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ARCHIVES PARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE adjoint de la Chambre des députés, M. E. CLAVEL, Sous-Bibliothécaire.
PREMIÈRE SÉRIE (1789 à 1799)
TOME IX DU 16 SEPTEMBRE AU 11 NOVEMBRE 1789.
PARIS LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DES PAUL DUPONT 41, RUE J.-J.-ROUSSEAU (HOTEL DES FERMES).
1877
RÈGNE DE LOUIS XVI.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
donne communication de diverses contributions patriotiques ; et notamment d'une lettre du sieur Legras, marchand de drap à Paris, qui, pour concourir à la libération des dettes de l'Etat, a envoyé cent pistoles ; d'une autre lettre du sieur Laboullée, marchand à Versailles, qui dans la même intention, a envoyé 600 livres; d'une troisième lettre de demoiselle Louise d'Ar-taise, âgée de neuf ans, laquelle, par un mouvement de patriotisme bien digne d'éloge à son âge, voulant venir au secours des finances de l'Etat, a envoyé deux louis, et les petits meubles qu'elle avait en or.
communique de plus à l'Assemblée la projet et la soumission d'un grand nombre de
citoyens aisés, qui indiquent une ressource dans le patriotisme de la nation, et le
sacrifice volontaire, pour chaque individu, d'une portion quelconque de sa fortune, et
qui, après avoir évalué par approximation la richesse de la France, et de la totalité
des habitants du royaume, abstraction faite de ceux dont les capitaux
Plusieurs députés à cette Assemblée, les banquiers, les agents de change, et une foule de riches citoyens de la ville de Paris ayant signé la soumission, l'Assemblée décide qu'elle fera mention, dans son procès-verbal, de ce dévouement patriotique, et que le projet serait renvoyé au comité des finances, pour y être examiné.
On rend compte des pouvoirs de M. de Chabrol fus, nommé pour remplacer M. de Langeac, député de la noblesse de la sénéchaussée de Riom. Le comité de vérification ayant trouvé ces pouvoirs en règle, M. de Chabrol est admis.
( L'un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal des deux séances du 15.
Le traducteur d'un ouvrage intitulé: « Traité sur les principes du commerce entreles nations», ayant demandé la permission d'en faire remettre des exemplaires dans les bureaux, l'Assemblée agrée cette offre avec satisfaction.
Le sieur Ansselin offre une estampe représentant le siège de Calais. L'Assemblée ordonne qu'elle sera déposée dans ses archives. Le sieur Ansselin ayant été introduit, M. le Président lui dit : « L'Assemblée nationale reçoit la dédicace que vous lui présentez; elle m'autorise à vous marquer sa satisfaction et de l'hommage et du choix du sujet. »
On donne lecture des adresses des comités permanents delà ville de Toulon et de Saint-Brieuc, lesquels rendent compte, conformément au décret de l'Assemblée, de la prestation de serment des régiments qui y sont en garnison ; d'une délibération de la commune de Besançon, qui a
pour objet l'acquittement de la partie des impôts arriérés, un don gratuit à faire à l'Etat, un payement anticipé des impositions de l'année 1790, et la sûreté de la perception des revenus du Roi ; d'une autre adresse d'environ 300 citoyens de la ville de Paris, versés dans le service militaire, qui, pour veiller à la sûreté de l'Assemblée, proposent de former un corps sous le nomade gardes de la régénération française; d'un arrêté des officiers du bailliage de Sérents, qui témoignent à l'Assemblée leur reconnaissance et leur respect ; d'une adresse de félicitation, de remerciements et d'adhésion de la ville dePontrieux en Bretagne; d'une adresse de la municipalité de la ville de la Rochefoucauld, qui exprime sa reconnaissance sur les arrêtés du 4 août et jours suivants; des adresses de félicitation, de remerciements et d'adhésion delà ville de Glermont-Ferrand,de celle d'Argenton en Berrv, et d'une autre, sur le même objet, des officiers du bataillon des chasseurs d'Auvergne.
rappelle l'ordre du jour qui consiste à rédiger l'article de Vinviolabilité' de la personne du Roi, l'indivisibilité du Trône et l'hérédité de la couronne de mâle en mâle, reconnue hier par l'Assemblée, par acclamation.
S'il est une question qu'il importe de couvrir d'un voile religieux, à cause des inconvénients qu'elle entraîne, c'est celle que vous agitez relativement à la maison d'Orléans et à la maison d'Espagne,sur la succession à la couronne. Le vu de l'Assemblée n'est certainement pas douteux, mais elle ne veut pas l'expliquer.
Cependant il me paraît, d'un autre côté, qu'il ne convient pas à la dignité de cette Assemblée de se renfermer dans un silence qui pourrait devenir un moyen en faveur de l'un ou de l'autre des .concurrents ; il me semble que Ton pourrait ajouter à l'article contesté la phrase suivante :
Le cas advenant où la branche d'Orléans opposerait une exception à ces principes et la renonciation faite par Philippe V, stipulée dans le traité d'Utrecbt, à la maison d'Espagne, il sera statué par une Convention nationale convoquée à cet effet.
Cette phrase me paraît concilier toutes les opinions, en laissant intègres les droits des deux parties ; elle me paraît aussi prévenir le danger de perdre un allié, de voir notre commerce rompu avec lui; enfin, elle prévient le malheur des guerres civiles, en décidant à l'avenir ce que la nation doit faire.
(Cette proposition est applaudie.)
, député du Labour, représente que la question que l'on agite actuellement est une question oiseuse. De longtemps, dit-il, la famille royale ne sera éteinte; les héritiers du Trône sont nombreux et en bonne santé. Mais il y a des considérations politiques qui doivent écarter celte question. Le commerce avec l'Espagne est considérable; nous tenons d'elle ces belles laines que l'on sait si bien employer dans nos manufactures; l'Espagne fait circuler en France les trésors du Pérou ; les provinces voisines de l'Espagne font avec nous un commerce considérable de hufs, de chevaux, etc. La jeunesse de ces provinces se répand dans l'Espagne, y exerce les métiers de charpentier, de maçon et revient passer l'hiver en France, chargée d'argent ; la Navarre partage égalemen t tous ces avantages. Il faut donc mettre d'autant plus de cir-
conspection, dans la solution de cette question, que dans ce moment un habile négociateur anglais (celui qui a conclu le funeste traité de commerce entre la France et l'Angleterre) cherche à enlever à la France le commerce espagnol.
(On applaudit dams toutes ies parties deja salle.)
La question que l'on agite relativement à la succession à la couronne est très-impolitique ; il est étonnant que, sans intérêt, sans nécessité, on se livre à des débats aussi dangereux.
Le commerce est très-étendu entre nos provinces méridionales et l'Espagne. En 1784, le conseil de Madrid fit enlever 190,000 bêtes à cornes dans les provinces voisines des Pyrénées, ce qui a répandu beaucoup d'argent.
Cependant ce commerce est encore très-resserré ; les deux seules voies sont Perpignan et Bayonne. Il y a douze ans bientôt que la cour de France sollicite l'ouverture des autres barrières, ce qui ferait ira grand bien pour le commerce.
Décider la question ce serait nuire considérablement aux provinces du Midi. Du côté politique les inconvénients sont incalculables ; et d'après les réflexions que je viens de présenter, il me paraît qu'il faut abandonner la question sur l'exclusion ou l'admission de la maison d'Espagne à la succession à la couronne de France.
Je présenterai pour sortir d'embarras un mçyen qui fera voir que l'on n'a pas cédé à la crainte, car la France n'est pas faite pour céder à ce motif. Mais j'ai quelques réflexions préalables à faire, et je réclame votre attention.
Par éd'it du mois de juillet 1714, Louis XIV appelle à la succession du trône les princes légitimés, au défaut des princes légitimes.
En 1717, cet édit a été révoqué, et il est dit que le roi est supplié de ne rien préjuger sans les Etats généraux. Dans ces édits, ainsi que dans la déclaration de 1723, le prince déclare que la nation a le droit de se choisir un roi, dans le cas de défaillance des enfants mâles de la maison régnante.
Certainement ce droit appartient d'une manière incontestable à la nation française.
L'extinction de la maison régnante ne transmettrait pas à la nation le droit d'élire un roi, mais il lui en donnerait l'exercice.
Dans les premiers temps, la couronne était élective. Plusieurs rois de la première, et même de la seconde race, prenaient le titre d'élus. Ce furent les grands et le clergé qui rendirent le trône héréditaire ; et Hugues Capet fut porté sur le trône au préjudice des enfants de Louis V.
Nous n'avons pas besoin sans doute de tous ces exemples pour «constater nos droits.
Mais il ept à propos de garder le silence sur les prétentions de la maison d'Espagne ; et si un jour elle voulait les faire valoir, vous auriez pour vous le traité d'Utrecht, et toutes les puissances de l'Europe intéressées à ce traité.
Vous n'ignorez pas qu'en 1714, le fils de Philippe V a prétendu que son père n'avait pu faire de renonciation. Ainsi, quelles que soient les intentions de la maison d'Espagne, le parti da silence est le seul convenable.
Voici donc ce que je propose :
En cas de défaillance d'enfants mâles et légitimes dans la maison régnante de Bourbon de France, la nation en décidera.
fait une autre observation; il la
présente comme devant rompre ie nud .de la difficulté.
Vous allez statuersur l'ordre 'delà succession à la couronne ; il ne sera seulement pas pour la maison régnante, mais pour toutes les autres maisons.
Ce ne sera pas une règle particulière, mars un principe général. Cependant vous la restreignez à la seule maison de Bourbon. Il faut se contenter de dire que le Trône est héréditaire et non éli-gible, et il ne faut pas surtout 'restreindre cette règle à la maison de Bourbon.
Sans prétendre préjuger le procès entre la branche d'Orléans et la maison de Bourbon, je puis dire, après avoir été contre l'amendement de l'un des préopinants ui est contraire à la délibération : il n'y a lieu à élibérer, puisque l'amendement suppose qu'il y a lieu à délibérer, que ces deux objets sont contradictoires.
Après cette déclaration, je pense qu'il ne paraît pas sage de laisser de côté cette question je .demande si, sous le règne d'un prince déclaré restau rate ut' de la liberté, l'on doit abandonner un 'droit qui appartient à la nation. L'on ne doit sans doute pas commencer par -traiter cette grande question aussi superficiellement, aussi -légèrement.
J'ai eu l'honneur de vous -.demander si vous persévérez dans la sage condition politique de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer.. Si vous y persévérez, je demande de nouveau la division dë la rédaction ; si vous trouves que la question doit être examinée, nous sommes prêts,.aux yeux de l'Europe et de la nation, à laquelle une portion quelconque ne peut donner un roi, nous sommes, dis-je, prêts à délibérer.
(La di-scussion cesse, on présente une foule d'amendements, et les observations de M. de .Mirabeau sont inutiles.)
propose l'amendement suivant : Sans entendre rien préjuger de l'effet des renen-tiaticms sur lesquelles, le cas arrivant, une Convention nationale prononcera.
Second amendement : Le cas de défaillance arrivant, il sera -statué par une Convention nationale convoquée à cet effet.
Troisième amendement : Le Trône est héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéni-ture, à l'exclusion perpétuelle des filles et de leurs descendants ; le Trône est occupé par l'auguste maison de Bourbon.
Quatrième amendement : En cas d'extinction de la .famille actuelle régnante, une Convention nationale décidera sur les .contestations qui pourraient s'élever sur l'ordre de ia succession à la couronne.
. Cinquième amendement : Sauf à une Convention nationale à statuer sur l'admission ou l'exclusion des princes étrangers.
Sixième amendement : L'ordre pour la succession au Trône, tel qu'il a été suivi jusqu'à présent, sera solennellement confirmé.
^ Septième amendement de M. de Talleyrand, évêque d'Autun: Et dans le cas douteux, la nation jugera.
La séance devient très-tumultueuse. Plusieurs personnes veulent encore discuter la question ; mais l'Assemblée est impatiente d'aller aux voix.
On témoigne un empressement marqué pour la motion de M. Target; d'autres réclament celle de M. l'évêque d'Autun.
Enfin on revient à celle de M. Target. Ce choix ne se fait que lentement et au milieu du #his .grand désordre.
La motion de M. Target est divisée, et l'on s'en tient à ces mots : Sans rien préjuger sur l'effet des-renonciations,.
Il me paraît indigne de l'Assemblée de biaiser sur une question de l'importance de celle qui nous occupe. Autant les circonstances ont >pu nous permettre, et peut-être dû nous inviter à nous abstenir de cette affaire, autant, si nous en sommes saisis, il importe qu'elle soit jugée , et ce n'est pas .-sur des diplômes, des renonciations , des traités, que vous aurez à prononcer ; c'est d'après l'intérêt national.
En effet, si l'on pouvait s'abaisser à considérer cette cause en droit positif, an verrait bientôt que le procureur le plus renommé par sa mauvaise foi n'oserait pas soutenir contre la branche de France, mi vous refuser le jugement que le monarque le plus asiatique qui ait jamais régné s sur la France vous a renvoyé lui-même.
Plusieurs voix : A l'ordre !
Messieurs, je ne sais comment nous concilierons le tendre respect que nous portons au monarque, honoré par nous du titre de restaurateur de la liberté, avec cette superstitieuse idolâtrie pour le gouvernement de Louis XIV, qui en fut le principal destructeur. Je suis donc dans l'ordre, et je continue.
Je défie qu'cm ose me nier que toute nation a le droit d'instituer son gouvernement, de choisir ses chefs , et de déterminer leur succession.
Plusieurs membres demandent qu'on aille aux voix.
Je déclare que je suis prêt à traiter la question au fond, à l'instant même, à montrer que si toute nation a intérêt que son chef se conforme à ses murs, à ses habitudes, à ses convenances locales, qu'il soit sans propriétés ni affections étrangères, cela est plus vrai des Français que d'aucun autre peuple; que si le sacerdoce veut de l'inquisition, et Je patriciat de la grandesse, la nation ne veut qu'un prince français ; que les craintes par lesquelles on cherche à détourner notre décision .sont puériles ou mal fondées.; mais que l'Europe, et l'Espagne surtout, n'ont point dit avec Louis XIV : il n'y a plus de Pyrénées ; qu'en laissant maintenant la question indécise, s'il y a une question, on répandra des germes innombrables de discordes intestines ; et qu'enfin, je ne pourrai que conclure, s'il y a une question, à ce qu'elle soit jugée, s'il n'y en a pas, à ce que la rédaction de l'article soit refaite hors de l'Assemblée.; car ici elle consommerait trop de temps, et n'atteindrait jamais un certain degré de perfection, les douze cents représentants fussent-il douze cents écrivains excellents.
(On allait aller aux voix lorsque les uns ont demandé la question préalable .sur les amendements.)
Un autre membre veut que les détails de la question présente soient retranchés du procès-verbal.
L'Assemblée retçmbe dans la confusion et reste longtemps dans l'inaction. , , ,
La question préalable sur les amendements est redemandée.
dit que le règlement n'en parlant pas, il doit consulter l'Assemblée.
M. le comte de Mirabeau et M. de Beaumets veulent parler sur l'amendement; mais 1 Assemblée refuse de les entendre, et Ion décrété qu'il n'y aura pas de discussion sur la-
mendement. . ,
Ce décret est censuré par plusieurs membres -, ils réclament la liberté de la parole.
Un membre demande l'ajournement, puisque l'Assemblée défend la discussion.
offre de retirer son sous-amendement; mais ni l'un ni l'autre ne sont écoutes.
Enfin, dans un court moment de calme, on lit les articles rédigés hier par M. Desmeuniers, avec cette addition sur la fin de 1 article neuvième : « sans entendre rien préjuger sur lettet des renonciations. » . . ,
On propose d'aller aux voix par assis et leve , d'autres demandent l'appel nominal; de violents murmures se font entendre.
Enfin l'appel nominal est decidé,etilest arrêté que l'on opinera par oui ou non.
prétend gue c'est presser sa conscience; crue, d'un côté, il ne peut refuser le oui sur les principes de l'hérédité, de l'indivisibilité et de l'inviolabilité; et que, de l'autre,il est; forcé de dire non quant à la rédaction ; il dit qu il iaut décréter les principes, et aller aux voix sur la rédaction.
observe que c'est demander la division de l'arrêté de M. le comte de Mirabeau, déjà refusée.
(Mouvement d'humeur entre MM. de Mirabeau et d'Eprémesnil. L'Assemblée devient plus tumultueuse que jamais. Chacun veut faire triompher son opinion 1
rappelle à l'ordre. Ce n'est qu'une erreur de mots, dit-il, et il serait bien malheureux si le caractère français empêchait la correction d'un mot.
avait interrompu M. Emmery. On lui conteste le droit d'interrompre ; il s'excuse en disantque c'était pour rétablir le calme; et ses efforts pour ramener l'ordre sont inutiles. Il propose d'aller aux voix par assis et levé sur les principes, et par appel nominal sur la rédaction. Un grand nombre de membres consentent à cette proposition ; d'autres veulent un moyen tout à fait contraire.
Au milieu de cette opposition, le président s'écrie qu'il emploiera tout son zèle et toute sa fermeté à maintenir le bon ordre dans l'Assemblée. , . .. t Sur la proposition de M. le président, on va
HlIX voix.
Deux épreuves sont faites : toutes deux sont douteuses. La première parait être en laveur de l'opinion de M. le président ; et la seconde contre son opinion. 11 décrète l'appel nominal; mais personne n'entend la prononciation du decret. Les uns le contestent, les autres le soutiennent. On demande que l on aille aux voix par 1 appel no-
minal, pour savoir le vu de l'Assemblée ; mais la noblesse et le clergé persistent et ne veulent pas aller contre ce prétendu décret.
M. Guillotin et M. le duc de Liancourt réclament, mais inutilement; leurs voix sont étouffées par les murmures. Enfin on se sépare a quatre heures.
MM. les curés, ayant observé l'austerite du ieûne, demandent que la séance soit levée.
M. le président renvoie à demain la question de la validité du décret sur l'appel nominal.
Séance du soir.
, après avoir dit que le comité de rédaction s'assemblerait demain pour donner la dernière forme aux articles et aux amen dements sur les subsistances, décrétés hier dans la séance du soir, rend compte d'une lettre de M.Gau me, aumônier de la manufacture de Sèvres, qui, pour concourir à la libération des dettesue 1 Ltat, a envoyé 300 livres, somme équivalente à une année de ses honoraires; d'une seconde lettre de M Lemoine, avocat en Parlement, qui, d après les mêmes vues, a envoyé 100 pistoles, avec le projet d'établissement d'une caisse nationale, où tous les individus pourraient verser leurs contributions volontaires. ,nna
L'Assemblée témoigne sa satisfaction sm ces offres patriotiques,ainsi que sur celles dont on a rendu compte dans la séance du matin.
Un député de la province du Maine expose les vexations commises envers un citoyen de sa province au sujet du commerce des grains : il demande qu'on envoie au comité de Samt-lalais les décrets de l'Assemblée concernant la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume, et que, pour l'indemnité due au sieur cure d Lvaiilé, à raison des torts qu'il a soufferts, 1 affaire soit renvoyée au pouvoir exécutif. .
L'Assemblée a renvoyé l'affaire au Roi.
L'ordre du jour appelle ensuite la discussion sur un projet de décret du comité des finances, concernant les gabelles, qui est ainsi conçu :
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, informée du tort manifeste qui résulte, pour le Trésor public et pour 1 intérêt national, de la résistance que les contribuables opposent dans plusieurs provinces à l'acquittement des droits établis sur plusieurs denrées, et notamment sur le sel; considérant que, par son décret du 17 juin dernier, elle a maintenu la perception dans la forme ordinaire de toutes les impositions qui existent, jusqu'au jour de la séparation de cette Assemblée, et que l'exécution de ce décret importe essentiellement au maintien de l'ordre public et à la solidité des engagements que la nation a pris sous sa sauvegarde, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les administrations provinciales, les
juridictions et les municipalités du royaume, tant dans les villes que dans les
campagnes, veilleront aux moyens d'assurer le recouvrement des droils subsistant que
tous les citoyens acquitteront avec la plus grande exactitude; le Roi sera supplié de
donner les ordres les plus exprès pour le rétablissement des barrières et des
employés, et pour le maintien de toutes les perceptions.
Art. 2. A compter du 1er octobre prochain et
provisoirement, le sel ne sera plus payé que 30 livres par minot dans tous les
greniers de grande et petite gabelle, et par quintal dans les recettes de la Lorraine
et des Trois-Évêchés, et dans tous les lieux où il excède celte fixation.
Art. 3. A compter du 1er janvier prochain, n'auront plus
lieu les règlements qui, dans plusieurs villes, bourgs et paroisses des provinces de
grande gabelle, ont établi le sel d'impôt, ainsi que ceux qui, dans les mêmes
provinces, ont soumis les particuliers imposés à plus de 3 livres de taille ou de
capitation à lever annuellement dans les greniers de leur ressort une quantité
déterminée de sel, et qui leur ont défendu de faire de grosses salaisons sans
déclarations ; en conséquence, tout habitant des provinces de grande gabelle jouira,
comme il en est usé dans les petites gabelles et les gabelles locales, de la liberté
des approvisionnements de sel nécessaire à sa consommation, dans tels greniers ou
magasins de la province qu'il voudra choisir. 11 lui sera libre aussi d'appliquer à
tel emploi que bon lui semblera, soit de menues, soit de grosses salaisons, le sel
qu'il aura ainsi levé ; il pourra même faire à son choix les levées, soit aux
greniers, soit chez les regratiers, et il se conformera pour le transport aux
dispositions du règlement qui ont été suivies jusqu'à présent.
Art. 4. Les amendes prononcées contre les faux saulniers, coupables du premier faux saulnage, et non payées par eux, ne pourront être converties en peines afflictives; et quant aux faux saulniers en récidive, les lois qui les soumettent à une procédure criminelle et à des peines afflictives sont également révoquées ; ils ne pourront être condamnés qu'à des amendes doubles de celles encourues pour le premier faux saulnage.
fait la motion suivante sur la gabelle (1) : Messieurs, le comité des finances a rendu compte à l'Assemblée nationale, dans la séance de l'açrès-midi do 7 de ce mois, d'un projet sur l'impôt de la gabelle.
Ce projet consiste à réduire le prix du sel à 6 souslalivre dans les provinces dites de grande gabelle, ainsi que dans celles où le prix en est supérieur, et de proposer à l'Assemblée nationale de rendre un décret provisoire, pour en ordonner la distribution à ce prix jusqu'au premier juillet prochain.
Ce plan adopté par le comité des finances, d'après le mémoire du ministre de ce département, du 27 août, donne lieu aux trois objections suivantes :
Première objection.
L'impôt du sel est détruit de fait, puisque la plupart des provinces de grande gabelle sont approvisionnées au moins pour une année, et que la distribution, prorogée jusqu'au premier juillet prochain, est illusoire. L'Assemblée nationale ne doit jamais rendre de décret dont la nature des choses rend l'exécution impossible, afin de ne pas compromettre sa dignité.
Deuxième objection.
Le premier ministre des finances se trompe, lorsqu'il assure que la réduction du prix du sel à 6 sous occasionnera une diminution de revenus de 30 millions; il est loin de la vérité.
Le compte rendu en 1788 porte la fixation du produit du sel pour le compte du Roi,
dans les provinces de grande gabelle, à 39,500,000 livres.
Mais la fixation du produit du sel dans les provinces de petite gabelle, monte dans ce même compte à 54 millions. A la vérité, le sel s'y vend 33 livres
10 sous le qnintal ; il faudrait le réduire à 30livres et cette réduction abaisserait le produit des petites gabelles à 12,537,313 livres.
Or, suivant M. Necker, la population des petites gabelles est à celle des grandes gabelles, comme 46 à 83 ; ce qui doit donner, pour la fixation du produit du sel dans les provinces de grande gabelle, 22,599,933 livres. Cette somme soustraite de 39,500,0001ivres que'produisent les grandes gabelles au prix actuel, il reste 16,900,064 livres auxquelles il faudrait ajouter 1,462,187 livres,diminution que souffrirait la recette des petites gabelles: total 18,362,751 livres. Cette somme serait la diminution réelle, et la remise qu'on devrait faire au fermier. Ce n'est donc pas 30 millions.
Il paraît faux, au premier coup d'il, que le sel au prix de 62 livres le quintal, rendant au Roi 39,500,000livres,ce même sel, au prix de 30 livres puisse rendre 22,599,933 livres.Mais il faut observer que jamais le fermier n'a rendu un compte exact de la quantité des ses ventes. Car il ne les porte, suivant M. Necker, dans les provinces de grande gabelle, qu'à 760,000 quintaux, qui, à 62 livres le quintal, produisent 47,120,000 livres. 11 en rend au Trésor royal 39,500,000 livres. 11 ne lui resterait donc que'7,620,000; sur quoi il faut qu'il trouve la rentrée de ses achats, ses frais de garde et son profit.Or, le sel lui revenant pour prix d'achat, frais de transport, de magasinage, et déchet, à environ 2 sous lalivreou 10 livres le quintal, prix moyen, les 760,000quintaux lui coûtent7,600,0Q0 livres. Il en résulte qu'au lieu de gagner sur son entreprise
11 ne lui resterait que'20,000 livres pour payer tous ses agents.
Ainsi, malgré cette impossibilité apparente, il est donc vrai que le sel, réduit à 6 sous da.ns les provinces de grande gabelle, doit produire de 22 à 25 millions, peut-être 30 millions, à cause de l'accroissement de la consommation, et peut-être les 39,500,000 livres, sousuneadministration sage et surveillée.
La diminution dans la réduction du prix du sel à 6 sous la livre n'en occasionnerait donc pas dans les revenus une de 30 millions: elle ne serait, ainsi qu'il vient d'être prouvé, que d'environ 17 millions délivrés dans les provinces de grande gabelle. Mais, comme d'une part la contrebande aurait diminué, et que de l'autre, la consommation aurait augmenté,non-seulement à cause du moindre prix de la denrée, mais encore par le peu de bénéfice du faux saulnage,il en résulterait une baisse très-faible dans les revenus actuels : je crois même, d'après les calculs précédents et les raisons données, qu'ils n'en éprouveraient pas.
Troisième objection.
L'exécution du projet de diminuer de trois cinquièmes le prix du sel dans les provinces de grande gabelle n'occasionnerait-elle pas une grande fermentation dans les provinces de petite gabelle? Pourquoi celles-ci ne partageraient-elles pas le soulagement procuré aux premières?
La première loi est d'être juste. Aussi, dansl'ob-
jection précédente, a-t-on posé la nécessité de réduire le prix du sel,dans ces provinces, à 30 livres le quintal.
Le mémoire,sur lequel le comité des finances a fait son plan, est fautif dans ses bases ; il est dangereux dans ses conséquences : il faut donc l'écarter.
Ces-différents motifs conduisent naturellement à l'examen de la grande question : Vvnipôt du sel sera-t-il continué, ou sera-t-il supprimé ?
Le premier ministre des finances, n'ayant pas abandonné les principes de la fiscalité, avait exprimé son vu dans son discours, prononcé le 5»mai,à l'ouverture des Etats généraux, de conserver cet affreux régime. Ce même ministre, dans son mémoire remis le 27 août, a prononcé encore son opinion de le conserver, puisqu'il ne propose qu'une modification dans sa. perception ; mais le régime subsisterait, et avec lui, les horreurs et les vices qui l'accompagnent.
11 faut donc examiner ces vices,, et peser ce qui pourrait en différer la réforme.
Près de 60 millions' que l'impôt du sel rend annuellement ont été d'assez puissantes raisons pour le conserver ;et il en faut de contraires bien fortes, pour supprimer un pareil revenu. Ces raisons ont encore été fortifiées par le nombre d'agents qu'il emploie, et défendues par les fermiers, pour qui cet impôt est une mine féconde.
Mais, si l'Assemblée nationale a cru accorder ira bienfait par l'abolition durégimeféodal, bienfait qui, à l'exception de quelques provinces, porte plus sur les propriétés qu'elle a voulu affranchir, que sur les personnes, l'Assemblée nationale , dis-je, ne voudra-t-elle pas combler son bienfait par l'abolition du régime fiscal, régime qui porte sur les personnes autant que sur les propriétés?
Pour commencer la destruction de cette hydre effroyable, dont l'Assemblée ne doit pas laisser de- traces, elle doit supprimer l'impôt de la gabelle : impôt immoral, destructeur, et la honte de la fiscalité, si jamais la fiscalité avait su,rougir.
La gabelle avait été jugée en 1787; mais son jugement est encore à mettre à exécution.
Les anciens passaient la charrue et semaient du sel sur les ruines d'une ville dont la perte était conjurée. Imprimons à la gabelle le sceau de cette réprobation ; semons du sel sur cet impôt désastreux ; que son nom ne soit jamais rappelé que pour bénir la mémoire du souverain qui affranchira la nation des maux inconcevables attachés à sa perception.
C'est ainsi que Monsieur, frère du Roi, justifia l'avis de son bureau, sur la proscription de la gabelle.
Elle est proscrite de fait aujourd'hui, et son. rétablissement est impraticable. Les peuples connaissent le jugement de 1787 ils l'ont prononcé.
Les pays de grande gabelle surtout ne consentiront jamais à revoir un impôt sous le poids duquel ils gémissent depuis tant d'années?. Des flots de sang couleraient en vain : les- peuples sont irrités. En effet, un impôt dont la perception est telle qu'elle occasionne la ruine annuelle de 4,000 chefs de famille domiciliés, d'environ 3,500 citoyens de tout sexe et de tout âge, qui périssent sur l'échafaud, aux galères, ou dans les prisons ; qui tient dans l'inaction ou dans le désordre, au préjudice de L'agriculture et de l'industrie, plus de 20,000' hommes,, soit par le faux saulnage, soit par les employés préposés pour arrêter la contrebande ; qui enfin tourmente, vexe tous les citoyens par la rigueur des lois coactives
et prohibitives, imaginées pour le soutien de la gabelle : un tel impôt pourrait-il être rétabli ?
Les provinces de l'Anjou et du Maine, limitrophes de la Bretagne, sont plus exposées à la contrebande que les provinces méditerranées. Que l'on parcoure leurs frontières, on les verra incultes et languissantes. L'on ne rencontre çà et. là que quelques femmes, quelques enfants : les hommes sont, tous ou contrebandiers ou employés* des fermes, quelquefois l'un et l'autre en même, temps. Trois à quatre cents procès instruits annuellement à Angers, la Chambre ardente des Saumur, où des milliers d'hommes sont jugés> condamnés, proscrits, exécutés, attestent à l'univers l'horreur d'un pareil impôt.
Pour s'en racheter, la province d'Anjou offre1 une prestation en argent représentative des 6 sous, pour livre, demandés par le premier ministre dest-finances, jsi son plan est adopté ; sauf à elle à en, faire la répartition.
C'est le seul parti à prendre. La province est approvisionnée pour un ou deux ans. Je le répète, des flots de sang ne feraient pas rétablir ce régime , dont la violence des commis d'Ingrande a hâté la suppression. La mort de deux citoyens domiciliés, tués par eux, a précipité larévolutioa.. La fuite les a préservés de la juste punition de leur attentat. Les barrières d'Ingrande ont été brûlées; et la LoireT ce 'grand canal qui, en traversant la France , la fertilise et la vivifié, est aujourd'hui libre pour le transport des sels.
La province d'Anjou jouira de ce bénéfice; le. i sel y sera marchand, et le Trésor de la nation ne perdra rien, à sa contribution T remplacée en argent.
L'humanité, la morale, l'agriculture réclament la proscription de la gabelle; l'Assemblée nationale doit ce bienfait à 2 millions d'âmes : il n'y aura de perte que pour les geôliers, la ferme et les galères.
Mais l'importance de son produit est invoquée pour son. maintien : 60 millions de revenu sont difficiles à remplacer, et la situation des finances ne- permet, pas un pareil sacrifice..
J!e'hasarderai, Messieurs, de vous proposer un. moyen de remplacer le produit de la gabelle. Ge; moyen simple offre la possibilité d'atteindre les capitalistes. Jouissant du bénéfice de l'a liberté-,, de la sûreté,, de la protection publiques», ils doivent partager les charges publiques. Les propriétaires de fonds ne sont que trop chargés : en dernier résultat ils acquittent tout. Vous avez décrété que tous les citoyens quelconques , sans aucune distinction Vl acquitteraient par égalité proportionnelle à leurs facultés, les subsides communs. Les propriétaires des fonds ne peuvent s'y soustraire; mais- les capitalistes en ont la possibilité. 11 est donc de votre sagesse et de votre justice, de trouver un mode de contribution qui les rapproche des facultés des autres citoyens.
Le moyen que je propose est d'établir, provisoirement, à raison de. la valeur ou du loyer des maisons, une taxe proportionnelle sur les croisées et sur les cheminées, ou toute autre imposition sur le luxe de villes, pour le remplacement du produit du sel, dont l'Assemblée décréterait la suppression, à dater du. premier janvier prochain : et comme le prix du sel: n'est pas le même dans toute les provinces du royaume,. o,n aurait égard à cette-différence^ dans La taxe proportionne]Le ,.à la valeur estimée d'une maison occupée par le propriétaire, ou à son loyer, de manière à ce que-cette taxe, faite dans tout le royaume* pût donner un revenu annuel de 60 millions..
Les maisons servant à l'exploitation des terres et biens de campagnes en seraient exemptes.
Cependant, comme il faudrait des approvisionnements de sel, tant pour en assurer la qualité , que pour prévenir les mélanges dangereux de cette denrée, l'entreprise des voitures des sels serait continuée ; les greniers seraient convertis en magasins publics, dans lesquels le- prix du sel serait lixé au taux des achats, des frais de transports et de régie, sous l'inspection et l'administration des Etats provinciaux de chaque province, sans néanmoins aucun commerce exclusif.
Ce nouveau mode de subside exige l'établissement prochain des Etats provinciaux. Ces Etats peuvent seuls faire la répartition de la taxe sur les croisées et sur les cheminées, d'après le prix des maisons de ville; l'Assemblée nationale n'a pas un moment à perdre pour en décréter l'organisation. C'est le seul moyen d'assurer la rentrée des anciens impôts, la perception des nouveaux subsides, et de rétablir la tranquillité et l'ordre dans les provinces.
Elles ne cessent de nous demander l'établissement des Assemblées provinciales et municipales.
J# vous supplie, Messieurs, de prendre en considération le vu formel de mes commettants.
J'ai l'honneur de soumettre à l'Assemblée nationale le projet d'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que. de-tous les impôts sous le poids desquels les peuples gémissent, il n'en est point de plus vexatoire et de plus destructeur, surtout pour les habitants des campagnes, que celui de la gabelle; que l'humanité, la morale, l'agriculture en sollicitent la suppression, a décrété et décrète :
1° Qu'à compter du premier janvier 1790, l'impôt du sel sera supprimé dans tout le royaume-, et qu'il y sera libre et marchand;
2° Que la situation actuelle des finances de l'Etat ne permettant pas la suppression d'un revenu de 60 millions sans un remplacement en argent, il y sera pourvu de la manière suivante :
3° Qu'à dater du premier janvier prochain, il sera établi,, à raison de la valeur estimée des maisons de ville occupées par les propriétaires, ou du prix des loyers , une taxe proportionnelle sur les croisées et sur les cheminées, de manière que le montant de cette taxe remplace provisoirement l'impôt du sel évalué à 60 millions ;
4° Que le prix du sel n'étant pas égal dans toutes les provinces du royaume, cette différence serait prise en considération, et qu'en conséquence la répartition de cette taxe provisoire serait en raison de la quantité du sel présentement consommé ;
5° Que les maisons de campagne, de bourgs, villages et hameaux, servant à l'exploitation des terres et des biens de campagne, seraient exemptes de cette taxe;
6° Que des approvisionnements de sel étant toujours nécessaires, tant pour en assurer la qualité", que pour en prévenir le mélange dangereux, l'entreprise des voitures serait continuée, et les greniers convertis en magasins publics, où le prix du sel serait réglé Bur celui des achals, des frais de transports et d'une rétribution de 25 sols par quintal, au profit des distributeurs ou magasiniers; qu'enfin ces magasins seraient régis et administrés par les Etats provinciaux,, sans néanmoins aucun commerce exclusif;
7° Et que cette taxe, inégalement répartie, aurait lieu jusqu'à ce que, par un mode général de subsides, l'Assemblée eût pu, par des modifications ou compensations sur les autres impôts ,
établir une uniformité dans cette taxe, relative aux villes et aux provinces. »
, député du Berry (!). Messieurs, si l'on considère que les gabelles coûtent au peuple 15 millions de frais de perception ; qu'elles enlèvent aux professions uliles de l'État vingt mille citoyens occupés les uns à faire la fraude, les autres à l'empêcher ; qu'elles occasionnent, aux citoyens, une foule de peines et de vexations; que le sel, cette denrée si nécessaire., est dans le tiers du royaume d'un prix excessif et auquel le pauvre ne peut atteindre; qu'enfin le régime actuel admet par province des différences contraires à cette belle uniformité qui doit régner dans un Etat soumis au même souverain, on doit se hâter de proscrire ce genre d'oppression.
Mais comme les gabelles produisent net 56 millions, et que le Trésor de l'Etat ne doit point être à découvert, parmi les moyens de régénération, on doit préférer ceux qui adouciraient le sort des peuples à cet égard, sans porter atteinte aux revenus publics.
Quels sont-ils, ces moyens?
On a proposé de supprimer les gabelles en entier, et d'établir une imposition nouvelle pour remplacer au Trésor royal le vide que formerait cette suppression.
Ce projet est dangereux et impraticable.
1° Dangereux : Le prix du sel, dans le lieu de sa fabrication,est infiniment modique, puisque dans les ventes en gros, il passe à peine 10 sols le quintal. L'accaparement en serait donc très-facile : en eflet, la consommation à un prix aussi modique s'élèverait environ à 20 livres par tête, comme on le voit dans les provinces franches, et, supposant une population de 25 millions d'âmes, on trouve que la consommation de toute l'année irait à 5 millious de quintaux.
Si donc on considère qu'avec 2,500.000 livres on peut accaparer tous les sels nécessaires à la consommation du royaume, on doit rejeter un projet qui mettrait cette partie des subsistances dans un danger si êminent.
En vain établirait-on des lois pour l'empêcher: l'expérience prouve avec quelle facilité on les élude.
2° Ce- projet est impraticable : en effet, l'impôt représentatif devrait être acquitté par les seules provinces assujetties à la gabelle, puisqu'elles seules bénéficieraient de cette suppression ; et dans la répartition qui s'en ferait entre elles, on prendrait nécessairement pour règle les variétés qui existent de province à province dans le prix du sel, en sorte que celles de grande gabelle payassent plus que celles de petite gabelle.
Ceci posé, les gabelles produisent net 56 millions et,en rapprochant toutes les branches de l'inégalité du prix du sel, dans les diverses provinces assujetties à cet impôt, on reconnaît que celles de grande gabelle contribuent de quatre septièmes environ, dans le produit total. Ainsi, par l'effet d'une justice distributive, elles devraient acquitter 35 millions dans l'impôt représentatif.
Maintenant,quel mode de répartition adopterez-vous? Il y en a deux : répartir par tête, ou comme accessoire de la capitation.
Si, par tête, la population des grandes gabelles
Le pauvre marque le plus, par sa fécondité, soit que, dépourvu d'ambition, il ne craigne point une famille trop nombreuse, soit parce que la nature ne lui a pas laissé d'autres jouissances. Supposez maintenant une famille pauvre (et c'est le très-grand nombre) composée du père, de la mère, et de quatre enfants: ce serait donc 25 livres 4 sous à payer par an ; mais où les prendre,puisque à son égard la taille, ou capitation la plus modique, c'est- à-dire 20 sous, et quelquefois 5 sous peuvent à peine être perçus?
ûira-t-on que cette famille trouve bien le moyen d'acheter le sel, et de payer ainsi le double? Sans doute, mais prenez garde que les gains du pauvre étant modiques, il éprouve toujours des besoins : or, le sentiment impérieux du besoin l'emporte nécessairement sur le soin de payer une contribution qu'il regarde comme injuste. De là vient qu'il ménage sou à sou pour acheter le sel qui lui est nécessaire, et qu'il paye toujours mal sa cote d'imposition.
Si au lieu de répartir par tête l'impôt représentatif, on prend la capitation pour règle, dans ce cas, le pauvre ne payerait rien, ou peu de chose, puisque sa contribution est à peu près nulle; mais alors tout le poids de l'impôt du sel tombant sur les citoyens d'une classe, il en résulterait, pour ces derniers, une charge bien plus onéreuse que la gabelle.
En effet, le produit de la capitation, dans tout le royaume, est de 42 millions au plus ; et, comme les provinces de grande gabelle forment un tiers de toute la population, on peut raisonnablement supposer qu'elles acquittent un tiers de la capitation, c'est-à-dire 14 millions; mais ces provinces devant acquitter 35 millions dans l'impôt du sel, on voit par un calcul simple que celui qui paye 100 livres de capitation, payera 250 livres pour le sel, c'est-à-dire six fois plus que le régime actuel de la gabelle ne lui coûte.
Le projet d'éteindre les gabelles en entier et d'y substituer un impôt de remplacement est donc, tout à la fois, dangereux et impraticable.
Avant de présenter le plan que j'ai conçu à cet égard, je dois faire une réflexion bien importante.
Parmi les nombreuses contributions du royaume, on en distingue trois principales, les foncières, celles par tête et celles sur les consommations.
Leshiens-fonds sont les premiers objets sur lesquels l'imposition semble devoir frapper; mais si vousles grevez trop, vous anéantirez l'agriculture, le prix du blé ne s'élèvera pas toujours à tel point que le cultivateur y trouve ses dépenses, ses charges, et le bénéfice qu'il doit raisonnablement prétendre. La nécessité de vendre chez les uns, l'abondance des dernières récoltes, la facilité de tirer de l'étranger, mille causes enfin peuvent faire tomber le prix du grain de manière que le cultivateur découragé abandonne une profession qui ne ferait qu'augmenter sa misère.
Les impositions par tête viennent ensuite ; telles sont la capitation, la taille personnelle, etc., etc.; mais il est un terme où elles doivent s'arrêter. Si vous le passez, le pauvre ne payera pas; la classe des fortunes médiocres payera mal; tous murmureront.
Les impôts sur les consommations fournissent
au Trésor public une ressource abondante. Gomme l'impôt s'y confond avec le prix de la denrée, on paye un tribut sans s'en apercevoir ; et ils offrent cet avantage singulier que leur produit étant déterminé par le besoin des contribuables, il se soutient lors même que des circonstances malheureuses affaiblissent le produit des contributions directes.
Il faut bien se garder de supprimer les impôts sur les consommations ; mais comme le pauvre y est soumis, on doit les taxer modérément; et l'opération sera parfaite si elle est simple et peu coûteuse.
Maintenant, voici mon plan :
Imposer un droit de 20 livres par quintal de sel lors de son extraction aux marais salants mêmes, duquel demeureront affranchis les approvisionnements destinés pour la pêche et le commerce extérieur, et permettre le libre commerce du sel dans tout le royaume.
Dans ce nouvel ordre de choses, tout le régime intérieur de lagabelle serait supprimé, la dépense se bornerait à Fa garde des marais salants, et aux appointements des personnes employées à la perception du droit, c'est-à-dire douze à quinze cents mille livres au plus par an; le Trésor royal conserverait les 56 millions, produit ordinaire de la gabelle, le commerce du sel avec l'étranger n'éprouverait aucune gêne ; un grand nombre de familles vivraient du commerce intérieur ; enfin, le prix du sel, dans les provinces les plus éloignées, s'élèverait au plus à 25 ou 26 livres le quintal, c'est-à-dire 5 sous la livre.
L'expérience enseigne que plus le prix des consommations est modique, plus la consommation est considérable. Ainsi, tandis que dans les provinces de grande gabelle il se consomme à peine 10 livres de sel par tête, dans les provinces franches, cette consommation s'élève à plus du double à cause de l'usage qu'on en fait faire aux bestiaux. En prenant donc un terme moyen, et considérant surtout le taux de consommation dans les provinces de petite gabelle et les rédimées, on voit, que si le sel ne coûte que 5 sous la livre, la consommation s'élèverait à 15 ou 18 livres par personne.
Ne prenons que 15 : si chacune est assujettie au droit de 20 livres par quintal, c'est-à-dire 4 sous par livre, chaque habitant, de tout âge et de tout sexe, acquittera 3 livres dans l'impôt sur l'extraction ; ainsi une population de 25 millions d'âmes offre un produit d'au moins 75 millions.
J'ai dit que dans ce nouveau plan le sel ne coûterait aux peuples que 5 sous la livre. En effet, dans l'état actuel des choses, les frais d'achat, de commission, mesurage, voiture et déchet, ne vont pas même à 4 livres 10 sous le quintal dans les lieux les plus éloignés; qu'on y joigne, si l'on veut, vingt sous pour le bénéfice du marchand, le sel ne reviendra jamais qu'à 25 ou 26 livres le quintal, c'est-à-dire 5 sous la livre.
M. Necker, qui avait conçu ce plan (1), estimait en conséquence qu'on pourrait fournir le sel aux peuples à 5 sous la livre; mais il proposait de le faire débiter pour le compte du Roi, et ce mode offre trop d'inconvénients.
1° Il laisse subsister les receveurs, directeurs, contrôleurs et autres officiers des
greniers à sel,
2° Il concentre dans un seul point tout le débit du sel, au lieu qu'en en laissant le commerce libre, il fera le sort de six mille familles.
3° Enfin le commerce exclusif autorise mille fraudes dans la qualité de la marchandise, au lieu que s'il est libre, le consommateur pouvant aller ou bon lui semble, l'intérêt du marchand est d'être fidèle»
Qu'oppose-t-on à ce projet?
1° La crainte de Vaccaparement ?
Réponse. Mais remarquez que la consommation de tous les sels du royaume étant de près de 4 millions de quintaux (1), et les sels ne pouvant sortir des marais salants qu'en payant le droit de 20 livres par quintal, un accaparement total exigerait plus de 80 millions de fonds, et dès lors serait impossible.
2° On peut faire du sel tout le long des côtes de la mer ; on pourra en charger dans les marais salants mêmes, sous prétexte de commerce extérieur, et le conduire par mer à une autre ville ; or, ces versements de contrebande diminueront d'autant Vimpôt.
Réponse. Ceux qui connaissent la manière dont se fait le sel, savent bien que tous les lieux n'y sont pas propres ; il faut d'ailleurs un emplacement convenable ; il faut fabriquer beaucoup à cause de la modicité du prix de cette denrée ; un tel établissement sera donc bientôt connu, et dès lors sujet à la garde; quant aux fabrications fur-tives, si jamais il y en a, elles se réduiront à des quantités si petites, qu'on ne doit pas même s'y arrêter, outre que les fabricants y renonceraient bientôt faute d'un bénéfice suffisant.
A l'égard des chargements sous prétexte d'un commerce extérieur et versement dans un port étranger, j'observe que les barrières existeront aux frontières du royaume, et que les gardes, destinés pour empêcher l'entrée en contrebande de toutes marchandises étrangères, peuvent également servir pour le sel, sans qu'il en coûte un sou de plus.
3° Les salines, dit-on, n'appartiennent pas toutes au Roi.
Réponse. Gela est indifférent. Les propriétaires vendront leur sel à qui bon leur semblera : mais l'enlèvement n'aura lieu qu'en payant les droits.
4° A 25 livres le quintal, il serait encore trop cher pour l'usage des bestiaux, pour la salaison des fromages, etc., etc.
Réponse. Voyez le Rouergue; le sel y vaut 33 livres 10 sous, et cependant on y sale des fromages; et cependant les bestiaux en mangent autant qu'il est nécessaire (2).
5° Le droit sur l'extraction des sels deviendrait une surcharge pour les paijs rédimés, ceux de Quart-Bouillon, et surtout les provinces franches.
Réponse. Voilà la seule objection plausible, et voici ma réponse :
Diminuez leurs impositions directes jusqu'à concurrence de cette surcharge: elles
seront hors d'intérêt. Pour couvrir dans les revenus publics le vide de cette
diminution, j'observe : 1° qu'au
6° On insiste et on dit : jamais les provinces franches ne voudraient s'y assujettir.
Réponse. L'intérêt est la mesure des actions, et le leur est à couvert.
Tous les privilèges sont supprimés, et nul n'a droit d'en réclamer. Enfin l'intérêt général est d'établir l'uniformité du régime, et une répartition égale des charges ; ainsi ce refus serait affaire d'humeur plus que de raison.
Mais supposons qu'il existe, et qu'il n'y ait pas moyen de le vaincre. En ce cas, faites délivrer à ces provinces au seul prix de la marchandise la quantité de sel nécessaire à leur consommation calculée sur le pied de 20 livres par tête ; pour le coup elles ne diront rien.
Observez maintenant que ces provinces n'offrent qu'une population de 4,700,000 âmes ; que le reste du royaume assujetti au droit contient 20 millions d'habitants; et qu'à raison de 15 livres de sel que chacun consommerait au moins, vous trouverez encore plus de 60 millions, c'est-à-dire, tout le produit actuel, et de quoi payer les légers frais du nouveau régime.
Opposera-t-on que ces calculs sur la population et sur la consommation sont hypothétiques?
Ma réponse est que j'ai puisé dans les meilleures sources, et qu'en portant la consommation à 15 livres par tête, je l'ai mise au-dessous de la vraisemblance: car, non-seulement les hommes, mais encore les bestiaux consommeront du sel quand il sera à un prix modique. Mais quand il existerait quelques erreurs, elles seraient si peu importantes que le Trésor royal serait toujours certainement à couvert.
Maintenant, si vous considérez que dans ce plan les revenus de l'Etat sont conservés; que le sel, cette denrée si nécessaire, serait à un prix modique ; que tous les frais et l'oppression du système actuel disparaîtront; que vingt mille citoyens seront rendus aux professions utiles; que six mille familles subsisteraient du produit de ce commerce intérieur; qu'on ne doit craindre ni accaparement, ni contrebande; que la pêche et le commerce extérieur du sel seront protégés; que l'agriculture même y gagnera puisque les bestiaux seront mieux soignés ; qu'enfin il en résulterait dans tout le royaume un régime uniforme, il semble que ce projet est le seul qui réunisse des avantages réels à une exécution facile et peu coûteuse.
, député du Maine (1). Messieurs, au nombre des provinces de cet empire, qui
gémissent depuis tant de siècles sous le régime oppresseur et fatal de la gabelle,
celle du Maine peut réclamer le premier rang. Cette triste priorité ne lui est que
trop acquise par la longue suite des malheurs dont ce fléau désastreux l'a frappée:
c'est à ce titre, Messieurs, qu'elle en poursuivra devant vous l'entière destruction
avec un zèle infatigable; c'est au nom de l'humanité, de la morale et de la patrie,
qu'elle vous pressera
Voici les expressions de l'article 9: du titre 17 de son cahier:
« À l'impôt personnel et au marc la livre,, par forme de capitation saline, pourrait être joint l'impôt de remplacement de la gabelle.
« A ce nom s'élève un cri général. Ce régime désastreux est jugé, mais il reste enfin à l'anéantir pour jamais. Les maux de tous les genres dont il a couvert la partie du Maine, voisine de la Bretagne, les avantages naturels qu'il enlève à toute la province, appellent sa proscription ; il est urgent qu'elle soit effectuée; nulle M,, nul frein ne peuvent arrêter le brigandage, rapines des employés et des contrebandiers : religion, moralité, tout est détruit. Au milieu d'une armée composée du rebut de la société..... à sa suite, plus qu'à celle d'une horde de sauvages, on voit la dévastation des campagnes, la violation de l'asile des citoyens, les vols, les emprisonnements, les meurtres; hommes et. bestiaux, tout devient victime de cette affreuse invention : avec l'abolition totale et du nom et de la loi, les hommes recouvreront une denrée de première nécessité, Les bestiaux un remède salutaire, les terres un engrais abondant; le Roi, image, sur la terre, de-la Divinité, rendra enfin aux hommes l'agent le plus puissant de la nature, qu'elle lui a prodigué pour son bien,> et non pour son malheur. »
D'après un tel mandat, Messieurs, mon opinion; ne peut être douteuse sur la question qui vous est proposée, et je n'aurai point à me reprocher d'avoir négligé de travailler à la destruction de cet impôt funeste à la tranquillité publique.
Je ne me bornerai point à en solliciter la proscription : j'oserai porter plus loin mes réflexions; et en vous proposant d'en éteindre jusqu'au souvenir, j'aurai l'honneur de vous soumettre lest moyens qui m'ont paru les.plus simples, les plus certains; et les plus prompts pour en opérer te remplacement.
J'entre en matière.
II n'est point d'impôt plus contraire à la liberté, à l'humanité, à la politique, à l'intérêt général,, que celui des gabelles.
A la liberté, puisqu'il autorise des inquisitions domiciliaires, qui ruinent annuellement près de 4,000 citoyens de la classe la plus indigente. Ces infortunés, séduits par l'appât du bas prix, achètent du sel de contrebande, et sont punis par des confiscations et des amende» ïigoureuses..
A l'humanité., puisqu'il entretient, au sein de la paix la plus profonde, une game vive et cruelle, qui, conduit annuellement dans les prisons- environ 3,500 citoyens de tout sexe et de tout âge. Une partie de- ces malheureux périt par la. détention,, une autre est expatriée par le fouet et le bannissement, le dixième est communément envoyé aux galères, quelques-uns enfin périssent par la main du bourreau, et un grand nombre par la violence et les meurtres dont les commis se rendent coupables.
A la politique, puisque la mH-iee- stipendiée-, répandue sur la surface des pays de gabelle pour les perquisitions domiciliaires, sur les frontières locales des provinces franches, de celles assujet-
ties, même sur les limites des provinces1 de gabelle, où le sel est à différent prix, enlève une infinité de sujets à la culture, aux arts, à l'industrie, et coûte des frais énormes, qui nécessitent, dans la même proportion, la surcharge des* impôts.
A l'intérêt général, puisque le haut prix du sel restreint.lesr consommations, et conséquemment le débouché des marais salants ; puisqu'il s'oppose à l'emploi de cette denrée précieuse pour les engrais, le nourrissage des bestiaux et principalement pour l'éducation des moutons qui, souvent, ne peuvent être autrement préservés des maladies dont ils sont attaqués ; puisqu'il ne permet, dans; les pays de gabelle, aucunes salaisons de chairs, beurres et 1 coin âges, à titre de spéculation, pour les armements, l'exportation et la destination des? provinces où cet impôt n'est point connu (en Normandie, par exempte-, où. l'impôt dit sel est au plxis\ hauts priai, et ow on engraisse' bemuemp de bestiaux, on ne peut y faire des salaisons pour les armements de- la pévhe et des colonies ; ainsi ce commerce* est abandonné à l'étranger : l'Mande fournit toutes ces salaisons) ; puisqu'enfin il contrarie le débit de la pêche,, qui doublerait peutrêtre, sans l'existence de cet impôt.
Ces maux, Messieurs, sont connus; ils ont fixé les sollicitudes! du Roi lors de l'assemblée des notables en 1787. Tous les plans de conversion, de modification de la gabelle, ont été disert tés avec soin, et de cette recherche il est résulté qu'ils ne présentaient que des palliatifs dangereux que cet impôt était vrréformable. Sa suppression, dès ee moment, a été décidée; la gabelle a été jugée; mais la prudence a demandé que les moyens de remplacement fussent recherchés avec soin. Ce travail est achevé ; c'est à votre sagesse, Messieurs, à peser si le plan de conversion est conforme aux principes de l'équité. Vous vous livrerez avec zèle à l'examen de ce plan: son rapport déterminera votre-décret sur le sort de la gabelle, sur la suppression ou la modification de cet impôt.
Ainsi, Messieurs, après avoir exposé sommairement les résultats propres à déterminer l'impôt de remplacement, je vous présenterai mes réflexions sur les effets du plan de modification', qui réduirait le plus haut prix du sel à 6 sous la livre, sans l'augmenter au préjudice des provinces qui jouissent d'un plus bas prix.
Si vous adoptez, Messieurs, le remplacement èe la gabelle par une prestation pécuniaire, la somme de ce remplacement doit être déterminée, non par la masse des perceptions, mais par le produit net de l'impôt pour le Trésor public. Se produit, déduction faite de la valeur du sel en achats, frais de transport et bénéfices naturels de commerce, est de 56 millions de livres, et ee serait à cette somme qu'il conviendrait d'arbitrer le remplacement, si cet impôt ne devait subir une réduction légitime à. l'époque d« premier janvier 1791.
C'est à cette époque, Messieurs, que doit cesser Ja perception des 4 derniers sous pour livre, établis en 1771 et 1781: ils augmentent considérablement l'impôt des pays de gabelle, ils l'augmentent dans une proportion inégale, suivant la différence de l'impôt originaire; en sorte que la grandeur du fardeau déjà supporté vaut une plus grande part aux contributions nouvelles. Cette considération ne permettrait pas la prorogation des 4 derniers sous pour livre sur ce genre d'imposition, s'il continuait de subsister: l'équité
s'opposerait à ce que les grandes gabelles, qui no forment en population que le tiers du royaume,, c'est-à-dire environ 8 millions d'habitants, fussent grevées, par l'effet de cette prorogation, d'un accroissement d'impôt de 6,400,000 livres, tandis que les provinces franches ou rédimées delà gabelle, qui forment plus du tiers de la France en population, c'esi-à-âire environ 10 millions d'individus, où la consommation excitée par le bas prix est double de celle des pays de gabelle, ne supporteraient pas un accroissement de plus de 400,000 livres sur le produit des droits auxquels sont assujettis les sels destinés à leur consommation.
Ainsi, Messieurs, en déterminant la conversion de la gabelle en prestations pécuniaires, vous penserez, sans doute,.que le remplacement doit être proportionné,, non pas au produit actuel de 56 millions de livres, mais au produit naturel de cet impôt, à la déduction des 4 derniers sous pour livre, dont 1 ai perception doit cesser au 1er janvier 1791.
Ge principe posé (et je crois, Messieurs, que personne n'en contestera la justice), je vous observe que, l'objet de ces 4 sous pour livre étaafc de 9,556,000 livres, l'impôt de remplacement sera réduit à 46,444,000 livres. Dès lors, en déterminant le remplacement à la somme de 56 millions de livres jusqu'à la suppression des 4 derniers sous pour livre, déduction faite la valeur en achats, transports et bénéfices naturels de commerce, vous affranchissez les pays de gabelle d'une perception effective de 69,615,000 livres. Conséquemment vous leur procurerez un soulagement actuel de 13,615,000 livres ; mais à l'époque du 1er janvier 1791, le remplacement étant réduit à 46,500,000 livres, les pays de gabelle trouveront, dans la conversion de l'impôt, une modération de 23,115,000 livres par comparaison aux perceptions actuelles, et de 14,240,000 livres sur ia somme d'impôt qu'ils acquitteraient, à compter de cette époque, si la gabelle était maintenue.
Ges réflexions, Messieurs, ne laissent aucun doute sur les avantages que les pays de gabelles retireront de la conversion de ces impôts en prestations pécuniaires ; mais avant de vous présenter les moyens d'opérer cette conversion, je dois examiner quels seraient les effets de la modification de l'impôt, en limitant le plus haut prix du sel à 6 sous la livre-
Dans ce système, les perceptions de la ferme, en évaluant le profit d'une consommation plus étendue dans les ressorts des grandes gabelles, seraient inférieures au produit actuel de la vente du sel de25,098,000 livres.
Ainsi la compensation de l'impôt, jusqu'à la cessation des 4 derniers sous pour livre, exigerait sur les impositions territoriales un accroissement de pareille somme ; et je dois observer que' cet accroissement, qui porterait presque entier sur les provinces de, grande gabelle, serait d'autant plus pénible, que la modération du prix du sel à 30 livres le quintal, laisserait subsister un prix trop élevé pour que ces provinces, pussent étendre leurs salaisons, délivrer du sel aux bestiaux et négliger l'économie dans l'emploi de cette- dentée de première nécessité.
11 est vrai qu'en 1791, époque de la cessation des 4 derniers sous pour livre, la compent-satioiï de l'impôt modéré serait réduite à, 16,600,000 livres; mais elle exigerait ua accroissement égad sur les impositions foncières,
e t cet accroissement, presque entier à la charge, des gabelles,, serait d'autant plus fatigant, qu'il ne procurerait aucun avantage en faveur d'une consommation plus étendue, et que les frais, de régie seraient les mêmes qjua dans L'état présent.
En effet, Messieurs, en réduisant le plus haut prix du sel à 30 livres le quintal, vous supprimerez les barrières locales qui séparent les grandes gabelles du Lyonnais , Forez et Beaujolais, et celles qui séparent le Veiay, le Vivarais et le Dauphinô du Lyonnais, Forez, Bresse et Bugey ; mais vous ne pourriez anéantir les- barrières qui séparent les grandes gabelles du Boulonnais, de l'Artois, du Cambcés-is, du Réthelois, de la Franche-Comté, de l'Auvergne, de lai Marche, du Poitou, de la Bretagneet du pays de Quart-Bouillon. Il faudrait conservec les lignes de séparation, établies entre les provinces rédimées et les petites gabelles ; entre le Boussillon et le Languedoc, sur les frontières du Comtat;, sur celles do, la Provence et du Dauphiné,, et dans la communication de la Lorraine et des Trois-Évê» chés (1).
Alors, Messieurs, les frais de perception restant ! les mêmes, les frais de garde ne pouvant être que très-peu. diminués (et cette diminution ne. serait pas de 200,000 livres), il serait nécessaire, pour conserver l'égalité des produits, d'imposer sur les pays de gabelle, et principalement sur les provinces de grande gabelle, une prestation pécuniaire de 25 millions jusqu'en 1791, et de 16,600,000 livres, à compter de 1791,,. époque de la suppression des 4 sous pour livre, ; dont je vous ai démontré que la prorogation ne pourrait être ordonnée sans une injustice évidente.
Ainsi, la réduction du plus haut prix du sel à 6 sous la livre ne devant contribuer que fai-, blement à l'accroissement des consommations,, par les motifs que je vous ai précédemment exposés, le bienfait de la modération serait presque nul ; il serait même illusoire., puisqu'il exigerait uni remplacement dans la proportion du moindre produit.'
Cette considération, Messieurs, est trop puis-sante, pour que vous puissiez balancer entre les deux partis qui vous sont proposés : le premier consiste dans la conversion de la gabelle en prestations pécuniaires de 56 millions de livres jusqu'en 1791, et de 46,500,000 livres,'à compter de- 1791, époque de la suppression des 4 derniers sous pour livre ; le second a pour objet le: maintien de la gabelle,, en modérant l'impôt au taux de 6 sous la. livre, en faveur des provinces où il est à plus haut prix ; mais sous, la condition de prestations proportionneltes.au moindre produit de cet impôt.
Dans le premier système, toutes les barrières locales de la gabelle tombent avec la
suppression de l'impôt; les consommations doublent au profit delà culture et de la
multiplication des bestiaux; les marais salants acquièrent un nouveau, débouché,
proportionnel à cette consommation plus, étendue; le roulage profite d'une extension
de voi-tureset transports; laguerreactuelle desfaux saul-niersetdes employés cesse,
par un traité de paix éternelle; les inquisitions domestiques n'ont plus
Dans le second système, au contraire, la majeure partie des barrières locales est conservée ; les consommations ne prennent qu'une très-faible accroissance; les profits de la contrebande sont diminués; mais ils sont encore assez grands pour exciter la cupidité: la guerre intérieure subsiste dans toute sa force; les perquisitions domiciliaires sont maintenues , le Gode pénal des gabelles, s'il est mitigé, doit toujours être rigoureux ; rien ne tranquillise les peuples sur l'accroissement successif de l'impôt ; les frais de perception sont les mêmes; entin la nation reste soumise à une surcharge pour l'Etat, et qui n'autorise aucune réduction sur la masse générale des contributions.
Votre choix, Messieurs, entre ces deux partis, ne me paraît pas douteux , et puisque le second système, je veux dire celui de la modération du sel à 6 sous la livre dans les provinces où le taux est plus élevé, ne dispenserait pas de la nécessité du remplacement, dans la proportion du moindre produit, je pense qu'il est préférable de pourvoir au remplacement total, en affranchissant à jamais la nation de l'impôt Je plus accablant, le plus contraire à l'intérêt social, à la prospérité publique.
Je dois ici vous observer, Messieurs,que, si la situation actuelle permet au ministre de borner le produit net de l'impôt du sel à 30 millions, en conservant la gabelle, il serait juste et naturel de réduire le remplacement à cette même somme de 30 millions ; dès lors les pays de gabelle profiteraient d'une remise de 26 millions sur le remplacement qu'on pourrait exiger jusqu'en 1791, et de celle de 16,500,000 francs sur la prestation légitime, à compter de 1791.
Une considération puissante doit, au surplus, Messieurs, vous faire accepter ce
parti. L'insurrection générale a détruit les barrières fiscales sur la majeure partie
des frontières de la gabelle ; le sel existant sur les marais salants et dans les
provinces franches est introduit dans les pays de gabelle (I). La récolte de cette
année y sera transportée certainement avant que l'ordre puisse être rétabli ; il est
donc évident que, si vous rendiez un décret conservateur de la gabelle modifiée, le
produit de cet impôt serait nul jusqu'à l'épuisement des approvisionnements qui sont
et qui seront effeclués, ou serait à peine suffisant pour compenser les frais de gare
et de régie ; en sorte que des non-valeurs très-importantes forceraient de recourir à
des ressources extraordinaires : ces ressources ne pourraient être opérées que par des
emprunts, et vous ne pouvez, Messieurs, vous faire illusion sur la dureté des
conditions que vous imposent les capitalistes : vous serez forcés de les souscrire
jusqu'au moment où le crédit public, assuré sur des bases incontestables, sur un excé-
Il n'est donc question, Messieurs, que de pourvoir à la répartition de l'impôt de remplacement : il est facile entre les pays de gabelle, les perceptions actuelles donnent une base de proportion. Les provinces, pour la division entre leurs districts, peuvent adopter une base qui soit exempte de l'arbitraire, dont le recouvrement soit à l'abri des non-valeurs. Je dois justifier cette assertion.
L'impôt du sel est une véritable capitation, jusqu'à concurrence de la consommation de première nécessité. Les faits prouvent incontestablement que ce genre de consommation est collectivement supérieur à la proportion de 7 livres de sel par tête au-dessus de 8 ans, ou d'un minot pour quatorze personnes, proportion indiquée par l'ordonnance de 1680: ainsi la gabelle doit être considérée comme une capitation équivalente au prix de 7 livres de sel par tête au-dessus de 8 ans, à la déduction de la valeur intrinsèque en frais d'achat, de transport et bénéfices naturels du commerce.
Les faits prouvent également que la consommation, au delà de celle de première nécessité, varie, suivant les facultés que, dans les pays riches, où l'aisance permet plus de salaisons, cet excédant est dans la proportion de 8 à 10 livres par tête au-dessus de 8 ans, tandis que dans les pays pauvres, où le défaut de facultés restreint la consommation à l'absolu nécessaire, ce même excédant n'est que dans la proportion de 2 à 3 livres par tête au-dessus de 8 ans ; conséquem-ment, cette seconde espèce de consommation est un véritable impôt sur le plus ou moins d'étendue des consommations déterminées par les facultés, et au delà de 7 livres de sel par tête, à quoi peut être évaluée la consommation de première nécessité.
Ainsi, dans la répartition de la prestation qui remplacerait la gabelle, on rendrait une justice complète en réglant la somme de l'impôt, correspondante à la consommation d'absolue nécessité, dans la proportion de la population, et fixant le surplus au marc la livre des importations foncières et territoriales.
Cette division, Messieurs, fondée sur les faits actuels, est aussi naturelle que facile, lin adoptant ces bases, les Assemblées provinciales, celles de districts, et les municipalités, peuvent faire bénéficier les classes les plus indigentes de l'économie des frais de perception, objet de 8,636,000 livres, puisque la perception, dont le produit brut est de 64,636,000 livres, déduction faite de la valeur du sel en achats, transports et frais de vente, ne donne qu'un produit net de 56 millions de livres, et que,par conséquent, la conversion de la gabelle en prestations pécuniaires donnera une réduction de 8,636,000 livres, qui tourneront nécessairement au soulagement des pauvres : les citoyens aisés ne seront point surchargés et conséquemment les recouvrements seront à l'abri des retards et des non-valeurs. La bonté, la justice de cette répartition, sont au surplus démontrées dans un travail exécuté par les ordres de l'administration, intitulé : Recherches et considérations nouvelles sur les finances; et comme cet ouvrage, Messieurs, comprend tous les plans de modification des autres impôts indirects, qu'il mérite toute confiance, puisqu'il s'appuie sur les pièces originales de la perception, et qu'il est dans le cas de donner les plus grandes
lumières, je crois qu'il serait très-utile, je dirai même indispensable, que l'Assemblée en fit distribuer un exemplaire à chacun de ses membres.
Pourquoi attendre les inconvénients qu'il y aurait à n'admettre, même provisoirement, que des palliatifs qui laisseraient subsister réellement tous les maux de la gabelle, dont les ressources seraient incertaines pour les produits, et qui ne garantiraient aucunement de la crainte de voir successivement augmenter cet impôt? Or, vu la nécessité d'assurer l'impôt de remplacement, je demande :
1° Que l'Assemblée se livre, sans aucun délai, à l'examen du plan de la conversion de la gabelle et des droits sur le sel en prestations pécuniaires;
2° Que cette conversion ait lieu à compter du 1er octobre
prochain ;
3° Que les prestations pécuniaires qui remplaceront la gabelle soient lixées, pour les trois derniers mois de cette année, et pour l'année 1790, à la somme de 56 millions de livres par année, et à compter de 1791, à celle de 46,500,000 livres (l) ou, s'il y a lieu, à la somme de 33 millions de livres, d'après la proposition du ministre des finances, concernant la modération de l'impôt au plus haut prix du sel, à 6 sous la livre, dans les provinces où il est plus élevé, puisque si cette proposition était admise, le produit de la gabelle serait réduit à la somme de 30 millions de livres;
4° Que ces prestations soient réparties entre les provinces sujettes à la gabelle, proportionnellement à la somme d'impôt que chacune paye dans l'état présent, eu égard à la valeur du sel qu'elle consomme;
5° Que la somme des prestations qui seront à la charge de chaque province, soit divisée en deux parties, l'une des deux tiers de i'impôt, représentative de la consommation de première nécessité, évaluée à 7 livres de sel par tête, l'autre du tiers de l'impôt, à titre de compensation de l'excédant de consommation au delà de celle de première nécessité ;
6° Que la première prestation soit divisée entre les districts et paroisses des pays de gabelle proportionnellement à leur population, et répartie par les communautés sur tous les chefs de famille assez équitablement pour que le citoyen riche ou aisé ne supporte pas l'impôt dans une proportion supérieure à sa contribution actuelle, pour que le pauvre bénéficie de la modération de l'impôt ;
7° Que la seconde prestation soit répartie par addition sur les impositions territoriales de toute nature, au marc la livre de ces impositions ;
8° Que les droits de brouage, de convoi, traite de Charente, 25 sous par rasière, et
autres perçus sur les sels enlevés des marais salants pour la consommation des
provinces franches et rédi-mées des gabelles, soient également supprimés, à compter du
1er octobre prochain, et convertis dans un impôt de remplacement de 3 millions, lequel
sera supporté par chacune desdites provinces, proportionnellement à leur contribution
au produit des droits qui seront compensés par cet impôt de remplacement;
9° Que pour éviter les effets de tout monopole sur le commerce du sel, il soit établi, dans les principaux lieux des provinces de gabelle des magasins de sel où le prix sera fixé par les assemblées provinciales, suivant les frais d'achat et de transport, qui seront convenus avec les entrepreneurs des voitures de sel, et avec addition de 25 sous par quintal au profit des magasiniers, pour les indemniser de l'intérêt de leurs avances, loyer de leurs magasins, frais de vente et bénéfices, avec clause expresse que lesdits magasiniers ne jouiront néanmoins d'aucun commerce exclusif ;
10° Que pour subvenir au remboursement, tant de la finance des juridictions de gabelle, dont l'objet n'est pas de 10 millions, qu'à celui des cautionnements des receveurs de gabelle, il soit procédé, sans délai, à la vente et adjudication des bâtiments appartenant au Roi, et des ustensiles servant à l'exploitation de la ferme des gabelles, et que le prix en soit versé dans la caisse que vous désignerez à cet effet;
11° Qu'une commission de douze membres choisis, soit dans l'Assemblée, soit par égal nombre dans le comité des finances et dans celui d'agriculture et de commerce, s'occupe, de ces opérations et de l'examen des moyens les plus prompts et les moins coûteux de pourvoir, s'il y a lieu, à l'indemnité des employés supérieurs des gabelles, autres que les receveurs, qui seront dédommagés de la perte de leurs emplois par la tenue des magasins publics ; et que, pour accélérer ces opérations, le comité se fasse fournir tous les renseignements qui lui seront nécessaires par M. de Cormeré, chargé de l'exécution de ce travail depuis nombre d'années, et principalement par l'Assemblée des Notables en 1787 ;
12° Enfin, que cette commission s'occupe en même temps du décret portant conversion de la gabelle et de tous droits sur le sel en prestations pécuniaires, d'après les bases ci-dessus déterminées ou celles qui lui paraîtraient préférables, afin que le projet qui sera rédigé puisse être discuté, et déterminer la prompte exécution de votre décret.
Je demande en outre que l'Assemblée décrète la distribution à chacun de ses membres d'un exemplaire de l'ouvrage intitulé,Recherches et considérations nouvelles sur les finances.
Je terminerai, Messieurs, ces réflexions, en vous priant de considérer que le mal est instant; qu'il est impossible de compter sur le produit de l'impôt à raison des approvisionnements excessifs introduits, et qui s'introduiront encore dans les pays de gabelle; et qu'enfin le seul moyen d'y remédier est de pourvoir à la conversion de cet impôt.
MOYENS DE RÉPARTITION ENTRE LES CONTRIBUABLES dans la proportion de leurs facultés.
La plus forte objection contre la conversion de la gabelle en prestations pécuniaires, se tire de la difficulté d'asseoir l'impôt de remplacement.
On objecte, avec raison, que le pauvre et même l'indigent trouvent le moyen d'économiser, sur leurs faibles gains, l'argent dont ils ont besoin pour acheter le sel, objet d'absolue nécessité; qu'ils payent 10,12 et 15 livres par an pour leur contribution à l'impôt delà gabelle, et qu'inutilement on se flatterait d'obtenir d'euxlamême somme de contri-
bution, lorsqu'ils ne seront plus commandes par le besoin de se procurer le sel nécessaire à leur existence. Le recouvrement de la prestation sera donc sujet à des non-valeurs effrayantes, et qui nécessiteront dans la -même proportion la surcharge ; des contribuables qui auront fourni leur taxe.
Cette objection est spécieuse, elle est la seule i qui puisse être raisonnablement proposée; il 'Convient d'y donner "une solution :
1° La taille et accessoires, ainsi que les vingtièmes, doivent être réunis en une seule imposition qui portera sur toutes les propriétés, sans aucune exception et eu égard à leur valeur : or, la seconde prestation du tiers de l'impôt, étant additionnelle à l'imposition sur les propriétés, ne sera point susceptible de non-valeurs, puisqu'elle ne concernera que le propriétaire, et ne portera pas sur les classes indigentes, et dénuées de propriété ; I
2° La première prestation représentative de la consommation de première nécessité, devrait correspondre à la consommation d'nn minot pour quatorze personnes, ou de 7 livres par tête, mais en affectant le tiers de l'impôt de remplacement sur le produit des propriétés, la première prestation des deux tiers de l'impôt ne représente qu'une consommation collective d'un minot pour vingt personnes, c'est-à-dire de 5 livres par tête. Au moyen de cette réduction des deux septièmes
de l'impôt représentatif de la consommation obligée, il est facile de soulager le pauvre, sans injustice pour le riche ou le citoyen aisé.
Cette modération d'impôt en faveur du pauvre est fondée en principe d'équité : la suppression de la gabelle autorise la réduction actuelle d'un huitième sur lama s se des perceptions. La justice veut que cette réduction tourne en entier au 'soulagement du pauvre; il doit en effet participer au bienfait. Le -défaut «fte facultés ne lui permettra pas une consommation beaucoup plus étendue, tandis que le propriétaire et le cultivateur doubleront la leur, en délivrant du sel aux bestiaux, en multipliant leurs-salaisons ;
3° La consommation pour pot et salière, c'est-à-dire pour l'usage habituel et journalier, excède, collectivement, la proportion de 7 livres par tête ; le riche et le citoyen aisé consomment au moins 12 livres par tête; tandis que le pauvre, restreint au strict nécessaire, ne-consomme peut-être pas au delà de h livres.
On rendra donc justice à tous les contribuables, en déterminant la capitation pour TacSbat de gabelles dans !la proportion des consommations déterminées par les facultés.
D'après ces ;bases, on peut diviser les eontri-buables en quatorze classes, qui seront imposées à la capitation pour rachat de gabelles, dans les proportions conformes au tableau ci-après.
..CLASSES
Ire
II
III
IV
V
VI VJI
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
' CONTRIBUABLES
QUI DOIVENT COMPOSE» CHAQUE CLASSE.
Contribuables dont "les impositions! ou la capitation seront de 1,000 livres
et au-dessus, ci.. ..........................................................
Id. Imposés de 400 à 1,000 livres, ai..................................
,Id. Imposés de 200.à 408 livres, ci.................................
Id. Imposés de 100 à 200 livres, ci...................................
Id. Imposéside 00 à 100 livres, ci...............................
Id. Imposés ide .80 à -60 livres, ci.................................
14. Imposés 4e 25 à 30 livres, ci..................................
Id. Imposés île 20 à 25 livres, Cl..............................
Id. Imposés de 15 à 20 livres,kci..................................
ïd. Im-pofiéside 10 à 15 livres,«ci.........................................
14. Imposés At 6 à 10 livres, ci.......................................
Id. Imposés au-4essous de 6 ilivres, ci..........................
Id. Pauvres......................................................
,14. Maisons iraligiettses.....................................................
CAPITATION .de
CHAQUE CHEF DE ttAMHiLE
150 livres. .'120 90 60 40 20 15 Ï2 9 .6 .4 3
par tête.
Nota. Ces proportions sont celles qui auront lieu dans les grandes gabelles ; il est évident qu'elles diminueront dans les autres provinces ¦de gabelles proportionnellement à la différence qui subsiste actuellement dans le prix du sel.
Au moyen de cette division, les six premières classes et la quatorzième ne payeront sur la capitation de gabelles, qu'une imposition proportionnelle à leur consommation pour pot et salière ; mais les sept dernières classes profiteront de la remise entière de l'impôt, et seront taxées trop modérément pour que l'on puisse craindre des non-valeurs effectives.
Au surplus, le travail exécuté par I. de. Cor-meré, sur douze greniers de -la généralité de Paris, pris dans différents genres de culture, prouve incontestablement que ces bases de proportion sont suffisantes pour assurer le recouvrement de
Ja première prestation ou capitation degabelles (1).
Au moyen de ces répartitions, il est sensible que l'objection des non-valeurs dans le recouvrement est de beaucoup atténuée, si elle n'est pas totalement anéantie,
.OBSERVATIONS IMPORTANTES.
première observation.
En admettant la possibilité d'assurer le remplacement de l'impôt de la gabelle par
les deux -prestations indiquées, il faut nécessairement donner le temps nécessaire
pour la confection : 1° du
Ces rôles ne seront peut-être pas achevés avant six mois. Il sera nécessaire d'attendre leur confection pour procéder au recouvrement^ le Trésor public a besoin de ressources promptes et certaines ; il en trouverait dans la vente du .sel à uli prix modéré ; mais la gabelle étant supprimée, et le recrutement de l'impôt de remplacement étant nécessairement éloigné, la pénurie duTrésor public augmentera, et les conséquences de cet accroissement de pénurie seront très-fâcheuses.
Un des honorables membres de l'Assemblée nationale a prévu l'objection étpropose le moyen de l'anéantir :
1° Que la taxe de chaque province pour remplacement de la gabelle, soit décrétée par l'Assemblée nationale pour les trois derniers mois de cette année, et pour l'année entière 1790 ;
2° Que l'assiette et le recouvrement de cette taxe soient confiés aux assemblées provinciales ;
3° Que ces assemblées souscrivent l'obligation de fournir celte taxe au Trésor public, de mois en mais, à compter du mois de novembre prochain, jusqu'au mois d'octobre 17:90, à la déduction de l'intérêt de six mois, .au taux de 5 0/0, sans retenue ;
4° Que pour mettre les assembléesprovinciales en état de fournir leur taxe au Trésor public, dans les termes qui viennent d'être énoncés, elles soient autorisées, par décret de l'Assemblée nationale, à ouvrir des emprunts partiels jusqu'à concurrence du montant desdites taxes, portant, intérêt à 5 0/0 sans retenue, et don t le remboursement sera spécialement hypothéqué et affecté sur le recouvrement des prestations pécuniaires en remplacement de la gabelle.
Au moyen de «cette proposition, le Trésor publie recevra, sans difficulté, de mois en mois, jusqu'au mois d'octobre 1790, l'impôt de rempla--cement, sans non-valeur ni retard. Ainsi la suppression de la gabelle rendra très-positives les ressources très-incertaines que l'on pourrait espérer de la gabelle, réduite au plus haut prix de 30 livres le quinlal.
SECONDE OBSERVATION*
L'impôt de la gabelle est local, d'une quotité différente dans les provinces qui y sont assujetties.
Toutes les provinces ont formellement renoncé à leurs privilèges ; ainsi l'impôt de remplacement de la gabelle devrait être supporté par toutes les provinces, sans exception, et proportionnellement à leurs facultés.
On s'écartera de la justice, en ne faisant tomber l'impôt de remplacement que sur les pays de gabelle, et proportionnellement à la somme d'impôt que chaque province supporte eu égard à la consommation en sel.
Pour répondre à cette objection, on observe : 1° que les impôts ne sont point les mêmes dans les différentes provinces dont le royaume est composé ; que plusieurs isont extrêmement grevées par l'impôt sur les propriétés ; tjue d'autres acquittent les impôts indirects de différentes manières, tels que les équivalents de Languedoc,
les devoirs de Bretagne, la gabelle et les aides ; qu'ainsi chaque province doit conserver momentanément la somme actuelle de ses impositions ;
2° Que lorsqu'il sera question de la conversion de la taille, accessoires, vingtièmes, et dans une seule imposition sur les terres, il sera facile do rechercher Ja proportion qui existe entre les impôts indirects à la charge de 'toutes les provinces, et de rendre à chacune ïa justice qu'elle est en droit d'attendre du système équitable de l'égalité des contributions ;
3° Que les pays de gabelle, par la suppression de cet impôt cruel, profiteront, dans le moment présent, d'une remise effective sur les perceptions de la ferme et de la contrebande de plus de............................. 13,000,000 fr.
Qu'ils bénéficieront, à compter de 1791, d'une nouvelle modération de........................ 9,500,000 fr.
Total.......... 22,500,000 fr.
