tyrannique ?
Mais si tels sont les droits"essentiels de la nation, il est dans la nature Jes circonstances qu'elle ne puisse pas les exercer sans votre intervention. Suivant les principes que vous avez posés, nou-seulement les départements ne peuvent pas s'assembler sans votre convocation, mais encore chaque département, chaque bailliage est sans autorité, sans juridiction directe sur les représentants qui portent son nom. Ainsi, en les supposant même assemblés, tous les départements isolés auraient beau rappeler leurs députés ou leur donner des successeurs ; ce vœu national n'étant exprimé qu'isolément serait sans'force, et chacun des députés représentant la nation tout entière
méconnaîtrait les ordres d'une partie quelconque de ses commettants. Ainsi la nation, éminemment supérieure à cette Assemblée, n'aurait, d'après les principes adoptés, aucun moyen possible pour exprimer ses volontés et pour mettre des bornes à la durée des pouvoirs oui s'exercent en son nom. Ce n'est pas, sans doute, un des moindres défauts de l'organisation de cette Assemblée qu'exerçant un pouvoir indéfini dans son étendue, elle puisse le conserver sans bornes dans sa durée, que la constitution n'y en puisse pas mettre puisqu'elle est supérieure à la constitution ; que la nation, enfin, qui seule lui est supérieure, ne puisse pas s'assembler sans son consentement ; qu'ainsi il puisse dépendre d'elle de prolonger à volonté ses pouvoirs. 11 n'y a donc que l'Assemblée nationale qui puisse fixer un terme à son existence j il n'y a qu'elle qui, ayant posé les principes, puisse en faire l'application ; il n'y a qu'elle qui, par la reconnaissance formelle qu'elle fera des droits de la nation, puisse annoncer d'avance qu'elle les exercera aussitôt qu'étant assemblée elle pourra le faire. Et quel autre but a la motion de M. de Cazalès, dont on a si peu saisi les motifs, que d'intéresser à mettre des bornes à votre autorité, votre autorité elle-même, la seule puissancéqui puisse le faire ; que de plaider, à votre tribunal la cause de la nation ? Vous engager à prononcer que lorsque les départements seront assemblés, ils nommeront de nouveaux députés pour vous remplacer, qu'est-ce autre chose que de vous proposer de reconnaître que la nation reprendra ses pouvoirs aussitôt qu'elle sera légalement assemblée ; de reconnaître qu'elle en a le droit, et de la mettre dans le cas de l'exercer ?
Craint-on qu'il ne vous restât pas assez de puissance? mais il vous en restera toujours une dont, sans doute, vous ne voudrez pas user ; celle de ne point assembler ces départements que vous aurez reconnu vous être supérieurs, ou de ne les assembler que partiellement ; et d'ailleurs, je le répète, pourriez-vous regretter cette partie de votre autorité qui vous est inutile, puisque ce ne serait qu'en empiétant sur les droits de la nation que vous pourriez en user ?
11 ne vous resterait pas assez de puissance ? Mais pouvez-vous envisager l'immense étendue de celle que vous exercez , sans frémir sur les abus que vous pourriez en faire et dont les intentions les plus pures pourraientne pas vous sauver? Vous exercez ie pouvoir constituant : c'est-à-dire un pouvoir qui, suivant la définition qu'on en a donnée, renferme tous les pouvoirs que la nature pourrait exercer si elle était rassemblée ; vous l'exercez dans toute sa plénitude, puisque vous avez jugé que les bailliages n'avaient point pu limiter les pouvoirs de leurs députés: vous l'exercez sans responsabilité personnelle, puisque vous avez prononcé que chaque député, étant représentant de la nation tout entière, ne devait aucun compte à ceux qui l'avaient élu; vous l'exercez seul et sans obstacle, même passager, puisque vous avez réglé que le roi n'aurait point le droit d'opposer un veto, même suspensif à vos décrets constitutionnels ; vous l'exercez sans aucune opposition, même possible, puisque vous avez défendu aux provinces de s'assembler et que vous avez suspendu toutes les cours souveraines de leurs fonctions. De grandes raisons, sans doute, vous ont engagé à vous entourer d'un appareil de puissance aussi formidable, à vous dégager de tous les liens qui pouvaient arrêter ou retarder vos opérations, à tout concentrer en vous seuls.
Mais cette autorité n'a-t-elle rien d'effrayant ? Peut-il suffire à ceux qui l'exercent d'être sûrs de leurs intentions ? Peuvent-ils répondre de même de leur opinion ? Sont-ils assurés de toujours se défendre de l'erreur ou de l'excès même dans le bien ? Et si cette autorité est véritablement effrayante , que serait-ce si elle n'avait pas de bornes, au moins dans sa durée, et si elle pouvait se prolonger ainsi à volonté?
Après ces grands motifs appuyés sur l'expérience, et fondés sur l'intérêt de ia tranquillité publique et de la liberté nationale, je rougirais presque de combattre les faibles raisons que l'on oppose. Il ne suffit pas, dit-on, que la constitution soit achevée, il faut encore que vous en voyez agir les ressorts. Mais si une fois vous croyez pouvoir prolonger vos pouvoirs au delà de leurs bornes naturelles, quelle raison aurez-vous de vous arrêter ? qui vous avertira de les déposer ? qu'est-ce enfin qu'une faible raison de convenance, auprès des principes éternels du droit public et de la liberté des nations ? Mais, d'ailleurs, ces raisons de convenance sont-elles donc si bien fondées ? 11 faut que vous voyiez agir la constitution que vous avez faite: mais pourquoi ? Si c'est pour la consolider, elle ne pourra jamais l'être tant qu'il existera une autorité qui peut la détruire avec la même facilité qu'elle l'a créée. Si c'est pour la réformer, je répondrai que, si elle renferme des vices, ce ne sera jamais de l'Assemblée qui elle-même en a posé les principes et en a tiré les conséquences que l'on pourra en espérer la réforme ; je répondrai que les seules législatures qui suivront seront dans le véritable point de vue pour la juger. Enfin, si le principe de cette Assemblée n'était pas de réunir tous les pouvoirs, je répondrais que vous n'en avez pas le droit; que votre constitution appartient à la nation ; que c'est maintenant à elle à la juger, et à vousà attendre, comme simples citoyens, ce qu'elle prononcera sur l'ouvrage que vous avez fait comme ses représentants.
Et si cet immense pouvoir que vous exercez ne peut être utile, ni pour consolider votre ouvrage, ni pour le réformer, pourquoi le prolongeriez-vous au delà de ses bornes naturelles ? Si le pouvoir que vous avez attribué aux prochaines législatures vous a paru suffisant, tout ce que vous en avez de plus qu'elles doit vous paraître outré. Si vous avez cru faire assez pour la nation en donnant à Vos successeurs un pouvoir qui a des bornes, à qui pourrait être utile le pouvoir illimité que vous exercez ? Ce ne sera pas à la dation, sans doute; car la nation ne peut être regardée comme véritablement libre que du moment où elle sera entrée eu jouissance de la constitution par laquelle vous avez voulu assurer sa liberté ; elle ne sera pas libre tant qu'elle sera dominée par une Assemblée dont l'autorité est absolue, dont les pouvoirs seraient véritablement despotiques s'ils étaient prolongés ; dont l'autorité est telle qu'il pourrait dépendre d'elle de donner à la nation des chaînes qu'elle ne pourrait pas briser. J'ose dire enfin avec assurance que, du moment que votre autorité ne serait plus nécessaire, elle deviendrait dangereuse; que du moment où vous refuseriez de reconnaître le droit à la nation d'y mettre des bornes, vous empiéteriez sur ses droits; que du moment où, n'étant plus nécessaires, vous prolongeriez vos pouvoirs, la tyrannie commencerait. Le long parlement d'Angleterre devint tyran en abusant de ses pouvoirs, mais en perpétuant son autorité, il rendit sa tyrannie sans remède.
Je ne comparerai pas cette Assemblée distinguée par son patriotisme au long parlement connu par ses crimes; je dirai seulement qu'il est de la nature de toute autorité absolue de tendre à abuser, et que les erreurs du patriotisme peuvent elles-mêmes avoir bien des dangers; qu'il n'y en a aucun à les prévoir pour s'en défendre, que c'est même un devoir de le faire, puisque vous n'avez aucun autre moyen de reconnaître les droits de la nation dont vous tenez les vôtres.
Je ne me permettrai plus qu'une seule observation; mais elle me paraît déterminante pour des citoyens zélés et qui attachent du prix, non pas à l'autorité qu'ils exercent, mais au bien qu'ils peuvent faire. Jetez les veux sur la France : voyez son commerce presque ruiné, ses ateliers déserts, une partie de ses habitants fugitifs, d'autres effrayés et poursuivis, en effet, jusque dans leurs foyers, la fermentation dans tous les esprits, chacun calculant ses forces pour les mettre, s'il le peut, à la place du droit et de la justice; les finances menacées; le déficit augmenté dans une proportion effrayante ; une partie des impôts anéantis ou suspendus; le crédit absolument nul ; la circulation du numéraire interrompue; l'armée réduite à moitié par l'indiscipline et la désertion ; les frontières défendues par la seule faiblesse ou la division de nos voisins, et jugez si notre malheureuse patrie n'en a pas assez des secousses qu'elles a éprouvées. Jugez si elle pourrait soutenir les nouvelles convulsions auxquelles une autorité sans bornes l'expose à tous les instants. Voyez si vous auriez la force de remédier à tous les nouveaux malheurs qui l'accableraient, et d'acquitter cette responsabilité dont les obligations s'augmentent à tous les instants, et qui devient sans bornes comme vos pouvoirs ; ou si plutôt vous jugez que le seul remède à nos maux présents, et le seul moyen de prévenir ceux qui peuvent encore nous menacer, est dans un régime doux et tranquille; que la seule dictature vraiment utile n'est pas celle d'une autorité sans bornes, mais celle des lois et de la constitution; hâtez-vous donc de leur donner toute l'énergie qu'elles doivent avoir; dépouillez-vous, aussitôt qu'il sera possible, de l'autorité illimitée, et toujours dangereuse, que vous exercez ; et si vous croyez devoir la conserver encore, au moins faites à présent ce que vous pouvez faire à tous les instants; annoncez-en le terme; faites-vous un devoir de rendre aux droits de la nation un hommage qui peut seul lui en assurer l'exercice, et alors on n'accusera plus d'intentions perfides ceux à qui on ne peut reprocher que d'avoir défendu dans cette Assemblée des principes d'une éternelle vérité, qui sont sans doute gravés dans le cœur de la plupart de ses membres.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne
Je demande que, dans l'article 2 du décret général sur la division du royaume, on insère la clause suivante : « et lorsqu'il n'est exprimé aucune exception particulière. »
La proposition n'est pas appuyée
Un membre fiait remarquer ; à propos du procès-verbal de la séance du soir, qu'on a poussé l'esprit d'économie beaucoup trop loin en décrétant u'il ne serait pas fait de feu dans les bureaux e l'Assemblée. Il demande que ce décret soit retranché du procès-verbal.
Cette motion est adoptée.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, mercredi.
, député de Moulins, fait la motion qu'au lieu de le désigner par eette expression : « un membre, » on indique nominativement qu'il a prêté le serment de ne pas quitter l'Assemblée que la constitution ne soit terminée. Ce serment est un devoir, dit-il; on a inscrit sur une liste jointe au procès-verbal les noms de ceux qui ont prété ce serment le 20 juin et les jours suivants.
Un grand nombre de membres ont hier adhéré au serment de M. Lucas; ils doivent donner leur signature à la suite du procès-ver bal.
On ne délibéré pas sur ces deux propositions.
, député d'Arles, demande et obtient la permission de s'absenter.
fait lecture de la lettre suivante, écrite par M. le duc d'Orléans :
« Monsieur le Président,
« Absent de l'Assemblée nationale, d'après la permission qu'elle m'en a donnée le 14 octobre dernier, pour aller remplir la mission que le roi m'a fait l'honneur de me confier, j'ai dû, depuis ce moment, diriger sur d'autres objets les efforts du zèle qui m'anime pour l'avantage de la nation et la gloire du monarque; mais je n'en suis pas moins resté uni d'esprit et de cœur à l'auguste Assemblée dont j'ai l'honneur d'être membre; et qu'il me soit permis de le dire, j'ai suivi aes travaux avec d'autant plus d'intérêt, que j'ai eu le bonheur de trouver toujours mon vœu particulier conforme au vœu général, exprimé par ses décrets.
« Je partage également les sentiments d'amour et de respect qu'a inspirés à l'Assemblée la démarche vraiment royale et paternelle de Sa Majesté, quand, sans autre cortège que ses vertus, sans autre motif que son amour pour son peuple, elle est venue se réunir aux représentants de la nation pour affermir et pour presser, s'il est possible, l'heureuse régénération qui assure à jamais la gloire e't le bonheur de la France.
« Il était naturel qu'en ce jour mémorable chacun des membres de l'Assemblée fût empressé de faire publiquement profession des principes qu'elle a si constamment pratiqués, et pour me consoler de ne m'être pas trouvé à portée de participer -à ce grand et Deau mouvement, j'ai eu
besoin de me rappeler que je pouvais être ici de quelque utilité à la patrie.
« Dans ces circonstances, je vous prie, Monsieur le Président, de supplier l'Assemblée, de ma part, de vouloir bien recevoir mon adhésion formelle au serment que ses membres ont prêté le 4 de ce mois, et de trouver bon que, comme eux)
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par Je roi. Signé : L.-P.-J. d'or-léàns.
« Par là, i'exécute, autant qu'il est en mon pouvoir, le uécret porté le 4 de ce mois par l'Assemblée nationàle, et je me trouverai heureux d'avoir été constamment uni à elle en sentiments comme en principes.
« Je suis avec respect,
« Monsieur le Président,
Votre très humble et très obéissant serviteur, Signé : L-P.-J. d'ORLÉA^S, « député de l'Assemblée nationale, »
L'Assemblée, applaudissant aux sentiments patriotiques exprimés dans cette lettre, décrète qu'elle sera insérée en entier dans le procès-verbal.
, La dernière phrase du décret de mardi soir, qui autorise vos comités à prendre, dans les dépôts publics, les expéditions et même les minutes des pièces nécessaires à leurs travaux, présente les plus graves inconvénients. J'observe qu'aucun comité n'a de greffe en règle; que les membres sont changés tous les mois ; que les greffiers, tant des Chambres des comptes, que de la Cour des aides et autres, pourraient, s'ils avaient intérêt à le faire, soustraire certaines pièces, sur des récépissés revêtus de faux seings. Je demande donc la suppression des mots : « et remises, s'ils lè jugent nécessaire, sur « te récépissé des secrétaires des comités, à la c charge d'être rétablies dans les dépôts d'où « elles auront été tirées, après qu'il en aura été « rendu compte à l'Assemblée. »
Cette suppression est décrétée par l'Assemhlée; ce qui réduit son décret de mardi soir aux termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète que les différents comités établis par elle seront autorisés à demander, dans les dépôts des départements, ceux des cours et autres dépôts publics, toutes les pièces qu'ils jugeront nécessaires à leurs travaux; desquelles pièces il leur sera délivré des copies certifiées, sur papier timbré ou non timbré, et sans frais; même que dans les cas où lesdits comités jugeront nécessaire de voir les minutes, elles seront représentées aux commissaires qu'ils nommeront à cet effet. »
Vos archives contiennent un amas déjà très considérable de , pièces, mémoires, cartes et places dans lequel il devient indispensable de mettre de l'ordre. La difficulté de ce travail exige qu'il soit confié à un particulier qui ait l'habitude et le talent d'un semblable classement : je propose d'en charger M. Cottereau, qui a fait ses preuves,
Je demande à l'Assemblée d'ajour-
ner cette question et de la renvoyer à l'examen du comité de constitution, du comité des finances, des quatre inspecteurs de la saHe et dé l'archiviste , lesquels se réuniront pour aviser sur le parti le plus convenable et vous le proposer ensuite.
La proposition de M. Camus est adoptée.
L'Ordre dujôur appelle la discussion sur le premier des articles décrétés hier, concernant les religieux. Là question à résoudre est celle-èi : Faut-il admettre une différence entré les ordres rentés et les ordres non rentes?
, rapporteur du comité ecclésiastique, propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que les traitements à faire aux religieux qui sortiront de leur couvent, sera le même pour ceux des ordres rentés et ceux des ordres non rentés. »
D'après les principes d'humanité dont vous avez formé la bàse de vos opérations, je pense que cette question he înérite pas une discussion sérieuse. En effet, on ne voit pas d'où pourrait naître une différence en faveur des religieux rentés. Les religieux sont tous enfants d'UUè même mère, qui aoit les rendre égaux à vos yeux comme ils le sont aux siens. Une distinction ne pourrait être accordée qu'au travail sans jouissances, et non aux jouissances sans travail. Par vos décrets, vous" avez! nivelé tous leë hommes. Je pense donc que fous les religieux ont les mêmes droits à votre justice et à votre humanité, ét que dans les pensions que vous allez leur assigner^ il he doit exister aucune différence.
Une grande partie de l'Assemblée applaudit. — Quelques membres demandent à aller aux voix!
L'avis du préopinant mérite certainement beaucoup d'éloges ; mais son désintéressement ne m'a pas convaincu de la justesse absolue de ses principes. Vous devez faire une différence entre les religieux rentés et "non rentés, parce qu'én ouvrant lès cloîtres aux religieux, vous devez leur donner l'équivalent de ce qu'ils quittent. Il résulterait une véritable inégalité de l'égalité du traitement des religieux. Ceux qu'on appélle mendiants sont accoutumés à une vie plus active, à vicârier, à prêcher; ils auront plus de moyens d'améliorer leur sort. GëUx qui auront paèsé leur vie à dès études tranquilles n'auront pas d'aussi faciles ressources. Les uns èt les autres, en entrant dans le cloître ; ont fait des sacrifices; mais, en général, ies religieux rentés auraient eu un patrimoine plus considérable que les autres, s'ils n'eussent pas quitté lè monde. Ils ont plus abandonné; on leur doit plus. 11 faut donc accorder une différence pour qu'aucun ne regrette son ancien état.
Il me paraît qu'il suffit de présenter une réflexion simple pour fixer son opinion sur la question. Tous les religieux ont à peu près le même état et les mêmes besoins : voulez-vous être injustes, inconséquents? Etablissez une différence entre eux : il en résultera souvent que la valeur du traitement sera en raison inverse du mérite et du travail. Je ne suis pas touché de la dernière observation du préopinant : souvent un homme riche s'est fait reli-
gieux mendiant ; presque toujours des gens sans fortune sont allés chercher à assurer leur sort dans des congrégations riches!,.. Préférez-vôus l'inutile cistercien au franciscain qui supporte le poids du jour et le travail ?
Les raisons en faveur de l'égalité ne m'ont pas convaincu, et.m'ont paru sortir de la question. Elles sont tirées des considérations religieuses, et non du contrat civil fait avec la société. Trop longtemps le clergé a reproché à l'autorité civile de porter la main à l'encensoir. Examinons donc la question dû côté civil. Les religieux sont des hommes... (On interrompt par des applaudissements, en prenant cette expression dans un sens différent de l'opinion de F orateur.) Quelles conditions ont-ils faites avec la société ? Ils ont renoncé à leur patrimoine, à leur liberté; la société doit maintenir le sort qu'ils ont choisi pour prix de ces sacrifices. Les uns ont contracté envers des ordres mendiants, ils pouvaient faire autrement; les autres, avec des ordres riches. Ceux-ci ont dit : nous abandonnons notre patrimoine pour jouir de tels et tels avantages : sans cela nous ne contracterions pas : ces avantages entrent dans le contrat civil. Vous forcez les religieux rehtés à tenir une partie de leur engagement, puisqu'ils ne rentrent pas dans les droits qu'ils avaient à leurs biens patrimoniaux, maintenez l'exécution de l'autre partie ; faites en sorte qu'ils soient contents, ou bieu ils vous diront : Laissez-nous comme nous étions.
(de Nemours). Il faut distinguer la propriété indivise du corps moral de la'propriété des individus. Lorsque le corps moràl est détruit, la société réntre, par déshérence, dans cette propriété; mais les individus n'étant pas morts, qui que ce soit au monde n'a le droit dè porter atteinte à leurs moyens de jouissance : ces moyens étaient plus étendus chez les religieux rentés qUe chez les religieux mendiants; vous ne pouvez les enlever en totalité ou en partie à aucun d'eux, puisque c'est l'espoir de ces jouissances qui les à déterminés à se consacrer à tel ou tel ordre: vous devez donc, par une suite nécessaire de cè raisonnement, établir une différence entre le traitement des religieux rentés et celui des religieux non rentés... Le désir de profiter le plus possible des avantages d'une suppression ne doit cependant pas entrer pour quelque chosedans vos dispositions ; vous ne devez pas examiner ce qui vous restera, mais ce que vous avez à rendre..... Je voudrais que Cèux qui ont un avis différent du mien me disent comment ils statueront sur les propriétés avec des principes ascétiques... Il est juste de compâtir aux faiblesses de l'humanité et de satisfaire aux besoins de l'habitude. Nul d'entre nous, s'il est riche, ne voudrait être réduit au sort de celui qui est pauvre : ne faites donc pas aux religieux cé que vous ne voudriez pas qu'on vous fit ; né confondez donc pas les religieux rentés avec les religieux non rentés.
curé de Souppes. En supprimant les vœux, vous avez mis tous les religieux sous la protection de la loi : or, aux yeux de la loi, tous les hommes sont égaux ; la loi doit donc accorder à chacun des religieux un traitement égal. Qu'on ne dise pas que les individus rentés, enfermés dans le cloître, nuls pour la société, avaient plus de jouissances que ceux qui vivaient des secours de la charité : ni les uns, ni les autres ne jouissaient. Je ne connais de jouissance que dans
le bonheur d'être utile à la patrie. Votre intention n'est pas d'aceorder aux ordres rentés du superflu, aux ordres non rentés un traitement in suffisant : le terme moyen est le nécessaire, il doit être donné à tous.
Si vous élevez les religieux non rentés au sort des religieux rentés, vous faites une grande générosité, et vous n'avez pas les moyens nécessaires pour être généreux. Si vous abaissez les religieux rentés au sort de ceux qui ne le sont pas, vous faites une grande injustice. Il serait donc à propos de décider avant tout le sort que vous donnerez aux uns et aux autres, et de régler s'il sera déterminé par la mesure des besoins, ou si vous accorderez dusuperllu. Si cependant il faut dès à présent décider la question sur laquelle on discute, ne jugeons pas d'après la règle des différents ordres ; tous alors devraient nous paraître égaux. Considérons les religieux comme citoyens ; les rapports civils sont les seuls que nous devions consulter : il faut se garder d'entrer dans les motifs religieux, et de s'écarter des considérations temporelles qui ont déterminé, qui ont formé le contrat. Je pense donc qu'on doit donner à tous le nécessaire et accorder le superflu à ceux qui en jouissaient.
On demande à aller aux voix.
line faut pas traiter aussi légèrement une question qui intéresse dix-sept mille hommes.
J'appuie l'avis de M. de Lameth. La question qui vous occupe doit être sévèrement discutée, et je me fais fort de prouver qu'elle est intéressante, non seulement sous les rapports qui vous ont été présentés, mais encore sous de nouveaux qui tiennent à tout, à la tranquillité publique, à la constitution.
Les religieux non rentés seront-ils mis dans la même balance que les religieux rentés? Je ne le pense pas. Je ne pense pas que vous puissiez condamner à vivre dans l'infortune des hommes qui furent heureux de leur première existence, et qui, en s'attachant à la vie monastique, ont fait à la fois le vœu d'être heureux et celui d'être moines. Je ne pense pas que vous puissiez vouloir donner l'opulence à celui qui lit vœu d'être pauvre : vous rompriez alors le contrat fait entre les religieux et la société. Mon avis est donc que les religieux non rentés doivent obtenir de vous un sort inférieur à celui des religieux rentés.
Il est de fait que, parmi les ordres que nous appelons rentes, il en est dont les propriétés suffisent à peine à l'existence des individus qui les composent. Il est de fait que parmi les ordres que nous appelons non rentés, il est des monastères infiniment plus riches que, certains monastères rentés. On vous propose aujourd'hui de différencier le sort des uns et des autres; et pour vous engager à être favorables aux moines rentés, on vous dit qu'accoutumés à une existence plus douce que les autres, il serait injuste de leur en ravir les douceurs. Cet argument est combattu par le fait que je viens d'exposer; car, puisqu'il est vrai qu'il existe des monastères de moines appelés mendiants, qui cependant sont riches, il faudrait donc encore faire en leur faveur une exception à la règle générale. La loi doit être une pour tous les hommes. Vous
avez consacré ce principe, et je me flatte que vous ne voudrez pas vous en écarter.
Eh! Messieurs, qu'entend-on par les moines rentés, à qui l'on veut conserver les douceurs du système de vie qu'ils ont adopté? Transportez-vous dans les maisons reniées, vous y verrez l'état-major de l'ordre, les supérieurs généraux opulents et heureux ; vous y verrez aussi l'individu attaché à la même congrégation riche, végéter et trouver à peine les moyens de soutenir sa vieillesse. Qu'entend-on encore par les ordres mendiants? Outre que ces prétendus mendiants sont quelquefois riches, ils sont encore utiles; la nation leur doit une récompense en raison de leurs services : et qui ne sait pas que jusqu'ici les autels ont presque toujours été servis par ces mêmes ordres qu'on appelle mendiants? Les membres qui composent les ordres rentés sont, comme les non rentés, revêtus du caractère sacré de prêtres. Tous les prêtres ont les mêmes droits à un sort convenable pour soutenir la dignité de leur état.
Je conclus à ce qu'aucune différence, à âge égal, ne puisse être établie dans le sort que vous avez à faire aux religieux, de quelque ordre qu'ils puissent être, sous quelque règle qu'ils aient vécu.
Votre intention n'est pas de rompre tellement les habitudes qui ne sont pas vicieuses, et qui ont été contractées sous la sauvegarde de la loi, que ceux-là mêmes qui les ont contractées soient malheureux par la loi. II ne s'agit pas de ramener les religieux à leur institution primitive,'il s'agit d'être justes à leur égard, et vous ne pouvez l'être qu'en tenant les engagements contractés réciproquement entre eux et la société. Si vous rendez le sort de ceux qui sont rentés égal à celui de ceux qui ne le sont pas, ou vous donnerez aux riches moins qu'il ne leur a fallu jusqu'à présent, ou vous donnerez aux pauvres plus qu'il ne leur faudra.
Vous avez déclaré que les vœux monastiques n'auraient plus d'effet sur la liberté des individus; vous n'avez pas anéanti ces vœux. Celui qui a fait vœu d'être riche n'a pas fait vœu de ne l'être pas. Il a reçu, en échange de son vœu, une promesse qu'il faut tenir. Vouloir une loi contraire, c'est vouloir donner à une loi un effet rétroactif, et rien dans le monde ne peut rendre légitime une loi rétroactive. Celle-ci aurait ce caractère, puisqu'elle détruirait l'effet de promesses anciennes, puisqu'elle attaquerait de longues habitudes. Nous ne sommes peut-être pas assez instruits du nombre des religieux rentés et non rentés. Le nécessaire, vous le devez à tous; le superflu, vous le devez à plusieurs, et vous ne connaissez les bornes et la proportion ni de l'un ni de l'autre. On pourrait donc présenter d'abord cette question: Convient-il de fixer en ce moment le sort des moines sous d'autre rapport que celui-ci? Quel est le sort le plus considérable que vous puissiez départir aux moines? Quel est ie moins considérable? Il est important d'observer qu'on ne doit pas leur accorder plus qu'aux ministres du culte, ou bien on s'exposerait à mécontenter une partie du clergé. Il serait donc à propos de décider que le traitement des religieux ne pourra être moindre que celui des vicaires, et plus considérable que celui des curés.
La considération de justice est
celle-ci : qu'il faut accorder à chacun ce qui lui est dû, et qu'on doit à chaque religieux tout ce qui est nécessaire à ses besoins, même d'habitude. Ceux des religieux qui quitteroat leur cloître pourront se rendre utiles à la chosé publique, et l'on peut espérer que le plus grand nombre le deviendra, quoiqu il soit malheureusement vrai que longtemps ils se sont abandonnés à l'oisiveté. Mais l'Assemblée serait injuste à leur égard si elle exigeait que, pour exister et pour subvenir à leur besoins, ils trouvassent des ressources dans leur travail.
Il est une espèce de travail qui, réellement utile, n'a pas d'utilité certaine pour l'individu qui s'y livre etqui lui donne même des besoins.Un bénédictin, par exemple, qui a passé une partie de sa vie dans une bibliothèque, à rassembler les fruits du travail de ses prédécesseurs, et qui s'est livré à l'étude des sciences, peut rendre de grands services ; il serait affreux ae le réduire à l'impossibilité de conserver ses habitudes avec les gens de lettres. Vous verrez une partie des jeunes religieux, heureux de vos décrets, se livrer à des travaux utiles à la Révolution : la constitution a encore des ennemis; elle aura longtemps besoin d'être défendue contre eux. — Il faut consacrer l'inégalité dans le traitement, et se réserver de statuer sur la quotité avec connaissance de cause.
Vous avez prononcé la dissolution des ordres religieux : les monastères étaient des établissements publics; les hommes qu'ils renfermaient ne sont que des individus ; il n'y a pas de différence entre le froc et le froc, entre le prêtre en fonctions et le prêtre sans fonctions. Il faut respecter ce que protégeait la loi; la loi n'assurait que l'habit, la subsistance, et non les abus. Si vous ménagez les anciennes habitudes, les sangsues publiques que vous devez dépouiller viendront aussi faire valoir leurs habitudes anciennes.
On ferme la discussion sur le fond de la matière ; elle s'ouvre sur la manière de poser la question.
Je demande que la question soit ainsi posée : « Dans le traitement des religieux aura-t-on égard à la richesse des ordres et des congrégations? »
Cette manière de poser la question est très habile, mais très insidieuse. En effet, elle tendrait à établir une proportion de traitement, d'après les richesses des religieux et à priver ainsi la nation de tous les avantages qu'elle espère retirer de la vente des biens ecclésiastiques.
annonce qu'on demande la priorité sur la motion tendant à établir'une différence entre les religieux mendiants et les religieux non mendiants.
La priorité est accordée à cette motion qui est adoptée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète que le traitement des religieux mendiants qui sortiront de leurs maisons, sera différent de celui des religieux non mendiants. >
Messieurs, conformément aux ordres de l'Assemblée, votre comité de constitution vous apporte un projet de loi ayant pour
objet d'arrêter les troubles qui se produisent dans les provinces. Il est aihsî conçu :
« L'Assemblée nationale, instruite des désordres arrivés dans plusieurs parties du royaume, des excès commis contre les propriétés et les personnes, et des obstacles mis a la perception des impôts;
« Considérant que le respect pour les personnes et les propriétés est la première loi sociale, et le paiement des impôts le premier devoir des citoyens ;
« Que si les impôts indirects doivent être changés ou modifiés, ce n'en est pas moins line obligation de les payer tant qu'ils subsistent, et queleur paiement est devenu d'autant plus sacré que les représentants de la nation, en prorogeant les contributions publiques, en ont légitimé la perception;
« Considérant que la propriété de chaque citoyen doit être à l'abri de toute atteinte, et que les seuls ennemis du bien public ont pu exciter la fermentation qui se manifeste en divers lieux;
« Considérant, enfin, qu'il n'y a point de liberté politique lorsque l'exercice du pouvoir militaire, dans l'intérieur de l'empire, n'est pas subordonné au pouvoir civil, mais qu'il n'y a point de sûreté pour les citoyens, lorsque la révolte contre la loi n'est pas réprimée à l'instant par une force légale ; et que le bonheur public, dépendant de la liberté et de la sûreté de tous, ne peut être affermi que par un ordre de choses qui concilie ces deux principes;
« A décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. « Les officiers municipaux et les tribunaux de
justice sont spécialement chargés de veiller au maintien de la tranquillité publique, à la
conservation de la vie et des propriétés des citoyens, et de protéger la perception des
impôts.
Art. 2. « Lorsque le secours, soit d'une garde de milice nationale, soit d'une main-forte de maréchaussée, sera suffisant pour la défense des citoyens dont les biens ou la vie seront en danger, et pour le soutien des préposés troublés dans la perception des impôts, lès officiers municipaux seront tenus d'accorder ce secours aussitôt qu'ils en seront requis, et même sans réquisition, aussitôt que le trouble sera parvenu à leur connaissance.
Art. 3. « Dans tous les cas où la vie et les propriétés des citoyens seront menacées, où la perception des impôts directs ou indirects sera troublée par un attroupement séditieux, les officiers municipaux seront tenus de proclamer la loi martiale» et de se conformer exactement à ses dispositions, a péine d'être déchus de leurs fonctions et déclarés incapables de remplir aucun emploi de l'administration publique.
Art. 4. « S'il arrivait que les officiers municipaux fussent convaincus d'avoir excité ou favorisé les troubles apportés à la perception des impôts, et le3 attroupements et émeutes, ils seront poursuivis extraordinairement, déclarés prévaricateurs dans leurs fonctions et punis comme tels.
Art. 5. « Toutes les fois que l'emploi de la force armée sera nécessaire au rétablissement de la tranquillité publique, si les officiers municipaux négligent de requérir les chefs des milices nationales, des troupes réglées et de la maréchaussée, les officiers de justice, ou, à leur défaut, les notables du conseil de la commune,-au nombre de quatre, ou à défaut de ceux-ci, les citoyens de la classe des éligibles, au nombre de huit, pour-
ront faire la réquisition par un acte signé d'eux, sauf à en demeurer responsables.
Art, 6. « Les chefs des milices nationales, des troupes réglées et de la maréchaussée notifieront sur-le-champ cette réquisition aux officiers municipaux, au greffe delà maison commune, et se? ront tenus de se porter avec leurs forces au lieu de l'attroupement.
Art. 7. « Mais si les officiers municipaux leur défendent d'agir et de se porter au lieu de l'attroupement, ils seront tenus de déférer à cette défepse, sauf la responsabilité des officiers municipaux*
Art. 8. « Si les officiers municipaux ne font aucune défense, les chefs des milices nationales, des troupes réglées et deUa maréchaussée se conformeront aux articles 5 et 6 de la loi martiale, Le commandant de là garde nationale, ou, à son défaut, celui de la maréchaussée, cédera le commandement militaire à l'officier que ie suit immédiatement, et, remplissant pour cette fois les fonctions de l'officier civil, marchera safls armes à la têjje de la troupe, et fera aux personnes attroupées la représentation et les trois sommations de se retirer, prescrites par cette loi. La forçe des armes ne pourra être déployée que conformément à l'article 7 de ladite loi, et dans les cas qu'il exprime.
Art. 9- « Les officiers municipaux, quoiqu'ils n'aient pas empêché d abord la force armée de se mettre en activité, auront toujours le droit d'arrêter ses mouvements ; les chefs seront tenus de faire retirer leurs trpupes au premier ordre qui leur en sera donné par la municipalité-
Art, 10. « Il sera dressé par lq commandant, faisant fonction d'officier civil, un prçcès-verbal qui contiendra le récit des faits; et ce procès-verbal sera déposé; au greffe dé la municipalité.
Art. II. « Le Roi sera supplié de faire passer les troupes dans les lieux où cette force auxiliaire sera demandée par les municipalités, sans que les iroppes puissent jamais agir autrement que selon les prweïpes de la constitution et les dispositions du présent décret »
L'Assemblée décrète l'impression et l'ajournement de ce projet de décret»
lève la séance, après avoir indiqué celle du soir pour six heures.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRANP, ÉVEQUE D'AUTUN.
Séance du
Un de MM. les secrétaires fait mention des adresses de félicitations, d'adhésion et de dons patriotiques, dont la teneur suit :
Adresse de la communauté d'Aumont, diocèse de Senlis ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la ville de Pontarlier : elle a de nouveau consacré pour le maintien de la Constitution, et la prospérité de l'empire français, un vœu qu'elle avait fait en 1620.
Adresses d'une multitude de communautés,
composant la partie française de la Haute-Alsace' vulgairement appelée le Supdgaw; elles dénoncent, un abus qui pèse principalement sur la classe du cultivateur « c'est l'objet de l'impôt de la Corvée représentative pour l'entretien des routes.
Adresse des officiers de la municipalité et de la garde nationale de Donzy, Ils se glorifient, à juste titre, d'avoir maintenu, par leur prudence, la tranquillité publique, lorsque les troubles les plus inquiétants agitaient leurs voisins ; ils expriment les vœux les plus ardents pour le rappel desémi-i grants dans le royaume. « Le serment civique, disent-ils, qui assure à tous les Français une fraternité durable, forcera ces citoyens égarés à diriger leur ardeur pour le maintien de la liberté et de la Constitution ;
Adresse des habitants de la ville de Matignon en Bretagne ; ils sollicitent une justice royale»
Lettres du commandant du régiment de Colonel-général, des officiers du régiment de Nassau et de celui de Bourbonnais, en garnison à Metz; du commandant du régiment d'Àgenois, infanterie, en garnison à Saintes, et du lieutenant-colonel du régiment Mestre de camp général de la cavalerie, en garnison à Saintes, par lesquelles ils annoncent que c'est avec la satisfaction la plus vive que ces régiments ont entendu la lecture de la lettre qui leur a été adressée par l'Assemblée nationale.
Adresse de la communauté de Ghataincourt ; elle demande à faire partie du district dé Çhâ-teauneuf.
. Adresse de la garde nationale de la ville de Rouen; elle renouvelle, à la face de la nation, le serment de déclarer une guerre éternelle à tous ceux qui tenteraient de renverser la Constitution.
Adresse de la gardé nationale de la ville de ChàteauneufTenrlbimerais, qtii a prêté le serment civique eptre les mains de la nouvelle municipalité, en présenôe de la commune.
Adresse des officiers municipaux, de ceux du bailliage, et des représentants de la commune de Nancy, qui annoncent que le discours de Sa Majesté a produit parmi tous les citoyens les mêmes sentiments qu'il avait excités dans le sein de l'Assemblée. nationale ; ils ont prêté le serment civique.
Adresse dé vingt-çipq religieuses, ordre de Saint-Augustin, établiés en lavillédeGoulomihiers, diocèse de Meaux, qui déclarent avec vérité qu'elles adhèrent librement, avec la soumission la plus entière, à tous les décrets émanés de sa sagesse.
Adresse de M. Plinguet, ingénieur en chef du duo d'Orléans, qui fait hommage à l'Assemblée d'un traité sur les réformations et les aménagements des forêts.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Landrecies; ils rendent compte de ce qui s'est passé dans cette ville, relativement à la bénédiction des drapeaux du régiment de Vivarais.
« Nos concitoyens, disent-ils, mêlés avec ces braves et fidèles militaires, et nous-mêmes avec Messieurs de i'état-major, et tous les officiers, tant de la garde nationale, que de la garnison, avons partagé les sentiments de joie et d'attendrissement, à la bénédiction de ces nouveaux drapeaux : ceux qu'ils doivent guider dans le chemin de la gloire ont renouvelé avec enthousiasme leur serment de fidélité à la nation, à la loi et au Roi.
Adresse des officiers municipaux de la ville d'Arpajon, qui annoncent avoir fait publier avec
solennité la lettre qui leur a été adressée de la part de l'Assemblée, touchant le refus imputé à plusieurs habitants d'acquitter les impôts dans la forme où ils se trouvent aujourd'hui ; ils attestent que tous, sans exception, ont juré une soumission absolue à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse des maîtres tailleurs et fripiers de Chaumortt-en-Bassigny; ils font le don patriotique de plusieurs effets d'argenterie.
Adresse des maire, consuls, lieutenants de Roi, et des représentants de la commune de Toulon, qui expriment à l'Assemblée leur reconnaissance pour le décret qu'elle a rendu relativement aux troubles arrivés dans cette ville.
Adresse du conseil municipal de la ville de Marseille ; avant de terminer ses fonctions, il se répand en éloges les plus flatteurs sur la conduite de M. Dandré, commissaire du Roi en Provence.
Adresse de la ville de Rocroy; elle réclame le tribunal de justice que sollicite la ville de Grl-selle.
Adresse de la compagnie des chasseurs de la milice nationale du Mans ; elle demande sa conservation.
Adresse du corps des marchands orfèvres de la ville de Marseille; ii supplie l'Assemblée d'ordonner la prompte exécution du décret relatif à la procédure prévôtale qui s'instruit dans cette ville.
Adresse de la ville de Longuyon, et d'une multitude de communauté? voisines ; elles demandent l'établissement d'un tribunal de district dans cette ville.
Adresses de la communauté de Fargés, dans le pays de Gex, de celle de Thierville, près de Verdun, de celles du Bignon,, de celle de Formes et de celle de Burdignes en Forez ; elles font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la compagnie de chasseurs de la milice nationale de vallerauque eh Cévennes; elle fait )é don patriotique du bénéfice que le receveur du grenier a sel veut leur donner, à raison d'une prise de faux sel qu'elle a faite.
Adresse du sieur Henri Perret, bourgeois de Neufchâtel; il exprime les voeux les plus ardents pour que son pays fasse un jour partie du royaume ae France.
Adresse de la ville de Saint-Sever et six communautés voisines ; elles font offre à la patrie du moins-imposé au profit des anciens taillables.
Adresses de la garde nationale de la ville de Montpellier et de la communauté de Gorde en Bigorre. Gette dernière offre la somme de 1,000 livres pour sa contribution patriotique.
Adresse des habitants de la ville de Louviers ; ils font hommage à la patrie de la somme de 2,625 livres.
Adresse des citoyens vainqueurs de la Pastille» qui supplient l'Assemblée nationale de leur accorder une décoration, en récompense de leurs exploits.
Adresse de huit curés du Bas-Vendômois, qui déclarent adhérer à tous les décrets de l'Assemblée, principalement à ceux concernant les ecclésiastiques; ils font le serment de se servir de tout l'ascendant de leur ministère pour les faire exécuter.
Adresse des nouvelles municipalités de la communauté de Vecqueville en Champagne, de la banlieue de la paroisse Saint-Nicolas de la ville de Blois, de la ville de Cusset, de celle de Chàteau-neuf-en-Thimerais, de la communauté Hatain-
court, de la ville de Dreux, de celle de Molême, de celle Lougages, de la communauté de Buisse-heure en Flandres, de la ville de Gluny, de la communauté de Mureau, de celle d'Epiaix, bailliage de Pontoise ; de la ville de Vjlleneuve-de-Berg en Vivarais, de celle de Viliers-Gotterets, du Bourg-de-Péage de Pisançon en Dauphiné, de la ville de Lons-le-Saunier en Franche-Comté, de la communauté de Magneux-lès-Fismes en Champagne, de çellede Mamersau Maine, du bourg de Puisserguier, de celle de Villey-sur Tille en Bourgogne, de celle de Millau,de la communauté de Nort en Bretagne, de celle dé Saint-Florentin, de celle de Verrey-sous-Solmaise,de Celle de Villerieùve-Laguyard, de celle de Saint-Jean-de-Poqtallier-sur-Saône, delà ville de Nyons, de la communauté de bonne-Marie en Montois, de celle de Mirecourt, de celle de Layraç, de celle d'Ouan en Béarn, de celle de Saint-Rambert en Bugey, de celle de Quincy-Basse, de celle de Garantières, de Celle de Peuiy, de la ville de Besançon, de celle de Gien-sur-Loire, du bourg de Buzancy, de celle de Wiseppe, de Celle de Verneuil en Perche, de celle dé Wissembourg en Alsace, de celle deBertrange, de celle de Boitron, département de Meaux,de cille de la Chappelle-sur-Grécy,de celle de Balz ; de celle de Collonge, pays de Gex; de celle de Saint-Denis-sur^l'Isle d'Oléron, de la ville de Vannes ep Bretagne, du bourg de Soulaipe en Champagne, et de la communauté de Montréal en Condomois.
La commune de la banlieue de la paroisse de Saint-Nicolas de U Ville de Blois demande avec instance de conserver sa municipalité.
Les officier? municipaux dé la ville de Dreux annoncent que ie discours du Roi a fait la plus vive sepsation sur tous les cœurs, et qu'il n'est pas un seui citoyen qui ne manifeste le dévouement le plus respectueux à l'exécution des décrets de l'Assemblée hationale.
La ville de Lougages demande d'être chef-lieu de canton: elle annonce que les citoyens les moins aisés, les artisans et les domestiques ont voulu être placés sur la liste de ceux qui se sont distingués par leur offrande à la patrie.
La ville de Cluny fait le don patriotique de la somme de l,i541.11 s. 6 d., et de 6 marcs 4 onces d'argent.
Celle de Villeneûve-de-Berg demande là conservation, dans le Vivarais, de la ville de Pradelies et lieux circonvoisins.
La municipalité de Viliers-Gotterets. demande la permission d'employer la somme de 4,175 livres provenant de l'imposition sur les ci-devant privilégiés, en atelier de charité.
La municipalité de Saint-Florentin consulte l'Assemblée sur des difficultés relatives à l'élection de quelqu'un des officiers municipaux.
La ville de Nyons envoie un acte fédêratif de 2,400 gardes nationaux de plusieurs communautés du Dauphiné, qui se sont réunies sous ses murs et ont juré solennellement de veiller, jusqu'à la mort, à l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
La ville de Besançon annonce que la lecture du discours du Roi a excité, dans l'âme de tous les citoyens, les sentiments de l'amour le plus vif et le plus respectueux, et de la fidélité la plus inviolable.
Adresse des habitants du bourg de Luçenay-lès-Aix, département de Nevers ; ils demandent que leurs paroisses se réunissent popr ne former qu'une seule municipalité.
Adresse de plusieurs habitants de la ville de Troyes ; ils jurent de verser jùsqu'à Jâ dernière
goutte de leur sang pour la défense de la nation de la loi et du Roi.
Adresse des religieuses du couvent royal des Filles-Dieu de Paris, ordre de FoDtevrault ; elles expriment avec énergie leur vive reconnaissance sur le sage décret que l'Assemblée vient de rendre en leur faveur.
Adresse des volontaires de la ville de Montauban.
Adresse de la garde nationale de la ville d'An-duse en Languedoc, qui fait le don patriotique d'une somme de 976 livres ; ces braves militaires annoncent qu'ils livrent au mépris public tous les ennemis de l'ordre et delà constitution du royaume qu'ils jurent de maintenir de tout leur pouvoir ; ils jurent d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi ; ils jurent enfin, sur le fer dont leurs mains sont armées, de ne l'employer jamais que pour réprimer la licence et pour la défense de la patrie et de la liberté.
Adresse des volontaires du Quercy qui ont réprimé les excès qui se commettaient dans cette province et en ont chassé les brigands.
L'Assemblée demande la lecture entière de cette adresse et en témoigne sa satisfaction.
Je propose à l'Assemblée de témoigner qu'elle trouve répréhensible la conduite ou l'inaction de la municipalité de Gahors.
On a excité une foule d'hommes à détruire des propriétés que M. d'Aiguillon et moi possédons dans l'Agenois ; ils ont porté la flamme dans nos maisons qu'on décorait du nom de châteaux avant la destruction du régime féodal. Le mien a été incendié, et celui de M. d'Aiguillon doit l'être aussi en ce moment. La plainte est si loin de moi, que j'en aime le peuple un peu plus qu'auparavant.
Les attroupements du Quercy ont fait quelques cruelles incursions près des frontières d'Auvergne, notamment à Maurs, mais lorsqu'ils ont appris qu'un détachement de la garde nationale de Glermont venait, malgré 34 lieues de distance, au secours de ces contrées, ils ont été détrompés contre les écrits qui les avaient excités contre la Révolution et se sont dissipés.
Dans la Bretagne, le peuple des campagnes a été égaré par des insinuations perfides ; ce n'est point par des lois comme celle qui nous a été proposée hier par le comité de constitution qu'on ramènera le calme, mais bien par la persuasion et la sagesse. Il est probable, en effet, que les décrets qui vont être rendus pour distinguer les droits féodaux rachetables de ceux qui sont abolis sans indemnité, produiront un meilleur effet que toute les lois martiales.
L'omission faite dans les lettres-patentes données le mois dernier de l'article 3 du décret du 29 décembre 1789, relatif aux municipalités a pu contribuer à occasionner des désordres. Je demande que cette omission soit réparée.
Je propose que l'Assemblée donne un témoignage public de satisfaction pour la conduite patriotique des volontaires du Quercy.
Je propose d'autoriser M. le Président à écrire aux volontaires pour les
remercier au nom de l'Assemblée d'avoir arrêté les troubles de la province.
, (d'Agen), appuie vivement cette motion.
Gette proposition est unanimement adoptée.
Les représentants de l'université de Paris offrent un don patriotique, et l'un d'eux prononce le discours suivant :
« Nosseigneurs,
c Vous voyez les représentants des jeunes élèves de l'université de Paris ; ils viennent mêler leurs offrandes aux dons libres et désintéressés de tous les citoyens. Vous être les pères de la Patrie ; nous en sommes les enfants. Nous espérons que nos dons, offerts par le respect et l'amour, seront accueillis avec une indulgence et une bonté paternelle. Déjà nous avons prononcé le serment qui lie tous les bons citoyens ; déjà nous avons juré à la nation ; à la loi et au Roi, une fidélité inviolable. Mais il est un autre serment non moins sacré pour nous, et que nous venons prêter entre vos mains : c'est celui d'une éternelle reconnaissance. Oui, Nosseigueurs, nous vous jurons à tous un entier dévouement; nous vous le jurons au nom de tous nos frères ; et cet hommage est à leurs yeux leur plus précieuse offrande. Signé, Bresson, Nouvel, du collège de la Marche; Farges, Jaccaz, de Lisieux ; Aubé, d'Arcis, de Mazarin ; Lemée, Doulcet, de Navarre ; Mimault, Lafite, des Grassins ; Laurendeau, Le-clerc, du Cardinal-le-Moine ; Broché, Jullien, de Montaigu.
Madame Mouret, descendante de Lafontaine, lit une adresse dans laquelle elle expose en précis le plan d'éducation qu'elle a offert en don patriotique dans une des précédentes séances.
Une députation des représentants de la commune de Paris est introduite. Elle annonce la mort de M. l'abbé de l'Epée et supplie l'Assemblée de prendre en considération l'établissement que ce généreux citoyen avait élevé et soutenu à ses frais pour l'institution des sourds et muets.
M. Goudard, orateur de la députation, dit :
Messieurs, les sourds et [muets avaient à Paris un instituteur, et cet instituteur était leur père adoptif.
M. l'abbé de l'Epée, dont le nom sera immortel, avait trouvé dans son génie l'art de suppléer la nature ; de remplacer l'un des sens les plus nécessaires par le concours des autres ; de faire en un mot que des individus qui ne pouvaient ni entendre, ni parler, entendaient cependant avec leurs yeux, nous transmettaient la parole par l'écriture, s'élevaient aux idées les plus abstraites de la métaphysique, et exprimaient leurs pensées avec toute la plénitude et l'élégance même dont elles étaient susceptibles ; l'univers entier a admiré cette découverte, qui doit être mise au rang des plus beaux et des plus hardis efforts de l'esprit humain.
Mais ce qui était digne aussi d'une grande admiration, c'était la charité active, la bienfaisance intarissable de M. l'abbé de l'Epée, qui consacrait non seulement tous ses soins, mais ses moments, ceux-mêmes de sa vieillesse, à l'éducation de ses élèves ; qui les plaçait isolément, ou réunis, dans des pensions particulières où il payait leur nourrittore et leurs vêtements ; il leur donnait des guides à ses frais ; enfin il avait séparé les individus des deux sexes en deux espèces de familles, dont il était en même temps le chef, l'instituteur,
le père et l'ami ; et pendant trente années consécutives, il a offert à là France, aux étrangers, aux souverains qui venaient s'abaisser devant tant de vertus et de talents, le double modèle d'un grand génie et d'un vertueux citoyen.
M. l'abbé de l'Epée ne jouissait cependant d'aucun bienfait du gouvernement et n'en avait jamais imploré aucun. Les grâces ecclésiastiques n'étaient pas non plus parvenues jusqu'à lui, il n'en avait sollicité aucune. Tout ce qu'il a fait en faveur des malheureux, c'est à l'aidé de son patrimoine seul et de celui de son frère ; c'est en se sacrifiant tout entier au besoin qu'il avait de soulager la misère et de consoler l'affliction : en sorte que les sourds et muets sont devenus orphelins en le perdant-, et que, si la bienfaisance nationale ne remplace pas aujourd'hui la sienne, il y aura en France une classe d'infortunés privés du secours dont on leur avait donné l'habitude ; doublement malheureux, et par la triste condition à laquelle la nature les a condamnés et par la douleur qu'ils auront de voir l'amélioration de leur sort échapper à leurs espérances.
Ah ! la nation française est trop généreuse et trop sensible pour laisser vacante et ne pas remplir elle-même une place aussi nécessaire à la misère humaine.
Non, certes, elle ne souffrira pas que lorsque l'Italie, la Hollande, la Suisse et les Etats de l'Empereur, offrent aux regards de l'humanité des établissements créés à l'imitation de celui de M. l'abbé de l'Epée.et dirigés par des instituteurs qu'il a formés, nous nous voyions dans la nécessité d'aller redemander aux nations étrangères les secours que celles-ci sont venues chercher parmi nous ; elle ne souffrira pas qu'une invention aussi précieuse que celle de M. l'abbé de l'Epée périsse où elle a pris naissance, et qu'on lui reproche un jour que la bienfaisance d'un seul citoyen a été supérieure à la bienfaisance nationale.
Les sourds et muets, qui étaient les enfants adoptifs de M. l'abbé de l'Epée, détiendront donc ceux de la patrie et la patrie fera pour eux, par justice et par bienfaisance, ce que la bienfaisance seule inspirait en leur faveur, à M. l'abbé de l'Epée ; car la nation française, en se régénérant, n'a perdu aucun de ses nobles penchants, et ce qu'elle se serait empressée autrefois de consacrer par un assentiment unanime, elle fera elle-même aujourd'hui, et il est de son devoir de le faire, lorsqu'elle en a conquis la puissance.
C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient de faire le reste. Il importe à la gloire et à la sensibilité de la nation française qu'un établissement public soit créé en faveur des sourds et muets ; et cet établissement, pour être vraiment national, pour être un asile ouvert à tous les malheureux de cet empire que la nature aurait également disgraciés, doit être créé par vous.
Nous savons qu'en général il peut être indiscret de proposer la formation d'un établissement nouveau, lorsque les ressources du Trésor public sont à peine suffisantes pour entretenir ceux qui existent ; mais ce n'est point lorsque l'établissement est aussi nécessaire que celui qui vous est proposé, ce n'est point lorsqu'on parle à des hommes qui n'ignorent pas que ce ne sont jamais les dons modérés d'une bienfaisance inépuisable, mais les injustes prodigalités de la faveur, qui sont onéreuses à un Etat, et qui le ruinent ou l'appauvrissent.
L'établissement est, d'ailleurs, pour ainsi dire, créé à l'avance et il n'a presque plus besoin que
d'être consacré par votre autorité. Le Roi avait destiné pour cette œuvre d'humanité et de justice une partie de la maison et des biens des Gélestins qui résidaient à Paris et qui sont depuis quelques années supprimés. Déjà même le décret en avait été arrêté en son Conseil..... Ah 1 nous n'avons plus rien à ajouter maintenant : les intentions du Roi sont connues de vous et elles seront exécutées, car il vous sera honorable et doux en même temps, Messieurs, de pouvoir accomplir les desseins généreux d'un Roi que vous chérissez ; d'avoir quelque chose à faire pour lui, lorsqu'il fait tant ae choses pour son peuple ; d'aller enfin au devant de lui pour lui complaire, lorsqu'il vient lui-même au devant de vous pour vous rendre heureux ; et, en secondant ainsi son penchant à là bienfaisance, vous aurez encore la douceur de recueillir des bénédictions des malheureux pour qui votre justice est un besoin et à l'égard desquels votre humanité est un devoir.
témoigne aux députés de la commune de la ville de Paris la sensibilité de l'Assemblée sur les infortunés auxquels M. l'abbé de l'Epée avait prodigué tant de soins. Il assure la députation que l'Assemblée prendra cette demande en grande considération.
Les ci-devant gardes-françaises et les officiers, soldats et chasseurs incorporés dans l'armée nationale parisienne offrent un don patriotique de 7,297 livres et deux paires de boucles d'argent ; ils assurent en même temps de leur disposition à verser leur sang pour soutenir la constitution.
Les députés de la commune de Mamers, au Maine, renoncent, au nom de cette commune, à la finance de ses officiers municipaux, qui forme un principal de 3,000 livres.
M. Quesnay de Saint-Germain, député extraordinaire de Saumur, offre, de la part de cette ville, un don patriotique de 30,000 livres et prononce un discours plein de sentiments patriotiques, qu'il termine par le serment civique.
répond à chacun de ces discours par des témoignages de la satisfaction de l'Assemblée, et les orateurs assistent à la séance.
annonce que M. Rousseau, architecte du Roi, fait hommage à l'Assemblée des plans d'un palais national; et M. Devilly, d'un projet de monument à la gloire du Roi. Les plans et projets sont exposés dans les bureaux : l'Assemblée témoigne sa satisfaction du patriotisme de ces généreux citoyens.
, membre du comité des recherches, fait un rapport sur l'affaire du sieur Martineau, relativement à un fait d'exportation de blé ; cette affaire avait été portée d'abord par devant ceux de Fontenay qui en avaient référé à l'Assemblée nationale. — Le comité propose de renvoyer les parties par devant les juges de Fontenay pour statuer sur l'appel de la sentence de Luçon.
Par ce procédé, l'Assemblée jugerait à l'instar des tribunaux judiciaires : pour éviter cet inconvénient, je propose de décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
L'Assemblée ne prend aucune attribution judiciaire en renvoyant aux juges de Fontenay. J'appuie donc les propositions du comité.
Je crois qu'il serait préférable de laisser le comité correspondre avec es juges de Fontenay, sans faire intervenir l'Assemblée nationale.
Voici le projet de décret que je vous soumets :
« L'Assembléé nationale, ouï le rapport dé son comité des recherches, a déclaré que la contestation qui lui a été déférée est du ressort du pouvoir judiciaire. *
Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.
fait un Second rapport dans lequel il donne un détail SUCCinct de la fermentation qui avait occasionné des Inquiétudes dans quelques provinces; il fait lecture à l'Assemblée : i6. d un écrit intitulé Adresse au Roi, et pour lequel on avait obtenu la signature de plusieurs particuliers du bailliage d'Evreux ; 2° de deux désaveux faits par devant notaires de plusieurs de ceux qui avaient signé, et qui ont déclaré l'avoir fait par erreur, et sur d'autres exposés que ceux qui sè trouvent dans l'écrit.
M. le rapporteur annonce qu'il est parvenu au comité des pièces qui désignent les auteurs de cet écrit, mais qu'il ne croit pas pouvoir les nommer sans un ordre de l'Assemblée» On agite la question de savoir si ces auteurs seront nommés et l'Assemblée ordonne qu'ils seront nommés.
Ën conséquence M. le rapporteur fait lecture d'une lettre datée de Vaux, et par laquelle la damé de Montvallat d Èntraygues d'Espinay Saint-Luc, écrit â la garde nationale de RugieS, èt parle dé l'écrit dont il s'agitr comme ayant été^ remis par Cètte dame et son mari à l'un de ceux qui font sigdé, et qui oùt révoqué leur signature.
Après ce rapport le décret suivant est rendu :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que l'écrit intitulé Adresse au Roi, présenté aux habitants des campagnes et paroisses du bailliage d'Evreux, signé de neuf particuliers de la paroisse de Vaux, et les pièces jointes à cet écrit, seront mises ès mains du procureur du Roi du Ghàtelet, auquel il est enjoint de poursuivre contre les au-t teurs, distributeurs et colporteurs dè ladite adresse, leurs fauteurs, complices et adhérents. »
indique l'ordre du jour pour demain et lève la séance»
PRÉSIDENCE DE M. DE TAXLËYRAND, ÉVÈQUE D'AUTUN.
Séance du
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.
, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du soir.
Il ne s'élève aucune réclamation.
, député de Saintes, demande et obtient la permission de s'absenter pour trois semaines.
L'ordre du jour ramène la discussion sur le projet dè décret proposé par le comité ecclésiastique relatif aux ordres religieux. M. Treilhard, rapporteur, a la parole.
Avant de statuer sur le traitement à faire aux religieux qui sortiront du cloître, il vous reste une question préalable à décider» Fera-t-on quelque différence entre les religieux, à raison des fonctions qu'ils remplissent ou des dignités dont ils sont revêtus dans leur ordre ? Le comité ecclésjastique pense qu'il ne doit y avoir nulle distinction pour les places particulières et amovibles; mais il croit qu'on peut en établir en faveur des possesseurs de titres perpétuels de bénéfices, comme abbayes, cures, prieurés et autres.
Le comité propose le décret suivant :
« Les religieux qui seront pourvus de titres perpétuels de bénéfice, abbaye, prieuré ou autres, jouiront du traitement qui sera incessamment fixé ; il ne sera fait d'ailleurs aucune distinction entre les individus, à raison des emplois qu'ils occupent dans leur maison ou dans )eur ordre ; en ce, non compris les frères lais ou convers. »
La discussion est ouverte.
, abbé d'Abbecourt, se livre à l'examen de la nature du contrat fait par un religieux, des conditions de ce contrat par lequel il s'est frappé de mort subite... (On observe que ce n'est pas la question.} M. a'Abbecourt continue, et propose de décréter que les pensions de religieux qui quitteront lè Cloître seront proportionnées à la valeur des biens que les différents ordres abandonneront; que ces pensions seront au moinsde 13 ou 1,500 livres, ayant égard à la différence d'âge et d'activité ; que les religieux qui voudront vivre conventuelletnent se retireront dans des maisons situées dans les campagnes, ne pourront y être réunis en nombre moindre de douze, y compris le supérieur, et que ces maisons seront dotées en fonds de terre, à raison de 1,200 livres par individu ; que ces traitements seront affectés sur les fonds des communautés, et que les jésuites recevront à l'avenir le même traitement.
Je ne parle pas, dit-il, des abbés réguliers; je me reprocherais de défendre ma cause devant les représentants d'une nation juste et généreuse.
La question proposée est complexe: elle Comprend les religieux possesseurs de titres perpétuels et les dignitaires dont les titres ne sont pas perpétuels. Pour ceux-ci, nulle différence ; pour ies premiers, la décision est facile ; les abbés réguliers doivent être traités comme les bénéficierS simples ; ils deviennent tels. Les religieux-curés doivent être traités comme les autres curés du royaume ; mais il est des bénéficiers claustraux qui ne jouissent que d'une très petite partie de leur bénéfice ; le reste appartient a la congrégation. Ces bénéfices doivent être considères comme faisant partie des biens de la communauté. J'adopfe le projet de décret présenté par M. Treilhard, en y ajoutant que les abbés réguliers, possesseurs de titres perpétuels et non claustraux, seront traités comme les bénéficiers simples, ét les religieux-curés comme les autres curés du royaume.
demande que le général des Chartreux, qui n'est pas titulaire, Boit compris avec les religieux qui auront un traitement plus considérable.
sollicite la même exception en faveur de l'abbé-général de Sainte-Geneviève.
résume les différentes observations, et propose la rédaction suivante : Il ne sera pas fait de distinction, quant au traitement des religieux qui sortiront au cloître, entre ceux qui sont pourvus de bénéfices et ceux qui n'en sont pas pourvus, si ce n'est à l'égard des religieux-curés, qui seront traités comme les curés séculiers. Il pourra cependant être accordé aux généraux d'ordres et abbés réguliers, ayant juridiction sur les maisons de leur ordre, une somme plus forte qu'aux simples religieux.
On demande à aller aux voix.
Votis ne perdez pas sans doute de vue que l égalité appafente serait une inégalité très réelle, très injuste, Les religieux titulaires ont des droits incontestables, puisqu'ils sont titulaires. Les religieux supérieurs triennaux, considérés avec raison comme supérieurs majeurs, ne doivent pas être confondus avec les simples religieux, parce qu'ils ont été admis à la supériorité par le cboix libre des religieux mêmes. J'observe que tous les généraux sont à Rome, et que ces exceptioné sont ufl objet trop peu important pour une grande nàtîbn qui hérite de tous les ordres religieux.
J'adopte le projet de décret de M. Gamus, mais il contient une équivoque qu'il faut lever. Èn se servant dé ces mots : « entre ceux qui sont pourvus de béhéfices et'deux qui n'en sont pas pourvus, » on préjugerait la grande question de la jouissance des titulaires.
Je fais aussi de mon observation sur lès supérieurs majeurs l'objet d'un amendement.
La congrégation de Saint-Maur a droit, par les services qu'elle a rendus aux lettres. à une exception honorable ; je la réclame pour elle,
Si l'expression que M. l'abbé Maury veut retrancher du projet dé décret ne s'y trouvait pas,f i article n'existerait plus. On ne peut, lorsqu'il s agit de décider s'il y aura une différence entre le traitement de telle ou telle classe, ne pas exprimer nommément Ces dlàsses. Quant aux supérieurs majeurs, si par impossible cet amendement était admis, je proposerais en sous-çunendement « qu'ils ne jouissent de celte exception qu'après avoir rendu el apuré leurs comptés. » Je demande, au surplus, la question préalable sur les deux amendements!
Il faut ôter du décret le mot pourra et le remplacer par celui sera.
Je ne me Buis pas servi de ce mot sans intention. Il m'a paru Convenable de réserver les moyens de faire d'autres exceptions. Par exemple, quelques religieux de la congrégation de Saint-Maur, et non la congrégation entière, car tous ses membres ne sont pas savants, ont droit à quelques égards. Dom Glémént, auteur d'un ouvrage unique sur l'art de vérifier lés dates, qui pendant soixante-seize ans a rigoureusement observé tous ses devoirs, ne serait-il pas digne d'une exception?
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements.
L'article proposé par M. Camus est adopté et l'Assemblée décrète :
« Qu'il ne sera point fait de distiction, quant au traitement des religieux qui sortiront du cloître, entre les religieux pourvus de bêtiéfices et ceux qui n'en sont point pourvus; le éort de tous sera le même, si ce n'est à l'égard des religieux-curés, qui seront traités comme les curés séculiers ; qu'il pourra cependant être accordé aux généraux d'ordre et aux abbés réguliers, ayant juridiction, une somme plus forte qu'aux simples religieux. »
fait lecture de l'article suivant :
Il sera payé chaque année, à chaque religieux qui aura fait la déclaration de vouloir sortir de sa maison, par quartier et d'avance, à compter du jour qui sera incessamment réglé, savoir: aux mendiants 700 livrés jusquà cinquante ans, 800 livres jusqu'à soixante-dix, et 900 livres après cet âge; et à l'égard des religieux non mendiants 900 livres jusqu'à cinquante ans, 1,000 livres jusqu'à soixante-dix ans, et 1,100 livres après cet âge. »
Si un religieux était resté dans le monde, il aurait pu, avec son patrimoine, élever l'édifice d'une fortune considérable. Un religieux rendu au monde ne pourra se livrer aucune spéculation ; il n'aura nulle ressource ; il ne peut exister que par la justice qu'il attend de vous : vous ne le réduirez pas à l'étroit nécessaire; vous ne rendrez pas illusoire la liberté qu'il retrouve par vous: ce serait pour lui une calamité funeste s'il était forcé, par la nécessité» de rester dans le cloître.
Parmi les cent mille vexations de l'ancien gouvernement qui a tant pesé sur la France, on doit compter celle qui a été exercée sur un ordre célèbre, sur les jésuites ; il faut les faire participer à votre justice.
. Je demande que la moindre pension Soit de 800 livres jusqu'à cinquante ans, 1,000 livres jusqu'à soixante-dix, et 1,200 livres au delà, et que cette disposition soit commune avec les jésuites.
Je crois que l'Assemblée doit différer toute fixation de pensions jusqu'à ce que nous connaissions les revenus des établissements religieux.
Si, en calculant pour fixer mon opinion au sujet des différents aperçus qui vous ont été présentés sur le nombre des religieux et sur l'insuffisance de leurs avenus, je partageais les inquiétudes qu on témoigne, je serais le premier à arrêter votre générosité!; mais comme je suis assuré de l'exagération de cea calculs, permettez-moi de vous représenter que la jouissance des religieux sera de peu de durée, et que leurs biens vous offrent une ressource immense. D'après ces courtes réflexions, voici une proportion qui, je le crois, concilie la prudence et la justice : « Les jésuites répandus dans les provinces et tous les religieux profès, de quelque ordre et congrégation qu'ils soient, excepté les mendiants, recevront du receveur du département, par quartier et d'avance, 1,000 livres jusqu'à l'âge de quarante ans, et 1,200 livres jusqu'à soixante ; les sexagénaires et les infirmes dont l'état sera constaté, 1,500 livres.
(de Nemours). J'ai tâché hier d'éta-
blir devant vous la nécessité d'être justes, et je parlais conformément à votre cœur; je tâcherai d'établir aujoud'bui la nécessité d'être prudents, et je parlerai conformément à votre raison. Avant de statuer sur le sort des religieux, il faut con-naître Je nombre des religieux et la valeur de leurs propriétés. Votre comité ecclésiastique vous a promis des détails prochains sur ces deux objets ; je pense qu'avant de prendre une déter- mination quelconque, il faut connaître ces détails, J e conclus donc à ce que votre comité ecclésias- tique soit chargé de vous donner des détails sur le nombre des ecclésiastiques réguliers et sur la valeur de leurs possessions. Encore une fois, je crois pas que vous puissiez rien déterminer sur le sort à faire aux religieux avant que votre comité vous ait rendu ce compte.
Deux choses ont sans doute fixé l'attention de votre comité, savoir : quel est le nombre des religieux en France? quelle est la valeur de leurs possessions ?
Voici le fruit de mes recherches sur le nombre. On compte en France dix-huit mille religieux un traitement juste plus. Non seulement, avant de vous présenter cette assertion, j'ai travaillé moi-même à en reconnaître la vérité, mais encore sur cela j'ai consulté plusieurs membres de cette Assemblée, qui, pas état, devaient avoir des notions exactes á ce sujet. J'ai consulté notamment M.L'agent-général du clergé. Ses calculs ont été conformes aux miens, á la différence seulement qu'il ne croit pas que le nombre des religieux soit tout- á-fait aussi considérable que je l'ai cru moi- méme.
Votre comité n'a pas encore des notions bien précises sur la valeur des propriétés monastiques; il les aurait, ces notions, si les déclarations que vous avez permis que ces déclarations ne fussent remises qu'au premier jour de mars, et ce terme n'étant point encore expiré, nous ne pouvons vous offrir aucune certitude sur ce point.
Si cependant vous voulez concilier à la fois la promptitude qu'exige cette opération avec la prudence qu'elle demande, je ne crains pas d'avancer que vous pouvez adopter sans crainte l'avis qui vous a été proposé par votre comité. On connait l'immensité desrevenus des maisons de Cluny, de Saint-Maur, de Saint-Bernard, etc. Ces revenus seuls acquitteront la dette que vous avez contractée avec le clegé regulier. Je suppose que vous n'eussiez point assez des sommes que je viens d'indiquer, vous trouveriez le complément de ce qui vous est nécessaire dans les maisons de Saint-Benoit, répandues dans les Pays-Bas.Ces maisons y sont en grand nombre; la moins riche a 50,000 livres de rentes; les autres 100,000 , 200,000 , et jusqu'á 400,000 livres. Il est donc impossible que vous ne trouviez pas abondamment les moyens de remplir vos engage-ments. je dis abondamment; car, indépendamment des revenus dont je viens d'indiquer la source, vous avez encore dans les Pays-Bas les maisons des Augustins, dans toute la France, celles des Génovéfains; vous avez ensuite, dans les non rentés, des maisons trés riches, et no-tamment les Jacobins; vous avez enfin les emplacements d'un grand nombre de maisons monastiques. Sans doute voila beaucoup plus de moyens que vous sans délai, et quoiquela fortune religieuse ne vous soit pas entiérement connue, fixer le sort de tous les moines réguliers dont vous avez
prononcé la liberté. Je conclus à ce que l'avis du comité sur cet objet soit adopté,
Vous n'avez pas une conde naissance exacte de la valeur des biens religieux,et vous ne pouvez, dit-on, r i en statuer sur le traileurs tement à faire aux religieux; à cela je réponds que, quoique vous n'ayez pas de détails bien cir-constanciés sur la valeur de ces biens, il est ce pendant notoire qu'ils fourniront abondamment au sort que vous devez faire à tous les moines.Les revenus des moines sont immenses, on le sait, quoique, dans des indications vagues, ils aient été fixés à un taux très modique. Jusqu'à présent le clergé seul a pu vous donner une idée ae l'immensité de ces biens, et le clergé avait plus grand intérêt, comme la plus grande facilité, à ne vous offrir que des calculs infidèles. De là les e r r e u r s même du gouvernement. Mais ces mê-mes inexactitudes, que nous pouvons soupçonner avec vraisemblance, me font penser que la valeur des biens du clergé peut être double de ce qu'on crue jusqu'aujourd'hui.
Nous dcvons aux religieux un traitement juste et bonnete. Nous devons les mettre a l'abri de tous les besoins, par cela mtime que dans leur etat ils etaient l'abri de tous les besoins; ainsi doijic, je pense que vous devez aux religieux mendiants 800 livres, aux religieux noa men- diants 1,000 livres.
Vous avez établi une difference dans le traite- inent k faire aux religieux rentes et k ceux qui ne le sont pas. Mais, Messieurs, conserverez-vous cette difference lorsqu'il s'agira de fixer le sort des intirmes ou des vieillards? non, sans doute: vous vous imposerez alors le devoir de la faire disparaitre; it ne faut ni du luxe, ni des jouis- sances a l'homme infirme et vieux; il lui faut des secours; les besoins sont alors les mdmes pour tous les horames, et ces besoins sont ceux de la nature. Je pense que, s'il devait exister une dis- tinction, les religieux mendiants auraient peut- etre plus de droits ^ vos egards que celui qui ne le fut pas. La viedu religieux mendiant ayant 6tG plus active que celle du moine rente, les travaux ont rendu pour lui le fardeau de 1'ige plus pe- sant. Je detnande done que vous fixiez un taux uniforme pour le religieux mendiant ou non men- diant, quand il est intirme ou vieux, el je fais de cet objet une motion expresse que je remets sur le bureau.
Je crois que, lorsque vous avez determine la suppression des maisons religieuses, aucune idee d'avantage p6cuniaire n'a eu part a cette deliberation. Vous devez des a present fixer le sort des religieux. Vous avez decrSte hier que vous etabliriez uuu distinction Uetraitemeuleulre les religieux mendiants et les religieux non men- diants. La difference relative a l'age sera fondee sur celle des besoins.
Je vous presente une observation particulifcre, et qui ne vous a point encore ete soumise. Le re- ligieux qui sortira du cloitre a l'age de quaraute ans recevra de vous la pension que vous croirez devoir i ceux qui sortiront a cet age; mais ce raeme religieux, parvenu a l'age de soixante ans, recevra-t-il la pension accordeeaux religieux qui auront ce nombre d'annees a l'6poque de leur sor- tie drs cloitres? Voila ce que je ne pense pas que vous puissiez vouloir. Le moine libre a quarante ans peut travailler a augmenter sa fortune; s'il ne le fait pas, il a tort, et la nation ne peut ni ne doit le recompenser de son inertie.
Cette observation me parait fondée sur la plus exacte équité; j'ose vous en offrir-une autre que je ne crois pas moins juste.
Donnerez-vous aux religieux qui resteront dans leur cloître une somme égale à celle que vous accorderez à ceux qui se séculariseront? Je réponds non. Il est évident que ceux qui resteront dans leurs cloîtres, ayant une habitation gratuite, auront, avec moins d'argent, la même aisance que ceux qui sortiront. D'ailleurs, il faut moins individuellement à des hommes destinés à vivre en commun qu'à des hommes isolés.
Je ne pense pas, avec M. de Mirabeau, que le moindre sort fait aux moines doive être relatif au sort fait aux vicaires. Vous n'avez rien reçu des vicaires, vous ne leur devez que ce que vous voulez leur devoir; vous devez plus à des hommes que vous avez séparés de l'état qu'ils tenaient de la loi ; vous devez les dédommager des sacrifices que vous aviez autorisés; vous leur devez une existence qui les mette à même de vivre dans la société. Je pense que les deux extrêmes doivent être, pour les uns 1,200 liv., pour les autres800 liv. On vit avec 800 liv., on ne vit pas avec moins. Voici donc quelle est la proportion que j'établirais: 800 liv. jusqu'à quarante ans; depuis quarante ans jusqu'à soixante; 1.000 liv.; depuis soixante, 1,200 liv.
Fixerez-vous dès à présent le sort que vous devez faire aux religieux? ou attendrez-vous les connaissances nécessaires pour vous déterminer? Il serait imprudent, il serait inutile de prendre en ce moment un parti imprudent. Pouvez-Vous prendre des engagements sans être sûrs de les remplir? serez-Vous sûrs que les pensions qui seraient accordées, ainsi qu'on vous le propose, n'excéderaient pas les revenus des propriétés monastiques? Vous avez supprimé les dîmes, vous avez dès lors diminué de beaucoup ces propriétés, et Vous ne savez pas à combien monte cette diminution ; vous ne connaissez pas encore ce qui reste : quoique en prononçant l'abolition des vœux, vous ayez plutôt envisagé la matière sous des rapports de finances, vous n'avez sans doute pas voulu nuire aux finances. Quand la détermination soudaine que vous êtes prêts à prendre ne serait pas imprudente, elle serait àu moins inutile. En effet, à quelle époque pourrez-vous payer les religieux? Si vous ne le pouvez qu'à une époque éloignée, pourquoi en fixer prématurément la quotité? est-ce pour que les religieux reprennent dès à présent leur liberté? mais, à l'instant où ils la reprendront, ils auront des besoins que vous ne pouvez dès à présent satisfaire. La proposition que M. de Mirabeau vous a faite hier n'a rien d'imprudent et d'inutile : elle tranquillise les religieux sur leur sort, elle fixe avec justice des bornes à votre générosité et vous laisse toute latitude nécessaire.
Je conclus à ce qu'en déclarant que le traitement qui sera fait aux religieux n'excédera pas celui que vous destinez aux curés, et ne sera pas moindre de celui des vicaires, vous vous laissiez le temps de vous instruire sur la valeur des propriétés attachées aux établissements religieux.
fait lecture des différents projets de décret.
Vous ne connaissez pas le nombre des religieux. On vous dit qu'il s'élève à 17,000 ou 18,000; mais il reste encore les religieuses, dont le nombre est de 30,000: voilà 50,000 individus dont il faut assurer le sort. Vous
ne connaissez pas la valeur des propriétés monastiques. La fortune des religieuses est à peu près nulle : elles existent presque toutes du travail de leurs mains ou des pensionnats. Ajoutez à cette considération que la plupart des maisons sont chargées de dettes : tous les jours il nous vient des mémoires à ce sujet. Lorsque vous avez mis les propriétés du clergé à la disposition de la nation, vous avez décrété plutôt une opération de finances; vous n'avez cependant pas voulu qu'elle fût désastreuse pour les finances et pour les peuples; vous n'avez pas voulu vous imposer la nécessité de mettre de nouveaux impôts; vous avez entendu veiller aux secours que la société doit aux pauvres; et jamais, non jamais les circonstances ne demanderentde plusgrands secours. Les moines ont satisfait et satisfont encore à ce devoir. Si, par une, générosité mal entendue, vous disposez entièrement de leurs biens en ouvrant les cloîtres, je vous le demande, que deviendront les indigents? Soyez justes, soyez prudents; vous devez aux religieux le nécessaire, et rien de plus. On veut que vous ne leur donniez pas moins qu'aux vicaires ; mais songez donc que les vicaires n'avaient que 500 livres (on interrompt et Von dit qu'ils n'avaient que 250 livres), et l'on vous propose de fixer au moins à 800 livres la pension la plus faible des religieux 1 Le vicaire emploie tout son temps pour sa paroisse, il supporte le poids du jour et de la chaleur. On vous dit que les moines ne doivent pas avoir plus que les curés. Je le crois. Un curé a des devoirs de charité à remplir; son état et le spectacle affligeant de la misère l'obligent à répandre autour de lui des aumônes qu'appellent sans cesse l'indigence et la vieillesse. En vous proposant de fixer à 700 livres le premier terme de la proportion pour les non rentés, le comité avait toutes ces puissantes considérations devant les yeux : il n'a pas changé d'avis. Si vous leur accordez davantage, ils vivront dans l'oisiveté: s'ils travaillent, leur sort ne sera-t-il pas plus heureux que celui de la plupart des ecclésiastiques ? Faites-en des vicaires, et ils auront d'abord 1,400 ou 1,500 livres de revenu. Votre comité vous propose de vous engager à décider qu'on ne pourra devenir curé qu'après un temps déterminé de vicariat. Un religieux pourra dès lors posséder une cure: cela dépendra de sa bonne conduite.
11 faut que la prudence accompagne la générosité: songez aux dettes dont les maisons religieuses sont grevées; songez à la suppression des dîmes : ne faites aujourd'hui que des dispositions provisoires; et si, parla suite, nos inquiétudes ne sont pas réalisées, vous donnerez ce que la prudence vous oblige en ce moment de retenir.
Je ne me suis point écarté de l'avis du comité, en proposant pour les mendiants 700, 800, 900 livres, et pour les non mendiants 800, 900, 1,000 livres.
J'observe, sur l'avis d'un des préopinants, qu'il paraît avoir trop oublié que nous avons à considérer dans le traitement â faire aux religieux, qu'il doit être en rapport avec leur fortune passée; que ce traitement est viager, et que notre possession sera perpétuelle. Quant aux pauvres, sans doute un de nos plus importants travaux est d'établir dans la société un tel ordre de choses que le pauvre trouve partout du travail et du pain. Quant aux vieillards, il n'est pas vrai qu'ils soient jamais dans le cas de recevoir l'aumône; leurs besoins
sont une dette que la société ne peut s'empêcher d'&cquitter. Lorsque tous avez prononcé que la loi ne reconnaîtrait plus les vœux monastiques, vous n'avez pas voulu que votre loi eût Un effet rétroactif; et certes elle aurait cet effet si elle s'étendait jusque sur des habitudes contractées sous la sauvegarde de la loi. Vous ne pouvez détruire l'effet des vœux, et le sentiment même de Votre impuissance fié doit pas borner Votre générosité.
On a voillu faire un parallèle entre lés vicaires ét les moitiés sécularisés, et l'on en a conclu que les premiers n'ayant que 500 livres, les seconds né pouvaient pas obtenir davantage. J'ai Senti tOtite l'importance de cette observation; mais considérez qu'un vicaire a de grands avantages, qu'il peut arriver à tous ceux que promet la hiérarchie ecclésiastique; Considérez aussi que le vicaire n'a pâs renoncé à ses droits patrimoniaux, qu'il a conservé tous ceux qu'offre la société, ét Vous conviendrez aVeC moi que, ces avantages étant pérdUs pour le môinë, Vous devez l'en dédommager. La latitude du'a parcourue M. Barnave» entre 800 livres et 1,000 livres, est celle qUe j'avais Vdulu vous faire parcourir, parce qu'elle me parait justê. Une autre observation sé présente à mon esprit, et me paraît digne de niter votre attention : Je religieux rendu âu Siècle, condamné à Une pension annuelle et fixe, arrivera dans ce monde dénué de beaucoup de choses de première nécessité. Gomment se les prOcUrera^t-àl 7 II ne peut les attendre que de vous, et Vous les lui devez. Je proposerais donc dé donner aux moines» dès l'instant qu'ils sortiront du cloître, une somme à forfait, par exemple, la moitié de leur pension en argent-monnaie. Quoique nous n'ayons très certainement pas eu l'intention de faire une Opération de finance, je demande au préopinant la permission de présenter une observation financière. Accorder un sort plus favorable aux religieux qui sortiront du cloître qu'à ceux qui y resteront; c'est se servir d'Uh moyen très légitime et très innocent de faire évâcdér lés monastères « de la disposition desquels nous avons grand besoin.
On demande à aller àux voix, et la discussion est fermée.
Plusieurs projets de décret envoyés au bureau sont lus successivement. Quelques-uns fixent à 500 livres le premier terme de la proportion du traitement des religieux non rentés.
La priorité est accordée au projet du comité.
propose en amendement d'accorder 1,200 livres aux religieux rentés, septuagénaires ou infirmes.
demande qué les religieux non rentés participent à cette faveur.
Les jésuites à qui, dans des temps plus heureux, on a donné une modique pension de 400 livres, doivent Obtenir de votre justice un sort égal à celui des religieux. Je fais de cette observation la matière d'un amendement.
On demande la question préalable sur tous les amendements.
J'ose croire qu'il est de votre humanité de faire les exceptions demandées. La vieillesse et l'infirmité ont des droits à votre respect, et dès lors à votre générosité. Les jésuites en ont à Votre justice. Vous
ne la refuserez point à cette congrégation célèbre, dans laquelle plusieurs d'entre vous ont fait sans doute leurs premières études, à Ces infortunés dont les torts ont peut-être été un problème, mais dont les malheurs n'en sont pas un.
Plusieurs membres demandent l'ajournement à huitaine de l'amendement relatif aux jésuites.
L'Assemblée décide le contraire.
Le premier acte de la liberté naissante doit être de réparer les injustices du despotisme.
Je propose une rédaction de l'amendement en faveur des jésuites :
« Les ci-deyant jésuites résidant en France, et qui ne possèdent pas en bénéfices, ni en pensions sur l'État, un revenu égal à celui qui est accordé aux autres religieux de la même classe, recevront le complément de ladite somme. »
L'amendement, ainsi rédigé, a été adopté.
met aux voix l'article avec les deux amendement^ adoptés par l'Assemblée, et jl est décrété ce qui suit :
« Il sera payé à chaque religieux qui aura fait sa déclaration de vouloir sortir de sa maison, par quartier, et d'avance, à compter du jour qui sera incessamment réglé, savoir : aux mendiants, t00 livres jusqu'à 50 ans; 800 livres jusqu'à 70 ans, et 1,000 après 70 ans; et à l'égard des religieux non mendiants, 000 livres jusqu'à 50 ans, 1,000 jusqu'à 70 ans, et 1,200 livres après 70 ans. Les ci-devant jésuites, résidant en France, et qui ne possèdent pas en bénéfices, ou en pensions sur l'État, un revenu égal à celui qui est accordé aux autres religieux de la même classe, recevront le complément de ladite somme. »
lève la séance à 3 heures, après avoir indiqué celle de demain matin pour 9 heures.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, député de Rouen, ouvre la séance en témoignant ses regrets de ne s'être pas trouvé à la séance mémorale du 4 février; il prête devant l'Assemblée le serment qui lie tous ses membres au maintien de la Constitution.
, député du bailliage du Quesnoy, demande et obtient la permission de s'absenter pendant quinze jours.
, secrétaire» donne lecture du procès-Verbal de la séance d'hier.
Je rappelle à l'Assemblée son décret sur l'égalité de traitement à faire aux religieux
pourvus ou non pourvus de bénéfices et je propose qu'après ces mots qu'il ne Bera point
La proposition de M. Camus est adoptée et il etst décidé que le décret sera ainsi corrigé dans le procès-verbal de la veille.
L'ordre du jour ramène la suite de la discussion sur le projet de décret pré' senté par le comité ecclésiastique sur le traitement à faire aux religieux.
, rapporteur, propose l'article suivant :
« Les frères donnés, lais ou con vers qui auront fait des vœux solennels, et qui voudront sortir de leurs maisons, auront, par quartier et d'avance, savoir : 300 livres jusqu'à 50 ans, 400 livres jusqu'à 70 ans, et 500 livres après 70 ans. »
Les frères donnés ne font pas de vœux; ils donnent une somme déterminée à Un monastère, à condition qu'ils y resteront toute leur vie. Vous devez cependant les dédommager de ce sacrifice. On trouvera peut-être le dédommagement porté dans le projet de décret trop considérable : mais considérez leur vieillesse et ne craignez pas une longue surchargé* Je propose un léger changement dans la rédaction.
« Les frères lais Ou converB qui aurônt fait des vœux solennels, et les frères donnés qui rapporteront un engagement contracté en bonne forme entre eux et leur monastère, jouiront annuellement, quand il sortiront de leurs maisons, à compter du jour qui Sera inceSsamment réglé, de 300 livres jusqu'à 50 ans, 400 livres jusqu'à 70 ans, et 500 livres après 70 ans; lesquelles sommes leur seront payées par quartier etd' avance.
met aux voix l'amendement proposé par M. l'abbé Latyl, Il est adopté.
En permettant aux religieux de sortir des cloîtres, vous n'avez pas entendu porter le trouble dans les familles. Le comité ecclésiastique vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« Les religieux, qui sortiront de leur maison, n'en resteront pas moins incapables de toutes successions et dispositions entre-vifs et testamentaires ; ils pourront seulement recevoir des pensions ou rentes viagères. »
demande qu'on accorde aux religieux la faculté de profiter des dispositions testamentaires de toutes autres personnes que de leur parents
Les motifs de l'incapacité qui avait été prononcée contre les religieux sont la crainte que les fortunes ne s'accumulent dans les cloîtres, et qu'ainsi des biens trop considérables ne soient enlevés à la circulation. Vous devez maintenir aujourd'hui cette incapacité, pour ne pas troubler les familles, pour assurer les espérances sur lesquelles beaucoup d'engagements ont été contractés ; mais il faut prévoir tous les cas, et je propose d'excepter les cas où il ne se trouverait aucun parent, et où les
religieux sécularisés seraient en concurrence avec le fisc.
Les religieux pouvaient recevoir des libéralités, sôit par dès legs, soit par dès donations! Oh doit leur laisser cette faculté hors du cloître ; mais il faut leur reftiser tout droit de succéder à titre universel.
Votre décret ne doit avoir d'autre objet que de ne pas détruire les arrangements faits dans la famille des religieux ; mais il ne peut ôter aux religieux sécularisés le droit de succéder, s'ils sont seuls héritiers de leurs pèi'es. Il faut leur laisser la plénitude de tous les droits de citoyens actifs, tant que l'exercice de ces droits ne peut nuire à aucun individu* Ce serait inutilement que vous les déclareriez incapables d'hériter s'il leur est possible d'accepter les donations testamentaires et entre-Vifs. Un des motifs du traitement que Vous leur accordez, est l'impossibilité de succéder concurremment avec leurs frères ; il ne faut pas leur donner une faculté qui équivaudrait à là successibilité.
M. Camus propose un article rédigé dans cet esprit.
Je m'élève contre la proposition par laquelle M. Camus refuse seulement aux religieux le droit ae succéder à titre universel, mais leur accorde celui de succéder à titre particulier. Tous Iqs députés des pays de droit écrit se joindront à moi. Dans ces provinces, on peut donner les tFois quarts de ses biens à titre particulier.
, évêque de Rodez. Si vous ôtez le droit de succéder aux religieux que vous rendez à l'état civil, vous faites une loi qui créeradeS prévaricateurs; vous faites une loi contraire à la nature. Lé père he pourra pas disposer en faveur du fils que vous lui avez rendu, il ne pourra pas améliorer le sort de cë fil S, augmenter sa fortune, si des infirmités accroissent ses besoins. Vous accorderez la faculté de recevoir des pensions; mais voulez-vous forcer ce père à dénaturer son bien? Je propose de décréter que jamais un religieux sécularisé ne pourra hériter ab intestat, mais à testato. Alors vous n'avez plus à craindre de troubler les familles, et vous assurez les droits de la nature.
Il y â deux manières d'envisager la question : sous le rapport du principe et sous celui de la tranquillité de la société. Sous le rapport du principe, vous leur accordez tous les droits civils; sous celui de la tranquillité publique, 11 faut distinguer les successions et donations directes des successions et donations collatérales; je ne crois pas que des espérances puissent être fondées sur des successions collatérales qui peuvent échapper à tout le monde.
Dans le traitement des religieux sécularisés, vous avez fait entrer la perte du droit de succéder; vous pouvez donc sans injustice continuer cette incapacité, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale ; mais vous devez conserver aux religieux la faculté de recevoir, par des dispositions bénévoles, des pensions alimentaires et modérées.
On ferme la discussion.
La priorité est demandée pour l'avis du comité.
Le projet du comité renferme un vice de rédaction insupportable. Il n'y a en France que deux manières de succéder : des dispositions testamentaires et des donations entrevifs ; vous lès proscrivez à l'égard des religieux, et vous permettez cependant qu'ils reçoivent des pensions et des rentes viagères. J'adopte l'avis de M. Camus.
L'Assemblée délibère et accorde la priorité à l'avis du comité.
H me parait impossible que vous ne fassiez pas une exception en faveur des religieux qui, n'étant pas engagés dans les ordres, rentreront dans le monde et voudront se marier.
On a présenté dans la discussion des opinions dont quelques-unes doivent former des amendements. Je propose d'ajouter au projet du comité : 1° que les religieux sécularisés rentrent dans tous leurs droits civils et politiques; 2° qu'ils peuvent succéder en ligne directe, s'ils sont fils uniques ; 3° qu'ils peuvent succéder aux personnes qui leur sont étrangères.
demande la question préalable sur tous les amendements.
On propose la division de cette question. — Cette proposition est rejetée.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
On demande l'ajournement. — Il est rejeté.
met aux voix l'article du comité, sauf rédaction. Il est adopté.
Le comité ecclésiastique le rédige de la façon suivante :
« Les religieux qui sortiront de leurs maisons demeureront incapables de successions, et ne pourront recevoir par donation entre-vifs et testamentaire que des pensions de rentes viagères. »
nomme les membres qui ont obtenu le plus de suffrages pour former le comité de police, ce sont : MM. l'abbé de Montes-quiou, Boutteville, Dumetz, Treilhàrd et Defermon.
Lés deux suppléants, sont : MM. Fréteau et Démeunier.
, rappelant à l'Assemblée le décret qui ordonne à MM. les députés de remettre au comité de constitution la délimitation des départements sur deux cartes qui doivent être signées par les députés de chaque département et par les membres du comité de constitution, dont une doit rester aux archives nationales et l'autre doit être remise aux archives de chaque département, demande que ces cartes soient toutes remises au comité pour lundi prochain, puisque sans elles on ne peut organiser les administrations de département et de district.
L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures qui appelle la discussion sur le projet de loi présenté par le comité de constitution, à la séance du 18 février, pour le rétablissement de la tranquillité publique.
fait donner une nouvelle lecture des articles du projet de loi.
Le comité de constitution s'est proposé, dans le projet de loi qu'il vous présente, de découvrir les moyens de maintenir la
tranquillité publique. A-t-il rempli cet objet C'est ce que je ne pense pas. Je laisse à d'autres ie soin d'analyser ce projet, et d'examiner ses défauts de détail ; je considère cette loi sous un i seul point de vue. Est-elle propre à ramener la tranquillité publique, ou bien a-t-elle une tendance directement opposée au but que ses rédacteurs se sont proposé ? Dans ma manière de voir, elle est propre à faire naître l'anarchie, et voici : comment je raisonne : le comité accorde aux officiers de justice, comme aux officiers municipaux, le droit de requérir le secours des troupes. Rien ne me semble plus vicieux, car si la liberté publique exige que les pouvoirs ne soient pas i concentrés dans une même main, la même liberté exige que des puissances homogènes ne soient pas réparties dans des mains différentes. Vous reconnaissez ce principe, et la loi preoposée s'en écarte essentiellement. Eh ! n'est-ce pas s'en écarter, en effet que de remettre entre les mains des officiers de justice le pouvoir de requérir la force armée? L'officier de justice ne peut recourir à la force armée que pour. protéger l'exécution de ses jugements. Dans les cas de troubles, il n'a pas jugé, et là où s'arrêteut les fonctions du juge, là aussi s'arrête le droit que lui accorde la loi de requérir le secours des troupes. S'il va plus loin, il empiète sur le pouvoir municipal. La nouvelle constitution vient d'établir de nouvelles municipalités ; et comme on doit présumer que les nouveaux officiers, municipaux seront attachés aux nouveaux principes, on peut craindre que les officiers de justice qui ne sont pas établis dans le nouvel ordre soient encore attachés à l'ancien état. Accorder aux uns et aux autres la disposition du même pouvoir, c'est mettre la même force entre les mains de deux puissances rivales. Vous concevez aisément les dangers qui peuvent résulter de cette rivalité. Je conclus de ces observations, que les officiers de justice ne peuvent pas, dans les cas de troubles, avoir le droit de requérir la force armée.
Je passe à un second objet. Selon votre comité, dans le cas où les officiers municipaux refuseraient de requérir la force armée, quatre notables peuvent faire cette réquisition. Mais a-t-on bien réfléchi aux conséquences de cet article ? Dans les moments d'attroupements ou de troubles, le conseil municipal s'assemblera ; il sera composé des officiers municipaux et des notables ; s'il résulte de la délibération qu'il ne faut pas requérir la force armée, et que quatre notables, demandant cette réquisition soient autorisés à la faire eux-mêmes, assurément c'est accorder à la minorité l'empire sur ia majorité ; les dangers de cet empire sont faciles à concevoir. Si, au con-v traire, les notables se soumettent à la délibération du conseil municipal, votre comité autorise à leur défaut .huit citoyens éligibles à requérir la force armée. Il suffit de réfléchir un instant à cette proposition pour la rejeter immédiatement. Une assemblée peut être nombreuse sans ^être criminelle : huit citoyens peuvent, par des intérêts particuliers, désapprouver les motifs de cette assemblée ; et de là, deux inconvénients. Si la force armée, requise par les huit citoyens éligibles, obéit à cette réquisition, pensez-vous que l'attroupement soit disposé à se dissiper? Si, aux termes du projet de loi, les officiers municipaux ordonnent aux troupes de se retirer, et que les troupes n'obéissent pas, l'autorité municipale est compromise, et ce refus fait couler des torrents de sang. Il est donc évident que la loi f qui vous est proposée pour assurer la paix peut
occasionner le désordre; il est donc évident qu'elle affaiblit les moyens confiés à la municipalité au lieu de les fortifier. Le comité ne s'est point attaché, comme il l'aurait dû, à la responsabilité des officiers municipaux. Il prononce deux peines vagues et insuffisantes. Les officiers municipaux, qui n'arrêteront pas les troubles par les moyens qui leur sont confiés, en seront quittes pour la perte de leur emploi et l'interdiction de toute fonction d'administration publique.
Il est un seul cas où les notables et les citoyens peuvent requérir la force publique : c'est celui où les officiers municipaux seraient environnés dans l'hôtel-de-ville et privés de leur liberté; alors les officiers municipaux se trouvent dans l'impossibilité physique d'user des moyens qui sont a leur disposition, et cette impossibilité ne peut donner lieu à aucune peine. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'aller plus loin ; ces seules observa-vations me semblent prouver assez combien est insuffisante et dangereuse la loi proposée, et je conclus à ce que votre comité soit invité à s'occuper de nouveau de cet objet.
, rapporteur. S'il s'agissait de répondre aux objections qui viennent d'être faites contre le projet de décret qui vous a été présenté par votre comité de constitution, j'attendrais, pour prendre la parole, que toutes les autres objections possibles eussent aussi été articulées. Mais, pénétré du désir de hâter votre délibération, et de ne pas vous faire perdre un temps précieux, je dois vous faire part des changements que j'ai faits au projet de décret qui vous est soumis : j'ai communiqué au comité cette nouvelle rédaction ; il a paru l'approuver.
Voici les dispositions de cette rédaction nouvelle :
« L'Assemblée nationale, instruite des excès commis dans plusieurs endroits contre les propriétés et les personnes, et des obstacles apportés à la perception des impôts, croit devoir, dans le moment où les municipalités, librement élues, viennent de se former, rappeler à ceux que le peuple a honorés de sa confiance les obligations qui leur sont imposées, et fixer, par une loi positive, les peines auxquelles ils doivent être soumis, si, trahissant cette confiance qu'ils ont reçue, ils négligaient de maintenir la tranquillité publique, de protéger les personnes et les propriétés et de veiller à ce que les impôts directs et indirects, qui sont uh besoin public, et dont le paiement est, par conséquent, un devoir pour tout citoyen, puissent être perçus.
En conséquence elle a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er « Les officiers municipaux, obligés de veiller au
maintien de la paix et de l'ordre public, à la sûreté des personnes et des propriétés et à la
perception des impôts, seront tenus de proclamer la loi martiale, d'appeler le secours des
gardes nationales, de la maréchaussée et des troupes réglées, dans tous les cas où un
attroupement séditieux menacerait la vie ou la propriété de quelque citoyen, ou tendrait à
apporter obstacle à la perception des impôts directs et indirects.
Art. 2. « Si, par négligence ou par faiblesse,, les officiers municipaux ne requéraient pas le secours de la force armée, et s'il arrivait quelque dommage, ils en seront responsables; ils seront privés de leurs offices, déclarés incapables d'exercer à l'avenir aucunes fonctions publiques, condamnés au tiers, et de la réparation qui sera ad-
jugée à ceux qui auront souffert dans leur personne ou dans leurs biens, et de la restitution des sommes que le Trésor public aurait pu perdre par le pillage de ses caisses ou le défaut de perception des impôts.
Art. 3. S'il pouvait être prouvé que les officiers municipaux ont excité ou favorisé l'attroupement séditieux, ils seront poursuivis extraor-dinairement, condamnés comme prévaricateurs et punis comme tels.
Art. 4. « Tous les citoyens devant concourir au rétablissement de l'ordre public troublé, et s'employer à calmer des mouvements séditieux ; toute la commune sera responsable des deux tiers de la restitution des sommes enlevées au Trésor public et des dommages et intérêts qui seront adjugés aux personnes lésées ; et pour frayer à ce dédommagement ou à cette restitution, il sera fait un rôle d'imposition sur tous les citoyens actifs composant la commune, au marc la livre de leur contribution à l'impôt direct.
Art. 5. « Tout citoyen pourra interpeller par écrit les officiers municipaux d'assurer la tranquillité publique menacée, et de publier la loi martiale; et s'il est par la suite prouvé et jugé que les officiers municipaux ont eu tort de ne pas déférer à cette interpellation, et qu'il soit résulté, pour le Trésor public ou pour quelque personne, du dommage de leur refus, toute leur fortune sera épuisée pour le réparer, avant que la commune en soit responsable, et que le rôle de contribution soit formé.
Art. 6. « Dans ces derniers cas, celui ou ceux qui auront fait l'interpellation seront exempts de la responsabilité subsidiaire à laquelle les citoyens, formant la commuue. sont assujettis ; mais, si l'interpellation est jugée faite sans raison et sans motif, comme l'invocation de la force armée devient un délit quand l'emploi de cette force n'est pas commandé par la nécessité, celui ou ceux qui auront fait l'interpellation seront condamnés à une amende proportionnée à leurs facultés.
Art. 7. « Si les officiers municipaux n'étaient plus sur les lieux, ou s'ils étaient contraints et arrêtés par les séditieux, les notables feront les fonctions des officiers municipaux; le premier des notables assemblera ses collègues, et ce conseil municipal aura tous les devoirs imposés aux officiers municipaux, et sera soumis aux mêmes obligations prononcées tant par la loi martiale que par le présent décret.
Art. 8. « Les receveurs des deniers publics, et les citoyens qui auront été lésés, intenteront leur action devant le tribunal royal de la ville la plus voisine du lieu où l'attroupement séditieux aura eu lieu.
Art. 9. « Le Roi sera supplié de faire passer des troupes dans les lieux où les désordres se sont manifestés, ou pourraient se manifester, afin que les municipalités puissent requérir au besoin ce secours auxiliaire ; et les troupes ne pourront jamais agir que sur la réquisition des officiers municipaux, et selon les dispositions de la loi martiale.. »
Çe qui arrive en ce moment nous prouve combien la réflexion est une chose utile et précieuse. Le comité nous présente aujourd'hui un projet absolument différent dans, sa tendance. C'est ainsi que de bons et zélés citoyens doivent profiter des lumières et revenir sur leur travail. La meilleure, la seule manière d'applaudir à l'ingénieuse docilité du comité est
de prendre aussi quelques moments pour réfléchir à la nouvelle loi qu'il nous présente. Puisque ce projet est nouveau, il doit être de nouveau discuté avant d'être soumis à la délibération.
Je demande à l'Assemblée la permission de lui faire trois remarques : d'abord» le comité n'a pas prétendu vous offrir une loi définitive sur les attroupements, mais seulement une loi provisoire ; il faut donc examiner sous ce rapport les projets qu'il vous a présentés; l'Assemblée a établi quarante-huit mille municipalités dans ce royaume ; il est probable que les officiers d'un aussi grand nombre de municipalités seront quelquefois négligents, et je ne dis rien de plus : vous devez donc chercher les moyens d'arrêter les inconvénients qui peuvent résulter de ce nombre infini d'officiers municipaux. Par un autre de vos décrets, vous avez ordonné que les départements jugeraient la conduite des officiers municipaux, mais les assemblées de département ne sont point encore formées.
Ces trois observations justifient ce que j'ai avancé, je veux dire que votre comité n'a dû vous offrir qu'une loi provisoire; L'Assemblée ne doit point oublier quel était le point où nous en étions lorsqu'elle a ordonné la rédaction de cette loi : les insurrections du moment nous ont seules déterminés à nous en occuper. Votre comité a dû chercher un remède à des maux instantanés, et rétablir l'ordre dans la perception des impôts. A-t-il ou n'M-il pas rempli cet objet? Avant de prononcer sur cette question, il faut réfléchir aux moyens qu'il a présentés. Je conclus, avec M. de Mirabeau, à ce qu'on ajourne la discussion à lundi.
On demande que la discussion sur l'ajournement soit fermée*
Je demande qu'elle ne le soit ni sur l'ajournement, ni sur le fond de la question. On peut renvoyer à lundi pour prendre une détermination finale ; l'expérience vient de nous prouver que de longues réflexions peuvent amener un heureUx résultat. Deux choses sont 4 observer dans le dernier projet qui nous est présenté : l'esprit du décret et les dispositions du décret, Je demande que la discussion soit continuée sur l'esprit du décret.
On demande à aller aux voix.
La discussion est fermée sur l'ajournement.
L'Assemblée décide qu'elle va ouvrir la discussion sur le nouveau projet de loi.
fait une seconde lecture du nouveau projet de loi.
Les orateurs inscrits pour parler sur cet objet pont successivement appelés.
Les troubles qui ont existé et qui existent encore daus les provinces ont alarmé votre patriotisme, votre humanité, votre justice. Vous avez senti que rien n'était plus contraire à la liberté que la licence ; vous avez pensé qu'il fallait non seulement établir une nouvelle constitution* mais qu'il fallait encore la faire aimer et resppcter de tous.
D'après ce principe immuable, vous avez invité votre comité de constitution à vous présenter un projet de loi qui fût propre s ramener le calme et la tranquillité dans le royaume. Ce projet vous avait été présenté hier, et je me disposais à y
faire quelques observations : vous venez d'adopter un autre plan de travail ; j'avoue qu'après n'en avoir entendu qu'une lecture, je ne puis parler ni des principesi ni de la rédaction. J'observerai qu'il serait utile de décréter que sans délai votre comité féodal vous représentera ses vues relativement aux propriétés incendiées ; et comme la réflexion a apporté de grands changements au projet qui vous a été présenté hier, je me borne à demander que tous ceux qui ont fait des projets de décret à ce sujet les fassent parvenir à Messieurs du comité de constitution, qui seront invités à réfléchir sur tous les moyens qui leur seront indiqués, et à adopter ceux qui leur paraîtront les plus convenables, sauf à l'Assemblée à les peser ensuite dans sa sagesse.
J'observe qu'on devra être très sévère dans la discussion du projet de loi qui vient de vou8 être présenté ; car, si ce décret n'était pas réprimant, il serait encourageant ; la licence est à son comble, et les effets de la licence sont, pour les provinces, des incendies ; pour le royaume, la banqueroute. Le grand objet dont vous devez vous occuper est doue d'arrêter les effets de la licence- Je vous invite â ne pas oublier que la liberté est un très grand bien» sans doute, mais la sûreté des citoyens est un bien plus précieux encore;.
Je trouve dans le second projet de décret un article contre lequel je m'élève autant qu'il est en moi : c'est celui par lequel vous prévoyez le cas où les officiers municipaux seraient atteints et convaincus d'avoir coopéré aux insurrections* d'avoir favorisé les émeutes. Je ne crains pas de le dire, et je crois pouvoir le dire avec vérité, cet article est d'une immoralité révoltante. Quoi! Messieurs, vous supposez que les officiers municipaux, que les pères du peuple armeront les mains du peuple I vous supposez que le feu de la sédition partira des mains de ceux qui doivent l'éteindre l De semblables suppositions dégradent les municipalités naissantes, elles étouffent dans l'âme de .plusieurs citoyens le désir d'être appelés aux dignités municipales. Et c'est dans une loi constitutionnelle qu'on vous propose de faire entrer ces suppositions 1 Ah I gardez-vous bien d'y consentir ! Que le décret que vous prononcerez à ce sujet soit mis à la tête de votre Gode pénal ; qu'il trouve place à la suite de la loi qui désignera la peine que vous réserverez au parricide.
Je n'ai point assez réfléchi sur le nouveau projet de décret pour le discuter à fond ; deux observations à faire se sont présentées à mon esprit, elles m'ont frappé, et j'en fais hommage à l'Assemblée.
« Les officiers municipaux qui ne recourront pas à la force armée dans les cas d'émeute seront responsables* etc. ; » mais dans les campagnes il n'y a pas de force armée, il n'y a pas même de milice nationale ; la sédition aura fait ses ravages avant qu'on ait pu requérir les troupes, et je crois qu'il serait injuste de prononcer des peines contre des officiers municipaux qui n'auront pas eu la possibilité de faire ce qu'ils auraient voulu faire.
J'observe encore que les châteaux sont éloignés des municipalités ; que ces châteaux sont ravagés par des bandes errantes et nombreuses : si la force armée est repoussée par les séditieux, parce qu'elle sera plus faible en nombre, les mu-
nicipaux, qui n'auront encore pu ce qu'ils auront voulu, ne peuvent pas être enveloppés dans la proscription générale, ni condamnés à payer des dommages qu'il ne leur aura pas été possible de prévenir ni d'arrêter. Les deux cas que je viens d'énoncer doivent, ce me semble, être prévus par la loi.
Il faut protéger, assurer les propriétés et la vie des citoyens : si la société négligeait ou était impuissante à remplir ce devoir sacré, les hommes se trouveraient bientôt ramenés à leur état primitif ; il n'y aurait plus de patrie;
Depuis six mois un grand nombre de citoyens ont été attaqués; ies propriétés ont été violées; elles le sont aujourd'hui, elles le seront peut-être encore. Pensez-vous que les propriétaires puissent le supporter plus longtemps? Non, sans doute; ils s'armeront pour leur défense, et de là la guerre la plus destructive de toutes les sociétés civiles, la guerre de ceux qui n'ont rien contre ceux qui ont quelque chose. Sans doute il est instant de parer à tous ces maux, et le projet de loi qui vient de vous être présenté par votre comité est peut-être propre à défendre les villes; mais il est sans force pour la sûreté des campagnes ; en général même, je ne pense pas que l'effet qu'il peut avoir soit assez prompt pour le moment dans lequel nous nous trouvons.
Profitons des exemples de nos voisins ; voyons si la constitution anglaise ne nous offre pas des remèdes plus sûrs contre les insurrections et les émeutes. Voyons quelle est la conduite de cette nation qui a le plus opposé de barrières au despotisme du trône; de cette nation qui a le mieux assuré la tranquillité civile.
En Angleterre; on a établi contre les séditieux le Ml de mutinerie, qui, à très peu de chose près, est notre loi martiale. Mais quand les provinces sont ravagées, quand l'insurrection est générale, le Corps législatif emploie de plusgrands moyens : alors il a recours au pouvoir exécutif; il lui donne; par un acte parlementaire, et pour un temps limité, le droit d'employer tous les moyens qui lui paraîtront convenables pour ramener le calme et la paix ; et, dans ce cas, les ministres ne sont responsables que de l'exécution des ordres du Roi.