4° Que celte remise, qui forme à peu près le tiers de la perception actuelle, sera d'autant plus précieuse, que le revenu des propriétés foncières augmentera sensiblement par la consommation jdIus étendue du sel ;
5° Que si l'impôt de remplacement de 46,500,000 livres, à compter de 1791, reste à la charge des pays de gabelle, il serait juste et facile d'en appliquer le recouvrement au payement des rentes viagères, et de le diminuer successivement dans la proportion des extinctions-, en sorte que les pays de gabelle éprouveraient annuellement de nouvelles modérations, et 'finiraient par être totalement affranchis de cet impôt de remplacement.
Ces observations suffisent pour répondre à l'objection présentée contre le mode de conversion de l'impôt de la gabelle.
, députe de Ver-mandovs (1). Messieurs, de tous les impôts, il n'en, est point de plus révoltant ni de plus désastreux que celui du sel. Il n'en est point de plus odieux au peuple. Il coûte chaque année la vie et la liberté à des milliers d'hommes; il donne lieu à des vexations continuelles, à des horreurs, et à des inquisitions de toute espèce.
Une armée de près de soixante mille hommes la surveille, répandue dans tous les coins de la France; elle y jette l'épouvante et la désolation, et sur tous ses pas suivent les brigandages et les exactions.
A chaque porte, à chaque barrière, et, pour ainsi dire à chaque pas, le citoyen est arrêté et fouillé; rien n'est respecté. Son domicile, lieu sacré dans tous les pays de liberté, est violé. Une brigade d'employés s'y introduit, force la porte, s'il n'y a personne, ou si on refuse de la lui ouvrir, parcourt tous les lieux, inspecte tout, caves, greniers, coffres et armoires; rien n'est réservé. Non-seulement on vous rend responsable de votre logement et de vos bâtiments fermés ; mais encore de votre cour et de vos bâtiments non fermés, et même des héritages qui tiennent à votre domicile.
Oui, Messieurs, une poignée de sel qu'unemain ennemie peut avoir posée dans votre
cour, dans
On tient pour loi, dans la gabelle, qu'un particulier est responsable de ses bâtiments, cours et jardins, fermés ou non fermés, et quoique chacun ait la liberté d'y introduire de la contrebande, n'importe : la fiscalité ne veut que de l'argent et des coupables.
En vain crie-t-on contre cette loi meurtrière : malgré son immoralité, elle est en vigueur et consacrée dans tous les tribunaux de la gabelle.
Eh! Messieurs, que ne consacreraient point ces tribunaux! Dans la plupart, les juges sont pensionnés et gratifiés par la ferme; la volonté delà ferme règne sur eux en tyran : elle a le droit de commander au juge qu'elle paye.
Instruits de ces vexations et de ces abus infâmes, et revêtus de l'autorité, vous vous rendriez coupables envers la nation, si vous les laissiez subsister plus longtemps.
Il n'y a qu'un seul moyen. Ce n'est point de diminuer le prix du sel ni les peines delà contrebande, comme le comité des finances l'a proposé, car il restera toujours un bénéfice à faire; et adoucir les peines, c'est multiplier la fraude; mais c'est de supprimer l'impôt et de vendre le sel marchand. Je ne crois même pas qu'il y ait à délibérer à cet égard, et qu'il soit encore permis de mettre cet objet en question.
L'impôt du sel a été jugé et condamné par Sa Majesté; tous les cahiers en demandent la suppression : nous l'avons hautement annoncée et promise à la nation ; la justice et l'humanité la réclament; elle existe par le fait. Que nous reste-t-il donc à faire? à la consommer, pour l'avantage et le bonheur du peuple et de l'Etat.
Cet impôt, qui est peu de chose pour l'homme opulent, est beaucoup pour les propriétaires et cultivateurs, et il écrase la classe indigente. Sa répartition se fait par tête. Un malheureux, qui a douze enfants imposables, supporte douze fois autant de sel qu'un riche célibataire. On lui délivre à 10 sous 6 deniers une livre de sel, qu'il aurait pu souvent se procurer moyennant 1 sou ou 6 liards. Le fisc tire donc sur sa subsistance, et sur celle de ses enfants, douze et treize quatorzièmes de bénéfices, et se remplit ainsi du sang et de la sueur des malheureux.
Si le besoin, ou l'intérêt, toujours plus fort que la loi, lui commande de se soustraire à cette infâme exaction, sa vie et sa liberté sont en danger; il est exposé à être enlevé à sa femme et à ses enfants, et souvent la mort expie, ou toute sa fortune paye le crime bien pardonnable qu'il a osé commettre.
Assemblés, Messieurs, pour pourvoir au soulagement du peuple, pour réformer les abus sous lesquels il gémit, vous ne laisserez sûrement pas subsister le plus oppressif de tous. Ce n'est point l'adoucissement de l'impôt du sel que le peuple demande ; c'est sa suppression: il faut l'anéantir
nie dans son germe.La moindre racine pourrait uire encore des rameaux désastreux. Ils ont eu des accroissances insensibles. L'expérience du passé doit nous préserver des malheurs de l'ave-vir. Puisque nous avons aujourd'hui le pouvoir, une sage et salutaire prévoyance nous dit^d'en faire usage. Déterminons donc cette suppression; tout nous J'ordonne : la promesse du Roi, celle que nous avons faite au peuple, le vu de la na-
tion, sa résistance qui nous commande, la tranquillité et le bien de l'Etat.
C'est en effet, Messieurs, du plus grand avantage de l'Etat, que le sel soit rendu marchand. Il sert à l'engrais des terres; celui de France est préféré à tout: il est reconnu le meilleur de l'Europe. Ce serait donc ouvrir une branche de commerce très-lucrative. Une infinité de salines, que la voracité des fermiers a fait abandonner, seront exploitées; c'est un objet de la plus haute importance, qui vivifiera l'intérieur des provinces et accroîtra notre commerce. Cent mille bras désuvrés y trouveront leur subsistance, et l'Etat un numéraire considérable. Hàtons-nous donc de décerner le bill si juste et si désiré d'anéantissement et de proscription.
Mais, dira-l-on, l'état des finances ne permet point cette suppression sans remplacement.
Cela est vrai. Aussi offre-t-on un impôt additionnel, représentatif, juste et égal, réparti proportionnellement sur tous les contribuables privilégiés; par ce moyen, le Trésor royal n'en souffrira point, et le peuple y gagnera infiniment: il sera soustrait à des vexations de tout genre.
M. le président donne la parole à M. le comte de Toustain deViraypour une motion concernant le payement des députés.
,député de la Lorraine.Messieurs,la décision de la permanence de l'Assemblée nationale me conduit à une observation que je crois nécessaire sous plusieurs rapports ; notre mission ici est incontestablement d'établir une bonne constitution et de réformer les abus. Mais, Messieurs, ne craindrions-nous pas d'en établir un en notre faveur, qui pèserait sur le peuple, si nous ne fixions pas le terme de nos payements, et s'il était soumis à notre volonté; notre délicatesse et l'amour du bien public exigent, tant pour nous que pour ceux qui nous remplaceront, de nous mettre à l'abri du reproche de cupidité.
Montrons-nous intacts, et déclarons que pour cette session il ne sera payé que six mois, et trois mois pour les sessions suivantes. Je n'entends pas par là restreindre strictement à ce terme la durée des Assemblées, qui pourront se prolonger si les circonstances l'exigent; mais ne nous dissimulons pas que nos débats, souvent oiseux, et les trop longs discours produisent un bien très-incertain, et que le mal est réel ; montrons-nous patriotes; mettons-nous à l'abri de tout soupçon de la part de nos commettants, et n'augmentons pas les abus, puisque notre devoir est de les anéantir.
Voici mou projet d'arrêté :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur l'abus qu'entraînerait l'arbitraire pour la durée du payement des députés, déclare que pour cette session ils ne pourront être payés que pendant l'espace de six mois, et trois mois pour les sessions suivantes ; déclare en même temps ne pas entendre par là borner strictement à trois mois la durée des assemblées annuelles, mais seulement restreindre la rétribution des députés. »
M*". Ce n'est pas toujours avec l'il de l'enthousiasme qu'il faut considérer les objets ; l'enthousiasme est souvent contraire à la réflexion, et il s'allie rarement à la prudence.
Sans doute on doit applaudir au sacrifice d'un noble qui consent à n'être payé que pour six mois ; mais aussi les députés des communes, les bons pasteurs à 500 livres, car il en est encore, sont-ils en état de faire ce sacrifice? En recevoir d'eux, ce serait les précipiter dans la misère.
La discussion n'a pas d'autre suite, et la séance est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Nota. Nous insérons ici une motion de M. le comte de Mirabeau sur la caisse d'escompte. L'auteur n'ayant pas pu prononcer son discours à la tribune, à cause des discussions qui étaient à l'ordre du jour, le fit imprimer et distribuer à ses collègues.
Messieurs, j'avais résolu depuis longtemps de vous entretenir de la caisse d'escompte; mais j'ai craint d'interrompre ou de retarder des discussions plus pressantes, en offrant à vos réflexions une matière dont le rapport avec le crédit public ne vous a peut-être pas encore assez frappés.
Le moment est venu où il ne m'est plus permis de différer ma motion sur la caisse d'escompte.
La séance du 27 août m'en impose le devoir. Le ministre des finances nous a rappelés à ce grand objet par un mémoire où il s'explique avec une franchise digne de son zèle pour la restauration du royaume.Il nous y parle de cette sauvegarde honorable sous laquelle nous avons mis les créanciers de l'Etat; il nous invite à méditer sur les mesures qui la rendront efficace, et à nous occuper en particulier de la caisse d'escompte.
Vous avez applaudi à tout ce que ce ministre citoyen adressait à votre patriotisme: vous n'avez pas moins accueilli le discours lumineux de M. l'évêque d'Autun, et les développements vraiment instructifs qu'il vous a présentés sur la foi publique.
Enfin en décrétant l'emprunt selon les vues du ministre des finances, vous y avez ajouté des déclarations nécessaires à l'établissement du crédit national; déclarations qui mettront lajournéedu 27 au rang de celles où votre esprit et votre sagesse se sont montrés avec le plus d'éclat.
Ces déclarations ne suffisent pas ; nous tenterions en vain de fixer le crédit national si nous laissions subsister un arrêt incompatible avec toute idée de crédit, un arrêt qui devient notre fait dès l'instant qu'il est en notre pouvoir de le détruire.
La foi publique recevrait une atteinte si le gouvernement iDrotégeait la rupture des engagements d'un simple particulier; combien cette atteinte n'est-elle pas plus forte, lorsqu'il s'agit de la banqueroute d'une société qui transgresse ses propres lois, qui franchit toutes limites, et qui cependant nous fait regarder jusqu'à présent son crédit comme celui de la nation même !
C'est sous ce point de vue, Messieurs, que la caisse d'escompte doit maintenant exciter votre attention et c[ue je vous la dénonce. Il ne s'agit ni de législation, ni de règlements, ni de combinaisons politiques, mais de déclarer une intention que vous avez tous, qui doit être incessamment connue, et qu'on ne pourrait vous empêcher de manifester qu'en vous trompant.
Je propose de ramener dès à présent aux principes de la foi publique un établissement que son influence sur le crédit devait toujours maintenir dans l'ordre, une banque qui avait de si puissants motifs d'effacer, par une administration sage, patriotique, et surtout désintéressée, le sou-
lre Série, T. IX.
venir des désordres sans nombre dont elle a fourni les principaux moyens.
Le scandale des arrêts de surséance que les administrateurs de la caisse d'escompte obtiennent à l'instant où ils les demandent, ne peut plus etre toléré. Qu'il soit le fruit de l'ignorance de ceux qui conduisent cette banque de secours, ou de la corruption, il devait cesser à l'instant où 1 Assemblée nationale s'est formée; car c'est nous calomnier devant le monde entier que prétendre à persévérer sous nos yeux dans une mesure qui ne peut appartenir qu'à la mauvaise foi.
Ce scandale devait cesser, parce que la confiance des étrangers est nécessaire à notre commerce. Accoutumés aux banques, ils en connaissent les devoirs ; ils n'ont pu regarder la surséance obtenue parla caisse d'escompte que comme une prévarication; ils savent mieux que nous que rien ne peut justifier cette surséance : sa durée attesterait à leurs yeux que nous connaissons mal les règles inviolablesdu crédit, ou que nous craignons de les mettre en vigueur.
En effet, Messieurs, c'est ici notre juridiction la plus directe et la moins contestable. Le gouvernement n'a pu autoriser la caisse d'escompte à violer ses engagements. Ce pouvoir ne lui appartient sous aucun rapport. Les gouvernements ne sont nécessaires qu'autant qu'ils maintiennent les propriétés légitimes ; c'est le but unique de leur institution.
Les créanciers de la caisse d'escompte, les porteurs de ses billets pouvaient seuls lui permettre d'en surseoir le payement, s'ils trouvaient que cette surséance convînt à leurs intérêts.
En dédaignant leurs plaintes, en n'allant pas au-devant de leurs inquiétudes, l'autorité s'est compromise ; et si la voix publique n'a pas déjà fait cesser cet abus de pouvoir, c'est un malheur de plus.
Vous dirai-je, Messieurs, que la caisse d'escompte a violé ses engagements sans nécessité, sous de faux ou frivoles prétextes? ce serait élever des questions que l'intérêt personnel ou la mauvaise foi rendraient interminables. Un écrit récent a démontré que le payement des billets de la caisse d'escompte n'a été suspendu que par des considérations fausses ou mesquinement cal culées (I); mais ce ne sont là que des raisons secondaires ou locales, et notre opinion sur cet arrêt doit se former uniquement d'après les grands principes.
Quelle que soit l'influence qu'aura l'abolition de cet arrêt sur les transactions des agioteurs ou des banquiers, ou sur le prix des effets nationaux, notre intention n'est-elle pas.de séparer désormais des opérations du gouvernement ces. spéculations trop consultées.jusqu'à présent comme le thermomètre du crédit, et qui, dans le .fait, sont si opposées au bien général?Nécessaires à des.ministres qui avaient besoin jde-séduire l'opinion publique, peuvent-élles caavenir à une nation qui ne saurait:se tromper elle-même, et qui n'a besoin de tromper personne ? Non, sans doute. Notre premier intérêt, .c'estde retourner a la justice et à la vérité. Or, ces bases éternelles de la fidélité n'ont aucun point de contact avec la fraude et la mauvaise foi; on ne peut imaginer aucun passage insensible, aucun accommodement entre les procédés qui violent la foi publique et ceux qui la maintiennent; gardons-nous, comme du plus grand des malheurs, de paraître consentir, ne fût-ce que pour un temps très-court, aux opinions relâchées que les précédents administra-ieursdes finances.ont voulu trqp longtemps nous rendre familièi:es.
Rappelons-nous, Messieurs, que la caisse d'escompte n'a pus'établir que.surla corifiance; qu'elle n'a pu répandre ses billets, .source dp,ses gains, que sur la promesse qu'ils pourraient être éternellement convertis en espèces, à l'instant où le porteur l'exigerait. Cette promesse ^ est la condition de l'existence de la caisse. Les règlements supposent partout Vétroite obligation.de payer ses billets à présentation (1). Elle manque donc à la bonne foi; elle manque au contrat fait envers le public, quand elle prive les porteurs des billets .du droit d'en exiger le payement à leur volonté.
Observez quelle est en pareille matière' la conduite de ces voisins si dignes d'estime, et cbez qui nous cherchons si souvent des exemples d'une saine politique. « La banque de Londres, dit l'auteur de l'écrit dont j'ai parlé (2), la banque de Londres, modèle de la caisse d'escompte, remonte à quatre-vingt-quinze ans ; elle ne put entrer en pleine activité qu'après les deux ou trois premières années de sa création. Depuis, elle n'a jamais suspendu le payement de ses billets ; cependant, ni les orages, ni les révolutions politiques, ni les discrédits publics, ni les.grands accidents du commerce n'ont manqué à l'Angleterre .depuis l'établissement de la banque, et son sort fut lié à celui de l'Etat dès le premier jour de son existence.»
Vous dira-t-on que l'esprit national des Anglais a fait pour le maintien de cette banque ce que le nôtre ne pourrait faire ? Eh LMessieui-s, quand les inquiétudes publiques,bien oumal fondées ; quand les calculs des spéculateurs engageaient les .porteurs des billets à les réaliser, l'esprit national ne pouvait pas dompter de tels mouvements ; mais l'administration de la banque anglaise a toujours su les prévoir et se garantir de leurs effets, sans compromettre la folpublique.
La banque de Londres n'a eu besoin que de prendre d'avance,des précautions pour
remplacer dans sa caisse île ^numéraire effectif, à mesure que la réalisation de ces
billets l'en faisait sortir (3). Ces précautions sont connues de toutes
Ainsi, les arrêts de surséance ont paru à la caisse d'escompte plus commodes, plus profitables et plus conformes à sa politique, que de sages mesures pour ne jamais manquer de numéraire; et voilà les fruits du relâchement de l'opinion sur les principes fondamentaux de 'la foi publique !
Je n'entreprendrai point de développer toutes les conséquences de ce régime; elles sont innombrables; je vous dénoncerai seulement un effet des arrêts de surséance, parce qu'il attaque immédiatement !la richesse nationale, en causant, dans nos rapports commerciaux a.vec l'étranger, un déficit réel qui, chaque jour, devient plus considérable, et que vous .ne sauriez arrêter trop promptement.
Vous le sentirez, Messieurs, !en vous rappelant que le numéraire est la base de notre change avec l'étranger ; qu'une lettre de change n'a de valeur que par le métal précieux qu'elle représente; qu'ainsi les étrangers ne sont plus à même, comme autrefois, de prendre des remboursements sur Paris dès que les lettres de change y sont payées en billets de la caisse d'escompte, et que ces billets ne peuvent plus être réalisés en écus à la>vo-lonté du porteur.
Le crédit de la 'capitale souffre, à >un autre égard, de cette circonstance. 'Les commerçants étrangers ne sauraient aecepteravec confiance les lettres de change tirées d'une ville où l'on fait usage du papier-monnaie dont le gouvernement protège l'existence, et ee discrédit détend nécessairement surtout le royaume, puisque Paris paye et reçoit pour toutes les provinces.
J'ignore, Messieurs, combien de 'temps encore notre commerce pourrait supporter d'aussi lourdes bévues; mais lors même qu'il résisterait longtemps, faudrait-il que, pour le seul bénéfice des actionnaires de la caisse d'escompte, il s'établît un change avec l'étranger,ruineux pour la nation entière ; un change qui, en la dépouillant de son numéraire, attaque son industrie et lui renchérit celle des étrangers ?
Ce mal est devenu tous les jours plus actif. Grâce aux prorogations des arrêts de
surséance, Paris n'est plus en état de 'faire des payements considérables hors du
royaume, si ce n'est par des envois directs de numéraire ; et les stoïques
administrateurs de la caisse d'escompte voient
Aux termes de l'article III de leurs règlements, ils ont dû s'assurer, dans tous les temps, que 'la ¦caisse serait constamment en état de satisfaire à l'étroite obligationde payer ses billets à'présentation.
Aussi, n'est-ce pas uniquement à nos achats de blé dans l'étranger qu'est due l'exportation de notre numéraire; il faudrait changer les lois éternelles de la nature des choses pour que les arrêts de sursêance, si souvent accordés à la caisse d'escompte, n'eussent pas enfin le fâcheux effet de nous ravir nos métaux : ces arrêts sont une cause légitime du plus grand discrédit, -et le discrédit détruit bientôt les rapports avantageux qu'un Etat peut avoir avec les autres.
L'administration de la caisse d'escompte a-t-elle donc oublié qu'à l'occasion de l'arrêt du 23 novembre 1783, cette théorie fut profondément discutée, et, qu'en lui enjoignant de rentrer dans l'ordre, Sa Majesté déclara: « Que loin qu'il en pût résulter aucun embarras, c'était, au contraire, un moyen sûr de faire sortir et circuler les espèces que la crainte d'un papier forcé tenait resserrées, et de raffermir, à l'égard des billets, la confiance publique, en faisant voir qu'ils n'ont plus besoin d'un appui extraordinaire »?
Si les blés étaient l'unique cause de l'exportation de notre numéraire et d'un change ruineux . qui, chaque jour, nous enlève des sommes considérables, que faudrait-il penser d'une banque dont l'administration ne sait pas éviter au commerce des pertes de ce genre ? Quelle serait donc l'utilité d'un établissement qui, au lieu d'adoucir nos calamités pécuniaires, les aggrave ; qui, ne pouvant ni soutenir ni modérer ses opérations, dès que les temps deviennent difficiles, effraie encore, par des mesures infidèles, les propriétaires étrangers de nos fonds publics, et conduit ces propriétaires à les jeter sur notre marché, et à forcer tout moyen d'échange pour en faire rentrer chez eux le produit ?
Enfin, les billets delà caisse d'escompte n'ont plus la valeur qu'ils représentent, dès qu'il s'agit de la transporter hors de la capitale. On ne peut le faire promptement qu'en achetant des lettres de change sur l'étranger; et le banquier ne vendant ces lettres qu'à un prix nécessairement plus haut qu'il ne le ferait, si la caisse d'escompte était toujours prête à payer à présentation, il en résulte, sur les billets de la caisse, une perte qui, pour n'être pas aperçue par les esprits inattentifs, n'est ni moins réelle pour la nation, ni moins honteuse pour notre gouvernement.
Voilà, Messieurs, l'état de dégradation où se montre à ses voisins une nation puissante, une nation propriétaire du meilleur sol de l'univers, une nation fidèle et pleine d'honneur, une nation qui, une fois éclairée, et par cela môme sévère dans ses opinions sur la chose publique, déploierait en tout genre la plus grande capacité, la plus grande puissance, et jouirait du premier crédit.
Peut-être osera-t-on vous dire que la caisse d'escompte, en demandant de se
soustraire au payement de ses billets, s'est fait autoriser par le Roi « à payer aux
porteurs des billets, qui ne voudraient pas les laisser dans la circulation, leur
montant eti bons ou en lettres de change sur particuliers, en bonifiant l'escompte
(f). »
Ainsi, la caisse d'escompte renvoie les porteurs des billets qui seraient inquiets, ou qui auraient besoin de les réaliser, à une véritable scène de comédie ! Ils recevront contre leurs billets des lettres de change ; ces lettres de change leur seront payées en billets ; ces billets leur seront payés en lettres, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il plaise à la caisse d'escompte de' renoncer aux arrêts de surséance ! Voilà, Messieurs, les soins que l'arrêt a pris pour la tranquillité des porteurs de billets, c'est-à-dire des créanciers de la caisse !
Vous demanderez, Messieurs, comment il est possible qu'un tel scandale ait été jusqu'à présent toléré? Si tous les résultats du despotisme ministériel étaient dévoilés, vous verriez les administrateurs de la caisse d'escompte s'armer aussi des foudres de l'arbitraire ; vous verriez les hommes éclairés, osant à peine élever la voix; vous verriez les calomnies, les injures, les menaces mises en uvre pour étouffer leurs réclamations.
La caisse d'escompte, après avoir, sous un précédent ministère, intimidé les individus, cherche aujourd'hui à éblouir l'Assemblée nationale.
Je ne dispute pas plus à une société de commerce qu'à une société d'artisans le droit de s'approcher de vous. Cette commandite, formée sous le nom du sieur Besnard, a pu vous députer quelques-uns de ses membres, si elle avait des choses graves, importantes, à vous exposer. Eh bien ! que vous a-t-elle dit ? pas un mot de ses engagements, pas un mot de ses créanciers, « mais les actionnaires espèrent que l'Assemblée nationale daignera prendre en considération l'offre qu'ils font de mettre sous ses yeux tous les renseignements qu'elle pourra désirer sur le commerce. »
Quoi ! une commandite, à qui il n'a pas tenu d'exterminer le commerce, nous donnera des renseignements sur le commerce!... Elle viendra donc nous dire comment, depuis douze ans qu'elle existe, notre commerce, qu'elle s'est vantée de faire prospérer, n'a point reçu d'accroissement !
Elle nous dira comment les manufactures, qu'elle promettait de favoriser, s'éteignent graduellement, ou sont frappées de langueur !
Elle nous dira comment l'agriculture, dont elle promettait la restauration, a été exposée à de nouvelles détresses, autant par la rareté du numéraire (1) que par le mauvais régime des impôts !
Elle nous dira comment ie taux de l'intérêt, dont elle promettait la réduction, n'a cessé de s'élever depuis l'époque de son établissement; comment l'avidité usurière est devenue chaque jour plus insatiable!
Mais nous leur aurons encore de plus grandes
dispositions par ceux, des 29 décembre 1788 et 14 juin 1789.
Quels renseignements peuvent nous donner sur le crédit ces actionnaires qui, sans l'excuse de la nécessité, mettent leurs créanciers en souffrance; qui, à l'abri d'arrêts surpris à l'autorité, se permettent cette coupable dérision de leur offrir le payement des billets de la caisse en lettres de change, et celui des lettres de change en billets de la caisse; et qui, au milieu de la perplexité où ils jettent le commerce, se partagent tranquillement des profits ?
En effet, Messieurs, la caisse leur a payé récemment, sous les yeux de ses propres créanciers, rendus immobiles par l'arrêt de surséance, 3,500,000 livres. Ce sont les gains des six premiers mois de cette année; ils proviennent de j'escompte, de l'émission des billets et de l'intérêt de 70 millions prêtés au Roi par la caisse,_ sous le ministère de M. de Galonné. Ces 3 millions, faible partie de leur bénéfice considérable, auraient suffi pour prévenir tout besoin de surséance. Telle a été leur méthode pour soutenir le crédit de la caisse: jugez par là des renseignements qu'ils nous donneront pour le crédit national !
Lorsque l'archevêque de Sens rendit son fameux arrêt du 16 août, la caisse d'escompte se hâta de se faire exempter de toute suspension. Le même jour, elle obtint un autre arrêt qui la dispensait de payer ses billets au porteur. Recevoir et ne pas payer; songer au profit de ses actionnaires et mépriser ses créanciers, telle est la pratique delà caisse, telle est sa doctrine en fait de crédit. Mais poursuivons.
Qui ne se serait pas attendu que les administrateurs de cette caisse, devenue le principal appui des affaires, auraient épuisé tous les moyens pour faire honneur à leurs engagements? Ils pouvaient s'aider du portefeuille de la caisse, en convertissant au dehors ses lettres de change en argent; ils pouvaient vendre les 70 millions que lui doit le Trésor roval, et qui étaient destinés à faire face à ses engagements ; ils pouvaient les vendre, d'autant mieux que, les intérêts de cette somme étant privilégiés, cette créance passe avant toutes les autres. S'ils ne voulaient pas employer cette ressource, ils pouvaient recourir, par la voie de l'appel, aux actionnaires de la caisse; ils le devaient d'autant plus, que fabriquant à son gré, et par privilège, une monnaie fictive, elle enlace tout le public dans ses opérations, et lui extorque en quelque manière sa confiance. Mais respecter à son dommage la foi donnée?... vieux préjugé, notion ariglomane! Il est bien plus sûr de sauver ses dividendes que de liquider ses propriétés; ou de faire des appels pour satisfaire à ses engagements.
On vous dira que ces 70 millions dus à la caisse étaient la caution de ses engagements envers ses créanciers; que cette somme appartenant à chacun de ceux-ci, dans la proportion de sa créance, ne pourrait pas être employée à payer une partie d'entre eux au préjudice des autres.
Mais, outre que cette raison ne répond pas à la nécessité de l'appel, si la caisse obtient des arrêts de surséance dès qu'elle les demande ; si, chose inconcevable, elle continue, nonobstant ces arrêts, l'émission de ses billets; si, jouissant du privilège des banqueroutiers qui ont déposé leur bilan pour se préserver des poursuites, la caisse ne cesse pas ses affaires, comme on y oblige tous les faillis jusqu'à ce qu'ils soient autorisés par leurs créanciers à le reprendre; si même elle continue à partager des prolits entre ses actionnaires, à
qui, dans quel cas servira donc cette caution?
11 est vrai que la perte supportée par la caisse, si elle eût vendu sa créance, serait tombée sur les actionnaires ; mais depuis douze ans ils n'ont eu que des profits, ils ont recueilli des dividendes considérables, des dividendes très-supérieurs à ceux des autres banques, parce que aucune n'a eu la scandaleuse prétention de rejeter sur le public, par le moyen des arrêts de surséance, les sacrifices auxquels la vicissitude des événements soumet toutes les banques. La caisse d'escompte serait-elle donc la seule qui eût le privilège exclusif de ne consentir jamais à aucune perte?
Peut-être ses administrateurs vous soutien-dront-ils, tant la légèreté et l'inattention du public sur les choses les plus graves enhardissent aux équivoques, peut-être vous diront-ils qu'ils ne font pas banqueroute, qu'ils payent leurs billets; c'est du moins ce que répètent à l'envi ceux qui profitent de ce désordre. Mais que dirait-on d'un banquier qui ne prétendrait payer ses engagements que suivant son bon plaisir, sans égard à ses échéances, et par de légers à-comptes distribués successivement? Echapperait-il à la qualification de banqueroutier (1) ? Ne soulèverait-il pas contre lui le recours des lois? Et que serait-ce s'il ajoutait, au mépris de la bonne foi, la prétention de donner à l'Assemblée nationale des leçons de crédit?
Sans doute, les leçons des administrateurs de la caisse d'escompte peuvent nous dévoiler des secrets bien importants ; car nous avons vu jusqu'à, ces derniers jours les actions de cette caisse se soutenir au-dessus du capital qu'elles représentent, tandis que les effets publics, devenus nationaux par nos déclarations, sont restés au-dessous de leur valeur ; comme si la nation qui paye valait moins que la caisse d'escompte qui ne paye pas...
Que ne devons-nous pas attendre de leur habileté, quand on voit la caisse, réfractaire à ses engagements, forçant le crédit au lieu de l'obtenir, songer néanmoins à se faire auprès du gouvernement le mérite de lui prêter une somme considérable sans l'aveu des créanciers de la caisse, et en rejetant sur le public le risque de ce prêt vraiment audacieux pour quiconque tient encore à quelque décence?
Ce problème d'un genre nouveau, la caisse d'escompte l'a résolu. C'est comme
provenant des deniers des actionnaires que le gouvernement a accepté le prêt ; mais
ceux-ci en ont chargé le public, en faisant une loterie des quittances qui doivent
opérer le remboursement de la somme prêtée et des intérêts. La caisse a facilité le
débit de la loterie, en avançant aux joueurs le capital ou à peu près de leur mise.
Cette avance leur a été faite en billets de caisse, rendus inexigibles par l'arrêt
de surséance. Ainsi les joueurs sont les vrais prêteurs; les porteurs de billets de
caisse, mis sur la place par cette opération, courent seuls
Il ne restait plus qu'à ennoblir cette savante manuvre; l'assemblée des actionnaires l'a qualifiée dans ses registres de zèle pour la chose publique..... de reconnaissance des soins paternels de
Sa Majesté pour le bonheur de ses peuples{ 1).
Il ne faut pas s'étonner, Messieurs, qu'après de tels coups d'essai on vous offre des renseignements sur le crédit; il n'y a là qu'une impropriété d'expression. C'est l'art de rendre fécond le discrédit même que ces messieurs veulent nous instruire; car le crédit n'est pas une science: c'est le résultat simple de la régularité et de la bonne foi.
Qu'ils nous les donnent donc ces renseignements : les détails secrets ne seront pas m'oins étonnants que les faits publics. Nous apprendrons, par exemple (car cela tient sans doute à la science du crédit), comment, tandis qu'elle est depuis un an sans payer ses billets, la caisse d'escompte achète néanmoins des terrains spacieux, met les architectes au concours, et se dispose à bâtir des palais.
Mais c'est assez vous entretenir des égarements de cette caisse ; il est encore plus important de les faire cesser que de les décrire. Hâtons-nous ou de demander la révocation de l'arrêt de surséance afin que la caisse d'escompte remplisse ses engagements selon les conditions de son établissement, ou d'ordonner que sa liquidation soit incessamment faite, et qu'en attendant elle cesse toute émission de billets, puisque, ne pouvant pas les payer à présentation, elle ne fait, en les répandant, qu'augmenter les embarras et accroître les inquiétudes.
Si, comme on n'en doit pas douter, elle reprend ses pavemenls, elle se contraindra elle-même à de sages mesures. Le discrédit cessera de s'aggraver par elle; la confiance renaîtra, du moins dans l'esprit de ceux qui jugeront sainement de notre situation, qui verront la sûreté de l'empire dans la généralité du vu national ; car un très-grand crédit s'attache aux constitutions libres, aux lois que désire la masse entière d'un peuple. Eh ! quand des lois et non des caprices gouvernent une puissante nation ; quand, depuis Je monarque jusqu'au plus pauvre 'des sujets, chacun connaît ses droits et ses devoirs; quand, remplissant les uns, on est assuré de jouir des autres, qui peut craindre de confier sa fortune à d'aussi grandes sûretés?
Mais, Messieurs, lors même que la caisse d'escompte se verrait contrainte à
liquider son établissement, tout nous presse également de la ramener à l'ordre. On
ne peut l'en dispenser par aucune raison légitime ; et si ses administrateurs
veulent être sincères, ils conviendront que c'est contre le sentiment, contre les
sollicitations des hommes éclairés, versés dans les affaires, expérimentés dans
l'exploitation des banques publiques, que la caisse d'escompte s'est mise au-dessus
de ses engagements. Ils conviendront qu'en tout état de cause le parti le plus sage
était de se
Ils prétendent se justifier en insinuant que plusieurs maisons de banque seraient dans l'impossibilité de remplir leurs engagements, si la caisse leur refusait le secours de ses billets, quoiqu'elle ne les paie pas, et qu'il en résulterait une suite de fâcheux contre-coups. Vain subterfuge ! C'est ainsi que la corruption s'établit : car, en admet tant de pareilles objections, on ne tient plus à aucun principe. Ceux qui font reposer leurs entreprises sur le frêle appui d'un établissement affranchi des règles de la confiance, méritent tous les malheurs auxquels ils s'exposent. La caisse d'escompte doit savoir éviter les débiteurs dangereux; on doit savoir l'éviter elle-même, aussitôt que sa marche ne peut plus garantir sa fidélité; le contraire n'est qu'une extravagance à laquelle on ajoute encore en voulant que le gouvernement la favorise.
Qu'on nous réponde sans ambiguïté aux questions suivantes :
1° Des secours prêtés sans cesse, non-seulement à qui n'a pas de quoi les rendre, mais à qui ne possède pas beaucoup au delà de la somme prêtée, ne sont-ils pas toujours dangereux pour la caisse? Et s'il est nécessaire, pour favoriser ces sortes de secours, de laisser subsister l'arrêt de surséance, ne faudra-t-il pas qu'il subsiste toujours? Y a-t-il un moment connu où l'on puisse cesser de craindre le risque attaché à ces sortes de secours, dès qu'une fois les banques les accordent ?
2° Les secours prêtés à ceux qui possèdent beaucoup au delà de la quotité du prêt ne peuvent-ils pas être retirés sans autre inconvénient que celui de les forcer à réduire leurs opérations, à renoncer à des profits ou à supporter quelques pertes? Doit-on immoler à la crainte de ces inconvénients des principes conservateurs de la propriété, du crédit public? Et si ce motif était bon, ne pourrait-on pas l'alléguer sans cesse? Ne faudrait-il pas que la surséance durât toujours?
3° Connaît-on bien tous les effets d'un arrêt de surséance accordé à une banque dont les billets sont devenus d'un usage général? A-t-on calculé si, pour favoriser quelques individus, la surséance ne nuit pas à un beaucoup plus grand nombre?
4° D'ailleurs, n'est-ce pas secourir la place que de retirer les billets qu'on a rendus douteux, en les multipliant au point de ne pouvoir les payer à présentation? Et la caisse ne peut-elle pas les remplacer par une valeur réelle en négociant sa créance de 70 millions? Ne peut-elle pas aller plus loin encore, en tirant, au moyen d'un emprunt hypothéqué sur le fonds de ses actions, une plus grande quantité de ses billets ? Ne peut-elle pas aussi éteindre beaucoup de billets par un appel sur ses actionnaires ?
5° Maintenant qu'il est question de consolider la dette publique, de s'occuper des moyens de la payer, est-il nécessaire que les opérations de l'agiotage conservent leur activité; que l'on continue à faire des marchés sur les événements de chaque jour? Et si les secours de la caisse, que l'on craint tant de diminuer, ne servent, en dernière analyse, qu'à entretenir l'activité de l'agiotage, continuer ces secours par des arrêts de surséance, n'est-ce pas accroître des désordres auxquels il importe de mettre fin?
6° Peut-on appeler secours un papier dont le discrédit doit s'augmenter à chaque instant par la
difficulté de le réaliser? Y a-t-il un moyen autre de rendre la caisse constamment secourable q,u.e de maintenir son crédit ?
7° N'est-ce pas faire perdre à.la place* de Pari», au royaume entier, un vrai secours, un secours considérable, que de suspendre la correspondance des lettres de change entre la.capitale, le royaume et les pays étrangers ? Et cette correspondance, déjà altérée depuis longtemps par les désordres de l'agiotage, peut-elle se ranimer par des arrêts de surséance ? ne la détruiront-ils pas au cotir traire entièrement ?
80 Aux termes de l'arrêt de surséau^e, g/oer* peut-on craindre pour la chose publique en le révoquant-? 11 déclare que les affaires de la caisse d'escompte, sont clans le meilleur ordre possible¦, et que la, confiance publique dans ses billets est parfaitement juste et bien fondée.. Que signifie ce langage, sinon que les propriétés dé la caisse sont infiniment supérieures à l'étendue de ses engagements ? Et dès lors, pourquoi n'emploiera-t-elle pas ses propriétés à faciliter ses opérations, au lieu de les faire envisager' comme des cautions inutiles ?
Que les actionnaires répondent qu'ils s'abstiennent de toutes ces assertions qui, dénuées de preuves, n'en imposent: qu'à l'ignorance.
Ou ils pourront nous prouver qu'ils ont pris le parti le plus sage, et alors la confiance renaîtra ; ou ils se condamneront, et alors ils feront, pour conserver leur établissement, des efforts qui les dispenseront du besoin d'énfreindre les lois, et de troubler l'ordre publie.
Qu'ils ne nous disent pas qu'un ministre irréprochable a jugé l'arrêt de surséance nécessaire, car cet arrêt'est entièrement contraire à ses principes ; et, au milieu du trouble dont il était environné, il a pu craindre que l'on jugeât peu sainement du refus qu'il aurait opposé à la demande de cette surséance ; il a pu, distrait par des importunilés, ne pas voir toutes les conséquences d'une troisième prorogation.
Lui a-t-on laissé le temps de réfléchir que là caisse d'escompte n'offre plus rien qui puisse rassurer le public sur une fabrication illimitée de billets, dès qu'elle est dispensée de les payer à présentation ? Lui a-t-on montré que cette fabrication illimitée peut favoriser la plus détestable des manuvres ; qu'en étendant ou resserrant à leur gré l'escompte des lettres de change, les administrateurs de la caisse peuvent favoriser: leurs propres spéculations, faire hausser ou baisser les effets publics selon qu'ils veulent en acheter ou en vendre ; que la concurrence se change en monopole ou en, tyrannie dans les mains de ceux qui administrent la caisse, par les secours qu'ils peuvent en tirer sous une multitude de formes?. . On nous- dit, et le ministre des finances est porté à. le croire, que l'agiotage est sur sa fin : dangereuse erreur que la banque de Paris voudrait accréditer. Non, l'agiotage n'est point détruit ; il tient à de profondes racines, à des habitudes invétérées, à des intérêts adroitement voilés et défendus par des puissances auxiliaires, à un art qui s'est perfectionné plus qjue tout autre, et qu'on ne détruira qu'en attaquant un à un tous ces nombreux moyens.
Si les administrateurs de la caisse d'escompte n'ont que de bonnes intentions, comment ne voient-ils pas qu'infidèle dans un point si grave, la caisse donne carrière à tous les soupçons, et qu'il en peut résulter pour elle et pour eux-mêmes des événements sans comparaison plus
LEMENTAIRES. 016. septembre 1789.]
fâcheux que tous les sacrifices qu'elle doit, faire-dans les conjonctures difficiles..
Lorsqu'une banque dont les profits résultent de. la confiance à laquelle le public est moralement contraint aussitôt que ses billets sont répandus en abondance ; lors, dis-je, qu'une telle banque trompe cette confiance, ses administrateurs pensent-ils qu'il en est de cet événement comme de la faillite d'un simple marchand ? pensent-ils que leur imprévoyance ne soit, qu'une faute légère aux yeux des milliers de porteurs de leurs billets ? Quelle idée se faisaient-ils donc du retour à la liberté, s'ils se sont attendus à suivre impunément sous son régime une marche que le despotisme seul pouvait protéger ?
Pour nous, Messieurs, nous ne devons plus souffrir le règne des illusions et de la violence ; la sagesse nationale doit, porter son flambeau sur toutes ces notions obscures, fantastiques), avec lesquelles on promène alternativement les esprits de la crainte à l'espérance. Elle doit proscrire à jamais de l'administration, des finances ces arrêts dans lesquels le gouvernement se respecte assez peu pour demander, pour ordonner l'impossibilité ; ces arrêts qui commandent la confiance dans le temps même où on la détruit.
En révoquant la surséance, en la condamnant toujours, nous poserons la première pierre de l'édifice sur lequel portera, désormais le crédit national.
En déterminant cette révocation, en imprimant, aux arrêts de surséance leur vrai caractère, celui d'une surprise faite à Fautorité, vous renverrez,, je l'ai déjà dit, la caisse d'escompte à une industrie sage et légitime,, et les administrateurs commenceront enfin à s'instruire de: leurs devoirs.,
Ils étudieront la science des banques publiques, ils se formeront au genre de prudence qui leur convient. Sagement partagés entre le désir de rendre leur établissement avantageux aux actionnaires, et l'obligation de respecter la foi publique, ils seront forcés de surveiller et, de contrebalancer ces opérations clandestines qui tout à coup livrent la guerre au numéraire effectif, et empêchent son utile circulation dans tout le royaume. C'est, ainsi que la banque de Londres se maintient honorablement, contre la. variété indéfinie: des événements, dont les uns favorisent ses opérations, les autres les contrarient.
La caisse d'esGompte se gardera surtout de là folle ambition de vouloir, étendre son empire sur tout le royaume, et de prétendre à devenir banque, nationale (1)., Ce titre obligerait-il la nation à répondre des engagements d'une telle banque ? Cette prétention serait une démence ; et,si le titre de nationale n'emporte pas la garantie de la nation, que signifîera-t-i 1 ? Déploierons-nous toujours les enseignes du charlatanisme ?
Peut-être aurons-nous besoin d'une caisse, nationale ; peut-être l'industrie des
banques sagement réglées conviendra-t-elle pour un peu de temps à l'administration
de nos finances ; mais gardons-nous des pièges de l'intérêt particulier ; craignons
cette longue habitude de la capitale, de chercher dans les besoins de l'Etat des
occasions de fortune. Le crédit, résultant désormais des volontés nationales, n'a
nul besoin de l'appui étranger : que le commerce ait autant de banques qu'il voudra,
leur concurrence lui sera
On vous menacerai encore de la chute de la caisse d'escompte ; on vous dira qu'il faut se hâter de la remplacer par un autre établissement. Ce n'est pas le moment d'examiner si ce remplacement est nécessaire. La discussion libre dévoilera bientôt les vrais motifs de cet insidieux langage. Je suis loin de vouloir détruire la caisse d'escompte ; c'est vous, Messieurs, qui la détruisez, si vous perdez de vue longtemps encore les soins pressants que l'établissement du crédit national exige. Que la nation puisse enfin se reposer sur vos travaux; que le retour de l'ordre se fasse apercevoir; que vos promesses, vos résolutions, inspirent une pleine confiance par la sagesse de vos décrets, et l'on aura bientôt trouvé le'remède dont la caisse d'escompte a besoin. Il est indiqué par l'abus même qu'elle a fait de son industrie.
Mais il faut que cette banque cesse de prétendre à empêcher que des établissements en tout pareils au sien ne se forment à côté d'elle, chaque fois que la nature des choses le comportera ; elle a forfait, son privilège ; car-si tout privilège suppose un engagement de la part de celui qui le concède, il suppose des obligations de la part de celui qui l'obtient; et pourrait-on violer beaucoup d'obligations plus importantes que celle de payer ses billets ; billets,til ne faut, pas se lasser de le répéter, qui n'ont, eu cours que sur la foi qu'ils^ ne cesseraient pas un instant d/être exigibles en espèces ?
Non, la caisse d'escompte n'aura pas l'impudeur de soutenir un privilège dont elle n'a point rempli les conditions. Il n'est pas un particulier dans l'Etat qui ne puisse reprendre le droit qu'elle ne peut, plus conserver, celui d'établir comme elle des escomptes et des billets au porteur: ce ne serait pas se faire illégalement justice à soi-même contre un privilégié; ce serait reprendre son bien, sa propriété, parce que le privilégié se déliant de ses engagements par la banqueroute, ne peut plus exiger sans injustice qu'on soit plus fidèle envers lui qu'il ne l'a été envers les autres, dans le fait même de son privilège-
Les arrêts de surséance auront eu du moins l'avantage de nous éclairer, et de rendre à la liberté des établissements qui ne peuvent être véritablement utiles que par elle : des établissements! dont les dangers, prévenus par de sages règlements (ils sont faciles à faire),seront toujours moins à craindre dans le régime de la concurrence que dans tout autre système.
Je propose : 1° que les arrêts de surséance, surpris à la religion du Roi par les administrateurs ou actionnaires de la caisse d'escompte, pour se
dispenser de payer les billets de ladite caisse, conformément à leurs engagements, soient déclarés contraires à la foi publique, et qu'en conséquence Sa Majesté soit suppliée de retirer son arrêt du 18 juin dernier;
2° Que dans le cas où les administrateurs et actionnaires de la caisse d'escompte estimeraient ne pouvoir reprendre leurs payements sur-le-champ, ils soient renvoyés devant le comité des finances, à l'effet d'indiquer le délai quipeutiêtre nécessaire aux opérations qu'ils ont à faire: pour se mettre en état de remplir en leur entier leurs engagements envers le public, en joignant à' cette indication toutes les pièces et les éclaircissements qui peuvent déterminer l'Assemblée à leur accorder un pareil délai, de même que tous les autres renseignements que le comité des finances exigera d'eux, pour qu'ensuite du rapport du comité l'Assemblée fixe définitivement le délai dans lequel la reprise des payements de la caisse d'escompte devra être faite.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERM.ONT-TONNERRE.
Séance, du
Un de MM. les secrétaires dorme lecture- du procès-verbal.
J'observe que le procès-verbal portant que l'on a décrété par acclamation l'inviolabilité de la personne du Roi, l'inviolabilité delà couronne et l'hérédité, c'est dire que la motion a été divisée. Or ces faits sont inexacts; c'est la rédaction que l'on a seulement décrétée; il faut ajouter: La couronne est héréditaire de mâle en mâle.
Cette difficulté se termine par une observation de M. le vicomte de Mirabeau,; il dit que c'est la suite du procès-verbal du 11 qu'on vient de lire, et, qu'il faut attendre jusqu'au moment où les faits seront tels que M. d'Epr.émesnil les annonce. _ ,
Il est rendu compte à l'Assemblée des dons patriotiques suivants : un- citoyen de la ville de Paris, procureur à la chambre des comptes, et qui demande à n'être pas nommé, envoie un don de 600 livres en deux billets de caisse, pour etre employées à l'acquit des charges de -l'Etat, et offre ses soins gratuitement, si on veut l'employer dans la formation et la reddition des comptes qui auront lieu pour le recouvremeut des offrandes patriotiques, ainsi que de supporter tous les frais de cette comptabilité. MM. les officiers du siège de l'amirauté de Bayeux ont fait le généreux sacrifice, et se sont engagés à rendre la justice gratuite, à commencer le 1er do ce mois de septembre.
dépose sur le bureau deux billets de caisse, l'un de 300 livres, et l'autre de 200 livres ; le premier, au nom du sieur Demonville, imprimeur de l'Académie française; et le second, en celui du sieur Bouzu., directeur de 1 imprimerie, et agissant lui-même au nom des autres ouvriers; sommes destinées à témoigner leur zèle patriotique.
M. Bunel, avocat du Roi au bailliage d'Amiens, renonce généreusement au prix de son office quand il sera supprimé.
M. Jourdain d'Héricourt fils , âgé de 16 ans, a demandé à son père la permission de faire à la nation le sacrifice de la somme de 2,000 livres qu'on venait de placer sur sa tête dans l'emprunt national, et M. Jourdain d'Héricourt père observe que c'est la première demande que lui ait faite son fils.
Un de MM. les secrélaires rend compte de différentes adresses de félicitations, remerciements, adhésion aux arrêtés et autres demandes: de l'assemblée générale des communes de Saint-Malo, qui adhère à tous les décrets de rAssemblée nationale, sans néanmoins préjudicier aux droits et franchises de la province, et à celui notamment de la ville de Saint-Malo, de pouvoir se garder elle-même, et de ne recevoir aucune garnison militaire dans ses murs; du comité patriotique de Limoges, qui se loue des précautions qu'il a prises, de concert avec l'intendant, la municipalité et la milice bourgeoise, pour assurer les subsistances, et qui est parvenu à soulager beaucoup les indigents, au moyen d'une souscription qui a procuré 30,000 livres, laquelle somme a été employée à distribuer le pain à un prix modique, aux plus nécessiteux ; le comité expose que la somme de 30,000 livres n'étant pas'suffisante, il serait nécessaire de lui procurer de nouveaux secours dans un instant où la ville est menacée de disette, promettant de tenir compte des avances qui lui seraient faites, soit en grain, soit en argent ;
Du comité électif de la ville de Bernay qui, en présentant l'hommage de sa respectueuse confiance et de son adhésion à tous les décrets de l'Assemblée, sollicite un secours de 3,680livres, pour acheter du grain dont la ville de Bernay est sur le point de manquer, et demande une remise de 3,000 livres sur les impositions;
De la ville d'Arles, qui annonce la prestation du serment des deux régiments de cuirassiers du Roi, et de Diesbach Suisse, selon la nouvelle formule sanctionnée par le Roi, le 14 août ;
De la ville d'Albin en Rouergue, qui adhère aux arrêtés du 4 et jours suivants, et les a fait insérer dans ses registres;
De M. Hugues de la Garde, président de la chambre des comptes de Dauphiné, quia fait un abandon général à ses vassaux de ses droits féodaux, tant réels que personnels, universels et particuliers, et autres, sans indemnité ;
Du sieur Jean-François Magenthies, qui propose d'élever une statue équestre à la gloire de Louis XY1, comme restaurateur de la liberté française, et fait sa soumission de fournira tous les frais de ce monument, dont il désigne l'élévation au milieu de la place Royale de la ville de Toulouse;
De la ville de Bagneux-les-Juifs, en Bourgogne, qui félicite, remercie, adhère, etc. Même adresse cela ville deSaumur;
Des officiers du régiment de Beauvoisis, qui, pénétrés d'admiration et de respect pour l'Assemblée, expriment leurs vux sur la réforme des abus dans l'administration militaire ; de la ville du Blanc en Berry, félicitation, remerciement et adhésion: demande d'une justice, royale;
De la ville de Ja Voulte en Vivarâis; mêmes objets que la précédente.
, député d'Auvergne, écrit à M. le président pour annon-
cer que sa santé ne lui permettant pas de continuer ses fonctions, il demande à l'Assemblée nationale la faculté de se retirer et l'autorisation de se faire remplacer par son suppléant.
rappelle l'ordre du jour. Il s'agit de prononcer sur la validité du décret qui ordonne que l'on ira aux voix par appel nominatif sur la rédaction présentée par un de MM. les secrétaires.
Plusieurs membres demandent la parole, mais on veut aller aux voix.
fait lire le projet d'arrêté; comme il y a quelques changements, nous allons en donner copie.
Articles constitutionnels.
L'Assemblée nationale a reconnu par acclamation et déclaré à l'unanimité des voix, comme points fondamentaux de la monarchie française : 1° que la personne du Roi est inviolable et sacrée; 2° que le Trône est indivisible; 3° que la couronne est héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion absolue des femmes et de leur descendance.
observe qu'il ne s'agit pas de statuer sur ce droit, mais d'aller aux voix, c'est-à-dire pour savoir si on rejetterait ou si on admettrait la proposition que M. le président a faite hier.
ajoute qu'il a d'abord été résolu hier de faire ces deux appels, s'il y avait lieu, sans désemparer, et que ce n'est qu'à cause du jeûne que M. le président a levé la séance.
répond que l'Assemblée n'a pas encore déclaré l'incertitude du décret, et qu'il s'agit de savoir si l'on appuiera les réclamations en faveur du décret.
L'intérêt de la France a été parfaitement senti lorsque l'Assemblée s'est montrée disposée à déclarer qu'il n'y avait lieu de délibérer; nous n'avons voulu nuire aux droits de personne, et nous avons voulu conserver avec une sage incertitude une liberté encore plus utile. Il est sensible que le doute, dans une circonstance si importante, est un bonheur pour nous et pour l'Europe; il est sensible que le doute, dans une circonstance si importante, est commandé par une foule de considérations qui doivent nous garder de prononcer sur des événements qui peut-être n'arriveront jamais. Ne décidons pas ce qui peut être ne sera jamais à décider, et ce qu'au besoin nos enfants décideront anssi bien que nous. On vous a dit que cette grande querelle ne serait pas jugée par des décrets ; et par qui donc? L'Espagne elle-même nous a montré qu'on ne peut être Roi d'une nation malgré elle. Profitons de cette leçon, et mettons dans la nécessité de mériter de plus en plus notre estime ceux qui peuvent prétendre à régner sur nous.
Pour concilier le vu de l'Assemblée avec la clarté et la dignité avec laquelle une nation doit déclarer la succession à la couronne, je vous propose une seconde fois
d'ajouter à la rédaction de l'article que, le cas arrivant pour l'exécution du traité d'Utrecht, il y serait statué par une convention nationale convoquée à cet effet.
, député de Labour, considère la question sous les rapports de commerce, et de communication des provinces méridionales, frontières de l'Espagne -, il trouve inutile et dangereux de la traiter dans ce moment où le Roi d'Espagne peut, au preimer signal, faire cesser toutes les relations d intérêts, de spéculation, qui font subsister une partie du royaume ; il ajoute que le fameux négociateur anglais qui avait conclu le traité de commerce faisait dans ce moment des efforts pour engager 1 Espagne à traiter de commerce avec son pays.
La discussion se prolonge. Enfin , plusieurs membres prétendent que le décret est rendu, et qu'il n'y a pas lieu à discuter.
Je maintiens aussi que, dans la séance d'hier, lorsque l'on alla aux voix, il n'y avait point de doute. Je demande que l'on pose ainsi la question : L'Assemblée veut-elle revenir contre le décret prononcé ?
(Le tumulte et la confusion sont extrêmes dans l'Assemblée.)
parvient enfin à poser la question en ces termes : Accepte-t-on la proposition faite la veille par le président? oui, ou non?
Il est procédé à un premier appel nominal.
Le recensement des suffrages fait, la proposition de M. le président est acceptée à la pluralité des voix.
, en conséquence de ce résultat, prononce que l'Assemblée nationale accepte la proposition qu'il lui avait faite, et que d'après cette décision, il va être procédé au second appel nominal sur l'admission ou la réjection du projet arrêté par le bureau de Constitution.
Il est fait lecture alors dudit projet modifié, et sur-le-champ procédé à l'appel.
Le résultat en est que la majorité des suffrages (541 voix contre 438) adopte la rédaction proposée.
prononce alors en ces termes la décision de l'Assemblée :
DÉCRET.
L'Assemblée nationale a reconnu et déclaré comme points fondamentaux de la monarchie française, que la personne du Roi est inviolable et sacrée; que le Trône est indivisible; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogé-niture, à l'exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leur descendance, sans entendre rien préjuger sur l'effet des renonciations.
indique pour six heures et demie la réunion du soir et lève la séance.
Séance du soir.
, à l'ouverture de cette séance, annonce à l'Assemblée que le Roi l'a fait avertir aujourd'hui que Sa Majesté donnerait sa réponse demain sur la demande qui lui a été faite de sanctionner les arrêtés du 4 août et jours suivants.
rappelle que l'ordre du jour est de traiter : 1° la matière des impositions; 2° l'affaire des Juifs d'Alsace; 3° une motion sur la caisse d'escompte.
, membre du comité des rapports, rend compte à l'Assemblée delà détention de quelques particuliers dans les prisons de Bernay, sur le renvoi fait par le lieutenant général du bailliage d'Orbec. L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait à ce sujet, décrète que l'affaire sera renvoyée au pouvoir exécutif, et que M. le président sera autorisé à la recommander à M. le garde des sceaux.
L'ordre du jour est repris sur les moyens de pourvoir au payement des impositions, et plusieurs membres de l'Assemblée demandent la parole. Avant de les entendre, il est fait lecture du projet de décret proposé par le comité des finances, sur le sujet de la délibération.
11 est fait une liste en deux colonnes de ceux des membres qui demandent à parler pour et contre le projet, afin de suivre l'alternative.
A l'instant où la discussion est sur le point de commencer, l'un des membres fait la motion de renvoyer le projet de décret dans les bureaux, pour y être examiné avant la discussion dans l'Assemblée générale. Cette proposition est combattue, et plusieurs membres observent que le projet ayant déjà été annoncé et distribué depuis quinze jours dans l'Assemblée, il est temps de s'en occuper sérieusement, à raison de l'urgence des circonstances, et ils concluent qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion du renvoi dans les bureaux.
Un autre membre insiste sur cette opinion et sur le danger que l'on courrait en retardant la conclusion d'une affaire qui intéresse, sous une infinité de rapports, le salut du royaume et la tranquillité publique.
Cet avis trouve des contradicteurs, et on croit pouvoir le combattre avec succès, en cherchant à prouver que le règlement qui interviendra serait d'une si grande importance et d'une application si difficile dans l'administration actuelle de chaque province, qu'il serait impossible de le former dans toutes ses parties, et de le déterminer, avant d'en avoir pesé mûrement, et discuté de nouveau la forme et le fond dans les bureaux particuliers.
Il s'élève de nouveaux débats, et des motifs plus pressants pour l'avis contraire sont présentés.
pose la question préalable sur la motion du renvoi dans les bureaux.
Le vu de l'Assemblée ayant été recueilli de la manière accoutumée, elle décide que l'ordre du jour sera continué, et que le renvoi dans les bureaux n'aura pas lieu.
Un membre du comité des finances demande un instant la parole pour annoncer à l'Assemblée que ce comité aura à lui rendre compte incessamment d'un projet des plus importants, et qu'il sollicite à cette occasion une séance extraordinaire.
La discussion sur l'ordre du jour étant délibérée, plusieurs membres portent successivement la parole pour combattre ou pour appuyer le projet d'arrêté proposé par le comité des finances.
, après avoir fait quelques observations sur l'objet soumis à
la discussion,pense que'lë décret doit contenir les dispositions suivantes :
1° Que conformément audécret du 17 juin dernier, on continuera d'acquitter les' impositions courantes en la forme ordinaire;
2° Que les mêmes impositions seront continuées par des rôles semblables^ depuis le l*r octobre prochain jusqu'au 1er octobre 17905 ;
3° Conformément à l'article IX du décret du: 11 août, et pour en établir dès à-présent l'exécution en tant qu'il1 est en elle, l'Assemblée décrète qu'il devra être fait dans chacune des municipalités du royaume un rôle1 de subside provisoire, au^-quel seront compris et1 imposés, dans la même forme et dans toute l'étendue qui a lieu pour les biens des taillables ordi noires, les biens des ci-de^ vant privilégiés, de quelque nature qu'ils soient!;
4° Ce rôle commencera au 1er avril, et s'étendra jusqu'au 1er octobre 1730, ce qui comprend, un intervalle d'une année et demie, à raison de quoi seront taxés, lesdits biens ;
5° Que dans les endroits où l'imposition tailla ble se divise en taille réelle et personnelle, lesdits biens seront soumis à cerégime d'imposition, et qu'en dérogeant à la loi qui ordonne que la taille personnelle ne sera imposable qu'au lieu du principal domicile,.l'Assemblée décrète que pour les biens ci-devant privilégiés l'assiette de la taille personnelle, dans les provinces où elle aura lieu, se fera aux rôles des municipalités où les biens sont situés.
(1). Messieurs,-je commence par déclarer au nom de mes comet-tants et au mien que, lorsque j'ai consenti avec joie et empressement à la suppression des privilèges pécuniaires, c'était dans la vue de soulager une partie des nombreuses calamités qui affligent l'e peuple, et non dans l'intention de remplir le Trésor royal, patrimoine unique de beaucoup de personnes qui, ne possédant aucune autre propriété dans le royaume, se montrent toujours, dans leurs opinions, parfaitement désintéressées sur le malheur des peupleset la misère dès campagnes.
Je vous supplie ensuite, Messieurs, de vouloir bien me permettre d'avoir l'honneur de vous soumettre quelques vues sur une addition qui me paraît nécessaire aux arrêtés relatifs à1 l'imposition et qui a la plus étroite liaison avec les principes dont l'Assemblée nationale est toujours animée et ne saurait trop prononcer les développements.
Cette addition a pour objet le redressement immédiat d'un abus;qui vicie entièrement l'imposition des vingtièmes, dont l'égalité devrait faire la base, et dont le peuple ne gémirait plus, si toutes les classes de citoyens y étaient assujetties dans la juste proportion de leur fortune;
Telle était l'intention du législateur, en demandant ce tribut; tel était le vu de
la nation, en s'y soumettant, mais chacun sait que les princes ont obtenu des arrêts
du Conseil, connus sous le nom d'arrêts d'abonnement et au moyen desquels ils ne
payent, dans tout le royaume, pour les deux vingtièmes et les 4 sous pour livre du
premier, que la somme dë 143,000 livres. Et certes, Messieurs, je n'ai pas besoin de
démontrer que cette somme n'est ni le dixième du revenu de tous les princes, ni
peut-être le dixième de ce qu'ils devraient payer.
j Cette bonification ne passera peut-être pas trois | millions la première année; mais dans un grand | empire, il n'y a point de petites-améliorations, et j ce n'est jamais un faible avantage que: celui de ] démontrer au peuple votre amour pour ses intérêts, votre impartiale justice, votre scrupuleuse exactitude; et ce sera enfin une sorte de consola-j' tion pour la France entière, accablée sous le poids [ des calamités fiscales, de voir que dans le nouveau régime qu'elle s'est donné, la loi peut enfin atteindre le riche et le puissant, comme elle, a" si longtemps écrasé lè faible et l'indigent.
Je demande en conséquence que lë décret dë l'Assemblée nationale ordonne l'assujettissement aux vingtièmes et 4 sous pour livre du premier vingtième de tous les biens-fonds que des arrêts du Conseil avaient jusqu'à présent abonnés. J'en fais la motion expresse, et j'espère que tous les vrais amis du peuple et de.l'État ne dédaigneront pas de l'appuyer.,
(L). Messieurs, le comité des finances vous a proposé un projet d'arrêté, qu'il a jugé capable d'accélérer les recouvrements des impôts; il vous a proposé encore de décréter qu'il fût fait, en exécution de1 vos arrêtés du 4 août dernien,,et des jours- suivants; des rôles dans lesquels on comprendrait, pour uneannée seulement, à compter du mois de juillet dernier, les biens privilégiés, pour une cote de contribution proportionnelle à celle dès biens taillables; il vous a'proposé, enfin; dë verser dans! le Trésor public, le produit de cette contribution, pour soulager d'autant les ber-soins de l'Etat.
ansdoute, Messieurs, qu'il est instant de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour assurer, et même pour accélérer lé recouvrement des impôts. C'est dans cet esprit que les membres du comité dés finances ont soumis à votre sagesse le résultat de leur travail. Mais je doute que les moyens qu'ils vous ont proposés soient de nature à produire les effets qu'ils en attendent.
Vous le savez, Messieurs, le peuple a conçu des espérances fort exagérées des opérations de l'Assemblée nationale; il doit s'attendre que sa condition étant entre vos mains, elle sera aussi douce que; les- circonstances- le. permettront ; mais il est bien éloigné de croire que ces mêmes circonstances vous forceront à lui faire porter encore, pendant plusieurs années, un fardeau presque aussi pesant que celui sous le poids duquel il gémit depuis si longtemps; il se flatte qu'à l'avenir il sera aussi heureux qu'il a été à plaindre par le passé, et certes il aurait bien le droit d'y compter, si son bonheur ne tenait, qu'au zèle de ses représentants.
Nous ne pouvons cependant nous dissimuler que cet avenir si consolant n'est pas si
près de nous qu'il l'a pensé. Nous n'avons pas encore sondé la profondeur de la plaie
de l'Etat; tout
L'Assemblée nationale se voit donc placée entre le vu du peuple qu'elle représente, et L'impossibilité de le satisfaire sur-le-champ. Plus. une-semblable position est délicate, Messieurs, plu elle exige de circonspection. Si; vous vous bornez, à rendre un décret qui ordonne aux contribuables de payer*, ce décret, tout juste qu'il, sera,, ne remplira pas vos vues: vous avez prononcé,Je 17 juin dernier,que tous lesimpôts alors existants, continueront à être perçus de la même manière, jusqu'à ce que vous en eussiez autrement ordonné ; si cet acte authentique n'a pas eu son exécution, celui que vous porterez sur le même objet, et pour lai même fin, serait-il plus respecté?
11 faut oser le dire, Messieurs: parmi les-différentes causes qui retardent le payement des impôts, il en est une qui n'a pas été prévue, parce qu'elle dérive d'un, projet de bienfaisance, dont l'annonce a été trop précipitée: la voici, Messieurs ; je demande votre attention.
A l'ouverture de ce que nous appelions il y a quatre mois les Etats généraux, le ministre des finances nous dit. que depuis plusieurs années les contribuables étaient en arrérages de deux cinquièmes de la taille, vingtièmes et capitation^ se portant à 80 millions; il nous dit encore que le Roi serait porté à leur en faire la remise, et que ses vues paternelles et bienfaisantes- seraient soumises à votre considération.
Qu'est-il arrivé depuis? Le voici, Messieurs, c'est que presque tous ontpensé quevousaccueil-leriez avec transport les vues paternelles de Sa Majesté, et que depuis cette époque chacun néglige de payer les impôts*,, afin de se trouver en arrérages, et dfavoir part à cette remise lorsqu'elle sera.définitivement arrêtée.
Emportez cette cause,, donnez un encouragement à la libération de ces arrérages* et vous aurez remédié en grande partie aux; maux quii nous menacent. Je ne crains pas de le dire,. Messieurs, vous devez arrêter que, vu les besoins-de l'Etat, vos, coeurs souffrent de ne pouvoir décréter la remise des 80 millions d'arrérages que le Roi avait projetée, et qu'ainsi vcms invitez tous les redevables à se libérée d'ici à un temps déterminé, moyennant,, par exemple, une remise de 10 0/0 qui sera faite à-, ceux seulement qui payeront leurs arrérages avant L'époque q;ui serai déterminée.
IL est triste, iL est. affligeant, sans- doute, de' n'avoir d'autre opinion à proposer ; il est possible-même que quelques journalistes, que quelques folliculaires qui, tels que le Courrier françaiset; Y Assemblée nationale; font un trafic honteux de leur plume, en pactisant: sur les idées d'autrui, avec l'intrigue, la flatterie, la fausseté et le mensonge, dénaturent encore mon opinion, et que l'Assemblée, intéressée1 à faire réprimer une pareille licence, ne puisse s'en occuper ençore;mais de semblables considérations ne doivent pas m'arrêter. J'ai la liberté, j'ai le droit de manifester mon opinion; j'ai la force et le courage de la soutenir, lorsque je la crois bonne, comme la résignation de l'abdiquer pour une meilleure, lorsqu'on me la fait connaître.
Je dis donc qu'il est instant de décréter qu'aucuns arrérages de taille,vingtièmes et capitations ne pourront être remis, à làv différence près du
LEMENTAIRES. [17 septembre 1789.] 2.7:
dixième, si: les redevables payent au terme qui sera arrêté.
Quand on a des besoins urgents et surtout des engagements: à remplir, quand on manque de moyens assez prompts pouracquitter cette double obligation, ce serait manquer à la foi publique que d'affecter une générosité qui entraînerait après elle un plus grand embarras dans l'acquit de ses devoirs.
Rendez au peuple ce qui lui est dû : n'exigez de lui que ce qu'il doit; allégez même, s'il est possible, sa condition;;, voilà le vrai moyen; de ne pas compromettre la dignité- de cette Assemblée.
Si, par votre décret, le peuple se trouve frustre dans l'attente où il, était d'une remise qui n'était que projetée, et que les circonstances* rendent impossible, il ne faut pas qu'il soit frustré sur des droits évidents, et sur des droits surtout qui lui ont été annoncés, et dont ili attend la jouissance avec une impatience extrême.
Or, ce serait le frustrer dans ses droits que: d'ordonner que le produit de l'impôt, qui va cirerais sur liesr biens privilégiés.,, sera, versé dans le Trésor public.
Le Trésor public sera amplement dédommage de ce défaut de versement par l'acquit des arné^ rages de tailles, vingtièmes et capitations, sur lesquels il ne comptait plus. Le peuple pourra s'acquitter de ses arrérages, lorsque l'impôt à mettre sur les biens privilégiés, viendra en diminution de celui qu'il paye à leur décharge, et par ce moyen, le Trésor public et le peuple trouveront un avantage mutuel à cet arrangement.
D'ailleurs, Messieurs, qu'il me soit permis de vous observer que vous ne pourriez détourner de son véritable objet Fimpôt à mettre sur les biens privilégiés, sans manquer à vos principes, qui sont ceux de la justice et de l'égalité proportionnelle de contribution.
En effet, vous n'ignorez pas, Messieurs, que les biens taillables supportent dans ce moment,, et ont toujours supporté la portion de tailles et autres impositions qui auraient dû être à la charge des biens privilégiés; vous m'ignorez pas non plus que les propriétaires des communes1 . possèdent tout à la fois; et des biens-fonds qui sont privilégiés, et d'autres qui ne le sont pas,, de manière qu'en acquittant l'impôt des biens taillables, ils acquittent celui qui aurait dû être réparti sur les biens privilégiés-. Or, serait-il juste, serait-il dans les. règles d'une exacte proportion, que les communes contribuassent deux fois à l'acquit de l'impôt qui doit concerner les biens privilégiés? . . i(.
C'est cependant ce qui arriverait si 1 impôt a mettre sur les biens privilégiés était versé au Trésor public, au lieu de venir en diminution de l'impôt actuel des biens taillables.
11 y aurait effectivement un double*emploi' qui deviendrait insupportable, puisque les biens privilégiés donneraient au Trésor public un impôt que les biens taillables supportent dans ce moment; ,
Je vais développer mes idées par un exemple: je suppose une paroisse comprise au rôle de la taille et autres impôts accessoires, pour une somme de 3,000 livres ; je suppose encore que cette paroisse soit composée d'un tiers de biens privilégies : il est évident que dans cette hypothèse,, les biens taillables supportent pour les biens privilégiés une somme de 1,000 livres.
Je suppose actuellement que les biens privilégiés soient dans les mains des propriétaires- des
communes, et qu'en conformité du projet d'arrêté du comité des finances, l'impôt à mettre sur les biens privilégiés soit versé dans le Trésor public. Il est évident encore que dans cette hvpothèse les propriétaires des communes supporteraient 1,500 livres pour la moitié des biens privilégiés, tandis que les propriétaires de l'autre moitié ne supporteraient que 500 livres. Or, je vous demande, Messieurs, est-ce là l'égalité proportionnelle que vous entendez être observée en fait d'impôt et de contribution? Non, sans doute.
Ainsi, je propose à l'Assemblée de décréter, par forme d'amendement au projet d'arrêté du comité des finances: 1° que l'impôt à mettre pour une année seulement sur les biens privilégiés, viendra en diminution de celui qui est supporté par les biens taillables, et que, vu les besoins urgents de l'Etat, la remise projetée, au nom du Roi, de 80 millions d'arrérages de tailles, vingtièmes etcapitations, ne pourra avoir lieu; 2° que tous les redevables desdits arrérages portant sur lesannées antérieures à la présente, seront invités a s en libérer moyennant uneremisede 10 0/0, à condition qu'ils les acquitteront d'ici à l'époque qui sera déterminée par l'Assemblée.
La suite de la discussion est renvoyée à samedi soir.
On annonce ensuite qu'un chevalier non profès de l'ordre de Malte, qui ne veut pas être nommé, a porté au Trésor national une croix enrichie de diamants.
La séance est levée à 10 heures du soir.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT- TONNERRE.
Séance du
ouvre la séance par la lecture d'une lettre des sieurs Germain frères, qui lui adressent, pour être remis dans la caisse Pannn0t!9ue' un billet de caisse de la somme de 1,000 livres; d'une lettre des commissionnaires de la halle aux draps de Paris, renfermant, en billets de caisse, une somme de 1,200 livres pour la même destination ; d'une lettre de madame Le Roy, auteur d'un projet de souscription patriotique par laquelle elle offre à l'Assemblée deux billets de caisse de 300 livres chaque, et auxquels est jointe une somme de 48 livres, que présentent à la caisse patriotique Charles Potras et la demoiselle Gos, domestiques de madame Le Roy.
L'Assemblée reçoit avec sensibilité et applaudissement ces nouveaux sacrifices, et en ordonne le dépôt et l'inscription sur le registre à ce destiné.
annonce que, suivant les ordres qu'il avait reçus de Sa Majesté, il s'est rendu ce matin auprès d'Elle, et en a obtenu la réponse dont sur-le-champ il donne lecture à l'Assemblée, ainsi qu'il suit :
A Versailles, le
Vous m'avez demandé, Messieurs, de revêtir de
Sur l'article premier, relatif AUX DROITS FÉODAUX.
J'ai donné le premier exemple des principes généraux adoptés par l'Assemblée nationale, lorsqu'en 1779 j'ai détruit, sans exiger aucune compensation, les droits de main-morte dans l'étendue de mes domaines ; je crois donc que la suppression de tous les assujettissements qui dégradent la dignité de l'homme, peuvent être abolis sans indemnité : les lumières du siècle présent et les moeurs de la nation française, doivent absoudre de l'illégalité qu'on pourrait apercevoir encore dans cette disposition. Mais il est des redevances personnelles qui, sans participer à ce caractère, sans porter aucun sceau d'humiliation, sont d'une utilité importante pour tous les propriétaires de terres : ne serait-ce pas aller bien loin que de les abolir aussi sans aucune indemnité ? et vous opposeriez-vous à placer le dédommagement qui serait jugé légitime au rang des charges de l'Etat ? Un affranchissement, qui deviendrait l'effet d'un sacrifice national, ajouterait au mérite de la délibération de l'Assemblée. Enfin, il est des devoirs personnels qui ont été convertis dès longtemps, et souvent depuis des siècles, en une redevance pécuniaire. Il me semble qu'on peut encore moins, avec justice, abolir sans indemnité de pareilles redevances ; elles sont fixées par des contrats ou d'anciens usages; elles forment depuis longtemps des propriétés transmissibles, vendues et achetées de bonne foi; et comme la première origine de ces redevances se trouve souvent confondue avec d'autres titres de possession, on introduirait une inquisition embarrassante si on voulait les distinguer des autres rentes seigneuriales. Il serait donc juste et raisonnable de ranger ces sortes de redevances dans le nombre de celles que l'Assemblée a déclarées rachetables au gré de ceux qui y sont assujettis.
J'offre ces premières réflexions à la considération de l'Assemblée nationale; ce qui m'importe, ce qui m'intéresse, c'est de concilier autant qu'il est possible le soulagement de la partie la moins fortunée de mes sujets avec les règles de la justice.
Je ne dois pas négliger de faire observer à l'Assemblée nationale que l'ensemble des dispositions applicables à la question présente est dautant plus digne de réflexions, que dans le nombre de droits seigneuriaux dont l'Assemblée
voudrait déterminer l'abolition sans aucune indemnité, il en est qui appartiennent à des princes étrangers qui ont de grandes possessions en Alsace; ils eD jouissent sous la foi et la garantie des traités les plus solennels, et, en apprenant le projet de l'Assemblée nationale, ils ont déjà fait des réclamations dignes de la plus sérieuse attention.
J'adopte, sans hésiter, la partie des arrêtés de l'Assemblée nationale qui déclare rachetables tous les droits féodaux réels el fonciers, pourvu que le prix du rachat soit fixé d'une manière équitable, et j'approuve aussi, comme une justice parfaite, que jusqu'au moment où le prix sera payé, les droits soient constamment exigibles. L'Assemblée verra sans doute, lors de la rédaction de la loi, que certains droits ne peuvent pas être rachetés séparément les uns des autres, et qu'ainsi, pal- exemple, on ne devrait pas avoir la faculté de se rédimer du cens qui constate et conserve le droit seigneurial, si l'on ne rachetait pas en même temps les droits casuels, et tous ceux qui dérivent de l'obligation censitaire. J'invite de plus l'Assemblée nationale à réfléchir si l'extinction du cens et des droits de lods et ventes convient véritablement au bien de l'Etat. Ces droits, les plus simples de tous, détournent les riches d'accroître leurs possessions de toutes les petites propriétés qui environnent leurs terres, parce qu'ils sont intéressés à conserver le revenu honorifique de leur seigneurie. Ils chercheront, en perdant ces avantages, à augmenter leur consistance extérieure par l'étendue de leurs possessions foncières, et les petites propriétés diminueront chaque jour; cependant il est généralement connu que leur destruction est un préjudice pour la culture; que leur destruction circonscrit et restreint l'esprit de citoyen, en diminuant le nombre des personnes arrachées à la glèbe; que leur destruction enlin peut affaiblir les principes de morale, en bornant de plus en plus les devoirs des hommes à ceux de serviteurs et de gagistes.
Sur Varticle II, concernant les pigeons et les colombiers.
J'approuve les dispositions adoptées par l'Assemblée.
Sur Varticle III, concernant la chasse.
Je consens à la restriction du droit de chasse indiqué par cet article ; mais en permettant à tous les propriétaires indistinctement de détruire et faire détruire le gibier chacun sur ses domaines, il convient d'empêcher que cette liberté ne multiplie le port d'armes d'une manière contraire à l'ordre public.
J'ai détruit mes capitaineries par l'arrêt de mon conseil du 10 août dernier, et, avant cette époque, mes intentions étaient déjà connues.
J'ai donné les ordres nécessaires pour la cessation des peines infligées à ceux qui avaient enfreint jusqu'à présent les droits de chasse.
Sur 1 article IV, concernant les justices seigneuriales.
J'approuverai les suppressions des justices seigneuriales dès que j'aurai connaissance de la sagesse des dispositions générales que l'Assemblée se propose d'adopter relativement à l'ordre judiciaire.
Sur Varticle V, relatif aux dimes.
Il m'en coûte de faire quelques observations sur cet article, puisque toutes les dispositions de bienfaisance, dont une partie du peuple est appelée à jouir, entraînent toujours mon suffrage. Mais, si le bonheur générai repose sur la justice, je crois remplir un devoir plus étendu, en examinant aussi, sous ce rapport, la délibération de votre Assemblée.
J'accepte d'abord comme vous, Messieurs, et avec un sentiment particulier de reconnaissance, le généreux sacrifice offert par les représentants de l'ordre du clergé. La disposition qu'on en doit faire est le seul objet de mes doutes.
J'ignore si l'Assemblée nationale a cherché à s'instruire de l'étendue numérique de la valeur des dîmes ecclésiastiques. On ne la connaît pas exactement; mais on peut raisonnablement l'estimer de soixante à quatre-vingt millions. Si donc on se bornait à la suppression pure et simple des dîmes, au profit de ceux qui y sont assujettis, cette grande munificence de soixante à quatre-vings millions se trouverait uniquement dévolue aux propriétaires de terres, et la répartition s'en ferait d'après une proportion relative à la mesure respective de leurs possessions : or, une telle proportion, très-juste lorsqu'il est question d'un impôt, ne l'est pas de même quand on s'occupe de la distribution d'un bienfait. Je puis vous faire observer encore que la plupart des habitants des villes, les commerçants, les manufacturiers, ceux qui sont adonnés aux arts et aux sciences, et tous les citoyens rentiers ou autres qui n'auraient pas la double qualité de citadins et de propriétaires de terres; enfin, ce qui est plus important, les nombreux habitants du royaume, dénués de toutes propriétés, n'auraient aucune part à cette immense libéralité ; que, si l'Etat avait un grand superflu, et qu'une faveur importante envers les uns n'altérât point le sort des autres, la munificence projetée, devenant un simple objet de jalousie, serait moins susceptible d'objection. Mais, lorsque les finances sont dans une situation qui exige toute l'étendue des ressources de l'Etat, il conviendrait sûrement d'examiner si, au moment où les représentants de la nation disposent d'une grande partie des revenus du clergé, ce n'est pas au soulagement de la nation entière que ces revenus doivent être appliqués. Que dans une distribution faite avec soin el avec maturité, les cultivateurs les moins aisés profitassent, en grande part, des sacrifices du clergé, je ne pourrais qu'applaudir à cette disposition, et je jouirais pleinement de l'amélioration de leur sort; mais il est tel propriétaire de terres à qui l'affranchissement des dîmes vaudrait peut-être un accroissement de revenu de 10, 20, et jusqu'à 30,000 livres par an; quel droit lui verrait-on à une concession si grande et si inattendue? L'arrêté de l'Assemblée nationale ne dit point que l'abolition des dîmes sera remplacée par un autre impôt à la charge des terres soumises à cette redevance; mais, en supposant que ce fût votre dessein, je ne pourrais avoir une opinion éclairée à cet égard, sans connaître la nature du nouvel impôt qu'on voudrait établir en échange. Il en est tel, même parmi ceux existants, qui sont beaucoup plus onéreux au peuple que la dîme. 11 serait encore important de connaître si le produit des dîmes mis à part, le reste des biens du clergé suffirait aux dépenses de l'Eglise,età d'autres dédommagements indispensables, et si quelque supplément à charge aux peu-
pies ne deviendrait pas alors nécessaire. Il me paraît donc que plusieurs motifs de sagesse inviteraient à prendre en nouvelle considération l'arrêté de l'Assemblée relalif à la disposition des dîmes ecclésiastiques, et que cet examen pourrait s'unir raisonnablement à la discussion prochaine des besoins et des ressources de l'Etat.
Les réflexions qoe'je'viens de faire sur les dîmes en général s'appliquent à celles possédées par les commandeurs de Malte;mais on doit y ajouter une considération particulière : c'est qu'une partie des revenus de l'ordre étant composée des redevances que les commanderies envoient à Malte, il est des motifs politiques qui doivent être mis en ligne de compte, avant d'adopter les dispositions qui réduiraient trop sensiblement le produit de ces-sortes de biens, et les ressources d'une puissance à qui le commerce du royaume ; doit chaque jour de la reconnaissance.
Sur Vartidle VI, concernant les rentes raci1et ables.
J'approuve les dispositions annoncées dans cet article.
Sur Varticle VII concernant la vénalité des offices.
Je ne mettrai aucune opposition à cette partie j des délibérations de l'Assemblée nationale. Je dé- : sire seulement que l'on recherche et que l'on çro- ] pose les moyens propres à m'assurer que la justice sera toujours exercée par des hommes dignes I de ma confiance et de celle de mes peuples. La j finance des charges de magistrats était une propriété qui garantissait au moins une éducation ho- j nordble ; mais on peut y suppléer par d'autres précautions, l'î est convenable aussi que l'Assemblée prenne connaissance de l'étendue du capital des charges de judicature ; il est considérable, ét ne coûfe à l'Etat qu'un modique intérêt: ainsi on ne peut l'acquitter sans un grand -sacrifice. Il en faudra d'autres également importants, si les émoluments des juges doivent être payés par des contributions générales. Ces divers sacrifices ne doivent pas l'emporter sur des considérations d'ordre public, qui seraient universellement appréciées par la nation ; mais la sagesse de l'Assemblée l'en- i gagera sans doute à examiner'mûrement et dans ! son ensemble une disposition d'une importance I si majeure.
Je rappellerai aussi à l'Assemblée nationale que ta suppression de la vénalité des offices ne suffirait pas pour rendre la justice gratuite ; il faudrait encore supprimer tous les droits relatifs à son exercice, qui forment aujourd'hui une .partie j des revenus de l'Etat.
Sur l'artirAc VIII, concernant les droits casuels des curés.
J'approuve les dispositions déterminées par cet article. Tous ces petits droits contractent avec la décence qui doit servir à relever, aux veux des > peuples, les respectables fonctions des ministres j des autels.
Sur Varticle IX, concernant les privileges en matière de subsides.
J'approuve en entier cet article, et je loue le clergé et la noblesse de mon royaume de l'honorable empressement que ces deux ordres de
l'Etat ont apporté à l'établissement d'une égalité de contribution conforme à la justice et àlasaine raison.
lSar Varticle X, concernant les privilèges des provinces.
J'approuve également cet article, et je désire infiniment qu'il puisse se réaliser sans opposition. J'aspire à voir toutes mes provinces se rapprocher dans leurs intérêts, comme elles sont unies dans mon amour, et je seconderai de tout mon pouvoir un si généreux dessein.
Sur Varticle XI, concernant 'l'admission de tous
les citoyens aux emplois ecclésiastiques,
civils et militaires.
J'approuve cette disposition. Je désire que mes sujets, indistinctement, se rendent dignes des places où l'on est appelé à servir l'Etat, et je verrai avec plaisir rapprochés de mes regards tous les hommes de mérite et de talent.
Sur T article XII, concernait les annates.
Cette rétribution appartient à la cour de Rome; et se trouvant fondée sur le concordat de la France avec le Saint-Siège, une seule des parties contractantes ne doit pas l'annuler. Mais le vu de l'Assemblée nationale m'engagera à mettre cette affaire en négociation, avec les égards dus à tous les princes souverains, et au chef de l'Eglise en particulier.
Sur V article XIII, concernant les prestations de bénéfici'ers a bénéfic1ers.
La disposition arrêtée par l'Assemblée ne souffrira pas de difficulté de ma part ; ;mais elle doit observer que l'abolition des droitde ce genre obligerait à des indemnités, parce qu'ils forment souvent le revenu principal des évêchés, des archidiaconés ou des ohapitres auxquels ils sont attribués ; et l'on ne pourrait pas s'en dédommager en assujettissant ceux qui acquittent ces droits a une taxe équivalente, si, dans le même temps, on supprimait leurs dîmes.
Sur l'article .XIV,, concernant la .pluralité des bénéfices.
L'esprit de cet article est fort raisonnable, et je m'y conformerai volontiers.
Sur l'article XV, concernant le visa des pensions et des autres graces.
Je ne m'opposerai à aucun des examens que l'Assemblée nationale jugera convenable de faire: elle considérera seulement si une inquisition détaillée, d'une pareille étendue, n'assujettirait pas à un travail sans fin, ne répandrait pas beaucoup d'alarmes, et si une réduction fondée sur divers principes généraux ne serait pas préférable.
Je viens de m'expliquer, Messieurs, sur les divers arrêtés que votts' m'avez fait remettre : vous voyez que j'approuve -en entier le plus grand nombre, et que j'y donnerai ma sanction dès qu'ils seront rédigés en loi. J'invite l'Assemblée nationale à prendre en considération les réflexions que j'ai faitessur deux ou trois articles importants. C'est par une communication franche et ouverte de nos sentiments et de nos opinions,
qu'animés du même amour du bien, nous parviendrons au but qui nous intéresse également. Le bonheur de mes peuples, si constamment cher $ mon cur, et la protection que je'dois aux principes de justice, détermineront toujours mes démarches; et puisque des motifs semblables doivent servir de guide à l'Assemblée nationale, il est impossible qu'en nous éclairant mutuellement, nous ne nous rapprochions pas en toutes choses. C'est l'objet de mies vux, c'est celui de mon espérance.
Signé : LOUIS.
A Versailles, le
Sur.la demande formée séparément, concernant Ja sanction du dernier décret de VAssemblée nationale en faveur de la libre circulation des grains, et de la d^fmse d'enxxporler ,au dehors.
I
Ce décret est absolumenfcconforme aux diverses dispositions quêtai constamment renouvelées depuis un, an. .Je ,1e revêtirai de ,ma sanction ; mais -fe dois prévenir l'Assemblée nationale que dans la situation présente des esprits, avec l'état de fermentation produit par la disette et la cherté des grains lnnée dernière, avec la résistance qu'on oppose partout à leur circulation, ce serait manquer de sagesse que de vouloir faire exécuter avec trop de rigueur le décret de l'Assemblée. Elle doit connaître d'ailleurs les entraves actuelles du pouvoir exécutif, surtout quand les municipalités, appelées à invoquer l'appui des troupes, ont une opinion contraire au vu ,de l'Assemblée nationale, et refusent de le prendre pour guide. Ces considérations de la .plus grande importance méritent de fixer l'attention de,l'Assemblée natio-nalepuisqu'.ellesiutéresseutessentiellement l'ordre public. J'apporte tous mes soins à empêcher la sortie des grains du royaume, et j'ai.donné, dans cette intention, les instructions les plus positives aux diverses personnes chargées de l'exécution de mes ordres dans les provîntes,;.mais les commis des fermes, qui veillent aux frontières, ont été,mis en fuite dans plusieurs lieux par les contrebandiers qui apportent àforce ouverte dans le royaume, du sel, du tabac, et d'autres marchandises prohibées. Le premier ministre de mes finances vous a fait connaître, de ma part à plusieurs, reprises, de quelle importance il était, pour le secours de lachose publique, quel"Assemblée manifestât de nouveau, et de la manière la [ilus explicite, qu'elle souhaite, qu'elle exige la conservation des droits.étàblis, et le payement régulier des impositions ; elle n'a pas encore satisfait à cette représentation; et cependant chaque .jour la nécessité en devient plus urgente
Je vais incessamment vous appeler,par les motifs les plus forts ;et les .raisons les plus persuasives, à concourir avec moi au secours des finances et de l'Etat, et à relever la confiance par des mesures grandes et efficaces.Les circonstances, par leur difficulté, sont dignes de nos efforts communs,-et -je -compte que -vous m'égalerez en courage et en volonté.
Signe : LOUIS.
La .parole est.réclamée -sur .cette réponse.
a demande que le procès-verbal des séances d'hier et la notice ordinaire des adresses soient préalablement lus.
En conséquence, lecture est faite immédiatement
après celle du .procès-verbal du jour d'hier, d'une adressede la compagnie des volontaires-patriotes de la ville de Sedan, par laquelle, en rappelant le bonheur qu'ils ont eu, et le sermentqu.ils ont fait de défendre leurs concitoyens, ils présentent leurs .respectueux dommages à l'Assemblée, et.la supplient d'agréer leur institution; d'une délibération du nniême genre des villages de Saint-Masul, Plovier, .Franconnière>et ChâteauneuC-d'Isère, en Dauphiné; d'une adressede félicitation, remerciement et adhésion des habitants de Ville-Sa-gnan ; d'une adresse du même genre de la communauté,de Çuzorid, contenant en outre quelques demandes particulières; des délibérations semblables de la ville de Die, en Dauphiné, avec acceptation des décrets du 4 août et jours suivants; de la communauté de Cabris, en Provence ; de là ville de .Florac, enGévennes; d'un arrêté des officiers de la sénéchaussée de Montélimart, par lequel ils ^'engagent à rendre la justice gratuitement, jusqu'à ;ce qu'il ait été pourvu à un nouvel ordre judiciaire; d'une adresse de la noblesse immédiate de la Basse-Alsace, contenant ses réclamations contre les arrêtés du 4.août et jours suivants, .relativement à l'abolition du régime féodal.
Cette lecture terminée, l'Assemblé demande à entendre une seconde fois la réponse du Roi ; et après la lecture, elle arrête que la lettre du Roi sera promptement imprimée,et quatre exemplaires remis a chacun de Messieurs, en leur domicile..
propose de former un comité de soixante personnes, chargé de prendre en considération les observations contenues dans la réponse du Roi, et d'en faire Je rapport à l'Assemblée; il demande qu'il soit sursis jusqu'au .rapport à toute discussion sur cette réponse.
Je suis bien loin d'adopter l'établissement d'un comité chargé d'examiner l'espèce de discours du Roi. Nous avons fait, le 4 août, des arrêtés qui .sont en partie constitutionnels ; nous en ^vons demandé la sanction, et nous entendions par là 1a, promulgation. Tout ce qui s'est dit à ce sujet devait éloigner de penser que nous demandions un consentement. Nous n'avons obtenu ni Hun ni L'autre, mais.une espèce de conférence que nous,ne pouvons agréer. Je propose, pour éviter toute équivoque, de décider tout de suite quels seront les termes et la forme de la sanction, et de ne.point désemparer que la promulgation ne soit obtenue.
iCette motion est appuyée par beaucoup deiinein-bres, iôt applaudie avec transport.
Il est impossible, quand le Roi fait des objections, de n;y pas répondre. Je mets, pour,amendement à la motion de M. Goupil, qu'il soit établi quatre comités, de trois personnes chacun ; ils se partageront les articles du décret; l'un s'occupera de ce qui concerne les fiefs ; le second, des justices seigneuriales et de la vénalité des offices,; le troisième, des matières ecclésiastiques ; le quatrième, du reste des objets.con-tenus dans ces arnêtés.
Ces comités.agiront dès ce soir et l'un d'eux présentera,dès demain .son travail.
J'adopte la motion de M. Goupil, mais je ne crois pas nécessaire de nommer de nouveaux comités ; ceux de féodalité, des matiè-
res ecclésiastiques, et le comité judiciaire peuvent être chargés de cet examen. Je pense, avec M. Le Chapelier, que le Roi ne devait donner qu'une sanction pure et simple, et non son consentement, puisqu'il s'agit des principes de constitution et de législation. Je propose d'ajourner la discussion à mardi matin, et je demande alors à faire connaître des mémoires sur les dîmes ecclésiastiques, les droits féodaux et la libération d'une partie des dettes de l'Etat.
(1). Pour ne pas souffrir la contradiction, il faut se croire infaillible, et j'imagine que, ni collectivement ni en particulier, aucun de nous n'a cette prétention ; nous avons présenté à la sanction royale les divers articles renfermés dans nos'arrêtés des 4 août et jours subséquents; ces arrêtés sont le fruit d'un élan de patriotisme vraiment inattendu et peut-être incalculable : ils peuvent renfermer de sages dispositions ; mais on doit aussi convenir avec moi que ce décret, au prononcé duquel on n'a consacré que très-peu d'heures, tandis qu'on a été obligé de mettre plusieurs jours à le rédiger, est susceptible de beaucoup d'observations et le fait l'a mieux prouvé que je ne pourrais le faire; car ces sacrifices, ces abolitions, ces suppressions, desquels nous attendons ou devons attendre un bonheur solide et durable, n'ont produit jusqu'ici que des désordres occasionnés principalement par les fausses interprétations qu'on leur a données ; parce qu'ils rompaient d'une manière trop subite tous les liens qui retenaient le peuple. Oui, Messieurs, nous avons tranché des nuds que nous aurions pu dénouer lentement et avec précaution, mais qu'on a mieux aimé couper que démêler.
J'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, mais c'est une vérité qui ne saurait être trop souvent répétée : Nous avons beaucoup démoli, sans bâtir, aussi sommes-nous fort à découvert. On vous a dit l'autre jour, qu'avant d'élever un édifice, il fallait décombrer le terrain qu'on avait choisi ; oui, sans doute, mais les anciens fondements sont presque toujours conservés par les architectes habiles, gui savent qu'on bâtissait solidement autrefois, et il n'y a que ceux qui travaillent pour le jour, et non pour la postérité, qui dédaignent les anciens matériaux, et veulent que tout soit ordonné, fabriqué, présenté et fourni par eux-mêmes ; cette comparaison pourra paraître triviale, mais elle n'est que le développement de la première que je viens de citer, et qui vous a été présentée.
Le Roi nous a fait remettre des observations sur chacun de nos arrêtés, et j'avoue
que je suis étonné du genre d'accueil fort extraordinaire qu'on leur a fait dans cette
Assemblée ; il est sans doute difficile d'en saisir l'ensemble dans les deux lectures
qui nous en ont été faites, mais j'avoue que je n'y ai trouvé que des remarques
judicieuses offertes, des précautions sages indiquées, des développements nécessaires
demandés, et je suis bien éloigné d'être de l'avis de celui des préopinants qui ne
veut pas qu'on discute les observations offertes par le Roi, avis fait pour produire
l'effet absolument contraire à celui qu'il dit en attendre, c'est-à-dire le désordre
le plus irrémédiable. Eh quoi! chacun de nous a le droit de discuter ici, aussi
longuement qu'il lui plaît,
Non-seulement la motion de M. Le Chapelier n'est pas irrégulière, mais elle seule est précisément conforme à la loi que vous vous êtes imposée. On lit dans l'article 10 du chapitre IV du règlement ces propres paroles : « Toute question qui aura été jugée, toute loi qui aura été portée dans une session de l'Assemblée nationale, ne pourra pas y être ajoutée de nouveau... » Je demande, Messieurs, si les arrêtés du 4 août sont ou ne sont pas une question jugée.
Et qu'ou ne subtilise pas, en disant que nulle loi n'est portée à cet égard ; car je me retrancherais à prier les controversistes de m'expliquer la première partie de l'article invoqué : « Toute question jugée, etc. »
Mais j'ai méprisé toute ma vie les fins de non-recevoir, et je ne m'apprivoiserai pas avec ces formes de palais dans une question si importante. Examinons-la donc sous un autre aspect.
Revenir sur les articles du 4 août est un acte également irréguiier, impolitique et impossible. Examiner si l'on n'aurait pas dû, comme on le pouvait incontestablement, se dispenser de les porter à la sanction, serait superflu, puisqu'ils y ont été portés. Cherchons donc le parti qu'il nous reste à prendre.
Ici je me vois contraint de faire une remarque que la nature des circonstances publiques rend très-délicate, mais que la rapidité de notre marche et l'hésitation du gouvernement rendent encore plus nécessaire. Depuis que les grandes questions de la constitution s'agitent, nous avons montré à l'envi la crainte d'ajouter à la fermentation des esprits, ou seulement de la nourrir par l'énon-ciation de quelques principes évidents de leur nature, mais nouveaux pour des Français dans leur application, et que, par cela même qu'en matière de constitution on peut les regarder comme des axiomes, nous avons cru pouvoir nous dispenser de consacrer.
Ces considérations étaient dignes de votre sagesse et de votre patriotisme. Mais si,
au lieu de nous savoir gré de notre respect religieux, on en conclut contre les
principes que nous avons voulu
Nous avons pensé, pour la plupart, que l'examen du pouvoir constituant, dans ses rapports avec le prince, était superflu au fond, et dangereux dans la circonstance. Mais cet examen n'est superflu qu'autant que nous reconnaissons tous, tacitement du moins, les droits illimités du pouvoir constituant. S'ils sont contestés, la discussion en devient nécessaire, et le danger serait surtout dans l'indécision.
Nous ne sommes point des sauvages, arrivant nus des bords de l'Orénoque pour former une société. Nous sommes une nation vieille, et sans doute trop vieille pour notre époque. Nous avons un gouvernement préexistant, un roi préexistant, des préjugés préexistants.
Il faut, autant qu'il est possible, assortir toutes ces choses à laRévolution, et sauver la soudaineté du passage. II. le faut, jusqu'à ce qu'il résulte de cette tolérance une violation pratique des principes de la liberté nationale, une dissonance absolue dans l'ordre social. Mais si l'ancien ordre de choses et le nouveau laissent une lacune, il faut franchir le pas, lever le voile, et marcher.
Aucun de nous, sans doute, ne veut allumer l'incendie dont les matériaux sont si notoirement prêts d'une extrémité du royaume à l'autre. Le rapprochement où la nécessité des affaires suffit pour nous contenir, ressemble certainement plus à la concorde que l'état de situation de nos provinces, qui, au poids de nos propres inquiétudes et des dangers de la chose publique, mêlent le sentiment de leurs propres maux, la triste influence de leurs divisions particulières, et les difficultés de leurs intérêts partiels. Traitons donc entre nous ; abandonnons ces réticences, ces suppositions notoirement fausses, ces locutions manifestement perfides, qui nous donnent à tous la physionomie du mensonge et l'accent des conspirateurs. Parlons clairement ; posons et discutons nos prétentions et nos doutes ; disons, osons nous dire mutuellement : Je veux aller jusque-là; je n'irai pas plus loin. Vous n'avez droit d'aller que jusqu'ici, et je ne souffrirai pas que vous outre-passiez votre droit. [Ayons la bonne foi de tenir ce langage, et nous serons bientôt d'accord. Mars est le tyran, mais le droit est le souverain du monde, débattons, sinon fraternellement, du moins paisiblement ; ne nous défions pas de l'empire de la vérité et de la raison : elles finiront
Far dompter, ou, ce qui vaut mieux, par modérer espèce humaine, et gouverner tous les gouvernements de la terre.
Mais, Messieurs, si nous substituons l'irascibilité de l'amour-propre à l'énergie du patriotisme, les méfiances à la discussion, de petites passions haineuses, des réminiscences rancunières à des débats réguliers et vraiment faits pour nous éclairer, nous ne sommes que d'égoïstes prévaricateurs, et c'est vers la dissolution et non vers la constitution que nous conduisons la monarchie dont les intérêts suprêmes nous ont été confiés pour son malheur.
L'exécution soudaine des arrêtés du 4 août, pris avec une précipitation qu'a nécessitée la sorte d'émulation qui entraîna l'Assemblée, aurait produit sans doute de grands inconvénients. Vous l'avez senti, Messieurs , et vous y avez obvié de vous-mêmes, puisque vous avez opposé une réserve à chacun de ces arrêtés. Le Roi, en opposant les difficultés qui pourraient s'élever dans leur exécution, ne fait donc que répéter vos propres
observations, d'où il.résulte que la suspension de sa sanction ne saurait être motivée: d'abord, parce que vous avez demandé au Roi, non pas son consentement à vos arrêtés, mais leur promulgation ; ensuite, parce que l'hésitation à promulguer atteste des obstacles qui n'existent pas encore. Je m'expliquerai par deux exemples.
Si vous apportiez au Roi l'abolition de certains offices, sans lui montrer l'hypothèse du remboursement de leur finance, le conservateur de toutes les propriétés aurait le droit et le devoir de vous arrêter.
Si même vous aviez retiré les dîmes pour l'avantage de certains particuliers, et sans les appliquer à quelques parties du service public dont les besoins urgents ont surtout provoqué ce retrait qui a excité tant de réclamations, l'auguste délégué de la nation aurait droit d'aviser votre sagesse.
Mais vous consacrez comme maxime la non-vénalité des offices ; et il n'y a pas aujourd'hui un homme en Europe , cultivant sa raison et sa pensée avec quelque respect de lui-même, qui osât établir une théorie contraire.Le Roi n'a donc ni le droit, ni l'intérêt de s'opposer à la déclaration d'une telle maxime.
Vous déclarez le service des autels trop cher, et leurs ministres de respectables, mais de simples salariés, comme officiers de morale, d'instruction et de culte; vous déclarez le principal impôt sur lequel étaient assignés leurs salaires, destructif de la prospérité de l'agriculture. Le Roi ne peut pas et ne doit pas nier cette vérité, ni en arrêter la promulgation.
Cette observation s'applique à tous vos arrêtés du 4 août. Encore une fois, on aurait pu ne pas demander au Roi de les sanctionner. Mais puisqu'on l'a fait, puisque les imaginations, permettez-moi de m'exprimer ainsi, sont en jouissance de ces arrêtés; puisque s'ils étaient contestés aujourd'hui, les méfiances publiques , les mécontentements presque universels en seraient très-aggravés; puisque le clergé qui perdrait le droit de remplacement des dîmes, n'en aurait pas moins perdu les dîmes de fait ; puisque la noblesse qui pourrait refuser de transiger sur les droits féodaux, ne se les verrait pas moins ravir par l'insurrection de l'opinion, nous sommes tous intéressés à ce que la sanction pure et simple de ces arrêtés, réprimés par l'effet de nos propres réserves, rétablisse l'harmonie et la concorde. Alors nous arriverons paisiblement à la promulgation des lois dans la confection desquelles nous prendrons en très-respectueuse considération les observations du Roi, et nous mesurerons avec beaucoup de maturité les localités et les autres difficultés de détail plus nécessaires à considérer dans l'application des maximes constitutionnelles que dans leur énonciation.
J'appuie donc la motion de M. Le Chapelier, et je demande que notre président reçoive l'ordre de se retirer de nouveau auprès du Roi, pour lui déclarer que nous attendons, séance tenante, la promulgation de nos arrêtés.
Le Roi a cru pouvoir suspendre la sanction complète; il consent à quelques-uns des articles, fait des observations sur quelques autres. Le respect dû au chef auguste nous impose l'obligation d'examiner ses observations; on a proposé des comités pour cet objet. J'ai remarqué que, sur les privilèges des provinces, le Roi désire que leurs sacrifices n'éprouvent pas de difficultés, et cette observation
vient de cc qsue, dans la nuit du 4, quelques-uns ont apporté des restrictions à l'abolition des privilèges , et six semaines se sont éfioulées depuis sans qu'ils aient été ratifiés.; je demande que les députés des bailliages, .sénéchaussées et provinces, soient tenus de rapporter la ratification incessamment.
L'Assemblée , en disant que ces arrêtés seraient sanctionnés , a cru qu'il ne; fallait que les; promulguer. Elle n'a attaché à ce mot que l'idée de l'authenticité donnée par le sowverain aux décrets émanés d'elle. Si quelque membre de l'Assemblée avait cria que le mot sanction était autre chose que l'authenticité, elle n'aurait pas permis qu'il y eût des équivoques sur des déclarations du pouvoir constituant, qui avaient une relation intime avec la constitution. Sur ce point, il faut que vous déclariez aujourd'hui si vous voulea que l'Assemblée soit privée de sa constitution, si le pouvoir exécutif veut trouver des équivoques et interpréter le mot sanction jusqu'à approuver telle ou telle condition. La nation a-t-elle donc besoin, pour la constitution, d'une autre volonté que la sienne1?
(1). Messieurs, l'approbation dont plusieurs membres de l'Assemblée ont honoré la motion que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier, m'engage à vous demander la permission de soumettre à votre attention le développement de quelques motifs propres, je crois, à J.'appuyer, et je m'acquitterai de ce devoir aussi brièvement qu'il me sera possible.
Je vous ai proposé de demander au Roi la promulgation de vos arrêtés des 4 août et jours suivants, et cette promulgation aura le grand avantage d'apprendre aux peuples que les deux autorités qui commandent leur obéissance et méritent leur respect sont d'accord entre elles sur les moyens de régénérer la France; elle ne peut avoir aucun inconvénient, puisque ces arrêtés sont déjà connus, que les peuples en ont déjà savouré tes heureuses annonces, que déjà, Messieurs, ils jouissent, en espérance, du bien que leurs généreux représentants ont voulu leur procurer, et que déjà vous avez reçu un grand nombre d'adhésions formelles, gages d'un concert qui ne peut manquer de devenir général.
Les observations contenues dans la réponse remise hier par le Roi à M. le président ne doivent pas arrêter cette promulgation, puisque Sa Majesté vous annonce qu'elle approuve vos principes, et que tous les articles sur lesquels roulent ses observations ne sont que des principes dont l'exécution n'aura son effet qu'en vertu des lois que vous allez faire, et qui régleront la marche des opérations dont vous avez déterminé le but-
Ainsi, pour me fixer à quelques exemples, plusieurs des observations que le conseil
du Roi lui a suggérées ont pour objet les droits de servitude personnelle, dont les
uns peuvent avoir une origine réelle, c'est-à-dire être la représentation d'une
propriété concédée, comme nous voyons encore dans beaucoup de baux, les fermiers se
charger de voitures à faire; ou de travaux à exécuter, voitures ou travaux
représentatifs d'une partie du prix qu'autrement ils eussent soldé en argent, dont les
autres font partie de possessions
Eh bien, Messieurs, ces observations seront examinées tors de la confection des lois dont les dispositions opéreront l'extinction de la féodalité; tout en marchant au but que vous avez promis d'atteindre, vous concilierez ce que le soin des propriétés particulières exigera de votre_équité, avec les vues de justice générale qui ont dicté vos arrêtés ; vous établirez une prescription préservatrice contre les contestations multipliées que l'on paraît craindre ; vous fixerez le taux des indemnités quand il sera juste d'en accorder, et vous pouvez dès aujourd'hui demander au Roi d'entrer en négociation avec les princes réclamants, pour satisfaire à la fois à la politique, et à la justice que vous devez à tous les citoyens français, aussi bien qu'aux alliés de laFrauce; vous observerez pourtant que, dans cette négociation, il sera nécessaire de distinguer-ce qui appartient à ces princes en vertu des traités, d'avec les concessions particulières qu'ils ont pu obtenir et contre lesquelles tous moyens de droit doivent être réservés aux parties lésées. Vous observerez encore que si des intérêts politiques pouvaient faire passer les. bornes de la justice rigoureuse, les frais de ces indemnités ne devraient pas être supportés par les habitants d'une seule province, mais qu'ils deviendraient la charge du royaume entier.
il en sera de même de l'Ordre de Malte dont les biens appartiennent sans contredit à la nation, ainsi que tous ceux de toutes les corporations qui ne doivent leur existence qu'à sa volonté; des considérationspolitiques peuvent exiger que vous ajoutiez aux mesures particulières pour l'Ordre même en faveurdes services qu'il rend à la France, en assurant sou commerce, et lui fournissant un port utile; le conseil du Roi peut s'en occuper; ses ministres devront entrer en conférence avec les comités que vous avez chargés de préparer les lois, et loisque les projets vous seront présentés, vous pèserez ces considérations politiques, les moyens d'y satisfaire et les intérêts de la nation dont vous êtes les représentants.
Les dîmes ecclésiastiques sont un autre sujet d'observations importantes, et qui mériteront la plus grande attention lorsque vous procéderez à la confection delà loi; déjà même vous avez pris dans votre arrêté la sage précaution de déclarer qu'elles doivent continuer d'être payées jusqu'à ce que vous ayez pourvu aux remplacements que leur suppression exigera. Je n'examinerai pas dans ce moroent-rci la valeur des observations qui vous sont faites,ni les différentes marches que vous auriez pu prendre pour parvenir au but que vous vous proposez de régler la, dépense du culte et de faire le bien des peuples; il me suffira de vous dire que la loi n'étant point encore faite, rien ne s'oppose à ce que vous employiez, pour les remplir, les moyens qui vous paraîtront sages et justes; vous n'avez pas encore statué sur une motion faite il y a quelque temps dans cette Assemblée par M. le marquis de La Coste ; vous la reprendrez sans doute en considération, avant de prononcer la cessation du payement des dîmes, et peut-être trou-verez-vous, en l'accueillant,;de quoi pourvoir tout à la fois aux frais du culte divin, à ceux des établissements publics qui ont été dotés par des
biens ecclésiastiques, à la conservation des jouissances des titulaires actuels (1) qui ont droit h votre justice ; sauf les déductions que l'augmentation nécessaire des cures et le payement proportionnel des impôts exigeront.
Je ne parlerai pas des observations que le conseil du Roi lui a indiquées sur la vénalité des charges; Sa Majesté connaît comme vous, Messieurs, les vices de cet usage qui doit son origine à l'esprit fiscal, et que le génie national doit détruire : elle ne balancera donc pas à adopter votre principe ni, par la suite, les lois par lesquelles vous établirez un nouvel ordre judiciaire, en pourvoyant à l'indemnité qui sera due aux titulaires actuels ; car le zèle du bien public ne vous fera jamais négliger ce que le droit des propriétés particulières exigera de votre justice.
Je ne m'arrêterai pas ncm plus sur les observations de détail qui mériteront successivement votre attention dans l'examen que vous en fe-? rez, à l'occasion de chacune des lois dont vous allez vous occcuper ; mais je crois en avoir assez dit pour prouver que la promulgation de vos arrêtés des 4 août et jours suivants ne peut avoir aucun inconvénient, qu'au contraire, elle aura de grands avantages ; je crois même devoir ajouter qu'elle paraît indispensable pour prouver aux peuples que leur monarque et leurs représentants marchent de concert vers l'établissement de la félicité publique, et qu'elle ne compromettra point les observations contenues dans la réponse du Roi, qui demeureront entières pour la confection des lois que vous présenterez successivement à Sa Majesté. J'aurai donc l'honneur de vous proposer l'arrêté suivant, conforme à ma motion d'hier.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la réponse remise hier par le Roi à M. le président,
« Considérant que Sa Majesté approuve tous les principes déclarés dans les arrêtés des 4 août et jours suivants, et que les observations contenues dans cette réponse devront servir à la confection des lois qui seront faites pour régler l'exécution de ces principes, a arrêté :
« Que M. le président sera chargé de se retirer par-devant le Roi, et de supplier Sa Majesté de vouloir bien ordonner la promulgation des arrêtés pris par l'Assemblée nationale les 4 août et jours suivants ; et que la réponse du Roi sera imprimée, distribuée dans les bureaux, et remise aux comités chargés des affaires ecclésiastiques, féodales et de judicature, pour que les observations qu'elle contient soient prises en grande, mûre et respectueuse considération lors de la confection des différentes lois nécessaires pour l'exécution de ses arrêtés. »
trouve fort sages les principes contenus dans la motion de M. le duc de la Rochefoucauld et les appuie.
observe que si l'Assemblée nationale ne pouvait pas se flatter d'être infaillible,
il croyait encore moins àl'infaillibilité du comité, et qu'on devait plutôt s'en
rapporter encore aux re-
J'ai entendu avec surprise, ajoute t-il, que c'était pour des princes étrangers, qui possédaient des terres dans l'Alsace, qu'il fallait réfléchir sur la destruction des droits féodaux.
Je réponds par l'article 52 de mon cahier que toutes les communautés de l'Alsace, écrasées sous le poids des taxes et des droits féodaux, m'ont chargé d'y pourvoir, et j'observe que les prince! étrangers écrivent au pouvoir du ministère qui augmente leurs droits, et qu'ils ne veulent pas écrire aux pouvoirs de la nation. C'est par cette raison que l'Assemblée doit se hâter d'obtenir la sanction. Mes concitoyens se sont si fort pénétrés de ce décret du 4 août, qu'ils ne s'en dé-pénétreront pas.
M*" Un grand prince l'a cjéjà dit : « Le réti; seul de ce qui s'est passé le 4 août dans l'Assemblée est le plus bel éloge qu'on puisse faire de la nation française, et la meilleure preuve que ce xvme siècle mérite d'être appelé celui de la philosophie. Il n'y a qu'une masse de lumière plus grande qu'il ne s'en est trouvé jamais dans aucun temps et chez aucun peuplé, qui ait pu produire dun seul jet un tel monument de sagesse et de vertu ; mais aurait-on fait trop de bien à Ici fois, et pourr^-trQïi le réaliser sans produire un grand bouleversement?
Telle est la question secondaire qu'il faut examiner, et sur laquelle le Roi peut avoir eu des motifs de lixer votre attention.
L'Assemblée doit respecter les observations que le Roi daigne lui faire. 11 faut donc prendre ces observations en considération, et demander la promulgation des articles dont le Roi adopte les principes.
Le pouvoir législatif est le seul qui puisse prononcer des lois avantageuses an peuple qu'il représente, et dont il connaît les besoins. Sans doute, le discours du Roi, si nous eussions pu en deviner les principes et les motifs, eût éprouvé dans l'Assemblée nationale le sort qu'a justement éprouvé, ces jours derniers, le rapport envové par son ministre.
Je ne pense pas que l'Assemblée, qui ne peut s'empêcher de reconnaître que la plupart des arrêtés du 4 sont essentiellement constitutionnels, ait entendu demander autre chose au Roi, en lui envoyant les arrêtés que la promulgation qu'il ne peut leur refuser' et qu'il est instant de leur accorder. Je ne peux donc concevoir que le Roi envoie à l'Assemblée ses observations par écrit. Ce n'est point ainsi que le roi d'Angleterre fait connaître son avis à la nation : il s'explique lui-même ou par son chancelier. Le discours envoyé par le Roi n'est autre chose qu'une espèce de conférence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif; l'Assemblée ne peut vouloir autoriser de semblables conférences.
J'adopte en entier l'avis de j\J. le duc (Je la Rochefoucauld.
(1). Messieurs, je n'abuse pas souvent de votre temps : les longs discours me
6 Messieurs, quand on se fait un tableau étendu et fidèle des circonstances où se trouve actuellement le royaume ; quand on se représente que depuis plusieurs mois, toute puissance publique est vacillante et mal assurée ; que le cours de la justice est languissant et suspendu; que l'aliment de toute administration, le payement des impôts est interrompu ; quand on considère de quelles conséquences terribles menace la continuation d'un état si violent, si précaire, il est impossible d'aimer le bien public, d'être bon citoyen et de ne pas concevoir de vives alarmes de la lenteur de notre marche, et des délais qui surviennent chaque jour à nos plus pressantes opérations.
D'autre part, quand on examine d'où naissent les entraves qui arrêtent nos pas; quand, recherchant leur nature et leurs causes, on amène en comparaison les personnes avec les choses ; quand on observe que depuis quinze jours spécialement, les oppositions aux principes les plus clairs, les incidents sur les questions les plus simples, se sont multipliés ; quand, pour le dire en un mot, on fait attention quels nouveaux moteurs d'opposition, depuis cette époque, ont apparu dans cette tribune et ne la quittent plus, il est encore impossible de ne pas s'apercevoir que les motifs de nos lenteurs dérivent de notre propre composition, et que nous portons dans notre sein le germe couvert, mais non étouffé, de tous nos obstacles#
Mon dessein n'est pas de m'appesantir sur cette matière, encore que ce ne soient point des murmures qui puissent m'imposer silence ; car, si un homme connu par sa résistance aux vux de la nation a pu récemment faire céder cette Assemblée à son opinion, il ne me serait pas difficile d'avoir en uu autre sens autant de courage.
demande au président que l'orateur soit rappelé à l'ordre dont il s'écarte par une inculpation. Toute l'Assemblée rappelle M. d'Eprémesnil lui-même à l'ordre, et lui prescrit le silence.
Je ne vise pas au scandale et,pour arriver droitement à mon but, j'ai l'honneur de demander à l'Assemblée "qu'elle décrète d'abord:
1° Que toute délibération sur la réponse du Roi aux arrêtés du 4 août soit ajournée ;
2° Qu'il soit déclaré que l'on rentrera sans délai dans la discussion des tbjets essentiels et pressants de la constitution;
Qu'en conséquence il soit, avant tout autre article, discuté et déterminé:
1° De combien de membres sera composé le Corps législatif;
2° Quelles seront les conditions requises pour être électeur et éligible ;
3° Quels seront et le mode et les départements d'élection dans le royaume ;
4° Qu'aussitôt que ces objets seront décidés, l'Assemblée nationale actuelle, sans quitter sa session, sans discontinuer ses travaux, ordonne dans toute l'étendue du royaume une élection de députés selon le nouveau mode ; lesquels viendront de suite nous relever, et substituer une représentation véritablement nationale à une représentation vicieuse et contradictoire, où des intérêts personnels et privés, mis en balance égale avec
l'intérêt général, ont la faculté d'opposer un ressort si puissant à la volonté publique.
Cette motion est universellement applaudie, et tous les membres sans exception se lèvent pour témoigner leur adhésion.
rappelle à la question primitive, et résume les différentes motions relatives au discours du Roi. 11 reconnaît et présente avec de nouveaux développements le principe incontestable qui établit la différence de la sanction ou du consentement du Roi, avec la promulgation que l'Assemblée a pu seule demander. 11 conclut en adoptant l'ajournement proposé par M. Chasset.
observe qu'il est trois heures et demie; il lève la séance, et la convoque pour ce soir sept heures et demie.
De nombreuses réclamations s'élèvent pour qu'on ne se sépare pas sans délibérer; cependant la séance est levée.
Séance du
fait la motion suivante concernant la constitution de l'armée (1). Messieurs, l'Assemblée nationale vient de poser les bases primordiales de toute constitution dans la Déclaration des droits de Vhomme. Elle s'occupe maintenant de tracer le plan de la constitution particulière de la France. Déjà, démarquant la limite des deux grandes divisions de tout gouvernement, elle a prononcé la séparation de la puissance qui ordonne, de celle qui exécute. Déjà, saisissant dans cette dernière les subdivisions qui la constituent, elle a projeté l'organisation du pouvoir qui administre, et du pouvoir qui juge. Un troisième rameau lui reste, non moins important, non moins digne de ses soins, puisque c'est par lui que les autres se maintiennent, je veux dire le pouvoir militaire ; c'est donc entrer dans les vues de l'Assemblée nationale et concourir à ses travaux que de lui présenter un plan d'organisation des milices et de l'armée, qui fasse correspondre leur action à celle de l'administration et de la justice, pour le double objet de toute société : la sûreté extérieure de l'Etat et la liberté domestique des citoyens.
Pour obtenir cette sûreté, chacun doit concourir à la défense de tous, chacun doit le service militaire personnellement ou par représentation. L'armée soldée peut ainsi être considérée comme une partie de la totalité des citoyens qui se chargent à certaines conditions du service militaire, auquel seraient tenus tous les citoyens ; elle est aussi la représentation d'une partie de l'impôt destiné à la protection des propriétés, et à la sûreté des personnes; elle est enfin une perspective d'honneur et de fortune pour tout ce qui peut porteries armes dans l'Etat.
Le Roi est le chef naturel de l'armée; les ordonnances qui sont relatives aux troupes se donnent en son nom, mais ce n'est qu'en vertu des lois décrétées par le Corps législatif que le pouvoir militaire peut exister et agir.
11 est de plus à considérer que celui qui est chargé de diriger les forces militaires
de l'Etat
La nation doit à l'armée de rendre égal le sort de tous les individus qui la composent ; elle doit à tous les citoyens de les admettre sans autre distinction que celle de leurs talents et de leur zèle aux avantages que le service militaire peut offrir.
Les représentants de la nation doivent en outre statuer pour l'armée une constitution invariable, dont nul autre pouvoir que la loi même ne puisse troubler l'ordre ; elle doit établir cet ordre tel que les considérations personnelles ne se fassent jamais écouter au préjudice de l'intérêt général ; que tout ce qui a rang dans les troupes puisse envisager dans l'avenir de justes motifs d'émulation, et espérer le succès des efforts d'une ambition raisonnable; que les ordonnances, qui fondent les espérances des soldats et officiers de l'armée, fassent aimer celles qui fixent leurs devoirs, et que le code qui les rassemble protège les droits légitimes de tous les militaires, comme les lois civiles protègent la propriété et la liberté de tous les citoyens.
Le système d'une économie rigoureuse pour les troupes pourrait faire, dans ce moment, quelque impression sur l'Assemblée nationale ; mais il faut inoins considérer l'armée sous ce rapport que sous celui de la plus grande sûreté de l'Etat. Le moyen d'enrichir la France n'est certainement pas de l'exposer à des guerres souvent dangereuses et toujours ruineuses.
Pour affermir la constitution déjà commencée, la France doit éviter toutes les secousses extérieures. Si elle est libre et tranquille, on peut prévoir qu'avant vingt ans son gouvernement sera imité par toute l'Europe, et qu'il en résultera une réduction corrélative dans les armées de tous les Etats. Mais il n'est pas moins important pour le moment présent d'être prêt à repousser tous les efforts quedes puissances,maladroitement jalouses ou ennemies, pourraient faire pour s'opposer au succès que nous attendons de la réunion de toutes les volontés. L'armée doit donc être organisée de manière à ôter tout espoir de réussite dans les entreprises que l'étranger pourrait tenter.
La véritable économie, la seule raisonnable, sera celle qui remplira ce but aux moindres frais possibles. La distribution des troupes dans le royaume doit avoir pour double objet de tenir présentes, ou de porter avec rapidité, en cas d'invasion, des forces considérables dans tous les lieux qui seraient menacés et,dans l'ordre habituel, de vivifier les différentes provinces par des dépenses utiles et bien ordonnées.
ETABLISSEMENT DES TROUPES-
Dans une bonne constitution, toutes les parties qui composent le corps politique doivent tendre à un même but. Toutes les provinces ayant consenti à un avantage égal et commun, à ne connaître aucun privilège, à les sacrifier tous, ne voudront désormais d'autres limites que celles qui paraîtront les plus avantageuses à la représentation nationale. En effet, quelle différence peut-il rester entre des citoyens tous revêtus des mêmes privilèges et des mêmes droits?
Cette idée première, qui se trouve déjà dans les différents plans qui ont été présentés à l'Assemblée nationale, s'applique très-naturellement au système militaire qu'il convient à la France d'adopter.
Il y aura donc des arrondissements de provinces et des arrondissements de districts pour l'établissement des troupes.
Ce système convient aussi à une puissance qui crée en quelque sorte son gouvernement, à une puissance qui réunit une population immense à tous les genres d'industrie, qui ne trouvera jamais le bien qu'au milieu du calme, et qui devra craindre toute espèce de changement ; ce système acquerra d'autant plus de force, que l'homme libre et heureux défendra ses foyers, et qu'il ajoutera au courage naturel à la nation tout celui que donne l'enthousiasme de la liberté, et la connaissance des lieux qu'il doit défendre.
DE LA. MILICE NATIONALE.
Les riches appartiennent à l'Etat comme les moins fortunés ; ils doivent le secourir s'il est attaqué : ils seront donc compris dans la milice nationale, soit par eux, soit par représentation.
Pour avoir le droit d'être armé dans le royaume, il faudra justifier UDe propriété ou avoir le droit de bourgeoisie dans une ville ou dans un bourg. Il est de principe de politique et de justice que la tranquillité publique soit confiée à ceux qui ont le plus d'intérêt à la maintenir.
La milice nationale, en reconnaissant le Roi pour chef, comme centre et foyer des pouvoirs exécutifs, ne doit cependant pas agir d'après les mêmes formes que l'armée dont il a déjà l'absolu et entier maniement, et à laquelle il fait passer ses volontés par la voie de ses ministres. Une pareille marche ne pourrait pas convenir pour employer habituellement les forces nationales.
En adoptant le principe que toute action dans le royaume appartient au pouvoir exécutif, il est cependant essentiel de ne pas exposer l'Etat à des dangers peut-être inutiles à prévoir, mais nécessaires à prévenir. Il paraîtrait donc très-convenable que toutes les fois que le pouvoir exécutif donnera des ordres à cette milice, ils soient par lui adressés aux municipalités pour être mis à exécution.
La France contient 25,065,883 personnes, de tout âge et de tout sexe, dont 13,270,176 femmes; reste, pour les hommes, 11,795,707. De ce nombre, les deux tiers au-dessus de 40 ans, ou au-dessous de 18, laissent encore 3,931,902 hommes en état de porter les armes. Supposant que des motifs particuliers réduisent encore aux deux tiers ce dernier nombre, nous aurons toujours plus de 2 millions d'hommes armés.
Cette milice ne marcherait que dans le cas où le royaume serait attaqué par des forces étrangères, ou, dans le cas de tumulte, d'après la demande des officiers préposés pour cet objet, et dans les formes qui seront indiquées.
Chaque district aura un ou plusieurs bataillons, chaque bataillon sera de 1,000 hommes, ce qui formera deux mille corps particuliers. Dans le nombre de ces corps, il y en aura de cavalerie. Les villes compléteront leurs bataillons avec les hommes des campagnes de leur arrondissement.
Les bataillons de 1,000 hommes seront divisés en dix compagnies, de chacune 100 hommes; il y aura un chef à la tête de chaque corps, trois officiers par compagnie, et quatre bas-officiers; il y aura en outre un officier général dans chaque division.
Le choix des officiers et des bas-officiers se fera progressivement depuis le soldat jusqu'aux premiers grades, dans uue forme qui sera indiquée.
Les milices, telles qu'elles existent aujourd'hui, seront et demeureront supprimées.
La milice nationale sera chargée de la police de toutes les villes, et de la police intérieure seulement dans les places de guerre.
La maréchaussée sera dorénavant payée par lés districts, et aux ordres des municipalités.
La milice nationale viendra à l'appui de cette maréchaussée toutes les fois qu'elle aura besoin de forces nouvelles.
Le système qui s'est établi depuis quelque temps, de tenir" une multitude innombrable de milices nationales sous les armes et en activité continuelle, huit à l'industrie, au commerce et à l'agriculture. Si ce système a pu offrir des avantages contre le despotisme, Sa prolongation tendrait à détruire la liberté, et causerait une p.erte de travail considérable, qui ne pourrait être que funeste à l'Etat. On peut porter à 200,000 le nombre des hommes de garde, ce qui, à raison de 20 sous par jour pour chaque homme, ôte, en quelque sorte, 200,000 livres par journée à la France.
La constitution étant assurée, et les troubles dissipés, il sera utile, sans doute, d'inviter toutes les municipalités à former dans le sein des villes ou villages, des dépôts d'armes où l'on aurait recours au premier signal donné; le peuple, ainsi tranquille, et prêt à repousser toute attaque, pourrait se livrer tout entier aux travaux habituels des Villes et de la campagne.
DES TROUPES RÉGLÉES, DES DEVOIRS QU'ELLES ONT
A REMPLIR ENVERS LA NATION, DES OBLIGATIONS
DE LA NATION ENVERS ELLES.
L'armée ne peut ni ne doit jamais agir contre la cation qu'elle représente, mais elle peut et doit agir contre tout attroupement de citoyens qui tendraient à troubler la tranquillité publique, avec cette seule condition que la réquisition faite aux troupes ait lieu d'après ce qui aurait été réglé à ce sujet par l'Assemblée nationale.
Pour se conformer à ce principe, l'armée prêtera donc le double serment de fidélité à la nation qu'elle doit défendre, et au Roi à qui elle doit obéir.
Le serment de l'armée sera répété tous les ans, les corps étant rassemblés, et les chefs à leur tête. Ce serment sera prononcé par une personne de la loi. Les officiers municipaux de l'endroit où seront les troupes se trouveront présents à ce serment, qui sera fait dans la forme suivante:
« Vous jurez et promettez de ne jamais porter les armes contre la nation, de la défendre contre toute attaque, de ne marcher contre tout attroupement, sous quelque prétexte que ce soit, que sur la réquisition de la loi, ou dans le cas urgent d'une émeute incendiaire, sur l'ordre du magistrat qui en sera responsable et d'après la connaissance que vous en aurez eue à la tête de vos détachements. Vous jurez également d'obéir au Roi, d'être fidèles à vos drapeaux, et soumis a vos chefs et à la discipline militaire. »
Tout olficier, qui aurait à faire marcher des troupes pour une expédition de quelque genre qu'elle fût dans l'intérieur du royaume, serait donc obligé de notifier à sa troupe que ce n'est que sur la réquisition des officiers de la loi. Les chefs de ces détachements seront obligés en outre de reproduire de pareils ordres et réquisitions pour leur garantie et leur sûreté.
Les officiers militaires ne pourront jamais être
porteurs d'aucun ordre qui tendrait à gêner la liberté des citoyens.
Les troupes qui composent l'armée doivent vivre sous un même régime,sous les mêmes lois, et profiter des mêmes avantages. L'expérience a prouvé que les corps étrangers ne Connaissent qu'une obéissance aveugle ; de pareils corps, con* traires par leur constitution à l'intérêt des peuples, sont d'autant plus dangereux, que plus le despotisme sera consommant et avide, et plus il aura de moyens de se les attacher et de les mouvoir à son gré. 11 n'est donc pas admissible, dans une constitution dont le bonheur national doit être le seul but, d'attirer dans son sein desétran1-gers armés; il sera donc établi qu'il n'y aura plus à l'avenir des troupes étrangères en France.
La nation s'occupera sans doute du sort d'és troupes étrangères actuellement existantes, et s'empressera de les conserver à des titres convenables.
Les Suisses, attachés à la France depuis des siècles, méritent d'être exceptés de cette règle; ils sont au moment de renouveler leur traité. Ne pourrait-on pas le faire à des conditions adaptées aux circonstances?
La manière de recruter les troupes françaises ne doit plus avoir lieu ; elfe est contraire aux bonnes murs et à l'ordre public. Les mêmes districts qui auront eu des tribunaux de second ordre, ceux qui concourront aux élections, fourniront au recrutement de l'armée: ces districts doivent nécessairement avoir pour base de leur ressort leur population.
Chaque régiment portera le nom de son district. 11 résultera de cette organisation d'armée, que ces régiments ressembleront au corps des grenadiers royaux; l'on sait quelle réputation ce corps a toujours méritée.
Les compagnies eû masse 'appartiendront aux capitaines.
Les garnisons ne changeront point. L'armée sur pied ne sera sous les armes que six semaines chaque année; les trois quarts des soldats seront en congé pendant dix mois et demi et il ne restera ainsi qu'un quart des soldats sous les drapeaux. Le soldat, chez lui, pourra se marier, et ne laissera ni l'embarras, ni l'inquiétude que pourraient donner les soins qu'exii>erait sa famille ; les ouvriers se répandront dans les ateliers et, si ces ressources particulières, que l'industrie sait trouver* manquaient aux soldats, ils seraient employés, sur la demande des assemblées d'administration, à des travaux payés, tels que ceux d'ouvrir des canaux, de réparer des chemins, ou d'autres objets d'utilité publique.
L'armée, engagée, prendra rang parmi les mî*-lices nationales toutes les fois qu'elle ne sera pas dans ses garnisons, et comptera parmi elles.
En admettant ce système d'économie, et même de richesse pour l'Etat, puisque la terre ne fournit rien sans travail, et que tout travail exige des bras, il est nécessaire de prolonger le ter-me des engagements, et de bonifier le sort du soldat et celui de l'officier.
D'après les dispositions ci-dessus proposées, le soldat, après huit ans de service, n'aura été que douze mois sous les drapeaux ; on peut prolonger le terme de son engagement, et il ne faut pas le réduire à un moindre salaire que celui que gagne un manuvre qui n'est exposé ni aux dangers, ni aux fatigues de la guerre.
Ce qu'on donne d'engagement, dans ce moment-ci, au soldat, est une dérision ; 100 livres qu il reçoit, divisées en huit ans, font 12 livres
10 sous de gages par an. Si l'on en donne davantage, c'est par des inventions révoltantes et par des ressources odieuses aux troupes et à la société. A l'avenir, le soldat recevra 50 livres de gages par an, et le cavalier 60. Sur quoi on prélèvera 38 livres par an sur l'infanterie et 45 sur la cavalerie. De cette manière le soldat, au bout du terme de son engagement, aura, dans l'infanterie, 532 livres 14 sous, et dans les troupes à cheval, 645 livres ; ce qui fera une masse totale de plus de 120 millions, à cause des intérêts progressifs, à 4 0/0, pendant douze années. Cette somme sera déposée dans la Caisse nationale, et sera un sûr garant de la fidélité et de la bonne conduite des engagés.
Le soldat français se contente facilement : tout ce qui n'est pas misère ou dureté lui paraît un bienfait. Le soldat formé, même lorsqu'il sera sous les drapeaux et dans les villes, pourra travailler, quand il ne sera pas de service. Son travail, d'après la paye qu'il reçoit, pouvant toujours être à meilleur marché que celui des ouvriers, il en résultera que ceux-ci seront obligés de relluer dans les campagnes où ils sont nécessaires.
Le soldat, plus riche, pourra choisir de faire son ordinaire en commun, ou de manger seul. Toutes les retenues qu'il supporte n'auront plus lieu. Le service sera recherché par les hommes qui ont une profession et qui s'en occupent, puisqu'il ne fera que bonifier leur état sans le changer. Le soldat pourra se retirer du service sans qu'on soit en droit d'exiger de lui autre chose que de se faire remplacer par un homme instruit. Le soldat, citoyen pendant dix mois et demi de l'année, ne perdra point le respect pour les lois, et conservera ses murs. Le sort qui lui est destiné rendra sa désertion peu fréquente, et la peine qu'il subirait, s'il était arrêté, serait d'être condamné à reprendre le régime sous lequel il est aujourd'hui, et de perdre la réserve faite sur ses gages.
11 ne suffira pas aux représentants de la nation de comparer le sort des officiers à ce qu'il est pour le rendre ce qu'il doit être. Le militaire étant un métier, chacun apportant les mêmes soins pendant la paix, chacun étant exposé aux mêmes risques pendant la guerre, il n'est ni juste, ni utile qu'il y ait des distinctions entre des personnes égales en mérite auprès de la nation; elle a donc le droit d'exiger que les actions et les talents soient récompensés, et ce sera à l'avenir les seuls motifs de préférence ; dès lors l'avancement sera le prix des vrais services de l'ancienneté et du mérite personnel.
Depuis le grade de capitaine jusqu'à celui de général, tous les officiers de l'armée concourront ensemble pour l'avancement. Les promotions aux grades supérieurs ne pourront regarder que les trois plus anciens capitaines de chaque corps ; ils seront avancés d'après le vu de tous les capitaines et de l'état-major de leur régiment. Arrivés au grade d'officier supérieur, il n'y aura plus qu'une ligne d'avancement et le temps de guerre sera le seul où l'on pourra s'écarter de cette méthode.
Le temps de service, chaque année, pour les deux tiers des officiers, sera réduit à cinq mois. Les appointements, dans le grade de capitaine, "sur le tarif actuel, seront augmentés, ainsi que ceux de tous les officiers d'un grade supérieur.
La jeunesse peut supporter des privations ; mais elles deviennent pénibles pour l'âge mûr. Il n'y aura aucune différence pour tous les grades
dans le terme fixé pour la décoration militaire, et l'époque en sera rapprochée.
Enfin, dans chaque division, on prendra un moyen pour assurer le sort des anciens officiers qui ne voudront point continuer leur service. Le traitement qui leur sera fixé ne deviendra jamais, onéreux à l'Etat.
Il y aura une masse pour les officiers comme pour les soldats, qui sera déposée dans la Caisse nationale. 11 leur en sera tenu compte, ainsi que des intérêts, après vingt années de service.
DE L'ORGANISATION DE L'ARMÉE, DU NOMBRE DE
TROUPES DE CHAQUE ARME ; TOTAL DES DÉPENSES
DE L'ARMÉE ACTIVE.
Le système des trop grandes économies pour l'année* a été remarqué comme dangereux': il est utile d'observer que ce n'est pas sur des objets de peu de dépense qu'on peut espérer de les diminuer. Il est généralement reconnu que ce qu'il y a de plus coûteux, dans les troupes actives, est la cavalerie, l'artillerie et le génie. Il existe plusieurs moyens d'économie sur ces objets : il est utile de les accueillir et de les discuter soigneusement.
Une bonne armée sera d'autant plus utile à la France, qu'elle lui permettra de choisir ses alliés et d'inspirer de la crainte à ses ennemis : elle la dégagera de ce système de subsides honteux à la fois et ruineux pour l'Etat. Vingt-cinq millions d'hommes libres, un numéraire Immense, une force militaire bien organisée, n'ont rien à redouter de toute l'Europe.
L'armée, composée de sept divisions, aura, dans chacune de ces divisions, un nombre de troupes de chaque arme, de manière que, sans déranger l'ordre général, on pourra en tirer, soit une division, soit une subdivision, sans que toutes les autres parties de l'armée en soient moins complètes. Il y aura un mois de réunion dans les garnisons ou dans les quartiers, et quinze jours dans les camps. Le temps de ces rassemblements, qui se feront par divisions, ou par subdivisions, sera choisi, suivant les provinces, pendant le temps où la terre n'a pas besoin de soins.
L'armée permanente sera portée à 56,162 hommes.
L'armée sur pied, rassemblée pendant six semaines, et toujours prête à marcher dans l'espace d'un mois, sera composée de 227,648 hommes, officiers ou soldats, non compris la maison du Roi.
Dans le nombre de ces troupes, il y aura d'infanterie.................... 160,794 hommes.
De troupes à cheval....... 49,640
D'artillerie............... 17,062
L'Assemblée nationale prendra les moyens d s'assurer que ce nombre d'hommes sera complet, les sommes payées par l'Etat pour cet objet ne devant pas avoir une autre destination.
DÉPENSES DES TROUPES DANS LE SYSTÈME PROPOSÉ AVEC L'AUGMENTATION DE SOLDE.
Il est difficile de fixer précisément quelles seront les économies. L'armée est aujourd'hui entre deux systèmes de dépenses, qui n'ont pas pu être bien assurés. Nous ne pouvons pas, en ce moment, offrir des calculs bien exacts; mais on peut annoncer d'avance qu'ils ne passeront pas ce qui va être présenté, et on espère même montrer
-des résultats satisfaisants, si l'on se presse de prendre un parti sur le sort des troupes ; il en coûtera (!) :
Pour l'infanterie....................40,612,706 livres.
Pour la cavalerie....................30,062,567
Pour les légions......................4,818,234
Pour l'artillerie et l'entretien
des places....................................10,000,000
Pour les officiers généraux. 1,400,000
Pour l'état-major de l'armée. 226,000 Traitement du ministre; bureaux ; gratifications; état -major des places; dépense des
rassemblements..........................2,839,492
Total approximatif en chiffres ronds .................. 90,000,000
Il y aura pour l'armée un code de délits et de peines, suivant les principes qui seront adoptés pour l'ordonnance criminelle.
L'obéissance militaire exige des punitions promptes, et prononcées par celui qui est chargé du pouvoir; mais aucune puissance n'a jamais pu dire : « vous serez injuste, vous aurez droit d'être injuste. » G'est cependant ce qui arrive dans les troupes, et ce qui doit arriver, puisque la même personne connaît le délit, et qu'elle fait l'application de la loi sans appel. Pour éviter cet inconvénient, il y aura un tribunal dans chaque division qui jugera toutes les réclamations. Il y aura en outre, pour tous les délits militaires, un code de lois auquel les troupes seront soumises; ce code sera fait ainsi qu'il a été annoncé, par le concours de magistrats et de quelques personnes de l armée.
D'après les principes ci-dessus établis, ie propose : J *
Art. 1er. Que l'Assemblée nationale fixe le nombre de troupes nécessaires à la défense du royaume, comme la représentation de la partie de 1 impôt destiné à la défense des propriétés et à la sûreté des personnes.
Art. 2. Que le pouvoir militaire ne peut exister
fégislatifU'en Y0rtU deS lois décrétées Par le GorPs
Art. 3. Que les représentants de la nation demandent que tout ce qui a rang dans l'armée, puisse trouver dans l'avenir de justes motifs d'émulation, et assurer aux troupes une constitution qui ne pourrait changer que d'après le concours du Roi et de la nation:
Art. 4. Qu'il soit fixé de grandes divisions et des subdivisions pour l'emplacement des troupes.
Art. 5. Qu'il soit créé une milice nationale, et que personne ne puisse s'exempter de s'y présenter ou de s'y faire représenter.
Art. 6. Qu'il n'y ait de personnes armées dans le royaume que les propriétaires ou ceux qui ont le titre de bourgeois, dans les villes ou bourgs.
Art. 7. Que le Roi est le chef de l'armée, et que toutes les ordonnances militaires doivent émaner
* o11 tant (lu'elies sont conformes aux lois.
Art. 8. Que tous les ordres donnés par le Roi aux milices nationales seront adressés aux municipalités.
Art. 9. Qu'il y ait dans le royaume deux mille bataillons de milice, dont la
formation sera fixée par 1 Assemblée nationale.
Art. 10. Qu'il y ait six grandes divisions dans le royaume pour les milices, et un nombre de districts déterminé; que la maréchaussée appartienne à ces districts.
Art. 11. Que le tirage des milices n'ait plus lieu.
Art. J 2. Qu'après que la constitution aura été faite et sanctionnée, les villes forment des dépôts d'armes, et qu'elles ne conservent, pour leur garde que le même nombre de troupes qu'elles avaient précédemment.
Art. 13. Que les troupes réglées prêtent serment à la nation et au Roi tous les ans, dans la forme qui aura été arrêtée.
Art. 14. Que tout officier ne puisse marcher contre une émeute que sur la réquisition des municipalités et jamais sans avoir lu cette réquisition à la tête de sa troupe ; que la représentation de pareilles réquisitions soit toujours nécessaire pour sa décharge.
Art. 15. Qu'à l'avenir il n'y ait plus de troupes connues sous le nom de corps étrangers, si ce n'est des troupes suisses avec lesquelles il sera fait un traité, suivant l'intérêt des deux puissances.
Art. 16. Qu'on pourvoie au sort des troupes étrangères, de manière qu'elles reçoivent la récompense de leurs services et de leur zèle.
Art. 17. Qu'on s'occupe de bonifier le sort du soldat et celui de l'officier ; que l'armée ne soit plus recrutée que par les districts et dans la forme qui sera prescrite.
Art. 18. Que l'armée permanente sous les armes soit composée de 56,162 hommes, et que l'armée sur pied et réunie par divisions et par subdivisions, pendant six semaines chaque année, soit composée de 227,648 hommes, non compris la maison du Roi.
Qu'il y ait dans cette armée :
160,794 hommes d'infanterie 49,640 de cavalerie. 17,062 d'artillerie.
Art. 19. Que les représentants de la nation prennent un moyen de s'assurer que ces troupes sont présentes et prêtes à marcher.
Art. 20. Que les troupes en totalité, prêtes à marcher à la défense de l'Etat, ne coûtent que 90 millions de livres.
Art. 21. Qu'il y ait un code de punitions militaires établi de manière à ce que l'exactitude de la discipline ne puisse jamais nuire à l'esprit de justice qui doit en être le principe.
Art. 22. Que l'Assemblée nationale prenne les mesures pour que les ordonnances qui fixent le sort de l'armée soient stables, et que tous les individus qui la composent puissent espérer la récompense de leur émulation.
Tels sont les divers objets par lesquels la puissance militaire me paraît intimement liée à la puissance législative. Je propose à l'Assemblée nationale de nommer incessamment un comité pour s'occuper de ces objets importants, des lois qui y sont relatives et qu'il est nécessaire de promulguer. Je désire que l'utilité de ce comité soit prouvée par le travail que je publie. Je pense qu en adoptant une partie de ces vues, on assurera à l'Etat une force qu'il sera difficile de balancer. Je pense en outre que c'est Je seul moyen de conserver sans danger le principe militaire : que ce n'est pas aux troupes à juger les ordres quelles reçoivent et qu'elles doivent toujours exécuter ponctuellement.
(La motion de M. le vicomte de Noailles est renvoyée au comité militaire.)
fait ensuite lecture d'une lettre du lieutenant particulier du bailliage de la Charité, qui annonce que sa compagnie a décidé de rendre la justice gratuitement.
communique ensuite une lettre du sieur Lafeuillade, maître de la pension académique de Nantes, qui accompagne un acte en forme de délibération de la part de ses élèves qui consacrent à la patrie les sommes qui leur sont accordées pour leurs menus plaisirs, montant avec 300 livres données par le maître lui-même, à 961 livres 12 sous.
rapporte le procès-verbal de la
S restation de serment de la garnison de la ville e Metz, et fait remarquer que les officiers généraux,qui commandent dans la province, n'ont pas eux-mêmes prêté ce serment.
Au moment où la discussion paraissait s'établir sur cette observation, l'Assemblée témoigne le désir qu'elle a de se renfermer dans l'ordre du jour.
consulte son vu en la forme ordinaire, et il résulte de cette délibération, que l'ordre du jour sera inviolablement suivi, et la discussion sur l'observation, dont il vient d'être rendu compte, renvoyée à la séance du soir du samedi 19 de ce mois.
Le comité de rédaction rapporte à l'Assemblée le décret sur la libre circulation des grains, qu'il avait été chargé de rédiger; après l'avoir discuté et réformé en quelques parties. l'Assemblée l'adopte, et en conséquence décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale convaincue, d'après le rapport qui lui a été fait par le comité des subsistances, que la sûreté du peuple, relativement aux besoins de première nécessité, et sa sécurité à cet égard, si nécessaires à l'entier rétablissement de la tranquillité publique, sont essentiellement attachées en ce moment à une exécution rigoureuse de son décret du 29 août dernier, a décrété et décrète :
1° Que toute exportation de grains et farines à l'étranger, et toute opposition à leur vente et libre circulation dans l'intérieur du royaume, seront considérées comme des attentats contre la sûreté et la sécurité du peuple, et qu'en conséquence" ceux qui s'en rendront coupables seront poursuivis extraordinairement devant les juges ordinaires des lieux, comme perturbateurs de l'ordre public.
2° Que ceux qui feront transporter des grains et farines dans l'étendue de trois lieues des frontières du royaume, autres néanmoins que les frontières maritimes, seront assujettis aux formalités prescrites pour les transports par mer, par l'article 2 du décret du 29 août dernier.
3° Que dans l'un et l'autre cas, on sera tenu de donner bonne et suffisante caution devant les officiers municipaux du lieu du départ, de rap-
Sorter le certificat de déclaration signé et visé
es officiers municipaux des lieux de la destination et déchargement,lesquels certificat et déclaration seront délivrés sans frais, et que faute de rapporter lesdits certificat et déclaration dans tel délai qui sera fixé par les officiers municipaux des lieux du départ, suivant l'éloignement des lieux du déchargement, il sera prononcé contre les contrevenants, par les juges ordinaires, une
amende égale à la valeur des grains et farines déclarés.
4° Que ceux qui contreviendront à l'article 2 du décret du 29 août, et à l'article 3 ci-dessus, encourront la peine de la saisie des grains et farines et de leur confiscation, les frais de saisie et de vente prélevés, au profit des hôpitaux des lieux ; et sera.au surplus, la connaissance des contraventions prévues par les deux articles ci-dessus, attribuée aux juges ordinaires, lesquels y statueront sommairement et sans frais.
5° Que néanmoins ceux qui auront importé dans le royaume des blés venant de l'étranger, et qui en auront fait constater l'introduction, la quantité, la qualité, et le dépôt par les municipalités des lieux, auront la liberté de les exporter, si bon leur semble, en se conformant aux règles et formalités établies pour les entrepôts.
Sera Sa Majesté suppliée de donner les ordres nécessaires pour la pleine et entière exécution du présent décret et de celui du 29 août dernier, dans toutes les villes et municipalités, paroisses et tribunaux du royaume, et d'enjoindre très-expressément à tous les officiers de police, municipaux et autres, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer au commerce intérieur des grains et farines la liberté, sûreté et protection, et de requérir les milices nationales, les maréchaussées, et même, au besoin, les autres troupes militaires, pour prêter main-forte à l'exécution de ces mesures. »
L'Assemblée charge son président de présenter incessamment ce décret au Roi, en le suppliant de le revêtir de sa sanction.
, membre du comité de rapport, a rendu compte de quelques plaintes, desquelles il semblait résulter que les officiers municipaux de Mâcon et le comité établi dans cette ville s'étaient érigés en tribunal, et avaient prononcé et fait exécuter des condamnations à mort contre différents particuliers prévenus de pillage et d'incendie.
L'Assemblée, après en avoir délibéré, arrête de renvoyer cette affaire au pouvoir exécutif, en l'invitant à y pourvoir le plus promptement possible, et la séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
ouvre la séance à l'heure ordinaire et dit que la dame veuve Leprévôt, ci-devant marchande, .demeurant à Paris, quai de Gonty, l'a prié de faire agréer à l'Assemblée nationale l'offre de quelques pièces d'argenterie, consistant en deux plateaux oblongs, de 19 pouces de longueur, en une cuvette ovale de 12 pouces sur un plus grand diamètre et un sucrier avec sa soucoupe et son couvercle.
Cette offre généreuse est acceptée avec applaudissements et l'argenterie est envoyée
à la caisse patriotique.
propose de faire imprimer, chaque semaine, l'extrait du registre des dons patriotiques.
Cette proposition est mise en délibération ; l'Assemblée décrète que cette feuille sera imprimée et distribuée chaque semaine.
observe que la place d'archiviste ne l'oblige qu'à la garde des papiers; il demande en conséquence a être déchargé du soin de l'argenterie et des bijoux déposés provisoirement aux archives et propose de nommer un trésorier de la caisse patriotique.
Après discussion, l'Assemblée décide qu'il sera nommé au scrutin et à la pluralité des suffrages, trois trésoriers qui garderont chacun une clef différente du dépôt.
rend compte d'une lettre de M. Sauvage, de l'académie royale de peinture, ui expose qu'enflammé du désir de se joindre à ses concitoyens pour être utile à la nation, et quoiqu'il n'ait ni fortune, ni biens-fonds, ni pensions, ni rentes, désirant cependant de suivre les exemples des dignes patriotes qui l'ont précédé, il prie la nation d'agréer l'hommage qu'il lui fait de 2 0/0 des sommes qui lui sont dues pour ouvrages par lui faits aux bâtiments du Roi, et dont le mémoire, arrêté par M. Pierre, premier peintre du Roi, est présentement entre les mains de M. Guvillier, premier commis des bâtiments. 11 désire que son exemple soit imité par les autres créanciers de l'Etat, quels qu'ils soient; et il joint à sa lettre la déclaration de prendre pour comptant, lors de son payement, la remise qu'il olfre.
L'Assemblée a agréé l'offre avec l'éloge qu'elle mérite.
dit que M. Malpart a composé Un mémoire sur les gabelles, qu'il dit être le fruit de 40 ans d'expérience; qu'il en fait hommage à i'Assemblée, «et la prie de vouloir bien en ordonner l'impression.
L'Assemblée Ordonne que le mémoire sera imprimé et distribué à chaque député.
ajoute qu'il a reçu ce matin une députation de Messieurs de la garde nationale Rouennaise escortant un convoi de blé, qui l'ont prié de rendre compte à l'Assemblée de leurs travaux et de leur générosité, et de lui demander son approbation. L'Assemblée la leur accorde par acclamation.
Après quoi, un des secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille, et de différentes adresses d'adhésion, remerciements, demandes, ou comptes rendus des serments prêtés par les troupes, ou des établissements des milices bourgeoises des villes de Nîmes, Sancoins, Rue, Toulon, Saint-Maximin, Orthez, Reaugency et Luçon. 11 lit aussi une déclaration de la noblesse de la sénéchaussée de Draguignan en Provence, remise par MM. le vicomte de Raffelis de Rroves.et le comte Lassigny de Juigné,députés delà noblesse de cette sénéchaussée, qui approuve et ratifie le vu de ses députés pour l'abandon des privilèges lors des arrêtés de l'Assemblée nationale à la séance du 4 août.
rappelle l'ordre du jour, relatif aux différentes motions faites la veille; l'une, tendant à l'établissement d'un comité de soixante-quatre membres, dont deux de chaque généralité, qui serait chargé d'examiner la réponse du Roi
sur les arrêtés du 4 août, et de proposer lés observations et avis à ce sujet ; l'autre, pour renvoyer cet examen au comité déjà subsistant; la troisième, pour décider si la sanction pouvait être refusée aux actes du pouvoir constituant; la quatrième, pour que M. le président fût chargé cïe demander au Roi la promulgation des arrêtés du 4 août et jours suivants; et la dernière, tendant à laconvocation d'une nouvelle Assemblée nationale^ qui viendrait incessamment relever celle-ci.
demande que le président se retire sur-le-champ, par devers le Roi, pour supplier Sa Majesté de faire promulguer les arrêtés du 4, et l'assurer que l'Assemblée nationale prendra dans la plus grande et la plus respectueuse considération ses observations sur plusieurs articles, lorsqu'elle s'occupera de la rédaction des lois de détail.
demandela parole pour combattre la motion de M. Duport, ec solliciter la priorité pour celle présentée hier par M. de Volney. M. de Volney retire sa motion pour le moment ; M. le vicomte de Mirabeau y consent.
Vous avez décrété hier soir que votre président se retirerait aujourd'hui par devers le Roi, pour demander la promulgation de votre arrêté relatif à la circulation des graius.
Cette promulgation devient tous les jours plus instante;quelques provinces, telles que le Luxent bourg, la Normandie, etc., sont les lieux des spéculations les plus nombreuses et les plus nuisibles à ce commerce. Votre président n'a pas encore vu le Roi ; je pense donc que l'Assemblée, loin de s'occuper de quelques motions incidentes, doit s'arrêter d'abord à celle de M. Duport, afin que le président se retire aujourd'hui, ce matin, devers le Roi, pour demander la promulgation de vos arrêtés du 4, et surtout de celui qui concerne les grains.
appuie fortement cet avis, et fait sentir que c'est de l'union qui doit régner entre les pouvoirs exécutif et législatif que sort leur forcé et leur énergie.
veut poser la question.
s'y oppose ; il demande la continuation de la discussion.
Plusieurs réclamations s'élèvent contre cet avis, et l'Assemblée décide enfin que la discussion est fermée.
, e'vêque de Chartres, Temê-sente qu'on aurait dû faire d'abord passer la motion de M. de Volney. {Murmures.) 11 ajoute que le règlement défend de décider aucune question dans le jour même où elle est proposée, si elle n'est urgente. Cette motion est nouvelle, elle est complexe, puisqu'elle est composée de la motion d'hier et de la détermination, du moment.
L'Assemblée est consultée sur l'urgence de la dernière partie : elle décide l'affirmative.
La discussion n'est pas fermée sur le dernier objet, et M. l'évêque de Chartres a la parole.
(On réclame de toutes parts.)
11 n'y a point de motion nouvelle, mais seulement une rédaction de la
motion faite et discutée hier. En effet j'avais proposé hier que M. le président se retirât, sans délai, devers le Roi, pour demander la promulgation de nos décrets des 4 août et jours suivants; ma motion fut discutée conjointement avec la rédaction qu'en proposa M. le duc de la Rochefoucauld; et c'est sur cette seule et unique motion que l'Assemblée a décidé que la discussion était fermée.
avoue l'erreur qu'il a commise, et que M. Le Chapelier vient de détruire. Il fait lecture de l'arrêté rédigé par M. Duport, qu'il soumet à la discussion de l'Assemblée.
Cet arrêté est presque unanimement adopté, et M. le président se retire pour exécuter le décret de l'Assemblée, qui est conçu dans les termes suivants :
L'Assemblée décrète que M. le président se retirera sur-le-champ par devers le Roi, pour le supplier d'ordonner incessamment la promulgation des arrêtés des 4 août et jours suivants, assurant à Sa Majesté que l'Assemblée nationale', lorsqu'elle s'occupera des lois de détail, prendrait dans la plus grande et la plus respectueuse considération les réflexions et observations que le Roi a bien voulu lui communiquer ;
Que M. le président suppliera aussi Sa Majesté de revêtir de la sanction royale les décrets du 19 août et du 18 de ce mois relatifs aut grains.
, évêque de Langres, prend la place de président, et propose pour l'ordre du jour la discussion de la motion de M. de Volney.
demande qu'on s'occupe de la motion proposée ii y a quelques jours par M. Le Chapelier.
demande qu'on s'occupe plutôt de l'organisation des assemblées provinciales et des municipalités. 11 propose :
Premièrement un comité composé d'un membre à prendre dans chaque généralité, pour aviser à la distribution des assemblées provinciales dans les diverses parties du royaume;
Secondement, que, pour la détermination des lieux où les districts et municipalités seront établis, ce comité appelle les députés des provinces;
Troisièmement, que l'on s'occupe en assemblée générale d'établir le nombre et la qualité des personnes qui doivent composer les diverses assemblées, et de régler le temps et l'ordre des convocations.
(1). Il doit paraître bien étonnant, Messieurs, qu'une motion qui a été saisie hier avec un enthousiasme rare, sans qu'il se soit élevé une seule réclamation, ne trouve aujourd'hui que des contradicteurs, quand il s'agit d'établir sa priorité.
L'approbation unanime qu'elle a obtenue, quant au fond, a prouvé, ce me semble, deux
choses : la première,que nous voulons tous le bien, quoique par des routes différentes
; la seconde, que nous croyons qu'il est impossible de l'opérer par la diversité de
nos opinions et de nos moyens. Si cette conviction est entière en nous, nous ne devons
pas balancer à donner la priorité à la motion de M. de Volney sur toute autre; car le
seul argument qu'on ait cherché à faire valoir en faveur
Les institutions humaines ne se perfectionnent que par le temps et l'expérience. Une troisième convocation sera certainement encore plus parfaite; cette Assemblée sera sans doute un jour digne d'être comparée aux plus augustes assemblées politiques du monde, et nous jouirons, sans envie, car nous aurons par devers nous la gloire d'avoir frayé la route, lorsqu'elle était cruellement épineuse.
Toutes ces considérations, Messieurs, me portent à appuyer la motion de M. de Volney quant au fond, et de demander qu'elle obtienne la priorité sur toute autre, vu son importance.
Je désire seulement qu'on admette deux amendements, auxquels l'auteur de la motion m'a paru lui-même acquiescer: le premier, que nul membre de l'Assemblée actuellement existante ne puisse être réélu pour cette fois. Je ne chercherai point à développer les avantages de ce premier amendement; ils sont renfermés, je crois,dans ces mots: ce ne seront pas les mêmes. Il est un second amendement que je crois au moins aussi nécessaire : c'est qu'aucun des membres de l'Assemblée, quelque voisins qu'ils soient du lieu des élections, ne pourra s'y présenter ou du moins y discuter ni voter, étant censé siéger toujours à l'Assemblée nationale. Il me semble d'ailleurs que c'est l'esprit de la motion de M. de Volney, et notre décision sur cet objet nous fera d'autant plus d'honneur que nous nous serons rendu justice.
Je demande si nous sommes venus ici faire un cours d'épigrammes, et si la tribune est un tréteau.
Je rejette la motion de M. de Volney, quant à présent; je rejette aussi celle de MM. le Chapelier et Camus ; et quoiqu'elles puissent avoir de grands objets d'utilité, je pense que nous devons nous occuper exclusivement de la constitution : j'opine donc à ce que votre comité de constitution soit sommé de nous communiquer son travail, d'après lequel nous devons continuer nos opérations.
Nous avons pris un ordre de travail établi dans des propositions de M. Guillotin, et je demande qu'on discute la troisième question. Cette question ne peut être ajournée, parce qu'on ne peut ajourner, des principes constitutionnels ; je rejette la motion de M. de Volney. En l'adoptant, Messieurs, quel serait celui
d'entre nous qui oserait retourner dans sa province, sans avoir fait au moins la constitution que nous avons promise et qu'on a le droit de nous demander ?
(1). Messieurs, quoique personne ne soit plus pénétré que moi de l'importance de marcher à grands pas dans la constitution, quoique j'aie eu l'honneur quelquefois de vous exhorter à éloigner les accessoires pour arriver à ce but désiré, j'ose combattre aujourd'hui la motion du préopinant, qui vous semble agréable, et qui tend, je l'avoue, a un objet essentiel : la formation des lois relatives à l'établissement des assemblées provinciales.
Quelque intéressantes que doivent être ces assemblées, pour le bonheur public, regretterait-on d'en avoir différé l'établissement de quelques jours, si un objet plus pressant encore réclamait impérieusement et sans aucun délai votre attention tout entière ?
Je voudrais donc éloigner seulement la motion proposée, et lui en substituer une dont la discussion me paraît devoir précéder toutes les autres.
En effet, je ne serai point taxé d'exagération, si j'affirme qu'il serait impossible de poser toutes les questions relatives aux assemblées provinciales, d'entendre les amendements, de discuter les sous-amendements, de voter sur les questions préalables, de délibérer, de rédiger, de prendre les voix, de prononcer les décrets, d'en obtenir la fonction,avant six semaines ou deux mois.En bien plus de temps nous avons fait moins de choses. Eh bien ! la nécessité seule de ce délai indispensable élève un obstacle invincible contre la motion du préopinant.
Par cela même que le complément de son exécution exigerait deux mois de temps, nul pouvoir ne pourrait en assurer le succès : pour l'espérer raisonnablement, il faudrait que la situation des choses permît d'exister encore deux mois dans l'état où nous sommes, et voilà ce qui, malheureusement, n'est plus dans la classe des choses possibles.
Ici, Messieurs, je vais vous apprendre des vérités terribles; il y a longtemps qu'elles se préparent devant moi ; il y a plusieurs jours qu'elles se sont développées à mes yeux, et si la prudence a jusqu'ici suspendu ma voix, le silence aujourd'hui me semblerait un crime. Quand l'orage est formé sur nos têtes, quand il est près d'éclater, quand il n'est plus qu'une chance pour en détourner les influences malignes, celui-là serait coupable, qui, l'ayant entendu gronder, ne vous avertirait pas du péril.
On a dit dans cette tribune, qu'il fallait lever tous les voiles. Je les déchire tous. La vérité va vous apparaître sous une forme effrayante ; pardonnez-moi le tableau que . je vais vous présenter, mais j'aime mieux vous plonger dans des inquiétudes salutaires, que de vous laisser dans une sécurité dangereuse.
Vous savez tous, Messieurs, que le salut, de l'Etat, que la cohérence de ses parties constitutives, dépendent absolument aujourd'hui de la situation plus ou moins déplorable de nos finances; c'est à leur dérangement que doit se rapporter l'origine de la fiscalité, de la bursalité, de la vénalité, du despotisme et de tous nos maux.
Vous savez tous que le Trésor public est le
Vous savez tous que le ministre des finances est venu dans cette salle, le 7 août. 11 vous a dit: « Voici l'état du Trésor public. J'ai d'ici au 30 septembre 37 millions à recevoir, j'en ai 67 à payer (et il disait au plus bas) : il m'en manque donc 30 pour aller jusqu'à celte époque; et à cette époque il ne me restera rien. »
Qu'avez-vous fait, Messieurs, vous avez décrété un emprunt de 30 millions : il n'a pas été rempli, et les recettes ont diminué, et les dépenses ont augmenté, et les besoins se sont accrus.
Le ministre est revenu vous dire: « L'emprunt a manqué, les fonds manquent aussi, les besoins restent, le danger approche : il faut tenter un nouvel emprunt, et offrir plus d'appât aux prêteurs. »
Vous avez accueilli cette demande comme le seul contre-poison de cette infâme banqueroute, dont vous avez proscrit jusqu'au nom ; vous avez admis le mode offert par le ministre, comme le plus puissant bouclier que la loyauté française pût offrir aux créanciers de l'Etat, et cet emprunt de 40 millions, en espèces, est devenu le seul espoir de la nation.