Tel est le moyen que je veux proposer en France. Je sais bien qu'on me dira que c'est s'exposer au risque de donner trop de force au pouvoir exécutif. Je ne répondrai à cette objection qu'en interrogeant la bonne foi de l'Assemblée. Je demanderai si elle ne croit pas que la bonté du Roi, que l opinion générale, que les forces citoyennes ne puissent et ne doivent faire évanouir ces alarmes, surtout lorsqu'on voudra bien observer que ce pouvoir ne sera accordé au Roi que pour un temps limité, pour un temps court. Non, Messieurs, la constitution n'a plus rien à craindre que de nous-mêmes ; il n'y a que l'exagération des principes, il n'y a que la ligue de la folie et de la mauvaise foi qui puissent y porter quelque atteinte. Hâtons-nous d'affermir le grand œuvre de la liberté ; que les ennemis de#la con-titution, qui, n'en doutez pas, sont les instigateurs des désordres, soient forcés à perdre l'espérance de détruire notre ouvrage.
Je me résume, et j'ai l'honneur de vous proposer de charger le Roi de prendre les mesures qu'il croira les plus propres à assurer la tranquillité publique. Je vous propose enfin d'investir le Roi, pour trois mois seulement, de toute la plénitude de la puissance exécutive.
Le resté de la loi qui vous a été proposée par votre comité me parait parfaitement bOh; mais je répète que la loi, dans son ensemble, ne suffit point pour les circonstances malheureuses dans lesquelles nous nous trouvons.
J'observe que M. de Cazalès est hors de la question ; car, en effet, il propose celle de savoir si on accordera ou si on n'accordera point au Roi la dictature ; si la France a besoin ou n'a pas besoin de dictature. Si l'Assemblée permet que cette question soit discutée, je reprends mon tour et je demande la parole.
On n'est point hors de la question quand on traite le fond de la question. Je désiré fort que M, le comte de Mirabeau ait ta parole sur cet objet.
Quel est l'objet de nbtré discussion? les dévastations, les Incendies et le mémoire du Roi, qui appelle notre sollicitude sur cés objets. Nous ne sommes point hors de la question quand nous proposons de nouveaux remèdes à ces maux; car assurément il n'est pas un membre de l'Assemblée qui n'ait le droit de payer le tribut de ses vues sur la question qui ndus occupe.
J'ai prétendu, non pas que le préopinant fût hors de ses droits, j'ai dit seulement qu'il était hors de la question. Je répète qu'il a proposé d'établir la dictature en France, et je l'invite à en faire une motion spéciale.
Il est échappé à l'attention de M. de Mirabeau de confondre une seule émeute, un seul attroupement, avec un esprit général d'insurrection. Je commencerai par établir les faits; c'est toujours la méthode de ceux qui veulent aller de bonne foi à une détermination utile. Encore une fois, il ne s'agit pas d'un attroupement passager, nous n'aurions besoin que de la loi martiale ; il s agit d'un eâprit de révolte et de sédition répandu généralement dans tout le royaume, et je détie qu'on me cite dans la loi martiale un Séul article qui puisse parer à ce mal universel. Pour y parer, il faut donc nous armer de toute la force qui est dans nos mains, et si cette force est insuffisante, il faut en chercher une autre ailleurs. M. de Mirabeau vous a dit que M. de Cazalès était hors de la question, et non pas hors de ses droits; cette distinction est si subtile que j'avoUè l'impuissance où je suis de la concevoir. Quel est l'objet qui nous occupe? L'insurrection générale, l'esprit de brigandage dans plusieurs provinces, la dévastation des propriétés, la sollicitude du Roi, le mémoire du Roi sur tous ces objets.
Le Roi s'est plaint de cp que les officiers municipaux n'avaient pas le courage ou la volonté de recourir à la loi martiale. 11 faut donc nous armer contre les malheurs décrits dans le mémoire du Roi ; il faut chercher les moyens de faire cesser ces malheurs. Nous avons donné à notre comité de constitution le droit de nous présenter ses vues sur tous ces objets, mais nous ne l'avons pas investi de la dictature des propositions : chaque membre de cette Assemblée a le droit d'imaginer et de présenter le remède. Maintenant, le moyen proposé par M. de Cazalès est-il le seul bon? Je le crois.
Il faut en imposer aux brigands par une grande
terreur. Les Anglais ont recours à ces moyens violents, et on ne soupçonnera pas les Anglais de ne pas chérir la liberté civile. Ils ont pensé que le biîl de mutinerie n'était pas suffisant; moi je pense que la loi martiale est insuffisante; je dis plus, la loi martiale est dangereuse, elle est inutile. Les craintes des officiers municipaux sont un obstacle à l'exécution de cette loi. Quel moyen prendrons-nous donc? Un seul, et c'est le seul raisonnable: il faut investir le Roi de la plénitude du pouvoir réprimant ; il faut laisser aux provinces, victimes des insurrections, le droit de fixer Je terme de ce pouvoir. Voilà mon opinion; je désire qu'elle soit discutée.
(1). Je ne vous propose point, comme les derniers préopinants, de conférer au Roi la dictature, mais bien d'établir le pouvoir exécutif sur sa véritable base, qui est, dans une monarchie, l'autorité royale. — Il n'en est point fait mention, ni dans le premier, ni dans le second projet de décret qui vient de vous être lu; ainsi, avant d'en discuter les détails, qu'une lecture rapide ne me permet pas de bien saisir, j'en examinerai lés principes; car c'est des principes de cette loi que dépend absolument la forme de gouvernement sous laquelle nous allons vivre. La Constitution, par cette loi, sera ou cessera d'être monarchique. — Le pouvoir exécutif va être mis en dedans ou en dehors de sa sphère d'activité. — Lors donc que des circonstances graves nous pressent de toutes parts, lorsque le poids des événements va se placer sur nos têtes et nous livrer incessamment au jugement de la génération présente et de la postérité, quelles que soient les opiuions dominantes, les inqiuétudes, les passions, ou les préventions qui nous environnent, chacun de nous doit déployer ici sa conscience et ses efforts pour établir des principes qui survivent à l'agitation et aux intérêts du moment.
Le projet de loi qu'on vous propose est provoqué par des désordres précédés de tant d'autres excè3, que nous avons tous eu le temps et l'obligation de nous occuper des remèdes. Ils doivent sans doute se trouver dans la Constitution, et les dispositions insuffisantes qne vous avez décrétées n'excluent point celles qui vous restent à adopter pour rétablir l'ordre et en assurer la stabilité, pour mettre en harmonie la loi et ses moyens, qui sont sous les ressorts du pouvoir exécutif.
Le second décret proposé remplit-il complètement cette lin ? je ne le crois pas : et sans en rejeter les articles, je vais essayer de vous démontrer ce qu'il est indispensable d'y ajouter.
Comment doit se mouvoir, et jusqu'où peut s'étendre, dans un grand empire, le pouvoir exécutif? Comment le concilier avec la liberté? Comment servira-t-il à sa défense et point à sa destruction ? Voilà le problème politique que nous avons à résoudre.
Je n'en trouve la solution dans aucun des deux projets.
Je vois bien ce qui est prescrit, en cas de sédition ou de violence, aux officiers
municipaux, aux chefs militaires d'une ville ou d'un bourg ; mais hors de l'enceinte des
municipalités, je ne vois point de direction supérieure qui rallie, contienne, ordonne toutes
ces forces et ces volontés éparses. Il semble que le décret ne consi-
J'observerai d'abord que c'est une erreur aujourd'hui familière que de donner le même nom à l'autorité royale et au pouvoir exécutif: l'une représente l'empire et la souveraineté, l'autre en est l'instrument. ,
Tout ce qui est nécessaire à la sûreté, à la protection de tous, à l'exécution inviolable des lois, compose le pouvoir exécutif distribué en plusieurs magistratures dans les républiques.
La réunion de toutes ces forces sous la direction d'un seul, distinge le gouvernement monarchique.
Lé pouvoir d'empêcher l'emploi illégal de ces forces appartient à une nation libre exerçant par ses représentants de l'autorité législative.
Ainsi la liberté nationale ne consiste pas à atténuer ou à transposer le pouvoir exécutif sans l'unité duquel elle ne peut exister ou se maintenir ; mais à prévenir sa direction arbitraire ; ce qui est éminemment le droit et le devoir du Corps législatif.
Or, lorsqu'une nation a investi ses représentants de ce droit, elle ne peut plus le perdre qu'en renonçant à la volonté de le conserver.
Et lorsque la responsabilité des agents du pouvoir exécutif est devenue une loi constitutionnelle, leurs écarts peuvent être des délits plus ou moins graves; mais ils ne pourraient devenir des conquêtes sur la liberté que par la iàute du pouvoir législatif qui est toujours en état de prononcer que la loi est violée et la peine encourue.
Cette surveillance active des représentants de la nation est l'unique contre-poids légal et efficace de la force publique et de la puissance qui la dirige. Que/tout autre corps ou individu participe à l'«xercice de ce droit souverain, les différentes, parties de la société politique doivent alors se trouver fréquemment dans un état de guerre ou d'anarchie, et il n'y a plus de gouvernement; car le pouvoir de gouverner doit être actif et irrésistible dans les routes qui lui sont tracées, puisqu'il n'est autre que la loi agissante.
Je n'appliquerai pas ces principes à l'état actuel de nos provinces, qui ne représente aucune forme de gouvernement, mais au moyen consti-tionnel de faire cesser d'aussi grands maux.
Vons avez reconnu, Messieurs, que le gouvernement français est monarchique, et que le pouvoir exécutif suprême réside dans les mains du Roi.
C'est aussi un principe constitutionnel de toutes les sociétés du monde que la violence doit être réprimée par la force.
Examinons maintenant dans le plan proposé
quelle est l'intervention et l'influence du chef suprême du pouvoir exécutif, et comment il l'emploie à maintenir l'ordre et la réparation des violences. La loi, qui les réprouve, réclame son appui, voilà le principe! La conséquence ne peut être que les corps intermédiaires agissent, disposent, arrêtent le pouvoir exécutif par leur volonté propre et absolue; car alors je ne vois plus le chef suprême ; et la force publique, subdivisée en autant de parties qu'il y a de municipalités, se trouve en effet dans leurs mains.
Ge n'est pas que j'improuve la loi qui leur donne le droit de requérir les troupes réglées et met celles-ci aux ordres du magistrat civil : dans les cas ordinaires, cette mesure est sage et nécessaire ; mais lorsqu'elle devient insuffisante, ie pouvoir exécutif suprême doit-il être inactif, et son emploi n'est-il pas légal, lorsqu'il- répare ou qu'il empêche les désordres.réprouvés parla loi?'
Le nouveau idécret proposé ne statue rien sur ces cas extraordinaires, et il n'indique point celui où le recours au monarque devient nécessaire, où la désobéissance à ses ordres serait une forfaiture. Ce décret s'adresse à chaque municipalité séparée ; on n'y voit point le lien commun qui les unit à la puissance publique et à sa direction supérieure : le pouvoir exécutif se trouve séparé du monarque,, et agit sans. son intervention directe ni indirecte,. de telle sorte que s'il n'y avait point de roi, mais seulement des troupes soldées et des capitaines dans les provinces, les municipalités n'auraient à faire ni plus ni moins que ce qu'on leur prescrit, et les capitaines pourraient aussi, sans autre supérieur que les assemblées administratives, remplir la mission de confiance qui leur est imposée.
Cependant si le/ gouvernement français cessait d'être monarchique, qui de nous pourrait croire que nous serions libres longtemps, et que l'empire se maintiendrait dans son intégrité ?. -r- Mais nous perdrions, Messieurs, tous les avantages de ce gouvernement, nous n'en aurions que les charges, si l'autorité royale ne ralliait, en . les dirigeant, toutes les branches du pouvoir exécutif, et si elle n'avait, pour l'exécution des lois, toute l'activité qui résulte du commandement d'un seul,
Je vous rappellerai ici que la surveillance continuelle du Corps législatif suffira toujours pour prévenir ou arrêter les formes arbitraires et oppressives, et que le pouvoir exécutif ne s'exer-çant que par des agents intermédiaires, leur responsabilité satisfait aux exigences de la loi et aux réclamations des opprimés.
J'ajouterai qu'il serait plus raisonnable que le Corps législatif se réservât, dans certains cas, le droit d'ordonner une désobéissance formelle au gouvernement que de transporter toute sa puissance aux corps intermédiaires.
C'est, Messieurs, n'en doutez pas, entre l'unité de direction.,et la responsabilité des agents du pouvoir exécutif que-résident la sûreté et la li-. berté des citoyens;
Les Romains et tousles peuples modernes nous ow donné Successivement l'exemple des tristes résultats de la confusion des pouvoirs,
Mais xous,;peuple immense, placé sur un vaste territoire, cétte multitude de ravons n'aboutit à un centre, imus avons tout à craindre de là divergence des intérêts et des volontés.
Vous êtes, Messieurs, les organes de la volonté générale ; mais son action tutélaire doit se développer par un mouvement central, qui se communique dans une naême direction a toutes les
parties de l'empire: et lorsque, notre position, notre population, nous soumettent nécessairement aux formes monarchiques, nous devons bien en effacer les abus, mais non les avantages : or, il n'y a plus que trouble et péril dans cette forme de gouvernement, si toutes les subdivisions du pouvoir exécutif ne sont pas dans une dépendance immédiate du chef suprême, si un corps militaire ou civil, autre que le Corps législatif, peut s'élever à la hauteur du gouvernement^ suspendre sa marche et rompre son unité : ses ordres assurent l'exécution des lois, ou les violent, ou suppléent à ce qu'elles n'ont pas prévu, et à ce qu'exige l'urgence du besoin. C'est au Corps législatif seul à déterminer ces différents cas ; car la nation suspend pour elle-même l'exercice des pouvoirs qu'elle confie à ses représentants.
J'ose dire que tout autre principe nous égaré, qu'une plus grande latitude dans la liberté la restreint et nous soumet à une multitude de volontés et de pouvoirs redoutables pour chaque citoyen, mais insuffisants pour en protéger un contre plusieurs.
D'après ces observations, il me semble que l'unité et l'activité du pouvoir exécutif ne peuvent être solidement établies qu'en statuant préalablement à toute autre disposition que tous les corps administratifs et militaires sont tenus d'obéir ponctuellement aux ordres du monarque.
C'est au Corps législatif à faire en sorte que ces ordres ne puissent ni contrarier, ni renverser les lois ; mais si les corps intermédiaires participent, dans tous les cas, '> au droit de suspendre et de résister, il s'élève alors dans le sein de la nation autant de gouvernements qu'il y a de cités.
Alors, une municipalité disposera exclusivement, dans son territoire, de la circulation des grains et du numéraire ; favorisera une insurrection ; relâchera à son gré la discipline mili • taire; retardera la- perception des impôts ; une ville pourra en affamer une autre; des réquisitions contradictoires, par diverses municipalités pourraient armer différentes troupes les unes contre les autres. L'autorité des magistrats, celle des officiers militaires, sans bases fixes, sans point d'appui, serait incertaine et précaire ; il n'y aurait de puissant, de redoutable, dans la capitale et dans les provinces, que les passions et les erreurs de la multitude; le Corps législatif même perdrait bientôt son autorité, et nous verrions reparaître les horreurs de l'anarchie.
Ce n'est pas sur ce qui se passe maintenant dans plusieurs parties du royaume que se fondent mes conjectures : c'est sur l'ordre naturel des choses qu'elles s'appuient; sur l'expérience, sur les principes et les conditions nécessaires de la liberté, qui ne peut jamais exister dans un état de stagnation vis-à-vis du gouvernement : il faut qu'elle en soit incessamment protégée, s'il est fort, ou qu'elle périsse avec lui s'il est faible.
Ainsi, tout ce qui ne concourt pas à l'ordre dans un système politique, l'altère et finit par le désorganiser.
Encore une réflexion, Messieurs, c'est la der» nière, je la recommande à votre attention.
Lorsqu'une nàtion reconnaît un chef suprême, qu'elle fasse révérer sa puissance, qu'elle se garde bien de travailler à le rendre inutile I S'il cessait d'être nécessaire à son bonheur, il deviendrait redoutable à sa liberté.
Si, au contraire, le monarque, dans ses augustes fonctions, est environné d'un grand pouvoir pour faire le bien ; s'il ne rencontre de barrières que
celles qui le séparent du mal, quel prince alors serait tenté de regarder en arrière, de regretter le despotisme, de rappeler sur son trône resplendissant de gloire et de félicité les sombres terreurs de la tyrannie ?
Je conclus, Messieurs, par vous proposer les bases fondamentales du pouvoir exécutif dans une monarchie, et je demande que ces articles précèdent ceux du nouveau décret, que je me réserve particulièrement de discuter.
Articles proposés en addition au décret présenté par le comité de constitution :
I. Tous les corps administratifs et militaires spnt dans la dépendance immédiate du monarque et doivent exécuter ponctuellement ses ordres.
II. Toute désobéissance aux ordres du Roi non motivée sur une violation constatée des lois constitutionnelles sera punie comme forfaiture.
III. Tout acte d'insubordination dans l'armée de terre et de mer sera jugé et puni conformément aux ordonnances militaires.
IV. Il appartient au Roi de pouvoir prévenir et empêcher, par l'emploi de la force publique, que la sûreté et la propriété des citoyens ne soient violées : tous les ordres que Sa Majesté donnera à cet effet seront contresignés par un secrétaire d'Etat qui en sera responsable, ainsi que les autres agents du pouvoir exécutif qui abuseraient desdits ordres.
V. Si dans une sédition violente, le salut des citoyens menacé et ie rétablissement de la paix publique exigent des mesures contraires aux formes légales, et qu'elles aient été prises par les agents du pouvoir exécutif sans la réquisition dos magistrats, ils sêront tenus d'en rendre compte au Corps législatif qui, dans ce cas seulement, prononcera en leur faveur un décret d'absolution.
VI. Si, dans une sédition, leâ officiers municipaux et magistrats civils sont arrêtés, mis en fuite, ou empêchés par la multitude, l'officier, commandant la force militaire, sera tenu de promulguer la loi martiale et de la faire exécuter.
La suite de la discussion est renvoyée à lundi prochain. L'Assemblée se réunira ce soir, à six heures, pour sa seconde séance.
La séance est levée à 3 heures.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, secrétaire, fait lecture des adresses ainsi qu'il suit :
Adresse d'adhésion donnée par la commune de Dijon aux décrets de l'Assemblée nationale, le 11 de ce mois.
« Nosseigneurs, la commune de Dijon, convoquée dans le régime nouveau qui lui rend sa
liberté, s'empresse de déposer à vos pieds le tribut de respect et de reconnaissance qu'elle
doit â vos travaux.
« Privée d'établissements utiles, dénuée des ressources du commerce, la ville de Dijon n'a que celle des tribunaux placés dans son sein ; eux seuls alimentent sa population.
« Assemblée maintenant pour la formation de sa municipalité, elle jouit, par un de vos bienfaits, des droits précieux d'élire librement ses représentants; une constitution aussi sage lui promet des jours de paix et de bonheur. Elle voit déjà dans ses assemblées tous ses citoyens, devenus frères, n'être plus animés que de l'intérêt commun qui les lie. Calmes et pleins de confiance dans la sagesse éclairée des législateurs de la nation et dans la bonté de leur Roi, l'obéissance qu'ils ont jurée sera toujours le plus saint de leurs devoirs. Nous sommes avec respect vos très humblés et très obéissants serviteurs, les citoyens actifs des six sections de la commune de Dijon. »
« Signé : Fijan de Talmay, Richard de Ruffey, Bouillet d'Arlot, Frécot de Saint-Edme, Jacquinot puîné, Petit, présidents des six sections de la commune de Dijon; TlllBAUT, bouché, char-lot, Ladey, Menelon et Chardon, secrétaires. »
Adresse de la légion de Montpellier à l'Assemblée nationale.
Nosseigneurs, armés pour la défense de nos foyers, le prix de nos travaux est la paix dont nous jouissons ; défenseurs de la cause du patriotisme et de la liberté, nous avons éloigné de nos murs les désordres de la licence et les troubles de l'anarchie; rangés sous l'étendard sacré de la patrie, nous avons confondu les complots odieux des ennemis du bien public, qui semaient partout leurs insinuations perfides : les difficultés ont accru notre constance ; pleins de confiance dans la sagesse de vos décrets, nous avons senti que la régénération si nécessaire de l'Etat ne pouvait s'opérer cfu'au milieu de la tranquillité générale, et que notre premier devoir était de la maintenir dans notre sein ; nous avons porté plus loin nos vues, Nosseigneurs; nous avons cherché à pénétrer du même esprit les différentes villes qui nous environnent; nous les avons invitées à une fédération d'ordre et de bien public, à laquelle elles se sont empressées d'adhérer. Plus de trente mille citoyens armés en sont les garants, nous avons l'heureuse certitude que, quels que puissent être les efforts des détracteurs de la nation, ils ne sauraient obtenir aucun succès dans le vaste arrondissement que nos soins ont formé.
Occupés de ces grands objets, Nosseigneurs, nous nous sommes reposés sur notre commune du soin de vous exprimer les sentiments q*e nous professions par notre conduite; mai?aujourd'hui que la paix, que nous avons e« la satisfaction de maintenir, repose à l'ombre de vos décrets sur des bases solides, noiw ne pouvons résister à l'attrait impérieux di sentiment. De tous les points de ce vaste empire, un concert de bénéditions et de vœux s'élève vers vous ^daignez permettre que nous joignions nos voix à cette acclamation générale ; que l'hommage des
sentiments qui nous animent interrompe un instant vos immenses travaux, et que la trop faible expression de notre entier dévouement reteutisse dans votre Assemblée auguste. Restaurateurs des droits du peuple, vous, qui malgré de longs orages, élevez, avec une persévérance infatigable, l'édifice de notre bonheur, recevez le serment solennel que nous faisons sous les drapeaux de la patrie, de mourir, s'il le faut, pour le soutien de vos décrets, de leur rester fidèles, ainsi qu'au meilleur et au plus chéri des Rois; de confondre toujours nos voeux, nos intérêts, avec ceux de la grande famille dont vos beureux travaux vont rapprocher les membres trop longtemps désunis; de ne reconnaître enfin d'autres devoirs que ceux que vous avez avoués, d'autre liberté que celle que vous avez fondée.
Nous ne redoutons plus les vains efforts de cette hydre effrayante dont vos mains victorieuses ont écrasé les têtes renaissantes,; mais nous vouons à l'opprobre et à l'infamie les perfides, indignes du nom de Français, qui, dans l'espoir de la reproduire, pourraient former des projets, ou fomenter des associations contraires a vos principes régénérateurs.
Adresse de la ville d'Alençon, contenant les témoignages de sa juste reconnaissance pour l'Assemblée nationale, une adhésion absolue à tous ses décrets, et le serment de fidélité prêté par tous les citoyens de cette ville à la constitution et au maintien des décrets sanctionnés par le Roi.
Adresse de M. Viochot, curé de Maligny, député du bailliage de Troyes, qui, profondément affligé de ce qu'une indisposition aussi longue que douloureuse l'a obligé de s'absenter de l'Assemblée nationale, et l'a surtout privé de jouir de la présence de notre vertueux monarque dans la séance du 4 de ce mois, prête entre les mains de l'Assemblée le serment civique. Il annonce que tous les citoyens de sa paroisse ont prêté ce même serment, après avoir entendu avec les plus vifs transports de joie et de reconnaissance la lecture du discours du Roi.
Adresse de la ville de la Suze en Maine,-présentée par le sieur Nicolas-Louis Juteau, son député extraordinaire; elle sollicite un chef-lieu de canton»
Adresse des juges et consuls de la ville de Troyes; ils prêtent entre les mains de l'Assemblée le serment civique. "
Adresse du même genre de la milice nationale de Chàtellerault,et des officiers du siège des monnaies de Nancy.
Adresse de la ville de Saint-Gautier en Berry; •elle sollicite un district, ou du moins un canton.
Adresse de MM. deGambacérès. Gambon et Allut, députés-suppléants de la sénéchaussée de Montpellier, qui présentent à l'Assemblée nationale un acte passé par-devant notaires, contenant leur serment civique.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Ghevreuse : réunis dans l'église paroissiale* ils ont prêté avec enthousiasme le seront des bons citoyens. Les habitants se sont principalement engagés de payer tous les impôts avec aatant de zèle que d'exactitude.
Adresse de la Roche-la-Molière en Forez; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Adresses des Pièvta d'Ampugnani et Cassaconi en Corse, contenant Je procès-verbal de formation d'un comité général, à l'effet de maintenir le bon ordre et de calmer la fermentation que de
faux bruits ont excitée dane ce pays. Il constate par ce procès-verbal que les habitants ont élu M. de Paoli commandant en chef de l'île, dans l'espoir que l'Assemblée nationale et le Roi daigneront agréer et confirmer ce choix.
Adresse de la ville de Louviers, portant l'expression de l'allégresse de tous les habitants à la nouvelle de la mémorable journée du 4 de ce mois.
Adresse des anciens officiers municipaux de la ville de Lorient ; ils annoncent que les déclarations patriotiques s'élèvent déjà a la somme de 303,265 livres 16 sols.
Adresse de la garde nationale de la ville de Gosne-sur-Loire, qui, en présence de la commune, a prêté le serment civique.
Adresses des nouvelles municipalités de la ville de Troyes, de celle de la Ferté-sous-Jouarre, de celle de Bonneval, de la communauté d'Eurville-sur-Marne, de celle de Saint-Martin-lès-Doulan-gis, de la ville de Châteaudun, de celle de Ton-nay-Gharente en Saintonge, de celle de Mirepoix, de la commune d'Osmond, de la ville de Sou-bise, de celle de Marmande, de la communauté de Gomey-l'Abbaye, de celle de Marolles en Brie, du bourg de Formerie, de la ville du Havre, de la communauté d'Arpajon, de celle de Bonnaguil, de celle du Pujolet, de la communauté de Panil-lac en Môdoc, de la ville de Neubourg, des paroisses de Changy, Merlan t et Outrepont, de la ville de Saint-Germain-en-Laye, de celle de Cannes en Provence, de celle de Thiancourt, du bourg d'Aman en Nivernais, de la communauté de Marsal, de la ville d'Hasbourg en Alsace, de la communauté de Turgy, de la communauté de Gurnier en Bas-ûauphiné, de la ville de Ghaource en Champagne, de la ville de Florac en Gévau-dan, du bourg de Moirans en Dauphiné, de celui de Sansons, de la ville de Provins, des communautés de Saint-Genis et de Pont-l'Abbé, de la ville d'Orléans, de la communauté de Corteron, de la ville de Tours, de celle de Brouage, de la communauté de Saint-Germain-du-Val en Anjou, de la ville de Montmédy, de la communauté de Saint-Aignan en Saintonge, de la ville du Donjon, de la ville de Breteuil, de celle de Pornic en Retz, de la communauté de Pellox, de la ville d'Honst-choote, de celle de Dorlan, et de la ville de La-gnieu en Bugey, de la communauté de la Gail-lière en Bas-Poitou, de la ville de Bagnols en Languedoc, de celle de Beaume-les-Dames en Fran-che-Gomté, et de celle de Braine, près de Sois-sons.
La municipalité de la ville de Bonneval expose la nécessité urgente où elle se trouve d'exercer la police; elle demande si, provisoirement, elle ne peut pas s'arroger l'exercice de cette portion du pouvoir judiciaire.
Le bourg d'Aman demande une justice royale, et que sa municipalité s'étende sur les communautés qui l'entourent.
Les officiers municipaux de la ville de Provins supplient l'Assemblée de vouloir bien leur tracer une ligne de démarcation qui leur serve de boussole, et fixe clairement les limites de leurs opérations.
La ville de Ghaource et les communautés de Saint-Genis et de Pont-l'Abbé sollicitent une justice royale.
La commune de Gourleron demande un juge de paix.
Adresse du comité de la ville de Ghâteaulin en Basse-Bretagne, portant annonce d'un don patriotique de la somme de 4,159 livres 6 sous.
Adresse de la milice nationale de la ville de Saint-Clar en Lomagne.
Procès-verbal de la prestation du serment civique de la municipalité de Poissy près de Gien-sur-Loire.
Adresse des citoyens de la ville de Bernay, qui, assemblés pour la composition d'une municipalité constitutionnelle, ont unanimement, et avec transport, fait serment d'être fidèles à la nation, à la loi, et au roi, et de maintenir, de tout leur pouvoir, la constitution du royaume.
Procès-verbal de l'Assemblée des citoyens actifs de la communauté d'Hautevisne, près de Château-Thierry, qui demandent l'approbation de l'Assemblée nationale pour employer à former des ateliers de charité le produit des impositions des ci-devant privilégiés, tant des six derniers mois de l'année 1789 que de la présente année 1790.
Adresse des volontaires nationaux de la ville de Garhaix en Bretagne; ils dénoncent une dilapidation de biens ecclésiastiques.
Adresse des nouvelles municipalités de la ville d'Amiens, de celle de Gannat en Bourbonnais, et des communautés d'Agenville et Groisy en Picardie. Comme toutes les précédentes, elles présentent à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse des citoyens de la ville de Saint-Haon-le-Châtel en Forez, par laquelle ils ont renouvelé le serment de sacrifier leurs biens et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la défense des personnes inviolables des représentants de la nation, et l'exécution de tous leurs décrets; ils les supplient d'accepter la couronne civique, et la noblesse personnelle, déclarant que ceux d'entre eux qui possèdent ou posséderaient dans la Suite des fonds dans leur ville ou son territoire seraient exempts de toutes sortes d'impositions.
Adresse d'adhésion et félicitation de la communauté des maîtres tailleurs d'habits dè la ville ie Paris; les représentants de cette corporation ont déposé sur l'autel de la patrie la somme de 1,965 livres 5 sous, tant en argent qu'en effets d'argenterie.
Adresse des officiers de la garde nationale et de la municipalité de Caliors, qui soumettent à l'Assemblée la conduite qu'ils ont tenue pour arrêter lés désordres qui menaçaient leur ville et les propriétés des environs. Ils annoncent qu'à force de modération, et par une lettre circulaire qui invitait le peuple, qu'on avait égaré, à j se conformer aux décrets de l'Assemblée, ils sont parvenus à rétablir l'ordre jusqu'à six lieues à la ronde, sans effusion de sang et sans coup férir.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville ; de Lunéville en Lorraine. Elle croit que le premier acte de son existence doit être de présenter à l'Assemblée nationale l'hommage de son respect et de son admiration.
Elle offre en même temps une caisse d'argenterie, qui sera remise incessamment à Mi\l. les trésoriers des dons patriotiques.
lia ensuite été fait plusieurs dons patriotiques.
MM. Bournel et Hibert, députés extraordinaires de la ville de Rhetel en Champagne, ont présenté, au nom de leur ville, 33,000 livres pour la contribution patriotique, et ont fait le serment civique au nom des habitants dont ils sont les députés.
, député de Péronne, offre de la part de M. Goysse, ancien capitaine de vaissseau, une année du traitement que cet officier touche sur les fonds de la marine.
Six écoliers de la pension de M. Lizat donnent 519 livres.
M. Doff, député extraordinaire de là ville d'Ober-henheim, en Alsace, dépose sur l'autel dè la patrie une somme de 17,000 livres. La ville demande un bailliage royal : son mémoire est renvoyé au comité de constitution.
dépose une adresse des habitants de la paroisse de Falvy, qui est ainsi conçue :
« Nosseigneurs, l'Assemblée nationale est chargée de notre volonté ; donc ses droits sont nos ordres; chacunde nous, souverain en elle, croirait manquer à la constitution et à la raison en se permettant de lui offrir une adhésion postérieure à celle de la nomination des députés; mais'plus nous réfléchissons sur ses décrets et plus nous les trouvons sages. Livrons-nous au plaisir d'offrir à cette auguste Assemblée (organe de la nation) l'hommage de la reconnaissance que nous lui devons pour la fermeté inébranlable avec laquelle elle a manifesté nos intentions. Nous, citoyens actifs et autres membres dë la commune de Falvy, assemblés extraordinairement par notre nouvelle municipalité pour entendre la lecture du discours du Roi, charmés des sentiments que Sa Majesté annonce, persuadés qu'ils sont maintenant gravés, d'une manière ineffaçable; au fond de son cœur, et convaincus que le seul obstacle qui pourrait retarder actuellement la jouissance du bonheur que la constitution procurera à toutes les classes de citoyens, et plus particulièrement encore à celle des cultivateurs, ne pourrait provenir que des embarras dans les finances, prolongés par un manque de patriotisme de leur part, avons arrêté sur le champ :
« 1° D'augmenter notre contribution patriotique pour laquelle nos déclarations étaient faites depuis longtemps; et notre maire nous ayant donné l'exemple de doubler son bon, nous l'avons suivi ;
« 2° De renoncer à la part de diminution de taille que devait procurer l'imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789 et de remettre là disposition de cette somme à l'Assemblée nationale, pour être employée par ses ordres aux besoins de la patrie ;
«3° De supplier l'Assemblée nationale de vouloir bien recevoir l'invitation que nous faisons entre ses mains, à tous les Français, nos chers concitoyens, de rapprocher par un pareil sacrifice l'époque du bonheur que nos législateurs nous ont préparé par leurs travaux.
« Au village de Falvy, ce
« Signé : Le Roi, maire; pecqueux, Du-claquet, officiers municipaux; jarry, curé et procureur de la commune; Se-bray, secrétaire. »
La commune de Maffy-l'Evêque fait l'offrand e d'une somme dé 1,000 iivres.
Les citoyens du district de Saint-Marcel assuren f. l'Assemblée de la tranquillité qui règne parmi eux, et font un don de quatorze paires de bouclas, un porte-col et de 581 livres 4 sols a*igent monnayé. -
, au nom du corni'é de constitution, fait le rapport d'une contestation élevée à Rouen, au sujet de l'organisation de la munici-, palité. Il rend compte des moyens employés par une malveillance anti-patriotique pour mettre le
trouble et le désordre dans cette importante cité, et présente un projet de décret qui est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète que les faubourgs de Rouen sont réunis à la ville, pour ne composer avec elle qu'une seule et même municipalité, et qu'ils continueront de faire partie des vingt-six sections qui forment la division actuelle de la commune de la ville et des faubourgs de Rouen, pour l'élection de ses officiers municipaux ».
M. de Castellane demande à faire un rapport au nom du comité des lettres de cachet (1).
Messieurs, c'est avec une grande répugnance que nous nous sommes vus forcés de retarder si longtemps à vous proposer de rendre la liberté aux victimes du pouvoir arbitraire, qui gémissent encore dans les fers; mais telles étaient les funestes conséquences du despotisme ministériel, qu'une partie des maux qu'il avait produits devait se faire sentir dans les premiers jours de la liberté. Les innocents et les coupables, ceux qni ont conservé l'usage de la raison, et ceux qui l'ont perdue, se trouvant confondus ensemble dans les lieux de douleur que vous allez détruire; la sûreté que vous devez à la nation entière, vous a fait une loi d'apporter quelques précautions à l'entière suppression des prisons illégales. Vous avez remarqué que, parmi ceux qu'elles renfermaient, quelques-uns étaient déjà condamnés, que d'autres étaient prévenus de crimes, et vous avez reconnu l'impuissance où vous étiez de vous livrer à l'instant même aux sentiments d'humanité qui vous pressaient de ne point retarder un jour à faire jouir ceux qui avaient le plus souffert de l'ancien ordre de choses de tous les droits dont la constitution nouvelle doit leur assurer l'exercice.
Guidé par les mêmes motifs, votre comité a pensé qu'il fallait diviser en quatre classes les prisonniers illégalement détenus.
Il a placé dans la première ceux qui, n'étant juridiquement accusés d'aucun crime, doivent être rendus à la société ; dans la seconde, ceux qui ont perdu l'usage de la raison. La troisième est composée des individus condamnés en dernier ressort, et enfermés par commutation de peine. La quatrième enfin comprend ceux qui sont décrétés.
La justice rigoureuse semblerait exiger que ceux qui composent la première classe fussent
incontinent remis en liberté; cependant, Messieurs, leur propre intérêt et celui de l'ordre
public nous ont semblé se réunir pour commander à votre prudence un délai fixe, mais
suffisant, soit pour laisser à leurs parents les moyens d'assurer leur subsistance, soit pour
ne pas faire sortir en ce moment des maisons de force ceux qui, ayant été enfermés pour cause
de police, privés, dans une saison morte, de la ressource d'un travail assuré, se livreraient
peut-être à des excès qui obligeraient à sévir contre eux d'une manière plus rigoureuse.
C'est avec peine que nous avons adopté cette mesure, et nos regrets, à cet égard, sont loin
d'être écartés par les soins que nous avons pris de nous concerter avec les ministres du Roi,
afin de délivrer d'avance tous ceux qui, ayant réclamé, nous ont paru susceptibles d'être
Parmi ceux qui sont enfermés pour cause de démence, il en est certainement plusieurs qui ne sont pas fous; les personnes qui sollicitaient autrefois des lettres de cachet appuyaient souvent leurs requêtes de motifs qui n'étaient pas conformes à la vérité ; mais comme les particuliers qui se trouvaient sacrifiés ou à leurs intérêts, ou à leurs passions, n'avaient aucun moyen de réclamation; comme on interceptait habituellement les lettres qu'ils écrivaient au secrétaire d'Etat, par qui l'ordre du Roi avait été expédié, ainsi que le prouve la quantité de papiers de cette espèce trouvés dans les archives de la Bastille, il était impossible alors, il est encore difficile à présent, de connaître avec exactitude le véritable état de chacun des individus détenus pour cause de folie.
Cette connaissance préliminaire est cependant indispensable, avant de prendre un parti à leur égara. 11 nous a donc paru, Messieurs, que vous deviez charger les assemblées de districts du soin de faire visiter par des médecins ceux qui sont privés de leur liberté sous prétexte de folie ; mais comme il eu est plusieurs qui, malgré des intervalles lucides, sont hors d'état d'être livrés à eux-mêmes, nous avons cru nécessaire de fixer une espace de temps assez considérable, pour donner les moyens de constater, par des visites multipliées, la véritable situation des personnes soumises à cet examen.
Vous aurez encore, Messieurs, à vous occuper d'améliorer le sort des malheureux qui, ayant besoin d'une surveillance journalière, ne sauraient jouir de la liberté. Ils ont presque toujours jusqu'à présent été traités, dans les différentes maisons de force du royaume, avec une inhumanité qui, loin de guérir leur mal, n'était propre qu'à l'aggraver. Persuadés que c'est par la douceur, et non par la férocité d'un régime barbare, qu'il est possible de guérir ces infortunés, vous vous déterminerez probablement à assigner, soit sur les fonds des maisons de force, déjà subsistantes, soit sur les biens ecclésiastiques, une portion de revenus suffisante pour assurer aux insensés les secours que leur état exige de la bienfaisance publique. Eh! combien celte disposition, si nécessaire dans tous les temps, n'est-elle pas encore une obligation plus sacrée pour nous, au moment où nous savons qu'une partie des fous, actuellement existants dans les maisons de force, ne le sont devenus que par la longue captivité et parles tourments qu'ils y ont soufferts, lorsque les lois étaient muettes et les ministres tout-puissants?
Nous croyons donc, Messieurs, que les mesures à prendre pour la garde et le soulagement des fous doivent être l'objet d'un rapport particulier. Nous soumettrons aussi à votre discussion l'exposé d'un régime pour les maisons de correction, qui, nécessaires, même chez un peuple libre, ne peuvent cependant ressembler à celles qui ont été établies sous un système d'oppression.
Jusqu'à présent, Messieurs, ce que nous avons eu l'honneur de vous proposer nous a paru d'accord avec les principes et les décrets de l'As-
semblée nationale; mais en ce moment les difficultés augmentent, ce n'est plus l'innocence qu'il faut délivrer, ce ne sont plus des malades qu'il s'agit de faire examiner, pour déterminer s'ils sont en état de recevoir de vous le bienfait de la liberté, ou si votre humanité doit se contenter de leur procurer des secours qui puissent ou les guérir, ou du moins rendre leur position supportable. Nous avons à remplir une tâche plus difficile : il s'agit de porter vos regards sur la troisième et la quatrième classe des prisonniers d'Etat ; il s'agit de vous intéresser pour ceux mêmes qu'une accusation ou une condamnation légale ont déjà placés sous la main de la loi. L'Assemblée voudra sans doute tenir compte aux uns et auxautres de la punition irrégulière à laquelle ils ont été soumis; cependant nous n'avons pas cru qu'elle pût interdire aux premiers le recours à leurs juges naturels. S'ils sont innocents, ils ont droit à être publiquement déclarés tels; mais s'ils étaient coupables, aurions-nous celui de les exempter de la réparation qu'ils pourraient devoir encore à la société? Quel parti l'Assemblée prendra-t-elle donc à l'égard de ceux qui sont déjà, ou qui seront par la suite juridiquement convaincus de crimes? quel guide la conduira entre une indulgence injuste et une sévérité déplacée? C'est ici que le désordre du gouvernement ancien pèse sur nous et semble ne nous présenter que des écueils. Quelque parti que nous prenions, nous nous écarterons plus ou moins de la sévérité des principes; aussi n'est-ce qu'avec une extrême défiance de nous-mêmes que nous nous sommes déterminés à vous soumettre l'opinion à laquelle ie comité s'est arrêté. Sûrs que vous n'aviez à prononcer que sur un fait particulier, sûrs qu'une pareille circonstance, dont les inconvénients ne sauraient assurément vous être reprochés, ne pourra se reproduire dans la suite, nous avons raisonné ainsi.
L'intention de l'Assemblée nationale n'est pas de priver la société de la réparation qui lui est due; cependant voudrait-elle envoyer àl'échafaud des misérables, qui regrettent depuis vingt ans dans des cachots le supplice qu'ils avaient mérité peut-être, mais qui leur aurait été moins cruel ? Elle ne dira pas à ces malheureux, qu'un ministre avait sauvés par égard pour leurs familles, Après les tourments que le despotisme vous a fait souffrir, la nation va replacer vos têtes sous le glaive des lois, la liberté vous restitue à la mort. Cette idée révolterait l'humanité; vous vous contenterez donc de légitimer la commutation de peine de ceux qui étaient légalement condamnés à une peine afflictive et jugés en dernier ressort, en leur laissant cependant la faculté qui leur appartient, de préférer la soumission au jugement qui avait été porté contre eux à la prison qui leur a été accordée comme un adoucissement, et qu'ils pourraient considérer sous un aspect différent.
Quant à ceux qui sont simplement décrétés, nous avons pensé que vous ne pourriez leur refuser les moyens de constater leur innocence; mais les forcerez-vous à s'exposer au danger d'un jugement dont ils craindraient le résultat?
Nous aurions bien voulu pouvoir les en dispenser, nous aurions désiré les soustraire entièrement aux atteintes des lois qui ont été insuffisantes pour les protéger; mais nous avons pensé qu'il était important à l'ordre public de faire prononcer sur l'innocence ou le crime de tous les décrétés, en même temps qu'il était juste
d'user d'indulgence envers ceux qui seraient jugés coupables.
D'après cela, nous nous sommes déterminés à vous proposer de statuer que les juges devant lesquels s'instruiront les causes des prisonniers d'Etat, préalablement décrétés, se borneront à déclarer ou leur innocence, ou le crime dont ils sont coupables; afin que, sur le compte qui lui en sera rendu, l'Assemblée nationale, de concert avec Sa Majesté, porte une loi qui réglera la peine à laquelle ils pourront être condamnés, ayant égard à la nature du délit, sans que cette peine puisse jamais excéder celle d'une détention de douze ans, en y comprenant le temps qu'ils ont déjà passé dans des prisons illégales.
En adoptant les dispositions que nous allons lui proposer, l'Assemblée va faire disparaître les restes odieux de la tyrannie ministérielle; elle va réparer, autant qu'il est en elle, les malheurs qui en ont été la suite : encore quelques semaines, et aucun Français ne se plaindra plus qu'il existe des contradictions entre notre déclaration des droits, entre les principes de notre constitution et sa position personnelle. Nul ne pourra plus dire : je suis libre de droit, et je languis dans les fers, et l'Assemblée nationale oublie de prononcer ma délivrance.
Votre comité a l'honneur de vous proposer le décret suivant :
L'Assemblée nationale, étant enfin arrivée au moment heureux de détruire les prisons illégales et de déterminer une époque fixe pour l'élargissement des prisonniers qui s'y trouvent encore renfermés;
Considérant la nécessité de donner le temps aux parents, ou aux amis de ceux qui sont encore détenus, de prendre les arrangements qu'ils jugeront convenables pour assurer leur tranquillité et pourvoir à leur subsistance;
Qu'il est nécessaire de prolonger la détention de ceux qui sont enfermés, sous prétexte de folie, assez longtemps pour connaître s'ils doivent être mis en liberté, ou soignés dans les hôpitaux qui. seront établis à cet effet ;
Considérant que, parmi ceux qui sont prisonniers en vertu d'ordres arbitraires, il en est qui ont été préalablement jugés, d'autres qui sont décrétés de prise de corps, et doivent être renvoyés devant leurs juges naturels, et désirant cependant avoir égard au châtiment illégal auquel ils ont été soumis, a décrété et décrète ce qui suit:
Art. Ier. Dans l'espace de six semaines, après la publication
du présent décret, toutes les personnes détenues dans les châteaux, maisons religieuses,
maisons de force, maisons de police ou autres prisons quelconques, par lettre de cachet, ou
par ordre des agents du pouvoir exécutif, à moins qu'elles ne soient légalement condamnées,
décrétées de prise de corps, ou renfermées pour cause de folie, seront remises en liberté.
Art. 2. Les personnes détenues, pour cause de démence, seront, pendant l'espace de trois mois, aussi à compter du jour de ladite publication, visitées par des médecins, qui, sous la surveillance' des directoires de district, constateront le véritable état des malades, ahn qu'à l'époque fixée, et après que tes procès-verbaux de cet examen auront été envoyés à l'Assemblée nationale et au ministre de la province, ils soient élargis, ou soignés dans les hôpitaux qui seront indiqués à cet effet.
Art. 3. Les prisonniers, détenus par ordre illégal, qui auraient été préalablement jugés et léga-
lement condamnés à une peine afflictive, garderont prison pendant le temps fixé par l'ordre de leur détention, à moins qu'ils ne demandent eux-r mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par jugement en dernier ressort, sans qu'aucune détention puisse jamais excéder le terme de douze années, y compris le temps qui s'est écoulé depuis l'exécution de l'ordre illégal.
Art. 4. Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auraient été jugés en première instance, ou décrétés de prise de corps, seront conduits dans les prisons des tribunaux qui sont désignés par la loi.
Art. 5. Lesdits tribunaux seront simplement chargés d'acheVer l'instruction et de prononcer sur l'innocence ou le crime des prévenus, afin que, sur le compte qui en sera rendu par eux à l'Assemblée nationale et au garde des sceaux, ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière, qui déterminera la peine que les coupables pourraient encore subir, laquelle n'excédera, en aucun cas, une détention de douze années, y compris le temps pendant lequel ils auraient été antérieurement privés de leur liberté.
Art. 6. Ceux qui seront déchargés d'accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu'il soit besoin d'aucun ordre nouveau, ni permis de les retenir, sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 7. Dans le délai de trois mois, il sera dressé, par chaque commandant de château-fort ou prison d'Etat, supérieur de maison de force ou maison religieuse, et par tous détenteurs de prisonniers, en vertu d'ordres arbitraires, un état de cçux qui auront été élargis, visités par des médecins, renvoyés par-devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison, en vertu du. présent décret.
Art. 8. Cet état sera déposé aux archives du .district, et iVen sera envoyé des doubles, certifiés véritables par le président et secrétaire, à l'Assemblée nationale et au ministre delà province.
Art. 9. L'Assemblée nationale rend les commandants des prisons d'Etat, les supérieurs des maisons de force, ou maisons religieuses, et tous les détenteurs de prisonniers par ordre illégal, personnellement responsables de l'exécution du présent décret, et elle charge spécialement les assemblées de département-et de district d'y tenir la main.
Le rapport de M. de Castellane est très applaudi. L'impression est ordonnée et la discussion fixée à mardi soir.
, membre du comité des rapports, instruit l'Assemblée de l'état de l'affairé entre la municipalité de Brie-Comte-Robert ét la coinpa- nie des volontaires de cette ville, dont il avait été question dans la séance du soir du 11 de de mois; l'Assemblée rend le décret qui suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le comité des rapports, qui a exposé que la municipalité de la ville de Brie-Comte-Robert lui a communiqué des pièces et donné des explications qui assurent que la tranquillité règne-dans cette ville, et que la compagnie des volontaires ou du Saint-Sacrement est approuvée par la municipalité, qui lui a permis de faire bénir son drapeau dimanche dernier, a décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'affaire rapportée à" la séance du soir de jeudi 11 février présent mois. »
rend compte, au nom du comité des rapports, des difficultés survenues à
Aisnay en Poitou, sur la formation de la municipalité. Aux deux premiers scrutins, MM. de la Marronière et Mittier réunirent le plus grand nombre de voix, mais n'obtinrent ni l'un ni l'autre la majorité absolue. Le troisième scrutin ne devait avoir lieu qu'entre ces deux personnes. Une partie des votants prétendit n'apprendre qu'à cette époque que le curé était éligible, et le résultat de ce dernier scrutin donna, sur 248 votants, 188 voix au curé d'Aisnay, 44 à M. de la Marronière, ët 16 à M. Mittier. Le comité pense que l'élection est nulle et qu'elle doit être recommencée.
Le comité de constitution est saisi de cette affaire;'il est muni de pièces; il en attend de nouvelles; il faut ajourner la question.
Le comité dé constitution a renvoyé celte affaire au comité de rapports ; Jes procès-verbaux établissent incontestablement les laits et suffi.-ent à l'instruction de l'Assemblée.
L'avis du comité est adopté et Té décret suivant est rendu :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu son' comité des rapports, décrète qu'il sera procédé à la nomination du maire d'Aisnay, dans une assemblée tenue huitaine après une nouvelle convocation. »
rend compte au nom du même comité, d'une affaire dont voici les faits principaux :
« Le sieur Brouillet, libraire-imprimeur à Toulouse, dans l'intention de propager l'esprit de patriotisme, et pour servir de contre-poison aux libelles dont il prétend que l'aristocratie infecte Toulouse, a fait imprimer l'Adresse aux amis de la paix, et a publié, dans un journal intitulé Affiches de Toulouse, des fragments de plusieurs feuilles accréditées dans la capitale. Ouvrez donc les yeux, l'Adresse aux provinces^ et d'autres libelles se répandaient depuis longtemps à Toulouse avec impunité, lorsque le parlement, fermant les yeux sur ces productions inlàines, a fait décréter et poursuivre le sieur Brouillet, l'a condamné à 1,000 livres d'aumônes, lui adéféndude publier aucune feuille sans nom d'auteur et d'imprimeur, et sans qu'elle fût approuvée par qui de droit, conformément aux règlements de la librai-1 rie. Les faits articulés contre le sieur Brouillet sont: 1° d'avoir imprimé « qu'il était à désirer qu'on représentât le drame du Comte de Com-minges » ; 2° d'avoir comparé la conduite des Brabançons à celle des gardes-françaises; 3° d'avoir appelé acte de patriotisme la désertion de quelques régiments; 4° d'avoir imprimé ces mots: « Voilà donc tous les rois désarmés ; au lieu d'un trône ils n'auront plus qu'un fauteuil » ; 5° d'avoir également imprimé, d'après le Morning-Herald : a Qu'ils se persuadent donc, les aristocrates, que le lion est endormi, mais qu'il n'est pas enchaîné: gare le réveil! » Les griefs du sieur Brouillet contre le parlement de Toulouse sont que: Ie par cet arrêt on veut le soumettre aux anciens règlements de la librairie, sans égard pour les décrets par lesquels ils sont abrogés; 2° deux de ses juges s'étant dépostés, on en a appelé dèux autres connus pour être contraires à la Révolution ; 3° sa cause, plaidée dans une autre salle que celle des audiences ordinaires, n'a pas reçu une publicité légale; 4° la chambre des vacations a interrompu, par des marques de désapprobation, l'avocat chargé de sa défense, lorsqu'il s'appuyait des dé-
crets de l'Assemblée nationale ; 5° sur le refus du rapporteur, son conseil n'a point été admis au premier interrogatoire ; 6° la plainte du procureur-général n'a pas été rendue en présence de deux adjoints ; 7° toutes ces inculpations avaient déjà été portées devant les capitouls de Toulouse, qui avaient jugé l'accusé et l'avaient renvoyé absous. »
Le comité pense qu'il est impossible de prendre un parti sur cette affaire sans entendre le parlement de Toulouse, et propose un décret en ces termes :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de rapports, décrète que son Président se retirera par devers le Roi pour le supplier de faire donner incessamment les ordres nécessaires à l'effet de faire remettre à son comité la procédure instruite et jugée au parlement de Toulouse contre le sieur B-rouillet, ensemble l'arrêt et les motifs. »
M. ... demande la quéstion préalable jusqu'à l'apport de l'arrêt par le plaignant.
Ce serait un déni de justice que de forcer le sieur Brouillet à lever un arrêt dont le coût sera sûrement fort cher.
Une partie de l'Assemblée insiste sur la question préalable.
On délibère. — La question préalable est rejetée.
Le décret proposé par le comité est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son Président se retirera par devers le; Roi, pour le supplier de faire donner incessamment les ordres nécessaires à l'effet de faire remettre à son comité la procédure instruite et jugée au parlement de Toulouse contre le sieur Brouillet, ensemble l'arrêt et ses motifs.' »
, au nom du comité ecclésiastique,dit que plusieurs municipalités donnent aux décrets de l'Assemblée nationale des 27 novembre et, 11 décembre derniers, une fausse interprétation d'aprèsi laquelle elles troublent et suspendent, par des oppositions arbitraires, les coupes de bois des ecclésiastiques et des autres gens de mainmorte, quoique lés coupes aient été. autorisées dans les formes légales antérieurement à ces décrets.
Le comité ecclésiastique propose le décret suivant:
« L'Assemblée nationale déclare que les coupes de bois ecclésiastiques et des autres gens de mainmorte, déjà autorisées dans les formes légales, antérieurement à ses décrets des 27 novembre et 11 décembre derniers, ne peuvent être arrêtées, ni troublées, sous prétexte desdits décrets, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par les voies de droit contre les jugements qui auraient mal à propos permis lesdites coupes, et sera le présent décret présenté à la sanction royale. » ,
C'est par esprit de patriotisme que les communautés ont empêché des coupes ; mais il est urgent de déclarer nulles les procédures tenues à cette occasion.
Je propose de prendre des précautions nouvelles pour la conservation des biens ecclésiastiques.
Gomme les communautés ont agi
dé bonne foi, il suffirait dé dire qu'il sera fait sursis à la vue des arrêts qui ont adjugé les bois.
, député de Saint-Flour. Je suis d'avis qu'il doit être sursis aux adjudications autorisées mais non encore faites.
, évêque de Nancy. Ce que propose l'opinant serait une injustice surtout pour la Lorraine où l'on fait des coupes jusqu'au 25 mai et où les adjudications ne sont pas même faites au mois de février.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur ces amendements.
La question préalable est adoptée.
Je demande que les bénéficiers soient tenus de verser les deniers entre les mains des municipalités.
, évêque de Clermont. J'observe que les tribunaux des eaux et forêts ont été provisoirement maintenus et que les grands maîtres n'autorisent lés versements qu'autant qu'ils connaissent l'emploi auquel ils sont destinés.
La suite de cette discussion est renvoyée à la séance de mardi soir.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTCN.
Séance du
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 février, au matin.
, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal du même jour, pour la séance du soir.
Il ne s'élève aucune réclamation.
, après avoir rappçlé. à l'Assemblée la députation des représentants de la commune de Paris, pour annoncer la mort de l'abj)é de l'Epée, et supplier l'Assemblée de prendre èn considération l'établissement que ce généreux citoyen a élevé et soutenu, à ses frais, pour l'institution des sourds et des muets, dit que la commune dé Paris décerne demain l'honneur d'un service solennel et d'une oraison funèbre à l'abbé , de l'Épéé. Il propose en conséquence à l'Assemblée de nommer six de ses membres pour y assister.
Cette proposition est accueillie par acclamation.
désigne tout de suite pour cette députation :
MM. Massien, curé de Sergy;
l'abbé Poulie ;
marquis d'Estourmel ;
Long ;
l'abbé Royer, député d'Arles.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de loi relatif au rétablissement de la tranquillité publique.
,secrétaire, fait une nouvelle lecture du projet proposé par le comité de constitution.
se plaint de ce que l'Assemblée n'est pas en nombre pour délibérer.
Malgré cette observation la discussion est ouverte.
Le nouveau projet du comité me paraît à tous égards beaucoup meilleur que le premier. Il était nécessaire d'ajouter au décret rendu le 10 du mois d'août, et a celui de la loi martiale, un moyen propre à assurer l'exactitude des officiers municipaux dans l'exercice des fonctions salutaires qui leur sont confiées. Le nouveau décret peut effrayer les officiers municipaux. M. de Beaumetz a fait de sages réflexions sur l'article troisième. La manière dont il est conçu me paraît injurieuse, devoir être modifiée et non supprimée. Vous ne pouvez supposer qu'une municipalité tout entière suscite jamais des mouvements séditieux ; mais vous pouvez en soupçonner un individu. Il faut donc rédiger ainsi cet article : «S'il pouvait être prouvé qu'wn officier municipal, etc. » L'esprit général du décret me paraît bon, je ne crois pas qu'il puisse être considéré comme une loi perpétuelle; quand les municipalités et les assemblées administratives seront organisées, vous aurez beaucoup de moyens qui vous manquent ; il faut décider que cette loi sera changée ou retirée lors de cette organisation. Un moyen certain de rétablir le calme, c'est de hâter cette organisation et de presser l'examen des droits féodaux. L'incertitude du peuple sur ces droits est la cause principale des insurrections. Je demande qu'on détermine un jour fixe pour présentera l'acceptation du Roi et envoyer dans les provinces les décrets sur la division du royaume, et qu'on entende dès demain le comité féodal.
(1). Avant d'examiner les différents décrets, je dois vous exposer dans quelles
circonstances et sous quels auspices ils vous sont présentés. Il y a peu de jours, sur le
simple récit des événements du Quercy, l'Assemblée, par un décret, a ordonné la réunion des
troupes soldées et des maréchaussées aux gardes nationales, pour réprimer les désordres. Ce
décret a paru insuffisant aux ministres, qui ont demandé dans leur mémoire que le pouvoir
exécutif soit autorisé à déployer la terreur des armes. Ce mémoire a été renvoyé au comité,
et samedi,, des membres de cette Assemblée vous ont fait des propositions conformes à celles
des ministres. Qu'on me pardonne de n'avoir pu concevoir comment les moyens du despotisme
pouvaient assurer la liberté; qu'on me pardonne de demander comment une révolution faite par
le peuple
Vous savez quels moyens on a employés en Normandie pour soulever le peuple, pour égarer les habitants des campagnes ; vous avez vu avec quelle candeur ils ont désavoué les signatures surprises et apposées à une adresse, ouvrage de sédition et de délire, rédigée par les auteurs et les partisans de l'aristocratie. Qui est-ce qui ignore qu'on a répandu avec profusion, dans les provinces belgiques, des libelles incendiaires; que les principes de l'insurrection ont été prêchés dans la chaire du dieu de paix ; que les décrets sur la loi martiale, sur les contributions, sur la suppression du clergé, ont été oubliés avec soin; qu'on a caché tous ceux de vos décrets qui, non moins utiles, présentaient au peuple des objets de bienfaisance faciles à saisir? Qu'on ne vienne donc pas calomnier le peuple ! J'appelle le témoignage de la France entière ; je laisse ses ennemis exagérer les voies de fait, s'écrier que la Révolution a été signalée par des barbaries. Moi, j'atteste tous les bons citoyens, tous les amis de la raison, que jamais révolution n'a coûté si peu de sang et de cruautés. Vous avez vu un peuple immense, maître de sa destinée, rentrer dans l'ordre au milieu de tous les pouvoirs abattus, de ces pouvoirs qui l'ont opprimé pendant tant de siècles. Sa douceur, sa modération inaltérables ont seules déconcerté les manœuvres de ses ennemis, et on l'accuse devant ses représentants !
A quoi tendent ces accusations? Ne voyez-vous pas le royaume divisé? Ne voyez-vous
pas deux partis : celui du peuple et celui de l'aristocratie et du despotisme? Espérons que la constitution sera solidement affermie, mais reconnaissons qu'il reste encore de grandes choses à faire. Grâce au zèle avec lequel ou a égaré le peuple par des libelles, et déguisé les décrets, l'esprit public n'a pas encore pris l'ascendant si nécessaire. Ne voyez-vous pas qu'on cherche à énerver les sentiments généreux du peuple pour le porter à préférer un paisible esclavage à une liberté achetée au prix de quelques agitations et de quelques sacrifices ? Ce qui formera l'esprit public, ce qui déterminera s'il doit pencher vers la liberté ou se reporter vers le despotisme, ce sera l'établissement des assemblée administratives. Mais si l'intrigue s'introduisait dans les élections, si la législature suivante pouvait ainsi se trouver composée des ennemis delà Révolution, la liberté ne serait plus qu'une vaine espérance que nous aurions présentée à l'Europe. Les nations n'ont qu'un moment pour devenir libres; c'est celui où l'excès de la tyrannie doit faire rougir de défendre le despotisme. Ce moment passé, les cris des bons citoyens sont dénoncés comme des actes de sédition, la servitude reste, la liberté disparait. En Angleterre, une loi sage ne permet pas aux troupes d'approcher des lieux où se font chaque année les élections ; et dans les agitations incertaines d'une révolution on nous propose de, dire au pouvoir exécutif : « Envoyez des troupes où vous voudrez, effrayez les peuples, gênez les suffrages, faites pencher la balance dans les élections. »
Dans ce moment même, des villes ont reçu des garnisons extraordinaires qui ont, par la terreur, servi à violer la liberté du peuple, à élever aux places municipales des ennemis cachés de la Révolution. Ce malheur est certain : je le prouverai, et je demande pour cet objet une séance extraordinaire. Prévenons ce malheur; réparons-le par une loi que la liberté et la raison commandent à tout peuple qui veut être libre, qu'elles ont commandée à une nation qui s'en sert avec une respectueuse constance pour maintenir une constitution à laquelle elle reconnaît des vices; mais ne proclamons pas une nouvelle loi martiale contre un peuple qui défend ses droits, qui recouvre sa liberté. Devons-nous déshonorer le patriotisme en l'appelant esprit de sédition et turbulent, et honorer l'esclavage par le nom d'amour de l'ordre et de la paix? Non ; il faut prévenir les troubles par des moyens plus analogues à la liberté. Si l'on aime véritablement la paix, ce ne sont point des lois martiales qu'il faut présenter au peuple : elles donneraient de nouveaux moyens d'amener des troubles. Tout cet empire est couvert de citoyens armés pour la liberté ; ils repousseront les brigands pour défendre leurs foyers. Rendons au peuple ses véritables droits ; protégeons les principes patriotiques attaqués dans tant d'endroits divers ; ne souffrons pas que des soldats armés aillent opprimer les bons citoyens sous prétexte de les défendre ; ne remettons pas le sort de la Révolution dans les mains des chefs militaires ; faisons sortir des villes ces soldats armés qui effraient le patriotisme pour détruire la liberté.
(1). Messieurs, avant que nous fussions
Maintenant que le peuple est libre et que ses droits sont assurés, faudrait-il que l'on n'osât pas lui"parler de ses devoirs? faudrait-il souiller les triomphes de la liberté, par cette impatience qui souillait même les triomphes du despotisme? Non, Messieurs, efr j'userai de cette liberté, et je remplirai ce devoir : je dirai au peuple,, non pas ce qui lui plaît, non ce qui le flatte, mais ce qu'il est utile qu'il entende. J'avouerai avec le préopinant (M. de Robespierre) que jamais révolution plus complète, que jamais changement plus imposant et plus subit ne s'est opéré sans être accompagné de plus grands maux. Peut-être, si je parlais à une autre nation, je l'en louerais; mais je parle à des Français dont il faut compter les fautes et non pas les vertus. Je dirai que, quand même une seule tête fût tombée, quand même un seul agent du fisc eût été immolé à la vengeance populaire, quand même une seule goutte de sang eût coulé contre l'ordre de la loi, cette catastrophe unique souille la Révolution française.
Je ne suivrai pas plus loin l'opinion du préopinant; je ne releverai qu'une erreur.
Il a dit dans cette tribune, il a dit, à vous représentants de la nation : Lorsqu'il sera porté quelque cause à votre tribunal, protégez la câuse, protégez les principes populaires. Messieurs, on ne protège point les principes, et le mot protection ne peut être rapproché du mot tribunal,. sans incohérence et sans danger. Je reviens à la discussion de l'objet qui vous occupe.
Le Roi a appelé votre attention sur les désordres flui affligent plusieurs provinces; il vous a protesté en même temps de son respect pour la loi : il a demandé que le maintien de la sûreté et de la tranquillité publique fût enfin rendu possible.
Voilà le but du décret que vous avez chargé votre comité de constitution de vous présenter. Il paraît ne s'être pas dissimulé que sa lâche était difficile, que si, d'un côté, la loi dans ses dispositions, doit embrasser tous les temps et toutes les circonstances, il faut, d'une autre part, qu'aucun temps, aucune circonstance particulière n'influe sur l'esprit de la loi, de manière à l'altérer.
Pour rédiger ce décret, il a fallu marcher entre deux écueils : le danger d'exposer la liberté publique, et le danger de ne pourvoir ni à la sûreté, ni au rétablissement de l'ordre, sans lequel il n'existe, il ne peut exister aucune liberté véri-ble.
En voulant éviter ces deux écueils, les rédacteurs du premier décret me paraissent les avoir touchés l'un et l'autre. Un second décret semble être le résultat d'une discussion réfléchie. Il renferme des dispositions moins dangereuses, et des précautions plus eftîcaces.
S'il était possible de faire une bonne loi dans ce moment, certes votre comité l'aurait faite ; mais il est des circonstances de l'empire desquelles il est difficile de s'affranchir, dans lesquelles on ne peut agir que provisoirement, et je crois que c'est à ces circonstances qu'il faut attribuer les défectuosités qui existent encore dans J le décret.
D'autres honorables membres vous ont présenté d'autres projets; quelques-uns vous ont proposé de remettre au Roi une véritable dictature. Je crois devoir vous présenter quelques considérations générales.
L'état social repose sur deux bases : la liberté et la sûreté. Le corps politique existe par deux moyens : la volonté générale et la force publique qui y soumet. La force publique n'existe elle-même que par l'impôt. Dans ce moment-ci, Messieurs, l'impôt ne se paie pas ; la force publique, ou du moins ce qui reste de cette force publique, est sans direction, sans union, sans organisation politique. La loi se divise en deux parties : l'une, qui rappelle au peuple ses droits, est préconisée, réclamée par toute la France, et certes c'est avec raison ; l'autre, qui lui rappelle ses devoirs, est dans plusieurs endroits méconnue et presque partout mal observée.
Il ne sait pas, ce bon peuple que l'on égare, que ses droits reposent jsur l'observation de ses devoirs ; qu'il n'y a de libre que l'homme qui obéit à la loi et que ses concitoyens aiment et soutiennent, parce qu'à son tour il les aim les soutient.
11 viendra, sans doute, un jour où tout le peuple saura, professera et suivra ces maximes ; mais ce moment ne peut être préparé que par l'éducation nationale; mais avant que le règne des mœurs et de la raison soit arrivé, il faut apporter un remède aux maux présents; il faut que l'emploi légal, mais efficace, de la force publique assure notre tranquillité ; il faut que le pouvoir exécutif, surveillé désormais par le pouvoir législatif, reçoive enlin une véritable organisation. A cette proposition si simple, on répond par une question qui paraît embarrassante ; on me dit: Sur quelle base voulez-vous organiser ce pouvoir? Si c'est sur les bases anciennes, vous consacrez le despotisme; si c'est sur les nouvelles, convenez avec nous qu'elles n'existent pas encore. Les municipalités sont à peine organisées; les districts et les départements ne le sont pas ; l'ordre judiciaire n'est point réglé; l'armée n'a pas encore de lois constitutionnelles, et cependant ce n'est que dans ces rapports avec ces diverses branches que peut s'organiser le pouvoir exécutif.
Je n'hésite pas, quant à moi, de répondre à cette question et ma réponse sera celle que vous avez faite vous-mêmes. Les impôts anciens étaient injustes, mal répartis et assis sur des bases fausses; vous en avez modifié quelques-uns ; mais jusqu'au moment où vous pourrez les changer tous, vous les avez tous conservés, parce qu'un empire ne peut exister sans impôts.
Les lois criminelles étaient atroces, vous en avez modifié quelques-unes, mais jusqu'au moment où vous pourrez les changer toutes, vous les avez toutes consacrées, parce qu'un empire ne peut exister sans lois criminelles.
Les lois civiles sont obscures, quelques-unes même sont iniques, vous n'avez pas encore pu les changer; et jusqu'au moment où vous pourrez les changer toutes, vous les avez toutes conservées, parce qu'un empire ne peut exister sans lois civiles.
Le pouvoir royal était sans bornes ; votre sagesse l'a circonscrit par des lois : vous avez fixé la nature de son influence sur le pouvoir législatif; vous avez assujetti ses agents à une juste responsabilité et n'eussiez-vous porté que cette loi et celle de la permanence du Corps législatif, la France serait encore libre. Sans
doute vous n'avez pas pris encore toutes les précautions, ni posé toutes les barrières ; mais enfin il faut, jusqu'au moment où vous pourrez consommer la nouvelle organisation, m ourir provisoirement au pouvoir exécutif et le consacrer en tout ce qui ne blesse pas les lois déjà faites, parce qu'un empire ne peut pas plus exister sans un pouvoir exécutif qu'il ne peut exister sans impôt, sans lois criminelles et sans lois civiles.
Si le Roi demeure sans force, les impôts ne seront pas payés ; et si les impôts n'étaient pas payés, nous justifierions forcément nos détracteurs ; nous manquerions aux engagements publics que nous avons consacrés ; car on ne paie qu'avec de l'argent et l'argent n'est que le résultat des impôts, surtout pour une nation qui ne veut plus tenter des emprunts. Ge malheur, et ce malheur seul exposerait la constitution. Nous lui aurions créé des ennemis puissants; elle ne peut plus avoir d'ennemis que ceux que nous lui aurions créés. J'ai dit la constitution, car la révolution est faite et s'il vous restait un doute, rappelez-vous qu'hier vous avez entendu ces paroles de la bouche d'un honorable membre, de l'homme auquel il appartient surtout de parler liberté et révolution (1). Organisons donc la force publique et ne la craignons pas ; qu'elle soit plus forte que les brigands, elle sera toujours plus faible que nous. La raison publique, l'Assemblée nationale suffisent pour tenir les ministres dans les bornes de la loi et assurer la responsabilité légale.
Ges considérations me décident à adopter le décret du comité de constitution, auquel je désire qu'on ajoute les articles de M. Malouet, sauf les amendements qui pourront être proposés à l'un et aux autres, quand la discussion principale sera terminée.
(de Nemours) (2). Messieurs, la question dont s'occupe en ce moment l'Assemblée nationale est sans doute d'une grandeimportance, puisqu'il s'agit de savoir comment on établira la sûreté publique sans porter atteinte à la liberté du peuple et comment on empêchera que des scélérats, égarant son zèle, ne le portent à des actions dont il serait le premier à gémir ou à rougir.
Mais les principes par lesquels il me paraît qu'on doit décider cette question, sont d'une extrême simplicité; ils sont connus de tout le monde.
Il ne faut pas la compliquer par de trop grandes idées. Il ne s'agit ni du pouvoir législatif ni du pouvoir exécutif, ni de l'autorité municipale, ni de la liberté d'aucun citoyen, si ce n'est pour la préserver d'atteinte.
11 ne s'agit que d'un devoir très naturel et très impérieux de tout homme et à plus forte raison de tout homme brave et armé, qui voit commettre un délit et assassiner ou piller son semblable. Il oblige sa conscience, devant Dieu, devant les hommes et sans attendre l'ordre d'aucune autorité, de courir au secours.
G'est pour remplir ce devoir avec efficacité, avec rapidité, et à peu de frais, que l'on a
établi dans tous les pays et dans tous les temps, des
La garde n'est point juge du droit, mais elle est essentiellement inspectrice et préservatrice du fait ; elle doit empêcher toute voie de fait et mener aux juges ceux qui se les permettent ; car il est sensible et reconnu que, dans un état policé, les voies défait ne sont permises à personne, pas même à ceux qui ont raison ; que personne n'est juge dans sa propre cause; que celui qui a été offensé doit demander justice dans la forme prescrite par la loi et l'attendre de la loi et des ministres de la loi.
Ainsi, les troupes volontaires ou réglées doivent réprimer toute violence, par cela seul qu'elle est violence et sans s'inquiéter aucunement de son motif.
Quand il n'y a point de violence, les troupes ne doivent être employées, il est vrai, que sur des ordres civils donnés par une autorité responsable.
Mais lors du flagrant délit, elles n'ont besoin que du délit même pour être autorisées à en arrêter la suite, d'abord par toutes les voies les plus douces, et s'il n'y a aucun autre moyen par toutes les voies les plus efficaces, sauf à constater le fait par un procès-verbal régulier, et responsable de l'abus de leur force réprimante si elles s'étaient permis de l'abus.
Pour bien entendre la question, il faut la reprendre au premier exemple cité, où elle se trouve dans toute sa simplicité naturelle. Un homme est volé ou assassiné : il crie : à la garde, ou même il n'a pas le temps et la force de crier; mais la garde voit donner les coups, il est évident que la garde n'a aucun besoin de l'ordre d'aucun officier municipal pour défendre celui qu'on attaque et pour arrêter le voleur ou l'assassin. Il serait absurde qu'elle dit au citoyen en danger qui implore son secours ou qui même ne peut pas l'implorer: « Attendez, il faut que j'aille consulter M. le maire, pour savoir si je dois vous protéger. » Il est clair que le crime pourrait être consommé avant que l'officier mu-cipal eût donné des ordres. Il est clair que l'officier municipal n'est tenu de donner des ordres que par le même principe qui oblige l'officier militaire de donner du secours dès que le besoin de secours est urgent et indispensable.
Si cinq cents hommes égarés par la passion, par des instigations, par un intérêt personnel veulent en assassiner ou en piller un, il n'y a pas la moindre raison de plus de les laisser faire, car un crime est toujours un crime, qu'il soit commis par une troupe ou par un coupable isolé; si l'on pensait autrement, il faudrait que les brigands deviennent innocents dès qu'ils sont en grand nombre.
La garde militaire, volontaire ou réglée et même tout honnête et courageux citoyen, quoiqu'ils puissent très bien recevoir l'ordre de l'officier civil, n'ont donc aucune raison de l'attendre lorsqu'il s'agit d'empêcher un grand désordre ou un grand délit.
11 faut encore se former une idée juste de la dignité du service que remplit la garde lorsqu'elle arrête ou réprime ainsi la violence. Elle exerce, quoique par des formes guerrières, un ministère de paix. Elle déploie deux vertus sans lesquelles la société ne saurait exister : la justice
et le courage. Elle les déploie au nom de la raison, de l'humanité, de la nation et de la loi.
Une troupe, un militaire qui est dans ses fonctions légales a quelque chose de sacré aux yeux de tous les patriotes et de tous les braves ; la confédération sociale est et doit être à son appui. C'est ce qui fait que, dans tous les pays où il y a eu quelque règle et quelque discipline, un général, un roi n'a jamais osé violer la consigne d'une sentinelle de sa propre armée. Ils ont toujours respecté dans cette sentinelle, l'armée elle-même et la société, dont l'armée n'est pour ainsi dire que la sentinelle avancée.
Tout homme armé par l'Etat et placé au nom de l'Etat pour empêcher de tuer, de voler ou de battre aucun citoyen, c'est-à-dire pour conserver la liberté, la propriété et la sûreté des citoyens, est dépositaire d'une partie de la Majesté nationale.
Où une sentinelle se trouve impunément insultée, il y a guerre, il n'y a plus d'ordre public, ni de société.
Mais, dit-on, le peuple ne doit-il pas avoir en tout temps la liberté de réclamer contre toutes les fautes de l'administration et de demander le redressement de ses griefs?
Sans doute, et ce n'est pas un droit particulier du peuple, c'est le droit de tout homme lésé. Mais le droit de porter des pétitions et des réclamations n'est pas le droit de porter la hache sur la tête de ses concitoyens ou la torche dans leur maison. Ce dernier droit personne ne l'a tant qu'il existe une autorité légale à laquelle on peut avoir recours. Les observations et les réclamations peuvent être publiées, les pétitions peuvent être présentées par un petit nombre de citoyens modérés et sages, et elles n'en ont que plus de poids. La foule et la force diminuent toujours le respect qui est dû à la raison.
Il ne faut donc mettre aucun obstacle aux pétitions, auxquelles l'opinion publique donne une puissance irrésistible, lorsqu'elles sont justes; mais il faut mettre obstacle au tumulte, au pillage, au meurtre, à l'incendie; car aucune de ces choses ne peut être à l'avantage de la société, et toutes ces choses diminuent beaucoup de la faveur que les pétitions peuvent mériter.
C'est uniquement sur cette espèce de délit, et dans le moment où on les commet, que s'étend l'autorité militaire, soit avec le concours de l'autorité civile, s'il est possible de la consulter, soit parle droit spontané et donné de Dieu que la force et le courage ont, d'un pôle à l'autre, pour protéger la justice et maintenir la paix. Ce droit de la valeur commence à l'instant où la paix est troublée par des actes réels de violence ; il cesse à l'instant ou la violence cesse elle-même. Par-cere subjectis est la devise de toute force qui agit au nom de l'Etat, de l'humanité et de la raison.
Quel est donc le devoir de tout commandant militaire, ou des gardes nationales, ou des troupes réglées, quand il est averti d'un tumulte? C'est de mettre sa troupe sous les armes et de se porter paisiblement au lieu de la scène. Si la chose se passe en paroles, et s'il n'a pas d'ordre positif de l'autorité civile pour dissiper l'attroupement, il n'a rien à faire qu'à montrer sa troupe et à la porter entre l'attroupement et le lieu où les personnes que l'on peut regarder comme menacées. S'il a le talent de la parole, il peut parler aux gens qui parlent, et ne doit point agir contre les gens qui n'agissent pas. Mais si l'on frappe en sa présence, si l'on brise des portes, si l'on force des maisons, si l'on ose mal-
traiter d'autres citoyens, ou la garde même qu'il commande, il doit alors avertir les violateurs de la liberté, de la propriété et de la sûreté d'autrui, que leurs actions sont proscrites par la loi, et qu'il a mission pour les réprimer ; et après les trois sommations prescrites par la loi martiale, il est en droit complet de faire de la force un usage suffisant pour arrêter tout crime ultérieur que la multitude voudrait se permettre.
Pourquoi un commandant militaire a-t-il ce droit, sauf à en répondre et même indépendamment de la municipalité? C'est qu'il n'y a pas un homme qui n'ait ce même droit. Le jeune Anglais, dont je rougis d'ignorer le nom, qui a tiré l'épée, qui avec elle a sauvé la vie à M. Planter, et qui a contenu la fureur populaire dont ce négociant estimable avait été ou allait être la victime, n'était pas un citoyen, et cependant il a été récompensé, au nom de la nation française et des représentants de la première commune de France, pour avoir employé la force et le courage militaire qu'il tenait du ciel, et empêcher le crime que des citoyens français avaient commencé et qu'ils auraient consommé sans lui.
Ne refusons donc pas à nos troupes citoyennes, et qui ont prêté le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi, le droit que nous n'osons refuser à un étranger, et que nous honorons chez lui lorsqu'il en a fait un si honorable et si noble usage.
Je crois, Messieurs, que cet exemple suffit pour montrer à quel point il est aisé de rétablir la sûreté publique, partout où se trouvent des citoyens intrépides et honnêtes, et particulièrement partout où se trouvent les guerriers légaux de la nation.
Il y a donc, Messieurs, une garantie naturelle contre les désordres nuisibles à la sûreté publique ; contre les violences qui pourraient menacer les biens et les personnes. Cette garantie, c'est Dieu qui vous l'adonnée, lorsqu'il a rendu les hommes naturellement sensibles et courageux, compatissants et fiers. 11 ne s'agit que de ne pas empêcher ceux qui sont et doivent être plus éminemment doués de ces qualités précieuses de les déployer pour la paix et l'utilité publique.
A ce moyen qui vient du ciel et que vous n'avez le droit d'interdire â personne, vous en pouvez ajouter un autre qui vienne de vous et des lois, et qui sera également juste, c'est la garantie et les indemnités à fournir par les villes, paroisses et communautés où se seront commis des dommages, à ceux qui les auront essuyés ; cette garantie est juste ; car, ou la plus grande partie des habitants de la communauté ont pris part au désordre, et doivent en conséquence Je réparer, ou cette majorité a négligé de contenir la minorité, et alors elle devient responsable de sa faiblesse.
Réunissez ces deux moyens, Messieurs, et vous aurez pourvu à tous les maux sans avoir compromis aucune liberté, ni aucun pouvoir; vous aurez assuré le bien public par la seule exécution des premiers principes du droit naturel, eu ordonnant la garantie due par ceux qui ont commis un dommage, et en laissant au sentiment de l'humanité et du courage la liberté que vous voudriez leur ôter en vain de protéger la justice, l'innocence et la faiblesse. C'est dans cette conviction, Messieurs, que j'aurai l'honneur de vous proposer un projet de décret: j'ignore si vous l'adopterez. Peut-être mes collègues vous en proposeront-ils de meilleur.
Ge que je sais, c'est qu'aucune loi temporaire
ne balancera jamais chez moi l'autorité de la loi divine et humaine, qui crie dans mon cœur que je dois assistance à tout homme opprimé, d'une manière illégale, par un autre homme ou par une multitude d'autres. Ce que je sais, c'est que, lorsque je verrai commettre ce crime, je ne demanderai ni ordre ni conseil à personne ; j'accourrai, je défendrai mon frère par la raison, si elle peut être entendue, par l'épée, si je ne puis mieux : les hommes ensuite m'applaudiront ou me feront pendre, selon qu'il leur paraîtra expédient.
..... Me non civium ardor prava jubentium mente quatit solidâ.
projet de décret.
L'Assemblée nationale, voulant assurer la tran-quilité publique, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. Ier. Lorsqu'il y aura quelque tumulte ou attroupement
considérable, les officiers commandant les gardes nationales et les troupes- réglées feront
mettre leurs troupes sous les armes et les porteront au lieu de l'attroupement.
Art. 2. S'il n'y a que du bruit, les militaires, tant gardes nationales que troupes réglées, se tiendront paisibles dans le poste qui paraîtra le plus propre à couvrir le lieu ou les personnes qui pourraient paraître menacés. Ils y attendront l'ordre de la municipalité.
Art. 3. Si, avant l'arrivée des ordres delà municipalité, les gens attroupés commettaient quelques violences contre les biens ou les individus, comme jets de pierre, bris de portes ou de fenêtres, incendies de meubles ou de maisons, coups donnés à quelque citoyen, militaire ou autre, les deux officiers commandants des deux troupes, ou l'un des deux à défaut de l'autre, feront faire, après trois appels au bruit du tambour, les trois proclamations ordonnées par la loi martiale; et si, ensuite, le désordre ou les violences ne cessaient pas, ils emploieront la force pour les réprimer, et saisiront les coupables pour les livrer à la justice.
Art. 4. Aussitôt que les violences auront cessé, et quelques coupables arrêtés, les officiers commandants feront cesser tout usage de la force.
Ils dresseront de tout ce qui sé sera passé procès-verbal assermenté, et le remettront, par duplicata, tant à la municipalité qu'au juge du lieu, pour mémoire dans l'instruction au procès.
Art. 5. Lorsque, par un attroupement, il aura été causé quelque dommage dans une ville, paroisse ou communauté, il sera réparé par une imposition mise sur tous les habitants, au marc la livre de toutes leurs impositions directes : sauf le recours desdites communautés sur les biens de ceux qui auraient fomenté les désordres dont les dommages seraient résultés.
On vous a proposé d'investir le monarque de la dictature; on vous a proposé de décréter actuellement les bases du pouvoir exécutif; on vous a proposé l'exemple d'une nation voisine ; on vous a fait craindre les guerres que pouvait nous susciter cette nation, tandis qu'il est vrai qu'un Anglais, dont nous admirons les talents, n'a pas craint de dire à l'assemblée législative de son pays que ce serait la lâcheté la plus insigne que de troubler en ce moment un peuple occupé à conquérir sa liberté etc., etc.
continue à faire des observations sur le fond du décret et sur la rédaction du comité. Il couclut à ce que cette rédaction soit adoptée avec les modifications qu'il y apporte.
Comme membre du comité des rapports, je demande à donner à l'Assemblée des détails sur les causes et sur les motifs des insurrections.
M. Prieur n'a pas la parole, et d'ailleurs il faut discuter les principes avant de discuter les faits.
Pour bien juger la loi qui vous est présentée, il faut connaître les faits qui paraissent la rendre nécessaire. J'ai examiné toutes les pièces relatives à l'affaire de Béziers et aux accidents arrivés dans les autres provinces. Je n'ai vu que des événements particuliers, et pas une seule atteinte contre la sûreté publique. L'objet des insurrections est la féodalité : la cause, les fausses interprétations de vos décrets données par les ennemis du peuple. Ainsi donc, l'objet étant connu, la cause étant également connue, vous pouvez plus aisément déterminer le remède.
M. Prieur entre dans le détail des nouvelles reçues de plusieurs provinces. La ville de Péri-gueux annonce qu'il est fâcheux qu'un membre de l'Assemblée ait plutôt écouté l'exposé de trois gentilshommes que le récit fidèle de la municipalité.
demande à répondre à cette énonciation.
MM. de Juigné, de Gocherel, Duval d'Eprémesnil, etc., semblent contester les faits énoncés par M. Prieur. — Celui-ci se dispose à aller chercher les pièces originales. — Il quitte la tribune. — On l'invite à y remonter.
réclame l'ordre du jour.
C'est au nom du peuple qu'on calomnie, que je parle aujourd'hui; c'est la vérité que je veux dire, parce que la vérité seule suffit à sa défense.
Comme M. Prieur a dit quelque chose qui concerne les troubles de ma province, je demande la parole.
(M. Prieur veut continuer son récit, on l'interrompt. — Après de longs débats, M. le Président consulte l'Assemblée, et M. Prieur continue).
La ville de Périgueux annonce qu'on a persuadé à de malheureux paysans, bons, mais simples et crédules, qu'ils seraient condamnés à des amendes s'ils ne se livraient point au pillage; qu'ensuite on a fait marcher contre eux des détachements de troupes, accompagnés du grand-prévôt et des exécuteurs de la haute justice, en disant que l'on allait décimer les habitants des campagnes. Dans d'autres provinces, des hommes inconnus répandent de l'argent pour séduire le peuple. A Monclair on a arrêté un chef de bande qui donnait aux paysans 20 sous par jour pour aller incendier les châteaux. Ailleurs on suppose des ordres signés du Roi et contresignés par M. de Saint-Priest, et des décrets de l'Assemblée, et l'on persuade au peuple qu'il n'a plus qu'un mois pour obtenir par ses mains la réparation des torts qui lui ont été faits. Dans d'autres pays l'ordre est parfaitement rétabli. A Sedan, notam-
ment, le service des employés est en pleine activité.
demande la parole avec insistance. (Voy. plus loin son discours annexé à la séance de ce jour).
Votre tour d'inscription n'est pas arrivé. La parole appartient à M. Pétion de Villeneuve.
On ne proclame en Angleterre le bill de mutinerie que dans les cas vraiment extrêmes.Quelle que soit aujourd'hui la gravité des circonstances, ce n'est pas une sévérité rigoureuse qu'il faut appeler à notre secours ; le peuple est trompé, il faut l'éclairer. On exagère les malheurs des provinces pour vous engager à employer les remèdes violents : nous ne pouvons, nous ne devons pas nous occuper de preuves, mais plutôt de prévenir le mal, et nous ne le préviendrons qu'en cherchant à en déiruire les causes. Cependant, s'il faut faire une loi provisoire, qu'elle sera-t-elle? Adopterons-nous, avec M. deClermont-Tonnerre, le projet de M. Malouet ? Autant vaudrait renoncer à la liberté et courber avec docilité notre tête sous le joug de la servitude. Tous les corps administratifs, créés pour exercer la puissance du peuple, deviendraient des instruments de la puissance ministérielle ; ne nous abusons pas sur la responsabilité dont on nous annonce les merveilles. Il est clairement prouvé qu'elle ne serait qu'un prétexte de plus pour nous opprimer, puisqu'il serait loisible aux ministres de mépriser les formes légales, sauf à venir demander aux représentants de la nation une absolution que, sous le prétexte de certaines circonstances, ils n'auraient pas la liberté de refuser. Le projet du comité ne mérite pas autant de reproches, mais il ne laisse pas que d'avoir de grands dangers. Il renferme beaucoup de clauses inutiles, et, sans contredit, il est dangereux, dans les circonstances où nous nous trouvons, de multiplier inutilement les lois réprimantes. La loi mariiale que vous avez décrétée suftira pour dissiper les attroupements, et la responsabilité qu'on vous propose de prononcer préviendra la négligence ou la faiblesse des officiers municipaux dans l'exercice de cette loi.
On a voulu entraîner une Assemblée législative dans la plus étrange des erreurs. De quoi s'agit-il ? De faits mal expliqués, mal éclaircis. On soupçonne, plusqu'on ne sait, que l'ancienne municipalité de Béziers n'a pas rempli ses devoirs, lin fait d'attroupements, toutes les circonstances méritent votre attention : il vous était facile de prévoir que, par la loi martiale, vous aviez donné lieu à un délit de grande importance, si cette loi n'était pas exactement, pas fidèlement exécutée. En effet, une municipalité qui n'use pas des pouvoirs qui lui sont donnés dans une circonstance importante, commet un grand crime. Il fallait qualifier ce crime, indiquer la peine et le tribunal ; il ne fallait que cela. Au lieu de se réduire à une question aussi simple, on nous a dit que la république est en danger ; j'entends et je serai entendu par tout homme qui écoutera avec réflexion, j'entends la chose publique: on n.tus a fait un tableau effrayant des malheurs de la France; on a prétendu que l'Etat était bouleversé, que la monarchie était tellement en péril
qu'il fallait recourir à de grandes ressources ; on a demandé la dictature. La dictature dans un pays de vingt-quatre millions d'âmes ; la dictature à un seul, dans un pays qui travaille à sa constitution, dans un pays dont les représentants sont assemblés : la dictature d'un seul ! « Le plus ou moins de sang qui doit couler ne doit pas être mis en ligne de compte! » Lisez, lisez ces lignes de sang dans les lettres du général d'Alton à l'empereur: voilà le code des dictateurs. Voilà ce qu'on n'a pas rougi de proposer : on a voulu renouveler ces proclamations dictatoriales des mois de juin et de juillet. Enfin on enlumine ces propositions des mots, tant de fois répétés, des vertus d'un monarque vraiment vertueux, ces mots tant de fois répétés, mais répétés avec justice. Je regarde déjà la monarchie comme dissoute. La dictature passe les forces d'un seul, quels que soient son caractère, ses vertus, son talent, son génie. Le désordre règne, dit-on; je le veux croire un moment : on l'attribue à l'oubli d'achever le pouvoir exécutif, comme si tout l'ouvrage de l'organisation sociale n'y tendait pas. Je voudrais qu'on se demandât à soi-même ce que c'est que le pouvoir exécutif. Vous ne faites rien qui n'y ait rapport. Que ceux qui veulent empiéter sur vos travaux répondent à ce dilemme bien simple: ou quelque partie de la constitution blesse ie pouvoir exécutif, alors qu'on nous déclare en quoi; ou il faut achever le pouvoir exécutif ; alors que reste-t-il à faire ? Dites-le, et vous verrez s'il ne tient pas à tout ce que vous devez faire encore. Si vous me dites que le pouvoir militaire manque au pouvoir exécutif, je vous répondrai : laissez-nous donc achever l'organisation du pouvoir militaire; le pouvoir judiciaire? laissez-nous donc achever l'organisation du pouvoir judiciaire. Ainsi donc, ne nous demandez pas ce que nous devons faire, si nous avons fait ce que nous avons pu. Il me semble qu'il est ai3é de revenir à la question dont nous n'avons pu nous écarter. Vous avez fait une loi martiale;* vous en avez confié l'exécution aux officiers municipaux : il reste à établir le mode de leur responsabilité. Il manque encore quelque* dispositions. Eh bien ! il faut fixer ie mode des proclamations. 11 existe des brigands ; il faut faire une addition provisoire pour ce cas seulement. Mais il ne fallait pas empiéter sur notre travail, il ne fallait p is proposer une exécrable dictature. Je n'ajouterai rien à ce qui a été dit ; mais peut-être résumerai-je mieux les diverses o rioions des préopinants. J'ai rédigé le projet d'une loi additionnelle à la loi martiale :
Art. 1er. En cas d'attroupement de gens armés trouvés en rase
campagne, les maréchaussées, les gardes nationales et les iroupes soldées pourront, sans
autre réquisition, après leur avoir enjoint de se retirer, employer la force pour les
dissiper. Cependant les troupes s'arrêteront au premier ordre qui leur en sera donné par la
municipalité sur le territoire de laquelle existe l'attroupement, et celte municipalité sera
responsable de cet ordre.
Art. 2. Lorsque les officiers municipaux auront négligé de publier la loi martiale, dans les cas où cette publication est ordonnée, et de remplir tous les devoirs qu'elle prescrit, ils seront poursuivis extraordinairement.
Art. 3. La poursuite d'un teldélit ne pourra être faite qu'à la requête du procureur-svndic du district, ou du procureur-syndic du département, en vertu d'une délibération du directoire du
district ou du département, par devant les juges ordinaires, sauf l'appel au tribunal supérieur.
Art. 4. La peine de ce délit sera d'être privé de ses fonctions, déclaré prévaricateur, à jamais incapable d'exercer aucun droit de citoyen actif, et personnellement responsable de tous les dommages qui auraient été commis.
Art. 5. Si les biens des officiers municipaux sont insuffisants pour payer lesdits dommages, la communauté des habitants sera responsable pour le surplus, sauf le recours de la communauté sur les biens de ceux qui seraient convaincus d'avoir excité la sédition ou d'y avoir participé.
Art. 6. Dans le cas où les officiers municipaux seraient investis dans la maison commune par les séditieux, lesdits officiers seront tenus de faire déployer le drapeau rouge aux fenêtres de la maison commune, et à ce signal la garde nationale, les troupes soldées et la maréchaussée seront obligées de se rendre à la maison commune, mais seulement pour attendre les ordres des officiers municipaux.
Art. 7. S'il arrive que, dans une émotion populaire, les officiers municipaux prennent la fuite, ou qu'ils soient empêchés par les séditieux rassemblés dans la maison commune, d'user de leur autorité en faisant déployer le drapeau rouge à l'une des fenêtres, dans lesdits cas, les notables seront tenus, sous les mêmes peines que les officiers municipaux, de requérir l'assistance des troupes pour rétablir l'exercice de l'autorité municipale, et de remplir, dans cette vue, toutes les formalités prescrites pas la loi martiale.
Art. 8. Si, malgré cette publication, les officiers municipaux pensent qu'il n'est pas nécessaire de recourir à la loi martiale, ils seront tenus de signifier aux notables et aux commandants des troupes l'ordre de se retirer; et dans ce cas, la loi martiale cessera son effet. Si lesdits officiers muuicipaux sont investis, ils exprimeront cet ordre en chargeant l'un d'eux de déployer le drapeau blanc à la vue des troupes et hors de la maison commune.
Art. 9. Les officiers municipaux seront responsables pour la non-manifestation de cet ordre, comme dans les cas énoncés aux articles 1,2 et 3.
Art. 10. Dans le cas où lesdits officiers municipaux auront rempli tous les devoirs prescrits par la loi martiale, et n'auront pu dissiper les attroupements, la communauté des habitants demeurera seule responsable de tous les dommages qui pourront se commettre, sauf le recours de la communauté sur les biens de ceux qui seraient convaincus d'avoir excité la sédition ou d'y avoir participé.
Art. 11. En cas de résistance à l'exécution des jugements rendus par les officiers civils, ils doivent requérir l'assistance des gardes nationales, des maréchaussées .et des troupes soldées, pour que force reste à justice.
Le peuple a partout été trompé ; des ordres du Roi, des décrets de l'Assemblée nationale ont été supposés : il a cru devoir obéir, et il s'est porté aux désordres qu'on veut que vous réprimiez. On vous propose des moyens divers : il faut adopter ceux qui peuvent rétablir le calme, mais rejeter loin de vous toutes les dispositions contraires à la liberté. Tous les bons citoyens penseront sans doute comme moi ; ils aimeront mieux voir toutes leurs propriétés dévastées que la liberté en péril. Je dois cependant convenir que les désordres de l'anarchie
amèneraient infailliblement le retour du despotisme. Evitons-les; apprenons au peuple le respect qu'il doit avoir pour les propriétés; qu'il sache distinguer les droits féodaux rachetables de ceux qui sont abolis sans indemnité; que ce soit dés demain l'objet de notre travail, et que bientôt, de funestes incertitudes étant dissipées, les ennemis du peuple perdent tous les moyens qu'ils ont employés avec tant de succès pour l'égarer ou pour le séduire. Nous nous occuperons ensuite de la responsabilité des officiers municipaux et de celle des communautés; nous inviterons les milices nationales à se prêter mutuellement des secours, et les municipalités où il n'y en a pas d'établies, à réclamer les forces des municipalités voisines.
Parmi les discussions intéressantes que j'ai entendues, une grande idée m'a frappé : le peuple est trompé; il faut dissiper son erreur ; il faut lui apprendre jusqu'où s'étendent les promesses qui ont été faites, et lui montrer les bornes de ses espérances. Mais en même temps que je pense, avec M. d'Aiguillon, qu'il faut s'occuper incessamment du rapport du comité féodal, je crois aussi qu'il est à propos de terminer la discussion en statuant sur le projet de la loi qui nous a été présenté.
Avant d'entrer dans la discussion, je rétablirai dés faits qui n'ont pas été bien exactement exposés par un préopinant : 1° depuis la révolution anglaise, en 1688, l'habecis corpus a été suspendu neuf fois; 2° ce qu'il lui plaît d'appeler dictature a été accordé au roi d'Angleterre dans des moments d'insurrection, et assurément, dans les circonstances présentes, nous avons tout lieu de craindre une insurrection. M. le duc d'Aiguillon a exprimé des sentiments dignes de tous les éloges : ce qui constitue la véritable générosité, c'est d'être peu affecté des pertes personnelles; mais la liberté, qui donne cette vertu, ne permet pas de croire que tous les citoyens pourront faire des sacrifices aussi généreux. Les principes des préopinants sont les miens; les conséquences que j'en tire diffèrent essentiellement de celles qu'ils vous ont présentées. Le comité vous a offert des moyens qui pourraient être utiles si le mal n'était pas à son comble. Je ne puis me dissimuler que les excès ne sont point partiels, et qu'il est évident que, s'ils n'étaient point réprimés, ils se changeraient en une guerre funeste de ceux qui n'ont rien contre ceux qui ont quelque chose. L'expéri'ence nous a déjà prouvé combien la loi martiale est insuffisante. 11 faut donc, si nous voulons arrêter les malheurs qui affligent le royaume» recourir au pouvoir exécutif et l'armer de toute la force nécessaire pour qu'il agisse avec succès. Je n'ai cependant pas pensé qu'il fallût investir le souverain d'un pouvoir trop durable. Eh ! qu'on me dise quel danger il y aurait à lui confier une autorité momentanée, que l'Assemblée nationale, toujours existante, pourrait suspendre ou retirer à son gré; qu'on me dise ce qu'elle peut avoir de dangereux dans les mains d'un Roi dont les vertus sont connues : qu'ils me disent, ces prétendus apôtres de la liberté, ce qu'ils craignent de ce prince entouré de son peuple, de ce prince qui est venu se confier aux habitants de la capitale, et dont les intentions sont intimement liées avec celles des représentants de cette autorité d'un moment. Que pourraient des ministres contre l'opinion publique, contre un peuple qui, d'une
voix unanime, a juré qu'il voulait être libre? Non. je ne crois pas qu'il y ait un seul citoyen qui ne soit partisan de la liberté. Ce n'est qu'au milieu des désordres de l'anarchie que le despotisme peut lever sa têto hideuse. La loi martiale est insuffisante; nul autre moyen ne se présente, si ce n'est celui d'autoriser la force armée à obéir au pouvoir exécutif. Il faut donc adopter ce moyen.
La discussion est fermée.
On demande l'ajournement de la délibération sur le projet du comité, pour s'occuper demain de l'examen des droits féodaux rachetables.
propose d'ajourner à demain la délibération en arrêtant que le premier objet sera de décréter ou de rejeter, sans discussions ultérieures, le projet de loi proposé par le comité; de s'occuper ensuite de la distinction des droits féodaux rachetables et de ceux qui ne le sont pas, de manière que les deux lois soient portées ensemble à la sanction, et envoyées conjointement dans les provinces.
Plusieurs motions sont proposées dans le même esprit.— L'ajournement est violemment contesté. MM. Malouet et Cazalès demandent qu'on délibère sur leurs motions.
Ceux qui demandent qu'on accorde la dictature au pouvoir exécutif veulent qu'on envoient dans les provinces des assassins pour réprimer des assassins.
(A peine cette phrase est-elle prononcée que MM. de Cazalès, de Fumel, de la Galissonnière, le vicomte de Mirabeau, de Bouthillier, etc., etc., courent à la tribune au moment où M. Blin en descend : une partie de l'Assemblée s'agite et témoigne la plus vive désapprobation).
remonte à la tribune. Il ne peut se faire entendre.
Je demande que M. Blin soit mis à l'ordre, et son nom inséré dans le procès-verbal.
Toute la partie placée à la gauche du président, se lève pour appuyer cette motion.
M. Blin demande à s'expliquer : il est impossible qu'on lui refuse cette permission.
J'ai demandé la parole pour m'excuser des expressions qui me sont échappées, et qui ont porté à votre esprit une idée différente de celle que j'ai voulu lui donner. 11 n'est pas possible de penser qu'un membre de l'Assemblée nationale ait eu l'intention d'attaquer quelque partie de la force publique. Les gardes nationales de ma province, requises dans un temps mal opportun, sont arrivées dans un moment de nuit, et par de fâcheux quiproquos onttué quelques personnes : voilà ce que j'ai voulu rappeler; au reste, j'abandonne mes réflexions à toute la sévérité de votre justice.
Il est impossible de se dissimuler que les expressions du préopinant sont déplacées ; mais le désaveu qu'il vient de faire, et l'explication qu'il vous a soumise, établissent avec certitude qu'il n'avait pas l'intention de leur donner la signification très inconvenable qu'elles présentaient. Je pense qu'il faut passer à l'ordre du jour.
Plus M. Blin a bien mérité de nous par ses qualités £e bon citoyen et par la sagesse de ses opinions, plus nous devons désirer qu'il soit pimi lprsqu'il s'pst aussi manifestement écarté dé cette sagesse. J'insiste fortement sur ma motion.
demande la question préalable.
propose de diviser cette question, et de rappeler seulement M. Blin à l'ordre.
Il ne faut pas mettre trop d'attention à des expressions qui, dans la chaleur d'une discussion importante, échappent à un orateur.
La question préalable est mise aux voix, et l'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.
Il peut échapper à un opinant des expressions d'une grande inconvenance; mais un désaveu aussi formel que, celui * de M. Blin doit les faire oublier.
Je vais parler un langage qui doit plaire à tout le monde, celui de la liberté. Inscrire un membre sur le procès-verbal pour une opinion individuelle, ce serait établir une nouvelle servitude. Cette punition est purement scholastique; elle ne m'empêchera jamais de développer mon opinion. Il s'agit ici d'une expression désavouée dans le sens qui pourrait être coupable, à l'instant où elle a été prononcée.
appuie la demande de la division : la question n'est pas divisée.— La motion dé M. de Menou est adoptée à une très grande majorité.
, à M. Blin. L'Assemblée vous rappelle à l'ordre pour les expressions dont vous vous êtes servi; elles ordotine que ce fait soit consigné dans le procès-verbal.
Je me soùmets à la justice de l'Assemblée, et jé lui demande, comme une grâce, que l'explication que j'ai donnée soit retenue sur le procès-verbal.
Cette demande est accordée.
On revient à l'ordre du jour.
L'ajournement est demandé, sur la motion de M. Le Chapelier, -i II est rejeté.:
L'Assemblée rend le décret suivant, rédigé par M. Rœderer, et amendé par M. de Lafayette:
« L'Assemblée nationale rendra démain, sans discussiohs ultérieures, sauf les amendements, un décret concernant la tranquillité publique, et immédiatement après l'Assemblée s'occupera du rapport du comité féodal. »
La séance est levée à cinq heures et demie.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Opinion de M. de Bobespierre sur le projet de loi relatif 'au rétablissement de la tranquillité publique (extrait du journal le Point du jour).
Messieurs, plusieurs lois martiales dans une
seule session, c'est beaucoup pour les restaurateurs de la liberté, pour les représentants du peuple. Avant de décréter celle-ci, il faut voir dans quelle éirconstance et sous quels auspices elle vous est présentée : on vous a lu un mémoire de M. le garde des sceaux qui vous représente l'empire français désolé par les plus horribles calamités; il ne vous a pourtant cité d'autre fait que celui de Béziers. Vous avez donné des marques de sensibilité à cet événement malheureux et vous avez pris en considération la motion ministérielle au point de charger votre comité de constitution de vous présenter un projet de loi sur cet objet.
« D'abord est-ce bien le moment de porter une loi sur cette espèce?... Il faut que l'on me pardonne de n'avoir pu concevoir encore comment la liberté pouvait être établie ou; consolidée par le terrible exercice de la force militaire qui fut toujours l'instrument dont on s'est servi pour l'opprimer, et de n'avoir pu concilier encore des mesures si arbitraires, si dangereuses, avec le zèle et la sage défiance qui doivent caractériser les auteurs d'une révolution fatale au despotisme.-Je n'ai pu oublier encore que cette révolution n'était autre chose que le combat de la liberté contre le pouvoir ministériel et aristocratique. Je n'ai point oublié que C'était par la terreur des armes que l'un et l'autre avaient retenu le peuple dans l'oppression, que c'était en punissant tous les murmures et les réclamations même des individus, comme des actes de révolte, qu'ils ont prolongé, pendant des siècles, l'esclavage de la nation, 'honoré alors du nom d'ordre et de tranquillité.
Quelques désordres ont été commis dans le royaume; mais dequellenaturesont-ils? Rendent-ils nécessairele plus violent de tous les remèdes? Les troubles du Quercy et de quelques autres cantons se réduisent à l'incendie de quelques châteaux. Dans l'Agénois, cet accident rt?est point tombé sur les ennemis du peuple, mais sur des députés nobles qui se sont montrés constamment ses défenseurs, et qui ont réclamé à cettétribune que de pareils événements ne devinssent point un prétexte de provoquer contre le peuple des mesures violentes et fatales à la libértjé. On sait d'ailleurs que les désordres de ces provinces viennent des étrangers sorti d'un pays qui est l'asile de ceux qui ont fui la France au moment où elle devenait libre. Ainsi, adopter une loi martiale, ce serait courir le risque de remplir peut-être les intentions secrètes de ces fauteurs du despotisme, qui auraient pu provoquer de pareils désordres.
On vous en a cité de plus répréhensibles qui ne sont pas alarmants pour la tranquillité du royaume, tels que des paiements de droits seigneuriaux refusés et des injures adressées à certains seigneurs. Ge n'est donc pas, comme on vous l'a dit, une disposition générale du peuple à violer tout les principes de l'ordre social; l'événement de Béziers tientà l'aversion qu'inspire l'impôt odieux de la gabelle... Nous ne sommes pas réduits à des moyens aussi violents que Ceux qu'on vous propose ; je croirais trahir mon devoir si je ne repoussais les injustes préventions que l'on voudrait inspirer contre le peuple; J'invoque d'abord cette province même où se sont élevés des troubles populaires, dont on vous a entretenu dans la dernière séance.
Rappelez-vous avec quelle difficulté les partisans de l'aristocratie ont réussi à exciter une fermentation locale parmi les habitants des campagnes trompés sur vos décrets et sur vos intentions.
Rappelez-vous avec quelle facilité elle s'appaisa, et comment des citoyens vertueux, reconnaissant cette odieuse surprise, vinrent désavouer l'acte séditieux qu'ils avaient souscrit... Je laisse les ennemis du peuple déclamer éternellement contre quelques actes violents, commis à la première époque de cette révolution ; au moins, j'observe que jamais un plus grand spectacle ne s'est offert aux yeux des nommes, que celui d'un peuple imr mense, qui, maître de sa destinée, voyant tous les pouvoirs qui l'avaient opprimé, abattus autour de lui, est rentré de lui-même dans le calme et dans l'ordre, malgré ses misères et ses victoires... S'il a été commis quelques désordres et quelques voies de fait contre la propriété des seigneurs, soit par ignorance de vos décrets qu'on lui cache, soit par de funestes préventions contre certains droits, pardonnez quelques erreurs en faveur de tant de siècles de servitude et de misère. S'il a été trompé, il faut punir ceux qui l'ont égaré par de fausses insinuations et non pas promulguer des lois terribles que désirent les ennemis au bien public ; si ces désordres sont commis par des bandits étrangers, il ne faut point exposer les citoyens par une loi rigoureuse. (M. de Robespierre pensait que les milices nationales, gardiennes naturelles de la trauquillité intérieure, étaient; le premier moyen de chasser les brigands et d'assurer la propriété, sans que la liberté fût compromise, surtout dans un temps où les municipalités nouvelles ne laissaient plus de prétexte apx projets sinistres; il voyait un second moyen dans la formation des districts et des départements.) Mais, ajoutait-t-il, ignorez-vous que le parti populaire et le parti aristocratique se disputent les places nouvelles pour devenir les maîtres de la Constitution? N'est-il pas possible que des départements soient composés d'un plus grand nombre d'aristocrates, et que l'intrigue, fortifiée par l'ascendant du pouvoir exécutif, introduise dans la législature prochaine un plus grand nombre de fauteurs de l'aristocratie „ que d'hommes vraiment attachés aux intérêts du peuple? Alors, ne vous y trompez pas, toute insurrection, toute réclamation serait impossible, car le pouvoir exécutif aurait repris tout son ancien empire j je peuple resterait avec son ignorance, ses préjugés, sa timidité ; ses en nemis armés des richesses, de la force et de la terreur..... que devient alors la liberté?
Or, la loi martiale nous, conduit à ce malheur, pendant le temps des élections. Une loi martiale servirait à faire triompher le parti aristocratique ; il y en a déjà des exemples. Oui, Messieurs, cette révolution , ne peut être achevée, si le peuple est retenu dans le néant par la terreur ; tous ses ennemis doivent tendre a le rendre nul et à vous ménager son influence.
(M. de Robespierre termine son discours en observant que c'est au moment des élections qui vont former les districts et les départements, qu'on demande d'armer le gouvernement contre les citoyens.)
l'admire ces heureuses combinaisons de la politique ministérielle; mais je serais bien plus étonné encore de notre confiance, si nous étions assez faciles pour les adopter. Je n'ai pas besoin de discuter les projets de MM. de Cazalês et Duval d'Eprémesnil : il faudrait désespérer de la France, si leurs idées avaient seulement besoin d'être combattues. Les moyens de rétablir la paix sont des lois justes et des gardes nationales.
à la séance de VAssemblée nationale du 22 février 1790. Opinion de M. l l'abbé de Bonneval (1) sur le décret à rendre pour le rétablissement de la tranquillité publique (2).
Messieurs, votre comité de constitution a mis sous vos yeux deux projets de décrets relatifs au rétablissement de la tranquillité publique. Je ne discuterai ni l'un ni l'autre. Je me bornerai uniquement à établir le principe qui, dans mon opinion, doit être l'âme de ce décret et en déterminer les dispositions.
Les troubles se multiplient dans le royaume; l'esprit de brigandage et d'insurrection s'introduit dans plusieurs de nos provinces. Ses progrès, aussi rapides qu'ils sont effrayants, menacent les propriétés, l'existence même des propriétaires de la plus terrible des invasions.
Quelle est la cause de ces mouvements convul-sifs qui font appréhender aux bons citoyens une subversion totale dans l'empire? Ne la trouve-t-on pas facilement, Messieurs, cette cause dans l'inaction forcée du pouvoir réprimant, inaction qui, pour notre malheur, ne dure que depuis trop longtemps. Les tribunaux sont muets, les pouvoirs civils sans appui, les troupes réglées ignorent, pour ainsi dire, quel est leur chef. Dans ce vaste silence de toute autorité, est-il étonnant que l'insubordination, fiêré , de ses succès et de l'impunité qui les accompagne, étende plus loin chaque jour ses prétentions et ses ravages?