N'oubliez pas, Messieurs, qu'il n'avait été augmenté de 10 millions que pour remplacer, par cette augmentation, les pertes douloureuses que les insurrections des peuples avaient occasionnées récemment dans les perceptions.
N'oubliez pas que ces 40 millions étaient rigoureusement nécessaires, pour que la balance fût établie strictement entre les recettes et les dépenses du mois d'août et du mois de septembre.
N'oubliez pas qu'il ne devait plus rien rester de cet avoir éventuel, au premier octobre prochain, et qu'on avait espéré qu'alors la constitution achevée aurait fixé les limites des différents pouvoirs, et assuré à chacun d'eux le degré de force dont ils ont tous besoin pour maintenir l'équilibre général.
Eh bien, Messieurs, apprenez aujourd'hui que ce modique emprunt de 40 millions, seule ressource actuelle del'Etat, est bien loin d'être rempli.
Apprenez que les avantages offerts aux prêteurs n'ont pu entamer leur méfiance.
Apprenez avec douleur que, malgré les bruits que la politique a fait répandre, et malgré les efforts redoublés du premier ministre des finances, le Trésor royal n'a pas encore reçu 10 millions.
Apprenez que les étrangers ont refusé de prêter à la nation française; qu'Amsterdam, Hambourg, Gênes, ont dit: « Les emprunts ont causé tous nos maux : un nouvel emprunt ne peut que les augmenter; et s'il vous soutient quelques instants de plus, ce ne peut être qu'un palliatif qui accroît la somme de vos charges, sans diminuer la masse de vos dettes. »
Observez que 30 millions manquent à notre strict nécessaire à la fin de ce mois, et que le mois d'octobre nous surprendra avec moins de 20 millions.
Observez qu'à cette époque malheureuse, si le Trésor est vide, tous les payements cesseront; que l'infâme mot de banqueroute sera prononcé; que les créanciers de l'Etat réclameront en vain la sauvegarde de la loyauté française.
Observez que le mouvement imprimé à tout l'empire, par le payement d'un million qui,
chaque jour,sortait du Trésor public, et, de proche en proche s'épanchait jusqu'aux extrémités des provinces, pour refluer ensuite vers le centre commun, et retourner de nouveau aux extrémités ; observez que ce mouvement peut cesser tout à coup et que de sa cessation s'ensuit la paralysie totale.
Observez que si l'or ne s'écoule pas sans interruption de la caisse publique pour aller chaque jour porter au peuple de quoi payer les impôts, les perceptions, déjà affaiblies, deviendront nulles.
Observez que si les rentiers ne sont plus payés, ils congédieront leurs domestiques ; ils n'occuperont plus aucun ouvrier; que ces malheureux, sans état et sans pain, deviendront une charge publique que l'Etat ne pourra pas supporter, et que, de ces infortunés, le besoin peut-être fera des coupables.
Observez que, si les troupes ne sont pas payées, le jour où le prêt manquera......... .
Observez qu'à cette époque, _ où tant de crimes sont probables, tous les pouvoirs seront anéantis;
Que le pouvoir législatif décrétera en vain;
Que le pouvoir judiciaire prononcera en vain;
Que le pouvoir exécutif ordonnera en vain.
Observez que les ravages de l'anarchie succéderont aux horreurs du despotisme ministériel ; qu'il sera peut-être replacé sur le Trône d'où nous l'avons arraché; que le régime féodal, que vous venez de renverser, peut se relever encore.
Observez que toutes ces conséquences déplorables proviennent d'une seule cause désastreuse: point d'argent ; et que ces vérités sont d'autant plus effrayantes, que le mal est plus imminent, et que, sous trois semaines, l'orage peut éclater.
Donc, et j'ai le droit de le dire, il ne nous est plus permis de penser que nous puissions rester deux mois dans la position où nous sommes.
Donc, il ne nous est pas permis d'admettre une motion, quelque intéressante qu'elle soit, qui exigerait incontestablement un délai de deux mois pour parvenir au but qu'elle se propose.
Mais, me dira-t-on peut-être, puisque le mal est si grand et si prochain, puisqu'il semble qu'on ne peut plus le combattre, la retraite la plus prompte ne serait-elle pas encore le moindre des maux? Ah! Messieurs, nul de nous ne proposera cette question à résoudre : les sénateurs romains attendirent sur la chaise curule les Gaulois et la mort.Lesreprésentants de lanation française s'enseveliraient tous sous les ruines de l'Assemblée nationale, plutôt que de manquer au serment solennel qui, le 20 juin, les unit indissolublement au grand uvre de la constitution.
N'y renonçons pas encore; après être descendus, par Vanalyse, du principe aux conséquences, si vous remontez, par synthèse, des conséquences au principe, vous conviendrez qu'aucun des malheurs dont j'ai eu le courage cruel de vous présenter la série n'existerait, si le Trésor royal était suffisamment garni.
Eh bien, Messieurs, quoique le premier emprunt n'ait eu aucun succès, quoique le second ait manqué de même, quoique tout autre emprunt soit devenu impossible, quoique les étrangers refusent de prêter à la nation, je ne la regarde pas comme perdue; je dis plus, je la crois sauvée, si vous voulez déployer toute votre puissance et taire usage de toutes ses ressources.
Quelques jours encore nous sont accordés ; donnons-les sans réserve au salut de l'Etat, et dès ce moment, Messieurs, au nom de la patrie, permettez-moi de vous proposer les résolutions suivantes:
1° Rejeter, quant à présent, la motion du preo-pinant;
2° Comme il serait inutile d'organiser un corps qui devrait se dissoudre, mais qu'il est urgent de suspendre la dissolution, pour travailler ensuite à l'organisation, déclarer que Y Assemblée nationale éclairée sur la position critique de l'Etat, mais pleine d'espoir en ses ressources, qui toutes, à présent, doivent être dirigées vers la restauration du Trésor public, a résolu de différer de quelques jours les travaux importants de la constitution, pour s'occuper exclusivement, tous les matins, des finances, et tous les soirs, des subsistances et des rapports ;
3° Ordonner que le plan dont je vais avoir l'honneur de vous offrir Je développement, soit renvoyé, après lecture entendue, au comité des finances pour en examiner les détails, en conférer, s'il le juge à propos, avec des personnes éclairées, à son choix, et en faire incessamment rapport à l'Assemblée nationale.
(Le discours de M. de Gouy-d'Arsy soulève de fréquentes et nombreuses protestations.)
Laissez parler M. de Gouy, laissez-le répandre à loisir ses terreurs; l'Etat est en danger, nous avons un remède tout prêt: nous donnerons le céntième, le cinquantième de nos propriétés, s'il le faut, et par ce moyen nous consolerons notre patrie, et nous défendrons son honneur et le nôtre.
(Toute l'Assemblée se lève pour imposer silence à M. de Gouy, qui veut continuer; on l'entoure, on le presse, on le blâme.)
Comme président du comité des finances, je dois affirmer que la motion dictée par le patriotisme de M. le marquis de Gouy n'est nullement avouée de ce comité dont il est membre ; je dois encore assurer, d'après la connaissance que j'ai de l'état actuel de l'emprunt, que les assertions du préopinant ne sont point exactes, et que les faits sont peut-être exagérés : il n'est cependant que trop vrai que les finances sont dans un état dangereux; que le rétablissement des finances doit marcher avec l'établissement de la constitution et la constitution avec elles. Je propose donc que l'Assemblée consacre deux jours par semaine à s'occuper de cette partie importante de l'administration, et à entendre les différents rapports que lui fera son comité chargé de cet objet.
Le comité des finances fera, même ce soir, un rapport exact des connaissances qu'il a recueillies sur l'état actuel de l'emprunt. J'observerai cependant qu'il y a environ quinze jours qu'on avait déjà apporté au Trésor royal 6,828,000 livres ; une soumission de 2 millions qui peut-être est déjà remplie, et qui est faite par la villede Bordeaux; 7 millions en argent de la banque de Paris: ce qui fait en tout 15,828,000 livres argent comptant; à cette même époque, le Trésor royal avait encore reçu 7 millions en effets royaux; ainsi donc le rapport de M. de Gouy est inexact, et blesse autant la vérité qu'il a blessé nos curs.
Je quitte un moment l'ordre du jour pour appuyer la motion du président du comité des finances. Il est certain que si nous ne consacrons jamais aux affaires de son département que des soirées remplies de rapports, et occupées par des hommes rendus de fatigue et privés du temps nécessaire pour méditer et s'instruire, nous serons assaillis au dé-
pourvu par les plus tristes événements. Il est certain que le premier ministre des finances viendra nous déclarer incessament qu'il est forcé de nous rendre responsables de la banqueroute peut-être, certainement de la suspension des payements, et des suites incalculables qu'elle peut avoir. Il est certain que la constitution ne peut plus marcher sans les finances, ni les finances sans la constitution.
Oui, Messieurs, c'est en vain que nous ferions une bonne constitution et des lois sages. Si la clé de la voûte sociale manque, si les perceptions ne se rétablissent pas, si l'autorité lutélaire reste sans moyens et sans ressort, si l'Etat désorganisé ne présente aux Français que l'arène famélique et sanglante de l'anarchie, nos travaux sont fort inutiles, et nos efforts impuissants; car le gouvernement abdique qui ne peut plus nourrir la société qu'il régit, et la société est dissoute qui ne peut plus travailler et jouir en paix sous le pavois de l'autorité lutélaire. Consacrons donc au moins deux jours par semaine aux finances, et surtout le recueillement de l'attention et la ferveur d'un patriotisme également infatigable et incorruptible.
Je reviens à l'ordre du jour, et je réponds à celui des préopinants qui a réclamé la priorité pour la motion de M. de Yolney (1).
J'ai toujours regardé comme la preuve d'un très-bon esprit, qu'on fît son métier gaiement. Ainsi je n'ai garde de reprocher au préopinant sa joyeuseté dans des circonstances qui n'appellent que trop de tristes réflexions et de sombres pensées. Je n'ai pas le droit de le louer; il n'est ni dans mon cur ni dans mon intention de le critiquer; mais il est de mon devoir de réfuter ses opinions lorsqu'elles me paraissent dangereuses.
Telle est à mon sens la motion qu'il a soutenue. Certainement elle est le produit d'un très-bon esprit, et surtout d'une âme très-civique et très-pure; certainement, à l'isoler de l'ensemble de nos circonstances et de nos travaux, elle est saine en principes; mais j'y vois d'abord une difficulté insoluble, le serment qui nous lie à ne pas quitter l'ouvrage de la constitution qu'il ne
soit consommé.....Ce peu de mots suffirait sans
doute pour écarter cette motion; mais je voudrais ôter le regret même à son auteur, en lui montrant combien elle est peu assortie à nos circonstances, à la pieuse politique qui doit diriger notre conduite.
Et pour vous le démontrer, Messieurs, je me servirai de l'argument même avec lequel
on a prétendu soutenir cette motion : 11 est impossible d'opérer le bien par la
diversité de nos opinions et de nos moyens. Il faut convoquer les provinces pour leur
demander de nous envoyer des successeurs, puisque nous sommes discords et inaccor-
dables..... Est-ce bien là, Messieurs, le langage que nous devons tenir ? est-ce lace
que nous devons croire ? est-ce là ce que nous devons être? Nous avouerons donc que
notre amour-propre nous est plus sacré que notre mission, notre orgueil plus cher que
la patrie, notre opiniâtreté plus forte que la raison, impénétrable à notre bonne foi,
et totalement exclusive de la paix, de la concorde et de la liberté. Ah ! si telle
était la vérité, nous ne serions pas dignes de la dire ; nous n'en aurions pas le
courage, et ceux qui provoquent de telles déclarations prouvent par cela même que
leurs discours sont desimpies
C'est donc précisément parce que demander des successeurs serait nous déclarer discords et inabordables, que nous ne porterions pas un tel décret, quand un serment solennel, base de la constitution et palladium de la liberté française, ne nous l'interdirait pas. A Dieu ne plaise que nous regardions comme impossible d'opérer le bien par la diversité de nos opinions et de nos moyens! 11 était impossible que, dans les premiers temps d'une première Assemblée nationale, tant d'intérêts si contradictoires, même en tendant au même but, ne perdissent beaucoup de temps et beaucoup de leurs forces à se combattre; mais ces jours de dissensions finissent pour nous; les esprits mêmes, en se heurtant, se sont pénétrés ; ils ont appris à se connaître et à s'entendre. Nous touchons à la paix; et si nous mettons à notre place d'autres députés, ce premier moment serait peut-être encore pour eux celui de la guerre. Restons donc à nos postes; mettons à profit jusqu'à nos fautes, et recueillons les fruits de notre expérience.
Mais, dit-on, l'approbation unanime qu'a reçue la motion de M. de Volney n'est-elle pas une preuve invincible que chacun de nous a reconnu que la véritable situation de cette Assemblée était cet état de discordance inaccordable qui invoque nos successeurs? Non, sans doute; je ne trouve dans ce succès que l'effet naturel qu'a tout sentiment généreux sur les hommes assemblés. Tous les députés de la nation ont senti à la fois que leurs places devaient être aux plus dignes; tous ont senti que lorsqu'un des plus estimables d'entre nos collègues provoquait sur lui-même le contrôle de l'opinion, il était naturel d'anticiper sur les décrets de la nation, et que nous aurions bonne grâce à préjuger contre nous. Mais cet élan de modestie et de désintéressement doit faire place aux réflexions et aux combinaisons de la prudence.
Et si l'esprit dans lequel on soutient la motion de M. de Volney pouvait avoir besoin d'être encore plus développé, il ne faudrait que réfléchir quelques instants sur les deux amendements que le préopinant a proposés (1) :
« Nul membre de l'Assemblée actuellement existante ne pourra être réélu pour la prochaine Assemblée. »
. Ainsi, nous voilà donnant des ordres à la nation! 11 y; aura désormais dans les élections une autre loi que la confiance. Eh ! Messieurs, n'oublions jamais que nous devons consulter et non dominer l'opinion publique.N'oublions jamais que nous sommes les représentants du souverain, mais que nous ne sommes pas le souverain.
« Aucun membre de l'Assemblée actuelle ne pourra se présenter dans les assemblées élémentaires, ni dans les lieux d'élection,..,, et nous nous serons rendu justice. »
Je ne sais s'il est bien de faire ainsi ses propres honneurs ; mais je ne conçois pas
qu'on puisse se permettre de faire à ce point ceux des autres. Ainsi, pour prix d'un
dévouement illimité, de tant de sacrifices, de tant de périls bravés, soutenus,
provoqués avec une intrépidité qui vous a valu, Messieurs, quelque gloire, d'une
continuité de travaux mêlés sans doute de tous les défauts des premiers essais, mais
auxquels la nation devra sa liberté, et le royaume sa régénération,
fait sentir la nécessité de s'occuper de l'organisation des pouvoirs, réclame la priorité pour le rapport du comité de constitution, et demande qu'on revienne incessamment à la dernière question de M. Guillotin sur la sanction royale.
répète la motion qu'il a déjà faite, et prie M. le président de la mettre aux voix.
appuie cette motion:
« L'Assemblée décide à l'unanimité qu'il y aura deux jours par semaine consacrés aux finances. Ces deux jours seront le vendredi et le samedi. »
« L'Assemblée décide encore que l'avant-veille du jour où le comité des finances fera un rapport, son travail sera imprimé et distribué dans tous les bureaux. »
propose de faire imprimer et distribuer les états des finances du royaume et les états particuliers des départements.
(Cette proposition est universellement adoptée.)
Le Roi m'a dit: a Revenez demain soir, et je vous donnerai une réponse aux demandes de l'Assemblée nationale. » M. le garde des sceaux, qui était alors chez le Roi, ayant demandé à Sa Majesté si je pouvais assurer l'Assemblée nationale de ses dispositions favorables, Sa Majesté à répondu avec bonté : « Ah! oui, toujours. »
La séance est levée et convoquée pour ce soir sept heures et demie.
à la séance du matin de VAssemblée nationale du
Nota. M. le marquis de Gouy-d'Arsy ayant fait imprimer et distribuer un mémoire destiné à servir de complément à son discours sur l'état des finances, nous croyons devoir insérer ce document dans les Archives parlementaires.
MOYENS PROPOSÉS A L'ASSEMRLÉE NATIONALE par M. le marquis de Gouy-d'Arsy, pour prévenir la banqueroute de l'etat (1).
Observations préliminaires.
Le 7 du mois d'août dernier, les ministres du
Roi, envoyés vers l'Assemblée nationale, pour déposer dans son sein les inquiétudes dont le cur paternel de Sa Majesté était agité, ont dit : Le temps est venu, Messieurs, où une impérieuse
nécessité semble vous commander..........
Les conséquences du malheureux état des affaires peuvent être telles, qu'il devienne au-dessus de votre zèle et de vos moyens de prévenir le plus grand désordre, et dans les finances, et dans toutes les fortunes.
Vous sentirez la nécessité d'examiner, sans un moment de retard, l'état, des secours indispensables pour empêcher une suspension de payements. ...............^........
Il faut prévenir une confusion générale.....
Il ne faut pas que les matériaux du bâtiment soient dispersés ou anéantis, pendant que les plus
habiles architectes en composent le dessin.....
réunissons-nous pour sauver l'etat......
Le mal est si grand que chacun est malheureusement à portée de l'apprécier.
Le même jour, 7 avril dernier, un des orateurs de l'auguste Assemblée, effrayé de l'abîme entr'ou-vert par le désordre des finances, a réclamé des secours prompts et efficaces contre le vu de la plupart clés cahiers, sous peine, disait-il, de n'avoir plus à faire une constitution et des lois que pour un État qui n'existerait plus.
Ces terribles vérités si pressantes, il y a deux mois, subsistent aujourd'hui avec bien plus d'empire encore; la plaie s'invétère et s'agrandit : le mal préexistant s'est accru de tout l'équivalent des charges des mois d'août et de septembre; il s'est accru surtout par l'absolu non succès d'un premier emprunt de 30 millions, par l'incertitude encore subsistante du sort d'un second emprunt de 80 millions et enfin par la présence imminente des charges ultérieures à celles qui ont déterminé le décret de ces deux emprunts.
En vain chercherait-on à se dissimuler l'étendue du mal; il est certain que le Trésor public est sans argent comme sans crédit; que la banqueroute, repoussée avec tant d'horreur par les décrets de l'Assemblée nationale, est au moment d'éclater. Or, si l'on veut, en mettant à part le sort des créanciers prêteurs, se représenter pour un jour seulement tous les fournisseurs et tous les agents du pouvoir exécutif sans remboursement et sans salaire, l'armée entière sans solde et sans pain, ne frémit-on pas de penser que quinze jours
encore de sommeil et d'inaction peuvent nous conduire à ce point redoutable, où chacun des habitants de ce vaste empire ne connaîtra plus d'autre loi que celle du besoin, d'autre maître que la nécessité.
Dans un tel état de crise et d'alarmes, qu'il était salutaire de révéler et qu'il eût été coupable de taire, ce n'est pas en ouvrant des emprunts, quand même on aurait l'espoir de les remplir, qu'on peut prévenir la confusion générale : il faut aller à la source du désordre, reprendre en sous-uvre l'édifice qui s'écroule, et employer à consolider ses fondations le temps qu'on perdrait à en réparer les surfaces.
Le plan dont je vais offrir le développement, et pour lequel je sollicite instamment l'attention de mes collègues, est le résultat d'un travail réfléchi. J'ai recherché les causes de nos maux, j'ai tâché de sonder profondément les plaies de l'Etat, et cet examen m'a conduit naturellement à la connaissance et à l'indication des moyens lucratifs que je soumets à la sagesse et aux lumières de l'Assemblée nationale.
Exposition et développement du plan.
En faisant abstraction pour le moment des non-valeurs occasionnées par les circonstances actuelles dans la perception des impôts, et en se livrant au contraire à l'espoir de voir nécessairement la force publique rétablie et avec elle le payement exact des contributions légitimes, trois grands malheurs en finance affligent aujourd'hui le royaume :
1° Une dette immense et sans proportion avec la somme des contributions ordinaires ;
2° La disparition de presque tout le numéraire effectif nécessaire à la circulation dans la capitale et les provinces;
3° L'absence de tout autre moyen de circula-lion équivalant au service des espèces, et nécessaires cependant à l'aisance et à l'économie de toutes les opérations dans un royaume où, indépendamment du commerce intérieur, la masse énorme de la dette publique d'une part, et la somme immense des contributions d'autre part, établissent entre toutes les parties de l'empire une correspondance perpétuelle de recettes et de payements respectifs, et exigent que les moyens d'acquittement soient prompts et multipliés.
La présence de ces trois fléaux a multiplié les recherches sur les moyens de les détruire. En parcourant les différentes ressources indiquées isolément par divers observateurs , j'en ai distingué trois dont l'emploi et surtout la sage combinaison me semblent devoir assurer le salut de la chose publique et dont je pense que l'Assemblée nationale ne saurait trop tôt décréter l'usage.
g. 1. Du fardeau de la dette publique et du déficit qui en résulte.
Sans examiner ici si cette dette immense a son principe dans les emprunts successifs, multipliés à 1 excès depuis dix à douze ans, il est au moins certain que ce n'est pas par de nouveaux emprunts qu'on parviendra à combler le déficit : ces soulagements momentanés peuvent faire une illusion passagère, mais ils aggravent le mal même qu'ils pallient : chaque emprunt approfondit l'a-bime ouvert par les précédents, et la dette nouvelle étant presque toujours plus chère que la dette I
ancienne qu'elle sert à éteindre, au vide existant qui se comble, succède un vide plus grand encore à remplir.
Voilà l'image et l'effet des emprunts pour la fortune publique comme pour celle des particuliers; le crédit vraiment dangereux par sa nature n'est utile que selon l'usage qu'on en fait; employé comme intermédiaire entre des besoins réels et pressants et des ressources éloignées mais certaines, il est précieux et salutaire; mais si on le met en uvre au hasard et pour ainsi dire à vide, sans nul équivalent probable aux échéances, plus funeste alors que propice, il prépare infailliblement la ruine de ceux dont il a pour un moment satisfait les aveugles besoins.
Si, en empruntant aujourd'hui pour faire face à l'excédant des dépenses aux recettes du royaume, on avait la certitude, ou seulement l'espoir de trouver dans l'augmentation, ou dans la meilleure répartition des charges publiques, de quoi rétablir d'abord le niveau, et de quoi rembourser ensuite les sommes prêtées, en ce cas sans doute une opération de crédit serait convenable ; encore faudrait-il, avant de l'employer, annoncer, manifester les ressources positives qu'on espère, déterminer le temps nécessaire pour les réaliser et régler sur la somme des besoins à remplir dans l'intervalle la mesure de l'emprunt proposé; mais recourir au crédit sans connaître ni le terme des besoins, ni les moyens de remboursement ; ne s'occuper que des payements échus ou prêts à échoir ; pourvoir par des emprunts insuffisants et renaissants sans cesse à la disette du jour sans se préserver de celle du lendemain et rester ainsi toujours à la veille de la banqueroute et de la dissolution, cette conduite serait plutôt celle de dissipateurs sans expérience que celle de sages modérateurs d'un empire.
Sans avoir encore sur la situation des finances de ce royaume les notions précises et mathématiques qu'une longue et soigneuse vérification peut seule procurer, il est cependant des points généraux qui sont suffisamment démontrés et d'après lesquels l'Assemblée nationale peut régler sa marche et ses décrets.
1° A l'ouverture de cette Assemblée les dépenses ordinaires du royaume excédaient les recettes ordinaires d'environ 56 millions.
2° Les payements arriérés suspendus ou prêts à échoir s'élèvent à plus de 500 millions, et ce n'est cependant là qu'une faible portion des capitaux qui entrent dans la formation de la dette publique.
3° Ce double déficit, dont l'un arrête le payement des rentes et le service de toutes les parties de l'administration, et l'autre suspend le remboursement des capitaux, s'accroîtra encore par les non-perceptions de l'année courante.
4° Pressée par les besoins d'août et de septembre, l'Assemblée nationale a décrété, il y a six semaines, un emprunt de 30 millions ; il a été sans succès. On a attribué sa mauvaise fortune à son informe organisation et à la médiocrité du taux de l'intérêt ; on lui en a substitué un nouveau plus séduisant par ses formes et par ses avantages ; ce second emprunt n'a guère plus de succès que le premier parce que, encore une fois, la confiance éteinte ne se ranime que par des emprunts, et qu'à côté des promesses aussi inviolables sans doute que solennelles faites par l'Assemblée nationale aux créanciers de l'Etat, il n'existe encore aucun moyen réel et positif pour commencer à les satisfaire.
Moyens de pourvoir au déficit.
Ce sera sans doute consacrer le vu de la nation entière que de lui commander les sacrifices nécessaires à sa prompte libération, et on verra tous les Français apporter à l'envi dans le Trésor public, à titre de taxe patriotique et extraordinaire, le centième, le soixante-quinzième, s'il le faut ou même le cinquantième de leur fortune, si l'Assemblée nationale en décrète la contribution.
Le produit de cette taxe suffira pour éteindre absolument la portion la plus dure de la dette publique, c'est-à-dire tout ce qui est arriéré, suspendu ou prêt à échoir, et son mode peut être tel que, sans affliger ni l'industrie ni la médiocrité, elle soit supportée, sans effort par les citoyens avisés dont on facilitera les payements.
Les aperçus généraux qu'ont pu procurer toutes les recherches faites jusqu'à présent sur la valeur des biens du royaume ne permettent pas de douter que le centième denier de toutes les fortunes doive produire une somme immense; et si le cinquantième denier a produit en Hollande 450 millions en 1748, ce n'est pas se faire illusion que d'espérer le même résultat du centième denier perçu en France en 1790; mais enfin comme il est possible, d'après les moyens auxiliaires dont on va offrir le tableau, de suspendre encore jusqu'à de nouveaux éclaircissements non pas le décret de la taxe mais la fixation de sa quotité, si le centième denier ne suffisait pas à la libération proposée, l'Assemblée nationale pourrait dans un délai convenu fixer à un et demi au lieu d'un pour cent, le sacrifice des contribuables et observer, dans cette fixation, des différences équitables entre le propriétaire d'immeubles et le capitaliste.
g II. De la disparition du numéraire et des moyens de le rappeler à la circulation.
Après avoir diminué réellement, par la taxe patriotique ou don gratuit, le fardeau de la dette publique et rendu, par conséquent, bien plus facile le grand travail des proportions à établir entre les charges et les revenus de l'Etat, il faudrait à l'instant même s'occuper de rendre à la circulation le numéraire dont elle est actuellement privée soit par les émigrants, soit par les thésauriseurs; c'est la seconde partie de la tâche que je me suis imposée et c'est pour la remplir que je propose les moyens suivants contre l'un des trois maux qui affligent les finances.
Il existe en France,outre le numéraire monnayé, une quantité considérable d'argent en vaisselle, dont la possession plus superflue que jamais, dans les circonstances actuelles, serait facilement abandonnée et dont on peut faire un bien meilleur emploi pour la chose publique comme pour l'intérêt des personnes.
Deux points essentiels paraissent bien constants, savoir que la somme de la vaisselle est immense et que la majeure partie est inutile, il suffira d'ouvrir à cet objet de luxe un débouché commode, lucratif et même honorable pour s'assurer de la prompte conversion en espèces d'une masse énorme d'argenterie, et s'il est quelque chose de douteux dans le plan projeté, c'est de pouvoir satisfaire tous ceux qui voudront en profiter.
Nous disons d'abord que la somme de la vaisselle est immense, et quoiqu'on puisse taxer d'arbitraire
toute évaluation sur ce point, cependant si je compare ce que chaque particulier possède constamment en argenterie avec ce qu'il garde ordinairement chez lui en espèces; si je calcule la quantité des matières qui se consomment chaque année et qui sont exclusivement destinées à la fabrication de la vaisselle, je suis sinon forcé de convenir, au moins disposé à penser que la masse d argent convertie en nature de vaisselle,est égale et peut-être supérieure à celle de l'argent monnayé.
Nous disons ensuite que la majeure partie de la vaisselle est inutile : cette assertion, déjà justifiée par les ressources immenses que le luxe subit dans 1 ordre actuel des choses, trouvera bien moins de contradicteurs encore à l'ouverture d une opération politique qui, favorisant une honorable-économie, substituera l'éclat du patriotisme à celui de la richesse, et fera céder à l'amour-propre du citoyen la vanité de l'homme opulent.
Le premier titre de recommandation de cette sorte d appel à un sacrifice imaginaire sera dans l exemple que vient de donner le souverain, et dans l'adhésion de tous ceux qui, se trouvant placés, par leur rang ou par leur fortune, dans 1 ordre supérieur de la société, règlent toujours la marche commune; bientôt ils auront obtenu autant d'imitateurs, dans l'abjuration commode et facile d'une inutile ostentation, qu'ils avaient eu de rivaux dans l'étalage d'un faste pénible et ruineux.
Il parait donc infaillible que provoqués, par un avantage quelconque, à réaliser leur vaisselle, tous les propriétaires accourraient à l'envi. et que les plus diligents seulement pourraient être satisfaits. Il est cependant nécessaire de restreindre, dansles bornes posées par les besoins de l'État, la faveur offerte à cet égard, et comme l'État aura suffisamment acquis, en obtenant, pour le livrer à la circulation, un nouveau numéraire de 400 millions, c'est jusqu'à concurrence de cette valeur que le prix en sera réglé, pour les propriétaires sur le pied avantageux dont on va parler.
Ici se présente naturellement le troisième moyen que j ai indiqué, celui de rétablir dès à présent par un procédé-équivalant au service des espèces, l'aisance et l'économie dans toutes les opérations.
g III. De l'établissement d'un moyen de circulation équivalent au service des espèces.
Nous avons donné l'idée du moindre produit à espérer du don gratuit du centième denier sur les fortunes du royaume et c'est être resté au-dessous du probable, que de l'avoir porté à environ 500 millions ; mais à côté de cette vérité, il en est une autre non moins digne d'attention : c'est qu'indépendamment des précautions à prendre pour éviter dans la perception de celte taxe l'arbitraire, la fraude et l'inquisition, il serait impossible d'en réaliser le produit avec facilité et promptitude dans un moment de gêne universelle où chaque fortune particulière vient comme la fortune publique, de recevoir une atteinte plus ou moins forte. Vouloir faire payer tout le monde à la fois quand les ressources manquent partout serait une absurdité : de là la nécessité de diviser et de porter à des époques convenables le terme de l'acquittement du don gratuit ; de là aussi la nécessité de suppléer à l'inconvénient de ce retard par la présence d'une ressource équivalente au fond et dans la forme à la possession et au service des espèces.
Le Trésor public, certain de recevoir,dans la révolution de quatre ans par exemple, une somme de 500 millions par le versement du don gratuit, pourrait dès à présent, pour sa propre libération et pour l'aisance des opérations de tout le royaume, réaliser par un signe quelconque revêtu de la sanction nationale, cette richesse positive, mais future, et livrer à la circulation des mandats faisant fonction d'espèces, jusqu'à la concurrence de 400 millions à prendre sur la caisse du don gratuit. , , i.ii
Ces 400 millions divisés par mandats de 1,200 livres, 600 livres, 300 livres, ou de telle autre somme suivant le plan qui sera donné, porteraient intérêt à 4 0/0 l'an, dont 3 0/0 fixes et 1 0/0 éventuel, et seraient délivrés par préférence d'ici au premier janvier prochain, à ceux qui apporteraient de la vaisselle d'argent, sur un pied supérieur au prix courant de 4 francs par marc ; et, passé cette époque, le Trésor public disposerait de ces mandats et les distribuerait à son gré soit contre espèces, soit en payement d'objets échus.
Ces mandats seraient admis comme especes dans toutes les caisses publiques et dans tous payements quelconques soit à Paris, soit dans les provinces. Ils seraient remboursables successivement et par voie du sort dans les quatre années qui seraient données pour terme au payement du don gratuit.
Pour la plus parfaite intelligence du plan que je viens d'exposer,]e tracerai séparément le projet ou décret qui en statuera l'exécution et ce projet indiquera :
1° Les principales conditions qui doivent servir de base à l'établissement du don gratuit et au mode de sa perception.
2° Le délai pendant lequel on sera admis à la conversion de sa vaisselle en espèces, sur lepied ci-dessus fixé, et jusqu'à concurrence de quelle somme.
3P La forme des mandats sur la caisse du don gratuit, l'époque et les conditions de leur délivrance, celles du payement de leur intérêt, tant fixé qu'éventuel, et de leur extinction en capital.
Ces trois procédés une fois déduits, pour se convaincre encore mieux de leur utilité réciproque et des avantages de leur emploi bien crnnbinés, il faut parcourir et analyser les objections et les inconvénients dont chacun d'eux peut être isolément susceptible, et on reconnaîtra que toutes ces objections, tous ces inconvénients disparaissent parle secours mutuel qu'ils se prêtent. Cette considération bien importante à saisir déterminera à adopter en entier et à la fois ces trois opérations distinctes par leur nature, mais dont le rapport respectif est tel que le renvoi ou le rejet d'une des trois peut faire échouer les deux autres.
En effet le don gratuit,fsolitairement présenté, sera regardé comme insuffisant par tous ceux qui, comparant avec raison l'urgence des besoins actuels avec la lenteur inévitable d'un semblable recouvrement, trouvent que la perception de cette ressource future n'offre qu'un frivole et stérile espoir à côté du malheur imminent de la suspension et de la confusion universelle ; mais cette suspension n'aura pas lieu quand, après avoir assuré l'existence et la quotité de la ressource positive du don gratuit, on le réalisera d'avance dans les mains des créanciers de l'Etat et dans la circulation elle-même par des mandats sur le sort desquels la critique essayerait en vain d'alarmer la confiance, puisque réunissant tous les avantages du numéraire effectif, ils n'ont aucun des
inconvénients qui font redouter la présence de tout papier déclaré monnaie.
Le légitime effroi qui accompagne la création d'un semblable papier a sa source dans les trois motifs suivants :
C'est gue la volonté qui lui a donné 1 être peut le multiplier à l'infini.
C'est que loin d'être le signe d'aucune valeur réelle il est au contraire celui de Y absence de tou-tôs les valeurs*
C'est qu'enfin, sans terme à son remboursement comme sans règle à sa quotité, l'échéance arbitraire fixée pour son extinction n'est jamais garantie par un gage positif, par un équivalent palpable.
Or il est suffisamment démontré :
1° Que les mandats délivrés sous la sauvegarde de l'Assemblée nationale n'excéderont jamais les limites qu'elle aura fixées ;
2° Que le produit du don gratuit étant certain, le porteur des mandats donnés sur-à-produit est vraiment saisi d'avance par leur simple possession de la valeur réelle dont ces mandats sont le
signe
Et enfin que cet assignat positif d'une rentrée infailliblement supérieurèau montant de ïas-signation en même temps qu'elle est antérieure à son échéance, assure physiquement l'acquittement exact des mandats et leur extinction au terme fixé.
Ces deux premiers procédés adoptés et étayés l'un par l'autre, il restait encore une inquiétude à prévenir, celle delà privation du numéraire; cette privation absolue, pour peu qu'elle se prolongeât, donnerait de grandes entraves au commerce et l'on pourrait craindre qu'elle n'eût sur notre change avec l'étranger une influence plus ou moins lâcheuse.
On pourrait nous dire avec quelque fondement :
a En vain vous établissez une taxe de 500 millions, en vain vous créez un représentatif de 400 millions; comme votre taxe ne sera entièrement réalisée que dans quatre ans et que votre représentatif n'est que du papier, cette double institution n'apporte pas un écu dans la circulation actuelle; cependant en définitive c'est avec de l'argent qu'il faut solder, ainsi, loin de remédier à l'état de souffrance de votre commerce intérieur et extérieur, son dommage va s'accroître encore par les valeurs fictives que vous mettez en circulation. »
Or c'est ce reproche que nous prévenons, c'est ce malheur que nous faisons disparaître par l'appel des possesseurs de vaisselle au secours de la chose publique. Si, comme on est fondé à le croire, l'apport de la vaisselle donne naissance à un nouveau numéraire réel de 400 millions, ces 400 millions versés dans la circulation presque aussitôt que les mandats de même valeur, formeront avec ces mandats une double source de facilités et d'abondance ; et, quand même le résultat de cet appel serait moindre qu'il n'est présumé ; quand il ne donnerait que 100 militions au lieu de 400, la présence de cette somme de 100 millions serait en- . core dans .l'état actuel une ressource inappréciable. Mais autant il est hors de doute que chacun portera son argenterie quand il sera sûr d'en recevoir le prix sur-le-champ en valeurs égales à des espèces par leur solidité comme par leur cours, autant il est douteux qu'on voulût s'en dépouiller si Je Trésor public ne pouvait pas à l'instant même en réaliser le prix par le secours des mandats nationaux, ou que ces mandats n'étant qu'un vain signe, et portant à faux n'eussent pas dans le don
gratuit un gage certain et un moyen sûr d'extinction.
Cette réflexion laisse apercevoir que le décret pour la conversion volontaire de la vaisselle sans le secours des deux autres opérations, resterait sans effet, parce que cette conversion n'est vraiment qu'un auxiliaire propre à vivifier et développer des moyens réel$ et positifs co-existants, mais qui, par elle-même n'apporte aucun soulagement à la dette publique.
Et comme je veux détruire jusqu'à la trace de toutes les objections raisonnablement possibles contre une opération que je regarde comme le salut des finances, il importe de discuter la seule difficulté que le préjugé puisse encore élever contre l'établissement des mandats nationaux.
On objectera à l'établissement de ces mandats faisant fonction d'espèces, l'influence que ce mode de payement, en France, peut avoir sur les rapports commerciaux de ce royaump avec l'étranger; mais cette pbjection, facile à rendre spécieuse par l'abstraction même de son sujet,ne peut avoir de force réelle que dans la double supposition suivante, savoir :
1° Que les mandats donnés en payement ne seraient pas parfaitement équivalents au numéraire effectif dont ils remplissent momentanément la fonction ;
2° Que le résultat des rapports de notre commerce avec celui des puissances étrangères, serait en définitive à notre charge, c'est-à-dire que, balance faite des sommes que nous avons à recevoir de l'étranger en échange des productions de notre sol et de notre industrie, avec les sommes que nous avons à payer à l'étranger, à cause de l'importation en France des denrées et marchandises des autres puissances, il nous reste une somme quelconque à faire passer hors du royaume pour solder la différence du prix de nos achats avec celui de nos ventes.
Je dis qu'il faut que cette double supposition existe. L'une sans l'autre ne suffirait pas pour nous alarmer sur les variations du change ; et en effet :
Si notre représentatif est vraiment égal en valeur au numéraire réel, quand même nous serions débiteurs, il importe peu à nos créanciers que leur payement s'opère sous une forme ou sous une autre, pourvu que les deux formes soient également bonnes.
Si au contraire la balance est à notre profit, et que nous soyons créanciers, quand même les mandats que nous faisons concourir avec nos écus au service de la circulation n'auraient pas la même valeur que nos écus, il importe peu à ceux qui nous doivent et qui ayant à nous payer n'ont rien à recevoir de nous, de savoir de quel signe nous faisons usage dans nos payements.
A la vérité, quoique la balance de notre commerce général soit à notre avantage, il est des puissances dont nous nous trouvons débiteurs plutôt que créanciers soit dans fpus les temps, soit dans de certaines circonstances, et on pourrait me dire que les payements particuliers que nous nous trouvons alors chargés de faire nous coûteront davantage si notre manière de payer est moins parfaite que celle des puissances avec lesquelles nous aurons contracté; mais pour peu qu'on veuille réfléchir sur les rapports respectifs de tous les Etats commerçants et sur les compensations qui s'établissent1 entre eux par les délégations perpétuelles que fait le royaume débiteur sur ceux dont il se trouvé créancier, on verra que les combinaisons et les arbitrages du commerce
maintiennent entre les diverses puissances Véquilibre nécessaire pour faire jouir pleinement chacune d'elles de la faveur que sa position lui donne dans la balance générale, et que celles qui ont à recevoir d'une part au moins l'équivalent de ce qu'elles ont à payer de l'autre, sont rarement sujettes à voir exporter leur numéraire : ainsi, pourvu qu'un royaume, dans l'ensemble de ses rapports extérieurs, obtienne un bénéfice quelconque en dernier résultat, la diversité de ces rapports multiplie nécessairement les combinaisons du change; mais elle ne peut jamais altérer que très-faiblement l'état du change à son préjudice.
Au reste, il est démontré que nous ne sommes ni dans l'une ni dans l'autre des deux hypothèses que j'ai faites pour appuyer l'objection prévue; et voici comment je le prouve :
1° Les mandats sur la caisse du don gratuit seront équivalents au numéraire effectif dont ils partageront l'office et ils auront même un degré de faveur de plus, comme productibles d'intérêt.
Je dis qu'ils seront équivalents à des espèces,si devant en définitive et dans un terme très-court se résoudre en écus, ils forment dans l'intervalle, comme les écus, le signe de convention par lequel on puisse désigner et se procurer toutes les autres valeurs. Or il ne peut subsister de doute ni sur la réalisation de la somme nécessaire à leur extinction, dans le délai fixé, ni sur l'effet de la sanction nationale qui leur donnera cours.
La somme nécessaire à leur extinction n'est pas douteuse, si le produit du don gratuit ne l'est pas et si ce produit est supérieur au montant des mandats; or ce produit existera si la nation décrète le don gratuit et il surpassera 400 millions, si elle fixe le taux du don gratuit à un denier tel que, comparé à la somme des richesses du royaume, dans leur plus basse évaluation, et calcul fait de toutes les non-valeurs probables, il en résulte un recouvrement de 400 millions au moins. Mais dans ma proposition ce décret est inséparable de la formation des mandats, donc le produit nécessaire à leur extinction sera incontestablement assuré.
Quant à l'effet de la sanction nationale, qui donnera cours à ces mandats, il n'est pas plus permis d'en douter, que de l'exécution de tous ses décrets ; et l'obéissance universelle à tous ceux qu'elle a rendus est un sûr garant de l'inviolabilité de ceux qu'elle promulguera désormais.
Donc les mandats nationaux, infailliblement convertibles en écus à une époque certaine et rapprochée, feront dans l'intervalle le même service que les écus ; donc ils seront équivalents au numéraire effectif.
2° Le résultat de nos rapports de commerce avec l'étranger, loin d'être à notre charge, nous donne au contraire un grand bénéfice dans la balance universelle, et on n'a pas besoin d'insister sur cette vérité dans un royaume dont le numéraire effectif s'est élevé successivement à près de trois milliards et qui n'ayant pourtant pas de mines dans son sein ne peut avoir acquis cette somme immense que par le bénéfice des productions du soi et de l'industrie nationale.
Après avoir ainsi constaté la non-existence de la double supposition nécessaire à admettre pour légitimer la crainte de l'influence des mandats nationaux sur le change avec l'étranger, j'admets encore pour un moment que faute de réflexions, les étrangers alarmés d'abord par l'émission de ces mandats fassent refluer dans le royaume par des
ventes à leur perte la portion de nos fonds publics qu ils possèdent aujourd'hui : cette fausse opération de leur part dont nous serons à portée de profiter par les ressources que nous procurera l'accroissement de 800 millions à nos moyens ordinaires de circulation, fera ressortir encore à notre profit l'état du change, car si nous sommes aujourd'hui tributaires de quelques puissances étrangères ; c'est à cause de l'intérêt qu'elles ont pris dans nos fonds, c'est à cause des arrérages que nous leur payons, et des capitaux que nous leur remboursons sans retranchement, quoiqu'ils les aient acquis au-dessous du pair. Or il serait trop heureux qu'un semblable bénéfice, fait jusqu'à présent par les étrangers sur le gourvernement français, fût reversé dans le sein même de l'Etat.
Séance du
demande et obtient la parole.
Il prie l'Assemblée de lui permettre d'interrompre un moment l'ordre du jour, pour justifier les habitants de la province de Languedoc, ceux de Toulouse en particulier, et le parlement, des faux bruits qu'on a répandus contre eux touchant leur prétendue opposition aux décrets de l'Assemblée nationale, et la fermentation qu'on supposait régner dans la province. 11 atteste que ces bruits sont entièrement démentis par les différentes lettres qu'il a reçues ; que, du côté du parlement, son patriotisme n'a jamais été équivoque ; qu'à l'égard des habitants, ils ont formé quinze régiments d'infanterie et un de cavalerie, pour protéger l'exécution des décrets de l'Assemblée et la liberté nationale contre les efforts des ennemis du bien public ; que le plus grand calme régne à Toulouse, au milieu des fêtes qui s'y répètent en l'honneur de la nation et de ses représentants ; qu'il n'ignore pas les fausses nouvelles que des personnes mal intentionnées ont fait circuler dans la province, et qu'il croit devoir en prendre occasion -de remarquer qu'il devient tous les jours plus pressant d'accélérer, s'il est possible, ï'ouvrage de la Constitution, et d'organiser les Assemblées provinciales et les municipalités du royaume.
rappelle ensuite l'ordre des matières dont l'Assemblée doit s'occuper en commençant par celle relative au recouvrement des droits subsistants et particulièrement de ceux des gabelles.
11 est fait une nouvelle lecture du projet de décret présenté par Je comité des finances.
Plusieurs membres proposent des amendements.
, député du bailliage de Saint-Flour en Auvergne, demande, au nom de ses commettants, et en vertu du mandat spécial qu'il en a reçu, que le régime des gabelles soit totalement supprimé, ou que, si cette suppression n'est pas prononcée quant à présent, du moins la franchise du sel, dont jouit la majeure partie de l'Auvergne, soit étendue à la partie actuellement soumise à la gabelle, et qui a été privée de sa franchise par 1 injustice et les usurpations successives des fermiers.
M. Grégoire, curé d'Emberménil obtient ensuite la parole.
(I). Messieurs, on a développé de puissants motifs pour la suppression de la gabelle, j'en ajoute d'autres qui me paraissent décisifs.
Le prix du sel destiné pour la pêche maritime n'est que d'environ 6 deniers la livre ; celui de la gabelle d'environ 13 sous dans les provinces de grande gabelle. Cette disproportion choquante provoque les spéculations frauduleuses, et plus la ferme oppose de précautions, plus la fraude redouble d'industrie.
La gabelle influe d'une manière désastreuse sur la pêche maritime, surtout à Dieppe. Le négociant qui veut faire venir du sel des marais salants est asservi à des déclarations réitérées du nom du nayire, de sa contenance, de la quantité qu'il veut embarquer. L'ordonnance lui défend de charger d'autres marchandises que du sel, il ne peut profiter de l'occasion d'un bâtiment qui se trouve en chargement à Bordeaux, à la Rochelle, et il faut qu'il y envoie exprès. Le frêt lui devient très-coûteux. S'il n'a pas besoin d'une cargaison entière, il est obligé de faire revenir son navire à demi chargé, ou de sacrifier l'intérêt du prix et les dangers du déchet d'une double provision (2).
A l'arrivée, on le soumet à des formalités infinies dont l'exposé deviendrait fastidieux. Le négociant est ensuite gêné pour la salaison, harcelé pour l'importation, restreint pour le débit. La pêche ne peut fleurir. C'est moins le prix du sel qui excite des réclamations que les entraves par lesquelles on tourmente les citoyens, et cet inconvénient, par contre-coup, frappe sur les murs.
Soixante mille citoyens, sous le nom d'employés sont constamment armés contre leurs frères. Leurs fouilles sont attentatoires à la liberté civile, au secret des familles, et souvent à la pudeur.
Sur ce dernier article je supprime des détails également propres à faire rougir et à faire frémir. Ces formidables sbires envoyent annuellement nombre de français à la chaîne ou à l'échafaud.
Dans cette guerre continuelle, l'homme s'avilit et s'irrite. Ainsi la dégradation des murs est un des fruits empoisonnés de la gabelle.
Plusieurs lettres arrivées du Clermontois, écrites par des personnes qui ont recueilli le vu public, m'annoncent que les habitants de cette contrée supporteront volontiers 40 sous, ou même 1 écu d'augmentation de l'impôt, pourvu que le fléau de la gabelle ne pèse plus sur eux.
En votant la suppression de la gabelle, qui sera remplacée par un impôt proportionné (3), j'ajoute une demande subsidiaire pour ma province.
Les trois salines de Lorraine usent du bois de quatre pieds de long, et divers
arrêts ordonnent à une foule de communautés situées à deux lieues et plus de
distance de bois affectés aux salines, d'user du bois de six pieds. Elles en
trouvent avec peine quelquefois à six lieues de distance. Le laboureur ne s'en
procure qu'avec difficulté, mais le pauvre manouvrier n'ayant ni bêtes de trait, ni
voitures, ni moyen de payer
Quelque parti qu'on prenne relativement à la gabelle, une justice rigoureuse exige l'abrogation de ces arrêts qui grèvent notablement les communautés, et mon devoir me prescrit de réclamer avec force contre cette vexation.
L'Assemblée ne se trouvant pas suffisamment éclairée, renvoie la suite de la discussion à une autre séance.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
ouvre la séance par la lecture de la réponse qui lui a été remise hier par le Roi, sur la demande faite à Sa Majesté d'ordonner la promulgation des arrêtés des 4 août et jours suivants, et de revêtir de sa sanction le décret porté par l'Assemblée nationale, le 18 du courant, concernant les grains.
Cette réponse est conçue en ces termes :
Versailles, ce
Vous m'avez demandé, le 15 de ce mois, de revêtir de ma sanction vos arrêtés des 4 août et jours suivants; je vous ai communiqué les observations dont ces arrêtés m'ont paru susceptibles ; vous m'annoncez que vous les prendrez dans la plus grande considération, lorsque vous vous occuperez de la confection des lois de détail qui seront la suite de vos arrêtés.
Vous ine demandez en même temps de promulguer ces mêmes arrêtés : la promulgation appartient à des lois rédigées et revêtues de toutes les formes qui doivent en procurer immédiatement l'exécution; mais comme je vous ai témoigné que j'approuvais l'esprit général de vos arrêtés et le plus grand nombre des articles en leur entier, comme je me plais également à rendre justice aux sentiments généreux et patriotiques qui les ont dictés, je vais en ordonner la publication dans tout mon royaume. La nation y verra, comme dans ma dernière lettre, l'intérêt dont nous sommes, animés pour son bonheur et pour l'avantage de l'État; et je ne doute point, d'après les dispositions que vous manifestez, que je ne puisse, avec une parfaite justice, revêtir de ma sanction toutes les lois que vous décréterez sur les divers objets contenus dans vos arrêtés.
Signé, LOUIS.
J'accorde ma sanction à votre nouveau décret du 18 de ce mois, concernant les grains.
Signé, LOUIS.
Cette réponse est reçue avec acclamation et reconnaissance.
annonce différents dons patriotiques, l'un de douze gobelets et sept couverts, seule argenterie qui se soit trouvée dans la maison religieuse de Belle-Chasse, qui a joint cette offrande à celle que prépare encore l'association des dames, épouses d'artistes de Paris ; un second, fait par un député des communes qui demande à n'être pas nommé, de deux contrats de rentes viagères sur l'Hôtel-de-Ville de Paris, l'un de 100 livres, l'autre de 90 livres, à compter du 1er janvier dernier, et enfin la soumission du sieur Crafe, entrepreneur de la manufacture royale de cire à cacheter, établie à Sèvres, de verser dans la caisse nationale 15 0/0 de la vente qu'il fera pendant six mois.
11 est ensuite fait lecture d'une délibération prise par l'assemblée générale de la municipalité de Versailles, d'après le réquisitoire de MM. le commandant en chef, et députés des capitaines et de l'état-major de la garde nationale de Versailles. Cette délibération portant : « Que le salut public exige un secours de mille hommes d'infanterie française, qui seront sous les ordres immédiats du commandant général de la garde de la ville de Versailles, et prêteront le serment prescrit par le décret de l'Assemblée nationale, du 10 août dernier. »
Certainement, lorsque des circonstances urgentes exigent du pouvoir exécutif des précautions, il est du devoir de ce pouvoir de demander des troupes ; il est aussi de son devoir de communiquer les motifs de sa demande au pouvoir législatif; mais une municipalité quelconque, et sur des motifs quelconques nullement communiqués, ne peut appeler un corps de troupes réglées dans le lieu où réside le pouvoir législatif.
Je demande que la lettre de M. le comte de Saint-Priest, mentionnée dans ce réquisitoire, ainsi que toutes autres pièces nécessaires, soient présentées à l'Assemblée.
Un décret de l'Assemblée a permis aux municipalités d'appeler des troupes quand elles le jugeront nécessaires ; celle de Versailles n'a pas été exclue de cette faculté : il n'y a donc pas lieu à délibérer.
L'Assemblée n'a-t-elle pas le droit de demander les motifs qui déterminent la municipalité à appeler des troupes? C'est à quoi se doit réduire la question.
L'urgence des circonstances, la mesure prise par la municipalité de Versailles, lorsqu'elle a arrêté que les troupes qui arriveraient prêteraient le serment conforme au décret de l'Assemblée, peuvent décidera ne pas délibérer sur cet objet. Un motif qui doit encore tranquilliser, c'est'que le régiment attendu est commandé par M. le marquis de Lusignan, membre de cette Assemblée.
Je ne dispute point à la municipalité de Versailles le droit de requérir des troupes
au besoin et je ne désapprouve en aucune manière la dernière mesure dont je ne connais
pas les motifs ; mais je dis que l'Assemblée nationale, en permettant aux
municipalités d'appeler des troupes régulières, ne s'est apparemment pas interdit,
surtout dans le lieu où elle était séante, de se faire
J'ajoute qu'il serait singulier que la municipalité de Versailles pût recevoir des confidences ministérielles qui devraient être ignorées de l'Assemblée nationale, et qu'on interdît à celle-ci de porter un vif intérêt aux détails que l'on assure compromettre les intérêts de la Ville et de la personne du Roi.
Plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres demandent la question préalable.
consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Plusieurs membres demandent une seconde lecture de la réponse du Roi.
Gette lecture est faite par un de MM. les secrétaires.
Les secrétaires font lecture des procès-verbaux de samedi dernier et de plusieurs adresses. Quelques-unes, qui confirment les abandons faits dans la nuit du 4 août, sont vivement applaudies; mais il en est une qui réunit universellement les suffrages : c'est une délibération de la communauté de Gorbarieu du Haul-Languedoc. Elle constate l'abandon que fait M. le marquis de Puy-Laroque, de tous les arrérages qui lui sont dus par ses vassaux, et de tous ses droits féodaux quelconques; cet abandon est évalué dans la délibération de cette commune à plus de 200,000 livres. On observe en même temps gué cet acte a d'autant plus de mérite, qu'il a été fait un mois avant les arrêtés du 4 août.
annonce que l'ordre du jour est de délibérer sur la troisième question présentée par M. Guillotin, et ainsi conçue : « Dans le cas où le veto suspensif sera donné*au Roi, combien durera cette suspension? sera-ce pendant une ou plusieurs législatures? »
Plusieurs membres s'étaient fait inscrire pour avoir la parole.
observe que la discussion a été fermée pour la sanction royale qui comprenait cet objet, sur lequel il est dès lors inutile de revenir.
Une grande partie de l'Assemblée demande qu'on aille aux voix.
Je propose une rédaction nouvelle de la question.
1° Tout acte émané du Corps législatif constitué, attquel le Roi aura refusé son consentement, ne pourra lui être présenté de nouveau pendant la durée de la même législature.
2° Tout acte émané du Corps législatif constitué, auquel le Roi aura déjà une fois refusé son consentement, pourra lui être présenté de nouveau et sans aucun changement pendant la durée de la législature suivante, et le Roi pourra refuser une seconde fois son consentement,
3° Tout acte émané du Corps législatif constitué pourra être présenté une troisième fois sans aucune espèce de changement, pendant la durée de la troisième législature; alors le Roi ne pourra refuser son corisentement, et l'acte passera en loi.
Il résulte de l'expression de
Corps législatif constitué, que l'Assemblée actuelle, qu'un grand nombre de membres regardent comme corps constituant, peut se dispenser de soumettre à la sanction ses actes purement législatifs; ce qui est certainement contraire aux principes de cette Assemblée.
Ce serait arrêter inutilement les délibérations, que de s'occuper de l'observation faite par le préopinant,. L'Assemblée a décidé bien formellement qu'elle enverrait à la sanction toutes les lois qui seraient rédigées par elle. Elle l'a prouvé en demandant, samedi dernier, la sanction pour son décret concernant la circulation des grains.
Si vous conservez le mot constitué, vous allez contre le décret par lequel vous avez jeté un voile sur la question de savoir si la sanction est nécessaire pour la Constitution. En effet, en disant positivement qu'elle sera nécessaire pour le corps constitué, vous énoncerez négativement qu'elle ne le sera pas pour le corps constituant.
M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, M. Malouet et M. Mounier développent le même avis, et demandent qu'on délibère sur la question de M. Guillotin, présentée antérieurement à sa nouvelle rédaction.
retire le mot constitué.
demande que si l'on veut délibérer sur la dernière rédaction, elle soit auparavant discutée.
M***, député de la noblesse, exige que si l'on n'adopte pas cette rédaction sans discussion, on reprenne seulement l'article anciennement rédigé, et sur lequel la discussion est fermée.
La discussion est-elle fermée sur les questions qui viennent d'être proposées? Si elle est fermée, l'a-t-elle été avant que d'être ouverte? La discussion est un principe préexistant à cette Assemblée, et je demande s'il est des questions sur lesquelles elle puisse ne point avoir lieu ?
rapporte les faits précédents, et en conclut que la discussion a été fermée par arrêté de l'Assemblée.
La discussion a en effet été fermée, mais sur l'ordre de travail seulement. Les procès-verbaux rendent compte * des objets discutés, et je demande qu'on réponde clairement quel jour ladernière question de M. Guillotin a été discutée?
, évêque d'Uzès, assure que l'Assemblée a déjà jugé la question. On réclame, et l'inexactitude de cette assertion est reconnue.
dit qu'il est vrai que l'Assemblée n'a rien jugé, mais qu'il est certain aussi que le jour où le premier ministre des finances envoya le rapport fait au conseil sur la durée du veto, on reconnut et l'on affirma que la discussion était fermée sur cet objet.
répond qu'on ne savait point alors -quel était l'objet précis de be rapport, et qu'on
était seulement instruit qu'il portait sur la qua-lité du veto. On reconnut alors la discussion terni ée sur la question de savoir s'il serait «uspensif ou absolu; mais on ne peut rien en conclure sur celle qui avait rapport à sa durée.
, après avoir conpulsé les anciens procès-verbaux, déclare que la discussion ne peut être accordée à la première rédaction de M. Guillotin,mais qu'elle ne peut être refusée sil on adopte la rédaction nouvelle.
Il s'élève des doutes sur le résultat de 1 examen des procès-verbaux. .
On propose à l'Assemblée de décider si la discussion sera fermée.
observe que la question doit être posée ainsi : la discussion sera-t-elle ouverte?
La question posée, l'Assemblée arrête que la discussion est fermée. ,
On demande la priorité pour la première rédaction de M. Guillotin.
Cette demande est accueillie.
Beaucoup de membres trouvant la question établie d'une manière obscure et équivoque, eue est définitivement rédigée ainsi qu'il suit :
Le veto suspensif du Roi cessera-t-il a la première législature qui suivra celle où on aura proposé la loi, ou à la seconde?
On va à l'appel sur cette question : 10 votants ne donnent point de voix ; 224 sont d'avis que la suspension cesse à la première législature, et 7Zo qu'elle cesse à la seconde.
La séance est terminée par l'annonce de deux dons patriotiques.
M. de Curt, envoyé par la Guadeloupe pour être admis comme député à l'Assemblée nationale, offre six mois d'un revenu de 6,000 livres sur le Trésor roval : « J'ai pensé, dit-il dans sa lettre, que tous ceux qui vivent du Trésor royal devraient se croire obligés à faire de pareils sacrifices. »
M. Bélouart qui a été capucin pendant vingt-six ans, et qui est actuellement prêtre à la paroisse Sainte-Marguerite de Paris, fait don d'une somme de 200 livres. Il témoigne ses regrets de la modicité de cette offre. Il dit « qu'il a toujours vécu sans ambition, mais qu'aujourd'hui il voudrait posséder la moitié du royaume pour la consacrer à secourir l'autre moitié. »
lève la séance à deux heures et demie; il indique celle du sçir pour six heures, et annonce que le comité, de judicature s'assemblera à cinq heures.
à la séance de l'Assemblée nationale du 21 septembre 1789.
(1). Opinion sur le veto (2) et la loi. Messieurs, le Corps législatif
Sur la permanence du Corps législatif.
On paraît assez généralement décidé pour la permanence du Corps législatif et, dans le fait, on le rend intercalant. Une Assemblée de quatre mois chaque année est périodique comme celle qui n'aurait lieu que. tous les trois ans ; la période est seulement plus courte.
Le Corps législatif doit être continuellement assemblé.
Le pouvoir exécutif n'est-il pas toujours en action? Le Conseil d'Etat du Roi n'est-il pas permanent? et le Corps législatif n'est-il pas aussi utile à la natiou? n'est-il pas plus nécessaire à sa liberte?
Un interrègne dans la législation pourrait être funeste en bien des cas. Le besoin des lois est un besoin continuel, il peut, en certaines occasions, être urgent. Le provisoire est intarissable dans un grand royaume.Une régence, une guerre subite, une calamité, des insurrections populaires, des germes de guerre civile, des contestes entre les grands corps, des atteintes à la Constitution qu on. ne peut trop réprimer, des abus ministériels a étouffer dans leur naissance, des crimes d Etat a juger et à punir sans délai ; tant de raisons ont fait désirer que les intermittences de l'Assemblée ne fussent que de huit mois et leur terme de quatre mois; elles auraient dû au contraire en faire désirer la permanence entière. C'est bien poser le principe et s'arrêter à moitié chemin dans les conséquences. . , ...,
L'Assemblée sera donc toujours tenante,la moitié se renouvellera tous les six mois, le service de chaque député sera ainsi d'une année entiere sans interruption; pour ne pas rassembler tous les six mois les bailliages ou les districts, ils nommeront chaque année les députés des deux semestres.
Ce sera assez de six cents députés.
Si cette méthode rend l'Assemblée nationale moins dispendieuse par la continuité, elle le sera moins par le nombre ; il sera d ailleurs bien plus commode pour chaque député de n avoir quun seul voyage à faire au lieu qu'il serait oblige d en faire deux en deux ans, ou trois en trois ans selon qu'on renouvellerait chaque année la moitié ou le tiers seulement de ses membres.
L'unité de l'Assemblée vaut mieux que deux Chambres. En politique comme en physique les machines les plus simples et qui ont le moins possible de frottements sont toujours préférables et leur invention est d'autant plus belle qu elle est moins compliquée. Deux Chambres sont une complication très-inutile. En les tenant divisées, on nrive chacune d'elles des lumieres de 1 autre dans les débats. On amaigrit celle des représentants par le choix des meilleurs sujetss pour former le Sénat. 11 faut cependant plus de génie et de lumières pour créer la loi, pour la discuter convenablement que pour la juger. Si le Séna approuve la loi, cela prouve que la division était utite; s'it I'improuve ou la modifie, il est possible que cela vienne de ce qu'il n'en a pas entendu la discus-
Sur l'unité du Corps législatif.
sion. Si on suppose qu'il a raison de l'improuver, on veut qu'alors il se réunisse au corps des simples députés pour délibérer en commun, cascade superflue qu'on aurait prévenue en laissant l'Assemblée dans son intégrité, délibérer à la majorité de tous les députés sans exception : donc cette division serait dans tous les cas inutile.
Elle pourrait être dangereuse, en ce que la corruption possible dans la majorité du Sénat pourrait etre une enrayure continuelle delà législation de 1 autre Chambre, et qu'en s'y réunissant, la majorité captée du Sénat jointe à la minorité des simples représentants, pourrait déterminer une loi toute contraire à celle qui aurait été décidée par la majorité de la première Chambre, c'est-à-dire une loi plus ministérielle que nationale ; ce serait encore allumer dans les représentants le feu de la discorde, des rivalités, des discussions toujours favorables au sceptre, dont l'autorité ne s'accroît que par les divisions de toute espèce entre les sujets.
Sur la sanction royale.
Voilà une loi faite d'une manière ou d'une autre, il faut sans doute qu'elle soit remise au pouvoir exécutif. Celui-ci la munira de son sceau Jl attestera ainsi au peuple français, que telle est la teneur exacte de la loi nationale, il en fera la promulgation avec les formalités ordinaires et ordonnera de son autorité, qu'elle soit exécutée en son nom, car rien dans le royaume, hors la loi, ne peut s'opérer qu'au nom et en vertu du pouvoir exécutif, mais pour faire exécuter la loi, il est inutile qu'il la juge. C'est ce que j'appelle sanction royale, car enfin il faut s'entendre et ce ne peut être qu en définissant les mots.
Sur le veto absolu.
Le droit de veto, s'il faisait partie de la prérogative royale, ajouterait à la sanction le droit de rejeter absolument la loi décrétée par le Corps législatif, et ce serait là un veto absolu, ou bien le droit d'en suspendre l'exécution par une sorte d appel au peuple, qui serait vidé par les assemblées élémentaires, lorsqu'elles procéderaient au choix des nouveaux députés, et ce serait la un veto suspensif.
L'idée seule du veto absolu est odieuse. Ce ne serait pas le donner au Roi, mais à toute la corruption qui l'environne ; ce serait laisser à tous les abus réformés par le législateur le moyen de revivre par l'intrigue de ceux qui auraient intérêt à les maintenir ; par conséquent ce serait donner lieu au rejet des bonnes lois bien plus souvent qu'à celui des mauvaises : ce serait soumettre à la volonté d'un seul la volonté générale, gêner le législateur par la crainte du veto, 1 exposer à être fatigué par l'usage fréquent de cette entrave, le rebuter au point que pour ne pas perdre son temps et sa peine à faire des lois, il serait comme forcé de se concerter avec les ministres ; 1 ascendant de ceux-ci dans ce concert tiendrait bientôt de l'empire. La nation ne con-sei verait plus dans la personne de ses représentants qu une ombre de législation dont le pouvoir législatif aurait, par l'effet du veto absolu,Toute la réalité. Ainsi se confondraient insensiblement les deux pouvoirs dans les mains du Roi, et la monarchie serait dissoute.
La liberté publique ne tient pas à l'équilibre des pouvoirs ; vieille erreur qui prétendait con-
server un corps politique comme la nature conserve les corps organisés par des mouvements qui les usent.
Ces corps vieillis par les causes mêmes qui les font vivre, meurent nécessairement. C'est le sort d un Etat qui a fait consister sa vie politique dans le choc des pouvoirs, dans l'action et la réaction de ses éléments.
La monarchie ne tend à sa dissolution que parce que tous les pouvoirs tendent à se mêler ; ils se mêlent bientôt quand ils se combattent, parce que la victoire ne peut toujours rester indécise. Le simple contact suffit pour en amener le mélange et la confusion. Le pouvoir exécutif a surtout envers tous les autres la vertu irrésistible de les absorber, pour peu qu'il y touche. Le pouvoir qui l'invoque pour sa conservation demande du secours aux lois, séparons donc le pouvoir exécutif et le législatif, de manière que 1 un n ait jamais rien à faire à l'autre.
On veut empêcher l'abus du veto absolu, par la menace de cesser le payement des impôts ; c est la ressource d'éviter un petit mal par un plus grand ; c'est menacer l'ennemi de sa liberté de se donner la mort, ou l'usurpateur d'une partie de sa maison de la brûler tout entière.
L insurrection générale aurait les mêmes vices. C est un remède qui pour faire cesser un vice local jetterait le malade dans des convulsions mortelles.
L'opinion publique sera, dit-on, seule suffisante pour nous garantir des abus du veto ; mais par qui les Rois pourront-ils connaître l'opinion publique, si ce n'est par des courtisans et par des ministres? et que pourrait sur eux l'opinion publique ? cette opinion ne serait-elle donc rien pour l'Assemblée nationale? si, par son influence sur le Roi, elle peut empêcher l'abus du veto, elle peut encore mieux en prévenir le besoiu par son influence sur les représentants de la nation de l'Europe qui a le plus de patriotisme et de lumières.
Sur le veto suspensif.
Le veto suspensif ne serait pas, j'en conviens, comme 1 absolu, une guerre ouverte entre la nation et son chef, mais il mettrait souvent en procès le monarque et l'Assemblée nationale, procès indécent, procès capable de compromettre la dignité royale et de l'avilir; dans ce litige impolitique et bizarre, les intérêts du peuple en seraient le fond, l'Assemblée nationale en serait le premier juge, Je Roi serait en sa qualité de délégué, 1 appelant des décrets, et le peuple serait dans sa propre cause le juge suprême entre ses représentants et le monarque; celui-ci, après avoir eu la première humiliation d'avoir le peuple pour son juge, en aurait souvent une seconde, ce e de perdre son procès; ensuite une troisième celle de faire exécuter des lois qu'il aurait improuvées par son appel.
Sur le veto de la loi.
Ici s'élèvent de tous côtés des clameurs sur les dangers des decrets précipités et qui n'ayant plus le trein du veto royal pourraient être l'effet de i erreur ou des passions. Chacun se dit en frémissant : les propriétés et les personnes seront donc a la merci de l'ignorance ou de la fougue de douze cents aristocrates qui, plus absolus qu'un
despote, pourront dans une session orageuse, dans une séance impétueuse, renverser et le gouvernement et les limites des différents pouvoirs et l'organisation des grands corps et l'état même des citoyens! Si ces craintes étaient effectivement celles de la nation, elle s'effraierait donc de sa propre confiance envers des mandataires, qu'elle a jugés dignes de son choix.
Il y aurait bien des choses à dire pour calmer des alarmes qu'on ne feint ou qu'on n'exagère que pour en faire le prétexte du veto royal absolu ou suspensif; mais supposons le danger tel qu'on le peint, supposons que certaines Assemblées puissent se livrer à la précipitation, aux erreurs, aux écarts, à l'emportement, au zèle indiscret, aux illusions de l'éloquence; Supposons surtout que tout cela soit possible dans des temps orageux et au sein des partis qui laissent si rarement à la raison publique et à l'esprit des individus, le calme et l'impartialité si nécessaires à des corps législatifs.
Eh bien ! voici le préservatif infaillible de ces égarements politiques. C'est un veto sans doute, mais ce n'est pas le veto d'un mortel qui peut se passionner comme tout autre, qui par état doit être plus agité par les passions cl'autrui, plus égaré par des inspirations captieuses qu'une Assemblée entière par les préjugés, ou par les passions de ses membres. C'est leveto de la loi, veto froid, impassible, impartial, qui s'étendrait à tous les décrets sans exception, veto sans dangers pour la nation, sans inconvénients pour le monarque, et qui en forçant les lenteurs de la législation lui assurerait une sorte d'infaillibilité et lui imprimerait le caractère de la sagesse.
Cet admirable veto serait celui qui renfermerait un décret solennel et irréfragable, par lequel aucune des lois décrétées par une Assemblée nationale n'aurait force de loi définitive que lorsque la pluralité des assemblées élémentaires en procédant à l'élection des nouveaux députés l'aurait confirmée, avec ou sans l'amendement qui aura élé décrété.
Cette marche paraît irréprochable, elle dissipe bien mieux que le veto royal les alarmes qu'on fait sonner si haut sur les excès et les égarements possibles d'une Assemblée nationale qui serait souveraine dans ses décrets; elle rend à la nation l'exercice immédiat du pouvoir législatif que l'étendue de l'empire la forçait de confier à des représentants. Les assemblées élémentaires qui, séparées n'auraient pu s'accorder à faire des lois, qui, privées des avantages immenses d'une discussion commune, auraient été sujettes à commander des erreurs dans les cahiers tout à la fois impératifs et contradictoires, seront dans une situation bien plus lumineuse en jugeant les projets des lois faits par leurs mandataires réunis. L'objet de leur décision sera préparé et partout le même. Les débats de l'Assemblée nationale auront éclairé ces assemblées élémentaires; celles-ci auront un secours déplus, celui des lumières publiques toutes récentes et leurs discussions particulières. C'est alors que des cahiers pourront sans inconvénient être impératifs sur chaque décret, et le rapprochement des cahiers faits dans la prochaine législature, montrera la loi lixée par la majorité des vux de la nation dispersée. Elle sera ce qu'elle doit être, l'unique législateur, et le monarque attendra avec autant de calme et de majesté ce moyen infaillible de discerner la volonté générale, pour remplir l'auguste mandat de la faire exécuter comme dépositaire de la force publique.
Projets d'articles sur les objets ci-dessus.
Art. 1er. Le Corps législatif sera continuellement
assemblé.
Art. 2. La moitié du Corps législatif sera renouvelée tous les six mois.
Art. 3. Les assemblées élémentaires , en procédant chaque année à l'élection des députés, nommeront à la fois ceux des deux semestres.
Art. 4. Le nombre total des députés dans chaque législature sera réduit à 600.
Art. 5. Le Corps législatif ne formera qu'une Chambre.
Art. 6. Dans le cas où il aura été commis des crimes de lèse-nation ou de lèse-majesté, dans ceux où il aura été porté quelque atteinte à la Constitution, dans les cas encore de forfaiture ministérielle et des corps de magistrature, l'Assemblée nationale choisira au scrutin 50 membres pour juger les accusés sur la dénonciation qui en sera faite au tribunal par décret de l'Assemblée.
Art. 7. Aucune des lois décrétées par une Assemblée nationale n'aura force de loi définitive que lorsque la pluralité des assemblées élémentaires, en procédant à l'élection des nouveaux députés, l'aura confirmée avec ou sans l'amendement qui aura été décrété.
Art. 8. En cas de partage des assemblées élémentaires sur un décret quelconque, ce partage sera vidé par la prochaine législature après de nouveaux débats.
Art.9. L'Assemblée nationale, en rendant chaque décret, déclarera s'il est urgent ou s'il ne l'est pas, et tout décret déclaré urgent sera exécuté provisoirement.
Art. 10. Ne seront déclarés urgents les décrets dont l'exécution ne serait pas réparable en définitive.
Art. 11. Nul décret de l'Assemblée nationale ne pourra être exécuté dans l'étendue du royaume que d'autorité du Roi, en son nom et après la promulgation que Sa Majesté en aura faite dans les formes ordinaires, et ne pourra, cette promulgation, avoir lieu pour les décrets non urgents , qu'après leur confirmation dans la législature qui aura suivi celle où ils auront été rendus, auquel cas elle ne pourra être refusée.
(1). Réflexions sur les municipalités et le veto. Messieurs, j'ai écouté avec une extrême attention l'opinion de M. l'abbé Sieyès ; j'ai suivi ses raisonnements : la force de sa logique et l'enchaînement rapide de ses idées m'ont étonné sans me convaincre. Il a conclu premièrement à ce que les municipalités fussent organisées avant de s'occuper de Vorganisation du Corps législatif ; secondement, à ce que tout veto, même suspensif, fût refusé au dépositaire du pouvoir exécutif. Mon opinion est sur ces deux points, diamétralement opposée à celle de M. l'abbé Sieyès. Je crois fermement que j'ai raison et c'est cette conviction intime qui m'avait fait demander la parole : l'Assemblée a jugé que la matière était assez éclair-cie; je ne puis pas être de l'avis de l'Assemblée, et je vais, pour l'acquit de ma conscience, écrire ce que j'aurais dit.
Pour prouver qu'il faut organiser les assem-
S'il est vrai, s'il est évident, comme il l'a démontré, que la France ne peut pas être une démocratie;
S'il est vrai, s'il est évident, comme il l'a encore démontré, qu'un Etat, dans lequel la volonté générale serait le résultat de toutes les volontés des provinces, des districts, des municipalités s"1 expliquant directement sur chaque objet, serait une véritable démocratie,
11 est aussi vrai, aussi évident que les municipalités ne sont pas les éléments du Corps législatif.
Leur organisation est totalement indifférente à la sienne ; ce n'est pas comme membre de telle ou telle municipalité; ce n'est pas en raison du mode selon lequel elle aura été établie ; c'est comme citoyen, c'est comme Français , que chaque individu est élément du Corps législatif, en ce qu'il contribue par son suffrage, à la nomination de ses membres. Il n'a, il ne peut avoir, il ne peut tenir de l'organisation quelconque d'une municipalité aucune autre influence sur lui ; il ne peut lui donner de mandats; il ne peut même lui donner d'instructions. Le Corps législatif étant un pouvoir constitué et au-dessus des provinces, des districts, des municipalités, des individus, il ne doit en recevoir que des pétitions respectueuses ; voilà les principes de M. l'abbé Sieyés , voilà les miens ; nous ne différons que dans les conséquences auxquelles ces principes conduisent.
Que sont donc les municipalités? dira-t-on. Elles sont, ainsi que les assemblées de district, ainsi que les assemblées de province, de simples corps administratifs qui ne doivent avoir aucune influence sur la législation,qui seront,à quelques égards, sous la surveillance du pouvoir législatif, et à plusieurs autres sous la dépendance du pouvoir exécutif. M. l'abbé Sieyès l'a dit et l'on ne peut trop le répéter: laFrancene doit être ni une démocratie ni un état fédératif. En vain des novateurs imprudents, en vain des hommes qui ne sauraient garder aucune mesure dans les succès dont ils seraient étonnés eux-mêmes, voudraient-ils renverser la monarchie qu'ils confondraient avec le despotisme ; iegénie de la France ne souffrirait pas que de tels desseins s'accomplissent; tous les bons citoyens se réuniraient et conserveraient,même au prix de leur sang, le gouvernement qui convient à notre position géographique et politique et à notre esprit national. Mais s'il était un moyen de rendre possible et probable la dissolution de la France en démocratie, ce serait peut-être celui que M. l'abbé Sieyès a lui-même proposé dans des vues totalement contraires.
J'ose le dire parce que je le pense : organisez les municipalités avant d'avoir organisé le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, et la démocratie sera formée, et la monarchie ne sera plus possible à rétablir.
En effet quelle unité peut-on attendre d'une multitude de corporations organiséês séparément, ne pouvant tenir à aucun centre commun, existant et existant organisées avant le pouvoir qui en assure l'exécution ?
Ou cette organisation sera une véritable anarchie ou elle sera un état régulier.
Si elle est l'anarchie, ne la créons pas ; si elle
peut exister régulièrement avant les pouvoirs auxquels il faudra l'assujettir, quel sera le moyeu de l'engager à souffrir sans troubles l'établissement de ces pouvoirs?
Je crois ces raisonnements justes; les faits viennent encore à l'appui.
Paris s'est organisé en district avant de s'être organisé en municipalités ; les districts ont nommé un corps représentatif et ont përsisté dans leur organisation de districts. Qu'en est-il résulté? C'est que les districts font quelquefois obstacle à ce que l'Assemblée de représentants décide ; c'est qu'il y a peu d'unité dans l'administration ; c'est qu'exagérant leurs prétentions, il y a eu des districts qui se sont permis d'articuler une opinion impérieuse sur les objets qui occupent actuellement l'Assemblée nationale. Que sera-ce donc, lorsque, dans toutes les parties de la France, il existera de semblables corporations. Quel moyen pour les perturbateurs du repos public 1 Quel danger pour la Constitution 1 On verrait bientôt arriver de toutes parts des mandats impératifs, et l'existence de ces mandats est, comme en convient l'abbé Sieyes, le caractère distinctif d'un Etat démocratique.
Je conclus qu'il est nécessaire d'organiser promptement et avant tout le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et que le travail des municipalités ne doit être entrepris que lorsqu'en établissant leurs droits, on pourra, par le même acte, leur indiquer leurs devoirs.
Je passe à la discussion de la seconde partie de l'opinion de M. l'abbé Sieyès : Il refuse au Roi tout veto et ses motifs m'ont paru se réduire à cette série de raisonnements :
1° Le Roi est un avec la nation, on ne peut donc le placer hors de la nation, et c'est l'effet du veto qui est une sorte de lettre de cachet contre là volonte nationale.
2° Un suffrage ne peut en étouffer plusieurs sans qu'Une devienne possible qu'il les étouffe tous ; et alors la loi pourrait devenir l'expression de la volonté d'un seul.
3° Le droit d'empêcher, équivaut au droit de faire; lorsque ta majorité rejette une proposition, elle n'use que d'un véritable veto et cependant elle exerce le pouvoir législatif.
4° Enfin, la précipitation, seul danger de l'unité du Corps législatif, peut être arrêtée par deux moyens: le rassemblement d'une Convention ou pouvoir constituant, sur la réquisition de l'un des pouvoirs constitués, et la division de l'Assemblée en trois sections ou Chambres qui, délibérant séparément sur les mêmes objets et pouvant prolonger leurs délibérations, retarderaient suffisamment la résolution définitive.
Je vais suivre la même marche et combattre les propositions qui suivent l'énoncé des principes. D'abord je conviens que le Roi doit être un avec la nation ; mais je ne vois pas comment le veto même absolu l'en sépare.
Nous convenons tous que le veto le plus absolu est nul contre la nation; mais on nous ajoute que le vu de la législature, est le vu national ; et je crains qu'il n'y ait ici une pétition de principes. Je vais clairement poser les miens, et c'est des assertions mêmes de M. l'abbé Sieyès que j'aime à les appuyer.
La France n'est point une démocratie.
Une démocratie est le gouvernement dans lequel la collection des volontés forme la convention générale.
La France est une monarchie. La volonté géné-
raie y est formée par celle de la représentation nationale.
La représentation nationale peut être de deux sortes
La représentation extraordinaire, nommée Convention ou pouvoir constituant.
La représentation ordinaire, nommée Législature ou Assemblée nationale, et qui est un pouvoir constitué.
Certes, il existe entre ces deux représentations une différence bien sensible. La première gui est antérieure à l'établissement de la Constitution ou destinée à la préparer serait évidemment la représentation nationale, la deuxième serait (1) dépositaire de cette souveraineté entière dont le principe est dans le peuple, mais qu'il ne peut exercer lui-même sans tomber dans la démocratie; aucun veto ne peut lui être opposé, sur ce point nous sommes d'accord.
Mais les caractères de souveraineté ou de volonté nationale ne se trouvent pas dans le pouvoir constitué ou la Législature : la Législature n'est pas souveraine puisqu'elle doit respecter la Convention, puisqu'elle est constituée parla Convention, puisqu'elle en est dépendante.
La Convention qui l'a établie peut, dans la Constitution même, lui donner des entraves, l'assujettir à un mode quelconque enfiii, même à un veto confié à un autre pouvoir, et dont l'action dirigée contre un pouvoir constitué ne peut jamais passer pour être dirigée contre la volonté générale.
Un suffrage ne doit pas en balancer plusieurs, il parviendrait à les étouffer tous. Ce raisonnement aurait toute sa force, si le veto s'appliquait à la Constitution ; mais il me semble en avoir moins, s'il ne s'applique qu'à la Législature : alors, en effet, l'avis du Roi n'est point le suffrage d'un homme; il n'est pas non plus le suffrage du pouvoir exécutif, car le pouvoir exécutif n'a point de suffrage, il n'a qu'une force et des bras ; mais cet àvis est le suffrage d'un véritable pouvoir constitué, d'une portion intégrante du pouvoir législatif ; alors le Roi aurait feçu du pouvoir constituant la charge d'être le modérateur de la machine législative,, et ce modérateur, ce législateur, serait placé dans ïa machine même et non en dehors comme le suppose M. l'abbé Sieyès. Il me semble qu'aucun principe ne repousse cette manière de raisonner ; la question du veto se réduit à cette question simple qu'a encore posée M. l'abbé Sieyès : Est-il utile ou non que le veto soit admis ?
Il est inutile de prévenir que ce n'est que relativement à la nation qu'il faut considérer cette utilité.
Le veto a été présenté sous trois points de vue : absolu, suspensif ou itératif.
Le veto absolu a été combattu fortement, j'avoue qu'une seule raison m'en éloigne:
c'est la probabilité qu'il serait difficilement employé par le Roi que
l'effervescence publique menacerait, si, prévenu pour la loi proposée, le peuple ne
voyait dans la Constitution même une espérance de là cessation du veto.
Si la loi est mauvaise, la Législature ne l'exposera pas à un nouveau refus légal ; si elle est bonne,le Roi ne réitérera pas un refus qu'Userait forcé de rétracter dans peu de temps, et qu'il peut alors, ëh cdnàervant la dignité royale, rétracter volontairement.
Il résultera donc de l'admission du veto itératif que les décisions seront lentes et réfléchies, mais que la volonté de la Législature ne sera point opprimée par la volonté d'un seul; et certes pour un peuple qui a une Constitution, il vaut mieux se passer d'une bonne loi pendant plusieurs années que d'en voir subitement introduire de mauvaises et de destructives de la liberté publique.
Mais les avantages ne peuvent-ils s'obtenir par d'autres moyens ?
M. l'abbé Sieyès en a proposé deux.
Le premier consiste à donner à chaque pouvoir constitué, la faculté d'invoquer un pouvoir constituant. Le second de diviser l'Assemblée nationale en trois sections délibérantes.
Le premier moyen me paraît très-dangereux. Je conviens qu'une Constitution ne peut être d'une durée indéfinie, que l'ouvrage des hommes a besoin d'être rectifié ; mais je crois qu'un ouvrage de cette importance, ne doit être revu qu'à de longs intervalles.
Il est dans le principe invoqué par M. 1 abbe Sieyès, que le pouvoir constituant est souverain dans tout Etat qui n'est pas démocratique. Il n'a pas même admis la modification de pouvoir que la Convention peut recevoir du peuple lorsqu'elle n'est appelée que pour un objet.
Mais dans tous les cas et dans toutes les hypothèses, le pouvoir constituant, une fois rassemblé, ne pourrait que très-difficilement être retenu, être enchaîné dans ses opérations ; il voudrait non-seulement prononcer sur l'appel interjeté devant lui, par l'un des pouvoirs constitués, mais sur toute la Constitution, il voudrait la changer, la refaire ; il voudrait dénaturer les pouvoirs et en recréer de nouveaux. Je le demande à M. l'abbé Sièyës lui-même; serait-il prudent, serait-il utile, dans lë moment d une lutte entre les pouvoirs constitués, dans le moment de la plus forte effervescence, d'appeler ce terrible arbitre, dont l'intérêt dirigé par 1 influence des événements et des passions publiques, pourrait nous condamner au despotisme, s il donnait la victoire au Roi, ou nous conduire a l'aristocratie, s'il faisait triompher le vu de la Législature. .
Le secoud moyên me paraît encore moins eîîi-cace. Trois portions délibérant séparément, formeraient bientôt trois esprits ; si le terme de leur délibération était fixe, il n'y aurait plus de veto réel, et je ne crois pas que le terme put être fixé à un intervalle, assez long pour opérer une véritable suspension ; si le terme était indelini, sa majorité réduite dans une seule section, exercerait le plus absolu et le plus dangereux des veto. Alors se réaliserait le danger prévu par M. l'abbé Sieyès : on verrait dans le sein de 1 As-
semblée, un petit nombre de suffrages enchaîner un grand nombre; et, s'il est vrai, comme le prétend M. l'abbé Sieyès, que le droit d'empêcher soit équivalent au droit de faire, on verrait la minorité de l'Assemblée exercer le pouvoir légis latif (1).
Je me résume et je conclus : 1° Que l'organisation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif doit précéder celle des municipalités ;
2° Que le veto itératif doit être admis parce qu'il est utile, et qu'aucun principe ne le condamne.
(2). Opinion sur la sanction royale. Messieurs, la principale question dont s'occupe cette auguste Assemblée est posée de manière à embarrasser la discussion. L'on nous propose d'examiner ce que c'est que
la sanction royale..... on suppose donc qu'il
existe une sanction royale : en ce cas, la pluralité des cahiers nous invitant à attribuer au Roi le droit de sanction, il ne resterait qu'à lui conserver ce droit tel qu'il aurait existé précédemment.
Si au contraire, il n'existe pas de sanction royale, il n'y a pas lieu de demander ce que c'est que la sanction royale.
11 faut cependant obéir aux cahiers et accorder au Roi le droit de sanctionner les lois ; mais en ce cas, il faut examiner quel droit nous entendons créer sous cette dénomination de sanction.
Il me semble qu'en réduisant la question à ce point, on abrégerait la discussion et l'on rapprocherait les avis ; c'est la marche que j'ai prise pour former mou opinion, que je vais développer.
If n'existe actuellement aucune sanction royale, et il n'en a pas existé depuis que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont été confondus, ce qui remonte à une époque bien reculée.
Dans les derniers siècles de ce temps de despotisme, il s'était formé une idée de sanction parlementaire qui opérait, dans un sens opposé, le mal que l'on redoute de la sanction royale absolue.
Les parlements accordaient ou refusaient l'enregistrement, je ne dirai pas suivant leur intérêt particulier, il est inutile de revenir sur des fautes vraies ou supposées, lorsqu'il n'y a plus lieu de les craindre ; mais je dirai que les parlements accordaient ou refusaient à la volonté particulière du Roi une adhésion également particulière, mais qu'ils faisaient respecter comme volonté générale; je ne crois pas qu'on entende maintenir cette sanction.
La sanction que nos rois exerçaient avant la confusion des pouvoirs, ne conviendrait pas non plus au système de ceux qui croient à la nécesité d'un veto absolu dans la personne du Roi.
Cette sanction qui prit naissance avec la monarchie, consistait simplement en ce que le Roi prononçait et publiait en son nom, comme chef de la nation, les lois qu'il avait réfléchies, et concertées avec la nation.
Il ne faut pas qu'il reste de doute sur ce point
Les fondateurs de la monarchie auraient-ils pu concilier l'idée de faire les lois dans l'assemblée générale présidée par le Roi, avec l'idée que le Roi, témoin des motifs déterminant les lois, aurait cependant pu refuser de leur donner la forme nécessaire poulies rendre authentiquement publiques et irrésistiblement exécutoires ?
Cette sanction, qui dérivait d'un droit constitutionnel, ne formait pas cependant de veto même suspensif : le Roi avait la facilité de faire valoir ses observations ; tout sujet pouvait les critiquer ; l'histoire en rapporte un exemple relativement à un partage de biens communs, et cet exemple remonte aussi au règne de Clovis.
Je cï ois cependant qu'il convient d'attribuer au Roi un droit plus étendu. C'est un droit que nous devons créer ; ainsi, au lieu de nous attacher à découvrir ce qu'est la sanction royale, nous devons examiner ce qu'elle doit être.
La sanction royale ne peut être un droit qui appartient au Roi comme particulier et individu. Le Roi ne doit avoir d'intérêt que dans l'observation de l'ordre et dans la félicité publique.
La sanction royale ne peut donc être que l'application d'une autorité jugée nécessaire à l'intérêt de la nation.
Si cette autorité est nécessaire, c'est, ou pour donner plus d'authenticité aux lois reconnues convenables à la nation, ou pour empêcher l'effet des lois que les représentants des peuples proposeraient par erreur contre les intérêts même de la nation.
L'application de Ja sanction dépendra donc toujours d'un simple jugement sur la convenance ou la disconvenance des lois qui seront proposées.
Et remarquez, Messieurs, que ce jugement ne pourra jamais être fondé que sur une opinion particulière qui sera en contradiction avec l'opinion générale.
Il n'est pas dans l'ordre des vraisemblances que l'opinion particulière d'un seul homme soit plus raisonnablement motivée que l'opinion du corps des représentants de la nation, plus sagement réfléchie que la résolution prise par l'élite de la nation, plus convenable au bien public que le parti adopté par ceux qu'on a cru le3 mieux instruits sur les véritables intérêts de la nation.
Cette singularité peut cependant se trouver dans l'ordre des choses possibles; l'histoire d'Angleterre en fournit l'exemple.
Nous avons à examiner quel doit être l'effet du jugement du Roi dans ce cas supposé.
Ce jugement du Roi sera-t-il souverainement décisif? en ce cas le Roi aura une volonté absolue, et d'autant plus dangereuse, qu'il l'opposera à la volonté générale ; il s'écartera donc du but que la nation s'était proposée en créant l'autorité sanctionnaire.
Cet inconvénient serait d'autant plus dangereux, qu'il y aura beaucoup de lois à sanctionner incessamment, et qu'il y en aura d'autres à faire dans la suite, dont l'expérience montrera bientôt la nécessité.
D'ailleurs, dans tous les temps et dans tous les cas, le pouvoir absolu d'empêcher l'établissement d'une loi ne serait pas moins à craindre que la liberté d'éluder ou de mépriser les lois déjà établies ; le germe et le ressort du despotisme se
trouvent dans l'un et l'autre système : la seule différence qu'on puisse y apercevoir, c'est que le droit absolu de la sanction une fois reconnu, le despotisme serait légal ; il ne souffrirait plus ni réclamation ni plainte. Le mal serait sans remède.
Je dis, sans remède, car le tempérament proposé par ceux qui tiennent au veto absolu, je veux dire la suppression des impôts, ce remède serait pire que le mal.
D'après le plan qui va s'élever sur les bases déjà posées, toute l'administration publique, même le culte, dépendrait beaucoup désormais des impôts ; supprimer alors lesimpôls ce serait renverser la monarchie: on ne pourrait donc corriger l'erreur ou l'entêtement ou l'injustice du chef de la nation, sans mettre en danger la propriété et la liberté de tous les citoyens.
Il faut cependant une sanction royale ; mes cahiers me chargent de la demander. Je dois les respecter, et je les respecte bien autrement que deux des opinants qui ont voté dans les précédentes séances pour la sanction et pour le veto absolu, sur le fondement des cahiers, quoique leurs propres cahiers (l) réservent ce droit à la nation seule. Mes cahiers me chargent d'établir la sanction royale, et s'ils étaient muets sur ce point, je puiserais dans ma persuasion les motifs qui en démontrent la justice; je donnerais pour raison la nécessité d'un surveillant pour la nation sur les représentants de la nation même.
Mais la sanction royale ne doit être que ce qu'il est nécessaire qu'elle soit;, et je ne lui vois que deux caractères de nécessité.
Le premier caractère, c'est de revêtir la loi de la forme authentique ; ce sera une imitation embellie de ce qui se passait au champ de Mars : le Roi, présent à la formation des lois, y apposait une signature auguste qui les rendait authentiques et exécutoires dans toutes les parties du royaume.
Le second caractère, que je crois de création nouvelle,mais qui me parait d'un effet utile et nécessaire , sera d'empêcher d'abord l'exécution des lois qui paraîtraient trop précipitamment délibérées, et qui feraient craindre des inconvénients.
La faiblesse de l'humanité ne permet pas de prétendre à l'infaillibilité, même dans la réunion d'un grand nombre (2) : il est convenable de se précautionner contre les surprises de Teneur; elles sont presque toujours irréparables en fait de législation.
Mais la plus dangereuse des erreurs en politique, serait de croire l'opinion particulière et personnelle du Roi absolument plus éclairée, et définitivement préférable à l'opinion répétée et constante des représentants de la nation.
Il faut accorder au Roi le droit de faire réfléchir de nouveau et délibérer derechef sur les inconvénients qu'il croira apercevoir dans les lois présentées à la sanction.
Mais, si les représentants de la nation délibérant une seconde fois après de
nouveaux pouvoirs, trouvent que la.loi proposée est nécessaire au bien er. Que l'Assemblée des Etats
généraux soit reconnue solennellement la seule puissance compétente pour consentir
et sanctionner les lois et les impôts.
Modifier ainsi le droit du Roi n'est pas détruire la sanction royale, comme le dit le mémoire du comité de Constitution, c'est au contraire l'éclairer et la sonder.
Modifier ainsi la sanction royale, n'est pas détruire la royauté, comme l'ajoute le même mémoire; au contraire, c'est la rendre respectable et utile, c'est la rendre effective suivant sa destination primitive et nécessaire, qui est d'attester par la signature du prince, que telle est la volonté de la nation.
Au contraire, le droit que l'on propose d'attribuer au Roi de s'opposer arbitrairement à la volonté générale de la nation, etde s'y opposer d'une manière définitive et irrésistible, ce droit détruirait la liberté de la nation, et conséquemment la nation même.
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. La volonté générale doit donc être respectée par le Roi comme par les sujets ; il ne s'agit que de prendre des précautions pour s'assurer de cette volonté générale, et l'on y parviendra en faisant délibérer derechef dans une seconde session, et en vertu de nouveaux pouvoirs sur la loi à laquelle le Roi aura cru pouvoir refuser d'abord sa sanction.
Mais comment les assemblées élémentaires pourraient-elles délibérer sur ce refus, si les motifs en étaient ignorés? et comment en découvriraient-elles les motifs si, comme le propose le comité de Constitution, le Roi n'expliquait jamais sa négative absolue ?
Quelle autorité que celle qui pourrait donner sa volonté pour raison de son refus!
Ehl Messieurs, dans les temps même du despotisme sous lequel nous avons vécu, les ministres motivaient au nom du Roi, leurs coups d'autorité comme ses grâces; ne nous exposons pas à nous repentir d'être sortis de cet esclavage.
Les opinants pour le veto despotique cherchent à vous tranquilliser par la considération du nouvel ordre que vous allez établir; on vous y fait apercevoir des motifs propres à attacher le monarque à l'exécution des bonnes lois.
Mais la première association des fondateurs de la monarchie fut faite dans les mêmes intentions qui animent ses régénérateurs.
Les premiers rois de Prauce et leurs successeurs avaient les mêmes leçons, les mêmes intérêts, les mêmes devoirs que la Constitution écrite présentera à Louis XVI et à ses descendants. Cependant ces leçons n'ont pas toujours été suivies, ces intérêts ont été longtemps confondus.
Et du grand nombre des rois qui ont gouverné cet empire, combien en comptez-vous qui se soient reconnus soumis à ces devoirs? Combien s'en est-il trouvé qui aient respecté leurs véritables intérêts, qui tiennent cependant essentiellement au maintien des droits de la nation?
De tous les monarques qui ont paru sur la terre, celui qui nous gouverne a le plus contribué à la restauration de la liberté de ses sujets. Mais n'a-t-il pas été exposé lui-même à appesantir et à éterniser les chaînes de l'esclavage ? Ses séducteurs n'ont cédé qu'aux mouvements de l'insurrection. Ne faut-il pas le garantir à jamais, ainsi que ses successeurs, de toutes nouvelles surprises ministérielles?
Pouvez-vous croire que nos princes, toujours obligés de voir par d'autres yeux que les leurs,
et de parler par d'autres bouches, ne seront plus exposés à la contagion de l'arbitraire? La sagesse et la prudence siègent actuellement dans le conseil du Roi ; mais pouvez-vous compter pour toujours sur le choix qui l'éclairé ? Instruits par nos malheurs, évitons' tout ce qui peut les faire renaître.
Ne perdons pas de vue, Messieurs, que nos travaux actuels'sont déterminés par nos craintes, et que nos craintes sont fondées sur l'expérience du malheur.
Ce n'est pas seulement pour diriger les bons rois que nous formerons une Constitution, c'est principalement pour arrêter les entreprises des princes faibles ou vicieux qui pourraient mal gouverner ; or vous leur donneriez un moyen offensif de plus dans le veto absolu.
Concluons qu'autant il est intéressant que le Roi puisse refuser une première fois de sanctionner une loi qui lui paraîtra dangereuse, autant il serait à craindre qu'il eût le droit de rejeter obstinément la loi proposée, lorsqu'elle aura été ddoptée une seconde fois par l'Assemblée de la nation, délibérant en vertu de nouveaux pouvoirs.
Le refus du pouvoir exécutif doit empêcher l'exécution des arrêtés de l'Assemblée législative ; mais ce refus doit souffrir l'examen et le jugement de la nation, de qui émanent l'un et l'autre pouvoir.
Je crois qu'il doit y avoir un intervalle convenable entre le refus de la sanction et la nouvelle discussion de la loi.
Ce n'est pas trop d'une année de réflexions pour former l'opinion générale, seule capable de décider entre les vues des représentants qui proposent, et les raisons du monarque qui refuse.
Résumant mon opinion, je pense que la Constitution doit assujettir les lois à la sanction royale ; que le refus que pourrait faire le Roi de sanctionner une loi, devrait en empêcher l'exécution par forme de veto suspensif; mais que la nation aurait le droit de lever ce veto en délibérant après une année d'intervalle, et en vertu de nouveaux pouvoirs qui s'expliqueraient expressément sur la loi en question.
Me trouvant placé le trente-neuvième dans l'ordre à observer pour la parole, je préfère de communiquer mon opinion par écrit, me réservant de m'expliquer sur la forme dans laquelle l'article doit être rédigé, après que le pouvoir législatif aura été constitué.
(1). Avis sur la sanction royale. Messieurs, l'Assemblée nationale a arrêté que
tous ses décrets faits et à faire, seront présentés au Roi, savoir ceux déjà faits
tout incontinent et ceux à faire aussitôt après qu'ils auront été formés avec
supplication au Roi de faire expédier sur lésdits décrets ses lettres patentes
portant confirmation d'iceux et mandement de les mettre à exécution ; lesquelles
lettres patentes scellées du grand sceau de la couronne, seront adressées à
l'Assemblée nationale et envoyées de la part d'udit seigneur Roi à cette Assemblée
pour demeurer déposées dans ses archives, après quoi semblables lettres patentes
seront incontinent envoyées de la part du Roi à toutes les cours de justice et
autres tribunaux du
Et si le Roi ne jugeait pas à propos de faire expédier sur quelque décret qui lui serait présenté de la part de l'Assemblée nationale ses lettres patentes conlirmatives, en ce cas le Roi fêta connaître son intention à l'Assemblée nationale à laquelle il fera remettre l'exposition des raisons pour lesquelles il ne jugera pas à propos d'accorder la sanction demandée.
L'Assemblée nationale mettrait alors de nouveau la matière en délibération, et si elle persistait en son décret, elle ferait rédiger la justification des motifs de ce décret ; après quoi elle ordonnerait que le décret proposé à la sanction royale, l'exposition des raisons pour lesquelles le Roi aurait refusé sa sanction et la justification des motifs de ce décret seraient imprimés et publiés dans tout le royaume, pour livrer cette matière à la discussion publique pendant le cours d'une année entière pendant laquelle il ne pourrait être pris sur ce sujet aucune délibération et, ledit temps passé, la matière serait discutée dans les prochaines assemblées qui seraient convoquées pour l'envoi des députés à l'Assemblée nationale et il y serait mis en délibération si la nation doit faire insistance auprès du Roi pour la sanction du décret proposé. L'arrêté pour faire insistance ne pourrait être conclu qu'à la pluralité de plus des trois quarts des voix et, après ces délibérations préalables dans toutes les provinces, la question serait portée en l'Assemblée nationale où l'arrêté pour faire insistance ne pourrait être conclu qu'à la pluralité de plus des trois quarts des voix des députés opinant sur ce point,conformément aux mandats qu'ils auraient reçus à cet effet. Après qu'un décret d'insistance, dûment conclu dans l'Assemblée nationale aurait été remis au Roi avec supplication de faire expédier ses lettres patentes confirmatives du décret qui serait l'objet de cette insistance, le Roi commanderait l'expédition et l'envoi des lettres patentes, lesquelles ne pourraient être ultérieurement refusées.
(1). Opinion sur la sanction royale (2). C'est avec raison, Messieurs, que l'on
Qu'entend-on par sanction royale? La sanction royale est-elle nécessaire? Quelles sont les bornes de la sanction royale ? Tels sont suivant l'ordre du jour les trois articles proposés à la discussion.
En général la sanction d'une loi est un acte de l'autorité légitime par lequel un règlement proposé reçoit le caractère de loi.
Dans ces derniers temps, Messieurs, le monarque a - fait seul les lois : la nation a tacitement reconnu que l'autorité royale était suffisante pour établir des lois et il ne paraît pas qu'aucune autorité ait eu droit de sanctionner ces lois, car on ne regardera pas comme une sanction la formalité de l'enregistrement.
Aujourd'hui, Messieurs, commence un nouvel ordre de choses, la nation vient de rentrer dans ses droits; elle a établi comme un principe fondamental qu'en elle seule réside la souveraineté et, comme la puissance législative est un attribut essentiel de la souverainelé, il s'ensuit que la nation a exclusivement le pouvoir de faire des lois.
Ici, Messieurs, se présente la question de savoir, si la nation exerçant le pouvoir législatif, peut être arrêtée dans cet exercice par une autorité quelconque, s'il appartient au Roi de donner à vos règlements le caractère de lois et si une loi proposée par la nation peut être rejetée par le monarque.
Nous ne voyons pas que pendant une assez longue suite d'années que nos Rois ont exercé le pouvoir législatif, aucune sanction étrangère ait été nécessaire pour donner à leurs édits le caractère de lois. L'histoire nous fournit au contraire mille exemples qui prouvent que la sanction par une autorité autre que la puissance législative n'a jamais été requise pour la promulgation des lois.
On ne peut donc pas avancer comme un principe que la loi n'est loi que par la sanction qu'elle reçoit indépendamment de l'autorité qui l'a portée ; la raison et les faits nous disent au contraire que cette sanction n'est pas nécessaire.
Il y a plus, Messieurs, vous ne pouvez regarder la sanction royale comme nécessaire sans aller directement contre les principes que vous avez établis dans votre déclaration des droits.
L'article 3 porte que le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation.
La nation n'est souveraine que parce qu'elle est libre, et elle n'est libre que
parce qu'elle est
Si dans l'exercice de la puissance législative, qui n'est, comme on vient de le voir, que l'exercice de la liberté, la nation trouve des obstacles invincibles ; si une autorité quelconque peut interrompre, arrêter ou modifier cet exercice, à l'instant même la nation cesse d'être souveraine, je dis plus, la nation cesse d'être libre , je dis plus encore, la liberté de l'homme est anéantie.
La souveraineté réside dans la nation, dites-vous, Messieurs, et si vous accordez au Roi le veto absolu, vous lui donnez une autorité supérieure à celle de la nation, qui dès lors perd cette souveraineté.
La nation est libre... et vous voulez lui interdire la liberté de faire ses lois ! peut-on appeler souveraine et libre une nation qui n'a pas essentiellement par elle-même et par elle seule le droit de faire et de réformer sa législation ?
Il est peu de lois, quelque bonnes qu'elles soient dont il ne puisse résulter des abus : l'imperfection est inséparable des travaux humains.
Eh ! quels sont ceux qui profitent de ces abus? Ce sont presque toujours des ministres, des courtisans, de vils adulateurs, pour qui le bien général n'est qu'un vain nom, et qui n'ont jamais sacrifié qu'à leur intérêt personnel. Lorsque la nation voudra porter la réforme dans ces lois abusives, lorsqu'elle voudra leur en substituer de plus sages, alors, Messieurs, ceux qui entourent le trône, et à qui les abus sont avantageux, ne manqueront pas de prétextes pour faire rejeter la la nouvelle loi par le monarque.
La nation sera donc dans l'impossibilité d'exercer son droit, droit inaliénable, droit précieux qui est sa sauvegarde contre les attentats du despotisme; elle se trouvera forcée de conserver de mauvaises lois parce qu'elle n'aura pas eu la liberté de les changer. Dira-t-on encore que la nation sera libre ?
La loi doit être l'expression de la volonté générale, et cette volonté sera empêchée par une volonté plus puissante. Dira-t-on encore que la nation sera souveraine?
Deux honorables membres de cette Assemblée (1), dont j'ai toujours admiré les talents, mais à l'opinion desquels je ne me rendrai jamais sur la question soumise à la discussion, parce que cette opinion est absolument contraire aux principes que nous avons consacrés, ces honorables membres, dis-je, en nous vantant les effets salutaires du veto absolu, ne pouvaient mieux s'y prendre pour en démontrer les dangers.
Le Roi, vous ont-ils dit, aura, comme celui d'Angleterre, le droit de dissoudre l'Assemblée des représentants, en fixant à trois mois au plus tard l'époque de la suivante. ,
Outre les dépenses qu'occasionneraient ces fréquentes convocations, qui supposent
sans doute de nouvelles nominations de députés, elles sont
Ces convocations de la part du Roi, sont contre le vu de nos, commettants : pour m'en convaincre, je n'ai qu'à ouvrir nos cahiers, et j'y lis un article précis qui porte que les Etats généraux s'assembleront à des époques fixes et déterminées sans lettres de convocation de la part du Roi.
Ces convocations sont contraires aux intérêts de la nation, parce que le despotisme qui ne s'accroît qu'au milieu des abus ne manquera pas de dissoudre les Assemblées nationales lorsqu'elles seront composées d'hommes termes qui auront le courage de s'opposer à ses progrès.
Je le demande à tous les membres de cette auguste Assemblée, quels ressorts n'a-t-on pas fait jouer pour nous séparer? Intrigues , cabales, projets abominables, tout a été mis en uvre pour opérer la dissolution de l'Assemblée, et il y a deux mois que nous serions livrés aux horreurs de la guerre civile si le patriotisme des troupes et l'amour pressant de la liberté ne nous eussent sauvés des dangers les plus imminents. Ne perdons jamais de vue cet exemple mémorable et gardons-nous d'accorder au monarque le droit de dissoudre le Corps législatif lorsque l'exercice de ce droit est évidemment contraire aux vux et aux intérêts de la nation.
Les défenseurs du veto absolu, nous objectent sans cesse l'exemple de l'Angleterre, ils disent que depuis cent ans, le Roi n'a refusé sa sanction qu'une seule fois.
Je suppose que le fait ne soit pas même arrivé, il suffit qu'il soit possible, et qu'il ait de rands inconvénients pour qu'une nation ne oive pas s'y exposer.
En vain, dira-t-on qu'elle peut dans ce cas, refuser les subsides ; je répondrai qu'une nation ne doit jamais faire usage d'un droit nuisible à elle-même, et qui peut quelquefois la mettre à deux doigts de sa perte. Si elle refuse l'impôt, que deviendra la force publique ? Le militaire privé de sa solde abandonnera ses drapeaux, il cherchera à se procurer par la force, ce qu'il avait droit d'attendre comme salaire ; le royaume se trouvera sans défense et l'ennemi pourra impunément envahir nos possessions.
Le peuple à qui les impôts, quelque modiques qu'ils puissent être, paraissent toujours onéreux, le peuple, dis-je, attentif à saisir les plus légers prétextes pour s'autoriser à refuser sa contribution, sera souvent tenté d'employer ce moyen dangereux ; accoutumé à ne calculer que d'après son intérêt personnel, il différera autant qu'il sera en lui, le payement, de l'impôt, et bientôt il n'y aura plus d'équilibre entre la recette et la dépense. Nous ne savons que trop combien il est difficile de rétablir l'ordre dans les finances pour ne pas prendre toutes les précautions qui peuvent le maintenir.
La nation refusera l'impôt, si le Roi persiste à rejeter une loi juste et utile qu'elle aura faite et qu'elle croira avantageuse. On suppose donc que le Roi peut refuser sa sanction à une bonne loi : cela me suffit pour dire qu'il n'est pas de la prudence de la nation, de ne se ménager en pareil cas, qu'un moyen aussi nuisible et aussi contraire à ses propres intérêts.
On vous a dit hier, Messieurs, et on vous le répète aujourd'hui, que si le Roi persistait dans son refus, il ne résisterait pas à la force de l'opinion publique, et qu'une insurrection générale ferait cesser les effets du veto absolu
ou indéfini. Est-ce bien sérieusement que l'on vous a présenté ce moyen désastreux ? Malheur aux nations dont la Constitution ne laisse entrevoir d'autres ressources pour s'opposer à la volonté souvent précaire de son chef que les horreurs de la guerre civile.
Enfin, Messieurs, la nation est souveraine, vous l'avez dit; elle cesse de l'être, si vous accordez au Roi un veto illimité ! La loi doit être l'expression de la volonté générale: vous avez consacré cette vérité; elle cesse également de l'être si une volonté particulière peut en anéantir l'effet. Ne perdons jamais de vue nos principes, et que les lois que nous allons faire, en soient toujours les justes conséquences.
Cependant, objecte-t-on, il est possible que l'esprit de parti, l'intérêt personnel, l'erreur, la précipitation fassent sortir une mauvaise loi de l'Assemblée des représentants de la nation.
Cette Assemblée, a dit un célèbre orateur, court perpétuellement le danger d'être entraînée par l'éloquence, séduite par des sophismes, égarée par des intrigues, enflammée par des passions, arrêtée par des terreurs, emportée par des mouvements soudains (1).
Je suis sans doute plus fondé à dire qu'un Roi est bien plus exposé qu'une Assemblée à tous ces dangers. Trop souvent environné de gens dont l'intérêt personnel est en opposition avec l'intérêt public, il a plus que personne à se défendre de l'éloquence par laquelle on veut l'entraîner, des sophismes qu'on emploie nour le convaincre, des intrigants qui veulent l'égarer, des passions qu'on excite en lui, des terreurs qu'on lui suggère, des mouvements soudains qu'on lui inspire. Seul à lutter contre tous ces écueils, un Roi aura-t-il plus de moyens pour les éviter qu'une Assemblée entière ?
Mais je veux que cette Assemblée puisse aussi quelquefois se laisser emporter jusqu'à rendre des décrets précipités, n'est-il donc pas possible d'écartar, de prévenir ce danger, sans s'exposer au danger plus grand encore de paralyser le Corps législatif? ne peut-on pas concilier les précautions de la prudence avec la rigueur des principes ? Si vous Je pouvez, vous le devez sans doute, et le seul moyen d'y réussir est d'accorder au Roi le veto suspensif.
Si une loi présentée à la sanction est rejetée par le Roi, l'exécution en sera suspendue jusqu'à la session suivante, et l'Assemblée n'en continuera pas moins ses travaux, cette loi sera rendue, le monarque déduira les motifs de son refus, et la nation entière mettra en balance les avantages et inconvénients qui peuvent résulter de la loi proposée. Les députés qui reviendront à la session suivante, apporteront les vux des peuples sur l'admission ou la rejection de cette même loi. Si elle est jugée mauvaise par le plus grand nombre des commettants, nulle difficulté, elle sera rejetée ; si elle est demandée par la majeure partie de la nation, elle sera alors l'expression de la volonté générale : le Roi ne pourra se dispenser de la promulguer.
Voilà l'unique moyen de prévenir les inconvénients qui peuvent résulter de la
précipitation ou de l'esprit de parti qui auraient pu présider à la formation d'une
loi : par là, Messieurs, la loi deviendra ce qu'elle doit être, l'expression de la
volonté générale de la nation; par là, vous
Avec cette prérogative inappréciable, le Roi de France sera toujours, quoi qu'on en dise, le plus heureux et le plus puissant monarque de l'Europe.
(1). Opinion sur la sanction royale. Messieurs, le Roi aura-t-il le droit de refuser sa sanction aux décrets du Corps législatif? Telle est la question qui nous occupe.
Mon avis est qu'il ne peut jouir de ce droit, que j'appellerai le veto royal, dans ce sens, qu'il ne serait pas uniquement successif. J'ajoute qu'il ne peut être que cela dans la théorie, comme dans la pratique; et je prétends que toute Constitution est vicieuse, lorsqu'elle ne présente jbas à la nation une manière légale de subordonner ce veto à l'expression de la volonté gér nérale.
Qu'est-ce qu'une monarchie? D'après ce principe universellement avoué, cpie dans tout gouvernement légitime l'expression de la volonté générale est la lôi, la définition est simple : c'est un gouvernement 'où un seul est chargé de faire exécuter la volonté de tous; et la seule différence de ce gouvernement et du gouvernement républicain, c'est gue dans le premier, le prince ou chef du pouvoir exécutif, est un individu, et dans le second, c'est un être collectif.
D'après cette définition, il est aisé de voir que dans ce gouvernement, comme dans tout autre (légitime), l'exécution seulement est confiée au prince ou chef du pouvoir exécutif, et que tout acte de législation appartient à la nation ou-à ses représentants, sans que nul autre ait droit d'v concourir contre sa volonté, et par conséquent sans fque nul ait droit de s'y opposer : car dans la nation réside toute souveraineté. Or, si le monarque avait, par la Constitution, un veto absolu de telle sorte qu'il pût légalement s'opposer à la volonté connue de la nation, il est clair qu'il partagerait, ou, pour mieux dire, anéantirait la souveraineté de la nation, en rendant nul l'effet de sa volonté.
Les partisans du veto absolu, forcés de se rendre à des principes d'une telle évidence, nous dipent que ce veto n'est qu'un émanation d'une portion de la souveraineté que la nation a dû aliéner d'elle, afin d'arrêter la tendance naturelle du Corps législatif vers l'aristocratie absolue,et afin de se mettre elle-même dans l'heureuse impuissance de changer trop fréquemment les formes de son gouvernement.
Jamais, quoi qu'on puisse dire, la stabilité clés formes d'un gouvernement n'a dû
ni pu être fondée sur des bases contradictoires avec la raison. Et certainecnênt
rien ne l'est plus, que de faire déclarer à une nation qu'elle aliène d'elle sa
Donner le veto indéfini au prince, c'est déclarer qu'un seul individu équivaut à une nation tout entière plus un individu ; ce qui est à mes yeux le comble de l'absurdité.
Je dis plus : c'est que si le droit indéfini d'empêcher pouvait jamais être le partage du pouvoir exécutif dans quelque gouvernement, ce devrait être plutôt dans le républicain que dans le monarchique ; et voici comme je raisonne.
Quel est le gouvernement auquel une pareille faculté peut être accordée avec le moins de danger? c'est assurément le plus faible. Mais le gouvernement le plus faible est toujours celui où il faut un plus grand concours de volontés pour l'exécution, et le plus fort, celui où il en faut le moins ; d'où il suit que le monarchiqne est incontestablement le plus fort, puisque la volonté du gouvernement y étant une, elle tend toujours tout entière au même but : donc il serait encore moins contraire au principe, de donner le veto absolu au gouvernement dans une république que dans une monarchie.
Après avoir démontré que le veto absolu ne peut être accordé au monaçque sans choquer tous les principes de la xaison, j'espère parvenir à prouver que ce veto ne peut jamais être que suspensif, même dans la théorie.
D'après ¦ la définition que nous avons donnée de la monarchie, il résulte que tout ce qui est du pouvoir exécutif appartient au monarque, et qu'à la nation seule appartient de faire des lois. C'est de la sage discussion de ces deux pouvoirs que naissent tout à la fois l'ordre et la liberté. .
Mais comme il est de la nature des choses que tout se confonde avec le temps, il est aussi de la nature des gouvernements les mieux organisés que les -deux pouvoirs se confondent un jour plus ou moins : d'où naissent les deux plus grands malheurs pour une nation, l'anarchie et le despotisme.
Il s'agit donc de savoir si le veto accordé au monarque, indéfini ou absolu dans la théorie, est un moyen dont on puisse user pour conserver à chacun des pouvoirs leur intégrité ; et pour y parvenir, il faut d'abord connaître quel est celui des deux qui tend le plus invinciblement à anéantir, l'autre- Or, c'est assurément le pouvoir exécutif qui, pariant toujours au nom de la nation, et étant armé de toute la force publique pour faire exécuter les lois, a toute la supériorité d'une force active contre une force d'inertie. Augmenter ses droits naturels pour le conserver, ce serait donc lui fournir des forces nouvelles pour parvenir au despotisme.
Je sais qu'on oppose à ce danger la faculté qu'a le Corps législatif de refuser l'impôt, et par conséquent de forcer le monarque à sanctionner ses décrets. En supposant que cela fût ainsi, il suivrait1 de là que le veto ne serait qu'illusoire, et j'avoue qu'un jeu aussi dangereux me paraît indigne des nations et de leurs chefs.
'C'est d'ailleurs un abus de croire que la faculté d'accorder l'impôt où dé le refuser, puisse remédier à l'extr ême danger d'un veto de cette espèce;
tion rovale, mais il n'y en a peut-être aucun où il soit "dit qu'elle peut être refusée. Ce qui est clairement exprimé dans nos cahiers, c'est la nécessité de la Constitution que nous devons faire, la réforme de plusieurs abus à laquelle nous devons travailler avec courage, la régénération du royaume que nous devons opérer : si nous reconnaissions que le Roi a le droit d'empêcher l'exécution des lois que nous avons faites, ou que nous devons faire, ce serait bien mal interprêter nos mandais.
Tout ce qui tend à faire connaître la volonté de la nation est conforme aux principes ; tout ce qui tend à la faire perdre de vue y est contraire. Le veto suspensif jusqu'après la décision de deux ou trois législatures ferait perdre du temps, sans procurer plus d'éclaircissements sur la volonté générale, parce que nous ne connaîtrions que la façon de penser des représentants de la nation dans une circonstance où il est essentiel de connaître la volonté de la nation elle-même par les plus prochaines assemblées élémentaires.
La permanence de l'Assemblée nationale me paraît favorable à la nation pourvu que les députés ne soient pas permanents. Leur nomination pour plusieurs années les exposerait à la corruption de l'intérêt personnel, et à la vanité de se croire indépendants de leurs commettants. Si, pour éviter de trop grandes dépenses, on croyait ne devoir iixer que de trois en trois ans la convocation de toutes les assemblées élémentaires, je crois qu'on devrait ordonner à ceux qui sont chargés de faire la convocation dans les bailliages ou provinces, de les convoquer extraordinaire-ment et particulièrement, toutes les fois qu'ils en auront été requis par le plus grand nombre des paroisses de leur district. Ces assemblées pourraient avoir lieu, soit pour donner d'autres mandats aux députés, soit pour nommer d'autres députés à la place de ceux qui seraient morts ou malades, et même de ceux dont le changement serait demandé par le plus grand nombre de paroisses sans en expliquer la cause.
Mais je crois nécessaire d'observer que pour mieux établir la permanence de l'Assemblée nationale, qui néanmoins mettrait un intervalle de six ou huit mois entre ses sessions, il faudrait ordonner que les fonctions des députés ne seraient point terminées après trois ans, que tout autant que les provinces 011 bailliages en auraient nommé d'autres à leur place. Si celui qui sera chargé de la convocation ne la faisait point dans le temps convenu, ou si la nomination n'était point faite, les anciens députés devraient se rendre au lieu fixé pour l'Assemblée, atin qu'aucune cause ne pût empêcher ou retarder ses séances. Il faut prévoir un autre cas : si, dans les intervalles des sessions, le roi mourait ou était dans l'impuissance de gouverner avant que l'héritier du trône fût majeur, je ne doute point qu'il ne soit nécessaire d'établir que les députés nommés se rendront promptement dans le lieu de l'Assemblée;
Je ne crois point qu'il soit avantageux de changer chaque année le tiers des députés, parce que si les deux tiers étaient continués, et qu'ils ne fussent pas tous changés à la fois, ils pourraient conserver plutôt l'esprit de corps que la continuité d'instruction dans l'Assemblée nationale, ce qui pourrait faire craindre une aristocratie de députés, mise à la place des corps intermédiaires eûtre le Roi et le peuple. Je pense néanmoins qu'il n'y a rien à craindre d'une nouvelle nomination qui pourrait être faite dés précé-
dents députés par les bailliages ou provinces.
Il me reste à examiner si les représentants de la nation doivent être réunis dans une Chambre ou séparés en deux ; mais je ne puis voir, dans des hommes nommés à vie ou pour plusieurs années par les assemblées provinciales ou par le Roi, que des magistrats chargés de l'exécution des lois, et non pas d'en faire, puisqu'elles doivent être l'expression de la volonté générale.
Tout le monde paraît reconnaître que tout Sénat qui aurait quelque supériorité sur l'Assemblée nationale, ou même quelque influence sur ses lois, serait l'aristocratie la plus dangereuse pour la nation; elle seule peut changer ou réformer les lois faites par ses représentants.
D'ailleurs, ceux qui sont chargés de voter par tête dans l'Assemblée des trois ordres réunis, ne peuvent même pour l'avenir, et avant d'avoir de nouveaux pouvoirs de leurs commettants, consentir à l'établissement de deux Chambres qui seraient deux ordres séparés.
Je ne vois pas non plus qu'une partie des représentants de la nation qui pourraient, par une demande en révision, décider que les lois ne sont! point conformes à la volonté générale, puisse juger les accusés du crime de lèse-nation : ce serait réunir le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire qui doivent être séparés. Les reproches qu'on fait aux assemblées des anciens peuples ne sont fondés que sur ce qu'ils ont presque toujours confondu ces deux pouvoirs.
Le meilleur moyen d'empêcher qu'on ne fasse des changements trop prompts et trop fréquents à la Constitution est, indépendamment du veto suspensif, de convenir qu'on n'en pourra faire que sur la demande positive du plus grand nombre des assemblées élémentaires ou des voix de ces assemblées.
Il faut toujours revenir à la nation pour empêcher l'abus des pouvoirs qu'elle a donnés : son droit est imprescriptible et inaliénable. On parle dans tous les pays du meilleur ordre qu'il convient d'établir; et, lorsque tout le monde ne le voit point de la même manière, on est forcé de dire que le meilleur ordre est celui qui plaît au plus grand nombre des habitants. C'est dans ce sens qu'on dit que la loi est l'expression de la volonté générale.
Un membre(1). Opinion sur le veto royal (2). Messieurs, je pourrais sans doute me dispenser d'arrêter encore votre attention sur la question qui lui est soumise, et me borner, comme je l'ai fait si souvent, à admirer en silence la raison et la sagesse de ceux dont les discours ont éclairé l'Assemblée ; mais son importance, Messieurs, et l'obligation qu'elle vous impose de ralentir l'instant de votre résolution, me fait espérer que vous écouterez sans peine les courtes observations que j'ai cru devoir vous offrir, après avoir entendu ceux qui vous ont présenté leurs opinions sur ce point si difficile à résoudre.
Deux questions doivent être successivement présentées à votre délibération : quel est le veto que la nation peut accorder au Roi ? Et ce veto, doit-elle le lui accorder ?
Il est important, Messieurs, de rappeler quelques-
C'est dans la nation que résident tous les pouvoirs ; et quoiqu'elle en ait divisé les fonctions, ce n'est pas moins d'elle qu'ils émanent. Ainsi, lorsque le Corps législatif décrète une loi, cette loi est l'ouvrage de la nation, puisqu'elle est celui de ses délégués ; ainsi, lorsque le pouvoir exécutif fait exécuter une loi, c'est la nation qui l'a fait exécuter elle-même par l'organe de son mandataire; ainsi. Messieurs, les deux pouvoirs législatif et exécutif émanent l'un et l'autre de la même autorité, et empruntent leur force de la même puissance ; ainsi, la nation doit veiller également au maintien de l'un et de l'autre, ainsi, lorsque ces deux pouvoirs seront légitimement institués, ils seront également précieux à la nation, et la nation aura un intérêt égal à préserver lequel que ce soit des deux des atteintes de l'autre. Ayant donné à chacun des deux toute l'étendue dont il sera susceptible, tout accroissement aux dépens de l'autre sera une atteinte portée à l'ordre public, une violence du droit national ; ainsi, lorsque ces pouvoirs seront légitimement institués, elle ne regardera plus les usurpations faites par l'un des deux sur l'autre comme une conquête pour elle, mais comme une perte incontestable. Si donc elle arme l'un d'un veto, ce ne sera pas pour diminuer sa propre liberté, mais pour l'accroître au contraire, en empêchant qu'un pouvoir émané d'elle seule puisse être jamais atténué. Ne nous y trompons pas, Messieurs, le veto royal, quel qu'il puisse être, quelles qu'en soient la force et l'étendue, ne peut jamais être une arme contre la nation. Les droits de la nation sont inviolables, ses volontés sont sacrées, et il n'est aucune puissance qui puisse les combattre ; car la nation est la réunion de toutes les puissances, et tous les pouvoirs émanent d'elle. La nation ne peut donc reconnaître aucun empêchement, et rien ne peut arrêter l'exécution de de sa volonté générale. Mais, Messieurs, ce que j'ai dit de la nation, je ne puis pas le dire de ses représentants ; car ses représentants ne sont pas elle, le Corps législatif n'est pas la nation : il em prunte d'elle toute sa force ; mais il n'est pas plus elle que le pouvoir exécutif ne l'est. Ainsi donc, la nation qui a institué deux pouvoirs, a pu donner à l'un et à l'autre tout ce qu'elle a voulu pour le maintien respectif de la portion d'autorité qu'elle leur a confiée; elle a pu balancer tellement ces portions d'autorité, que l'une ne pût jamais rien usurper qui appartînt à l'autre, et les opposer de telle maniéré que cette opposition fût la défense de sa propre liberté. 11 suit de ce que je viens de dire, que nul veto ne peut être dirigé contre la nation ; car la nation ne peut pas n'avoir pas toujours une liberté indéfinie, et le plein exercice de sa volonté. Il suit encore que tout veto accordé à une puissance sur l'autre doit être subordonné à la volonté de la nation, supérieure à toutes les puissances, laquelle, lorsque les pouvoirs qui en émanent sont bien organisés, n'a plus rien à faire qu'à veiller à ce que chacun d'eux conserve, sans aucune atteinte, l'autorité qu'elle lui a confiée.
Ainsi donc, en accordant au Roi le droit de s'opposer à la promulgation des actes du pouvoir législatif, il suit que le jugement définitif de cette opposition appartient,en dernier résultat, à la nation seule, légalement consultée ; ainsi donc, le veto royal, s'il est accordé, doit être nécessairement suspensif, et n'avoir d'effet que ce-
lui de soumettre à la révision de la nation entière, l'examen du décret sur lequel ses délégués ne sont pas d'accord, et d'en suspendre l'exécution jusqu'à ce qu'elle ait manifesté sa volonté souveraine,
S'il en était autrement, la nation se dépouillerait de son autorité; elle subordonnerait l'exécution de sa volonté générale à la volonté particulière d'un dépositaire de ses pouvoirs ; elle élèverait une puissance au-dessus d'elle ; elle aliénerait ce qu'elle ne peut aliéner : une portion de sa liberté.
Tels sont, Messieurs, les principes sur lesquels il me semble que doit s'établir la détermination de l'Assemblée. Il en résulte, j'ose le croire, que le veto royal ne peut jamais être absolu, puisque la nation ne peut jamais y être soumise; il en résulte encore que si le veto royal ne peut jamais être absolu, il est inutile d'examiner les inconvénients et les avantages d'une institution qui ne peut pas exister. Il faut donc se borner, en ce moment, à examiner s'il est convenable aux intérêts de la nation d'accorder à l'un de ces pouvoirs le droit d'arrêter les déterminations de l'autre ; et, à cet égard, j'ose croire qu'il ne peutpas y avoir deux opinions, lorsque l'Assemblée aura soumis cette question à une délibération réfléchie. J'observerai que tous ceux de MM.- les préôpinants qui ont combattu le veto royal, l'ont considéré coin me devant être absolu, et ont donné ainsi à leurs objections une force infiniment grande, tandis que ceux qui ont défendu cette prérogative royale ont employé tout ce qu'on peut dire en faveur du veto suspensif. Réduisons donc la question à son vrai point de vue et, en n'accordant-au Roi le veto que contre le pouvoir législatif, nous offrirons à la nation le moyen d'empêcher que les résolutions précipitées dii Corps législatif puissent compromettre son repos, en évitant en même temps qu'un refus non réfléchi de la part du pouvoir exécutif, puisse empêcher l'effet d'une bonne loi. Si, en accordant le veto absolu, on donne au Roi un moyen trop sûr de mettre la liberté publique en danger, en n'accordant que le veto suspensif, on lui donne une arme efficace pour la maintenir le plus sûrement possible. Si le veto absolu ne remplace les dangers de la précipitation d'un Corps que la précipitation plus dangereuse d'un seul individu domine souvent par un intérêt particulier, le veto suspensif remplace les dangers de cette précipitation par l'examen approfondi, par un jugement national. C'est du veto suspensif qu'il faut dire ce que disait un des orateurs de cette Assemblée : que, sans lui, il vau-draitmieuxvivre à Constantinople qu'en France ( l).
Après l'avoir cité, Messieurs, j'oserai lui offrir quelques observations. En
réclamant, dans la dernière séance, en faveur du veto royal, en rappelant d'une
manière aussi lumineuse, les principes sur lesquels cette opinion était établie, en
forçant ainsi au silence tous ceux qui avaient les mêmes idées à vous offrir, il a,
sije me le rappelle bien, trop peu distipgué le veto absolu du veto suspensif; il a
supposé que tout veto serait nécessairement suspensif, et que jamais l'autorité
royale ne pourrait le rendre indépendant de la volonté de la nation. Il a eu raison
sans doute, dans la rigueur du principe, car rien au monde ne peut porter atteinte
aux droits delà nation ; mais il a trop oublié peut-être que, quand ces droits ne
sont pas avoués, il n'est qu'un seul moyen pour
Je désirerais donc, Messieurs, que vous bornassiez le veto du Roi à pouvoir faire renvoyer la loi jusqu'à la prochaine création du Corps législatif, en arrêtant que les assemblées d'élection seraient tenues d'exprimer leurs vux sur la loi que le monarque aurait suspendue, et que cette nouvelle composition législative, conformément au vu de ses commettants, constatât ou rejetât la loi d'une manière définitive.
Il résulte de ce que j'ai dit, et des principes que j'ai posés, qu'ainsi le pouvoir exécutif peut opposer un veto aux déterminations du pouvoir législatif, lequel n'est comme lui qu'un pouvoir constituant, ou contre l'Assemblée qui en exerce le droit ; qu'ainsi toute Convention nationale doit être libre dans ses décisions, et souveraine dans ses décrets ; qu'ainsi la Constitution arrêtée par l'Assemblée actuelle doit être acceptée par le pouvoir exécutif, sans aucune sorte de discussion ; qu'ainsi la Constitution peut et doit même, suivant mon opinion, assurer au Roi le veto, mais non pas-y être subordonnée.
(l). Observations sur la sanction royale et sur le droit de veto.
I.
Messieurs, les lois, dit Rousseau, ne sont proprement que les conditions de
l'association civile. Le peuple soumis aux lois, en doit être 1 auteur; il
n'appartien' qu'à ceux qui s'associent de régler les conditions de la société.
C'est donc dans le peuple que réside essentiellement la puissance législative.
II.
Comme dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre, doit être gouverné par lui-même ; il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative. Mais comme cela est impossible dans les grands Etats, et est sujet à beaucoup d'inconvénients dans les petits ; il faut que le peuple fasse, par ses représentants, tout ce qu'il ne peut faire lui-même (2).
C'est ainsi que la nation française vient de déléguer sa puissance législative à l'Assemblée de ses députés.
III.
La loi ordonne ou défend.
Mais ce serait en vain qu'elle ordonnerait ou qu'elle défendrait si elle n'était pas armée de tout ce qui peut assurer son exécution.
On appelle sanction ce qui assure l'exécution de la loi.
IV.
Pour la sanction de la loi, il faut trois choses :
1° Déclaration d'une peine contre les infrac-teurs de la loi.
2° Certitude que les actions des hommes seront jugées conformément à la loi, et que la peine déclarée par la loi sera infligée aux infracteurs.
3° Certitude d'une force suffisante, pour faire exécuter le jugement qui aura déclaré la peine encourue.
V.
La déclaration de la peine fait partie de la loi. C'est un acte de la volonté générale. Elle ne peut appartenir qu'à la puissance législative.
VI.
Pour avoir la certitude que les jugements seront conformes à la loi, il faut l'engagement du pouvoir judiciaire.
VII.
Pour avoir la certitude d'une force suffisante pour faire exécuter la loi, il faut l'engagement du pouvoir exécutif, dépositaire de la force publique.
VIII.
L'enregistrement de la loi dans les tribunaux, forme l'engagement du pouvoir judiciaire.
IX.
La promulgation de la loi par le Prince, ou le
C'est ce qu'on appelle sanction royale dans les gouvernements monarchiques.
X.
Le droit de veto serait, dans le pouvoir exécutif, le droit de refuser la promulgation de la loi, le droit de refuser l'emploi de la force publique à l'exécution de la loi.
Le droit de veto serait, dans le pouvoir judiciaire, le droit de refuser l'enregistrement de la loi, le droit de refuser de juger conformément à la loi.
XI.
Si l'on attribue le droit de veto au pouvoir exécutif, il faut le donner aussi au pouvoir judiciaire. Il n'y a pas de raison pour le refuser à l'un, tandis qu'on le donnerait à l'autre.
Il y aurait même plus d'apparence de raison de donner ce droit de veto au pouvoir judiciaire qu'au pouvoir exécutif ; car les dépositaires du pouvoir judiciaire peuvent dire qu'on n'a pas le droit de les forcer à trahir leur conscience, en se conformant dans leurs jugements à la loi qui leur paraît injuste.
Au lieu que le dépositaire du pouvoir exécutif n'a point de jugement à porter. Sa fonction se borne à employer la force publique à l'exécution des actes de la puissance législative et de la puissance judiciaire, sans examiner s'ils sont justes ou injustes.
XII.
Si vous donnez le droit de veto, soit au pouvoir exécutif, soit au pouvoir judiciaire, soit à l'un et à l'autre, ils sont donc au-dessus de la puissance législative, puisqu'ils peuvent faire rentrer dans le néant toutes les lois qui leur déplaisent.
La volonté d'un seul, ou la volonté d'un petit nombre d'individus, l'emportera donc sur la volonté générale.
La loi ne sera donc plus un acte de la volonté générale.
La puissance législative ne résidera donc plus dans la nation.
La nation rentrera donc dans l'esclavage.
Elle perdra sa liberté politique ; car il n'y a point de liberté politique, là où la volonté générale ne peut pas faire la loi.
Elle aura bientôt perdu sa liberté civile; car la liberté civile n'est autre chose que le droit de faire tout ce qui n'est pas défendu par la loi.
Or, si vous donnez à un seul individu le droit de veto sur les lois qui gêneraient le moins possible la liberté civile, il vous forcera bientôt de lui proposer ou d'adopter les lois les plus contraires à la liberté.
XIII.
Il faut donc bien se garder de donner le droit de veto, soit au pouvoir exécutif, soit au pouvoir judiciaire.
XIV.
On confond mal à propos la sanction royale
avec le droit de veto. Ces deux choses n'ont rien de commun. Non-seulement elles sont différentes, mais encore la sanction royale exclut nécessairement le droit de veto.
Pourquoi la sanction royale est-elle nécessaire aux actes de la volonté générale ? Parce que le Roi, par la sanction royale, s'engage à exécuter et à faire exécuter les actes de la volonté générale.
Pourquoi cet engagement est-il nécessaire ? Parce que le Roi est le dépositaire de la force publique, parce que le pouvoir exécutif réside dans sa main.
Pourquoi lui a-t on confié ce pouvoir exécutif et cette force publique ? Pour assurer l'exécution delà volonté générale, jamais pour la contrarier.
Comment pourrait-il avoir le droit de la contrarier ? La force qu'il exerce n'est point la sienne; c'est celle de la nation : or, il est évidemment impossible qu'il ait le droit de tourner la force de la nation contre la nation ; impossible par conséquent qu'il ait le droit de refuser son consentement, sa sanction, à ce qui a été résolu par la volonté générale de la nation ; impos-sibe par conséquent qu'il ait le droit de veto contre les actes de la volonté générale.
XV.
Ce que j'ai dit du pouvoir exécutif s'applique également à l'enregistrement de la loi, qui est la sanction du pouvoir judiciaire.
Par cet enregistrement, le pouvoir judiciaire s'engage à juger conformément aux actes de la volonté générale.
Cet engagement est nécessaire pour assurer à la nation que les actes de la volonté générale seront toujours fidèlement exécutés, et ne seront jamais impunément violés. Le pouvoir judiciaire n'a été établi qne pour cela.
Il est donc impossible que le pouvoir judiciaire ait le droit de refuser son consentement aux actes de la volonté générale; impossible qu'il ait le droit de veto contre les actes de la volonté générale. 11 est évident que ce droit serait contraire à l'objet de l'institution du pouvoir judiciaire.
XVI.
Si l'on reconnaît la nécessité de mettre [une ligne de démarcation entre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire; si l'on convient que ces trois pouvoirs ne doivent jamais se rencontrer en aucun point, il faudra bien que l'on convienne aussi que ni le pouvoir exécutif, ni le pouvoir judiciaire, ne peuvent jamais avoir le droit de veto contre les actes de la puissance législative ; car il est évident que le droit de veto leur subordonnerait le pouvoir législatif.
XVII.
Si les dépositaires du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire, sentent leur conscience gênée par l'exécution d'une loi qui leur paraît injuste, il leur reste une ressource, c'est d'abdiquer leurs fonctions ; comme il reste à tous les individus mécontents des conditions de l'association, le droit de renoncer à la société, en abdiquant leur patrie.
XVIII.
Ceux qui cherchent le droit des hâtions dans les monuments de l'histoire, ceux qui disent : « Tel droit appartient au Roi, parce que les Rois l'ont autrefois exercé », ne sont pas dignes de travailler à la régénération de là liberté publique. C'est dans la nature qu'il faut chercher les droits de l'homme. On ne trouvera dans l'histoire, que les titres des oppresseurs de l'humanité.
XIX.
Ceux qui disent que Charlemagne a joui du droit de veto ont mal lu ses Capitulaires. Qu'ils relisent celui de Worms, de l'année 803; ils y trouveront une pétition qui ne s'accorde guère avec leur système du droit de veto.
« Si vous voulez que nous vous soyons fidèles, disait le peuple à Charlemagne, acicordez-nous nos demandes; et pour que toutes ces choses soient désormais inviolablement observées par vous, et par hous, et par vos successeurs et les nôtres, ordonnez qu'elles soient insérées dans les lois ecclésiastiques et parmi vos capitules.»
Le peuple croyait donc que Charlemagne n'avait pas le droit de veto contre la loi qui lui était proposée, puisqu'il se croyait lui-même délié du serment de fidélité, si Charlemagne refusait sa sanction à la loi proposée.
Charlemagne ne regarda pas lui-même cette pétition comme séditieuse. Il ne crut pas que ce fut un attentat à sa prérogative royale. 11 promit de faire ce qu'on lui demandait; et il fit ce qu'il avait promis (1).
(2). Développement des observations sur la sanction royale et le droit de veto. Messieurs, les partisans du royal, soit absolu, soit suspensif, partent tous, pour accréditer leur système, des mêmes principes dont je me sers pour le combattre-.
I.
Ils conviennent tous :
1° Que la loi est un acte de la volonté générale.
2° Que le Roi ne peut avoir le droit de veto contre la volonté nationale.
3° Qu'il faut que le pouvoir législatif soit à jamais séparé du pouvoir exécutif, et qu'ils ne puissent jamais se réunir en aucun point.
J'ai conclu de ces principes, que le Roi ne peut avoir, en aucun cas, aucune espèce de veto contre la loi.
Et ils en concluent, eux, que le Roi doit avoir, dans tous les cas, le droit de veto contre la loi. Les uns veulent le lui donner absolu ; les autres ne veulent le lui donner que suspensif.
Ma conséquence dérive immédiatement des principes avoués.
La leur ne peut être exacte, qu'au moyen de quelques idées intermédiaires qui modifient les principes, ou qui en détournent l'application.
II.
Ils disent :
1° Que ce n'est pas la nation qui fait la loi ;
3°'Qu'il pourrait usurper le pouvoir exécutif ; et que de cette réunion des deux pouvoirs résulterait inévitablement le despotisme aristocratique, bien plus terrible que le despotisme d'un seul.
Leur préservatif unique, contre tous ces inconvénients possibles, est le veto royal absolu ou suspensif.
III.
Sauvons d'abord la Constitution. Il ne faut pour cela ni de grands remèdes, ni beaucoup de paroles, ce qui est aujourd'hui, ne sera ni toujours, ni souvent. Il fallait à la nation une Constitution nouvelle, et de nouvelles lois. La nation a confié à ses représentants :
1° Le pouvoir constituant;
2° Le pouvoir législatif;
Pour former la Constitution, le pouvoir exécutif n'est rien : car il n'existe que par la Constitution.
Celui à qui l'on confie le pouvoir exécutif est bien le maître d'accepter ou de refuser la Constitution;
Mais s'il refase, il n'est rien.
Et s'il accepte, il n'est que le mandataire de la nation aux conditions que le pouvoir constituant lui a imposées.
IV.
Quand la Constitution est faite et acceptée par la nation, le pouvoir constituant cessé d'exister. 11 ne reste plus que :
1* Le pouvoir législatif^
2° Le pouvoir judiciaire ;
3° Le pouvoir exécutif.
Et par-dessus eux tous, le droit de souveraineté, dont ces trois pouvoirs ne sont que des émanations.
Ce droit de souveraineté appartient à la nation, et en est inséparable. Dans ce droit de souveraineté, sont compris :
1° Celui de changer la Constitution ;
2° Celui de moditier ou d'organiser différemment les trois pouvoirs qui lui sont subordonnés ;
3° Celui de dissoudre la société.
V.
Quand le pouvoir constituant a disparu, les trois pouvoirs qui prennent sa place, sont subordonnés à la Constitution ; aucun d'eux ne peut rien faire contre elle, et tous sont obligés de s'y conformer.
VI.
De là, il résulte que le pouvoir législatif ne peut rien faire, rien ordonner, qi^i soit contraire a: la Constitution.
S'il le fait, il sort des bornes de sa mission : il n'était délégué que pour le pouvoir législatif, et il usurpe les fonctions du pouvoir constituant.
De là, il résulte encore que le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif ne peuvent rien souffrir, rien exécuter qui soit contraire à la Constitution.
C'est le seul cas où le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif doivent avoir le droit d'arrêter les actes du pouvoir législatif.
C'est pour eux un devoir plutôt qu'un droit.
Leur première mission est de maintenir le droit de souveraineté, qui réside toujours dans le corps de la nation.
Cette résistance de leur part n'est point une entreprise contre le Corps législatif, puisqu'on suppose que le Corps législatif a lui-môme usurpé le pouvoir constituant.
Yll.
Ce droit de résistance que j'attribue, dans ce seul cas, au pouvoir judiciaire et au pouvoir exécutif, n'est point un droit de veto non motivé. Je n'ai jamais compris pourquoi la prérogative royale devait consister dans ces réponses ' laconiques qui n'expliquent rien : le Roi s'aviser.a,, le Roi examinera.
Quand le Roi devrait avoir le droit de veto dans tous les cas, il conviendrait encore qu'il expliquât les motifs qui le déterminent à en user.
Mais lorsque je restreins ce droit de veto au seul cas où le Corps législatif attaquerait la Constitution, et usurperait les fonctions du pouvoir constituant, il me semble d'une nécessité indispensable, que le Roi explique au pouvoir législatif, les motifs qui le déterminent à refuser sa sanction à la loi proposée.
Et si, malgré cet avertissement, le Corps législatif persiste, je conçois qu'alors le veto du Roi doit suspendre l'exécution de la loi.
Dans ce cas, la volonté nationale est manifestée d'avance par l'acceptation de la Constitution.il n'y a que la volonté contraire de la nation qui puisse changer cette Constitution. Jusqu'à ce qu'elle ait manifesté cette volonté contraire, la Constitution doit être maintenue.
VIII.
Je n'ai donc pas besoin de déroger aux principes pour sauver la Constitution.
IX.
Maintenant, je demande si le Roi est plus infaillible que les représentants de la nation ; s'il est plus impassible qu'eux, si les ministres et les courtisans qui l'obsèdent sont moins dangereux auprès de lui, que ne le sont dans une Assemblée nationale l'ambition, l'intrigue, l'enthousiasme et l'éloquence des orateurs ; s'il n'est pas à craindre que l'abus du veto anéantisse plus de bonnes lois, que la précipitation et le tumulte des Assemblées nationales n'en déterminent de mauvaises.
J'ai entendu de très-belles choses là-dessus. On pourra m'en dire encore de plus bellesmais ma raison rie sera jamais convaincue que la nation puisse gagner quelque chô'se à accorder au Roi 1 Qveto, soit absolu, soit suspensif.
On parviendrait à m'effrayer par le tableau des inconvénients, et je me méfierais encore de l'orateur, je me méfierais de moi-même, je me tiendrais toujours aux principes; et le plus grand de tous lés inconvénients, serait toujours à mes yeux, celui qui empêcherait l'effet de la volonté générale, soit de la nation, soit des représentants qu'elle aurait librement élus.
X.
La volonté des représentants peut n'être pas toujours celle des représentés ; mais c'est un malheur inévitable pour toutes les grandes nations; elles ne pourront jamais être parfaitement libres, parce qu'elles ne peuvent jamais s'assembler pour exercer par elles-mêmes le pouvoir législatif.
Leurs représentants sont de leur choix,ont consulté leur vu, ont reçu leurs instructions ; il est donc au moins probable que la volonté des représentants sera la volonté générale de la nation.
Le Roi n'est presque jamais du choix de la nation. Eût-il été choisi par elle, il ne l'aurait jamais été que pour exercer le pouvoir exécutif. Il est donc au moins probable que la volonté du Roi, contraire à celle du Corps législatif, serait aussi contraire à la volonté générale de la nation.
Et vous voulez donner au Roi le droit de veto, contre la volonté générale du Corps législatif choisi par la nation !
XI-
Les délibérations de votre Corps législatif peuvent être tumulteuses, précipitées et erronées ! Cela est vrai ; mais que résulte-t-il de tout cela? que vous devez chercher, dans l'organisation de votre Corps législatif, les moyens les plus propres à diminuer ces inconvénients. Ne les cherchez jamais dans la prépondérance que vous donneriez au pouvoir exécutif sur le Corps législatif.
Le remède serait pire que le mal.
XII
Pour multiplier les discussions, pour garantir la maturité et la sagesse des délibérations dé votre Corps législatif, vous le divisez en deux Chambres ! c'èst déjà rouvrir la porte au despotisme. Deux Chambres amènent le partage, c'est-à-dire le veto de l'une sur l'autre; le partage entre les deux Chambres nécessite l'intervention et le veto du pouvoir exécutif.
Vous croyez être politiques, et vous n'êtes qu'anglomanes.
Vous voulez un Corps législatif triparti, lorsque la loi n'est que l'expression de la volonté générale, et que la volonté générale est nécessairement une !
Vous faites consister la perfection de la Constitution dans la balance des trois parties du pouvoir législatif! Mais cette balance, qu'est-elle autre chose qu'un combat perpétuel d'un pouvoir législatif avec lui-même ? Est-il donc de l'essence du pouvoir législatif, d'être obligé de combattre perpétuellement avec lui-même, pour assurer la paix publique ?
Et cette trinité de pouvoirs pour composer un
seul pouvoir ! cette trinité, dans laquelle un seul individu peut autaot que toute une nation, dans laquelle le non-vouloir d'un seul individu arrête et réduit à l'inaction la volonté de toute une nation; qu'en diriez-vous, si on vous la présentait aujourd'hui pour la première fois, si vous n'étiez pas accoutumé à l'admirer sur la foi de Delol-me et de Montesquieu ?
XIII.
Parlerai-je de ce Sénat législateur et juge, composé de membres inamovibles, choisis par le Roi sur trois sujets que la nation lui présentera ?
Quoi, vous voulez abattre l'aristocratie, et vous nous donnez un Sénat inamovible, membre nécessaire du Corps Législatif !
Quoi, vous convenez que le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire doivent être à jamais séparés, et vous voulez qu'une de vos deux Chambres de législation exerce le pouvoir judiciaire !
Quoi, vous voulez être libres, et vous proposez de donner au Roi, dont vous faites une partie intégrante de la législation, le droit de nommer les membres de votre Sénat, qui sera aussi partie intégrante de votre législation !
XIV.
La critique est aisée et Vart est difficile. Je vais peut-être en donner la preuve. Mais la crainte d'un ridicule ne doit pas empêcher un bon citoyen de mettre au jour des idées qu'il croit utiles à la chose publique.
XV.
Le tumulte et la précipitation sont deux écueils inséparables de toute grande Assemblée.
Pour assurer à l'Assemblée nationale des discussions paisibles et de mûres délibérations, je voudrais la diviser, non en deux Chambres, mais en trois.
Aucune de ces trois Chambres ne serait composée de membres nommés par le Roi : elles ne seraient pas non plus distinguées par ordre. A chaque session, après la vérification des pouvoirs, on formerait ces trois Chambres d'un nombre égal de députés, par la voie du sort, et sans distinction d'ordre.
Chacune des trois discuterait et délibérerait séparément sur chaque proposition.
Le décret ou l'arrêté de l'Assemblée serait formé, non par la pluralité de deux Chambres contre une, mais par la pluralité numérique des suffrages des trois Chambres.
Ceux qui ont voulu diviser l'Assemblée en deux Chambres, ont prouvé, avant mci, les avantages qui résulteraient de ces délibérations séparées.
Je préfère trois Chambres à deux, pour multiplier les épreuves, et pour éviter les partages.
Je préfère la pluralité numérique des suffrages individuels des trois Chambres à la pluralité des deux Chambres contre une, parce que cette dernière méthode pourrait souvent faire prévaloir le vu de la minorité sur celui de la pluralité.
Supposons, par exemple, que, sur trois Chambres composées de cent membres chacune, le
oui ait passé dans deux Chambres à la pluralité de 51 voix contre 49, et que le non ait passé dans la troisième Chambre à l'unanimité.
Si l'on détermine la pluralité par Chambre, il est évident que 102 voix l'emporteront sur 198.
Au lieu que, si l'on compte les suffrages par tête, ce sera la pluralité effective qui l'emportera.
Cette manière de recueillir les suffrages, exclue-rait nécessairement la délibération par assis et levé, puisqu'il faudrait que les secrétaires des trois Chambres écrivissent les noms de tous les votants, et que la pluralité ne pourrait être déterminée que par la comparaison des trois plumitifs.
XVI.
Ces premières précautions pourraient ne pas suffire encore pour garantir la sagesse et l'utilité de tous les actes du pouvoir législatif. J'admettrais donc un veto suspensif ; mais ce serait dans le Corps législatif même que je placerais ce droit de veto.
A chaque session, après la vérification des pouvoirs et la distribution des députés en trois Chambres, je formerais par la voie du scrutin, un conseil de révision, composé de quinze membres, ou de tel autre nombre impair qu'on voudrait déterminer ; et j'attribuerais à ce conseil de révision le droit de veto suspensif jusqu'à la prochaine Assemblée.
Ce droit de veto produirait tous les avantages que l'on croit trouver dans le veto royal, et n'en aurait pas les inconvénients.
XVII.
Quand on avoue que le pouvoir législatif doit être à jamais séparé du pouvoir exécutif, et que ces deux pouvoirs ne peuvent jamais se réunir en aucun point, comment peut-on proposer de donner un veto quelconque au pouvoir exécutif ? Ne sent-on pas que, par ce veto même, le pouvoir législatif est l'esclave du pouvoir exécutif ?
XVIII.
On paraît regarder ce veto comme une barrière nécessaire pour empêcher les usurpations du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif.
Comment le pouvoir législatif pourrait-il usurper, lorsque la Constitution aura tracé la ligne de démarcation entre ces deux pouvoirs, lorsque le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire auront le droit de veto motivé et suspensif, sur tout ce que le pouvoir législatif pourrait faire contre la Constitution ?
Gomment le pouvoir législatif, qui est sans force physique, pourrait-il faire des usurpations sur le pouvoir exécutif qui réunit dans ses mains toute la force publique ?
XIX.
Si le décret de l'Assemblée nationale est contraire à mon opinion, je me serai certainement trompé ; mais cette erreur est encore à mes yeux une vérité démontrée ; je ne crois pas pouvoir la dissimuler sans crime.
(1). Opinion sur la sanction. Messieurs, j'aborde sans crainte, à mon tour, la plus grande et la plus importante question qui puisse vous être présentée. J'applaudis à la sagesse de cette auguste Assemblée qui, se conformant à la prudente rigueur de son règlement, a voulu soumettre cette discussion à la maturité d'une délibération soignée. Vous n'avez pas voulu qu'une décision de laquelle dépend le bonheur de la nation entière et la gloire d'un Roi qu'elle chérit, pût être accusée de précipitation, et désirant de vous reposer après vos travaux dans la sécurité d'une conscience sans reproche, vous avez voulu balancer toutes les raisons qui pourraient vous être présentées : vous avez cru qu'il n'y avait point de comparaison entre le danger de troubler la tranquillité des peuples ou le bonheur de votre Roi, et le faible inconvénient d'une discussion qui, durant une séance de plus, pourrait éprouver votre patience.
Je sens comme vous, Messieurs, et d'après vous, que Ja France entière a les yeux sur cette Assemblée, que le bruit de nos délibérations se répand incontinent dans toute l'Europe et, en rendant hommage à votre prudence, lorsque j'essaye de dire mon avis sur cette question importante, je n'en approche qu'avec respect.
Je ne me laisse pas étonner cependant par l'inévitable diversité d'opinions qui ne peut manquer de naître dans une grande Assemblée occupée de grands intérêts. Le devoir de chacun de nous est de soutenir son opinion avec courage avant la décision de l'Assemblée, et de se soumettre quand elle a prononcé. Mais, évitant avec soin toutes les inculpations gratuites, je ne dois voir dans cette Assemblée que de généreux et fidèles citoyens, pleins de zèle pour le bonheur du peuple, pleins d'attachement et de respect pour le Roi, qui peuvent paraître pencher pour l'un plutôt que pour l'autre, mais qui cherchent à composer leur bonheur commun de la félicité de tous deux.
La prévention réciproque qui s'est établie est venue, peut-être, Messieurs, de ce
qu'on a préjugé la question, même avant de la discuter, et qu'on a pénétré toute la
série des conséquences, avant d'avoir délibéré sur le principe. Elle est venue de ce
qu'on ne vous avait pas présenté les matières à discuter, dans leur ordre naturel.
Il est évident, en effet, qu'on ne doit pas examiner si et par qui une loi doit être
sanctionnée, avant que d'avoir examiné par qui elle doit être faite. L'ordre naturel
n'est pas de fixer le pouvoir exécutif avant d'avoir fixé le pouvoir législatif,
parce que le premier est une dépendance du second. Et dans l'hypothèse même que le
Roi seul a le pouvoir législatif, et dans celle qu'il n'est qu'une partie intégrante
de ce pouvoir, il me semble évident qu'on ne devrait pas commencer par nous occuper
de la sanction, parce qu'encore une fois la sanction est une chose subséquente, une
conséquence de la législation. C'est, si je puis m'ex-primer ainsi, la signature et
le sceau d'une lettre, qui ne sont jamais apposés avant que la lettre soit faite. Si
le Roi fait la loi, il la sanctionne lui-même, ou personne ne la sanctionne ; si
c'est le Peuple qui fait la loi, c'est au Roi à la sanctionner ; s'ils font la loi
concurremment, l'un ou l'autre la sanctionne ; mais dans toutes les hypothèses
possibles, on doit vous occuper du pou-
11 y avait d'ailleurs une obscurité cachée, sous le mot de pouvoir qui a nécessairement un sens différent dans les deux attributions différentes. Le pouvoir de faire les lois est le pouvoir souverain, il est inhérent au législateur, il est nécessaire, inaliénable. Le pouvoir de les sanctionner n'est qu'un pouvoir délégué volontairement. On ne peut donc les traiter en concurrence : il est un ordre nécessaire établi entre eux, et cet ordre consiste à ce que le pouvoir délégué ne vienne qu'après le pouvoir souverain qui délègue.
L'Assemblée a prononcé sur l'ordre suivre dans la discussion ; mon devoir est de m'y conformer, et je n'ai pas la pensée de demander aucune interversion dans l'ordre de ses volontés ; mais je crois essentiel et intéressant d'observer d'abord, qu'il estdevenu presque impossible de parler de la sanction sans parler de la législation, puisque la première est la conséquence de la seconde, et que la seconde n'a point été discutée. L'Assemblée ne doit donc pas s'étonner des excursions qui pourraient être faites hors de la chose appelée sanction, excursions que je nfinterdirai, mais qui me paraissent inévitables, ainsi que vous venez de l'éprouver.
Je crois nécessaire d'observer ensuite qu'il ne faut plus être surpris du mouvement qui a rempli les dernières séances; il était inévitable, par l'interversion de l'ordre naturel des matières. Une partie de l'Assemblée a cru que celle qui se récriait sur ce que l'on commençait par la sanction, n'en voulait point du tout, et qu'imbue de^maximes républicaines, elle ne voulait pas même de la royauté. L'autre partie s'est alarmée d'une proposition qui pouvait aboutir à admettre un veto inconnu et indéterminé ; ce qui pouvait être la suite d'une discussion où, posant la sanction royale pour préliminaire, sans avoir déterminé les objets en conséquence desquels elle doit être appliquée, on s'exposerait nécessairement â tirer une mauvaise conséquence d'un principe qui n'aurait point été discuté.
Ne craignons pas, Messieurs, d'aborder ces difficultés ; elles sont du sujet, et il est devenu indispensable de les éclaircir.
Il est impossible de penser que personne dans l'Assemblée ait conçu le ridicule projet de convertir le royaume en république. Personne n'ignore que le gouvernement républicain est à peine convenable à un petit Etat, et l'expérience nous a appris que toute république finit par être soumise à l'aristocratie et au despotisme. D'ailleurs, les Français sont attachés de tout temps à la sainte, à la vénérable antiquité de la monarchie ; ils sont attachés au sang auguste de leurs rois, pour lequel ils ont prodigué le leur ; ils revèrent le Prince bienfaisant qu'ils ont proclamé le restaurateur de la liberté française. C'est vers le trône consola-teurque se tournent toujours les yeux des peuples affligés; et quels que soient les maux sous lesquels ils gémissent, un mot, un seul mot, dont le charme magique ne peut être expliqué que par leur amour, le nom paternel du Roi suffit pour les ramener à l'espérance. Le gouvernement français est donc monarchique ; et lorsque cette maxime a été prononcée dans cette salle, tout ce que j'ai entendu réclamer, c'est que l'on définît le mot de monarchie.
Il a paru, d'un autre côté, à plusieurs membres de l'Assemblée, qu'à décider, dès le commencement, que le veto devait être accordé au Roi, veto qu'ils ne connaissaient point encore, puisqu'il n'é-
tait pas déterminé, on pouvait l'exposer à divers inconvénients ; qu'on ne savait pas encore s'il prendrait son activité dès l'instant de la déclaration, si l'Assemblée le déclarant aujourd'hui, le Roi pouvait en faire usage demain ; qu'au sortir des orages auxquels nous avons été livrés, on ne pouvait pas se cacher que la tempête n'est pas encore apaisée ; que les conseils perfides, dont l'art est d'approcher sourdement du Trône pour séduire les Princes, pouvaient inspirer au Roi des alarmes sur la fidélité des citoyens; que l'engageant, sous cette fausse apparence, à refuser son consentement aux d écrets de l'Assemblée nationale, les peuples n'auraient pas la .Constitution qu'ils ont demandée; que sais-je encore? que peut-être on tâcherait d'engager le Roi à refuser la sanction à vos célèbres arrêtés de la nuit du 4 août, du moins aux lois qui en découleraient; qu'on pourrait lui présenter commedes sacrifices forcés, des sacrifices dont l'éclat patriotique a rempli les Français de reconnaissance, et les étrangers d'admiration ; que, sous ce faux prétexte, on pourrait, par le moyen du veto trop promptement déclaré, détruire pièce à pièce le grand ouvrage que vous aurez fait pour la liberté des peuples, et prévenir la réforme de tant d'abus qui frémissent à la pensée de votre redoutable exameô; qu'ainsi l'Assemblée nationale actuelle, puissante par le pouvoir que lui ont solennellement confié les peuples, et par l'adhésion d'une multitude de cités, serait nulle par le veto royal qu'elle-même aurait déclaré; et que les peuples nous reprocheraient une faute qui n'était point nécessaire, puisqu'il n'était pas nécessaire de commencer par la sanction royale, et qu'on ne pouvait commencer par elle qu'en intervertissant l'ordre naturel.
Je n'examine pas, Messieurs, si ces alarmes étaient fondées ; mais, soit pénétration et prévoyance, soit faiblesse et timidité, quelques-uns les avaient conçues ; et vous pensez, sans doute, que des représentants de la nation ne doivent pas leur en faire un crime.
Il y avait cependant, Messieurs, un point commun sur lequel tout le monde semblait devoir s'accorder, et le comité de Constitution vous l'a présenté hier : que la sanction royale, dont on s'occupe, n'est exigée que pour maintenir la Constitution, et non pour la former. Il est vrai que quelques-uns ont cru que la force d'une Assemblée nationale était incommensurable ; que chaque Assemblée successive pouvait, dans sa marche graduelle, diminuer l'influence du monarque et le réduire lui-même à rien ; que l'influence de cette Assemblée suspendait tout et pouvait tout détruire; que par sa toute-puissance, elle pouvait altérer la Constitution elle-même, et que cette Constitution serait, de cette manière, à la merci des représentants de la nation ; et le comité a pensé qu'il était nécessaire que le Roi eût un veto propre à maintenir la Constitution que vous auriez arrêtée. Mais cette précaution politique n'avait pas pour objet la Constitution que vous allez faire, mais celle que vous aurez faite ; le veto que l'on discute, ne prend pas sa date aujourd'hui, mais il commencera lorsque la Constitution aura été arrêtée, puisqu'il est imaginé pour la maintenir. On nous aurait donc épargné bien des alarmes réciproques : 1° si l'on n'eût pas commencé par discuter la sanction ; 2° si l'on nous eût présenté à la fois tout le travail du comité, parce que nous aurions vu la liaison de ses parties, et calculé sur elles les avantages ou les inconvénients de la sanction.
Je ne puis m'empêcher de remarquer ensuite que
l'examen du veto est nécessairement subordonné aux deux questions de la permanence des Etats généraux, et de la division en deux Chambres ; car le veto changera d'influence selon que l'Assemblée nationale sera périodique ou permanente : il n'aura pas le même poids si vous formez deux Chambres, et si vous n'en avez qu'une; et il s'ensuit de là que la discussion de cette question est nécessairement vague et indéterminée , puisqu'elle n'est appuyée sur aucun calcul politique ; que si vous déterminez un veto quelconque, il peut devenir absolu si la permanence des Etats généraux est rejetée ; que ce veto a d'autres limites si vous n'admettez qu'une Chambre ; qu'il en aura d'autres, si vous en admettez deux ; et que chaque membre embarrassé pourra vous dire : j'admets tel veto si votre Assemblée nationale est unique ; j'admets tel veto si vous avez deux Chambres; je demande tel autre si les Etats sont permanents ; j'en désire un autre s'ils sont périodiques ; mais je ne saurais admettre un veto absolu et indéterminé, parce que je ne saurais fixer un des poids de l'équilibre politique, si les autres poids me sont inconnus.