L'autorité qui fait la loi, celle; qui applique la loi, ne peuvent pas se suffire à elles-mêmes. Elles ont besoin d'une autre autorité qui les protège et les appuie l'une et l'autre. Cette troisième autorité réside exclusivement et sans partage dans le pouvoir exécutif. Sans lui, tout languit dans le corps politique, ou plutôt sans lui le corps politique n'existé pas.
11 est donc évident qu'un pouvoir exécutif est nécessaire. Il est également évident qu'il doit être intimement lié a la constitution et en être une partie intégrante.
Quelle doit être sa nature? Doit-il être simple et réuni dans une seule et même main? Doit-il être complexe et réparti entre différents agents? Cette question se résout, çe me semble, par la mesure de l'espace que le pouvoir exécutif est chargé de parcourir. Peut-être qu'un Etat concentré dans l'enceinte d'une ville et dans les limites d'un petit territoire, péut,quiel que soient la combinaison et le jeu de ses ressorts,, cqnfier le pouvoir exécutif à plusieurs dépositaires ét les mettre en rapport avec la chose publique par les liens d'une simple corrélation, plutôt que par les'liéns d'une véritable dépendance. Mais, dans pn vaste empire, dont les forces, motrices doivent avoir d'autant plus d'intensité qu'elles ont un plus grand espace à parcourir et de plus grandes résistances
à vaincre, il faut uae action unique tellement constituée, tellement organisée, tellement concentrée dans un seul et unique foyer, que par son unité même, sans relâche et sans retard, elle se reproduise sans cesse dans le système politique, comme dans le système physique le soleil reproduit sans cesse l'effusion de ses torrents de lumière.
Sans doute que le pouvoir exécutif doit puiser sa source dans la constitution et n'agir que dans l'esprit de la constitution même; c'est d'elle qu'il tient la force, c'est devant elle que ses agents sont responsables de son emploi. Mais dans la sphère que la constitution lui a tracée, ses moyens d'activité doivent être tels que les Obstacles toujours renaissants des temps, des lieux, des choses, des personnes, viennent invinciblement se briser devant lui.
Or, Messieurs, que trouvons - nous dans la partie que nous avons terminée de notre constitution ? Le pouvoir exécutif y est indiqué; mais il n'y est pas constitué. Vous avez dit que la France est uh Etat monarchique; vous avez dit que le pouvoir exécutif suprême réside dans la personne du Roi ; vous avez placé le pouvoir exécutif à la tête des corps administratifs; jusque là vous n'avez rien fait pour lui, parce que vous l'avez entièrement isolé de la force réprimante et que par cela, même tous les moyens lui sont ôtés. En effet, dans l'esprit de nos décrets, quelle direction utile et seeourable peut-il donner aux troupes dans l'intérieur du royaume? Que d'intermédiaires entre lui et elles ? Est-il un seul excès qu'il puisse réprimer par des ordres soudains, Si souvent nécessaires pour prévenir de grands malheurs ? Les miliCeS nationales, qui sont les sentinelles du dedans, les milices réglées qui bientôt, dit-on, ne séront que les sentinelles au dehors, ne peuvent servir d'appui à la loi, protéger la vie, la liberté, la propriété dès citoyens, que sur la réquisition, presque toujours lente et embarrasssée, des Officiers publics1: dès lors comment, et de quelle manière le„ Roi peut-il intervenir directement pour garantir son peuple des funestes effets de la violence ? La responsabilité des officiers municipaux n'aura-t-elle pas le double inconvénient de les compromettre èt 4e les intimider? Celle de la commune né se-ra-t-elle pas facilement éludée, surtout dans les grandes villes, où la force armée devrait être immense pour l'effectuer ? Comment des municipalités de villages, peu actives par elles-mêmes et moins importantes que celles des villes, pourront-elles provoquer efficacement des secours d'autant plus instants que les campagnes seront toujours le théâtre le plus favorable aux violences, et que dans les premiers moments de terreur elles s'y exerceront presque toujours sans obstacles ? Je ne doute point et je rte douterai jamais du zèle et du patriotisme des officiers municipaux ; mais dans combien de cas ne peut'on pas douter de leur puissance? Dans celui du flagrant délit, par exemple, que peuvent-ils contre une multitude effrenée qui les menace et les opprime de toutes parts? Est-ce par des invitations à la paix, par ae simples avertissements qu'on peut alors en imposer à la multitude, en la priant, pour ainsi dire, de cesser d'être coupable ? Car le flagrant délit n'est autre chose que le crime déjà consommé, ou au moins déjà 'commencé. Dans plusieurs villes du royaume, en dernier lieu dans celle de Béziers, les troupes ont été témoins de ces crimes, et, au grand scandale de la raison et de l'humanité, elles ont été
forcées d'en être les témoins paisibles, parce qu'elles ne pouvaient être mises en mouvement que par des officiers publics intimidés ou opprimés, et d'ailleurs peu exercés dans les mesures sages et vigoureuses qu'exigent de pareils désordres.
Ainsi donc, Messieurs, vous n'avez jusqu'à présent, dans votre constitution, fait autre chose pour le pouvoir exécutif, que d'en rappeler le nom, vous ne l'avez ni défini, ni établi ; déjà cependant plusieurs agens secondaires sont constitués, vous en avez couvert la surface du royaume, mais que seront et que pourront ces agents secondaires sans l'influence de l'agent suprême qui doit exciter, diriger, surveiller tous leurs mouvements? Considérez, je vous supplie, qu'en divisant la France en quatre-vingt-trois départements, qui forment avec leurs sous-divisions et districts à peu près six cents corps administratifs; en organisantà peu près quarante-cinq raille municipalités; en constituant bientôt les tribunaux dont le nombre sera immense ; en donnant ainsi que vous nous le proposez, une existence politique aux milices na-tionales dans toutes les villes et peut-être dans tous les bourgs du royaume, vous avez pris envers la nation qui attend la suite de nos travaux, et envers nous mêmes, le plus grand et le plus important de tous les engagements celui de constituer et d'organiser un pouvoir exécutif qui soit parfaitement, rigoureusement, dans les proportions des nombreux et puissants leviers que vous le chargez de faire mouvoir.
Vous le savez, Messieurs, plus» en mécanique, une machine est compliquée, plus le moteur doit être puissant. L'artiste habile calcule avec soin les frottements, les résistances, les déperditions de mouvement : il se garde bien de mettre sa force motrice hors de sa machine ; il l'amalgame, pour ainsi dire, avec elle; il l'élève à une hauteur de puissance suffisante pour vaincre tous les obstacles qu'il a soumis à son calcul.
Il en est de même de la machine politique . Plus les agents secondaires sont multipliés, plus ils présentent de moyens de résistance, plus leur divergence est facile à prévoir, et plus l'agent suprême doit être incorporé avec la machine po-1 litique, placé dans son centre, et revêtu de force et de puissance pour réprimer les efforts résistants, et ramener tous les corps divergents à l'unité centrale.
Il faut donc le constituer, ce pouvoir exécutif, il faut se hâter de l'organiser ; comme la providence universelle, il doit planer sur tout l'empire, et en être, sans aucune interruption, le fidèle et respectable gardien. Déjà les provinces souffrantes s'étonnent de ne le trouver nulle part; bientôt elles le demanderont à grands cris comme le seul remède aux maux qu'elles éprouvent, et aux maux plus grands dont l'anarchie les menace ; elles nous interrogeront à leur tour et nous diront : Qu'est devenue l'autorité tutélaire dont nous avons un besoin si pressant? Nous reconnaissons en nous celle que nous avons créée pour faire la loi, qui n'est véritablement loi et qui ne peut être exécutoire que lorsqu'elle a été librement sanctionnée par le Roi; mais nous ne trouvons nulle part celle qui doit faire exécuter la loi, et la venger des résistances, celle qui doit assurer nos vies, nos libertés, nos propriétés; celle enfin sans laquelle il n'est plus pour nous de patrie. Nos corps administratifs, nos tribunaux, nos milices nationales seront sans doute des moyens salutaires : le temps seul et l'expérience pourront nous faire apprécier leur véritable uti-
lilé; mais l'intérêt de notre bonheur veut que ces différents corps obéissent toujours, et jamais ne commandent; si par leur propre force, ils pouvaient se donner l'impulsion qui leur est nécessaire, s'ils la recevaient d'eux-mêmes, ils seraient eux-mêmes le pouvoir exécutif; et ce n'est pas en eux que nous avons prétendu le placer. Nous avons dit dans tous nos mandats que nous voulions conserver précieusement et religieusement ce que nos pères ont toujours eu : un roi. Ah ! si son pouvoir et la puissance ne sont que de vains simulacres, si tout peut se faire sans lui, ou ne pas se faire sans lui, s'il n'a que l'extérieur de la royauté, sans en avoir les agissantes prérogatives, si, à l'heureuse impuissance de faire le mal, il ne joint pas la plénitude de puissance pour faire le bien, ce n'est pas un tel roi que nous voulons, et notre attente est trompée. C'est surtout à l'instant où la chose publique va se former, où tous les corps administratifs, les tribunaux, les milices nationales s'organisent dans toutes les parties du royaume que nous avons plus besoin que jamais de retrouver cette autorité tutélaire, qui, en dirigeant leur action secondaire, protège et maintienne leur utilité, prévienne leur choc, les contienne dans leurs limites, et les garantisse d'une soudaine et dangereuse dégénération. Tant que les ministres et les agents inférieurs de cette autorité seront soumis à l'impérieuse loi de la responsabilité, nous n'avons rien à craindre d'elle et nous n'avons que des bienfaits à en recevoir.
D'après ces considérations, je conclus, Messieurs, à ce que le décret qui vous occupe, allant au-devant de ce que vous décréterez relativement à l'organisation du pouvoir exécutif et faisant pressentir d'avance l'intention où vous êtes de régler sans délai un point constitutionnel d'une si haute importance, contienne, par amendement au second projet, qui vous a été proposé par M. Le Ghapellier, les deux articles suivants :
1° Tous les corps administratifs, les directoires de départements et de districts, les municipalités, les tribunaux et les milices nationales n'agiront jamais qu'au nom du Roi ; ils lui rendront compte de l'exercice des pouvoirs qui leur sont confiés par la constitution ; ils recevront ses ordres contresignés par un secrétaire d'Etat, el seront tenus, sous peine de la plus sérieuse responsabilité, d'y déférer incontinent dans tous les cas pressés, où le Roi jugerait que tout retard dans l'exécution pourrait être nuisible. Dans les cas ordinaires et non pressés,ils pourront faire au Roi des représentations sur l'exécution de ses ordres, s'ils pensent qu'il y ait lieu, en les adressant à un des secrétaires d'Etat; auxquelles représentations le Roi aura tel égard qu'il jugera convenable, sauf dans les cas pressés ou non pressés la responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir exécutif.
2° Les troupes réglées seront tenues d'agir et de se porter partout où besoin sera, soudainement et sans attendre ni ordre ni réquisition, dans tous les cas de flagrant délit, sous peine d'être responsables de leur négligence. Elles seront aussi tenues d'agir pour protéger la vie, la liberté, la propriété des citoyens, la tranquillité publique et la perception des impôts légalement établis, toutes les fois qu'elles en auront reçu l'ordre du Roi, adressé à leurs chefs et contresigné par le secrétaire d'Etat au département de la guerre, sans être obligées d'attendre la réquisition des officiers publics, sauf la responsabilité du ministre de la guerre et des chefs militaires sur tous les faits étrangers aux objets ci-dessus mentionnés et qui ne seraient pas conformes à la loi.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, secrétairer donne lecture du procès-verbal de la veille qui est adopté sans réclamation.
M. Louis de Durfort, ministre du Roi à Florence, m'adresse une lettre pour m'informer qu'il s'empresse de payer la contribution patriotique du quart de ses revenus qu'il fait monter à huit mille livres. 11 m'annonce, en outre, qu'il a décerné un prix de 500 livres pour le cultivateur qui aura la meilleure plantation d'oliviers, dans Je territoire de Castelnaudary.
L'Assemblée applaudit beaucoup.
Je demande qu'on présente à l'approbation du Roi cette touchante et. sublime Adresse au peuple français (2), qui ne peut être publiée au prône sans avoir été sanctionnée par lui.
Cette motion est décrétée.
M. Christin demande à faire un rapport sur les salines, au nom du comité des domaines.
rend compte des réclamations qui se sont produites au sujet de l'affectation aux salines de Salins et de Montmorot des bois appartenant aux communautés situées dans l'arrondissement de ces salines. 11 propose Je décret suivant .
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité des domaines, sur les réclamations qui lui ont été adressées par plusieurs communautés de Franche-Comté, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. L'affection et la destination aux salines de Salins
et de Montmorot, des bois, soit en taillis, soit en futaie, appartenants aux communautés
situées dans les trois lieues formant l'ancien arrondissement de ces salines, sont révoquées
et supprimées.
« Art. 2. L'exploitation et la délivrance des coupes de l'année 1790 seront faites néanmoins comme à l'ordinaire dans les bois aesdites communautés pour le service des salines de 1791, et cette délivrance sera payée à raison de 6 livres la corde.
« Art. 3. Il est sursis à statuer sur la conservation ou la suppression de la saline de Montmorot, jusqu'à ce que l'Assemblée du département ait manifesté et motivé son avis à cet égard.
« Le présent décret sera incessamment présenté à la sanction du Roi. »
Ce décret est mis aux voix et adopté sans contestation.
L'ordre du jour appelle la. suite de la discussion sur le projet ae décret relatif au rétablissement de la tranquillité publique.
Je demande la priorité pour le projet de M. de Mirabeau. Le premier article préviendra la
dévastation des forêts du royaume, et
Il faut d'abord examiner ce qui doit entrer dans le décret que vous allez rendre. Dans ce moment-ci, moment de crise, il faut le dire, deux maux nous affligent : les désastres de quelques provinces et le défaut de perception des impôts. La constitution ne peut s'ébranler qne par des désordres tels que ceux qui régnent dans quelques provinces, et d'où pourrait naître une anarchie, que vos lois, que la confiance que vous inspirez auraient peine a détruire. La cons -titution peut s'écrouler par une privation de recette pour le trésor royal. Vous trouverez peut-être nécessaire d'annoncer au peuple que vous vous occupez des impôts indirects et des moyens de les supprimer ; que, déjà condamnée par vous, la gabelle n'existera plus à la lin de cette année, mais que cet impôt doit être payé jusqu'au moment de la suppression . Je demande que l'Assemblée décide d'abord si les désordres des provinces, et les obstacles apportés à la perception de l'impôt, doivent être les objets de votre décret. Il me semble que, dans cette occasion, les divisions qui partagent quelquefois l'Assemblée doivent disparaître ; que tous les amis de la liberté publique se rallient pour chercher de bonne foi à prévenir ou à réparer nos maux : ces maux sont certains ; peu nous importe d'en connaître en cet instant la cause : arrêtons-les ; voilà notre devoir. Que l'Assemblée adopte, soit le projet du comité, soit celui M. de Mirabeau, soit tout autre; mais qu'elle en adopte un, et qu'elle juge sur-le-champ si ce décret doit renfermer des dispositions sur la perception de l'impôt.
Le comité des finances m'a chargé de vous demander de semblables dispositions. Il croit qu'il faut indiquer nominativement les impôts directs et indirects, afin que le peuple comprenne facilement ce dont on lui parlera. Les désordres dont on vous a entretenus sont très réels; ils existent dans ma province; le peuple est trompé, il est égaré. Le premier article du projet de M. de Mirabeau me paraît très propre à réprimer lesinsurrections et je pense qu'il doit être admis.
fait lecture d'un projet de décret par lequel il propose de demander à chacune des quarante mille municipalités, et l'une dans l'autre, une somme de 500 livres en argent, sur les impositions de 1790. Le produit de cette avance serait consacré à augmenter les payements de la caisse d'escompte.
On observe que cette proposition est hors de l'ordre du jour.
La priorité est demandée pour un projet de décret présenté par M. Boussion , député de l'Agénois.
Une partie de l'Assemblée témoigne le désir d'aller aux voix sur cette priorité.
Les membres qui avaient proposé des décrets sollicitent la parole pour attaquer cette priorité.
La discussion est fermée sur cet objet.
La priorité est accordée au projet de M. Bous-sion.
Ce projet est conçu dans ces termes :
« L'Assemblée nationale, considérant que les ennemis du bien public ont trompé le peuple, en distribuant de faux décrets, au moyen desquels il s'est cru autorisé à commettre des violences contre les propriétés et même contre les personnes dans quelques provinces, a décrété ce qui suit :
« 1° A l'avenir, nul citoyen, sans distinction,ne pourra, dans aucun cas, s'autoriser des décrets de l'Assemblé nationale, s'ils ne sont sanctionnés par le Roi, publiés par ordre des municipalités et lus au prône des messes paroissiales ;
« 2° Le pouvoir exécutif enverra incessamment l'Adresse de l'Assemblée nationale aux Français et tous les décrets acceptés, sanctionnés ou ap prouvés par le Roi, à mesure qu'ils auront été rendus, aux diverses municipalités du royaume, avec ordre aux curés et vicaires desservant les paroisses de les lire au prône ;
t 3° Dans les cas d'insurrection et de violences contre les propriétés ou les personnes, ou de résistance à la perception des impôts, les municipalités seront tenues d'employer tous les moyens que leur donne la confiance des peuples, avant de passer à la loi martiale. Toutes les municipalités se prêteront mutuellement main-forte réciproque. Si elles s'y refusaient, elles seraient responsables des suites de leur refus ;
« 4° Les officiers municipaux seront responsables des dommages occasionnés par une émeute, s'il était prouvé que leur négligence en fût la cause ;
« 5° On s'occupera incessamment d'organiser les milices nationales, auxquelles il est ordonné de prêter main-forte, dans tous les cas d'insurrection, à toute réquisition des officiers municipaux ;
« 6° De décréter notamment quels sont les droits féodaux abolis sans indemnité;
« 7° D'organiser le plus promptement possible les départements et les districts. »
Il est certain que le décret auquel le priorité est accordée affaiblit sensiblement la loi martiale. Cependant la loi martiale n'a pas suffi. J'ai reçu encore hier des nouvelles de ma province ; elles sont affligeantes. M. le vicomte de Mirabeau vous dira que la municipalité de Rennes a défendu à la milice nationale de sortir de cette ville. Les désordres ne peuvent être réprimés que par le pouvoir exécutif. Je propose en amendement au décret la disposition suivante : « Le Roi sera supplié de prendre toute les mesures nécessaires, et sera autorisé à faire tous actes à cet effet, sous la responsabilité seule des ministres. »
On observe que les amendements doivent être présentés successivement sur chaque article, sauf à proposer les additions à la fin de la délibération.
On lit l'article premier.
(1). Messieurs, de grands troubles se sont élevés dans le royaume; la force et la violence
semblent avoir pris partout la place des lois. Ce ne sont plus des erreurs qu'il faut
excuser, ce sont des brigands qu'il faut punir et des brigandages qu'il faut réprimer. Mais
cette force réprimante doit-elle être remise au monarque, ou, comme on vous le propose, à des
corporations particulières ? Dilemme absurde
Du moins , Messieurs, dans le projet du comité de constitution, il y a un article où le Roi est supplié de faire passer des forces, quand les municipalités le jugeront nécessaire (1). Mais, Messieurs, cet article même évidemment nul et insignifiant, ce rôle de remplissage qu'on veut faire jouer au chef de la monarchie est un scandale de plus pour les amis de la constitution, parce qu'il offre dans la puissance royale tous les caractères d'une puissance qu'on a l'intention de tenir oisive, et qu on voudrait pourtant avoir l'air d'occuper,^arce que la puissance du monarque ne présenterait bientôt qu'un membre parasite placé en dehors de la constitution, une véritable super-fétation politique.
Et cependant, Messieurs, dans un grand empire, il est constant que le roi, qu'on a
très-bien appelé la loi agissante, doit être le centre de toutes les forces et comme le pivot
sur lequel doivent tourner tous les mouvements. Nulle puissance sans lui n'a le droit de
disposer de la force publique. Et les individus quels qu'ils soient, et les municipalités, et
les départements, et toutes les corporations, sous quelque dénomination qu'elles puissent
être, ne peuvent être regardés que comme ses mandataires dans l'emploi qu'ils en font. Le
rince seul, et nul autre n'a donc le droit de ispenser la protection publique, parce qu'au
prince seul et à nul autre a été donnée la puissance pour l'exécution de la loi, faite
elle-même ourla protection de tous. La loi, voilà sa régie, a loi, voilà son maître. Mais
s'il ne respectait pas
Mais j'entends dire assez souvent que ce n'est pas encore le moment de s'occuper de la régénération du pouvoir exécutif ; que cet article viendra tout naturellement à la suite du complément de la constitution. Je ne sais, Messieurs, mais peut-être à cet égard doit-on me pardonner une grande inquiétude : c'est que de cette manière on accoutume lés peuples et que nous ne nous accoutumions nous-mêmes à nous passer de roi. Soyons francs si, dans un moment de convulsion et de crise, l'action royale ne nous est pas nécessaire, elle nous le sera encore moins dans les temps de calme et de paix. Ah ! si la démocratie, à laquelle nous tendons, était le seul asile de la liberté et. que nous pussions y arriver sans un crime, je serais le premier à vous le conseiller, et j'ai cette-opinion du prince qui est encore à notre tête que s'il ne fallait que ce nouveau sacifice au bonheur de son peuple, il le ferait... oui il le ferait... Mais quand je considère votre luxe, votre corruption, vos arts, vos grandes villes, votre éloigne ment des mœurs antiques et patriarcales, et, plus que tout, vos vingt-quatre millions d'hommes; quand je considère que la liberté peut avoir autant d'énergie dans une monarchie que dans une république, lorsque cette liberté est ménagée par une sage constitution; quand je cousidère enfin que ni vous ni moi ne sommes plus les maîtres du parti que nous avous à prendre, puisque nous avons fait un serment, puisque nous avons fait le serment solennel de maintenir de tout notre pouvoir une constitution dont un des articles porte expressément que le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains au monarque ; dès lors il n'est plus possible de délibérer : il faut absolument que nous ayions une monarchie, ou que tout ce qui existe encore de bons Français aille mourir avec moi sous ses ruines.
Le préopinant aurait composé d'une autre manière le beau discours qu'il vient de vous lire s'il se fût rappelé deux articles de la constitution, qu'il n'a pas lus peut-être, et qu'il a du moins oubliés complètement. Par le premier, les municipalités sont subordonnées au Roi; le second porte la même disposition à l'égard des assemblées de district et de département, non seulement pour ce qui regarde les propriétés, mais même pour ce qui concerne-la sûreté et la tranquillité générale. Il est étonnant que ceux qui ont voulu l'établissement de quarante mille municipalités, veuillent aujourd'hui que vous abandonniez l'organisation des pouvoirs judiciaire et militaire, pour vous occu—
per du complément du pouvoir exécutif. Certes, nous serions des inseusés si, après avoir fait la constitution, nous laissions le pouvoir exécutif sans force, comme il l'est maintenant. Si quelque chose peut faire commettre à l'Assemblée une pareille faute, ce serait ces motions que, depuis six semaines, on reproduit chaque jour, tantôt pour ralentir nos travaux, tantôt pour nous égarer dans la route que nous voulons tenir. —Je propose à l'article premier un seul amendement : il consiste à ajouter au mot sanctionnés, ceux-ci, acceptés ou approuvés par le Roi.
Je demande que M. Démeunier soit rappelé à l'ordre.
(1). Messieurs, permettez-moi de vous développer succinctement mes idées sur l'objet important, soumis en ce moment à la délibération. Je le considère comme là base et le pivot de la constitution que vous voulez établir. Je saisis avec empressement cette circonstance, pour faire publiquement ma profession de foi et déclarer, comme bon citoyen et attaché à mon Roi, que je regarde cette constitution comme devant faire le bonheur des peuples et de l'auguste monarque qui les gouverne.
Mais, Messieurs, si nous désirons efficacement le succès de nos travaux, ne nous égarons pas ; j'aime à croire que tout le monde est animé par le désir du bien ; chacun veut y arriver par des voies différentes, et du choc des opinions naît le tumulte qui, souvent, s'élève dans cette salle et qui présente, malheureusement, le tableau de la discorde. Oui, Messieurs, si vous voulez maintenir votre constitution, comme je n'en doute pas, si vous voulez l'affermir sur des bases inébranlables, rendez au Roi le vrai pouvoir qui lui est dû : ne nous dissimulons pas que la raison^ l'habitude, l'amour du Français pour son Roi et la nécessité d'une force active et réunie dans une seule main; peuvent seuls opérer le bien général, trop souvent contrarié par les intérêts particuliers : j'ajouterai que la constitution même donne au Roi la plénitude du pouvoir exécutif. Ces considérations méritent d'être pesées sagement; sans cela, je le dis avec courage, point de constitution,
En heurtant de front le vrai principe de la monarchie, vous prêtez les armes aux ennemis de : cette constitution ; vous inquiétez l'attachement que le Français a toujours eu pour son Roi, et peut-être provoquez-vous un ressentiment qui ne i sera jamais dans le coéur de Louis XVI, mais sur lequel nul de nous ne peut répondre de sès successeurs. Ce n'est pas que je pense qu'on doive accorder au Roi un pouvoir illimité ; votre constitution y a sagement rais des bornes ; mais songez qu'il serait impolitique de trop les res^ treindre.
Votre projet de décret donne exclusivement aux municipalités le droit de disposer dans le royaume, de la force ! active. Je conviens qu'en même temps,on a cherché à parer àu danger d'Un jareil ordre de chose, en rèndant les municipa-ités responsables ; mais je crois que ce moyen nuit à la fois et à la dignité royale et au calme que vous voulez rétablir dans le royaume:
1° C'est une infraction à la loi constitutionnelle que vous avez établie ;
3° Les jalousies et les intérêts particuliers d'une municipalité qui la rendront rivale de celle qui l'avoisine : il en sera de même d'un district à un autre district, d'un département à un autre ; les prétentions se croisant et se multipliant, personne n'ira au bien général ; l'intérêt particulier dirigera tout et de là le désordre.
Si les ressorts d'une grande machine sont mus en sens contraires et s'ils ne sont pas dirigés par une seule puissance, il est constant que, dès lors, sa marche est interrompue ou vicieuse.
Je me résume et demande qu'on laisse au Roi la plénitude du pouvoir exécutif, d'après l'exprimé formel de la constitution et les motifs déterminants que j'ai essayé de développer.
Tous les amendements proposés, excepté un seul, me paraissent tenir à une confusion d'idées que j'ai combattues hier. Et d'abord, je demande si le pouvoir exécutif a besoin des moyens qui ne sont pas en ce moment en sa puissance ; je demande comment il en a usé jusqu'à présent ; je demande si l'Assemblée aurait désavoué des proclamations utiles à la tranquillité publique; je demande davantage, je demande si les municipalités sont inutiles dans l'organisation sociale. Ceux qui ont avancé toutes le3 assertions qui tendraieut à le faire Senser crpipnt-ils donc que nous sommes au temps es Thésée et des1 Hercule, où un seul homme domptait les nations et les monstres? Avons-nous pu croire que le Roi tout seul ferait mouvoir le pouvoir executif? Nous aurions fait le sublime du despotisme. Eh ! que sont les municipalités ? des agents du pouvoir exécutif? Non; nul de nous n'a dit cette absurdité. J'ai dit que le pouvoir exécutif est le dernier résultat de l'organisation sociale; j'ai dit que nous ne faisons rien pour la constitution qui ne soit pour le pouvoir exécutif. Voici le dilemme que je propose : ou l'on dira que nous travaillons contre; le pouvoir exécutif, et dans ce cas, qu'on indique un décret qui le prouve, l'Assemblée sera reconnaissante et réformera ce décret ; ou l'on nous demandera d'achever sur-le-champ le pouvoir exécutif, et dans ce second cas, qu'on nous indique un décret qui puisse être rendu isolément à cet égard. Vous avez tous entendu , parler j de ces, sauvages qui, con fondant dans leurs tètes les idées théologiques, disent, quand unë montre ne va pas, qu'elle est rriorte; quand elle va, qu'elle , a une âme:: et cependant elle n'est pas morte, et cependant elle n'a point d'âme. Le.résultat de: l'organisation sociale, le pouvoir exécutif, rie peut être complet que quand ia constitution sera achevée. Tops les rouages doivent être disposés, toutes les pièces doivent s'engréner, pour que la machine puisse être mise en mouvement. Le Roi a professé lui-même cette théorie; il a dit : «.En achevant votre ouvrage, vous vous occuperez sans doute avec ardeur », non pas de la création du pouvoir exécutif, il aurait dit une .absurdité, mais « de l'affermissement du pouvoir exécutif. » Que ce mot, pouvoir exécutif, qui doit être le symbole de la paix sociale, ne soit plus le cri de ralliement des mécontents; que ce mot ne soit plus la base de toutes les défiances, de tous les reproches; nous ne ferons rien de bon dans l'ordre social qui ne tourne au profit du pouvoir exécutif : vouloir que la chose soit faite avant que de l'être, c'est vouloir que la montre ail le avant que d'être montée. Cette idée ne fait pas beaucoup d'honneur à la justesse
de l'esprit de ceux qui l'ont conçue, si elle en fait à leurs intentions.
Des observations sur la responsabilité des ministres appartiennent à cette matière comme à toutes les matières environnantes. Les ministres, avec un peu de candeur, si la candeur pouvait exister dans le cœur des ministres, n'auraient pas fait un obstable de cette loi salutaire. Nous hésitons, nous marchons à pas lents depuis quelques semaines, parce que ce dogme terrible de la responsabilité effraie les ministres. Je ne dirai pas les raisons de cet effroi, quoique, si j'étais malin, j'eusse quelque plaisir à les développer ; j'en dirais une, selon moi, la principale, qui est fondée, qu'ils me pardonnent cette expression, sur leur ignorance. Ils n'ont pas encore pu se figurer que nous n'avons pu ni voulu parler de là responsabilité du succès, mais de l'emploi des moyens. Tout homme qui se respecte ne peut pas dire qu'il voudrait se soustraire à cette responsabilité; dans tous les tiraillements entre l'autorité nationale et l'administration, il est entré de cette crainte de la responsabilité du succès.
Je conclus à rejeter les amendements qui portent sur cette idée que le pouvoir exécutif n'a pas tous les moyens qu'en ce moment on ne peut pas lui donner. Quand votre constitution sera faite, le pouvoir exécutif, par cela même, sera fait; tous les amendements qui tendraient à donner des moyens excentriques,des moyens hors de la constitution, doivent être absolument écartés.
propose une rédaction de l'article 1er; cette rédaction est
décrétée dans les termes suivants :
« Art. 1er. Nul ne pourra, sous peine d'être puni comme
perturbateur du repos public, se prévaloir d'aucun acte prétendu émané du Roi ou de
l'Assemblée nationale, s'il n'est revêtu des formes prescrites par la constitution, et s'il
n'a été publié par les officiers chargés de cette fonction. »
On fait lecture de l'article 2.
demande qu'on ajoute à l'envoi de l'adresse celui du discours du Roi.
Ce discours est déjà parvenu dans toutes les parties des provinces, il est inutile de l'envoyer encore.
Je demande la question préalable sur la proposition de M. le comte de Virieu ; si on l'exige, j'expliquerai mes motifs.
Une très grande partie de l'Assemblée s'élève contre la question préalable, et appuie l'amendement de M, le comte de Virieu.
Je voudrais qu'on me dise pourquoi l'on refuse si obstinément d'envoyer le discours du Roi. Je demande que la discussion s'ouvre afin de connaître les motifs de ce refus.
L'Assemblée ordonne presque unanimement l'envoi du discours du Roi.
L'article 2 est décrété avec les additions dans les termes suivants :
« Art. 2. Le Roi sera supplié de donner des ordres pour faire parvenir incessamment à toutes les municipalités du royaume le discours que Sa Majesté a prononcé dans l'Assemblée nationale le 4 de ce mois, l'adresse de l'Assemblée nationale
aux Français, ainsi que tous les décrets, à mesure qu'ils seront acceptés ou sanctionnés, avec ordre aux ofliciers municipaux de faire publier et afficher les décrets sans frais, et aux curés, ou vicaires desservant les paroisses, d'en faire lecture au prône. »
On lit l'article 3.
l'aîné. L'article suppose des attroupements armés; car ce n'est guère qu'avec des armes qu'on peut commettre les violences qui sont prévues. Je demande si les coupables ne sont pas dans un état déclaré de rébellion. Je propose un amendement qui se trouve parfaitement rédigé dans le premier article du projet de M. de Mirabeau. Vouloir faire agir le pouvoir pacifique municipal dans cette hypothèse, c'est le compromettre, c'est l'exposer à un danger certain.
Ces vues doivent plaire à toute l'Assemblée, puisque ce sont des vues de paix et de conciliation. Je propose cependant à l'article un second amendement; c'est que, dès qu'il existera un attroupement, ou qu'on pourra eu redouter un, les ofticiers municipaux seront autorisés à faire assembler la force militaire pour l'employer dans le cas où les moyens de conciliation auront été mis en usage sans effet.
Lorsque le peuple est prêt à se porter contre ses ennemis, un homme qui aurait la confiance du peuple pourrait le ramener à des sentiments pacifiques. [Un coté de l'Assemblée interrompt l'orateur.) Je n'insiste point, puisque ceux qui m'interrompent ne trouvent pas dans leur cœur la vérité de ce que j'avance. — On demande le secours de la force armée pour le recouvrement des impôts; mais quels sont les impôts que le peuple refuse de payer? Ce sont certains impôts indirects, tels que la gabelle, les aides, etc. (On interrompt encore.) Je ne suis point découragé par ceux qui m'interrompent, et je me propose de dire dans cette séance des vérités qui exciteront bien d'autres murmures. —(Proposez votre amendement ! s'é-crie-t-on à diverses reprises.) Il n'est pas de meilleur moyen d'anéantir la liberté que d'employer la force armée pour recouvrer la gabelle, ies aides, etc. (Nouvelle marque d'improbation, et toujours d'un seul et même côté de la salle.) — Je demande qu'on supprime de l'article la partie qui autorise à publier la loi martiale pour le recouvrement des impôts.
Je demande qu'on ajoute au premier article « L'Assemblée ordonne encore à son comité des finances de lui présenter un projet de décret pour le remplacement de la gabelle et des aides. »
Je ne pense pas que l'article qui vous est proposé remplisse absolument votre intention. Je demande donc qu'on y ajoute un article présenté par M. le comte de Mirabeau, relatif au flagrant délit.
J'observe qu'avant la fin de la semaine on aura peut-être fait droit sur la gabelle; il n'y a donc pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Robespierre. Le projet de M. de Mirabeau ne me paraît pas plus admissible : il suivrait de ce décret qu'on pourrait déployer la force militaire contre des paysans qui ne se
seraient rassemblés en rase campagne que pour repousser cette force.
Le préopinant aurait dû, ce me semble, ne pas oublier, en parlant de mon article, l'amendement que mes collègues et lui-même connaissent bien : « fixer le nombre des attroupés et les trouver en flagrant délit. » Je déclare que je crois que nul officier, nul commandant de soldats ne s'écarterait de son devoir s'il attaquait des brigands, surpris en flagrant délit, et s'il s'opposait a des actes hostiles. Je remarquerai, en passant, que lorsqu'on monte à la tribune pour me faire des reproches, il serait prudent, il serait juste d'avoir donné quelques moments de réflexion à mes idées et à mes expressions. Quand j'ai demaudé une semblable autorisation pour les troupes réglées, j'ai parlé d'un moyen provisoire, contre un mal provisoire.
Cet article a évidemment besoin d'être amendé de nouveau ; il ne porte que sur les flagrants délits, et j'observerai à M. de Mirabeau que tous les citoyens peuvent et doivent même repousser les hostilités. Je ne vois qu'un caractère dans les troupes, celui de l'obéissance ; lorsqu'elles font des patrouilles ou qu'elles montent la garde, c'est en vertu d'un ordre qui leur a été donné antérieurement par un officier chargé de la police; dans le cas de flagrant délit, il n'existe entre les troûpes réglées et les citoyens que la différence des forces. Sur l'article de M. de Mirabeau, l'Assemblée n'a qu'à examiner si elle doit ou ne doit pas augmenter la rigueur de la loi contre le flagrant délit. Je crois que l'on doit retrancher de l'article le mot résistance à la perception de l'impôt, et y substituer celui de^ violence contre les propriétés, les personnes et la perception des impôts.
Pour hâter votre décision il faut se renfermer dans la seule question de savoir quel sera le mode et quelles seront les bornes du pouvoir accordé aux municipalités. Je propose de rédiger l'article en ces termes :
« Les officiers municipaux emploieront tous les moyens que la confiauce du peuple met à leur disposition pour la protection efficace des personnes, des propriétés publiques et particulières, et pour prévenir et dissiper les obstacles apportés à la perception des impositions; et si la sûreté des personnes, des propriétés, ou la perception des impôts était mise en danger, ils feront publier la loi martiale. »
Il existe un décret de l'Assemblée nationale qui a causé une grande partie des insurrections : c'est celui qui proroge l'impôt de la gabelle. De tout temps cet impôt a paru odieux au peuple ; promettez de vous en occuper bientôt, et cette promesse donnera la certitude de sa destruction, parce qu'il est impossible qu'il fixe un moment vos regards sans qu'il soit, a l'instant môme, anéanti.
La première partie de l'article 3, de M. Bous-sion, est mise aux voix et rejetée; la rédaction de M. Pison du Galand est adoptée.
La seconde partie de l'article est lue et décrétée sans discussion.
L'ensemble del'article est adoptéainsi qu'il suit :
Art. 3. « Les officiers municipaux emploieront tous les moyens que la confiance publique met à leur disposition pour la protection efficace des
propriétés publiques, particulières, et des personnes, et pour prévenir et dissiper tous les obstacles qui seraient apportés à la perception des impôts ; et si la sûreté des personnes, des propriétés, et la perception des impôts étaient mises en danger par des attroupements séditieux, il§ feront publier la loi martiale. »
On fait lecture de l'article 4.
Quelques personnes demandent que la séance soit levée, et la délibération continuée à demain.
Je pense qu'il vaut mieux continuer la délibération, dût-elle exiger encore quelque temps, plutôt qtîe d'avoir assemblée ce soir.
MM. le comte de Virieu et de Gazalès demandent que les articles additionnels à la loi soient ajournés à demain.
J'observe que c'est la quatrième séance qu'on nous fait perdre pour cette malheureuse loi provisoire.
La question préalable est mise aux voix sur la motion de MM. de Cazalès et comte de Virieu. — L'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à délibérer.
L'avis de M. Fréteau est adopté et la discussion continuée.
L'Assemblée a cru que l'esprit de l'article dont vous' êtes occupés était déjà renfermé dans la loi martiale ; je pense dès lors qu'on pourrait réclamer l'exécution de cette loi, si l'article ne passait pas. Je propose, au surplus, une autre rédaction de cet article : « Si les officiers municipaux négligents, pour dissiper une émeute, n'emploient pas les moyens qui leur sont confiés, ils seront responsables desdommages. Dans le cas où leurs biens seraient insuffisants pour payer lesdits dommages, la communauté des habitants sera responsable pour le surplus, sauf son recours sur les biens de ceux qui seraient convaincus d'avoir excité la sédition ou d'y avoir participé. »
Il faudrait faire un procès quelconque pour prouver le délit des officiers municipaux. Qui les jugerait ? serait-ce un parlement ? une chambre des vacations?
propose de rédiger ainsi l'article : « Si, par négligence ou par faiblesse, les officiers municipaux refusent de proclamer la loi martiale, et s'il arrive quelque dommage, ils seront responsables du tiers. Toute la commune, dans le cas où ses forces seraient suffisantes pour réprimer les désordres, si elle ne s'y est point opposée, sera responsable des deux autres tiers. »
Ne mettons pas les officiers municipaux déjà établis dans le cas de donner leur démission. Quand la confiance publique est réunie sur un citoyen, si cet hommage rendu à sa vertu lui donne la force de supporter le fardeau qui lui est imposé, il faut bien vous garder de porter le découragement dans son cœur; et c'est le décourager que de lui faire craindre de perdre tout à la fois sa fortune et celle de sa famille. S'il s'oublie, s'il vacille, il est perdu ; mais si la communauté n'obéit pas aux ordres des officiers municipaux, elle doit être, en corps, responsable du dommage, sauf son recours sur les biens de ceux qui seront convaincus de l'avoir causé.
Vous n'avez encore eu que des
municipalités précaires, et cependant je ne connais qu'une plainte contre une municipalité qui a négligé son devoir; toutes les autres ont ramené le calme dans tout le royaume. Ce n'est donc pas le cas d'effrayer en ce moment ceux qui se char-gentde fonctions publiques, toujours dangereuses. Vous avez déjà des lois qui punissent les officiers municipaux ae leur négligence ; ce n'est pas en multipliant les lois que vous les ferez respecter ; c'est en faisant exécuter celles qui sont déjà faites. Je demande la question préalable sur l'article proposé.
Il faut que le dommage soit réparé par la commune ; c'est là le vrai moyen de rétablir la fraternité entre tous les Français. Permettez-moi, je vous prie, une observation : s'il arrive un désordre, ou c'est la majorité qui l'a commis, et elle doit être responsable ; ou c'est la minorité, et alors la majorité est encore coupable de ne pas s'y être opposée.
Qui fait !e désordre? C'est celui qui n'a rien. Qui le payera? C'est celui qui possède. Ce sont les infirmes, les vieillards, les enfants. Qu'est-ce que la responsabilité des communes? C'est la conséquence d'un principe que vous ne décrétez pas ; et ce principe, le voici : tout citoyen a le droit incontestable d'arrêter les violences. Je propose donc de décréter que tous les citoyens seront tenus d'employer, quand ils le pourront, toutes leurs forces contre les attroupements attentatoires à la sûreté des propriétés et des personnes.
La responsabilité des communes est un des plus sûrs moyens de rétablir la tranquillité publique. Y a-t-il rien de plus légitime que de rendre les habitants responsables, conjointement avec les personnes qu'ils ont honorées de leur confiance? Il n'est pas de meilleur moyen d'assurer le maintien de la liberté.
L'article 4 mis aux voix est adopté ainsi qu'il suit :
« Art. 4. Toutes les municipalités se prêteront mutuellement main forte, à leur réquisition respective ; quand elles s'y refuseront, elles seront responsables des suites du refus. »
On fait lecture de l'article 5.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur cet article. Elle est mise aux voix et adoptée.
On fit les articles 6 et 7?
Un membre fait remarquer que ces articles ne présentent qu'un ordre dé travail.
L'Assemblée, sur cette observation, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.
On passe à un article additionnel proposé par M. Dupont (de Nemours) pour intéresser particulièrement les communes au maintien de la tranquillité publique.
(de Nemours) dit que l'on a exigé que les municipalités se prêtent un mutuel secours ; il est indispensable d'exiger la responsabilité des communes.
Il n'est pas possible de condamner les officiers municipaux sans leur donner recours sur les moteurs des troubles. Qui est-ce
qui a amené le despotisme? C'est l'interruption des assemblées nationales depuis huit cents ans ; c'est la cessation de la responsabilité des municipalités. Vous avez perdu le jugement par jures, parce que nos pères ont voulu se soustraire à cette responsabilité ; ils ont confié à un seul homme leur défense, plutôt que de conserver,- à ce prix, le droit précieux de se défendre eux-mêmes ; mais vous ne remédierez jamais aux maux par la responsabilité des officiers municipaux, s'ils n'ont pas leur recours sur la commune ; vous allez rompre; le lien civique, si vous ne rendez pas les citoyens responsables les uns envers les autres ; je vous supplie donc de ne pas juger aujourd'hui une question de cette importance, si vous n'êtes pas convaincus de l'utilité d'une responsabilité de cette nature. En permettant une discussion nouvelle, vous ne manquerez pas de vous convaincre de l'influence de cette loi sur la félicité publique. J'ajoute une considération très forte : la contribution pour les dédommagements devant être établie au marc la livre de l'imposition, les grands propriétaires seront garants, comme les autres, à raison de leurs propriétés. Ils ne se feront représenter alors que par des gens dont ils connaîtront la bonne foi ;,ils seront les premiers à réunir tous les moyens propres à écarter des insurrections funestes.
Une nouvelle rédaction de l'article est présentée. ,
L'Assemblée l'adopte en ces termes :
« Art. 5. Lorsqu'il aura été causé quelque dommage par un attroupement, la commune en répondra, si elle a pu l'empêcher, sauf le recours contre les auteurs de l'attroupement ; et la responsabilité sera jugée parles tribunaux des lieuxr sur la réquisition du directoire de district. »
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour,9 heures du matin-
à la séance de VAssemblée nationale du
On me demande, de toutes parts, si c'est moi qui ai fait imprimer, telle qu'elle est mon opinion sur la régénération du pouvoir exécutif ? Oui, c'est moi-Vous avez trouvé ces vérités dures. Il faudra bien que vous en entendiez encore, Ouivje veux la dire la vérité,, je veux la dire tout entière. Apportez-moi ici toutes ces déclamations populaires qui sont si sonores et qui ont si peu de sens. Voyons à quels termes elles se réduisent : on a, peur du monarque, on a peur de l'armée; on a peur de tout ce qui n'existe plus. Je ne sais pas si, dans le moment présent, de telles frayeurs peuvent être bien réelles ; mais je sais du moins qu'en exagérant sans cesse des périls imaginaires, c'est une excellente méthode pour exalter au plus haut dégré les passions du, peuple, et le faire arriver ainsi de crime en crime jusqu'au dernier de tous. Insensés, vous vous croyez prudents et vous n'êtes, comme les despotes, qu obsédés de soupçons et de terreurs. Vous vous croyez forts, et vous ne voyez pasqueyous n'êtes que violents et que les hommes violents sont presque toujours lâches. Vous vous croyez braves, et où sont les armées que vous avez renversées? Vous vous
croyez sages, et où sont le bonheur et l'abondance que vous deviez répandre autour de vous? Vous vous croyez libres, ah ! oui, vous l'êtes, mais vous l'êtes comme les tyrans qui ont leur liberté et celle de tous.
Mais qu'importe, nous dit-on, l'existence d'un homme à côté de celle de la société entière? Que nous importent les petits intérêts d'un monarque à côté de ceux du peuple I C'est le peuple seul que nous aimons, c'est le peuple seul que nous voulons servir. Ah 1 qu'il sera mal servi ce peuple dont les intérêts vous touchent si fort ! Les intérêts du peu [de ! Tachez pourtant de ne pas oublier les vôtres. Tâchez surtout de nous faire oublier que c'est le peuple aujourd'hui qui est devenu la source presque unique des honneurs et des dignités, et que c'est toujours de ce côté-là que se tourne le langage de l'adulation et de la flatterie. Non, l'embarras ne sera plusgrandaujourd'hui de trouver des hommes qui cherchent à plaire au peuple et qui le flattent sans le servir; qu'on m'en trouve qui osent le servir sans le flatter, qu on m'en trouve qui osent lui dire qu'il est la source de tous les pouvoirs, mais qu'il n'en doit exercer aucun ; qu'il ne doit plus être sous le despotisme des nobles, des princes ou des prêtres; mais qu'il doit être sans cesse sous un despotisme plus inflexible encore : celui de la loi ; car la volonté des personnes, voilà la servitude : la volonté de la loi, voilà la liberté. Faisons mieux, ouvrons les fastes du monde, et voyons si ce n'est pas la lâche prostitution des démagogues qui corrompit toujours la liberté. Ici je ne vous parlerai pas de ceux qui prétendent parmi vous au trône des halles, tout en prêchant l'égalité, non plus que de cette foule de petits Brutus qui osent avilir le titre de roi, parce qu'ils aspirent à celui de consul ; mais je vous parlerai de ce vil courtisan du peuple qui, semblable au vil courtisan du prince, excuse ses travers, préconise ses vices,divinise jusqu'à ses passions et ses fureurs. Oui, dans l'un et l'autre je ne vois que la honte des hommes et le rebut de la société, parce que presque toujours, dans l'un et l'autre cas, c'est la faiblesse que je vois aux genoux de la force. C'est le crime timide que je vois encenser le crime triomphant. C'est une basse et rampante cupidité que je vois cherchant la fortune et les honneurs à travers tous les égouts du vice. Ah l si la grandeur et le courage furent jamais d'oser dire la vérité aux peuples, le peuple et les rois n'auront jamais de meilleurs amis que ceux qui oseront leur dire la vérité.
Le monarque nous importe beaucoup, disent les autres, mais la constitution n'est pas encore achevée et le pouvoir du monarque ne peut ressortir avec éclat que du complément même de la constitution. « De quelle manière entendez-vous, nous dit l'un d'entre eux, qu'on régénère le pouvoir exécutif ? Est-ce dans son rapport avec l'ordre judiciaire ? Attendez donc qu'il soit terminé. Est-ce dans son rapport avec le pouvoir militaire? Attendez donc qu'il soit organisé. Est-ce dans son rapport avec le pouvoir administratif? Attendez donc que les municipalités, les districts et les départements soient achevés. Une montre ne peut aller, ajoutent-ils, qu'autant que toutes les parties sont mises à leur place, et encore faut-il attendre qu'elle soit montée. » Et c'est avec ce pitoyable sophisme qu'on veut nous persuader que l'âme générale, l'âme qui donne la vie à toute la machine politique, doit demeurer avec elle dans un état absolu d'inaction ! Mais est-il bien vrai qu'un royaume, comme une machine,
puisse demeurer ainsi dans un état de mort et d'inertie ? Et quand cela serait, les éléments qui le composent n'ont-ils pas par eux-mêmes, indépendamment du tout, une force vivante qui leur est propre, et avec laquelle ils sont forcés de se mouvoir? et tous ces mouvements particuliers, ne faut-il pas qu'ils se fassent dans un certain ordre ? Veut-on qu'une multitude d'êtres, jetés ainsi comme dans un chaos, se heurtent et se froissent sans cesse, et ne soient redevables de leur coordination réciproque qu'au travail d'une fermentation violente ? Vous voulez établir un ordre constant? Tremblez de n'en être bientôt plus maîtres. Vous voulez établir un ordre constant? Ne vous faut-il pas, en attendant, un ordre provisoire, et à mesure que certaines parties du nouvel ordre sont constituées, ne faut-il pas que le monarque entre tout entier dans les parties de ce nouvel ordre, puisque, étant partout la loi agissante, il ne saurait y avoir d'ordre sans lui? Ne faut-il pas qu'il anime à la fois et les parties de l'ordre aucien, qui ne sont pas encore détruites, et les parties de l'ordre nouveau qui sont faites? Par quel aveuglement va-t-on investir des corporations particulières d'un pouvoir qui ne convient qu'à lui ? Par quel aveuglement va-t-on isoler ces corporations de la seule force qui doit faire la leur ? A qui obéiront-elles donc ces municipalités qui bientôt vont avoir chacune une armée à leur disposition ? Aux districts ? et les districts sans doute aux départements? et les départements à l'Assemblée nationale ; d'où il résultera en dernière analyse que le Roi, s'il veut être quelque chose dans son royaume, sera forcé de se mettre sous le commandement du Corps législatif aussi bien que des districts, des départements et des municipalités?
Le voilà donc ce chef-d'œuvre sublime de politique et de sagesse avec lequel on cherche à nous aveugler I ou plutôt les voilà ces absurdités révoltantes qu'on veut nous forcer de dévorer ! voilà cette doctrine perverse avec laquelle on cherche à nous amener aux plus terribles événements! Mais quels sont donc ces hommes qui vont sans cesse se traînant contre terre au milieu des ténèbres dont ils cherchent à nous envelopper ? A moi, Français, ce sont les ennemis ! à moi, Français, ce sont les dévastateurs de ma patrie ! Voilà ceux qui trament et ceux qui, malheureusement peut-être, ont consommé sa ruine! Voilà ceux qui ont envoyé partout des glaives et des torches ! voilà ceux qui ont tourmenté un peuple bon et humain, et qui ont dirigé sa marche aveugle contre le prince même, son idole 1 Les voilà, ces hommes féroces qui ont souillé d'horreurs les beaux jours de la liberté, qui ont tout trempé dans le sang, jusqu'à cet ornement militaire dont la couleur pure et sans tâche avait été autrefois le symbole de la candeur et de la loyauté nationale! Ce sont eux enfin qui exaltent et qui enivrent sans cesse ce peuple simple et crédule, qui est possédé d'eux ; car n'espérons pas de sitôt le retour du calme et de la paix. Les nuées s'accumulent et nous montrent de toute part un horizon menaçant.
Bon prince ! vos douleurs ne sont donc pas encore terminées! Vos vertus méritaient peut-être une autre récompense. Prenez, ah ! prenez dans vos bras ce cher enfant, votre espoir et le nôtre; accoutumez-le de bonne heure au récit de vos infortunes ; plongez son cœur dans le torrent de vos adversités. C'est là que son âme trempée deviendra forte. Ah ! que tous les ennemis de la patrie se précipitent contre nous, qu'ils nous entou-
rent de toutes parts, qu'ils nous regardent comme des bêtes féroces regardent des proies qu'ils ont à dévorer. Qu'ils se nourrissent de notre vie ; qu'ils boivent notre sang; mais qu'ils respectent vos jours, ceux de votre épouse et de votre lils. Autrefois, la colère des dieux infernaux ne pouvait s'apaiser que par des sacrifices humains. Peuples, faites venir autour de vous ceux qui ont remplacé aujourd'hui ces anciens dieux de la terre. Les Curtius sont prêts ; où est le gouffre et combien leur faut-il de victimes?
Deuxième suite de l'opinion de M. de Montlo-sier, député d'Auvergne, sur la régénération du pouvoir exécutif en France.
Cela est vrai, la haine est entrée dans mon cœur, cette implacable haine qu'An nibal avait vouée aux ennemis de son pays, qui lui apprit à dissoudre des rochers, à franclïir des montagnes inaccessibles et à braver, au milieu de leur gloire, une troupe de brigands qui avaient l'ambition de dominer la terre.
Que les brigands qui dominent ma patrie entendent ces paroles et qu'ils frémissent : ils ont beau marcher dans les ténèbres, la lumière se fera au milieu d'eux; les enfants de la montagne, les enfants de la patrie veillent et la patrie sera sauvée. Hommes audacieux ! et pourquoiavez-vous honte de votre audace? il ne faut pas aujourd'hui beaucoupde courage pour le crime, il n'eu faut que pour la vertu; montrez-vous à découvert et que l'on sache en fin ce que vous voulez et qui vous êtes.
Nous ne les connaissons pas, et cependant ils sont partout; et nos assemblées, et nos places, et le trône, et les autels, et nos propres maisons elles-mêmes sont infectées de leur soufle impur. Maître, voyez celui qui est à vos côtés, assis à votre table, en qui vous avez placé peut-être toute votre confiance, eh bien ! c'est celui-là même qui doit vous trahir, et qui vous livrera peut-être, ce soir, à des hommes armés de glaives et de bâtons.
C'est ainsi que le père hésite auprès du fils, le frère auprès du frère, les amis auprès des amis. Une circonspection timide a remplacé sur toutes les lèvres les anciens et les plus doux épanche-ments; je ne sais quel morne silence règne dans toutes les bouches, tandis que la guerre est dans tous les cœurs.
Bons citoyens, à quels signes pourrons-nous enfin nous reconnaître? Quel sera notre cri de ralliement, ou, pour parler un langage de paix, qu'elles sont les espérances qui nous restent et les vœux que nous avons à former? C'est d'avoir la liberté, une patrie et un roi. Qui nous donnera la liberté? c'est la loi; c'est elle qui doit protéger le travail du pauvre contre l'avidité du riche; c'est elle qui, à son tour, doit préserver la propriété du riche des regards envieux du pauvre. En un mot la loi, voilà le boulevard inébranlable qui doit protéger à jamais la sûreté des personnes et celle des propriétés. Qui nous donnera une patrie? une constitution? car sans constitution on peut être habitant de son pays, on n'en e t point citoyen : la loi assure la liberté civile, la conslitution seule assure la liberté politique. Sans loi on n'aurait ni bonheur ni sûreté; sans constitution on n'aurait pas l'influence politique qui est nécessaire pour en assurer la durée; mais je dis une constitution et non pas un vain échafaudage créé au millieudes tempêtes et des convulsions de toutes espèces ; je dis une constitution et non pas un colosse ridicule, semblable au vais-
seau d'Argos, cousu de pièces et de morceaux, sans liaison entre eux et sans cohérence; je. dis une constitution et non pas une collection réglementaire, qui met l'influence civile et politique entre les mains de ceux qui ne jouissent pas, même dans le fait, de toute liberté individuelle ; qui fait que le chef de la nation, le seul de son royaume sans influence sur les lois, sans place, sans existence certaine, sans domicile, sans propriété, ne peut même pas être le premier citoyen; qui arme toutes ses passions contre toutes ses vertus, et qui, le rendant l'ennemi né de ses sujets, le met sans cese dans l'inévitable nécessité d'opprimer lalibertépnbliqueoud'êtreopprimé par elle : car voilà le roi que vous avez fait; dépositaire, inviolable à la vérité, mais non moins infortuné, d'une autorité sans cesse harcelée, sans force, sans appuis et sans dignité, il doit se trou-à la fois incapable de tout et coupable de tout. Enfin je dis une constitution, et j'entends par là un ouvrage mûr et réfléchi, qui raccorde les confiances particulières avec la confiance générale, les mouvements du prince avec ceux de la nation; les mouvements de la nation avec ceux des corporations qu'elle renferme; en un mot, un ouvrage dont les parties, ayant un sens précis et uriivoque, soient produites toutes à la fois du sein de la sagesse et de l'intelligence, eomme on dit que Minerve sortit tout année du cerveau de Jupiter; voilà la constitution qu'il nous faut.
Mais, comme on le voit, celte constitution suppose un roi car, sans roi, ou ce qui est la même chose avec un fantôme de roi, il ne faut pas espérer d'avoir jamais en France une véritable constitution. Ici je n'interrogerai pas cette foule innombrable d'atômes législateurs, d'écrivains faméliques, de journalistes incendiaires, vermisseaux politiques que la dissolution du moment a fait naître : j'interrogerai cette poignée d'hommes sages, qui, à de nombreuses observations qui leur ont donné la connaissance des hommes, joignent ces grandes lectures, ces profondes méditations qui leur ont donné la connaissance des peuples. Or, si nous portons nos regards sur tous ces anciens peuples qui n'eurent pas de roi, nous verrons qu'ils aimèrent la liberté; mais qu'ils l'aimèrent comme des amants ombrageux et jaloux, souvent jusqu'à la fureur : aussi quelle précaution ne prirent-ils pas, comme à Athènes, pour qu'une maison ne fût pas plus magnifiquement bâtie que celle d'un autre; comme à Sparte, pour empêcher qu'un particulier se distinguât par le moindre luxe; comme à Rome pour empêcher qu'il eût de trop vastes possessions, ou qu'il distribuât du pain en public; comme partout pour empêcher qu'un citoyen n'eût pas ostensiblement une trop grande faveur populaire! lit de là, combien d'injustices de tout genre! Quelle ingratitude envers les bienfaiteurs de la patrie! Quelle altération, quel égarement dans tous les principes et dans tous les cœurs, lorsqu'on se crut forcé de récompenser les plus grands services, le salut même de la patrie par l'exil, la proscription ou la mort! C'est que ces peuples n'avaient pas de roi et qu'ils sentaient que, dans cette position, la liberté ne peut se garantir qu'avec une égalité, je ne dis pas seulement légale, mais totale et rigoureuse; c'est qu'ils sentaient que toutes les fois que le sommet du gouvernement est vide, il faut trembler et s'armer tout de suite contre ceux qui tendent à en approcher; car cette cîme est d'autant plus facile à usurper qu'elle n'est pas occupée; au lieu que, dans un grand gouvernement, où les grandes inégalités sont nécessaire-
ment admises parce qu'elles sont inévitables, si la puissance majeure qui les surmonte toutes n'a pas une très grande force pour les contenir, les premières secousses suffiront pour l'abattre ; à plus forte raison s'il n'en existe pas du tout. C'est bien alors que le premier audacieux, qui voudra escalader les hauteurs du trône, s'y placera avec impudence, et commandera de là le respect et la servitude. Français! envisagez la suite nombreuse de ces tyrans de Rome, esclaves devenus assassins de leurs maîtres, et assassinés à leur tour par d'autres esclaves ; envisagez le sort du peu (île romain lorsque des chefs sans force et des lois sans vigueur le livrèrent àla discrétion d'une soldatesque effrénée : envisagez cette soldatesque elle-même lorsqu'elle commença à porter ses regards sur les trésors et les dignités de l'empire, et lorsque son glaive dirigé contre les barbares osa se tourner contre les citoyens. Français, voyez le peuple romain; mais que dis-je? voyez-vous vous-mêmes!
Je veux encore vous offrir une réflexion, et ce sera la dernière: c'est qu'appelés comme nous le sommes, à établir la constitution de cet empire, il est de toute importance pour la liberté que ce soit nous qui fassions l'autorité royale et non pas que l'autorité royale se fasse (1). Il est de toute importance que nous la fassions vaste et étendue, ainsi que le comporte un grand royaume, car si nous rapprochons trop ses limites, la nécessité, la force des choses et le cours des événements l'obligeront un jour de s'étendre malgré nous et malgré tout, et dès lors tout est perdu. Il est de toute importance que nous la fassions au plus tôt; car, flétrie et avilie comme elle l'est, il lui faudra plus d'un jour pour se relever et remonter au degré de splendeur qui lui est nécessaire; il est de toute importance que nous la fassions au plus tôt, car toutes ces nouvelles corporations, plantées sur un terrain neuf et composé de détriments anciens, cherchent déjà ou chercheront bientôt à étendre le plus qu'elles le pourront leur existence vivace: encore quelques jours et tout le terrain sera occupé. On cherchera de toutes parts l'ancien emplacement de la monarchie et le monarque ne sera plus et la monarchie sera détruite.
Il nous faut donc la liberté, une constitution et un roi. Je l'ai dit, sans constitution nous ne pouvons avoir de liberté; mais sans roi nous n'aurons ni constitution, ni liberté: sans roi nous n'aurons ni crédit, ni considération publique: sans roi, le désordre de nos finances se perpétuera et se propagera sans cesse ; sans roi les ateliers seront déserts, les manufactures et le commerce languiront de toutes parts; sans roi, la libre circulation des grains ne pourra être protégée ; les intérêts particuliers lutteront sans cesse entre eux; aucune force ne pourra les rallier; en un mot, sans roi, la plus cruelle indigence, l'anarchie, la banqueroute, la famine, la guerre civile, tous les maux, tous les fléaux sont sur nos têtes.
0! Français de tous les pays, hommes des plaines et des collines, des collines et des vallées, vous qui habitez au bord des eaux, vous qui demeurez dans les déserts ou sur la cime des montagnes, hommes de toutes les professions, de tous les lieux, de toutes les classes, réunissez-vous tous à moi et demandons à grands cris un roi, un roi... Et toi, souverain arbitre des destinées,
ciel, daigne abaisser sur nous tes regards, délivre-nous surtout de tous ces prophètes que lu semblés nous avoir envoyés dans ta colère: les furieux... Et que font à nos malheurs les lambeaux de tant d'infortunés qu'ils ont mis en pièces ? nous demandions du pain, et ils nous ont apportés des cadavres... Ciel! donne-nous un roi, un roi qui aille et qui marche devant nous, ou plutôt rends-nous ce roi bon et humain, qui, le premier de tous les rois de la terre est descendu sur la terre pour s'identifier avec un peuple; rends-nous le fils de Henri ! Plus malheureux et plus grand peut-être que son aïeul, il n'a pas renoncé comme lui au culte de ses pères pour conserver sa couronne : il a fait à ses sujets le sacrifice de sa couronne même : il n'a pas seulement donné du pain à des rebelles, il en a distribué à ses propres assassins; rassasié d'opprobres, et toujours plus grand, les outrages, il les a combattus par des bienfaits ; tous les attentats, il les a repoussés par sa bonté. Un mot pouvait rallier auprès de lui des légions de serviteurs fidèles, il a préféré d'être seul avec sa vertu; et tandis que tout respirait la vengeance et le carnage, lui seul a été calme, lui seul a été bon et sa bonté a déconcerté tous les crimes. Ciel ! voilà le roi qu'ils nous ont ôté, voilà le roi que lu dois nous rendre.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Le procès-verbal est adopté sans réclamation.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret présenté par le comité des droits féodaux, dans la séance du 8 de ce mois.
, rapporteur, rappelle à l'Assemblée que le rapport est divisé en trois parties et qu'aujourd'hui la discussion porte uniquement sur les droits féodaux abolis sans indemnité.
La discussion de ce projet est ouverte successivement sur chaque article.
L'article premier est décrété sans aucune contestation; il est ainsi conçu:
Art. 1er. « Toutes distinctions honorifiques, supériorité et
puissance résultantes du régime féodal, sont abolies. Quant à ceux des droits utiles qui
subsisteront jusqu'au rachat, ils sont entièrement assimilés aux simples rentes et charges
foncières. »
Un membre observe sur l'art. 2 que cette clause » tout autre service purement personnel, semble entraîner l'abolition de toute corvée, sans indemnité, ce qui n'est point dans l'intention de l'Assemblée, parce qu'il y a telle corvée qui est représentative des droits dûs pour cession de terrain.
répond qu'il y a dans les parties subséquentes du rapport un article exprès sur les corvées, mais qu'il ne s'agit, dans le cas actuel, que des corvées qui affectent les personnes et non les terres.
, évêque du Mans, propose d'insérer cette clause : « Les droits de mainmorte et autres, seront sujets à rachat lorsque le seigneur représentera le titre primitif établissant que ces droits sont fondés sur une concession de terrain. »
Un autre membre demande qu'on ajoute après les mots : « Tout autre service purement personnel » ceux-ci : et tout droit pécuniaire représentatif du service personnel.
On demande la question préalable sur les amendements; elle est mise aux voix et adoptée, et l'article est décrété de la manière suivante :
Art. 2. « La foi-hommage, et tout autre service purement personnel, auquel les vassaux, censitaires et tenanciers ont été assujettis jusqu'à présent, sont abolis. »
L'article 3 est également décrété sans aucun changement, et sans qu'il ait été proposé aucun amendement :
Art. 3. « Les fiefs, qui ne devaient que la bouche et les mains, ne seront plus soumis à aucun aveu ni reconnaissance. »
On fait lecture de l'article 4.
, représente que, dans le Vivarais, les seigneurs et rénovateurs de terriers ont coutume de faire payer aux redevables les frais d'arpentage et levée de plans; il demande que l'art. 4 contienne cette clause: « Sans que les seigneurs ou rénovateurs de leurs terriers puissent exiger les frais d'arpentage ou de levée de plans. »
Dans quelques provinces, les reconnaissances se faisaient en corps d'habitants ; la dépense était bien moindre pour chaque individu ; je présente sur cet objet un amendement bien simple : « Quant aux fiefs, etc., il en sera fourni par les redevables, à leur choix, en corps d'habitants ou individuellement, de simples reconnaissances. »
Il serait convenable d'ordonner, « qu'il ne sera pas perçu sur les reconnaissances ae plus forts droits de contrôle que ceux qui étaient accoutumés pour les actes qui en tiennent lieu, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué à cet égard. »
Après ces mots : « des confins, » il faudrait ajouter ceux-ci: «et delà contenance.»
Plusieurs membres représentent que dans diverses provinces les seigneurs font les frais des reconnaissances. Ils demandent que l'article soit rédigé de manière à ce que rien ne soit changé à cet usage.
propose de retrancher ces mots : aux censives. Il dit que ce droit est imprescriptible et que l'Assemblée ne peut y toucher: elle doit respecter les clauses d'un contrat dès lors qu'elles ne sont pas préjudiciables au bien de la société. Or, on ne peut pas dire que les censives soient dans ce cas-là, donc elles doivent être respectées.
combat l'opinion de M. le duc de Choiseul-Praslin en disant que l'imprescriptibilité comme privilège seigneurial, doit tomber avec le régime féodal lui-même.
propose après ces mots : reconnaissance passée, de radier ceux-ci à leurs frais et d'ajouter après ces mots, aux mêmes époques, ceux-ci, aux mêmes frais. 11 donne pour raison de son amendement que les droits féodaux ont été assimilés aux droits purement fonciers et qu'ils doivent encourir les mêmes sujétions. Or, dans certaines provinces, notamment en Dauphiné, c'est le créancier et non le débiteur qui est sujet aux frais de reconnaissance; donc il en doit être de même pour les droits ci-devant seigneuriaux.
soutient que, malgré l'assimilation des droits féodaux aux droits purement fonciers, il n'en est pas moins vrai que c'est le propriétaire qui fait le plus grand sacrifice, que tout est dans ce moment en faveur du débiteur et que nulle part on ne pourra se plaindre d'une si légère compensation.
, adoptaut l'avis de M. Tronehet, soutient qu'il n'y a point de tribunal qui eût exempté le tenancier de la reconnaissance.
propose d'ajouter : «On continuera de payer tous cens et droits seigneuriaux qui ne présentent aucune trace de servitude personnelle. »
fait remarquer que cet amendement n'est pas à sa place et que la question sera traitée dans le titre second du projet du comité.
retire son amendement et quitte la tribune.
On demande à aller aux voix.
Les amendements sont rejetés à l'exception de celui qui concerne le contrôle et de celui de M. Martineau.
, L'article 4 est adopté ainsi qu'il suit :
« Art. 4. Quant aux fiefs qui sont grevés de devoirs utiles, ou de profits rachetables, et aux censives, il en sera fourni par les redevables de simples reconnaissances passées à leurs frais, par-devant tels notaires qu'ils voudront choi-ir, avec déclaration expresse des confins et de la contenance, et ce, aux mêmes époques, en la même forme, et de la même manière que sont reconnus, dans les différentes provinces et lieux du royaume, les autres droits fonciers par les personnes qui en sont chargées ; et ne sera perçu, sur lesdites reconnaissances, de plus fort droit de contrôle, que celui accoutumé d'être payé pour les déclarations et autres actes qui en tenaient lieu, jusqu'à ce que l'Assemblée ait prononcé sur les droits de contrôle. »
On lit l'article 5.
convient que les terriers sont désormais inutiles pour les seigneurs; mais il demande que l'on en continue l'usage parce qu'on peut, par là, acquérir une parfaite connaissance des fonds et faire peser également l'impôt sur tous les tenanciers.
Cet amendement n'est pas appuyé.
L'article 5 est adopté ainsi qu'il suit :
« Art. 5. En conséquence, la forme ci-devant usitée des reconnaissances par aveux et dénombrements, déclarations à terriers, gages-pleiges,
plaids et assises, est abolie; et il est défendu à tous propriétaires de fiefs de continuer aucuns terriers, gages-pleiges, ou plaids et assises, commencés avant la publication du présent décret. »
On passe à la discussion de l'article 6, dont voici la teneur :
« Art. 6. La saisie féodale et la saisie censuelle sont abolies; mais les propriétaires des droits féodaux et censuels rachetables pourront exercer les actions, contraintes, exécutions, privilèges et préférences qui, par le droit commun, les différentes coutumes et statuts des lieux, appartiennent à tous premiers bailleurs de fonds. »
, député du Berry. Les seigneurs pourraient prétendre, si cet article restait ainsi rédigé, que vous n'avez voulu parler que de la saisie des fruits, pour devoirs non faits et cen-sives non payées, tandis que les diverses coutumes admettent des saisies particulières pour des cas très différents. Je propose de rédiger ainsi :
« Toutes espèces de saisies résultant de contrats de bail à cens, établies par les coutumes, dans quelque cas que ce soit, et sous quelque dénomination qu'elles soient connues, sont abolies.»
propose d'amender ainsi l'article : « et toutes autres saisies que les seigneurs exercent en vertu de leurs fiefs. »
demande la question préalable sur la totalité de l'article, en établissant qu'il ne présente aucun sens.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sut* les amendements,, et adopte l'article, rédigé d'une manière différente, par M. Merlin, rapporteur du comité de féodalité. Voici cette rédaction ;
« Art. 6. Toute saisie féodale et censuelle, et droit de commise sont abolis ; mais les propriétaires des droits féodaux et censuels, non abolis sans indemnité, pourront exercer les actions, contraintes, exécutions, privilèges et préférences, qui, par le droit commun, les différentes coutumes et statuts des lieux, appartiennent à tous premiers bailleurs de fonds. »
L'article 7, modifié par le comité ainsi qu'il suit, est soumis à la discussion :.
«Art. 7.Tous les droitsféodaux et censuels, ensemble toutes les rentes, redevances et autres droits qui sont rachetables par leur nature ou par l'effet des décrets du 4 août 1789, seront, à l'avenir et jusqu'au rachat» soumis, pour le principal, à la prescription que les différentes lois et coutumes ont établie relativement aux immeubles réels, sans rien innover en ce qui concerne la prescription des arrérages. »
(Pendant la lecture de cet article, MM. le baron de Juigné. le marquis de La Queuille, le comte de Foucault s'agitent avec,, violence à une des extrémités de la salle. M. le baron de Juigné parle avec plus de chaleur ; mais il ne parvient à une partie de l'Assemblée que des sons inarticulés. On prie. M. le baron de Juigné de monter à la ribune; il y court.)
Lorsque vous proposâtes à la noblesse de donner au peuple des preuves de son attachement, elle décréta qu'elle payerait les impôts, et que les droits qui asser-vissaient le peuple seraieut détruits. Le 4 août vous avez aboli ces droits. Les jours suivants, quand il ne s'agissait que de la rédaction des
décrets, on voulut porter atteinte aux droits honorifiques ; cet objet fut écarté, et je ne vois pas pourquoi on dit aujourd'hui que les droits honorifiques sont abolis. Pourquoi abolir le régime féodal, qui ne fait pas de mal au peuple? Mais vous faites le malheur des habitants des campagnes. J'ai l'honneur de vous avertir que pour rendre le peuple français heureux, il faut qu'il soit propriétaire; et comment les paysans seront-ils propriétaires, si vous ne permettez pas les baux à cens, si vous ôtez tous les agréments possibles à la noblesse, qui, depuis l'origine de la monarchie, n'a cessé de prodiguer son sang et sa fortune ?
11 est permis d'interrompre un préopinant quand il n'est pas dans l'ordre du jour et de la délibération. Il s'agit de la prescription.
Tous les articles sont si obscurs et si mauvais, qu'il m'est impossible d'asseoir une opinion.
Les six premiers articles sont décrétés. Sont-ce ceux-là que vous trouvez obscurs, ou bien est-ce le septième ?
Oui, et le serment que m'a prescrit le corps auquel j'appartiens... (Des applaudissements ne permettent pas d'entendre M. le baron de Juigné.)
M. le baron de Juigné quitte la tribune ; M. le marquis de Foucault y paraît.
Je vous apporte un article qu'il est toujours temps de placer ; ce sont les engagements que vou3 avez pris avec moi, vous ne devez pas les oublier. Vous m'avez dit que je ne serais pas dépouillé de ma propriété si je n'avais rien envahi. J'ai donné les fonds pour les besoins de l'Etat, pouf avoir telle jouissance, quand le Roi m'a investi de quelque chose, et ce quelque chose m'appartient : tout ce que je n'ai pas envahi est la première créance de l'Etat, puisqu'elle rend au propriétaire la vie plus douce et plus aisée, Je dois dire que si on ne rend pas justice; malgré tout, malgré toute loi, je dirai que c'est une violence et une atrocité commise par... (itf le marquis de Foucault n'achève pas sa phrase et se retire.)
On reprend la délibération.
présente, au nom de ses commettants, l'amendement suivant : « Les arrérages ne pourront être demandés à l'avenir que de cinq ans avant l'interpellation judiciaire. »
Le comité féodal s'occupe en ce moment d'un travail qui a pour objet unique les arrérages. Il faut ajourner tous les amendements qui pourront y avoir quelques rapports.
Plusieurs amendements de celte nature sont encore présentés*
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.
L'article 7, relu par M. le Président, est adopté en ces termes :
Art. 7. « Tous les droits féodaux et censuels, ensemble toutes les rentes et redevances et autres droits qui sont rachetables parleur nature ou par l'effet des décrets du 4 août 1789, et jours suivants, seront, à l'avenir, et jusqu'à leur rachat, soumis, pour le principal, à la -prescription que
les différentes lois ef coutumes du royaume ont établie relativement aux immeubles réels, sans rien innover, quant à présent, eu ce qui concerne la prescription des arrérages. »
L'Article 8 n'éprouve aucune opposition; l'Assemblée le décrète de la manière suivante :
Art. 8. « Lés lettres de ratification, établies par l'édit du mois de juin 1771, continueront de n'avoir d'autre effet sur les droits :féodaux et cen-suéls, que d'en purger les arrérages, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu, par une nouvelle loi, à un régime uniforme et Commun à toutes les rentes et charges foncières, pour la conservation des privilèges et hypothèques. »
donne lecture .de l'article 9 et en développé les dispositions en disant i; ; ,
Quelle est l'origine du retrait féodal?, Elle est dans le service militaire auquel était anciennement tenu tout propriétaire de fief. Un seigneur suzerain avait intérêt à avoir, dans la petite armée que composaient ses vassaux,un soldat vigoureux plutôt qu'un infirme ou un enfant. De là la possession devenue presque générale, dans laquelle les seigneurs se sont mis de retirer les fiefs des mains des acquéreurs qui ne leur convenaient pas, pour porter les armes sous leurs bannières, soit pour les incorporer au gros de leurs domaines, soit pour, les aliéner de nouveau et se. procurer, par là des vasseaux qui fussent plus à leur convenance.
D'après cela il est incontestable que le retrait féodal doit son origine à ce qu'on appelle proprement le régime féodal ; qu'il n'est conséquemment qu'une émanation de cette hiérarchie de puissance publique, de cette puissance seigneuriale qui s'était établie sur les ruines du gouvernement monarchique et qui, par conséquent, ne peut survivre à la destruction de ce régime. II est vrai que, par un abus trop favorisé par la puissance seigneuriale on est venu dans la majeure partie du royaume à regarder le retrait, féodal comme un droit utile qu'on a rendu cessable et dont on a permis l'exercice à un usufruitier et même à un simple fermier; mais il n'en est pas moins constant que ce droit ne tient qu'à la. puissance féodale, et cela est si vrai, qu'il y a des coutumes qui n'accordent ce droit de retrait féodal qu'à des seigneurs qui se trouvent à un certain degré de puissance., Telle est la coutume d'Orléans, qui n'admet que le seigneur châtelain à l'exercice de ce droit.
Plusieurs amendements sont proposés sur l'article 9 ; ils sont rejetés.
Je propose un nouvel amendement ; il consiste à compléter l'article par ces mots : « Seront également abolis les droits d'échange perçus par les seigneurs sur les propriétés territoriales, lorsque les propriétaires font entre eux et par convenance ces échanges de fonds. »
Je demande la question préalable sur cet amendement ; il n'est pas de votre justice de vous en occuper un seul moment.
Cette demande est appuyée.
L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.
On demande que cet amendement soit ajourné.
L'Assemblée adopte cet avis,
L'article 9 est ielu, mis aux voix et décrété ainsi qu'il suit ;
Art. 9. « Le retrait féodal, le retrait censuel,
le droit de prélation féodale ou censuelle, et le droit de retenue seigneuriale sont, abolis. »
Lecture faite de l'article 10, l'Assemblée en a ajourné la délibération à demain.
lève la séance à trois heures et demie.
PRÉSIDENCE DE m. TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà veille. Il ne s'élève pas de réclamation.
Un de MM. les secrétaires lit une lettre du margrave d'Anspach. Ce prince, en conformité du décret qui appelle les créanciers de l'Etat, annonce que ses .sujets et provinces ont, sur le gouvernement, une créance de 572,000 livres pour fourrages fournis dans la dernière guerre de Sept ans;
Cette lettre est renvoyée au comité de liquidation.
, député de Franche-Comté, demande et obtient l'agrément de l'Assemblée pour s'absenter pendant quelques jours.
, membre de la députation qui, sur l'invitation de la commune de Paris, a assisté hier au service funèbre de l'abbé de l'Epée, rend compte de la réception faite à la députation, de l'oraison funèbre prononcée par M. l'abbé Fauchet, dont la commune a ordonné l'impression et qui sera distribuée {voy, ce document annexé à la séance de ce jour); il ajoute que le maire de Paris, M. Bailly, a témoigné à la députation, au nom de la commune, le désir que l'Assemblée nationale voulût bien pourvoir, sur les biens ecclésiàstiqdtes, à l'établissement créé par l'abbé de l'Epée pour les sourds et muets.
L'Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la suite de la discussion du projet ée décret présenté par le comité de féodalité sur la suppression des droits féodaux abolis sans indemnité.
, rapporteur. Messieurs, l'article 10, tel qu'il vous a été proposé d'abord, était ainsi conçu : ; J
Art. 10. Toute féodalité et nobilité de biens étant détruite, les droits d'aînesse et de masculinité sont abolis à l'égard des fiefs, domaines et aïeux nobles, qui seront en conséquence soumis dans les successions et partages aux mêmes lois, statuts et coutumes que les autres biens. ?
Cette rédaction avait d'abord paru au comité remplir exactement les deux ' objets que nous
nous étions proposés : l'un d'effacer de la jurisprudence française les disputes que le
régime féodal y avait introduites entre les fiefs et biens allodiaûx; relativement à la
manière d'y succé-
En examinant de nouveau notre rédaction, nous avons trouvé que, de ces deux objets, elle ne remplissait universellement que le premier, et qu'à l'égard du second, elle produisait en quelques endroits un effet tout contraire à celui que nous nous étions proposé, c'est-à-dire qu'en quelques endroits elle rendait la condition des puînés pire qu'elle était auparavant.
Effectivement, Messieurs, il existe une coutume, celle du Boulonnais, dans laquelle, par une bizarrerie bien digne des temps barbares où elle a été rédigée, les puînés sont plus maltraités dans les successions des biens roturiers que dans les successions de fiefs; dans celles-ci les puînés ont toujours le quart, et il est des cas très fréquents où ils n'ont absolument rien dans celles-là.
Aussi en laissant subsister l'article tel que nous l'avions d'abord rédigé, les puînés dans le Boulonnais se trouveraient privés de toute espèce de part dans les fiefs, et conséquemment un père, qui dans cette coutume ne posséderait que des nefs, n'aurait rien à transmettre à ses filles, ni à ses puînés; ainsi, dans cette coutume, le décret que nous avions l'honneur de vous proposer ferait le malheur de ceux mômes dont vous voulez sans doute améliorer le sort ; ainsi, tandis que ce décret va multiplier dans toutes les autres parties de la France les amis de la constitution, il ne ferait que lui susciter des ennemis dans le Boulonnais.
Sans doute, c'est bien ici le moment de regretter que nous n'ayons pu encore faire disparaître de notre droit français cette espèce de marqueterie bizarre, cet assortiment ridicule de lois et de coutumes, toutes contradictoires, qui ne font que reproduire, dans une association vraiment politique, des traces du gouvernement féodal, c'est-à-dire du gouvernement le plus absurde, le plus barbare dont l'histoire ait conservé le souvenir.
Mais il n'est pas possible de tout faire à la fois ; et, en attendant que vos vœux soient remplis à cet égard, il faut pourvoir au sort des individus qui, dans le Boulonnais, pourraient être les victimes de la destruction du régime féodal, quoique vous l'ayez détruit pour leur avantage. Il s'est présenté à notre discussion plusieurs moyens pour y parvenir :
Le premier consiste à abolir le droit d'aînesse et de masculinité, tant à l'égard des fiefs et biens nobles que des biens roturiers et des meubles.
Le second, d'abolir toutes les réserves coutu-mières et de les rendre, comme dans les,pays de droit écrit, disponibles à la volons des propriétaires ; le père corrigerait ainsi, en faveur des puînés, les avantages que la coutume donne aux aînés.
C'est donc pour donner un nouveau ressort à l'autorité paternelle et à la restauration des mœurs que le comité vous propose la nouvelle rédaction suivante :
Art. 10. « Toute féodalité et nobilité de biens étant détruites, les droits d'aînesse et de masculinité dans les successions « ab intestat » des biens ci-devant nobles Ou féodaux sont abolis ; en conséquence, ces biens seront partagés également entre tous les héritiers, si les parents auxquels ils succèdent n'en ont autrement disposé en faveur d'un ou de plusieurs desdits
héritiers, soit par contrat de mariage, donation ou testament, ce qu'ils auront la liberté de faire comme en pays de droit écrit, dérogeant, quant à ce, à toutes les lois et coutumes contraires, jusqu'à ce que, par la présente législature, ou par celles qui suivront, il ait été déterminé un mode définitif et uniforme de succession pour tout le royaume. »
interrompt l'ordre du jour pour donner lecture à l'Assemblée d'une lettre du ministre de la marine, dont voici la teneur :
« Monsieur le Président,
« J'ai reçu des dépêches importantes de la Martinique, et il m'en est parvenu hier qui ne le sont pas moins, de Saint-Domingue, par un avis que m'a expédié M. le comte de Peinier, gouverneur-général de cette île.
« Je viens d'exposer succinctement au roi et au Conseil d'Etat les faits énoncés dans la multi* tude de papiers qui m'ont été transmis. Sa Majesté m'a ordonné d'en rendre compte à l'Assemblée nationale.
« Pour remplir ce devoir d'une manière exacte, il me faut deux ou trois jours. Le dépouillement de beaucoup de pièces, la transcription de beaucoup d'autres, exigent ce court délai. Je vous prie d'y consentir et de le faire agréer à l'Assemblée, s'il y était parlé des nouvelles arrivées des colonies, nouvelles qui commencent à se répandre.
« Je vous remettrai en même temps un paquet adressé à l'Assemblée nationale par le conseil supérieur de Saint-Domingue, sur un fait particulier, sur une contestation qui s'est élevée entre cette cour de justice et l'assemblée provinciale de la partie du Nord.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : la luzerne. »
L'Assemblée reprend la suite de son ordre du jour, et passe à la discussion du nouvel article 10, proposé par le comité de féodalité.
Je regrette que le temps ne soit pas arrivé d'établir le partage égal des biens entre les enfants. Sans doute ce temps n'est pas éloigné ; mais cet objet dépend d'une infinité de combinaisons qu'il ne nous est pas permis de faire en ce moment. J'ai deux observations à présenter sur l'article qui vous est soumis. Il contient une disposition qui donne à la puissance paternelle une étendue que nous ne pouvons peut-être pas lui accorder. On ne me soupçonnera pas de vouloir attaquer la puissance paternelle ou maternelle ; mais qu'il me soit du moins permis de vous engager à ne rien préjuger sur une matière d'un aussi grand intérêt. Je désirerais que l'article contînt une clause par-culière pour excepter de ces dispositions les personnes actuellement mariées. Un grand nombre de mariages ont assurément été contractés sur des espérances que l'égalité du partage des biens féodaux viendrait détruire.
Le droit d'aînesse a été établi pour donner à l'aîné, chargé de mener des hommes d'armes à la guerre, la facilité de se livrer à cette dépense. La cause n'existant plus, pourquoi ne pas proscrire l'effet? Vous sentez l'influence du droit d'aînesse sur les mœurs ;
vous savez que c'est à lui qu'on doit l'inégalité des fortunes : je n'ai pas besoin, pour que ce droit vous paraisse odieux, de développer cette idée. On vient de vous proposer d'accorder aux pères et mères la faculté de disposer inégalement des biens féodaux, dans les pays coutu-miers comme dans le pays de droit écrit. 11 est de principe général qu'en coutume les biens en roture se partagent d'une manière égale ; mais des coutumes particulières introduisent une inégalité que le principe ne permet pas. En assimilant les biens féodaux aux biens en roture, vous les avez déclarés partageables d'une manière égale ; il faut en même temps que, par la loi, le partage soit égal dans les coutumes où le partage inégal est introduit. J'adopte l'avis du préopiaant sur l'effet des contrats de mariage, et je propose que vous fassiez une loi géaérale qui détermine les partages d'une manière uniforme pour les biens en roture et pour les biens ci-devant féodaux.
La question qui vous occupe est très difficile, très importante, très délicate. Le comité a mûrement réfléchi la rédaction qu'il vous présente. A-t-il fait ce qu'il devait faire? Pouvait-il faire davantage ? et si cette loi a quelques inconvénients, quels en sont les remèdes? Il ne pouvait faire autrement que ce qu'il a fait. Vous avez aboli les biens féodaux; il n'y a donc plus de loi qui puisse régler le partage inégal établi par la féodalité; il a donc dû proposer la première partie de l'article. Pouvait-il aller plus loin? Spécialement et uniquement chargé de l'examen des droits féodaux, détruits par Tes arrêtés du 4 août, il n'avait pas de mission pour s'occuper de l'abolition du droit d'aînesse. Vous ne pouvez vous-mêmes vous en occuper, à cause des funestes conséquences qu'aurait en ce moment cette abolition. Frappé de tous les inconvénients de la loi inévitable que le comité vous propose, il croit que le père doit être le juge naturel de ces inconvénients, soit qu'ils portent sur l'aîné de ses enfants, soit qu'ils portént sur les puînés; il lui a donné la faculté de réparer, suivant sa justice et sa tendresse, les torts nécessaires de la loi.
On ne peut, en principe, se dispenser de réunir dans le décret des dispositions qui aient rapport à la nobilité des hiens et à la nobilité des personnes : il faut donc dire qu'il n'y aura plus de partage inégal, soit à raison de la nobilité des personnes, soit à raison de la nobilité des biens. Mais vous devez excepter de cette disposition les personnes mariées, afin de ne pas donner à votre loi un effet rétroactif. Le moyen que le comité a imaginé pour modérer les effets du décret qu'il vous propose occasionnerait, dans beaucoup de familles, une guerre intestine, en y portant l'inquiétude et la défiance. D'ailleurs ne donneriez-vous pas aux parents une faculté qui, d'après la législation que l'on établira sans doute sur la puissance paternelle, se trouverait extrêmement restreinte?
Je propose, d'après ces différentes vues, le projet de décret suivant :
L'Assemblée nationale décrète que tout privilège, toute féodalité et nobilité de biens étant détruits, les droits d'aînesse et de masculinité, à l'égard des fiefs, domaines et alleux nobles et les partages inégaux, à raison de la qualité des personnes, sont abolis et en conséquence, toutes les successions, tant directes que collatérales, tant
mobilières qu'immobilières, qui écherront à compter du jour de la publication du présent décret, seront, sans égard à l'ancienne qualité noble des biens et des personnes, partagées entre les héritiers, suivant les lois, statuts et coutumes qui règlent les partages entre tous les citoyens ; abroge et détruit toutes les lois et coutumes à ce contraires; excepte du présent décret ceux qui sont actuellement mariés, ou veufs ayant des enfants, lesquels partageront entre eux et leurs cohéritiers, conformément aux anciennes lois, les successions mobilières et immobilières, directes et collatérales, qui pourront leur écheoir. Déclare en outre, que les puînés et les filles, dans les coutumes où ils ont eu jusqu'à présent, sur les biens teous en fiefs, plus d'avantages que sur les biens non féodaux, continueront de prendre dans les ci-devant fiefs les parte à eux assignées par lesdites coutumes, jusqu'à ce qu'il ait été déterminé par l'Assemblée nationale un mode définitif et uniforme de succession pour tout le royaume.
Dès qu'il n'existe plus de fiefs en général, ii ne peut plus en exister dans les successions ; dès qu'il n'y a plus de fiefs, les cou-tomes qui statuent sur leur hérédité ne peuvent plus subsister. Les biens autrefois fiefs doivent donc être partagés comme tout autre bien. Mais il est des cas d'exception, et j'adopte à cet égard, purement et simplement, l'avis de M. Le Chapelier. Je n'ai qu'une seule observation à présenter. On ne doit pas, sous prétexte d'un mariage contracté par l'un de dix enfants, faire partager tous les enfants, comme dans l'ancien régime. Je propose cet amendement : c Exceptant du présent décret les héritiers présomptifs qui sont actuellement mariés, ou qui sont veufs ayant des enfants, lesquels partageront entre eux, conformément aux anciennes lois, les successions mobilières ou immobilières, directes ou collatérales; le présent décret produisant tout son effet à l'égard des autres héritiers qui ne seront pas mariés au jour de la publication. »
Plusieurs membres appuient le décret proposé par M. Le Chapelier.
La discussion est fermée.
demande la priorité pour le décret de M. ie Chapelier.
propose d'ajouter dans le décret de M. Le Chapelier, après ces mots : « sont abolis », ceux-ci : « et tous les effets civils qui en émanaient. » M. Lanjuinais entre dans les détails de ces effets civils, et il insère ces détails dans un projet de décret.
On fait lecture des divers projets présentés.
L'amendement de M. Le Chapelier a deux vices principaux ; il dit trop et ne dit point assez. Il dit trop : en effet, il ne s'agit en ce moment que d'énoncer les conséquences de l'abolition des hefs sur les successions. Ce projet de décret porte en général sur tous les biens. Relativement à la nobilité des personnes, il ne dit pas assez, puisqu'il ne s'occupe point d'un inconvénient qui résulte de l'abolition des fiefs. Dans certaines coutumes, les puînés ne prennent rien dans les biens en roture, et ne peuvent prendre que dans les fiefs : comme tous les biens autrefois tenus en fiefs sont actuellement en roture, il en résulterait que les puînés n'auraient aucune part dans les successions. Je pense donc qu'il faut
adopter l'article du comité avec l'amendement suivant : « et néanmoins la présente disposition ne pourra préjudicier au droit des aînés qui ont été mariés, tacitement ou explicitement, dans leurs espérances dans les fiefs, et aux puînés, dans les droits qui leur sont accordés pargles coutumes. »
Je réponds : 1° que le partage inégal, dont l'inégalité est fondée sur la no-biïité, ne peut plus exister, d'après l'abolition des ordres ; 2° que je n'ai pas voulu toucher autrement aux règles des successions ; j'ai pensé que nous faisions un article constitutionnel, et ue c'était aux législatures suivantes à s'occuper e la jurisprudence des coutumes. On délibère sur la question de savoir si la priorité sera accordée au projet du comité.
La première épreuve donne un résultat douteux.
On fait une seconde lecture de3 projets de décret.
La priorité est refusée au projet du comité par une très grande majorité.
La priorité est ensuite accordée au décret de M. Le Chapelier.
Oa présente divers amendements en ces termes :
« Les ^dispositions du présent décret s'étendent aux enfants nés ou à naître des mariages contractés à l'époque toù il sera rendu. »
« Excepté les successions ouvertes. » -M
« De manière néanmoins que les puînés ne puissent avoir une portion moindre de celle qui leur aurait appartenu si la succession eût été partagée à raison du régime féodal. »
« La disposition du présent article aura lieu à l'égard des enfants à naître des mariages à contracter. »
« Abrogeant encore les dispositions des coutumes qui, en conséquence de l'inégalité des partages des biens ci-devant nobles, autorisent des donations au profit des puînés. »
, député d'Alsace. « Sans préjudice de la réversibilité des fiefs d'Alsace à la nation, dans les cas exprimés dans l'investiture. » Cet amendement est établi sur un fait bien certain. La jouissance de ces fiefs avait été attachée à des charges publiques par l'empereur et par la maison d'Autriche. Ces puissances ont remis ia propriété de ces fiefs à la France, et cette remise en établit incontestablement la réversibilité à la nation.
Cette disposition porterait le trouble en Alsace ; elle doit au moins être mûrement examinée -, j'en demande le renvoi au comité féodal.
demande la question préalable sur tous les amendements, excepté sur celui de M. Martineau.
La question préalable,^demandée sur l'amendement relatif aux fiefs masculins d'Alsace, peut avoir pour motif que, dans la suite des articles proposés par le comité féodal,
il s'en trouve un destiné à réserver des indemnités aux étrangers possesseurs de fiefs. Si l'on pensait à étendre cette indemnité sur les fiefs d'Alsace, on se déterminerait à priver la nation de son droit de réversibilité sur ces propriétés. Je demande l'ajournement de l'amendement proposé à cet égard. Cet ajournement est prononcé.
Plusieurs membres présentent des rédactions da l'amendement de M. Martineau. On propose d'ajourner cet amendement.
Dans le Boulonnais et dans la châtellenie de Lille, les filles, suivant la coutume locale, n'ont rien dans les rotures; elles ont seulement le quint dans les fiefs ; mais les fiefs devenant roture, si j'avais le malheur de perdre mon père dans l'intervalle d'ajournement, mes sœurs n'auraient absolument rien. L'ajournement est rejeté. L'amendement de M. Martineau est adopté, rédigé comme il suit :
« Décrète néanmoins que les puînés et les filles, dans les coutumes où ils ont eu jusqu'à présent, sur les biens tenus en fiefs, plus d'avantage que sur les biens non féodaux, continuerontde prendre, dans les ci-devant fiefs, ies parts à eux assignées par lesdites coutumes, jusqu'à ce qu'il ait été déterminé par l'Assemblée nationale un mode définitif et uniforme de successions pour tout le royaume. »
Les autres amendements sont écartés par la question préalable.
demande la division du décret de M.Le Chapelier. Il considère l'exception relative l aux gens mariés comme aussi immorale qu'im-politique.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette demande en division.
Le décret proposé par M. Le Chapelier, à la suite duquel est placé l'amendement de M. Martineau, est unanimement adopté; il se trouve ainsi conçu :
« Art. 10. L'Assemblée nationale décrète : « Tout privilège, toute féodalité et nobilité de biens étant détruits, les droits d'aînesse et de masculinité à l'égard des fiefs, domaines et alleux nobles, et les partages inégaux, à raison de la qualité des personnes, sont abolis.
« En conséquence, toutes les successions tant directes que collatérales, tant mobilières qu'immobilières, qui écherront à compter du jour de la publication du présent décret, seront, sans égard à l'ancienne qualité noble des biens et des personnes, partagées entre les héritiers, suivant les lois, statuts et coutumes qui règlent les partages entre tous les citoyens ; abroge et détruit toutes les lois et coutumes à ce contraires. Excepte du présent décret ceux qui sont actuellement mariés, ou veufs ayant des enfants, lesquels partageront entre eux et leurs cohéritiers, conformément aux • anciennes lois, les successions mobilières et immobilières, directes et collatérales, qui pourront leur échoir. Déclare, en outre, que les puînés et les filles, dans les coutumes où ils ont eu jusqu'à présent, sur ies biens tenus en fiefs, plus d'avantages que sur les biens non féodaux, continueront de prendre dans les ci-devant fiefs les parts à eux assignées par lesdites coutumes, jusqu'à ce qu'il ait été déterminé par l'Assemblée nationale un mode définitif et uniforme de successions pour tout le royaume. »
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, secrétaire, donne lecture des adresses aiosi qu'il suit :
Adresse des citoyens de la ville de Charroux, convoqués par le conseil général de la commune pour entendre le discours du roi; ils ont fait éclater les sentiments de l'allégresse la plus vive, de la reconnaissance la plus tendre et ont prêté avec transport le serment civique.
Adresse des soldats citoyens du bataillon patriotique de la Rochefoucault ; ils jurent tous de conserver la Constitution, cet auguste monument des vertus de Louis XVI, et de la sagesse des représentants de la nation, ou d'expirer sous ses ruines.
Adresse de sept cents habitants d'Auzonville-sur-Ry, généralité de Rouen, qui, assemblés pour chanter le Te Deum en actions de grâces du discours prononcé par le meilleur des rois, ont en même temps manifesté leur vénération et leur entier dévoûment à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse des officiers municipaux delà communauté de Tilloi-lès-Cambrai; ils consultent l'Assemblée sur une difficulté relative à une réunion de communauté voisine.
Adresses des citoyens du district du Gourguil-lon, à Lyon, de la communauté du Broc, en Provence, et de celle de Tancron. Cette dernière fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Mémoire pour la ville de Manosque, en Provence, ainsi conçu :
Jusqu'à présent les communes de la ville de Manosque, en Provence, n'ont eu à présenter à l'Assemblée nationale qu'un juste tribut d'admiration, de reconnaissance et de dévoûment. Qu'il est pénible pour elles de faire succéder à des sentiments si doux, des plaintes amères 1 Mais ces plaintes mêmes seront un nouveau tribut de son respect, puisqu'elles seront l'expression de son intime confiance en l'équité immuable de l'Assemblée. Sous le despotisme ministériel et la dictature aristocratique, les plaintes étaient étouffées ou par le désespoir de les voir réussir, ou par la crainte de les voir punies comme séditieuses : car, lors même qu'on était écrasé par le poids de l'oppression, il n'était jamais permis de crier à l'oppresséur.
Aujourd'hui que la voix de la liberté s'élève jusqu'au trône, aujourd'hui qu'elle fait
hardiment retentir la salle de l'Assemblée nationale, cette auguste Assemblée pourrait-elle
s'offenser d'un langage qu'elle nous a appris à parler?Non, ce serait l'offenser, en effet,
que de le craindre. Ainsi, nous n'hésitons pas de lui dire, ingénuement, que, lorsqu'à
Manosque, on a appris que, malgré ses justes prétentions, elle avait été oubliée dans la
distribution des districts, toute la ville a été dans la surprise, dans la douleur, surtout
par l'événement odieux qu'elle a essuyé et qui la jetterait dans le désespoir, si elle ne
s'attendait, avec toute la confiance et tout le respect qu'elle
Manosque est, de l'aveu même de ses antagonistes, la ville la plus importante de la Haute-Provence, et une des principales de toute la Provence; importante par sa population, qui excède de plus d'un tiers celle de toutes les villes du département du nord, et de deux tiers, celle de Forcalquier, qui ne compte qu'environ deux mille habitants, tandis que Manosque en renferme plus de six mille; la plus importante encore par son affouagement, qui est le quint de l'affouage-ment de la viguerie de Forcalquier et qui est plus fort que celui de toute autre ville de Provence, à l'exception d'Aix, Toulon, Hyères, Grasse, Tarascon, Draguignan ; cet affouagement de Manosque est plus considérable, à lui seul, que celui de plusieurs villes réunies, comme Annot, Gol-mar et Seyne; il est le double de celui de Forcalquier, affouagé vingt-deux feux, tandis que Manosque l'est quarante-deux, non compris les biens privilégiés très considérables, et qui augmenteront les impositions, lesquelles s'élèvent annuellement à la somme de près de soixante-dix mille livres : enfin Manosque est la ville la plus importante par sa situation, qui est la plus belle, peut-être, de toute la Provence : elle est sous un climat doux et sain. Les grandes routes du Dauphiné à Aix, Marseille, et dans tout le reste de la Basse-Provence, qui la traversent, sont toujours praticables, même dans la rigoureuse saison; cette ville est entourée, à la distance d'une et deux lieues, d'une multitude de villes et villages extrêmement peuplés, et dont les habitants fréquentent, ainsi que ceux de Forcalquier, ses marchés établis les jeudi et samedi de chaque semaine; elle possède encore, dans son enceinte, les plus beaux greniers publics de la Provence, après ceux d'Aix ; et un château, appartenant aux anciens seigneurs, dans lequel ou trouverait toutes les commodités possibles, pour la tenue des assemblées du district et du directoire, et pour le siège de l'administration de justice.
Malgré tous ces avantages, cette ville, qui n'a pas eu le bonheur d'avoir aucun député à l'Assemblée nationale, fut cependant informée qu'on l'avait jetée, pour ainsi dire, dans le département du nord de la Haute-Provence, quoique toutes ses relations soient avec le département d'Aix; et qu'elle avait été oubliée dans la distribution des districts. Elle crut alors devoir députer auprès de l'Assemblée nationale, le sieur Raffin, député-suppléant, pour venir réclamer sa justice et obtenir le redressement des torts qu'elle éprouvait dans le projet de division du département du nord, arrêté par MM. les députés dudit département.
C'est à leur justice d'abord que son député a porté ses réclamations ; elles ont été accueillies avec cet esprit d'équité qu'il s'attendait de trouver en eux ; et, d'un commun accord, ils furent d'avis de faire alterner entre la ville de Forcalquier et celle de Manosque l'établissement du district. Cet avis fut unanime. Un seul député, habitant de Forcalquier, présent, refusa d'y adhérer.
Le député de Manosque proposa alors, aux membres assemblés de signer leur avis ; ils lui répondirent qu'incessamment ils auraient une assemblée pour présenter au comité de constitution leur travail sur la formation des districts du département, et qu'alors, ils feraient part au comité de leur délibération sur l'alternat convenu entre Forcalquier et Manosque.
D'après ces faits, le sieur député dressa un
mémoire, dans lequel il rendait compte de ce qui avait été arrêté par les membres du département. Il eutl'honneurde le présenter, le28du moisdejan-vieràM. Gossin, rapporteur du comité, qui, excédé de travail, ne put en faire qu'une lecture rapide, et lui dit de le remettre au secrétariat, et qu'il s'en occuperait lorsqu'il travaillerait audit département. Par quel événement inconcevable, et comment a-t-il pu se faire que le premier février, avant qu'il s'agit de la distribution des districts du département, et même de la fixation de leur nombre, ou ait rapporté une prétendue difficulté existant entre Forcalquier et Manosque? C'est cependant ce qui a été fait; et l'Assemblée nationale, ignorant la détermination des députés du département, prononça en faveur de Forcalquier..
On peut juger, par là, jusqu'à quel point on a Osé surprendre la religion de M. le rapporteur, et par là même, celle de l'Assemblée nationale.
En vain, M. Pochet, député d'Aix, s'empressa, sur ce rapport imprévu, de faire valoir ies justes raisons de la ville de Manosque; M. le rapporteur répondit qu'il n'était question, dans le moment que de fixer à Forcalquier le chef-lieu du directoire, et que cela n'empêchait pas que le tribunal de district ne fût établi à Manosque ; ce fut à la faveur de cette déclaration faite à i Assemblée que le décret fut rendu.
A cette nouvelle, aussi cruelle qu'inattendue, le sieur député de Manosque en porta ses plaintes à M. Gossin, qui lui avoua avoir été induit à erreur, mais qu'on réservait à Manosque la concurrence pour tous les établissements qui seraient fixés dans le district de Forcalquier, et que ce serait un droit de plus pour avoir l'établissement du tribunal de justice. En effet, dans le rapportdu procès-verbal général, il fut dit par M. le rapporteur que l'établissement du tribunal de justice serait fixé à Manosque : cet énoncé essuya des difficultés de la part d'un député de la sénéchaussée de Forcalquier qui observa que cet article n'avait pas étécon-venu, sans vouloir reconnaître que tout au moins l'alternat avait été unanimement délibéré. M. le président prononça qu'on s'en tiendrait au décret qui porte que la ville de Manosque pourra concourir pour tous les établissements qui seront fixés dans le district.
Cette ville, qui réunit les trois principes de la population, de la contribution, du territoire et de la plus belle localité, n'a pas, comme celle de Forcalquier, la prétention de se faire attribuer la préférence sur tous les objets, de tout accaparer, ae tout envahir ; elle se borne seulement à demander à partager les établissements du district, et puisque Forcalquier a eu le moyen de se faire attribuer celui du directoire exclusivement, contre la décision et le vœu des députés du département, il est du bon ordre, de toute justice, et dans les principes de l'Assemblée nationale, quela ville de Manosque ait la tribunal de justice.
Le décret de l'Assemblée nationale, qui admet au concours la ville de Manosque pour tous les établissements, ne peut avoir été rendu en vain : il doit avoir son effet. Et que pourrait-on lui accorder, si elle n'obtenait le tribunal de justice? il s'ensuivrait que la ville la plus considérable, non-seulement du district, mais du département même, serait entièrement oubliée dans la distribution des établissements, et traitée à l'instar du pluschétif village. Un pareil exemple serait unique dans le royaume, et contraire aux principes qui ont déterminé la division en départements, en districts. u
La ville de Manosque n'est t dirigée par
l'ambition, mais par les motifs de la plus exacte équité; sa demande ne peut être que favorablement accueillie ; elle est fondée sur les principes qui guident l'Assemblée nationale, et une suite nécessaire de son décret. Comment pourrait-elle s'y refuser? on ne peut présumer une pareille contradiction ; et les sentiments de respect et de dévouement envers l'Assemblée nationale, que la ville de Manosque a consignés dans une délibération, ci-après imprimée, et prise depuis l'installation de sa nouvelle municipalité, ne laissent aucun doute sur la pleine et entière confiance qu'elle a dans sa justice; le décret favorable, qui lui attribuera le tribunal de justice qu'elle sollicite, pénétrera ses habitants de ce sentiment consolant qui doit dominer dans tous les cœurs, et fera cesser celui du désespoir qui s'était emparé de tous les esprits ; et ils diront alors : « La faveur n'a plus de pou-« voir, la protection plus d'influence, l'arbitraire « plus d'empire : l'équité, la raison, l'intérêt général, décidant de tout, le règne des in-« justices est passé. »
Signé : Raffin, député-suppléant et député extraordinaire de la ville de Manosque.
Délibération de la ville de Manosque.
Extrait des reqistres des délibérations ' de la commune de la ville de Manosque.
L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, et le vingt-deux février, le conseil général de la commune de cette ville de Manosque, assemblé dans la maison de ville, ont été présents :
M. Joseph Eyriez, avocat-maire ;
MM. les officiers municipaux ;
MM. les notables ;
M. Richard, notaire royal, procureur de la commune.
M. le maire a dit que la nouvelle municipalité, entrant en fonctions, doit principalement s occuper des objets majeurs qui intéressent la communauté, et rendre hommage aux décrets de l'Assemblée nationale.
La communauté a déjà donné son adhésion à tous lies décrets; nous avons prêté un serment solennel de les maintenir, et nous devons par acclamation adhérer à tous les décrets qui ont été antérieurement envoyés et reçus.
En entrant dans nos fonctions, nous trouvons les déclarations du don patriotique et du quart des revenus, arrêtées depuis quelque temps : le zèle des habitants de cette ville a été ralenti par les assurances qui ont été données que Manosque n'avait point eu de district, quoique, d'après les principes consacrés dans les décrets de l'auguste Assemblée nationale, tout concoure à en placer un dans cette ville. Son point central, relatif aux populations qui l'entourent; la commodité des abords de la ville, et des ressources pour les personnes qui s'y rendent; sa pupulatiou; l'importance des impôts qu'elle paye; tout concourt à réclamer un district pour la ville de Manosque.
Ces considérations ne doivent point arrêter les effets de notre zèle; si la religion de l'auguste Assemblée de la nation a été surprise, nous devons espérer, avec confiance, qu'elle nous rendra justice lorsqu'elle aura connaissance de notre bon droit ; lorsqu'elle saura que la princi pale ville du département du nord de la Provence est traitée.
comme le plus chétif village de cette contrée ; que Forcalquier, Sisteron, Digne, Castellaue et la vallée de Barcelonnette, cités peu commodes, qui n'ont pas la moitié de la population de Ma-nosque, qui ne payent pas la moitié des impôts que paye Manosque, ont obtenu des districts et que Manosque n'a rien obtenu. En vain objecte-t-on que Manosque peut se soutenir par ses propres avantages : cette raison, si elle était exacte, serait combattue par les décrets de la nation ; mais dans le fait, malgré les ressources de son territoire, la communauté de Manosque est écrasée sous le fardeau d'environ trois cent mille livres de dettes, sans le fardeau des impositions annuelles, et l'habitant n'a que de faibles ressources et peu de moyens; au lieu que des cités moins considérables, vivent dans l'aisance par une espèce d'aristocratie
au'elles avaient coutume d'exercer sur la ville de anosque.
11 est donc bien affligeant, Messieurs, de penser que, par certaines influences, de petites cités soient honorées d'avoir des districts, et que la ville la plus importante du département n'ait rien eu, absolument rien ; nous devons donc espérer avec confiance que justice nous sera enfin rendue; mais si nous ne devons jamais cesser de la réclamer, nous devons, en l'attendant, redoubler de zèle pour l'exécution des décrets de la nation ; nous de'vons nous hâter de terminer les déclarations du quart et des dons patriotiques ; nous devons redoubler d'efforts pour engager tous les citoyens qui n'ont pas encore satisfait à ce devoir de s empresser à le remplir.
Sur quoi, le conseil général de la nouvelle municipalité, ouï le procureur de la commune, a Unanimement délibéré, et par acclamation, d'adhérer à tous les décrets sanctionnés de l'Assemblée nationale, de les observer et exécuter suivant leur forme et teneur, et de les maintenir de toutes ses forces et de tout son pouvoir.