Le règlement avait pourvu à l'inconvénient des motions préparées par leur auteur et imprévues pour l'Assemblée, en ordonnant que ces motions seraient imprimées pour que chacun pût les examiner. Celle de M. le vicomte de Noailles fut portée au travers de nos discussions ; on y délibéra sans préparations ; et de plus, on y a fait un changement remarquable. M. le vicomte de Noailles demandait qu'on délibérât simultanément sur toutes ses parties; l'Assemblée trouva à propos de la diviser en deux : en sorte qu'aujourd'hui nous sommes bornés à ne pouvoir discuter que la sanction, c'est-à-dire à délibérer au hasard, puisque nous ignorons absolument quels rapports cette partie de la Constitution aura avec toutes les autres. La Constitution est un système dont il est absolument nécessaire d'embrasser et de comparer toutes les parties à la fois.
Cependant cet embarras n'empêche pas qu'on ne puisse examiner les questions proposées dans la première partie de la motion de M. le vicomte de Noailles.
PREMIÈRE QUESTION.
Qu'est-ce que la sanction royale ?
C'est le consentement accordé par le Roi à une loi portée parles législateurs de la nation, et sans lequel la loi ne peut avoir aucun effet.
SECONDE QUESTION.
Cette sanction est-elle nécessaire pour tous les actes législatifs ?
Si la question n'est pas plus étendue, et si je ne puis pas m'en écarter, je suis obligé de répondre, que non; que, pour qu'un acte législatif mérite de porter ce nom, la sanction n'est point nécessaire, parce que ces actes sont une émanation nue et simple du pouvoir législatif; et que, l'acte produit, tout est fait. Gela est si vrai, que si, par exemple, le Roi avait seul le pouvoir législatif, la loi n'aurait pas besoin d'être sanctionnée.
Mais si l'on ajoute d'autres questions indispensables, et que l'on me demande si ces actes doivent être sanctionnés pour être livrés au pouvoir exécutif, si c'est au pouvoir exécutif à les sanc-
tionner, si le Roi les sanctionne comme législateur, ou comme exécuteur, si c'est comme réunissant l'un et l'autre droit ; surtout, si l'on me demande si l'équilibre politique est utile, s'il n'est pas convenable au maintien de la Constitution par la sanction,ou plutôt,que le veto soit accordé au Roi, j'avoue que je ne puis répondre à ces questions, sans avoir discuté la Constitution elle-même, et sans avoir vu auparavant tout l'ensemble des parties qui la composent.
TROISIÈME QUESTION.
Dans quels cas la sanction doit-elle être employée?
Je l'ignore, et je défie qui que ce soit de répondre à cette question, si on ne lui permet pas de discuter les questions préliminaires, s'il n'examine quelles lois doivent être faites, s'il ne s'occupe de la législation qui précède nécessairement la sanction ; car, pour dire dans quels cas la sanction doit être employée, il est indispensable d'examiner tous ces cas.
QUATRIÈME QUESTION.
De quelle manière la sanction doit-elle être employée ?
Après tant de questions importantes, et qui dans mon esprit resteront indécises jusqu'à ce que je connaisse tout le système de la Constitution, il me semble qu'on peut différer l'examen de celle-ci ; car le mode de sanctionner ne me parait pas difficile à trouver.
Je n'entends point intervertir l'ordre que l'Assemblée a décrété ; je ne cherche pas à retarder sa décision sur la sanction royale; je souhaite vivement d'être seul embarrassé dans cette discussion, et que cet embarras ne soit qu'un effet de ma faiblesse ; mais je pense toujours que nous serons plus éclairés, quand nous aurons sous les yeux l'ensemble de la Constitution, dont la sanction est comme le sceau : j'aurais souhaité qu'on eût décidé avant tout, la permanence de l'Assemblée nationale, et qu'on eût délibéré sur la question des deux Chambres, dont l'organisation change et modifie différemment le veto royal et son influence.
Je déteste le despotisme, je frémis à la seule pensée du despotisme ministériel ; mais celui de l'aristocratie, quelle qu'elle soit, et où qu'elle soit, me paraît le plus insupportable de tous, car on échappe à un despote à la faveur des distances, et l'on ne voit pas du moins la main qui forge vos chaînes, et qui en tient le premier anneau : mais le despotisme aristocratique pèse à la fois dans tous les lieux, et sur tous les hommes, et sa présence constante et odieuse soulève la haine, et sollicite à la vengeance. Je pense donc que nous devons prévoir le despotisme des Assemblées nationales elles-mêmes, que nous devons prévoir celui d'une Chambre haute, ou celui des deux Chambres, et garantir les générations futures d'un malheur peut-être aussi grand que celui dont nous avons été les victimes. La liberté est plaeée entre deux précipices : à droite et à gauche est le despotisme; notre devoir est de les éviter. Si le veto suspensif est le seul moyen de prévenir la tyrannie des Assemblées nationales ou leur précipitation inconsidérée, je suis prêt à l'adopter; si l'organi-
sation de ces Assemblées mêmes peut en prévenir les dangers, je demande qu'elles soient composées dans cet esprit de prévoyance ; si les deux Chambres servent à nous maintenir dans ce milieu jue je cherche, qu'on commence par examiner l'organisation de ces deux Chambres. Mais, puisque nons avons à choisir entre plusieurs moyens de maintenir la liberté contre deux fortes- tyrannies, puisque même tous ces moyens doivent être combinés et réunis, qu'on ne nous en présente pas un seul à la fois, et qu'avant de prononcer sur la sanction royale, on nous mette sous les yeux tout l'ensemble de la Constitution. C'est à cela que je conclus.
fit ensuite cette motion : Je demande que la décision sur la sanction royale soit renvoyée après la discussion de la question de la permanence de l'Assemblée nationale, de celle des deux Chambres, et après l'examen de la Constitution. Cette motion, ayant pour objet un ajournement, est conforme au règlement, article XIII du chapitre des motions.
(1). Opinion sur la sanction royale. Messieurs, puisque la nécessité de la sanction royale pour la formation des lois est mise en délibération, elle est, sans doute, une des plus importantes questions qui puisse être agitée dans cette Assemblée. Ce n'est qu'avec une sorte de méfiance que j'ose traiter cette question que les habiles orateurs de cette Assemblée sauront approfondir mieux que moi ; mais son influence nécessaire sur le sort futur de ce royaume, me fait un devoir de présenter mon opinion.
La question, soumise à votre délibération, considérée en elle-même, paraît devoir recevoir deux divisions.
La sanction du Roi est-elle indispensable-ment nécessaire pour donner aux décrets de l'Assemblée nationale actuelle force de loi? Et le Roi doit-il en général faire en France une portion intégrante de la législation ?
La solution de la première question peut porter un grand jour sur la décision de la seconde.
Le royaume de France a toujours été un gouvernement monarchique, et avant même les temps où nos rois, donnant à leur autorité une extension par laquelle tout droit national a été blessé, ont commencé à ne plus consulter la nation dans la formation des lois, ils participaient aux lois faites par elle et leur consentement y était nécessaire.
Si la nation, en réunissant dans ce moment tous ses représentants, leur a donné commission expresse de changer la nature du gouvernement français, sans doute l'Assemblée nationale peut abolir cet éternel usage, elle peut détruire la nécessité de la sanction royale.
Mais, si les représentants de la nation n'ont reçu d'elle que l'ordre de régénérer
sa Constitution, d'obtenir et d'assurer la liberté des citoyens dans un gouvernement
monarchique, l'Assemblée nationale ne peut attaquer la sanction du Roi, et
j'ajouterai, pour répondre à quelques arrêtés
Une Convention est un moyen extraordinaire que les nations qui conservent, sans aucun doute, toujours le droit de changer leur Constitution, employent pour réformer de leur plein gré et sans limitation, leur gouvernement, quand ce vu est général dans la nation, et qu'elle envoie des députés pour cette intention expresse et prononcée.
Il semble impossible de croire que la nation française ait eu l'intention dans la session actuelle d'envoyer des représentants à une Convention nationale. Elle n'en a eu d'autre que de les députer vers les Etats généraux; et l'Assemblée nationale n'est autre chose que les Etats généraux réunis dans une même Chambre votant par tête, travaillant en commun pour assurer à jamais la liberté des citoyens, et chargés de mandats exprès pour s'occuper de la Constitution, par conséquent plus puissants qu'aucune autre réunion précédente des Etats généraux, mais n'étant pas une Convention nationale.
Dira-t-on que tous les cahiers demandant unanimement une Constitution, et une Constitution n'étant autre chose que la manière d'exister d'un Etat, la nation a entendu revêtir ses représentants de tout le pouvoir qu'elle avait elle-même ? Je répéterai encore que la nation n'ayant point expressément prononcé le vu de la destruction de son gouvernement, elle n'a pu vouloir qu'il prît une autre forme que celle d'une monarchie ; qu'ainsi les pouvoirs qu'elle leur a donnés ne sont pas illimités pour la Constitution. J'ajouterai que ces pouvoirs, au lieu d'être sans bornes, étaient limités et spéciaux, et qu'ainsi le vu de la nation n'était pas de détruire le gouvernement monarchique et ses caractères essentiels, mais de détruire les vices qui s'y étaient introduits et dont elle a indiqué à ses représentants, les plus pénibles pour elle, ceux dont plus particulièrement elle voulait la fin.
Si elle eût prétendu s'en remettre à la libre volonté de ses députés sur la Constitution qu'ils voudraient lui donner, elle ne leur eût pas tracé, même aussi légèrement qu'elle l'a fait, l'esquisse de cette Constitution. Ainsi sans m'étendre davantage contre cette objection , l'injonction faite par la. nation à ses représentants de régénérer la Constitution, ne peut donner à l'Assemblée nationale actuelle la force d'une Convention.
Mais, dira-t-on, si l'Assemblée nationale ne peut pas changer la Constitution du royaume parce qu'elle n'en a pas reçu de ses commettants le pouvoir exprimé, elle ne peut donc pas, sous aucun rapport, dépasser la lettre de ses cahiers. Cette objection serait sans réalité. Nos commettants ignorant comme nous-mêmes, lors de nos assemblées élémentaires, quels pourraient être la force de l'opinion publique, l'empire des circonstances, la facilité que nous pourrions rencontrer dans les diverses conjectures où nous nous trouverions, n'ont pu nous prescrire une marche précise dans une carrière dont ils ne voyaient pas l'étendue ; ils nous ont ordonné de travailler à la régénération de cet empire, de dé-
truire jusqu'à la racine des abus qui portaient obstacle à la prospérité ; ils nous ont commandé de les rappeler à leurs droits ; si, à la faveur des circonstances qui se sont offertes à nous, nous avons, en allant au delà du prononcé de leur vu, porté atteinte au bien général du royaume, l'Assemblée nationale en doit compte à la nation ; mais si nous n'avons servi que l'intérêt public, si le bonheur de la patrie, devaut lequel doivent disparaître toutes considérations privées, doit s'accroître de nos délibérations, si l'avantage de tous en est plus assuré, si nous avons détruit tous les obstacles qui tôt ou tard s'y seraient opposés avec nécessité, nous n'avons servi que l'intention de nos commettants. En faisant plus pour le bonheur général qu'ils n'osaient attendre de nous, nous avons surpassé et non pas contrarié leurs intentions. Mais ils nous ont tous au contraire exprimé le vu de vivre sous le gouvernement monarchique ; le décret de l'Assemblée qui changerait la nature de ce gouvernement, serait donc une transgression positive à leur volonté formelle, une violation de leur confiance.
Concluons donc que l'Assemblée nationale n'est pas une Convention, que la sanction royale a toujours été une partie tellement intégrante de la monarchie sous laquelle nous vivons, et que nous n'avons pas droit d'altérer dans ses principes, que la législation était abandonnée au Roi qui rédigeait les lois en son nom sur la demande des Etats généraux, et que l'Assemblée nationale actuelle ne peut se passer d'invoquer la sanction royale pour donner force à ses décrets, sauf à réclamer, si elle était refusée, la volonté expresse de la nation.
J'ajouterai à toutes ces raisons essentielles de droit qui, dans mon opinion, ne semblent devoir rien laisser à désirer, qu'il est de l'intérêt de tous les bons citoyens, de tous les véritables amis de la liberté, de tenir à la sanction royale, parce que son défaut pourrait un jour frapper de nullité tous ceux des décrets de l'Assemblée nationale qui n'en seraient pas revêtus et que, donnant matière ou prétexte aux réclamations, aux troubles, aux dissensions de toute espèce, il pourrait porter une funeste atteinte à cette liberté précieuse, qui nous appartient sans contestation, que nous ne pouvons plus laisser échapper que par notre faute, et qu'il ne tient qu'à nous d'établir sur des bases à jamais immuables, si nous voulons nous contenir dans les bornes que nous assigne la volonté précise de la nation.
La sanction royale jugée nécessaire pour la session actuelle, il reste à prouver que pour les temps ultérieurs le Roi doit, en France, faire une portion intégrante de la législation, et par conséquent donner aux lois sa sanction.
La condition première pour un gouvernement libre, est qu'il soit constitué de manière à conserver la liberté des citoyens sans qu'elle puisse dégénérer en tyrannie ou devenir licence. Cette grande condition ne peut être remplie qu'en combinant les passions des hommes dont le calcul doit toujours entrer en considération dans ua gouvernement, de façon à rendre leur activité utile à l'ordre général et à leur opposer cependant une force qui les empêcherait d'y devenir nuisibles. Un célèbre publiciste anglais, Black-stone, a dit : « qu'il ne peut y avoir de liberté publique, quand le même homme ou le même corps d'hommes fera les lois et sera chargé de leur exécution ; qu'un tel ordre de choses appartient à un gouvernement tyrannique » ; il ajoute
« que dans un Etat où le pouvoir législatif est séparé du pouvoir exécutif, la puissance législative ne confie pas à la puissance exécutrice un pouvoir qui pourrait tendre à la subversion de sa propre indépendance et qui entraînerait la liberté des citoyens. »
Voilà la définition du gouvernement monarchique. Une monarchie doit armer son Roi du pouvoir exécutif des lois, si elle veut la liberté ; elle doit lui donner les lois pour bornes.
Cette vérité n'éprouvera pas, je crois, de contradiction, mais si le Roi doit avoir ce pouvoir, il doit avoir la faculté de le conserver et de le défendre, et il ne l'aura pas revêtu d'une portion du pouvoir législatif.
Il est évident que les lois devant régler l'exercice du pouvoir qui doit exécuter les lois, il dépend de la législation de resserrer ou d'étendre à sou gré ce pouvoir. Ainsi le pouvoir exécutif variera au gré du pouvoir législatif ; il n'existera que précairement, soumis aux caprices et aux passions des législateurs et pourra être réduit à rien, s'il n'a pas un moyen de se défendre par lui-même, et ce moyen ne peut être encore une fois que la faculté d'arrêter l'impétuosité à laquelle diverses circonstances peuvent entraîner la puissance législative, que la faculté de refuser au besoin les décrets que cette puissance législative a le droit de faire exclusivement.
La force que donne à la nation le droit de refuser des subsides demandés, celle qu'elle recevra de la permanence généralement désirée, on pourrait dire généralement convenue des Assemblées nationales, ne peut laisser d'inquiétude sur l'abus que pourrait faire le Roi de cette part dans la législation, pour s'opposer aux lois qui seraient essentielles au bien général. Ces moyens ne peuvent laisser aucune crainte et fussent-ils moins puissants, la réunion de toutes les volontés d'une nation compose une force irrésistible pour le Souverain dont la puissance serait la moins limitée, et lui impose la nécessité de ne point porter obstacle à une opinion devenue véritablement l'opinion publique. Mais il est essentiel au bonheur de l'Etat que sa Constitution soit à l'abri d'un changement précipité, dont la nation pourrait peut-être désavouer elle-même le consentement bientôt après l'avoir donné, et soumettre par conséquent son gouvernement à des variations continuelles.
Si vous ajoutez, Messieurs, à ces considérations générales celles de l'étendue du royaume de France, de toutes ses relations politiques, des divers dangers qu'il peut avoir à craindre, si vous réfléchissez combien les points de résistance à la volonté de la loi seront répandus et multipliés sur cette grande surface, vous serez plus convaincus encore que poùr que la liberté publique maintienne avec certitude dans ce royaume la liberté civile, il faut au monarque un pouvoir exécutif plein et entier, et il vous paraîtra évident que ce pouvoir exécutif ne peut être tel, s'il ne concourt pas à la législation comme partie essentielle et intégrante, et vous reconnaîtrez que, sans cette condition, le pouvoir exécutif ne serait que l'ombre d'un grand corps, qu'un fantôme, bon tout au plus pour en imposer à la multitude, mais réellement fait pour être le jouet des partis, et par conséquent sans aucun avantage pour assurer la liberté des citoyens, le bonheur et la durée de J'empire.
D'après toutes ces considérations, je conclus que l'Assemblée nationale actuelle ne peut donner force de loi à ses décrets que par la sanction
royale, et que le monarque doit dans tous les temps faire partie essentielle et intégrante de la législation.
C'est seulement lors de la discussion de l'organisation du pouvoir législatif que l'Assemblée pourra fixer le mode de cette sanction, qui dans mon opinion doit être absolue.
(1). Dire sur le veto royal. Messieurs, tout homme a, par sa nature, la faculté de se gouverner par sa volonté ; les hommes réunis en corps politique, c'est-à-dire une nation, ont par conséquent le même droit. Cette faculté de vouloir commune, composée des facultés de vouloir particulières, ou la puissance législative, est inaliénable, souveraine et indépendante dans la société entière, comme elle l'était dans chaque homme séparé de ses semblables. Comme une grande nation ne peut exercer encore la puissance législative et qu'une petite ne le doit peut-être pas, elle en confie l'exercice à des représentants, dépositaires de son pouvoir.
Mais alors il est évident que la volonté de ces représentants doit être regardée et respectée comme la volonté de la nation ; qu'elle doit en avoir nécessairement l'autorité sacrée et supérieure à toute volonté particulière, puisque sans cela la nation qui n'a pas d'autre moyen de faire des lois serait en effet dépouillée de sa puissance législative et de sa souveraineté.
Celui qui dit qu'un homme a le droit de s'opposer à la loi, dit que la volonté d'un seul est au-dessus de la volonté de tous. Il dit que la nation n'est rien et qu'un seul homme est tout. S'il ajoute que ce droit appartient à celui qui est revêtu du pouvoir exécutif, il dit que l'homme établi par la nation, pour faire exécuter les volontés de la nation, a le droit de contrarier et d'enchaîner les volontés de la nation : il a créé un monstre inconcevable en morale et en pratiquent ce monstre n'est autre chose que le veto royal.
Par quelle fatalité cette étrange question est-elle la première qui occupe les représentants de la nation française appelés à fonder sa liberté sur des bases inébranlables? Par quelle fatalité le premier article de cette Constitution attendue avec tant d'intérêt par toute l'Europe et qui semblait devoir être le chef-d'uvre des lumières de ce siècle, sera-t-il une déclaration de la supériorité des rois sur les nations et la prescription des droits sacrés et imprescriptibles des peuples? Non.... c'est en vain qu'on regarde comme décidée d'avance, cette bizarre et funeste loi ; je n'y croirai point, puisqu'il m'est permis d'en démontrer l'absurdité en présence des défenseurs du peuple et aux yeux de la nation entière.
Les nombreux partisans du veto, forcés à reconnaître qu'il est en effet contraire aux principes, prétendent qu'il est avantageux de les sacrifier à de prétendues convenances politiques. Admirable méthode de raisonner ! qui substitue aux lois éternelles de la justice et de la raison l'incertitude des conjectures frivoles et la subtilité des vains systèmes dont il semble cependant que l'expérience des peuples aurait dû nous défendre. Mais voyons quelles sont ces puissantes considérations qui doivent faire taire la raison même ?
Je ne répondrai point à ceux qui ont cru pou-
Il ne faut plus nous dire continuellement : la France est un Etat monarchique et faire découler ensuite de cet-axiome les droits du Roi comme la première et la plus précieuse partie de la Constitution et secondairement la portion de droits que l'on veut bien accorder à la nation.
11 faudrait d'abord savoir au contraire que le mot de monarchie dans sa véritable signification exprime uniquement un Etat où le pouvoir exécutif est confié à un seul.
Il faut se rappeler que les gouvernements, quels qu'ils soient, sont établis par le peuple et pour le peuple, que tous ceux qui gouvernent, et par conséquent les rois eux-mêmes, ne sont que les mandataires et les délégués du peuple, que les fonctions de tous les pouvoirs politiques et par-conséquent de la royauté sont des devoirs publics et non des devoirs personnels ni une propriété particulière, qu'ainsi il ne faut pas ; se scandaliser d'entendre dans l'Assemblée des représentants de la nation française revêtue du pouvoir constituant, des citoyens qui pensent que ia liberté et les droits de la nation sont les premiers objets qui doivent nous occuper; le véritable but de nos travaux est que l'autorité royale établie uniquement pour les conserver doit être réglée delà, manière la plus propre à remplir cette destination.
Dès qu'une fois on sera pénétré de çe principe* dès qu'une fois on croira fermement à l'égalité des hommes, au lien sacré de la fraternité qui doit les unir, à la dignité de la nature humaine, alors on cessera de.calomnier le peuple dans l'Assemblée du peuple, alors on ne donnera plus le nom de prudence à la faiblesse, le nom de modération à la pusillanimité, le nom de témérité au courage ; on n'appellera plus le patriotisme une effervescence criminelle, la liberté une licence dangereuse, le généreux dévouement des bons citoyens une folie ; alors il sera permis de montrer avec autant de liberté que de raison l'absurdité et les dangers du veto royal sous quelque dénomination et sous quelque forme qu'on le présente. Alors peut-être ne croira-t-on plus que nos cahiers nous défendent de le repousser.
Vous me dites que la plupart de vos cahiers font mention de la sanction royale, je pourrais vous répondre que la sanction de la loi, loin de se confondre avec le droit de s'opposer à la loi, l'exclut de la manière la plus formelle. Je pourrais vous observer que la sanction n'est autre chose que l'acte par lequel le dépositaire du pouvoir exécutif promet à la nation de faire exécuter la loi et la promulgue, et que le moyen qui en garantit l'exécution ne peut en être l'obstacle. Mais de quelque manière qn'il vous plaise d'interpréter ce mot, en est-il moins certain que la Constitution ne peut pas être le simple résultat de ces opinions isolées que les commissaires ;
des assemblées bailliagères ont consignées dans des cahiers informes, rédigées à la hâte ? en est-il moins certain que vous êtes les représentants de la nation et non de simples porteurs de notes comme vous l'avez vous-mêmes formellement déclaré ? Et de quel droit nous objec'teriez-Voufe cette mention vague de la sanction royale qui ne contient rien d'impératif? vous qui, en dépit des mandats impératifs qui vous disaient de voter par ordre, avez cru néanmoins que des circonstances impérieuses vous autorisaient à les oublier. »
De quel droit nous objectez-vous ces cahiers, vous tous, députés de toutes les classes qui, malgré la prohibition la plus formelle de ne consentir à aucun emprunt avant que la Constitution fût affermie sur des bases inébranlables, avez néanmoins pensé que des conjectures pressantes vous donnaient le droit d'ouvrir uo emprunt de 80 millions? Et quelle qu'ait pu être alors l'opinion des électeurs sur cet objet, de quel droit tournerez-vous contre le peuple même ces vux timides pour la liberté qu'il n'osait encore exprimer qu'à demi? Hélas ! dans ces temps de servitude, ne croyait-il pas former une entreprise bien hardie en demandant dans l'Assemblée nationale un nombre de représentants égal à celui des deux classes privilégiées. Telle était alors son humiliation,que cette demande si modeste et si contraire à son propre intérêt, était dénoncée comme l'effet d'une licence coupable, qui menaçait le Trône et l'Etat du plus funeste bouleversement ; que le gouvernement même croyait avoir acquis des droits sans bornes à sa reconnaissance et même à ses libéralités, en lui donnant seulement un nombre de députés égal à celui de ses adversaires naturels sans lui accorder même le misérable avantage jde voter par tête, sans lequel cette prétendue faveur était absolument illusoire; mais aujourd'hui qu'une révolution aussi merveilleuse qu'imprévue vient de lui rendre tous ces droits inviolable^ dont on l'avait dépouillé, qui pourrait être assez indifférent à ses intérêts pour soumettre sa volonté souveraine aux caprices ou aux passions des
cours ?.....JSon, quelque idée que l'on veuille se
former des cahiers, mes collègues et moi, nous voulons au moins défendre le vu ide ceux qui nous ont envoyés et qui nous ont partout tracé, dans nos cahiers, l'ordre de nous sacrifier pour leur bonheur et pour leur liberté, et nulle part celui de les assujettir autfefo des ministres.
J'oublie donc l'objection tirée des cahiers, et passant aux seules difficultés qui aient pu faire une légère impression sur quelques esprits, je les réduis à cet unique argument.
Les représentants de la nation peuvent abuser de leur autorité, donc il faut donner au Roi le , pouvoir de s'opposer à la loi.
C'est comme si l'on disait : le législateur peut errer, donc il faut l'anéantir.
Ceci suppose une grande défiance du Corps législatif et une extrême confiance dans le pouvoir exécutif, il s'agit d'examiner jusqu'à quel point l'une et l'autre est fondée.
Sans doute, les règles d'une sage politique prescrivent de prévenir les abus de tous les pouvoirs " par de justes précautions : la sévérité de ces précautions doit être proportionnée à la vraisemblance et à la facilité de ces abus ; et par une suite nécessaire de ce principe, il ne serait pas raisonnable d'augmenter la force du pouvoir le plus redoutable aux dépens du pouvoir Te plus faible et le plus salutaire.
Maintenant comparons la force du Corps législatif à celle du pouvoir exécutif.
Le premier est composé de citoyens choisis par le peuple, revêtus d'une magistrature paisible et pour un espace borné, après lequel ils rentrent dans la foule, et subissent le jugement ou sévère, ou favorable de leurs concitoyens; tout vous garantit leur fidélité : leur intérêt personnel, celui de leur famille, de leur postérité, celui du peuple dont la confiance les avait élus.
Qu'est-ce au contraire que le pouvoir exécutif ? Un monarque revêtu d'une énorme puissance, qui dispose des armées, des tribunaux, de toute la force publique d'une grande nation, armé de tous les moyens d'oppression et de séduction ; combien de facilités pour satisfaire l'ambition si naturelle aux princes, surtout lorsque l'hérédité de la couronne leur permet de suivre constamment le projet éternel d'étendre un pouvoir qu'ils regardent comme le patrimoine de leurs familles ; calculez ensuite tous les dangers qui les assiègent et si ce n'est asssez, parcourez l'histoire, quels spectacles vous présente-t-elle ? Les nations dépouillées partout de la puissance législative, devenues le jouet et la proie des monarques absolus qui les oppriment et les avilissent : tant il est difficile que la liberté se défende longtemps contre le pouvoir des rois. Et nous qui sommes à peine échappés au même malheur, nous dont la réunion actuelle est peut-être le plus éclatant témoignage des attentats du pouvoir ministériel devant lequel nos anciennes Assemblées nationales avaient disparu, à peine les avons-nous recouvrées, que nous voulons les remettre encore sous sa tutelle et dans sa dépendance.
Les représentants des nations vous paraissent donc plus suspects que les ministres et les courtisans ? Si j'examine quels sont les dangers que vous semblez craindre de la part des premiers, je crois qu'ils se réduisent à trois espèces, l'erreur, la précipitation, l'ambition.
Quant à l'erreur, outre que c'est un étrange expédient pour rendre le pouvoir législatif infaillible, que celui de le rendre nul, je ne vois aucune raison pour laquelle les monarques en général ou leurs conseillers seraient présumés plus éclairés sur les besoins du peuple, ou sur les moyens de les soulager, que les représentants ¦ du peuple même.
La précipitation? Je ne conçois pas non plus que le remède à ce mal soit de condamner le Corps législatif à l'inaction , et avant de recourir à un pareil moyen, je voudrais du moins que nous eussions examiné s'il n'en est point d'autre qui puisse nous conduire au même but.
L'ambition ? Mais celle des princes et des cour-, tisans est-elle moins redoutable ? Et c'est à elle précisément que vous confiez le soin d'enchaîner l'autorité de vos représentants, c'est-à-dire la seule qui puisse vous défendre contre leurs entreprises !
Mais quel service espérez-vous donc après tout du veto royal ? Celui de prévenir de mauvaises lois ? Mais ignorez-vous que la plupart des rois ont, sur le mérite des lois, des idées bien différentes de celles du peuple ? Qui ne voit pas que celles qui seront favorables à leurs prétentions leur paraîtront toujours assez bonnes et que l'usage du veto ne sera réservé que pour celles dont l'objet sera de défendre les droits du peuple contre leurs desseins ambitieux ?
Mais, dit-on, si vous leur refusez le pouvoir de s'opposer à la loi, ils seront mécontents, et
ils conspireront sans cesse contre la puissance législative.
Ainsi donc, la majesté et les droits des nations doivent être immolés à la satisfaction et à l'orgueil des princes. Ainsi on croit un homme bien humilié d'être réduit à la simple puissance de commander au nom des lois, à un vaste empire, et on suppose qu'il a lieu d'être bien mécontent d'un pareil partage.
Ils voudront usurper la puissance législative : et pour leur épargner cette tentation, vous prenez le sage parti de l'abandonner à leur merci; comme si l'ambition devenait moins redoutable à mesure qu'elle n'a plus de moyens de parvenir à son but.
Au reste, l'absurdité palpable du veto en général a produit dans cette Assemblée l'invention du veto suspensif; expression nouvelle, imaginée par un système nouveau.
J'avouerai que je n'ai pas encore pu le comprendre parfaitement; tout ce que je sais, c'est qu'il donne au Roi le droit de suspendre, à son gré, l'action du pouvoir législatif, pendant un période sur la durée duquel les opinions ne s'accordent pas.
Ce qui m'encourage à combattre cette doctrine, soutenue d'ailleurs par de très-bons citoyens, c'est qu'un grand nombre d'entre eux ne m'ont pas dissimulé que, regardant tout veto royal comme contraire aux vrais principes, mais persuadés qu'il était adopté d'avance, dans toute sa rigueur, par une très-grande partie de cette Assemblée,ils croyaient que le seul moyen d'échapper à ce fléau était de se réfugier au moins dana le système du veto suspensif.
Je n'ai différé de leur sentiment qu'en un seul
S oint, c'est que je n'ai pas cru devoir désespérer
u pouvoir de la vérité et du salut public ; il m'a semblé d'ailleurs qu'il n'était pas bon de composer avec la liberté, avec la justice, avec la raison, et qu'un courage inébranlable, qu'une fidélité inviolable aux grands principes, était la seule ressource qui convînt à la situation actuelle des défenseurs du peuple. Je dirai donc, avec franchise, que l'un et l'autre veto me paraissent différer beaucoup plus par les mots que par les effets, et qu'ils sont également propres à anéantir parmi nous la liberté naissante.
Et d'abord, pourquoi faut-il que la volonté souveraine de la nation cède pendant un temps quelconque à la volonté d'un homme?
Pourquoi faut-il que les lois ne soient exécutées que longtemps après que les représentants du peuple les auront jugées nécessaires à son bonheur? Pourquoi faut-il que le pouvoir législatif soit paralysé, dès qu'il plaira au pouvoir exécutif, tandis que celui-ci peut toujours exercer une activité redoutable à la liberté? L'opinion des ministres qui s'opposent à la loi, vous paraît-elle plus imposante que celle de vos représentants qui l'adoptent ? ou plutôt, si l'on pèse toutes les considérations que j'ai déjà indiquées, cette opposition même ne pourrait-elle pas paraître une présomption favorable à l'utilité de la loi et à la fidélité du Corps législatif ?
Mais, pendant tous ces délais que vous permettez d'apporter à leurs décrets, qui vous promettra que les intrigues et l'ascendant de la cour ne prévaudront pas sur la vérité et sur l'intérêt public? Avez-vous calculé toutes les chances des distractions du peuple, de cette funeste indolence qui fut toujours i'écueil de la liberté, de l'adresse du pouvoir des princes habiles et ambitieux ?
Nous répondrez-vous qu'il n'arrivera pas un
moment où le cpncours de toutes ces circonstances sera fatal à la Constitution ?
Quelques-uns aiment à se représenter le veto royal suspensif, sous l'idée d'un appel au peuple quils croient vqir comme un juge souverain prononçant sur la loi proposée entre le monarque et ses représentants.
Mais qui n'aperçoit d'abord combien cette Idée est chimérique? Si le peuple pouvait faire les lois par lui-même; si la généralité des citoyens assemblés pouvait en discuter les avantages et les inconvénients, serait-il obligé dé nommer des représentants? Ce système se réduit donc, da,ns l'exécution, à soumettre la loi au jugement des assemblées partielles des différents bailliages ou districts, qui ne spnt elles-mêmes que des assemblées représentatives ; c'est-à-dire à transmettre la puissance législative de l'Assemblée générale des représentants de la natiob aux assemblées élémentaires particulières des diverses provinces, dont il faudrait sans douté recueillir les vux isolés, calculer les suffrages variés à l'infini, pour remplacer le vu commun et uniforme de l'assemblée nationale.
Il est assez difficile de prévoir toutes les conséquences que pourrait entraîner çe système ; ce qui me paraît évident, c'est qu'il contrarie ouvertement l'opinion reçue jusqu'ici que dans un grand empire le pouvoir législatif doit être confié à un corps unique de représentants et qu'il dérange absolument le plan de gouvernement que nous semblions avoir déjà adopté ; c'est que dans Ce nouvel ordre de choses, le Corps Législatif devient nul, qu'ii est réduit à la seule fonction de présenter des projets qui seront d'abord jugés par le Roi et ensuite adoptés ou rejetés par les assemblées des bailliages. Je laisse à l'imagination dés bons citoyens le soin de calculer les lenteurs, les incertitudes, les troubles que pourrait produire la contrariété des opinions dans les différentes parties de cette grande monarchie et les ressourcés que le nio-narque pourrait trouver au milieu de ces divisions et de l'anarchie qui ëh serait la suite pour élever enfin sa puissance sur les ruinés du pouvoir législatif.
Et ce ne serait pas encore là le seul danger auquel la liberté nationale serait exposée.
Si vous songez que le ministère n'appellera jamais des lois favorables à seS intérêts, à quoi se réduit votre prétendu appel au peuple, si ce n'est à compromettre, à suspendre ou à anéantir les lois utiles ou nécessaires au maintien de la Constitution ? Mais il ne sera pas toujours obligé de recourir à cet expédient : il en sera dispensé du moiùs toutes les fois qu'il aura pu amener les représentants eux-mêmes ^ ses vues ; or il faut convenir qu'ils auraient été beaucoup plus inaccessibles à ce danger si, élevant une barrière insurmontable entre les deux pouvoirs, vous n'aviez pas donné au monarque le droit d'examiner, de censurer leursdéçrets et par conséquent la facilité de négocier, de transiger avec eux; si,en les mettant ainsi dans sa dépendance vous né les aviez en quelque sorte placés entre la nécessité de s'engager dans Une espèce de procès avec cé puissant adversaire et la tentation d'acheter sa bienveillance et ses faveurs par des complaisances funestes à l'intérêt public.
En un mot, ou bien vous placerez la puissance législative dans chaque assemblée de district ou vous la confierez à l'Assemblée nationale. Dans le premier cas celle-ci est superflue, dans iè
second, au lieu de l'énerver et de l'avilir, vous devez lui laisser toUté la force et toute l'autorité dont elle a besoin pour défendre la liberté dont elle est la gardienne contre les entreprises toujours formidables du pouvoir exécutif.
Ce n'est donc pas dans le veto royal, quelque nom qu'on lui donne, que vous devez chercher les moyens de prévenir les abus possibles du Corps législatif, lorsque vous en trouverez de si simples et de si raisonnables dans les principes mêmes de la Constitution.
Nommez vos représentants pour un temps très-court après lequel ils doivent rentrer dans la foUle des citoyens dont ils subissent le jugement impartial. Composez votre Corps législatif non sur 3es principes aristocratiques, mais suivant les règles éternelles de la justice et de l'humanité. Appelez-y tous les citoyens, sans autre distinction que Celle des vërtus et des talents ; qu'ils ne puissent pas même être continués après le temps ordinaire de leurs fonctions ; si ces précautions nè Vous rassurent pas, songez que sans invoquer lé veto royal, tous les avantages que vous semblez attendre du prétendu appel au peuple vous sont assurés, par la nature même des choses, puisque les mauvaises lois seront toujours nécessairement jugées par la nation qui connaît sans doute ses droits et ses intérêts aussi bien que les ministres, et que les erreurs d'Une législature peuvent être facilement réformées par la législature suivante.
Ajoutez à cela qu'une Constitution sage doit fixer des époques où le peuplé nommera des représentants revêtus du pouvoir constituant pour l'examiner et la revoir et qu'elle trouvera dans cette Convention extraordinaire uhe sauvegarde bien autrement utile que la protection ministérielle.
Si ces moyens et tant d'autres ne peuvent vous déterminer à rejeter le funeste système du veto, je l'avoue, il ne nous reste plus qu'à gémir sur les malheurs de la nation trompée ; car il m'est impossible dë concevoir qu'elle puisse être libre sous l'empire d'une pareille loi. fit ne me citez plus à cet égard l'exemple de l'Angleterre....... je ne vous dirai pas que les représentants dé la nation française, maîtres de donner à leur patrie unë Constitution digne d'elle et des lumières de ce siècle, n'étaient pas faits pour copier servilement Une institution née, dans des temps d'ignorance, de la nécessité et du combat '
des factions opposées......je vous dirai que votre
nation placée dans des conjectures différentes n'est pas capable de supporter ce vicë essentiel de la Constitution anglaise que l'Angleterre reconnaît elle-même, et qu'il étoufferait nécessairement la liberté française dans son berceau.
Les Anglais ont des lois civiles admirables qui tempèrent à un certain point les inconvénients de leurs lois politiques ; les vôtres ont été dictées par le génie du despotisme et vous ne les avez point encore réformées.
La situation de l'Angleterre la dispense d'entretenir ces forces militaires immenses qui rendent le pouvoir exécutif si terrible à la liberté, et la vôtre vous force à cette précaution périlleuse. À
Des révolutions fréquentes, de longs et terribles combats entre la nation et le Roi avaient donné aux Anglais un caractère vigoureux, des habitudes fortes et cette défiance Salutaire, qui est la plus fidèle gardienne de la liberté, et peut-être y aurait-il de ïa présomption à penser que nbus qui n'avons pas subi, à beaucoup près, les
mêmes épreuves, nous nous soyons entièrement corrigés en un jour de cette légèreté de caractère, de cette faiblesse de murs dont on nous avait soupçonnés jusqu'aujourd'hui.
Enfin l'Angleterre a su échapper à cette hydre de l'aristocratie, qui se nourrit de la substancë des peuples et s'enorgueillit de leurs humiliations. Elle vit encore au milieu de nous ; déjà pleine d'une confiance nouvelle, elle relève cent mille têtes menaçantes et médite de nouvelles trames pour rétablir son pouvoir sur les ruines de la liberté et peut-être sur les vices mêmes de la Constitution naissante. Combien de germes de tyrannie peuvent se développer encore à chaque instant et avec, une fatale rapidité dans ce vaste empire!
Enfin telle est la situation et le caractère du peuple français qu'upe excellente Constitution, en développant cet esprit public et cette énergie que promettent le souvenir de ses longs outrages et les progrès de ses lumières, peut le conduire ep assez peu de temps à la liberté ; mais qu'une Constitution vicieuse, une seule porte ouvertè au despotisme et à l'aristocratie doit nécessairement le replonger dans un esclavage d'autant plus indestructible qu'il sera cimenté par là Constitution même.
Aussi, Messieurs, Je premier et 1b plus noble de nos devoirs était d'élever les âmes de nos concitoyens, et par nos principes et par nos exemples, à la hauteur des idées et des seiitifnelits qu'exige cette grande et superbe révolution.
Nous avions commencé à le remplir et de quel prix doux et glorieux leur généreuse sensibilité n'avait-elle pas déjà payé nos travaux et nos dangers. Puissions-nous désormais ne pas rester au-dessous de pos sublimes destinées, puissions-nous paraître toujours dignes de notre mission aux yeux de la France dont nous devions être les sauveurs, aux yeux de l'Europe dont nous pouvions être les modèles.
(1), Opinion sur le veto royal m. Messieurs, de toutes les questions qui peuvent s'agiter dans l'Assemblée nationale, la plus grande, la plus importante, est de savoir si le Roj est une dès parties constituantes du pouvoir législatif.
Les uns disent que l'Assemblée étant dépositaire de tous les droits de la nation, le Roi ne peut jamais refuser une loi qu'elle lui aurait proposée.
D'autres considérant que le Roi lui-même est le premier représentante son peuple, lui accordent le d roit de veto contre les décrets de l'Assemblée; mai s ils soutiennent que le peuple doit juger en ce cas, et que sa décision devient la loi du Roi lui-même.
J'attaque ici ces deux opinions ; et en avouant avec tous que l'autorité suprême réside dans Ja nation, je soutiens que dans la pratique, l'appel au peuple est un moyen illusoire et que le veto du Roi est la seule base sur laquelle puissent reposer une bonne Constitution et la garantie de notre liberté.
Il y a dans tout gouvernement politique, trois grands pouvoirs, lé législatif,
l'exécutif et le ju-
Si donc vous voulez une bonne Constitution, mettez à chacun de ces pouvoirs des barrières si fortes qu'on ne puisse jamais les franchir : car si leur organisatiori est telle que l'un d'eux puisse envahir les autres, 1$ Constitution est mauvaise, et la liberté publique en danger.
Ainsi tout le monde a senti la nécessité de limiter le pouvoir exécutif parce que, dépositaire de toutes les forces, il pourrait en abuser enfin pour s'élever aurdessus des lois.
Mais il est bien plus nécessaire encpre de limiter le pouvoir législatif ; car tandis que le pouvoir exécutif ne renverse les lois que pas à pas, le pouvoir législatif peut les anéantir d'un souffle, puisque c'est sa volonté qui les crée,
Toute puissance tend perpétuellement h s'agrandir : simples citoyens, çprps, nations, peu importe; l'impulsion est commune à tous.
Si donc vous ne limitez pas la puissance législative confiée à cette Assemblée, vous la verrez bientôt embrasser les différents pouvoirs qui constituent le gouvernement politique ; comme tous émanent d'elle, aucpn ne peut l'arrêter dans sa coprse : alors elle pourra tout ce qu'elle voudra; ce qui est 1@ yrai despotisme.
Mais comment borner le pouvoir législatif? C'est lui qui fait la loi, lui gpi trace aux autres la marphe qu'ils doivent suivre : quelques décrets qu'il prononce pour se liqjjter lui-même, je n'y vois que de simples résolutions qu'il pourra changer à son gré.
Le seul moyen de limiter le pouvoir législatif c'est de le divjser : car alors chaque partie pouvant être arrêtée par l'autre, limité réellement sa puissance, et l'arrête quand elle veut s'agrandir. Ainsi en Angleterre? le roi et le parlement sont parties constituantes de la législature ; àinsi dans les États-Unis 4e l'Amérique, le Congrès ou Corps législatif est formé de deux Chambres, le Sénat et les représentants ; et il faut le concours des deux pour l'établissement d'une loi.
Ils ont senti, ces peuples sages, que sans cette diyisioi), une Chambre unique de législature courrait à grands pas vers le despotisme, èt si par un miracle cela ^'arrivait pas, toujours est-il vrai que les peuples n'auraient d'autre moyen que la révolte pour empêcher les mauvaises lois que l'erreur ou rintérel aurait dictées (1)'.
Ainsi donc l'intérêt commun, le cri de la raison de stabilité du gouvernement se réunissent pour établir la nécessité du veto contre les décrets de l'Assemblée et ce droit né peut appartenir qu'au Chef suprême, au premiér représentant dë la nation. .
Mais ce veto sera-t-il absolu? ou bien le peuple deviendra-t-il juge entre le Roi èt l'Assemblée ?
ïoutel'autorité, a-t-on dit, réside dans la nation seule ? C'est d'elle que le
souverain a reçu ses pouvoirs et sa dignité, c'est d'elle que l'Assemblée tient tous
ses droits ; mais quelle qUè soit leur puissance respective, il y en a une au-dessus
d'eux tous, cèlle du peuple qui leè a choisis. Si donc ils
Voilà une théorie sublime; joignez-y l'appât décevant de cette liberté qu'elle présente, l'appât plus grand encore de cette augmentation de pouvoir qu'elle nous promet et ne nous étonnons plus de l'impression qu'elle a faite sur tant de membres de cette Assemblée.
Mais avant d'adopter ces idées, il convient de les examiner dans la pratique. Or, il me semble d'un côté, que la nation ne pourrait jamais juger un tel appel, de l'autre que quand ellele pourrait, elle ne doit pas le faire.
En effet, cet appel sera porté aux assemblées élémentaires. Or comment concevoir qu'elles pourraient juger sainement un point délicat de législation ou un plan d'administration ?
Sans doute, il s'y trouve quelques hommes doués d'un grand talent ; mais outre que ce talent a plus souvent pour objet les sciences d'agrément ou d'utilité particulière qu'une étude profonde du gouvernement; c'est que le plus grand nombre des citoyens qui paraissent à ces assemblées, vit plus occupé de ses affaires personnelles que de la chose publique.
Or, pourront-ils parcourir tous les points de la question, en saisir toutes les conséquences, calculer enfin tous les avantages où les inconvénients qu'elle présente? Que sera-ce surtout si la loi proposée paraît blesser quelque intérêt particulier ? Chacun verra la question sous lepoint de vue qui lui convient, et l'amour-propre, l'intérêt ou une apparence de raison guidant le plus grand nombre, vous n'aurez qu'une décision erronée.
Ce n'est pas tout : les membres de l'Assemblée nationale épars dans les provinces, y répandront leurs principes. Il ne faut pas juger l'homme tel qu'il devrait être, mais tel qu'il est en effet. Et il est hors de doute que, par une suite nécessaire de l'attachement, à son opinion ils chercheront à la faire adopter. Si donc vous considérez, d'une part la confiance que la nation doit naturellement avoir dans ses représentants, de l'autre,l'avantage qu'a nécessairement sur tous les citoyens des différentes classes, unhommeun peu versé dans la science du gouvernement et les détails de l'administration, il est impossible de douter que la décision du peuple ne soit probablement toujours favorable aux décrets de l'Assemblée.
Ainsi l'erreur, l'intérêt, le tempérament et bien souvent la séduction, voilà les bases des résolutions qui seront prises, voilà où se réduit dans la pratique cette théorie sublime qui rendrait le peuple juge entre le Roi et l'Assemblée.
Je vais plus loin : quand même la nation pourrait juger un tel appel, il est de son intérêt de s'en interdire le droit.
Remarquez en effet que le peuple exerçant la plénitude des pouvoirs deviendra plus jaloux d'assurer les lois qu'il aura dictées ; et comme dans l'examen des divers jugements sur l'appel, il faudra nécessairement en rejeter plusieurs pour s'en tenir à un seul, le feu de la discorde s'allumera dans les provinces, une guerre civile en sera la suite.
Le moins qu'il pût arriver, c'est que les provinces ne voulant pas céder l'une à l'autre, et la même décision pouvant être avantageuse à celle-ci, nuisible à celle-là, chacune adoptât le régime qui lui conviendrait. Mais alors la France se divisera insensiblement en une multitude de petits Etats : le gouvernement fédératif sera substitué à
cette unité de forces et de volontés qui convient à
un grand royaume.
Et qu'on ne dise pas que le peuple alors serait d'autant plus libre que toute autorité résiderait dans ses mains : outre que cette liberté aurait ses dangers, une telle idée est même fausse.
Nulle part le peuple ne gouverne : partout au contraire il est gouverné, ici par un roi, la par un despote, ailleurs par l'aristocratie, et quant a la démocratie pure, c'est une chimere, car cette autorité de tous dont on amuse le peuple, n est au fond que l'autorité de quelques citoyens puissants qui se partagent l'Etat.
Ce ne serait donc plus le peuple qui exercerait le pouvoir absolu, mais bien l'Assemblée nationale. Or, comment arrêter ce Corps dont la volonté seule crée les lois ouïes anéantit ? Quelle digue opposer à ce torrent ? Bientôt vous la verriez déclarer ses membres inamovibles, s attribuer le pouvoir exécutif, nommer des magistrats, changer la forme du gouvernement, etc,. etc. ; et si, pour ne point trop alarmer le peuple, on conservait le vain titre de royauté, la réunion de tous les pouvoirs dans une seule Chambre, constituerait dans le fait une véritable Assemblée. Au lieu d'un maître nous en aurions douze cents. Tel fut le Sénat de Suède, avant la dernière révolution. Telle serait la France avant vingt ans.
J'ai entendu quelques personnes dire, que la Constitution prévenait ces dangers, etque l'Assemblée ne pourrait y rien changer.
Mais qui. donc la défendra, cette Constitution, des atteintes qu'on voudrait y porter ? Dira-t-on qu'elle est sous la sauvegarde delà nation entière ? Mais une nation éparse, divisée, sans aucun point de ralliement et dont les membres sont perpétuellement distraits par le soin de leurs affaires personnelles, n'opposera jamais une résistance égale à la force d'un corps toujours uni, toujours actif. Il n'y a qu'une insurrection générale qui pût l'opérer, c'est-à-dire le plus grand des malheurs.
Le pouvoir législatif absolu d'une seule Chambre est trop dangereux pour la liberté publique, il lui faut un contre-poids ; et l'intérêt même du peuple est d'accorder à son chef le droit d'admettre ou rejeter les lois qu'on lui proposera.
Quel danger y a-t-il?
11 faut d'abord bien prendre garde que, dans l'exercice de la législature, l'initiative appartient à la nation seule. Le droit du Roi ne peut donc jamais être de faire des lois, mais seulement de les empêcher, s'il le juge convenable.
Si donc la loi proposée est mauvaise, le veto gera
Si elle est bonne, pourquoi supposer que le Roi la rejettera?
Les droits du Roi une fois déterminés par la , Constitution, le souverain n'a plus rien à discuter avec la nation. Son intérêt dans l'exercice de la puissance législative ne peut donc plus être qu'un avec celui de son peuple.
D'ailleurs la liberté de la presse éclaire l'opinion publique et la dirige, cette opinion asservit jusquaux Rois; et son empire se réunissant à cette masse immense de forces qui réside dans la nation, le souverain sentira qu'une résistance J injuste serait vaine, et dès lors ne rejettera pas une bonne loi.
D'un autre côté n'est-ce pas de la libéralité seule du peuple que le Roi peut obtenir des subsides? La force d'un tel moyen est incalculable : car comme l'argent est le grand ressort des affaires, celui qui dépend sur cet article est dans une
véritable dépendance sur tout le reste quel que soit d'ailleurs son pouvoir nominal (1).
Mais enfin, supposons qu'égaré par l'ambition ou trompé par ses ministres, le souverain refusât une bonne loi, ce moment de crise passera, à la session suivante, ou si vous voulez, à la troisième, la loi sera reproposée et probablement admise.
Mais ce retard, la perte même d'une bonne loi, sont bien au-dessous des malheurs qui naîtraient d'une Chambre unique de législation : et comme aucune institution humaine ne peut être parfaite, la véritable sagesse consiste à choisir celle qui offre moins de dangers.
Le veto du Roi n'emporte donc point de grands inconvénients : au contraire, il est nécessaire pour assurer la Constitution contre les entreprises du pouvoir législatif trop indéfini. Les lois aussi en seront meilleures, car l'Assemblée nationale, sentant qu'elle peut être arrêtée par le souverain, soignera plus son travail que si rien ne devait s'opposer à ses résolutions.
L'exemple de l'Angleterre justifie ces grandes vérités : le veto le plus absolu y appartient au roi. Combien de fois en a-t-il usé dans le cours de plus d'un siècle? une seule. Et ses lois valent bien les nôtres.
Je remarque ici une progression effrayante dans les idées.
Il y a un an, on ne parlait que d'exposer au Roi des abus et le supplier de les réformer.
Bientôt on a dit que la nation seule pouvait consentir les impôts.
Ensuite qu'elle seule devait proposer les lois pour être, dit le cahier delà banlieue de Paris, agréées ou refusées par le souverain.
Aujourd'hui, on veut ôter au Roi le droit de sanction ou le réduire à rien, ce qui est la même chose.
Demain, on voudra plus encore. Tel est l'effet du sentiment et de l'abus de ses forces, mais malheur à qui ne sait pas s'arrêter au point que la raison lui marque !
Eh I qui sommes-nous ici ?
Les représentants du peuple. Mais g que pense donc le peuple sur cette sanction? Lisez tous vos cahiers : partout on verra que nos commettants dans la simplicité de leurs curs, dans la droiture de leur conscience confèrent ce droit au Roi. Des cahiers, dit-on, ne sont pas des lois, mais seulement des instructions ! Peut-être ; mais enfin ils annoncent que le vu de toute la France est en faveur de ce veto et nous, les représentants du peuple, nous devons d'autant plus respecter ce cri universel que c'est le seul moyen d'assurer la Constitution et le salut de l'Etat.
Craignons que ce souverain qu'on cherche à rendre nul, ne s'arme enfin lui-même de son désespoir; et qu'abusant alors à son tour de la force des circonstances, il ne s'élève plus haut même qu'il ne veut être aujourd'hui. Le despotisme actuel de la Suède n'est dû qu'à l'abaissement où le Sénat voulut plonger son Roi.
La monarchie est le seul état qui convienne à un grand peuple ; mais en créant un
chef suprême, il faut l'investir d'une autorité proportionnée à
Loin d'ici de pareils malheurs. Nous sommes Français, c'est-à-dire un peuple fidèle et bon, dont le caractère distinctif est l'amour de son Roi, non pas d'un roi imaginaire, d'un simple exécuteur de volonté, d'une machine (passez-moi le terme) qui ne tournerait qu'au gré de l'Assemblée; mais d'un magistrat suprême, le chef, l'ami, le père de ses sujets, dont la volonté concourt avec la leur pour assurer le bonheur public, dont la puissance égale l'étendue des devoirs qu'il doit remplir et dont la majesté représente noblement le peuple qu'il a l'honneur de commander.
Aimons notre liberté; sans elle, il n'est point de dignité, ni de bonheur; mais songeons qu'elle ne peut exister que dans l'équilibre des pouvoirs publics. Ainsi gardons-nous de cet élan impétueux qui nous jetterait hors des bornes que la raison nous marque. Le veto du souverain peut seul empêcher l'abus qu'une Chambre unique de législature pourrait faire de sa puissance. Rallions-nous donc auprès du Trône pour le défendre contre nous-mêmes,et donnons à l'univers étonné un spectacle bien rare, celui d'une grande force réunie à une sagesse plus grande encore.
, député de Bordeaux (1 ).Opinion sur la sanction royale (2). Messieurs, jamais plus importante question ne fut soumise à votre examen. Ce n'est plus le moment de ces discussions rapides qui donnent tant de poids à l'éloquence et tant d'avantages à l'erreur. Une loi constitutionnelle aussi intéressante aura nécessairement une influence marquée sur la destinée de ce beau royaume et lui présage une longue suite de prospérité ou de nouvelles et peut-être d'interminables convulsions : elle exige donc de sérieuses méditations et des débats approfondis.
On a attaqué la sanction royale, je ne dirai pas avec courage, ce serait un abus du mot, car il est trop évident que le courage n'est maintenant que dans la modération, mais on l'a attaqué avec force ; et en effet je conçois que, quand on n'est frappé que des fautes des erreurs et des attentats d'un gouvernement sans règle, on l'a bientôt jugée quoique cependant ces attentats n'aient eu pour cause que l'exercice du droit de faire des lois et non de les sanctionner. Mais les longs ressentiments d'un peuple qui a brisé ses fers, doivent être oubliés au moment où il se crée une Constitution: cen'estplusde ses passions qu'il doit emprunter ses lumières,et sa haine du despotisme ne doit pas nuire à son amour de la liberté.
Or, c'est cet amourmême de la liberté qui nous presse aujourd'hui d'affermir la puissance royale sur le fondement inébranlable de la loi. Cette puissance n'était depuis longtemps si hardie, que parce qu'elle était faible, le despotisme l'affaiblissait lui-même : il la dévorait par ses excès, et l'esclavage du monarque avait précédé celui des sujets.
Rendons-lui sa force, en lui rendant ses limites,
Lorsque la nation française, lasse dq joug aristocratique qui l'avilissait Ujepuis qjeuf siècles, plus lasse encore du joug ministériel qui ,opprimait ses volontés et qui dépravait ses affections, n'ayant pour dernière barrière contre le pouvoir arbitraire* que des murs qui en provoquaient la licence, a senti que l'excès de sa corruption en marquait naturellement le terme, lorsqu'après s'être enfoncée dans la servitude * jusqu'à en aimer le repos, sortant enfin de son sommeil de mort, elle a prononcé, consacré formellement ces deux importants principes qu'elle n'obéirait plus qu'aux lois qu'elle aurait faites, qu'ejle ne payerait plus que les impôts qu'elle aurait copsentis : elle a élevé les remparts éternels de sa liberté, il n'y a plus maintenant qu'elle-même qui puisse l'attaquer, en dédaignant d'en poser les bornes.
Il n'est pas nécessaire, en effet, pour qu'un peuple soit libre, qu'il soit seul sou législateur, mais que les lois qui le gouvernent ne se fassent pas sans son concours, qu il n'obéisse jamais qu'à la volonté générale, qu'il ne reconnaisse l'expression de cette volonté générale .qu'aux caractères déterminés d'avance par lqi> ÎJn peuple jouira de toute la plénitude de sgt liberté politique toutes les fois qu'il ne s'exécutera aucune loi dans l'empire qui ne soit son vpeu ou celui de ses représentants : il jouira de toute la pîénitudede sa liberté civile lorsqu'aucune volonté ne pourra contraindre le citoyen k des actes que n'aura pas commandés la loi. Ainsi, coopérer à la formation de la loi, pour avoir le droit de n'gbéir qu'à lui-même, voilà la véritable liberté du peuple.
Exercer seul le droit législatif, l'exercer sans obstacle* c'est plus que liberté, c'est puissance, et sans doute si un peuple était peu nombreux, s'il pouvait être alternativement souverain en assemblée générale, sujet en assemblée partielle, si la masse de sa population n'étftit pas un obstacle invincible à cet exercice personnel de ses droits, il ne devrait jamais les aliéner, soit en fayeur de plusieurs, soit en faveur d'un seul.
Mais du moment que, dans un vaste royaume, les Citoyens sont pbligés de charger d'autres citoyens du droit de vouloir pour euxj n'exerçant plus personnellement leur portion de puissance législative, ils doivent chercher les ipeil leurs moyens de la confier sans risque pour leur liberté.
La position d'un peuple qui veut par lui-même ou d'un peuple qui veut par représentants est donc bien différente et ce changement de position complique déjà le systèpie de son gouvernement et n'en permet plus la simplicité !
Quoi qu'en aient dit ceux qui ont attaqué la sanction royale, l'Assemblée des représentants de la nation n'est pas la nation, et cette erreur, dans laquelle on tombe s^ns cesse, n'est qu'une suite de l'illusion qu'on aime à se faire sur l'étendue de sa puissance : parce que toute souveraineté réside dans la nation, jl ne s'ensuit pas que toute souveraineté réside dans le Corps législatif qu'elle crée pour faire ses lois.
Elle peut mettre deg limites aux droits de l'Assemblée de ses délégués particuliers, de ses dé-
légués passagers, comme elle peut en mettre aux droits du monarque qui est son premier délégué, son délégué permanent.
Elle a tous les pouvoirs, comme elle a toutes les forces; ainsi elle peut modifier le pouvoir du Corps législatif qu'elle organise comme elle peut restreindre le pouvoir exécutif qu'elle confie, elle le peut, et je vais démontrer qu'elle le doit.
Si la nation faisait elle-même ses lois, elle les ferait conformes à l'intérêt général, parce que du concours de tous les intérêts particuliers se forme l'intérêt public ; mais choisissant un nombre déterminé de représentants, elle _ confie dès lors le dépôt de ses volontés à des intérêts qui peuvent n'être pas Ijbs siens; quelque bien qu'elle choisisse, elle peut s'égarer dans ses choix et, formât-elle une Assemblée de sages, on y trouverait toujours les passions, la faiblesse ou l'erreur.
Un Corps législatif qui fera la loi et qui la fera sans obstacle, se plaira bientôt à ces actes de sa puissance. Il peut les multiplier contrôles intérêts de la nation et con tre les intérêts du prince dont il enviera le pouvoir. Il faut donc que la nation ait des moyens de se préserver de ses entreprises : je dis des moyens légitimes, car il est bien évident que par une insurrection générale, elle peut reprendre tous les pouvoirs qu'elle a confiés; mais un peuple qui n'a que cette ressource pour #fendre sa liberté est bientôt asservi.
Il faut que ces moyens soient pris dans la Constitution même et je n'en connais que deux, le veto du Roi et le veto du peuple.
Les inconvénients du veto populaire sont sensibles : il ne nuit pas à 1$ formation de la loi, mais à son exépution* il nentiit pas à l'exécution de la loi par la seule résistance de 1 opinion, mais par la résistance de la volonté ; il amène avec la censure le mépris dq législateur, et par conséquent le mépris de la loi, il plonge ainsi continuellement dans l'anarchie dont on a voulu sortir en se donnant une Constitution, et en soumettant la volonté générale des représentants à la volonté individuelle du citoyen, 4 heurte directement le principe de tout bon gouvernement, qui fait fléchir la volonté dp chacun sous la volonté de tous,.
Le veto du ftoi n'a pas les mêmes inconvénients, ii peut sans doute mettre des obstacles à l'exercice drpit législatif ; mais il n'arrête l'effet d'une volonté pqomeqtanée que pour conserver sa volonté permanente : il peut suspendre même un instant de bonnes lois, mais il n'en fera jamais faire de mauvaises, et ce n'eét pas la privation d'une bqnne loi qui est dangereuse à la société puisqu'il n'en résulte pour Je citoyen la perte d'aucun droit, le maintien d'aucune obligation et que dans le silence dés lois, le citoyen est rendu à sa li^erte naturelle.
Par le fîroit de sanctionner la loi, je monarque n'acquiert pàsj |e droij; de la faire ; il n'acquiert pas le droit d'imposer à la nation sa volonté particulière pour règle; la nation reste tlonc toujours sous l'empire des lois qu'elle a faites, elle n'obéit qu'à elle-mêipe, elle est donc parfaitement libre.
La nécessité de la sanction royale n'est donc qu'une précaution de vigilance "que la nation prend pour perfectionner l'uvre de la loi, pour âé garantir des surprises du législateur, de sa précipitation, dé son ignorance, disons plus, de a malveillance ; cette contradiction qu'elle élève entre les deux pouvoirs, en empêche la réunion, c'est une des ressources qu'emploie une liberté
ombrageuse et quand un peuple confie et son droit et sa force, il doit redouter les abus que l'on peut faire et de l'Uri et de l'autre.
Ceux qui ont parlé contre la sanction n'ont considéré le moharque que coijiine le dépositaire du pouvoir exécutif et, sous ces rapport, on l'a vu d'abord surborddnné à la loi, et ensuite subordonné au corps qui fait là 10i: car il est clair que ie pouvoir législatif commande et qUe le pouvoir exécutif obéit.
Mais le Roi est de plus chef suprême de la nation, son représentant perpétuel et héréditaire. et son mandataire spécial chargé de tous ses intérêts vis-à-vis des nations étrangères, et comme tel il exerce au-dehors toute là puissance dé la natiqn et en déploie toute la majesté : ainsi revêtu de la plus éminente dignité du royaume, il ne doit exister aucun corps de citoyens auquel il puisse être subordonné; la nation peut seule lui êtfre supérieure, mais elle n'est m au-dessous pi au-dessus de lui, il est le chef, il est le père de la grande famille, elle n'est qu'une avec lui, voilà l'idée de la monarchie. Lorsque le Roi traite des droits, des intérêts, de tous les rapports de la société avec des puissances ennemies, quelle égt la fonction publique qu'il exerce ? est-ce celle d'exécuteur de vos lois, de promulgateur de vos lois ? N'est-ce pas celle de protecteur de la propriété commune et des propriétés particulières ? Et sous ce second rapport peut-il être subordonné au Corps législatif ? N'est il pas évident qu'il doit en être partie intégrante, pour l'intérêt de tous ? n'est-il pas évident que liant au-dehors la nation par des traités, décidant dé son sort par la guerre ou la paix, de ses droits, de son influence politique par des négociations, il ne peut exercer la législation extériêure sans concourir à former la législation intérieure, dont elle n'est qu'Une branche.
Enfin, et c'est ici le troisième rapport sous lequel il faut considérer le monarque, dépositaire de toutes les volontés des Assemblées nationales successives.il est gardien de la législation ancienne, il peut mieux que vous la comparer avec la nouvelle; placé au centre de tous les intérêts, il peut mieux les connaître ; protecteur de tous les droits, il peut mieux les défendre. Lorsque toutes les classes des citoyens auront confondu leurs intérêts en un, ils resteront encore divisés, il y aura des jalousies de pouvoirs, des jalousies de fortuné» des jalousies de fonctions; les salariés de l'Etat et les hommes qui salarient seront toujours en guerre. Un décret injuste de la législature peut attenter aux droits les plus sacrés des citoyéns, quel §era leur asile contre l'injustice ? Si le Corps législatif est un, l'injustice prenant le caractère de la loi, commande alors le respect ; elle commande au moins le silence : on a le droit de résister à l'aéte violent d'une volonté privée, on n'a pas celui de résister à la violence de ce qu'on appelle la volonté publique. Il faut pourtant que lorsque vous avez ôté à un citoyen, l'emploi de sa force particulière pour repousser l'injustice, vous lui laissiez une force commune qui le protège et c'est en ce sens que le veto royal devient, Selon la belle expression de M. de Mirabeau, le domaine du peuple.
La nation peut donc l'établir, puisqu'elle délègue tous les pouvoirs, elle doit donc l'établir, puisque le chef du pouvoir exécutif ne peut garantir un citoyen de l'oppression de la loi, s'il est toujours obligé de faire exécuter la loi, et que la nation ne doit pas toujours se considérer en
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masse, mais aussi éparse et divisée. Et qu'on ne dise pas que le Corps législatif étant composé de représentants amovibles, prêts à rentrer dans le cercles des citoyéps, et à être souipis à .la loi, n'en fera jamais de mauvaises ; et n'y a-t-il pas des décrets qui n'affectent qu une classe de citoyens ? Supposons que vous eussiez décrété l'absolution de la vénalité des charges sans remboursement, n'aUriez-vous pas commis une éclatante injustice ? Elle n'eut pourtant frappé que sur un petit nombre qui se fût trouvé supporter seul le jorig de votfe loi.
J'ai supposé jusqu'à présent que vous étiez des envoyés d'une nation désorganisée,dissoute, rentrée dans son indépendance naturelle qui a repoussé loin d'elle jusqu'aux débris d'une ancienne Constitution qui n'a pu la garantir de la mort, que vous n'aviez plus ni lois, ni moeurs, ni usages, plus d'annales qui pussent vous retracer ce que vous aviez été ; et dans ce cas là même, j'ai établi que vous deviez à vos commettants cette loi tutêlaire qui ne borne , votre puissance, que pour assurer leur repos et leur liberté..
Mais, s'il est vrai que vous n'êtes que les mandataires d'une nation qui ne veut reprendre que les droits qui ont été Usûrpés sur elle, s'il est vrai que les monarques français ont toujours joui d'une part quelconque à la puissance légis-
sott sceptre devant la nation s'est montré plus empressé de faire ie sacrifice de la puissance qu'il exerçait, que vous ne pouviez l'être à rentrer dans vos droits : craignez d'aller au delà des vux de ceux qui vous ont envoyés, craignez de changer leur sagesse contre la vôtre, et de leur donner une liberté dont ils ne puissent supporter le poids. N'apprenez pas à l'Europe qui a vu votre courage avec admiration et qui a envié vos succès, que toujours mobile et léger, le Français ne veut jamais moins la liberté que lorsqu'il s'élance vers elle; qu'à peine échappé au despotisme d'un seul* il se précipite en enfant sous la tyrannie de plusieurs, qu'il ne fait que se blesser avec les mêmes lers qu'il a brisés, que dans un moment où une révolution inspirée donne à son génie tout son ressort, ses efforts n'aboutissent qu'à greffer quelqu'une des Constitutions américaines sur lë trône antique de la monarchie française, que Sans égard à la position de l'empire, à l'immensité de sa population, aUx lois physiques du sol qui sont pour iious le bras de fer de la destinée, nous avotis la bonne foi de prendre ce placage artificiel pour un modèle de gouvernement et que dans IivresSe de notre exaltation nous nous flattons d asservir les autres peuples à notre bonheur comme nous les avons longtemps asservis à notre génie.
PoUi* moi, je crois fermement et je crcrirai toute ma vie, que la France est, comme l'écrivait l'année dernière un de vos membres les plus célèbres, géographiquement monarchique ; je crois que le Roi n'est plus partie intégrante du Corps législatif, qu'il n'y a plus de monarchie, qu'il n'y a plus qu'une république et un premier magistrat ; je crois que l'inviolabilité de la personne du Roi tient essentiellement au principe qu'il est membre du souverain, qu'il ne fait qu'un avec le souverain, c'est-à-dire avec la nation ; je crois que vous ne pouvez, sans la mission expresse de la nation et à plus forte raison contre sa mission expresse, dépouiller ie monarque actuel de la plus belle prérogative de sa couronne, je crois que si par un acte
de volonté vous lui ôtiez le droit de sanctionner la loi, que la nation entière lui a réservé, vous seriez injustes, vous seriez usurpateurs, vous autoriseriez un monarque ambitieux à troubler sans cesse le royaume, pour remonter à sa place ; vous feriez ainsi le malheur de la génération présente et des générationsfutures ; vous briseriez ainsi de vos propres mains, les colonnes du temple que vous venez d'élever à la liberté.
J'ai prouvé qu'il était utile, qu'il était nécessaire que le Corps législatif fut divisé, et par conséquent que le Roi sanctionnât la loi.
Quelle sera l'étendue de la sanction royale? le droit de refuser sera-t-il absolu? sera-t-il suspensif? C'est ce que je vais examiner.
Ai-je d'abord le droit de décider cette question d'après mon opinion personnelle ? Ceux dont j'exerce ici le pouvoir m'ont remis leur vu ainsi conçu : La loi sera faite par le vu des représentants de lia nation et le consentement du Roi.
Les membres qui invoquent ici le vu national
our juge suprême du refus du monarque, ou-
lient qu'ils violent le principe au moment qu'ils l'établissent; qu'ils n'accordent pas à leurs commettants pour le passé le même droit qu'ils leur réservent pour l'avenir, que chargés aujourd'hui d'un vu formel qu'ils méconnaissent, ils ne promettent une fidélité religieuse que pour le moment qu'ils ne pourront plus la remplir. Cette contradiction entre le principe qu'on pose et la marche qu'on suit, n'a pour cause qu'un excès de lumière qui subtilise toutes nos idées depuis un temps et nous détournent de la marche simple et droite de la raison. Je vous demanderai d'abord si vous avez reçu toute la plénitude du pouvoir constituant, si ce pouvoir est dans vos mains, absolu ou limité.
Si ce pouvoir est absolu, vous pouvez toucher aux droits essentiels du monarque, il en jouissait quand il vous a rassemblés, mais tout disparaît devant la souveraineté dont vous êtes investis.
Si ce pouvoir est absolu, vous pouvez changer les principes les plus sacrés de la monarchie, rendre la couronne élective au lieu d'héréditaire! la transporter à une autre branche de la maison de Bourbon, car bien incontestablement une Convention nationale pourrait tout cela.
Si ce pouvoir est absolu, vous pouvez créer un Sénat héréditaire, donner à lui seul le droit de faire des lois, et même de les appliquer, ce serait-un gouvernement monstrueux : à la bonne heure, mais vous auriez eu le droit de le choisir. Croyez-vous que vos commettants vous aient permis d aller jusqu'à sonder Varistocratie ?
Ce pouvoir constituant que vous exercez, n'est donc pas plein, entier, il a des bornes, et ces bornes, les voici : 1° D'abord les droits de la nation, que vous n'êtes pas les maîtres de sacrifier a votre gré; 2° les droits du Roi, que vous n etes pas les maîtres d'étendre ou de restreindre àvotre gré; 3° les droits des citoyens dont vous n'êtes pas plus les maîtres de disposer à votre gré. Vos commettants qui voulaient des lois constitutives qui déterminassent enfin des droits si souvent contestés en France, ont dû d'abord s expliquer sur ces droits, c'est-à-dire sur la délégation des pouvoirs, en caractériser l'étendue et; la nature.Quant aux formes de la Constitution, c'est-à-dire aux meilleurs moyens d'assurer le plein et entier sacrifice de ces droits, ils ont dû nous laisser libres; ainsi l'organisation du Corps législatif, sa permanence, sa division en deux Chambres, sont des questions qui n'attaquant
aucun droit légitime nous appartiennent évidemment.
Mais pourquoi, dites-vous, n'accorderions-nous pas à nos commettants plus de liberté qu'ils n'en ont désiré ? Pourquoi ? parce que notre sagesse est peut-être trompeuse, parce que le présent ne manifeste pas toujours l'avenir, parce que dans le calme, mieux que dans l'effervescence, ils ont pu juger la nature du gouvernement qui convenait à l'esprit français, parce que ce ne sont pas les lumières qui ont hâté notre propre marche, mais les événements, parce que, ou les leçons de l'histoire nous trompent, ou la prospérité de la monarchie française n'est pas attaché à l'abaissement du Trône et au dépouillement d'un Roi dans le malheur.
Que si mes commettants participant à cette exaltation d'esprit qui dans l'espérance confuse d'une liberté trop étendue, fait apercevoir un bonheur dont peut-être on ne jouira pas, avaient changé de volontés, ou si, plus éclairés, comme on du, sur les droits de l'homme, ils avaient perfectionné leurs idées : quand ils ratifieront la Constitution (car il faudra bien qu'ils la ratifient) ils effaceront cet article, si ce n'est plus leur vu; mais alors, rentré dans ma condition primitive, je défendrai pour leurs intérêts, dans leurs assemblées élémentaires, la sanction royale, avec le même zèle et le même courage que je la défends ici.
Que craindraient-ils du veto absolu pour leur liberté? Il est, dit-on, infecté de trois vices principaux.
Il est contraire aux principes, c'est la volonté individuelle qui s'oppose à la volonté générale, c'est un homme qui ne veut pas ce que la nation veut; et moi je dis ce qu'on a répondu plusieurs fois sans avoir été réfuté: ce n'est pas un homme qui opposé sa volonté propre, mais celle d'une partie de la nation à celle d'une autre partie de la nation,qui oppose une volonté permanente à une volonté passagère ; c'est un chef auquel toutes les Assemblées législatives ont confié le dépôt de leurs lois, et qui les oppose à des changements ou injustes ou dangereux; c'est un roi que la nation a revêtu de belles prérogatives et d'une grande puissance et qui oppose la volonté nationale qui les lui a accordées à la volonté d'un corps qui voudrait les lui ravir. Ce n'est donc pas le veto d'un homme opposé à la volonté de 24 millions d'hommes, veto absurde, veto insignifiant, car comment l'établir contre la force de tous , qui appuiera toujours la volonté de tous ? Mais c'est le refus d'une loi qui n'est pas loi, qui n'en a pas le caractère. Je suppose que nous eussions décidé qu'ici même il fallût pour un décret les deux tiers des suffrages : un décret qui n'aurait eu que la simple majorité serait bien, sans doute, la volonté générale qui réside toujours dans la majorité, cependant ce décret serait rejeté, il n'aurait pas les caractères qui déterminent l'expression de la volonté générale. L'expression de la volonté générales stdonc équivoque, on en a fait un abus continuel dans le cours de cette discussion, et ce sont ces erreurs de mots qui amènent les erreurs de principes. La nation, qui est souveraine, donne une portion de sa volonté au monarque, une autre à ses représentants, il est clair que nul de ces deux êtres collectifs ne peut attacher à sa volonté propre, le caractère de la volonté générale qui est la loi; leur veto mutuel n'est donc pas contraire au principe.
Mais le veto absolu est dangereux dans ses effets : à la bonne heure, examinons ces effets. 11 paralyse le Corps législatif, il l'annihile, il empêche une bonne loi d'exister. C'est un inconvé-
nient sans doute, mais il est compensé par l'obstacle qu'il apporte à l'existence d'une mauvaise loi, toujours plus facile à faire. Mais quand toutes les lois protectrices de la liberté de la propriété, de la sûreté du citoyen, sont établies dans la Constitution, quand les lois politiques, judiciaires ou fiscales sont fixées ; quand les lois d'administration sont réglées, je demanderai quelles lois restent donc tant à faire sur lesquelles le refus du Roi soit si fort à redouter ? Je crois que le pouvoir législatif est essentiellement actif, qu'il doit toujours être prêt à agir, c'est là le motif
Êour lequel je désire la permanence des Assem-lées nationales ; mais je ne crois pas qu'il soit toujours essentiel qu'il agisse, je pense que son repos vaut bien quelquefois son mouvement, et que, lorsque tous les vrais intérêts, tous les vrais rapports sont fixés, il résulterait peut-être plus de bonheur de laisser un peu aller la machine du gouvernement que de vouloir sans cesse y toucher. Nous avons vécu jusqu'ici sous une si énorme quantité de lois, que j'espère que tous nos efforts ne tendront qu'à les réduire et que la manie réglementaire passera. Au reste le temps et les murs publiques amènent sans doute des changements, des lois utiles à faire, mais le temps et les murs publiques les font : un bon roi ne les refusera pas, un mauvais roi même les sanctionnera. Où est l'intérêt du prince d'éveiller la discorde dans ses Etats, de soulever l'opinion qui, si elle est la plus puissante des impulsions, est aussi la plus forte des résistances ? Sera-ce pour des lois bonnes, justes et qui n'attaqueront pas ses vraies prérogatives, qu'il appellera à l'insurrection un peuple heureux, obéissant et tranquille?
Richelieu même ne le conseillerait pas.
Mais des alarmes viennent se mêler à ces réflexions.
Vous n'ignorez pas qu'avant peu vous n'aurez presque plus de bonnes lois à faire, que votre législation sur ses objets principaux sera finie. Mais des décrets importants, déjà rendus, auront, d'après mes principes, besoin d'être sanctionnés? Non, est-ce que l'égalité politique des citoyens, l'affranchissement général des terres, comme des personnes et l'anéantissement des privilèges ne sont pas des principes, des bases de notre Constitution? Est-ce que le sanctionnement de notre Constitution n'est pas un sanctionnement forcé ? Le Roi peut-il jouir contre elle d'un veto accordé par elle? S'il l'accepte, il la consent, s'il ne l'accepte pas, il n'a pas acquis le droit de la sanctionner.
Le veto absolu, a-t-on dit, menace la liberté publique, c'est un moyen qui nous ramène au despotisme, et ce mot quand on le prononce, frappe l'imagination de tant de souvenirs effrayants, que l'esclave qui vient de briser ses fers, croit encore en entendre le bruit. Mais ne nous exagérons aucun de nos sentiments, pas même la terreur que ces souvenirs inspirent.
L'histoire nous montre des peuples conduits à la servitude par la terreur de la servitude : plus qu'un autre peut-être j'abhorre le despotisme, comme un autre j'en tracerai ici de sinistres tableaux. Tacite meme n'a pu en épuiser les couleurs, il n'a peint que la sombre tyrannie de Tibère, il n'a pas mis à nu l'âme des tribuns de Rome, ou des démagogues d'Athènes; il n'a pas dit que le despotisme était partout, qu'il était dans le Prince, dans le Corps législatif, dans la magistrature, dans l'armée, dans le peuple; il 11'a pas dit que le despotisme corrompait toutes les
institutions politiques, qu'il corrompait même la liberté. Mais si le despotisme est l'abus de la force, il ne vient pas d'un droit, et si le droit de s'opposer à la loi conduit au despotisme, celui de la faire y conduit par un plus rapide chemin. Qu'on ne cite donc pas à propos du droit constitutionnel du veto, Tibère ou Louis XI. Malheureusement pour leurs sujets, ils exerçaient un bien plus terrible droit que celui d'approuver ou de refuser la loi : Louis XI la faisait taire, et Tibère la faisait parler. Soyons justes, même envers les rois; on ne les flatte plus, disait M. de Lally, mais on commence à flatter la multitude ; le fier génie de la liberté s'élève contre les lettres de cachet qu'il ne craint plus et se prosterne devant l'ostracisme barbare qu'il commence à craindre ; on n'est hardi que parce qu'on est faible, on n'est exclusivement libre que parce qu'on est exclusivement esclave. Je l'ai déjà dit, le veto n'est pas une arme, il est une barrière, et si nous ne l'élevons pas, si nous ne réarmons pas la puissance royale de toutes les forces de la loi, le temps nous apprendra notre genre de liberté.
Quant au veto suspensif dont on a beaucoup parlé sans en expliquer le mode qui en est pourtant la partie principale, je vais dire ce que j'en pense. Je n'ai jamais conçu qu'il pût y avoir ni veto absolu, ni veto suspensif vis-à-vis d'une nation, j'ai toujours vu la volonté nationale irrésistible, la force nationale irrésistible, l'opinion même nationale irrésistible, et cela est ainsi même à Constantinople.
J'avais pensé que les forces d'un veto injuste appliqué à une bonne loi viendraient se briser contre le besoin des subsides, la responsabilité des ministres, la liberté de la presse, non moins propre à transmettre le vu national qu'aucun autre moyen et peut-être le plus doux pour l'interroger. '
J'avais pensé que cette immortelle déclaration des droits de l'homme, cette invocation à la raison de tous les hommes et de tous les siècles, maintiendraient à l'avenir les Français libres, à moins qu'ils ne fussent frappés en naissant de servitude.
Certes, je me garderai bien de nier le principe qui fait remonter ainsi la législation à sa véritable source ; j'irai même plus loin que ceux qui l'ont posé ; car je crois que forcés de revenir au pouvoir déléguant, rentrant par conséquent dans toute la rigueur du droit, il n'y a pas un citoyen dans l'empire qui ne doive être interrogé, qui ne doive donner son vu particulier, et de cette délibération universelle résulterait la loi.
Cependant il faut convenir que les formes du gouvernement les plus rigoureuses dans leurs principes, ne sont pas les plus salutaires dans leurs effets; qu'un appel à la nation constate bien son droit, mais n'opère pas toujours son bonheur, et que si elle s'est dessaisie du droit législatif en faveur de ses représentants, c'est précisément pour ne pas délibérer tout entière. On conviendra qu'un mouvement politique ainsi imprimé à 24 millions d'hommes, est peut-être incalculable dans ses dangers, que s'il y a un moyen de semer des germes éternels de discordes et de troubles et peut-être de dissolution et de mort dans l'Etat, c'est celui-là ; que cette espèce de Convention nationale ainsi créée pour être juge entre le monarque et les représentants, peut fort bien dépasser les bornes de son objet, qu'elle peut ébranler la Constitution elle-même, en agiter de nouveau toutes les questions, que c'est l'arme la plus dangereuse qu'on puisse
donner aux passions ennemies de l'ordre établi ï que la tranquillité, qui n'est pas moins que la li^ berté un (Jes éléments essentiels du bonheur, ne peut subsister avec le retour supposé fréquent de ces appels à la nation ; qu'il est même impossible que l'union intime de toutes les parties dp l'empire, puissent supporter sans se rompre, ces vives secousses que les membres qui ont proposé cet appel ont cru pourtant aussi possibles que légales.
Il faut donc que s'il existe^ et c'est sur qupi vous aurez à vous décider dans un autre endroit de la Constitution lorsque voqs qgitprez la question de savoir si les représentants une fois élus peuvent apporter des ordres de leurs commettants pour quelque loi positive, questipn qui décidera elle-même la manière dont le vu national sera interrogé, question liée à celle que nous traitons et qui prouve la nécessité de lier enseiptile toutes les parties de l'édifice; si cet appel existe, dis-je, comme c'est un grancl mal politique, il faut qu'il soit rare, il faut qu'il n'ait lieu que pour des intérêts bien présents, pour des atteintes bien funestes portées par les représentants aux droits sacrés de la nation et du Roi, il faut donc qu'à l'instant même qu'il s'exécute, un acte éclatant apprenne aux peuples que leurs volontés sont mécpnnues. Une loi que le prinçe aura suspendue vis-à-vis d'une première législature, refusée vis-à-vis d'une seconde, n'est plps une loi d'erreur ou de précipitation ou d'ignqrapce ; c'est un attentat à quelque droit ou à quelque pouvoir légitime : il faut donc que la législature qpi la reprpduit soit dissoute et qu'une nouvelle législature soit convoquée au même instant, il le faut et ce p'est pas pour cela que le prince moptre lu colère d'un despote, mais pour que cette dure nécessité soit une barrière de plus pour lui; il faut que la législature soit foudroyée pour que ce soit une barrière pour elle, et ceux qui ont attaqué cette proposition de M, de Mirabeau, n'ont pas songé, qu'il lui avait donné la forme d'une loi pénale plutôt pour prévenir que pour punir et parce que le refus d'unelei, persévéramment présentée, rompant toute harpionieet toute confiance entre le prince et les représentants ne peut plus laisser subsister leur rapprochement.
Voilà ce que je pense du veto suspensif et ceux qui l'admettent et ceux qui admettent le velo absolu sont d'accord sur un point : c'est que la loi n'a le caractère de loi, que par Je vu des représentants et le consentement du monarque. Son*refuss fait de la loi, un projet sur lequel lui-même d.QÎt désirer que la nation soit consultée ; qu'on lui demande ou sa volorjté ou ses lumières, qu'on laisse cette puissance à l'opinion qui l'exercera peut-être mieux, ou qu'on demande et de nouveaux représentants et des mandats impératifs, p'est ce que vous pèserez dans votre sagesse. Je n'opine donc ni pofir le veto absolu, ni pour te veto suspensif, car je n'y vois qu'une question de mots et je dis tout simplement :
La loi sera faite par les représentants de la nation et consentie par le Roi.
(1). Opinion sur le droit de sanction (2). Messieurs, je n'ai jamais conçu qu'on
11 est de la sagesse du Corps législatif de se prémunir contre les actes qu'un instant d'eireur, de surprise ou d'enthousiasme pourraient lui arracher : cela est nécessaire surtout, lorsque le Corps législatif réside dans une Assemblée unique (car je crois qu'il ne faut qu'une Chambre, et je me réserve d'appuyer mon opinion quand on traitera directement celte question)^ Cejapst indispensable singulièrement chez une nation vive, impétueuse, dont |es délibérations peuvent quelquefois se former plutôt par une espèce d'élan que par une longue et mûre réflexion.
C'est dans les précautions que prendront contre eux-mêmes les membres dû Corps législatif, que leur prudence et leur courage se manifesteront avec le plus d'éclat, il ne faut pas une vertu bien rare pour se raidir pontre la résistance et contre l'oppression : il suffit poiir cela de céder au sentiment que la nature a gravé dans le cur de tous les hommes ; mais se défier des surprises de l'intérêt personnel, redouter l'effet de ses passions, se prémunir contre ses propres entreprises et contre l'abus du pouvoir qui nous est confié, voilà des actes de sagesse dignes d'un Corps législatif ; c'est à ces traits qu'on reconnaîtra les représentants du peuple le plus éclairé de l'univers.
Personne ne peut désavouer que le Roi soit une partie intégrante de la nation : il faut donc qu'il concoure à la formation de la loi ; il ne peut y concourir que par le droit de sanction ; il serait dérisoire de le réduire à la qualité d'un simple citoyen, de le restreindre au droit d'un député ordinaire ou de président de l'Assemblée: ce n'est pas là, comme l'a avancé un des préopinants, le droit qui lui était seulement réservé par notre ancien gouvernement: lex sit consensu po~ puli et constitution regiâ. La sanction royale était donc nécessaire. Le peuple consentait à la loi, et le Roi la sanctionnait, ou plutôt le Roi avait l'initiative. C'était lui qui proposait la loi ; mais il rie pouvait la faire sans le consentement de la nation. On est donc bien peu fondé à argumenter de cet ancien état, pour prétendre que le Roi ne doit pas avoir uû droit de sanction.
Eu vain dit-on que ce droit mettra le pouvoir législatif dans la dépendance du pouvoir exécutif, parce que le Roi pourra, à son gré, sanctionner ou ne pas sanctionner la loi qui sera proposée.
Distinguons avec soin la Constitution de la législation. Une nation a sans contredit le droit de se donner une Constitution: c'est de cette Constitution que ies pouvoirs tiennent ou sont ceflsés tenir tous les droits* L'acceptation de jeUr part est nécessaire, parce qu'elle forme le contrat entre eux et la nation ; mais il faut se donner de garde de confondre cette acceptation, qui n'est qu'une assurance que ies personnes chargées des différents pouvoirs en rempliront les fonctions
dans toute leur étendue, avec la sanction qui forme le complément d*une loi dans un gouvernement organisé.
Pour peu qu'on y réfléchisse, on sentira que le pouvoir exécutif ne peut Jamais avoir d'intérèi à s'opposer à l'exécution d'une bonne loi, et qu'il doit même avoir un intérêt contraire. D'ailleurs, la responsabilité des ministres nous garantit qu'ils ne conseilleront jamais au Roi dp refuser la sanction de ce qui sera juste et utile. Le serment que les troupes prêtent à la nation nous assure que le pouvoir exécutif ne pourra jamais abuser contre elle de l'autorité mil|tafre, etenfin |a permanence des États (car je crois qu'ils doivent être permanents. et je le prouverai quand on agitera la question), ne permet pas même de soupçonner qu'il puisse y avoir 1g moindre danger dans l'exercice du droit de sanction.
Tout pouvoir, vous a-t-on dit, émane de la nation, le pouvoir exécutif en émane lui-même ; et de la on a conclu que le Roi ne devait pas avoir le droit de sanctionner, parce qu'il serait contre la nature des choses qu'il pût arrêter l'activité du corps dont il tient son existence.
Oui, sans doute, tout pouvoir émane de la nation, le pouvoir exécutif en émane, aussi ; maïs la conséquence qu'on voudrait en tirer n'est pas juste.
Lorsqu'une nation se foripe en monarchie» lorsqu'elle distribue les pouvoirs, elle doit donner à chacun d'eux tout ce qui est nécessaire pour leur conservation ; sans cela la Constitution serait très-imparfaite; la monarchie tendrait toujours à l'anarchie ou au despotisme, et les peuples se trouveraient dans un état voisin de l'esclavage ou de la guerre civile. Or, j'ai déjà prouvé jusqu'à l'évidence, que le droit de sanction était nécessaire pour la conservation du pouvoir exécutif : ce droit est donc de son essence, et l'on ne pourrait l'en priver sans les plus grands inconvénients.
Que peut-on craindre de l'exercice de ce droit? ou la loi proposée sera bonne ou elle sera mauvaise; si elle est iriâuvaise, la nation, éclairée par la réflexion et par l'expérience, ne permettra pas qu'elle soit proposée une seconde fois; si elle est bonne, le Roi, éclairé aussi par les mêmes motifs, ne la refusera pas dans une nouvelle Assemblée.
Il est un pouvoir au-dessus de tous les autres, c'est l'etiipire de la raison qui dirige à la fin l'opinion publique; et cettë opinion est un torrent auquel rien ne peut résister. Si le pouvoir exécutif avait le malheur de refuser la sanction d'une bonne loi, s'il avait le malheur plus grand eneore de persister dans ce refus, bientôt l'opinion publique lui apprendrait qu'il doit abjurer son erreur ; et son intérêt personnel ne le laisserait pas balancer dans le choix de ces deux partis: ou des'tionorer par une rétractation, ou de së compromettre par un refus plus longtemps soutenu.
Je he prétends cependant pas qu'il ne puisse jamais y avoir d'inconvénient dans' l'exercice du droit de sanction ; tel est le sort de toutes les institutions humaines , qu'elles portent un principe de dépérissement et de destruction. Quel est l'établissement dans lequel on ne puisse prévoir une possibilité d'abus? Mais des objections, même plausibles, contre une chose d'ailleurs démontrée bonne, ne sont pas un motif pour la rejeter. Nous sommes réduits à choisir entre des institutions imparfaites, celles qtii présentent le moins d'inconvénients. J'en trouve beaucoup
moins à donner le (Ifoit de sanction, que de le refuser.
Tout ce qui peut résulter de plus fâcheux du droit de sanction, c'est qu'une bonnç loi pourra éprouver des retards ; c'est un malheur, sans doute, mais l'anéantissement de ce droit nous laisserait toujours à la veille d'un changement dans la Constitution, et pourrait entraîner la dissolution de l'empire ; cet inconvénient est bien plus grave.
Et qu'on ne cherche pas dans le passé des motifs d'inquiétude pour 'l'avenir ; ri]en ne ressemble moins à l'état passé) que l'état actuel ; tout est changé : nous n'ayions pas de constitution fixe et nous allons en avoir une ; nous vivions sous le despotisme ministériel, et nous vivrons désormais sous la seule autorité de la loi qjne nous nous serons nous-mêmes donnée, tl pè nous resté plus d'ennemis, ou, s'il en reste, je p'en connais qu'un, et nous le pprtops en nous-mêmes ; c'est cette inquiétude, respectable, sans doute, dans son principe, mais bien dangereuse par ses effets, qui, pour nous faire courir après un mieux, très-souvent chimérique, nous expose à perdre le bien que nous tenons.
Je pense donc que dans notre Constitution, pour laquelle la sanction n'est pas nécessaire , nous devons donner au pouvoir exécutif le droit de sanctionner les lois qui seront faites à l'avenir.
(l)t Opinion sur là1 sanction royale (2). Messieurs, lorsque dans votre déclaration des Droits (Je l'homme et du citoyen yous ave? consacré, comme |a bqise de tout gouvernement libre, cette grande et belle maxime : que Je prinpipe de toute souveraineté réside éssentiêllertfent dans le peuple; qu'aucun corps, qu'aucun individu ne peut avoir d'autorité qui n'en émarçe expressément ; qu'aucune fonction publique ne peut être considérée comme la propriété de celui Qui l'exerce ; vous avez contracté envers le monde entier l'engagement solennel et sacré, de donner aux Français une Constitution qui soit la conséquence de ces principes.
Cependant, Messieurs, au moment dè commencer ce grand ouvrage qui doit nous couvrir de gloire ou de mépris, selon que nous l'aurons bien ou mal fait, j'aperçois avec douleur dans l'Assemblée une inquiétude sourde, une détiance secrète; triste présage, avant-coureur funeste des plus grandes calamités.
Fatigués des longs efforts que nous avons faits pour enfanter l'esprit publifi* nous livrerions-nous dpnc au découragement, lorsque nous sommes prêts à recueillir les fruits dé nos travaux, et que pour les achever heureusement, nous avons plus que jamais besoin de l'union intime et de l'accord parfait de tnos forces el de nos volontés.
Qu'est-ce que la sanction royale ? Cette question, Messieurs» est absolumént neuve
; et si la presque totalité des cahiers l'énonce formellement, il en est peu, il
n'en est peut-être point erseptembite; j'etais inscrit sur la liste; cependant je
n'ai pas pu parler. si je fais aujourd'nui imprinier mon opinion, ce n'est pas
pour éelairer l'Assemblée, mais je veux manifester mon avis sur l'objet le plus
important de la Constitution, (Note de M. Voidel.
Le peuple, en qui réside essentiellement et éminemment la souveraineté, nous a confié le double pouvoir de faire en son nom une Constitution et des lois.
Nous sommes donc actuellement la représentation du pouvoir constituant ; nous serons après la Constitution la représentation du pouvoir législatif ; mais dans l'exercice de l'un et de l'autre de ces pouvoirs, nous avons besoin de deux guides, la volonté du peuple et son intérêt.
Ce que le peuple a voulu,nous devons le vouloir, puisque nous agissons en son nom ; nous devons aussi le vouloir lorsqu'il s'est clairement exprimé sur cette matière ; mais lorsqu'il ne l'a pas déterminée, c'est dans son intérêt, bien entendu, que nous devons chercher nos décisions.
Ainsi, Messieurs, le peuple a voulu la sanction royale, nous devons exprimer le vu de la sanction royale ; mais le peuple ne nous a pas dit ce qu'il entendait par la sanction royale, ni de quelle manière elle devait agir ; si elle consistait dans l'opposition du pouvoir exécutif aux lois portées par le Corps législatif ; si cette opposition devait être absolue ou limitée : et c'est là-dessus, que nous devons nous expliquer, en nous déterminant d'après l'unique considération du bien public.
La sanction royale n'est à proprement parler que J'attache du prince aux lois qui lui sont présentées par les délégués que le peuple a chargés de faire ces lois ; la sanction rovale ne peut donc s'appliquer qu'aux lois et non à la Constitution.
Le peuple n'a donc pas voulu, n'a même pas pu vouloir que l'acte qui organise les pouvoirs soit soumis à l'opposition de celui de ses délégués qu'il a revêtu de la plénitude du pouvoir exécutif ; sans quoi il eût transmis à son subordonné le plus inaliénable et le plus imprescriptible de ses droits, la souveraineté toute entière. C'est la Constitution qui fixe la forme du gouvernement, qui l'établit ou le confirme, qui assure l'hérédité de la Couronne dans une maison particulière ; si donc le peuple eût pu accorder au prince le droit d'opposition ou de refus, il lui eût accordé un pouvoir indépendant de la souveraineté, ce qui serait la plus inconcevable et la plus révoltante des absurdités.
Ce n'est pas du pouvoir législatif que nous tenons le droit de faire une Constitution ; c'est du souverain chez lequel le pouvoir exécutif ne peut exercer aucun droit, puisque lui-même est entièrement subordonné.
Mais, comme le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont l'un et l'autre une émanation du pouvoir souverain, c'est dans la volonté et l'intérêt du souverain qu'il faut chercher l'influence que les deux premiers peuvent et doivent avoir l'un sur l'autre.
En France, le souverain De peut agir que par ses délégués. L'action de ceux-ci doit donc avoir pour unique objet la volonté et le bonheur de l'autre ; de là naît l'utilité, la nécessité même de la division des pouvoirs; car l'expérience de tous les fidèles et de tous les gouvernements atteste que leur réunion, en des mains dépendantes par leur nature, entraine inévitablement le malheur et l'oppression du souverain.
Les pouvoirs dépendants doivent donc être organisés de manière que leur activité respective ait pour but l'avantage du pouvoir absolu, dont ils dérivent, ; et ils seront bien organisés si par une surveillance exacte, attentive, continuelle et réciproque, ils sont assez forts pour empêcher les entreprises ou les attentats de l'un des deux contre le souverain, mais jamais assez pour l'opprimer.
Ainsi quand le Corps législatif propose au dépositaire du pouvoir exécutif une loi sur laquelle le peuple ne s'est pas clairement expliqué, alors le prince, s'il croit la loi nuisible, a, je ne dis pas le droit, mais le devoir d'en avertir le peuple, et jusqu'à ce que le peuple ait exprimé sa volonté, le prince doit arrêter l'exécution de la loi. La fonction du Roi consiste donc alors dans un appel au peuple, et cet appel ne peut jamais être que suspensif, puisqu'en dernière analyse, le peuple ayant la plénitude des pouvoirs, pouvant modifier, changer même les fonctions de ses subordonnés, il ne peut être arrêté par l'opposition persévérante d'aucun d'eux. Ainsi, pour résumer, point de sanction pour la Constitution, elle serait absurde ; appel au peuple sur les objets de la législation. Telle est, ce me semble, la seule influence que l'on puisse accorder au pouvoir exécutif sur le Corps législatif. Je ne connais que ce moyen d'accorder l'intérêt du peuple avec sa volonté, tout autre porterait infailliblement une atteinte mortelle à la liberté politique de la nation et nous ne devons pas sacrifier ses droits.
Séance du
La séance est ouverte par l'annonce de plusieurs dons patriotiques, de la part d'un écolier de treize ans qui a remis à M. le président six médailles ou pièces de monnaies étrangères, en argent; de la dame Paignon d'Anneville, propriétaire de la manufacture de Paignon, à Sedan, d'une somme de 3,000 livres ; des habitants de Bèze, diocèse de Dijon, qui demandent la permission de vendre leur quart de réserve, et d'en offrir le prix, qui montera à 22,000 livres ; de ceux d'Aignay-le-Duc, diocèse d'Autun, qui ont délibéré d'offrir au Roi une somme de 20,000 livres ; d'un curé qui offre 200 livres par an, et une année de sa portion congrue, à verser dans la caisse nationale ; de M. Pelauque-Béraut, député de la sénéchaussée du Condomois, qui renonce à la finance de son office de procureur du Roi en l'élection de Condom, en cas de suppression de cet office, et dès à présent à tous gages et recouvrement, tant qu'il en sera revêtu ; et enfin de MM. les députés de la généralité de Lorraine et Barrois, qui se sont engagés à réaliser à la caisse nationale le centième du capital de leurs fortunes.
L'Assemblée reprenant l'ordre indiqué pour la séance, se fait lire le projet du comité des finances, relatif à la gabelle, ainsi que différents autres projets et amendements sur le même objet, proposés précédemment.
Plusieurs orateurs demandent la parole.
, député de Carcassonne (1). Mes-
Le même cri se fait entendre de beaucoup d autres provinces, et j'en conclus qu'en adoptant les idées du comité des finances, nous nous sommes trompés avec lui sur l'effet de notre décret. Nous aurions dû prévoir, qu'en annonçant la suppression prochaine de cet impôt déclaré désastreux par le monarque, le peuple, sur qui il pesait, irait un moment plus tôt au-devant de la loi qui doit l'en soulager.
L'Anjou offre de convertir cet impôt en une prestation pécuniaire et équivalente. Je félicite cette province de la facilité qu'elle se promet à trouver la juste proportion d'une taxe représentative, et le moyen d'une équitable répartition.
Mais, si les autres provinces aussi peu disposées à l'exécution du décret, aussi exposées à la circulation des sels de contrebande, n'ont ni la facilité, ni les moyens d'offrir le même remplacement ; si le retardement et la lenteur à former les assemblées de département, éloignent la possibilité de la proportion et répartitioii d'une prestation pécuniaire représentative de l'impôt : quel malheur pour la chose publique ! quel nouvel embarras pour le Trésor royal!
Je crois que les principes de justice distribuée, qui doivent déterminer la marche de lAs-semblée nationale, ne lui permettent pas d'accepter l'abonnement partiel de la province d'Anjou, à moins que toutes les autres provinces du royaume, soumises au régime des grandes et petites gabelles, gabelle locale, droits de convoi et traite de Charente, ne fassent les mêmes offres d'abonnement. Sans cela il faudrait encore hérisser le royaume de barrières intérieures et de lignes de gardes, et les transporter de province en province, lorsqu'il entre dans les projets de l'Assemblée nationale, de reculer les barrières aux frontières, et de supprimer les droits des traites, contre lesquels le commerce et la félicité publique réclament depuis longtemps.
C'est avec une profonde méfiance que j'ose présenter à l'Assemblée nationale le projet d'un impôt déjà indiqué, plusieurs fois proposé, et vers lequel quelques citoyens du royaume semblent avoir incliné en déterminant l'objet de leurs dons patriotiques. C'est de l'impôt sur les fenêtres que je veux parler, après bien d'autres. L'idée de cet impôt a été rejetée par les profonds calculateurs en finance, dédaignée par des savants économistes, parce qu'elle leur a paru trop simple, trop mesquine, pour occuper leur vaste génie.
Et lorsque dans 1 organisation de la Constitution française on a cru pouvoir adopter quelques principes d'une nation voisine, on dédaigne de l'imiter dans la forme de ses impositions.
Pour moi qui ne suis ni financier, ni économiste, mais simple citoyen inquiet sur le bonheur de la nation, impatient de sa prospérité et de la tranquillité publique, j'ose soutenir que l'impôt sur les fenêtres convient à ce vaste empire, distingué par la multitude et le luxe des édifices; et voici sur quels principes j'établis mon opinion. .
Cet impôt présente une grande simplicité dans la perception, une proportion juste dans la répar-
tition, une ressource immense pour l'Etat. Il atteindra le capitaliste et l'opulence, il respectera la médiocrité, il sera concentré dans les villes riches et industrieuses, et pèsera peu sur les villages pauvres.
Les officiers municipaux en feront le recouvrement sans frais, et les contribuables le payeront avec d'autant plus d'empressement qu'ils sauront que le produit en sera directement versé dans le Trésor public, et ne passera pas dans les canaux multiples de la fiscalité.
On se plaint depuis longtemps que le pauvre, le citoyen industrieux, et l'agriculteur qui arrose de ses sueurs une terre souvent ingrate, sont écrasés sous le poids des impôts, et que les capitalistes, dont la fortune resserrée dans un portefeuille s'accroît journellement aux dépens de la société, ne supportent aucune imposition! Eh bien, vous les atteindrez par l'impôt que je propose.
L'avarice n'est pas la passion dominante du français-, il aime les jouissances du luxe, et la vanité se plaît à annoncer son opulence par un superbe édifice. Dans les villes principales du royaume, les capitalistes placent leurs capitaux en bâtiments, ou pour les occuper, ou pour les faire valoir, et ce ne serait jamais l'impôt sur les fenêtres qui les déterminerait à renoncer à l'utilité d'un genre de placement aussi solide qu'avantageux. J'ai entendu quelques personnes opposer à mon opinion : vous voudrez donc imposer l'air que nous respirons dans nos maisons! Oui, sans doute, si cette imposition éloigne celle qui pèse en entier sur les malheureux. Ehl quel impôt plus destructeur de la société et de l'agriculture que celui des gabelles !
La nature nous prodigue le sel, elle la rendu utile à l'engrais du sç>l, à la conservation des bestiaux, à la perfection des laines, et le fisc l'arrache du sein de la terre, pour en faire l'objet du plus désastreux monopole.
Consultez cette immense classe de citoyens, plus occupés de l'opulence des riches que de leur propre existence, consacrés par la nécessité à orner vos palais, à cultiver et embellir vos campagnes, à multiplier vos jouissances ; ils vous diront : Donnez-nous du sel, il suffit, mais il est nécessaire à notre existence ; il assaisonne les mets grossiers qui nous restent et nous consolent de ceux qui nous manquent.
C'est cette classe indigente et laborieuse que nos commettants nous ont fait le devoir sacré de soulager; et comme dans l'état de crise et de détresse où les déprédations des grands ont mis l'empire, nous ne pouvons retrancher un impôt onéreux sans un remplacement, jetons-le sur la classe la plus heureuse et la plus opulente de la société.
Mais, comme il importe que ce remplacement soit prompt, actif, et d'une ressource immédiate pour l'Etat, je ne vois pas qu'il puisse en être fait de plus utile que celui que j'indique.
D'après mes idées, j'indique à l'Assemblée na-tiouale de décréter :
1° Que les officiers municipaux de chaque ville du royaume prendront, d'ici au premier janvier prochain, un état exact de tous les hôtels et maisons, et du nombre des fenêtres, soit sur la rue, soit sur cour et jardin ;
2° Que les officiers municipaux des bourgs et villages prendront le même état des châteaux, bâtiments et maisons apparentes;
3° Que les états seront exactement envoyés du 15 au 30 janvier à l'Assemblée nationale;
4° Que toutes les maisons de la ville,de Paris payeront trqjs livres par croisée, donnant sur une cour et jardin;
5® Qup toutes les, maisons des villes de provinces dont la population sera de trente raille âmes et en sus, payeront quarante sous par croisée, donnant sur rue, cour et jardin ;
6° Que toutes les maisons des villes de provinces dont la population sera au-dessous de trente mille âmes, payeront trente sous par croisée donnant sur rue, cour et jardin ;
7° Que tous les châteaux et grands bâtiments construits dans la campagne payeront trente sous par croisée donnant sur rue, cour et jardin ;
8° Que toutes les maisons dans les bourgs et villages, appartenant à des citoyens qui payeront la valeur d'un marc d'argent, seront imposées à vingt sou§ par croisée ;
9° Les maisions appartenant à des ouvriers ou agriculteurs, payant moins que la valeur d'un marc d'argept, seront imposées à dix sous, par croisée.
Les chaumières, hameâ^x, maisons d'artisans, manouvriers, et journaliers seront exempts de cet impôt.
10° L'impôt sera perçu à la diligence des officiers municipaux, du Ie' février au 1er avril prochain, et le produit en sera versé directement dans les maips du trésorier de chaque département, qui en fournira un double récépissé, dont l'un sera envoyé au directeur général des financés, qui donnera connaissance du produit général à 1 Assemblée nationale.
AUTRES OBSERVATIONS.
Sur le projet de remplacement des impôts onèreuti.
Le Comité des finances a annoncé la nécessité et le devoir d'imposer les objets de luxe. Je crois qu'il serait dangereux au commerce, et à ses rapports avec l'étranger, que cet impôt fût dirigé sur les produits de l'industrie.
Mais je pense qu'au nombre des objets de luxe que l'impôt peut et doit atteindre, on doit surtout distinguer les équipages et les chaises à porteurs.
J'estime qu'on pourrait taxer les voitures, à quatre roues à deux louis par cheval, les voitures à deux roues à un louis par cheval, et les chaises à porteurs, très-communes dans les villes de province, à douze livres.
On pourrait augmenter lés droits sur les ouvrages d'orfèvrerie.
On doit imposer les jardins, les bosquets et toutes les terres sacrifiées au luxe, au double des terres cultivées.
AUTRE OBSERVATION,
Le Comité des finances consapre l'emploi de 3 millions environ'au^ primes ou encouragements de commerce; mais, qùoique le commerce soit infiniment avantageux à l'Etat, il ne me paraît pas juste que ces 3 paillions soient pris sur la masse des impositions générales. Les villes maritimes et les fabriques profitant plus immédiatement des avantages du commerce, elles doivent particulièrement supporter cet impôt; et je suis d'opinion que tous les armateurs pu commissionnaires de commerce doivent être annuellement imposés à douze livres chacun,, et les fabricants à six livres ; cette contribution exigée par les municipalités sera directement versée dans la
caisse d'un comité de commerce permanent, qu'il sera de la sagesse de l'Assemblée nationale d'établir à la place des intendants ou autres administrateurs du commerce actuellement existants.
L'emploi de la somme que produira cette contribution, sera dirigée par ce comité, de concert avec l'administrateur général des finances et le mipistre de la marine, vers les objets de plus grande utilité.
AUTRE OBSERVATION.
11 n'y aurait aucun inconvénient à assujettir les billets de commercé, lettres de change, quittances, comptes courants, au timbre, de telle manière, toutefois, qrié chaque négociant, marchand ou particulier qui auraient des billets ou autres effets dé cette nature à faire circuler dans le commerce, devrait prendre chez le contrôleur ou autre préposé le papier timbré; j'observe que le papier fourni doit être de très-bonne qualité.
L'Assemblée nationale pourrait déterminer le prix du timbre daps la proportion des sommes, depuis cinquante livres jusqu'à une somme quelconque.
On devrait soulager de cet impôt les quittances des Ouvriers, fermiers et agriculteurs.
AUTRE OBSERVATION.
Personne n'ignore qUe l'Espagne a augmenté progressivement les droits de sortie de ses laines, à ce point que le prix des laines est si exorbitant, que nos fabriques sont forcées d'y renoncer, et d'avilir la qualité de leurs draperies. Sachons profiter de l'exemple de cette puissance sur les objets de première nécessité dont elle est forcée de se pourvoir chez nous.
La Gascogne et le Rotissillon fournissent annuellement aux bouchéries d'Espagne, troiâ cent mille bêtes à laine; bn pourrait sans inconvénient établir un impôt de trois livres sur chaque bête à laine, à la sortie du royaume, à moins qu'on n'estime plus avantageux de demander à l'Espagne un bélier de Castille, de Léon ou de Ségovie, sur chaque cent de moutons qiii lui seraient fournis.
AUTRÈ OBSERVATION.
Le comité des finances devra calculer sur 10 millions que devra produire à l'Etat la perception des droits sur les marchandises importées de l'Inde pour le compte des armateurs particuliers qui par les principes de l'Assemblée nationale, vont rentrer dans le droit naturel, de faire librement ce commercé, dont le privilège exclusif avait été impolitiquement accordé à douze particuliers, sans aucun avantage pour l'Etat. *
Voilà des moyens de suppléer aux impôts des gabelles, des traites, des aides et à celui des cuirs. Ce dernier impôt et les vexations qu'il nécessite, ont détruit les belles tanneries de France et les étrangers ont profité de nos erreurs.
Mes collègues sauront que je suis négociant, sans prétentions à l'élégance du style ; ils voudront bien pardonner les négligences et incorrections de ce mémoire en faveur de ma bonne intention.
,de^u£ed«iilfame(l). Messieurs, je suis né et j'ai toujours vécu dans
J'ai vu entre ces deux troupes, souvent trop aguerries, des combats fréquents et meurtriers. Fai vu les campagnes, les rues même de la ville que j'habite, teintes du sang du citoyen. Souvent j ai gémi sur le sort des familles malheureuses dont les membres les plus intéressants pour elles, étaient péris dans ces combats ou sous le glaive de la loi. J'ai vu les moissons dévastées tour à tour par les contrebandiers et par leurs agresseurs.
J'ai remarqué surtout que la contrebande accoutumait lés hommes à mépriser là loi ; qu'elle était l'école de la fourberie, du mensonge et du vice. C'est à ce malheureux apprentissage que se sont formés tous les scélérats qui ont quelquefois infesté ma province; et j'ajouterai, sans crainte d'être démenti, que l'employé qui leô surveille ne contracte pas des habitudes plus heureuses et ne prend pas des murs plus honnêtes.
Je ne m'appesantirai point, Messieurs, sur ces détails affligeants. Us vous ont été présentés avec plus de force et d'énergie que je ne le pourrais faire, et je n'emploierai pas un temps précieux à de vaines répétitions. Je considérerai la chose sous un autre point de vue. Je prouverai succinctement que l'impôt sur le sel est infiniment préjudiciable à la richesse nationale; qu'il dessèche les autres branches de l'administration fiscale et qu'il est de l'intérêt général du royaume et de toutes les provinces de profiter de l'occasion qui est offerte de l'abolir à jamais.
Le sel est une grande richesse, et cette richesse est particulière à la France, puisque la nature lui a donné l'avantage de produire le meilleur sel de l'univers, le plus propre surtout à la pêche et aux salaisons. Les pays du Nord sont privés de la chaleur nécessaire pour faire le sel et ceux qui sont situés au delà du quarante-deuxième degré de latitude ont un sel trop corrosif, qui marge et détruit les chairs au lieu de les conserver. Cette production, cette faveur de la nature bien administrée serait pour la France une mine plus précieuse que celles du Nouveau-Monde. La consommation journalière conserve au sel sa valeur tandis que les métaux la perdent par l'extraction, en raison de ce qu'ils deviennent plus communs. Cependant la gabelle a presque anéanti cette richesse, qui nous est prodiguée avec la plus grande profusion (1).
D'abord la consommation intérieure se trouve infiniment réduite par le haut prix
qui force à n'user du sel qu'avec la plus grande économie. Si le sel coûtait moins,
on en ferait bien plus d'usage : mais comment apprécier la consommation qu'en
feraient les étrangers, si le commerce était libre? Tout le Nord manque de sel. La
Suède, la Norwége le Danemarck l'Angleterre, la Hollande viendraient
s'approvisionner sur nos cÔtes.Nos sels pénétreraient dans toute l'Allemagne.
Q'on ne dise pas que rien n'arrête la consommation des étrangers, et qu'aucune loi ne s'oppose à l'exportation. La France fournit sans doute des sels à l'étranger; mais elle ne leur en vend pas, à beaucoup près, ce qu'elle ferait dans l'état de liberté.
Si je ne craignais pas. Messieurs, d'abuser de vos moments, dont remploi est si nécessaire au salut de la patrie, je ferais voir que la compagnie des fermes générales disposant à son gré des sels de la Méditerranée, et plus jalouse de la consommation du royaume, que du débit extérieur, repousse l'étranger qui voudrait s'en approvisionner ; elle fait plus, elle met des bornes à la production. Elle imite pour le sel la politique odieuse que les Hollandais exercent dans les Moluques pour les épiceries. Elle empêche d'exploiter les sources salées. Elle détruit, elle réduit au moins les marais salants.
Le commerce du sel avec l'étranger n'est pas plus libre sur les côtes de l'Océan. L'ordonnance n'y a cependant point fixé le prix de Rachat; ce prix devrait conséquement se former par la concurrence entre le fermier ét l'étranger; mais si cette liberté existe dans le droit, elle est illusoire et à peu près nulle dans je fait : le fermier presque seul Vendeur du sel dans l'étendue du royaume ét toujours sûr de le vendre au prix fixé par l'ordonnance. Cette certitude ne lui laisse d'autre intérêt que celui d'acheter à bas prix et consê-quemnient d'écarter la concurrence. Ï1 a mille moyens pour y parvenir et l'on croira aisément qu'il n'en néglige aucun.
Je n'entrerai point ici dans le détail de ces moyens odieux et destructifs. L'esprit fiscal est connu et vous imaginez aisément, Messieurs, ce que doit faire une compagnie puissante,protégée, et très-éclairée sur ses intérêts. Vous vous peindrez aisément l'adresse, les manuvres et les intrigues dé ses suppôts que le désir de l'avancement anime et dont des fortunes aussi rapides que scandaleuses sont souvent la récompense.
Ce qu'il y a de certain, c'est que nos sels sont les meilleurs qui existent principalement pour les salaisons, de tout temps les étrangers s'en fournissaient en France. Les difficultés qu'ils ont éprouvées dans leurs achats, ont forcé les peuples du Nord d'aller chercher des sels inférieurs et corrosifs en Espagne, en Portugal et jusqu'en Sicile. Ce ne peut être que par les entraves mises à ce commerce qu'ils ont été rebutés, et qu'ils se sont éloignés de nos ports ; les Hollandais, qui tirent du sel par évaporation, préféreraient sûrement venir s'y approvisionner.
Aussi nos salines sont-elles en partie abandonnées. Nos côtes offrent de toutes parts des ruines de marais salants, autrefois entretenus et que les propriétaires ont laissé détruire depuis qu'ils leur sont devenus infructueux. Quel anéantissement de richesses! la nature nous a donné en quelque sorte le privilège exclusif de la vente du sel et nous avons comblé nos marais salants. On ne peut évaluer, il est incalculable, à quel point s'élèverait cette production précieuse dans l'état de liberté. Nous avons maladroitement obstrué une source intarissable de richesses ; il faut s'empresser d'en rouvrir l'issue.
Cette heureuse liberté après laquelle nous soupirons et qui sera l'ouvrage de l'Assemblée nationale nous fournirait encore de grands avantages d'un autre genre, il en résulterait des bénéfices
immenses, des bénéfices dont on ne se ferait pas d'idée, sur la pêche, les salaisons et la nourriture des bestiaux. Le souffle fiscal a desséché ces branches de revenu; hâtons-nous de leur rendre la vie.
Ces réflexions ne sont pas nouvelles. Il en est peu d'entre vous, Messieurs, qui ne reconnaissent la source où elles ont été puisées; mais j'ai cru nécessaire de vous les rappeler, pour vous déterminer à proscrire sansretour l'impôt désastreux de la gabelle; depuis longtemps le monarque bienfaisant qui nous gouverne, en a formé le vu. Le produit immense que versait ce subside dans les coffres de l'Etat, joint à la difficulté du remplacement, en avait retardé l'effet. Des circonstances imprévues en ont avancé l'exécution. La gabelle est détruite de fait. Les barrières qui empêchaient les versements n'existent plus; les gardes qui les surveillaient, frappés de terreur, sont disparus. N'allons pas rétablir ces odieuses entraves. Gardons-nous de sanctionner par un décret, même provisoire, l'existence d'un impôt mal conçu et si contraire à l'intérêt national. Je sais que dans vos intentions le rétablissement ne serait que momentané, mais les suites n'en seraient pas moins dangereuses. Il désespérerait, il soulèverait peut-être les peuples des frontières ; il leur ferait craindre de perdre pour toujours la liberté qu'ils ont recouvrée et dont ils jouissentavec transport. Ils en viendraient peut-être à mépriser et à violer ouvertement vos décrets; et ce mépris, cette violation du seul pouvoir aujourd'hui respecté, deviendrait un malheur général.
Mais il s'élève ici une question incidente que le projet du ministre des finances n'a pas prévue ; les députés des provinces rédimées l'ont fait naître, et ils l'ont agitée avec cette chaleur patriotique cette louable énergie qu'excite constamment en eux le zèle dont ils sont animés pour l'intérêt de leurs commettants. Ils ont prétendu que le soulagement que les pays de grande gabelle allaient recevoir sur le prix du sel ou sur l'impôt qui doit le remplacer tournait à la perte de leurs provinces, en ce qu'il diminuait la masse totale des perceptions ; et ils ont demandé qu'elles en fussent indemnisées par un nouvel impôt sur celles qui vont en profiter. Cette indemnité, disent-ils, est nécessaire pour maintenir l'équilibre qui doit subsister entre les provinces soumises à la même domination.
J'admets dans toute son étendue le principe sur lequel ils se fondent; je fais plus, je le réclame et je demande qu'en matière d'impositions l'équilibre soit constamment établi. Mais je vais prouver que l'application que font ici les provinces rédimées de cette règle essentielle du droit social n'est pas heureuse pour elles.
A la fin du siècle dernier, temps auquel fut établi le système de finances qui nous a régis jusqu'à ce jour, le prix moyen du sel pour les provinces de grande gabelle était au-dessous de 40 livres par minot, et leur consommation s'élevait à peine à dix mille muids de vente volontaire et forcée.
La portion qu'elles supportaient alors de cet impôt, réduite en argent, n'était donc que d'environ 20 millions, et c'est d'après cette évaluation que fut déterminée la contribution de nos provinces à la masse de l'impôt personnel et territorial. On ne put prendre pour base de répartition que la somme eftective qu'elles payaient alors. On ne supposera pas que les accroissements futurs et éventuels dont elle était susceptible aient été prévus et calculés.
Depuis ce temps, cette proportion primitive a été détruite ; des droits additionnels, souvent répétés, ont élévé le prix du sel; on l'a surchargé succcessivement et graduellement de droits manuels, de sous pouriivre(l) et aujourd'hui le prix moyen de cette denrée nécessaire est de 62 livres par" minot dans les pays de grande gabelle. L'activité, la dureté même de la régie s'est accrue dans une proportion plus grande encore. A force de contraintes et de règlements fiscaux on a trouvé le secret de pressurer les contribuables, et d'élever la vente à seize mille muids, qui au prix actuel, forment un impôt de près de 48 millions.
Sur ce simple aperçu que je me réserve de développer s'il est nécessaire, je demande aux habitants du reste du royaume, à ceux surtout des provinces rédimées si ia portion d'impôts directs qu'ils doivent supporter seuls pour balancer nos gabelles, a jamais reçu un semblable accroissement? C'est une question de fait, elle dépend d'un calcul bien simple. Je me rends, je m'avoue vaincu s'ils peuvent prouver que la proportion primitive s'est maintenue entre eux et nous, et que leur contribution à la masse des impôts a fait les mêmes progrès que la nôtre.
Je sais que les provinces rédimées jouissent de cette faveur à titre onéreux. Vers le milieu du seizième siècle elles ont payé pour l'obtenir, une somme assez considérable que le traité de l'administration des finances porte à 1,750,000 livres. Le marc d'argent était alors à 14 livres 11 sous 8 deniers, ce qui élèverait cette somme à environ 6 millions de notre monnaie actuelle. La province d'Auvergne paie même encore, pour ce rachat, un droit équivalent confondu aujourd'hui avec la taille. Il peut donc être juste, je consens du moins que l'intérêt de ces 6 millions, l'équivalent d'Auvergne, et toutes les perceptions de même genre, soient joints à leur impôt, pour lui faire atteindre la proportion réclamée, mais j'ai peine à croire qu'avec toutes ces additions, il puisse s'élever jusque-là.
Je pourrais aller plus loin et soutenir que le contrat par lequel ces provinces se sont rédimées de l'impôt des gabelles, est nul en lui-même, que le dépositaire du pouvoir exécutif n'a pas droit d'aliéner à perpétuité les revenus de l'Etat. Je pourrais prétendre du moins que la somme qu'elles ont payée pour acquérir cette franchise est absorbée au centuple par leurs jouissances passées; mais j'abandonne dans ce moment-ci ces prétentions rigoureuses ; à la veille d'une répartition générale et proportionnelle de tous les impôts qui vont être rétablis, ce serait s'appesantir, sur des questions vraiment oiseuses.
Etranger jusqu'ici aux affaires publiques, je n'ai oint été initié aux mystères de
l'administration, e système vaste et compliqué de nos finances
Je me suis encore attaché quelquefois à suivre le progrès des prix de la ferme générale à l'époque des différents baux, et j'ai vu avec étonnement que dans le bail de Prévôt commencé en 1761, les gabelles n'entraient que pour une somme de 35,596,404 livres, en temps de paix, tandis que dans le bail actuel, elles approchent de 60 millions.
De tous ces éléments rapprochés et combinés selon mes lumières, j'ai tiré la conséquence que la diminution du prix du sel, arrachée par les circonstances, est en elle-même un acte de justice (1),qu'elle ne peut donner lieu à aucune indemnité au profit de qui que ce soit; que son unique effet sera de rétablir l'équilibre qui doit subsister entre les impositions respectives de toutes les provinces; en un mot, je n'ai vu dans le soulagement qu'on vient d'accorder aux pays de grande gabelle que le retour à l'ordre, et la réparation d'une longue injustice.
D'après cette digression, que la réclamation des provinces franches a rendue nécessaire, j'en reviens à la proposition que j'ai d'abord établie que l'impôt désastreux de la gabelle doit être aboli sans retour, qu'il faut en effacer jusqu'au nom ; mais cet impôt infiniment productif doit être remplacé. Nous avons, du moins on nous annonce un déficit énorme; l'anarchie actuelle l'a encore considérablement augmenté. Si l'on supprime une branche de revenu, il faut sur-le-champ lui en substituer une autre. S'il était question de faire dès à présent un règlement définitif on indiquerait les moyens de remplacement dont la nécessité est constante; mais il ne s'agit encore que d'un règlement provisoire, et le temps ne permet pas de s'arrêter à des spéculations et des calculs qui feraient naître des discussions interminables. il faut trancher court et supprimer irrévocablement la gabelle. C'est avec complaisance que je répète cette phrase que je voudrais qui fût entendue de mes commettants ; mais pour obtenir ce bienfait, il faut que chaque province calcule la part qu'elle supporterait encore de cet impôt, si le.système proposé par le premier ministre des finances était adopté ; qu'elle déduise sur le montant de sa portion : 1° les frais de régie; 2° la valeur intrinsèque de la denrée, et qu'ensuite la somme restante soit répartie dans chaque province d'après la base et le mode de répartition que chacune d'elles jugera à propos d'adopter. 11 faut enfin que cet abonnement ne soit que provisoire, j usqu'à ce que l'Assemblée ait pris sur cette matière importante un parti définitif.
député du Comminges (2).Messieurs,
L'Assemblée nationale, en ordonnant par ses précédents arrêtés une égalité dans la répartition de l'impôt de toute espèce, sans distinction de personnes et de biens, contrarierait ses propres principes en exceptant le Comminges et le Nébouzan de la règle commune. Or, si par la loi quelle veut établir elle prononce que le sel doit être vendu 6 sous la livre dans tout le royaume, il est évident que cette égalité s'évanouirait pour le pays du Comminges et du Nébouzan, par une surtaxe qui consommerait la ruine de ses habitants.
En effet, Messieurs, l'augmentation en représentation de l'impôt de la gabelle est telle, que le sel est vendu dans ce pays à raison de 30 livres le minot; et si, par le nouveau régime, nous étions assujettis à l'acheter 4 sous de plus la livre, le Comminges et le Nébouzan payeraient effectivement la livre de sel plus de 12 sous : vous ne feriez alors autre chose que transporter la gabelle d'un lieu à un autre, l'abolir d'un côté pour l'établir ailleurs, affranchir quelques provinces et surcharger le reste du royaume ; enfin l'Assemblée nationale manquerait le but qu'elle se propose d'atteindre, de procurer la liberté, l'égalité et la fécilité publique et de maintenir un parfait équilibre dans les contributions aux charges de l'Etat parmi tous les citoyens.
Cette considération n'échappera pas sans doute a l'Assemblée nationale ; je la conjure de se pénétrer qu'il est de sa sagesse et de sa justice d accueillir les réclamations que je fais au nom de mes commettants et demescollègués,et de ne pas comprendre dans son décret les provinces rédimées, qui, comme le Comminges et le Nébouzan, acquittent l'impôt de la gabelle par une contribution confondue dans la masse générale de ses impositions, et représentative du prix que l'Assemblée se propose de fixer.
J'espère aussi que ces raisons détermineront 1 Assemblée à ne pas faire supporter au Comminges, au Nébouzan et autres provinces rédimées les trente millions que l'on veut défalquer sur la totalité de ceux qui étaient ci-devant payéspar les provinces sujettes à la gabelle.
J'enfais la motion expresse tan t en mon nom qu'en celui de mes collègues, MM. Cornus, curé, Las-martres, curé, le baron de Montagut-Barrau, le vicomte d'Ustou de Saint-Michel, Latour, Pégot La Viguerie,députés du Comminges et du Nébouzan!
rappelle les divers projets d'arrêtés qui ont été proposés.
Les trois projets de décrets présentés par M. de Boisgelm, archevêque d'Aix, par M. Dupont et par le comité des finances semblent se partager les suffrages.
Un membre fait la motion de charger quelques députes réunis à M. Dupont de conférer avec le premier ministre des finances sur ces différents projets et d'arrêter les termes du décret.
Cette motion est appuyée, discutée, mise aux voix et finalement rejetée.
L'Assemblée accorde ensuite la priorité au projet d'arrêté présenté par son comité des finances nombreux amendements présentés sont successivement mis aux voix et rejetés à l'exception de trois.
Le premier ordonne la suppression de toutes les commissions et chambres souveraines qui jugent des faits de contrebande et de faux-saunage, et de leurs subdélégations, quelque part qu'elles soient établies, et le renvoi de toutes contraventions de ce genre aux juges qui en doivent connaître,pour être jugées sommairement à l'audience.
Le second abolit toutes visites domiciliaires de la part des commis et agents de la ferme générale.
Le troisième prononce la suppression de la gabelle aussitôt que le remplacement en aura été combiné avec les administrations provinciales.
Trois autres amendements concernant : le premier, la suppression des commissions connues dans certaines provinces, sous le nom de réformation des bois, des salines ; le deuxième, l'indemnité réclamée par les provinces rédimées; le troisième, la demande de la Lorraine et des Trois-Evêchés, de ne payer le sel que 4 sous la livre, attendu que le sel qui est fourni à cette province est, par son infériorité, dans la proportion de 2 à 3 avec le sel que consomment les autres provinces, sont ajournés du consentement des membres qui les ont proposés.
L'Assemblée, passant ensuite à l'examen du projet d'arrêté proposé par le comité des finances, l'adopte et ordonne qu'il sera envoyé au comité de rédaction pour y insérer les amendements adoptés.
Dans le cours des discussions sur l'arrêté et les amendements, tous les députés des provinces franches ou rédimées ont insisté, au nom de leurs commettants, sur la suppression de la gabelle et l'exemption de toutimpôtquiseraitétabli en remplacement; et ceux des pays de petite gabelle, sur une répartition de cet impôt non excédante de leur contribution, dans le régime actuel. Ils ont demandé qu'il fût fait mention, dans le procès-verbal, de l'expression de leur vu à cet égard.
MM. les députés de Provence ont de plus réclamé particulièrement l'abolition des peines contre ceux dont les troupeaux vont s'abreuver dans les eaux et fontaines salées.
indique la séance pour demain neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
Un des secrétaires fait la lecture des procès-verbaux des séances du 21 matin et soir.
Plusieurs membres, députés des provinces fran-
ches, rédimées, et de petite gabelle, réclament, au nom de ces mêmes provinces, pour qu'elles soient comprises dans l'énoncé d'une déclaration relative au décret sur les gabelles, prononcé la veille ; mais leur empressement les ayant portés en foule autour du bureau, le président décide, en faveur de l'ordre de l'Assemblée et du jour, que ces réclamations ne seront reçues qu'après la fin de la séance, et seront rappelées collectivement dans le procès-verbal d'hier.
On lit ensuite diverses adresses. Celle des habitants d'Aignay-le-Duc, avec deux délibérations ; l'une prise conjointement par les villages d'Etalante, Melleran, Saint-Béron, Montmoyen, Beau-notte, Origny, Quémigny, Quéminerol, Gone, Beaulieu, Moitron, Bellenod, Duesmeset Mauvilly, contenant l'expression des sentiments de respect et de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, et de soumission à ses décrets ; la seconde portant l'adhésion particulière aux arrêtés du 4 août, l'établissement d'une milice nationale, et l'offre de verser une somme de 20,000 livres dans la caisse de l'emprunt national. Sur l'observation qu'a faite un des membres, que cet argent était entre les mains des receveurs généraux de la province, le président a été autorisé à demander au premier ministre des finances la translation de ce dépôt de la caisse du receveur des domaines à celle de l'emprunt national.
A l'envoi de ces pièces est jointe une lettre énonçant une souscription patriotique, encore trop modique pour être présentée à l'Assemblée nationale.
Une adresse des corporations d'arts et métiers de la ville de Toulouse, qui demandent à conserver leurs anciens statuts et privilèges, disant que le régime contraire rendrait leurs ateliers déserts.
Une délibération des citoyens de tous les ordres de la ville de Pezenas, portant adhésion aux arrêtés de l'Assemblée nationale, et l'expression du plus tendre et du plus respectueux attachement pour leur bon Roi ; elle annonce une souscription patriotique de la même ville.
Une délibération de la compagnie de l'Arquebuse de Provins, qui déclare renoncer à ses privilèges utiles.
Une adresse de félicitation et d'adhésion des curés et habitants de la paroisse de Saint-Pierre de Lanneray et des villes;et paroisses de Pouzauges et Vieux-Pouzauges ; cette dernière demande un siège royal.
Une délibération de la commune de Romans, et des forains qui y payent des impositions, par laquelle ils invitent toutes les municipalités de la province à une association dont le but est: 1° de défendre jusqu'au dernier soupir les arrêtés de l'Assemblée, de s'y conformer rigoureusement, et cependant, jusqu'à ce que de nouvelles lois aient remplacé ou modifié les anciennes, de ne point souffrir qu'elles soient impunément violées; 2° d'engager tous les citoyens à acquitter sur-le-champ les arrérages dus sur les droits du Roi ; é payer, à l'époque du premier janvier, les six premiers mois des impositions de l'année prochaine, et à celle du premier juillet, les six derniers, et à prendre des mesures pour empêcher la stagnation des deniers publics dans la caisse des trésoriers.
Une adresse de félicitation du bourg de Saint-Esprit-les-Bayonhe, à laquelle est jointe la demande d'une municipalité.
Un mémoire du clergé d'Alsace, et un extrait des délibérations des chambres ecclésiastiques
de Strasbourg et Wissembourg, diocèse de Spire, par lesquels le clergé qui les compose déclare ne pouvoir adhérer aux arrêtés pris les 4 août et jours subséquents, n'ayant pas donné à cet égard des pouvoirs suffisants à ses députés, et supplie l'Assemblée de prendre en considération les motifs déduits dans le mémoire. Un membre a observé que cette adresse, contenant un acte de protestation contre les décrets de l'Assemblée, ne devait pas être admise, mais renvoyée.
Après une courte discussion dans laquelle un membre a observé que, selon les apparences, cela regardait une des observations qui nous avaient été proposées par le Roi relativement aux princes de l'empire; un autre, que le clergé d'Alsace devait confondre ses intérêts dans ceux de la nation; ua dernier enfin, qu'il n'y avait point de protestation prononcée. On a demandé l'ajournement, et il a été décidé qu'il aurait lieu.
On fait ensuite l'énumération des diverses offres patriotiques dans l'ordre qui suit :
Une demoiselle de Nîmes, qui garde l'anonyme, offre à l'Assemblée nationale, par l'organe d'un député de cette ville, le fruit de ses épargnes de demoiselle, qu'elle destinait à sa parure, et dont elle fait le sacrifice aux besoins de l'Etat; une lettre de change de 303 livres est jointe à la lettre.
M. Samary, curé de Garcassonne, député, a fait hommage à la nation d'une somme de 1,000 livres.
M. Angeoin, invalide à Blois, fait offre d'une somme de 200 livres, dont.il envoie une quittance sur le trésorier des Invalides.
M. Edelmann, auteur de pièces pour le clavecin, offre un billet de loterie et son coupon, de la valeur de 520 livres. Le billet et le coupon sont joints à la lettre.
M. Navier, bourgeois de Paris, après divers projets qu'il propose concernant des dons patriotiques à faire, termine sa lettre par ces mots : « Si l'Assemblée refuse mes projets et n'accepte que des dons volontaires, je ferai remise d'une année d'arrérages sur le Roi, qui montent à 1,400 livres; j'aurai l'honneur d'en envoyer les quittances si-gnées/pourlessix derniers mois de 1788, et les six premiers mois de 1789, à la personne qui sera chargée de recouvrer les dons volontaires ».
M. Albert, propriétaire des bains méridionaux établis à Paris, quai d'Orsay, offre à l'Assemblée le centième de son bien, montant à 300,000 livres.
M. Mangin fait hommage d'une somme de 1,000 écus sur ce qu'il sollicite pour ouvrages faits à Saint-Sulpice ; et en annonçant le même sacrifice sur tout ce qui lui est dû, il déclare que son olfre pourra compléter la somme de 10,000 livres.
MM. les officiers du bailliage de Loudun offrent de rendre la justice gratuite. MM. Dumoustier et Bion, membres de l'Assemblée, et de ce bailliage, adhérent à cette généreuse résolution.
M. Gaud, commissaire des guerres, employé sous les ordres de M. de la Tour du Pin, fait hommage d'une somme de 2,000 livres qu'il a à recevoir au Trésor royal; la quittance est jointe.
M. le comte de Failly, député du bailliage de Vitry-le-Français, fait à la nation le sacrifice d'une somme de 10,000 livres payables en divers effets et à différents termes ; mais il demande que cela soit imputé sur son centième denier, s'il est prononcé.
M. Golson, député du clergé du bailliage de Sarre-guemiries, a fait offre, delà part d'un de sescom-mettants, d'une seconde somme égale à la cote du don gratuif ; et de la part d'un autre de ses commettants, d'une somme de 24 louis, faisant le tiers du total des revenus annuels de sou béné-
fice, et, en outre, d'une demi-douzaine de couverts d'argent faisant toute son argenterie.
Cette longue suite d'offres et ces dons patriotiques ont été accueillis avec tous les signes d'approbation et de reconnaissance ordinaires.
M. Boéry» député du Berry, annonce, au bruit des applaudissements, que le Roi et la Reine ont fait le sacrifice de leur argenterie en l'envoyant à la Monnaie.
fait la motion suivante :
Le sacrifice auquel le Roi s'est déterminé en envoyant son argenterie à la Monnaie, nous prouve assez qu'en voulant consacrer à jamais la liberté, il veut aussi rétablir l'ordfe des finances. Un si généreux patriotisme est bien capable de donner l'éveil le. plus puissant à tous les curs français.
Dans ce moment, lorsque la nation est rassemblée, souffrira-t-elle que le Roi se prive d'une superbe argenterie, le chef-d'uvre de l'art, ouvrage des artistes les plus célèbres, et qui fait l'admiration de tous les princes étrangers? Vous ne souffrirez sans doute pas, Messieurs, que le sacrifice auquel le Roi s'est déterminé s'accomplisse. Déjà vous avez annoncé que vous alliez décréter que les citoyens payeraient le centième de leur fortune; les députés du Berry renouvellent ces engagements; ils font leur soumission pour payer le centième de leur fortune, et leur soumission, ils l'ont déposée sur le bureau.
Je ne m'apitoie pas aisément sur la faïence des grands ou la vaisselle des rois ; je pense néanmoins, comme les préopinants, qu'il n'y a pas lieu à délibérer, mais par une raison différente: c'est qu'on ne porte pas un plat d'argent à la Monnaie qui ne soit aussitôt en circulation à Londres.
voudrait qu'on prît des moyens plus grands .et plus dignes d'une nation pour le payement des dettes de l'Etat ; mais dans les calamités publiques, c'est le luxe corrupteur,ce sont les jouissances fastueuses et les richesses stériles qu'il faut sacrifier à la sûreté de la patrie.
parle avec éloquence, et intéresse l'Assemblée ; enfin un cri presque général s'élève pour que M. le président se relire auprès du Roi, pour lui porterie vu de l'Assemblée.
D'un autre côté, quelques personnes interrompent la discussion, et retardent la délibération.
observe que l'argenterie est peut-être déjà partie ; qu'il faut mettre beaucoup de promptitude dans la délibération.
parvient enfin à recueillir les voix, et presque à l'unanimité, il est décrété que M. le président se retirera sur-le-champ par devers le Roi pour le supplier de conserver sa vaisselle.
se retire pour exécuter le décret de l'Assemblée nationale, et M. de la Luzerne, évêque de Langres, monte à la place du président pour en faire les fonctions.
De grands débats s'élèvent pour savoir quel sera l'ordre du jour,
Les uns proposent de reprendre la question des assemblées provinciales, les autres de suivre la série présentée par M. Guillotin : alors il faut définir la sanction.
monte à la tribune. Nouveau mem-
bre du comité de Constitution, il assure à l'Assemblée que ce comité s'est livré avec zèle à toutes ses opérations; que bientôt il sera à portée de donner un plan de travail ; que, n'étant réunis que depuis quatre jours, ils n'ont pu offrir un plan conforme aux intentions de l'Assemblée. Il propose ensuite de s'occuper de l'organisation des assemblées provinciales, et dit que cela ne dérange rien aux travaux du comité.
Cette proposition est vivement combattue, et M. l'évêque de Langres a beaucoup de peine à rappeler à l'ordre.
monte à la tribune pour appuyer 1* proposition de M. Target comme étant aussi membre du comité de Constitution.
Il fait valoir toutes les circonstances pour prouver l'importance de l'établissement des assemblées provinciales. Il est temps, dit-il, de rajeunir ce corps antique, et de n'etre animé que du même esprit, d'un pur et vrai patriotisme. Les citoyens ont besoin de lois; ils les attendent de vous : ils se rassemblent, et il est à craindre que les malheurs des temps ne les forcent à former différentes républiques. Leur respect pour l'Assemblée nationale les porte à ne faire que des règlements; mais ils peuvent prendre de la consistance, et des lois provisoires, données à la nécessité du moment, pourraient devenir immuables.
D'après ces connaissances universelles que vous avez de tous les besoins de la France, il ne vous reste plus, suivant votre mission, qu'à organiser les municipalités. Alors vous verrez des corps naissants s'unir à votre autorité et la propager, participer à vos principes, les étendre et soutenir enfin la nouvelle Constitution. Ghaque homme prendra sa place, la paix et l'harmonie renaîtront, et l'on verra enfin régner cette grande et cette respectueuse harmonie qui naît de la confiance d'un grand tout.
(Le tumulte recommencent l'Assemblée retombe dans l'inertie.)
se plaint amèrement de ce que l'Assemblée est sans cesse ainsi livrée à l'inaction.
L'on vous a proposé les articles du comité de Constitution il y a un mois; vous alliez délibérer sur la définition du gouvernement français, lorsque l'on a interrompu ce travail pour vous faire passer à l'article du veto. Cet article est décidé : revenons donc actuellement aux articles proposés dans le temps par le comité.
Ces réflexions sont accueillies.
lit l'article ler ainsi conçu : « Le gouvernement
français est monarchique ; il n'y a point en France d'autorité supérieure à la loi; le
Roi ne règne que par elle; et quand il ne commande pas au nom de la loi, il ne peut
exiger l'obéissance ».
A peine cet article est lu, que, suivant l'usage, il paraît une foule d'amendements et de rédactions.
,évêque de Chartres, ressuscite la sienne. Elle supprime de l'article le dernier membre de phrase.
propose celle-ci : En France la monarchie est telle qu'il n'y a pas d'autorité supérieure à la loi ; et il ajoute qu'il donne par là la dé
finition et l'exception : l'exception, dit-il, parce qu'il y a plusieurs sortes de monarchie.
ajoute l'amendement suivant : ce n'est qu'en vertu de la loi qu'il peut exiger l'obéissance.
D'abord l'Assemblée ne paraît adopter de ces amendements que celui de M. l'évêque de Chartres, ou du clergé et de la noblesse, mais les communes paraissent préférer celui du comité.
On demande donc que la rédaction du comité soit mise aux voix, comme ayant l'antériorité; mais le clergé persiste pour celle de M. l'évêqrue de Chartres, prétendant qu'elle est un amendement. Il a fallu alors aller aux voix pour décréter qu'elle est un amendement.
Ce moyen ayant réussi, on propose l'amendement de M. l'évêque de Chartres, auquel on accole le sous-amendement de M. Target.
Voici la rédaction qui est adoptée :
Premier article constitutionnel.
« Le gouvernement français est monarchique : il n'y a point en France d'autorité supérieure à la loi; le Roi ne règne que par elle, et ce n'est qu'en vertu des lois qu'il peut exiger l'obéissance. »
donne lecture de l'article deuxième.
« Art. 2. Aucun acte de législation ne pourra être considéré comme loi, s'il n'a été fait par les députés de la nation et sanctionné par le monarque. »
On propose d'abord d'aller aux voix.
J'observe que cet article contient deux points : l'un établit le droit du Corps législatif, et l'autre le droit de sanction accordé au pouvoir exécutif ; relativement à cette dernière chose, tout est décrété, et il est inutile de décréter deux fois que le Roi a le droit de veto.
répond à M. Le Chapelier qu'il faut décréter l'article tout entier, parce que la loi ne peut être complète que quand elle a été proposée par la nation et sanctionnée par le Roi.
J'observe que l'article du comité détruit : toutes les lois anciennes, et qu'il faut mettre le mot désormais pour maintenir la tranquillité publique.
rappelle l'opinion de M. Le Chapelier. 11 dit que l'on décréterait par là deux fois la même chose, et que c'est aller contre le règlement, où il n'est certainement pas dit qu'une loi doit être sanctionnée deux fois; qu'ainsi il ne faut pas parler deux fois de la sanction.
L'embarrras actuel de l'Assemblée vient de l'incertitude de sa marche, et surtout de ce qu'elle ne s'est pas bornée à quatre points principaux :
1° A la formation de la loi;
2° A la sanction;
3° Au concours du Roi;
4° A la promulgation de la loi, qui n'est que' l'expression de la volonté générale, qui ne dépend que de la nation.
Le Roi est en effet chargé de veiller à l'intérêt du peuple; il doit donc sanctionner et confirmer,
quand le bien commun l'exige. Quant à la promulgation, elle n'est que la publication de la loi. D'après cela, il s'ensuit qu'on doit dire : qu'est-ce que la loi ? c'est la volonté générale. Quel est le caractère de l'authenticité de la loi ? C'est la sanction du Roi. Peut-elle être absolue? Elle ne peut être que suspensive, etc.
Telle était la marche que vous deviez suivre ; mais aujourd'hui que vous reprenez les choses à l'origine, vous pouvez remonter aux principes, et ils se trouvent dans l'arrêté du comité.
répond à M. Tronchet en disant que parler de la nécessité de la sanction purement et simplement, c'est faire retomber l'Assemblée dans le veto absolu et indéfini.
demande la parole; un murmure continuel l'empêche de parler.
On l'ait la motion de fermer la discussion , et M. l'évêque de Langres propose de prendre les voix.
persiste, mais les cris répétés aux voix! l'interrompent. Plusieurs fois il recommence, plusieurs fois on le prive de parler avec la même opiniâtreté.
Enfin le calme renaît pour un moment; M. le président en profite pour interroger le vu de l'Assemblée.
On va aux voix pour savoir si la discussion sera fermée ou non.
L'Assemblée décrète qu'elle est fermée.
M. le secrétaire donne lecture de l'article. M. Le Chapelier en demande la division. Cette demande excite des réclamations. M. Le Chapelier veut l'appuyer, on lui ferme la bouche. Enfin, il persiste, et parvient à se faire entendre, en priant M. le président de rappeler à l'ordre les membres qui l'interrompent.
On ne peut faire regarder le Roi comme co-législateur, si ce n'est relativement à la faculté qu'il a de refuser suspensive-meut l'exécution d'une loi. C'est sur ce principe que je me fonde en réclamant la discussion.
Permettez-moi, Messieurs, de rapporter ici les détails de la discussion : elle a commencé par la demande faite par M. Le Chapelier de la division en deux articles, l'un qui assure le pouvoir législatif de la nation, et l'autre qui donne au Roi le droit de promulgation.
Il ne faut pas séparer le décret qui prononce sur la formation de la loi par le pouvoir législatif, de la sanction qui en est le complément; ils doivent être réunis en un seul article.
donne une très-longue explication sur la formation de la loi.
On ne peut faire un seul argument contre la rédaction, sans renoncer à toutes les règles de la logique. On ne peut rien omettre, rien retrancher, rien diviser, parce que le caractère de la loi est indivisible. En un mot, de deux choses l'une : ou l'auteur de la motion est d'accord avec nous, et alors il n'est point nécessaire d'énoncer les principes en deux articles ; ou il est contraire à l'article énoncé, et alors il devient extrêmement dangereux de laisser énoncer des principes contraires à ceux qui sont dans
nos curs, dans nos cahiers, et j'ajouterai même dans notre conscience.
Je le répète, ce mot, avec tranquillité, avec respect, parce qu'il est plus sacré que celui des principes, dont on nous rebat si souvent les oreilles.
La dernière phrase du discours de M. de Lally excite quelques murmures.
On propose quelques amendements. Les choses étaient dans cet état, lorsque M. le Président est rentré.
rend compte qu'il s'est, conformément aux ordres de l'Assemblée, retiré par devers le Roi, à qui il a dit : « Sire, l'Assemblée nationale a appris avec douleur la résolution que Votre Majesté a prise d'envoyer à la Monnaie sa vaisselle et celle de la Reine; elle supplie Votre Majesté de révoquer cette résolution, ne pouvant regarder que comme sacrifices les plus pénibles pour elle et pour la nation, ceux qui seraient personnels à Votre Majesté. »
Le Roi lui a répondu : « Je suis fort touché des sentiments que l'Assemblée nationale me témoigne; vous l'en assurerez de ma part; mais je persiste dans une disposition que la rareté du numéraire effectif rend convenable. Ni la Reine, ni moi, n'attachons aucune importance à ce sacrifice. »
L'Assemblée a témoigné par des applaudissements unanimes la sensibilité de sa reconnaissance.
On reprend la délibération. On fait d'abord un premier amendement, celui d'ajouter, après les députés de la nation, ces mots : légalement et librement élus.
Cet amendement est adopté. On en fait un second, celui de mettre, au lieu des députés de la nation, l'Assemblée des représentants de la nation. Cet amendement est encore adopté.
On en fait un troisième, qui est de mettre : aucun acte du pouvoir législatif. Ce dernier excite des réclamations infinies.
Je demande ce qu'on entend par un acte de législation qui n'est pas une loi. Ces deux expressions sont parfaitement synonymes. Je ne connais d'autre réponse à cette observation, que aux voix, et j'avoue que cette réponse me paraît sans réplique. Mais, si l'on veut s'entendre, on dira : sommes-nous d'accord sur la chose que nous voulons définir par l'article proposé? Si c'est la loi, il faut dire simplement : la loi est l'acte du pouvoir législatif, sanctionné par le Roi. Si c'est, comme je le crois, la nature et les bornes du pouvoir exécutif que vous voulez déterminer, il faut changer d'un bout à l'autre la rédaction de l'article, sous peine de nous soumettre à un galimatias évident, ou bien l'article dirait : un acte du Corps législatif ne sera autre chose qu'un acte du Corps législatif. J'observe en finissant qu'il ne serait pas mal que l'Assemblée nationale de la France parlât français et même écrivît en français les lois qu'elle propose.
dit que l'amendement n'a pas le sens commun.
Néanmoins l'amendement est adopté.
propose la rédaction de l'article, conformément aux amendements.
« Aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s'il n'a été fait par les re-
présentants de la nation légalement et librement élus, et sanctionné par le monarque. »
La majorité adopte ce décret. Plusieurs membres prétendent que l'épreuve est incertaine.
prononce une seconde fois le décret, et lève la séance.
Mais une partie de la salle fait entendre les plus vives réclamations. On demande, d'un côté, que l'article soit renvoyé au comité de rédaction pour être traduit en français; de l'autre, on persiste dans le décret. M. de Lally observe que c'est totalement changer une loi que d'en changer les mots. M. de Mirabeau lui réplique.
croit que M. de Mirabeau l'accuse d'avoir signé l'arrêté avant d'être prononcé ; il demande justice de cette inculpation. On s'explique, on s'éclaircit, et il se trouve qu'il n'y a pas d'allégation, si ce n'est celle d'avoir signé le décret avant de l'avoir relu.
Une partie de l'Assemblée se récrie contre les réclamations de M. de Mirabeau, qu'elle appelle tyrannie. M. de Mirabeau dit ensuite que l'épreuve a été douteuse. M. le président, pour terminer, a propoeé un appel nominal. Les uns le demandent, les autres le rejettent.
L'Assemblée se sépare sans rien décider.
Séante du
La séance du 22 soir commence par l'annonce de plusieurs offres patriotiques.
1° Une lettre de M. JBertbier, gouverneur de l'hôtel de la guerre, par laquelle il offre à l'Assemblée naiionale sa vaisselle d'argent, pesant 33 livres un quart, poids de marc, disant qu'il serait honteux d'être servi sur de l'argent, lorsque le monarque donne l'exemple de l'être lui-même sur de la terre ; il joint 44 médailles, aussi d'argent, pesant ensemble 3 livres et demie, et un étui d'or ; le tout pour être employé comme contribution volontaire au bien de l'Etat, et saus intérêt d'ici en 1799, et plus, si les circonstances l'exigent.
instruit l'Assemblée que le même citoyen, père de six enfants, avait déjà fait, à Paris, un don patriotique de 26,000 livres, et contribué pour 24,000 livres à celui connu sous le nom de Bouquet du Roi.
2° Une lettre de M. Fretel, paumîer de M. le duc d'Orléans, qui demande que, sous les auspices de l'Assemblée nationale, il soit proposéà tous les propriétaires de maisons une contribution d'un écu par croisée, pour être employée â l'acquittement de la dette publique. Il ajoute que, propriétaire au Palais-Royal, d'une maison qui a trente-deux croisées, sa quote-part est de 96 livres, qu'il a l'honneur d'envoyer à l'Assemblée nationale, en la suppliant de vouloir bien la recevoir.
S0 Toutes les personnes employées à la manufacture du sieur Réveillon voulant contribuer, autant qu'il est en leur pouvoir, à l'acquittement de la dette de l'Etat, ont unanimement consacré le produit de letir journée, montant à 500 livres; elles supplient M. le président de vouloir bien faire agréer cette offre à l'Assemblée nationale.
L'annonce de toutes les offres patriotiques est unanimement applaudie.
annonce que M. le marquis de Montalembert désire être admis à la barre, pour faire à l'Assemblée nationale une offre patriotique.
L'Assemblée ayant agféé sa demande, il est introduit.
dit : C'est en ce jour que mon ambition sera satisfaite, si l'auguste Assemblée devant laqueltè j'ai l'honneur de me présenter veut bien accepter, pour la nation, mes cabinets de fortifications. Ils sont composés de plus de cent plans en relief de différentes forteresses, construites suivant mes nouvelles méthodes.
Ces cabinets, formés par le travail constamment fait chez moi depuis plus de,trente années, contiennent différentes compositions, depuis les plus grandes places de guerre jusqu'aux plus petits forts. Les principaux avantages sont d'être capables d'une beaucoup plus grande résistance, avec des garnisons beaucoup moins nombreuses, d'exiger beaucoup moins de dépenses dans leur construction, et enfin d'en placer les défenseurs dans les batteries casematées, où ils seront garantis des effets destructeurs des boulets et des bombes des assiégeants ; car la conservation du dernier des citoyens doit être le premier de nos devoirs.
Quelque fortune que j'eusse pu offrir à la nation, elle eût toujours été bien au-dessous de la valeur des moyens défensifs que je viens déposer en ses mains ; j'ose dire qu'ils peuvent l'élever à un grand degré de puissance, m'en reposant d'ailleurs sur sa sagesse, pour ne les employer qu'à la conservation de ses propriétés et au plus grand bonheur de l'humanité.
Que nos frontières soient enfin rendues impénétrables : j'en ai démontré la possibilité il y a déjà bien des années ; alors ce beau royaume deviendra le séjour de la liberté, de la paix et de l'abondance. Oui, Messieurs; je donnerais le reste Je ma vie, s'il le fallait, pour hâter cet heureux moment. Il ne me reste qu'à supplier cette auguste Assemblée de recevoir avec bonté ce témoignage de mon zèle.
répond: l'Assemblée nationale reçoit avec plaisir l'hommage que vous lui présentez, et applaudit à votre patriotisme : elle jugera dans sa sagesse à quoi doit être destiné le fruit de votre louable travail, dans un moment où l'éducation publique, participant à la régénération générale, s'étendra à tous les objets d'utilité nationale.
ajoute que, quoique le sacrifice de M. le marquis de Montalembert n'ait pas besoin d'être relevé par les accessoires, il croit devoir instruire l'Assemblée que ce noble citoyen a refusé une somme énorme, pour cet objet, de la part de riches étrangers.
Les applaudissements redoublent et, sur sa demande, la séance est accordée à M. le marquis de Montalembert.
rappelle l'ordre du jour.
, membre du comité de vérification, fait un rapport sur les pouvoirs des députés de la Guadeloupe.
Messieurs, cette colonie occupée dans ce dernier siècle par 17,000 Français, encouragée dans ses progrès par Louis XlV et Colbert, conquise en
1759 par les Anglais, restituée à la France en 1773, veut se rattacher à la mère-patrie, par un nouveau lien, en prenant sa place au sein de l'Assemblée nationale. La colouie s'étant assemblée le 26 février dernier, en apprenant la convocation des états généraux, autorisa son comité, séant à Paris, à solliciter la représentation qui lui était due. Le ministre du département des colonies ayant répondu que le Roi agréerait les demandes que MM. du comité feraient auprès de l'Assemblée nationale, pour obtenir cette représentation, MM. Chabert de La Gharrière, Gurt, marquis de Dam pierre et Boivin ont été députés par la voie du scrutin.
Leurs pouvoirs auraient pu être plus directs et leur élection plus universelle, mais les circonstances, une distance de quinze cents lieues et le vu de la colonie exprimé le 26 février, ont fait adopter cette élection du comité colonial, sauf confirmation.
Quant au nombre de députés, le comité de vérification, prenant pour règle la proportion établie pour Saint-Domingue, propose de n'admettre que les deux premiers.
La population actuelle de 16,000 colons, de 4,000 affranchis, de 120,000 noirs; la contribution de 2 millions à tous les impôts ; les 30 millions de denrées jetées dans la balance du commerce sont de nature à justifier la représentation de la Guadeloupe dans la mesure indiquée.
consulte l'Assemblée sur les propositions ducomité de vérification. MM. Chabert de La Gharrière et Gurt sont admis comme membres de l'Assemblée nationale, et MM.de Dampierre et Boivin comme suppléants, sur l'engagement pris par eux de rapporter la confirmation de leur nomination régulièrement faite par la colonie.
Le comité de vérification fait un autre rapport. Le Combrailles, territoire qui a été, pour la députa-lion, affilié à l'Auvergne, demande une représentation particulière ; il prouve qu'il est une province séparée ; qu'autrefois il avait ses comtes particuliers.
Le comité pense que Le Combrailles ayant concouru aux élections, sa requête ne peut être admise; mais que les pièces qui contiennent ses réclamations et l'énoncé de ses droits doivent être remises aux archive^, pour y avoir tel égard que de raison, lorsqu'on réglera les intérêts particuliers des provinces.
L'Assemblée adopte l'opinion de son comité.
, membre du comité des rapports, rend compte à l'Assemblée des demandes du conseil de la ville d'Aurillac, et du sieur Larguéze, médecin, qui se plaint de vexations; le peuple a voulu le pendre et le comité permanent a voulu le juger.
L'opinion du comité a été que l'Assemblée nationale autorisât son président à envoyer au conseil d'Aurillac les décrets relatifs à la tranquillité publique, et à lui écrire que l'intention de l'Assemblée est que le sieur Largueze demeure, comme tout autre citoyen, sous la sauvegarde de la loi, et qu'il ne soit porté aucune atteinte à sa personne ni à ses propriétés que par des voies légales.
Et quant à l'indication d'un tribunal pour faire, s'il y avait lieu, le procès du sieur Largueze, que l'Assemblée renvoyât cette affaire au pouvoir exécutif.
Après une courte discussion, le président a posé ainsi la question : renverra-t-on simple-
ment au pouvoir exécutif, ou ajoutera-t-on quelques détails à ce renvoi? L'Assemblée a adopté le renvoi simple; mais le Président a ensuite été autorisé à écrire dans les termes du comité ci-dessus énoncés,
Le comité des rapports ayant demandé encore audience ou ajournement très-prochain, on l'a ajourné à la séance de demain au soir.
ayant ensuite demandé que. dans le cas où l'Assemblée désirerait qu'en rendant compte des pensions, le comité indiquât les réductions et suppressions qu'il croyait possibles et utiles, elle voulût bien l'y autoriser par un décret, le vu de l'Assemblée a été interrogé, et elle a adopté l'opinion du comité des finances à la manière accoutumée-
Un membre a réclamé ensuite que l'on imprimât la liste des pensions, le nom des pensionnés et les motifs des grâces.
a demandé qu'on y ajoutât un état détaillé des traitements sur les régies, les fermes, les fourrages, les postes, les pays d'états, etc.
a proposé â l'Assemblée de décréter l'impression de l'état nominatif des pensions, traitements, dons, etG avec la date et les motifs desdits pensions, traitements, dons, etc. L'Assemblée a adopté ce décret à la manière accoutumée.
L'ordre du jour rappelait aux impositions.
, au nom du comité des finances, a présenté un projet de décret tendant à faire confectionner des rôles pour imposer les privilégiés, de façon à augmenter les recettes du Trésor royal.
combattent le projet du comité,et demandent que les non-privilégiés soient déchargés au prorata de ce que payeront à l'avenir les privilégiés.
(1). Messieurs, les citoyens ne sauraient refuser le payement raisonnable des impôts sans nuire à leurs propres intérêts, sans faire un vol manifeste à la nation, et jeter le désordre dans l'administration de la chose publi-que. , .
On a fort judicieusement comparé les impôts aux voiles d'un vaisseau. Les uns sont nécessaires à l'entretien du gouvernement et du monarque ; les autres servent à conduire, à assurer, à amener le vaisseau au port.
Voilà, Messieurs, ce qu'il faut apprendre au peuple, en même temps que vous vous occupez du soin tendre et constant de le soulager. En même temps qu'on le plaint, qu'on verse sur lui les larmes d'une juste pitié, il faut aussi savoir lui remontrer ses devoirs. Dans la matière des impôts, le bonheur public ne réside que dans l'exactitude à les payer et dans l'équitable proportion £t les établir.
Lorsque dans un Etat tous les particuliers sont citoyens, que chacun y possède en
paix par son domaine, ou que le prince y possède par son em-
L'arbitraire paraît être le vice principal de la taxe sur les personnes. Cette méthode n'est point populaire, et presque toujours elle est inégalement appliquée. L'impôt appelé capitation nous en offre une preuve continuelle depuis près de 90 ans.
Cependant on ne peut s'empêcher de convenir qu elle ne serve puissamment de ressource dans les circonstances urgentes. On peut y avoir recours, mais ce doit être avec les plus grandes précautions, et, autant qu'il est possible, on doit, en l'établissant, consulter la fortune des particuliers et ne point en charger la dernière classe du peuple.
Celui de tous les impôts qui paraît le plus sage, et qui est en effet le plus naturel dans son établissement, comme le plus aisé dans sa perception, c'est l'impôt sur les terres ; mais il exige deux choses :
1° Qu'il soit perçu à peu de frais ;
2° Que les terres imposées soient justement estimées.
Un gouvernement ne saurait trop respecter l'industrie. La taxer, serait en quelque manière la punir de ce qu'elle produit dans la société une valeur qui n'y existerait pas sans elle: c'est ainsi que l'impôt sur les cuirs et l'orfèvrerie ont détruit dans le royaume cette branche importante de commerce. Cet impôt funeste établit d'abord des droits très-légers : le désordre des finances augmentant avec les dissipations, la cupidité et les besoins augmentèrent ces droits ; ils devinrent onéreux : l'artisan fut vexé, il se découragea, et porta enfin son industrie chez l'étranger.
Je cite l'impôt sur les cuirs comme l'un de ceux dont on se plaint le plus généralement.
De tous les impôts, celui qui paraît le plus susceptible de modération et de proportion, c'est l'impôt sur les denrées et les marchandises ; il charge le peuple beaucoup moins que tout autre, et il est le plus fructueux pour le gouvernement. L'étranger en paye une partie, son principal mérite vient de ce qu'on n'en fait pas une demande formelle; enfin l'habileté du gouvernement peut Je ménager de manière que le peuple ignorera s il existe ou s'il le pave.
Dans le moment, il est question d'examiner le projet d'arrêté, soumis à vos délibérations. J'ai tres-peu de réflexions à l'aire à ce sujet.