Il a encore unanimement délibéré, et par acclamation, de faire publier, dès le soir même, que tous les citoyens qui n'ont pas encore fait leur déclaration patriotique, s'empressent de venir remplir ce devoir, sans perte de temps, et de les gagner par tous les motifs de l'honneur, de zèle du bien public, et de bon patriotisme, d'y satisfaire sans délai ; d'envoyer extrait de la présente délibération à M. Raffin, député de cette communauté à Paris, pour la représenter aux augustes représentants de la nation; de mettre sous leurs yeux la justice de la réclamation d'un district en faveur ae cette communauté; de représenter à cette respectable Assemblée que la ville de Manosque ne peut supporter l'affligeante idée d'être réduite à la classe des plus modiques villages, tandis que toutes les villes de la province, qui lui sont bien inférieures, en ont obtenu; que cette idée désespérante a tellement navré le cœur du peuple, a tellement réveillé la jalousie çt la rivalité, qui, de tous les temps, ont subsisté entre les habitants de Manosque et ceux de Forcalquier, qu'il serait à craindre qu'il n'en résultât quelque trouble : la tranquillité publique de la contrée, et tous les motifs de justice et de convenance exigeraient qu'en laissant subsister un district à Forcalquier, il y en eût un à Manosque qui aurait un arrondissement du côté du Midi, ou qu'enfin Manosque eût le tribunal de justice, parce que, faisant partie de la nation, payant une contribution importante, elle payait le quart de ce que payait la viguerie, étant la première ville de sou département. Sa localité centrale, relative à la population, renferme les
commodités quelles voyageurs qui l'abordent désirent.
Signé : EyriEZ, maire ,Reyne, notaire: Astouin, Chabran, d'Antoine, Alic, Tassy, huissier royal, officiers municipaux et MM. les notables ici présents.
Collationné par nous ;
Desorgues, greffier.
Aoresse de la ville de Thivïers ainsi conçue :
Messieurs, lorsque toutes les provinces retentissent des applaudissements qu'excitent chaque jour dans la capitale vos brillants travaux, nous nous portons à regret à vous faire entendre nos respectueuses réclamations. Cependant une réflexion nous y détermine : si les félicitations que vous recevez attestent vos bienfaits, les représentations qu'on vous adresse peuvent seules, en éclairant votre justice, en préparer de nouveaux. Ët pourquoi, Messieurs, garderions-nous le silence sur un décret qui a jeté ta consternation parmi nous ? Vous dissimuler nos peines, ce serait trahir vos intentions. Le temps n'est plus où l'autorité obligeait â se taire les malheureux qu'elle faisait ; quand toutes les espèces de liberté sont rendues à l'homme, du moins celle de se plaindre, la dernière qui doit lui rester, ne lui sera pas interdite.
Nous réclamons contre le décret de l'Assemblée nationale du 26 janvier dernier, sur la division du Périgord, qui établit à Excideuil le chef-lieu du district dans lequel cette ville et celle de Thi-viers sont situées. Nous prétendons que cette dernière méritait la préférence. Daignez, Messieurs, prendre en considération nos moyens.
Le district, dont l'étendue embrasse les villes de Thiviers et d'Excideuil, est borné au nord par le Limousin, aU levant par le district de Montignac, au midi, par celui de Périgueux, au couchant par celui de Nontron.
Thiviers est à cinq lieues de la frontière du Limousin, huit lieues de Périgueux, dix lieues de Montignac, cinq lieues et demie de Nontron.
Les paroisses les plus reculées du côté du nord, quoiqu'à cinq lieues de Thiviers, sont encore plus près de cette ville que d'aucune autre de la province.
Au midi, la distance de Thiviers à Périgueux laisse un espace suffisant pour les deux districts»
Au couchant, le rayon du district ne peut avoir que trois petites lieues; mais il doit en avoir cinq au levant, ce qui rend le3 deux diamètres à peu près égaux.
On objecte à la ville de Thiviers qu'elle est trop près de Nontron et trop 4oin de Montignac. Elle peut objecter de même à celle d'Excideuil qu'elle est trop près de Montignac et trop loin de Nontron, Le point central de l'espace qui sépare Montignac de Nontron. est entre Thiviers et Excideuil. Or, il convient à la distribution générale de lapravince, que le centre du district qu'il s'agit de former soit plus rapproché de Nontron que de Montignac ; 1° afin que le district de Nontron, qui s'étend beaucoup au couchant, n'étant borné que par le Poitou et l'Angoumois, soit un peu resserré du côté de Thiviers qui est à l'opposite Sarlat ; 2° Afin que celui de Montignac, qui se trouve resserré par celui de Sarlat, puisse S'étendre davantage vers Thiviers.
Si, au contraire, le centre du district est à Exci-
deuil, celui de Montignac se réduit à un trop petit espace, et celui de Nontron acquiert une étendue
3ui n'a aucune proportion avec les autres districts e la province.
Ainsi : 1° La ville de Thiviers a pour elle l'avantage de la position ;
2° Elle est située sur la grande route de Limoges à Bordeaux, qui en rend l'accès très facile, surtout pour les paroisses du nord et du midi : aucune grande route n'aboutit à Excideuil ;
3° La ville de Thiviers est plus peuplée d'un tiers que celle d'Excideuil ;
4° Les environs de Thiviers sont aussi plus peuplés que ceux d'Excideuil. Autour d'Excideuil, les paroisses sont plus multipliées ; mais ce sont les habitants qu'il faut compter, et non les clochers ; car, en traçant un cercle autour de l'une et de l'autre ville, à rayons égaux, l'arrondissement de Thiviers renferme plus d'habitants que celui d'Excideuil;
5° La ville de Thiviers étant tout à la fois l'entrepôt du commerce entre le Périgord et le Limousin, le siège d'une justice royale, et le chef-lieu d'une subdélégation qui embrassait quarante-quatre paroisses (et la ville d'Excideuil elle-même), les relations de toute espèce se sont établies entre elle et ses voisins, et le temps a formé des habitudes qu'il serait dangereux de rompre en un moment.
C'est à ces relations, c'est à ces habitudes, autant qu'à l'avantage de sa position, que la ville de Thiviers doit le titre le plus imposant et le plu3 respectable qu'elle invoque aujourd'hui : ce titre, c'est le vœu de trente paroisses, dont la population excède trente mille âmes ; ce vœu s'est manifesté avant la décision de l'Assemblée nationale ; et après la décision, les habitants persistent : ils pressent, ils conjurent la ville deThiviersd'élever la voix, prêts à se réunir à elle pour réclamer avec instance un droit moins intéressant pour elle-même que pour ses voisins.
Le vœu du peuple étant connu, toute discussion sur les avantages respectifs des deux villes est superflue. Personne n'en pouvait mieux juger que les intéressés; ils ont prononcé : que les doutes cessent, que les objections disparaissent ; la question se réduit à ce point : dix ou douze mille citoyens, qui trouvent la ville d'Excideuil plus à leur convenance, l'emporteront-ils sur trente mille qui préfèrent celle de Thiviers?
Malgré la force de ces moyens, la ville de Thiviers ne se dissimule pas, Messieurs, la difficulté d'obtenir ce qu'un décret a déjà accordé à sa rivale. Mais elle sait que l'apanage de la souveraineté est de réformer, quand il lui plaît, son propre ouvrage. Jusqu'ici, les obstacles du dehors n'ont point arrêté l'Assemblée nationale dans sa marche; elle n'en trouvera point d'invincibles dans ses propres décrets. En triomphant des uns, elle a fait éclater sa puissance; en surmontant les autres, elle ajoutera à sa gloire. Déjà, et plus d'une fois, elle a prouvé, par de grands exemples, qu'elle tenait plus au bien public qu'à ses opinions. N'a-t-elle pas, cédant aux besoins de l'Etat, admis des emprunts plus onéreux que ceux qu'elle avaient rejetés, lorsqu'apparemment ces mêmes besoins étaient moins urgents? N'a-t-elle pas, en affranchissant du timbre certainsactes publics,autorisé implicitement la perception de cet impôt sur la justice qu'elle a promis de faire rendre gratuite-ment?N'a-t-ellepas aboli les dîmes ecclésiastiques, après les avoir déclarées rachetables? Sans doute l'Assemblée a été déterminée par de puissantes considérations : celles que présente la ville de Thi-
viers ne sont pas du même poids; aussi le décret dont elle demande la rectification, n'est-il pas de la même importance. Que l'intérêt général influe seul sur les lois générales : les lois particulières se plient aux intérêts particuliers. Ici l'intérêt du district n'est pas équivoque. Trente mille citoyens l'ont fait connaître. Leur réclamation ne saurait être indifférente sous aucun rapport : ils se flattent qu'elle ne sera pas dédaignée.
La présente adresse a été délibérée et arrêtée en l'assemblée générale des citoyens de toutes les classes de la ville de Thiviers, pour être imprimée et distribuée à MM. les députés à l'Assemblée nationale.
A Thiviers, ce
Signé: Gaillard, premier officier municipal; Rochefort, maire, la Barde, notable, Faure, consul, Sudrie, conseiller-consul, de Grafanaux, Bouillou, consul, Sudrie, jeune, procureur de la commune, Bouillon, député de Sarrazat; Beau-roubert, député de Vaunac, Ghanlout, Audeberd, député de Vaunac, Dubain, député de Vaunac, Condamy, procureur, Boudineau, Duchateau, commandant de la garde nationale; Bourget, notable; la Rivière, syndic de l'hôpital; Delage, Pijaria, Barthez, Bonneaa, Bost, Virideau, Faure, Dupuis, Theulier, Faure, Dupuy, Froment, Vacher, Desplat, Darfeuille, Puirajoux, Clergeaud, Frégère, George, Pyneaux, Félix, chirurgien-major, Chevalier de Vaucourt, Chevalier, Dumas dë l'Etang, Eyriaud, Faure, Vacher aîné, Faure, La Plante, D. M., Habrie, La Plante, chirurgien, Lasescuras de la Pouyade,/îis, avocat, Delage, Deglane, Béaus, Bost, la Pouvade, avocat, Marsaud, notable, De-iuge, uotable, Montenceix, notable, Rivière, Bo-nyer, Goursat, Fricout, Barbarin, Reynaud, Quartier, Bouillou, praticien, Sudrie, Meynard.praticien, Bernard, le Claud Démarque, Guillaume, Seiller, Delage, La Jartes, Pierre Boyat, Pijarias, Eimérit, Jartout, Passerieux, Baptiste Gautier, Quartier, Meynard, procureur, Rossignol de Combier, président du comité de police, et député de Saint-Pol-la floche,Meynard, praticien, Mauroux, La Rivière, la Jarte, Gaillard de Vaucocourt, avocat, Gautier, Vieux, Pineaut, Dunatine, officier municipal et député de Négrondes, Martin de la Rochille, commandant de la troupe nationale de Négrondes et député dudit lieu, Boyer de la Coudercherie, député de Lempzours, Delage, notable, Gouzon de la Prairie, prieur-curé deSaint-Jean-de-Côle, député, Eymery, Gaillard, officier municipal, «de Brageas, député de Saint-Clément et de Thiviers, Eymery, député de Saint-Martin de Freyssengeas, Maignè, notable, Quartier, notable, Faurichon, avocat, notable, Delage, D. M. et membre de la municipalité, Lavaure de Graflanaux, Lasserve de Lisardies, avocat, de Lasescuras, lieutenant général de police, Pouzol, Lasescuras de l'Epine, Bourgoin ar-chiprêtre de Thiviers, Duchadeau, Dubut, député deSaint-Pierre-de-Côle, Fargeot, député de Saint-Pau l-la-Roche, Teixiers, député de Sainte-Marie-de-Frugie, Puissa, député de Sainte-Marie-de-Frugie, Puirajoux, député de Saint-Jory-de-Cha-laix, Berger, député de Saint-Jory-de-Chalaix, Maury, député de la paroisse de Sorges, Judet de Chantecore, député de Mialet, de Gorsset, député de Mialet, NoëldeNarson, avocat, maire et député de Saint-Jean-de-Côle, Compeaud, officier municipal, député de Saint-Jean-de-Côle, La Perrière, commandant de la garde nationale de Nantheuil. et député de la commune dudit Nantheuil, Tar-rade, député de la paroisse de Nantheuil, et procureur-syndic de la municipalité, Gros de Pnyr
martin, dépulé de Jumilliac de Côle, Amblard, député de Jumilhac de Côle, Puyreveau. curé de Saint-Clément, et député de ladite paroisse, la Plunte, père, Clergeau, député de Saint-Romain, Lagardie, député de Saint-Romain, Lavaud, Desmaison, de Lacotte, Boulhous de Beau-Soleil,Cha-brely, Sudrie Bordestin.Tondut, Tbuillier, Lespi-nas, Lauronlandie, Magne de Nantlieuil,de Regnier des Limaignes, notable, Pierre Bonneaud, Cher-cbouly, curé, Devferat, député, Fournier, député de Chalaix, Papou, dépulé de la paroisse de Nan-thiac, Lamothe, maire et député de Nanthiac, Martin, curé de Jumilhac, député, Germain, maire, député, Montet de Laurière, procureur de la commune, député de Jumilhac, Delage, curé, maire et dépulé de Firbeix, Thuilier, avocat, la Pouyade, jeune, Rost (1).
Adresse des procureurs du bailliage du Buis, qui abandonnent leur sort à la sagesse de l'Assemblée nationale, et protestent qu'ils sont disposés à tous les sacrifices qui pourront tourner a l'avantage delà chose publique.
Adresses des religieuses de l'ordre de Saint-Dominique, établies dans la ville de Rozoy en Brie, et ae la garde nationale de la ville de Saint-Bon net-le-Château en Forez. Ces religieuses demandent la conservation de leur monastère.
Adresse de la ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné, et de celle de Tannay; elles expriment avec énergie les sentiments de joie et d'attendrissement que tous les citoyens ont manifestés à la nouvelle de la démarche sublime du meilleur des rois.
Lettres de MM. Kelly et Duteil, commandant deux régiments en garnison à Metz, qui accusent la réception de celle qui leur a été adressée par l'Assemblée nationale, et présentent l'hommage de leur respectueuse soumission aux décrets de l'auguste Assemblée.
Adresses des nouvelles municipalités de la ville de Thouars, de la communauté de Verton, de
celle de Font-Gombault, près le Blanc en Rerry, de celle de Gompreignac en Limousin, de celle
de Saunois, des paroisses de l'élection de Mor-tain, de la communauté du Ménil-Hardray, de
celle de Brughat en Bourbonnais, de la ville de Pontrieux, de la communauté de
Saint-Groix-sur-Mer, du quartier des Guibertes, Fresruct, ei Serre-Barbein, dans le
Briançonnais, de la communauté de Palinges en Charolais, de celle de Vatan, de celle de
Bruyères-Trugny, et de la milice nationale de cette communauté, de la ville de Lan ion, des
communautés de Genlis, Uchy, Longeault, Labergement, Ferguey, Pluivault, Longchamp,
Tart-le-Haut» Martine, Varanges, Tart-le-Bas en Bourgogne, de la ville de Pelle-grue, de la
communauté de Branne, du bourg de Saint-Esprit près de Bayonne.de la ville de Sables en
Bas-Poitou, de la communauté de Ville-Berny en Auxois, de celle de Saint-Aubin près deNolay,
de celle d'Héricy, de celle deBern, de la ville de Lure, de la communauté de Saponcourt, de
la ville de Jussey en Franche-Comté, de la communauté de Coudray-sur-Seine, de la communauté
Les villes de Pontrieux et de Gournay demandent une justice royale ; la communauté de Saint-Aubin, prés Nolav, se plaint d'une inexactitude dans l'envoi des décrets ; et la communauté de Compreignac en Limousin demande si la destruction du régime féodal ne proscrit pas le droit du seigneur, d'avoir un banc dans l'église.
Adresse des habitants de Bonifacio, dans l'île de Corse, qui adhèrent aux décrets de l'Assemblée nationale, et annoncent qu'on a arrêté de chanter un Te Deum, et de faire un feu de joie, et une illumination générale.
Adresse de la communauté de Galloy, qui renouvelle les assurances de sa fidélité et de sa soumission à la nation française, au roi et à la loi.
Adresse de la ville du Mans, et de celle de Saint-Venant, contenant l'expression de l'allégresse des habitants, à la nouvelle de la mémorable journée du 4 de ce mois. Pénétrés d'amour et de reconnaissance pour le roi et l'Assemblée nationale, ils ont prêté le serment civique.
Adresse de la communauté de Girondelle en Champagne ; elle demande d'être un chef-lieu de canton.
Adresse des juges et consuls de Lorraine et Barrois, résidents à Nancy ; des officiers du bailliage royal de Neufchâteau,et de ceux du bailliage d'Epinal; ils prêtent le serment civique entre les mains de l'Assemblée nationale.
Adresse des curés de la contrée du Poitou, appelée Gatine; ils supplient l'Assemblée de s'iotéresser à leur sort.
Adresses de la ville de Lorient, de celle d'Uzer-che, Bas-Limousin, et de celle de Yitry-le-François ; elleâ expriment de la manière la plus patriotique les sentiments de joie, d'amour et de reconnaissance, que tous les citoyens ont fait éclater à la nouvelle du discours du roi; ils ont prêté avec la plus grande solennité le serment civique.
Adresses de la communauté de Franconville-la-Garenne, de celle de Saint-Jean-de-Bonnefons en Forez, et de celle de Logues-sur-Marne; elles font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Délibération des habitants de la communauté
de Vannaveys-le-Bas en Dauphiné, qui, pour donner des preuves de leur soumission el adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, font don àla nation d'un capital de la somme de 1,356 livres et des intérêts échus; le tout dû à ladite communauté pour la linance de l'office de collecteur.
Autre délibération des habitants de la communauté de Brié et Angonnes, qui, pénétrés des mêmes sentiments, font aussi abandon à la nation d'un capital de la somme des 931 livres et des arrérages d'intérêts à eux dus pour même cause,
Adresse de la communauté de Marpin en Franche-Comté; elle fait "le don patriotique de la somme de 2,000 livres provenant de la vente de leur quart de forêt en réserve, qui est entre les mains du receveur général des domaines et bois de la province.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de plusieurs laboureurs de la ville de Riom. Adresses des ofliciers municipaux et conseil
Fermanent de la ville de Rodez; ils instruisent Assemblée des insurrections qui affligent le département de Rouergue: ils en attribuent la cause à de faux décrets de l'Assemblée, et de faux ordres du roi, que les ennemis de la patrie ont fait circuler dans celte contrée ; il expriment les sentiments de joie et d'attendrissement qu'a excités en eux le discours de Sa Majesté ; ils ont prêté le serment civique.
Adresse des députés à l'assemblée générale de la Martinique, qui annoncent que la paix règne en ce moment dans cette colonie. Ils font le plus grand éloge de M. le comte de Yioménil, commandant de celte île.
Adresse de la garde nationale de la ville de Blaye, qui adhère à celle présentée par la garde nationale de la ville de Bordeaux.
Adresse des officiers du régiment d'Esthérazy, qui annoncent qu'ils se sont hâtés de faire traduire dans la langue allemande la lettre qui leur a été adressée par l'Assemblée nationale, pour la faire lire, dans chaque chambre, aux hussards Alsaciens et Lorrains Allemands, qui forment le fond du corps. Ils présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Procès-verbal de prestation de serment de tous les citoyens de la ville d Orzone-sur-Treze.
Adresse du sieur Le Roux, résidant à Paris, qui fait hommage à l'Assemblée de plusieurs ouvrages.
Adresse de la ville de Saint-Marcellin, présentée par M. de Montmorand, son député extraordinaire, contenant une fédération des gardes nationales des principales villes et communes du Dauphiné, représentant 19,547 hommes armés, autorisés par leurs municipalités, qui, rassemblées le 2 de ce mois sous les murs de Saint-Marcellin, ont prononcé, dans la forme la plus auguste, et au pied des autels, le serment solennel d'obéir à la nation, à la loi et au roi, de soutenir et faire exécuter les décrets de l'Assemblée, de veiller à la sûreté et à l'inviolabilité de ses membres, d'assurer l'exacte perception des subsides, de prévenir tous projets dangereux de la part des ennemis de la constitution, de vivre dans une parfaite union avec leurs voisins* et de se donner assistance réciproque.
Cette ville se glorifie à juste titre dlavoir été une des premières qui ait présenté ses hommages à l'Assemblée, et d'avoir maintenu l'ordre «t la tranquillité dans l'étendue de son bailliage. Adresse des nouvelles municipalités de la ville
de Selles en Berry, de la ville de Romans en Dauphiné, de la communauté de Marby en Champagne, de la ville de Billy en Bourbonnais, du bourg de Chelles, de la communauté de Notre-Dame-de-Chapelle-Royale en Bourgogne, de la ville de Dieppe, de la communauté de Saint-Ger-mer en Bauvoisis, de la ville de Luzy en Nivernois, de celle de Persignat, de celle de Meligny,de celle de Muzé eu Anjou, de celle de Trévilly, de celle de Flirev, de celle de Montauban en Bretagne, de celle de Bouillonville, de celle de Milly-le-Mengon, de la villje de Saint-Valery-en-Caux, de celle de Pontaudemer, de celle de Montmarault, de la communauté d'Aubergenville, de la communauté de Daillant-sur-Milleroii,de celle de celle de Boullay, de Martaizé, de la ville de Doué, de la communauté, de Saint-Baussant en Lorraine, de celle de Saint-Sylvestre, de celle de Hourgues, de celle de Montreuil en Normandie, de la ville de Massy-l'Evêque, de celle de Niort, de celle de Couches, de celle de Pellegrueen Albret, de celle de Lunéville, de celle de Cannes en Provence, de celle d'Issy-lês-Paris, de la communauté de Muz-d'Azil en Foix, de la ville de Valence, de la communauté de Neuilly-Saint-Front, de la ville de Vitré en Bretagne, dès communautés de Tugny.etTrugny, près de Béthel, de la ville de Sens, de la communauté de Lian-court, de la ville de Moulins en Bourbonnais, de la ville de Sauveterre en Béarn, de la communauté de Montboucher, de celle de Saint-Pierre-de-Breuil-la-Réorte, de la ville de la Plume, de celle d'Autrain, de celle de Marciac en Bigorre, et celle de Fontainebleau.
La ville de Selles réclame la protection de l'Assemblée, relativement à l'aliénation des biens d'un monastère supprimé, faite à son préjudice.
La ville de Billy sollicite la suppression du droit de Blairie, que le seigneur exige annuellement de ses vassaux ; elle demande qu'il soit statué par un décret si ce droit est supprimé avec la main-morte personnelle.
La communauté de Saint-Germer porte plainte contre ses anciens officiers municipaux.
La ville de Montmarault fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande un tribunal de district.
La communauté d'Aubergenville fait le même don, indépendamment de la contribution patriotique.
La ville de Mussy-l'Evêque fait hommage à la patrie d'une somme de 1,500 livres qu'elle a payée pour l'acquisition de ses anciens offices municipaux.
La ville de Pellegrue annonce que sa contribution patriotique excède de 4,000 livres ses impositions directes et accessoires, et demande d'être le siège d'un des nouveaux établissements; elle annonce encore que le bon ordre et la plus parfaite union ont régné dans la formation de sa nouvelle municipalité, qui a prêté le serment civique de concert avec tous les habitants.
Le sieur Douât Roize, un des officiers municipaux de la ville de Roize en Provence, fait donr indépendamment de sa contribution patriotique, d'une somme de 144 livres.
Les municipalités de Tugny et Trugny annoncent que les déclarations patriotiques des habitants s'élèvent à la somme de 2,464 livres.
Les officiers municipaux de la ville de la Plume supplient l'Assemblée de déterminer leur costume.
Les villes d'Autrain et de Marciac sollicitent avec instance un tribunal de district.
Adresse du curé de Saint-Pierre-le-Moulier ; il
annonce que c'est avec les transports de la reconnaissance et de l'admiration que les habitants ont entendu au prône la lecture de la sublime et touchante adresse aux Français.
Adresse des jeunes citoyens volontaires de la ville de Dijon ; ils supplient l'Assemblée de les assujettir au même régime que les milices nationales.
Adresse des habitants de la ville de Sédan, qui, en rappelant que cette ville est la patrie de Tu-renne, regrettent le trop long silence que leurs précédents administrateurs leur ont fait garder dans des circonstances si intéressantes pour tous les Français; ils se félicitent de ce qu'ils ont au moins l'avantage que leur adhésion et leur félicitation porteut sur un ouvrage qui mérite la vénération des peuples, et touche au terme de sa perfection.
Adresse de la municipalité de Nogent-le-Rotrou; elle supplie l'Assemblée d'agréer que M. Mar-gonne, élu maire de cette ville, suspende pour quelques jours les travaux qui l'occupent à l'Assemblée nationale, pour venir présider leurs premières opérations, et y développer, dans des moments si précieux, les principes régénérateurs et politiques qu'il a puisés au milieu des représentants de la nation.
Adresse de la paroisse de Ponthumé, près de Châtellerault, et don patriotique de la contribution des privilégiés pour les six derniers mois 1789.
Le curé de cette paroisse, élu maire, a prévenu les décrets de l'Assemblée, en lisant au prône le discours du roi prononcé dans la séance du 4, et l'adresse de l'Assemblée aux Français ; il offre en don patriotique une somme de laO livres.
Adresse du conseil général des membres de la commune de Saint-Hippolyte en Languedoc, qui annoncent que le calme le plus satisfaisant a régné pendant la formation de sa nouvelle municipalité, que les ministres de la religion catholique et protestante ont fait à leurs ouailles respectives la lecture du discours du roi, et que le même jour toutes les rues ont été illuminées par un mouvement d'allégresse générale.
Adresse de félicitation de.la commune deChar-leville, sur l'adhésion du roi à la constitution, avec déclaration que les habitants prêtent le serment à la constitution, et que placés sur la frontière du royaume, leur milice nationale, prête à donner des preuves de sa valeur, éloignera les ennemis de la félicité publique, et qu'ils ne parviendront à l'Assemblée nationale, qu'en marchant sur les corps de ses gardes nationales, et'sur les cendres de ses habitations.
Adresse de félicitation des citoyens actifs de la ville de Rugles en Normandie, offrant à la patrie la somme de 345 livres 11 s. 9 d. résultant de l'imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, et le sacrifice de leurs biens, de l^ur vie même, pour maintenir la constitution, et faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale.
A cette adresse est jointe copie du procès-verbal de l'élection des nouveaux officiers municipaux de la même ville.
Don patriotique de la maison de M. le duc de Penthièvre, de la somme de 3,000 livres, présenté par M. Délaisse, capitaine garde-côte, l'un de ses secrétaires.
fait, au nom de MM. de l'Oratoire, professeurs de l'école royale de Juilly, un
don patriotique de 500 livres en argent, et de plusieurs paires de boucles et autres pièces d'argenterie.
11 dépose aussi sur le bureau le procès-verbal de la prestation du serment civique par les habitants de Montmorency.
, député de Saint-Domingue, annonce à l'Assemblée que les habitants des Gayes, île Saint-Domingue, lui ont adressé une somme de 4,400 livres, qu'ils destinent au soulagement des femmes et des enfants de ceux qui ont péri dans l'attaque et la prise de la Bastille; il prie l'Assemblée de trouver bon que cette somme soit déposée entre les mains de M. le maire de Paris. L'Assemblée adopte cet avis, et témoigne combien elle est satisfaite de la générosité des colons.
Une députation de la commune dePuris (M. l'abbé Millot portant la parole) supplie l'Assemblée d'étendre aux juifs domiciliés dans Paris le décret qui a déclaré citoyens actifs les juifs connus sous la dénomination de portugais, espagnols et avignonnais.
L'Assemblée nationale s'est fait un devoir sacré de rendre à tous les hommes leurs droits; elle a décrété les conditions nécessaires pour être citoyen actif : c'est dans cet esprit, c'est en se rapprochant de ces conditions qu'elle examinera, dans sa justice, les raisons que vous exposez d'une manière si touchante en faveur des juifs. L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance.
Une députation de l'armée patriotique bordelaise est admise à la barre. — Nosseigneurs, les citoyens de Bordeaux ne furent pas plus tôt instruits des périls qui vous menaçaient et des projets formés contre la constitution dont vous posiez les premiers fondements, qu'ils se réunirent tous, sans distinction d'état, de rang, de condition, et s'armèrent pour vous défendre et maintenir votre ouvrage. Les yeux fixés sur vos glorieux travaux, ils n'en mesurèrent l'étendue que pour mieux seconder vos efforts. Toujours prêts à donner leur vie pour les intérêts de ta nation et de son roi, leur confiance en votre sagesse est égale à leur respect pour vos décrets. En vous offrant l'hommage de sa reconnaissance, en renouvelant à la loi et au vertueux monarque, restaurateur de la liberté française, le serment de sa fidélité, l'armée patriotique bordelaise vient déposer ses alarmes dans votre sein. Le vœu unanime de cette grande cité ne peut vous être présenté d'une manière plus solennelle... Quelques écrivains ont manifesté des opinions erronées sur la traite et la servitude des noirs. D'autres ont hasardé sur notre commerce d'Amérique des idées aussi funestes pour la métropole que pour les colonies.
Ardents à profiter de tout ce qui peut favoriser leurs coupables projets, les ennemis du bien public ont propagé ces systèmes dangereux, et soudain nous avons vu tarir les sources du crédit et de la prospérité... C'est une vérité démontrée aux yeux des politiques les moins instruits, que les colonies ne peuvent subsisler sans la conservation de la servitude et de la traite. 11 est également démontré que le commerce de la France serait anéanti si les colonies cessaient d'exister pour elle, et pour elle seule. Or le commerce est l'agent nécessaire de la marine, de l'agriculture et des arts. Ces grands objets de l'économie politique
forment un tout intimement lié dans ses parties. L'abolition de la servitude et de la traite entraînerait donc la perte de nos colonies : la perte des colonies porterait un coup mortel au commerce, et la ruine du commerce frapperait d'inertie la marine, l'agriculture et les arts. Vous avez consacré, Nosseigneurs, le droit de propriété ; mais la propriété du colon ne serait-elle pas anéantie par l'affranchissement forcé de ses nègres, la plus importante de ses propriétés, et qui seule peut donner du prix aux autres ? La propriété des négociants serait-elle assurée? Quatre cent millions avancés aux colons n'ont pour gage que leurs propriétés, leur industrie. Comment le négociant pourrait-il s'acquitter lui-même envers le cultivateur, le fabricant, devenus ses créanciers ? La ruine totale de l'empire serait la suite de cette effrayante révolution... Les grandes vues d'amélioration qui vous dirigent nous encouragent encore à vous adresser nos très humbles représentations sur la compagnie des Indes et sur celle du Sénégal. — Les privilèges exclusifs doivent être restreints aux objets qui exigent des établissements trop dispendieux pour des particuliers même réunis en association. Mais il arriva presque toujours que les compagnies, exerçant elles-mêmes leurs privilèges avec des moyens insuffisants, ne firent qu'arrêter les mouvements et les progrès du commerce ; vérité démontrée surtout à l'égard de ces deux compagnies dont toute la France s'empresse de vous demander la suppression.
Nous respectons l'ordre que vous avez établi dans vos travaux; mais en attendant que vous régliez définitivement tous les intérêts du commerce intérieur et maritime, daignez rassurer, par un décret solennel, les colons sur leurs propriétés, le négociant sur ses opérations, le propriétaire sur ses créances, le cultivateur sur ses travaux, le manufacturier sur son industrie; daignez surtout rassurer sur ses moyens de subsister cette nombreuse classe d'hommes, aujourd'hui sans occupation, que menaçent et pressent toutes les horreurs du besoin... Il est instant que vous preniez en considération nos vives alarmes. Le décret que nous sollicitons de votre justice vous assurera de nouveaux droits à la reconnaissance de tous les bons Français.
— Des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France avaient aussi été admis à la barre. Un d'eux prononce le discours suivant :
Nosseigneurs, la mission qui fixe au près de vous les députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France ne leur a jamais paru plus pénible qu'en cet instant, où, pressés par les plus puissants intérêts, ils sont forcés de déposer dans le sein de votre auguste Assemblée les alarmes qui se répandent dans les ports de mer, dans les manufactures et dans les colonies. Ces colonies, dont les consommations donnent un si haut prix aux produits de nos terres, qui procurent du travail à plusieurs millions d'hommes occupés dans les manufactures ou dans le commerce maritime; qui versent en France 240 millions de leurs denrées, ne peuvent être cultivées que par des noirs nés dans des climats aussi ardents que celui de nos îles. On a souvent éprouvé si des Européens pourraient suppléer ces Africains, et l'expérience a démontré qu'ils trouveraient leur tombeau dans ces terres brûlantes.
Vous avez pensé, Nosseigneurs, dans votre sagesse^ qu'avant de vous occuper du régime inté-
rieur des colonies, il fallait que le vœu de tous les colons fût complètement exprimé; mais ce qui ne peut se différer sans le plus grand danger (même pour le repos de la France), c'est de rassurer tous les individus que le commerce des colonies alimente. Des écrits, qui se répandent et s'accréditent* réveillent parmi nous ces débats si longuement, et peut-être si insidieusement élevés par les Anglais sur la traite des nègres, ce commerce qu'ils font avec tant d'avantage, et qu'ils conserveront avec tant de soin, malgré le projet d'abolition que quelques écrivains avaient conçu. L'effet de ce projet, qui entraînerait la perte entière de nos îles, répand dans le commerce le découragement, dans le3 colonies l'effroi, et parmi les noirs une licence qui peut devenir funeste. On vous a instruits, Nosseigneurs, des excès commis à la Martinique; les nouvelles de Saint-Domingue, la plus riche de nos possessions lointaines, ajoutent aux alarmes qui s'étaient déjà répandues. Des méchants, excités, ou envoyés parles ennemis du bonheur de la France, y causent une effervescence effrayante. Les habitants y tremblent pour leurs propriétés et leur existence. On a saisi des hommes accusés et convaincus de sédition ; et ce mot, dans un pays qui renferme quatre cent mille noirs et trente mille de nos concitoyens seulement, est un mot terrible. Ces hommes bornés, qui n'aperçoivent pas qu'ils seraient errants et subjugués par d'autres maîtres s'ilsemployaient leurs forées contre ceux qui les gouvernent,"peuvent êtreégaréset entraînés par une fureur aveugle.
Les députés extraordinaires n'étendront pas,. Nosseigneurs, ces considérations et leurs conséquences; vous sentirez que, si elles sont frappantes en droit, elles le sont bien davantage en politique. Nos rivaux sont attentifs à tout ce qui peut tendre à diminuer nos forces et accroître les leurs ; l'Angleterre s'élève, par son commerce,, à un degré de puissance effrayant; le nôtre languit et se dessèche. Nos colonies, nos possessions dans l'Inde, nos pêches, notre commerce dans la Méditerranée, ne suffisent pas à notre industrie et à notre population. Nos ateliers sont déserts, nos ouvriers gémissent dans une inaction désespérante.
Si des nations étrangères envahissaient encore-notre commerce de la traite des noirs, nécessaire à l'accroissement des cultures et des défrichements, qui occupe plus de deux cents vaisseaux, et dont les ventes s'élèvent à 60 millions, elles se rendraient insensiblement maîtresses de tous les approvisionnements des colonies, et en extrairaient tous les produits. Dès lors ces propriétés précieuses s'échapperaient de nos mains et les enrichiraient de nos dépouilles. Au lieu d'accroître nos ressources, serions-nous assez faibles, pour les restreindre, assez peu sages pour les détruire, au milieu du peuple le plus actif et le plus industrieux de l'univers? Les députés extraordinaires espèrent, au contraire, Nosseigneurs, que vos décrets rassureront les agriculteurs et les ouvriers , les commerçants et les colons. Ces décrets montreront à des rivaux ambitieux que votre surveillance embrasse les deux hémisphères ; que leurs projets contre le bonheur et la gloire de la France seront aussi vains qu'impuissants ; que l'agriculture et le commerce vont devenir, par la sagesse de votre constitution, les deux grands pivots de la propriété nationale. Ce que Sully et Colbert n'ont fait qu'ébaucher, vos lois le consommeront; et sur le tronc d'une sage liberté fleuriront ces deux branches immortelles delà prospérité française. Ceux
même qui regrettent les faveurs des abus que vous avez proscrits, trouveront en elles des consolations et de nobles ressources. Ils changeraient en bénédictions leurs doutes sur la restauration complète de l'empire.
En attendant, Nosseigneurs, tous les bienfaits que vos travaux promettent à la nation, les députés extraordinaires, encouragés par la preuve que vous avez déjà donnée à l'égard des créanciers de l'Etat, que vos sollicitudes envers tous les citoyens s'étendaient même sur leurs craintes, vous supplient de prendre dans votre sagesse toutes les mesures convenables pour maintenir l'ordre et la tranquillité dans les colonies, et de décréter que l'Assemblée nationale, considérant que les colonies ne peuvent être cultivées que par les noirs, la traite continuera d'en être faite par les armateurs français.
, aux deux députations. L'Assemblée nationale reconnaît les rapports multipliés du commerce avec la prospérité du royaume; elle sait surtout ce que la France doit à ses travaux, et elle acquittera à son égard la reconnaissance de la nation, en lui accordant la protection la plus étendue. Les alarmes que vous avez cru devoir déposer dans son sein ne peuvent, dans aucun temps, être étrangères à sa sollicitude ; l'Assemblée nationale les pèsera dans sa sagesse et dans sa justice, et elle s'occupera d'accorder les grands intérêts que vous venez d'exposer avec les principes de la nouvelle constitution. Elle vous invite à assister à sa séance.
Une députation de la Société royale de médecine fait hommage à l'Assemblée d'un exemplaire des ouvrages imprimés qui contiennent le travail de cette Société.
Les citoyens et gardes nationaux du district de Saint-Jacques-l'Hôpital offrent un don patriotique de 4,470 livres 12 sous. Ils présentent aussi un projet de monument en l'honneur de Louis XVI.
Une députation du district des Enfants-Rouges adhère à la demande faite par les représentants delà commune de Paris, pour les juifs résidant dans la capitale, et elle fait lecture de la lettre suivante :
« M. le Président, comme citoyen français, j'ai l'honneur d'offrir à ma patrie,' pour mon don patriotique, deux paires de boucles d'argent et un billet de caisse de 300 livres, avec ma soumission de payer une pareille somme le 1er juillet prochain : quoique ces deux sommes réunies surpussent le quart de mon revenu, elles ne diminueront rien à ma contribution ordonnée par le décret de l'auguste Assemblée, le 6 octobre dernier.
« Mais persuadé, dans les circonstances orageuses où se trouve ma patrie, que ce n'est pas seulement d'argent qu'elle a besoin; convaincu, au contraire, que sa tranquillité et son bonheur dépendent essentiellement du maintien de la constitution et de l'exécution des décrets de nos illustres représentants, non-seulement j'offre, comme soldat, de verser la dernière goutte de mon sang pour contribuer à la maintenir et à les exécuter; mais, comme citoyen, je déclare dès aujourd'hui, à la face de la nation et en présence des pères de ta patrie, déchus de ma succession ceux de mes héritiers qui peuvent y prétendre directement oucollatéralement, non-seulement s'ils étaient assez perfides ou assez lâches pour corrompre ou tenter de corrompre quelques citoyens,
ou se laisser corrompre eux-mêmes pour entrer dans quelques complots contre la nation, la constitution, l'Assemblée nationale et ses décrets, sanctionnés ou acceptés par notre aimé et respecté roi, mais qui ne les soutiendraient et ne les défendraient pas aux périls de leurs vies.
« Je suis, etc.
« Crochet, soldat de la garde nationale de Paris, bataillon des Enfants-Rouges. »
Je demande l'ajournement à lundi matin de la question que présentent les adresses des citoyens de Bordeaux et les députés extraordinaires du commerce, afin qu'avant de s'en occuper, l'Assemblée connaisse la teneur des dépêches que le ministre du roi a annoncé avoir reçues de Saint-Domingue et de la Martinique.
Je crois instant de faire demander au ministre le paquet venu de Saint-Domingue à l'adresse de l'Assemblée nationale.
Ces deux propositions sont décrétées, et la séance est levée à onze heures du soir.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Oraison funèbre de l'abbé de L'Epée prononcée dans l'église paroissiale de Saint-Etienne-du-Mont, le mardis février 1790, en présence de la dépu~ tation de l'Assemblée nationale, de M. le maire et de l'assemblée générale des représentants de la commune, par M. l'abbé Faueliet , prédicateur ordinaire du roi, représentant de la commune.
Monsieur le maire et Messieurs, cette maxime évangélique est eutin devenue nationale. 11 n'est plus de grands au jugement de la France, comme au jugement de Dieu, que ceux qui réunissent à de grands talents de grandes vertus. Cet inconcevable abus du langage, cet étrange renversement de toute raison et de toute morale, qui faisaient donner le nom de grands à des hommes qui avaient l'esprit le plus étroit et les mœurs les plus viles, ont cessé parmi nous. Ce n'est plus la place qui fera la grandeur, ce sera l'élévation d'âme de celui qui l'occupe, et, sans sortir de ses humbles foyers, le citoyen modeste qui aura eu du génie et pratiqué ie bien, aura tous les honneurs de la patrie ; la cité entière se penchera sur sa tombe pour l'arroser de ses larmes, lui dressera les trophées du mérite, et proclamera sa gloire: Qui fecerit et docuerit, hic Magnus vocabitur.
Il a fallu la révolution qui nous rend libres, pour que l'éloge du plus saint prêtre et du plus généreux citoyen fût prononcé dans un temple. La sévérité même de ses principes eût paru un obstacle à l'hommage qu'inspirent ses douces vertus. Son génie; consacré par la plus belle invention de la bienfaisance et de la charité, eût semblé terni et comme profané par des pensées théologiques et morales qui n'étaient pas celles qui dominaient, et, sous un gouvernement moins sage que celui qui régit maintenant le diocèse, on eût forcé les paroles de la reconnaissance publique d'expirer sur les livres de la religion. Telle était ia servitude où languissait la France. Les
opinions étaient enchaînées, la doctrine était captive; l'exil et les prisons menaçaient les consciences sincères ; le despotisme était partout ; et quoique plus opposé encore au royaume de Jésus-Christ qu'au royaume du mond«, il siégeait sur les trônes des églises, aussi durement que sur celui de l'empire. Cette double tyrannie se soutenait Tune par l'autre. Le sceptre frappait aux ordres des pasteurs; et la religion paraissait consacrer les injustices du sceptre. Chrétiens, citoyens, vous le savez, je n'exagère pas ; et, à Dieu ne plaise que je veuille aggraver les torts des premiers ministres des autels, dans des moments où. proscrivant eux-mêmes l'erreur, dont nous avons été longtemps esclaves, ils ont, à l'exemple de notre bon et religieux pontife, fait bénir par des chants solennels la Providence, qui a créé tout à coup, dans les ténèbres du despotisme, la lumière de la liberté I Evitons, au contraire, dans cette révolution des pensées et des sentiments, tous les excès et toutes les licences. Honorons plus que jamais l'épiscopat et le sacerdoce, cette sainte magnificence de la religion et des mœurs.
Engageons, par notre respect et notre amour, ceux de nos concitoyens que Dieu même a consacrés pour la présidence du culte, à n'exercer que le ministère de la vertu. Voyons désormais en eux, selon l'ordre de Jésus-Christ, nos frères, et non pas nos maîtres, les gardiens de nos principes et non pas les tyrans de nos pensées, les directeurs et non pas les violateurs de nos consciences, les approbateurs et non pas les oppresseurs de notre liberté; enfin des hommes, des compatriotes destinés à bénir, à réclamer les droits de l'humanité, de la société, et non pas des adversaires et des ennemis qui repoussent, combattent la nature et la patrie. Le clergé, dans la France libre, sera l'élite des hommes les plus vertueux de la nation; et les beaux jours, les jours sereins delà religion catholique, naîtront bien tôt avec le soleil pur de la liberté universelle, dont nous ne voyons l'aurore qu'au milieu des orages qui précèdent, comme à l'origine du monde, la création de la lumière ; et préparent, comme à la naissance du christianisme, la régénération de la fraternité.
Il avait ces principes, il était rempli de ces espérances, le prêtre vénérable dont vous m'avez, Messieurs, commandé l'éloge. Quelle douceobliga-tion vous m'imposez I quelles grandes vuesdeliberté dans les idées religieuses, et de générosité dans les œuvres utiles à la patrie, ce sujet simple et touchant nous présente 1 Vous pouviez choisir parmi les ministres du culte qui siègent si dignement avec vous dans le palais de la commune, des orateurs d'un talent plus sûr, pour atteindre à ces nobles et simples pensées ; vous ne pouviez trouver un zèle plus sincère et une volonté meilleure pour l'entreprendre. C'est le plus satisfaisant usage du ministère de la parole pour une âme libre et sensible d'avoir à bénir la mémoire d'un prêtre citoyen, jurisconsulte,philanthrope, inventeur de la méthode pour l'instruction des sourds et muets de naissance, et leur premier instituteur. Ces titres n'ont rien de fastueux, mais ils dépassent autant ceux qu'on voit si pompeusement étalés dans les oraisons funèbres des anciens grands du royaume que le génie et la vertu sont au-dessus des préjugés et ae l'orgueil.
Ce prêtre modeste, sans s'écarter de la juste soumission due à l'Eglise, eut le courage de la liberté dans ses idées religieuses ; et sa doctrine fut toujours conforme à la voix de sa conscience. Ce digue citoyen, saus aucun des secours qu'il eût
dû obtenir de l'Etat, eut le courage du patriotisme dans sesactions généreuses; et rétablissement de son œuvre fut l'effet de sa seule vertu. C'est sous ce double rapport que la religion et la patrie consacrent la mémoire de Charles-Michel de l'Epée, et le proclament Grand, sous ces voûtes sacrées et dans cette Assemblée civique. Qui fecerit etdocue-rit, hic Magnus vocabitur.
première partie.
Messieurs, quand on célèbre dans le même genre de discours la mémoire des princes et des hommes puissants, on les loue d'avoir été humains malgré l'orgueil de leur naissance, et bons malgré la hauteur de leur destinée. Fidèles aux principes de la raison et de l'Evangile, qui ne nous montrent que des obstacles à la vertu, dans l'élévation des rangs et au sein de l'opulence, nous ne pouvons trouver aucun éloge personnel pour l'abbé de l'Epée dans la modestie de sa famille et dans la douce médiocrité de sa fortune. Il était, pour ainsi dire, le fils de la vertu et du bonheur, qui habitent si naturellement ensemble dans les demeures paisibles des simples citoyens. Son père, architecte du roi, ne tira d'une place si facilement lucrative que l'entretien d'une héréditaire et honnête aisance. L'opulence qui s'offrait à lui sous la forme des convenances et de l'usage ne pouvait qu'effrayer sa probité sévère. Il éleva ses enfants dans la modération des désirs, dans la crainte de leur conscience et dans les jouissances de la vertu. Cette éducation, soutenue par la continuité des exemples domestiques, fit une telle impression sur leurs esprits et transforma tellement en habitudes dans leurs cœurs les sentiments de la sagesse, qu'ils y ont perdu en quelque manière le mérite d'avoir des penchants à combattre. Les passions déréglées leur ont été inconnues. M. l'abbé de l'Epée, dans les confidences de la vieillesse et de l'amitié, disait : « Grâce à Dieu, je n'ai jamais commis de ces fautes qui tuent les âmes ; mais je suis épouvanté, quand je réfléchis, combien j'ai mal répondu à une si grande faveur du ciel : une mauvaise pensée m'a poursuivi une seule fois dans mon jeune âge, Dieu me donna de prier et de vaincre ; ça été sans retour, et j'arrive, après une carrière longue et tranquille, au jugement de Dieu avec cette unique victoire. Ce sont les grands combats qui font les saints : Dieu a tout fait pour mon talent et je n'ai rien fait qui réponde à l'excellence de sa grâce. » Ainsi, cet homme admirable s'effrayait de sa facile innocence, et, parce qu'elle ne lui avait coûté aucun effort, craignait de n'avoir été qu'un ingrat. Voilà, mes frères, les heureux effets d'une éducation vraiment chrétienne au sein d'une famille pieuse : voilà les mœurs pures que la religion seule crée dès sa jeunesse, qu'elle entretient toujours de sa douce influence et qu'elle rend enfin tellement nécessaires par la force de ses saintes habitudes, que tout mouvement vers le vice devient comme impossible. Si M. l'abbé de l'Epée n'avait eu à juger de la corruption de la nature que par ses propres penchants, il semble qu'il n'aurait pas dû croire si sévèrement aux effets du péché originel ; et, sur ce point, son expérience paraissait contredire sa doctrine. Mais il voyait les mœurs de la capitale, et son âme chaste, qui ne pouvait concevoir tant de désordres, trouvait hors de lui la démonstration de sa foi. Il la trouvait cependant aussi dans son sein, sur le point vraiment capital de la désordination de la nature humaine , et ici, Messieurs, je puis attester moi-
même ses paroles. Après avoir examiné avec sa sévère sagesse an ouvrage grave que je lui avais soumis, le Panégyrique ae Saint-Augustin, il jugea que la doctrine de ce grand génie de l'Eglise était fidèlement analysée dans ce discours, et il me sut gré d'avoir insisté sur le principe de tous les vices du cœur humain : l'orgueil, qui nous fait oublier Dieu et nos frères, troubler l'ordre de la nature et de la société pour rapporter tout à nous-mêmes. « G'est en effet, dit-il, notre péché d'origine, c'est ce qu'il nous faut combattre toute ia vie; il n'y a point de relâche à se permettre, c'est tout le mal de l'homme, c'est le mien, je l'éprouve à toute heure; vou3 m'avez loué, ajouta-t-il,en désirant mon suffrage, je pourrais vous louer aussi ; mais assez d'autres nous empoisonneront d'éloges, et de nous-mêmes nous sommes trop enclins à nous applaudir au fond de nos cœurs, tandis que si nous avons un motif de bénir le ciel, pour nous avoir accordé quelques lumières, nous avons mille raisons de nous humilier de nos ténèbres. » Voilà comment le plus modeste des hommes s'effrayait de son propre orgueil, et instruisait ma présomptueuse jeunesse à s'armer de toutes le3 forces de la religion, contre cet immortel ennemi de la vertu. Pour lui, il s'était exercé, dès l'enfance, à étouffer dans son sein ce vice primitif, qui est la source de tous les autres. L'éducation publique qu'il reçut ne démentit point celle qu'il ne cessait de recevoir dans l'intérieur de sa famille. Ses progrès rapides dans les sciences ne lui causèrent jamais cette enflure de l'âme qui est, selon l'apôtre, leur effet naturel. La religion y opposait efticacement l'humilité qu'elle seule peut insérer dans le cœur de l'homme.
Une piété si solide et si sensible dirigeait les actions de son adolescence,que, dès l'âge de dix-sept ans sa vocation pour le saint ministère parut à ses instituteurs l'ordre du ciel. Son empressement mêlé de défiance décida contre leurs premières vues ses vertueux parents à lui permettre d'embrasser cet état qui exige tant de vertus et présente tant d'écueits. Il mit, pour se disposer a la première initiation, plus de soins que la plupart n'en mettent pour se préparer au sacerdoce. On lui proposa, selon l'usage dès lors établi dans le diocèse, un e formule à signer que sa bonne foi ne pouvait admettre. Rien ne put vaincre sa sincérité. J'adjure les docteurs les plus faciles en morale: en est-il un qui osât dire qu'il existe une puissance au monde avec le droit de faire affirmer ce qu'on croit faux? Celui qui s'y soumettrait ne serait il pas le plus servile et le plus lâche des imposteurs? Mais admirez, Messieurs, comme l'intolérance est inconséquente et incertaine dans ses principes et dans ses mesures. Quand on vit qu'on ne fe forcerait pas à démentir sa pensée, on consentit à l'initier dans l'état ecclésiastique sans contraindre sa main à signer ce que sa conscience désavouait; dans l'espoir, lui ait-on, qu'il changerait de principes lors de son admission aux ordres sacrés, ou dans la résolution de lui fermer alors irrémissiblement l'accès du sanctuaire. Ainsi, pour approcher de la table sainte, pour monter même les premiers degrés de l'autel, on peut ne pas exiger à ia rigueur telle croyance; mais pour les secondes marches il la faut. Dieu n'a pas béni les intolérants, il leur a refusé la raison. Sans doute, si la doctrine du jeune adepte eût été contraire à la foi catholique, loin de l'admettre dans le clergé, il aurait fallu l'écarter de toute participation à la communion intime de l'Eglise, le regarder comme hors
du cerde des vrais croyants ; ne plus le considérer que sous les rapports de la fraternité générale et de l'universelle charité : ce n'est plus là l'intolérance; c'est la justice toujours semblable à elle-même, car il est impossible qu'un non-catholique soit un catholique : il est un frère, un ami; la religion ne cesse de lui ouvrir nos cœurs, mais elle lui ferme nos mystères. Puisque de l'aveu de l'intolérance même, M. de l'Epée, sans changer de sentiments, était catholique pour la première cléricalure, il l'était donc pour le sacerdoce; la foi est une; elle est immuable comme la vérité, Una fides.
Le saint jeune homme, qui en se dévouant au service du culte, ne cherchait qu'une sauvegarde contre les dangers du monde et les vanités de la terre, se contenta de l'idée de rester toujours au dernier rang et bénit avec joie la providence qui semblait lui interdire les hauts degrés du ministère où son humilité, autant que son éloi« gnementpour tout déguisement dans sa doctrine, ne lui permettait pas l'espoir d'atteindre jamais.
Il crut, avec raison, que sa piété seule, ses humbles services aux pieds des autels, et les instructions élémentaires qu'il faisait aux enfants dans les temples, n'acquittaient pas sa dette envers la société; qu'il devait la servir selon toute l'étendue des moyens qu'il avait reçus de la nature, de l'éducation et du travail. Il tourna ses yeux vers les honorables et utiles fonctions des jurisconsultes. Il ne fit pas, avec la négligence vulgaire, les études prescrites; il y mit la sévérité de la conscience. Il fut reçu et prêta le serment le même jour qu'un magistrat célèbre devenu le chancelier du royaume, qui possède encore cette charge éminente et qui, par le plus étrange usage de l'autorité qu'il exerçait, a préparé la révolution. La sévérité du ministère évangélique interdit les jeux brillants de l'éloquence, dans le contraste facile de deux hommes si divers par leurs principes et leurs destinées. Observons seulement que M. de l'Epée avait une opposition raison née, invariable, à l'autorité arbitraire en tout genre. Il connaissait les droits de l'homme et du citoyen; c'était un sage ami de la liberté.
Il ne suivit pas longtemps la carrière du barreau; il avait une âme sacerdotale; la paix des autels convenait à son génie et ses vertus célestes l'appelaient au ministère des mœurs. Ses sages guides le poussèrent à l'accomplissement des vues de la providence. Un humble canonicat lui fut conféré pour l'affilier à l'église de Troyes, où le neveu du grand Bossuet accueillait avec empressement les hommes d'une piété sévère, pour ainsi dire bannis des autres diocèses. Sous la direction de ce pieux pontife, et dans sa maison de probation, l'une des plus édifiantes du royaume, il se livra sans obstacle à toute la ferveur de son zèle pour la vérité. Il unit à son gré les plus austères principes aux vertus les plus aimables. Il s'instruisit, comme à l'école des anges de la science la plus profonde et la plus importante, la direction des âmes; et il reçut enfin le sacerdoce avec une foi aussi vive et un aussi ardent amour que s'il eût vu Jésus-Christ même lui conférer cette consécration divine. Je ne dis rien, Messieurs, dont je n'aie recueilli fidèlement les témoignages; et, si l'on attendait que je substituasse un langage ambitieux et profane aux simples et religieux accents de la piété, je proteste que je ne remplirai pas cette attente. Que ne puis-je avoir, au contraire, l'éloquence facile et sainte que ce prêtre, digne des beaux jours de l'Eglise
employait pour l'édification des fidèles et dont son amitié "m'a trop peu donné les leçons! Il avait ce talent pur qui ne permet pas de s'occuper du prédicateur, et laisse la plénitude de la pensée à la vérité seule. L'instruction affluait de ses lèvres, selon l'expression de l'évangile comme une eau vive qui suit sa direction vers le ciel, fertilise les âmes et les élève à la source éternelle de la vie. La douce chaleur du sentiment animait sans efforts ses paroles et pénétrait les cœurs. Peu à peu l'attendrissement le gagnait, ses larmes coulaient, il aimait visiblement Dieu, il chérissait sensiblement ses frères; il les amenait à la sagesse par cette grâce d'amour qui est au-dessus de tout art et de tout talent, parce qu'elle est la nature même de la vérité, l'essence même de la vertu; il exerça ce saint ministère sans interruption dans les villes et les campagnes du diocèse de Troyes, jusqu'à la mort de M.Bossuet, et y produisit les fruits inappréciables de la religion et des mœurs.
Ce fut dans ce temps, Messieurs, nous pouvons le dire et aucune dissimulation n'est plus nécessaire dans ces jours où la vérité se trouve libre comme la nation ; ce fut alors qu'entretenant des relations intimes avec le vénérable Soanen,persécuté pour les mêmes idées religieuses dont il faisait profession ouverte, il déposa dans les mains de ce digne évêque, son acte sur un décret de Rome qui a si longtemps occupé la France. Cet acte est un modèle parfait de droiture d'âme et de pureté d'intention. Il y déplore avec sagesse les excès des hommes violents, qui, dans une cause où l'on ne peut imputer aucune erreur distinctement contraire à la foi, à des fidèles pleinement soumis à l'église canoniquement consultée, voulaient cependant forcer les consciences par une tyrannie très opposée à l'évangile. 11 ne s'y permet pas même l'expression injurieuse alors reçue contre l'assemblée d'Embrun, où levertueux évêque de Sénez fut si étrangement jugé par des pontifes qui auraient été trop heureux et qui l'avouaient eux-mêmes d'avoir la vérité de sa foi et la sainteté de ses mœurs. Cette assemblée fit des prosélytes nombreux à la doctrine de M. Soanen, comme on aurait dû s'y attendre, parce qu'il est naturel aux hommes, même aux sages de croire que c'est la vérité qui souffre persécution, et que c'est l'erreur qui persécute. Si un évêque, recom-mandable par mille vertus, avait réellement abjuré une des vérités de la foi et ne voulait plus la reconnaître, il faudrait selon les règles de la sagesse, non pas le persécuter, non pas l'exiler, mais après avoir jugé canoniquement sa doctrine, Je déclarer déchu de sa qualité de pasteur et même de la communion de l'église, sans lui ôter jamais la liberté de ses sentiments, la liberté de sa défense, et surtout la liberté de sa personne. Droits de l'homme, comme vous étiez méconnus ! Droits de citoyens, comme vous étiez immolés! Droits de la charité, droits de l'Evangile, que vous étiez loin des esprits et des cœurs !
Sans vouloir entrer, Messieurs, dans les anciennes querelles maintenant assoupies, ni vous exposer les profondeurs de ces doctrines, plus essentielles que les esprits légers et indifférents aux vérités religieuses ne se le persuadent, et dont mon désir, mon amour du vrai, a nourri souvent mes pensées, j'aurais désiré pour la justification des principes de M. l'abbé de l'Epée, et des graves hommes dont il était l'émule, vous exposer avec quelque étendue comment leur système sur la liberté catholique, se trouve conforme à celui que nous professons tous sur la liberté civile. Mais
après avoir ébauché ce parallèle heureux, où les analogies de la religion et de la patrie venaient d'elles-mêmes se rapprocher et s'unir, j'ai résisté au désir de vous le présenter, dans la crainte de paraître encore mêler la politique à l'Evangile, quoique à mon jugement ils dussent être inséparables, et dans l'appréhension d'altérer, au jugement de plusieurs de nos frères chéris, la simplicité de mon sujet. Je me bornerai donc à vous faire observer la pleine soumission de M. de l'Epée,aux décisions constantes de l'Eglise, et la sage liberté de sa conscience, dans son recours à l'Eglise même, sur une décision qu'il croyait, d'après des motifs qui lui paraissaient évidents, n'être pas un de ses oracles infaillibles. Personne ne révérait plus que lui l'autorité du souverain pontife et des évêques, conformément aux saints canons. Et avec quel respect et quelle reconnaissance il reçut les marques de communion et les dons religieux d'un nonce révéré pour ses vertus. Avec quelle déférence il sollicita auprès de cet archevêque, célèbre par sa charité envers les pauvres et par la fermeté de son caractère, une permission que donnait d'elle-même la loi de la nécessité 1 II s'agissait de recevoir la confession des sourds et muets de naissance que seul il pouvait entendre. Jamais il ne put obtenir une réponse de ce pontife inflexible envers ceux qui n'avaient pas ses opinions. M. de l'Epée, fidèle aux principes de la plus humble soumission envers son pasteur, lui en fît un dernier hommage en le prévenant que, s'il ne daignait pas lui répondre, il interpréterait, à raison de la nécessité, son silence comme une approbation. Il obtint ce silence approbateur, et il renferma étroitement son ministère, pour le tribunal de la confession, dans la classe de ses élèves, dont il avait créé le langage et dont il saisissait les pensées.
Permettez-moi d'observer ici, Messieurs, que M. de Beaumont qui avait eu souvent recours à l'autorité arbitraire contre ceux qu'il croyait dans l'erreur, a été ensuite persécuté lui-même par cette même autorité,de la manière la plus inique, pour avoir fait constamment ce qu'il regardait comme son devoir. Un grand attentat contre la liberté de l'homme et du citoyen fut commis sous le dernier règne.Une ordonnance despotique émana du trône. Il fut défendu à tous les Français même aux premiers pasteurs de l'église de parler publiquement de certains points de doctrine et d'un décret de Rome que chacun croyait contradictoi-rement intéresser la foi. Défendre de parler des vérités qu'on adore! Défendre aux pasteurs d'expliquer leur croyance aux fidèles! Défendre la parole, et la parole de la conscience à des Français! Quel délire de la tyrannie, sous un faux prétexte de sagesse et de paix ! Que pouvait-il en résulter? Qu'après avoir persécuté les uns, on persécuterait les autres, que les dissensions n'en seraient que plus vives, et qu'aucun ne voudrait se persuader que la puissance royale eût le droit d'étouffer la conscience, au passage de la voix, et de tuer la vérité sur les lèvres. Oui, la vérité, Messieurs,car c'est toujours elle qui a l'adoration de hommes, lors même qu'ils transportentà l'erreur son saint caractère et ses attributs divins. S'ils se trompent, c'est un motif de plus pour les entendre, afin de les éclairer. Il faut surtout ne pas imposer silence à ceux qui sont distinctement élus parmi les peuples et consacrés par la religion pour exercer le ministère de la doctrine. Ils ne sont pas infaillibles eux-mêmes, il est vrai : chaque fidèle a droit de parler sagement hors des temples, et de publier des écrits modestes pour réclamer les
principes et rétablir les traditions. Enfin l'Eglise universelle, canoniquement délibérante, ayant seule l'infaillibilité, tout ce qui n'est pas clairement conforme à sa doctrine connue, et à ses décrets immuables, est susceptible d'être porté, en dernier jugement, à son suprême tribunal. Ainsi la vérité sainte conserve son empire ; la liberté de conscience exerce tous ses droits; et le chrétien, le front levé vers le ciel, ne reconnaît que le ciel même pour juge de sa foi, dans les oracles du peuple de Dieu proférés par l'universalité de ses interprètes. Tous avaient donc ]e droit de dire leur pensée ;il ne fallait tyranniser personne, il n'y aurait pas eu de tempêtes dans i'Eglise, car les orages n'y naissent que de l'intolérance.
La vérité pure se serait éclaircie paisiblement par la liberté même; et les liens de la fraternité n'auraient pas paru continuellement prêts à se rompre par le despotisme, toujours incertain et toujours injuste du gouvernement.
Telle était, Messieurs, la sage doctrine de M. l'abbé de l'Ëpée. Combien .il était loin d'approuver le recours aux tribunaux civils contre les refus inspirés par le faux zèle, et contre les actes de schisme que se permettaient les adversaires de ses opinions ! Dans sa propre paroisse, un prêtre que le fanatisme agitait tellement, que cette passion a dégénéré ensuite en une démence consommée, lui refusa publiquement et avec des qualifications odieuses, le signe de pénitence que les fidèles reçoivent en commençant le carême. « Monsieur,*lui répondit cet homme simple el grand, c'est en qualité de pécheur que je me suis prosterné à vos pieds, pour vous prier de répandre sur ma tête les cendres de la pénitence publique; vous me les refusez; pour l'humiliation, c'est, au moins, comme si je les avais reçues. J'ai rempli le devoir de ma conscience; je ne veux pas tourmenter la vôtre. » Et il se retira dans le calme de ses pensées et la sécurité de ses sentiments. Le même zélateur outré repoussa solennellement, sous le même prétexte, de la table sainte, un pieux ecclésiastique qui est toujours resté dans les derniers ordres de la cléricature, et pour qui M. de l'Epée avait la plus juste estime. Le scandale éclatant de ce refus appela l'attention des tribunaux ; mais M. de l'Epée lui-même, joignit son zèle pacifique à celui du grave curé de saint Roch, dont il était l'ami, et dirigea les démarches généreuses de l'offense, pour calmer les magistrats. 11 croyait que, dans un ordre meilleur de la chose publique, ç'aurait dû être aux seuls juges d'Eglise à prononcer sur l'administration des sacrements, comme sur la doctrine; parce qu'il n'appartient qu'à l'Eglise, par le jugement au presbytère, de régler l'admission aux choses saintes, et de punir par une juste interdiction des fonctions sacerdotales, celui qui en abuse par des refus fanatiques. 11 était convaincu que, dans l'état de dissension où se trouvaient les esprits, et où ceux qui avaient ses principes ne pouvaient espérer aucun jugement favorable de la plupart des chefs des diocèses, il fallait souffrir cette privation sensible ; ne répondre à l'injure que par la patience; abandonner, selon la leçon de l'Evangile, sa tunique et son manteau, plutôt que de disputer devant la justice civile, et croire que la demande instante, le vif désir des sacrements suppléent devant Dieu, même à la mort, aux effets salutaires de cette participation sacrée. Il est impossible, Messieurs, de combiner une doctrine à la fois plus religieuse et plus raisonnable, plus ferme et plus douce.
C'est la fraternité conciliée avec la liberté de conscience; c'est la philosophie de l'Evangile dans sa perfection.
Sur un génie aussi sage, les illusions ne pouvaient exercer aucun empire; il était convaincu de la réalité des miracles que Dieu peut opérer dans tous le3 siècles ; mais aucun n'était nécessaire pour sa croyance personnelle. 11 fit à l'occasion de celui qui obtint, il y a près de vingt ans, une si grande célébrité (la guérison du paralytique de saint Côme, dans la procession solennelle de l'Eucbari3tie) au docte et pieux écrivain qui en a recueilli les preuves, et qui l'engageait à les vérifier lui-même, la réponse qui caractérise le mieux sa philosophie et sa foi : c Si le miracle se faisait à ma porte, je ne l'ouvrirais pas pour le voir. » Ainsi saint Louis refusa d'interrompre sa prière, pour contempler, lui disait-on, l'apparition sensible de Jésus-Christ dans le sacrement des autels. Les saints et les philosophes n'ont nul besoin de miracles ; ils ont l'Evangile et l'Eglise, le sentiment et la raison. Quand Dieu interrompt le cours ordinaire de ses lois, c'est pour les faibles esprits ; les âmes fortes ont des convictions supérieures à tous les prodiges : Quia vidisti me, credidisti ; beati qui non vide-runt et crediderunt !
Enfin, Messieurs, malgré sa foi vive à tous les dogmes catholiques et son ferme attachement à la doctrine des grands hommes de Port-Royal, M. l'abbé de l'Epée n'était ni un dévôt ombrageux, ni un homme de parti. Nulle espèce de fanatisme n'avait accès dans son âme. Il accueillait, avec une bienveillance sensible, les personnes opposées à ses principes; rarement il discutait avec elles les objets de leur croyance diverse. Quand on voulait s'en occuper, c'était de sa part des entretiens et non pas des disputes. C'était cette vraie tolérance qui aime à croire à la bonne foi de ses frères, à espérer tout pour eux, de la grâce du père céleste, et non pas ce despotisme atroce, qui ne voit, hors de ses opinions,, que des réprouvés.
La tolérance, mes frères, ô la douce et sainte parole 1 l'aimable et vertueux sentiment !
On n'a ni charité, ni humanité sans elle : M. l'abbé de l'Epée en était rempli. Il faut le
dire à la gloire des disciples de la même doctrine qu'il professait : ce sont eux qui ont
réclamé le plus haut l'état civil pour les protestants ; leurs écrits publics, leurs
instances persévérantes ont mis un grand poids dans la balance de l'opinion. Qu'il était
satisfaisant pour la vraie philosophie, pour le pur patriotisme, et, ce qui les comprend
l'une et l'autre, pour la parfaite religion de l'Evangile, de voiries catholiques les plus
sévères, ceux qu'on regardait si faussement comme les réprobateurs du genre humain, appeler
à grands cris au sein de la fraternité nationale et ae l'unité citoyenne ces familles
nombreuses, qui, malgré la diversité de leur croyance, n'en doivent pas être moins chères à
la patrie et à nos cœurs 1 Recevez le tribut de nos hommages pour vos généreuses pensées et
vos constants efforts en faveur de cette tolérance équitable, non-seulement vous, digne
objet de cet éloge, et vous, son émule dans la science des saints et dans la sage direction
des talents pour l'avantage de la société, vertueux abbé Guidi; mais vous qui vivez, qui
êtes témoins du succès de vos vœux, grave magistrat (1), qui en fîtes le premier retentir
solennellement le tem-
Des champs libres de l'Helvétie, un protestant vint s'instruire en faveur de ses concitoyens de la science des signes dont M. l'abbé de l'Epée était l'inventeur : il trouva en lui un tendre ami, un vrai père: la sainte amitié gagna son cœur: il sentit que la religion d'un homme si parfait devait être la véritable: il alla au-devant de ses lumières; il en remplit son âme: il devint bien plus qu'un catholique, il fut un saint ; il resta quelque temps dans la capitale, privé de fortune et vivant de ses travaux; M. de l'Epée voulut lui faire accepter, dans un moment ae détresse, une somme de 600 livres ; ce fut impossible : «• Vous m'avez enseigné combien l'état de l'homme qui travaille en paix dans l'indigence et qui souffre les privations sans murmurer est agréable au ciel; vous m'avez donné vos principes : après ce don, tous les autres me sont inutiles : de plus nécessiteux que moi jouiront de vos largesses. J'ai appris de vous à aimer Dieu, mes frères et le travail : je suis riche de vos bienfaits. » Sublime perfection de l'Evangile, voilà bien ton langage! voilà ce que la grâce opérait dans le cœur d'un protestant, quand il s'était, pour ainsi dire, appliqué sur celui de M. de l'Epée pour en recueillir la divine influence.
Ce saint prêtre chérissait tous les hommes et ne connaissait pas ces antipathies d'opinions qui ont fait tant de mal sur la terre. On sait trop que cette aversion fatale se fait surtout sentir plus ordinairement entre ceux qui, ayant le même fond de croyance religieuse, diffèrent par quelques nuances marquées que chacun croit essentielles. C'est la touche connue des grandes haines; pour M. de l'Epée, ce n'était rien dans sa tendresse. Vous en avez eu, Messieurs, des preuves frappantes (2), elles sont encore vives ; elles parlent encore à ce moment dans les temples. Les larmes qu'on a versées dans la maison de la commune, et qui coulent de nouveau dans la maison de Dieu, justifient avec assez d'éloquence ce nouveau témoignage à sa mémoire.
Un dernier trait de sa tolérance charitable et de son universelle fraternité, auquel les
conjonctures prêtent le plus touchant intérêt, c'est son zèle ardent et ses douces
espérances en faveur des Juifs. Oh, s'il avait assez vécu pour les voir rapprochés de nous
au nom des lois, et prêts à rentrer dans la famille nationale, qu'il aurait béni et
second point.
La vertu jointe au génie est la plus grande existence qu'on puisse envier sur la terre et propager dans l'éternité : seule elle est belle et mérite l'amour : avec le génie elle est sublime, (( obtient un culte. M. l'abbé de l'Epée était tourmenté du besoin d'être utile : pour s'acquitter de ses facultés envers la Providence et payer à la société la dette de son cœur, il travaillait sa pensée, il agitait son âme. Le ministère solennel de la parole évangélique dans les temples et le ministère obscur, mais plus utile encore de la sanctification des mœurs dans le tribunal des consciences, ne lui étaient plus confiés par les pontifes. Prêtre et citoyen, cet homme essentiellement bon et vertueux, qui avait l'ardeur du bien, comme les autres ont le feu des passions, ne pouvait vivre sans servir l'Eglise et sa patrie. C'était trop peu pour son zèle de verser les conseils de 1a. sagesse dans les âmes qui lui en marquaient le désir, et de diriger par de simples avis, dans les voies de la morale, une multitude de fidèles que la confiance rapprochait de son cœur. Il fallait qu'il inventât quelque moyen d'étendre l'influence de la religion, source féconde, non-seulement des vertus parfaites et rares, mais des vertus communes et populaires, qui sont l'âme de la société. L'amour de Dieu et des hommes est toute la religion : quand ce sentiment domine réellement les idées et les affections d'un mortel doué de génie, il enfante des prodiges d'humanité, il crée des miracles de patriotisme. « On me défend de faire connaître Dieu à ceux qui entendent, je le ferai connaître à ceux qui n'entendent pas. On ne me permet point de le faire bénir par ceux qui parlent, je le ferai bénir par ceux qui ne parlent pas. L'Etat me délaisse à l'intolérance ; je veux donner à l'Etat une classe entière de citoyens utiles. On ne m'aidera point, je ferai tout. Si Dieu est avec moi, s'il me donne l'amour de mes frères, si sa parole éternelle féconde mon esprit, si le verbe qui est une éternelle pensée me communique une étincelle de sa lumière créatrice, je vaincrai les obstacles, je suppléerai les sens, j'achèverai l'humanité dans ceux qui sont privés de ses organes ; je donnerai des hommes à la nature, des chrétiens à l'Evangile, des citoyens à la patrie, des saints à l'éternité. » 11 a dit ainsi
dans son cœur et il l'a fait. Il a appelé la lumière, la lumière a paru. Fiat lux et facta est lux : Dixit et facta sunt. Mais Dieu qui n'a pas besoin de temps pour ses œuvres et qui produit soudain parce qu'il est l'être, ne communique sa puissance créatrice à la vertu et au génie des hommes qu'à proportion delà réflexion,de l'application et des efforts qui sont la prière du génie, et de la confiance, de l'espérance et ducourage qui sont la prière de la vertu. Voilà, selon l'expression d'un saint père,-cette toute puissance suppliante qui peut être communiquée aux plus parfaites créatures pour l'exercer péniblement sur la terre et pour la continuer ensuite facilement dans les cieux, omnipotentia supplex. 11 existait déjà une science des signes pour suppléer la parole matérielle et sensible, quand M. de l'Epée commença de s'occuper à créer une autre science pour suppléer la parole intérieure et intellectuelle. Quelques hommes d'iun rare talent avaient inventé la dactylologie, qui figure, avec des signes, les lettres, les syllabes, les phrases ; d'où résulte pour les sourds et muets de naissance le pouvoir de lire et de composer des lignes écrites dans un langage convenu. Cet art donne l'écorce des idées, mais n'en donne pas la substance. On ne sait pas si les élèves attachent les mêmes pensées que nous aux mêmes traces d'expressions. Tout est flottant et incertain. On ne peut s'assurer d'une exacte conformité d'intelligence, que pour le petit nombre d'objets visibles et palpables auxquels on applique immédiatement leurs yeux et leurs mains. Les idées purement spirituelles et morales ne peuvent être créées par cette méthode.
Si quelques-uns des disciples qui l'ont suivie paraissent avoir les notions de ces idées, ce sont des apparences vagues, indécises, dont aucune progression, aucune tenue d'entretien suivie et de conduite correspondante ne peuvent justifier la réalité. Ceux d'entre les sourds et muets dactylo-logistes qui ont effectivement des pensées pures et qui prouvent par une série de raisonnements que le langage interne des idées abstraites et morales, qui sont la vie de l'intelligence leur est in-fus, ont reçu nécessaire méat des instructions analogues à la science créée par M. '.de l'Epée ; ou ils ont atteint par une suite très longue et très pénible d'analogies intellectuelles, résultantes d'une prodigieuse lecture à une force de conception de la chaîne d'idées qui constituent l'éducation de l'esprit humain.
M. ded'Epée ne se contente pas de faire de ses sourds et muets de naissance des machines ingénieuses qui paraissent comprendre et signifier des paroles : il en fait des esprits purs qui saisissent plus exactement que nous, et transmettent plus rapidement des idées. Il ieur apprend leian-gage universel de l'intelligence avec lequel on peut s'entendre et se communiquer dans tous les idiémeB de l'univers ; et ce langage il en est l'inventeur. Il dicte en un instant rapide où nous aurions à peine prononcé, en plusieurs mots, deux pensées, une suite de conceptions profondes que ses disciples sans oreilles et ;sans voix se sont appropriées soudain et qu'ils écrivent hâtivement avec une correction parfaite en six langues différentes. On voit (et l'étonnement est extrême, l'admiration est infinie) des hommes qui n'ont que la moitié de nos sens porter au delà de leurs bornes connues leurs facultés intellectuelles. La précision est incroyable, la rapidité paraît surnaturelle. Nous tâtonnons avec nos paroles, ils volent avec leurs signes. Nos esprits rampent et se traînent dans de longues articulations, des
leurs ont des aîles et planent sans ralentissement dans l'immensité de la pensée. Le temps ne semble plus la mesure des idées qui ne sont plus successives mais simultanées. Un ensemble soudain de signes réunis donne l'enfraînement de vingit conceptions diverses.
Les conversations rapides formeraient de longs volumes. KL de l'Epée en une seconde éveillait, à ses élèves, des idées pour des pages d'écriture que chacun d'eux traçait à l'instant en langue latine, française, espagnole, italienne, allemande, anglaise, et tous avec une précision pure, une exactitude inimaginable. Les esprits supérieurs, qui en élaient témoins, s'affaissaient de surprise et les hommes de génie se trouvaient comme réduits à l'idiotisme devant ces demi-humains qui paraissaient élevés, >par la rapidité de leurs communications intellectuelles, à la sphère des esprits célestes.
Ët'tfest en effet, Messieurs, le langage des anges que parlent les disciples de M. de l'Epée. Ce sont les idées de Dieu et de ses mystères, de Jésus-Christ et de sa religion, de la morale et de la vertu, de la métaphysique et des précisions de l'existence des grands rapports et de l'ensemble de la nature, qui circulent dans leur esprit comme la lumière dans les cieux. Il les avait rendus capables de s'instruire de toutes les sciences usuelles, de tous les arts de la société : c'était le plus facile effet de leur institution, mais ce n'en était que l'objet secondaire. La patrie elle-même a encore plus besoin de la vertu que des talents ; et celui que la religion avait rendu !e meilleur des hommes, voulait que ses élèves eussent le même mobile pour atteindre à tous les moyens d'utilité publique, qui ne résultent jamais pleinement que du véritable amour de Dieu et des hommes. Je voudrais avoir mille voix plus éloquentes pour le dire aux humains doués de tous leurs sens et qui ne profèrent plus et qui n'entendent plus cette vérité suprême ; ainsi que M. de l'Epée avait mille signes plus efficaces pour l'inculquer à des êtres sans oreilles et sans parole, et qui la saisissaient comme le souverain bien. C'est Jésus-Christ qu'il faut connaître pour atteindre à la perfection de l'humanité. Ceux qui le connaissent, en effet, emploient toutes leurs facultés, toute leur puissance en faveur de leurs frères. Et alors quelle société, quelle patrie ! Quelle activité dans les talents, quelle amabilité dans les mœurs ! Quelle communication de fortune de ceux qui possèdent à ceux qui n'ont pas, et par conséquent quelle égalité entre les pauvres et les riches ! Quelle émulation de services mutuels ! On vit les uns pour les autres, on est prêt à mourir pour ceux qu'on aime, et tous les concitoyens sont îles amis; on respecte les lois,-on adore la justice; on voit un autre soi-même ; on voit Dieu dans tous les hommes; on est équitable, on est bienfaisant ;on ne respire que la bonté, on ne vit que d'amour. Avec la connaissance vraie, la connaissance pratique de Jésus-Christ, on serait uni comme la famille céleste, on anticiperait le ciel, et rien n'affaiblirait le bonheur, parce que rien n'altérerait la vertu.
Telle est, Messieurs, la divine science que M. de l'Epée communiquait à ses disciples; et il n'avait créé sa science universelle de la pensée que pour s'y élever avec eux. Puissance sacrée de la religion I Voilà tes œuvres. Ceux qui tourmentent la nature et la patrie par leur orgueil et leurs passions et qui se disent chrétiens, sont des imposteurs ; ce sont eux qui, en donnant lieu de croire, à la vue de leur conduite, que la religion
est non-seulement inutile, mais contraire à la fraternité, à l'humanité, à la liberté, au bonheur du monde, sont les vrais instigateurs de l'impiété dans les empires. Des prêtres qui auraient la perfection du sacerdoce de Jésus-Christ, comtne M. de l'Epée, ramèneraient tous les cœurs à l'Evangile et consommeraient la régénération de l'ordre social.
L'héroïsme en grande représentation importe sans doute essentiellement a la chose publique ; et dans un moment où la force des conjonctures appelle les peuples à la liberté, il influe d'une manière efficace sur les heureuses révolutions des Etats. Mais la soif de Ja réputation, le désir de l'estime, l'admiration, l'amour des concitoyens secondent, par une impulsion toute puissante, l'essor du courage, le zèle du patriotisme et le génie du bien. Bailly et Lafayette, nos dignes chefs, dans ce discours vous n'aurez pas d'autre éloge. Ce sont les héros de tous les jours, de tous les sacrifices, de toutes les utilités qui, pouvant seuls vivifier la société dans ses classes diverses, et y rallumer le feu sacré des mœurs, sont le grand besoin de la Patrie. C'est le citoyen seul avec l'énergie de la vertu; n'empruntant rien des regards des hommes ; n'espérant rien de leur faveur; servant l'humanité, sans le secours de l'opinion, dans des travaux inconnus et des veilles ignorées, à travers les dégoûts et les ingratitudes ; donnant sa vie au bien public, non pas dans des jours étincelants de gloire, mais dans une longue continuité d'oubli de soi-même; dans une patience inaltérable de vingt et trente années ; dans une abnégation complète de la fortune, de Ja renommée, de tout ce qui alimente l'imagination et enflamme le génie : c'est cet homme d'autant plus grand qu'il n'a point pensé à le paraître et qu'il n'a eu de force que dans sa conscience ; c'estlui qui atteint à toutes les hauteurs de l'héroïsme, à toutes les perfections du civisme ; et il n'appartient qu'à Ja religion de Je former.
Voyez ce prêtre doucement obseur, à qui une aisance modeste offre les faciles jouissances delà vie, qui, payant une dette vulgaire aux devoirs de son état, pouvait se croire acquitté envers la vertu, et couler ses jours dans une piété tranquille, dans les simples plaisirs de l'innocence ; voyez-Je fatiguer son esprit, agiter son cœur, forcer et vaincre la nature, pour servir l'humanité dans ses plus informes productions, se consacrer à la classe la plus abandonnée de Dieu et des hommes, s'y dévouer avec un amour égal à son génie; revenir pour lui-même aux premiers éléments de la pensée, afin de conduire par des progressions minutieuses, lentes, incalculables, ses chers élèves aux plus hautes conceptions ; ne se reposer jamais, ne se rebuter jamais, ne se démentir jamais; donner son temps, ses revenus, ses peines, son sommeil, ses habitudes, son existence, son,bonheur, à cette laborieuse entreprise; inventer une science vraiment universelle pour la transmission la plus rapide des idées,; porter j l'intelligence humaine au delà de ses anciennes limites; créer un art, qui, s'il devient partie de l'éducation publique et s'il s'étend dans les nations, sera le plus simple et le plus facile moyen de communication pour les peuples de toutes les parties du monde; travailler dans l'intervalle de ses leçons publiques et privées, à ce Dictionnaire général des Signes qui, lorsque les plus forts d'entre les maîtres qu'il a instruits l'auront conduit à sa fin, sera le plus étonnant et le plus utile chef-d'œuvre du génie des hommes; redescendre sans cesse de ces hauteurs de la pensée aux
plus humbles et aux dernières idées de l'enfance; toujours égal à lui-même, toujours serein, toujours bon, toujours aimable, toujours sensible, toujours la candeur sur le front, la vérité sur les lèvres, la charité dans le cœur. Ah I je révère la nature angélique, mais je ne la conçois pas plus pure : j'aspire à la patrie des cieux pour y trouver d'aussi parfaits concitoyens. S'ils étaient donc multipliés sur la terre, ces êtres formés sur le modèle de Jésus-Christ! Si nous avions des maîtres et des disciples de cet ordre moral, si l'Evangile, l'Evangile si peu observé, si péu connu, devenait l'âme de la société, la vie des nations, le code divin des empires 1 l'esprit de Dieu même régirait l'univers, les hommes seraient créés pour le bonheur, la face de la terre serait véritablement renouvelée et changée en un jardin de délices : Emittes spiritum tuum et creabuntur ; et renovabis faciem terrce.
Les vraies, les ineffaçables délices, mes Frères, on ne les trouve que dans la vertu. M. de l'Epée ne cherchait pas le bonheur du temps dans son œuvre, il semblait le fuir au contraire et s'immoler aux peines, aux ennuis d'un travail qui exigeait tous ies genres de sacrifices. 11 fut cependant, malgré l'indifférence du gouvernement et l'ingratitude de la patrie, le plus heureux des mortels comme il en était le plus digne. Voulez-vous voir, Messieurs, comment on dispensait les grâces dans l'Etat et comment on les refusait? Avant d'avoir mérité aucune attention des ministres qui dans sa jeunesse régissaient l'empire, on lui offrit un évêché en reconnaissance d'un service personnel que son père avait rendu au cardinal de Fleury. On juge assez qu'une dignité si sainte, offerte pour un tel motif, à un prêtre de vingt-six ans qui avait delà religion, ne pouvait être acceptée ni par lui ni par sa vertueuse famille. Mais quand à soixante et dix ans, après tant et de si utiles travaux, il demanda non pour lui-même mais pour Ja perpétuité de l'instruction qu'il craignait de voir périr à sa mort, une dotation nécessaire à la patrie, malgré la volonté positive du meilleur des rois, il ne l'obtint pas ; et les promesses non encore exécutées furent presque le seul effet de Ja bienveillance royale, et l'unique succès de son zèle. L'empereur Alexandre qui, durant son séjour à Paris ne trouva rien de plus digne de son admiration ique l'œuvre de de l'Epée, lui témoignait sa surprise de ce qu'il n'avait pas même une de ces abbayes qu'on prodigue à des hommes inutiles ; il lui offrit d'en faire la demande au roi, et s'il y trouvait de la difficulté, de lui en offrir une lui-même dans ses Etats. M. deîl'Epée répondit à ce souverain avec son ordinaire simplicité :
La religion ne permet pas de demander pour soi les biens de l'Eglise; et ceux qui en disposent ne donnent guère sans qu'on les sollicite. Si, à l'époque où mon entreprise était déjà commencée avec succès, quelque médiateur puissant eût demandé et obtenu pour moi un riche bénéfice, je l'aurais accepté pour le tourner entièrement au profit de l'institution. Aujourd'hui ma tête penche vers le tombeau, ce n'est pas sur elle qu'il faudrait placer ce bienfait; c'est sur l'œuvre elle-même : je vais finir, il faut qu'elle dure et il est digne d'un grand prince de la perpétuer et de l'étendre pour le bien général de l'humanité. » L'empereur saisit cette pensée juste, il fit venir de Vienne un prêtre d'une intelligence rare pour s'instruire auprès de l'instituteur et devenir lui-même un grand maître. M. l'abbé de l'Epée vécut assez pour voir son œuvre solidement établie et propagée non
seulement en Allemagne mais dans presque toutes les contrées de l'Europe. Ce fut pour lui un bonheur, que toutes les richesses du monde versées dans ses mains n'auraient pu égaler. Il eut la joie de voir les maîtres habiles qu'il avait formés parmi ses compatriotes répandre aussi sa science dans plusieurs villes du royaume et spécialement à Bordeaux (1), sous les "auspices d'un pontife éclairé, que sou patriotisme même a fait revêtir pour la nation, de la première dignité de la justice. M. de l'Epée était convaicu que son œuvre s'éterniserait à Paris par le zèle de ses concitoyens. Vous voulez, Messieurs, remplir son espoir. La confiance qu'il en avait l'a consolé de mourir avant qu'on eût jeté les fondements d'un établissement si cher à son cœur; et il devait d'autant plus y compter, à l'époque de la Révolution, qu'avant ce moment où. l'esprit national donne une si grande valeur aux institutions utiles, il avait recueilli les plus vifs témoignages de l'intérêt que ses compatriotes prenaient à son institution, et du chagrin qu'ils avaient de l'indifférence du gouvernement pour la perpétuité d'une invention si belle. L'assurance qu'elle se perfectionnerait et s'éterniserait dans sa patrie et dans toutes les nations était le plus sensible bonheur de M. de l'Epée dans ses travaux. Voilà pourquoi cet homme si simple donnait de l'appareil à ses exer--cices, s'applaudissait d'y voir accourir les riches, les hommes puissants, les dames illustres, les princes, les souverains. La gloire qui lui était personnelle n'était rien pour son amour-propre; mais celle qui rejaillissait sur son œuvre et qui pouvait en immortaliser les effets était un délice pour son cœur.
Quand tout ce bruit d'éloges avait cessé, quand ces personnages importants qui lui payaient le tribut de leur admiration avaient disparu, quand il se retrouvait seul avec ses chers élèves qui avaient partagé ses succès; lorsqu'il avait purifié de son souffle leurs âmes investies des vapeurs de la vanité, et qu'il leur avait fait rapporter à Dieu seul le mérite de leur science et le prix de leur talent ; c'est alors qu'il se livrait avec eux à une innocente joie. Il les conduisait à une petite habitation qu'il avait sur les hauteurs de Montmartre. Une longue table les rassemblait tous. Le patriarche, accompagné de quelques amis qui avaient ainsi que lui les goûts simples comme la nature et naïfs comme l'innocence, partageait leurs plaisirs vifs, leurs jeux rapides, leurs doux sourires, leurs transports ingénus, leur contentement parfait. Le profond silence qui régnait dans ces amusements recueillait l'allégresse dans les âmes. Ces signes symboliques de la pensée, ce langage muet de l'intelligence, cette transmission soudaine des sentiments les plus doux, semblaient prêter à ces agapes le charme auguste, la paix, religieuse des anciens mystères, où les fidèles initiés étaient seuls admis, et qui étaient interdits aux profanes.
Gomme il était aimé de toute cette nombreuse famille qui lui devait plus que la vie, qui
lui était redevable des jouissances du temps, et des espérances de l'éternité ! Dans un des
moments, nous ne pouvons pas dire de la plus éclatante, mais de la plus sensible joie,
l'idée qu'il devait mourir un jour fut jetée par hasard à travers l'enchante-
C'était là, Messieurs, la seule singularité de sa conduite. D'après Jésus-Christ, son divin modèle, et à l'exemple de saint Augustin, son second maître dans l'application de l'Evangile aux mœurs, il menait la vie commune. Aucune austérité extraordinaire ne signalait sa sainteté. C'était avec son âme qu'il mortifiait ses sens. Il passait les jours au travail et les nuits à la prière. Il récitait avec une attention sévère, à chacune des heures anciennement fixées pour les plus fervents cénobites, les offices de l'Eglise. 11 offrait les dimanches et fêtes les saints mystères distinctement répondus par ses sourds et muets ; et dans cette célébration, sa piété non affectée, non inquiète, mais
auguste et simple, pénétrait les cœurs de la présence sensible de la Divinité.
Cette sérénité pure et majestueuse qui donnait à sa physionomie douce une empreinte céleste ne l'a pas abandonné jusques sous les glaces de l'âge, dans les angoisses de la souffrance et entre les bras de la mort. Le pasteur de sa paroisse, neveu de son grave et ancien ami, l'a trouvé toujours égal à lui-même, invariablement attaché à ses principes religieux ; écoutant sans peine ce que d'autres idées également sincères suggéraient à la conscience de celui qu'un zèle paisible animait dans ses exhortations modestes, et qui n'en payait pas avec moins d'équité le tribut d'admiration dû au génie et à la piété du plus vertueux des mortels. Il lui a porté lui-même avec une touchante édification le viatique et l'onction des mourants. M. de l'Epée reçut le grand juge de sa vie comme le suprême objet de son amour, et ne porta vers l'éternité que les regards de l'espérance. Ces sentiments divins semblaient ne lui laisser aucun mouvement de regret pour la terre. Cependant assez près de sa dernière heure, il avait entendu quelques sanglots de ses élèves, qu'on écartait de sa présence ; il avait aperçu une sourde et muette qu'une plus parfaite éducation et une plus sensible vertu distinguaient parmi ses disciples et qui dévorait ses pleurs : au milieu du saint office que son pieux frère lui récitait encore et qu'il répétait dans l'extrême recueillement de son âme, prête à l'aller continuer avec les anges, une parole des divines Ecritures applicable à l'institution qu'il délaissait et à ces chers orphelins de la nature qui allaient se trouver sans père, réveilla, agita la flamme de son cœur prête à s'éteindre et fit couler ses dernières larmes.
Messieurs, c'est la patrie entière qui les recueille ces larmes d'un grand homme, d'un
immortel citoyen. C'est la mère commune qui devient celle de cette famille abandonnée.
L'hommage que vous rendez en ce moment, à la mémoire de leur instituteur, n'est que le gage
solennel de votre zèle généreux, pour propager et consommer l'œuvre de son génie, et les
munificences de sa vertu. Vous vous obligez vous mêmes, vous engagez la grande cité dont
vous êtes les dignes interprètes et dont vous avez porté le vœu à l'Assemblée nationale par
une pétition remplie de la plus sensible éloquence (1), à donner à l'établissement du saint
prêtre la perfection et l'immortalité. Voilà donc les effets purs de cette liberté civique,
le plus beau don des cieux I Voilà comment elle honore la nature, elle secourt l'humanité;
elle seconde la religion; elle anoblit les cœurs, elle agrandit les âmes; elle étend le
domaine de la Providence remplit les intentions de l'instituteur universel des êtres, et
représente efficacement sa divine paternité dans l'empire! Prenez part à ce triomphe de la
raison, des mœurs, de l'Evangile, de la patrie, sublimes ombres de Pascal, de Nicole, de
Sacy, de Racine, de Descartes dont les cendres reposent dans ces deux temples réunis, et qui
avez dû quitter à ce moment le séjour éternel, pour errer au milieu de nous afin d'assister
à une cérémonie aussi auguste, célébrée parmi vos tombeaux 1 Et vous émules, des pensées
religieuses et des vertus sévères de l'objet de nos hommages, qui vivez libres enfin dans la
profession de vos principes et dont le zèle patrio-
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.
, autre secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier soir.
demande que le discours prononcé par MM. les députés de Bordeaux ne soit pas inséré dans le procès-verbal de la séance du soir.
Cette proposition, étant conforme aux usages de l'Assemblée, est adoptée.
Un membre demande que M. le Président soit chargé d'écrire au margrave d'Anspach pour
l'informer que le comité des rapports examinera l'af-
Cette proposition est adoptée.
, député du Poiiou, demande à s'absenter pour trois jours.
Cette permission lui est accordée..
, député de Villeneuve-de-B erg, demande un congé de six semaines.
Le congé est accordé:
, député de Troyes> qui était absent le jour de la prestation du serment civique, est admis à la prestation de ce'serment;
, évêque de Castres, donne sa démission de député à l'Assemblée nationale.
J'ai reçra hier une lettre du ministre de la marine à laquelle sont jointes des pièces dont il va vous être donné communication.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'un mémoire du conseil supérieur de Saint-Dominguequi se plaint des désordres qui affligent cette colonie et en particulier de la conduite d?une assemblée tenue au Cap français.
Voici quelques passages de ce mémoire :
Il s'est élevé, dans la; province du Nord, une assemblée qui, méconnaissant'à la fois son origine et sa destination! et se qualifiant du titre d'assemblée provinciale du Nord, s'est portée à toutes les. entreprises du pouvoir le plus étendu, le plus tyrannique et le plus illégitime. Alors; le conseil supérieur s'est vu* contraint d'opposer quelque résistance à ses écarts» et noms sommes Chargés de mettre sous vos yeux quelques-uns des actes scandaleux et oppressifs de cette assemblée avec l'arrêt qui les a proscrits ; nous les joignons au réquisitoire du procureur général, dont les principes sont la juste censure de la conduite odieuse de cette assemblée du Cap.
Ce n'était pas assez pour* eux de méconnaître toute autorite, de réformer les anciens usages, de révoquer1 les lois jusque-là en vigueur, de s'emparer de la caisse des deniers municipaux au mépris de l'autorité de la Cour, à qui, jusque-là, les ordres de Sa Majesté en avaient confié le dépôt et le régime.
Ge notait pas assez de violer la foi publique, le secret des lettres, même ministérielles, d'attenter à la personne d'un magistrat, de; l'enlever publiquement au milieu de l'exercice de ses fonctions, de le traîner en prison, et «^'instruire son procès. '
Ce n'était pas assez de licencier les milices,, de lés reproduire sous une nouvelle forme, de forcer les chefs de l'administration du Nord à» faire prêter aux troupes le serment national avant qu'ils en eussent reçu l'ordre.
Ils déclarent ne pas vouloir du plan de convocation générale de la colonie envoyé par le ministre de la marine, à la demande même de nos députés ; ils somment le chef des finances de Saint-Domingue à leur en rendre compte et lui en prescrivent la forme ; ils se sont rendus maîtres des caisses de la comptabilité de la province du nord de cette colonie; ils ont envoyé cet arrêté, en l'adressant directement au conseil supérieur avec une lettre.
Le conseil supérieur, au nom.de tourtes vrais
citoyens, réclame la protection de l'Assemblée nationale pour détourner le coup* fatal que voudrait porter à la colonie l'assemblée illicite du Gap français; il vous sollicite de vouloir bien étendre sur la:colonie de Saint-Domingue lés gé- néreux travaux auxquels vous vous consacrez et de prendre les moyens Tes plus efficaces et les. plus- prompts pour" rappeler^ l'ordre dans toutes les parties de la colonie.
L'Assemblée nationale renvoie le mémoire du conseil supérieur de Saint-Domingue, et les pièces qui y sont annexées, à son comité des rapports.
L'Assemblée a- plusieurs, objets à son ordre du jour; quel est celui qui doit avoir la priorité ? Je la consulte à cet égard*.
Je demande que l'Assemblée fixe le jour où elle voudra s'occuper de la question de savoir quel sera l'état civil accorde aux juifs,.
J'observe que la question relative aux juifs est sans doute fort importante, mais que nous en avons de plus importantes à. traiter. Ce que nous prononcerons à l'égàrd des juifs n'intéressera qu'une portion-d'hommes;, et fixer l'ordre du pouvoir judiciaire, déterminer, le nombre et le mode de l'armée française, établir un règlement sur les finances,,voilà trois objets qui intéressent tout le royaume, et qui sollicitent tous vos moments. Je demande l'ajpurnement de la. question sur les juifs..
J'ai eu l'honneur de vous présenter, au nom, de votre comité de constitution, un décret général sur la division du royaume. Depuis l'instant où il vous a été soumis, votre comité a été assez heureux pour faire, évanouir les réclamations particulières qui avaient été faites à ce sujet. Je demande si l'Assemblée veut entendre une nouvelle lecturé de ce>projet de décret, afin d'y statuer sans délai.
Je pense que les moments de l'Assemblée sont tous précieux, et que le décret, lui est assez connu pour qu'elle puisse l'adopter sans en entendre une seconde lecture, surtout diaprée l'assurance que vient de vous donner le,, comité,. que les réclamations particulières avaient été étouffées.
L'Assemblée adopte cet avis, et le projet du comité est décrété en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que la rédaction générale des décrets sur la division de la-France en, 83 départements, l'indication des lieux de leurs assemblées et celle des districts,, sera incessamment présentée à l'acceptation et à la sanction de Sa Majesté, qui sera suppliée de donner sur-le-champ les ordres nécessaires pour que les assemblées de cantons, de districts et der départements soient formées le plus tôt possible.»
Votre comité a. pensé qu'il était, important de donner une dénomination particulière aux quatre-vingttrois dé-pantemente qui forment la totalité du royaume; J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, l'avis du comité sur cet objet.
Le département d'Artois sera dénommé Pas-de-Ca-kti»; eeiui d'Amiens- portera le nom de la. Somme; Soissons et Laon, VAisne; Douai, la Manche; Melfcm, Marne-et-Seine.
Votre comité n'a pas encore d'ôpinion détermi-
née sur le nom qu'elle donnera au département de Versailles.
Quelques personnes réclament sur ce que le travail du comité est incomplet.
Je demande la question préalable sur cet objet, et je désire qu'on passe à l'ordre du jour.
La division du royaume est à l'ordre du jour, la dénomination des départements l'ait partie de la division du royaume ; votre comité vous présente ses vues, et je crois qu'il est instant de s'en occuper. Votre comité pense que vous devez cesser d'accorder une suprématie à une ville sur une autre, et je pense avec lui que le moyen de détruire cette suprématie, est de ne pas donner aux départements le nom du chef-lieu.
Ce qui a surtout déterminé votre comité à ne pas donner aux départements le nom du chef-lieu, c'est que l'Assemblée a autorisé les alternats, et qu'il devient alors impossible de donner plusieurs noms à un département dont les assemblées seront tenues clans plusieurs villes.
Quelques personnes s'obstinent encore à demander la question préalable.
Les anciennes dénominations ne peuvent pas absolument subsister ; il n'est pas moins important de détruire l'aristocratie des villes qu'il ne l'était de détruire celle des ordres ; je pense que ^Assemblée doit rejeter la question préalable.
Je ne saurais apercevoir l'importance que le préopinant attache à la dénomination des départements. J'observe que cette dénomination ne pourra jamais;être bien faite. Il faut conserver servilement les noms de l'ancien esclavage, et conserver aussi, par exemple, le nom du royaume de France. J'ai dit que la dénomination ne pourra jamais être bien faite, parce que nommer un département du nom de la Seine, ce n'est pas fixer clairement .le nom du chef-lien, puisque la Seine baigne plusieurs chefs-lieux. Jusqu'à présent les marins ont constamment appelé la rivière de Rouen la Seine, celle de Bordeaux la Garonne. Peut-être un jour pourrez-vous donner aux chefs-lieux le nom des grands hommes qui y auront pris naissance. Mais rien ne s'oppose, selon moiT à ce que nous conservions aux départements les noms: des villes des, chefs-lieux ; lorsque le chef-lieu changera de ville, il; changera de nom : voilà mon dernier avis.
Il me semble que le préopinant ne s'est pas fait une idée nette de ce que le comité se propose en donnant une nouvelle dénomination aux départements: Rome fut toujours Rome, depuis César jusqu'à Claude, et cependant César avait l'empire du génie et l'autre celui de l'extrême imbécillité.
On vous a proposé d'indiquer les chefs-lieux des départements par des numéros; je m'élève contre cet avis ; car i'amour-propre humain qui se replie en tout sens, sans nous abandonner, pourrait bien persuader un jour que le n° 24 ne vaut pas les nos 1 et 2. Il faut donner une dénomination nouvelle aux départements ; une déno-
mination fixe la raison, et nos principes, d'accord avec la raison, nous en font un devoir; je. ne pense pas qu'il puisse exister une opération plus grande, plus importante et moins digne de persiflage, malgré l'esprit du préopinant. Il serait cependant très fâcheux que le travail des dénominations fît perdre encore beaucoup de temps à l'Assemblée. Je crois qu'il serait raisonnable de charger deux personnes de terminer ce travail.
Je demande que la question soit ajournée à la prochaine législature.
L'avis de M. de Foucault est mis aux voix et rejeté.
Puisqu'on veut baptiser les départements, je propose de baptiser aussi les districts et les cantons.
l'aine. Il faut parler du baptême avec plus de respect.
Je demande que votre comité de constitution soit chargé de continuer et de perfectionner son travail sur cet objet.
Je demande la question préalable sur tous les amendements.
Un grand nombre de voix. Appuyé !
La question préalable sur les amendements est mise aux voix et adoptée.
L'Assemblée porte ensuite le décret suivant :'
« L'Assemblée nationale décrète que le comité de constitution est chargé de donner des dénominations aux 83 départements.
Je propose d'insérer au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui, les divers décrets relatifs à la division du royaume.
Cette proposition est adoptée ( Voyez plus loin le texte des divers décrets).
, au nom du comité des finances, propose le projet de décret suivant, relatif aux impositions du Dauphiné :
« L'Assemblée nationale, instruite que; son décret du 27 janvier est mal interprété dans quelques provinces, a décrété et décrète ce qui suit :
« L'article 2 du décret du 27 janvier ne peut s'appliquer ni en Dauphiné, ni dans les provinces sujettes au même régime, à la portion de la taille que les contribuables aux décimes payent pour les fonds roturiers qu'ils possèdent, ni"aux accessoires de cette taille, ni à la prestation représentative de la corvée, ni aux dons gratuits qui se perçoivent dans les villes et. dans les communautés qui y sont sujettes,, par voie d'imposition directe ; en conséquence, les quittances de la moitié des décimes de 1789 ne serontreçues qu'en compensation de la capitation personnelle et de la portion de la taille que lesdits ce itribuables aux décimes payeront pour les fonds nobles dont ils jouissent» »
le met aux voix *r il est adopté.
, au nom du comité des finances, fait à l'Assemblée le rapport suivant, concernant une
réduction provisoire de soixante millions sur les dépenses publiques (1).
Le comité joignit à ce rapport un aperçu des réductions dont la dépense des différents départements lui avait paru susceptible.
II résultait de ce premier travail deux choses importantes :
1° Qu'il ne serait pas nécessaire d'augmenter la masse générale des impôts pour subvenir aux besoins de l'État;
2° Que la masse des impôts n'étant pas augmentée, et la matière imposable étant accrue de | tous les biens possédés par les ci-devant privilégiés, le peuple serait à l'avenir soulagé, dans ses impositions, de toute la contribution des susdits ci-devant privilégiés.
Votre comité, portant ses vues plus loin, a cru apercevoir deux causes principales du désordre des finances, dans l'usage ancien de consommer d'avance le revenu d'une ou de plusieurs années, par des anticipations, et dans celui de prélever de gros cautionnements qui rendent l'administration dépendante, et en quelque sorte tributaire des compagnies nombreuses de financiers.
Votre comité vous a invités à rassembler toutes vos ressources, même à en créer de nouvelles, s'il était nécessaire, pour anéantir ces deux genres d'abus. Après vons avoir indiqué une partie de ces ressources, il vous a présenté le tableau de la position où se trouveraient les affaires publiques, lorsque vous auriez mis ce nouvel ordre de choses à la place de t l'ancien.
11 vous a prouvé que, par cette disposition, vous rendriez possible une réduction de 30 à 35 millions par an sur les impositions , et qu'elle pourrait être l'effet immédiat de la suppression consommée des anticipations, des cautionnements et des fonds d'avance. Ce serait donc un des plus sûrs et des plus importants moyens de procurer un grand soulagement aux peuples, ou de hâter la libération de l'Etat : mais lorsque nous vous présentions cet espoir et les moyens de le réaliser, nous ne pensions pas que le moment fût arrivé de décréter cette amélioration , puisqu'elle tenait à plusieurs arrangements antérieurs.
Il n'en est pas ainsi de la partie de notre travail destinée à préparer vos opérations sur les dépenses publiques, et à rétablir la proportion entre la recette et la dépense ordinaire. Ce travail, dont le plan nous a déjà été soumis, dont le résultat sommaire a passé sous vos yeux, dont les rapports détaillés ont été commencés, ce travail est fait, et n'attend plus que vos décrets ; mais vous sentez, Messieurs, qu'en faisant la comparaison des dépenses avec les recettes, votre comité a pris pour base de ses calculs un état ordinaire et habituel d'ordre et de calme, et pour terme de comparaison, la somme des recettes portée au compte du premier ministre des finances. Nous sommes partis de l'hypothèse que nous pouvions compter sur le revenu dont le gouvernement était en possession , au moment où l'un de vos plus importants décrets a transformé la dette royale en dette nationale, et a ordonné la perception de tous les anciens im-
pôts. Nos résultats ne pourront, par conséquent, être rigoureusement vrais qu'au moment où, après avoir réduit les dépenses publiques au terme de nos propositions, vous aurez établi une recette effective.
Vous êtes fort loin de cette position, Messieurs , il ne faut pas vous le dissimuler. Aucune réduction n'est encore opérée sur les dépenses; et, soit par des événements inévitables, soit par des décrets que les circonstances ont nécessités , une grande partie des revenus, dont la conservation avaitété décrétée le 17 juin, n'existe plus.
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, qu'à cette époque du 17 juin, le revenu entier de l'Etat était inférieur de près de 60 millions, à la dépense ordinaire.
11 est constant que, depuis cette époque, les événements ont accru les dépenses et diminué les recettes; que rien n'est plus pressant que de faire cesser un état de choses qui anéantit le crédit public, qui alarme les citoyens sur le sort de toutes leurs fortunes, et qui nourrit des inquiétudes dangereuses pour la liberté et pour la Constitution.
D'après ces considérations, votre comité pense qu'il est d'une haute importance que vous commenciez par faire disparaître, plus tôt que plus tard , le déficit qui existait au moment de votre convocation , en décrétant , sans attendre l'examen de tous les détails que vous ferez ensuite, une réduction provisoire de 60 millons sur les dépenses, telle que vous la savez possible, et que nous avons eu l'honneur de vous la présenter. Nous estimons qu'il est également important de faire disparaître un second déficit, provenu, depuis le 17 juin, de la cessation d'une partie de nos recettes, en déclarant votre intention formelle de pourvoir, dès cette année, au remplacement des revenus publics, dont la perception aurait cessé ou aurait été diminuée depuis votre décret du 17 juin dernier.
Ce n'est pas tout encore, Messieurs ; tandis que vos différents comités travaillent avec un grand zèle, que celui des finances, après avoir rassemblé une foule de matériaux, est prêt à vous rendre compte des travaux les plus étendus ; tandis que nous attendons les nouveaux secours que nous fourniront indubitablement les assemblées administratives, qui bientôt seront en activité; les besoins publics, les besoins les plus urgents, s'accumulent tous les jours. L'année 1790, Messieurs, mérite de vous ia plus sérieuse attention. Cette année critique est placée entre l'ancienne administration qui anticipait sur toutes les recettes et la nouvelle qui repoussera toute anticipation ; ainsi elle doit à la fois faire face à ses propres besoins, et à ceux qui naissent des abus antérieurs. Il lui faudrait la réunion de tous les moyens extraordinaires possibles ; et elle aura à peine ceux qui se rencontrent dans les années les j)lu8 communes, jusqu'à ce que vous ayez fixé la véritable étendue et constaté la solidité des ressources que vous avez résolu d'y appliquer. Voilà, Messieurs, la cause du discrédit général dont on se plaint, de cette terreur qui fait disparaître l'argent de la circulation, et qui, fût-elle imaginaire, n'en serait pas moins un malheur réel.
La France est hors de péril, si vous pouvez assurer le service de cette année. Personne ne peut, raisonnablement, être inquiet de l'année 1791. Il faudrait admettre l'absurde proposition de la dissolution entière du corps politique,
pour douter, à cette époque, du rétablissement de l'ordre dans le royaume, et de l'action qu'aura la force publique, soutenue de la réunion de toutes les volontés. Alors, sans doute, des revenus bien liquides suffiront à toutes nos dépenses ; mais il n'en est que plus instant de sortir d'une crise qu'il est encore aisé de prévenir, etqueles ennemis de la patrie verraient avec tant de plaisir mettre obstacle au succès de vos travaux.
Votre comité ne fait ici que vous rappeler des vérités, qui ne vous auraient pas échappé, mais sur lesquelles il n'est plus permis de rester sans détermination.
11 aurait regardé comme le premier devoir de vous présenter, à cetégard ses idées et ses moyens; mais le ministre des finances, que vous honorez d'une juste confiance, n'a pu. ni ignorer le mal, ni en négliger le remède.G'est lui qui doit rassurer l'Assemblée nationale en lui présentant le tableau de ses moyens. C'est l'Assemhlée qui doit l'aider de sa force, en atténuant les dépenses et en soutenant la perception des revenus. En conséquence, votre comité a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant.
projet de décret.
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
» 1° Il sera fait une réduction provisoire de 60 millions sur le montant des dépenses du Trésor public, dont l'état est annexé au présent décret; laquelle réduction aura lieu, à compter du 1er avril prochain, sans préjudice du décret relatif aux Haras.
« 2° L'Assemblée nationale se réserve de statuer définitivement et en détail sur chacun des articles contenus dans ledit état annexé au présent décret, d'après le compte détaillé qui lui en sera rendu par le comité des finances et ses autres comités, mais de manière que la masse ordinaire des dépenses de l'administration générale ne puisse excéder les bornes prescrites par l'article précédent, et qu'il ne puisse être proposé ni adopté à cet égard que des réductions nouvelles.
« 3° L'Assemblée ordonne que le tableau des besoins de tout genre de l'année 1790, et des fonds destinés au service de ladite année, soit mis incessamment sous les yeux du premier ministre des finances.
La discussion est immédiatement ouverte sur le projet de décret proposé par le comité des finances.
Dans le dernier rapport du comité des finances. M. Anson vous a annoncé et certifié que les économies sur lesquelles nous pouvions compter s'élevaient à 100 millions. On ne nous propose aujourd'hui que 60 millions de réduction. Je pense que la première espérance qu'on nous avait donnée était trop importante pour que nous ne devions pas nous en occuper en ce moment.
Le préopi-naut n'a pas porté son attention ordinaire sur les objets dont il vient de nous parler. Le comité des finances a eu l'honneur de vous dire que, par la snitede l'organisation des départements, une partie de dépenses de 35 à 40 millions, qui se faisit autrefois pour les provinces, serait administrée par les départemnets eux-mêmes, et qu'ainsi les
fonds ne devraient plus en être faits au trésor public. Avec 60 millions d'économies effectives, il sortira du trésor public 100 millions de moins par année.
demande lecture de l'état de réduction indiqué dans le décret.
On observe que depuis longtemps cet état a été imprimé et distribué à tous les membres de l'Assemblé. Cependant un de MM. les secrétaires en fait lecture, ainsi qu'il suit :
État des dépenses publiques, sur lesquelles VAssemblée nationale déerète provisoirement une réduction de 60 millions.
1. Dépenses générales de la Maison du roi, de celle
ae la reine et de la famille royale.
2. Les Maisons des princes frères de Sa Majesté, y
compris les enfants de M. le comte d'Artois.
3. Les affaires étrangères et les lignes suisses.
4. Départements de la guerre.
5. Marine et colonies.
6. Ponts et chaussées.
7. Haras.
8. Pensions.
9. Gages du conseil et traitement particulier de la
magistrature.
10. Gages, traitements et gratifications à diverses per-
sonnes.
11. Intendants des provinces et leurs bureaux.
12. Police de Paris.
13. Quais et Garde de Paris.
14. Maréchaussée de l'Ile de France.
15. Pavé de Paris.
16. Travaux dans les carrières sous Paris.
17. Remise en moins imposé, décharges et modéra-
tions sur les impositions.
18. Traitements aux receveurs, fermiers et régisseurs-
généraux et autres frais de recouvrement.
19. Administrateur du Trésor royal, payeurs des
rentes.
20. Bureau de l'Administration générale.
21. Traitement et Repense de la caisse du commerce,
de celle des Monnaies et de la liquidation de la Compagnie des Indes.
22. Fonds réservés pour des actes de bienfaisance.
23. Secours aux Hollandais réfugiés en France.
24. Communautés, maisons religieuses et entretien
d'édifices sacrés.
25. Dons, aumônes, secours,-hôpitaux et enfants trou-
vés.
26. Travaux de charité.
27. Destruction du vagabondage et de la mendicité.
28. Primes et encouragements pour le commerce.
29. Jardin royal des plantes et cabinet d'histoire na-
turelle.
30. Bibliothèque du Roi.
31. Universités, académies, collèges, sciences et arts.
32. Passe-ports et exemptions de droits.
33. Entretien réparation et construction des bâtiments
pour la chose publique.
34. Diverses dépensés de plantations dans les forêts.
35. Dépenses de procédures criminelles et de prison-
niers.
36. Dépenses locales et variables dans les provinces.
37. Dépenses imprévues.
propose cet amendement au projet de décret : « Que le comité soit tenu de présenter incessamment un projet de remplacement pour l'année de la gabelle, de la partie des aides qui se perçoit par l'exercice et des droits réunis.
On ne peut certainement qu'applaudir au comité pour avoir déterminé 60 millions de réductions ; mais on peut espérer qu'elles s'élèveront encore plus haut. Qu'il ! me soit permis de faire une observation générale.
On parle beaucoup des comptes rendus : on nous en montre en effet quelques-uns; mais sans doute on peut douter, on peut examiner et rechercher si ce sont là les comptes que l'on doit rendre à une grande nation. En dernière analyse, je n'en-ténds que ceci : foi tant, il me faut tant et 1! Assemblée demande : pourquoi avez-vous tant ?, pourquoi vous faut-il tant ? Lorsqu'on se1 trouve; dans cet embarrassant passage du désordre à l'ordre, c'est au ministre à flaire des propositions sur cet ordre de passage, et le ministre n'en afait aucune, et nous sommes bien arriérés sur les moyens à prendre. Nul de nous ne connaît l'état de cette année ; malgré notre activité, nous ne, connaissons que notre confiance dans le ministre et le malaise que nous éprouvons : nous ne dormons que parce qu'on dort au pied du Vésuve. Il est un mot que je n'ai jamais oublié, et dont je vous laisse l'application. « Le cheval de Caligula fut consul, et cela ne nous étonne que parce que nous n'en avons pas été témoins..... » La caisse d'escompte ayant, dans les derniers temps, constaté qu'elle verserait un secours sur les pauvres, le relevé des pauvres de la capitale a été fait par district, et le nombre s'est trouvé monter à cent-vingt mille.
Nous ne pensons point assez que nous sommes au milieu d'une ville immense, qui n'a d'autre commerce que celui des consommations et des fonds publics; nous ne songeons pas que cette énorme population a été longtemps entretenue, comme en serre chaude, par l'ancien ordre de choses; il me semble que l'amaigrissement de cette population doit être progressif, si nous craignons une paralysie réelle. Je reviens à ma première observation, et je dis que, lorsque vous avez voulu être libres, ce n'a pas été pour laisser à un seul l'administration de la partie'la plus importante de votre administration ; car si la constitution seule peut ordonner là finance, la finance seule peut laisser achever la constitution. La nation ne peut abandonner la dictature en finance, et un homme exercerait une véritable dictature s'il pouvait se soustraire à l'obligation de venir apporter à une nation l'état de sa situation. La plus belle mission, fût-elle marquée par des miracles, n'exempterait pas de ce devoir celui à qui elle aurait été confiée- à plus forte raison, si, au lieu de succès miraculeux, cette mission ne s'était signalée que sous de funestes calamités.
Je demande donc que le décret soit adopté, avec cet amendement, que le ministre des finances vienne nous présenter, non-seulement l'état de notre situation, mais encore ses ressources, ses conseils et son expérience sur la situation critique où nous nous trouvons, et que nous ne pouvons nous dissimuler.
Votre comité des finances ne s'est pas cru simplement obligé à faire des recherches sur la situation où les finances se trouvent, mais il a pensé qu'il devait aussi réunir des vues qui se conciliassent avec celles du premier ministre, et avec les points constitutionnels que vous avez décrétés. Il a vu qu'il est facile de sauver les finances en y donnant beaucoup de courage, de suite et de travail... Le comité s'est occupé du remplacement de la gabelle et des impositions qui emportent violation de domicile; il présentera incessamment ses vues à ce sujet. 11 croit qu'il faudra s'occuper sans délai de cet objet important, afin que les instructions qui y seront relatives parviennent aux administrations de département immédiatement après leur installation.
appuie l'amendement de M. Duport.
Je suis éloigné de partager les profondes terreurs qu'on a voulu nous-inspirer; elles ne peuvent faire naître que le désespoir, qui détruirait le désir de remédier à nos maux. Je ne saurais; voir, dans la position où nous sommes, que le résultat inévitable d'un choc violent ; mais; lorsque je considère les opérations de l'Assemblée-nationale, l'immensité des valeurs qu'elle amises à la disposition de lai nation, je trouve le sentiment de l'espérance à la suite de l'inquiétude que le premier regard avait donnée. Quand vous avez décrété le don du quart du revenu, vous avez dû prévoir que la jouissance n'en serait pas prompte., Peut-être le retard qu'elle éprouve paraît-il un motif de découragement et d'effroi. Mais j'observerai à. ceux qui se plaignent de ce retard: et de la modicité dui produit de' cette contribution que vous n?avez pas assigné de termes prochains pour l'entier paiement, et que la modicité des sommes touchées en ce moment vient uniquement d'un défaut de confiance passager, résultant d'une crise momentanée. Sitôt que les administrations de districts et de départements seront organisées, vdus verrez s'accroître rapidement le produit de cette ressource importante : le résultat de ces diverses opérations et de celle que vous vous proposez de faire encore est infaillible... Le seul moyen d'empêcher le rétablissement des finances serait d'arrêter l'établissement de la constitution. Tout ce que l'Assemblée a fait pour la constitution a été fait pour les finances.
Il vous faut rétablir sur-le-champ l'équilibre entre la recette et la dépense pour cette année; il se présente deux moyens : 1° détruire l'inégalité des dépenses de chaque département; le comité vous propose, en faisant cette opération, des réductions dont l'effet inévitable serait de ranimer le crédit; 2° faire rentrer dans le Trésor des recettes interrompues. Si donc vous voulez rapprocher la recette de la dépense, il ne suffit pas de* diminuer les dépenses, mais il faut encore assurer la recette. Il faut concerter le remplacement des impositions, dont la perception odieuse aui peuple ne peut plus se faire. Lorsqu'on vous engage à appeler le ministre des finances dans* cette Assemblée, on ne songe pas qu'il vous dira : « Vous n'avez pas fait des réductions sur les dépenses, quoique je vous eusse dénoncé ces réductions; vous avez laissé subsister des impôts dont la perception était impossible, tandis que vous pouviez les percevoir en les remplaçant. » Vous n'obtiendrez pas de lui des secours, mais des arguments et des reproches. Je conclus en vous proposant d'adopter le projet de décret présenté par le comité des finances et l'amendement de M. Duport.
propose de remplacer par des assignats sur le clergé, portant intérêts, le produit delà gabelle, etc., jusqu'à l'époque où les assemblées de département pourront verser- le produit du remplacement de ces impositions.
Je pense avec M. Duport que les impôts de la gabelle, etc., sont mauvais, qu'ils doivent être détruits ou convertis ; mais je suis loin de penser qu'ils puissent l'être isolément. Vous n'avez qu'une manière d'éviter les erreurs et les faux calculs, c'est de fixer la dépense du gouvernement. Quand vous connaîtrez ses besoins, vous saurez quelle doit être la masse des impositions,.
et vous pourrez établir la proportion entre l'impôt direct et l'impôt indirect; mais si vous faites un remplacement partiel, vous serez hors de mesure, et vous trouverez des mécomptes auxquels il ne vous sera pas facile de remédier.
Ge que dit M. de Cazalès est parfait pour 1791, et serait fort dangereux pour 17y0.
J'observe, sur l'amendement de M. Duport, que vous avez rendu un décret par lequel vous avez chargé votre comité de faire un plan de remplacement de la gabelle : il s'en est occupé, et il reconnaît la nécessité de vous présenter très promptement son travail. La perception des aides et des droits réunis n'a pas éprouvé le même échec que la gabelle; si vous vous occupiez en ce moment de leur remplacement, vous verriez bientôt que le peuple, pressé de jouir du bienfait qui lui serait offert, ne voudrait plus se soumettre à ces impôts. Vous avez jusqu'à la récolte pour préparer le remplacement des droits d'aides. Je pense donc qu'il faut borner à la gabelle l'amendement de M. Duport.
Cet avis est adopté.
L'Assemblée ferme la discussion.
met aux voix le décret tel qu'il résulte de la discussion. Il est adopté en ces termes :
décret sur les finances.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. 11 sera fait une réduction provisoire de 60 millions sur le montant des dépenses du Trésor public, dont l'état est annexé au présent décret, laquelle réduction aura lieu, à compter du 1er avril prochain.
Art. 2. L'Assemblée nationale se réserve de statuer définitivement et en détail sur chacun des articles contenus dans ledit état annexé au présent décret, d'après le compte détaillé qui lui en sera rendu par le comité des finances et ses autres comités; mais de manière que la masse des dépenses ordinaires de l'administration générale ne puisse excéder les bornes prescrites par l'article précédent, et qu'il ne puisse être proposé ni adopté, à cet égard, que des réductions nouvelles.
Art. 3. L'Assemblée ordonne que le tableau des besoins de tout genre de l'année 1790, et des fonds destinés au service de ladite année, soit mis incessamment sous ses yeux, par le premier ministre des finances ;
Art. 4. Que le comité des finances soit tenu de présenter, sous huitaine, à l'Assemblée, le projet de remplacement, pour l'année, de la gabelle.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret proposé par le comité féo-
, rapporteur, donne lecture des trois articles suivants :
TITRE II.
des droits seigneuriaux supprimés sans indemnité.
« Art. 1er. La mainmorte personnelle, réelle ou
mixte, ainsi que la servitude d'origine, la servitude personnelle du possesseur d'héritages tenus en mainmorte réelle, celle de corps et de poursuite, les droits de taille, de corvée personnelle, d'échute, de vide-main, le droit prohibitif des aliénations et dispositions à titre de vente, de donations entre-vifs ou testamentaires-, et tous les autres effets de la mainmorte réelle, personnelle ou mixte, qui s'étendaient sur les personnes ou les biens, sont abolis sans indemnité.
« Art. 2. Néanmoins tous les fonds, ci-devant assujettis à la mainmorte réelle ou mixte, continueront d'être assujétis aux autres charges, redevances, tailles ou corvées réelles dont ils étaient précédemment chargés.
» Art. 3. Lesdits héritages demeureront pareillement assujétis aux droits dont ils pouvaient être tenus en cas de mutation par vente, pourvu néanmoins que lesdits droits ne fussent pas des compositions à la volonté des propriétaires du fief dont ils étaient mouvants, et que lesdits droits n'excédassent point ceux qui ont accoutumé d'être dûs par les héritages non mainmortables, tenus en censive dans la même seigneurie, ou suivant la coutume. »
La discussion est ouverte.
, rapporteur. Plusieurs difficultés se sont présentées : la première est de savoir précisément quelle a été votre intention, en abolissant la mainmorte réelle. Avez-vous par là affranchi de tous droits et la personne et le fonds du mainmortable? OU bien, en faisant jouir la personne d'une liberté entière, et en effaçant du fonds même les traces de la mainmorte, avez-vous laissé subsister sur ce fonds les droits qui n'ont par eux-mêmes rien de servile?
En un mot, la condition du possesseur de fonds mainmortable est-elle aujourd'hui meilleure, que si originairement il lui avait été fait une concession en censive, au lieu d'une concession en mainmorte? Le comité a pensé qu'en abolissant et en affranchissant des droits qui en étaient la suite, tous les fonds mainmortables, vous n'aviez pas touché aux droits qui ne tiennent point à la mainmorte elle-même, et dont les fonds mainmortables partagent le fardeau avec les fonds libres.
La seconde difficulté s'est élevée sur l'abolition prononcée des droits représentatifs de la mainmorte. Vous avez décrété l'abolition pure, simple et sans indemnité, de tous les droits qui représentent la mainmorte, et en cela vous n'avez fait que suivre le fil des principes éternels qui assurent à l'homme une liberté toujours inaliénable et que jamais ne peuvent atteindre, ni l'esprit commercial, ni les transactions qu'il produit. Sous ce rapport votre décret est souverainement juste et il n'y a que la cupidité en délire qui puisse le censurer; mais si la justice de ce décret est au-dessus de toute critique relativement aux droits représentatifs de la mainmorte personnelle, il n'en serait pas de même par rapport aux droits représentatifs de la mainmorte réelle, si à cet égard votre décret était entendu à la lettre.
(M. Merlin explique ensuite les raisons qui ont détermine le comité. Il dit qu'il n'y a dans les traités qui ont substitué la tenure en censive à la tenure en mainmorte, rien qui ne s'accorde parfaitement avec les principes de la justice ; rien qui ne dérive directement du droit de propriété, rien par conséquent qu'il ne soit dans le devoir, comme dans l'intention de l'Assemblée
de maintenir. Sous quel prétexte pourrait-on donc dépouiller le seigneur des droits de cens, et des lods et ventes qui remplacent actuellement, dans ses mains, la mainmorte et les droits qu'elle produisait ?)
,evéqrite de Perpignan, cherche à prouver que la mainmorte ne peut être abolie sans indemnité.
établit une distinction entre les différentes espèces de mainmorte; il compare la tenure en mainmorte réelle àla tenure censuelle et il démontre la justice des articles proposés par le comité.
En quoi consiste la mainmorte, même celle qu'on appelle réelle? Dans l'obligation imposée au cultivateur de vivre éternellement, non seulement dans le même village, mais dans la maison de son père avec ses enfants, ses frères, ses sœurs, ses neveux, ses cousins, sous peine de perdre le droit de disposer des biens qu'il a possédés clans ce village, sous peine encore d'être à jamais exhérédé des portions qui appartiennent à ses parents dans les mêmes biens; ainsi la liberté naturelle d'aller, de venir, de changer de domicile, liberté que nous avons consacrée dans la déclaration des droits, est proscrite dans les pays de mainmorte. Le citoyen ne cesse d'être frappé par ces coutumes barbares d'une espèce de mort civile; en abolissant cee coutumes injustes et cruelles, l'Assemblée nationale a fait justice et non pas grâce; et on ose lui proposer aujourd'hui de revenir sur son décret, de contredire ses propres principes, et d'effacer de ses arrêtés l'abolition gratuite de la mainmorte réelle, qui n'en est que la conséquence immédiate! cela ne se peut pas.
trouve injuste d'abolir sans indemnité des droits qui dériveut d'une concession de fonds, faite à un très bas prix. Il accuse l'abbé de Mably d'avoir exagéré l'état des mainmortables d'avoir compromis les droits des seigneurs et de n'avoir pas connu par lui-même ce genre d'intérêt, n'ayant pas habité la province dont il parle.
fait valoir de nouvelles considérations destinées à appuyer les articles proposés par le comité féodal.
soutient que la mainmorte ne doit son origine qu'à l'oppression et à la violence ; que toutes les présomptious sont contre le seigneur et que c'est à lui à prouver que la concession des terres est la source de la mainmorte ; il propose, par amendement à l'article 2, que les mainmortables soient déchargés, à moins que les seigneurs ne prouvent par titres, que la mainmorte est le fruit de la convention.
propose un autre amendement à l'article 3.
On demande la question préalable sur les amendements.
consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
Les trois articles réunis sont ensuite mis aux voix et adoptés sans modification.
lève la séance à quatre heu-
res, après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
à la séance de VAssemblée nationale du
décrets relatifs a la division du royaume.
Du vendredi, 15 janvier 1790.
L'Assemblée nationale, sur le rapport du comité de Constitution, après avoir entendu les députés de toutes les provinces du royaume, a décrété que la France sera divisée en quatre-vingt-trois dépar-
tements : Savoir :
Provence,................3
Dauphiné,..............................3
Franche-Comté..........................3
Alsace, .............................2
Lorraine, trois évêchés et Barrois, .... 4 Champagne, principauté de Sedan, Cari-gnan et Mousson, Philippeville, Marienbourg,
Givet et Charlemont,......................4
Les deux Flandres, Hainault, Càmbresis,
Artois, Boulonais, Calaisis, Ardrésis, .... 2
Isle-de-France, Paris, Soissonnais, Beauvoisis, Amiénois, Vexin-Français, ..... 6
Normandieet Perche,....................5
Bretagne et partie des Marches-Communes. 5 Haut et Bas-Maine, Anjou, Touraine et Sau-
murois,................ . 4
Poitou et partie des Marches-Communes, . 3
Orléanois, Blaisoiset pays Chartrain, ... 3
Berry,................................2
Nivernais................................1
Bourgogne, Auxerrois et Sénonais, Bresse,
Bugey et Valromey, Dombes et paysdeGex, . 4
Lyonnais, Forez et Beaujolais,............1
Bourbonnais,..................1
Marche, Dorât, Haut et Bas-Limousin, ... 3
Angoumois,............................1
Aunis et Saintonge, ...........1
Périgord, . .........................1
Bordelais, Bazadois, Agénois, Gondomois, . Armagnac, Chalosse, pays de Marsan et
Landes,..................................4
Quercy, . . .................1
Rouergue,..............................1
Basques et Béarn,....... . . , . 1
Bigore et Quatre-Vallées,................1
Couserans et Foix,......................1
Roussillon,.....................1
Languedoc, Cominges, Nebousan et Rivière-
Verdun, ..................................7
Velay, Haute et Basse-Auvergne, .... 3
Corse,..................................1
Total des départements. . . 83
TITRE PREMIER.
articles généraux.
Du mardi, 16 février.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Laliberté, réservée aux électeurs.de plusieurs départements ou districts par différents décrets de l'Assemblée nationale, pour le choix des chefs-lieux et l'emplacement de divers établissements, est celle d'en délibérer et de proposer à l'Assemblée nationale ou aux législatures qui suivront, ce qui paraîtra le plus conforme à l'intérêt général des administrés et des juridi-ciables
Art. 2. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l'administration directe de leurs municipalités, et que les communautés de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées dont les habitants sont cotisés sur les rôles d'imposition du chef-lieu.
Art. 3. Lorsqu'une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements ou les deux districts ne sont bornés que par le milieu du lit de la rivière, et que les deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière.
La division du royaume en départements et en districts n'est décrétée, quant à présent, que pour l'exercice du pouvoir administratif; et les anciennes divisions, relatives à la perception des impôts et au pouvoir judiciaire, subsisteront jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée, Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété sur l'ordre judiciaire.
L'Assemblée nationale décrète que la rédaction générale des décrets sur la division delà France en quatre-vingt-trois départements, l'indication des lieux de leurs assemblées et de celles des districts, sera incessamment présentée à l'acceptation de Sa Majesté, qui sera suppliée de donner sur-le-champ les ordres nécessaires pour que les assemblées de cantons, de districts et de départements, soient formées le plus tôt possible.
L'Assemblée nationale décrète du même jour, que le comité de constitution est chargé de donner des dénominations aux quatre-vingt-trois départements.
TITRE II.
division dc îtoyaume.
départements.
Département de l'Ain.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Bourg.
Il est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Bourg, Trévoux, Montluel, Pont-de-Vaux, Ghâtillon, Belley, Saint-Rambert, Nantua, Gex.
Les tribunaux qui pourront être créés dans les districts de Saint-Rambert et de Châtillon seront placés dans les villes d'Amberieux et Pont-de-Vesle : Bagé ou Saint-Trivier seront admis à partager les établissements de leur district.
Département de l'Aisne.
La première assemblée des électeurs de ce département se tiendra à Chauny, et ils proposeront l'une des deux villes, de Laon ou Soissons, pour être chef-lieu du département.
Ce département est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Soissons, Laon, Saint-Quentin, Château-Thierry provisoirement, Guise, Chauny.
Les électeurs du district de Guise délibéreront, lors de leur première assemblée, sur la fixation du chef-lieu, et sur la réunion ou le partage entre Guise et Vervins, des établissements résultants de la constitution.
Les électeurs du district de Chauny proposeront la fixaiion des différents établissements, en les partageant entre Chauny, Coucy et La Fère.
Département de VAllier.
L'assemblée de ce département se tiendra en la ville de Moulins.
11 est divisé en 7 districts, dont les chefs-lieux sont : Moulins, le Donjon, Cusset, Gannat, Mont-Maraut, Mont-Luçon, Cénlly.
L'assemblée du département proposera, si elle juge à propos, àia première législature, la réduction à six districts.
Département de VArdèehe.
La première assemblée de ce département se tiendra à Privas, et pourra alterner dans les villes d'Annonay, Tournon, Aubenas, Privas et Lebourg.
Ce département est divisé provisoirement en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Privas, An-nonay, Tournon, Aubenas, Vernoux, Villeneuve-de-Berg et l'Argentière.
Les séances des assemblées des districts de Tournon, Vernoux, Privas, Aubenas et de l'Argentière alterneront à Saint-Peray, Saignes, laVoulte, Montpesat, Joyeuse.
Les électeurs du département délibéreront sur la division des établissements de ce district, entre les villes ci-dessus énoncées.
L'assemblée autorise l'exécution provisoire de la convention des députés de la province, déposée au comité de constitution.
Département des Ardennes.
La première assemblée des électeurs se tiendra à Mézières; ils y délibéreront sur la fixation du chef-lieu de ce département.
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Charleville, Sedan, Réthel, Rocroy, Vou-ziers, Grandpré.
La fixation des assemblées de districts à Charleville et à Grandpré est provisoire. Les électeurs proposeront le partage des établissements avec Mézières et Busancy.
Département de l'Ariège.
La première assemblée de ce département se tiendra à Foix, et alternera entre les villes de Foix, Saint-Girons et Pamiers.
Ce département est divisé en trois districts, dont les chefs-lieux sont Tarascon, Saint-Girons, Mire-poix.
Les tribunaux, qui pourront être créés, seront placés à Foix, Saint-Lisier et Pamiers.
Département de l'Aube. L'assemblée de ce déparlemen se tiendra dans
la ville de Troyes; if est divisé en six districts, dont les -chefs-lieux sont : Troyes, Nogent-sur-Seine, Areis-sur-Aufce, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seme, Ervv.
Les électeurs du département délibéreront si'la Tille de Méry doit partager avec celle d*Arcis-sur-Aube les établissements de ce district.
Département de VAyde.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement à Carcassonne, et les-électeurs délibéreront si elle doit alterner; et entre quelles villes cet alternat aura lieu.
Ce département est divisé en six districts, dont les chef-lieux sont : Carcassonne, Casteinaudary, la Grasse, Limoux, Narbonne, Quillan.
Département de l'Aveyron.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement à Rodez, et les électeurs délibéreront sur sa fixation.
Ce département est divisé én neuf districts, dont les chefs-lieux sônt : Rodez, Villefranche, Aubin, Mur-de-Barrèz, Severac-le-Château, Milhau, Saint-Afrique, Saint-Geniez, Sauverterre.
Espalion aura le tribunal, s'il en est établi dans le district de Saint-Geniez.
Département du Bas-Rhin
L'assemibiée .de «ce département se tiendra à Strasbourg.
Il est divisé en quatre districts, dont îles chefs-lieux sont i Strasbourg, Hagueneau, Vissembourg, Benfeld.
L'établissement de district dans la ville de Benfeld est provisoire.
Département des Basses-Alpes.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement à Digne.
Il est divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux sont : Digne, Forcalquier, Sisteron, Castellane, Barcelonnette.
La ville de Manosque pourra concourir avec Forcalquier pour les autres établissements qui seront fixés dans ce district.
Département des Basses-'Pyrénées.
La première assemblée des électeurs du département se réunira dans la ville de Navarreins, et ils délibéreront sur le choix de la ville dans laquelle se tiendra la première assemblée de ce département, et s'il y a lieu à l'alternat.
Ce département est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Pau, Grthez, Oloron, Mau-léon, Saint-Palais, Ustaritz.
Département des Bouches-du-Rhône.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville d'Aix.
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Aix, Arles, Marseille, Tarascon, Apt, Salon.
L'assemblée et le directoire de Tarascon alterneront entre cette ville et Saint-Remi.
Les électeurs du département délibéreront s'il y a lieu de faire alterner, entre Pertuis et Apt, l'assemblée de district, provisoirement indiquée à Apt.
L'assemblée et ledirectoire de Salon alterneront entre Martigues et Salon.
En tous les cas, la première assemblée sera à Tarascon, Apt et Salon.
Département dû Calvados.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Caen.
11 est divisé en six districts, dont les cbéfs-lieux sont : Caen, Bayeux, Falaise, Lisieux , Pont-l'E-vêque, Vire.
S'il y a jin établissement de justice dans le district de Lisieux, il sera placé a Orbec.
La ville de Pont-l'Evêque réunira les établissements de son district. -
Si les principes, qui seront décrétés sur l'ordre judiciaire, permettent Rétablir plusieurs tribunaux dans le même district, l'Asseçnblée nationale déterminera s'il en doit-être placé un dans la ville de Honfleur.
Département du Cantal.
La première assemblée de ce département se tiendra à Saint-Flour, et ses séances alterneront successivement entre Aurillac et Sarnt-Flour.
Il est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont : Saint-Flour, Aurillac, Mauriac, Murât.
L'administration dé ce département pourra proposer, à la prochaine 'législature, la suppression du district de Murât, dont 4e territoire, dans ce cas, se réunirait à ceflui de Saint-Flour.
L'établissement d'un tribunal supérieur, s'il a lieu dans ce département, sera fixé à Aurîllae.
La ville de Salers obtiendra le siège de la juridiction, s"il en est créé dans le district de Mauriac.
Département de la Charente.
L'assemblée de ce département se tiendra à Angoulême. .11 J
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Angoulême, la Rochefoucault, Confo-lens, Ruffec, Cognac, Barbézieux.
Département de la Charente-Inférieure.
La première assemblée de ce département se tiendra à Saintes, et alternera ensuite dans les villes de la Rochelle., Saint-JftaQ-.d'Angely et Saintes; à moins que, dans le cours de la première session, l'assemblée du département «ne propose une autre disposition définitive.
Dans le cas où l'alternat o'aurait plus lieu, la ville de La Rochelle obtiendra ceux des établis-semente publics, qui seront le plus avantageux à son commerce ; sauf à avoir égard aux conventions des'députés du département, relativement à l'emplacement des tribunaux.
Ce département est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Saintes, La Rochelle, Saint-Jean-d'Angely, Rochefort, Marennes, Pons.
Les électeurs du septième district, assemblés à Mont-Lieu, y délibéreront sur la fixation de son chef-lieu.
L'île de Rhé est du district de La Rochelle.
L'Ile d'Aix est du district de Rochefort. L'île d'Oléron est du district de Marennes.
Département du Cher.
L'assemblée de ce département se tiendra à Bourges. Il est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Bourges, Vierzou, Sancerre, Saint-Amand, Chàteau-Meillant, Sancoins, Au-bigny.
S'il est créé des tribunaux dans les districts de Château-Meillant, Sancoins et Aubigny, ils seront placés dans les .villes de Ljgaières, Dun-le-Roi et Hemàchamont.
Département de la Corrèze.
L'assemblée de ce département se tiendra à Tulle.
Il est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont : Tulle, Brive, Uzerche, UsseL
Département de ia *Corse.
L'île de Corse ne formera provisoirement qu'un seul département. L'assemblée des électeurs se tiendra dans la Piêv-e d'Qrezza. Ils y délibéreront s'il est avantageux à la Corse d'être partagée en deux départements ; et dans le cas,où ils croiraient que la Corse ne doit pas être divisée, ils indiqueront le lieu où l'assemblée du département doit se tenir.
Ce département est divisé en neuf districts, dont les ^chefs-lieux sont : Bastia, Olletta, l'Ile-Rousse, la Porta d'Ampugnaui, florte, Cerviione, Ajaccio, Vicao,. Tallaano.
Département de la Cûte-d'Or.
L'assemblée de ce département se tiendra à Dijon.
II est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Dijon, Saint-Jean-dè-Losne, Châtil-lon-sur-Seine, Semur en Auxois, Is-sur-Thil, Arnay-le-ûuc, Beawae.
Sauf à placer à Auxonne un tribunal, s'il en est créé dans le district.
Département des Côtes-du-Nord.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Sa'int-Brieuc. Il est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Saint-Brïéuc, Dinan, Lamballe, Guingamp, Lannion, Loudéac, Broons, Pontrieux, Rosternen.
Département de la Creuse.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement dans la ville de Guéret, sauf l'alternative en faveur d'Aubusson. Cet alternat n'aura lieu que dans le cas où la ville de Guéret aurait obtenu un tribunal supérieur aux autres tribunaux du département. Ce département est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Felletin, Boussac, la Souterraine, Bourganeuf, Guéret, Aubusson, Evaux.
Les électeurs du département délibéreront s'il est plus convenable de placer à Chambon le district désigné provisoirement pour Evaux; et
proposeront le partage, entre ces villes, des établissements de justice et d'administration.
Département de la Dordogne.
La première assemblée de oe département se tiendra à Périgueux, et pourra alterner ensuite à Sarlat et à Bergerac»
Il est divisé >en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : iPérigueux, Sarlat, Bergerac, Nontron, lExideuil, Moiltignac, Biberac, Belvez, Montpont.
Montpasier obtiendra le tribunal, s'il en est créé dans le district de fielvez.
Les électeurs délibéreront sur la division des -établissements d'administration et de justice,entre les .villes de Montpont et Mucidan iichacune d'elles ne pourra obtenir que d'un (des établissements.
Département du Doubs.
L'assemblée des électeurs, -celle -du département et son directoire, Se tiendront toujours dans la ville de Besançon.
Ce département est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Besançon , Quingey, Oman, Pontarlier, Saint-Hyppolite, Baume.
Département de la Drôme.
La première assemblée des électeurs de ce département se tiendra à Cbabeuil; ils y délibéreront sur le 'Choix des villes dans lesquelles l'assemblée-du département doit alterner, sur l'ordre de cet alternat, et sur la fixation du directoire qui ne doit point alterner.
Ce département est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Romans, Valence, le Crest, Die, Moatélimart, le Buis.
La principauté d'Orange forme provisoirement un district, sous l'administration de ce département.; elle pourra opter son union à un autre département.
Département de FiEure.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville d'Ëvreux; il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Evreux, Bernay, Pont-A'udemer, houviers, les Andelys, "Verneorl.
Les électeurs du département délibéreront s'il est nécessaire de faire un plus grand nombre de districts.
La ville-de Gisors obtiendra l'établissement du tribunal, qui pourra être fixé dans le district des Andelys.
Département d'Eure-et-Loir.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Chartres ; il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Chartres, Dreux, Châ-teauneuf-en-Thimerais, Nogent-le-Rotrou, Châ-teaudun, Janville.
Département du FmiStêre.
L'assemblée de Ge département se tiendra provisoirement à Quimper, et l'assemblée îles électeurs délibérera si cette disposition doit demeurer définitive.
Ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Brest, Landernau, Lesneven, Morlaix, Carhaix, Ghâteaulin, Quimper, Quimperlé, Pont-Croix.
Département du Gard.
La première assemblée de ce département se tiendra à Nîmes, et lès séances alterneront successivement entre Alais, Uzès, et Nîmes.
Ce département est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont : Beaucaire, Uzès, Nîmes, Sommières, Saint-Hyppolite, Alais, le Vigan, le Pont-Saint-Esprit.
Lés assemblées des districts, fixées provisoirement au Pont-Saint-Esprit, à Beaucaire et à Saint-Hyppolite, alterneront ensuite entre ces villes et celles de Bagnoles, Villeneuve et Sauve.
Les électeurs de ces deux premiers districts délibéreront sur la fixation de leurs assemblées et la suppression de l'alternat.
L'importance de la Ville de Nîmes sera prise en considération, lors de l'établissement des tribunaux.
Département du Gers.
L'assemblée de ce département se tiendra à Auch.
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Auch, Lectoure, Condom, Nogarot, l'ile-en-Jourdain, Mirande.
L'assemblée de ce département délibérera s'il convient d'établir, en faveur de Vic-Fezensac, un septième district.
Département de la Gironde.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Bordeaux.
Il est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Bordeaux, Libourne, la Réoïè, Bazas, Cadillac, Bourg ou Blaye, Lesparre.
L'assemblée de ce département proposera de fixer quelques établissements dans la ville de Sainte-Foi, et dans celle de Castel-Moron-d'Albret.
Les électeurs du district, dont ie chef-lieu est indiqué à Bourg ou Blaye, s'assembleront à Bordeaux, et y délibéreront sur la fixation du chef-lieu de ce "district, à Bourg ou à Blaye, et sur le partage des autres établissements entre ces deux villes. -
Les électeurs des paroisses du Fronsadois ne seront point admis à cette délibération, et ces paroisses ont l'option de s'unir au district de Libourne ou de rester à celui de Bourg ou de Blaye.
Département du Haut-Rhin.
L'assemblée de ce département se tiendra à Golmar.
Il est divisé en trois districts, dont les chefs-lieux sont : Golmar, Altkirck, Belfort.
Département de la Haute-Garonne.
L'assemblée de ce département se tiendra à Toulouse,
11 est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont : Toulouse, Rieux, Villefrançhe-de-
Lauraguais, Castel-Sarrasin, Muret, Saint-Gaudens Revel, Grenade.
La ville de Beaumont-de-Lomagne aura le tribunal, s'il en est établi dans le district de Grenade.
Département de la Haute-Loire.
L'assemblée de ce départemènt se tiendra dans la ville du Puy.
Il est divisé en trois districts, dont les chefs-lieux sont : le Puy, Brioude, Yssengeaux.
La première assemblée délibérera si Yssengeaux doit être définitivement chef-lieu du district, et elle pourra proposer la division des établissements de ce district entre les différentes villes qui y sont situées.
Département de la Haute-Marne.
La première assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Chaumont.
Les électeurs délibéreront si, pour les sessions suivantes, l'assemblée doit alterner entre Chaumont et Lângres, et si elle doit définitivement être fixée à Chaumont.
11 est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Chaumont, Langres, Bourbonne, Bour-mont, Joinville, Saint-Dizier.
La ville de Vassy aura le tribunal, s'il en est créé dans le district de Saint-Dizier.
Département de la Haute-Saône.
L'assemblée des électeurs, celle dd département et son directoire se tiendront alternativement dans les villes de Vesoul et Gray ; de manière , cependant, que lesdites assemblées et directoires seront deux fois de suite dans la Ville de Vesoul, la troisième fois dans celle de Gray.
Ce département est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Vesoul, Gray, Lure, Luxeuil, Jussey, Champlitte.
Département de la Haute-Vienne.
L'assemblée de ce département se tiendra à Limoges.
11 est divisé en six districts, dont les chefs-liçux sont: Limoges,le Dorât,Bellac, Saint-Junifen, Saint-Yriex, Saint-Léonard.
Réservé, à la ville de Rochechouart, un tribunal, s'il en est établi dans le district.
Département des Hautes-Alpes.
La première assemblée des électeurs de ce département se tiendra à Chorges.
Ils y. délibéreront sur le choix des villes dans lesquelles l'assemblée du département doit alter-nèr, sur l'ordre de cet alternat, et sur la fixation du directoire qui ne doit point alterner.
Ce département est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont : Gap, Embrun, Brian-çon, Serres.
Département des Hautes-Pyrénées..
L'assemblée de ce département se tiendra à Tarbes.
. Il est divisé en cinq s districts, dont les nhefs-lieux sont: Tarbes, Vie, Baguières, Argëlès, la Barthe de Nestes.
Argelès sera seulement siège d'administration du district de la montagne ; tous les autres établissements seront à Lourdes.
L'assemblée des électeurs du district des l Quatre-Vallées se tiendra à la Barthe de Nestes, et y délibérera sur la division des établissements.
L'assemblée de département délibérera s'il est convenable de former un sixième district à Trié, ou dans toute autre ville.
Département de l'Hérault.
La première assemblée de ce département se tiendra à Montpellier, et alternera entre Béziers, Lodève, Saiht-Pons, Montpellier.1
Ce département est divisé en quatre districts, dont les chefs -lieui sont : Montpellier, Béziers, Lodève, Saint-Pons.
Département de Vllle-et-Vilaine.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Rennes ; il est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Rennes, Saiot-Malo, Dol, Fougères, Vitré, la Guerche, Bain, Redon, Montfort.
Département de l'Jndre.
L'assemblée dé ce département se tiendra provisoirement à Châteauroux, et elle délibérera si elle doit rester fixée à Châteauroux ou étrç transférée à lssoudun.
Ce déparlement est divisé en six districts, dont les .chefs-Iiéux sont : lssoudun, Châteauroux, la Châtre, Argenton, le Blanc, Châtillon-sur-Indre.
Les villes de Vatan, Valencey, Busançais, Le-vroux, Saint - Benoît - du - Sault. Saint-Gaultier, Aigurande et autres, pourront obtenir le partage des établissements de leurs districts respectifs.
Département d'Indre-et-Loire.
L'assemblée de ce département se tiendra à Tours. Il est divisé eu sept districts, dont les chefs-lieux sont : Tours, Amboise, Ghâteau-Re-naut, Loches, ChiUoh, Preuiily, Langeais.
S'il est établi un tribunal dans le district dé Langeais, il sera placé à Bourgueil. Richelieu sera aussi le siège d'un des établissements, si l'Assemblé nationale le juge convenable.
Département de l'Isère.
La première assemblée des électeurs de. ee déparlement se tiendra à Moirans.
Ils y délibéreront sur le choix des villes dans lesquelles l'assemblée de département doit alterner, sur l'ordre de cet alternat, et sur la fixation du directoire qui ne doit point alterner.
(^e département est divisé en quatre districts, dont les chefs-lieux sont : Grenoble, Vienne, Saint-MarcelUn, la Tour-du-Pin.
Département du Jura.
L'assemblée et le directoire de ce département se tiendront alternativement dans les ailles de 1° Lons-le-Saunier, 2° Déle* 3° Salins, 4° Poliguy.
L'assemblée des électeurs se tiendra toujours dans la ville d'Arbois.
Ce département est divisé en Six districts, dont; les chefs-lieux sont : Dôle, Salins, Poligny, Lons-le-Saunier, Orgelet, Saint-lilaude.
Département de la Manche.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement dans la ville de Coutances. Les électeurs délibéreront si l'assemblée de département jallernera, et si Coutances doit définitivement en jdemeurer le chef-lieu.
j Ce département est divisé en sept districts, dont Iles chefs^lieuX; sont :. Avranches, Coutances^ Cherbourg, Valognes^ Gareutan, SaintLô, Mortain. j Les établissements sont fixés provisoirement à iGarentan. Les habitants de ce district auront la ! faculté de demander d'autres chefs-lieux d'administration, et de proposer le partage de l'administration de la justice.
Département des Landes,
L'assemblée de ce» département se tiendra (provisoirement à Mont-de-Marsan. ! Les électeurs proposeront un alternat, s'ils le jugent convenable aux intérêts du département, j Ce département est divisé en quatre5 districts, dont les chefs-lieux sont: Mont-de-Marsan, Sâint-iSever, Tartas, Dax.
S'il est établi un tribunal dans ce département, 11 sera placé à Dax.
Département du Loir et du Ghèr.
L'assemblée de Ce département sé tiendra dans |la ville de Blois. Il est divisé/enisix districts, dont îles chefs-lieux sont ; Blois, Vendôme, Romoran-tin, MontdoUbleau, Mer, Saint-Aignan.
Le tribunal qui pourra être établi dans lé district de Saint-Aignan sera fixé à Montrichard.
Département de la Loire-Inférieure.
L'assemblée de ce département se tiendra à Nantes.
! Il est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Nantes, Ancenis, Ghâteaubriant, Blain, Savenav, Glissou, Guérande, PaimbœUf, Mache-coul.
Département du Loiret.
L'assemblée de ce département se tiendra à Orléans; il est divisé en sept districts dont les chefs-lieux sont : Orléans, Beaugency,,Neuville, Pithiviers, Montargis. Gien, Boiscommun. j Les électeurs du département examineront s'il jest plua avantageux de placer le district de Bois-jcommun dans Ta Ville de Loris, ou dé faire partager les établissements à cette dernière, en la détachant du district de Montargis ; ils délibéreront aussi sur le partage, des établissements dans le district de Pithiviers. et sur la distribution de ceux qui seront déterminés par la Constitution, dans les différentes villes du département.
Département du Lot.
L'assemblée de ce département se tiendra à Gahors.
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Cahors, Montauban, Lauzerte, Gordon, Martel, Figeac.. Les électeurs délibéreront sur l'utilité ou les
inconvénients de là division de ce département en un plus grand nombre dé districts»
Les établissements du district de Lauzerte- seront partagés avec Moissac. Les électeurs indiqueront celle des deux villes dans laquelle il sera fixé, de manière que Moissac soit le chef-lieu de district, ou le siège de la juridiction.
Département du Lot-et-Garonne.
La première assemblée de ce* département se tiendra à Agen, et alternera dans les villes qui en seront jugées susceptibles par les électeurs» qui pourront néanmoins proposer la fixation du chef-lieu.
Gedépartement est divisé en neuf districts* dont les'chefs^-lieux sont r Agenj Néracy Gastel-Jaloux, Tonnei'nSj Marmande;. Villeneuve, Valence, Mon-flanquin, Lausun.
Département de la Lozère\
La pretoière assemblée; dei ce; département se tiendra à Mende, et pourra, alterner avec Maryejols.
Ge département est provisoirement; divisé en sept' districts, dont les chefs-lieux sont :. Me®de, MarvejolSy Florac, Langognse, Villefort, Merueys, SamttGhely. :
Les électeurs délibéreront si l'établissement du district y : indiqué à Saint-Ghely, serai placé à Malzieu.
Département de la Marne.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement dans, la viile ideGhâlons-sur-Murne, et- les (électeurs délibéreront si elle doit alterner.
Ce département est divisé en six;districts; donit les cherfe-lieux Sont : Ghâlonsi, Reims; Saintei-Ménéhould, Vitry-le-François, Eperoay, Sézannle.
Département 'de la. Mayenne.
L'assemblée- de ce département se tiendra à Laval, sauf à placer, s'il y a lieu, les autres^éta*-blissements qui pourront être décrétés par l'Assemblée nationale dans lés-villes de Mayenne et Cbàteau-Gontier.
; Ge département est divisé en sept districts dont les chefs-lieux sont : Ernée, Mayenne, Lassay, Sainte-Suzanne; Lav\aL, Craon, Gbâteau-Gontier.
La ville de Vilaine pourra partager les établissements avec Lassay, mais Lassay conservera l'option.
La ville d'Evron partagera aussi avec celle de Sainte-Suzanne et aura; l'optioflL
Département de Maine-et-Loire.
La première assemblée de ce département se tiendra à Angers, ensuite alternativement à Sau-mur et à Angers, à moins qu'eUéne jpge lalternat contraire à! l'intérêt de ce département'
11 est divisébn'huitdistricts; dont les chefst-lieux sont : Angers, Saumur,1 Bauge, Chftteauneuf- Sê-gré, Saint-Florent, Chollet, Vihiers.
Département de,la Meurthe.
La première assemblée de ce département se tiendra à Nancy ; .et ensuite-' les séanees alternle-ront aveb Lunévillfe. ,Gat alternat n'est décrété quae provisoirement.
H est diiiséem neufdistrietsj dontles chefs-lieux
sont; Nancy; Lunéville, Blamont, Sarrebourg, Dieuse, Vie. Pont-à^Mousson, Toul, Vezelise. | L'assemblée de district n'est que provisoirement1 ià Vie..
L'assemblée du département proposera des dispositions définitives, telles^ que; Vie ne réunisse; pas deux établissements;
Département de , la, Meuse.
L'assemblée et le directoire, de ce département jse tiendront, pour la première fois,, dans la ville; ;de Bar. Ils alterneront, de quatre ans en quatre ans, entre Bat et Saint-Mihiel ;, et dans le cas où il serait établi un tribunal suprême de judicature dans ce département, la ville,ae Bar aura l'option : l'alternat cessera, en abandonnant l'un dés deux ! établissements à la ville de Saint-Mihiel I , Ge département est divisé en. huit, districts, dont les chefs-lieux sont : Bar-le-Duc^ Gondrecourt, jCommercv, Saint-Mihiel, Verdun,Clermnnt, Etain, jStenay.
i Ces districts, ipqurront être réduits à' quatre à la prochaine législature, sur là demande du département. 1
Les établissements seront partagés entre Gon-drecourt et Vaucou leurs,;, Cleroiont et Varennes, iMcwmtraédy et atenay ç i'tiptibn'réservée à Gondre-court, Varennes et Stenay.
Département du Morbihan.
L'assemblée de ce département se tiendra à Vannes*.
; Il est divisé en neuf districts, dont les; Chefs-lieux sont : Vannes, Aurai, Hennebon, le Faon et, POntivy, Jbsselinv PlOërmel, Rochefort, la Roche-Bernard.
; lie diêtritét est établi provisoirement à Aurai.
L'assemblée d,e ce département proposera celîé jdes deux villes; d'Hénnebon ou Lonent, qu'elle jcrùirâ déVoir être chef-lieu de ce: district.
Département 'dè la Moselle.
L'assemblée* de ce département se tiendra dans la.ville de Metz: il est divisé en neuf districts, jdont lés chefs-li^ux sont: Metz, Longwy provi-jsoiremenf, Bïiéy, Thionvillé, Sàar-Louis provisoi-, rement, Boulay, Sarreguemihes, Bïtche, Morhange.
Bouzonvillé, Villers-Jâ-Montagne et Jjonguyon pourront obtenir lés tribunaux; s'il' en est fixé dans lès districts dé Sàar-Louis, ou Longwyv
Départ'érheni1 du Nord.
| L'assemblée de ete département se4 tiendra dans la ville de, Douai.
i H>est 'divisé en huit districts, dont les chefs-lieux, sont : Valenriennes; fe'Quesïioi; AVesnes, jCambrai, Douai, Liilé, Hazebrouck, Bër£ues.
Les villes' dte Valencrèime^, AVesnes, le Quésnoi, . Cambrai) liuléet Douai réuniront l'administra tion? jet la justice: '
lîailléul sera-lêisiège dé'jùstice, s'il en est établi. dans le district d'Hàzébrouck.
Les électeurs du distt'ici1 dei Bérgues délibère* iront si le siège de la justice doit être placé à Bergues ou à Dunkerque.
Département dè Ik Nièvre.
L'assemblée de1 ce; département se tiendra à Nevers. Il est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont: Nevers, Saint-Pierre-le-Mou-
tiers, Decize, Moulins-en-Gilbert, Château-Ghinon, Corbigni, Clamecy, Cosne, La Charité.
Département de l'Oise.
La première assemblée de: ce département se tiendra dans la ville de Beauvais, et pourra proposer, dans le cours de sa session, le lieu où seront convoquées les suivantes, si elle ne juge pas qu'elles doivent être continuées à Beauvais.
Ce département est divisé en: neuf districts, dont les chefs-lieux sont: Beauvais, Chaumont, Grand-Villiers, Breteuil, Clermont, Senlis, Noyon, Compiègne, Crépy.
Département de l'Orne.
L'assemblée de ce département se tiendra, dan s la ville d'Alençon il est divisé en six district», dont les chefs-lieux sont : Alençon, Domfront, Argentan, Laigle, Bellesme, Mortagne.
Départëment de Paris.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Paris. Il est divisé* en trois districts dont les chefs-lieux sont : Paris, Saint-Denis et le Bourg-la-Reine.
Les districts de Saint-Denis et du Bourg-Ia-Reine seront seulement administratifs.
Département du Pas-de-Calais.
Les élfecteurs de ce département se réuniront dans la ville d'Aire : ils délibéreront sur lè lieu de leurs assemblées subséquentes, et si l'établissement de l'assemblée de département, fixée provisoirement à Arras, sera définitif.
11 est divisé en huit districts,* dont les chefs-lieux sont : Arras, Calais, Saint-Omer, Béthune, Bapaume, Saint-Pol, Boulogne, MontreuiL
Réserve à Hesdin l'établissement du/tribunal, s'il en est placé dans le district de MontreuiL
Département du Puy-de-Dôme.
La première assemblée du dèpartemeni se tiendra dans la ville de Clermont ; et dans Te cas où il serait établi un tribunal supérieur dans ce département, il. sera délibéré par les électeurs du département s'il convient de le placer dans,la ville de Clermont par préférence à celle de Riom, auquel cas. l'administration serait fixée, dans la ville de Riom.
Ce département est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont : Clermont, Riom,. Ambert, Thiers, Issoire, Besse, Billom, Montaigu.
Les électeurs du département détermineront si l'assemblée de district,. indiquée provisoirement k Besse, doit être fixée, par préférence, à la Tour ou à Tauves.
La demande de la ville d?Aigue-Perse sera prise en considération lors de l'établissement des tribunaux.
Département des Pyrénées-Orientales.
L'assemblée de ce-département se tiendra à Perpignan»-il.estdiv4sé en trote-distriGtSî dont les -chefs-lieux sont: Perpignan, Céret, Prades.
Département de Rhône-et-Loire.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement dans la ville de Lyon, et alternera ensuite dans les villes de Saint-Etienne, Mont-brison, Roanne et Villefranche ; à moins que les électeurs ne préfèrent d'en fixer définitivement la résidence.
Ce département est divisé en six districts, qui sont : la ville de Lyon, la campagne de Lyon, Saint-Etienne, Montbrison, Roanne, Villefranche.
L'assemblée du district de la campagne se tiendra dans la ville de Lyon.
Département de Saône-et-Loire.
Les électeurs de ce département t se réuniront à Mâcon, pour y nommer les membres de l'assemblée de département ; ils se retireront ensuite dans le chef^lîeu de l'un des districts, autres que ceux de Mâcon et Chalon, pour y délibérer sur le lieu des séances des assemblées subséquentes.
La première assemblée se tiendra provisoirement à Mâcon.
Ce1 département est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Mâcon, Chalon, Louhans, Autun, Bourbon-Lanci, Charollës; et provisoirement' Semur-en-Brionnois.
Les électeurs proposeront celle des deux villes de Semur et Marcigny, dans laquelle le district doit être fixé; jet dans1 le cas où Semur conserverait le district; Marcigny aura le tribunal.
Département de la Sarthe;
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville'du Mans. Il est'divisé en neuf districts dont les chefs-lieux sont : le Mans, Saint-Calais, ; Ghâteau»du-Loir, la Flèche, Sablé, Sillé-le-Guil-! laume; Frenay-le-Vicomte, Ma mers, la Ferté-Ber-i nard.
L'Assemblée nationale prendra eu considération la demande des députés du Haut-Maine, re-I lativement au nombre et à l'emplacement destri-I bunaux de justice.
Département de la Seine-et-Oise.
L'assemblée de'ce département se tiendra dans la ville de Versailiesi 11 est divisé en neuf dis-: tricts, dont les chefs-lieux sont provisoirement : Versailles, Saint-Qermain, Mantes, Pontoise, Dour-dan, Montfort, Etampes, Corbeil, Gonesse.
Rambouillet sera le siège de la juridiction du district de. Dourdan.
Département de Seine-et-Marne.
La première assemblée de ce département se tiendra à Melun : il y sera délibéré si les suivantes continueront d'y avoir lieu, ou si elles seront tenues dans d'autres villes.
Ce département est divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux sont : Melun, Meaux, Provins, Nemours, Rosoy.
Goulommiers aura le tribunal de justice,s i est fixé un dans le district de Rosoy.
Département de la Seine-Inférieure.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville de Roueo.
Il est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Rouen, Caudebec, Montivilliers, Cany, Dieppe, Neufcbâtel, Gournay.
Les villes de Fécamp, d'Eu et Aumale, présenteront à l'assemblée des électeurs de ce département leurs réclamations, et les électeurs proposeront à l'Assemblée nationale les changements ou modifications qu'ils jugeront convenables.
Les électeurs du district de Montivilliers délibéreront sur la fixation du chef-lieu de district, entre les villes du Havre et Montivilliers.
Les villes de ce département pourront prétendre à la répartition des établissements qui seront déterminés par la Constitution.
Département des Deux-Sèvres.
L'assemblée de ce département se tiendra alternativement dans les villes de Niort, Saint-Maixent et Parthenay, en commençant par Niort.
La première assemblée de ce département pourra proposer de la fixer dans l'une de ces trois villes ou dans toute autre.
Ce département est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Niort, Saint-Maixent, Parthenay, Thouars, Melle, Châtillon.
S'il est créé un siège de justice dans le district de Châtillon, il sera placé à Bressuire.
Département de la Somme.
L'assemblée de ce département se tiendra à Amiens. 11 est divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux sont : Amiens, Abbeville, Péronne, Doulens, Montdidier, sauf, à l'égard de cette dernière ville, à partager, s'il y a lieu, avec la ville de Roye, les établissements qui pourront être créés dans ce district.
Département du Tarn.
L'assemblée de ce département se tiendra provisoirement à Castres, et pourra alterner entre Albi et Castres.
Ce département est divisé en cinq districts, dont les chefs-lieux sont : Castres, Lavaur, Albi, Gaillac, la Caune.
Département du Var.
La première assemblée de ce département se tiendra à Toulon, et pourra alterner ensuite entre toutes les villes désignées pour chefs-lieux des districts, en suivant l'ordre des plus affouagées et imposées.
Les électeurs assemblés à Toulon délibéreront si le directoire doit être fixé dans un des chefs-lieux, et indiqueront celui qui leur paraîtra le plus convenable.
Ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lii ux sont : Toulon, Grasse, Hières, Draguignan, Brignoles, Saint-Maximin, Fréjus, Sajnt-Paul-lès-Vence, Barjols.
La ville de Fréjus n'est que provisoirement le chef-lieu de son district, et le département pourra proposer un autre chef-lieu.
Département de la Vendée.
L'assemblée de ce département se tiendra à Fontenay-Ie-Comte.
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Fontenay-le-Comte, la Châtaigneraye, Montaigu, Chailans, les Sables-d'Olonne, la Roche-sur-Yon.
Les électeurs examineront s'il est utile de placer, dans la ville de Pouzauge, le tribunal qui pourra être créé dans le district de la Châtaigneraye.
Département de la Vienne.
L'assemblée de ce département se tiendra à Poitiers.
Il est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Poitiers, Châtellerault, Loudun, Mont-morillon, Lusignan, Givray.
La ville de Mirebeau a la faculté d'opter sa réunion avec Loudun ou avec Poitiers, et elle obtiendra un des établissement^ qui pourront être créés dans le district auquel elle sera unie.
Département des Vosges.
Les électeurs de ce département s'assembleront è Epinal : ils délibéreront sur la division des établissements principaux de ce département, entre Mirecourt et Epinal ; et celle des deux villes qui aura obtenu l'assemblée de département ne pourra prétendre au tribunal de justice.
Ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Epinal, Mirecourt, Saint-Dié, Rambervillers, Remiremont, Bruyères, Dar-ney, Neufchâteau, la Marche.
Département de 1' Yonne.
L'assemblée de ce département se tiendra dans la ville d'Auxerre; il est divisé en sept districts, dont les chefs-lieux sont : Auxerre, Sens, Joigny, Saint-Fargeau, Avallon, Tonnerre, Saint-Florentin.
L'assemblée de ce département délibérera si le chef-lieu du district, désigné à Saint-Florentin, ne serait pas plus convenablement placé à Villeneuve-le-Roi.
Collationné à l'original par nous, président et secrétaires de l'Assemblée nationale.
A Paris, le
Signé : f de Talleyrand, évêque d'Autun ; le baron de Marguerittes ; Guillotin; le marquis de la Cote, Gaultier de Biauzat ; le comte de Gastellane ; Nom-
pêre de ghampagny.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
, l'un de MM. les
Je ne conteste pas l'exactitude du procès-verbal, mais j'observe que si la réduction des dépenses de l'État, ordonnée par le décret du 26 février, ne doit commencer qu'au Ier avril prochain, cette disposition est en contradiction avec un précédent décret de l'Assemblée qui ordonne la suppression des dépenses des haras à compter du 1er janvier dernier. Je propose donc, pour faire disparaître toute équivoque, d'ajouter au décret d'hier les mots suivants : sans préjudice de ce qui a été réglé sur les haras.
Cette addition est mise aux voix et décrétée.
, député' de Rouen, demande un congé de quelques jours qui lui est accordé.
, prieur de Saint-Léger, député de Soissons, obtient également la permission de s'absenter pendant quelques jours.
, député d'Aix, fait une motion sur Pimpression des procès-verbaux. Je constate, dit-il, que l'impression des procès-verbaux est presque toujours retardée.
Je demande qu'il soit enjoint à l'imprimeur de les faire parvenir aux députés dans les 24 heures à compter de leur lecture à l'Assemblée.
L'imprimeur s'est chargé d'impressions considérables pour divers comités ; ce serait exiger de lui l'impossible que de lui enjoindre d'imprimer les procès-verbaux dans les 24 heures de la lecture à l'Assemblée; il faudrait lui accorder 60 heures au moins.
L'imprimeur ne peut expédier promptement qu'autant qu'on lui délivre la copie et qu'on lui remet aussi promptement la correction ; pour peu qu'il y ait de retard dans ces transmissions, l'impression est forcément retardée.
L'on réclame souvent contre l'imprimeur de l'Assemblée nationale parce que l'on ne connaît pas et l'étendue du travail dont il est chargé et les causes des retards qu'il éprouve. On tarde souvent à lui donner la copie des matières à imprimer : l'imprimeur n'avait pas encore, notamment, la correction du second rapport du comité féodal, au moment où M. Merlin, membre de ce comité, disait, dans une de nos dernières séances, que si l'imprimeur était diligent, les membres de l'Assemblée recevraient le rapport avant la séance du lendemain. Je propose de charger le3 commissaires préposés à la surveillance de l'imprimerie, d'instruire l'Assemblée des causes du retard de l'impression des procès-verbaux et d'ajourner la motion de M. Bouche après les explications qui nous seront données.
Cette proposition est adoptée.
, organe du comité de constitution, propose les décrets suivants, relatifs à la division des départements du royaume.
Premier décret.
« L'Assemblée nationale décrète que Gazères et Grenade seront provisoirement du district de Saint-Sever, sauf à ces paroisses à exprimer leur
vœu à l'Assemblée du département sur le district auquel elles désireront être attachées, et que Cat-tendel, Mauvens, Saint-Cristeau Bacons, Bouques, seront du district de Mont-de-Marsan. »
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale décrète que le comté de Grignan, et la paroisse d'Allan, ont la faculté d'opter sur leur union au département du Bas-Dauphiné, et d'exprimer à cet égard leur vœu à la prochaine assemblée des électeurs. »
Troisième décret.
« L'Assemblée nationale décrète que la vallée de Rémusat, les paroisses de Séderon et Egalage, et celle de Lens, enclavées dans le département du Bas-Dauphiné, sont réunies à ce département pour faire partie des districts dans l'enclave desquels elles se trouvent, et que les paroisses de Gontadon et Redon trie, faisant ci-devant partie du département du Haut-Dauphiné, sont réunies au département du nord de la Provence. »
Ges décrets sont mis aux voix et adoptés.
Quatrième décret.
« L'Assemblée nationale décrète que la paroisse de Gébazat, située entre Clermont et Biom, a la faculté d'adopter celui des deux districts auquel elle désire être réunie. »
dit que par une première décision des députés d'Auvergne, la paroisse de Gébazat a été accordée à Riom, et il demande que cette décision soit maintenue.
ajoute que le maintien de cette paroisse dans le district de Riom est d'autant plus naturel que ce district est moins étendu que celui de Clermont.
fait observer que la paroisse de Gébazat touche à celle de Clermont et il appuie le projet de décret du comité de constitution.
Ce décret est mis aux voix et adopté.
L'ordre du jour appelle la suite delà discussion sur le projet de décret sur les droits féodaux, titre II.
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ainsi qu'il suit :
Art. 4. Tous les actes d'affranchissement par lesquels la mainmorte réelle ou mixte aura été convertie sur fonds ci-devant affectés de cette servitude, en redevances foncières et en des droits de lots aux mutations, seront exécutés selon leur forme et teneur, à moins que lesdites charges et droits de mutation ne se trouvassent excéder les charges et droits usités clans la même seigneurie, ou établis par la coutume, relativement aux fonds non mainmor tables tenus en censives.
développe les motifs qui ont déterminé le comité à présenter cet article. Il en conclut que les droits fonciers, dont la tenure en mainmorte a été convertie en tenure censive, n'étant pas représentatifs de la mainmorte, doivent être conservés.
Le comité, dans son rapport, a prétendu que la mainmorte réelle provient de concession de fonds. L'origine de la mainmorte n'est pas connue ; on ne connaît que ses effets. Tous les auteurs de ma province s'accordent à la regarder comme un droit illégal acquis par la violence et par l'oppression. Je ne pense pas qu'en examinant en quoi elle consiste on puisse lui assigner une autre origine. Les articles les plus onéreux aux mainmortables, dans notre coutume, ont été inventés en 1549 par nos Etats, composés de la noblesse, des hauts prélats et des prévôts des seigneurs. D'après les décrets du 4 août, vous avez aboli toute espèce de mainmorte sans indemnité, ainsi que les droits qui la représentent. Ce décret a été accepté par le Roi ; il a porté le bonheur parmi les habitants de ma province (la Franche-Comté). Le comité vous propose de nous flétrir de nouveau de la servitude mainmortable, et de revenir sur votre décret. Mais pouvez-vous accorder une indemnité pour la perte d'un droit contraire à la liberté naturelle de l'homme? Pouvez-vous donner une indemnité pour un droit que vous avez déclaré aboli sans indemnité ? Le comité s'autorise d'une phrase dans laquelle Dunod, jurisconsulte franc-?comtois, dit « qu'il a vu des actes pafr lesquels on a donné des meix, à charge de les tenir en mainmorte. » J'ai vu aussi de ces actes. Le seigneur, par le droit d'écheute, dépouillait la famille du mainmortable, pour se revêtir de ses biens ; alors, afin de conserver une réversibilité utile, il donnait en mainmorte quelques parties de l'héritage à ceux qui devaient être les héritiers du mainmortable. Si vous réformez votre premier décret, qui n'a été rendu qu'après une longue discussion, les mainmortables s'appliqueront ce premier décret qu'ils ont juré de maintenir, parce qu'il a été décrété par vous et accepté par le Roi; les seigneurs, au contraire, se prévaudront du second décret. Ainsi l'on opposera l'Assemblée nationale à l'Assemblée nationale. Je demande, par respect "pour vous et pour vos décrets, que l'article qu'on vous propose soit remplacé par celui-ci : « Tous les droits purement représentatifs de la mainmorte à laquelle ils sont substitués sont 'abolis sans indemnité. »
Je défie qui que ce soit de prouver que la mainmorte ait jamais résulté d'une concession de fonds. Je défie d'établir que les anciens conquérants des Gaules aient jamais accordé des terres en mainmorte. Le régime municipal, tel que vous l'avez décrété, était le gouvernement des Gaules ; les Romains et les Barbares l'avaient respecté. Ce n'est qu'ài'époquede la mort de Charlemagne que la mainmorte a commencé à s'établir; alors elle n'était que personnelle; elle n'a été, dans la suite, attachée au fonds que par une autre espèce d'oppression et de conquête, par les Etats de la Franche-Comté, uniquement composés de seigneurs propriétaires. Avant cette époque, tout possesseur pouvait disposer de ses terres comme si elles eussent été des fiefs ou des fonds allodiaux. Le parlement a ensuite accordé avec facilité la mainmorte générale sur les territoires des villages, à tous les seigneurs qui sollicitaient cet odieux avantage ; il a jugé que les seigneurs existaient avant les territoires ; car enfin c'est à cela que se réduit la jurisprudence abominable que je combats. Selon tous les jurisconsultes, à l'instant où l'hérédité des fiefs a été établie et où les justices sont devenues patrimoniales, les seigneurs se sont emparés de tous les
éléments par les banalités : du feu, par la banalité des fours ; de l'eau, par la banalité des moulins à eau ; de l'air, par la banalité des moulins à vent ; de la terre et des hommes par la mainmorte. La mainmorte ayant été personnelle dans tous les temps, la mainmorte réelle n'ayant jamais pu être que l'accessoire de la mainmorte personnelle, quand vous détruisez la mainmorte personnelle, vous détruisez la mainmorte réelle et tout ce qui représente l'une et l'autre.
Si j'avais été envoyé pour défendre la servitude, j'aurais dit à mes commettants d'envoyer un autre député que moi. Mais il s'agit ici de défendre les propriétés, et ma tâche n'est pas difficile. Il suffit de distinguer seulement ce qui est propriété de ee qui est servitude, et c'est là ce qui a toujours été confondu dans les discours des préopinants. Peu versé dans les subtilités seigneuriales et fiscales, M. Tronchet demande à prendre ma place, et je la lui cède.
Je ne me permettrai pas d'avoir un avis lorsqu'il s'agit de défendre celui de votre comité doDt je suis membre ; maisje me bornerai à vous détailler ses motifs. Le comité a cherché à ne perdre jamais de vue deux principes-: le premier, qu'il faut s'armer de lasévérité la plus rigoureuse contre tous droits contraires à la liberté naturelle; le second, qu'on doit porter jusqu'au scrupule le respect pour les propriétés. L'article proposé blesse-t-il le premier principe? conserve-t-il le second ? Les difficultés'présentées se réduisent à deux principes: les unes attaquent l'article en lui-même, les autres réclamentune exception pour la Franche-Comté.
Nous avons pensé, et il est certain qu'il y a des mainmortes réelles, provenant de concessions de fonds, mais qui, quelquefois, ont dégénéré en servitude personnelle, et dont l'affranchissement a été opéré par la soumission à une charge en censive. Le mainmortable pouvait, en déguerpissant, se soustraire à la mainmorte ; le seigneur rentrait alors dans le fonds autrefois -concédé, et le mettait-'sous la condition moins aggravante de quelques droits censuels. On dit que jamais il n'y a eu de servitude personnelle. Il ne faut pas's'en-foncer dans les ténèbres de l'histoire ; les auteurs reconnaissent différentes origines à la mainmorte; elle a été établie soit pour l'habitation, soit pour la protection qu'accordait le seigneur, soit pour une concession de fonds. Croira-t-on les auteurs, qui, par esprit de système, prétendent que la mainmorte ne doit son origine qu'à l'usurpation? Si cela est, il faut ôter aux seigneurs leurs fiefs; car plusieurs auteurs disent aussi que tous les fiefs procèdent des usurpations. On pouvait, par le déguerpissement, s'affranchir de la mainmorte réelle etpersonnelle; le mainmortable avait la liberté de déguerpir ; le seigneur, par le déguerpissement, devenait possesseur légitime ; il remettait les fonds délaissés, en imposant une condition nouvelle : cette condition doit subsister, si elle n'est point une servitude.
Doit-il y avoir une exception pour la Franche-Comté ? Existait-il en Franche-Comté des servitudes réelles ? Dunod dit avoir vu des actes par lesquels on a donné des meix, à la charge de les tenir en mainmorte. La coutume de Franche-Comté distingue les serfs de servitude personnelle, et l'homme franc qui acquiert un héritage mainmortable: il y avait donc, avant la coutume, des mainmortes réelles ; elles n'ont donc pas toutes
été créées en 1549. La coutume dit que l'homme franc peut acquérir un héritage mainmortable ; mais elle ne disait pas si l'homme franc était soumis à l'écbeute : cette question ia été élevée et jugée en 1548. Ce ne fut qu'en 1598 que, sur la réquisition des Etats, il intervint des lettresnpa-tentes qui décidèrent que l'écheute devait seulement avoir lieu sur les héritages mainmortables. De 1598 à 1606, il s'éleva une-seconde question : elle consistaità savoir si l'homme franc, possédant des héritages mainmortables, pouvait vendre sans le consentement du seigneur. Le parlement jugea affirmativement, les Etats réclamèrent, et des lettres patentes, données en 1606, établirent la négative. Tout cela prouveqn'il exisiait en Franche-Comté des servitudes réelles. Je défie de répondre à ces preuves.
Comme l'esclavage ne pouvait résulter d;un contrat légitime, parce que la liberté de l'homme ne peut être aliénée, vous avez aboli sans indemnité la mainmorte personnelle; mais, en considérant la mainmorte réelle comme un remplacement de la mainmorte personnelle, vous l'avez encore abolie sans indemnité, parce qu'elle a Je même vice d'origine; c'est un semblable motif qui vous a déterminés à supprimer également sans indemnité les .droits qui représentent l'une ou l'autre mainmorte. Cette loi de justice et de bienfaisance a été acceptée par le Roi, donnée au peuple et reçue avec transport; elle est inattaquable. Cependant l'article proposé détruit les décrets du 4 août; il ne peut être admis. On a •voulu prouver que la mainmorte réelle -était légitime; je m'élève contre cette assertion. Si la servitude réelle est le résultat d'un contrat synal-Jagmatique,' do ut des, on ne doit trouver que des contrats isolés de mainmortes séparées, et non toute une communauté affectée de Ja mainmorte. Il faudrait que des individus en très petit nombre eussent été les seu ls possesseurs) de toute une province pour que toute eette province fût main-mortable, car il faut posséder pour céder à tel ou tel titre. La seigneurie de Saint-Claude a cinquante lieues carrées de superficie, et l'on trouve partout la mainmorte sur cette étendue. Il faudrait que J*e chapitre de Saint-Claude eût été propriétaire unique de ce territoire, pour qu'il eût pu établir Ja mainmorte par contrat synaJlagma-tique. Les cités ont existé avamt les seigneuries; les territoires ont d'abord été francs;.les seigneurs s'emparèrent de la représentation nationale ; ils dispensèrent les vassaux du service, et tes rendirent esclaves. Ce contrat odieux est iJlégal, parce que la liberté est inaliénable et que l'homme n'a jamais pu s'en priver. Que m'importe 'que le ; comité cite tous ies auteurs dont il peut réunir l'opinion? L'un, vendu aux seigneurs, a publié ; des faits faux; l'autre l'a copié; un autre a copié celui-ci; ainsi les erreurs se sont répandues, et n'ont pas cessé d'être des erreurs pour avoir-été répétées plus ou moins.sou vent.
La mainmorte personnelle était flétrissante, avilissante, elle a donc dû être supprimée; elle l'a été. La mainmorte réelle participait au même vice, à la même origine:; vous l'avez abolie sans indemnité; vous avez été justes. Toutes les redevances résultant de ce principe vicieux ne peuvent être conservées; vous devez les abolir;-elles le sont par la conséquence du principe que vous avez décrété sans ambiguïté et d'une manière aussi claire que solennelle. Le principe a été décrété, accepté, publié; les campagnes comptent sur son effet : pouvez-vous les tromper?
Je viens d'entendre combattre, dans cette tribune, l'avis de votre comité de constitution, et votre comité me paraît s'être rapproché des principes que vous avez consacrés. Il faut attaquer, il faut détroire les droits de mainmorte; il faut connaître l'origine de ces droits ; on leur en donne plusieurs; ils ne peuvent en avoir qu'une, et Tacite nous indiquerait la mainmorte dans les forêts de la Germanie. Vous avez à examiner l'article 4 qui vous est présenté par votre comité ; il est conçu dans ces termes. — (Lecture de l'article.) Je vous supplie de.bien connaître la question avant de la décider. Y a-t-il eu jadis des mainmortes véritablement réelles? A cette questionne réponds oui. (On demande àaller aux voix.) N'est-il pas vrai que la liberté est le premier droit de l'homme; que le second, c?estla propriété; le troisième enfin, la sûreté? Il affermit le premier et le second. Le premier droit de la liberté, c'est celui de faire des conventions, et les lois éternelles du bon sens veulent qu'une con-vention existe lorsqu'elle a été librement faite par les contractants. (On crie : Aux voix! aux voix!)
consulte l'Assemblée .pour savoir si la discussion doit ou ne doit pas être fermée.
L'Assemblée prononce la clôture.
lit une nouvelle rédaction de l'article conçue en ces termes :
« Tous les droits purement représentatifs de la mainmorte, et dans lesquels cette servitude, soit personnelle, soit mixte, soit réelle, a été convertie, seront abolis sans indemnité. » La priorité est accordée à la rédaction du comité.
Je demande que ces mots : « ou établis par la coutume » soient changés en ceux-ci : v ou établis par l'usage et la coutume des différentes provinces. »
J'adopte cet amendement. L'amendementestjoint à l'article, et l'Assemblée décrète l'un et l'autre ainsi qu'il suit :
« Art. 4. iTous les aetes d'affranchissement par lesquels la mainmorte réelle ou mixte aura été convertie sur les fonds ci-devant affectés de cette servitude, en redevances foncières, et en des droits de lodsaux mutations, seront exécutés selon leur forme et teneur, à moins que lesdites charges et droits de mutation ne se trouvassent excéder les charges et droits usités dans la même seigneurie, ou établis par l'usage et la coutume relativement aux fonds non mainmortables, tenus en censive. »
Messieurs, une personne qui m'est inconnue, m'a remis trois billets de la caisse d'escompte, de mille livres chacun, pour en faire don à la patrie. J'ai inutilement demandé son nom; il est sorti de mon appartement sans vouloir l'expliquer. Voilà les trois billets que ,!je dépose s entre les mains éu trésorier des dons patriotiques.
Cette générosité et la modestie qui l'accompagne sont vivement applaudies.
La séance est ensuite levée. Il est deux heures et demie. L'Assemblée se retire dans ses bureaux pour procéder à la nomination du Président et de trois secrétaires.
PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D'AUTUN.
Séance du
La séance commence par la lecture des adresses suivantes :
Adresse des gens tenant la cour supérieure provisoire à Rennes, qui consacrent les premiers moments de leur existence à exprimer à l'Assemblée nationale les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle les a pénétrés. Ils ont juré Je maintien de tous ses décrets et la fidélité la plus inviolable à la nation, à la loi et au roi. Les avocats, la communauté des procureurs et les autres officiers ministériels de la cour se sont à l'envi disputé l'honneur de prêter le même serment. « Le cri civique, je le jure (disent-ils), circulant de bouche en bouche, et répété de toutes parts, a prouvé que le même enthousiasme existait dans tons les cœurs pour l'immortel ouvrage de la régénération de la France. »
Adresses de la ville de Montlouis, de la communauté de Bonnebourg,du comité municipal, des officiers de la garde citoyenne et des volontaires de la ville de Dijon, de là milice nationale de là Flèche, des électeurs et députés du district de Gubsac, de la communauté dePordie, de celle de Nezel, de celle de Francheville-lès-Lyon et de celle de Divonne et Crassier, au pays de Gex. Ces trois dernières font le don patriotique du produit de l'imposition sur les ci-devant privilégiés.
Adresse du corps des maîtres horlogers de la ville de Marseille. Il fait remise à la nation d'une créance sur l'Etat de 800 livres en capital et de tous intérêts arriérés.
Adresse des maîtres cordonniers de la ville de Chalon-sur-Saône. Ils font le don pairiotique d'un contrat de rente sur le trésor royal et de deux années d'intérêts échus.
Adresse de la garde nationale de la ville de Saint-Omer. Elle présente le don patriotique de la somme de 6,000 livres, fait par le collège anglais établi dans cette ville, et réclame la protection de l'Assemblée en faveur de cet utile établissement.
Adresse de la communauté de la Seyne, près de Toulon en Provence; elle fait plusieurs observations importantes sur la liberté du commerce de cette ville et sur les lois relatives à la santé.
Adresse delà nouvelle municipalité et des officiers de la garde nationale de Saint-Vallier en Dauphiné. Cette ville qui, une des premières, a adhéré aux décrets de l'Assemblée nationale, la conjure, par les motifs les plus pressants, de lui accorder un tribunal de juridiction.
Adresses de la ville et dei officiers du bailliage de Loches, de ceux du bailliage de Charmes, de la ville de Mussida.n en Périgord, et du bourg de Lofiol en Dauphiné. Ces villes et ces officiers expriment avec énergie les sentiments de joie et d'attendrissement qu'a excités dans tous les cœurs la démarche sublime du meilleur des rois. 11 n'est pas un citoyen qui ne se soit empressé de prêter le serment civique.
Adresses des nouvelles municipalités de la ville de Tarbes, de la communauté de Quincens en
Bourgogne, de la ville d'Avesnes et des cantons du district, de la ville de Sillé au département du Haut-Maine, de la communauté de Brécy, de la ville de Luxeuil, de la communauté de Merril, de celle d'Ainage, de la ville de Carcassonne, de la communauté de Napt en Bugey, de la ville de Crépy en Valois, de la communauté de Tourla-ville près de Cherbourg, de celles de Venarei et de Couches en Bourgogne, de celle de Plaux en Auvergne, de la ville de Saint-Brieuc, de la communauté de Saint-Barthélemy en Agénois, de celle de Villi en Auxois, de là ville de Pontoise, de la communauté de Saint-Clément-de-la-Place en Anjou, de celle de Nogentel, de la ville de Belley, de celle de Vie en Lorraine, de la communauté de Chardonnai, de la ville de Sarre-louis, de celle de Saint-Valery-sur-Somme, de celle de Perpignan, de la communauté de Bruaille, de celle de Fritzlar en Dauphiné, de la ville de Montlouis, de celle d'Argenton en Berri, de la communauté de Saint-Maunce-des-Noué en Bas-Poitou, de celle de Longue-Chaume, de celle de Drain etde la ville de Saint-Florent-le-Vieil en Bas-Anjou, de la communauté de Fleuri-la-Montagneen Maçonnais, de celle d'Évoges en Bugey, du bourg de Cuires et la Croix-Rousse en Franc-Lyonnais, de la communauté de Courtemaux, de celle de Saint-Séverin-Dainville, de la communauté de Bonnelles, de la ville d'Alais, de la communauté de xMezieus en Normandie, de celle de la Chapelle-des-Marais, de celle deCorrobert, de celle de l'Hos-mes, de celle de Montferrier en Languedoc, de celle de Loire, de celle de Nivillac en Bretagne, de celle de Saint-Maurice du vieux Charenci, de la ville deQuimperlé, de celle de Saint-Trivier en Bresse, de la communauté de Neuilli-Eutel près de Beaumont-sur-Oise, de la ville d'Ambert en Auvergne, et de celle de Lodève.
Toutes ces nouvelles municipalités adhèrent, avec tous les citoyens, aux décrets de l'Assemblée nationale, font le serment auguste d'être fidèles jusqu'au dernier soupir à la nation, à la loi et au roi, et d'employer toutes leurs forces pour le maintien de la nouvelle constitution du royaume, et pour l'exécution de tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale; elles annoncent en même temps que c'est avec les plus vifs transports d'allégresse et de reconnaissance que les habitants ont entendu la lecture du discours du Roi dans la mémorable séance du 4 de ce mois.
Les communautés de Tourlaville près de Cherbourg, et de Saint-Barthélemy en Agénois ; supplient l'Assemblée de s'occuper au plus tôt de l'organisation des milices nationales.
La communauté de Plaux demande une justice royale, et fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés.
Le euré de la communauté de Villi, diocèse d'Autun, annonce qu'il s'est empressé de lire à ses paroissiens la sublime adresse aux Français.
La ville de Belley réclame un arrondissement de district plus considérable que celui qu'on lui a fixé.
Le bourg de la Croix-Rousse en Franc-Lyonnais, et la ville de Saint-Valéry-sur-Somme, font une rénonciation absolue à leurs antiques privilèges : cette dernière fait le don patriotique du produit du moins imposé en faveur des anciens taillables.
La communauté de Bonnelles fait le même don à la patrie.
La ville de Saint-Florent-le-Vieil demande une justice royale.
La ville de Perpignan consulte l'Assemblée sur des difficultés relatives à l'élection de deux officiers municipaux.
Adresse de la municipalité librement élue par les citoyens de Clermont en Auvergne. Les nouveaux "officiers municipaux , en renouvelant le serment patriotique, font de respectueux remerciements à l'Assemblée nationale, d'avoir affermi l'autorité légitime du Roi, en le rendant chef d'un peuple libre, dont il est le premier Roi par ses vertus et par l'amour de ses sujets.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la communauté de Serent en Bretagne ; elle sollicite un siège royal.
Adrese de" la commune de Douarnenès en Béarn. Elle rend les plus grands hommages à notre glorieux monarque, restaurateur de la liberté française ; elle exprime son vœu pour qu'il soit placé dans la salle nationale, et dans chaque hôtel de ville du royaume, un tableau qui retrace la mémorable journée du 4 de ce mois, et où, à côté de la loi, on verrait la nation qui l'a faite et le Roi qui l'a acceptée.
Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Mâçon, semblable aux précédentes : elle fait hommage à la patrie du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés,
Lessergents et huissiers royaux de cette ville offrent à la nation la moitié de leur salaire pour tous les actes et exploits qu'ils seront chargés de faire contre les collecteurs redevables de deniers royaux ou nationaux.
Adresse de la garde nationale de Pont-à-Mous-son ; elle s'engage avec serment de veiller avec un zèle infatigable à ce qu'il ne soit porté aucune atteinte à la constitution, et de préserver leurs concitoyeus des troubles et des convulsions qui voudraient s'opposer à la régénération et au bonheur de la France.
Offrande patriotique du tableau du département, de Paris, dressé conformément au décret de l'assemblée nationale, et serment civique prêté par M. Aucousteaux de Conty, ancien marchand épicier; l'état a été renvoyé" au comité des finances,
Les élèves réunis de la communauté de Sainte-Barbe, MM. Baduel, de Juigué, l'abbé Délavai, Bertin de Mont-Luc, Frigot, Beaufils, Lebœuf, Dorée, Miel, Boudin, Bareux, Mauri, Saisonnier, du Tillier, de Ghoiseul-Gouffier, ont été admis à la barre, et ont déposé sur l'autel de la patrie une somme de 878 livres 4 sous 6 deniers, une médaille, une paire de boutons et trois paires de boucles d'argent. « Notre offrande eût été moins tardive, ont dit ces jeunes gens, s'il nous était aussi facile de secourir la patrie que de l'aimer, et si notre indigence n'enchaînait l'activité de notre patriotisme. » Ils ont renouvelé le serment civique, que leur cœur avait prononcé depuis longtemps.
Les députés d'un grand nombre d'ouvriers employés aux travaux publics, établis à la barrière des Amandiers, ont été introduits à la barre, et ont fait, au nom de ces ouvriers, le don patriotique de la somme de 45 livres 4 sous 6 deniers.
On a aussi admis à la barre des députés de la commune d'Esnans, canton de Montereau, district de Nemours. Ces députés ont exprimé les sentiments de respect, d'adhésion et de soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, dont la commune d'Esnans est pénétrée ; ils ont fait, en son nom, l'offrande patriotique de la somme
de 815 livres 7 sous, montant de l'imposition des ci-devant privilégiés pour les six mois de 1789.
Un député de la ville de Rennes a remis un effet de 2,400 livres sur le trésor royal; payable à vue, offert à la nation en don patriotique , par un citoyen de ladite ville, qui. déclare ne vouloir être connu que par les lettres initiales M. J. B.
Le sieur Teillard, sculpteur-mécanicien, a offert à l'Assemblée un hommage d'un autre genre : c'est celui d'une machine dont l'application à la salle d'Assemblée, en faisant fonction de ventilateur, peut contrihuer à en renouveler l'air continuellement, et par conséquent à en entretenir la salubrité.
fait aux différentes personnes qui remplissaient la barre la réponse suivante :
a Messieurs,
« L'Assemblée nationale n'examine ni les âges ni les états, quand elle apprécie les vertus des citoyens ; cependant, si elle croyait devoir mettre quelque distinction dans l'accueil qu'elle fait aux actes de patriotisme, ce serait aux efforts de la jeunesse et de la pauvreté qu'elle accorderait la préférence.
« L'Assemblée vous permet d'assister àla séance. »
, député du Beaujolais, demande un congé à raison de sa santé.
Cette autorisation lui est donnée.
, député de Vermandois, demande la permission de s'absenter pour ses affaires.
, membre du comité des domaines, fait un rapport relatif aux difficultés que les adjudicataires des bois situés dans la Lorraine allemande éprouvent pour l'exportation de ces bois à l'étranger, et propose, au nom du comité, un projet de décret.
J'observe que les bois du comté de Bitche ont été vendus aux Hollandais, qui les ont revendus à la France et fait transporter à Brest. C'est par ce motif que les habitants de la contrée sollicitent une prohibition absolue et s'opposent à l'enlèvement des bois.
La Hollande étant la seule voie par où l'on pouvait faire passer les bois pour arriver à Brest, il fallait bien la prendre. D'ailleurs, si l'on soupçonne une fraude, il n'y a qu'à renvoyer l'affaire au pouvoir exécutif.
propose, par amendement, de décider qu'à l'avenir, il ne sera pas fait d'adjudications nouvelles.
demande que les adjudications pour lesquelles il n'y a pas eu commencement d'exécution soient résiliées.
L'Assemblée adopte en partie ces amendements et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, instruite que quelques « adjudicataires de bois situés daus la Lorraine « allemande éprouvent des difficultés pour l'ex-
« portation de ces bois à l'étranger, quoique la « faculté leur en ait été assurée par leurs ad-« judications, a décrété et décrète que jusqu'à « ce qu'il ait été statué sur la liberté ou la dé-« fense de l'exportation, d'après les demandes et « les renseignements des assemblées administrait tives de la province, la liberté de l'exportation, « doit continuer d'avoir lieu dans la Lorraine « allemande ; renvoye en conséquence au pou-« voir exécutif, pour procurer l'exécution des « adjudications subsistantes par les voies de « droit. »
Messieurs, les circonstances présentes sont de nature à engager l'Assemblée à ne pas discontinuer un instant ses travaux. Les rapports du comité militaire réclament surtout votre attention et je supplie l'Assemblée de ne pas tarder plus longtemps à améliorer le sort des individus composant l'armée ; en conséquence, je demande qu'il y ait séance demain dimanche et qu'elle soit consacrée à la chose militaire.
Il est un moyen de tout concilier : c'est de commencer nos séances de meilleure heure et d'observer le repos du dimanche.
Je m'oppose à la motion de M. de Lameth par un autre motif encore, c'est que la santé des députés ne peut tenir à tant de travaux : is'il en fallait une preuve, on la trouverait dans les demandes de congé qui vous sont adressées.
La question est tellement urgente ! qu'elle ne peut être ajournée; j'appuie donc la motion de M. de Lameth.
Fort peu de députés assistent aux séances du dimanche. Laquestion qu'on propose de discuter à celle de demain est assez importante pour être traitée dans une séance nombreuse, j'appuie donc la proposition de M. de Folleville.
A l'opposition qu'éprouve la motion que j'ai faite de s'assembler demain, il n'est que trop évident qu'il existe un système formé pour ralentir les opérations de l'Assemblée nationale. (.4 ces mots, de violentes ' protestations s'élèvent et plusieurs députés deman- \ dent que l'orateur soit rappelé à l'ordre.)
continue. Ne pouvant attaquer les décrets de l'Assemblée, l'on voudrait l'empêcher d'en rendre, mais ces obstacles ne feront qu'exciter notre activité ; en vain on aura cherché à répandre, avec malignité dans l'armée, les expressions d'un de nos collègues, qu'il s'est empressé de désavouer sur-le-champ ; ! en vain on cherchera à l'éloigner des représentants de la nation ; sa confiance nous est acquise, ; mais prouvons les droits que nous y avons en nous occupant de son sort; le dimanche est le jour du repos ; mais il n'est pas de repos pour les amis de la liberté et de la constitution, quand les bases du bonheur public ne sont pas encore solidement établies ; je conclus à ce qu'il y ait séance demain.
La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée.
L'ordre du jour appelle la
discussion sur le rapport du comité des lettres de cachet.
On demande qu'il soit donné lecture du projet de décret.
, rapporteur, fait cétte lecture ainsi qu'il suit :
projet de décret.
Art. 1er. Dans l'espace de six semaines après la publication du présent décret, toutes les personnes détenues dans les -châteaux, maisons religieuses, maisons de force, maisons de police ou autres prisons quelconques, par lettre de cachet, ou par ordre des agents du pouvoir exécutif, à moins qu'elles ne soient légalement condamnées, décrétées de prise de corps,: ou renfermées pour cause de folie, seront remisés en liberté.
Art. 2. Les personnes détenues pour cause de démence seront, pendant l'espace de trois mois, aussi à compter du jour de ladite publication, visitées par des médecins, qui, sous la surveillance des directoires de district, constateront le véritable état des malades, afin qu'à l'époque fixée, et après que les i procès-verbaux de cet examen auront été envoyés à l'Assemblée nationale, et au ministre de la province, ils soient élargis ou soignés dans les hôpitaux qui seront indiqués à cet effet.
Art. 3. Les prisonniers détenus par ordre illégal, qui auraient été préalablement jugés et légalement condamnés à une peine afflictive, garderont prison pendant le temps fixé par l'ordre de leur détention, à moins qu'ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par le jugement en dernier ressort, sans qu'aucune détention puisse jamais excéder le terme de douze années, y compris le temps qui s'est écoulé depuis l'exécution de l'ordre illégal.
Art.-4. Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auraient été jugés eu première instance, ou décrétés de prise de corps, seront conduits dans les prisons des tribunaux qui sont désignés par la loi.
Art. 5. Lesdits tribunaux seront simplement chargés d'achever l'instruction et de prononcer sur l'innocence ou le crime .des prévenus, afin que, surle compte qui en sera rendu par eux à l'Assemblée nationale et au garde des sceaux,, ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière, qui déterminera la peine que les coupable^ pourraient encore subir, laquelle n'excédera, en aucun cas, une détention.de-douze années, y compris le temps pendant lequel ifs auraient été antérieurement privés de Leur liberté.
Art. 6. Ceux qui seront déchargés d'accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu'il soit besoin d'aucun ordre nouveau, ni permis de les retenir, sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 7. Dans le délai de trois imois, il sera dressé, par chaque commandant de château-fort ou prison d'Etat, supérieur de maison de force ou maison religieuse, et par tous détenteurs de prisonniers en vertu d'ordres iarbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, visités par des médecins, renvoyés par-devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison en vertu du présent décret.
Art. 8. Cet état sera déposé aux archives du district, et il en sera envoyé des doubles, certifiés
« portation de ces bois à l'étranger, quoique la « faculté leur en ait été assurée par leurs ad-« judications, a décrété et décrète que jusqu'à « ce qu'il ait été statué sur la liberté ou la dé-« fense de l'exportation, d'après les demandes et « les renseignements des assemblées administrait tives de la province, la liberté de l'exportation, « doit continuer d'avoir lieu dans la Lorraine « allemande ; renvoye en conséquence au pou-« voir exécutif, pour procurer l'exécution des « adjudications subsistantes par les voies de « droit. »
Messieurs, les circonstances présentes sont de nature à engager l'Assemblée à ne pas discontinuer un instant ses travaux. Les rapports du comité militaire réclament surtout votre attention et je supplie l'Assemblée de ne pas tarder plus longtemps à améliorer le sort des individus composant l'armée ; en conséquence, je demande qu'il y ait séance demain dimanche et qu'elle soit consacrée à la chose militaire.
Il est un moyen de tout concilier : C'est de commencer nos séances de meilleure heure et d'observer le repos du dimanche.
Je m'oppose à la motion de M. de Lameth par un autre motif encore, c'est que la santé des députés ne peut tenir à tant de travaux : ss'il en fallait une preuve, on la trouverait dans les demandes de congé qui vous sont adressées.
La question est tellement urgente qu'elle ne peut être ajournée; j'appuie donc la motion de M. de Lameth.
Fort peu de députés assistent aux séances du dimanche. Laquestion qu'on propose de discuter à celle de demain est assez importante pour être traitée dans une séance nombreuse, j'appuie donc la proposition de M. de Folleville.
A l'opposition qu'éprouve la motion que j'ai faite de s'assembler demain, il n'est que trop évident qu'il existe un système formé pour ralentir les opérations de l'Assemblée nationale. (^4 ces mots, de violentes protestations s'élèvent et plusieurs députés demandent que l'orateur soit rappelé à l'ordre.)
continue. Ne pouvant attaquer les décrets de l'Assemblée, l'on voudrait l'empêcher d'en rendre, mais ces obstacles ne feront qu'exciter notre activité ; en vain on aura cherché à répandre, avec malignité dans l'armée, les expressions d'un de nos collègues, ; qu'il s'est empressé de désavouer sur-le-champ ; en vain on cherchera à l'éloigner des représentants de la nation; sa confiance nous est acquise, mais prouvons les droits que nous y avons en nous occupant de son sort ; le dimanche est le jour du repos ; mais il n'est pas de repos pour les amis de la liberté et de la constitution, quand les bases du bonheur public ne sont pas encore solidement établies ; je conclus à ce qu'il y ait séance demain.
La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée.
L'ordre du jour appelle la
discussion sur le rapport du comité des lettres de cachet.
On demande qu'il soit donné lecture du projet de décret.
, rapporteur, fait ctHte lecture ainsi qu'il suit :
projet de décret.
Art. Ier. Dans l'espace de six semaines après la publication du présent décret, toutes les personnes détenues dans les châteaux, maisons religieuses, maisons de force, maisons de police ou autres prisons quelconques, par lettre de cachet, ou par ordre des agents du pouvoir exécutif, à moins qu'elles ne soient légalement condamnées, décrétées de prise de corps,; ou renfermées pour cause de folie, seront remisés en liberté.
Art. '2. Les personnes détenues pour cause d!e démence seront, pendant l'espace>de trois mois, aussi à compter du jour de ladite publication, visitées par des médecins, qui, sous la surveillance des directoires de district, constateront le véritable état des malades, afin qu'à l'époque fixée, et après que les procès-verbaux de cet examen auront été envoyés à l'Assemblée nationale, et au ministre de la province, ils soient élargis ou soignés dans les hôpitaux qui seront indiqués à cet effet.
Art. 3. Les prisonniers détenus par ordre illégal, qui auraient été préalablement jugés et légalement condamnés à une peine afflictive, garderont prison pendant le temps fixé par l'ordre de leur détention, à moins qu'ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par le jugement en dernier ressort, sans qu'aucune détention puisse jamais excéder le terme de douze années, y compris le temps qui s'est écoulé depuis l'exécution de l'ordre illégal.
Art. 4. Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auraient été jugés en première instance, ou décrétés de prise de corps, seront conduits dans les prisons des tribunaux qui sont désignés par la loi.
Art. 5. Lesdits tribunaux seront simplement chargés d'achever l'instruction et de prononcer sur l'innocence ou le crime .des prévenus, afin que, sur le compte qui en sera rendu par eux à l'Assemblée nationale et au garde des sceaux , ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière, qui déterminera la peine que les coupable^ pourraient encore subir, laquelle n'excédera, en aucun cas, une détention de-douze années, y compris le temps pendant lequel ils auraient été antérieurement privés de Leur liberté.
Art. 6. Ceux qui seront déchargés d'accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu'il soit besoin dlaucun ordre nouveau, ni permis de les retenir, sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 7. Dans le délai de trois imois,, il sera dressé, par chaque commandant de château-fort ou prison d'Etat, supérieur de maison de force ou maison religieuse, et par tous détenteurs de prisonniers en vertu d'ordres arbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, visités par des médecins, renvoyés par-devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison en vertu du présent décret.
Art. 8. Cet état sera déposé aux archives du district, et il en sera envoyé des doubles, certifiés
véritables par le président et le secrétaire, à l'Assemblée nationale et au ministre de la province.
Art. 9. L'Assemblée nationale rend les commandants des prisons d'Etat, les supérieurs des maisons de force, ou maisons religieuses, et tous les détenteurs des prisonniers par ordre illégal, personnellement responsables de l'exécution du présent décret, et elle charge spécialement les assemblées de département et de district d'y tenir la main.
La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet.
Je demande qu'avant de prononcer, l'Assemblée enjoigne au comité de ju-dicature de présenter un projet de loi sur lejuge-ment des prisonniers d'Etat et que la question soit ajournée à demain.
parle sur la matière ; avec beaucoup de détails et propose les amendements suivants :
Sur l'article premier.
L'Assemblée nationale excepte de la disposition du'présent article les prisonniers détenus sur les plaintes de leur famille, lesquels resteront en prison jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué sur rétablissement d'un tribunàl domestique, proposé lors de l'organisation du pouvoir judiciaire, à moins qu'il ne s'agisse de fautes légères, ou de nature à être jugées suffisamment punies par la détention déjà 'soufferte, auquel cas les directoires de district pourront ordonner l'élargissement dans le délai de six semaines ci-dessus fixé.
Sur l'article 3.
'L'Assemblée nationale excepte des dispositions du présent article les prisonniers qui auront été -légalement condamnés à la peine de mort, lesquels resteront en prison jusqu'à ce que, d'après le compte qui sera rendu de leurs jugements à l'Assembléenationale, elle ait statué qu'il pouvait y avoir lieu à une révision des procès, ou1 à solliciter de la clémence du Roi une commutation de peine autre que celle de la prison perpétuelle.
Sur Varticle 5.
Supprimer de l'article tout ce qui est après les mots: ils soient jugés dans la forme prescrite par iune loi particulière, qui déterminera la peine que les coupables pourraient encore subir.
est entendu; il attaque plusieurs articles duïdécret et demande d'ajournement de la discussion.
propose de remplacer des neuf articles du décret par un article unique, ainsi conçu :
« Tous les prisonniers détenus dansées prisons illégales sont autorisés à se pourvoir devant les juges ordinaires, par simple requête, qui sera communiquée aux parents chargés de-donner avis 'dans quinze jours, faute de quoi les prisonniers seront élargis. »
On demande la clôture de -la discussion sur l'ensemble.
La clôture est prononcée. La discussion sur chaque article séparément est ajournée à mardi prochain, à la séance du soir.
La séance est levée àionze heures du soir.
PRÉSIDENCE DE M. L'ABBÉ DE MONTESQUIOU.
Séance du
, évêque d'Autun, ouvre la séance et annonce que le résultat chi scrutin pour l'élection du Président a donné le résultat suivant :
Sur 700 votants, M. l'abbé de Montesquiou a obtenu 357 suffrages ; M. le baron .de Menou 317 ; 26 voix ont été perdues.
En conséquence, M. l'abbé de Montesquiou est proclamé président.
, évêque d'Autun, ex-président, dit :
« Messieurs,
« Vos bon tés,toujours-encourageantes, ont pu seules me sodtenir à la place honorable où élles m'avaient appelé. Dans la crainte naturelle de ne les avoir pas suffisamment justifiées, ije ne puis être consolé que par le sentiment des efforts que je n'ai cessé de faire. C'est un bonheur pour moi de voir votre choix se fixer de nouveau sur celui qui s'est présenté à votre souvenir avec tant de titres, et a qui le retour de vos suffrages garantit de nouveaux succès. »
Le discours de M. de Talleyrand est vivement applaudi.
, Président, prend le fauteuil et s'exprime en ces termes :
« Messieurs,
« Je ne saurais remonter à la place difficile que vous avez bien voulu me confier une seconde fois, sans me rappeler le besoin que j'ai toujours éprouvé de vos bontés ; je viens, Messieurs, le3 mettre à une seconde épreuve.
« Puissé-je retrouver ces sentiments d'indulgence qui m'ont à la fois servi d'encouragement et de récompense! .Vous le savez, on s'attache .par ses propres bienfaits comme par les faveurs que l'on reçoit; et si de souvenir de vos bontés peut vous engager à pardonner une partie demes-fautes, le aèle de la reconnaissance me donnera peut-être aussi quelque moyen d'en léviter. »
L'Assemblée vote ensuite des i remerciements à M. l'évêque d'Autun, pour sa présidence.
, l'un de MM. les* secrétaires, donne lecture du procès-verbal de là séance d'hier matin.
Le procès'-verbal est adopté sans réclamation.
fait connaître le résultat du scrutin pour la nomination de trois secrétaires en remplacement de MM. Guillotin, le baron de Marguerittes et le marquis de La Coste.
Les nouveaux élus, sont : MM. de Croix, Guillaume et Merlin.
, député d'Arles, après avoir exposé à l'Assemblée que les poursuites faites par le sieur de Bournissac, prévôt général de la maréchaussée de Provence, contre les habitants de la ville et du territoire des Baux (poursuites qu'il avait déjà dénoncées à l'Assemblée dans la séance du 2 de ce mois, et qu'elle avait renvoyées à son comité des rapports pour lui en être rendu compte), avaient la plus grande affinité avec la procédure prévôtale de Marseille, et que même elles étaient encore plus propres que cette dernière procédure à faire connaître les principes d'après lesquels le sieur de Bournissac s'était conduit dans l'exercice rigoureux de ses fonctions, puisqu'au mépris des Ordonnances, il avait poussé la vexation jusqu'à retenir depuis un mois des prisonniers sans leur avoir fait subir interrogatoire, a demandé que l'affaire des Baux et celle de Marseille fussent rapportées conjointement.
Cette motion, ainsi que le rapport de- M. Durand de Maillane qui l'accompagne (voy. ce rapport annexé a la séance de ce jour) sont renvoyés au comité des rapports et ce comité est invité à les prendre en considération.
L'ordre du jour arrêté hier appelle la discussion sur la constitution militaire.
La manière favorable, dont vous avez accueilli le travail de M. Charles de Lameth, m'engage à ne pas vous présenter celui que j'ai préparé. Je trouve du plaisir à me rallier à l'opinion d'un collègue dont les succès ne peuvent m'être ni indifférents, ni étrangers. Je me bornerai à appliquer les principes qu'il a exposés.
1° La paye des soldats français doit être augmentée. Je" ne crois pas que l'augmentation ae 20 deniers, proposée par le comité, soit suffisante; et je pense, avec M. de Lameîb, qu'elle doit être portée à 32 deniers. Je pense aussi qu'il faut en faire jouir les soldats le plus promptement possible, et qu'avant d'avoir fixé le traitement des officiers, il soit accordé aux lieutenants et sous-lieutenants, qui sont parvenus en passant par tous les grades, un supplément d'appointements.
2° Le code des peines et des délits militaires doit être modiiîé par des changements analogues à ceux que vous avez adoptés pour le code criminel.
3° L'avancement, en général, doit être fait avec égalité et d'après l'ordre de l'ancienneté de service. Mais les Romains, et avant eux les Grecs, distinguaient les services éclatants et les talents supérieurs de l'ancienneté des travaux. La détermination de la proportion qui doit avoir lieu â cet égard appartient au Roi; elledoit être moindre dans la paix que dans la guerre. M. de La Tour-du-Pin a proposé, dans son mémoire, de destiner la moitié des emplois supérieurs à la vraie supériorité de talents : j'adopte cette opinion; mais je crois qu'il faut, jusqu'au moment où l'armée sera organisée et le mode d'avancement fixé, suspendre les nominations, afin que l'ancienneté obtienne l'avancement dont elle a droit de jouir dès à présent. Je propose, au surplus, d'attendre, pour l'organisation générale de l'armée, que le ministre ait présenté ses vues.
En vous soumettant ces idées, je n'ai pu me défendre de la timidité que m'impose mon inex-
périence. J'en aurais moins, si des circonstances malheureuses ne m'avaient séparé de ceiui qui, pendant soixante ans, a mérité l'estime générale par des vertus et par des succès : maintenant c'est avec tristesse que je prononce son nom : je le prononcerais avec plus de confiance si sa pureté soupçonnée ne me forçait à combattre l'opinion publique qui l'accuse, et qu'autrefois je n'avais qu'à partager pour le respecter et l'admirer.
On applaudit vivement.
ajoute : Voici Je projet de décret que je soumets à l'Assemblée nationale.
« 1° Que le Roi des Français est le chef suprême de l'armée ;
« 2° Que les appointements des officiers seront augmentés, et que cette augmentation commencera dès le 1er avril prochain ;
« 3° Que la paye du soldat de toutes les armes sera augmentée de 32 deniers, à commencer du 1er avril prochain ;
« 4° Que les lois pénales militaires seront, dès ce moment, modifiées d'une manière analogue aux changements que l'Assemblée nationale a déjà apportés à la jurisprudence criminelle en faveur des accusés ;
5° Qu'aucun militaire ne pourra être destitué de son emploi, qu'en vertu d'un jugement légal prononcé par un conseil de guerre ;
« 6°. Que d'ici à l'époque où la nouvelle organisation de l'armée sera arrêtée, il sera sursis à la nomination de tous les emplois supérieurs vacants ou qui viendront à vaguer, afin que l'ancienneté obtienne, à la première promotion, les avantages auxquels elle a droit de prétendre. »
Il y a longtemps que la France peut se glorifier d'avoir l'armée la plus brave; elle a le bonheur d'avoir aujourd'hui l'armée la plus patriote. L'Assemblée doit la rendre la plus heureuse, la plus économiquement utile, la plus propre à notre sûreté, et la moins propre à compromettre notre liberté... Il faut, dans cette matière, distinguer ce qui appartient au pouvoir constituant de ce qui appartient au pouvoir législatif. Le pouvoir législatif doit fixer la paie de l'armée, consentir lés sommes destinées à son entretien, et permettre ou défendre l'introduction des troupes étrangères. Le pouvoir constituant doit considérer l'armée non pas dans les détails de son organisation, ils regardent le pouvoir exécutif, mais dans ses rapports avec les citoyens, pris collectivement ou individuellement. Sous le rapport des citoyens considérés collectivement, le pouvoir constituant doit établir tout ce qui est nécessaire pour que la liberté publique ne soit pas menacée; il doit reconnaître l'existence des milices nationales, qui ont pris naissance avec la liberté, et qui ne finiront qu'avec elle; il doit examiner si les militaires sont responsables, comme les autres agents du pouvoir exécutif, et si le pouvoir législatif peut statuer sur l'admission des troupes étrangères dans l'armée.
Sous le rapport des citoyens pris individuellement, il faut que la liberté du citoyen ne soit gênée par aucune séduction ni violence : l'idée de l'une ou de l'autre porterait une juste défaveur sur l'Etat et sur ses défenseurs. Il est nécessaire d'assurer, par une loi de détail, la loi déjà prononcée sur le recrutement par enrôlement volontaire; mais comme cette forme peut être modifiée par le temps, on doit laisser aux légis-
latures suivantes la faculté de la changer. Il faut que le citoyen devenu militaire ne cessé pas d'être citoyen et d en exercer les droits compatibles avec son état ; il faut qu'il ne soit pas exposé au.pouvoir arbitraire ministériel; la constitution doit porter qu'aucun militaire ne peut être destitué que par un jugement préalable; quand je dis militaire, j'entends les officiers et les soldats ; les barrières insurmontables qui les séparaient ont disparu.
Il appartient au pouvoir législatif d'examiner la solde militaire dans tous les grades, les règles générales de l'avancement et les principes de la discipline et des peines militaires; il est surtout nécessaire de statuer promptement sur le premier objet. Lebouheur du soldat doit dater du premier moment où règne la liberté qu'il a su respecter et défendre : il faut récompenser son patriotisme courageux par l'espoir honorable d'être citoyen actif après quinze ou seize ans d'un service sans reproche. — Je conclus à ce que l'ordre de travail proposé par M. de Lameth soit adopté, et les points constitutionnels précisément fixés, en renvoyant cependant aux comités militaire et de constitution ceux qui paraîtraient susceptibles de difficulté. J'ajouterai seulement, en amendement, que le Roi soit supplié de présenter incessamment ses vues sur l'organisation de l'armée, et qu'à dater du Ier mai la paye du soldat soit portée à 9 s. 6 d. par jour.
(1). Messieurs, le tableau que la section de votre comité des finances, chargé de la vérification des dépenses militaires, a mis sous vos yeux au mois de septembre dernier, établissait la dépense de ce département, pour 1789, à 110,339,565 livres, compris les frais particuliers des provinces. Le comité militaire ne vous demande que 84 millions pour toutes les dépenses de l'armée, et il y ajoute l'avantage d'une augmentation de soldé, ét de traitement pour presque tous les grades que M. de Bouthil-lier évalue à 16,500,000 livres (2). Pour nous mettre en règle vis-à-vis de nos commettants, il eût été à désirer que le rapporteur eût bien voulu présenter en détail, la nouvelle formation de l'armée française; quand vous jugeriez convenable, Messieurs, de laisser au ministre de la guerre l'entière organisation des troupes, il faudrait encore que cet état vous fut présenté pour en ordonner la dépense, et l'Assembiée nationale pensera vraisemblablement qu'elle ne doit rien statuer sans une parfaite connaissance de cause.
M. de Bouthillier vous a dit, Messieurs, qu'il avait tout vérifié, tout calculé au plus bas
prix, et qu'il était impossible que la solde et les masses de l'armée coûtassent moins de
67,500,000 livres (3), mais nos troupes étaient composées de cent soixante-deux mille six
cent quatre-vingt-dix hommes, et de plus de onze mille officiers en activité. Par le plan qui
vous a été lu au nom du comité militaire, nous n'aurons plus que cent quarante-deux à cent
quarante-trois mille
La maison du Roi n'est comptée pour rien dans le plan du comité, et elle était portée sur l'état de 1789 pour....... 5,463,811
Les compagnies d'invalides détachés, ne font pas partie des dépenses fixées pour la solde de troupes dans le plan du comité, et je les trouve sur l'état comparatif de 1789 pour une somme de 1,270,568
La compagnie franche de Cas-tellane, la compagnie de grenadiers du régiment de garnison du Roi, et le régiment provincial de l'île de Corse, doivent par les mêmes motifs être également tirés hors ligne pour...... 298,339
Total à déduire de l'état de 1789, avant de le comparer à celui du comité ......... 15,532,718 liv.
La diminution proposée sur la masse générale, à raison de 2,4 et6 livres par homme, suivant l'espèce d'arme, fait un objet de plus d'un million; il est donc évident que, par le plan du comité militaire, le traitement de l'armée active doit être effectivement augmenté de 16,500,000 livres pour revenir au même but.
M. de Bouthillier npus a bien dit, Messieurs, quel serait le supplément de traitement de chaque grade; mais pour ne pas contrarier les opérations du pouvoir exécutif, dans la nouvelle organisation de l'armée,il n'a pas cru devoir déterminer, d'une manière précise, le nombre et l'espèce des officiers de chaque arme : ce moyen cependant était le seul qui pût offrir des résultats satisfaisants. A défaut de bases certaines, il faut au moins par approximation calculer les motifs de cette augmentation de 16,500,000 livres.
Je trouve porté sur le plan du comité, et non compris dans le tableau de dépense de 1789, 2 deniers par homme pour la masse des effets de campement, 4 deniers pour lits militaires, 6 deniers pour bois et lumière; total, 12 deniers par homme pour des objets qui ci-devant, parlie à la charge du trésor royal et partie payés parles provinces, vont être assujettis à une règle plus uniforme d'administration.
Ces douze deniers par homme en différentes masses font pour cent quarante-deux mille hommes une augmentation de . . . 2,556,000 liv.
Vingt deniers de solde de plus pour toutes les troupes l'un dans l'autre seront encore une augmentation de......... 4,260,000
Evaluant à 300 livres, lrun dans l'autre, le supplément d'appointements proposé pour environ neuf mille officiers, je trouve encore une somme de ..... . 2,700,000 Le complément de cinq jours
A reporter.... 9,516,000liv.
Report... 9,516,000 liv.
de paye par an pour toutes les troupes, ies six deniers d'augmentation de paye des chasseurs, l'établissement des fraters (en faisant entrer en compensation la supppression des majors en ser cond, et celle des aumôniers) ne peuvent être un supplément de dépense de plus de...... 484,000
Total d'augmentation présumée ............ 10,000,000 liv.
Reste 6,500,000 livres dont je n'ai pu me justifier l'emploi, et dans lequel se doivent trouver compris les appointements des officiers-généraux et de l'état-major de l'armée, dont il n'a point été question.
Je vous supplie, Messieurs, d'observer que, quelle que soit mon erreur, vous êtes loin d'atteindre à l'économie que vous-vous êtes proposée; car, d'un côté, votre comité vous1 demande quatre-vingt-quatre millions pour toutes les dépenses du département de la guerre; et de l'autre, vous tvez a pourvoir aux fonds nécessaires pour la maison du Roi, qui coûtait, dans son état de délabrement. . . . .... . . . 5,463,811 liv.
IL faut ou pensionner ou fixer le sort des officiers des troupes provinciales-qui coûtaient . . . 600,000
Vous avez à reporter suc les dépenses d'un département quelconque les pensions ou appointements conservés des réformes de la gendarmerie, montaut à . . . 500,000
Total. ..... 6,563,811 liv.
Vous avez à déterminer le; sort dfune foule d'officiers-généraux, gouverneurs, lieutenants du Roi, et états-majors de place, supprimés; vous avez sur les bras tous les aumôniers de l'armée, les majors en second, douze à quinze cents officiers, et vingt mille hommes de troupes parmi lesquelles se trouveront, quantité d'ànçiens soldats ou bas-officiers auxquels il serait injuste de ne pas assurer les moyens de subsistance.
Combinez tous ces détails, Messieurs, cherchez-en le rapprochement avec les bases d'économie proposées par M. Nacker pour, cet objet, et vous vous trouverez en arrière; de près de vingt millions, avec un huitième d'armée de, moins..
Votre comité, militaire,. Messieurs, placé entre l'obligation dè vous présenter des bases constitutionnelles pour l'armée et son respect pour lès droits du pouvoir exécutif, a craint de trop entreprendre ou de pas remplir toutes vos intentions; il est donc indispensable que, fixant son travail par un décret, vous le mettiez à portée de satisfaire à ces deux devoirs qui lui sont également, précieux.
Votre comi té a agitéla grande, question de savoir si l'organisation dé l'armée doit faire partie de la constitution française,et il a penséqueia.direction ainsi que le commandement de toute la force publique devaient rester entièrement dans la,main du pouvoir exécutif.
En convenant de ce principe, je crois qu'il demande quelques développements.
Nous sommes tous d'accord qu'il appartient au Roi le droit exclusif d'employer les troupes pour le maintien du bon ordre et la sûreté de l'empire. Mais si le sort de toutes les classes de citoyens: touché au moment de reposer sous la protection immuable des lois constitutionnelles, quelle classe mérite plus cette protection que celle qui, consacrant sa vie, et souvent sa fortune à la défense de la patrie, n'a pas de bien plus précieux que l'hon? neur, et dont ce sentiment double les droits à la reconnaissance publique.
Parmi les déprédations de tout genre qui ont désorganisé ce beau royaume, l'état militaire n'a* t-il pas essuyé les injustices ? les agents dut pouvoir n'ùnt-il jamais accordé à l'intrigue des préférences sur le mérite, et le soldat art-il toujours été traité avec la décence convenable à ces principes, et, j'ose dire, avec l'humanité qu'on doit à ses semblables ?
Sans parler de ces coups de plat de sabre, de ces punitions souvent infligées, sous prétexte de discipline, pour satisfaire à des vengeances particulières, et qui ont fait déserter tant de braves gens; du mauvais pain et 4 sols par jour, voilà, messieurs, quel a été jusqu'à présent, dans une dépense qui excédait souvent 110 millions, le dédommagement que la patrie accordait au plus grand nombre de ses défenseurs !
Il est vrai que votre, comité vous propose une augmentation de paye ; il vous offre à décréter des bases d'avancement ; il vous promet un code plus modéré des peines etdesidélits militaires, et il conclut que le reste de l'organisation de l'armée appartient exclusivement au pouvoir exécutif.
Mais, Messieurs, n'étes-vous pas assaillis de réclamations de toute espèce de la part des régiments; nos cahiers- ne sont-ils pas remplis de plaintes sur les détails? de la composition et de l'entretien des troupes»
Voterez-vous de confiance la conservation de soixante-dix à quatre-vingts états-majors de régiments, dont la dépense n'est peut-être pas indispensable? Pensez-vous qu'il est de votre sagesse de consentir à une détermination vague d'offir ciers-généraux à, 16, 24 et 40,000 livres! d'appointements, traitement exorbitant en temps de> paix, et dont Je décret qui vous est proposé facilite tous les moyens d'augmentation aux dépens de la chose nécessaire? Avez-vous calculé ies avantages de donner une somme en bloc pour les entreprises de vivres, de fourrages, de casernements, d'hôpitaux, et de cette foule de détails dont les provinces ou les. régiments réclament l'administration ? Voterez:-vous une somme pour l'entretien, en temps de paix,, d'un état-major d'armée, tandis que vous avez, dans le corps très-nombreux du génie, des hommes distingués pàr leurs talents, et les plus vastes connaissances qui peuvent composer cet état-major sans frais? Enfin peut-il être indifférent aux représentants de la nation, qu'un ministre, qui serait moins bien intentionné que ne l'est M», de la Tour-du-Pin, ait constitutionnellement le droit, ou de rompre, sans consulter le pouvoir législatif, nos engagements avec nos amis les Suisses et Grisons, ou de maintenir et de multiplier en France d'autres régiments étrangers, aux dépens de l'intérêt et du goût delà nation ? Il- s'agit de réformer en cet instant vingtrdeux mille hommes, et je ne pense pas, Messieurs, que cette opération» ne soit pas digne de toute-notre attention.
Vous avez parcouru tous les'détails du pouvoir administratif, votre sagesse n'épargnera aucun
des moyens de rendre plus utiles et plus respectables nos magistrats civils et religieux; par quelle raison l'organisation de la force militaire, qui doit avoir tant d'influence sur notre constitution, lui serait-elle seule étrangère, et les droits de la nation, les devoirs de ses représentants ne sont-ils pas les mêmes envers tous les genres de pouvoirs, dont la suprême administration appartient à son chef?
Est-ce pour satisfaire l'armée, Messieurs? elle vous le demande. Est-ce pour obéir à nos commettants? ils nous l'ont ordonné. Est-ce par respect pour le Roi? mais dans ses lettres de convocation, il nous a appelés pour réformer les abus de tous genres, ce sont ses expressions ; il me semble donc que vous ne rempliriez pas vos engagements envers le Roi, la nation et les troupes, si vous ne donniez pas à l'état militaire des lois sages, exemptes d'arbitraire, et immuables comme la constitution qui doit protéger tous les citoyens.
La France attend de nous, Messieurs, que nous mettions sous les yeux de celui qui se destine à la défense de la patrie le tableau du cercle qu'il aura à parcourir; et que nous lui garantissons qu'il ne rencontrera, dans cette course périlleuse et rapide de la vie, aucun obstacle qui ne vienne de lui ou de la nature.
G'est moins la modicité des différents traitements qui décourage un brave homme, que l'abus des grâces qu'il ne partage pas. 11; conviendrait, sans doute, sous beaucoup de rapports, de laisser au pouvoir exécutif une sorte de latitude pour récompenser des services distingués: mais prenons garde aux prétextes; car, si les récompenses méritées sont le nerf de l'émulation, les injustices' en sont le tombeau.
Je reviendrai sur cette partie dontM. le vicomte de Noailles nous a développé les premiers éléments; et, pour suivre la marche du comité, je reprends les détails de finance.
Votre intention bien connue, Messieurs, est d'améliorer le sort du soldat, et votre comité vous a proposé à ce sujet une* augmentation de 20 deniers pour la majeure partie de l'armée : savoir, 1 sol de prêt, 2 deniers de masse1 de linge et chaussure, et G deniers de pain. Il me semble que, pour rendre ce bienfait de la nation envers ses défenseurs plus sensible, il est inutile d'en dissiper une partie au profit des entrepreneurs des vivres. Le soldat n'a jamais éprouvé de difficulté pour se fournir de pain blanc pour la soupe ; je préférerais donc de ie laisser dans cet usage, en ajoutant les six deniers que votre-comité y destine à sa paye. Elle est si modique, que le plus petit bénéfice devient important, et puisque vous donnez réellement au soldat 18 deniers de plus par jour pour sa nourriture, il me parait de toute justice qu'il en dispose complètement.
La masse de linge et chaussure est beaucoup trop faible, et plusieurs officiers estiment que la masse générale ne pouvait supporter aucune réduction, avec d'autant plus de motif, que le besoin d'économie forçait les administrations des régiments à laisser en veste leurs soldats l'été, ce qui n'est ni décent ni agréable aux troupes. Je propose donc six deniers d'augmentation, pour faire disparaître de l'administration des corps ces moyens Jésineux qui blessent l'âme du- soldat. Mais il est un autre objet, Messieurs, sur lequel votre comité n'a pas fixé son attention : c'est le sort d'un soldat en semestre; et celui qu'il éprouve après qu'il a rempli ses devoirs envers la patrie et qu'il rentre pour la vie dans ses foyers.
On ne peut raisonnablement exiger d'un soldat
qu'il fasse des économies sur sa paye; strictement resserré dans le cercle de ses besoins, uniquement employé au service et à protéger la tranquillité1 de ses concitoyens, il ne peut imiter la fourmi, et le congé de semestre, qui lui est accordé à titre de délassement et de récompense, peut devenir une source d'angoisse et de misère.
D'un autre côté, Messieurs, l'homme qui a perdu pendant douze ans, et souvent plus, l'usage d'exercices manuels; qui l'aidaient à subsister avant qu'il ne prît le parti des; armes* est abandonné sans ressource, au terme de son engagement, par l'Etat auquel il a sacrifié les plus belles années de sa vie.
Je proposerai donc à l'Assemblée d'accorder 1 sol par jour de solde de plus à toute l'armée française. Ge sol, mis en réserve, accru du bénéfice des chances qui résultent d'une mise en communauté; servirait à, faire un sort* à tout soldat ou bas-officier qui prendrait son congé après douze ans de service, ayant l'attention de graduer cette récompense à raison du nombre d'années employées à la défense de la patrie; ce sort serait assez avantageux pour remplacer utilement les demi-soldes qui surchargent l'Etat, sans que le titulaire soit exempt de ïa misère qui surcharge sa vieillesse. Mais comme tout soldat a des droits à cette sorte de masse nouvelle, il en sera prélevé les fonds nécessaires à tout semestrier pour rejoindre ses foyers, à raison de 3 sois par lieue.
Cette masse ne sera particulière à aucun régiment; toute l'armée y aura les mêmes droits; le travail s'en fera dans les bureaux du ministre de la guerre, sans frais, et sera rendu public tous les ans» par la voie de l'impression, afin que tous les bas-officiers et soldats connaissent le sort qu'ont eu leurs camarades et celui qui les attend.
Je suis certain, Messieurs, que ce nouvel arrangement, dont,la dépense sera fixe et déterminée, sera plus avantageux aux troupes et plus convenable à vos principes de bienfaisance et d'économie; et si vous prenez la peine de combiner l'éloignement des distances, l'embarras qn'éprouve un soldat avant de se procurer des moyens de subsistance, les besoins de sa famille, vous sentirez que cette dépense, fut-elle même plus considérable que celle qu'elle remplace, est un bienfait qui, pour les pères de la patrie, aura son plaisir et trouverasa récompense:
Dans un moment où les besoins de l'Etat se font sentir de toutes parts, je ne suis point de l'avis de:l'augmentation du traitement des officiers, au moins jusqu'à' ce que lè mode d'avancement ait été bien-déterminé ;1 il y a si peu de places à; donner pour touseeux qui se présentent au concours 1 Les Français ont toujours fait un si grand cas de l'honneur'et des distinctions militaires, que les appointements ne doivent être ici considérés, pour ainsi dire, que comme accessoires, et l'amour de la gloire est telle, chez cette nation généreuse, que s'il en coûtait de l'argent pour servir sa patrie, on trouverait encore cent officiers pour uni Je; pense donc que l'Assemblée nationale peut mettre ordre à des affaires- plus pressantes, et suspendre sa délibération sur l'augmentation proposée du traitement des officiers, jusqu'à ce qu'elle ait déterminé le1 mode d'avancement; du moins je me contenterais en- ce moment d'augmenter le1 sort des sous-lieutenants et lieutenants, parce' qu'il s'y trouve beaucoup d'officiers de mérite quo1 l'on appelle de fortune, et qu'il est juste de ne pas leur faire attendre plus longtemps le bienfait de la nouvelle constitution.
A l'égard des appointements des colonels, j'ai
l'honneur de proposer à l'Assemblée de porter à 6,000 livres le traitement de tous ceux qui arrivent à ce poste honorable, par ancienneté ou par le choix libre de leurs camarades, en cas que l'Assemblée adopte cette méthode d'avancement que j'ose proposer encore, malgré les clameurs que cette opinion a élevées contre moi, parce qu'après y avoir mûrement réfléchi, je suis resté persuadé que les prétendues cabales que cette méthode ferait naître dans les régiments seraient moins dangereuses pour la chose publique que les intrigues de cour.
L'augmentation que je propose pour le traitement des colonels est peu conséquente pour la nation et me paraît avoir un but très moral.
En effet, Messieurs, n'est-il pas juste qu'un officier, qui a blanchi dans la carrière de l'honneur, soit assez bien payé par la patrie pour soutenir son état avec décence et sans gêne? Quelque favorable au mérite que puisse être une nouvelle ordonnance, si les appointements d'un colonel restent fixés à 4,000 livres, les hommes opulents seuls pourront y aborder, et le brave militaire, qui ne sera riche qu'en vertus, sera forcé de quitter la place pour ne pas ruiner ses enfants; et s'il aime encore son état, s'il peut y être utile, la nation et lui ne verront venir qu'avec douleur l'époque qui aurait dû combler ses vœux. En vain m'objectera-t-on que les 200 livres par mois de traitement extraordinaire, accordées au commandant présent au corps, pourvoiront à l'inconvénient que je dénonce, il m'est facile de démontrer que non seulement l'obstacle n'est pas levé, mais que l'ordonnance proposée par votre comité qui offre deux lignes d'avancement est illusoire et qu'elle sera toute en faveur de la riche et haute noblesse.
Si un lieutenant-colonel a 3,800 livres et un colonel 4,000 livres d'appointements, quel intérêt un ancien militaire aura-t-il de parvenir à un poste nécessairement onéreux, et qui ne peut améliorer son sortniprésent ni àvenir?Trop vieux pour espérer d'être employé comme maréchal-de-camp, il ne fera que toucher barre à la place de commandant en chef d'un régiment, surtout si les prétentions de quelque homme en crédit sont étayées d'une composition qui lui serait avantageuse. On ne manquera jamais de personnages riches et puissants qui feront, si j'ose m'exprimer ainsi, des ponts d'or, et la vertu découragée sera forcée de les accepter. Ne comptez donc pas, Messieurs, sur deux lignes d'avancement pour le grade d'officier-général, si vous laissez à 4,000 livres le traitement des colonels arrivés par ancienneté. Quant au traitement des officiers généraux, j'avoue que mon inexpérience ne m'a pas permis de voir autre chose dans l'énorme différence qui se trouve entre le sort d'un colonel, fixé à 4,000 livres, et celui d'un maréchal-de-camp à 16,000 livres, qu'une ligne de démarcation bien établie entre les hommes riches et protégés et ceux qui ne le sont pas.
L'Assemblée nationale économe sans mesquinerie, généreuse comme doit l'être une grande nation, n'est pas moins comptable à ses commettants de tous les retranchements de dépenses ou superflues ou nuisibles. C'est donc sur les entreprises, sur les grandes places, qu'elle doit porter ses regards. Penserez-vous, Messieurs, qu'il est de notre sagesse de laisser à un seul homme le soin de déplacer ces masses, qu'il est de l'intérêt même du ministre de la guerre que vous le laissiez seul exposé aux orages, et que ce que vous n'osez tenter il aura le courage de
l'exécuter? Par exemple,.Messieurs, vous êtes entourés de douze cents officiers généraux ; il y en aura au plus quatre vingts d'employés; beaucoup d'autres ont des droits réels et des titres respectables à succéder aux commandements qui viendront à vaquer. Si vous reconnaissez la légitimité de ces titres, vous arrêtez, pour vingt ans, l'avancement de toute l'armée, et vous mécontentez jusqu'au dernier sous-lieutenant; si vous mettez tant de personnages distingués hors de service, le patriotisme seul peut les consoler, mais leurs talents, leurs droits, leur crédit seront toujours pour un ministre un rempart inexpugnable. Je prie ceux qui voudront combattre mes principes, déconsidérer que je ne propose pas à l'Assemblée de faire des ordonnances de" tactique, des plans de campagne, d'ôterau Roi la distribution des grâces, des brevets, ni de priver le pouvoir exécutif du gouvernement absolu qui lui appartient sous l'autorité des lois.
Mais je crois tous les détails de composition, d'avancement, de recrutement, de police, d'administration générale des corps, le code des peines et des récompenses, enfin tout ce qui concerne dans l'organisation de l'armée, les droits des citoyens, toute loi qui peut garantir d'une oppression quelconque, entièrement du ressort des législateurs de. l'empire. Pour poser ces bases fondamentales, il n'est pas même nécessaire d'avoir été militaire ; il n'est rien d'exclusif pour un homme de bien, et je supplie qu'il me soit permis de rappeler que le meilleur ministre de la guerre , que nous ayons eu depuis cinquante ans, fut un homme de loi (M. d'Argenson).
Depuis que j'ai rendu publiques mes observations sur la constitution militaire, les événements qui se sont passés, les réponses particulières ou imprimées qui m'ont été adressées, les oppositions mêmes de quelques parties intéressées n'ont fait que me confirmer dans mon opinion, et je n'en tiens que plus fortement aux bases d'organisation que j'ai établies pour l'armée. J'ai établi pour principe, et j'y tiendrai tant que je le pourrai, que le pouvoir exécutif doit être absolu sur toutes les branches d'administration quelconque du royaume pour l'entière exécution des lois seules souveraines, et auxquelles le Roi lui-même est subordonné; que, d'après ce principe l'action du pouvoir exécutif doit être uniforme sur toutes les divisions du gouvernement et que toute nuance contraire serait la pierre d'attente du despotisme. C'est avec cette seule arme que je combattrai toutes les observations de détail, tous les inconvénients locaux dont on a prétendu envelopper mon système, trop simple, sans doute, pour m en faire un mérite; mais trop essentiel au maintien de la constitution française, pour le rejeter sans un plus grand examen. J'ai pu commettre quelques erreurs : aussi n'ai-je pas présenté mon opinion comme un plan formé, mais comme un canevas dont les bases fixées devaient produire d'heureux résultats.
Je déclare donc à tous les faiseurs de libelles que je suis intimement convaincu que la constitution ne sera perfectionnée et à l'abri de tous mouvements convulsifs, que lorsque la force publique sera soumise au même régime que tous les autres pouvoirs.
Il ne doit plus y avoir en France qu'un poids, qu'une mesure, qu'une coutume, et, pour ainsi dire une seule loi, d'où dérivent toutesles autres. Enfin, pour m'expliquer plus nettement, la nation doit faire la loi, le Roi doit la faire exécuter;
J mais notre constitution ne seraitqu'un corps sans
âme , si les ministres pouvaient conférer les emplois.
Je suis cultivateur, et, en cette qualité, il doit m'être permis de tirer mes comparaisons des objets qui me sont plus familiers.
Je suppose un propriétaire qui veut détruire un quinconce d'armes, parce qu'il intercepte l'air de son potager : si le jardinier se contente de couper les arbres à fleur de terre, l'année suivante il repoussera sur racines une foule de rejetons, qui formeront bientôt un bois plus toùffu et plus nuisible qu'auparavant. Il en sera de même de la nouvelle administration : nous avons abattu les grands arbres ; mais si nous ne défrichons pas le terrain avec soin, il n'y repoussera que des sauvageons et des ronces.
L'Assemblée nationale a senti la nécessité de ce travail ; elle a fait éclater sa sagesse dans la nouvelle organisation du pouvoir administratif, et elle a recueilli le plus doux fruit de ses soins, l'approbation du roi et de toute la France. La véritable route du bien public est donc tracée, consolidée même ; et tous les follets ne peuvent plus nous égarer.
Quelque défiance qu'un esprit juste et réfléchi doive avoir de tout système nouveau, je ne pense pas que, dans la circonstance où nous nous trouvons, il soit possible de conserver aucune des anciennes bases d'administration, sans flétrir ce bel ouvrage qui, prenant la nature pour modèle, ne doit avoir comme elle qu'un pivot, un moyen unique de reproduction, quoique ses résultats soient variés à l'infini, et je ne vois aucune bonne raison pour que tout agent du pouvoir administratif, civil, religieux et militaire ne soit pas assujetti aux mêmes bases d'organisation, quoique leurs travaux soient différents ; je crois, au contraire, que, si l'un de ces pouvoirs avait des formes particulières, dépendantes du caprice de quelques hommes, ce serait attacher la gangrène à une des principales ramifications du corps politique, et mettre dans son sein le germe d'une mort plus ou moins lente, mais inévitable. Que ceux qui combattent mon système attaquent ce principe, qu'ils en démontrent l'absurdité, et j'avouerai de bonne foi mes erreurs.
C'est après m'être fidèlement scruté moi-même sur mon opinion, que j'ai cru de mon devoir de présenter dans mes observations sur la constitution militaire des bases de travail analogues à celles que je prévoyais que l'Assemblée nationale décréterait pour l'organisation du pouvoir administratif ; car je pense que, quel que soit l'état qu'un citoyen veuille embrasser, il est juste qu'il puisse en mesurer l'espace, qu'il entre dans la carrière par la même porte que son émule ; et la vitesse avec laquelle on parcourt cette carrière doit dépendre uniquement des talents et du mérite appréciés par les compagnons et les témoins de nos ' travaux. Tout autre moyen est illusoire, décourageant et dangereux. Voilà ce que j'ai pensé, ce que je pense encore et, ce que penseront tous ceux qui, aussi désintéressés que moi, sont seuls en droit de juger la question. Je sais que mon opinion choque tous les préjugés reçus, consacrés par des siècles d'abus, mais la nation doit respecter des droits, et non des convenances particulières; et s'il est dû quelque reconnaissance à des services distingués, la nation saura bien récompenser, s'ils le méritent, ceux dont les pères se sont sacrifiés au bien de la patrie.
S'il est permis de porter ses regards sur l'avenir, je prévois que le thermomètre de la considération sera totalement dans la main des citoyens;
que nul ne pourra parvenir à rien que par la confiance libre de ses commettants; que, pour être membre de l'Assemblée nationale, il faudra s'être distingué dans une administration quelconque de département ; que, pour être juge, il faudra avoir exercé avec patriotisme les fonctions d'avocat ; que, pour être évêque, il faudra avoir été curé quelques années, et choisi par ses pairs. C'est alors qu on verra germer de toutes parts les semences des vertus dans le champ que l'Assemblée nationale de 1789 a péniblement défriché ; et tandis que la nation se régénère, faut-il que l'état militaire reste esclave? faut-il que cette profession, anoblie par la nature seule de ses fonctions, la passion dominante de tous les Français, perde son éclat et son rang dans la société, et devienne par son asservissement même un instrument terrible dans la main d'un despote ?
On nous parle des égards dus au pouvoir exécutif : Oh 1 je suis bien loin d'y vouloir porter atteinte ; mais s'il est reconnu par le roi lui-même qui est venu si franchement au milieu de nous sanctionner nos principes, que la loi plane sur toutes les têtes et qu'il n'appartient au roi que la force d'exécution, quelle atteinte porté-je à son autorité en réclamant, en faveur du militaire, les mêmes lois constitutionnelles qui régiront la nation ?
Depuis 1762, nous n'avons eu à essuyer que quelques mouvements accessoires d'agitation politique et une grande partie de nos officiers même généraux n'ont point été à portée de développer leur courage et leurs talents. Cependant l'armée a été bouleversée en tout sens : la tactique a fait dit-on, de grands progrès ; je veux le croire ; mais à côté de ce bien, je vois le soldat malheureux, l'officier mécontent, incertain de son sort, et toujours gémissant dans des emplois subalternes; plus de liaison d'intimité entre le soldat et l'officier, comme lorsque les compagnies appartenaient aux capitaines : le père alors soignait sa famille qui le chérissait; aujourd'hui ils n'ont aucun motif de s'intéresser l'Un à l'autre; une discipline trop sévère, barbare même, a remplacé ces avertissements, ces corrections qui, lorsqu'elles étaient nécessaires, avaient encore quelque douceur.
Les chefs inconnus aux troupes qu'ils commandent se montrent rarement, fatiguent de leur puissance, font leur métier quelques mois, leur cour le reste de l'année et envahissent tout.
Ëh ! comment ces hommes parmi lesquels il en est sûrement de très estimables, ne se croiraient-ils pas faits pour dicter arbitrairement des lois ? l'ordonnance en a fait des demi-dieux, et rien n'est plus facile à persuader que la vanité.
Permettez-moi, Messieurs, de vous rappeler ces paroles que le roi lui-même a fait entendre dans cette salle. Il nous a dit : Un jour, j'aime à le croire, tous les Français indistinctement reconnaîtront l'avantage de l'entière suppression des différences d'ordres et d'état, lorsqu'il est question de travailler en commun au bien public, à cette prospérité de la patrie qui intéresse également tous les citoyens, et chacun doit voir sans peine que, pour être appelé dorénavant à servir l'Etat de quelque manière, il suffira de s'être rendu remarquable par ses talents ou par ses vertus.
Il ne doit donc plus y avoir de difficultés et, vous n'avez pas même le choix du bien que le roi et la nation attendent également de vous, je l'ai dit et je répéterai sans cesse,tout le secret d'une bonne organisation d'armée constitutionnelle consiste à :
1° Ne laisser subsister aucunes places inutiles qui, en rendant les grades supérieurs trop communs, avilissent les places subalternes ;
2°. Attacher nos régiments français plus spécialement à des départements désignes, dans lesquels les officiers et soldats, destinés à les composer, seront choisis à l'avenir j et ce mqyen est le seul poçir parer aux anciens inconvénients du recrutement» de la désertion et ne faire des soldats et des citoyens qu'un corps et qu'une âme ;
3° N'accorder les places qu'au mérite, depuis l'état de caporal jusqu'à celui de maréchal de France, et déterminer ce mérite par le choix libre dfis subordonnés à chaque grade;, ., t° Rendre les compagnies aux capitaines, non individuellement, mais en corps, avec tous les détails d'administration qui en dépendent, de manière que les officiers supérieurs, cessant d'être juges et parties, puissent réellement faire exécur ter les ordonnances;
5° N'éloigner jamais un régiment de . plus de cinquante lieues du cbef-lieu de département dont il pprfcèra le qpm, et cette condition, suffisante pqyr, meubler nos places de guerre, épargnerait des frais de route énormes ;
(J0 Accorder tous les deux ans en temps de paix, neuf mois de congé aux officiers et soldats, avec demi-paye, ce qui est avantageux, agréable pour éûx'etéconomique pour l'Etat; . 7° Plus.de plaque militaire, mais la croix de Saint-Louis à tout officier au bout de vingt-cinq ans dé service, y compris celui de soldat.
Voilà, Messieurs, les bases simples et immuables d'organisation que je crois devoir remettre sous vos yeux ; en y ajoutant la solde de chaque grade, le nombre des troupes, une ordonnance de retraite pour les officiers et soldats, ie code dès peines et délits militaires, le service des places : vous aurez fait tout ce que le roi vous indique et tout ce que la nation et l'armée vous demandent.
termine en proposant
le déCT4ti&Ûwint:
« L'Assemblée nationale., considérant que l'état et le sort de tous les citoyens de l'empire français doivent reposer désormais sous la protection de lois constitutionnelles, qui ne puissent, sans aucun prétexte, être éludées ; et voulant concilier le$ droits de cette classe généreuse qui se dévoue à la défense de Ja patrie, avec l'autorité néfè^saire et légitime du pouvoir exécutif;
« Déçlare que lé roi est le chef suprême de l'armée ; que tous les ordres nécessaires pour Je maintien de la tranquillité publique et: la sûreté du royaume, ne peuvent émaner que de lui, conformément aux lois constitutionnelles de l'empire français : mais qu'il appartient au Corps législatif de fixer, dans tous les temps, le nombre et l'espèce de troupes qui doivent être employées à la défense de la patrie; de régler leur composition, leur solde et les divers traitements dés officiers ; les bases d'introduction au service, celles d'avancement et de retraites pour tous les grades, depuis l'état de soldat, jusqu'à celui de maréchal de Fjauce inclusivement ; les lois de police, de discipline militaire, ainsi que les bases d'administration générale des corps ; enfin, les rapports de l'armée, avec le pouvoir administratif et les milices, nationales.
« En conséquence, l'Assemblée nationale ordonne que son comité militaire se concertera avec le ministre de la guerre et avec le comité de constitution pour établir ces principes, ainsi que
tous les détails qui en. dérivent d'une manière précise, à l'abri de toute fausse interprétation, et qui assure à la nation son repos, et aux militaires-citoyens des récompenses graduelles exemptes de tout arbitraire, prix assuré des vertus, sans distinction de naissance et de fortune.
« Et; par provision, l'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que tout militaire, après vingt ans de service révolus, jouira de tous les droits de citoyen actif, et sera éligible même à l'Assemblée nationale, considérant les services qu'il aura rendus à sa patrie comme.équivalent au moins à Ja contribution, du marc d'argent exigée de tout citoyen pour être éligible ;
« 2° A dater du premier avril prochain, la paye de tous les lieutenants, sous-lieutenants, bas-officiers, grenadiers, chasseqrs, soldats, cavaliers, dragons et hussards, sera augmentée dans la proportion indiquée au plan du comité militaire; mais les six deniers accordés pour supplément de pain, seront réunis au prêt. Ainsi; la masse de boulangerie restera fixée à 30 deniers par ration, et l'administration en sera confiée aux régiments;
« 3° La masse de linge et de chaussure sera augmentée de 6 deniers, et la masse générale restera comme elle était, ci-devant ; ' « 4° La nation, fera entre les mains du ministre de la guerre, un fonds d'extraordinaire de 18 livres par homme au complet, chaque année, uniquement destiné.à donner 3 sots par lieue aux sémestriers lorsqu'ils partiront du régiment pour se rendre dans leurs foyers, et le surplus sera employé à donner des retraites graduelles à tous les soldats et bas-officiers ou cavaliers qui auront fait au moins deux: engagements de suite. En conséquence, toute pension de demi-solde sera supprimée pour l'avenir.
f L'Assemblée nationale se réserve de statuer sur le sort des capitaines, officiers supérieurs des corps et officiers-généraux, lorsqu'elle décrétera les bases constitutionnelles de l'organisation de l'armée, pour lesquelles elle charge, par le présent décret, son comité militaire de se réunir à son comité de constitution, et de se concerter avec le ministre de la.guerre; et lorsque ce travail lui aura été présenté, elle arrêtera définitivement l'état; des fonds destinés au département de la guerre pour l'année 1700. »
, d'accord avec M. Alexandre de Lameth, M. de iïoailles et quelques autres,présente un nouveau projet de décret qui est très applàudi et qui obtient la priorité sur tous les autres.
La discussion est ouverte sur les articles de ce projet.
« Art. Ie'. Le roi des Français est le chef suprême de l'armée. »
Je vous prie d'observer deux choses sur cet article : 1° Tout peuple qui parle de son souverain ne l'appelle que le roi ; c'est ainsi que par le traité de Westphalie, il a été décidé que le roi de France serait appelé par toutes les puissances; 2» On ne doit pas se borner à dire que le roi est le chef suprême de l'armée ; vous ne feriez de votre souverain qu'un général d'armée. Je propose de rédiger ainsi l'article : « L'armée de France est entièrement et uniquement aux ordres du roi. »
J'adopte la pre-
mière observation du préopinant, mais j'observe que la nation française a un roi et non un souverain ; la souveraineté réside essentiellement dans le peuple. Quant à la seconde observation, elle ne peut être accueillie ; elle n'a pas même besoin d'être réfutée. Si cependant l'expression si naturelle de l'article pouvait déplaire, jè proposerais de dire: « le chef suprême des forces nationales. »
Je vous prie de vous rappeler le serment que vous avez fait. Vous avez juré d'être fidèles à la nation, parce que c'est dans la n^tjqn que réside ^ souveraineté ; à la loi, parce que la loi est vraiment Je souverain d'un peuple lij^ë. ; au rôi, parce qu,e le roi, soumis à la loi et cTiàrgë. ae là faire exécuter, est le chef suprême de & nation-
On demande la priorité pour la rédaction de M. de Meuou sur celle de M- l'abbé Maury.
La ^t|crt,ité est accordée à l'article de M. de Menou, ét il est décrété en ces ter mes : « Le Rqi est le chef suprême de l'armée. » L'article suivant est adopté sans discussion ; il est àiàsi conçp :
« Art. 2. Il'aytnée est essentiellement destinée à combattrelesehnemjs extérieurs de la patrie. » On lit 1 article 3 ; erii voici la tene^ : « Il ne peut £trè introduit de troupes étrangères dans lé royaume et dans l'armée qu'en vertu d'un aèteduCorps législatif, sanctionné par le roi.»
Je m'arrête au mot introduit ; il est absolument vague. Si l'on veut parler de l'usage ancien de la monarchie, d'admettre des étrangers dans les troupes, il faut dire: nul étranger ne sera admis au service du roi ; mais les conséquences de ce décret seraient trop importantes pour que je ne vous présente pas une réflexion intéressante. Il n'est aucun militaire instruit qui n'ait remarqué que la discipline s'établissait bien mieux dans les régiments étrangers que dans les nôtres ; sous ce point çle vue, ces corps méritent de servir de modèle à tous les régiments du royaume. Cette remarque n'est pas de moi ; elle est He M. de Puységur, du maréchal de Saxe, du chevalier Fedard ; eïlè; appartient à tous les auteurs qui ont écrit sur l'armée.
11 ne s'agit pas ici de savoir si les troupes étrangères ont été utiles à l'armée française; leurs services sont connus. 11 s'agit encore moins de les comparer à nos troupes pour déprécier nos troupes ; il faut uniquement décider si le roi a le droit d'appeler en France des troupes étrangères sans le consentement du pouvoir législatif ; . et pour peu qu'on reconnaisse les principes, il est difficile de ne pas adopter l'article présenté.
Je commence par dire que les troupes françaises n'ont pas besoin desrégiments étrangers pour leur donner l'exemple de la discipline ; les chefs des régiments étrangers font parade d'une . rigidité extrême dans des bagatelles de tenue, qui; lie font rien à la discipline militaire, qui rendent le service gênant; mais qui frappent le vulgaire ; je né conteste pas, du reste, que les régiments étrangers n'aient bien mérité de la patrie, dans diverses circonstances.
Je suis d'avis de conserver à la fois introduit et admis.
De légers changements sont proposés, et l'article se trouve rédigé comme il suit :
« Art. 3. Il ne peut être admis ni introduit aucune troupe étrangère au service de l'Etat, qu'épi , vertu d'un acte du Corps législatif, sanctionné par le roi. »
Les articles 4 et 5 sont adoptés sans discussion.
« Art. 4. Les sommes nécessaires à l'entretien de l'armée seront fixées par chaque législature.
« Art. 5. Les législatures suivantes, ni lé pouvoir législatif, ne pourront porter atteiute aux droits qu'a chaque citoyen d'être admis à tous les emplois et grades militaires. »
L'article suivant est mis à la discussion. En voici la teneur:
« Art. 6. Aucun militaire ne peut être destitué de son emploi que par un jugement légal. »
Il y a dans le projet de décret de M. de Menou un article tjui renvoie au comité militaire et au comité de constitution le travail sur l'organisation des tribunaux militaires : je demandé que celui-ci soit renvoyé à ces comités, afin qu'il reparaisse suivi de tops les principes qui doivent l'accompagner.
Il faut bien distinguer les commissions des emplois: le roi pourra, sans doute, retirer une'Commission qu'il aura donnée ; mais le sens de l'article est assurément que tout militaire qui aura obtenu un rang quelconque, ou par l'ancienneté de ses services, ou par leur éclat, ne puisse perdre ce rang sans un jugement légal.
C'^est iei la Véritable place du principe constitutionnel ; l'application de ce principe peut seule être renvoyée au comité.
J'insiste sur ce renvoi, parce qu'il serait trop dangereux de mettre 4ans la constitution le mot emploi avant dë l'avoir exactement défini.
Il me semble que le mot destitué ne laisserait aucun doute ; ou peut craindre que l'artictè ne soit' contraire à la discipline militaire ; pàais j'observe qu'avant d'être destitué, ilfaut être suspendu de ses factions, ét c'ést à cette suspension que se bôrrte, l'effet de la discipliné.
appuie la motion de M. Le Chapelièr. "
Le renvoi ae l'article 6 aux comités militaire et de constitution est ordonné.
L'article suivant est ainsi conçu :
« Art. 7.Tout militaire en activité conservera son domicile, nonobstant lés absences nécessités par son service, et poiirra exercer lès fonctions (ie citoyen actif, si d'ailleurs il réunit l'es qualités requises par les décrets dé l'Assemblée nationale. »
Si l'ai bien cppapris l'article,, il eu résulté qué tout spldat qui a lès quotités % Citoyéii actif pourra1, qtrandrn Sera rendu cnëz Tûl, exercer les droits attachés à ces qualités; il ne faut pas qu'une disposition soit dangereuse : tout ce qui peut nuire à la société ne peut'êfrejùste. Il est probable que les régimeuts seront sédentaires et attachés ai^ déiiài'llime^ts: "des lors.ijs. seront le plus ordinairement composés d'habitants'
de ces départements. Les officiers pourront abuser de leur crédit et de leur supériorité, soit pour se faire élire, soit pour diriger et maîtriser, dans d'autres vues, les élections. Les soldats ont fait l'engagement par lequel ils ont renoncé momentanément à leur liberté et à tous les avantages dont la constitution trouverait du danger à leur laisser l'exercice.
Il est certain que vous avilissez l'armée en la chassant de la constitution ; assurément elle ne fait pas de distinction entre les soldats et les officiers ; et si vous privez les uns de l'exercice de leurs droits, vous en privez également les autres.
Et vous aurez, sinon très peu de bons soldats, du moins pas un seul officier.
Les craiDtes de M. de Liancourt ne pourraient être réalisées que dans les assemblées primaires ; on peut, par une précaution très simple, éviter les dangers que redoute le préopinant. Je propose d'ajouter à l'article une exception qui serait ainsi exprimée : « Et si, au moment des élections, ils ne se trouvent pas en garnison dans le canton où est situé leur domicile. »
L'article 7, devenant l'article 6, est adopté avec cette addition.
On passe à l'article 8. « Tout militaire, après seize années de service, jouira de la plénitude des droits de citoyen actif, quand même il ne serait pas sujet à la contribution requise pour être éligible. »
Le terme de seize années est trop court; il fajit le porter jusqu'à vingt : c'est à cette époque, sans doute, qu'on fixera la vétérance.
Il est certain que, dans les précédents décrets, vous avez fixé les conditions de l'éligibilité; il est certain que l'article qu'on propose aujourd'hui est contraire à ces décrets ; il est certain que vous ne devez pas y déroger légèrement, surtout quand ils ont été rendus avec autant de solennité que ceux-ci ; vous ne le devez pas dans une assemblée aussi peu nombreuse; le fût-elle davantage, vous ne seriez pas autorisés à déroger à la constitution. Je demande ensuite si l'article remplit vos vues; il faut honorer le soldat; mais l'honneur que vous lui conférez est la plus grande de toutes les récompenses : le droit de cité a été estimé au nlus haut point chez les peuples les plus jaloux de leur liberté; tous les ans, sur une armée de cent cinquante mille hommes, dix-huit mille hommes obtiennent leur congé; il est vrai que tous n'ont pas vingt ans de service; mais, après un temps déterminé, le nombre de ces derniers se trouvera très considérable. Vous accordez ce droit aux soldats pour les services qu'ils ont rendus ; d'autres classes de citoyens sont utiles à la société; elles se plaindront, et vous serez alors dans le cas d'une multitude de dérogations.Pourquoi prostituerions-nous ainsi le plus beau de tous les droits?...
(Il s'élève un grand murmure dans l'Assemblée.)
L'opinant voulait sans doute dire prodiguer.
J'adopte le mot que M. le Président veut bien substituer à mon expres-
sion. Vous prodigueriez ainsi la plus haute des récompenses : il faut qu'elle ne soit accordée que pour de grands services, et sur la demande même du Corps législatif.
Comme les ordonnances avaient fixé la vétérance à vingt-quatre ans, je demande qu'un service de. vingt-quatre années, sans interruption et sans désertion, soit nécessaire pour jouir des avantages que propose l'article proposé.
Il me semble que le terme de seize années présente de plus grands avantages; les congés sont de huit ans; si, au bout de ce terme, le soldat voit qu'il lui faut encore douze années pour acquérir les droits de citoyen actif, il se déterminera difficilement à renouveler son engagement, et vous vous priverez de militaires consommés, qui font la force de nos armées. Celui qui, pendant seize ans, s'est consacré au service de sa patrie, et qui lui a fait le sacrifice de sa liberté, mérite bien de jouir de tous les droits de citoyen. Je pense cependant qu'on pourrait borner l'exception aux conditions relatives à la contribution et à la propriété. Si l'exception était générale, il pourrait arriver qu'un soldat, en quittant le service, entrât dans l'état de domesticité ; et les raisons qui nous ont déterminés à priver des droits de citoyen actif les hommes dans cet état, existeraient encore pour lui.
La demande de M. de La Galisson-nière tend à anéantir les dispositions du décret. Beaucoup de militaires pourraient succomber sous les fatigues de leur état avant de parvenir au moment où ils recueilleront l'honorable récompense de leurs services. J'ajoute à l'appui de cette observation, que vous ne permettrez pas sans doute des engagements à un âge aussi peu avancé que celui où il est à présent permis d'en contracter.
Je ne connais pas de plus grands moyens d'attacher au service, et de faire sentir tous les avantages du droit politique de citoyen actif que celui qui vous est offert par l'article 8.
Cet article, devenant le septième, est adopté, en y ajoutant seulement ces mots : « de service sans interruption et sans reproche. »
Je demande si le décret aura son effet pour les soldats qui auront à présent seize ans de service.
(On répond affirmativement de toutes parts.)
propose de décréter, comme article constitutionnel, « que les troupes prêteront, chaque année, le serment civique le 1er de mai. »
demande que l'époque de la prestation de serment soit fixée au 14 de juillet.
Cette proposition est accueillie avec transport et adoptée (art. 8).
C'est ici le moment de placer un article qui ne souffrira sans doute pomt de contestations, et que j'ai rédigé ainsi :
« La vénalité des emplois militaires est supprimée. »
Cet article (art. 9) est adopté sans discussion,, ainsi que l'article suivant (art. 10) :
« Le ministre de la guerre et les autres agents*
militaires du pouvoir exécutif sont sujets à la responsabilité, dans les cas et de la manière qui seront établis par la constitution. »
Les articles suivants sont successivement décrétés :
« L'Assemblée nationale décrète également, comme article constitutionnel, qu'il appartient à chaque législature de statuer annuellement 1° sur les sommes à accorder pour les dépenses de l'armée ; 2° sur le nombre d'hommes dont l'armée doit être composée; 3° sur la solde de chaque grade; 4° sur les règles d'admission et d'avancement dans tous les grades; 5° sur la forme des enrôlements et les conditions des engagements; 6° sur l'admission des troupes étrangères au service de France; 7» sur les lois relatives aux délits et aux peines militaires.
« L'Assemblée nationale décrète en outre que le comité de constitution sera chargé de lui présenter, le plus promptement possible, des projets de loi : 1° sur l'emploi des forces militaires dans l'intérieur du royaume, et sur leur rapport, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ; 2° sur l'organisation des tribunaux et la forme des jugements militaires; 3° sur les moyens de recruter les forces militaires en temps de guerre, en supprimant le tirage des milices. »
L'article qui vient après ceux-ci est ainsi conçu :
« Décrète enfin que le roi sera supplié de faire présenter incessamment, à l'Assemblée nationale, un plan d'organisation, pour être délibéré, et mettre l'Assemblée en état de statuer, sans retard, sur les différents objets qui sont du ressort du pouvoir législatif. »
On ne peut faire un plan d'organisation qu'après avoir examiné plusieurs questions. Les emplacements et les garnisons seront-ils permanents? L'administration intérieure sera-t-elle remise à un conseil particulier? Quel sera le mode de l'avancement et l'état des capitaines-commandants? Les dépenses seront plus ou moins grandes, si vous prenez tel ou tel parti sur ces objets. Je demande au moins à être autorisé à communiquer mes idées au comité militaire et au comité de constitution.
L'article est adopté tel qu'il est rapporté ci-dessus.
Un dernier article est présenté en ces termes :
« La paye de tout soldat français sera augmentée de 32 deniers, en observant les proportions graduelles usitées jusqu'à présent dans les différentes armes et dans les différents grades. »
Le comité vous a proposé de réduire les troupes à cent qua-rante-trois mille hommes, et d'accorder une augmentation de paie de 20 deniers. Si vous augmentez cette paye jusqu'à 32 deniers par jour, il faudra augmenter votre dépense de 2,591,250 livres.
Si nous décrétons une augmentation, où la prendrons-nous ? Plusieurs autres augmentations de dépenses sont certaines ; beaucoup d'articles sont estimés trop bas. Par exemple, les convois militaires et les rassemblements de troupes coûteront plus de 1,200,000 livres. Nous ne sommes point assez instruits sur les dépenses de détail pour décréter en ce moment une augmentation de paye de 32 deniers par jour.
11 est très vrai qu'en fixant la dépense totale de l'armée à 84 millions, le comité militaire n'a pas exagéré les cal-
culs. Il compte pour la paye 67,500,000 livres. Les autres objets sont évalués au plus bas. Cependant la somme de 1,200,000 livres, pour les convois et les rassemblements de troupes, est portée un peu haut. Elle serait insuffisante, si toutes les troupes marchaient à la fois d'un bout du royaume à l'autre; mais cette marche générale est inutile: on peut faire mouvoir le tiers de l'armée, et former un rassemblement de trente-cinq mille hommes pour 750,000 livres... Afin de fournir à l'augmentation de 32 deniers, si l'on ne veut pas passer la somme fixée pour le département de la guerre, il faudra retrancher de l'armée sept ou huit mille hommes. Mais si l'Assemblée veut décréter une augmentation de dépense de plus de deux millions, jamais argent n'aura été mieux employé.
Le mémoire du ministre de la guerre présente, ainsi que le rapport du comité, une dépense de 67 millions pour la paie des troupes ; mais il comprend dans cette somme 150 mille hommes au lieu de 143; la maison du roi, qui est supprimée; les compagnies détachées de l'hôtel des invalides, qui n'existent plus, etc. Ces objets donnent au moins 15 millions à déduire sur 67 millions de paie, ou sur les 84 millions nécessaires au département de la guerre. On peut bien prendre sur cette somme 2 millions pour l'article qui est proposé.
Une armée composée de soldats bien payés vaut mieux qu'une armée plus considérable de soldats mal payés.
Si vous décrétez aujourd'hui simplement une augmentation de paye de 32 deniers, le soldat croira qu'il doit avoir à l'instant la libre administration de cette augmentation. Il faut ajouter à l'article : « et en faisant la disposition de cette augmentation, suivant qu'il sera déterminé par le pouvoir exécutif. »
(L'article est adopté à une très grande majorité avec cette addition.)
fait lecture des articles tels qu'ils ont été successivement adoptés et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le roi est le chef suprême de l'armée.
« 2. L'armée est essentiellement destinée à défendre la patrie contre les ennemis extérieurs.
« 3. Il ne peut être introduit dans le royaume, ni admis au service de l'Etat, aucun corps de troupes étrangères, qu'en vertu d'un acte du Corps législatif, sanctionné par le roi.
« 4. Les sommes nécessaires à l'entretien de l'armée et autres dépenses militaires, seront votées annuellement par les législatures.
« 5. Les législatures, ni le pouvoir exécutif ne peuvent porter aucune atteinte au droit appartenant à chaque citoyen, d'être admissible a tous emplois et grades militaires.
« 6. Tout militaire en activité conserve son domicile, nonobstant les absences nécessitées par son service, et peut exercer les fonctions de citoyen actif, s'il a d'ailleurs les qualités exigées par les décrets de l'Assemblée nationale, et si, lors des assemblées où doivent se faire les élections, il n'est pas en garnison dans le canton où est situé son domicile.
« 7. Tout militaire qui aura servi l'espace de seize ans sans interruption et sans reproche.
jouira 4e la plénitude des droits de citoyen actif, et est dispensé des conditions relatives â la propriété et à la contribution, sous la réserve exprimée dans l'article précédent, qu'il ne peut exercer son droit, s'il est en garnison dans te canton crû est son dpmicile;
k 8, Chaque aanée, le 14 juillet, il sera prêté individuellement da»s les henx oô les troupes seront en garnison* en présence des officiers municipaux, ides citoyens rassemblés ët de la troupe entière sous les armes, le serment qui suit :
« Savoir, par les officiers de rester fidèles à 1» Nation, à la loi, au Roi et à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée bar le roi; de prêter la main forte requise par les corps administratifs et les officiers civils ou municipaux, et de ' rt'empl jyër jamais cetik qui sont sous leurs ordres eootre aucun citoyen, si ce; n'est sur cette réquisition, laquelle sera toujours lue aux troupes assemblées ; .,,« Et par les sofeiats. entre les mains de lefars officiers, d'être fidèles à la nation i à la Joi^ au roi et à la Constitution» de n'abandonner jamais leurs drapeaux, et d'observer exactement les règles de la discipline militaire.
« Les formules de ces serments seront lues à haute voix par le commandant, qui jurera le premier, et recevra, le serment que chaque officier, et ensuite chaque soldat, prononcera en levant la maiUj et disant : Je le jure.. .. . $ 9. Toute vénalité des emplois et charges militaires est supprimée.
« 10. Le ministre ayant le département de la guerre» et tous les agents militaires, quels qu'ils soient, sont sujets à la responsabilité dans les cas et dé la manière qui sont et seront déterminées par la Constitution.
», ç lj. A chaque législature appartient le pouvoir de statuer:
u 1° Sur les sommes à voter annuellement pour l'entretien de l'armée, et autres dépenses militaires;
« 2° Sur le nombre d'hommes dont l'armée sera composée;,
* 3° Sur la solde de chaque grade;
« 4° Sur les règles d'admission au service, et d'avancement dans les grades ;
« 5° Sur la forme des enrôlements et les conditions de dégagement ;
« 6° Sur l'admission des troupes étrangères au service de la nation ;
7° Sur les lois relatives aux délits et aux peines militaires i
« 8° Sur le traitement des troupes dans ie cas où elles seraient licenciées.
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète en outre que le comité de constitution et le comité militaire se concerteront pour lui présent ter le plus tôt possible des projets de loi :
# 1° Relativement à l'emploi des forces militaires dans l'intérieur du royaume, et sur les rapports de l'armée, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ;
t « : 2? Sur l'organisation des tribunaux et les formes des jugements militaires;
. « 3» Sur les moyens de recruter et d'augmenter les forces militaires en temps de guerre;, en sup-primant le tirage de la milice,
« L'Assemblée nationale .a décrété et décrète de plus, que le ,?ei sera supplié de faire ineessam-mënt présenter à l'Assemblée nationale Un plan d'organisation de l'arméÇf pour mettre les représentants de la nation en état de délibérer et de
statuer sans retard sur les divers objets qui sont du ressort du pouvoir législatif.
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète enfin qu'à commencer du 1** mai prochain, la paye de tous les soldats français sera augmentée de 32 deniers par jour, en o6serva»1 la progression graduelle entre les différentes armes et lés différents grades-, et l'emploi de cette paye sera iacessamment déterndlné par des ordonnances militaires. »
annoncé qu'il a reçu du ministre de là marine une lettré et des pièces concernant l'affaire des colonies.
demande qUé là lettre et les pièces en question soient rémises au. cbmité dès rapports et que le président de cè comité soit autorisé à se faire représenter les bHgi-naux par le ministre de la Mâtine, à l'effet de constater si ces pièces sont des copies collatio'n-hêes bu de simples extraits, même à prendre, ^il le croit nécessaire; les pièces originales ett communication sous son récépissé.
La motion est mise aux voix et adoptée.
àttrioricë à l'Assemblée qu'elle vient de perdre ùn de ses membres, M. le marqUis de Layalétte-PariSot, député dii QUfeècyi et qùë Son convoi; auquel il irivite les membres à assister, partira ce Soir à huit heures* de Phôiel Càstôn, rue Travèrsière, n° 37:
lève la sêariéë à S ttettfëà du soir, après avoir annoncé que l'affaire des coloriés gérait à l'Ordre dU jbaf ie demain*
à la séance de l'Assemblée nationale dit
Rapport en défense dans la. c'dtisê dit pèUplb dëi Baux, en ProbMcé, contre lé prébôt général de la maréchaussée de cette province.(I), par M. Durand dè IVlaillane
, député â'AH'eè.
Messieurs, il sefà ptoUve authentiquement qûe là gehéràlitè, oti tbUt au moin à la gradde majorité des hàbitants de là ville ét dti térroir de Baux (ce qui comprend le hameau et le bourg très peu-m de Mauriès et Maussanhe) â téthoigrié le plus vivément, dépuis lé 22 août dernier, le uësir d'Uhé assemblée de tdiis chefs de famille, jibUr y pi-eil-drè â l'exehiplé de toutes leS mtiilicipàhtes du royaufnë leà délibérations convenables (lâbs les circdiiétàbcës fiéureusés de la ùoiiVelle constitution. ^ . a _ , jj'
Cette municipalité pafflcUlièrë dès Bàiix avait àussi dës raisons S elië brôprës, pûut
déâiirér pîùé. àfdèmnient qu'dné àhtrë un cdrisëil général : elle aVàit d'àbora à
délibérer.ébn adhésion aux raji-ports dé rAsëèdibiée natibbàle, ët unë renonciation Idcàle
pour séS priViJégéô, bomme fëtre àdjà-centë de' là Provence. L'abolition du régimelepaal
l'avait misé, d'àiitte part, flâiis le cas de itfbçdrëi-au Trésor public Un grand profit,
par là rëiltrée
Il est bien certain que dës administrateurs amis du nouvel Ordre dans la forme des admiiiistrà-tiohs municipales ou désintéressés aux i-éclama-ttemsi d'un peuplé qui ii'y voyait quë Son borihéur, lés auraient prévenues d'eul-m'êmë^, cës rëclama-iàôrt&, par la plus prompte convocation dë PâS^ëm-Mëë que cë peuple flëm&hdait. C'ë^t âiftsi përsë soètt comportés tous (ës bbtis citoyens eft placé, dans les municipalités Su r'oyâtlrhe â llêpoèiïé dés décrets dë PAsSëtiibléë, qUi y Otit ahnôncëlçs fjïus héttrëux ëlî'ângëriients, dans toutes lës parties 'dë l'ancien gouvernement. Les dffiëiëri nicipaux;, ni les citoyens eux-mêmeS n'ont pafc été' ëlïëfdhër dës përrffissiëras qa'&ti léur attrait refusé podr des assemblées que 'le 'patHotlSme inspirait ët tftf il ïégitimfift; fl aauSsi vaincu tout seul -datià les provincëS cotbmë dans 'XHsfièmlhîié natioiiale* les ennemis du biën publifc et'dè la nouvelle cbnâtitution. Cotabiëh dë prëUvëè n'en à pas notre, ussembléë dans Ses pr OcëS^ VerbaUx? lue ne pëut aussi par lâ îhêMë que trbuVer très coupable lë tëfus obstiné quë lë prëiiiiër ëôfisul de la villé des Baûx a Mt deSë rendre à tin VcfeH Si; raisonnable et;si gétiéràl dans Sâ communauté.
VOUS lë savez, Messieurs, aUjburd'hiii khoinS. qhë jamais !lè peuple në saurait SOtifi'rif dès injustices et idës eapricëS dës agënts du pouvoir plibfic. Notre assemblée ëlle-mêtneâ ëoUsâcré ce jjriil-clpe : « "Qu'on ne saurait âttëfïtei1 aui droits Ûëé éftdyètis, leë priver 0 S'ksëënfblër dàtiS lâ îorittiç lëgâlëj pour consulter Sur ëMJs'è pfàblitfée ët pour éehàander ie retirës&ëtneht te gnefS. 6 AitiSi le peuple de la vîllëdës Baux qui h'â'fâit qu'user de son droit en demandant lâ botivôba-tion d'Un conàëil général; l'a pëUt-lîftë t/lë^sé en B'absteÈâflt dë s'assembler pouf ëft 'dfemàfiâër là permission. Kiëli qui ldi fût moitié déttëss&irè d&nS les circonstances nouvelles quand ils ft'âVàlënfcà délibéfér que : lb fodiir téMbignër léUr rëc6ntï'àis-sâncë à l'Assëmblee nati'oîiare; 2b poUfr feft&ilbër â lëtirs privilèges; 3° pour faire profité* lë TréSo? public du bénéîieë dë la rentrée de lëUr rerHe -gâtiâ le domaine dé lâ edufbûne; 4b ëtenfin pour S'ëcôuér le joUg #'une double tyratinie qu'il exerçait impunément Sur eux depuiâ blën dëS annëës.
Tels août; Messieurs, lës bbjëtë sur lesqUëlS lë pëjipïëdëS Bâttx avait ènvië ët bëêofn dëjjëlibéi-ër; dâtfs le CbÉSëil général dont lâ cdhVdcàtïOfi lui â été cbnstaiiitilënt rëfuSëë par lë prëriiief dësëS cOti'SUlS.
. Ces objets de délibération ne doivent jamais êjtfte perdus de vttë; dans toute la suite des iriS-tractions contradictoires quë l'Â^séirlblëë refcè^Hâ daiiS fcettë affâire, parcë qu'ëti justifiant sâHS cessé ife jteijple dëë Baux;r.ës bbjëts fcoridâtfiiiëht çt 'dë1 truisent d'avance les calomnies doiit on a roiïlU lëS tiëircir.
On flfe Saurait comparer la fSreûiiérë ët nbblë origine dé cètte affaire, avec Ses dëiiiîëH éï ttë-lilorâblës effets, sabs être saisi d'ètdnUeihetit ët d'Un étbnhemënt 'èi feràttd; qiï'il iiré&t .pâs fioS-sifelè dë rëconnàîtrë dâfiS lëS rigdëUrs ët l'ëxtëil-Sion ides ligUëUrS dU pcéVDt dë la inârëchaUsè^e dë ProVëricë quë le simple èxërcice de fonctibtfs OMciëllës et né'cësSairëS. II. n'est pâs possible dë tOtlbëvOlr qtl'tin jligë létfancbè danS. un fdH, ët ëûvirottûé d'Ulië frombreuse gafbiSbii hui l'appUie et le soutient, fasse tomber au loin comblé auprès
de SsBn ëffrayatit tribunal des décréta de prisé de cdrps sut* les meilleurs citoyens, sur les amis les plUs chauds de l'Assemblée nationale,de ses décrets, de là constitution et pour dës actës louable^ sans, en mêmesteqaps, demeurer convaincu que lâ révolution qui fait le bonheur de la pâtiOn et celui d|i rbi; dbnt elle a coUsolidé les droits et lapuissance n'a pâs de plus grand eniiëthi que M. de Bqùï-nisstic, prévôt général de là mâféchâusSée dè Pro-vencé, siégeant sur son tribunal Uf'évôtal ët niiïi-tâïre, dans le foft Sâltit-Jeaù île la ville de Mârseîlfé?
officiër àii tpïbilnai dlj..^fiaîèlét: ët feë dêcrët n'â riëh produit. Que, dis-je? il i proubit l'ItÙpUnité et tout ce qui s'ensuit, dëi npUyëâUt.exéès qu'on à .osé couron nèr d'une apologie dans cette âssëm-Blëè ràêmë, t'est-îl-diré uâns l'Assèiiibiëe iiatîdnâlë dodt M. dë Boiihnlssac, ttlieilx fcôniiii'par ëés pro-cédWës qbè.pâi" '^es Bellës pafôleS dadS les lettres (Ju'il lui aadrëSsêëS, braVë dUVertemënt l'a justicë et la souveraineté, .
Est-il, pëuf-il y. àVOif. Mëâsiëurs, riën dé plus conséquent pour lâ. uâtion âsseinblée? Qu'ëlle y faSsé bien attention. Vainement eue fêlait debonnés 161s, ét ;le pdu^oir ëiécuf i f Hç Së prêtçpâsà p ëiééUrtîoq: Allons Sans mystèbé à la Soufêè du mai çlbht ttbus hot^s piaignops, ët ffènSonS séHeUSë-fti'ent kii .p^^Q^^ctiu prévôt de
Marsëïllë n'ëtàieni pas visiblëmçnt dirigées cohtrë les amis de la Révolution ^si'IllM h'ayâîeût podr dKiet dé çBtiibtiir jjasSagèbiûdeUtuhpeq^rë aveugle, que lë^ 'cirèbnst^npes réndéht plus âudâcieùx btt rebelle aux Meilleures ët nbuVellés lois ; si enfin, le prévôt ne venait qu'en supplément des tribunaux tombés dans l'inertie, poqr montrer à chacun qu'il est encore des Ibis t sUivre et une justice à craindre, rAssemblée nationale ne ferait elle-même que gagner aùx a'CteS-jl'un pareil tribuflal, pjDur.le Succès de Së^ gr'ands tfâvuùx. maià ins-trtiite; 'cdnime ëllë l'ë^t ei^ Çe mdraënl:, dë toutes lëS ^rd^qui^ çbftjÇrè les pit'ôyfeng çe^Maréëillë^de lâ matiiferë qu'elles se prêtitiën^.Contre qi|i et a qui ëllëfe tendent ;. instruite, às^ëi dë;i6utëS,lë| çirç'ôiiklanëés île l'anairë.|.ç toi|lôfc m rf§" W% pài^i 'jètr'é l'effet du naèàrti, il ne..lui rè'stB -fiitij qu'à i-éùnir les 'cohnai^sàhcëé nll'élle â jlê)â à céllëS quë va liii ftinrpir la ^t^edui'd Mut jaoîii allons,lui rentré (âii^pt^. sq^.bOOT,^! pdUr âvoir toUt liéu dé fcrdire qflé leS ënné^is de la Constitution ont pensé et pensent même 'éftètôrê à faire dè là ProVenèë. prOVfti'éê ^çb'iiï^ë où les esprits but tofijburS. çte .^lliS cô'#i£>riihë£ pâf Xèk intërniëdiâtt'ës, lë bôhlevàrd de cë qu'Où appëile à présënt la cont^-rêvuïliiti'dn. ' Cë dèSéerti ©t saii^ ÙÔU'te jen cëinotttèht (lé tous le plus insënSë, lé pliik contraire âU bien public; mail si, à l'exethple dqpWyptde^Màtseifié,c)3â'(|Ûe pt'êvôtuàh's lesaiii^és tJfo viôçës aVâit traité d'émè'U-të's les à.Ssëïnbiéës muriicipalëS iél p'd|5Ujairés, qti d'insurfèctiôn cHminëllè lâ vigilance inèmé aé la milice bour^eo^sfe pour éq' é'cartëi* lë dèsof-drë, Oîi en Sënoh^-nôuS? ^â jjâftië lâ plus Saine dii royàtimé gémiràit à jcëtte Mdfë uânS les fera 'comme ï^ hâbltafits, !d,es BaUx. c"d|rime un tfrœ grâhd notbbri|;4M%lçîit10^niaelMa^|jîe..
HeUreuSetoéri^ fe tériiie de cette ét.rangé vëxa-tl6n èSt. arrivé L.es municipalités V'oUt s'àss'éiùii-tile? à leuf gi'ë^ et biëntot iésjUéB'cès prévBialës frefïraierbnt m&L lfes bôbS èito^éns :, bjeùfôt, .et d^jà mèmté il rie fôehdi-â plijs âux Ofniiërà.b^ù-j nlcifJauk d'ëludbr bu d'arrêter lek énet's /çi'Ude pétiiibn populaire guM» die Seta. juétè, et I formée pâr un bien nioiiidrë nombre quë ne
l'était celui des habitants des Baux, que leurs consuls ont éconduits pendant quatre mois, et qui, pour la plus belle œuvre de leur vie, gémissent en ce moment dans l'exil ou dans les prisons.
Plus heureusement encore, Messieurs, le roi est venu le 4 de ce mois au milieu de nous ; le roi que la France adore, et qui, après avoir fait le bonheur de son peuple par ses vertus, fera le bonheur du genre numain par son exemple, est venu nous prononcer un discours qui nous a fait tressaillir d'amour et de joie : ce discours affligera sans doute les ennemis de la Constitution, et préviendra certainement les coups qu'ils nous préparaient, mais réparera-t-il ceux qu'ils ont déjà portés? Le dernier trait de la sagesse et de la bonté du roi, met comme le sceau à la possession inappréciable de notre liberté; il nous comble ici d'allégresse, mais, ledirai-je, il ne fera qu'accroître la douleur de nos frères que l'aristocratie a choisis pour ses victimes.
Pensez-y, Messieurs, et accourez à leur secours, peut-être devons-nous, nous-mêmes, notre salut au patriotisme dont on cherche à les punir; et ils n'ont besoin pour le leur que de votre justice, la refuserez-vous? Non. Vous la rendrez, cette justice, après les instructions qui vont éclairer votre jugement, et pour les habitants de la ville des Baux, et pour ceux de la ville de Marseille.
Vous la rendrez à ces infortunés d'une manière digne de votre souveraineté que leur cause intéresse et que leur situation déshonore I
INSTRUCTION.
Il paraît d'abord, par un acte du 31 août 1789, que plus de 60 citoyens, parmi lesquels était le curé de la paroisse, demandèrent aux consuls des Baux, la convocation d'un conseil général de tous les chefs de famille pour le 6 du mois de septembre, dans l'église paroissiale de Maus-sanne, à l'effet, porte cet acte : « d'y délibérer sur les événements qui occupent la nation depuis le 17 juin dernier, et sur d'autres objets relatifs au bien public; autrement et à défaut, qu'ils s'assembleraient eux-mêmes, pour manifester leurs vœux et leurs sentiments patriotiques. »
C'est ainsi qu'est conçu le premier acte que la résistance de ces consuls obligea les citoyens des Baux de leur faire signer, par un exploit d'huissier, au bas duquel le sieur Ayme, avocat, premier consul, répondit en ces termes, tant pour lui que pour son collègue : « que sans entrer dans des détails superflus, ils ne peuvent ni ne doivent se rendre au désir que témoignent les soixante-huit signataires du comparant ci-des-sus, de faire convoquer un conseil de tous les chefs de famille, c est-à-dire de quatorze ou quinze cents personnes qui ne sont pour rien dans le comparant ; et le refus de la part du répondant et de son collègue a pour fondement : 1° que la demande qui leur est faite est illégale ; 2° qu'ils ont des ordres pour ne pas convoquer de pareilles assemblées dans les circonstances actuelles, au moyen de quoi ils espèrent que la jactance des signataires de s'assembler, là où les consuls ne feraient pas droit à leur demande, ne sera point effectuée. Le répondant exhorte, au contraire, tous les susdits signataires de se contenir dans les justes bornes au devoir. Ce n'est
pas dans un moment où la régénération de l'Etat va s'effectuer, qu'on doit se permettre des entreprises si contraires à l'ordre public. »
Sur cette réponse qui annonceassez clairement la résolution prise par le premier consul, dene pas céder aux instances de tout un peuple, M. Le Blanc de Servane, ancien conseiller au parlement d'Aix, s'est cru fondé, et avec raison, de demander à ce consul l'exhibition des ordres supérieurs dont il avait parlé, ce qu'il lit par un exploit d'huissier du 3 septembre, au bas auquel ledit sieur Ayme, premier consul, répondit encore ainsi qu'il suit : « Lequel a répondu, tant pour lui que pour son collègue, que la modération et la douceur doivent être les premières qualités des officiers municipaux; ils se garderont bien de suivre l'exemple qui leur est donné dans l'acte interpellatif que le sieur Le Blanc de Servane a fait signifier aujourd'hui, au nom des prétendus notables, dont la majeure partie venait du titre qu'on leur a accordé si libéralement; ils lui feront, au contraire, observer avec tous les égards dus à un des principaux membres du conseil des Baux :
1° Que, d'après la rigueur des règles dont il ne leur est pas permis de se départir, ils ne peuvent regarder cet acte interpellatif que comme présenté en son seul et propre nom, puisqu'il ne montre aucun pouvoir de la part des autres signataires du premier comparant, signifié aux consuls le 31 août dernier, et qu'il ne paraît nullement qu'ils n'aient pas été satisfaits de la réponse qu'il y fut fournie; 2° qu'en admettant même un mandat de leur part, il n'est pas possible, à moins que de vouloir renverser toutes les idées, que cette réponse ait dû exciter toute leur indignation, comme le dit ledit sieur de Servane, puisqu'il n'en fut jamais de plus réservé et de plus conforme aux règles, aux principes de toute association municipale; 3° qu'il est bien (sic) que des consuls qui n'ont eu constamment en vue que le bien public, soient accusés par le sieur de Servane d'être entièrement dévoués au parti de l'aristocratie, sans même que le sieur de Servane daigne expliquer ce que c'est que ce prétendu parti, que les répondants n'ont jamais connu; 4° que cette imputation de sa part doit paraître d'autant plus étrange que, loin d'avoir jamais rien fait de leur propre chef, il n'a été aucune de leurs démarches qui n'ait été délibérée par le conseil municipal, composé de membres de tous les états de la ville et même du dernier en plus grande partie, ce qui certainement est fort éloigné de l'aristocratie; 5° que les abus des mots deviennent encore plus saillants lorsque tous les habitants de cette ville et son terrain, sans excepter même le sieur de Servane, ont vu avec quelle sollicitude les consuls ont tendu constamment depuis leur entrée au consulat, à soulager le peuple en faisant réduire l'hiver dernier le prix du pain à 2 sols 6 deniers la livre pour les plus pauvres ; en faisant ensuite un approvisionnement de trois cents charges de blé distribué à crédit à ceux qui n'étaient pas en état de payer comptant, et en convoquant un conseil général, le 15 août dernier, pour un autre approvisionnement pour l'hiver prochain de quatre cents charges de blé et au delà s'il le faut; approvisionnement pour lequel il a été nommé des commissaires. Sur quoi donc fondé ledit sieur de Servane accuse-t-il les consuls d'être les partisans de l'aristocratie? C'est parce qu'ils n'ont pu ni dû lui accorder une assemblée générale de tout chef de famille, non pas même dans la ville, mais dans une église de campagne; ils ne l'ont pas pu parce que ces sortes d'assem-
blées extraordinaires ont besoin d'une permission que les consuls ne sauraient donner eux-mêmes; ils ne l'ont pas dû parce qu'ils sont liés par des ordres supérieurs, comme ils l'ont avancé dans leur réponse au premier comparant. Le sieur de Servane veut voir ces ordres ; il somme les consuls de les lui exhiber sur-le-champ en annonçant pourtant qu'il ne les suivra pas. Eh bien, on va lui donner satisfaction ; et à l'instant, le sieur Ayme nous a représenté une lettre de monseigneur de Claraman, commandant de la province, dont la teneur suit :
« A Marseille, le
« Il m'est revenu, Messieurs, que plusieurs habitants de la ville des Baux ont le projet de demander un conseil général de tout chef de famille : je ne vois pas la nécessité d'assembler un conseil aussi nombreux dans les circonstances présentes; il pourrait devenir tumultueux et troubler la tranquillité dont notre communauté a joui jusqu'à présent ; je pense qu'un conseil général tel qu'il est prescrit par le règlement de la communauté, doit suffire pour délibérer sur les objets essentiels qu'elle peut avoir à traiter, etc.
Signé : le comte de Caraman. »
Que cette lettre de M. de Caraman ait été provoquée, il n'y a pas à en douter, quand on entend dire à ce commandant qu'un conseil général, tel qu'il est prescrit par le règlement de la communauté, et que ce soit le même consul, dont on vient de voir la réponse qui ait voulu s'armer de cette pièce pour se défendre avec un titre contre les vœux et les cris redoublés de tout le peuple, à l'époque des décrets du mois d'août dernier, la chose est assez vraisemblable; mais elle est inutile ici pour s'assurer des sentiments dont ce consul faisait profession dans ce même temps. H parait, par ses raisonnements dans sa longue réponse, qu'il était alors comme il l'est peut-être encore à quatre cents ans loin de notre ère, et peu satisfait des mêmes décrets du 4 août, dont il ne dit pas un mot, tandis qu'ils ont transporté de joie tout le royaume, et singulièrement tous les habitants dans les fiefs. Ce consul, après avoir ri de l'application du mot notable, se défend dans l'ancien langage, par la supériorité du dernier état en nombre dans les conseils municipaux pour prouver deux assertions : l'une qu'il n'est pas aristocrate, et l'autre qu'il ne s'est conduit que comme le peuple a voulu ; et il dit cela au peuple lui-même, que l'injustice et l'obstination de ses refus mettait comme au désespoir.
Quant à M. de Garaman, il est assez surprenant qu'il défende à des citoyens qui jouissent de 1a paix, comme il le dit lui-même dans sa lettre, et qui, dans cette paix demandent une assemblée de tout chef de famille dans une église qui puisse les contenir, il est, dis-je, bien impolitique, dans les temps où nous sommes, de refuser au peuple une permission qu'il demande légalement et avec soumission, tandis qu'il pourrait très bien s'en passer pour s'assembler, et que M. de Caraman n'avait ni le droit de leur accorder ni celui de leur refuser, puisqu'il ne s'agissait de militaire en aucune sorte dans cette pétition ; mais très éloigné de la révolution, il ne se prêtait qu'aux moyens de l'écarter ; voilà par où ceux qui ne l'aimaient pas plus que lui, unis de sentiments, en obtenaient facilement tous les ordres qui les unissaient dans leurs vues. Ainsi le premier consul des Baux ne
se refusait pas un conseil ordinaire, et M. de Caraman le permet; mais ce dernier n'en savait peut-être pas tant à cet égard que le consul ; et c'est ici que commence l'explication de tous nos mystères; c'est ici comme la clef qui va nous ouvrir les voies pour parvenir à dissiper tous les nuages dont on a cherché à couvrir l'innocence des zélés patriotes que la justice prévôtale et antinationale a frappés de ses décrets.
M. de Caraman dit dans sa lettre, qu'un conseil ordinaire pouvait suffire aux désirs et aux intérêts des citoyens des Baux, et le sieur Ayme, premier consul, en a dit autant après ; mais le premier ignorait et ignore peut-être encore, ce que le second sait très biën, que, dans un conseil ordinaire et même général tel que le prescrit le règlement de la communauté, il n'était pas possible de mettre en délibération les trois objets sur lesquels le conseil général du 26 décembre a délibéré. Peut-être que l'adhésion même aux décrets de l'Assemblée nationale y aurait souffert des contradictions ; mais il était comme sûr que jamais, dans ce conseil, on n'aurait pu traiter de la réunion de la terre des Baux, ou du bénéfice de son rachat au profit du domaine du roi, parce que le sieur Mansou, agent du seigneur qui la possédait, était lui-même dans la possession de diriger toutes les délibérations municipales de ce pays, où il était parvenu, tout agent qu'il était ou co-agent, à se faire précédemment nommer premier consul.
Or, personne n'ignore que l'agent d'un seigneur qui tient tous les habitants d'un fief sous sa main par les redevances dont il est le percepteur annuel, en impose nécessairement à tous les délibérants, ses débiteurs ; mais en supposant que le conseil ordinaire n'eût été composé que de citoyens qui, quoique censitaires du seigneur, auraient été ou assez riches ou assez zélés pour braver tout ressentiment injuste de l'agent, comme du seigneur lui-même, il s'agissait de plus dans les circonstances d'une réforme et d'une recherche rigoureuse dans les abus et les vices de la double administration municipale et fiscale du lieu; comment s'en flatter dans un conseil où dominent les consuls et les agents fiscaux, qui ne sont jamais sans partisans. Il n'y avait donc qu'un conseil de tous chefs de famille qui convînt à la nature des affaires sur lesquelles on avait à délibérer, et à la circonstance du temps après la déclaration des droits de l'homme terminée et publiée dès avant la fin du mois d'août, c'est-à-dire lorsqu'un seul citoyen actif comptait plus dans l'administration que vingt-cinq millions d'hommes qui, ci-devant, n'y comptaient tous pour rien. De là aussi ce combat de réquisition et de refus entre les habitants des Baux et leurs administrateurs; ceux-ci étaient d'autant plus obstinés à éloigner le conseil général, qu'ils voyaient les autres plus empressés de l'obtenir, et ceux-ci ne demandaient rien que de juste, si bien que plus de quarante d'entre eux résolurent de se rendre à Marseille pour en rapporter un ordre de M. d'André faisant les fonctions de commissaire départi, pour contraindre les consuls de remplir leur devoir. Cette résolution fut consiguée dans un acte par-devant deux notaires, dont l'acte est joint aux pièces, sous la date du 25 du mois d'octobre 1789.
On ne saurait s'empêcher, à la teneur de cet acte, qui contient une adhésion formelle à tous les précédents actes, et qui est pris par dé nouveaux citoyens qui n'avaient pas signé ceux-ci ; on ne saurait, dis-je, s'empêcher de participer à
la jùstë sensibilité qu'on y têtnbigné contré là résistance djpitiîjàlrë Bel eëiipis ; tiii ftë salirait âîiSsi iië pas âdftnïer H patièùce, là âajgëssé méthè dë tous lès hdnnètës cîtoyfeftè qiii, rendis en ar-inés àîdrs» cobamë toute là Frâiice l'était dépuis là fin dë juillet, né màrefaentqii'à pas mesurés^ hë procèdent quë par des actes légitimes, et potisSeht même là réserve edvërs l'aUtorité jusqu'au delà de ce qu'elle exigeait d'eux dans lës circonstances où ils sé tfoUvàiëht; câr, Messieurs, vous le savez; edmbiên d'exëcdpies et 9e prëuvëfc h'àvlbnS-n^uspas eues dans nos séances, t|ue dàns la plupart des municipalités dii royaume; bd s'ëét par-ibUt ci^d fuPfisamiriént aùtdriSê pal4 nos déë^ets polir s'àssettibler à bon ëseiënt ët Sàtfîs autre vue que Celle de cdbpérer I rétâpUssfeinëtit d'un mëilleui* brare d^ns lës àdniiiiisttatibhs mHUiëi-pkles. Qtiicohqfué de vdft qdé ré hiàl, qùë l'ànat-chié, q&e l'insuhrëctiort cùûjiable dans cés procédés, fait tort à son jUgêmëUt S, il est de bonne fdi, ët il e&t lui-même Seul coiipàblë è'iï convertit ëd Un ctiîtié ceqdi, étant attaché, à" là tiature rdëttie dë îâ cnoè'è,; ïfe$t au fbtid dtffe rîftâiirâtion, là disposition ffiéfflè. dë noS deerëtS.
Mais cëui dont cëS décrets niëhà§âiënt àlors ou le'dé^dtî^rlî'e pu l'ëiôtsiiië sî ftine§të aO bien génëràl, td'US gens eh place dapriVIW&iés, se sont reiinis ilotib cnër a vëc. affectation au scàndiilë de l'à' nôUfeàdtë, 8'1-î'WtlSêidé tffi tjelolif à l'ancien du Tîîëilléruf BWlre; ëiifln âti cHihé dë 1& rébellion ët en Provence plus qu!ailjeurs, parce qaë feëtte pro-vitiëe étant plus ëFoiènëè de nëhs.lë jpàtriotisthe f. W été ptfcls calbbinie ët iiidlhs iiëurëux dans, ses effbfts; efforts, Su s^pllis; tdâjbUtsIlohablës dans léài's excès mêmëS; quadB ils netettdent qu'à don-nfét là riiort â là tyi*anriie, sàhs toUcfiët ni à là përSohnëhiadx Hîëns deë tyràtig. Mais l'es hàbi-tantâ dès Baux né^8ë Sdftt pas même perniis les plttë légères èhtrepFises de leur chéf ; ils ënt soupiré pëirdàHl quâtrë mois abrëS Un conseil général ; ét Bai* les motifs les plùssàges et dàns les vues les BWi Utiles, ët ils n'ont pas osé prendre slir ëui de se le donfiër sùr llnj us te et constant refus de ledirbonsdl,m0mëkans l'autorisatibh ad jti^e dii lieu, qui s'y sëràit.tyrêtê volontiers et treS à propos^ st'bh l ën âVait requit ; cependant ils a'assdeient, ils he S'àttrëttpënt, tëjit armés qu'ils Sont, que pblïr jsé'Hbttfô a Marseille, auprès aè cëliil cju'ils re|ârdàiéfit bbfctirtie lébi4 supérieur ët qui peut-être thi- tHême ne lëj$ Regardait paà Cômmë SéS suboMonnéë ; îlstië l'etalënfc pas cëi1-tàinëbiëfii dàns cëttè bàrtié dë M. déCarainan, et fléanffioinfe éà letttë dBnl lëè côliëttW'Së rempâ-ràiëtit Semblé lêuf ëti jffbiP. itilposê ; ils de veillent ^s S ed ëcai^t'ët lié. cbërbHëat à ê'ën dêfëMt'ë par ùn pldl-e Je M. d'Àndfé, dëBt 11^ âftralënt pu efèBBë^^"dne Ms trë^ biéâ ils le llii dé-
âiàM8nt ét së lient cinàaaUtë cboùdie iî,tt été dit,' pOdl' l'bbténir pîti§ fôciteMëiil' enâ'ë henaâbt ëîit'-1 ni^ës à Éàrsëiîiè, Bù, en ë!fët:,;lls lbrit obtenu.
Le.3 noVëiiibrê, M: d,Àtidi,é bfdUHhe au ëonsul deê Bâiji.dë conybqûer l'âssëmblëë qtie lë pëuplë lliî dèrilandàlt vâihëméttit depuis trëië .tiddls ;. il ébrit ëii më'ndë temps à M. dëServâiië potib lé prier dfêèar!er dé be 'coûsëil lé troublé ët iës motions iiicéfadiàires.
Pa^'^jsde^tliërsî^s, on èMâ^rài'd Jttë Mi d'Aft'^ di%'^tàit p'rëvëfiu dès cràibtë^ qùë les pàMes intéressées ava|ent pour jel|es-même4 §ùr lëé MiîteS de cette âssëmbléej câr pàr^ fàôUons ihtéMiâîresy cê coihmissairë côbbd |/ar son ambur podi* la jus-tiëél, rië pouvait èatëndrë lës filtitîbnà dtië lë bifett pùM^ nntèrêt générât (Je la iibuVëllé tlënstitn^ tioii et l'intérêt pâPticuliër dé la cbnimunaute deè
Baux :rëildàiënt justes et nécessaires ; mais ceux qiie cës niotions alarmaient, parce qu'elles devaient tonibër sUr des abus ddrtt elles prbfitâiënt, les lui présëntaîèrrt comifie un fantôme pour faire prendre le changé à son zèlë:
Gëpehdant plus nous avançons dans le délit, plus la rësistanfeë des consttls dës Baux dëviëtii réprëhénsibîe, si elle në ilévient pas crimihéllëj éàr, arrivé peureUSenaiént ën uh tëtiipà bùTien n'etët et né doit êfire plus respecté qtie lè Vœ& dU pëUple, l'bn a pëirië à concevoir qu'il àit Tàlln trois mois de temps poUt* dbtërlir M ^ërihission d'une assemblée que les supérieurs eux-mêmes auraient dû eBmmandëti ^[U'on aurait pu même, ie. le répète, tenir, sans ^eux/ sons,, les. auspices de rÀésèinmê'e.fotWbàlè,.^ l'àutôrité aïe se$ «lé-crèts : il y à là certàirlëmënt dë quoi.^urpcènurè, mâis. voUdra;t.-bn te çfbire^ Cet ofdre naême de M^ d'Ànoré n'ébranla pâs lb preçtiiér cqiisul des Bajix Résidant à Arl^S; M. ië:, ki^ifià àli second consul résidant, aux., Baqx, eldigiie d'Àrle's dé trois UéUës, ;i0 nbyëtjibréj et le il, ifes sécdirn consul, r^pô^ldit au bas .dë i e^llDH « qU'if avait rëiîiis ,ià lettre de M. d'André à M. Aymé, niaireet preïnier cànsùi,sdn cmlefeue. ë^qu'il h'avàit pbinl; reçu de nbUvellë's ; que u'aiileuTs, cé né'tàit pàs au second consul à convoquer les conseils. »
C'est ainsi que les consuls dek Baux se jouaient des supérieurs comme du peuple. Au lieu d'obéir à l'ordrë dë M. d'Àtiâré, ils mirent tout en œuvre pour lë fairé révoquer et ils parVinretit à le faire suspendre; car, sur là recharge du peuple, ce commissàire annonça qu'il devait se rendre lui-même sut les lièux, et que là, jugeant de tout, il veriait aussi de tout concilier par lui-même. Sà lettre est du 16 décembre.
Le peuple des Baux l'attëndait donc avec la niêmë patiencë, dont lë prix augmentait en raison de ses nouvelles et plus rudes épreuves, mais iihitilement; le parti consulaire ou fiscal était encore parvenu à surprendre M. d'Ahdré, jusqu'à lui persuadër que cette demande répétée d'un conseil de tous chefs dë famille, n'était que le vœu dë quelques individus malveillants ou inquiets, et Uallemedt celui de tout le peuple ou de sa plus grànde partie; bêla fut rëndu à ce pëUple même, qUi cottttttënça d'abôrd par àdi*ësôer Une lettre directement àû& consuls et cdnçuë en ces termes :
À MM. consuls dès Bailx.
« Messieurs, bous Venons pdnr voUs témoigner notre sensibilité sUr rhëhnêtetë qùë voUs venez dé ndtâs faire efi nous eh voyant les biefs de l'Hô-tel-dë-Villë. Nos intentions sont ptirës ; nous ne nous somniës rëndus ici qu'en qualité de citdyehë animés d'Uri zèlë patriotique ponr le biéh public ; nodS ti^Vohs përté ddè dés paroles dë pàix; c'est le vtott le plUs Cher à notrë cëBui*: nous pensons qUe tous mettrez un jour en Usage, Messieurs, les mdyéfi§le§ plus effibacëS pour ràtiiënër cette paix si salutaire dahs lëé ëirébdstancës désastreuses oû se trouve cettë commUttaUtê ; il n'y a pas d'autre moyen pour y parvenir qilë de nous ac-cbrder Un coiiSëil génèrâi de todt chef uë fatnillë; ailivrès àu cadastre de Cette communauté, ce qUi intéresse ëssentiëlleinent l'Universalité dort ëtrë sanctionné par l'universalité. Nous nods ëtions adrëfesëèi jpôur dëniattdér un cbdséll gënëràl, à M. le cbmmissaire dU roi; il paraît qu'il a bien vdUlU adhérer à notre demande par ià léttre ®ra nous écrivit ën daté du 3 novembre defttier, et nui futrehjiéë à M. Baséàë; sëcottd consul, par M. dë SëMhé,' ïittUs pénsbns liufe si cet ordre n'a
pas eu son effet* c'est parce que vous vous y êtes opposés pour des raisons que nous ne connaissons pas. Nous espérons que l'amour du bien public, le désir de la paix et le vœu général de tous les citoyens vous feront désister d'une opposition qui, si elle durait davantage, serait capable d'opérer les plus grands maux ; et que vous voudrez bien vous-mêmes, Messieurs, en solliciter l'ordre auprès de M. le commissaire du roi, pour ledit conseil général à convoquer le dimanche le plus prochain en la forme ordinaire. Nous vous supplions et requerrons, Messieurs, de vouloir bien faire inscrire dans.le cahier des délibérations dé la communauté, le conseil tenant aujourd'hui le présent comparant*, et de nous ea faire expédier extrait par le greffier de ladite communauté. Aux Baux; le 7 décembre i 789. »
Suivent plus de soixante signatures de pères de famille, tous allivrés dans le cadastre et de la qualité de tous ceux , dont ils désiraient que le conseil général à tenir fut composé ; cëqui évidemment ne pouvait être qu'une assemblée trtile et très bien ordonnée.
Cette adresse touchante et respectueuse n'ayant rien opéré, et le même peuple voulant toujours agir et vaincre par le seul empire de la vérité et de la raison, se réunit au nombre dé plus de trois cents pères de famille, pour, achever de détruire le plus solennellement la fausse assertion donl le premier consul se défendait, même auprès des supérieurs, savoir que le conseil qu'on lui demandait n'était que le vœu ée quelques individus, ils se portèrent tous devant deux notaires pour y faire la déclaration suivante :
« L'an 1789 et le 20 du mois de décembre après mjdi, par-devant nous, notaires royaux de cette ville des Baux, soussignés, ont été eh leurs personnes, les sous-nommés habitants de cette ville et sou terroir; lesquels soupirent depuis longtemps, et entre autres depuis le 22 août dernier, après la tenue d'un conseil général de tous chefs de famille, à l'effet : 1° de noter une adresse de remercîments et d'adhésion à l'auguste assemblée des représentants de la nation; pour tdus les décrets généralement quelconques qu'elle a déjà rendus et pour tous ceux qu'elle rendra dans ta suite) 2° de faire connaître notre vœu à la même Assemblée nationale, pour la réunion de cette ville et marquisat des Baux, au domaine de la couronne d'où elle a été démembrée en faveur du seigneur, prince de Monaco; qui la possède indûment* soit par lui, soit par ses ancêtres depuis et au delà d'un siècle ; ,3° enfin de substituer au régime vicieux de cette communauté Uu autré régime, moins susceptible de favoriser les abus qui s'y sont glissés jusqu'à aujourd'hui* et essentiellement pour pourvoir aux moyéris de subsistance; mais d'autant que les sieurs consuls de cettë communauté se sont constamment refusés à la convocation de ce conseil général, et même qu'ilëènt affecté de surprendre la religion de M. d'André, commissaire du roi} ou en lui disant ou ën lui faisant dire que ce conseil général n'était que le vœu de . quelques individus de la paroisse de Mail1 riès, et non de tout le terrain; c'est la cause qué les dits habitants sous-nommés sont comparus pat-devant nous pour requérir( solidairement acte de la demande .qu'ils font du susdit conseil général; à 1 effet d'être tenu dans l'église paroissiale de ftjaussanne* comme le lieu le plus propre pdr sa situation et par sa vaste enceinte; lesquels habis tants sont, etc., etc. »
„ ici sont écrits lés noms de tous lés pères dé famille, au nombre d'environ trois cents* au bas
desquels est la Signature des deux notaires, MesDe-i-ez ét Btànc, qui'ent réçu l'acte, dont l'extrait a été envoyé en forèié et dûment légalisé.
On voit donc dans cet acte, assurément non suspect, les divers objets sur lesquels lé peuple des Baux désirait délibérer dans l'universalité des habitants, parce que les habitants y étaient intéressé» singulièrement, singuli et sihguli. Ce sont néanmoins les mêmes que les consuls avaient représentes aux supérieurs comme dès moteurs incendiaires ; en quoi ces consuls ont éU d'autant plus dé torts que, «"ayant eux-mêmes personnellement fifen à se reprocher dans leur propre àd-ministf&tion, Comme on l'assure et domine le député soussigné, qui connaît les administrateurs, n'a pas de peine à le croire, ils se rendaient volOdtairement responsables dés dommages publics què CaUSait l'injustice dé leur rèfuS, lequel, eucorè titre fois, s'il pouvait être excusable, àU commencement, par leurs bonnes intentions, les a entachés dans là Continuité d'une résistance tout à fàit c'on'daffmâbîe. Aussi le peuple des Baux, beaucoup trop justifié par tous sés actes, par toùé ses procédés, fce voyant point paraître M. d'André, ebmmè il. l'avait promis, et soh premier ordre dûméht signifié au second consul, tenant encore àprës UU simple avis de suspension jusqu'à i'ac-cedit, qSli n'a pas eu lieu au terme donné, a pris très SàgëàVënt ét très régulièrement le parti de se rendre à la maison du Sé'coM cOÛsul établi à Mauriès, dans la terre dès Baux, pour lé sommer dë vouloir bien convoquer lé conseil général, tànt et 91 vainement dèmandê depuis le 22 août.
Les honnêtes et généreufc patriotes sé firent accompagner d'une partie de la garde nationale, et tous ëùsèmblë arrivés chez lé second consul, lui représentèrent dans les termes les plus mesurés ét les plus justes, que puisque son côîlèguè lé premier consul në résidait point aux Baux, le consulat étànt indivisible entré eux, le peuple ne devait pas Souffrir de l'absence de l'un ou de l'autre-, à quoi lé second consul, d'ailleurs bien intentionné, et mené jusque-là par le prëmiër, n'eut pas dé peine à se rendre, d'autant qu'on usât ënvërs lui dés plus grands égards, comme il l'atteste lui-même dans une lettre qu'il a cru dé-voif tldUs adresser, à nous, députés dè la sénéchaussée d'Arles*, ët dont on verra ci-après là tëhéur:
Voilà donc ëhfin lë peuplé dës Baux arrivé pâr des taotifs et dës mtiyéns dignes de nos élogëfc, àtt cortéëil général où il attachait son bonheur. Le secohd consul le convoque librement en la forme ordinaire pôlirle 26 décembre, seconde fête de Ndël, et le jhgë dii lieu qui siège dàtts un tribunal d'appeaux avec une certaine fëprésentà-tibfl; Së fait un mérite d'apprdUvër lë patrid-tîsiilë dë ses cohcltdyens, ét dautotiser leur très légitimé asselhblëe dans l'église paroissiale de MâUssahrte, seul éndftMt propre à la réunion de tant de délibérants. Quant aux délibérations c[Ui s'y Sont priseS, c'est au séul pfobès-irerbal qu'oti nous à envoyé; à en rendre un compte fidèlé à l'Assemblée haftcriale; lé MCI :
« L'an mil sept cent quatre-vingt neuf; le Vingt-Six dU mdia dé décembre à trois hëUres de ie-léveë, dàiiS Pfijfliîë Sairit-Croix de MaUSSannë; jour de éaitiëdi à l'issue des vêpres de ladite paroisse, ei-èlëVànt M6 Jëan Rouchon* conseiller dit fol, jtigë; Câpilaittë viguier, et lieutenant des soumissions àti siëgè dé cette ville, lë conseil général a été aSSëtfiblé àprëS àvbir été convoqué par lettres circulât du 22 dû CdUrant, à la forme du Règlement, aUcjtiëlcdiiSeil ont assiste M. Bas-
sac, M. Le Blanc de Servane, M. Manson de Saint-Roman, M. Laugeiret, M. Blanc, M. Derrès, et autres, au nombre en tout de trois cent quatre-vingt-deux, etc., etc. »
Le conseil général assemblé, M. Le Blanc de Servane, ayant demandé et obtenu la parole, a dit : Messieurs,'à l'époque du 22 août dernier, trois considérations puissantes rendaient le conseil général nécessaire.
La première, c'était le désir patriotique de tous les bons citoyens de ce terroir, à l'exemple de presque toutes les villes et communautés privilégiées du royaume, d'offrir à l'auguste assemblée des représentants de la nation, comme un faible témoignage de leur vive reconnaissance et de leur adhésion sincère et respectueuse à tous les décrets qu'elle avait déjà rendus et qu'elle rendrait dans la suite, le sacrifice volontaire des privilèges dont jouissait cette ville et son terroir en qualité de terres adjacentes.
La seconde, c'était de faire connaître à l'Assemblée nationale notre désir et notre droit de retourner sous la domination des rois de France, nos anciens et seuls légitimes maîtres.
Vous savez, en effet, Messieurs, que cette ville et son territoire faisaient autrefois partie du domaine de la couronne ; elle en fut démembrée par lettres patentes des mois de mai 1642 et février 1643, données par Louis XIII, alors roi régnant, en faveur de Monseigneur Hercule Grimaldy, fils d'Honoré, prince de Monaco.
Les motifs et les conditions de ce démembrement sont consignés dans l'article IX du traité fait à Péronne, le 14 septembre 1641, entre le monarque et ledit seigneur prince de Monaco. Cet article porte: « Ët d'autant que les Espagnols privèrent le prince de tout ce qu'il possède dans le royaume de Naples, l'état de Milan et ailleurs dans "leurs terres, ce qui rapporte au prince vingt-cinq mille écus divers temps de rente annuelle en fonds de terres féodales, sa Majesté lui donnera autant de revenu annuel en France, en pareille nature de terre et fief érigeant partie d'icelles en titre de duché et pairie de France, l'autre en mar-
?[uisat pour son fils et une en titre de comté lui aisant délivrer toutes lettres et expéditions sur ce nécessaire ; bonne partie des fiefs sera en Provence et le reste ou il plaira à sa Majesté, pourvu que ce soit en France et en attendant qu'on ait trouvé des terres propres au prince, ses soixante-quinze mille livres lui seront payées effectivement par chacun an, dont le premier payement commencera à partir du jour que la garnison du roi entrera à Manaco ; que si la paix se faisant, les Espagnols rendaient * au prince les terres qui lui appartiennent dans leur pays, sa Majesté demeurera déchargée à proportion de ce qu'ils lui restitueront du remplacement qu'elle devait faire en terres ; et en cas que demeurant attaché au parti du roi, il soit contraint de rendre les terres qu'il a dans le pays des Espagnols, moins que ce qu'elles violent, le roi le dédommagera raisonnablement et lui donnera le moyen d'employer son argent en d'autres terres en France. »
D'après ces lettres-patentes, le dédommagement ne devait avoir lieu qu'autant que le prince de Monaco serait privé de ses possessions en Espagne ou jusqu'à ce qu'il fût réintégré.
L'événement prévu de la restitution arriva. L'article 104 du traité des Pyrénées conclu en 1659, entre la France et l'Espagne, publié à Aix, en Provence le 2 février 1667 et enregistré au parlement dans le même mois, porte : « M. le prince
de Monaco sera remis sans délai en la paisible possession de tous les biens droits et revenus qui lui appartiennent et dont il jouissait avant la guerre dans le royaume de Naples, duché de Milan et autres pays de l'obéissance de sa Majesté catholique, avec liberté de les aliéner comme bon lui semblera, par remise, donation ou autrement, sans qu'il puisse être troublé ni inquiété en la jouissance d'iceux, pour s'être mis sous la protection de la couronne de France, ni pour quelque autre prétexte ou sujet que ce soit. »
La restitution à M. le prince de Monaco des biens dont il avait été dépossédé dans le royaume de Naples, fut confirmée par deux autres traités conclus à Aix-la-Chapelle, par les mêmes monarques, les 2 mai 1668 et 17 septembre 1678, puisque par l'article VIII du premier et par l'article XXVI du second, il fut convenu, accordé et déclaré qu'on n'entendait rien changer au traité des Pyrénées, à l'exception de ce qui regardait le Portugal.
Il résulte de là que le prince de Monaco a été réintégré dans les biens qu'il possédait dans les Etats du roi d'Espagne et que depuis cette réintégration, il a été sans titre et sans prétexte pour posséder en France les biens qu'il reçut en indemnité de la générosité de nos rois.
Il est donc juste que ces terres retournent à la couronne, dont elles n'ont été que trop longtemps séparées.
S'il est une époque où la reprise des terres, juste en elle-même, ne doive exciter aucun murmure, c'est sans doute lorsqu'elle est nécessitée par les besoins de l'Etat, et par l'ordre à jamais invariable qu'on veut établir dans toutes les parties de l'administration.
Nous sommes Français : à ce titre, nous devons sans doute préférer d'appartenir à notre souverain plutôt qu'à tout autre seigneur ; il nous importe du moins de remplir notre devoir, en instruisant les respectables représentants de la nation, d'une aliénation que rien ne peut légitimer.
La troisième considération enfin, c'était la nécessité de mettre un terme aux dilapidations, qui, depuis longtemps, se commettent des deniers de celte communauté. Je pourrais vous en citer de plusieurs espèces, comme la plupart vous sont connues, parce qu'elles frappent visiblement nos sens, je me bornerai à vous^ en faire connaître une seule qui est révoltante par son excès, et qui, cependant, est ignorée du plus grand nombre ; et elle a pour cause l'administration de l'hôpital et charité de cette ville. Je dois vous observer à ce sujet que, par l'article XXXI du règlement municipal, qui régit cette communauté en date du 2 février 1785, il est dit « qu'elle est obligée de fournir à la caisse de l'hôpital quand elle manquera de fonds. »
En bien, Messieurs, les administrateurs mettent tellement à profit cette obligation, que l'hôpital, qui n'a environ que deux mille quatre cents livres de revenu, a néanmoins dépensé, dans le courant de cette année, une somme à peu près de sept à huit mille livres, qui a été fournie, quant à l'excédant, par la caisse de la communauté.
Ce tableau vous inspire de l'étonnement, Messieurs, je n'en suis nullement surpris, surtout étant instruits comme vous l'êtes, que l'hôpital et la charité ne. reçoivent et ne peuvent recevoir aucuns pauvres ni malades étrangers ; j'ose vous assurer néanmoins que ce que j'avance est plutôt en dessous qu'en dessus de la vérité, et vous n'aurez pas de la peine à vous en convaincre, lorsque
vous serez instruits que le rôle du sieur Pecaul, chirurgien, se monte, pour les seuls médicaments par lui fournis, à la somme exhorhitante de trois a quatre mille livres. Aussi, Messieurs, l'hôpital qui avait, il y a quelques années, environ quatre mille livres d épargnes, après les avoir confondues, après avoir absorbé ses revenus annuels, se trouve encore arriéré envers la communauté d'une somme de plus de dix mille livres.
Accumulez à présent ce genre de déprédation avec ceux qui étaient déjà en votre connaissance, et dès lors vous n'aurez plus lieu d'être surpris de l'augmentation progressive et considérable qu'on nous fait éprouver depuis quelques années dans le taux des impositions. La crainte d'un examen scrupuleux des comptes de cette année peut, je l'avoue, avoir contribué pour quelque chose à la résistance opiniâtre que nous a opposée M. Ayme, durant quatre mois consécutifs; mais, soyez-en persuadés, Messieurs, nous n'aurions pas eu à lutter si longtemps contre le despotisme consulaire, si parmi les membres de notre administration municipale, il ne s'y était rencontré quelques citoyens aristocrates, et surtout le sieur Manson, agent général de M. le prince de Monaco.
Par les faits, on juge des intentions. Or, depuis le 22 août dernier, l'Assemblée nationale a principalement rendu quatre décrets, qui ont été sanctionnés par le monarque, et dont l'exécution a été renvoyée aux municipalités. Ces-décrets sont : 1° l'encadastrement des biens féodaux et des revenus ecclésiastiques; 2° la contribution patriotique du quart des revenus; 3° l'invitation pour les dons des argenteries des églises qui ne sont pas nécessaires au culte divin; et 4°la nouvelle loi criminelle.
Aucun de ces décrets n'a été promulgué dans cette communauté, tandis que dans les moindres villages voisins, ils ont, depuis longtemps, reçu leur exécution.
Par les papiers publics, nous apprenons encore que toutes les municipalités du royaume sont à la veille de recevoir une nouvelle organisation, d'après le règlement uniforme qui vient d'être décrété par 1 Assemblée nationale. Quelque prochaine qu'on nous annonce cette nouvelle organisation, j'ose vous assurer, Messieurs, que si vous ne prenez des précautions utiles pour en assurer la prompte exécution, elle subira le même sort que les quatre décrets précédents, ou du moins qu'on nous fera soupirer après elle autant de temps que vous avez langui après le terme de ce présent conseil général.
DÉLIBÉRATION.
Le présent conseil général, délibérant ensuite sur l'exposé fait par M. de Servane, et sur les divers projets de délibérations qu'il a présentés à l'Assemblée, considérant combien est réprében-sible la conduite que M. Ayme, maire et ancien consul de cette ville et communauté, a tenu jusqu'à ce jour, et de laquelle il n'a pas même voulu se départir en refusant opiniâtrement, malgré les instantes sollicitations de la majeure partie des citoyens actifs de ce terroir, à la convocation et à la tenue d'un conseil général de tous chefs de famille.
Considérant encore combien il est répréhensible de n'avoir fait publier aucun décret de l'Assemblée nationale, qui préparent à la France le bonheur le plus parfait et le plus constant, appréciant en outre l'illégitimité avec laquelle M. le prince de Monaco a joui de cette terre jusqu'au-
jourd'hui, et désirant donner à la nation et au roi une marque de notre dévouement et de notre attachement aux principes de la Constitution française, qui, depuis l'établissement de la monarchie, ont déclaré les biens du domaine de la commune inaliénables, ont arrêté et délibéré, soit par acclamations, soit à la pluralité des suffrages :
1° D'adhérer de cœur et d'âme à tous les décrets généralement quelconques que l'Assemblée nationale a rendus jusqu'aujourd'hui et à ceux qu'elle rendra à l'avenir, et notamment à celui du 4 août dernier, qui supprime tous les privilèges et remet dans une parfaite égalité, tant les provinces que toutes les villes et communautés du royaume, et en conséquence de lui offrir, comme un faible tribut de la reconnaissance de cette communauté, le sacrifice des minces privilèges dont jouissait cette ville [des Baux et son territoire en sa qualité de terres adjacentes ;
2° Qu'attendu que M. le prince de Monaco n'a aucun titre légitime pour posséder cette ville et son terrain, puisque depuis les traités de Paris conclus entre la France et l'Espagne, en 1659, il est entré dans ses possessions du royaume de Naples et de Milan, désirant appartenir au roi de France, de préférence à un prince étranger, son vœu est que cette ville et son territoire retournent au roi, pour faire partie comme auparavant, des domaines de la couronne et être à la disposition de l'Etat, conformément au décret de l'Assemblée nationale ; il a été délibéré, en outre, que pour remplir ces deux premiers objets par M. Le Blanc de Servane et M. Manson de Saint-ftomau, il serait minuté une adresse pour être envoyée à l'Assemblée nationale;
3° Qu'en attendant la décision de l'Assemblée nationale, eu à égard à la situation particulière où nous nous trouvons, par laquelle M. le prince de Monaco n'est ni échangiste ni engagiste, il sera sursis dans ie moment à l'acquittement de tous les droits féodaux quelconques et arrérages d'iceux, jusqu'après l'avènement de la décision de l'assemblée de la nation, pour alors être versés, si le cas y échéait, dans la caisse du Trésor royal ; et dans le cas que, dans l'intervalle, les électeurs actuels du prince de Monaco se permettraient des exécutions contre aucun des redevables, il sera permis à ceux-ci de réclamer la protection de la garde nationale de ce terrain pour s'opposer aux-dites exécutions, laquelle garde nationale sera suffisamment autorisée à cela faire par la présente délibération ;
4° Que pour assurer dorénavant la promulgation et l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, tant ceux déjà rendus que ceux qu'elle rendra à l'avenir, il est établi un comité permanent composé de trente-six membres, qui, de concert avec M. Bassac, second consul, exercera, sous l'autorisation de M. le juge et viguier de cette ville, toutes les affaires de cette communauté jusqu'au moment de la réorganisation nouvelle et entière des communautés, conformément au décret rendu à cet égard par l'auguste Assemblée nationale, lequel comité permanent remplacera dès ce moment l'ancien corps municipal de cette communauté;
5° Et attendu que M. Ayme, maire et premier consul actuel, par sa résistance opiniâtre à convoquer le conseil général, objet des vœux de tous les habitants et instamment parce qu'il est attaché au parti de l'aristocratie, en ce qu'il n'a fait promulguer aucun décret de l'Assemblée nationale, il s'est rendu indigne de conserver la place qu'il occupe; dès ce moment, il demeure suspendu, et
il lui est interdit d'exercer dans cette communauté aucune des fonctions consulaires jusqu'à ce qu'il ait été autrement ordonné par l'Assemblée nationale, et en conséquence, tous les pouvoirs de consulat résideront pendant ce temps, en la personne de M. Bassac, second consul.
6° Ledit sieur Bassac, consul, est expressément chargé, conjointement avec le comité permanent, par la présente délibération, d'écrire incessamment à M. d'André, commissaire du roi, pour le prier de faire parvenir le plus tôt possible au co? mité permanent qui vient d'être établi dans cette communauté, tous les décrets rendus jusqu'aujourd'hui par l'Assemblée nationale, aiusi que ceux dont Vexécution a été ou sera attribuée aux municipalités, et qu'à cet effet, ledit sieur Bassac, consul, et le comité permanent lui enverront copie authentique de la présente délibération.
7° Que pour nous justifier envers l'Assemblée nationale, et pour lui donner connaissance que le silence que les citoyens de cette vitlse et son terroir ont gardé jusqu'à ee jour sur ies événements qui occupent la France et l'Europe entière n'est que l'effet des mauvaises intentions dudit sieur Ayme, consul, et non des citoyens à la diligence dudit sieur Bassac et du comité permanent, il sera envoyé à l'Assemblée nationale uu extrait en forme de la présente délibération, ainsi que l'extrait des pièces justificatives de toutes les démarches inutiles, que la majeure partie des citoyens actifs de ce terroir n'ont cessé de faire depuis le 22 août dernier envers ledit M. Ayme, pou» ohtearr la convocation du présent conseil général, lesquels seront collationnés par deux notaires royaux, les premiers requis de ce terroir et légalisés par M. le juge de cette ville.
8» Attendu que les présentes dispositions ne sont faites que pour la plus prompte et entière exécution-des décrets de l'Assemblée nationale, elle sera très humblement suppliée de vouloir bien y accorder sa sanction.
9° Enfin, il a délibéré que la nomination des membres qui devront composer le comité permanent et provisoirement ci-dessus établi, est ajournée à la séance de demain.
Et attendu l'heure tarde, la continuation du présent conseil a été renvoyée à dimanche 27 du courant, à deux heures de relevée dans la dite église de Maussanne.
Je n'ai pas cru devoir transcrire ici la teneur entière du- procès-verbal des séances tenues apsès celle où fut prise la délibération en neuf articles* qu'on vient de lire; il me suffit dans l'objet de mon instruction en défense de tous les citoyens des Baux, qui ont été poursuivis par-M. le prévôt dé Marseille, pour raison des délibérations prises* dans ce conseil général, il me suffi!? de rapporter, après la principale délibération, les parties essentielles des autres pour arriver plus tôt à la pro-i eédure prévôtale et inouïe sur- laquelle l'Assena-bléé nationale doit prononcer le plus prochainet ment, laissant à M. le rapporteur le soi® de lire au besoin les pièces de ce procès», dams toute» leur étendue quand il parlera dans l'Assemblée; au surplus comme ee qui me reste à dire est' intimé-ment lié à l'instruction et ne peut y être omis, je» déclare, comme j'ai déciarédéjàdansi'Assemblée, que c'est avec regret que je me vois obligé d» remplir, dans ma députatio», un si triste devoir, intéressant à ta fois l'Assemblée elle-même et ses principes, et sa constitution et son autorité, comme l'intérêt de mes commettants en général, et l'intérêt plus précieux encore de l'innocence et d» patriotisme des citoyens sur qui M. le prévôt de
Marseille a fait tomber ses foudres ; je déclare donc que je m'acquitte de ce devoir avec peine à cause des personnalités qui ont été et vont être rappelées contre des gens de ma connaissance, mais néanmoins avec le zèle,l'impartialité, la franchise et tout le courage dont je suis comptable dans mes fonctions à la vérité pour la justice, et à la nation pour l'avancement et I@ succès d'une révolution qui doit faire son bonheur; au surplus, j'aurai l'avantage et je suis sûr de ne rien avancer dans ce rapport que de vrai, parce que je n'y parle que d'après les pièces les plus authentiques, comme il est facile de le voir. Si donc il existait d'autres faits étrangers à ces pièces, m'étant inconnus, ils seraient dès lors étrangers à mon devoir dans ma députation, mais tels qu'ils puissent être, ils ne le seraient jamais à l'oppression et à la nullité de la procédure prévôtale dont il s'agit ici.
Dans la séance du même conseil général renvoyée au lendemain 27 décemhre, M. de Servane y dénonça pour des faits et des torts très graves et très nombreux le sieur Pierre Manson, ci-devant agent général de M. de. Grimaldy, prince de Monaco, demandant pour raison de ce que le conseil général donnât un ordre sigaé du consul, au major général de la garde nationale du terroir des Baux, pour se transporter sur-le-champ avec un détachement de cinquante hommes, à la maison dudit sieur Manson, dans le bourg de Mauriès, pour s'en saisir et le traduire aux prisons royales de la ville des Baux, où il serait établi une garde de quinze hommes, qu'en même temps, ledit sieur major de la garde nationale apposera lés scellés sur tous les papiers dudit sieur Manson, qu'il dressera procès-verbal du tout, pour être joint au cahier des délibérations du présent conseil, et envoyés l'un et l'autre à l'Assemblée nationale, pour, par elle être ce qu'il appartiendra, sur le renvoi et la forme du procès qui sera fait au prévenu. Après cette dénonciation, il s'éleva dans cette assemblée diverses plaintes contre le dénoncé, et l'assemblée les entendit on les écrivit dans le procès-verbal tout comme la dénonciation de M. de Servaae, à laquelle le sieur Jean Disnard en proposa une autre relative à la sûreté des papiers de la-.commune, déposés dans les archives municipales; il demanda que l'adjudant du major fut envoyé avec quelques hommes de la garde nationale, chez le greffier de la communauté pour en, obtenir un des clefs des archives, pour la garder jusqu'à ce qu'elle fût remise à M. le juge.
Sur ces plaintes et dénonciations, le conseil général délibéra : 1° que les papiers et pièces des plaignants seraient déposés entre les mains du consul et quelques personnes dénommées, après avoir été paraphées par M. le juge; 2° que le sieur Beraud, adjudant du major, remplirait la commission proposée pour la sûreté des archives ; 3° que, recevant les dénondations et plaintes contre, le sieur Manson* le conseil , en donne acte aux dénonçants; mais délibérant sur la motion de Ser-vane, il a arrêté que le sieur Manson était sous la sauvegarde de la nation et dé la loi,, i et néanmoins qu'aux dépens -de cette communauté, ledit; sieur Manson serait poursniviextraordinairenaent par-devant qui de droit, et à la diligence jdu procureur syndic de la commune qui sera nommé; et, en attendant, il est à présumer que parmi les papiers dudit sieur Manson, il s'en trouvera qui seront capables d'cnpérer la conviction, et entre autres beaucoup de papiers essentiels à la paroisse de Majuriès ; il est donné ordre à M. Jacques-Trophime Isoard, major général de- la garde na-
tionaie de ce terroir le plus tôt que faire se pourra, et demain matin,de se transporter à Mau-riès, dans la maison du sieur Manson, à la tête d'un détachement de cinquante hommes, où étant, il fera une perquisition exacte de tous les papiers qu'il y trouvera, les remettra dptps un Seul appartement qu'il fermera V clef, laquelle clef il gardera entre ses mains, gt ne se retirera qu'après avoir apposé le Sfcelié sur la serrure de toutes les portes qui conduiront devant lpdit appartement ainsi que sur la serrure . de tous les placards, , bureaux, com^ior des et autres meubles dont jlpe pourra se procurer l>a clef et 4&US Jrç cas qu'il trouvera les portes d'entrée fermées, il 4fMf#§|$f$ au sieur Ppyre du M?is de Jacquet pour le prier et requérir de remettre l@s çil^fs des portes d'entrée dudit apn^rlemeqt, placards, bureaux, oonpipip^s et autres meubles, et dans le pasq^) déclare n'avoir aucune. desdites 1ue personne autre ne
vienne les représenter, il est permis audit sieur major gppéral d'appeler spr-iérèijajpp; le premier serrurier rpqjjis. pour foire ouvrir une pesdit^p portes d'entrep, laquelle une fois 0juv@rtP.l6du sieur mfajorg&éràl pe pourra y pqtrer qu'ejn puér sence de. six lambins autres qpe les soldats du dét^pçiQept, lesquels mêmes six jipippuis seront également présents à l'apposition desdits scellés, de tout quoi ledit sieur major dressera procès-verbal signé par Utj et (ps six témoins pour raison dé quoi, il lui sern expédié un ordre par écrit signé par M. Bassac consul, lequel sieur Jacquè.s-îrk>r phime Isoard, m^jor ^i présent, a prêté serment de bien et Àdéiérp^pj;' rpmpiirsa commission, et icpljè vegue a son terme ^ procès-verbal dudit sieur major général sera le pfpsf tôt possible enr voyé au sieur j^tsean, consul, qu| ser^ chargé en vertu de la présente délibération de faire présenter fout 4e $uite requise a M» ]p ÏPjS® Pt figuier dé cette ville qe faire |a levée qpfc scellés
et inventaires après des assignations données audit sieur Manson qui contiendra au moins un délai trois jours et attendu que le dit sieur Ma n son a pris 13. fuite et qu'on ne, sait où il est, ladite assignation lui sera dppnéè par affiche et cris publics d$ps les quatre paraisses de ce terroir aux portes des églisps, et notamment au-devant de la porte dp sa maison*
Le conseil délibère encore d'après la motion dudjj; M. de Servane que la çLénoapiation contre ledit' sieur Mànson, les différentes plaintes qui l'ont suivie ainsi que la présente délibération seroqt a la diligence du conseil permanent §flr voyées à l'Assemblée nation^ pour qu'elle statue ce qu'elle avisera e t d'autant qu'qn grand nombre de particuliers se sont présenté» dans cette séance pour fçrmer de nouvelles plaintes contre l edit sieur Mao$nb» ce qui aurait fait traîner trop loin la tenu s lê ce présent conseil général, il gçjt délibéré qu'il ser^ sur-le-champ nQtpmé quatre commissaires pour recevoir les plaintes contre ledit sieur Manson, moyennant qu'elles soient signées ; et à défaut qu'il sera fait mention de la réquisition par eux faite et de la déclaration ou ils sont illettrés. Pour raison 4P quoi, lesdits commissaires prêteront tout de suite serment en exécution de la presse déclaration ; le conr seil général a arrête de nommer pour procureur syndic de la commune, pour la commune, la plainte relative au dit sjôur Manson, W Jacques Blanc, notaire royal de çettp ville lequel ici présent a prêté serment dont il lui a été concédé acte.
Le ppnseil général a encore nommé pour com-
missaire chargé de recevoir les plaintes contre ledit sieur Manson : sieur Barthélémy fiartaignôn père, sieur Charles Tassy, sieur Laurent Armand, et sieur Jean André Deviez, tous de cette ville, lesdits sieurs Bartaignon, Tassy et Deviez ici présents ont tout de suite prêté serment en cette qualité dont il leur a été concépé acte par M, le juge.
Après cette délibération, M. 4e Servane a fait une autre dénonciation contre le sieur Peyre, notaire et procureur inridiÇ|tioqnel dans le mar-quisat des Bau*. il a dit qùç 'îîftt pf^çier né pouvait rester ; ppocnreuf j^ridiptlonp^ BOIJÇ to parent d abord dudit sieur Manson, et ënsptg parce qu'étant notaire, il n'avait pu surprendre là religion de M. le prtpçede Monaco, pour être fait un procureur }pri4lctiQnnei, en lui laissant sa qualité de notaire et np s'étani qualifie dans ses lettrés que de praticien; çe qiulès a rendue? obraptice§ et whrej>Mçes ; sur quoi ;
« Le conseil génépaJ» Mrès avoir cppp^dé qctp audit sieur de Serran^ de la dénonciation par lui ci-devant faite, et en la recevant, a délibéré quUnJMhitionS et défenSPS seront faites ati sippr Peyre de s'ipanii^pe? à l'avenir dans lés fonctions de procureur juridictionnel, dont il est pourvu attendu, que ses provisions sont cqntrairés fi Fédft de '1771, ;rppdu sur l'incomp^biiité 4p? offices de notaire et de procureur, ce qu'il ^ si bien reconnu lui-roémp, qu'il a déguisé; sa qualité de notaire lors de l'obtention nps^jtés provisions, laquelle délibération sera signifiée audit sieur Peyre, par le ministère g'fjn huissier, et qu'incessamment à là requête des consuls de cette communauté, il sera présent^ par-(lpvant qui de droit, requise pour obtenir subrogation générale, d'un procureur juriçUptianuef dans toutes les pauses, »
Par. continuation du même cpnpeil général, 11 à été assigné une autre séance au décembre, et dans celle-ci, il a fait une nqnvpllp dénonciation par M- de Sgrvane ef pierre Quenin, contre le sieur abbé Margaillan, prêtre, vicaire de {fi paroisse, sur laquelle dénonciation le cppspil a délibéré que le causes en spéaiqqt portées au conseil permanent qui en déciderait, cp qui étant revenu a la séance suivante du 1er janvier, il y fut délibéré que « M. Bassac, consul, ^crjrait au nom de la commune à monseigneur Parcfyev^que d'Arles, et en son absence à MM", ses grands vir caires, pour les pripr de retirer leçlit sieur abbé Margaillan de là paroisse dps Baux et de tout le territoire. »
Dans la même séance du 28 décembre fut remis sur le bureau le procèsTyerbal de ï'expéditiQa confiée, par délibération du 26, à M. Isoard, major général de la garde nationale, avec la clef de l'appartement qui contient lés papiers trouvés dans la maison, du sieur- Mànson.
Après cela M? de Seryâne, a dit que la milice nationale de ce tprrpir des Baux, n'ayant été formée que d'après l'ordre individuel de MM. lés consuls, elle devait être remplacée par une autre ce qu'il a demandé au consul séant, sur quoi, ledit conseil, ^ considérant qu'en effet, là milice nationale actuelle n'a eu pour principe que lé vœu individuel de MM. les consuls, et qqe sa formation irrégulière a été cause qu'elle n'a Jamais fait aucun service; considérant combiPU il est nécessaire, d'après le désir de l'Assemblée nationale, qu'il y aitdans leterroirunegarde nationale qui soit toujours régulièrement en activité, a arrêté et délibéré que l'ancienne gardé nationale serait supprimée pour être remplacée
dimanche prochain 3 janvier, conformément au règlement ci-après, qui a été délibéré par les articles proposés par M. de Servane, et les divers amendements auxquels ils ont donné lieu. »
Suit la teneur de ce règlement en vingt-quatre articles, après lesquels le conseil général s'exprime ainsi :
« Il est délibéré que le présent règlement sera exécuté selon sa forme et teneur; qu'il sera affiché aux principales portes de tout le terroir, et qu'il en sera imprimé divers exemplaires, pour en être remis un à chacun des officiers principaux, et un aux capitaines de chaque compagnie:
« Ët attendu l'heure tarde, il a été délibéré de renvoyer la continuation du présent conseil général à vendredi, premier janvier. »
Dans cette séance, M. Blanc, notaire royal, a déféré au conseil sa plainte de ce que les salutaires décrets de l'Assemblée nationale, sur la nouvelle forme de procéder en matière criminelle n'ont été ni publiés ni exécutés, non plus qu'aucun autre de l'Assemblée nationale, par MM. les consuls; s'en est suivi un désordre universel dans l'inaction de la justice criminelle; ce qui lui fait demander audit conseil, qu'il soit enjoint au greffier de la juridiction, d'apporter sur-le-champ sur le bureau lesdits décrets afin qu'il soit procédé le plus tôt possible à la nomination des adjoints nécessaires à la nouvelle forme des procédures criminelles.
Le conseil a fait droit à cette motion, l'une des plus justes, et il a, en conséquence, nommé les adjoints prescrits par ces décrets.
A cette plainte en a succédé une autre de la part des officiers employés dans les procédures criminelles prises ci-devant, à la requête et aux frais du fisc, lesquels ont exposé qu'ils n'avaient pas été payés de leurs droits par le sieur Manson, chargé ae cette dépense ; et comme cette plainte où ron inculpait aussi le sieur Peyre, procureur juridictionnel était portée par M. de Servane et non par les plaignants eux-mêmes, le conseil a délibéré fort sagement « que sur les deux plaintes du sieur Picard, et Mense, huissier, elles seraient signées et certifiées par eux véritables, pour alors être délibéré par le conseil permanent, ce qu'il avisera, faute de laquelle signature et certification, elles seront comme non observées.
Enfin ce conseil général a fini par la lecture de l'adresse délibérée dans la séance du 26 décembre, pour être présentée à l'Assemblée nationale, et a nommé pour la signer au nom de la commune, M.Roucbon, juge ; M. Bassac, consul; M. Vincent, curé de la paroisse Sainte-Croix de Maussanne; M. Le Blanc de Servane; M. Manson de Saint-Roman et M.Laugeiret, avocat, et il a été délibéré en outre qu'il sérait joint à la dite adresse un mémoire contenant les motifs par lesquels les habitants de la ville des Baux et son terroir croient être en droit de demander de retourner au domaine de la couronne.
Ici finissent donc toutes les délibérations prises dans le conseil général de la ville des Baux et son terroir; elles ont été adressées avec les pièces justificatives, à Messieurs Pelissier et Durand de Maillane, députés de la sénéchaussée d'Arles, dans l'étendue de laquelle la ville des Baux et son terroir se trouvent situés.
Après avoir pris lecture de toutes ces pièces, ces deux députés n y ont vu que le plus pur et le plus louable patriotisme ; ainsi, bien éloignés de penser quand ils onf eu ces pièces en main, que les
démarches des habitants des Baux, pour arriver à un conseil général de tous pères de famille, dus-sent-être déférées et prises pour des émeutes, pour des séditions dans le caractère de cas pré-vôtaux; plus éloignés encore de croire que la teneur du procès-verbal, des délibérations prises dans ledit conseil général, fût capable d'autoriser M. le prévôt résidant à Marseille, d'en poursuivre prévôtalement les auteurs, enfin séparant dans leur jugement sur l'ensemble de tous ces actes, les deux premières parties desdites délibérations concernant l'adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et la réunion de la terre des Baux au domaine, ce qui était d'un intérêt national et directement du ressort et des devoirs de leur députation, séparant dis-je, ces deux premières parties de la troisième qui ne concernait que des dénonciations particulières et des dispositions toutes locales, ces deux députés ont fidèlement rempli la charge qui avait un objet réellement utile à la nation même, en remettant, il y a plus de quinze jours, à M. le président du comité des domaines, un duplicàta de la délibération concernant la réunion de la terre des Baux au domaine de la couronne; et pour tout le reste, ils ont attendu et dû attendre, soit de nouveaux éclaircissements, soit que le cours des affaires générales et majeures dans les séances de l'Assemblée pût lui permettre de s'occuper de la sanction que les habitants de la ville des Baux et de son terroir demandaient pour toutes leurs délibérations.
Chacun de nous, Messieurs, sait combien l'Assemblée nationale, que les plus grands objets intéressent, est avare du temps que réclament les affaires particulières ; elles sont innombrables dans le comité des rapports. Or, avec connaissance, nous n'avions que faire d'importuner ni l'Assemblée ni son comité, pour les délibérations locales de la ville des Baux, dans lesquelles, d'ailleurs trouvant tout assez en règle, eu égard à l'esprit et aux décrets de l'Assemblée, aux exemples communs dans le royaume, (exemples si utiles et si nécessaires au succès et à la défense de la constitution); eu égard à cela, nous ne devions pas provoquer une sanction qui n'aurait pas été accordée sans discussion, si elle pouvait l'être; car touchant déjà depuis plusieurs jours au terme si désiré d'un nouvel ordre, dans les municipalités et dans les tribunaux, cette demande n'aurait pas même été accueillie.
Cependant il n'est pas moins vrai que par là même, par cette sanction dont le peuple des Baux parle dans ses délibérations, dont il se flattait, et qu'il charge ses administrateurs de poursuivre auprès de l'Assemblée nationale, par là même il serait tout justifié, quand il aurait excédé les formes de son pouvoir ; et il n'a fait que son devoir, il n'a fait, pensé et voulu faire que le bien, tant de la nation en général que de sa communauté particulière.
Qu'on le suive dan3 toute sa conduite, on la connaît maintenant tout entière; on sait comme il s'est comporté pendant les quatre mois que son premier consul lui a refusé constamment le conseil général qu'il demandait et dont il avait tant de besoin. Parvenu enfin à ce conseil tant désiré, comment se forme-t-il? De la manière la plus régulière. Trois cent quatre-vingt-deux pères de famille s'y rassemblent dans l'église paroissiale de Maussanne. sur la convocation publique d'un consul qui y assiste et y délibère librement et sans l'autorisation du juge du lieu, avec l'assistance aussi du curé même delà paroisse; et l'on y
parle, l'on y procède avec tout le mérite du zèle le plus convenable dans les circonstances nouvelles et heureuses de la régénération nationale. On y adhère aux. décrets de l'Assemblée ; on y renonce à des privilèges ; on y décide la réunion de la terre des Baux au domaine de la couronne; et enfin rassemblés comme la nation elle-même, pour son salut, ces honnêtes pères de famille pensent, comme nous, à faire le bien solidement: ils déclarent la guerre, mais à qui, mais à quoi? aux abus de l'administration, aux oppressions du fisc et de ses agents ; et dans quels termes ? Si M. de Servane va trop loin dans sa dénonciation, on l'arrête. Il a demandé la cap tare même de l'agent et le conseil général le déclare intact souslasauve-garde de la nation et de la loi. Elle accorde le scellé sur ses papiers parce qu'ils étaient conséquents à ses délibérations et nécessaires pour l'intérêt même du domaine, comme pour celui du peuple des Baux.
D'autre part, rien de plus nécessaire que de s'assurer des papiers de la commune dans ses archives, comme d'en éloigner le premier consul ennemi trop connu de la première forme d'administration. La milice bourgeoise est employée pour ces opérations; mais avec quelles sages mesures, pour que rien ni personne n'en soit lésé? Si on l'envoie dans la maison de l'agent, ce n'est que pour l'exécution du scellé, qui pouvait très bien être apposé en sa présence, sans aucune sorte de dommage ni pour lui ni pour ses biens. Dans son absence, l'officier lui-même avait ordre de ne pas mettre le pied dans la maison, sans la surveillance de six jtémoins qui doivent l'accompagner.
La milice elle-même est réformée dans ce conseil général, où il se fait à ce sujet un règlement provisoire, nécessaire et très utile dans la conjoncture. Qui d'entre nous après toutes les preuves que la garde nationale nous a fournies, dans toutes les parties du royaume, et de son zèle et de son attachement à la constitution et de ses secours, peut ne pas applaudir à l'usage qu'a fait de sa milice le peuple des Baux, alors instruit et comme témoin oculaire des services que la garde nationale de Toulon avait rendus et rendait encore tant à la nation qu'à sa municipalité.
Sera-ce les réclamations de tout un peuple, composé de 6,U00 âmes, qui se plaint de ne connaître aucun des décrets de l'Assemblée nationale, qui ont fait la joie de toutes les municipalités, de ne pas même connaître ceux de ces décrets qui touchent à l'ordre public, aux besoins mêmes de l'Etat, c'est-à-dire ni la loi martiale, ni le nouveau règlement sur la forme des procédures criminelles, ni enfin les décrets et les lois concernant la contribution patriotique du quart des revenus ?
Sera-ce donc ces réclamations qui auront rendu le peuple des Baux coupable d'avoir mis le second consul à la place du premier, qui l'entraînait par son mauvais exemple?
Sera-ce la délibération qui porte de surseoir aux droits féodaux? Mais qu'on prenne la peine de lire le second article de la première délibération, rapportée ci-devant, et qu'on en pèse les termes; on trouvera dans leur sens, non pas de quoi condamner le petfple des Baux, mais de quoi porter l'Assemblée nationale à lui en témoigner sa reconnaissance pour les avantages, pour les profits qu'il a eu uniquement en vue de procurer au Trésor public; car, pour avoir sursi au payement, le conseil des Baux n'a pas détruit la dette, il a voulu seulement qu'elle fût acquittée à son
véritable créancier, qui est la nation, aujourd'hui dans les droits du roi pour tous ses biens domaniaux ; de là aussi les scellés, les dénonciations contre les agents de M. le prince de Monaco ; de là l'empressement du peuple des Baux à se réunir au domaine, pour ne plus vivre que sous la main du roi, son premier et véritable maître; de là enfin ce patriotisme que tant de raisons justes et particulières échauffaient, et qui néanmoins n'a éclaté que par la constance du peuple et une patience dont l'exemple est peut-être unique dans toute la France, et c'est néanmoins, faut-il le dire, voudra-t-on même le croire, c'est ce peuple généreux, fidèle, honnête, modéré et conséquent avec lui-même dans toute sa conduite, que M. le prévôt de la maréchaussée de Provence a cru devoir punir comme un peuple séditieux et rebelle; il a fait tout à coup pleuvoir une grêle de décrets sur presque tous les pères de famille, qui composaient le conseil général tenu dans l'église paroissiale de Maussanne; il n'a pas même fait grâce au juge pas plus peut-être qu'au curé, mais plus sobre dans l'exécution, il l'a bornée à trois pour la capture, M. de Servane père, ancien conseiller au parlement d'Aix, M. de Servane, son fils, et M. Deviez, notaire royal.
On a vu comment et par qui était composée la milice bourgeoise des Baux, surtout la nouvelle, dont l'établissement avait été réglé et solennellement et légitimement par le peuple lui-même, réuni dans la forme la plus légale en l'église de Maussanne ; eh bien, les ennemis de la Constitution soit les parties lésées dans les réformes générales ou particulières, faites ou à faire, soit les affidés, les mêmes qui savent si bien remplir dans Ces sortes d'affaires le saint office de témoins, tous ces gens publiaient avec affectation que M. de Servane étant aux Baux, à la tête de six cents brigands ou séditieux, on ne parviendrait jamais à s'en saisir qu'à main armée.
En conséquence, M. le prévôt qui, siégeant à Marseille,dans le fort Saint-Jean, a sous sa main le commandement militaire de la province, a disposé si bien les choses pour la capture de ces trois messieurs, que dans la nuit du 23 au 24 janvier, ils ont été enlevés sans bruit et sans résistance, mais non sans horreur pour quiconque saura comment cette exécution s'est faite; en voici le récit fidèle qui nous en a été envoyé par un homme dont le caractère, à nous bien connu, garantit la vérité de son instruction. Parlant d'abord comme nous venons de parler nous-mêmes des pères de famille qui composaient le conseil général dans l'église de Maussanne, il ajoute :
« Ces citoyens honnêtes étaient bien loin de soupçonner que l'on pût prendre contre eux une procédure criminelle dans ces entrefaites; mais le crime veille quand la justice, la probité et la candeur reposent sur de bonnes intentions. Le prévôt de MM. les maréchaux de France prend à Marseille, dans le fort Saint-Jean, dans le tumulte des manœuvres militaires, entouré de sabres, de baïonnettes et de canons, une procédure en émeute et en sédition à la requête des gens du roi; on entend des témoins et la profonde sécurité des habitants de Baux est troublée par des proscriptions et des décrets. On emploie des troupes de ligne, la milice nationale et neuf brigades de maréchaussée pour l'exécution des décrets prévô-taux, et cette milice fait un dégât affreux dans le château de Servane; on enfonce les portes et les fenêtres, on brise, on casse les vitres, les lustres, les glaces. Mme de Servane fait une fausse couche, Mlle de Servane, qui se présente
à une porte intérieure de sa maison, où l'on frappait rudement, voit uoe baïonnette à deux doigts ae sa poitrine et court le plus grand danger pour la vie. On saisit M. ûerrès, notaire royal à Maus-sanne; on arrête MM. de Servane père et fils à deux heures du matin, dans la nuit du 23 au 24 janvier, en vertu des décrets prévôtaux, et on les conduit en triomphe, et en passant dans le village, que l'on aurait pu et même dû éviter pour prévenir des troubles, jusqu'à Salon, et de cette ville à Marseille. Le 25 du même mois, on distribue à droite et à gauche des décrets de prise de corps à M. Rouchon, juge des Baux, à M. Blanc, notaire, à M. Isoard, ancien gendarme, et à plusieurs autres ; les ajournements moins cruels auront leur tour, et nous n'aurons que la malheureuse perspective de voir tout le pays en décret. Il y en a déjà vingt-cinq, à ce qu'on m'assure.
« Dans cet état des choses, on a assemblé dimanche dernier un Conseil général de tous chefs de famille, présidé par le second consul, qui y rendit compte d'un acte extra-judiciaire, signifié à M. le prévôt de MM. les maréchaux de France quelques jours auparavant, information tenante et dans lequel, après avoir fait l'exposé du calme et de la tranquillité qui avaient régné dans les différentes séances de comité permanent, il assura que sa personne avait été constamment respectée et qu'on avait rendu à sa place tous les honneurs qui lui étaient dus ; cette conduite franche et nonnête fut unanimement applaudie et il fut délibéré de députer auprès de l'Assemblée nationale, MM. Enevant et Manson de Saint-Roman, pour y solliciter l'apport d'une procédure illégale et insolite, ou pour demander qu'elle fût renvoyée à tout autre tribunal.
« Votre étonnement redoublera et nos jurisconsultes frémiront en apprenant que le prévôt de MM. les maréchaux de France, qui n'est pas seulement gradué, qui n'est qu'un juge d'attribution dans les cas militaires et royaux, s'attribue aujourd'hui toutes les matières: bientôt toutes les soumissions, les substitutions seront de sa compétence, et nous serons tous jugés par ce tribunal au mépris d'un de nos décrets sanctionnés, qui rend les juges ordinaires et locaux compétents pour toutes les causes, hors les crimes de lèse-nation que vous avez référés au Châtelet. Les décrets au corps mis à exécution contre nos bons patriotes les ont dispensés, et il est à craindre que le gouvernement de la communauté ne se perpétue dans les mêmes mains. JNos anciens administrateurs veulent avoir un maire de leur choix, c'est pourquoi il serait bien important que cette nomination fut différée à des temps plus heureux. Si nous sommes forcés pour obéir à nos décrets d'exécuter le règlement à la lettre, notre communauté, déjà appauvrie par la mortalité des oliviers, est perdue sans-ressource. »
Cette relation dit tout ce que j'aurais pu dire moi-même sur les faits dont elle rend compte; on y voit premièrement que le second consul rend lui-même et authentiquement témoignage des égards que la milice bourgeoise et tous les membres de l'assemblée générale des Baux ont eu pour lui. Il en avait déjà expédié un certificat que nous tenons de lui et qui est conçu en ces termes :
« Je soussigné déclare la présente relation véritable en tout son contenu, et que l'on nous a traité lorsque nous nous rendîmes dans la ville des Baux, le 22 du mois dernier, avec tous les honneurs dus à notre place ; que nous n'avons qu'à nous louer de la garde nationale, de l'ac-
cueil et des honnêtetés des officiers qui la commandaient : En foi de quoi, nous avons fait le présent. A Mauriès-les-Baux, le 3 janvier 1790.
« Signé : bassac, second consul. »
Le prévôt de Marseille n'a point été excité à cette procédure, par un pur amour de l'ordre et de là paix, puisque, prévenu avant ses décrets, par l'acte extra-judiciaire du second consul des Baux, que tout y avait été et y était encore dans le plus grand calme, il a voulu sciemment iùi-même y mettre le trouble par sa procédure.
Encore même si cette procédure était compétente; mais la relation parle fort à propos d'un décret que vous connaissez tous, Messieurs, c'est le décret de l'Assemblée nationale du 12 janvier sanctionné par le roi le 16 du même mois, conçu en ces termes : « Nonobstant toute attribution, tous juges ordinaires peuvent et doivent informer de tout crime, de quelque nature qu'il soit et quelle que soit la qualité des accusés é't prévenus, môme décréter sur l'information et interroger les accusés, sauf ensuite le renvoi au Châtelet, de ceux dont la connaissance lui est particulièrement et provisoirement accordée. »
Faudrait-il joindre ici les dispositions des ordonnances de 1670 et 1731, pour faire sentir que quelle que soit l'attribution nouvelle dont ie prévôt de Marseille s'autorise, si étendue qu'elle puisse être, il en abuse nécessairement lorsqu'il applique la rigueur odieuse dè son tribunal à des assemblées municipales, aux fonctions légitimes d'une garde nationale. Si jamais ce prévôt s'est écarté du respect et de ia soumission qu'il doit aux décrets et aux sentiments de l'Assemblée nationale, c'est en foulant les municipalités, en calomniant par ses procédures les gardes nationales qui toutes émanent d'elle, et la représentent et la défendent, et l'honorent même dans tout le royaume. Eh ! pourquoi le peuple des Baux n'aurait-il pu, comme toutes l'es autres villes du royaume, se donner une de ces gardes sous les auspices et en vertu même des décrets de l'Assemblée nationale ?
Je sais très bien que M. le commandant de Provence ne voit comme tant d'autres qu'avec une nouvelle extrême peine cette nouvelle force armée s'élever contre les abus meurtriers du despotisme. 11 avait fait écrire ici à la députation de Provence que lui seul devait avoir le commandement de la milice bourgeoise en Provence, mais, nous, députés provençaux, réunis, tous assemblés et instruits, comme nous le sommes, des vues de l'Assemblée nationale dans l'établissement de cette nouvelle milice, délibérâmes et arrêtâmes de répondre ; « que la ga,rde nationale cesserait d'être ce que l'Assemblée veut qu'elle soit, si au lieu de recevoir les ordres des officiers municipaux, elle dépendait des officiers militaires, et qu'en attendant que l'Assemblée nationale y eût pourvu par une loi générale, chaque municipalité pourrait sagement régler la formation et l'usage de la sienne. »
M. de Caraman ne s'est point rendu apparemment à ces bonnes raisons, puisqu'il a écrit en dernier lieu lui-même aux consuls de Grignan, pour leur faire des reproches de ce que la milice de ce comté, situé dans la Provence, s'était jointe, sans son ordre ou sa participation, aux deux milices bourgeoises du Dauphiné et du Vivarois, pour faire sous les murs de Montélimart, tous au nombre de plus de six mille, ce beau serment
auquel nous avons tant applaudi dans la séance de l'Assemblée, où cet événement fut rappelé dans l'ordre des adresses.
Les consuls de Grignan répondirent aussi à M. de Cararnan qu'ils avaient d'autant plus lieu d'être surpris de ses reproches que leur démarche patriotique avait reçu les applaudissements de l'Assemblée nationale. Ce n'est donc pas sans fonde • ment que je n'ai vu qu'avec la plus grande peine la garde nationale de Tarascon employée avec les dragons de Lorraine et des cavaliers de maréchaussée à la capture des trois patriotes que cette garde aurait dû plutôt sauver et défendre seule de tout son pouvoir.
C'est ainsi que la Provence est en ce moment, comme je l'ai dit, de toutes les provinces du royaume la plus subjuguée encore, par l'ancien régime par lesanciens préjugés etpeut-êtrepar quelque nouvelle trame. Quoique porteurs de cahiers certainement très rigoureux, contre tous les genres d'oppressions, mes commettants ont tant l'air de se laisser encore mener par leurs oppresseurs, que je sais très bien qu'ils détestent, mais qu'ils craignent, et plus ou moins dans un lieu que dans un autre. Ici le peuple a su marcher du même pas que l'Assemblée nationale, et c'est le plus sage; là, il est encore incertain, et plus loin on l'endort ou on l'effraie. Enfin l'on a vu avec combien de peine le peuple des Baux s'est assemblé et ce qui leur arrive pour l'avoir fait Je plus légitimement, le plus utilement. Le quart du revenu n'y avait pas même été proposé, et cet exemple a infecté quelques lieux voisins où le plus vil intérêt, si ce n'est quelque autre sentiment plus odieux encore, étouffe le patriotisme non seulement des nobles, mais des bourgeois mêmes, à qui le vice tant proscrit de l'aristocratie est peut-être moins étranger, dans ce retour heureux à l'ancienne et imprescriptible égalité de l'homme en société. On remarquera aussi que la Révolution n'a pas d'ennemis plus acharnés que les parvenus fraîchement à une hauteur d'où il faut que soudain ils se précipitent. 11 en est par gradation autant des riches bourgeois, gâtés par certaines prééminences populaires, il leur en coûte plus qu'à personne de les perdre. Ils ne montrent aussi dans les environs des Baux que les dispositions les moins patriotiques, ne fût-ce que celle qui a porté la garde nationale de Tarascon, à se prêter aux ordres soit du commandant, soit du prévôt de Provence, pour la capture des trois citoyens, qui, au lieu d'avoir mérité ses insultes, auraient dû recevoir de ses mains la couronne civique : mais excusons celte milice, elle est enchaînée peut-être par les derniers efforts d'une noblesse que nos efforts effarouchent. Ah ! que les nobles, les bourgeois mêmes de Provence ne voient-ils pas comme nous ces belles et grandes âmes, qui, se passionnant ici pour le bonheur du genre humain, pour sa liberté qui est le sel de ses vertus, comme la servitude en est la corruption, ne montrent constamment dans notre assemblée que des sentiments vraiment dignes des titres qui les décorent 1
Mais revenons à notre prévôt. Dira-t-on qu'à l'époque où il a rendu ses décrets contre les citoyens des Baux, cette loi ne lui était pas connue au moins dans la forme légale ou officielle ? Mais, Messieurs, c'est ici où tout notre zèle doit s'éveiller, je l'ai déjà dit, le même prévôt a été déjà renvoyé au Châtelet par un de vos décrets; qu'en est-il arrivé ? De nouvelles et plus grandes rigueurs contre un plus grand nombre de ci-
toyens dévoués à la défense et au maintien de la Constitution, que nous construisons ici do-puis dix mois, dans les périls et dans les sueurs. ..
Est-ce donc après l'avoir tant avancée cette belle et heureuse Constitution, qu'on peut se permettre d'insulter encore au vœu public, à la volonté expresse d'une nation entière ? Serait-il donc supportable que lorsque tout ce qui tenait à l'ancien despotisme, a déjà rendu hommage à la révolution qui s'opère sous les auspices mêmes du monarque et dans les purs termes de la raison, plus forte elle seule dans un peuple libre que toutes les armées ; serait-il, dis-je, supportable que Je prévôt de Marseille pût lui seul manquer à cette assemblée en bravant ses décrets parce qu'il n'a pas plu au pouvoir exécutif de les accréditer ? Non, Messieurs, cet exemple est trop conséquent, les torts de ce prévôt sont trop grands, trop répétés envers nous, et trop criants envers le peuple, envers les bons citoyens, nos amis et nos défenseurs, pour que vous ne preniez, cette fois, dans votre sagesse, une délibération qui sauve de l'avilissement et de l'abus, l'honneur de vos décrets et surtout l'autorité des lois que vous faites contre les oppresseurs de l'innocence et les ennemis de la liberté publique !
Que dans ce temps où tous les actes d'autorité arbitraire ou inquisitoire sont proscrits à jamais, on fasse donc un décret contre le prévôt de Marseille, qui, pour sa justice et sa nécessité, force à son exécution tous les agents du pouvoir exécutif! Inutilement et captieusement, l'on dirait que c'est en ce moment 1e seul débris de la force judiciaire nécessaire à la tranquillité publique, dès que ce tribunal ne tourne qu'au trouble et à la consternation des villes et des campagnes, dès qu'il n'est dirigé que vers ceux d'entre les citoyens qui professent nos décrets, ce n'est plus qu'un fléau et plus terrible encore sous le masque des lois que l'anarchie même qui les viole! Sous ce prétexte, le prévôt de Marseille trouve partout des criminels, et nulle part son incompétence ; il flatte ou favorise impunément les hauts partisans de l'ancien régime , c'est-à-dire tous ceux qui ont un intérêt personnel à en perpétuer les abus , comme on l'a très bien observé dans la relation, et comme cette assemblée en a plus d'une preuve, dans les causes qui y ont été portées; car, Messieurs, vous y avez vu à peu près les mêmes efforts, en quelques endroits les mêmes injustices, soit sous la forme de procédures ou autrement, pour écarter des administrations nouvelles les amis de la Constitution, et tous ceux dont elle attend du secours pour son maintien et son exécution. Nous avons vu aussi dans la cause du procureur du roi de Falaise, avec quel intérêt cette assemblée a condamné les oppresseurs de la liberté, dans les opinions et les suffrages plus nécessaires encore dans les assemblées élémentaires que dans l'assemblée même de la nation ; c'est donc le cas et bien plus favorable des citoyens des Baux, qu'on a voulu empêcher , par tous les moyens, de s'assembler, et que l'on cherche maintenant à punir, parce qu'ils l'ont fait, et de la manière la plus sage, la plus raisonnable et la pins utile pour lanation même: elle leur doit donc plus de justice encore, et ils nous la demandent, ces bons et honnêtes citoyens, tous pères de famille, tous possesseurs de biens en cadastrés et taillables ; ils nous la demandent, cette justice, les uns du fond de leurs cachots, les autres du fond de leur exil, et moi,
leur représentant, j'ose, après notre décret du 2 de ce mois, vous en supplier dans la forme d'un décret nouveau, dont voici le projet :
« L'Assemblée nationale, considérant que le conseil général de tous pères de famille, tenu dans l'Eglise de Maussanne au terroir des Baux en Provence, le 26 décembre et jours suivants, n'a rien eu que de légitime dans sa forme et dans ses causes; elle a ajourné la demande de sa sanction pour les délibérations qui y ont été prises, au temps où le comité des domaines sera prêt de faire son rapport à l'Assemblée sur la réunion au domaine du roi ou de la nation, de la ville des Baux et de son territoire, les choses demeurant jusqu'alors en l'état.
« Et pour les nouveaux attentats commis par Je même prévôt, et le procureur du roi en son tribunal, envers les décrets de l'Assemblée nationale, contre son vœu à eux bien connu, contre la liberté des citoyens de la ville des Baux et son terrain, qui, au lieu de devenir ses justiciables par leur conduite, n'ont fait que mériter par elle de la patrie. L'Assemblée nationale en déclarant à cet égard la procédure dudit prévôt, nulle et sans effet, a décrété que cette procédure serait déférée au Châtelet, pour y être donné contre ledit prévôt et le procureur du roi en son tribunal, toutes les suites justes et nécessaires; et attendu l'urgence du cas, l'Assemblée nationale ordonne que son président se retirera, dès après la présente séance aevers le roi pour qu'il donne les ordres nécessaires pour la plus prompte exécution du présent décret, d'autant que s'agissant du cours de la justice contre les tribunaux, valablement constitués par l'Assemblée nationale, l'intention de Sa Majesté ne sera jamais qu'elle soit ni qu'elle puisse être, sous aucun prétexte interrompue; et à cet effet ledit sieur Durand de Maillane demande à l'Assemblée qu'elle veuille bien ainsi le décréter ou renvoyer le décret pour cet objet à tel jour qu'il lui plaira de fixer. »
Addition ou rapport en défense dans la cause du peuple des Baux contre le prévôt de Marseille, par M. Durand de Maillane, député de la sénéchaussée d'Arles.
Dans le cours et sur la fin de l'impression du rapport en défense sont survenues de nouvelles pièces et de nouvelles instructions, elles achèvent de convaincre que de toutes les procédures du prévôt, il n'en est point qui le mettra plus à découvert que la procédure des Baux. L'incompétence notoire est le moindre de ses torts; on en jugera par les actes qui ont suivi les captures scandaleuses du 23 au 24 janvier. On a appris que cette capture qui aurait pu être empêchée, au moins en recausse par un seul mot de M. de Ser-vane dont un peuple de six mille âmes n'attendait que les ordres, s'est faite et s'est exécutée contre les lois, et toute bienséance en présence des parties civiles et des dénonciateurs. La milice nationale de Tarascon, fiêre de sa honteuse victoire et appuyée des dragons de Lorraine, n'a cessé après cette capture d'insulter à la garde nationale des Baux, jusqu'à lui faire mettre à bas le pouf ou à l'exiger, ce qui dans un pays moins bien conduit, et il ne l'était que par les décrétés du fort Saint-Jean, aurait été le signal d'une guerre civile; mais quand un peuple n'est que vertueux, il n'oppose aux excès que sa surprise et sa douleur sans oublier les voies de la justice, qui, heureusement sont aujourd'hui très favorables aux opprimés
dans l'Assemblée nationale. S'il en est aussi qui soit digne de sa protection et de son zèle pour le règne de la justice et de la liberté, qu'on ne doit jamais séparer, c'est le peuple qui se comporte et qui parle comme on va l'entendre dans la pièce suivante déjà connue par celles qui précèdent.
Extrait des registres des délibérations des conseils de cette communauté des Baux.
L'an mil-sepl-cent-quatre-vingt-dix et ie vingt-quatre du mois de janvier, jour de saint dimanche à l'issue des vêpres de la paroisse Sainte-Croix de Maussanne, terroir de la ville des Baux, par-devant nous Jean Bassac, consul de ia communauté de cette ville, le présent conseil général a été assemblé, après avoir été convoqué par lettre circulaire, son de trompe, affiches et cris pubiies par tous les lieux et carrefours accoutumés de cette dite ville et son terroir; MM. Jean Vauchon, conseiller du Boi, juge capitaine Viguier et lieutenant des soumissions au siège de cette dite ville, autorisant; auquel conseil ont assisté, M. Bassac, Consul, et les sieurs, etc. etc., au nombre de plus de trois cents.
Le conseil général ainsi assemblé, M. Bassac, consul, portant la parole a dit i « Messieurs, les motifs les plus intéressants m'ont engagé à vous rassembler aujourd'hui, et à donner à ce conseil, par la présence de la commune entière réunie, la plus grande force qu'il puisse avoir.
Il s'agit de deux objets majeurs; le premier intéresse la France entière dont nous faisons partie, il s'agit de donner dans ces circonstances critiques et fâcheuses, des marques de notre zèle envers les augustes représentants de la nation et envers un roi restaurateur de la liberté française, et digne de notre amour.
Tirons un rideau sur nos infortunes, ne regardons la perte entière de nos oliviers, seul et unique produit de nos terres, que comme un malheur personnel et non pas comme un prétexte qui doive retenir le zèle sans bornes dont tout cœur vraiment français doit être animé pour le bonheur de la patrie; vous ne pouvez donner la déclaration du quart de vos revenus, puisque ces revenus entiers pour cette ville n'existent plus et peut-être pour longues années, puisque vous êtes obligés d'avoir recours à des secours étrangers, n'en pouvant pas tirer de vos propres fonds, pour faire valoir les fonds mêmes.
En faisant cette déclaration sur laquelle il nous est impossible de départir une quotité fixe, ne calculez plus vos revenus, faites des offrandes volontaires, et donnez à connaître que vous oubliez vos propres malheurs pour ne songer qu'aux besoins de l'Etat.
En conséquence, mon avis est qu'il soit nommé des commissaires dans les différents districts de la ville des Baux et son terroir, pour recevoir ia déclaration de chaque citoyen possédant biens, ainsi que de ceux à qui le commerce ou d'autres professions industrieuses procure des moyens pour que, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, concernant la déclaration du quart des revenus, et à la lettre qui nous a été adressée à ce sujet, par MM. les procureurs syndics de la commune de Provence, ladite imposition soit payée par chaque classe de citoyen formant la commune de la ville des Baux et des différents villages et districts de ce terroir.
Le second motif, Messieurs, qui nous rassemble, n'est pas moins intéressant que le premier. Mon
cœur est pénétré de tristesse et toutes les facultés de mon âme sont comme démenties en voyant à quel degré d'horreur et de méchanceté la perversité du cœur humain est capable de se porter.
Vous savez que les ennemis du bien public et de la révolution qui s'est opérée dans cette communauté sous notre consultât, nous poursuivent avec un acharnement qui n'a pas d'exemple depuis le jour que nous eûmes égard à la juste réclamation que les habitants des quatre paroisses du terroir de cette ville des Baux nous faisaient depuis quatre mois, et que nous convoquâmes le conseil général qui était l'unique objet de leur dessein et de leurs besoins les plus urgents.
Eh bien, Messieurs, des ennemis de l'Etat n'ont pas cessé un instant de nous dénigrer et de nous calomnier dans toutes les villes voisines; ils ont pris à tâche de noircir les démarches les plus pures, et de substituer des émeutes et dés séditions, là où il n'y a eu que du calme, de la tranquillité et des délibérations prises légalement sous notre présidence et sous l'autorisation de M. le juge viguier de cette ville.
Ils ont osé avancer en fait, que dans cette contrée tout était dans la plus grande désolation, qu'une division intestine souffle de toutes parts la rage et le carnage, et que les habitants n'avaient que des idées de feu et de sang, tandis que tous les jours, depuis cette époque heureuse, ont été des jours sereins, de paix, d'union et de concorde.
Enfin, Messieurs, les calomniateurs ont mis tant d'art et tant d'intrigues en débitant leurs horreurs, ils ont joué si bien et si fréquemment le rôle d'opprimés, qu'ils sont parvenus à en imposer à beaucoup de gens dans les villes voisines, Arles, Tarascon, Saint-Remy, Eyguierel, Salon.
Mais ils ne se sont pas bornés là. Dés qu'ils ont vu un certain nombre de voix se joindre aux leurs pour propager leur mauvais dessein, ils ont employé tout ce qu'il leur restait de force pour pousser leurs cris et se faire entendre de monseigneur le comte de Garaman, commandant de cette province, auprès de qui ils ont employé tous les moyens imaginables pour surprendre et obtenir de lui un ordre pour faire marcher des dragons et autres troupes à ses ordres dans cette ville des Baux et son terroir, à l'effet sans doute de troubler la paix qui régnait, et de faire souffler de tous côtés le feu de la discorde.
Je n'exagère rien, Messieurs ; l'ordre demandé fut obtenu, et déjà des boulangers du district de Manniès ayant été prévenus, avaient fait cuire une quantité de pain suffisante pour les troupes qu'on attendait tous les jours dans ce terroir; mais cependant, mieux réfléchis, les ennemis du bien public sentant combien ils resteraient à découvert, d'avoir demandé et obtenu un ordre pour apaiser des séditions qui étaient encore dans le néant, et qu'ils seraient peut-être responsables de tous les fâcheux événements quece même ordre pouvait occasionner, ils ont eu recours et sont parvenus à force d'intrigues et de màchines à exciter MM. les gens du roi de la prévôté de Marseille pour rendre plainte sur des êtres de raison, sur des émeutes et des séditions; fantômes qui n'ont jamais existé dans cette ville des Baux et son territoire, que sur les lèvres de ces vils imposteurs.
Et déjà un grand nombre de témoins affldés, la plupart soudoyés et ayant presque tous refusé de se faire inscrire dans la garde nationale, formée par la délibération du Conseil général de la commune de cette ville des Baux, ont été entendus; déjà plusieurs décrets sont intervenus, même des
décrets de prise au corps contre des citoyens honnêtes et patriotes de cette ville, décrets qui ont déjà eu leur exécution, et encore plusieurs décrets d'ajournement entre M. le juge et viguier de cette-ville qui lui a été signifié, dans la séance du présent Conseil général et icelle tenant dans l'église paroissiale du dit Manssaune, par Vauis cavalier de ladite maréchaussée de résidence à Arles.
Les décrétés de prise au corps sont MM. Le Blanc deServane et Jean-André Deviez, notaire. Ces deux décrets ont été exécutés ce matin avec tout l'appareil militaire des cavaliers de maréchaussée, détachement de dragons, milice nationale de Tarascon, tout a été mis en jeu. C'était environ trois heures du matin, les décrétés n'ont fait aucune résistance, et cependant l'on s'est permis des dégâts affreux dans le château de Servane : la plupart des portes et des fenêtres ont été brisées. Pareil dégât a été commis dans l'intérieur de la maison, où l'on a pillé ce qui est tombé sous la main des troupes qui ont pu s'introduire dans ledit château. Tant de manœuvres, toutes plus révoltantes les unes que les autres, nous ont tout à la fois causé la plus grande sollicitude et la plus grande indignation.
Plusieurs soldats de la garde nationale de la ville de jTarascon, qui composait le détachement qui est venu mettre à exécution les deux décrets de prise au corps, contre MM. de Servane et Deviez, se sont portés à des excès contre divers particuliers de Manniès ; ils ont exigé, les armes à la main, qu'ils missent à bas leurs poufs, à quoi ils ont satisfait dans la seule vue d'éviter une émeute, quoique lesditespersonnes eussent ie droit de le porter étant de la garde nationale dudit Mauviès.
J'oubliais de vous dire, Messieurs, que pour prévenir les sinistres effets de procédure criminelle qui se prend à Marseille par-devant M. le prévôt, et dont j'ai fait mention ci-dévant, j'avais cru qu'il était de mon devoir, en ma qualité de consul, et de ma conscience de déclarer au tribunal de la prévôté qu'il n'y avait jamais eu l'ombre d'émeute et de sédition dans la ville des Baux et son territoire; que tout ce qui s'était passé y avait été fait de mon pur mouvement, fondé sur la seule justice des réclamations à nous faites; que le calme, laconcorde et l'union n'avaient cesséde régner; et que d'ailleurs le procès-verbal des délibérations prises dans les diverses séances du conseil général avait été envoyé à l'auguste Assemblée nationale, et qu'elle seule doit délibérer de leur mérite et de tout ce qui peut y avoir rapport directement ou indirectement.
Aujourd'hui, Messieurs, nous venons renouveler au milieu de vous, en présence du cdnseil général ici assemblé, la déclaration qui a été signifiée en notre nom, au tribunal de la justice prévôtale séant à Marseille, à laquelle déclaration nous ajoutons, en tant que de besoin, que nous n'aurions pas manqué de faire publier la loi martiale et arboré le drapeau rouge, si nous nous étions aperçu du moindre mouvement qui pût tendre à quelque attroupement séditieux, que nous aurions préféré de prendre ce parti comme plus conforme au décret de l'Assemblée nationale, et bien plus propre et plus prompt à dissiper l'orage qui nous aurait menacé, que d'aller recourir aux marches d'une procédure prise à quatorze heures- de distance ae la ville où le prétendu délit a été commis.
La première proposition, le conseil l'a adoptée et a nommé pour commissaires pour recevoir les déclarations; savoir pour la ville des Baux
M® Jacques Porcellet, greffier ; pour la paroisse de Mauviès, M* Bassac, consul, et sieur Jean Disnard, pour la paroisse de Maussanne, sieur Barthélémy Bartagnon, et Me Jacques Blanc, notaire; et pour la paroisse du Paradon, sieurs Antoine Poulet, Menager, fils à feu Honnoré et Jean Boyer.
stw la seconde proposition, le conseil a unanimement approuvé la conduite de M. Bassac, consul, au sujet de la démarche qu'il a faite auprès de la prévôté de Marseille, attendu qu'il n'a jamais existé et qu'il n'existe pas encore dans le moment actuel aucune émeute ni sédition dans la ville des Baux et son terroir ; que ce ne peut être que des ennemis du hien public qui aient pu ourdir une trame aussi odieuse.
En conséquence, il a été unanimement délibéré que M. Manson de Saint-Roman et Meraut seraient priés de partir incessamment pour Paris, et se rendre auprès de l'auguste Assemblée nationale, pour lui rendre compte de ce qui s'est passé, soit avant, soit après les diverses séances du conseil général de cette communauté, et les motifs qui ont porté les habitants à en solliciter la tenue, et notamment instruire ladite Assemblée nationale de la procédure qui se prehd devant la prévôté de Marseille, contre des citoyens honnêtes qui se sont sacrifiés pour la patrie et pour le bien public, et dans le cas où l'un de ces dits Messieurs dé Saint-Roman et Meraut fussent malades ou empêchés, l'un des deux fera pour tous. Les frais de ladite députation seront payés par cette communauté, sur le rôle que fourniront lesdits sieurs députés.
Arrêté de plus que la commune prendra le fait et cause des accusés, et qu'elle interviendra dans le procès devant tel tribunal qu'il soit porté, lequel arrêté a été ainsi pris unanimement.
Arrêté de plus, à l'unanimité des suffrages, que dès aujourd'hui tous les honoraires que la communauté paie aux différents maîtres d'école de la ville des Baux et son territoire seront et demeureront supprimés et abolis.
Arrêté encore que le conseil permanent sera ajourné à mardi prochain 26 du courant, à dix heures du matin, dans la maison curiale Sainte-Croix de Maussanne.
Et plus n'a été procédé, s'étant M. Bassard, consul, soussigné, avec tous ceux qui ont su ou voulu signer, et nous secrétaire subrogé, M. le juge n'ayant pas signé, attendu la signification dû décret d'ajournement, qui lui a été signifié dans la présente séance, ayant dès lors cessé d'autoriser ledit conseil. M. Bassard, consul l'ayant présidé et autorisé à sa place, à la réquisition de la commune, lecture faite de tout ce dessus par ledit secrétaire subrogé, Bassac, consul, Manson de Saint-Roman, Gay, Armand Louis Allaise, etc. etc., et Parcellet greffier subrogé. Ainsi signé à l'original, collationné sur l'original par moi greffier subrogé de cette communauté. Soussigné Parcellet, greffier subrogé.
Nous, François Louis Pittoye, seigneur de Mail-lane, conseiller du roi, juge royal et ordinaire de cette ville de Saint Remy, premier capitaine viguier, certifions que M® Parcellet, greffier subrogé de la communauté de la ville des Baux, est tel qu'il se qualifie et que la signature qu'il a apposée, en exjDédiant l'extrait ci-devant, est véritablement la sienne et que foi doit y être ajoutée, en cette qualité, tant en jugement que dehors ; ce que nous attestons comme 1e plus prochain juge royal attendu l'empêcbemënt dù
juge des Baux. En foi de quoi nous avons expédié le présent que nous avons signé et fait contresigner par notre greffier, qui y a apposé le sceau et armes de cette iurisdition. A Saint-Remy, ce 25 janvier 1790; signé Pittoye de Maillane : par nous dit sieur juge royal, Lëfranc, greffier.
On n'aurait su envoyer de la ville des Baux, pour l'instruction de l'Assemblée nationale, une pièce plus digne d'elle.
C'est là, Messieurs, que vous voyez, dans la forme la moins suspecte la vérité des faits sur lesquels vous avez à prononcer. Rien, ce semble, ne nous reste à savoir pour reconnaître toute l'iniquité de la procédure prévôtale qui s'est prise, et qui continue à se prendre contre l'une des communes de France les plus sages et les mieux remplies de notre esprit, de cet esprit de sagesse et d'ordre qui a toujours accompagné notre patriotisme et qui éclate singulièrement dans tous nos décrets. Celui qui vient d'être proclamé par le roi, le 3 de ce mois, paraît en ce moment fort à propos pour rassurer d'une part les habitants de la ville et du terrain des Baux sur l'établissement de leur comité substitué à l'administration du sieur Aymé, premier consul, toute dévouée aux ennemis de la constitution, ou toute contraire à ses principes ; et de l'autre cette loi va ôter au prévôt de Marseille jusqu'à la couleur même des anciennes irrégularités dont le prétexte lui suffisait pour justifier, que dis-je, pour fonder ses barbares procédures.
Il est bien certain que quand même l'éloigne-ment du premier consul, ordonné par le conseil général du 26 décembre et jours suivants, pourrait être encore allégué comme irrégulier, jamais le prévôt de Marseille, si étendue que fût son attribution, n'en aurait pu légalement connaître; jamais un pareil acte ne* saurait être pris pour un cas prévôtal, et il a été canonisé par l'Assemblée nationale, jusqu'à confier à tous les comités des communes, établis par le vœu général, l'exécution de ses plus précieux décrets concernant la nouvelle organisation. En voici les termes : « Duns tous les cas où les comités librement élus par la commune, remplissent les fonctions municipales, conjointement avec les anciennes municipalités, les opérations relatives à l'exécution du décret de l'Assemblée sur la formation des municipaliîés nouvelles, par nous accepté, seront faites par les officiers municipaux et les comités conjointement dans les lieux où d'anciennes municipalités électives et non électives sont restées en possession des fonctions municipales, quoique des comités élUs librement s'y soient établis; elles procéderont aussi à l'exécution de nos lettres patentes, concernant les nouvelles municipalités, conjointement avec les comités librement élus. Dans tout autre cas, les comités élus librement seront chargés seuls de l'exécution de nos lettres patentes relatives aux municipalités. »
Les prochaines assemblées et élections municipales he peuvent, aux termes de cette loi, se faire que par l'organe ou le concours des comités permanents. Or, après l'instruction qu'on vient de lire, on demande s'il peut se trouver dans le royaume un de ces comités plus digue, plus capable de cette importante opération? Si l'on peut même douter que le comité de la ville des Bau£ ne soit dans le cas d'y procéder seul avec le second consul, à l'exclusion du premier, que le peuple lui-même a écarté, et ai i, dans ce moment, s'il ne peut être compté parmi les dénonciateurs de tant
de décrétés prévôtalement, il ne saurait manquer d'être leur partisan ou leur conseil.
D'autre part, le décret que nous avons déjà rapporté et qui renvoie aux juges des lieux la connaissance de toutes les espèces :de cas et de délits quelconques, sauf à renvoyer les crimes de lèse-nation au Châtelet de Paris ; ce décret, dis-je, permet-il encore, de douter que le prévôt de Marseille n'ait attenté tout à la fois et à l'autorité de la nation et aux droits du juge des Baux ?
Ce magistrat, vraiment digne de ce nom, par son patriotisme et sa modération, reçoit la signification de son décret d'ajournement personnel dans l'exercice même de ses fonctions : sedente pro tribunali, dans une église, il aurait pu sans doute, lui-même et lui seul, venger et punir sur l'heure le violateur du temple doublement sacré, où il a osé affronter tout à la fois le peuple et son juge, et son conçu! et son Dieu même : il en sort triomphant et il triomphe encore, puisque M. Bouchon, juge des Baux, n'a pas même osé prendre sur lui de signer les délibérations du conseil qu'il présidait, ni même en légaliser l'expédition.
Et M. Je prévôt poursuit et veut punir le peuple des, Baux, comme un peuple rebelle ! En vérité, sa procédure destinée dans ses vues étranges à punir des séditieux, ne montre dans tous ses actes^ comme dans son caractère, que le dessein d'ep. faire naître, en provoquant elle-même les séditions. Car à quoi tenait le massacre de cet audacieux cavalier au milieu d'une pareille assemblée? Ces 400 pères de famille, tous possédant .biens encadastrés, se bornent à faire leur devoir et préfèrent d'être poursuivis par M. le prévôt comme des brigands !
Une garde nationale qui met bas sa double cocarde devant la milice de Tarascon, environnée de dragons, on la traite et on la poursuit prévôtalement comme un rama^ de brigands!
Cette garde nationale de Mauviès étiiit aux ordres de M. de Servane, qui, par un seul mot, ou un seul billet, l'aurait mise en fureur; il se tait, il souffre la capture de son fils et la sienne, le pillage de son château, la fausse-couche de sq, femme, les effrois mortels de sa demoiselle qu'on aurait dû respecter, et qu'on touche par des baïonnettes ; il n'use enfin d'aucune défense, ce qui est pour tout un peuple de 6000 âmes une loi, par l'exemple ; et M. le prévôt de Marseille traite cet ancien magistrat au parlement d'Aix, animé du plus beau, du plus pur patriotisme, de mauvais citoyen, de fauteur de troubles, de boute-feux» etc. etc.,
Ah ! Messieurs, je regarde comme inutile d'ajouter à ces récits, ét je crois devoir ménager votre sensibilité, pour ne pas troubler votre justice, mais je ne puis ne pas joindre à ce tableau un tableau que la nature et l'innocence concourent à rendre attendrissant pour des juges qui sont pères. C'est l'adresse envoyée par M. de Servane fils, du fond, de sa prison à MM. les prévôts et au procureur du roi en sa prévôté.
« Â Messieurs les grand prévôt et procureur du roi delà prévôté de la maréchaussée de Provence.
« Messieurs, ; qu'il me soit permis de mettre sous vos yeux que je suis sous la puissance paternelle, que je ne possède aucuns biens, ni charges dans la communauté des Baux, que par conséquent toutes les affaires me sont étrangères, j « J'ai été admis dans la garde nationale, lors de sa formation, ,par MM. les consuls; je n'ai voulu accepter aucun grade que celui de simple soldat ; j'ai toujours été commandé par mes offi-
ciers. Quant aux dépositions que je viens d'entendre par la lecture du procès-verbal de la procédure faite contre moi, je les nie toutes, les déclarant fausses et calomnieuses, me réservant d'en tirer une juste vengeance et de prendre à partie mes dénonciateurs. Je m'en rapporte, Messieurs, entièrement à là déclaration que M. Bassac, consul en chef, vous fit signifier il y a eu mardi huit jours, elle seule doit faire tomber toutes prétendues émeutes et séditions qu'on prétend avoir eu lieu dans la ville des Baux et son terroir; elles n'ont jamais existé que dans la bouche de mes dénonciateurs. Je vous déclare, Messieurs, que je ne connais d'autre tribunal que celui de l'auguste Assemblée nationale; que je proteste contre tout ce qui pourra se faire dans tout autre que celui des représentants de la nation, comme étant nanti depuis longtemps de toutes les pièces justificatives qui ont rapport aux affaires de la ville des Baux et son terroir, et a signé Le Blanc de Servane.
« Le soussigné requiert Messieurs le grand prévôt et le procureur du roi de la prévôté de faire transcrire son dire et protestation dans le procès-verbal de la procédure qui sera paraphé par eux et les deux adjoints. »
Voici la déclaration du conseil des Baux signifié au Prévôt avant l'époque de ses décrets ou de leur exécution, et à laquelle se réfère l'adresse de M. de Servane fils.
« Nous, Jean Bassac, consul de la ville des Baux disons que le vingtrdeuxdécembredernier, devant y avoir un conseil ordinaire aux Baux, où est l'Bôtel-de-Ville, M. Le Blanc de Servane vint m'inviter d'y monter, sous l'offre de m'escorter avec sa compagnie de garde nationale, à laquelle se joignirent d'autres compagnies des districts de Maussanne et du Panadan, et qu'ayant accepté son offre, je me rendis aux Baux où n'ayant pas trouvé M. Ayme mon collègue, ni aucun autre conseiller, je me bornai à convoquer le conseil général de tous chefs de famille de ce terroir, qui depuis quatre mois était le noeud de la majeure partie des habitants, conformément aux ordres de M. d^André, commissaire du roi, par sa lettre à nous écrite en date du 3 novembre dernier. Cette opération finie, je me remis en marche pour retourner chez moi à Mauviès où je fus encore escorté par la même garde nationale; qui en sortant de la ville, lui fit un signe d'honneur, une salve de coups de fusil, et qui me rendit des honneurs qui n'eussent pas même été dus à ma place, Le 26 du mois de décembre, que j'avais fixé pour la tenue du conseil général étant arrivé, je me rendis sous l!escorte de toute la garde nationale du terroir, et en cérémonie, dans l'église Sainte-Croix de Maussane, lieu destiné par la lettre circulaire, pour la tenue dudit conseil général, qui eut lieu sous ma présidence et sous l'autorisation de M. le juge et viguier au siège de cette ville ; mais comme il m'est revenu que des personnes mal intentionnées, avaient qualifié de sédition, ce qui se passa tant dans la tenue dudit conseil général, qui a paisiblement été tenu durant quatre séances, que le jour que je montai aux Baux pour en faire la convocation, et même que l'on informe devant la juridiction prévôtale de cette province, contre les prétendus auteurs, fauteurs et complices de ladite sédition, qui n'a jamais existé* nous croyons qu'il est du devoir de notre place et de notre conscience de détruire par la présente déclaration, les calomnies qui se sont répandues mal à propos et sans doute par des personnes mal intentionnées au sujet de ces événements et des
postérieurs, qui tous se sont passés à notre satisfaction. Et, en conséquence, nous
doutions pouvoir à tout officier public de mettre ce que dessus eu nature et en notre nom à
tous qu'il appartiendra et de leur déclarer que le procès-verbal du conseil général, ensuite
de la délibération d'i-celui, a été mis sous les yeux de l'Assemblée nationale, qui au moyen
de ce, Se trouve nantie de de la décision de tout ce qui a trait au susdit conseil général.
En foi de ce, et pour la vérité être telle, nous nous sommes soussignés à Mau-viès-les-Baux,
le
« L'an 1790 et 19 janvier, nous, huissier royal au siège
et sénéchaussée de cette ville de Marseille, y demeurant, soussigné, à la requête de sieur
Jean Bassac, consul de la ville des Baux, qui fait élection de domicile en cette ville de
Marseille, pour le temps de l'ordonnance seulement au bureau de nous, huissier dans le
Palais-Royal, avons intimé et signifié le verbal ci-dessus et tout soutenu à M. de
Bournissac, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, grand prévôt de la
maréchaussée de Provence, actuellement en cette ville, en la personne de son greffier et à
M. Laget, avocat en la cour et procureur dudit M. de Bournissac, grand Prévôt, aux fins
qu'ils n'en ignorent avec due communication, nous leur avons donné à chacun copie dudit
verbal et du présent exploit en parlant pour ledit M. de Bournissac, à la personne du sieur
Dubout, son greffier, et à la personne dudit M® Laget, en leurs domiciles en cette ville
après-midi. Signé Gravier. Contrôlé à Marseille/le
Deux jours1 après, M. de Servane père fit signifier auxdits sieurs grand-prévôt et procureur du roi, un pareil acte en explication et déclaration des circonstances-dans lesquelles la garde nationale des Baux fut employée à la mise de scellés aux papiers du sieur Manson, agent du seigneur, pour prévenir, s'il était encore possible, toute méprise à cet égard; mais n'est pire sourd que qui ne veut pas entendre. Cet acte fut signifié à ces officiers le 21 janvier, dans la nuit du 23 au 24. M. de Servane et son fils furent enlevés de la manière dont on est trop:instruit; on sait aussi par la première partie de ce rapport par quel titre et en quelle forme légitime la garde nationale investit la maison du sieur Manson, agent du seigneur; ce ne fut point pour attenter à sa personne ni à ses propriétés que le conseil général lui-même avait dit être sous la sauvegarde de la loi, ce fut pour s'assurer des papiers nécessaires aux vues sages et utiles, même pour le Trésor public, que ce conseil a eues dans ses ' élibérationa
Des lettres particulières nous ont appris que M. le prévôt de Marseille nomme ledit sieur Manson, agent du seigneur, pour un desdits dénonciateurs et moteurs de la procédure. Elles portent aussi que M. de Servane père a profité des facilités qu'on lui a données, avec ou sans dessein, pour son évasion dans sa traduction des Baux a Marseille ; et certainement ce bon patriote n'a pas plus abusé de sa liberté que de celle qu'il jouissait avant sa capture, pour exciter ses amis ni la garde nationale contre ses pèrsécuteurs. il attend toute justice et toute suffisante réparation de l'Assemblée nationale, investie de sa cause en qui il a dû mettre une entière confiance. M. son fils est, dit-on, traité dans le fort Saint-Jean avec distinction de ses concitoyens emprisonnés comme lui dans le même lieu. Certainement on ne sau-
rait trop adoucir, trop honorer même la détention de ce jeune défenseur de la liberté française; mais je le voudrais par un motif qui fît plus d'honneur au zèle de son juge pour la nouvelle constitution et particulièrement pour ceux de ses décrets, qui ordonnent de laisser désormais à la porte du palais toutes les distinctions entre ceux qui y sont mis ou attirés pour y demander ou recevoir par les mêmes droits, par les mêmes lois, la même justice. Au surplus, voici comment s'expriment aussi les mêmes lettres sur la forme publique de la justice prévôtale : « La justice de ce prévôt n'a que le nom de public; il tient les audiences dans une très petite chambre du fort Saint-Jean; entouré lui-même de sentinelles, la chambre est pleine de fusiliers et de cavaliers, de sorte que très peu de spectateurs s'y rendent, à cause des diverses sentinelles qui se trouvent à chaque pas dans le fort. Les prisonniers sont traités avec une inhumanité révoltante; ils sont confondus avec une foule de pouilleux et de mauvais sujets, à l'exception de M. de Servane, qui est seul dans son appartement. »
11 serait digne de M. de Servane fils et de la noble cause de son emprisonnement d'en partager les incommodités avec des concitoyens; des incommodités pareilles à celles dont il vient d'être parlé peuvent aujourd'hui, après les nouveaux décrets de cette Assemblée, concourir avec la sûreté des prisonniers présumés innocents jusqu'à leur condamnation ; il aurait été aussi, pour la même raison, plus digne pour M. de Servane père, de ne pas opposer, en s'évadant tout seul, la résistance à l'oppression; il est souverainement digne de l'Assemblée nationale de faire triompher au plus tôt les uns et les autres de leurs oppresseurs, parmi lesquels je me vois obligé de comprendre la garde nationale de Tarascon.
Les intérêts suprêmes de la nation imposent à tous ses représentants le devoir rigoureux de s'élever, même contre leurs commettants, s'ils ont le malheur de les combattre ou de les blesser; et je ne puis me dissimuler que la garde nationale de Tarascon n'ait participé aux torts du prévôt de Marseille, en se prêtant à l'exécution de ses décrets, et de quelle manière ! envers des citoyens qui avaient bien mérité de leur patrie et qui leur étaient étrangers 1 Ce qui est remarquable, car rien ne démontre comme cette histoire que les ennemis de la Révolution trouvent en Provence plus de faveur que nulle part dans les machinations qu'ils forment contre elle; ils sont parvenus à prévenir contre le peuple des Baux, contre ce peuple sage dans tout ce qu'il a dit, dans tout ce qu'il a fait pendant quatre mois, d'une patience admirable, le peuple même des villes voisines, où l'on ne soupire en général qu'après le succès de nos efforts ; c'est un témoignage que je dois en particulier aux deux villes de Tarascon et de Saint-Remy, voisines des Baux; elles ont été les premières à envoyer, dès le commencement du mois de juillet, leur adhésion à nos heureux décrets des 17,20 et 23 juin; et cependant voilà que la milice bourgeoise, non de Saint-Remy, mais de Tarascon, se prête elle-même à la vexation envers les citoyens des Baux, et de quel ordre et par quel pouvoir?
J'ai établi que la garde nationale n'étant sous aucun commandement militaire ni judiciaire, celle de Tarascon n'avait eu aucun ordre à recevoir ou à exécuter sur le terroir des Baux, ni de la part de M. de Caraman, ni de la part de M. de Bournissac; elle n'est qu'aux ordres de sa propre municipalité, et celle-ci n'a pas pu certainement
l'envoyer au delà de son territoire, et bien moins pour faire les fonctions de recors et de sateiiites envers d'honorables et excellents citoyens.
Ceux-ci ne manqueront pas certainement d'en avoir satisfaction sans coup férir et avec leur sagesse ordinaire, par qui de droit. C'est leur affaire ; mais c'est la mienne de demander à l'Assemblée un décret qui prévienne Un pareil abus de pouvoir armé pour la nation et jamais contre elle ; voilà le projet de ce décret, et par lequel je terminerai cette longue, mais nécessaire instruction :
c L'Assemblée nationale, considérant que la garde nationale n'a été établie et ne doit être conservée que pour la défense des citoyens de la nation, d'après ses principes et ses décrets, en attendant qu'elle ait fixé par une loi générale et uniforme le régime de cette force nouvelle dans l'Etat, elle a décrété et décrète que dans toutes les municipalités du royaume, la garde nationale ne recevra des ordres que des officiers municipaux des lieux, à qui il est défendu de l'employer ailleurs que dans leur propre territoire.»
PRÉSinENCE 0E M. L'ABBÉ 0E MONTESQUIOU.
Séance du er mars 1790
, l'un des anciens secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi soir 27 février.
, Vun des secrétaires, lit le procès-verbal de la séance d'hier dimanche, 28 février.
Le premier de ces procès-verbaux est adopté sans réclamation.
Au sujet du procès-verbal d'hier, des doutes se produisent pour savoir si, dans l'article 8 du décret militaire, on doit lire le 14 juillet ou si c'est au 15 juillet que l'Assemblée a entendu fixer le serment annuel des troupes.
met la question aux voix.
Le procès-verbal est adopté avec Ja date du 14 juillet.
, député d'Orléans, qui ne s'était pas trouvé à la séance du 4 février, est admis à prêter le serment civique.
L'ordre du jour appelle la discussion de l'affaire des colonies.
, président du comité des rapports. Vous avez ajourné à cette séance le rapport de l'affaire de Saint-Domingue et de la Martinique. On nous a remis hier soir, très tard, les pièces que M. de la Luzerne avait annoncées et envoyées. Malgré notre zèle et notre activité, nous n'avons pu en achever le dépouillement, et nous demandons l'ajournement à demain.
demande qu'on fasse sur-le-champ la lecture de ces pièces.
Cette demande est rejetée.
La pétition des négociants de Bordeaux, relative à la traite des noirs, se trouve à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
, député de Lille (IJ. Mes* sieurs, les députés de toutes les villes maritimes du royaume et ceux de Bordeaux en particulier, vous demandent ;
1° Le rétablissement du régime prohibitif dans nos colonies, sans restriction ni modification.
Ils vous demandent en second lieu, qu'il ne soit rien changé dans les habitudes du commerce et des colonies relativement à la traite des noirs et à leur état dans nos îles.
Le premier objet a été profondément discuté en 1765, sous le ministère de M. le duc de Choiseul ; et après avoir épuisé le pour et le contre, il y eut arrêt en juillet 1767, sous le ministère de M. le duc de Praslin, et il fut prononcé que l'étranger serait admis pour la fourniture de diverses denrées, sous la condition cependant que cette fourniture serait faite pour Saint-Domingue, dans le seul port du môle Saint-Nicolas, et pour les îles du Yent, dans celui du Carénage, à Sainte-Lucie.
La même question a reparu sous le ministèrè de M. de Sartmeï On ne fit que répéter ce qui avait été dit dans la discussion de 1767; et le 30 juillet 1784, sous le ministère de M. le maréchal de Castries, le prononcé fut le même, avec cette seule différence que le nombre des articles permis ci-devant fut alors augmenté, avec la commodité pour les colons, d'un port désigné dans chaque île, pour les colonies du Vent, et de plusieurs ports dans l'île de Saint-Domingue.
La décision de 1767 n'avait contenté ni les colons ni ies planteurs ; et celle de 1784 n'eut pas meilleurs succès. Les négociants invoquaient les fameuses lettres-patentes de 1727 ; les planteurs réclamaient la loi plus impérieuse de la nécessité, démontrée par l'impossibilité évidente où était le commerce de la France, de leur fournir à prix raisonnable les denrées dont il s'agissait. Les négociants objectaient le danger de la contrebande, et les planteurs se plaignaient de la très dispendieuse obligation d'aller chercher plus loin ce qu'il eût été si naturel et si juste de leur accorder, dans tous les ports où le roi entretenait des bureaux montés pour la police du commerce dans nos îles ; et c'est ainsi que s'est perpétué le procès qui reparaît aujourd'hui dans cette assemblée.
Je ne me permettrai pas d'examiner si Je3 juges qui vous ont précédés, Messieurs, ont manqué de lumière ou de courage nécessaire contre les cris de l'intérêt particulier;mais dans l'un et dans l'autre cas, j'aperçois d'autant mieux le prix de la circonstance qui soumet la question dont il s'agit au tribunal le plus éclairé et le plus important qui puisse exister dans le royaume; et puisque ce procès est déjà tout instruit, par l'abondance des raisons employées de part et d'autre depuis 25 ans, je crois devoir vous proposer le renvoi de cette grande aflaire à un comité, dans lequel deux ou trois planteurs et autant de négociants ayant été entendus pour la dernière fois, et le rapport du comité fait à l'assemblée, elle pourra prononcer définitivement sur une question que, sans ces grands moyens, il faudrait tenir pour insoluble et interminable.
Quant à la seconde question relative à la traite des noirs et à leur état dans nos îles,
les colons
Ils disent que l'affranchissement est impossible:
1° Parce que, tant que les étrangers, ayant des colonies semblables aux nôtres, auront, pour leur culture, des esclaves dont la main-d'œuvre est, sans comparaison, à plus bas prix que celles des hdihmes libres, il nous sera impossible, après l'affranchissement de nos noirs, ae cultiver en concurrence avec les colonies de l'étranger;
2° Parce qUe, dans cet état de concurrence insoutenable, la France aura fait un sacrifice sans utilité pour les noirs, si l'affranchissement n'a pas été en même temps ordonné dans toutes lès colonies de l'étranger ;
3° Parce que, darts le cas même où cet affranchissement aurait été partout ordonné, la France alirait cependant à considérer que son sacrifice aura été au double et au triple de celui des autres nations, ayant des colonies semblables aux nôtres;
4° Parce que de l'affranchissement ordonné résultera, dans nos îles, nécessité urgente de céder la platie aux noirs, qui, désormais chargés de pourvoir par eux-mêmes à leurs béSoins, en maladie, comme én santé, et à ceux de leùrs enfants, ne tarderont pas, dans cet état de misère réellement augmentée par le triple don d'une liberté saris propriété, de joindre au sentiment de leur ruitie celui de leurs forcés aànS des îles où lé rapport des noirs aux blancs est comme de dix à un, d'bù suivra bientôt la plus infaillible des conjurations: à ihoins qué, miéuX conseillés,les noirs ne se déterminent à passer dans les colonies espagnoles et dans l'Amérique indépendante où de vastes déserts lëur offrent bon refuge, avec grand dofritriage cependant pour le royaume, qui verrait l'horreur de la solitude où naguère étaient des richesses immenses dont la perte fera en même temps disparaître de la France une multitude de sujets du roi, qui n'y existaient et n'y pouvaient exister que par nos colonies;
5° Parce que la France, en satisfaisant au vœU des amis des noirs, sera dânS l'obligation d'ajouter à un sacrifice déjà immense, celui d'une somme effrayante, pour indemniser des colons dépouillés par le fait du gouvernement, à moins qu'on ne prétendît chez les amis des noirs,, qu'ils doivent les protéger, jusqu'à consentir à là ruine des colons; et que la société, qui n'existe que pat* là propriété et pour la propriété, aurait cependant le droit d'attaquer célle des colons, ce qu'ils né soutiendront pas sans doute lorsque nous les aurons priés d'observer :
1° Que les colons n'ont jamais fait le Commerce dës noirs, et que l'esclavage établi dans nos îles est le propre fait du royaume;
2° Que la France a fait encore le monopole de cette marchandise, au grand préjudice des colons, auxquels les nègres de traite française ont été Vehdûs dans tous les temps à prix à peu près double de *elui auquel ils les àuraient achetés à l'étrahger, si la prohibition dans ces îles n'y avait pas toujours été maintenue, jusqu'à prononcer la peine des galères contre les colons, en faveur des marchands d'eclaves de la métropole;
3° Que c'est encore lë gouvernement français qui a joint à ce premier monopole celui de la subsistance des noirs, d'oùs'ëri est suivi leur prodigieuse mortalité, ku grand préjudice de la fortuné dés colons;
4° Que c'est encore lë gouvernement qui a fait
un troisième monopole dans les fruits provenant du travail des noirs;
5° Que les rigueurs du gouvernement contre les noirs et les colons ont été portées jusqu'à s'opposer à l'affranchissement partiel des esclaves, auxquels les colons n'ont jamais pu donner la liberté qu'en payant un prix, au moins égal à la valeur de l'esclave, considéré comme marchandises ;
6° Que c'est encore la métropole qui a reçu presque tout le produit du travail des noirs, par le résultat nécessaire. de ses prohibitions ; que ces fruits du travail des noirs versés dans le royaume ne sont pas au-dessous des six milliards partagés entre les négociants français, depuis l'établissement de nos colonies, sans qu'on puisse montrer des fortunes faites par les colons, si ce n'est en très petit nombre, tandis que nos ports ont, par nos colonies, converti en palais ce qui, n'était avant elles qu'un amas de chaumières.'
D'après cet exposé très simple de faits notoires, nous vous laissons à prononcer, Messieurs, quelle doit être la part des colons et celle de la métropole dans ce tort dénoncé par les Amis des noirs, et quelle devrait être la part des colons et celle de la métropole dans la dépense du redressement de ce tort, si on s'imposait l'effroyable charge de l'indemnité dont il s'agit.
Les colons et les négociants réunis disent enfin qu'il y a nécessité indispensable de continuer la traite, si nous voulons avoir des colonies, puisqu'elles n'ont pas, à beaucoup près, la quantité de noirs nécessaires aux besoins de leur culture ; mais les colons en particulier ajoutent qu'elles ne se recruteront jamais par elles-mêmes, tant qu'elles seront tenues en état de gêne relativement aux subsistances.
D'après ces observations et les nouvelles alarmantes qui sont arrivées récemment de nos co-louies, j'ai l'honneur de vous proposer, Messieurs, de nommer tout de suite un comité qui, après avoir entendu contradictoirement les négociants et les colons, fera à l'Assemblée un rapport d'après lequel elle pourra prononcer définitivement sur l'importante question des lois prohibitives, et décider dans sa sagesse jusqu'à quel point il sera possible de les étendre ou de les mitiger pour la prospérité du commercé de là métropole et le bonheur des colons.
Quant à la suppression de la traite et à l'affranchissement des noirs, comme il y va de la tranquillité des colonies ët peut-être de leur sort, et qu il s'agit de calmer promptement les craintes fondées de toutes les villes maritimes du royaume, dont la fortune est étroitement liée à celle des colons, jai l'honnëur dë proposer à l'Assemblée de déclarer à l'instant mêrbë, par un décret, que son intention n'a jamais été de rien innover à l'égard des colohiés, reconnaissant qu'il est impossible de les soumettre au moins, quant aux noirs, au régime de la France.
Si l'Assemblée se refusait à rendre ce décret, je demande au moins qu'elle prononce sur cette affaire un ajournement indéfini.
il y a une connexité évidente, entre la pétition des négociants de Bordeaux et l'affaire de Saiht-DomingUe dont vous avez ajourné la discussion. Je propose de joindre les deux affaires et de les traiter en même temps.
Je demande que la discussion
continue et qu'il me soit permis de soumettre à l'Assemblée quelques réflexions sur la traite des noirs. (Voy. ci-après, page 768, les réflexions de M. Pellerin, annexées à la séance de ce jour.)
L'affaire dés colonies et celle de la traité des noirs sont tellement liées ensemble, qu'il est impossible de discuter l'une sans parler de l'autre. J'appuie donc la proposition de M. Goupilleau, et jë propose de reprendre immédiatement la discussion du projet dé décret du comité féodal.
Cette prbjtàsition est mise aux voix et adoptée.
Eu conséqUëhcle; la shit'e de la discussion du décret proposé par lié Comité de féodaïilé est Reprise.
, rapporteur-, donne lecture de l'kr-tiele 5.
« Art. 5. Dans les cas où les droits et charges réelles mentionnés dans les deux articles précédents se trouveront excéder le taux qui y ëst indiqué, ils y seront réduits, l'excédent ne devant être considéré que comme la conséquence ou le prix des servitudes personnelles, lesquelles n'étaient pas susceptibles d'indemnité. Seront entièrement supprimés les droits et charges qui ne sont représentatifs que des servitudes purement personnellesi »
, député du Berry. Le premier, devoir du législateur est d'être juste, le second d'être clair. Vous avez étendu la conséquence au delà du principe: la loi n'est,dès lors ni juste,ni claire. Le mainmortable s'appuiera du principe, le seigneur invoquera la conséquence : de là des haines malheureuses,, des procès interminables. —Cet opinant présepte des observations sur les caractères qui .distinguent la mainmorte réelle de la mainmorte personnelle, et la mainmorte mixte de toutes deux, il propose l'article suivant :
« La mainmorte sera censée purement personnelle, et l^s redevances qui la représentent seront abolies sans indemnité, dans les coutumes et seigneuries où elle, s'établissaitci-devant par l'effet de l'habitation dans le territoire desdites coutumes et seigneuries,,à moins qu'il n'apparaisse d'un titre qui prouve qu'elle a, eu>pour origine ia concession d'un ronds. La servitude sera censée réelle ou mixte, et les redevances qui la représentent, serpnt remboursables dans les coutumes et seigneuries pù, les main mortables ; possèdent des héritages qui ne sont pas spumis à la main-mprte; elle, sera pareillement, censée réelle ,ou mixte, ià où les personnes libres possèdent, des héritages mainmortables. »
Le comité sé dispose à fous présenter, après que voué aurez décrété lés divers articles, une instruction qui Contiendra des définitions claires ejt précises.
L'article proposé par M. Thoret est écarté pal-la question préalable.
L'articlê 5 est ensuite déçrétê èn Ces termes S
« Art. 5. Dans lé càs où les droits^ ët charges réelles mentionnés dans lèâ deux articles précédents, se trouveraient excéder ie taux qui y est indiqué, ils y seront réduits, i'ëxcédèrtt ne devant être considéré que comme la conséquence ou le prix de servitudes personnèllës qdi n'étaient pas susceptibles d'indemnité; et. sont entièrement supprimés les droits et cbai-ges. qdi ne sont représentatifs que de servitudes personnelles. »
donne lecture de l'article 6.
prépose d'ajouter ces nîots : a a l'exception des corps d'héritages cédés pour prix de l'affranchissement, et dont les seigneurs ne se seraient point encore mis en possession, et des sommes de deniers échus et non payés. »
On demande la question préalable sur cet amendement.
Elle est mise aux voix et adoptée.
Les articles 6 et 7 sont ensuite mis aûx voix et décrétés en ces termes :
« Art. 6. Seront néanmoins les actes d'affranchissement faits avant l'époque fixée par l'article 22 ci-après, moyennant une somnie de deniers ou^.pourJ'abandon d'un corps d'héritage certain, soit par lés communautés, soit par les particulier, exécutés suivant leur forme et teneur. »
c Art. 7. Toutes lès dispositions ci-dessus concernant la mainmorte, auront également lieu dans le bourbonnais et le Nivernais, pour les tentures én bordèlage ; ét en Brëtagifë, pour les tenures en motte et en quevaise ; èt à l'égard des tenures en domaine congéable, il y sera statué ci-après. »
L'article 8 est lu et soumis à la discussion.
L'article 8 prononce l'abolition dé là taille à vôloiité, ce qui ne peut avoir lieu que dans le cas où il serait prouvé qu'elle n'est pas le prix d'une concession.
(d'Agèn) dit que la taille à volonté, ainsi dué celle aux quatre cas èstréellement personnelle puisqu'elle rte peut se percevoir que lorsque ràmpbitéose reste dans la seigneurie. La taillé aux quatre cas Sé perçoit par le sèigneur : 1° polir lé voyage dë Saint-Jacques ; 2° poUr la croisade ; 3° quand le seigneur est armé chevalier; 4° quand il màtie sa fille.'
demande la consêrvàtiort du drdft dë bourgeoisie, côiilifieressemblant au droit de terrage et de Ghampart, en ce qu'il se p^ie par les usagers eh raison et suivant ia quotité ae l'usage des biens communaux ; il propose de s'en rapporter, à cet égard, à ce qui paraîtra apparent ou probable.
remarque que le droit de bourgeoisie se paie, aU moins dans plusieurs parties de là Lorraine, à raiSbn du domicile et non à raison de l'usage attaché au domicile; il est donc évident que, ce droit .est personnel et compris dans la ptoskriptiod de la servitude ët du dfdit frer-sdnrtel.
L'Assemblée ferme la discussion.
L'article est ensuite mis aux voix et adopté en cé&tefrîiés :
« Art- 8. Les droits de meilleur catel ou morte-main", de taille à volonté, dë taille ou d'indire aux quatre cas, de cas impérieux ét d'aide Seigneurial, àont supprimés sans indemnité. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 9;
propose de donner aux détenteur^ d'héritages assujettis Véritablement à des droits quelconques, la liberté d'abandonner les fonds pour se dispenser d'en payer les charges.
Il est de droit général que tout
détenteur peut abandonner le fonds pour se dispenser d'en payer les charges. S'il existe quelque exception, elle ne peut être fondée que sur une jurisprudence particulière et nouvelle; cette jurisprudence se trouve révoquée par le décret qui autorise le rachat.
Je ferai remarquer que l'interdiction du déguerpissement remonte à un tèmps fort ancien et a été fondée sur la convention portant promesse de ne pas déguerpir ou de fournir et faire valoir. J'appuie la motion d'abolir cette gêne évidemment injuste.
Je demande l'ajournement de cette motion afin que le comité féodal puisse s'en occuper et présenter un décret particulier.
La motion est ajournée.
, député d'Aix, propose d'ajouter feu avant fouage.
demande qu'on ajoute fumée.
Un membre croit que le droit de fumée se trouve compris dans le droit de feu ou de fouage.
fait remarquer qu'il se perçoit dans plusieurs justices un droit de feu, qui n'est pas réduit au nombre des foua-ges, mais qui se paie en raison du nombre des cheminées qui peuvent se trouver dans une même maison, quoiqu'elle soit occupée par une seule famille; il demande, en conséquence, qu'il soit nomément fait mention du droit de fumée ou du droit de cheminée, qui lui paraît plus expressif.
propose d'ajouter l'expression feu mort, qui indique un droit qui se perçoit dans le Bigorre.
Cet amendement et le précédent sont adoptés.
II faudrait ajouter le droit de chiénage, ou droit qu'avait le seigneur de faire nourrir ses chiens par ses vassaux. En Hainaut, ce droit a été reconnu rachetable pour une mesure d'avoine.
Plusieurs membres demandent l'insertion dans l'article de différents droits existant dans leurs provinces.
D'autres membres demandent â aller aux voix.
Enfin, l'article 9 est adopté dans la teneur suivante :
« Art. 9. Tous droits qui, sous la dénomination de feux, cheminées, feu allumant, feu mort, fouage, monéage, bourgeoisie, congé, chiénage, gîte aux chiens, ou autre quelconque, sont perçus par les seigneurs, sur les personnes, sur les bestiaux, ou à cause de la résidence, sans qu'il soit justifié qu'ils sont dus, soit par les fonds invariablement, soit pour raison de concessions d'usages, ou autres objets, sont abolis sans indemnité. »
La discussion s'ouvre sur l'article 10.
Plusieurs membres demandent l'abolition de
droits qui existent sous la dénomination particulière à leurs provinces.
, rapporteur. Je demande, pour abréger cette discussion, que chaque membre soit autorisé à faire connaître au comité de féodalité les droits locaux et particuliers qui sont de nature à être abolis. J'ajoute que le comité se propose de rédiger et de soumettre à l'Assemblée une instruction explicative des décrets rendus ou encore à rendre sur la matière féodale.
Cette déclaration est successivement approuvée.
L'article 10 est adopté en ces termes :
« Art. 10. Sont pareillement abolis sans indem nité les droits de guet et de garde, ensemble les droits qui ont pour objet l'entretien de clôtures et fortifications de bourgs et de châteaux, ainsi que les rentes ou redevances qui en sont représentatives, quoiqu'affectées sur des fonds, s'il n'est pas prouvé que ces fonds ont été concédés pour cause de ces rentes ou redevances ;
« Les droits de pulvérage ou autres levés sur troupeaux passant dans les chemins publics des seigneuries ;
« Les droits qui, sous les dénominations de banvin, vet du vin, étanche, ou autre quelconque, emportaient pour un seigneur la faculté de vendre seul, et exclusivement aux habitants de sa seigneurie, pendant un certain temps de l'année, les vins ou autres boissons et denrées provenantes de son crû.
donne lecture de l'article 11
Le droit d'avouerie dont il est question dans cet article, ne regarde que les seigneuries possédées en Alsace par les princes allemands ; presque toute l'Assemblée s'est réservée de prononcer, à part, sur ce qui regarde ces princes, il faut que l'exception soit contenue dans l'article.
Prétendez-vous donc éterniser notre esclavage pour conserver les prétendus droits des seigneurs et des abbés allemands ? S'il y a des indemnités à accorder, la nation est juste et elle les accordera ; mais les habitants d'Alsace sont Français et doivent jouir de leurs droits comme les autres habitants du royaume.
invite M. Lavie à la modération et met ensuite l'article 11 aux voix. Il est adopté ainsi qu'il suit :
c Art. 11. Les droits connus en Auvergne, et autres provinces, sous le nom de cens en com-mende ; en Flandre, en Artois et en Cambrésis, sous celui de Gave, Gavenne, ou Gaule ; en Hainaut, sous celui de Poursoin ; en Lorraine, sous celui de Sauvement ou Sauve-Garde ; en Alsace, sous celui d'Avenerie ; et généralement tous droits qui se payaient ci-devant en reconnaissance et pour prix de la protection des seigneurs, en quelque lieu du royaume et sous quelque dénomination que ce fût, sont abolis sans indemnité, sans préjudice des droits qui, quoique perçus sous les noms ci-dessus indiqués seraient justifiés avoir pour cause des concessions de fonds. »
lit l'article 12 du projet de décret.
(de Saint-Jean-d'Angély). Dans le ressort du parlement de Bordeaux, il existe un droit de lods et vente sur les arbres, futaies,
et même sur les testards que vend un particulier : ce droit a causé beaucoup de procès qui ont été portés devant les parlements des juges intéressés puisqu'ils sont seigneurs. Ce droit s'étend jusque sur les matériaux des maisons qu'on fait démolir. Je demande que ce droit soit aboli, et je fais de cette demande l'objet d'un amendement exprès.
, député d'Alençon. Je demande que ce droit, qui s'est établi dans ma province, par la jurisprudence du parlement de Rouen, soit aboli sans indemnité.
propose de déclarer ce droit rachetable ; il dit qu'il peut être l'effet d'une convention et qu'il a pour objet de récupérer le seigneur de la diminution que souffre son fonds lorsque les arbres sont coupés.
l'ainé considère les arbres comme les fruits de la terre, en sorte que le seigneur n'est pas en droit de prétendre à des lods et ventes, parce que le propriétaire du sol vend sa récolte.
, député de Touraine. Les arbres ne sont que les fruits de la terre, ils sont une récolte accumulée pendant plusieurs années et cette récolte est perçue à l'époque de la coupe.
Je demande l'ajournement de la motion et son renvoi au comité féodal.
(de Saint-Jean-d'Angély). L'Assemblée est suffisamment instruite et l'injustice du droit est généralement sentie. Pourquoi des Français seraient-ils punis pour être propriétaires de biens dans les parlements de Rouen et de Bordeaux ? Pourquoi seraient-ils assujettis à des droits injustes qui ne sont établis sur aucune Joi, sur aucune convention et qui ont pour principe une jurisprudence désastreuse, que la cupidité a introduite et que la justice doit proscrire 1
L'amendement est mis aux voix et adopté.
L'article 12 est ensuite décrété en ces termes :
Art. 12. Les droits sur les achats, ventes, importations et exportations de biens-meubles, de denrées et de marchandises, tels que les droits de cinquantième, centième, ou autre denier du prix des meubles ou bestiaux vendus, les lois et ventes, treizième, ou autres droits semblables sur les vaisseaux, sur ies bois et arbres futaies, testards ou fruitiers, coupés ou vendus pour être coupés, sur les matériaux de bâtiments démolis ou vendus pour être démolis, les droits de leyde sur les poissons, les droits d'accise sur les comestibles, les droits de bouteillage, d'umgeld, ou autres, sur les vins et autres boissons, les impôts et billots perçus au profit des Seigneurs, et autres de même nature, sont abolis sans indemnité, sans rien préjuger, quant à présent, sur les droits de péage, de minage, et de tiers-denier.
L'article 12 est lu, mis aux voix et adopté sans -discussion, en ces termes : . « Art. 13. Tous droits exigés sous prétexte de permissions données par les seigneurs pour exercer des professions, arts ou commerces, ou pour des actes qui, par le droit naturel et commun, sont libres à tout le monde, sont supprimés sans indemnité.»
annonce que M. Omet , curé
d'Arbois, député d'Aval en Franche-Comté a donné sa démission et que son suppléant, M. Royer , curé de Chavanne, est arrivé et que ses pouvoirs sont vérifiés.
La discussion est ensuite reprise sur les droits féodaux.
, rapporteur, donne lecture des deux articles suivants :
« Art. 14. Toutes banalités de fours, moulins, pressoirs à vins ou à huile, de boucheries, de taureau, de Verrat, de forge, et autres, ensemble le droit de verte-moute, usité eu Normandie, soit qu'elles soient fondées sur la coutume ou sur un titre, ou acquises par prescription, sont abolies et supprimées sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après.
« Art. 15. Seront exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables :
«1° Les banalités purement conventionnelles, c'est-à-dire qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre le seigneur et la communauté des habitants pour l'intérêt et l'avantage desdits habitants ; 2° celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d'usages dans ses bois ou près, ou de communes en propriété. »
, député du Berry, propose de rédiger ces articles ainsi qu'il suit : « Toute banalité de four, etc., ensemble le droit de vert moute, sont supprimés sans indemnité, à l'exception de celles qui contiennent des avantages réciproques entre le seigneur et les censitaires, ou qui proviennent d'une concession de fonds prouvée par les titres primordiaux ou par les titres probatifs des titres primordiaux. »
, député de Châtillon-sur-Seine. Votre comité vous propose, Messieurs, par l'article 14 de son projet de loi, de décréter en principe général la suppression, sans aucuneindemnité, des diverses espèces de banalités; et cependant, par dérogation à cette loi générale, il demande aussitôt, par l'article 15, une exception en faveur des banalités purement conventionnelles.
J'avoue, Messieurs, que je ne pressens pas les motifs de cette exception, qui me paraît contraire à tous les principes d'après lesquels votre comité devait se décider en cette matière. Les lois que vous avez à rendre sur la féodalité ne peuvent être qu'une interprétation scrupuleuse des textes que vous avez précédemment consacrés. C'est dans vos arrêtés du 4 août dernier que vous devez chercher les motifs de l'exception proposée ; si ce texte y répugne, l'exception doit être rejetée.
Vous avez dit alors, Messieurs, que tous les droits féodaux qui tenaient à la servitude personnelle étaient abolis sans indemnité ; il vous est impossible aujourd'hui d'altérer la force et l'étendue de ce premier décret. Si donc la banalité conventionnelle est elle-même une servitude féodale personnelle, on ne peut hésiter à en prononcer l'abolition sans aucune indemnité. Or, messieurs, il est d'abord évident que toutes les banalités, considérées en elles-mêmes, sont de véritables servitudes personnelles, et qu'elles ne peuvent être considérées comme un droit réel dans les mains de celui au profit de qui elles sont établies, qu'autant que leur établissement est le prix delà cession d'un droit réel. De là, il résulte que les banalités purement conventionnelles ne peuvent être considérées comme des droits réels; et votre
comité lui-même ne le prétend pas, mais simplement comme des droits personnels,qui ont engendré une servitude purement personnelle. Il reste maintenant à examiner si la convention, en la supposant existante, change quelque chose à la nature du droit, c'est-à-dire si elle l'empêche d'être un droit féodal et une servitude personnelle de l'espèce de celles que vous avez détruites sans indemnité. Si cette convention est de la même nature quecelles qui se font entre les particuliers; si elle a pu être formée entre toutes sortes de personnes indistinctement; si les deux parties étaient également libres de contracter ou de ne pas contracter; si l'effet de la convention n'a rien qui répugne à la liberté individuelle, ou du moins rien qui enchaîne cette liberté au delà de justes bornes, rien enfin qui soit contraire à la nature des contrats ordinaires du droit civil, je conviens alors qu'un tel engagement quoiqu'il se trouve au profit d'un seigneur, ne participe néanmoins en rien au régime féodal, puisque le seigneur acon-tracté, non pâscomme seigneur, maiscommesimple particulier; que conséquemment les principes que vous avez consacrés relativement à la féodalité, ne sont pas applicables dans cette circonstance; que si au contraire, la convention ne pouvait pas, de sa nature, être faite entre toutes sortes de personnes, mais simplement entre un seigneur et ses vassaux; si elle diffère entièrement des contrats ordinaires du droit civil qui se forment entre de simples particuliers, soit dans son objet, soit dans ses effet?., soit dans la peine, au cas d'inexécution, de manière que l'on y voie partout la rigide application des maximes féodales ; si l'une des parties n'était pas libre de ne pascon-tracter; si l'effet de la convention est une servitude personnelle, contraire à la liberté individuelle et à l'intérêt public, je ne vois alors dans cette prétendue convention quel'empreinteodieuse du régime féodal, et, dès lors, le droit qui en résulte doit être nécessairement assimilé aux autres servitudes féodales personnelles, et supprimé comme elles, sans aucune indemnité!
Eh bien 1 Messieurs, si vous considérez que presque toutes ces banalités que vous nommerez, si vous voulez, purement conventionnelles, appartiennent à des seigneurs, n'en induirez-vous pas que cette prétendue convention n'est pas de la nature de celles qui se font entre les particuliers? n'en induirez-vous pas qu'elle ne pouvait se faire qu'entre un seigneur et des vassaux, que conséquemment, elle est moins une convention libre, quand elle en aurait d'ailleurs tous les signes, qu'une véritable émanation delà puissance seigneurale ? Si vous considérez que les simples particuliers qui jouissent aujourd'hui de ques banalités, ont eu besoin du consentement du seigneur pour les établir, avant même que le seigneur n'en eût et sans que la coutume locale lui assurât le droit d'en avoir, n'en induirez-vous pas que tous les seigneurs se regardaient comme ayant un droit exclusif à la chose; de telle sorte que, s'ils ont fait ailleurs une convention, c'est moins une convention libre, que le commencement de l'exercice d'un droit qu'ils prétendaient avoir ?
Si vous considérez ensuite que presque toutes les banalités sont incessibles, vous en conclue-rez que la prétendue convention est un véritable droit seigneurial, et qu'elle ne tient en rien de celles qui se font entre les particuliers, puisque toutes celles-ci sont cessibles de leur nature. Si vous remarquez encore que le droit résultant de la prétendue convention est imprescriptible, que
la peine de celui qui fraude le droit, est l'amende et la confiscation, vous direz : ce n'est point là une véritable convention, mais bien en véritable droit seigneurial.
Si vous considérez de plus que le seigneur, en donnant à ceux qu'il nommait ses sujets, la faculté d'aller moudre ou pressurer ailleurs, n'était pas obligé d'entretenir le moulin ou le pressoir; que quand le sujet banier avait attendu pendant vingt-quatre heures au moulin sans obtenir son tour, il lui était à la vérité permis de s'en aller ailleurs, mais sens conserver aucune action contre son seigneur, vous en concluerez que ce n'était pas là une convention de la nature des autres, car enfin, au premier cas, le seigneur aurait été forcé d'entretenir le moulin ou le pressoir, et n'aurait pu se dégager de sa convention sans le concours des autres parties contractantes ; et en second cas, il aurait été obligé aux dommages et intérêts résultant soit de la perte du temps, soit de l'inexécution du traité. Si vous considérez enfin que presque toujours les nobles et les prêtres domiciliés dans la seigneurie étaient exempts de ce droit, et que ceux-là seuls que l'on nommait alors les manants ou vilains y étaient rigoureusement assujettis, vous ne verrez dans la prétendue convention que l'asservissement forcé d'une portion d'hommes à qui il était impossible de se soustraire à l'autorité seigneuriale, et qui, presque partout, obligés de payer l'air qu'ils respiraient, semblaient ne devoir jouir d'aucune des franchises réservées aux hommes d'une classe supérieure.
Ainsi donc, Messieurs, l'on voit partout dans la banalité prétendue conventionnelle les vrais caractères de l'asservissement féodal, et rien qui tienne de la nature des contrats ordinaires ; partout c'est le sujet qui obéit à son maître. D'un côté, on ne voit que puissance et autorité; de l'autre, on ne découvre que crainte, faiblesse et servitude; et certes, ce n'est pas entre de telles parties qu'il se forme des contrats vraiment libres et faits pour être respectés
Mais je vais plus loin, Messieurs; je suppose qu'un seigneur vous oppose son titre qui constate que ses vassaux l'ont prié, l'ont supplié de leur bâtir un moulin, en se soumettant è. y porter leurs grains, sans pouvoir les faire moudre ailleurs. Certainement il serait difficile d'admettre une hypothèse plus favorable au système de ceux qui réclament une exception en faveur de ce qu'ils nomment des banalités purement conventionnelles : eh bien, Messieurs, en concluerez-vous que la convention intervenue sur cette requête a été une convention parfaitement libre de la part des vassaux?
Je soutiens qu'elle ne l'a pas été; et, en effet, MM. les seigneurs ayant imaginé de se faire propriétaires de l'eau, les seigneurs s'étant rendus maîtres de disposer de cet élément, souvent même jusqu'au point d'en vendre l'usage à leurs vassaux, car vous n'ignorez pas qu'il existait aussi des rivières banales, c'est-à-dire prohibées aux sujets de la seigneurie, qui ne pouvaient y abreuver leurs bestiaux qu'en payant une certaine re devance, était-il donc possible aux malheureux habitants de construire un moulin sur la prétendue propriété de leurs seigneurs; et s'il leur était utile d'en avoir un, ne fallait-il pas de toute nécessité qu'ils se soumissent au prétendu propriétaire du cours, qu'ils subissent sa loi, toute rigoureuse qu'elle pût être, et qu'ils contractassent forcément avec lui? Il me paraît difficile de réfuter cette objection, à moins que l'on ne me repré-
sente un titre qui prouve très clairement que les rivières ont été formées pour être exclusivement la propriété de quelques hommes qui devaient s'appeler un jour des seigneurs. Si ce titre n'existe pas, comme il y a lieu de le croire, et si, au contraire, par la nature même des choses, les rivières ne péuVént appartenir à personne eh particulier, mais bien à tous en général, dé telle sôrte que fe droit de propriété prétendu sur elles par les seigneurs ait été une véritable usurpation du droit ae'tdùs, Une Violation manifeste' dës droits de la nature, je demand^ si Cette première usurpation a pu devenir la basé d'une convention légititime. et libre? Et n'en rèsulte-t-if pas, au contraire, pour la solution de la question qui nous pqcupë, que Cette prétendue convention étant l'effet nécessaire et inévitable d'une usurpation féodale que la nature et la raison désavouent, l'engagement qui en est émané né peut lui-même être considéré autrement que Comme une servitude personnelle forcée, dérivant de la féodalité?
Voilà cependant, Messieurs, l'es banalités que l'on vous propose conserver,parce que, dit-on, elles sont fondées sur dës conventions. Mais les corvées personnelles, la mainmorte personnelle, qui n'existent pas en vertu d'une dispositiontex-tuelle et expj-esèe de là coutume locale, n'ont-elles pas été ou ne sunt-elîés pas nécessairement présumées avoir i^té établies en vertu d'une convention? S'erisuivra-t-il dënc ayssi qu'elles seront ràcnëtables?'I!é contraire a été décrété; et remarquez, Messieurs, que, si Vous adoptiez l'exception qu'on vous propose, il en résulterait que la suppression sans indéhamité serait uniquement1 applicable aux pays soumis à des coutUmës qui font de la banalité un droit essentiéllëmëht inhérent à la seigneurie, et dans ceux, au contraire, où la coutume locale a négligé d'en pârtér,- les seigneurs seraient assez bien fondés à répondre que la coutume'ne leur assurant pas ce droit; itnë peut s'être établi en leur faveur que par une convention, d'où ils en induiraient la rachétabilité par une suite même de vos décrets ; et ceci, Messieurs, est particulièrement applicable à la province de Bourgogne, dont j'âi l'honneUr d être député; car, malgré que la coutume du pays n'assure pas aux seigneurs le droit de banalité, cette province n'eu gémit pas moins sous ie poids des servitudes qui naissent de la diverse nature de ces droits, et surtout de la banalité des pressoirs, l'une des plus contraires à l'intérêt particulier et à l'intérêt général dans un pays vignoble, où un quart d'heure d'attente décide souvent de la qualité du vin.
Mais, au surplus, Messieurs, quel si grand intérêt doit-on mettre à Conserver ces droits? En les détruisant,, ne dirait-on pas que l'on ordonné aussi la démolition des fours, des moulins et des presspirs. Si le moulin est en bon état, s'il est commode, des gens du lieu auront-ils intérêt dë porter leurs grains ailleurs ? Non, sans douté ; mais on veut continuer d'obtenir d'eux, parla contrainte, ce qu'ils feraient librement. Si le pressoir est bien servi, s'il' est suffisant, en fera-t-on construire d'autres? Non, sans doute; mais s'il est insuffisant, eh bien I alors, il est très probable que chacun cherchera à éviter la perte que lui causerait un service trop lent ; mais y a-t-il de là justice à s'y opposer ?
Je demande donc,. Messieurs, que, par une conséquence des principes que vous avez précédemment consacrés, et que je crois vous avoir démontré être entièrement applicables aux banalités purement conventionnelles, si toutefois
on pçut les nommer ainsi, l'exception proposée en leur faveur par la première disposition de l'article 15 du projet de décret soit définitivement rejetée ; mais, eq finissant, je me permettrai de proposer encore un amendement à ràrticle 14 de ce projet de décret.
Je demande qu'après ces mots banalités de fours, moulins, etc., etc. , et autres, il soit ajouté : même celles qui pourraient avoir ' été établies en remplacement de la main morte.
Cet amendement ne me paraît pas devoir souffrir la moindre difficulté, même de la part de votre comité, puisqu'il a énoncé nettement son avis à cet égard, à fa page 37 de Soti rapport, où il déclare que ces sortes de banalités doivent être supprimées sans indemnité ; mais je n'en ai pas moins pensé que cet amendement fût très nécessaire, afin d'évitër de fausses interprétations que }'oq pourrait donner à cet égard à votre décret (le samedi dernier.
Je prouverai, quand on voudra, que quatre-vingt-dix ecclésiastiques sont soumis à la banalité d'un moulin qui appartient à mon père. La banalité n'est donc pas unè servitude, ' puisque ces ecclésiastiques étaient libres.
développe et adopte l'avis du comité,
, laboureur, député breton. Je demande que les banalités soient" détruites toutes : il y à longtënipé que le peuple gémit des banalités. Les seigneurs auraient ppoins de soins à prendre ; chacun moudra son grain s'il le luge à propos, ou ira au moulin où on lui fera le moins de tort.
D,e tout temps la jurisprudence a reconnu une grande différence entre les banalités convëhtiohneliès ét lès banalités seigneuriales. 11 y a beaucoup d'endroits où des particuliers non1 seigneurs possèdent des banalités: elles ont été établies pour f utilité'du peuple. Le seigneur pouvait toujours abandonner sa banalité (juand elle lui était onéreuse. De simples particuliers rië lp pouvaient pàs. Jè l'ai fait juger ainsi au parlement' de Paris. Sur quoi ce jugement était-il fondé? C'est sur ce que le contrat était synallagmatique, et qu'il engageait à perpétuité les parties, quels que pussent être dans l'avenir les avantages ou les inconvénients de cet engagement. Nous avons entendu par banalités conventionnelles une convention entre le propriétaire et la communauté des habitants. La pré-, somption sera toujours,, surtout si le propriétaire n'est pas seigneur, qrie Cette convention a eu lieu pour l'intérêt et pour l'avantage de ces habitants : nous l'avons ainsi exprimé. Beaucoup de paroisses seraient dans un grand embarras, si le seigneur venait à fermer ou à détruire les établissements banaux. Si vous refusez de décréter l'exception, de3 Villages demanderont bientôt des fours ou des pressoirs banaux à telle ou telle condition.
rappelle des faits, par lesquels il prouve combien les banalités ont été utiles à la province mj} représente. 11 réclame pour lç Forez l'admission de l'article 15.
Plusieurs autres amendements sont proposés.
propose d'ajoutér
aux droits dont l'article 14 prononce la suppression ceux de Chasse-Mannée ou de Quette-Moute, usités dans la coutume de Péronne.
, rapporteur, adoptant la plus grande partie des amendements, propose de substituer à la première rédaction une nouvelle rédaction.
On demande la division des articles.
La division est repoussée.
, rapporteur. Le comité reconnaît que la rédaction nouvelle qu'il propose est défectueuse pour l'article 15. Il vous demande de décréter le fond, sauf à vous représenter l'article à la séance de demain, avec les corrections de style dont il est susceptible.
Sous le bénéfice de cette observation, les articles 14 et 15 sont mis aux voix et adoptés en ces termes :
Art. 14. « Tous les droits de banalité de fours, moulins, pressoirs, boucheries, taureau, varrat, forges et autres, ensemble les sujétions qui y sont accessoires, les droits de verte-moute et de vent, le droit prohibitif de la quête-mouture ou chasse des meuniers, soit qu'ils soient fondés sur la coutume ou sur un titre acquis par prescription, ou confirmés par des jugements, sont abolis et supprimés sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après :
« Art. 15. Sont exceptées de la suppression ci-dessus, et seront racbetables :
« 1° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d'habitants et un particulier non-seigneur ;
« 2° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d'habitants et un seigneur, pour l'intérêt et l'avantage desdits habitants, et par laquelle le seigneur ne se sera pas seulement obligé à bâtir ou entretenir les usines et objets nécessaires au service de la banalité;
3° Celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d'usages dans ses bois ou prés, ou de communes en propriété. »
Demain, la séance ouvrira à 9 heures. Elle commencera par la lecture, de la part du rapporteur du comité féodal, de l'article 15 qui vient d'être voté sous réserve de rédaction, après quoi viendra l'affaire des colonies.
(La séance est levée à quatre heures.)
à la séancede V Assemblée nationale du er mars 1790
, députéde Nantes (i). Réflexions sur la traite des noirs (2). Messieurs, une société qui dit
tenir sa missionde l'humanité, vous demande l'a&o-lition de la traite des noirs. Cette société est formée d'hommes choisis, et pour soutenir la cause qu'elle porte au tribunal de la nation, elle fait valoir de puissants moyens. Composée d'une multitude de gens de lettres, de savants académiciens, de citoyens distingués, elle compte encore parmi ses coopérateurs et peut-être parmi ses membres des étrangers illustres, qu'un intérêt commun paraît avoir rapprochés d'elle, malgré les rivalités qui jusqu'ici avaient divisé leur nation de la nôtre. Les moyens que ces deux sociétés alliées, au grand étonnement de l'Europe, invoquent à l'envi dans l'affaire majeure de l'affranchissement des nègres, c'est la liberté de l'homme, le premier don de la nature-, c'est l'humanité, la première de toutes les vertus. La société des Amis des noirs veut venger une nombreuse portion du genre humain de l'oppression, sous laquelle elle assure qu'elle gémit depuis deux siècles.
Les adversaires de cette sociétédéjà trop célèbre, ce sont tous les habitants des colonies, nos compatriotes, et nos frères; ce sont les négociants de toutes les villes maritimes de France; ce sont tous les manufacturiers, tous les artistes, ce sont les marins nombreux qui remplissent nos ports ; que dis-je, Messieurs? C'est laFrance entière qui défend à cette réclamation inconsidérée, dont le succès, s'il pouvait avoir lieu, ruinerait pour toujours le plus beau royaume, l'état le plus ancien de l'Europe, le plus florissant de l'univers. La France ne combat ce système combiné de la société qui a pris naissance dans la capitale, et de celle que Londres a produit, que pour conserver l'existence à des milliers de colons, menacés d'être égorgés par leurs esclaves, que pour soutenir la fortune et la vie de plusieurs millions d'hommes, nos concitoyens, qu'alimente le commerce des colonies ; gue pour défendre ses ports qui seraient bientôt insultés, des provinces qui seraient bientôt ravagées, si sans marine et sans forces, elle n'était plus en état de repousser ses ennemis, devenus plus puissants et plus hardis que jamais, par notre chute et notre faiblesse.
A ces raisons qui ne sont pas sans mérite dans une assemblée nationale, les adversaires des amis prétendus des noirs, joignent encore des considérations de quelque crédit. C'est que l'humanité bien entendue, ne favorise pas le système de cette société, autant qu'elle se plaît à le croire; c'est que, dans cette cause de la liberté qu'elle réclame à si grands cris pour ses protégés, obtiendrait-elle tous les succès qu'elle poursuit aujourd'hui, jamais elle ne fera du peuple africain un peuple libre; elle n'assurera pas même la liberté des familles éthiopiennes, transplantées dans nos colonies.
Ainsi, Messieurs, une société philanthropique d'un côté, la France et nos idées de l'autre ; un beau système de philosophie, d'une part; et d'autre part, l'intérêt politique de tout un royaume concilié avec les principes sacrés d'une humanité sagement réglée: voilà en deux mots toute l'affaire relative à la traite des noirs, telle qu'elle se présente devant cette auguste Assemblée.
Permettez, Messieurs, à un citoyen qui n'est ni commerçant, ni planteur, de plaider dans cette cause que l'on vous dit être celle de la liberté. Il désire vous prouver qu on abuse encore de ce beau nom, de la même manière qu'on abuse un peuple qui s'égare et qui appelle liberté les excès de la licence. Je ne vous dirai pas, comme plusieurs des fauteurs de l'esclavage des Africains attachés à la culture de nos colonies, que ces peuples
sont nés pour la servitude, que leur esprit épais, enveloppé dans une masse disgraciée par la nature est incapable d'aucun sentiment réfléchi, et de concevoir ces idées qui apprennent à un homme à quelle distance immense il est de la brute. Je ne vous dirai pas, en abusant de textes qu'on ne respecte pas assez, et en prenant des usages pour des lois que celle de Moïse et la pratique constante de tous les siècles consacrent l'esclavage, et qu'on a toujours regardé les Africains comme une race condamnée à servir tous les autres peuples de la terre.
La raison rejette de semblables moyens, et votre sagesse serait offensée du récit de ces absurdités.
Je conviendrai, au contraire, avec vous, Messieurs, et en rendant hommage à vos principes, que la nature a fait les Ethiopiens libres, comme les habitants des autres parties du monde, et que la force seule a pu et peut les soumettre à la servitude.
Mais, parce que la servitude est l'ouvrage de la force, parce qu'elle est contraire à la nature et à son vœu si fortement exprimé dans le cœur de tous les hommes, s'ensuit-il d'abord que la servitude individuelle ne puisse jamais être établie légitimement chez un peuple ? S'ensuit-il encore que cette servitude une fois établie d'une manière quelconque, ne puisse jamais autoriser dans une nation policée le commerce de ces mêmes individus, condamnés à un esclavage plus inhumain et plus dur pour eux au sein de leur patrie, que parmi des étrangers amis de l'humanité et de la justice ?
Oui, Messieurs, l'homme est sorti libre des mains de la nature, mais un homme dans la société peut devenir, il peut naître l'esclave d'un autre. Si l'Europe aujourd'hui ne connaît plus la servitude personnelle dans ses Etats, elle l'a connue autrefois. Le plus puissant empire de l'antiquité avait des esclaves. Ses sages disaient, et les lois répétaient d'après eux, que si dans la nature tous les hommes avaient un nom commun, le droit des gens les avait distingués en trois classes, en personnes libres, en esclaves et en affranchis. La loi civile autorisait aussi la servitude chez ces anciens maîtres du monde et réglait les droits de la liberté et de l'esclavage. Le droit des gens permettait de réduire en servitude les prisonniers de guerre, et de les vendre. La loi civile condamnait à l'esclavage le débiteur insolvable ; elle recevait encore l'engagement que faisait de sa liberté un homme parvenu à un âge qui le rendait capable de faire cette aliénation; et ensuite, réglant les droits des citoyens sur leurs esclaves, elle déclarait que l'enfant de l'esclave suivait les conditions de sa mère. C'était, si l'on veut, une sorte de violence faite à la nature qui crée tous les êtres libres. La liberté de l'enfant d'une esclave se trouvait engagée dès qu'il venait au monde. C'est ainsi que les nations entre elles et les peuples, pour leur intérêt particulier, ont dérogé aux lois de la nature elle-même, qui sait se plier à leurs besoins et à la police des sociétés.
Sans doute, il valait mieux réduire en esclavage un prisonnier de guerre, et le vendre, que de le tuer; sans doute, il valait mieux faire un esclave d'un débiteur insolvable que de le mettre en pièces ; et cependant des lois plus anciennes que celles des empereurs romains, des lois écrites par la nation la plus célèbre de l'antiquité, qui avait dicté à Rome sa première législation, avaient autorisé ces excès inhumains, atroces.
L'esclavage chez les Grecs et les Romains était donc l'ouvrage de la force, quand il n'était pas l'effet d'une convention ; mais il n'en était pas moins légitime, parce que le droit de la guerre était un droit légitime. Le droit de réduire en servitude un débiteur insolvable était encore légitime, parce qu'un débiteur qui ne peut payer doit tout son temps, tout son travail à son créancier, du moins jusqu'à ce qu'il soit quitte envers lui, et conséquemment il appartient à ce créancier, qui a le droit de disposer à son usage et à son profit de toutes les facultés de son débiteur.
Les causes qui, chez les peuples de l'antiquité, autorisaient l'esclavage, sont celles qui le permettent chez les Africains.
La vaste partie du monde qu'ils habitent est partagée dans un nombre prodigieux d'Etats et de principautés. Les sujets de ces Etats nombreux sont généralement libres. Cependant il y en a plusieurs qui sont esclaves.
La multiplicité de ces peuples dont les mœurs et les habitudes ne sont pas partout les mêmes, fait naître entre eux des guerresqui se renouvellent souvent. La jalousie qui les divise, l'ambition d'un prince qui prétend à la succession d'un royaume, ou qui veut l'usurper; souvent des causes bien moins importantes, une insulte faite à un chef, un vol fait à un voisin, toutes ces circonstances donnent lieu à des guerres, et dans ces guerres il se fait des prisonniers que, dans des temps reculés et avant les Européens, les Africains égorgeaient impitoyablement.
Mais depuis que ces relations les ont humanisés , depuis que les Européens ont consenti à échanger les productions de leur sol ou leurs marchandises avec les hommes, que le droit de la guerre condamnait à l'esclavage, et que la barbarie de leurs vainqueurs condamnait à la mort, les Africains devenus moinscruels.se sont insensiblement habitués à conserver la vie a leurs ennemis vaincus.
L'appât du gain a pu adoucir leur férocité, comme il a enchaîné aussi la vengeance légitime que la justice de toutes les contrées de la terre permet de tirer d'un homme coupable d'un crime public. Les Africains aiment mieux vendre un criminel que de lui ôter la vie. Ils vendent également dans quelques régions de ce vaste continent ceux de leurs débiteurs qui ne peuvent pas les payer.
Voilà, Messieurs, et les causes de l'esclavage chez les peuples d'Afrique, et l'occasion du commerce que font les Européens de leurs esclaves, de ce commerce qui, à en croire la société des Amis des Noirs, outrage la nature, offense la religion, déshonore l'humanité, qui fait des habitants de la plus belle partie du monde et de la France en particulier, un peuple féroce qui, pour se procurer des jouissances superflues, fait ruisseler lesang dans un autre hémisphère; enchaîne des hommes, les enlève à leurs familles, les achète et les transporte dans ses colonies, où il les condamneà un travail forcé, que ces malheureux ne peuvent interrompre pour prendre quelque repos, sans s'exposer à la fureur de leurs tyrans et à périr sous leurs coups.
" Telles sont les couleurs sous lesquelles les défenseurs des noirs peignent nos commerçants dans leur zèle enthousiaste (1).
(li J'ai lu que M. Raynal, qui a déclamé avec plus de chaleur qu'aucun autre écrivain contre l'esclavage des nègres, était intéressé à ce commerce dans le temps qu'il
Ils sont donc coupables, nos commerçants, d'acheter des esclaves qui auraient perdu la vie, si la servitude ne la leur eût sauvée ; et cet acte d'humanité est transformé en crime par des philosophes sensibles, pour qui le commerce des hommes est une atrocité révoltante.
Ils sont coupables, nos commerçants, de transporter en Amérique des hommes que le caprice ou la cruauté de leurs maîtres africains aurait immolés, et de les soustraire aux fureurs brutales de ces peuples sanguinaires, que l'humanité n'avertirait plus du devoir de conserver leurs esclaves, quand ils n'auraient plus l'esprit de les vendre.
Je sais cependant, Messieurs, que si nos commerçants achètent des hommes dont la servitude n'est pas un crime pour leurs maîtres, ils peuvent en acheter aussi que le brigandage et le vol de quelques Africains ont fait esclaves.
Si l'on ne se fait pas toujours la guerre pour conquérir des prisonniers, on la fait cependant quelquefois dans cette intention. Des brigands courent le pays pour voler des jeunes gens, ils tendent des pièges à ceux qu'ils ne peuvent prendre que par surprise. Enfin, il y a des rois africains qui regardent comme étrangers les sujets des autres rois de la même côte et qui prétendent avoir droit de s'emparer de ceux qui passent dans leurs Etats.
Sans doute, si les commerçants français suscitaient ces guerres, excitaient ces brigands, favorisaient ces vols d'hommes, leur conduite serait coupable, et c'est alors que nous réunirions nos voix à celles des Amis des Noirs pour accuser leur commerce et leur reprocher leur injustice et leur barbarie. Mais je ne crois pas, Messieurs, que mes concitoyens se souillent de pareilles atrocités. J'en ai pour garant leurs vertus et la sage législation qui veille à la destinée des nègres introduits dans nos colonies.
Vous la connaissez, Messieurs, cette législation humaine qui fait le bonheur de nos esclaves. Je ne dis pas trop : un esclave peut .être heureux. L'homme condamné à périr ou à vivre misérable, qui rachète sa vie. en remettant sa liberté à un maître qui voit son frère dans son esclave, n'est pas un homme malheureux. Le Français est ce maître sensible; il trouve au fond de son cœur des dispositions que la loi lui rappelle, plutôt qu'elle ne les lui commande. En arrivant dans nos colonies, l'esclave africain est instruit dans la religion catholique et baptisé. Déjà sa servitude lui devient bien précieuse. Son travail est réglé, les dimanches et fêtes sont des jours de repos qui, lui sont communs avéc son maître. Si celui-ci commande à la volonté de son esclave, s'il règle ses actions ordinaires, il n'enchaîne pourtant pas sa liberté entière. Un esclave ne peut pas être contraint de se marier contre son
gré. Il est prescrit aux maîtres, sous des peines, de respecter les mœurs des femmes esclaves. Ces maîtres doivent également fournir à leurs esclaves une nourriture saine et suffisante à leurs besoins sans pouvoir leur laisser des jours de travail pour leur vie, et nous savons que clans leur pays leurs aliments sout le plus souvent détestables.-Jtl est aussi recommandé aux maîtres de soigner leurs nègres infirmes et malades. Enfin, ils doivent les traiter avec humanité, et les esclaves ont le droit de se plaindre des mauvais traitements qu'ils éprouveraient injustement.
Ajoutons à cela, Messieurs, la facilité des affranchissements qu'il est possible de rendre plus grande encore et les avantages de cette cessation de servitude, qui produit tout d'un coup l'effet de la naturalisation, et qui donne tous les droits d'une pleine liberté.
Voilà, Messieurs, quel est le sort de nos esclaves en Amérique, quel est le traitement que l'on fait à ces hommes que nos commerçants tirent de l'Afrique pour les transporter sur nos habitations.
Les prétendus amis de ces hommes voudraient qu'ils restassent dans les déserts de l'Afrique, et sans doute qu'ils préférassent l'esclavage auquel ils sont continuellement exposés dans leur patrie à celui auquel les condamne le commerce de nos colons.
Pitié barbare ! Consultez, hommes compatissants, philosophes sensibles, consultez ces Africains, malheureux sans doute de n'être pas ce que nous sommes, mais plus heureux mille fois d'être ce qu'ils sont, que s'ils étaient dans les fers de leurs compatriotes.
Nous n'avons pas supposé des traitements d'humanité qui ne soient pas commandés aux colons par la loi qui veille sur le sort des nègres. Nous conviendrons cependant, que des maîtres oublient quelquefois ce qu'elle leur prescrit. Mais il faut convenir aussi que le plus grand nombre de nos colons fait plus encore pour les esclaves, qu'il ne leur est dû.
Indépendamment des soins qui leur sont prodigués et principalement aux femmes, presque tous ont un pécule plus ou moins considérable, même de petites propriétés de terre. On leur ménage des jours de plaisir ; on leur permet de se traiter entre eux, et il n'est pas rare de voir des noces d?esclaves faites avec une sorte de Somptuosité.
Les prétendus amis de ces hommes qui n'ont jamais demandé 1= affection ni imploré l'assistance de leur société, ne pouvant nier les faits qui honorent la conduite de nos coIods envers leurs esclaves, cherchentà en empoisonner les motifs. Ils les trouvent dans l'intérêt de la conservation de ces esclaves.
Mais les nègres libres qui ont des esclaves ont aussi intérêt à leur conservation, et cependant avec quelle dureté, avec quelle barbarie ils traitent ces esclaves, leurs égaux comme hommes, leurs compatriotes, dont ils ont eux-mêmes partagé la servitude. C'est ainsi que l'orgueil qui donne à un homme sur un autre la supériorité, comme une valeur plus souvent imaginaire que réelle, le rend plus dur et plus intraitable, à mesure que sa première condition le rapproche davantage de celui qui lui e3t devenu subordonné.
11 y a donc plus que l'intérêt chez les colons blancs dans le bon traitement de leurs esclaves, il y a de l'humanité, et chez les nègres libres, l'intérêt de la conservation de leurs esclaves existe seul, et leurs esclaves sont malheureux.
Et l'on voudrait que ces esclaves n'eussent de
maîtres que des Africains comme eux, encore une fois quelle pitié barbare !
Mais enfin, supposons que la France abandonnât ce commerce qui, aux yeux des sages de notre siècle, de ces apôtres, de l'humanité réformée, vertu à la mode, qui a été substituée à la charité et à toutes les autres vertus, dont les esprits forts ont laissé la pratique aux âmes communes; supposons, dis-je, que la France renonçât au commerce des noirs, ce commerce cesserait-il donc absolument et la douce, la véritable humanité ferait-elle cette conquête sur la passion de l'intérêt? Non.
Les autres puissances de l'Europe, propriétaires de colonies, continueront d'y introduire des nègres, seuls hommes qui puissent les cultiver. L'Angleterre abandonnera, dit-on, le commerce des noirs. Oui, si elle peut décider la France à l'imiter. Elle recouvrera bientôt à notre avantage et à nos dépens, la perte légère qu'elle fera en comparaison de celle qui ruinera un empire, dont elle a toujours jalousé la prospérité.
Mais quand toutes les nations de l'Europe renonceraient au commerce des noirs, les colonies elles-mêmes n'y renonceraient pas. Il leur faut des noirs, les Européens ne sont pas propres à la culture des terres dans ces contrées brûlantes. Le climat de l'Amérique septentrionale n'est pas funeste aux Européens, et cependant il s'en faut bien que tous les Etats-Unis aient renoncé à la traite des noirs. L'Afrique fournirait plus d'esclaves à l'Asie; c'est-à-dire que malgré la renonciation de la France, de l'Europe en tière à la traite des noirs, les deux autres parties du monde et même la côte orientale d'Afrique qui achète des esclaves de la partie occidentale de cette contrée, feraient encore le commerce des nègres. A quoi conduiraient donc les efforts des amis des noirs quand ils seraient couronnés de succès? Quelle funeste amitié que celle qui ôterait à des victimes infortunées des maîtres compatissants pour les livrer au despotisme affreux des maîtres africains et des princes asiatiques.
Mais allons plus loin.
Je suppose que la France abandonne ce honteux, cet infâme trafic des hommes, ce commerce abominable, que reprochent les Amis des noirs à nos armateurs; que l'Europe entière imite cetexem-ple, et que, se piquant d'une noble générosité, l'Amérique rende la liberté à ses esclaves; en conclurons-nous que les milliers de nègres qui peuplent ces colonies formeront une nation active, qui continuera avec un égal succès la culture de nos habitations ?
Vaine illusion! les nègres devenus libres ne travailleront plus, parce que des nègres libres ne travaillent point. Les Caraïbes, qui possèdent la meilleure terre de l'île Saint-Vincent, n'y cultivent que quelques maïs; la chasse et la pêche sont leurs occupations, encore ne chassent-ils et ne pêchent-ils que lorsque la faim les presse ; le reste du temps, ils dorment. Voilà la vie de ces nègres à la liberté indolente desquels nous voudrions confier la culture de nos colonies, la res-
source de la France, l'âme de son commerce. Quelle politique!
Encore ai-je supposé que la conquête de la liberté pour les noirs se ferait sans commotion, sans trouble; et malgré le calme de cette résolution, elle perdrait la France.
Les colonies négligées tomberaient absolument et avec elles notre commerce, dont elles alimentent les manufactures ; nos armements devenus inutiles. Nos négociants perdraient les créances considérables qu'ils portent sur les colons. Nos ateliers, nos chantiers, où pourriraient les bois de construction et les équipements de nos vaisseaux, tomberaient également. Nous revendrons à l'étranger des productions de nos colonies qui nous donnaient sur lui un avantage et une balance de commerce qui seraient perdus pour nous.
Huit cents navires qui font le commerce des îles périraient dans nos ports, et avec eux périrait notre marine. Plus de vaisseaux pour la pêche, pour le commerce du Levant, pour celui des Indes orientales, pour le cabotage. Nos ports comblés ne défendraient plus l'entrée du royaume. Et toutes ces pertes au profit de nos rivaux.
L'abolition de la traite exaltera-t-elle la tête de nos esclaves? Ils assassineront les blancs; déjà 300 nègres révoltés à la Martinique, ont menacé d'incendier la ville de Saint-Pierre et d'égorger ses habitants.
Après un massacre général qui fera tomber 100,000 hommes peut-être sous le couteau des noirs, que feront ces barbares conquérants d'une liberté ensanglantée?
Incapables d'être libres, indisciplinés, trop nombreux pour se contenir, ils tourneront contre eux-mêmes leurs poignards tout fumant encore du sang de leurs maîtres; et le reste de ces malheureux deviendra la proie de la première puissance qui voudra s'en emparer.
Amis des noirs si vous aviez le malheur de réussir, voilà quel serait le terrible résultat de vos ardents efforts pour la liberté des nègres!
J'ose espérer, Messieurs, de votre sagesse, de votre justice éclairée que vous n'exposerez pas la France aux dangers dans lesquels la précipiterait le faux zèle des protecteurs des noirs. En assurant la liberté des Français, vous n'avez pas promis de la rendre aux Africains, et surtout de leur donner une liberté qui coûterait à la mère-patrie sa propre existence. Bornez-vous à améliorer leur sort, c'est le vœu de tout bon citoyen, du véritable ami des noirs, ce sera sans doute celui de cette Assemblée.
Je demande, en conséquence, que l'Assemblée nationale décrète qu'elle n'entend appliquer au commerce des colonies aucun de ses précédents décrets, lequel commerce continuera de se faire comme par le passé ; et, au surplus, qu'elle nomme un comité qui sera chargé de l'examen du code noir et de l'amélioration du sort et traitement des nègres dans les colonies.
Signé: Pellerin.
FIN DU TOME XI.
termes (ibid.) ; — lettre du vicomte d'Ollianison, commandant des carabiniers (19 janvier, p. 235); — lettre des officiers du régiment royal-étranger (ibid.). — Rapportdu marquis de Bouthilliersurlaforce et sui la solde de l'armée française (ibid., p. 236 et suiv.). Lettre du colonel de chasseurs, de Bellerose (21 janvier, p. 271). — Rapport par Hébrard sur un refus de loger les gens de guerre opposé par des ci-devant privilégiés de la ville de Brives (23 janvier, p. 296); — discussion: Malès, Dubois de Crancé, comte de Mirabeau, marquis d'Ambly, vicomte de Noailles, marquis d'Ambly, Alexandre de Lameth, baron de Menou (ibid. et p. suiv.) ; — décret obligeant tous les citoyens, sans exception, à loger les gens de guerre (ibid., p. 297). — Lettre des officiers du régiment de Dillon (ler février, p. 409). — Bapport par le vicomte de Noailles, sur les objets constitutionnels de l'armée, sur quelques rapports entre les milices nationales et les troupes réglées,', sur l'interprétation et l'exécution de plusieurs décret -, de l'Assemblée et sùr l'avancement des officiers, bas-officiers et soldats (ibid. et p suiv.). — Discussion des rapports du marquis de Bouthillier et du vicomte de Noailles: Alexandre de Lameth, duc de Liancourt (9 février, p. 521 et suiv.). — Projet de décret sur l'ar-fffffè~, précédé d'un discours, non prononcé, du baron de Wimpffen (p. 624 et suiv.). — Suite de la discussion sur la constitution de l'armée: prince Victor de Bro-glie, comte Mathieu de Montmorency, Dubois de Crancé, baron de Menou, abbé Maury, Alexandre de Lameth, Dubois de Crancé (28 février, p. 732 et suiv.); >— adoption de l'article 1" (ibid., p. 738); — vote de l'article 2 sans= discussion (ibid.); — article 3: abbé Maury, Alexandre de Lameth, Dubois de Crancé, abbé Maury, comte de Sérent, Destutt de Tracy, comte de Virieu (ibid., p. 739); — vote des articles 4 et 5 sans discussion (ibid.) ; —article 6 : le Chapelier, Alexandre de Lameth, comte Mathieu de Montmorency, de Mont-losier, vicomte de Noailles, duc de La Rochefoucauld (ibid.) ; — renvoi de l'article aux comités militaire et de constitution (ibid.); —art. 7: vicomte de Noailles, Charles de Lameth, duc de Liancourt, de Toulongeon (ibid., p. 740); — adoption de cet article devenu le 6 (ibid.); — article 8 devenant le 7: vicomte de Noailles, comte de Virieu, comte de La Galissonnière, Alexandre de Lameth, Barnave, Charles de Lameth (ibid.) ;— adoption (ibid.); — question posée par l'abbé de-Bonneval (ibid.); — réponse affirmative (ibid.); — article 8 : Target, Alexandre de Lameth (ibid.); — adoption (ibid.); — vote sans discussion des articles 9 et 10 (ibid. et p. suiv.) ; — article 11 : Toulongeon, marquis de Bouthillier, comte de Crécy, marquis de Bouthillier, Dubois de Crancé, comte de Sérent [ibid., p. 741) ; — adoption (ibid.); — texte complet du décret (ibid. et p. suiv.).
Cordeliers (ibid., p. 57) ; — débat sur une demande de restitution formulée par Naurissart : Charles de Lameth, de RocheOrune, Barnave (ibid.); — question préalable {ibid.). — Dons patriotiques (2 janvier 1790, p. 59 et suiv.). — Discours du président au roi à l'occasion de la nouvelle année et réponse du roi (ibid. et p. suiv.);— discours du président à la reine et réponse de la reine (ibid., p. 62).— L'Assemblée décrète la restitution des Lingots saisis par le district des Cordeliers (ibid.). — Le président est chargé d'écrire aux municipalités qui ne se conforment pas en matière de finances aux décrets de l'Assemblée (ibid.).— Communication de la commune de Paris, de laquelle il résulterait que la tentative d'assassinat exercée sur un factionnaire de la garde nationale n'est qu'une tentative de suicide (ibid.).— Discours de nouvelle année de Bailly, maire de Paris, accompagné deLafayette,. commandant de la garde nationale de Paris (ibid., p. 64; et suiv.); — réponse du président (ibid., p. 65)-— Adresses (4 janvier, p. 69 et suiv.).— Dons patriotiques (5 janvier, p. 103);—adresses (ibid, et p. suiv.).—Adresses (7 janvier, p. 110 et suiv.); — le comte de Grillon demande la création d'un comité de travail (ibid.)-; — rejet (ibid.). — Adresses (8 janvier, p. 116 et suiv.); — dons patriotiques (ibid., p. 118), — Adresses (9 janvier, p. 127 et suiv.). — Adresses (11. janvier, p. 149 et suiv.).— Adresses et dons patriotiques (42 janvier, p. 168 et suiv.).—Adresses et dons patriotiques (.13-janvier, p. 178 et suiv.).— Adresses et dons patriotiques (14- janvier, p. 180 et suiv.). — Adresses et dons patriotiques (15 janvier, p. 186 et suiv.), (16 janvier, p. 205 et suiv.), (18 janvier, p. 229)-, (19 janvier, p. 233 et suiv.). — Bailly demande l'intervention de l'Assemblée pour soulager la misère des ouvriers de Paris (20 janvier, p. 258); —assentiment (ibid- ). — Adresses et dons patriotiques (21 janvier, p. 270 et suiv.), (23 janvier, p. 292 et suiv.), (ibid., p. 296), (26 janvier, p. 330 et suiv.), (27 janvier, p. 350), (30 janvier, p. 398 et suiv.). — Le roi prévient le Président qu'il se rendra à l'Assemblée (4 février, p. 428); — nomination d'une députation chargée d'aller au devant de lui (ibid.); — dispositions prises pour le recevoir (ibid'.Yï — son entrée (ibid,, p. 429); — son discours sur la situation du royaume (ibid. et p. suiv.); — réponse du président Bureaux de Pusy (ibid., p. 431); — le baron dë Menou propose, après le départ du roi, de lui voter une adresse de remercîments (ibid:); — Stanislas de Clermont-Tonnerre demande que le président se rende après la séance auprès du roi pour l'assurer de l'accord complet de l'Assemblée avéc lui (ibid:); — adoption de ces deux motions (ibid!.)'; —Goupil de Préfeln demande que tous les membres de l'Assemblée prêtent le serment civique (ibid.); — adoption (ibid.); — formule de ce serment (ibid.); — Emmery demande qu'on prenne note des députés absents et qiie nul ne puisse voler sans avoir prêté serment (ibid.); — adoption (ibid.); — de Foucault propose d'envoyer une adresse aux municipalités pour les informer des détails de cetle séance (ibid.); — adoption (ibid.); — Target rapporte le discours de la reine à la députation chargée de reconduire le roi (ibid., p. 432); — prestation du serment civique (ibid. et p. suiv.),; — nomination d'une députation de soixante membres chargée de porter au roi les remercîments de l'Assemblée (ibid., p. 435) ; — noms de ces membres (5 février, p. 435); — discours du président au roi (ibid.); — réponse du roi (ibid.); — discours du président à la reine (ibid. et p. suiv,) ; — réponse de la rein« (ibid>, p. 436) ;—adoption d'une proposition de remercîments an président, présentée par le duc d'Aiguillon (ibid.) ; — motion de Malouet fendant à ouvrir une délibération sur le discours du rpi dans l'Assemblée (ibidJ); — d'Estourmel propose l'ordre du jour qui est adopté (ibid.). — Dons patriotiques (ibid.)-, (& février, p. 44i); —Adresses; (6 février, p. 450 et suiv.); — dons patriotiques (ibid., p. 454). — L'Assemblée décide qu'elle recevra une députation de. la commune de Paris qui se propose de venir l'inviter à assister à un Te Deurn chanté à Noire-Dame, où la garde nationale prêtera lé serment civique (8 février, p. 496). —Don patriotique (9 février, p. 519). — Adresses et dons patriotiques (ibid., p. 531 et suiv.), (ibid. p. 535). — Députation de la commune de Paris venant inviter l'Assemblée au Te Deurn. ;—discours de Bailly (ibid., p. 535); —réponse du président (ibid. et p. suiv.). — Prestation doser- >aient civique par les juges consuls de Paris (ibid., p. 536);—discours du président (ibid.).— Don patriotique (ibid.). — Adresses et dons" patriotiques (11 février, p. 551 et suiv.).— Lettre de Bailly au sujet des dispositions prises pour la cérémonie de Notre-Dame (13 février, p. 584.); — lettre du président de la commune de Paris, demandant audience pour une députation des représentants de la commune (ibid.) — Cérémonie faite à Notre-Dame pour ta prestation du serment à la Constitution : disconrs de l'abbé Mulot, président de là commune de Paris (14 février, p. 596 et suiv.). — Adresses (T6 février, p. 615 et suiv.) ; — dons patriotiques (ibid., p. 618.). —1 Proposition de Cazalês relative au renouvellement de l'Assemblée (17 février, p. 621.).—Voir Législature (Nouvelle).— Adresses (18 février, p. 642 et suiv.) ; — dons patriotiques (ibid., p. 645.).— Adresses (20 février, p. 658 et suiv.). — Adresses et dons patriotiques (25 février, p. 692 et suiv.). — Don patriotique (27 février, p. 727.); — adresses et dons patriptiques (p. 728 et suiv.).
(p. 187), — sur la proposition d'imposer le luxe, sur celle relative aux revenus des bénéficiers et sur la formation d'un comité d'impositions (p. 231), — sur la lettre de Bailly concernant la misère des ouvriers de Paris (p. 264 et suiv.), — sur la procédure criminelle, (p. 279), — sur l'affaire de Mar-seiUe (p. 403), — sur l'organisation des municipalités (p. 416), (p. 417), — sur un projet de décret présenté par Dupont (de Nemours), concernant les finances (p. 520), — sur une élection de maire (p. 540 et suiv.), — sur les ordres religieux (p. 579 et suiv.), (p. 648 et suiv.), (p. 650), — sur les troubles des provinces (p. 652 et suiv.), (p. 680), (p. 681), — sur les dépenses publiques (p. 714), — sur la constitution de l'armée, (p. 740).
La Rochefoucauld (ibid., et p. suiv.); — ajournement (ibid., p. 232). — Rapport par Anson sur la nécessité de s occuper de leur aliénation (23 janvier, p. 290); — adoption (ibid.). — Projet de décret ordonnant la déclaration, dans le délai de quinzaine, du titre et du nombre des bénéfices et pensions, sous peine de déchéance (5 février, p. 438);— discussion : Fréteau, abbé de Barmond, de Bouville, d'Eymar, Treilhard, de Boisgelin, un membre (ibid.) ; — adoption du projet, augmenté de deux amendements relatifs aux chevaliers de Malte et autres ordres, et aux chanoinesses (ibid.) ; — sur la demande de Cazalès, appuyée par Target, il est décidé que ces déclarations se feront parles municipalités (ibid.). — Projet de décret présenté par Lanjuinais, au nom du comité ecclésiastique, et tendant à garantir l'exécution des décrets relatifs aux coupes de bois ecclésiastiques et des autres gens de main-morte, autorisées par des décrets (22 février, p. 664) ; — discussion : Du-quesnoy, Populus, Devillas, de La Fare, Regnauld d'Epercy, de Bonnal (ibid.).
troubles des provinces (p. 222), (p. 670); — son discours, non prononcé, sur ce sujet (p. 674 et suiv.). — Parle sur une motion d'Alexandre de Lameth tendant à tenir séance un dimanche (p. 730), — sur la constitution de l'armée (p. 740).
— sur les comptes à rendre par les assemblées provinciales, les commissions intermédiaires et les intendants (p. 32), — sur les troubles de Toulon (p. 63).
— Demande si les ecclésiastiques sont rangés dans la classe des fonclionuaires par l'article 4 du décret sur les pensions (p. 103); — propose une rédaction modi-ficative de cet article (p. 108). — Parle sur la suppression de la dernière partie du discours du président de La Houssaye (p. 128), — sur une réclamation concernant le procès-verbal (p. 177 et suiv.), — sur la marine (p. 183 et suiv.), — sur l'affaire ae Toulon (p. 227), — sur les incompatibilités parlementaires (p. 330), — sur les juifs du Comtat Venaissin (p. 373),
— sur la perception des impositions de 1790 (p. 397),
— sur la division du royaume (p. 407 et suiv.). — Fait des motions en faveur des protestants dépouillés par la révocation de l'édit de Nantes (p. 542), — sur la rédaction des délibérations des assemblées représentatives (p. 543). — Sa motion sur les dons patriotiques (p. 555). — Parle sur la division du royaume (p. 585), — sur les ordres religieux (p. 600),
— sur la division du royaume (p. 610), (p. 611), — sur le comté de Clermont (p. 619), — sur la division du royaume (p. 621), — sur les ordres religieux (p.651),
— sur l'impression des procès-verbaux (p. 725), sur — les droits féodaux (p. 764).
l16 SERIE. T. XI.
belle et des aides (p. 680), — sur les droits féodaux (p. 767 et suiv.).
— Ecrit au sujet du serment civique (p.443); — texte de sa lettre (p. 457 et suiv.); — l'explique (p. 498);
— prèle serment (ibid.); — se plaint de ce que le procès-verbal ne relate pas la façon dont il l'a prêté (p. 518). — Parle sur la proposition de Cazalès relative à une nouvelle législature (p. 622) ; — son opinion, non prononcée,, sur le même objet (p. 632 et suiv.).
— sur les troubles de Marseille (p. 403), — sur l'élection du maire de Saint-Jean-d'Angély (p. 541) ; — sur les troubles dans les provinces (p. 654).
— son discours en prenant possession du fauteuil (ibid.). — Annonce la venue du Roi à l'Assemblée
Îp. 428); — répond au discours du Roi (p. 431). — 'rête le premier le serment civique (p. 432). — Son discours au Roi, à la tête d'une députation (p. 435) ;
— son discours à la Reine (ibid. et p. suiv.). — Son discours en quittant le fauteuil (p. 609). — Demande qu'on mette de l'ordre dans les archives de l'Assemblée nationale (p. 638). — Parle sur la division du royaume (p. 711).
ment d'Armagnac (p. 60), — sur les pensions (p. 74), (p. 109), — sur la chambre des vacations du parlement de Rennes (p. 150 et suiv.), (p. 168), — sur la formation d'un comité d'impositions (p. 231), — sur les dettes de l'Etat (p. 286), — sur l'intervention du district des Cordeliers en faveur de Marat, décrété de prise de corps (p. 288), — sur les biens ecclésiastiques (p. 438), sur la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes (p. 455 et suiv.), — sur les troubles des provinces (p. 538), — sur une élection municipale (p. 541), — sur la suppression des ordres religieux (p 583), (p. 589), 'p. 591).— Propose de fixer un jour pour déterminer l'époque du renouvellement de l'Assemblée nationale (p. 621), (p. 622).—Parle sur les troubles des provinces (p. 655), (p. 672)', — sur le rappel à l'prrlre de Blin (ibid.), — sur les troubles des provinces (p. 677), — sur les dépenses publiques (p. 714 et suiv.).
Franche-Comté. Fait un rapport sur un projet de décret concernant les salines (t. XI, p. 676). — Parle sur les droits féodaux (p. 716).
Rapport par Anson sur un projet de décret concernan t le paiement des six derniers mois des décimes, pour lequel le receveur de l'ancien clergé éprouve des difficultés (23 janvier, p. 289) ; — discussion : abbé Cousin, Thibault, Mougins de Roquefort, Anson, de Custine (ibid:).
Motion de Dupont (de Nemours) tendant à, fixerl'état constitutionnel du clergé (6 février, p. 450) ; —ajournement (ibid.). — Adoption d'une proposition faitepar Treilhard, au nom du comité ecclésiastique, et tendant à faire présenter incessamment par ce dernier le plan de constitution du clergé et ses vues sur le traitement des titulaires actuels (ibid.).
Présente un projet de décret sur l'affaire du parle- \
ment de Rennes (t. XI, p. 168). — Demande la lecture de pièces concernant Saint-Domingue et la Martinique (p. 761).
— députation de l'armée patriotique bordelaise demandant la conservation de la traite (ibid. p. 698); — semblable demande formulée par des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France (ibid. p. 699 et suiv.) ; — le Président répond que l'Assembiee s'efforcera de concilier les intérêts en cause avec les principes de la constitution (ibid. p. 700). Mémoire du conseil supérieur de Saint-Domingue concernant des désordres qui y ont éclaté (26 février, p. 710) ; — l'abbé Grégoire demande l'ajournement du dépôt du rapport, pour cause de remise tardive des pièces officielles (28 février, p. 761);
— adoption (ibid.); — le chevalier de Cocherel demande la lecture immédiate de ces pièces (ibid.) ;— rejet (ibid.).
— discussion: Perdry, abbé Latyl (ibid.); — décret étendant cette faculté a tous les comités (ibid.).—Décret autorisant tous les comités à demander, dans tous les dépôts publics, toutes les pièces qu'ils jugeront nécessaires à leurs travaux (16 février, p. 619); — suppression d'un membre de phrase de ce décret, à la demande de Guillotin (18 février, p. 638) .
get, Robespierre, Mougins de Roquefort, de Montlosier, Bouche, de Montlosier (ibid. et p. suiv.) ; — texte de l'article adopté (ibid., p. 32) ; — article proposé concernant les fonctions de la juridiction contentieusè ou volontaire exercées par les officiers municipaux (ibid.) ;
— adoption (ibid. ; — articles additionnels relatifs à l'organisation des municipalités ; — discussion de l'article 1er : de Cazalès, abbé Maury, vicomte de Noail-les, duc de Liancourt, Le Chapelier (29 décembre, p. 36 et suiv.) ; —adpption de cet article amendé (ibid., p. 37) ; — adoption ae l'article 2 (ibid.) ; — discussion sur l'article 3 : Pison du Galand, marquis de Foucault-Lardimalie, comte de Crillon, Pison du Galand, marquis de Foucault'Lardimalie, marquis d'Estourmel, Regnauld (de Satnt-Jean-d'Angély), Pison du Galand (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; —adoption des articles 4 et 5 sans discussion (ibid.);— discussion sur l'article 6: abbé Maury (ibid.); Lemercier, Grégoire, abbé Maury, Pétion de Villeneuve, de Lachèze, Lanjuinais, Le Chapelier, Delley d'Agier, de Montlosier, Moreau, Latil, comte de Mirabeau(30 décembre, p. 45 et suiv.);
— adoption (ibid., p. 47) ; — adoption sans discussion de l'article 7 (ibid.) ; — discussion sur l'article 8: Prieur, Lanjuinais, Couppé, Le Chapelier (ibid.); — adoption (ibid.) ; — discussion d'un article portant que les maisons, fermes, hameaux, dépendant d'une paroisse, ne formeront qu'une seule municipalité avec le chef-lieu où la paroisse est établie : Goupilleau, abbé Maury, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Lanjuinais, Martineau (7 janvier 1790, p. 112 et suiv.) ; — Target lit trois autres articles concernant les paroisses et les feux (ibid., p. 113);—discussion : Emmery, Delley d'Agier, de Toulongeon (ibid.) ; — sur la demande de Toulongeon, les quatre articles sont renvoyés à l'appréciation des assemblées de département (ibid.) ; — article proposé, portant que les gardes nationales prêteront le serment, entre les mains des officiers muni-oipaux, de maintenir la constitution, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi (ibid., p, 113) ; — discussion : comte de Virieu, Barnave, comte de Mirabeau, de Montlosier, de Clermont-Tonnerre, de Robespierre, de Montlosier, Target (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'article amendé (ibid. p. 114). — Lecture d'une instruction sur les corps administratifs de district et de département, faite par Thouret, au nom du comité de constitution, et dont le texte est inséré plus loin à la suite de la séance du 15 janvier (7 janvier, p. 114), (8 janvier, p. 118); — discussion sur l'incompatibilité des fonctions municipales avec d'autres fonctions administratives et sur divers points touchés par l'instruction : Regnauld (de Saint-Jean d'Angély), Target, Fréteau, de Toulongeon (ibid. et p. suiv.); —adoption de l'instruction amendée (tbid. p. 119); — texte de cette instruction (p. 195 et suiv.).
— Rapport par Sieyès sur un projet de loi concernant les délits ie presse (20 janvier, p. 259 et suiv.);
— texte du projet de loi (p. 261 et suiv.). — Proposition tendant à autoriser le comité à répondre aux demandes des municipalités relatives à l'interprétation de plusieurs décrets (29 janvier, p. 375) ; — discussion : Garat aîné. Goupil de Préfeln, Gaultier de Biauzat, Gossin, Gaultier de Biauzat (ibid.); —ordre du jour (ibid.). — Démeunier propose une addition de huit articles au décret sur les municipalités (2 février, p. 416) ; — discussion : Lanjuinais, de Lachèze, Gaultier de Biauzat, Teilier, Landreau, Barnave, Rabaud de Saint-Etienne, Ramel-Nogaret,- abbé Yvernault, Chantaire, Loys, Dupont (de Nemours), Target, Démeunier, vicomte de Noailles, de Foucault, Boutteville-Dumetz, Barnave, baron d'AUarde, Démeunier (ibid. et p. suiv.); — adoption du projet modifié (ibid. p. 418). — Remplacement de Bureaux de Pusy, nommé président, par Phélines, au comité de constitution pour la division du royaume (ibid. p. 419). — Remplacement de Phélines, absent, par le baron de Cernon (3 février, p. 419). — Questions soumises au comité au sujet du décret sur les municipalités et résolues par lui (ibid. p. 422. — Rapport par Démeunier sur la situation d'un failli à qui la municipalité de Chinon refuse les droits de citoyen actif (ibid. p. suiv.); — proposition de Loys tendant à faire décréter que tout homme, flétri et entaché par un jugement en dernier ressort, ne pourra être considéré comme citoyen actif, ni être admis aux assemblées primaires, soit comme électeur, soit
comme éligible (ibid. p. 423); — discussion : abbé Gouttes, Buzot, Populus, de Robespierre (ibid.) ; — ajournement (ibid.). — Rapport par Démeunier sur la non-admission aux assemblées primaires d'un officier logé en hôtel garni (ibid); — question renvoyée au jour où l'on discutera les rapports du comité militaire (ibid.). —Charles de Lameth propose de réduire le prix de la journée à douze sous (6 février, p. 443) ;— ordre du jour (ibid.). — Projet d'adresse aux provinces, lu par Talleyrand (10 février, p. 541). — Projet de décret présenté par Target, concernant la fixation du prix de la 'journée de travail, et confirmatif des précédents décrets (Il février, p. 543) ; — amendé par Mougins de Roquefort (ibid.); — adoption (ibid.).
— Texte du projet d'adresse aux provinces (11 février, p. 548 et suiv.). —Périsse-Duluc demande, en faveur des ouvriers de Lyon, que leur qualité de citoyens actifs soit déterminée par le rôle de 1788 qui leur a permis de donner leurs voix aux représentants à l'Assemblée nationale, et non par le rôle de 1789, qui leur enlève la faculté de concourir à l'élection des conseillers municipaux (ibid. p. 555);—discussion : marquis de Fumel-Mentségur, comte Charles de Lameth, Perdry, d'Aubergeon de Murinais, Devillas, marquis de Foucault-Lardimalie, La Poule (ibid.) ;
— renvoi au comité de constitution (ibid.).
— Remplacement de quatre membres du comité (23 janvier 1790, p. 288); — adjonction d'un neuvième membre (ibid. et p. suiv.).
— Noms des membres (6 février, p. 450). — Question relative à l'apurement des comptes par le conseil du roi: d'Harambure, Goupil de Préfeln, d'Harambure, Rœderer, Anson, Oémeunier (17 février, p. 601 et suiv.) ;—compétence du conseil affirmée (ibid., p. 602).
— Renvoi au comité de la réclamation du margrave d'Anspach (25 février, p. 688).
— discussion : Camus, Bouche, abbé Maury, Pison du Galand (ibid. et p. suiv.) ; — décret autorisant tous les comités à demander dans tous les dépôts publics toutes les pièces qui leur seront nécessaires (ibid., p. 619).
— Proposition tendant à imposer les maisons de campagne et les châteaux (voir Impôts). — Création d'un comité de douze membres pour procéder à la liquida-
tion des créanees arriérées (22 janvier, p. 285). Voir Comité de liquidation des créances arriérées, Dette publique, Haras.
— Hébrard, au nom de ce comité, conclut qu'il n'y a pas lieu à délibérer, au sujet de la dénonciation des habitants de Bélesme contre l'intendant d'Alençon et son subdélégué, le sieur Bayard de la Vingtrie (29 décembre, p. 40) ; — discussion : Bailleul, comte de Pui-saye, Emmery (ibid.) ; — ajournement de cette affaire (ibid.) ; — demande de communication des procédures entamées et de suspension de toute procédure prévôtale (ibid.). — A l'occasion de la nomination d'un nouveau comité, Duport demande qu'il ne se compose plus que de quinze membres et qu'il soit nommé par l'Assemblée et non par les bureaux (20 janvier 1790, p.264);— discussion: de Bonnal, Charles de Lameth, a'Estourmel, de Mirepoix (ibid.) ; — l'Assemblée décrète que le comité sera réduit à quinze membres et choisi dans toute l'Assemblée, sans distinction de département (ibid.).— Rapport par Mougins de Roquefort sur le sieur Tribert, commerçant en grains (21 janvier, p. 277) ; — décret en faveur de ce dernier (ibid.). — Projet de décret présenté par Regnault d'Epercy sur l'exportation et la circulation des grains (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Emmery, Goupilleau (ibid., p. 278); — question préalable (ibid.). — Renouvellement du comité (26 janvier, p. 352). — Folleville demande qu'il soit divisé en plusieurs sections et augmenté de quinze membres (9 février, p. 535); — rejet (ibid.).
— l'Assemblée décrète que ce comité sera composé de onze membres (ibid., p. 232). — Nom3 de ces membres (21 janvier, p. 266).
rachat des droits féodaux (8 février, p. 498 et suiv.).
. (p. 37). — Demande la création d'un comité de travail (p. 110),
(t. XI, p. 690), (p, 691),— sur les dépenses publiques (p. 715).
_sur l'administration des ports et arsenaux (t. XI, p. 182 et suiv.).
— elle décide, de plus, sur la proposition de Duportj que ious ses décrets seront traduits dans tous les idiomes . de la France (ibid. p. 185). — Proposition tendant à autoriser le comité de constitution à répondre aux demandes des municipalités relatives à l'interprétation de plusieurs décrets (29 janvier, p. 375);
— cliscussion : Garat aîné, Goupil de. Préfeln, Gaultier de Biauzat, Gossin, Gaultier de Biauzat (ibid.);
— ordre du jour (ibid.).
nouvelle chambre des vacations du parlement de Bretagne (p. 423 et suiv.).— Parle sur les droits féodaux (p. 687), (p. 764).
— sur les troubles de Toulon (p. 63), — sur la proposition de Duport, concernant la liste eivile (p. 68),
— sur l'organisation des municipalités (p. 113), — sur la division du royaume (p. 441), — sur la suppression des ordres religieux (p. 576), — sur la division du royaume (p. 585), — sur la suppression des ordres religieux (p. 591),— sur la division du royaume (p. 611), p. 638), — sur le traitement des religieux (p. 640), — sur les troubles des provinces (p. 681).
Son discours en descendant du fauteuil (p. 67). — Donne lecture de la lettre écrite par lui, comme Président, à tous les régiments de France, au sujet de la fâcheuse impression produite par un passage du rapport de Dubois de Crancé sur le recrutement de l'armée (p; 68 et suiv.). — Désavoue un libelle à lui attribué (p. 171). — Parle Bùrla division du royaUme p. 180). — Demande que l'Assemblé adresse aux municipalités une lettre relative au paiement des contributions 257), —que le faubourg de Saint-Laurent-lès-Chalon fasse partie de la municipalité de la ville de Chalon-sut-Sàône (Ibid). — Lit une lettre de la municipalité dé Saint-Quentin (p. 259), — Parle sur lès incbmpatibilités parleméhtairës (p. 330), sur l'état des juifs (p. 373 et suiv.), — stir le procès-verbal (p. 396). — Bemplaçànt âu fauteuil le Pré$ident Target empêché, fait une allocution à la famille Verdure, faussement accuséè de parricide et admise a là barre (p. 402).— Propôse une addition de huit articles au décret sur les municipalités (p. 416); — lâdéfend(p.417);
modifié Un des articles (p. 418); —rend cbmpte de quelquës difficultés d'inteprétation soumises au comité et résolues par lui (p. 422), —. de la non-admission aux assemblées primaires d'ilh fàilli et d'un officier logé en garni (ibid. et suiv). — Parle sur la division du royaiirhe (p. 437), — sur là proposition de Loys concernant les condamnés (p. 497 et suiv.), — sur le rèfus de prestation du serment civique (p. 498),
— sur Un projet de décret concerhaht les finances (p. 520), — sur la représentation dé Paris (p. 539).
— Fait Un rapport sur une demande en nUllité de l'élection du maire de Saint-Jean d'Angély (p. 540; — Je défend (ibid.). — Parle sur les ordres religieux (p. 592), (p. 600), — sur la compétence du conseil du Roi (p. 602), — sur la division du royaume fp.602), (p, 610), (p. 621), — sur les troubles des provinces (p. 654), (p. 677), (p. 681),
abbé Maury, marquis de Montesquiou, : d'Eprémesnil, Duport, comte de Mirabeau, Duporl, la Rochefoucauld, de Custine, de Cazalès, duc de Croi, Anson (ibid. p. 713 et suiv:) ; — adoption (ibid. p. 715); — Fréteau propose une addition (27 février, p. 725) ; — adoption (ibid.).
— protestation et rappél à l'ordre de Garat jeûne, (ibid., p. 171). — Griffon ae Romagné demande que les réclamations des députés,de l'AuniS, ad sujet dé la réunion de cette province à la Sainiohge. sôiènt. insérées au procès-verbal (13 jânvieh p. 177); — t'âbbé Lalyl appuie cette demande (ibid.); — Bouché la combat (ibid. et p. suiv.) ; — rejet, (ibïd. p. 178). — Rapport dé Gossin sur les réclamations de là Ville de Claipecy (ibid. p. 179); — Touloiigeon démandé le renvoi (îoid.) ; — Sérent s'y bppose (ibid.) ; — décret portant la réunion dé la ville de Clâirtécy au département du Nivernais (ibid.).—Ràpportde Gbssin concernant là principauté d'Orange, le Forez, la Lbrrairie et l'Alsace (ibid.) ; — l'Àsseriibléë décrète c|ùè là.première sera réunie, à son chbix, au Dàuphihé bli à là Provence, que le Forez, le Beaujolais et le Lyonnais ne
formeront qu'on seul département, que la Lorraine, les trois-évéchés et le Barrois formeront quatre départements, et que l'Alsace sera divisée en deux départements (ibid. et p. suiv.). — Rapport de Gossin concernant Paris (ibid. p. 180) ; — discussion : Bois-landry, Démeunier, Duport, Custine (ibid) ; — décret portant que la ville de Paris formera un département avec sa banlieue (ibid.). — Rapport de Gossin relatit aux villes de Saumur et de Montluçon (14 janviér, p. 184) ; — la première fera partie du département d'Anjou, et la seconde, du département du Bourbonnais (ibid.). — Rapport de Gossin relatif à la province de Bretagne (ibid. et p., suiv.) ; — elle sera divisée en 5 départements (ibid. p. 185. —Contestations sur la division de la Basse-Guyenne {ibid.) ;— ajournement (ibid.); — rapport de Gossin sùr ces .contestations (15 janvier, pu 188); — diSçusSiôù : 'de Sèze, Pelauque-Béràùït, Dupont [de Bigorfe), Basquiat de Mugriet, Fisson-Jaubert, Daubert, Lavenue, Gossin (ibifl. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète.là division de |a Guyenne en quatre dépârtements (ibid. p. 189).
— Adoption du projet de décret constituant la France en 83 départements (ibid ). — Rapport de Gossin sur la question de savoir si la ville de La Charité-sur-Loire fera partie du département du Berry ou de celui du Nivernais (16 janvier, p. 208 et suiv.) ; — discussion : Bengy de Puyvallée, comte de Sérent (ibid.) ; — l'Assemblée décrète que la ville de la Charité-sur-Loire fera partie du département du Nivernais (ibid. p. 21Q), ;— Rapport de Gossin concernant la ville de Montàûban (ibid.); — discussion : Viguièr, Poncet d'Elpech, Roger (ibid.) ; — décret réûnisàant provisoirement . Ëontauban au département du Quercy (ibid.). — Rapport de Gossin sur lés Malrches-Com-munes (19 janvier, p. 234) , — leur partage entre la Bretagne et le Poitou (ibïd,.). — Rapport de Gossin sur le département de Metz (ibid.) ; — sa diVision en 9 districts (ibid ). — Rapport de Gossin sur la Champagne et le Soissonnais (ibid.) ; — division du département septentrional de la Champagne en 6 districts (ibid.); — les électeurs décideront quel devra éh être le chef-lieu (ibid.). — Rapport de Gossin sûr le dépar-tèmént d'Angers (ibid. p. 235); — sa division en 8 districts (ïbid.\; — le chef-lieu sera Angers, qui alternera àvè.c Saumur, à moins d'ùHe décision èohtraire du département (ibid.). — Rapport ae Gosèin sur la Bresse et le Maçonnais (ibid.); — le faoùrg de Sâint-Laurent demeurera au département de Bresse (ibid.).
— Rapport de Dupont (de Némoiirs) sur lès limites du département de Paris [ibid. p. 236); — discussion : Camus, Dupont (de Nèhours); Lé Pelletier dé Sàint-Fargeau (ibid.) ; — Adoption dii projet de décret proposé par le comité de Çqhstitùtion (ibid.). — Rapport dé Gossin sur la demandé de plusieurs communautés d'Alsace et de Lorraihe, mi-partie dès deux provinces, tendant à avôlr chacune des officiers municipaux (20. janvier, j). 257); — décret généralisant la mesuré (ibid.) — A la dèrhânde de Démeunier, le fâuboùrg dé Sâini-Laurént-lès-Cha-lori est annexé provisoirement à la municipalité dô la Ville dé Chalon-sur-Saône (ibid.).— Rapport dé Gossin siir la division du département de Dijon én sept districts (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Rapport du même sur la réclamation dé Saiiit-Omer Contre la division en deui départements convenue par les dëpiités des deux Flandres, du Hâihàut et du Çàmbrésis, d'une part, et par lés députés dé l'Artois, dii Boulonnais, du Calaisis, de l'Ardésis et de là prévôté de Montreùil, d'autre part (ibid.) ; — discussion: Francovillé, Kytspotter, Hèrwin (ibid. et p. sûiv.); — adoption de la division convenue (ibid. p, 258). — Rapport pàr le même sur le département du Mâconnais, Chàlonnais ét CHarolais (ibid.); —i discussion: Oudot, VerCtiêVe de Reffye, Bërnigâud de Grange et Ducret (ibid.) ; — adoption du projet du comité amendé (ibid. p. 259). — A là demandé de Fréteaù, appùyée par l'abbé d'Eymar, l'Assemblée décrète que mention ne sera plus faite au probès-verbal des réclamations relatives aù partage de fa France (21 janvier, p. 264). — Rapport par Gbssin sur là division éii 6 districts du dé^artehiènt de Chartres IIbid. p. 266) ; — adoption (ibid.). — Rapport |iâr lë même sur les limites dest Trois-Ëvêthës, Lbrrainè et Barrois (ibid.); —adoption (ibïd.). — Rapport par lé tnêmô sùr le département de ChâloUS, divisé en 6 districts et dont le chef-lieu serait provisoire-
ment Ghàlons (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Rapport par le même sur les limites coutestées des cinq départements de Haute-Auvergne, Basse-Auvergne, Vélay, Forez et Vivarais (ibid., p. 267) ; — discussion : Bertrand, Daude, Hébrard, Devillas, Daude, Gaultier de Biauzat, Girot-Pouzol, de Bonnal, Grenier, Armand, Gaultier de Biauzat (ibid. p. 267 et suiv.); — adoption des deux premiers articles proposés (ibid., p. 268.) — Rapport par le même sur le département de la Marche (22 janvier, p. 284); — discussion: Bourdon, Bonassat, Goubert, Bandy-Delachaux (ibid,) ;
— adoption du projet de décret présenté (ibid.). — Décrets concernant les départements de Montpellier, d'Artois et de la Basse-Bretagne (ibid. et p. suiv.). — Projet de décret lu par Gossin sur le département de Toulouse (23 janvier, p. 289) ; — discussion : Perez de Lagesse, Long (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Adop-tisn du projet de décret concernant le département de Tulle (ibid.). — Discussion sur le projet relatif au département de Rennes : Le Chapelier (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Rapport de Gossin sur le département d'Alençon (25 janvier, p. 316) ; — discussion : Achard de Bonvouloir (ibid.) ; — division en *ix districts (ibid.). — Division du département formé des pays de Bresse et de Dombes (ibid.). — Rapport par Gossin sur le département de Rouergue (ibid.) ; — discussion : Villaret, Andurand, de Colbert-Seignelay (ibid.) ; — Rodez, chef-lieu provisoire (ibid.). — Rapport par Gossin sur le département du Haut-Limousin (ibid.) ; — division en six districts (ibid.). — Arras, chef-lieu provisoire de l'Artois (ibid.). — Rapport par Gossin sur une difficulté élevée entre le Vivarais et le Forez (ibid., p. 317) ; — discussion : de Saint-Martin, de Rostaing, Delaudine, Richard (ibid.) ; — consécration de la possession (ibid.). — Débat au sujet du département d'Alençon : Goupil de Préfeln, Gossin (26 janvier, p. 325 et suiv.); — ordre du jour (ibid., p. 3Ë6). — Rapportde Gossin sur les difficultés élevées entre le Forez et le Vivarais et entre le Vivarais et le Vélay (ibid.), p. 326) ; discussion : Richond, Chasset (ibid.); — adoption du projet de décret du comité de constitution (ibid.). — Rapport par Gossin sur le. département d'Amiens (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Laurendeau, Fréteau, Prévôt (ibid., p. 327); — division en cinq districts (ibid ) — Rapport par Gossin sur le département da Soissonnais (ibid); — discussion : comte d'Egmont, Le Garlier, Boutteville-Dumetz (ibid.) : — division en six districts et fixation ultérieure du siège du chef-lieu (ibid.). — Rapport par Gossin sur le département du Blaisois (ibid.); —division en six districis (ibid.). — Rapport par le même sur le département du Nivernais (ibid.);
— division en neuf districts (ibid.). — Rapport par le même sur le département de Touraine (ibid.);—division en sept districts (ibid.). — Rapport par le même sur le département du Périgord (ibid.); — division en neuf districts (ibid.). — Division en six districts du département occidental du Poitou (ibid. et p. 328.). — Réclamation de Leleu de La Ville-Aux-Buis, concernant le département du Soissonnais et du Vermandois, appuyée par Rabaud de Saint-Etienne (27 janvier, p. 349) ; — l'Assemblée décrète la réunion des électeurs à Chauny pour fixer le chef-lieu (ibid.).
— Rapport de Gossin sur le département de Lorraine (27 janvier, p. 350); — discussion : Maillot, Gérard, Schmits (ibid.); — division en neuf districts (ibid ).
— Rapport par Gossin sur le département de l'Auxer-tois (ibid.) ; — discussion : Menu de Chomorceau, Martineau, Dupont (de Nemours) (ibid. et p. suiv.); — division en sept districts (ibid., p. 351). — Rapport de Gossin sur le département de Versailles (ibid.) ; — discussion : baron de Menou, de Boislaudry, abbé Millet, Lebrun (ibid.) ; — division en neuf districts iibid.). — Division du département de Foix et de Couserans en trois districts (ibid., p. 352). — Division en sept districts du département du Gotentin (ibid.). — Rapport de Gossin sur le département méridional de la Champagne (28 janvier, p. 355) ; — discussion : Drevon, Mougeotte de Vignes, Thévenot de Maroise (ibid. et p. suiv.); — division en six districts (ibid., p. 362). — Rapport par Gossin sur le département de la Haute-Auvergne (ibid.) ; — discussion : Bertrand, Armand, Daude, duc de La Rochefoucauld, Armand, Daude, Bertrand (ibid.); — division en quatre districts (ibid., p. 363).
— Rapport par Gossin sur le département d'Armagnac (ibid.); — discussion : Long, Sentetz (ibid.);
— division en six districts (ibid.). — Rapport par Gossin sur les trois départements du Dauphiné (ibid.) ; — discussion : un membre, Pison du Galand (ibid.) ; — adoption de la délimitation proposée (ibid.).
— Adoption de la division de quelques paroisses entre les départements de l'Angoumois et du Poitou, également proposée (ibid.). — A la demande de Bertrand, l'Assemblée décrète une modification au décret concernant la Haute-Auvergne (29 janvier, p. 373).
— Rapport par Gossin sur le département du Vélay (ibid., p. 374) ; — discussion : Privât, Bonnet de Treiches, Privât, Grenier (ibid.) ; — division en trois districts (ibid.). — Rapport par Gossin sur la division du Quercy (ibid.); — division en six distriets (ibid.). — Rapport par le même sur le département de Carcassonne (ibid.) ; — division en six districts (ibid.). — Rapport par le même sur le département de Troyes (ibid.);— discussion : Baillot, un membre, Camusat de Belombre (ibid.); — division en six districts (ibid.). — Gossin rend compte d'une difficulté élevée entre Grasse et Antibes (ibid.) ; — discussion : Verdolin, Mougins de Roquefort (ibid. et p. suiv.) ;
— annexion d'Antibes au district de Grasse (ibid., p. 375).—Projet de décret concernant une seconde division du département est de la Provence (ibid.) ; — discussion : Lassigny de Juigné, Sieyès de la Baume, Féraud, Lassigny de Juigné (ibid.); — division de la viguerie de Draguignan en deux districts (ibid.).
— A la demande de Mougins de Roquefort, l'Assemblée modifie son vote de la veille et décide que la ville d'Antibes ne sera point séparée du district de Grasse (30 janvier, p. 394). — Rapport de Dupont (de Nemours) sur le département de Bar-le-Duc (ibid.); — discussion : Prieur, Georges, un membre, Gillon, abbé Simon, Huot de Goncourt, Gossin (ibid. et p. suiv.) ; — division en huit districts (ibid., p. 395).
— Rapport par Gossin sur les départements de la Bretagne (ibid.) ; — division en neuf districts de chacun des trois départements, de Rennes, de Nantes et de Vannes (ibid.). — Rapport par Gossin sur les limites assignées aux départements contigus de la Basse-Auvergne et du Bourbonnais (ibidj; — discussion : Andrieu (ibid. et p. suiv.); — indication des paroisses attribuées à chacun d'eux (ibid., p. 396).
— Propoiition par Alexandre de Lameth d'une addition au décret relatif au département d'Amiens (ibid.); — discussion : Prévôt, Laurendeau (ibid.);
— adoption (ibid.). — Rectification au sujet du Bar-rois (1er février, p. 406). — Rapport par Gossin sur le département de l'ouest de la Provence (ibid., p. 407);—discussion : Pochet, Bouche fils (ibid.); — confirmation du décret y relatif, sauf une exception (ibid.). — Autre rapport de Gossin concernant le même département de l'Ouest de la Provence (ibid.);
— discussion : Bouche, Lejeans, de Boisgelin (ibid. et p. suiv ); — décret portant qu'Aix sera le chef-lieu de ce département (ibid., p. 408). — Rapport de Gossin sur le département des deux Flandres, du Uainaut et du Cambrésis (ibid.); — discussion : Merlin (ibid.) ;
— division eu huit districts (ibid.). — Rapport ae Gossin sur le département d'Evreux (ibid.); — discussion ; Buzot, Decretot, abbé Lebrun (ibid.); — division en six districts (ibid.). — Division en sept districts du département de Rouen, du Bourbonnais et de l'Orléanais ; en quatre districts du département du Dauphiné nord; en six districis du département du Bas-Dauphiné et en quatre districts du département duDauphiné oriental; en six districts du département de Poitiers; en neuf districts du département de la Corse; en six districts du département intermédiaire du Poitou et du département du Lyonnais; en huit districts du département de Nîmes (3 février, p. 420 et suiv.). — Présentation par Dupont (de Nemours) de deux décrets concernant la division du département du Bas-Maine en sept districts et du département du Haut-Maine en neuf (4 février, p. 427) ; — adoption (ibid.). — Rapport par Gossin sur la division du départementde Bigorre (ibid. etp.suiv.), (ibid.,p. 428);
— discussion : Dupont (de Bigorre), Sentetz (ibid.);
— division en cinq districts (ibid.). — Présentation par Gossin et adoption d'un projet de décret divisant la province du Berry en deux départements (ibid. et p. suiv.). — Division en ?ix districts du département
de Caen (5 février, p. 436 et suiv.), en huit districts du département de l'Auvergne (ibid., p. 437), en sept districts du département du Gévaudan (ibid.). — Rapport par Dupont (de Nemours) sur le département de l'Albigeois (ibid ); — discussion : Campmas, Devoisins (ibid.) ; — division en sept districts {ibid.). — Réclamations de la ville d'Epernon, présentées par le baron de Gernon, et tendant à l'autoriser à choisir le département auquel elle veut être attachée (ibid.); — adoption (ibid.). — Rapport par le baron de Cer-non sur le département de Besançon (ibid.) ; — discussion : La Poule, Muguet de Nanthou, Lezay de Marnésia (ïbid.) ; — division de la Franche-Comté en trois départements et division de chacun d'eux en sept districts (ibid.). — Rapport par le baron de Cer-non sur les départements d'Aval et d'Amont en Franche-Comté (ibid.); — discussion : Démeunier, Vernier (ibid.); — fixation des chefs-lieux (ibid. et p. suiv.). — Rapport de Gossin sur le département de Bordeaux (6 février, p. 441) ; —- division en sept districts (ibid.). — Rapport par Gossin sur le bourg de la Guillotière (ibid.); — discussion : Périsse-Duluc, DeUey-d'Agier (ibid); — annexion du bourg de la Guillotière à la ville ae Lyon (ibid., p. 442). — Rapport par Dupont (de Nemours) sur le département d'Aunis et de Saintonge (ibid., p. 442); —discussion: Alquier, Griffon de Romagné, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) (ibid.); — division en sept districts (ibid.). — Rapport par le baron de Cernon sur le département du Vermandois et du Soissonnais (ibid.); — discussion : Aubry du Bochet (ibid.); — division en six districts (ibid.). — Rapport de Gossin sur les départements de Bourges et du Vivarais (7 février, p. 487);— division en sept districts (ibid.). — Exposé des compétitions des députés des deux Flaudres, du Hainaut et du Cambrésis sur le choix du chef-lieu de ce département (ibid.); — discussion : Wartel, de Kystpotter, Merlin (de Douai) (ibid. et p. suiv.); — option en faveur de Douai (ibid. p. 488). — Rapport par Dupont (de Nemours) sur le département de Beauvoisis (ibid.); — division en neuf districts (ibid.). — Rapport par le baron de Cernon sur le département de Meaux (ibid.) ; — ajournement (ibid.).
— Rapport par le même sur le département de la Haute - Provence (ibid.); — division en cinq districts (ibid.). — Rapport par le même sur le département du Béarn (8 février, p. 496) ; — discussion : marquis Duhart, Laborde-Escuret, Dar-naudat, Basquiat de Mugriet, Lamarque, Garat aîné (division en six districts) (ibid.). — Rapport par le même sur les réclamations de la ville de Morlaas contre la division des districts du département du Béarn (ibid.); — discussion : Noussitou (ibid.); — la ville de Morlaas conserve son tribunal (ibid.). — Rapport par le baron de Cernon sur le département de l'Artois (ibid.) ; — ses limites subsisteront telles qu'elles ont été arrêtées (ibid.). — Rapport par le même sur le département de l'Agenois [ibid. et p. suiv.);
— discussion : Renaud, marquis de Fumel-Montsé-gur, Daubert (ibid., p. 497) ; — division en neuf districts (ibid.). — Rapport par Gossin sur la création du département de la Chalosse et du Marsan (9 février, p. 518 et suiv.); — adoption (ibid.). — Rap-porf par le même sur des districts de la Lorraine et de l'Alsace (ibid., p. 519); — adoption (ibid.) — Rapport par le même sur le département des Vosges (ibid); — division en neuf districts (ibid.). — Rapport par le même sur la Basse - Auvergne (ibid.) ; discussion : Andrieu, Gossin, Andrieu (ibid.); — modification du décret proposé (ibid.).
— Rapport par le baron de Cernon sur le dédépartement ouest de la Provence (ibid.); — dis- ! discussion : Solliers, d'Eymar (ibid.); — division en dix districts (ibid.). — Rapport par le baron de Cernon sur le département du Roussillon (ibid.) ; — division en trois districts (ibid., p. 520). — Rapport par le même sur le département de Paris (10 février, p. 539); —discussion sur les bases de la représentation : Camus, Démeunier, Lanjuinais, duc de la Rochefoucauld (ibid.); — division en trois districts (ibid.). — Rapport par le baron de Cernon sur le département de la Haute-Auvergne (ibid.); — formation des districts d'Auriac et de Mauriac (ibid.). — Rapport par le même sur le département de la Basse-Auvergne (ibid.) ; — discussion : Malouet, Gaultier de Biauzat,
baron de Cernon, Andrieu, baron de Cernon, Duf-raisse - Duchey, Girot - Pouzol, Grenier (ibid. et p. suiv.); — adoption des conclusions du comité relatives aux situations respectives de Clermonl et de Riom (ibid., p. 540). — Rapport par le baron de Cernon sur le département est de la Provence (ibid.); — division en neuf districts (ibid.). — Rapport par le même sur le département de Lyon (13 février, p. 584 et suiv.),* — renvoi de la question concernant le bourg de la Guillotière à la prochaine assemblée du département (ibid., p. 585). — Rapport par le même sur le département de Chaumont (ibid.) ; — même renvoi, appuyé par le marquis d'Êstourmel et Gaultier de Biauzat, au sujet des limites entre le district de Bour-mont et ceux de Chaumont, Langres el Bourbonne (ibid.). — Le baron de Cernon présente un projet de décret relatif à la vallée de Barcelonnette (ibid.) ; — discussion : Delly d'Agier, Bouche (ibid.); — ordre du jour (ibid.). — Rapport par le baron de Cernon sur le département des Landes et de la Chalosse (15 février, p. 602) ; — discussion : Mauriet de Flory, La Porterie, Basquiat de Mugriet, baron de Batz, Basquiat de Mugriet, Démeunier (ibid.); division en quatre districts (ibid.). — Rapport par le baron de "Cernon sur des réclamations de plusieurs villes (ibid.);
— discussion : baron d'Allarde, Malès (ibid.) ; — ordre du jour (ibid.). — Rapport par Dupont (de Nemours) sur le décret général relatif aux départements du royaume (ibid. et p. suiv.) ; — discussion de l'article 1er : Bouche, Fréteau, Bouche, Buzot (16 février, p. 609 et suiv.) ; — adoption (ibid). p. 610); — discussion de l'article 2 : baron de Menou, Pison du Galand, Déraeunier, Fréteau, Delandine, Garat aîné, Cochard, Buzot, Gourdan, Destutt de Tracy, comte de Mirabeau, Fisson-Jaubert (ibid.) ; — rejet (ibid.); — discussion de l'article 3 : Delley-d'Agier, Goupilleau (ibid. et p. suiv.); — adoption de cet article devenu l'article 2 (ibid., p. 611) ; — discussion de l'article 4 devenait le 3e : de Marguerittes, d'Au-bergeon de Murinais, Madier de Montjau, Bouche, Pison du Galand, Fréteau, Bouche, de Foucault, Mou-gins de Roquefort (ibid.) ;—adoption (ibid.); — discussion de l'article 5 destiné à devenir l'article 4 : Fréteau, de Montlosier, Pison du Galand (ibid. et p. suiv.);—rejet (ibid. p. 612);—discussion de l'article 6 : Gaultier de Biauzat, Dupont (de Nemours), Fréteau, Gaultier de Biauzat (ibid.); rejet (ibid.); —
— discussion de l'article 7 : comte de Dortan, Guil-lotin (ibid.) ; — adopté, il devient l'article 4 (ibid.) ; — texte du décret (ibid.). — Rapport du baron de Cernon sur la division du département du Béarn (17 février, p. 621); — discussion : Garat aîné, Darnau-dat (ibid.) ; — décret portant que la tenue de la première assemblée des électeurs de ce département aura lieu dans la ville de Navarreins (ibid.). — Lecture d'une rédaction générale des décrets relatifs à la division du royaume en départements et à celle des départements en districts (ibid.) ; — l'Assemblée décrète, sur la proposition de Lavie, que les habitants du comté de Mont-Joie seront libres de quitter le district de Belfort pour se réunir à celui de Saint-Hippolyte (ibid.) ; — proposition du baron de Cernon, tendant à faire décréter que la division des départements en districts n'est que réglementaire (ibid.);
— discussion : de Toulongeon, Dupont (de Nemours); Bouche demande la réunion, sous leurs dates, de tous les décrets relatifs à la division du royaume (ibid) ; — rejet, à l'instigation de Le Bois-Desguays et de Démeunier (ibid). — Delley-d'Agier propose une addition à l'article 2 du décret général (18 février, p. 638) ; — ordre du jour (ibid.). — Rapport par Thouret sur la réunion des faubourgs de Rouen à cette ville (20 février, p. 660 et suiv.); — adoption du projet de décret y relatif (ibid., p. 661). — Décret portant que la rédaction générale des décrets sur la division du royaume en 83 départements sera présentée incessamment à l'acception du Roi et qu'il lui sera demandé de donner sur-le-champ des ordres pour la formation des assemblées de cantons, de districts et de départements (26 février, p. 710). — Communication, par le baron de Cernon, d'une proposition du comité de constitution relative aux dénominations des départements (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : marquis de Foucault, Bureaux de Pusy, baron de Cernon, Target, abbé Maury, comte de Mirabeau,
marquis de Foucault, abbé Samary, Garat aîné, Target, Fos de Laborde (ibid.,y. 714) ; — décret chargeant le comité de ces dénominations (ibid.)-, —adoption d'une proposition de Camus tendant à insérer au procès-verbal du jour les divers décrets relatifs à la division du royaume (ibid.) ; — texte de ces décrets (p. 716 et suiv.). — Adoption de quatre nouveaux décrets (27 février, p. 725).
— article 6: Legrand, Target, de Montlosier (ibid., p. 687); — adoption (ibid.)—article 7: baron de Juigné, Defermon, baron de Juighé, marquis de Foucault, Loys, de Lachèze [ibid.) ; — adoption (ibid. et p. suiv.) ; — adoption sans débat de l'article 8, (ibid. p. 688) ; — article 9 : Merlin, Boussion (ibid ) ;
— adoption [ibid.) ; — article 10 : ftlerlin présente une nouvelle rédaction, (25 février, p. 688 et suiv.); — discussion : duc de la Rochefoucauld, Pétion de Villeneuve,Tronchet, Le Chapelier. Target, ducdeCroi, Lanjuinais, Martineau, Le Chapelier, Achard de Bon-vouloir, Goupil de Préfeln, Vernier; Ménard de la Groye, Pellerin, Pfliéger, abbé d'Eymar, duc de Croi, Emmery, duc de Croi, Guillaume .(ibid. p; 889 et suiv.) ; — adoption d'un article 10 composé des amendements de Le Chapelier et de Martineau (ibid., p. 691 et suiv.). — Présentation par Merlin des trois premiers articles du titre deuxième (26 février, p. 745 et suiv.) ; — discussion : Leyris-Desponchez, Tronchet, Christin, marquis de Biancourt, Muguet de Nantbûu, de Robespierre, Grelet de Beauregard (ibid., p. 746) ; — adoption (ibid.) ; — présentation par Merlin dtt 4e article (27 février, p. 725) ; — discussion : Muguet de Nanthou, Cochard, vicomte de Tou-longeon, Tronchet, Pbpulns, Goupil de Préfeln, La Poulè, Thouret, Merlin {ibid.. et p. suiv.) ; — adoption de l'article amendé (ibid., p. 726) ; — article 5 : Thoret, Merlin (4e"1 mars, p. 763) ; — adoption (ibid.);— article 6: Thoret (ibid.); — adoption (ibid.) ; — vote sans discussion de l'article 7 (ibid.) ; — article 8 : de Lachèze, Renaud, Bousmard de Chantereine, Voidel (ibid.); — adoption {ibid.) ; — article 9 : Chabroud, Merlin, Gaultier de Biauzat, Merlin, Bouche, Defermon, Gaultier de Biauzat, Bar-
rère de Vieuzac, Gossuin (ibid. et p. suiv.) ;—adoption (ibid., p. 764) ; — article 40 : plusieurs membres, Merlin (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — article 44 : abbée d'Eymar, Lavie {ibid.); — adoption (ibid.) ; — article 12 : Regnaud (de Sàint-Jeari-d'Angély), Goupil de Préfeln, marquis de Foucault, Garat aîné, Mo-reau, Regnaud (de Saint-Jean-d'Àngély) (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid., p. 765) ; — voie, sans discussion, de l'article 13 (ibid.); — articles 44 et 45 : Legrand, Frochot, comte de Levis Mirepoix, Mougins de Roquefort, Gérard (de, Rennes), Tronchet, Delaudine, Boutteville-Dumetz, Merlin (ibid. et p. suiv.) • — adoption des deux articles, mais sops réserve a'une nouvéllé rédaction du 15e (ibid., p. 768).
(p. 602 et suiv.) — Ses observations sur le nombre des districts et des tribunaux (p. 606 et suiv.).—Parle sur la division du royaume (p. 612), (p. 621), — sur le traitement des religieux (p. 639), (p 647 et suiv),— sur les troubles des provinces (p. 667 et suiv,), (p. 682).
— Demande qu'on s'occupe tout de suite du pouvoir judiciaire (p. 112). — Répond à Bailly, se plaignant de ce qu'on lui à fait dire qu'il a conseillé à l'archevêque de quitter la France dans l'intérêt de sa sécurité (p. 114). — Parle sur le refus du parlement de Rennes, d'enregistrer un décret de l'Assemblée (p. 141 et suiv.), (p. 167), —sur le mémoire de la république de Gênes, relatif à la Corse (p. 269), — suir 1 incident provoqué par l'abbé Maury (p. 287); — sur les troubles de Marseille (p. 403), — sur une proposition de Voidel (p. 489), — sur les troubles des provinces (p.538), — sur la suppression des ordres religieux (p. 583), (p. 590), (p. 591), — sur les troubles des provinces (p. 655 et suiv.); (p. 680), —sur une réduction des dépenses publiques (p. 713).
semblée nationale (19 janvier, p. 255 et suiv.); — discussion: quelques membres, Rœderer [ibid., p. 256); — admission de Cochelet [ibid.]. — Admission du baron de Nédpnchelle, nommé à la place du duc de Croy, député du Quesnoy, démissionnaire (22 janvier, p. 287).
gruistes(t. XI, p. 45), — sur le prix des journées de travail exigé pour être citoyen actif (p. 187), — sur les droits des juifs (p. 364), — sur un projet de décret concernant des troubles (p. 419), — sur la division du royaume (p. 497), — sur une motion en faveur des ouvriers lyonnais privés de leurs droits de citoyens actifs (p. 555), — sur les ordres religieux (p. 589), (p. 647), — sur le rappel à l'ordre de Blin (p. 673).
réclamations des Allemands possesseurs de fiefs en Alsace et en Lorraine (p. 547). — Parle sur la compétence du conseil du Roi (p. 602), — sur le renouvellement de l'Assemblée nationale (p. 622), — sur les ordres religieux (p. 651), — sur les droits féodaux (p. 691), (p. 727),— sur l'exportation des bois de la Lorraine allemande (p. 729), — sur les droits féodaux (p. 765).
néchaussée de la Haute-Marche. Parle sur les droits féodaux (t. XI, p. 716).
l'affaire de Bélesme (p. 40).—Parle sur la division de l'Auvergne (p. 267). — Fait des rapports sur le logement des gens de guerre (p. 296), — sur la réclamation de Cousin de Beauménil, procureur du Roi à Montdidier (p. 556), — sur une perception d'octroi (p. 618).
— ajournement jusqu'à ce que la commune assemblée ait fait connaître son vœu (ibid*); — l'abbé Gouttes propose de substituer au mot commune ceux de {'assemblée générale du corps municipal et électoral, et des notables élus (7 janvier, p. 115); — discussion : Robespierre, Duport (ibid.); — adoption (ibi i.)\ — rapport par l'abbé Gouttes tendant à autoriser cette imposition (8 février, p. 497); — adoption [ibid.). — Projet de décret proposé par l'abbé Gouttes sur les impositions du Dauphiné (26 février» p. 711); — adoption (ibid.).
— un membre répond que c'est un oubli du secrétaire (ibid.); — Foupault-Lardimalië demande que l'on statue au plus tôt sur le rachat des rentes et cens (ibid.) ; — Defermon et Rœderer proposent la formation d'un comité d'impositions (ibid.); — Lebrun combat cette proposition (ibid.) ; — le comte de Mirabeau s'élève contre l'idée d'un nouveau système d'impositions (ibid.) ; — le duc de La Rochefoucauld opine pour la création d'un nouveau comité d'impositions (ibid.) ; — l'Assemblée ne statue pas sur cette question et décide que le Président écrira à la municipalité de Dreux (ibid.). — Projet de décret présenté par Lebrun, membre du comité des finances, et autorisant l'administration provinciale du Berry à suivre jusqu'à nouvel ordre l'ancien mode d'imposition (2 janvier 1790, p. 65) ;—discussion : Gaultier de Biauzat, Le Chapelier, Emmery (ibid.); — rejet (ibid.). — Proposition de l'abbé Gouttes, au nom du comité des finances, tendant à imposer les maisons de campagne, les châteaux et leurs dépendances (7 janvier, p. 115) ; — discussion : de Richier, Camus, de Foucault, de Menou, Ramel-Nogare't, Anson (ibid. et p. suiv.) ; — Bouche demande que ce décret soit limité à l'élection de Paris (ibid. p. 116);—adoption de l'amendement (ibid.) ; — ajour-
nement de la question principale (ibid.). — Sur la demande de Démeunier, l'Assemblée décrète l'envoi aux municipalités d'une lettre invitant à payer les contributions existantes (20 janvier, p. 257); — texte de cette lettre (ibid.). — Rapport pat Anson sur la perception des impositions dé 1790 (23 janvier, p. 290 et suiv.) : — discussion : Duport, Bouche, Rewbell, Salle, Anson, Robespierre, Lecouteulx de Canteleu, Anson (30 janvier, p. 396 et suiv.); — adoption du projet de décret rectifié (ibid., p. 397) ; — addition à l'article 4 de ce décret (1er février, p. 406).
er février 1790, t. XI, p. 413).
— Naurissart renpnce à l'intérêt qui lui ^vait été accordé dans les vivres et fourrages de l'armée (ibid.); — le marquis d'Ambly et le viçopite de Mirabeau demandent qu'on refuse leur démission (ibid.) ; — l'Assemblée fait ces démissionnaires juges de la résolution qu'ils ont à prendre (ibid., p. 5o2) ; — Dandré écrit qu'il attend son successeur dans la place de commissaire du Roi en Provence, pour reprendre son siège à l'Ai-semblée (13 février, p. 584).
lissonnière, de Fumel, Rewbell, de Sèze, Le Chapelier, abbé Maury, Le Chapelier, de Beauharnais, de Sèze, Briois de Beaumetz, Grégoire, Le Pelletier de Saint-Fargeau, Charles de Lameth, duc de Liancourt (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décide que tous les juifs portugais, espagnols et avignonnais continueront de jouir des droits dont ils ont joui jusqu'à présent, et conséquemment jouiront des droits de citoyens actifs, s'ils réunissent les conditions requises par le3 décrets de l'Assemblée (ibid., p. 365). — Schwendt demande que l'Assemblée déclare qu'elle n'a rien entendu préjuger au sujet des juifs d'Alsace (29 janvier, p. 373) ; — Bouche demande que l'on ajoute après avignonnais et comtadins (ibid.) ; — Démeunier s'y oppose (ibid. et p. suiv.);—ordre du jour (ibid., p. 374). — Garat aîné rend compte de l'exécution à Bordeaux du décret concernant les juifs (9 février, p. 520). — Députation de la commune de Paris, demandant, par l'organe de l'abbé Millot, l'application, aux juifs domiciliés dans Paris, du décret rendu en faveur des juifs dits portugais, espagnols et avignonnais (25 février, p. 698). — Le duc de Liancourt demande que l'on s'occupe de l'état civil des juifs (26 février, p. 710) ; — l'Assemblée ajourne cette question sur la proposition Target (ibid.).
sénéchaussée de Riom. Parle sur les troubles des provinces (t. XI, p. 227), (p." 615), (p. 654), (p. 672).
sur la question des libelles (t, XL p. 11?), — sur l'impression des procès-verbaux (p. 725),
division du royaume (t. XI, p. 289), (p. 363); — sur les coupes de Jbois ecclésiastiques (p. 664).
— discussion : comte de Mirabeau (26 janvier, p. 332 et suiv.) ; — abbé Maury, Regnault d'Epercy, abbé Maury, comte de Mirabeau, Briois de Beaumetz, abbé Maury, Briois de Beaumetz, Barnave, Madier de Montjau, Duval d'Eprémesnil (30 janvier, p. 402 et suiv.); — renvoi au nouveau comité des rapports (ibid. p. 403) ; — discours, non prononcé, du comte Stanislas de Glermont-Tonnerre (p. 403 et suiv.). — Dénonciation par Durand de Maillane d'un enlèvement, par le prévôt de Marseille, de l'ancien conseiller au parlement d'Aix, Servan, notaire de la ville des Baux (2 février, p. 416); — renvoi au comité des rapports (ibid.). — Brevet de Beaujour nommé rapporteur à la place de l'abbé Maury (3 février, p. 422.)
tater la dette (t. XI, p. 36). — Parle sur l'organisation des municipalités (ibid.), (p. 37), — sur un don des Génevois (p. 40), — sur l'organisation des municipalités (p. 46), — sur les pensions (p. 55), — sur les troubles de Toulon (p. 63 et suiv.). — Fait un rapport sur une imposition extraordinaire de la ville de Rouen (p. 66). — Parle sur les lettres de cachet (p. 67), — sur les pensions (p. 74), (p. 108), — sur 1 organisation des municipalités (p. 112 et suiv.), — sur la chambre des vacations du parlement de Rennes (p. 153 et suiv.), — sur la déclaration des biens du clergé (p. 224 et suiv.). — Propose un impôt sur le luxe et appuie la demande de formation d'un comité d'impositions (p. 2301; — retire sa proposition (p. 232). — Parle sur le mémoire de la république de Gênes relatif à la Corse (p. 269), — sur la procédure criminelle (p. 278), — sur la liquidation des créances arriérées (p. 286). — Injurie l'Assemblée (ibid., p. 287); — est censuré (ibid.); — demande la lecture du décret de censure (p. 297). — Fait un rapport sur l'affaire de Marseille (ibid. et p. suiv.). — Parle sur l'état des juifs (p. 365), — sur l'affaire de Marseille (p. 402), (p. 403), — sur la répression des troubles (p. 536 et suiv.), — sur la valeur du comté de Clermont (p. 619), — sur la réforme du sceau (ibid.), — sur le traitement des religieux (p. 641), — sur les troubles dans les provinces (p. 654), (p. 655), — sur le rappel à l'ordre de Blin (p. 673), — sur la division du royaume (p. 711), — sur une réduction des dépenses publiques (p. 713), — sur une motion d'Alexandre de Lameth tendant à tenir séance un dimanche (p. 730), — sur les lettres de cachet (p. 731), — sur la constitution de l'armée (p.738),(p. 739).
(p. 688 et suiv.), — les trois premiers articles du titre II (p. 715 et suiv.), — le quatrième article (p. 725). — Secrétaire (p. 732). — Présente la suite des articles du projet de décret sur les droits féodaux (p. 763 et suiv.)
discours en quittant le fauteuil (p. 227). — Parle sur le paiement des décimes à effectuer par le receveur de l'ancien clergé (p. 289 et suiv.), — sur les ordres religieux (t. 590 et suiv.), (p. 591), (p. 592), (p. 650).— Renommé Président (p. 731); — son discours d'installation (ibid.).
(t. XI, p. 61), — sur l'affaire de Toulon (p. 228), sur la division du royaume (p. 437), — sur les droits féodaux (p. 716), (p. 726).
Nédonchelle (Baron de),dépoté-suppléant delà noblesse du Quesnoy. Remplace le duc deCroy démissionnaire (t. XI, p. 287).
lier, Mougins de Roquefort, Treilhard, Rœderer, duc de La Rochefoucauld, abbé Grégoire, Pétion de Villeneuve, Deiley-d'Àgier, Cayla de La Garde, Barnave, de La Fare, évêque de Nancy, Cazalês, d'Eprémesnil (12 février, p. 574 et suiv.); — Roger, abbé d'Ey-mar, Garat aîné, de Fumel-Montségur, Guillaume, de La Fare, de Fumel, de La Fare, Dupont (de Nemours), Rœderer, de Cazalês, Le Bois-Desguays, Charles de Lameth, de Virieu , de Menou , d'Eprémesnil, Dufraisse-Duchey, Garat aîné, abbé de Montes-quiou, comte de Mirabeau, abbé de Montesquiou, comte de Mirabeau, abbé de Montesquiou, Thou-ret, de Cazelès, Thouret. d'Eprémesnil, Delley-d'Agier, abbé d'Eymar, Lavie, d'Estourmel (13 février, p. 585 et suiv.) ; — adoption de l'article 1er (ibid., p. 591); — discussion de l'article 2: Le Chapelier, Fréteau, Blin (ibid., p. 592) ; — adop tion (ibid.); — discussion de l'article 3 : abbé de Montesquiou, de Menou, Démeunier (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Opinions non prononcées de l'abbé Ville-banois (ibid. et p. suiv.), de Blin (p. 593 et suiv.).— Demande de rectification de l'article 2 : Martineau, vicomte de Noailles, Renaud, Bouche, Démeunier, Le Chapelier, comte de Choiseul-Praslin, Leleu de La-Ville-aux-Bois, Fréteau, marquis d'Estourmel, Target, vicomte de Noailles (15 février, p. 600); — adoption (ibid.). — Rapport par Treilhard, concernant l'ordre du travail à adopter et le traitement à accorder aux religieux et religieuses (17 février, p. 623 et suiv.) ;
— Lavie demande que les jésuites ne soient pas exceptés de la mesure (ibid.); — décret fixant la succession des travaux (ibid., p. 624). — Discussion de la question de savoir s'il faut établir une différence entre les ordres rentés et les ordres non rentés (Treilhard, rapporteur du comité ecclésiastique, propose l'égalité de traitement) : Dom Gerle, duc de La Rochefoucauld, abbé Grégoire, Guillotin, Dupont (de Nemours), Thibault, curé de Souppes, Duport, Charles de Lameth, Fréteau, Mougins de Roquefort, Dellev-d'Agier, Gaultier de Biauzat, comte de Mirabeau, Fréteau, Lanjuinais, abbé Maury, Treilhard (18 février, p. 639 et suiv.); — décret portant que le traitement des religieux mendiants sera différent de celui des religieux non mendiants (ibid.. p. 641); — le rapporteur (Treilhard) présente un projet de décret concernant les religieux pourvus de titres perpétuels de bénéfice, abbaye, prieuré ou autres (19 février, p. 646); — discussion : abbé de Coul-miers, Lanjuinais, Dom Gerle, Cayla de La Garde (ibid. et p. suiv.) ; — amendement présenté par Camus (ibid., p. 647); — diseussion : abbé Maury, Fisson-Jaubert, Camus, de Fumel, Camus ibid.) ; — adoption de l'amendement (ibid.); — article présenté par Treilhard relativement à la quotité des traitements (ibid.); — discussion : abbé Grégoire, Roiissil-lon, Dom Gerle, Dupont (de Nemours), Treilhard, de Robespierre, Barnave, Pétion de Villeneuve, Martineau, Treilhard, comte de Mirabeau, Target, Prieur, marquis de Foucault, abbé de Montesquiou, Barnave (ibid., p. 647 et suiv.); — adoption de l'article amendé (ibid., p. 650) ;—adoption d'une addition proposée par Camus à un article déjà amendé par lui (20 février, p. 650 et suiv.);—discussion d'un article concernant les frères donnés, convers et lais : abbé Latyl (ibid., p. 681) ; — adoption de l'amendement proposé par ce dernier (ibid.) ; — discussion d'un article concernant l'incapacité des religieux en matière de successions et dispositions entre-vifs et testamentaires : Mougins de Roquefort, Goupil de Préfeln, Camus, Martineau, Bouche, de Colbert-Seignelay, Target, Prieur, Fréteau, de Custine, Duport, Populus (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid.).
— l'Assemblée décide qu'il ne Sera pas mandé à sa barré (ibid.).-^-La gardé nationale de Rennes se plaint de ce que le vicomte dé Mirabéau l'ait accusée d'avoir empêché le parlement de Rennes de remplir ses fonctions (2 janvier 1790, p. 65); — le vicomte demande que le Président soit chargé d'écrire à la garde nationale de Rennes pour la détromper sur son compte (ibid.): — adoption de cette,proposition,, appuyée par Là Ville-Leroux (ibid.);'^ comparution à la barre des membres de l'ancienne chànïbre des vacations du parlement de Rouen (8 janvier, p. 425) ;discours du Président de Montesquiou (ibid.);. — réponse du Président de chambre de La Houspàyfi (ibid. et p. suiv.); — réplique du Président âe Montesquiou (ibid,, p. 127); — débat sur la question de savoir si la dernière partie, du discours du Président de La Houssaye, non déposée, sera insérée au proces-terhal : Guégan, Bouché, Rabaud de Saint-Etienne, Barrère de Vieuzaç, comte de Clermont-Tonnerre (ibid. et p. suiv.); r-l'Assemblée décide qu'il n'y a pa$ lieu à délibérer s.ur ee point, (ibid., p. 128);—discussion sur le fond j vicomte de Mirabeau, Le Chapelier, Lambert de Fronde ville, Barnave, Duval d'Eprémesnil, Cômte de Mirabeau (9 janvier, p. 128 et suiv.) • — Bernard (d'Agen), Guillou, de Cazalès, Barrère dé VieUzac, Maury, Defermon Lanjuinais, comte de Sérent, -de Clërmont-Tonnerre, Duval d'Eprémesnil, pointe de Mirabeau (11 janvier,,p. 150 et suiv.); — amendements du vicomte de Mirabeau, de Lambert de Frondeville, de Barnave, Duval d'Eprémesnil, du çomte de Mirabeau, de Cazalès, de Barrère de Vieuzac, de Maury, de Clermont-Tonnerre, de l'abbé de Bar-mondj de Cpcherel (iôîd,, p. 167 et suiv.); -^ discussion : Leyris-Desponchez, de Cazalès, Camus, Alexandre de Lameth, Le Chapelier, Lambert de Frondeville (ibid., p. 168); -— l'Assemblée déclare que la résis-rance des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes les rend inhabiles, à remplir aucune fonction de citoyens actifs jusquà ce qu'ils aient été admis à prêter le serment à la Constitution, et ordonne qu'ils seront mandés à la barre pour entendre la lecture du présent décret (ibid.); —refus de treize magistrats désignés pour tenir cette chambre, de remplir leurs fonctions (3 février, p. 422); — discussion d'une adresse y relative : Defermon, vicomte de Mirabeau (ibid., p. 423 et suiv.); — adoption d'un «projet de décret de réorganisation proposé par Defermon, au nom de la députation de, .Bretagne (ibid., p. 427); — discussion sur le jugement à porter relativement à la conduite de la nouvelle chambre des va-
cations : Le Chapelier, de Cazalès, Le Chapelier (6 février, p. 455 et suiv.); — décret portant que les membres de cette chambre n'exerceront le droit de citoyen actif qu'après avoir été relevés par le Corps législatif, sur leur demande, de l'incapacité encourue par eux (ibid.. p. 456)., — Rapport par Cochon de l'Apparent sur une plainte en déni de justice du sieur Brouillet contre le parlement de Toulouse (20 février, p. 663); — discussion : Emmery (ibid., p. 664); — décret portant que l'arrêt et ses motifs seront soumis à l'Assemblée (ibid.).
— Lamy, duc de Liàncourt,,de Wimpfen, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Defermon, duc de La Rochefoucauld, marquis de Monfesquiou. de Richier, de Fumel-Montségur, abbé Maury, Camus, Rœderer, d'Estourmel, Tellier, Duport, Giezen, Leyris-Desponchez, baron de Menou, de Cazalès (4 janvier 1790, p. 70 et suiv.); — adoption du projet de. décret amendé (ibid., p. 74 et suiv.). — Opinion* non prononcée, de Lamy [ibid., p. 92 et suiv.). Fréteau propose une interprétation de l'article 1er qui est acceptée {5 janvier, p. 107) ; — il demande ensuite que, dahs les réductions décrétées, on excepte les héritiers du chevalier d'Assas, du comte de Chambors, tue à la chasse par le dauphin, père de Louis XVI; et le général Luckner (ibid.); — adoption de la motion, portant sur les deux premiers points (ibid.); —r discussion au sujet du général Luckner: Destult de Tracy, baron de Wimpfen, Gàrat l'aîné, comte de Dortan, marquis d'Ambly, abbé Maury, prince de Poix, duc du Châtelet, abbé Gouttes, Camus (ibid. et p. suiv.); -— adoption (ibid., p. 108); — de Bonnal demande le paiement des dettes des pensionnaires atteints par les réductions (ibid.) ; —rejet (ibid.) ; — discussion sur une modification à l'article 4, relative aux ecclésiastiques : Bouche, Dupont (de Nemours), Grégoire, de Custine, Regnaud (deSaint-Jean'd'AngélyBouchotte, Motigins de Roquefort, abbé Maury, Camus,. Renaud, Duval d'Eprémesnil, Rœderer, de Cazalès, Le Chapelier, de Cazalès, de Foucault, abbé Latyl, dé Montlozier, de Cazalès, abbé de Bonneval, Martineau, Prieur, Target (ibid. et p. suiv.); adoption (ibid., p. 110); — adjonction d'un qualificatif (bénéficier français), proposée paf Treilhard (7 janvier, p. 110) ; — Diôftis du Séjour demande que Lagrange bénéficie des exceptions votées (ibidï); — ajournement (ibid.).
comité de constitution paisse répondre anx questions qui lui sont adressées concernant l'interprétation de plusieurs décrets (p. 436). — Parle sur une motion concernant la cote d'imposition (p. 555).
tés de ce bataillon seront inscrits au procès-verbal de la séance (ibid.); — discours du président Target (ibid. p. 316).
— Démeunier demande la rectification de celai du 13 janvier (30 janvier 1790, p. 396) ; — Gossin se plaint d'erreurs nombreuses qu'il attribue à Baudouin, l'imprimeur (ibid.). — De Bouville et le vicomte de Mirabeau se plaignent d'une omission (9 février, p. 518). — Duport demande qu'on ne dérobe pas à la loi que s'est faite l'Assemblée de n'autoriser l'insertion au procès verbal d'aucune protestation ou réclamation (17 février, p. 600) ; — l'abbé d'Eymar demande que son vœu corcernant les maisons religieuses d'Alsace soit inséré (ibid., p. 601) ; — discussion : de Virieu, Kauffmann, Gobel, prince de Bro-glie, de La Fare, Virieu, d'Estourmel, Le Chapelier, Dubois de Crancé, de Marguerittes (ibid.); — suppression de la mention relative à la déclaration de l'abbé d'Eymar (ibid.). — Motion de Bouche tendant
à accélérer l'impression des procès-verbaux (27 février, p. 725) ; — discussion : Fréteau, Leclerc, Gaultier de Biauzat (ibid.); — les commissaires préposés à la surveillance de l'imprimerie sont chargés de rechercher les causes du retard de cette impression (ibid.).
question de l'importation de farines étrangères dans les colonies (t. XI, p. 2). — Parle sur l'organisation des municipalités (p. 37), — sur les pensions (p. 73), (p. 108), — sur l'organisation des municipalités (p. 113),
— sur i'instruction relative aux corps administratifs (p. 118), — sur la proposition de l'abbé Maury concernant le luxe, et sur celle de l'abbé Colaud de la Sal-cette relative aux revenus des bénéâciers et sur la formation d'un comité d'impositions (p. 230 et suiv.),
— sur la création d'un comité de liquidation des créances arriérées (p. 285), — sur la division du royaume (p. 442), — sur l'élection du maire do Saint-Jean-d'Angély (p. 541), — sur les droits féodaux (p. 764 et suiv.).
par les assemblées provinciales, les commissions intermédiaires et les intendants (t. XI, p. 31 et suiv.), — sur les lettres de cachet (p. 66et suiv.); — sur le serment des gardes nationales (p. 113 et suiv.), — sur l'imposition extraordinaire demandée pour la ville de Rouen (p. 115), —sur une proclamation du Koi concernant les grains et sur un projet de décret relatif aux acquits-à caution (p. 186), —sur les troubles de Toulon (p. 211), — sur la proposition de l'abbé Colaud de laSalcette relative aux revenus des bénéficiers (p. 231),
— sur le mémoire de la république de Gênes relatif à la Corse (p. 269). — Fait une motion sur l'exercice des droits de citoyen actif (p. 318 et suiv.) ; — son discours in extenso à ce sujet (p. 320 et suiv.). — Parle sur la perception des impositions de 1790 (p. 397) ,
— sur l'exécution des décrets relatifs aux municipalités (p. 423), — sur les troubles des provinces (p. 538), (p. 644), — sur les ordres religieux p. 648), sur les troubles des provinces (p. 665 et suiv.), (p. 673 et suiv.), (p. 680), — sur les droits féodaux (p.716).
sur la division du royaume (p. 179), (p. 209),—sur la constitution de l'armée (p. 739), (p. 741).
liage d'Orléans. Parle sur le prix des journées de travail exigé pour être citoyen actif (t. XI, p. 187).
sur les droits féodaux (p. 686), (p. 687), (p. 690), (p. 691),— sur l'état des juifs (p. 710), — sur la division du royaume (p. 711).
— Goupil de Préfeln demande que ce décret soit transmis par le Président à d'Albert de Rioms, avec protestation d'estime (18 janvier, p. 227) ; — Ricard de Séalt propose d'étendre ce témoignage d'estime aux autres officiers impliqués dans la même affaire (ibid.);
— Bouche fait une semblable réclamation en faveur des officiers municipaux et de la garde nationale de Toulon (ibid.) ; — Lafayette appuie la motion de Goupil de Préfeln (ibid.); — Muguet deNanthou propose la question préalable (ibid. p. 228) ; — Duport et Gaultier de Biauzat la répoussent (ibid.); — Muguet de Nanthou insiste (ibid.); — adoption de la motion et des amendements (ibid.).
— Présente un projet de décret sur la question relative au mode de traitement à accorder aux religieux rentés ou non rentés (p. 639); — le défend (p. 641).
— Présente un article sur la situation des religieux pourvus de titres perpétuels de bénéfice, abbaye, etc. (p. 646), — un article sur la quotité des traitements (p. 647);— défend ce dernier article (p. 648),(p. 649).
— renvoi au comité des rapports (ibid. p. 224). — Dénonciation par le marquis de Foucault de troubles dans le Périgord au sujet des droits féodaux (2 février, p. 418) ; —proposition par lt> même d'un décret (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : de Lachèze, Gourdan, de Fumel, Goupil de Préfeln, Dubois de Crancé, Duport, de la Galissonnière, Rewbell, de Foucault, Chasset, Defermon (ibid., p. 419); — ajournement (ibid.). — Dénonciation par Faydel de troubles survenus dans le Quercy (6 février, p. 456) ; — Emmery demande qu'on ne fasse pas perdre le temps de l'Assemblée avec des correspondances journalières et qu'on en saisisse simplement le comité des rapports (ibid.) ; — renvoi à ce comité (ibid.). — L'abbé Grégoire rend compte des troubles du Quercy, du Rouergue, du Périgord,du Bas-Limousin et d'une partie de la Basse-Bretagne (9 février, p. 536) ; — discussion : Couppé, Lanjuinais, abbé Grégoire, Malés, abbé Grégoire, Sallé de Choux, vicomte de Noailles, abbé Maury, Faydel, Lanjuinais, de Cazalès, de Robespierre, Duval d'Eprémesnil, de Robespierre, de Foucault , Duval, d'Eprémesnil, de Roùes-pierre (ibid. et p. suiv.); — adoption du projet de décret portant que le Roi sera supplié d'ordonner l'exécution du décret du 10 août 1789 sur le maintien de la tranquillité publique et que le Président sera chargé de témoigner, dans une lettre, aux municipalités oà les troubles ont eu lieu, combien l'Assemblée est affectée de ces désordres et de la nécessité dans laquelle serait le pouvoir exécutif de les punir (ibid. p. 538.). — Mémoire présenté par le garde des sceaux, Champion de Cicé, au sujet des désordres qui régnent dans les provinces (16 février, p. 613); — discussion: Emmery, marquis de Foucault, Malès, abbé Grégoire, comte de Mirabeau (ibid., et p. suiv.); — renvoi au comité de constitution (ibid., p. 615); — projet du décret présenté, au nom de ce comité, par Le Chapelier (18 février, p. 641 et suiv.) ; — discussion : Barnave, le Chapelier, comte de Mirabeau, Démeunier, abbé Maury, Le Chapelier, marquis de Lafayette, abbé Maury, Briois de Beaumetz, Pétion de Villeneuve, de Cazalès, comte de Mirabeau, de Cazalès, abbé Maury, comte de Mirabeau, Duval d'Eprémesnil, Malouet (20 février, p. 652 et suiv.); — duc de La
Rochefoucauld, de Robespierre, comte de Clermont-Tonnerre, Dupont (de Nemours), Duport, Prieur, de Montlosier, Prieur, de Foucault, de Montlosier, Prieur, de Foucault, Prieur, abbé de Bonneval, Pétion de Villeneuve, comte de Mirabeau, duc d'Aiguillon, marquis de Lafayette, de Cazalês, Le Chapelier, Bln (22 février, p. 665 et suiv.) ; — incident : Blin, de Menou, de Cazalês, Blin, de Cazalês, de Menou, de Fumel, de Montlosier, abbé Maury, de La Galis-sonière, de Foucault, comte de Mirabeau {ibid. p. 672 et suiv.); — rappel à l'ordre de Blin (ibid. p. 673);
— l'Assemblée, à sa demande, ordonne l'insertion de son explication au procès-verbal (ibid) ; — décret portant qu'il sera statué sur le fond du débat dans la séance du lendemain et que l'on discutera ensuite le rapport du comité féodal (ibid.). — Version du dernier discours de Robespierre, donnée par le Point du jour (p. 673 et suiv.) ; — opinion, non prononcée, de l'abbé de Bonneval (p. 674 et suiv.). — Reprise de la la discussion : de Custine, Démeunier, abbé Gouttes, Boussion, de Cazalês, de Montlosier, Démeunier, de Montlosier, comte de Toustain de Viray, comte de Mirabeau, Barnave (23 février, p. 676 et suiv.) ; — adoption de l'article 1er (ibid. p. 680) ; — article 2 ; comte de Virieu, comte de Clermont-Tonnerre, Lanjuinais, Duval d'Eprémesnil (ibid.); — adoption (ibid.);
— article 3 : Garat l'aîné, marquis de Foucault, de Robespierre, Boutteville-Dumetz, duc Du Châtelet, comte de Mirabeau, Barnave, Pison du Galand, Charles de Lameth (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 681); — article 4 : Alexandre de Lameth, La Poule, Démeunier, Delley-d'Agier, Prieur, Duport, Lanjuinais, Charles de Lameth (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 682) ; — article 5 : repoussé par la question préalable (ibid.). — ajournement des articles 6 et 1 (ibid.) ; — article additionnel : Dupont (de Nemours), Fréteau (ibid.); — adoption de cet article amendé et devenant l'article 5 (ibid). — Opinion, non prononcée, du comte de Montlosier (p. 682 et suiv.).
— Parle sur la contribution patriotique (p. 23), — sur le serment des gardes nationales (p. 113), sur une instruction relative aux corps administratifs (p. 118), — sur la suppression des ordres religieux (p. 590), (p. 601),
— sur les troubles des provinces (p. 680), — sur la constitution de l'armée (p. 739), (p. 740).
— Demande un sursis à l'exécution de quatre individus condamnés à mort, d'après une instruction secrète (p. 256), (p. 257). — Parle sur les incompatibilités parlementaires (p. 329) ; — se désiste de la double mission qu'il avait reçue de concourir à l'organisation du département de la Corse et d'y diriger le commerce et l'agriculture (p. 375). — Parle sur la proposition de Cazalês relative au renouvellement de l'Assemblée nationale (p. 623).
fin de la table alphabétique et analytique du tome xi.
Société anonyme d'imprimerie. Paul DUPONT, Directeur. Paris, 41, rue J.-J.-Rousseau. (CL 99.5.80)