Si vous jugez à propos de le consacrer par un décret, il me paraît qu'après ces mots, sans distinctionil y a lieu de mettre ceux-ci : et sans exception de citoyens, de privilèges, de biens-fonds et de revenus.
Je pense qu'après ces mots, pour toutes les impositions,, on ne doit point mettre celui-ci, territoriales. La raison que j'ai à en donner, c'est que 1 oraison est rédigée de manière que vous donneriez à penser que votre intention est d'établir tous les impôts sur les terres. Or, Messieurs, ce n'est pas là à quoi vous tendez.
Mais comme il y a des provinces (la Provence en est une) où les citpyens nobles et de l'église ont contracté l'obligation de contribuer aux impôts depuis le premier janvier de cette année; comme il y en a (la Provence est encore de ce nombre) où l'année économique ou taillable commence au mois de mai; comme il y a des provinces, parmi lesquelles se trouve la mienne, où l'on paye les impositions par trimestre ; enfin comme il y eu a qui ont payé leur portion d'im-
positions, que d'autres n'ont pas payée, il n'est pas juste que les arrérages de celles-ci soient répartis sur celles-là, ni qu'elles supportent une partie des impôts non perçus dans quelques-unes qui ont vécu dans le trouble et l'anarchie.
Alors, Messieurs, il est important, il est de votre justice, et j'en fais la motion très-expresse, que vous ajoutiez à votre décret le supplément suivant :
« Par son arrêté du..... l'Assemblée nationale
na point entendu déroger ni détruire les arrangements pris dans les provinces où les citoyens, membres de l'église et de la noblesse, se seraient obligés de contribuer en commun à toutes les impositions, depuis un temps antérieur au premier juillet de cette année.
« L'Assemblée nationale n'a pas entendu non plus que les provinces, qui ont payé leur portion des impôts connus, soient chargées de nouveau pour les mêmes objets, ni davantage pour les impôts qu'on pourrait établir, par l'effet de la diminution des revenus publics, qui aura eu lieu dans d'autres provinces.
« Enfin, quoique l'Assemblée nationale ait fixé
dans son décret du....., les mois de juillet et
d'octobre, pour le rôle à faire des impositions, elle n'a pas entendu pour cela changer l'ordre établi dans les provinces où ce rôle et les impositions à mettre sont fixés à des époques différentes, ni toucher à la manière de les mettre et d'en faire la perception. »
Telles sont mon opinion et ma demande au nom de Ja province que j'ai l'honneur de représenter et de toutes les provinces qui sont dans la même position que la mienne.
parle sur l'impossibilité de continuer les emprunts et sur la nécessité de créer une Banque nationale (1). Messieurs, l'impossibilité de faire de nouveaux emprunts vient d'être démontrée par le peu de succès qu'ont eu les deux derniers votés par l'Assemblée nationale; rien n'avait cependant été oublié pour stimuler l'intérêt des prêteurs, dans le mode du dernier proposé par le premier ministre des finances.
Quelle peut-être la cause d'un semblable évér nement? Est-ce la crainte de voir la nation manquer à son premier engagement ? Peut-on s'ar-reter à cette idée? Où faut-il donc chercher la cause de ce discrédit apparent ? Il ne faut pas douter que ce ne soit l'état de langueur de la caisse d'escompte qui, ne pouvant se livrer à de nombreuses spéculations d'escompte, ne peut plus seconder le système d'emprunt, établi par le premier ministre. Les principes de l'établissement de cette caisse d'escompte, et le but qu'on s'était proposé en la formant, sont développés dans les notes de mon plan de banque nationale, imprimé depuis le mois de février dernier.
Une autre vérité, non moins certaine, est aussi consignée dans les mêmes votes ; je veux parler de Ja nécessité indispensable d'exiger de la caisse d escompte de ne pas interrompre ses payements. Si elle avait été exacte à ne s'écarter jamais de ces principes, rien n'aurait pu altérer son crédit; mais, dira-t-on,les prêts qu elle a faits augouver-nement ont forcé ses suspensions, ce serait une allégation que je n'entendrais qu'avec grand éton-nement, car ces prêts n'ont été faits que par des créations de nouvelles actions, qui en ont fourni
les fonds, ou par un appel fait à tous les actionnaires. Ainsi, rien ne peut empêcher qu'il ne se trouve, dans la caisse, les fonds nécessaires à faire face aux billets en circulation, soit en numéraire, soit en effets à courte échéance; de là, l'on doit conclure que le numéraire existant doit donner la possibilité d'escompter tous les billets que l'on présente à la caisse, et qu'avant l'épuisement de ce numéraire, le temps de l'échéance des lettres de change à court terme arrivé doit faire rentrer à la caisse, ou ces billets, ouïes fonds nécessaires à escompter le reste des billets qui pourraient se trouver en circulation.
Que doit-on conclure d'après le développement de ces vérités et l'impossibilité de remplir les emprunts si ce n'est que ce système de finance est usé, et qu'il faut le reléguer dans la poussière des bureaux de banque où il a pris naissance ? Il a produitassezde grandes fortunes parmi lesnégo-ciants de papier qui l'ont soutenu, pour qu'aujourd'hui leur patriotisme puisse en faire philosophiquement le sacrifice: certes, il est temps de suivre un autre plan. Je regarde la destruction de celui que nous quittons comme un des plus grands bienfaits de ce génie tutélaire qui veille sur la France.
Mais quel parti prendre dans la crise où nous sommes? Je vais essayer d'esquisser mes iàées, et les soumettre à la discussion de l'Assemblée.
J'ai donc l'honneur, Messieurs, de vous proposer l'établissement d'une caisse nationale, dans les principes de celle dont j'ai mis le plan sous vos yeux, non que je vous invite à la livrer aux spéculations, que la suite des temps et le crédit qu'elle prendra peuvent seuls amener ; mais j'ai l'honneur de vous proposer de l'établir dès cet instant, après en avoir fait régler le principe par un comité, de concert avec le premier ministre des finances, et les avoir discutés dans cette Assemblée. Je propose encore à l'Assemblée nationale de faire choix de M. Necker, pour directeur général de la caisse ; la sûreté de ses calculs, sa méthode, son caractère connu d'économie, son attachement à la chose publique, sa grande probité, méritent toute votre confiance.
Mais conduire une si grande entreprise que celle de revivifier les finances d'une grande nation, faire et distribuer les fonds de tous les départements, surveiller et correspondre avec les caisses des provinces, absorbera sûrement toutes les facultés d'un seul homme : vous lui demanderez de se livrer à ce seul travail, et je ne doute pas qu'un souverain, qui a tant donné de preuves de son amour pour ses peuples, de sa constante ardeur de faire leur bonheur, ne fasse un si grand sacrifice, que sera celui de consentir que le premier ministre des finances s'abandonne désormais uniquement à l'administration de la caisse nationale.
Vous voulez changer le régime des impôts, supprimer les recettes générales, faire verser les fonds par les provinces, directement dans le Trésor public, et remplacer les gabelles par des impôts qui se verseront de même directement dans le Trésor ; cet ordre de choses nécessite la suppression des receveurs généraux et d'une partie du service que faisaient les fermiers généraux ; ce ne peut-être que par l'établissement d'une caisse, telle que je l'ai proposé, que vous pourrez parvenir à opérer les prompts transports de fonds des différentes provinces au centre, et le rapport de ces fonds du centre dans les lieux où leurs versements deviendront nécessaires.
Mais où prendre les premiers fonds de celte
caisse ? Comment subvenir à la dépense présente avec des impôts qui ne se perçoivent plus, des moyens qui ne peuvent avoir qu'un effet éloigné, à mes yeux il ne peut y avoir qu'une seule manière. Décréter incessamment l'appel du centième denier de tous les biens-fonds, tant en terres que maisons et capitaux existant dans le royaume (1).
Les assemblées provinciales, les assemblées secondaires et les municipalités procéderaient à cette évaluation, dont le produit serait payé en quatre années, et le montant versé dans la caisse nationale, pour en faire les fonds dans chaque dépôt le plus à portée des provinces, qui leur serait désigné par le directeur général de la caisse nationale, et en attendant le versement des fonds qui devraient se payer par les propriétaires, dans les deux premières années ; pouvant s'évaluer à peu près à 300 millions, vous décréteriez la création de billets représentatifs d'une somme de 150 millions qui seraient reçus dans la circulation comme monnaie.
Ce serait avec cette somme que se ferait le service des différentes caisses, c'est-à-dire que l'on y payerait cinq sixièmes en billets et un sixième en argent; le seul prêt des troupes en serait excepté. Ces billets ne s'échangeraient en argent, dans les caisses, que dans huit mois. Ils seraient reçus dans les impositions des provinces pour un tiers, et dans celles de la capitale par moitié.
Si l'agitation des esprits jetait assez de défaveur sur ces effets, pour qu'à l'affluence de ceux qui se présenteraient dans les caisses pour en obtenir le payement, l'on pût craindre que les fonds qui doivent y faire face, ne fussent point encore rentrés en assez grande abondance, au bout de huit mois, pour suffire à la conversion en argent de tous ceux qui seraient en circulation. Alors, vous autoriseriez Je directeur général de la caisse nationale, si c'était dans l'intervalle d'une session du Corps législatif, à ouvrir un emprunt proportionnel à l'excédant de ce qui pourrait être payé par les caissiers ; on recevrait dans cet emprunt les trois quarts des fonds qui y seraient versés en billets de la caisse, et un quart seulement en argent.
Le calme établi pourrait cependant faire espérer qu'il ne serait pas nécessaire d'avoir recours à ce moyen.
Un autre, qui pourrait être employé encore, serait la vente des domaines (qui entraînent des réparations toujours onéreuses, lorsqu'elles sont faites par des entreprises, nécessaires lorsque c'est pour le souverain) ; on recevrait dans les payements de ces ventes, moitié eu billets et moitié en argent. Je crois ces moyens les plus propres à soutenir le crédit de ces billets de la
caisse nationale, jusqu'à l'époque où leur circulation, solidement établie, amènerait dans ces caisses l'or du royaume, et leur permettrait de se livrer aux spéculations que j'ai énoncées dans le plan de cette caisse, mis sous les yeux de l'Assemblée; mais pour parvenir à l'accréditer, il est nécessaire que l'Assemblée nationale décrète, en même temps , que les louis ne seront plus reçus dans la circulation qu'au poids, lorsqu'ils seront au-dessous d'un taux de frais que fixera l'Assemblée. Ce moyen est employé dans tous les pays où il y a du "papier en circulation, en Angleterre et en Hollande, parce qu'en effet le commerce se fait avec plus de facilité avec du papier, et que l'or reste en dépôt dans les caisses nationales.
Dès que cette caisse sera accréditée, les premières spéculations auxquelles il sera nécessaire qu'elle se livre seront le remboursement des rentes viagères placées sur les individus, qui sont dans l'époque de la vie où l'expérience prouve qu'il en meurt le moins ; ce qu'il est facile de connaître par les expériences.
M ai a ce qu'il est surtout essentiel de s'occuper de retrancher des dépenses, ce sont celles produites par les volontés incohérentes çt sans direction assurée de 60 districts, cette tumultueuse démocratie, aux mouvements de laquelle a tant de part un corps militaire peu discipliné, no permettra jamais aucun ordre certain dans la capitale tant qu'une forme d'administration aussi vicieuse subsistera. Il n'est pas moins essentiel que l'Assemblée nationale s'occupe à supprimer, et cela immédiatement après l'établissement des municipalités et des assemblées dans les provinces, les milices bourgeoises des villes et des campagnes. J'ai développé mon opinion sur cet objet dans un mémoire que je mettrai sous les yeux de l'Assemblée nationale, en même temps que celui relatif à la constitution militaire.
Je soumets ces réflexions à la sagesse de l'Assemblée, et j'ai l'honneur de lui proposer, d'après leur énoncé, de choisir dans son sein un comité de huit personnes chargé de rédiger, de concert avec le premier ministre des finances, un plan d'une caisse nationale, dont ce premier ministre fera lui-même le rapport à l'Assemblée.
J'ai aussi l'honneur de demander à l'Assemblée, si elle accepte aussi cette proposition, de nommer ce premier ministre directeur de la caisse nationale ; de lui faire agréer cette nomination, et, sûre de cet agrément, de proposer au Roi d'y donner son acquiescement, afin que cet homme, si recorn-mandable par ses vertus morales, si digne de la confiance de la nation pour l'emploi qu'elle lui destinerait, puisse se livrer uniquement aux hautes fonctions auxquelles l'aura appelé la confiance d'une grande nation.
(1). Lorsque je me suis fait inscrire pour parler à mon tour sur l'objet soumis à la discussion, je me proposais de vous établir l'injustice, l'insuffisance et le danger du projet d'arrêté que votre comité des finances a concerté avec le ministre de ce département : les honorables membres qui ont obtenu la parole avant moi ont parfaitement développé les idées que j'avais à vous présenter, et je me garderai bien d'affaiblir ce qu'ils ont dit avec tant d'énergie.
J'applaudis à la déclaration faite par un de mes co-députés (1), au nom de la noblesse de mon bailliage, qu'en faisant le sacrifice de ses privilèges pécuniaires, elle n'avait entendu le faire que pour le soulagement du peuple, et non pour procurer une augmentation de recette au Trésor royal. Il est évident que lorsqu'un gentilhomme a usé de son privilège dans une paroisse, le montant de la cote dont il a fait prononcer la radiation a été reversé sur les autres taillables de cette paroisse; d'où il suit que, le privilège cessant, les choses doivent rentrer dans leur premier état, et que les taillables doivent être déchargés du fardeau qui leur avait été imposé à raison de ce privilège.
J'adopte et je propose hautement les principes de l'honorable préopinant (2) qui vous a dit que toute augmentation dans les impôts était absolument impossible, et qu'il ne fallait chercher à combler le déficit, quel qu'il puisse être, que par des réformes et la plus sévère économie. Oui, Messieurs, il n'est plus temps de s'occuper à porter la recette au niveau de la dépense; la plus impérieuse nécessité nous commande de réduire la dépense au niveau de la recette, et la prudence exige même que la dépense soit au-dessous, afin de nous procurer des ressources pour les cas imprévus, et pour les bonifications que le travail en finance ne peut plus fournir.
Le tableau que l'un des préopinants (3) a mis sous vos yeux, des malheurs et de l'énorme surcharge de notre province, a pu paraître exagéré à ceux qui l'ont jugé par un retour comparatif sur la position de leur pays; mais, Messieurs, ce tableau, tout effrayant qu'il est (4), serait susceptible encore de plus fortes expressions, si les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons ne nous faisaient pas un devoir rigoureux de mettre plus que de là modération dans nos plaintes et nos griefs contre le système oppresseur qui est parvenu, par ses excès, à dépeupler sensiblement une contrée centrale, agricole, et habitée par les hommes les plus sobres et les plus laborieux. Qu'il me soit permis de vous dire que cette malheureuse province attend de votre justice un soulagement que vous ne pouvez lui refuser, sans porter atteinte à vos principes. Rappelez-vous, Messieurs, que l'égalité proportionnelle des impôts est votre première loi ; qu'elle est la base
du contrat social qui unit les diverses parties de l'empire, comme elle est 1 objet et le terme de leur confédération. L'Auvergne ne demande que justice : elle veut payer sa portion afférente dans la masse totale de l'impôt ; mais elle ne doit, elle ne veut, et surtout elle ne peut dorénavant payer au delà. Les autres provinces, après avoir fait" le sacrifice, ou plutôt l'abandon de leurs privilèges, n'oseraient pas aujourd'hui prétendre que celui qui recueille moins doit payer plus. Ce n'est pas pour consacrer, mais bien pour anéantir les disproportions, que nous sommes assemblés ; et cependant notre premier pas dans les finances a été un décret qui favorise certaines provinces d'une somme de 30 millions sur l'impôt de la gabelle; ce qui nous éloigne de plus en plus de l'égalité de contribution si désirée.
Les préopinants ont démontré l'inconvenance et le danger qu'il y aurait de faire, même provisoirement, des rôles additionnels et séparés pour les privilégiés. Ces inconvénients seraient surtout incalculables en Auvergne, où les impôts portent directement sur les fonds et sont répartis en masse, de communauté à communauté. La faveur du privilège y a attiré, depuis plus d'un demi-siècle, une foule de propriétaires nobles ou ennoblis, dont les impositions ont reflué sur les paroisses, et ont porté la surcharge générale à un taux qu'il n'est plus dans la nature des choses de tolérer. Dans tous les pays où la taille est moitié réelle, moitié personnelle, les privilégiés doivent être assujettis à l'une et à l'autre; ils doivent supporter, dans le lieu de l'assiette de leurs biens, la cote de propriété ou personnelle, comme celle d'exploitation ou réelle; et les facultés quelconques, les rentes nobles, foncières ou constituées, dîmes de toute nature et champarts, doivent contribuer aux subsides en raison de leur produit. Ces vérités n'ont pas besoin d'être appuyées; vous les avez consacrées dans votre déclaration des droits de l'homme et dans vos célèbres arrêtés du 4 août.
On vous a déjà dit, Messieurs, que les impôts directs excédaient la juste mesure de leur rapport avec le produit net des terres; on vous a fait pressentir les malheurs qui résulteraient d'une erreur systématique prolongée plus longtemps sur cette matière, et vous avez certainement aperçu la nécessité de convertir au plus tôt, en contributions indirectes, sur les objets de luxe et de consommation une partie du fardeau qui écrase les cultivateurs. Je n'ajouterai qu'une simple réflexion;
La balance de votre commerce extérieur exige que le prix de nos denrées nationales ne soit pas supérieur à celui des mêmes denrées dans les Etats voisins. Ce prix est le thermomètre invariable de la main-d'uvre; d'où il suit qu'en élevant le prix de vos denrées par un surcroît d'im pôt sur les terres, vous rendez les opérations de commerce sur les échanges et les exportations, nulles et impossibles, vous appelez, au détriment de votre numéraire et de vos fabriques, l'importation des marchandises étrangères, et vous ne pouvez plus entrer en concurrence pour les vôtres dans aucun marché de l'Europe. Ne serait-il pas d'ailleurs aussi déraisonnable èn morale qu'en politique, de forcer les journaliers à mettre leurs services à un prix disproportionné au bénéfice de leur travail?
Loin de nous, Messieurs, ce système destructeur qui tend à rejeter tous les impôts sur les propriétés foncières; prémunissons-nous contre les sophismes intéressés des non-propriétaires et des agioteurs; gardons-nous de former, dans la nation, une nouvelle classe de privilégiés, iaïini-
ment plus dangereuse que la double aristocratie dont le patriotisme de cette Assemblée a prononcé l'extinction.
Les provinces ne voient pas sans douleur un revenu de 200 millions soustrait à toute imposition; elles ne voient pas sans peine les sacrifices énormes que le gouvernement fait depuis longtemps pour tenir le pain à bas prix dans des villes privilégiées qui absorbent tout le numéraire du royaume ; elles n'ignorent pas que ces divers sacrifices retombent sur elles, en augmentant la pénurie du TJrésor public, et elles attendent de votre justice le redressement de leurs griefs à cet égard. Daignez observer, Messieurs, que, par une suite d'emprunts successifs, et par l'effet de la conversion annuelle des intérêts en capitaux,les capitalistes accapareraient tout le numéraire, et s'engraisseraient ainsi de tous les malheurs publics, si, par des impôts sur les consommations, vous ne balanciez pas les avantages de la non-retenue qui leur a été assurée.
S'il est vrai, comme nous l'a dit un honorable membre de cette Assemblée (1), que le créancier de l'Etat peut dire : cet intérêt est à moi, car pour prix de mon capital; il m'a été assuré par la nation; le cultivateur ne peut-il pas répliquer doublement: cette terre est à moi, car, pour prix de l'argent que j'ai donné, la loi m'en a garanti la propriété et la jouissance, et les fruits quelle porte sont dus à la sueur de mon front? Les droits féodaux, les charges et les privilèges avaient été aussi assurés par la natiori pour prix d'un capital. Messieurs, permettez-moi une dernière réflexion : plus vous rendez les emprunts publics favorables aux prêteurs, et plus vous privez l'agriculture et le commerce des ressources qui leur manquent, à moins que vous ne vouliez accorder aux emprunts particuliers le même privilège qu'aux emprunts publics, et détruire l'usure en détail, comme l'honorable membre dont j'ai rappelé les expressions l'a détruite en gros dans son opinion sur l'emprunt.
Je reviens, Messieurs, à l'ordre du jour et à l'avis de M. Dubois de Grancé, qu'il a si fortement exprimé. Nous1 ne connaissons ni les différences, ni les ressources que les localités peuvent offrir dans chaque province. Tel impôt serait nul ou onéreux dans une généralité, qui serait très-pro-ductif et d'une perception facile dans une autre; d'où je conclus que votre travail, en cette partie, doit se borner à fixer, par des règles générales et uniformes, la portion contributive de chaque province, dans la masse générale de l'impôt, réduite à celle du besoin absolu; que nous devons laisser à chaque assemblée provinciale le soin de l'assiette, du recouvrement et du versement au Trésor public, delà portion de subsides que vous lui assignerez, et qu'ainsi il devient plus instant que jamais d'organiser les administrations provinciales, de les mettre en activité dans le mois prochain, et de leur adresser le brevet général, en une seùle ligne, de la somme totale de leur contribution, y compris le remplacement de la gabelle (2).
Ici, Messieurs, je vous ferai encore remarquer la nécessité d'autoriser les assemblées provinciales à adopter 1e mode de répartition, recouvrement et versement que les localités exigeront. Elles trouveront un premier soulagement dans la diminution des frais du régime fiscal. Ainsi, par exemple, la réduction du nombre des collections, le bail à rabais de la collecte, avec les précautions nécessaires, la suppression des receveurs généraux et particuliers, remplacés par des commis à appointements fixes, avec caution, l'abolition des abonnements des villes, des privilèges des maîtres de poste, des cotes d'office, garde-étalon, etc., etc., produiront sans doute des bonifications. Il y en aurait une très-grande dans la répartition proportionnelle des vingtièmes actuels ainsi que vous l'a observé un honorable préopinant (1) ; mais il faudrait commencer par anéantir le régime despotique des directeurs et contrôleurs, si on conserve ce genre d'impôt (2).
Ce n'est pas tout, Messieurs, il convient aujourd'hui d'abroger, pour toujours, la déclaration de 1705, qui s'opposait à la réunion de plusieurs cotes sur un même taillable, dans le même rôle; celles de 1726 et 1728, qui autorisaient les transports, presque toujours frauduleux, de cotes d'une paroisse dans une autre ; celle de 1762, qui ordonnait la division d'une cote, moitié en personnel, moitié en réel, et généralement toutes celles qui, n'étant fondées que sur la distinction des ordres et des propriétés, avaient introduit des différences, soit entre les personnes, soit entre les biens. 11 convient aussi de réduire dès à présent à douze mois l'année fiscale. Rien n'est plus embarrassant que l'enchevêtrement d'un exercice dans l'autre : le peuple ne gagne rien à cette prorogation, parce qu'il est obligé de payer chaque mois à deux collecteurs, ce qu'il ne payerait qu'à un. C'est encore ici une invention fiscale pour multiplier les agents, embrouiller les comptes et grossir les frais.
Dans le cas, Messieurs, où vous n'adopteriez pas l'avis de M. Dubois de Grancé, et où vous ordonneriez la continuation provisoire des impôts actuels, il me reste un devoir, bien cher à mon cur, à remplir auprès de vous, en soumettant à votre justice une pétition expresse du bailliage que j'ai l'honneur de représenter. Mon cahier me charge de vous demander l'exécution pure et simple de la déclaration du Roi, du 28 octobre 1788, sans avoir égard aux modifications insérées dans l'arrêt d'enregistrement de la cour des aides de Glermont-Ferrand. Le conseil aurait déjà fait droit sur cette demande, si les circonstances le lui avaient permis, dans ces moments de trouble et de discrédit ; mais ce qu'il n'a pas fait, l'Assemblée nationale le fera, et sa décision sera respectée. Veuillez bien m'honorer encore d'un moment d'attention ; l'intérêt pressant de ma province l'exige; car, pour qu'elle puisse faire le recouvrement des impôts, il faut qu'elle puisse en faire la répartition.
Dans l'ancien régime, la répartition était faite par un ou deux assesseurs, à tour de rôle. L'édii
de 1600 leur défendait, sous peine d'abus, de diminuer leurs propres cotes et celles de leurs parents. Cette précaution était infiniment sage. Dans le régime actuel, la répartition est faite par les membres de la municipalité et par des notables adjoints, librement élus et investis de la confiance des taillabiés. Ce nouvel ordre de choses fait cesser toute espèce de crainte. Le nombre des répartiteurs étant considérable, il n'est pas de taillable qui ne soit parent avec l'un ou l'autre de ces assesseurs. Si donc l'édit de 1600 pouvait leur être appliqué, les rôles ne pourraient être qu'une copie servile des précédents, ou bien il faudrait que chaque taillable obtînt une ordonnance de MM. les élus pour faire autoriser les assesseurs non parents à régler sa cote. La déclaration du Roi, du 28 octobre 1788, fondée sur la confiance due à un corps de municipaux et d'adjoints librement choisis, avait autorisé les municipaux à régler les cotes les uns des autres, et les non parents à régler celles des parents des membres et adjoints de la municipalité, à la charge que celui dont on réglerait la cote, ou celle de ses parents, serait tenu de se retirer pendant la délibération. Rien n'était assurément plus sage. Cependant la cour des aides, qui peut-être n'a pas vu sans inquiétude l'établissement des municipalités, a cru devoir les assujettir à la disposition de l'édit de 1600. Il est bon de remarquer que les rôles de 1789 étaient déjà faits au moment où cet arrêt d'enregistrement a paru : ils n'étaient pas encore vérifiés par les élus ; mais ils n'étaient pas moins arrêtés, délibérés et signés. Il y avait donc une double injustice de vouloir que ces rôles, conformes à une déclaration bien connue, dussent l'être plutôt à un arrêt qui n'existait pas encore. Quoi qu'il en soit, tous les particuliers qui ont éprouvé des augmentations bien méritées (et parmi eux se trouvent au premier rang divers privilégiés), ont cherché à profiter des modifications de l'arrêt pour vexer les municipalités par des plaintes en abus. Certes, si ces particuliers se croyaient surtaxés, la voie du surtaux leur était ouverte, mais celle de l'abus leur était interdite, et cependant il existe un nombre effrayant de procès uniquement fondés sur cette prétendue contravention à un édit qui était révoqué par le fait et par le droit. La commission provinciale, les bureaux intermédiaires et toutes les municipalités de ma province espèrent avec confiance, Messieurs, que vous leur rendrez justice, en proscrivant les modifications antimunicipales de l'arrêt de la cour des aides. C'est ainsi qu'une province, trop longtemps oubliée, ressentira le premier effet du pouvoir législatif, qu'elle contribue à former par ses représentants, pour le bonheur général de la France. C'est ainsi que nous verrons enfin les provinces les plus éloignées se rapprocher du centre de la justice et de la bienfaisance.
En me résumant, j'adopte l'avis proposé par M. Dubois de Grancé, et je propose pour amendement l'abrogation des déclarations de 1705, 1726, 1728, 1762, et toutes autres fondées sur l'ancienne distinction des personnes et des biens ; la cassation des modifications apportées par les cours des aides à la déclaration du 28 octobre 1788, la conversion de toutes demandes en abus, en demandes en surtaux, pour raison des rôles de la présente année 1789, et la suppression des directeurs et contrôleurs des vingtièmes, en confiant la répartition de cet impôt aux administrations provinciales.
L'heure étant avancée, M. le président renvoie
la suite de la discussion à une autre séance. La séance est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Nota. Nous insérons ici un discours de M. Bernasse sur la maniéré dont il convient^ de limiter le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif dans une monarchie (1). Ce discours n a pas été prononcé à la tribune; maiscommeila été distribué à tous les députés, il fait partie des documents parlementaires de l'Assemblée nationale.
(2). Messieurs, de toutes les questions soumises à votre examen, il en est peu d'aussi importantes que celles que vous agitez aujourd'hui. Pour les décider en pleine connaissance de cause, il eut été bien à souhaiter que la discussion n'en eût été permise qu'après que les diverses parties de notre travail sur la Constitution auraient été complétemeot achevées. Alors vous auriez eu la satisfaction de les résoudre d'après des données plus nombreuses; et, pouvant les envisager dans tous leurs rapports avec l'ordre public, vous auriez trouvé plus sûrement les maximes politiques dont leur solution doit dépendre. , ,
Si l'on veut travailler avec quelque succès a la Constitution d'un empire, et surtout d'un grand empire, il me semble qu'on a deux choses bien distinctes à faire.
D'abord, je trouve qu'il convient d'opérer a part sur chacune des parties dont la Constitution se compose ; en conséquence, après avoir examiné tous les genres de pouvoirs qu'elle doit rassembler, on chercherait avec soin ïe meilleur mode d'organisation pour chacun de ces pouvoirs,
c'est-à-dire celui qui protège le mieux la liberté personnelle, commençant par les pouvoirs qui influent d'une manière plus immédiate sur les individus, et ne s'occupant des pouvoirs d'un ordre plus élevé que lorsque l'action de ceux-ci aurait été parfaitement calculée, et qu'on aurait à peu près arrêté la meilleure manière de les ordonner pour ne leur faire produire que des effets salutaires.
Puis, et lorsqu'on se serait ainsi fait une idée juste de la nature de chaque pouvoir et de son influence, on verrait comment ils doivent ou se balancer, ou se combiner entre eux; on les étudierait dans leurs mouvements réciproques, et devinant par une sorte d'expérience anticipée les circonstances où ils peuvent se nuire, on s'attacherait dans des discussions calmes et réfléchies à fixer les principes d'après lesquels il convient de limiter leurs sphères d'activité pour les empêcher ou de se heurter ou de se confondre.
D'après cette méthode, votre première attention se serait donc portée sur la constitution des tribunaux, sur la création des municipalités, sur l'établissement des assemblées provinciales, sur la réforme de l'éducation publique, c'est-à-dire sur l'institution de tous les pouvoirs particuliers qui modifientd'une manière plus directe et plusimmé-diate le système de nos habitudes ; et ce n'eût été qu'après avoir vu en quelque sorte la nation se régénérer sous vos yeux par une meilleure organisation de tous ces pouvoirs, qu'examinant comment il était possible de rendre cette régénération durable, vous seriez arrivés à l'établissement des deux grands pouvoirs conservateurs de l'ordre social j le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif suprême.
Là se serait terminée la première partie de votre travail.
Ensuite, et cette première partie achevée, vous seriez revenus sur toutes vos opérations, et toujours d'après le plan que je trace ici, vous vous seriez attachés à rechercher dans quels rapports les pouvoirs que vous auriez organisés doivent exister entre eux; quelle correspondance, par exemple, il convient d'établir entre les municipalités et les assemblées provinciales, entre ces deux espèces d'institutions et le pouvoir législatif d'une part, et le pouvoir exécutif de l'autre ; quelles limites il faut assigner au pouvoir législatif, dans quelles bornes encore il faut maintenir le pouvoir exécutif; attentifs à contenir tous ces pouvoirs les uns par les autres, en sorte que leur influence sur le caractère, l'esprit, les murs de la nation fût toujours une et toujours bonne ; remarquant toutes les circonstances où cette influence devient ou abusive ou dangereuse; prévoyant tous les événemenls politiques qui peuvent contribuer à la corrompre, et à mesure que vous seriez avancés dans la carrière, rencontrant comme involontairement toutes les questions auxquelles cette combinaison de pouvoirs peut donner lieu, et le petit nombre de vérités simples qui doivent servir à les résoudre.
Ainsi se serait développé le système de votre Constitution; ainsi, en même temps que vous n'auriez négligé aucune des parties qu'elle doit embrasser, vous auriez composé de toutes ces parties rassemblées une vaste et commune organisation, où malgré l'immensité des objets l'esprit n'aurait remarqué qu'un seul plan, aperçu qu'un seul résultat, et dans son ensemble comme dans ses détails, votre ouvrage eût partout offert ce grand caractère d'unité, qui ne se fait remarquer que dans les productions des hommes nés pour
les conceptions fortes et les profondes révolutions, soit dans les institutions de leurs pays, soit dans les opinions de leur siècle.
Telle était, Messieurs, l'idée que je me faisais de l'ordre qu'il vous convenait d'observer dans votre travail sur la Constitution, et il vous est aisé de remarquer que, d'après un pareil ordre, les questions qui vous occupent aujourd'hui eussent été les dernières que vous auriez agitées.
Quoi qu'il en soit, puisque votis les discutez maintenant, je vais essayer d'exposer aussi entre beaucoup d'idées quelques-unes de celles qui me paraissent les plus propres à en faciliter la décision.
Faut-il que le Corps législatif soit permanent? Convient-il que le Corps législatif soit divisé en deux Chambres ? Par qui doivent être proposées et rédigées des lois?Est-il nécessaire que le dépositaire du pouvoir exécutif ait une influence sur le Corps législatift et quelle doit être la nature et la mesure de cette influence?
Voilà les questions; pour les résoudre j'ai besoin d'établir, ou plutôt de rappeler ici quelques principes.
On m'accordera sans peine que, quel que soit l'appareil d'une Constitution, en dernièfe analyse, son but unique est la garantie de la liberté individuelle.
Tous les pouvoirs dont une Constitution se compose ne doivent donc être organisés que Relativement à la liberté individuelle, et ils seront toujours mal organisés tant que dans le système de leur combinaison, cette liberté pourra courirquel-ques risques.
Or, il y a trois pouvoirs qui influent d'une manière plus particulière sur la liberté de l'individu : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire qui n'est lui-même qu'une dépendance du pouvoir exécutif.
Il faut voir maintenant comment ces pouvoirs peuvent nuire à la liberté, et comment ils peuvent la servir.
Ces pouvoirs nuiront à la liberté toutes les fois qu'ils se confondront : ils serviront la liberté toutes les fois qu'ils seront distincts; ils serviront encore la liberté toutes les fois qu'ils seront maintenus les uns par les autres dans de telles limites qu'ils ne pourront jamais agir que conformément à leur nature.
Je dis en premier lieu que ces pouvoirs nuiront à la liberté toutes les fois qu'ils se confondront; car, unissez le pouvoir exécutif au pouvoir judiciaire, faites que le prince lui-même soit juge, et comme l'a très-bien remarqué Montesquieu, le juge aura alors toute la force d'un oppresseur, et vous n'aurez point de liberté.
Unissez le pouvoir judiciaire au pouvoir législatif; faites que celui qui porte la loi en soit aussi l'exécuteur, et Vos lois, résultat nécessaire de l'intérêt personnel, ne seront que les volontés arbitraires de vos juges, et vous n'aurez point de liberté.
Unissez le pouvoir législatif au pouvoir exécutif; faites que celui c|ui est législateur soit aussi chargé de l'administration de l'empire, et l'usage de la législation ne sera plus dans les mains du législateur qu'un moyen d'accroître l'autorité qui lui est confiée, comme suprême administrateur dé l'empire, et vous n'aurez point encore de liberté.
Enfin unissez les trois pouvoirs ensemble ; faites que celui dont émane la loi soit aussi celui qui administre et celui qui juge, et je n'ai pas besoin de vous prévenir que non-seulement vous n'aurez point de liberté, mais que vous aurez trouvé
de toutes les servitudes la plus accablante, et de tous les genres de despotisme le plus terrible et le plus absolu.
Je dis, en second lieu, que les pouvoirs dont je parle favoriseront la liberté toutes les fois qu'ils seront essentiellement distincts ; car, séparez le pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif, et le prince n'influant en aucune manière sur le juge, celui-ci sera d'autant plus facilement contenu dans les bornés de là loi, et vous savez bien que ce n'est que par la loi que Se maintient la liberté.
Séparez le pouvoir législatif du pouvoir judiciaire, et celui qui l'ait la loi, n'étant pas celui qui doit la faire observer, aura un grand intérêt à la faire toujours bonne, attendu que, s'il la faisait mauvaise, il en serait lui-mènie la première victime ; et vous voyez bien que vous n'jaurez que des lois avantageuses à la liberté.
Enfin, séparez le pouvoir législatif du pouvoir exécutif, et le législateur, ne pouvant prendre aucune part à l'administration de l'empire, empêchera d'autant mieux que l'autorité de l'administrateur de l'empire ne s'étende hors des limites de la Constitution, et vous voyez encore que votre gouvernement ne sera jamais tenté d'offenser la liberté.
Je dis en troisième lieu que les pouvoirs dont je parle favoriseront la liberté toutes les fois qu'on s'attachera à les contenir les uns par les autres dans des limites qu'il leur sera comme impossible de franchir.
Contenez le pouvoir judiciaire par le pouvoir législatif, et l'arbitraire du pouvoir judiciaire est détruit.
Contenez le pouvoir exécutif par le pouvoir législatif, ët il n'y aura plus d'arbitraire dans le gouvernement.
Contenez le pouvoir législatif par le pou voir exécutif, et il n y a plus d'arbitraire dans la Constitution, c'est-à-dire que la Constitution, une fois détërminée pour la liberté, demeure immobile et qu'il n'est plus possible au pouvoir législatif, le plUs redoutable de tous quand il n'est pas limité, d'en rompre l'enceinte ou d'en déranger l'organisation.
Ces maximes ne me seront pas contestées.
Ainsi donc, je puis regarder comme démontré que la liberté gît dans la distinction des pouvoirs et dans leur limitation réciproque.
Ceci convenu, les questions que vous examinez n'intéressent que deux des trois pouvoirs dont je viens de parler, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif : or, en décidant ces questions, votre objet est sans doute de déterminer quelle estla meilleure manièïe de limiter ces deux pouvoirs l'un par l'autre, afin qu'ils ne soient jamais nuisibles à la liberté
En conséquence, il me semble que vous devez les poser de cette manière :
Que faut-il faire pour contenir le pouvoir exécutif dans ses bornes naturelles, c'est-à-dire pour l'empêcher d'être autre chose que pouvoir exécutif? Et alors vous examinerez : 1° S'il importe que le Corps législatif soit permanent ou périodique; 2°S'il convient de le diviser en deux Chambres; 3° A qui doit appartenir la proposition et la rédaction des lois.
Que faut-il faire pour contenir le pouvoir législatif dans ses bornes' naturellesy c'est-à-dire pour l'empêcher d'être autre chose que pouvoir législatif? Et alors vous examinerez encore s'il convient d'organiser le Corps législatif en deux Chambres, et s'il est bon que le dépositaire du pouvoir exécu-
tif puisse suspendre ou arrêter l'action du Corps législatif.
Je reviens sur la première de ces deux questions, et, d'après les principes que j'ai exposés, je soutiens que le pouvoir exécutif ne peut être contenu dans ses bornes naturelles : 1° Qu'autant que le Corps législatif sera permanent; 2° Qu'autant qu'il sera divisé en deux Chambres; 3° Qu'autant que ce sera le Corps législatif uniquement qui s'occupera de la proposition et de la rédaction des lois.
Car, en premier lieu, que faut-il pour que le pouvoir exécutif ou le gouvernement ne soit jamais tenté de franchir ses bornes naturelles ? Il faut qu'il ne puisse agir qu'en vertu de la loi, et qu'jl n'y ait aucune circonstance où il soit forcé d'agir hors des limites de la loi.
Et en effet s'il y avait des circonstances où le gouvernement pourrait agir sans le concours de la loi ou hors de ses limites; si l'on avait l'imprudence, par exemple, d'accorder au prince, dans les cas imprévus, une autorité provisoire et dont l'exercice n'aurait pas été spécialement déterminé par un acte de la législation, il est clair que l'autorité du prince, toutes les fois qu'elle agirait provisoirement, ne serait que le produit de sa volonté particulière; il est clair qu'alors cette autorité serait nécessairement arbitraire ; et, attendu qu'il est de la nature du pouvoir de s'accroître sans cesse, on comprend facilement que le prince ne négligerait aucun moyen pour multiplier les circonstances où la loi n'aurait rien prévu, afin de mettre, le plus souvent qu'il lui serait possible, sa volonté à la place de la loi.
11 importe donc de ne laisser aucune autorité provisoire au gouvernement, il importe donc qu'il n'y ait aucune de ses démarches qui ne soit déterminée par un acte législatif.
Mais le gouvernement ne se repose jamais : il est de sa nature d'agir sans cesse, et quelle que puisse être la prévoyance humaine, toujours il arrivera des circonstances, dans une vaste administration, pour lesquelles une loi antérieure n'aura rien statué. Or, si vous voulez que l'Assemblée législative ne soit que périodique, et si ces circonstances arrivent dans un intervalle de temps où le Corps législatif n'existera pas, que fera le gouvernement? Faudra-t-il qu'il interrompe son action jusqu'à l'époque où le Corps législatif pourra se reproduire ? Mais ne pourra-t-il pas se faire que beaucoup de désordres résultent de ce qu'il n'aura pas pourvu sur-le-champ, suivant sa sagesse particulière, à ce que le besoin des circonstances exigeait de lui? Faudra-t-il, au contraire, afin que son action ne demeure pas interrompue, et que l'ordre public se maintienne, qu'il n'attende pas la reproduction du Corps législatif pour se déterminer ? mais alors le voilà précisément revêtu de l'autorité provisoire dont je viens de vous parler; mais vous voilà, malgré vous, retombés dans l'inconvénient des volontés arbitraires : et si partout où une volonté arbitraire peut commander il n'y a plus de liberté, ne voyez-vous pas qu'ici vous faites courir des risques considérables à la liberté ?
Ainsi donc, dans le système d'une Assemblée législative périodique, ou vous vous trouverez dans la nécessité de permettre au prince d'agir dans les cas imprévus suivant la seule détermination de sa volonté, et il y aura des occasions où le prince tout seul pourra faire une loi, et de cette confusion de pouvoirs résultera plus tôt ou plus tard le despotisme; ou vous vous verrez forcés de déclarer que, dans les cas imprévus, le
prince n'aura pas la faculté de statuer, et sera tenu d'attendre la reproduction du Corps législatif; et, pour n'avoir pas remarqué qu'un gouvernement qui s'arrête dans son mouvement est un gouvernement qui produit infailliblement l'anarchie, vous vous trouverez exposés à tous les dangers de l'anarchie.
Je crois cette alternative inévitable, et de ce que, dans le système d'une Assemblée législative périodique, elie est inévitable, il me semble que je n'ai pas besoin d'établir que toute Assemblée législative, pour remplir son objet, pour diriger et surveiller sans cesse le pouvoir exécutif, pour être appropriée à tous les besoins de la société, doit être perpétuellement existante.
La nécessité de la permanence ou de la perpétuité du Corps législatif est donc rigoureusement démontrée (1).
En second lieu, que faut-il pour que le pouvoir exécutif ou le gouvernement ne soit jamais tenté de franchir ses bornes naturelles ? Il faut que les agents du prince puissent être poursuivis toutes les fois qu'ils auront franchi l'espace dans lequel la loi leur prescrivait de se maintenir.
Il convient donc qu'il existe un tribunal par devant lequel ils soient tenus de répondre de leur conduite, et où les représentants de la nation puissent les traduire, quand ils se croiront bien fondés à les accuser.
Mais quel doit être ce tribunal ? Sera-ce un tribunal ordinaire? Non, et cela par deux raisons.
D'abord, parce qu'il est absurde de faire juger une accusation du Corps législatif par des tribunaux qui, pour être bien constitués, doivent lui être nécessairement inférieurs en dignité et en puissance.
Ensuite, parce que, dans un tribunal ordinaire, un ministre courrait toujours le risque d'être mal jugé : car ou, ce qui serait le plus fréquent, le tribunal ordinaire redouterait la puissance du Corps législatif, et alors il ne jugerait que comme le voudrait le Corps législatif, et le ministre innocent pourrait être sacrifié; ou, ce qui serait plus rare, mais ce qui est aussi dans le cur de l'homme, le tribunal ordinaire, naturellement jaloux de l'autorité du Corps législatif, voudrait humilier l'orgueil de ce Corps, et alors, fier de le voir à ses pieds, il ne jugerait que comme le lui suggérerait son propre orgueil, et le ministre prévaricateur pourrait être absous.
Sera-ce un tribunal extraordinaire? Non encore, et cela par trois raisons:
Qu'entendez-vous ici par un tribunal extraordinaire? Vous entendez sans doute un tribunal que l'on créera extraordinairement pour chaque circonstance, où un agent du pouvoir exécutif sera poursuivi par les représentants de la nation.
Mais, qui composera ce tribunal? Sera-ce le prince? Non; car, comme il s'agit d'une accusa-
tion intentée contre un de ses agents, il serait juge et partie.
Qui composera ce tribunal ? Sera-ce le Corps législatif? Non ; car comme il s'agit d'une accusation qu'il intente à un des agents du pouvoir exécutif, il serait aussi juge et partie.
Qui donc composera ce tribunal? J'ai ouï dire qu'on le ferait composer par les assemblées provinciales, lesquelles, toutes les fois qu'il s'agirait de juger un ministre, délégueraient des juges tirés de leur sein.
C'est-à-dire, tandis que, pour conserver l'unité de l'empire, tandis que, pour empêcher le système fédéral de naître, tandis que, pour prévenir tous les chocs des corps administrateurs des provinces avec le Corps législatif de la nation, il n'est personne qui ne pense que les corps administrateurs des provinces ne doivent avoir qu'une autorité irès-circonscrite, vous, entreprendrez-vous de leur donner une puissance supérieure à celle du Corps législatif? Vous imaginerez des circonstances où celui-ci dépendra de ceux-là; vous intervertirez toutes les habitudes de subordination si essentielles à la paix, à la prospérité commune ! Que vous êtes loin de vous douter de tout ce qu'il faut combiner pour fonder une Constitution durable 1 Que vous calculez bien peu les effets nécessaires qui doivent résulter d'un changement de rapports entre les pouvoirs et les prétentions ambitieuses auxquelles les changements de cette espèce ne manquent jamais de donner lieu 1
Mais allons plus loin. Supposons qu'il ne résulte aucun inconvénient politique de la faculté accordée aux administrations provinciales de composer le tribunal qui doit juger les ministres ; ce tribunal, môme dans cette hypothèse, sera-t-il bien tout ce qu'il doit être pour obtenir, à la fois et la confiance de l'accusateur et celle de l'accusé?
Croit-on que les représentants de la nation ayant uue correspondance constante avec leurs provinces, par exemple, ne travailleront pas à le faire composer par les administrations provinciales, à peu près comme ils le jugeront à propos, et alors quelle confiance inspirera-t-il à l'accusé?
Croit-on que si les assemblées provinciales sont mécontentes du Corps législatif, elles ne le composeront pas, au contraire, autrement que le voudra le Corps législatif, et alors quelle confiance inspirera-t-il à l'accusateur? Et puis ne remar^ quez-vous pas, à cause de cette faculté de juger les délits contre la nation, l'intérêt constant qu'aura le Corps législatif de ménager les administrations provinciales, et ne voyez-vous pas tous les abus de pouvoir qui peuvent résulter de ces ménagements à peu près inévitables?
Et puis encore, avez-vous oublié que les administrations provinciales seront chargées d'une partie du pouvoir exécutif, et ne trouvez-vous pas quelque chose de choquant à fairejuger des agents du pouvoir exécutif par d'autres agents du pouvoir exécutif, à faire prononcer sur les accusations du Corps législatif par des corps d'administrateurs que le Corps législatif lui-même peut accuser?
Ainsi, ni les tribunaux ordinaires, ni un tribunal extraordinaire ne doivent juger les agents du pouvoir exécutif.
Qui donc les jugera? Car il importe qu'ils soient jugés; il importe que la loi, concernant la respon-bilité des ministres, ne soit pas une vaine institution.
Qui les jugera? Un tribunal qui n'ait ni les inconvénients des tribunaux ordinaires, ni les inconvénients d'un tribunal extraordinaire dont je viens de parler.
Un tribunal par conséquent qui soit égal en puissance aux représentants de la nation, et qui, dès lors, participe avec la même souveraineté qu'eux aux actes législatifs.
Un tribunal qui ne soit pas composé de la môme manière que le Corps des représentants de la nation ; car s'il est composé delà même manière, il aura infailliblement le même esprit, et l'accusateur et le juge seront la même chose.
Un tribunal qui ait le même intérêt à maintenir le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif, et dont la constitution soit telle qu'il ne puisse que perdre par la diminution du pouvoir législatif, et qu'il ne puisse que perdre encore par la diminution du pouvoir exécutif.
Un tribunal, qui,de cette sorte,ait son plus grand avantage à être impartial, et qui, dans son impartialité même, aperçoive toujours son plus sûr moyen d'existence.
Enfin, un tribunal que l'opinion publique, lorsqu'elle s'égare, ne puisse modifier (car, quoi qu'oïl en dise, l'opinion d'un grand peuple, surtout lorsqu'il s'agit d'accusation, peut être facilement égarée), et dont l'indépendance soit telle que, soit qu'il punisse, soit qu'il absolve, nul n'ait le droit de le rechercher dans ses jugements.
Tel doit être incontestablement le tribunal auquel il faut confier le jugement des ministres ou des agents du pouvoir exécutif.
Or, puisqu'il convient que ce tribunal participe à la puissance législative, il est clair qu'il devient de fait une portion intégrante du Corps législatif.
De cela seul que les ministres doivent être responsables, il résulte donc nécessairement que le Corps législafetf^oit être divisé en deux Chambres.
Cependant je prévois une objection. On ne manquera pas de me dire que moi qui veux essentiellement que les pouvoirs soient distincts, afin que la liberté se conserve, néanmoins je donne aux mêmes personnes, dans mon tribunal de responsabilité, et le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Je réponds d'abord que cela serait si les juges dont il s'agit ici participaient seuls à la formation de la loi; alors ils seraient vraiment législateurs et juges; mais que les deux Chambres du Corps législatif étant nécessaires pour la formation de la loi, on voit aisément qu'il faut ici distinguer, dans les membres du tribunal,deux personnes morales absolument séparées, et qu'il est impossible de confondre la personne du législateur, qui ne peut faire de lois au gré du juge, et la personne du juge, qui ne peut ériger sa volonté en loi.
Je réponds ensuite que les juges du tribunal dont je parle ne sont pas de vrais juges, mais des jurés ; ne sont pas des hommes voués au ministère des lois, mais des hommes appelés, en de certaines circonstances extraordinaires, à déclarer que telle personne est ou n'est pas coupable ; que leur profession n'est doue pas la profession judiciaire, et qu'ainsi ce que j'ai dit ailleurs sur le danger de confondre le pouvoir législatif avec le pouvoir judiciaire ne saurait leur être appliqué. Tout cela est trop clair pour que je m'y arrête davantage.
La nécessité de diviser le Corps législatif en deux Chambres est donc encore rigoureusement démontrée.
Enfin, et en troisième lieu, que faut-il pour que le pouvoir exécutif ou le gouvernement ne soit jamais tenté de franchir ses bornes naturelles? Il faut que le droit de proposer la loi n'appartienne ni en tout ni en'partie au prince, et qu'il soit exclusivement réservé au Corps législatif.
Car, en premier lieu, si le droit de proposer la loi appartenait exclusivement au gouvernement ou au prince, comme on l'avait imaginé dans quelques anciennes républiques,il estévident qu'alors le prince ne proposerait que les lois qui lui seraient avantageuses; et parce qu'on ne pourrait délibérer qu'autant qu'il aurait proposé les objets des délibérations, on aperçoit sans peine que le Corps législatif, n'ayant aucun mouvement par lui-même, ne serait actif qu'autant qu'il conviendrait au prince, et deviendrait nul toutes les fois qu'il le voudrait.
En second lieu, si le droit de proposer et de rédiger la loi appartenait seulement, en certaines circonstances, au gouvernement ou au prince, il est évident qu'en ces circonstances au moins le Corps législatif ne pourrait délibérer sans la permission du dépositaire du pouvoir exécutif, ce qui est contraire à la nature de la puissance législative destinée à tout surveiller, et conséquem-ment à agir en tout sens ; sauf, comme nous le dirons dans peu, à modérer ou à empêcher son action quand elle devient nuisible.
De plus, il est aisé de remarquer que, dans ce système, il s'ouvrirait une source de débats interminables entre le prince et le Corps législatif : le prince cherchant à tout rapporter aux circonstances où le droit de proposer la loi lui aurait été laissé ; le Corps législatif cherchant, de son côté, à borner, de toutes les manières, ces mêmes circonstances, tous les deux travaillant sans cesse à empiéter l'un sur l'autre, et aucun ne pouvant empiéter sans qu'on n'en vit résulter ou de grands troubles ou une diminution considérable de la liberté. _ ;
La nécessité de laisser au Corps^ législatif le droit de proposer et de rédiger la loi est donc encore rigoureusement démontrée.
Ainsi donc, il est démontré que, pour que le prince ne soit autre chose que le dépositaire du pouvoir exécutif, il importe que le Corps législatif ait une existence perpétuelle, qu'il soit divisé en deux Chambres, et que le prince n'ait aucune part à la proposition et à la rédaction de la loi.
Reste à voir maintenant si ces précautions démontrées nécessaires contre le pouvoir exécutif sont suffisantes pour le contenir.
Elles seront suffisantes si, avec ces précautions, le prince ne peut être que l'instrument de la loi.
Or, avec ces précautions, il est évident que le prince ne peut agir sans la loi, puisque le Corps législatif étant permanent, il ne lui reste aucun prétexte d'agir sans son concours.
Avec ces précautions il est évident que le prince a intérêt de n'agir que d'après la loi, puisque, s'il agissait autrement, il existe un tribunal intéressé à ce que le pouvoir législatif soit respecté, par devant lequel seraient poursuivis les agents qu'il ¦ aurait mis en uvre.
Avec ces précautions il estévident que le prince ne peut transformer sa volonté en loi, puisque la faculté de proposer et de rédiger la loi lui est interdite.
Mais un prince qui ne peut agir sans la loi, qui ne peut transformer sa volonté en loi, et dont les agents sont punis toutes les fois qu'ils transgressent la loi, n'est, à coup sûr, que l'instrument de la loi.
Son pouvoir n'est donc et ne peut donc être autre chose que pouvoir exécutif.
Donc, avec les précautions dont il s'agit ici, on atrouvé la meilleure manière de limiter le pouvoir exécutif. En voilà bien assez sur la première question.
Je passe à la seconde question, c'est-à-dire à la question qui a pour objet les bornes à donner au pouvoir législatif, et je soutiens que le pouvoir législatif ne sera contenu dans ses bornes naturelles qu'autant qu'en premier lieu, indépendamment même des considérations que je viens de présenter sur la responsabilité des ministres, le Corps législatif sera divisé en deux Chambres; qu'autant, en second lieu, que le prince aura le droit, non-seulement de suspendre, mais d'arrêter l'action du Corps législatif.
Avant tout, j'ai besoin de faire remarquer en peu de mots combien il importe que le Corps législatif ne soit pas illimité dans sa puissance.
Nous ne nous sommes élevés jusqu'à présent que contre les erreurs et les abus du pouvoir exécutif, parce que ce qui a dû nous frapper le plus, en commençant la tâche qui nous est imposée, ce sont les erreurs et les abus dont nous avons été les victimes.
Mais on se tromperait étrangement si l'on pensait que le pouvoir législatif existe nécessairement et sans abus et sans erreurs ; si même on n'était pas convaincu que les effets de ce pouvoir, quand il n'est pas limité, peuvent devenir au moins aussi funestes à la liberté que les effets du pouvoir exécutif, quand pareillement il franchit les bornes dans lesquelles il doit être contenu.
Le pouvoir exécutif, s'il est aux mains d'un seul, rencontre au moins une sorte d'obstacle dans l'opinion publique; celui qui en dispose craint de se compromettre en se permettant d'en abuser outre mesure, et assez ordinairement même quand il en abuse, il met quelque modération dans l'usage qu'il en fait.
Il n'en est pas ainsi du pouvoir législatif, s'il est aux mains de plusieurs. Attendez-vous que le pouvoir législatif, confié d'une manière indéfinie à plusieurs, ne mettra point de bornes à ses entreprises ; car plusieurs, et l'expérience de tous les grands corps le prouve, ne craignent pas l'opinion publique; plusieurs mettent à envahir une persévérance dont un seul est rarement capable; plusieurs, parce qu'ils disposeront de la puissance législative, pouvant se donner toute l'autorité qu'ils imagineront, finiront donc par anéantir toutes les autres puissances.
En deux mots, le pouvoir exécutif, quand il est dans les mains d'un seul, et qu'il n'est pas circonscrit dans des limites fixes, amène le despotisme d'un seul; mais le pouvoir législatif, quand il est dans les mains de plusieurs, et qu'il y existe sans limites précises, amène l'aristocratie ou le despotisme de plusieurs; et on sait bien que le despotisme de plusieurs est plus intolérable cent fois que le despotisme*d'un seul.
Ces réflexions étaient importantes.
Je reviens maintenant à la question, et je dis, en premier lieu, que, pour contenir le pouvoir législatif dans ses bornes naturelles, il importe, comme pour la responsabilité des ministres, que le Corps législatif soit divisé en deux Chambres.
Car on conviendra sans doute avec moi que c'est un moyen très-efficace de contenir le pouvoir législatif dans ses bornes naturelles, que de l'organiser de manière à ce que, le plus qu'il sera possible, il ne fasse que de bonnes lois.
Je voudrais donner ici une idée juste de ce qu'on doit entendre par ce mot loi.
La loi, prise dans son acception la plus vraie, n'est que l'expression de la raison universelle. Il n'y a que la raison universelle qui ait le droit de commander; c'est en elle seule que réside la souveraineté véritable ; un million d'hommes ras-
semblés qui porteraient un décret contraire à ces maximes éternelles ne proclameraient pas une loi mais une injustice* et s ils voulaient me contraindre à obéir à leurs décrets, je ne verrais dans cette contrainte qu'une force aveugle qui agit, et non pas une autorité légitime qu il me faudrait respecter.
La loi est l'opposé de la volonté simple. Partout où il n'y a que volonté, il y a despotisme; partout où il existe un accord de la raison et de la volonté, il y a loi.
Pourquoi donc dites-vous que la loi est l'ex-
{cession de la volonté générale? parce que la vo-onté vraiment générale est toujours une volonté conforme à l'intérêt de l'humanité entière, et que tout ce qui convient à l'intérêt de l'humanité n'est jamais en opposition avec la raison.
Ainsi vous ne définissez la loi l'expression de la volonté générale que parce que la volonté générale manifestée ne peut être autre chose que l'expression de la raison.
L'essentiel pour faire une vraie loi, ou une bonne loi, est donc de placer ceux qui délibèrent dans des circonstances où, autant qu'il sera possible, ils n'aient que la volonté générale à exprimer.
C'est à trouver ces circonstances que les grands législateurs se sont particulièrement attachés.
Or, la volonté générale n'ayant pour objet que l'intérêt commun, il est clair que vous courez le risque de ne pas la rencontrer partout où les hommes peuvent être mus par un intérêt particulier.
La volonté générale n'ayant pour objet que l'intérêt commun, il est clair que vous courez le risque de ne pas la rencontrer partout où les hommes peuvent être mus par une passion particulière, attendu qu'une passion particulière est toujours déterminée vers un objet particulier.
La volonté générale n'ayant pour objet que l'intérêt commun, il est clair que vous courez le risque de ne pas la rencontrer partout où il existera une grande facilité de tromper les hommes, car les nommes trompés obéissent et ne veulent pas.
De plus, il faut avoir égard à la nature de l'esprit humain, qui est de se passionner pour tout ce qui devient l'objet de son attention, de manière que, s'il a commencé par mal voir, il verra toujours mal, à moins que vous ne parveniez, pour ainsi dire, à rompre son attention, à moins que vous ne le forciez, par un moyen quelconque, à se distraire de son objet pour y revenir avec plus de calme et de tranquillité.
De plus, il faut considérer ce qui résulte des diverses positions dans lesquelles les hommes peuvent être placés. Il en est des positions morales comme des positions physiques. Si je demeure dans une même position physique, je ne verrai, de l'objet qui m'est offert, que le côté qui est vis-à-vis de moi; si, au contraire, je change de position, je puis le voir sous toutes ses faces. Si je demeure dans la même position morale, je ne verrai pareillement* de l'objet moral que j'examinerai, que ce qui est relatif à la position où je me trouve; si je change de position morale, je puis le voir aussi sous toutes ses faces. La manière de juger varie donc comme les positions, et vous vous exposez toujours à mal juger* quand vous ne jugez que d'après une seule.
Il me semble que ces maximes sont évidentes.
Mais de ces maximes évidentes que résulte-t-il? Ceci, certainement, que, pour obtenir une bonne loi, une loi qui ne soit que l'expression de la volonté générale,
11 faut : 1° Qiie ceux qui délibèrent ne puissent. être mus, autant qu'il sera possible, par aucun intérêt, par aucune passion particulière.
Il faut2° Que ceux qui délibèrent rte puissent être facilement trompés.
11 faut : 3° Que la loi ne soit pas le résultat d'Une seule délibération * et que les individus qui sont chargés de la former ne soient pàs tous placés dans la même position morale;
Je crois ces conséquences au-dessUs de toute objection. Or, si vous êtes forcés de les admettre, je ne conçois plus comment vous pourriez voUs arrêtel-à l'idée d'une Assemblée législative unique.
Car, en premier lieu, dans toute Assemblée, il y a toujours quelques hommes qui conduisent, et si ceux-là sont mus par Un intérêt ou Une pas sion particulière, ne pourrait-il pas arriver que votre Assemblée, croyant n'obéir qu'à la volonté générale* n'obéirait qu'à leur volonté, et si elle y obéissait, qUel tndyett imàgiherie^-vous pour la faire revenir de ses erreurs?
En second lieu, les hommes ambitieUx veulent d'autant plus conduire qu'ils ont plus d'espoir de succès en conduisant, et ne voyez-vous pas que, votre Assemblée étant unique, leur ambition sera d'autant plus excitée que, s'ils sont une fois les maîtres de cette Assemblée unique, rieu ne s'opposera davantage à leur puissance; et vous flattez-vous de rencontrer la volonté générale en excitant l'ambition?
En troisième lieu, leS hommes assemblés examinent d'autant moins (car, èii général, nous ne faisons jamais que ce due nous tte pouvons nous dispenset* de faire) qu ils se reposent davantage les uns sur les autres du travail pénible qu'exige tout examen un peu Sérieux, et je ne connais pas de manière plus sûre de les forcer à l'àttention, que de soumettre à Un nouvel examen Ce qu'ils ont d'abord examiné ; alors, là crainte du blâme les force à n'adopter une opinion qu'àUtant qu'ils en ont profondément calculé les résultats, et, au moins, vous n'avez pas à redouter les inconvénients des décisions précipitées. 01-, aVec Une Assemblée unique, comment ConCeVéz-vous possibilité de deux examens?
Vainement direz-vous que, sans renoncet* à l'idée d'une Assemblée Unique, il est possible de l'organiser avec de telles précautions qu'il n'en résulte aucUn des darigers dottt je parle; qu'on peut, par exemple, la diviser en bureaux, et ordonner que la loi ne sera rédigée qu'après avoir passé par l'examen de Ces bureaux ; qu'on peut encore laisser un intervalle entre l'a discussion dans les bureaux et la rédaction ; que par de tels moyens on romprait le mouvement des passions particulières, on aurait le temps de se délier de sa propre préoccupation, et on finirait par se trouver dans une situation assez calme pour délibérer de sang-froid, et ne résoudre qu'après avoir utilement délibéré.
D'abord* qui empêchera l'Assemblée unique de se soustraire, quand elle le voudra, aux lois qu'elle aura faites? Ces lois fussent-elles utte partie de la Constitution, qui l'arrêtera dans son mouvement, quand elle trouvera bon de ne pas y obéir? Observez ce qui se passe ici. Voyez comme a chaque instant, tourmentés par les circonstances tjui nous accablent, entraînés par des événements imprévus, et par une foule d'intérêts secrets qui multiplient au besoin ces événements, tous les jours il nous arrive de manquer aux formes dans lesquelles nous nous sommes comme enveloppés nous mêmes ; voyez comme ces formes sont peu Inspectées, lorsquenouscroyonsremarquerqu'elles
nous font obstacle dans la carrière que nous voulons parcourir; et demandez-vous si votre Assemblée unique, une fois fondée, et nulle puissance n'étant égale à la siehne* il ne lui sera pas aisé, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre, et r toujours sous le prétexte du bien public, mot dont on abusé si facilement, de rompre toutes les mesures que vous aurez cru devoir prendre pour procurer à ses délibérations le calme et la maturité nécessaires.
Et puis quand Votre Assemblée serait divisée en bureaux; quand, par un moyen que je n'imagine pas, vous réussiriez à l'assujettir pleinement à la ? loi de ne jamais décréter aucune délibération que l'objet n'en eût été auparavant discuté dans les bureaux; quand vous parviendriez à fixer un intervalle qu'il lui serait comme impossible de franchir, entre la discussion d'un objet et sa décision, que résulterait-il de toutes ces précautions ? , Ne savez-vous pas qu'il se forme toujdurs dans chaque corps un esprit particulier , parce que partout où vous assemblez des hommes il leur faut f* des habitudes communes? Ne savez-vous pas que l'esprit particulier d'un corps tend toujours à accroître la puissance de ce corps? Ne voyez-Vous pas dès lors que vous aurez beau diviser en bureaux votre Corps législatif pour le faire délibérer à part avant que de le faire délibérer en commun, ne , voyez-vous pas, dis-je, que ce sera toujours d'auprès l'esprit général de corps que les bureaux * délibéreront? Et si tout esprit de corps est un esprit d'ambition, si tout esprit d'ambition ne devient compatible avec l'intérêt général qu'autant qu'il y aperçoit son intérêt particulier, ai-je besoin de vous dire que vous n'aurez de bonnes lois qu'autant que le Corps législatif y trouvera Un , moyen d'augmenter sa puissance (1)?
De plus, ne soyons pas ici dupes des mots. Est-K il bien vrai que, par les précautions que vous " voulez prendre, les lois passeront par deux ou plusieurs examens? Examine-t-on deux fois, exa-mine-t-on plusieurs fois, quand c'est avec le même esprit qu'on examine, quand on demeure dans la même position pour examiner? Or; votre Assemblée unique, ne changeant jamais de position, en conséquence toujours préoccupée de la même manière, pourra-t-elle se séparer assez bien et de j son esprit, et de sa position, et de la préoccupation naturelle que ces deux circonstances feront r naître infailliblement, pour voir tantôt sous un point de vue, tantôt sous un autre, et toujours d'une manière étrangère à elle-même, l'objet qui sera soumis à ses délibérations? Quand il s'agit de créer des institutions pour gouverner les hommes, comptez donc un peu pour quelque chose . leurs penchants, leurs préjugés, leur orgueil surtout, qu'il est si facile d'émouvoir et si facile d'apaiser^ et ne composez pas avec eux comme avec *des êtres impassibles, qui ne vont qu'autant qu'une force extérieure les détermine.
En voilà bien assez pour vous démontrer tous les dangers d'une Assemblée unique; en > voilà bien assez pour vous prouver qu'il importe que votre Corps législatif soit divisé en deux -Chambres, et, afin que la loi passe par deux examens, en deux Chambres dont l'esprit ne soit pas
absolument le même, en deux Chambres dont l'organisation par conséquent soit différente, eh deux Chambres qui, n'ayant pas une ambition semblable, et ne pbuVant exercer leur ambition particulière qu'au détriment l'une de l'autre, se trouvent comme involontairement forcées de se dépouille!' de leur ambition particulière, et n'aient plus dès lors ttue l'intérêt général pour motif et pour terme de lèurs décisions.
Je sais que vous n'aimez pas qu'on vous cite l'expérience des autres peuples, je sais que déjà nous nous croyons assez sages pour nous passer de modèles, et n'emprunter que de nous-mêmes les maximes que noUs devons suivre. Cependant, souffrez que je vous invite à jetet* les yeux, à l'exemple de mes collègues, sur les institutions qui régissent aujourd'hui l'Amérique anglaise. Les hommes qui Oht travaillé à ces institutions ne sont pas, quoiqu'on en dise, des hommes ordinaires : miêux que nous ils savaient comment il faut entretenir et conserver la liberté, mieUx que nous ils savaient ce qui la préserve et ce qUi la détruit, et voyez avec quelle attention ils së feont rapprochés de la constitution d'Angleterre pour tout cé qui concerne la distinction et la limitation des pouvoirs. Voyez comme partout ils Ont divisé le Corps législatif en deux Chambres,et attachez-vous de plus à remarquer les diverses précautions qu'ils ont prises afin que l'esprit d'une Chambre ressemblât le moins qu'il serait possible à l'esprit de l'autre, et que la loi, effet d'une passion, d'un mouvemënt inconsidéré dans la première, ne fût pas encore l'effet du même mouvement, de la même passion dans la seconde.
Ce n'est pas tout, et je dis en second lieu que non-seulement il irhpotte, afin que la puissance législative soit contenue dans ses bornes naturelles, que le Corps législatif soit divisé en deux Chambres; mais qu'il faut de plus que le prince ou le dépositaire du pouvoir exécutif ait une influence décidée sur les résolutions du Corps législatif.
J'ai déjà parlé, en m'occttpant de la responsabilité des ministres, de la manière dont il convient de composer une des deux Chambres du Corps législatif. J'ai déjà fait sentir qu'il importe qu'il se trouve dans le Corps législatif Une Chambre qui ait autant d'intérêt au maintien du pouvoir exécutif qu'au maintien du pouvoir législatif, mais ce n'est point assez.
Chaque pouvoir a son objet d'ambition ; l'objet d'ambition du pouvoir législatif est la participation au pouvoir exécutif ; comme l'objet d'ambition dU pouvoir exécutif est la participation au
Souvoir législatif. Or, celle des deux Chambres u Corps législatif qui serait plus particulièrement intérressée à la Conservation du pouvoir exécutif tiendrait certainement ce pouvoir absolument daus la dépendance s'il n'avait en lui-même un principe naturel de défense; elle le garantirait sans doute des effets de l'afflbitiOn de l'autre Chambre, parce qu'il lui importerait de le conserver dans toute son intégrité; mais en le garantissant, il est évident qu'elle ii'en ferait qu'un instrument passif de ses Volontés, parce que tout individu physique Ou moral, quitte peut se protéger par sa propre force, est nécessairement feoUttiis à la forcé qui le protège.
Non-seulemë'nt il faut dtinc, afin que le pouvoir législatif ne soit qUe ce qu'il doit être, pour qu'il n'envahisse pas le pouvoir exécutif, qu'il y ait dans le Corps législatif Une Chambre qui ait un intérêt constant à garantir Le pouvoir exécutif; mais il importe encore que le pouvoir exécutif
ait un moyen de se garantir qui lui soit propre.
Or, maintenant quel doit être ce moyen? Faut-il qu'aucun acte émané du Corps législatif ne puisse avoir force de loi sans le consentement du prince? Ou bien faut-il que le prince, quand il le croira convenable à l'intérêt public, ait le droit de suspendre, seulement pendant un certain temps, l'exécution des actes du Corps législatif?
Il est clair que si la faculté de suspendre l'exécution des actes du Corps législatif suffit pour borner les entreprises de ce Corps, le prince ne doit jouir que de cette faculté, car dans une bonne Constitution toute autorité qui n'est pas nécessaire est un abus.
Mais il sera clair aussi que si la faculté de suspendre ne suffit pas pour arrêter les entreprises du Corps législatif, absolument il faudra recourir à la faculté d'empêcher,absolument il faudra reconnaître qu'il importe qu'aucun acte du Corps législatif n'ait force de loi qu'autant que le prince y aura consenti.
Voyons donc d'abord si la faculté de suspendre est suffisante.
Dans ce système, quand le prince use de son droit, il ne fait autre chose que déclarer qu'il ne croit pas utile, ou qu'il croit mauvaise la loi qu'on lui présente, et en conséquence il invite le Corps législatif à l'examiner de nouveau pendant un intervalle de temps fixé par la Constitution ;mais si, cet intervalle de temps écoulé, le Corps législatif persiste dans sa première résolution, le prince est nécessairement obligé de promulguer la loi.
Or, j'affirme qu'avec un pareil ordre de choses, le pouvoir législatif n'est réellement contenu dans aucune limite.
Car il n'est pas besoin de beaucoup de sagacité pour apercevoir qu'il ne faudra que de la persévérance au Corps législatif pour faire passer telle loi qu'il voudra, et qu'il mettra d'autant plus d'opiniâtreté à persévérer dans une résolution une fois prise, que son orgueil sera plus choqué de la résistance que le prince aura cru devoir y apporter.
Je sais bien que vous ne manquerez pas de dire que dans l'intervalle fixé par la Constitution pour l'exercice du droit de suspendre, l'opinion publique se formera nécessairement sur la loi proposée, et que si elle est contraire à la loi, le Corps législatif n'osera pas persévérer dans sa résolution.
Ici, je vous prierai de vous ressouvenir de ce que je vous ai déjà fait observer plus haut, que les grands Corps ne respectent pas l'opinion publique. Ici je vous prierai de remarquer que non-seulement ils ne respectent pas toujours l'opinion publique, mais qu'ils peuvent facilement la corrompre. Or, songez à ce que devient capable de tenter une Assemblée de législateurs, intéressée, par son amour-propre, à faire prévaloir ce qu'elle aura une fois décidé, apercevant, dans sa lutte avec le dépositaire du pouvoir exécutif, une humiliation d'autant plus certaine, que ce ne sera qu'après avoir perdu laconfiance de la nation quelle succombera ; et parce qu'une Assemblée de législateurs est infailliblement la première; la plus formidable de toutes les puissances, et parce que les hommes qui n'osent penser d'après eux-mêmes sont toujours du parti de la puissance qui domine, voyez comme l'envie de plaire à cette puissance impérieuse empêchera l'essor de toutes les idées,comme elle va mettre dans sa dépendance tous ces écrivains mercenaires, tour à tour apôtres de la licence et de la tyrannie, et ne parlant ja-
mais comme ils pensent, mais comme ils craignent 1 ); réfléchissez aux intrigues,aux cabales, aux manuvres de toute espèce, aux relations sourdes contre le prince, aux calomnies secrètes contre ceux qui ne seront pas de l'avis qui aura prévalu, qu'exciteront ou feront répandre dans les provinces ceux des membres du Corps législatif qui mettront un plus grand intérêt à triompher; et au milieu de tous ces mouvements, où sera, je vous prie, l'opinion publique? Et pour peu que le Corps législatif soit parvenu à la rendre incertaine, dites-moi s'il sera tenté de revenir sur ses pas, et de quelle manière vous vous y prendrez pour l'engager à examiner de nouveau ce qu'il aura d'abord résolu?
Je sais que vous direz encore qu'il est possible de prévenir tous ces inconvénients en arrêtant que toutes les fois que le prince se croira dans la nécessité d'exercer son droit de suspendre, il sera tenu de dissoudre le Corps législatif et d'inviter sur-le-champ les provinces à en constituer un autre, avec ordre aux provinces de manifester leur opinion sur la loi suspendue, dans les instructions qu'elles donneront à leurs nouveaux députés.
Mais dois-je vous répéter ici ce qu'on vous a dit avant moi, sur les convulsions de toute espèce qu'occasionnera nécessairement dans l'empireun droit qui ne peut êtreexercé qu'autant qu'à chaque fois qu'on l'exerce il faut dissoudre le premier Corps de l'empire? Ne voyez-vous pas quelle source de division interminable vous allez ouvrir, non-seulement dans chaque province, mais dans chaque bailliage ? et si les provinces, si les bailliages jugent d'une manière différente les uns des autres la loi proposée, qui pourra les accorder entre eux, et à quelle anarchie des principes ne faudra-t-il pas vous attendre ?
De plus, qui vous dit que la précaution de dissoudre le Corps politique à l'instant où la suspension de la loi sera prononcée, suffira pour prévenir l'influence de ce Corps sur l'opinion publique? Quoi! vous pensez que les membres du Corps politique ainsi dissous, de retour dans les provinces, garderont le silencePVous croyez que leur orgueil, exalté au plus haut degré par l'acte du pouvoir exécutif qui les aura frappés de nullité, leur permettra de rester impassibles ? Quoi ! vous ne sentez pas que, dans une position pareille, ils doivent tout tenter pour se faire réélire,ou du moins pour faire élire des hommes qui pensent comme eux, et qu'ainsi, soit qu'ils succombent, soit qu'ils réu-sissent, vous n'en aurez pas moins des querelles intestines et toutes les dépravations morales que ce genre de querelle entraîne ordinairement à sa suite ?
Ce n'est pas tout. Est-ce une Constitution mobile que vous voulez, c'est-à-dire, une Constitution que les passions particulières puissent changer, troubler, briser à chaque instant ; ou bien voulez-vous une Constitution fixe, c'est-à-dire une Constitution qui ne puisse s'améliorer que d'après une certaine forme? Car je conviens qu'il ne doit rien y avoir d'absolument fixe dans les établissements humains.
Dans le premier cas, je l'avoue, vous avez trouvé tout ce qu'il vous faut pour obtenir les succès funestes que vous poursuivez. Parce qu'il n'y a pas de loi que de près ou de loin on ne puisse rapporter à la Constitution, vous devez bien sentir qu'en renvoyant aux bailliages l'examen de toute loi suspendue, vous n'y renverrez aussi que trop souvent l'examen de la Constitution même, et surtout Vexamen du pouvoir qui aura suspendu la loi ; vous devez bien sentir qu'excités par les membres du Corps législatif, qui ne manqueront fas, à leur retour dans les provinces, de répéter, jusqu'à satiété, que la Constitution est en danger, que le prince attaque les droits de la nation, les représentants des bailliages ne s'assembleront certainement nulle part sans (ju'il ne s'élève des questions pour changer, modifier, anéantir tel ou tel pouvoir dans l'Etat ; et alors, je vous le demande, de quel repos jouirons-nous, et que deviendra notre liberté parmi des agitations sans cesse renaissantes?
Dans le second cas, et si vous voulez une Constitution fixe, c'est-à-dire une Constitution qui ne puisse s'améliorer que d'après des formes tran-
uiîles, apprenez-moi comment la stabilité d'une
onstitution peut résulter des éléments tumultueux que vous assemblez aujourd'hui ? Montrez-moi comment elle durera, cette Constitution, quand, par la manière dont vous la formez, vous excitez des passions au lieu d'ordonner des habitudes ; quand,entraînés parles maximes d'une vaine philosophie, vous mettez l'inquiétude dans tous les curs, l'exaltation dans toutes les têtes, la défiance dans toutes les âmes ; quand, oubliant qu'une bonne Constitution doit avoir surtout pour objet la meilleure organisation morale d'un peuple, parce que c'est surtout par les murs que le peuple conserve sa liberté, et ne remarquant pas assez que les murs ne peuvent se former que par des affections douces et paisibles, vous instituez un ordre de choses perpétuellement con-vulsif, un ordre dechoses où toutes lesambitions particulières, c'est-à-dire tous les mouvements qui ont constamment détruit les empires, peuvent se développer avec tant de facilité, et une énergie malheureusement si funeste.
Enfln, je sais qu'effrayés en effet des dangers sans nombre qu'entraîne le projet de faire dissoudre le Corps législatif par le prince, toutes les fois que celui-ci estimera convenable d'user de son droit de suspendre, quelques-uns d'entre vous proposent d'arrêter que le prince, en pareille circonstance, ne dissoudra pas le Corps législatif ; mais que, si après deux ou trois législatures, c'est-à-dire après que le Corps législatif aura été renouvelé une ou deux fois, aux époques naturelles de sa génération, ce Corps persiste dans ses résolutions, alors seulement le prince sera obligé de sanctionner la loi suspendue.
De cette manière, le droit de suspendre la loi n'opérerait aucune convulsion, aucun bouleversement dans l'empire. Si le Corps législatif, après un ou deux renouvellements, persistait dans sa première résolution, ce serait une preuve que la nation, de qui dépendent de tels renouvellements, et qui aurait toujours composé le Corps législa tif de gens pensant de la même manière, approuverait la loi; et, dans ce cas, la volonté de la nation étant au-dessus de tout, le prince serait obligé de sanctionner la loi. Si, au contraire, le Corps législatif, après un ou deux renouvellements,aban-douuait sa résolution, ce serait une preuve que la nation, qui aurait recomposé le Corps législatif de gens pensant d'une autre manière, n'approu-
verait pas la loi ; et dans ce cas, la volonté suprême de la nation étant clairement manifestée, le prince, fort de cette volonté, ne courrait aucun risque en rejetant la loi.
Ainsi l'opinion publique pourrait se développer sans trouble, sans division, et le prince, toujours éclairé par elle, ne se trouverait jamais dans le cas de mériter sa censure.
Ici j'ai plus dune réponse à faire. D'abord je trouve que la législature qui proposera une loi à la sanction du prince aura sans doute quelque envie de la faire adopter, car autrement elle ne la proposerait pas. En conséquence, en même temps qu'elle la proposera, il demeure toujours démontré qu'elle ne négligera rien pour forcer le consentement du prince ; et comme ce consentement dépendra de la volonté des commettants du Corps législatif,il demeure toujours également démontré que les membres du Corps législatif seront dans une correspondance perpétuelle d'intrigues avec leurscommettants,afin de leurfaire partager l'opinion qu'ils auront adoptée, et de les opposer ensuite au prince avec quelques succès.
En second lieu, je trouve que dans cette nouvelle hypothèse, comme dans la précédente, loin de diminuer l'influence du Corps législatif sur les bailliages, vous ne faites,au contraire, que la rendre plus considérable : car s'il vous a été prouvé que les membres du Corps législatif, après leur dissolution, auront encore un grand intérêt à mettre les bailliages dans leur partie, et de grands moyens pour y parvenir, vous devez certes bien imaginer que le Corps législatif subsistant dans toute sa force, avec un intérêt non moins actif à s'emparer des bailliages, aura bieuplus de motifs pour les associer à sa cause.
En troisième lieu, j'observe que vous ne faites pas disparaîre ici le danger de renvoyer aux bailliages l'examen des lois suspendues ; que toute la différence qui se trouve à cet égard entre votre système et Je système précédent, c'est que dans le précédent les bailliages examinent après la dissolution du Corps législatif, et que dans celui-ci ils examinent tous les deux ans après son extinction naturelle. Or, cette petite différence n'empêchera certainement pas que chaque bailliage ne devienne un foyer de discussion lors de la recomposition du Corps législatif ; cette petite différence n'empêchera pas gue, dans les bailliages, les membres du Corps législatif qui viendra de terminer ses séances ne manuvrent contre le prince pour y faire prévaloir les lois suspendues, avec autant d'activité que les membres du Corps législatif que le prince aurait dissous ; enfin, cette petite différence n'empêchera pas que les députés des bailliages, représentant la nation d'une manière plus immédiate, n'agitent, comme je l'ai déjà dit, toutes les fois qu'ils seront assemblés, à propos des questions qui seront soumises à leur examen, une foule d'autres questions relatives à leur constitution, et qu'ainsi on ne puisse jamais compter sur un système politique durable, et sur les habitudes profondes et paisibles qu'un système politique durable produit infailliblement.
Vous voyez donc ici renaître, sous une autre forme, les inconvénients nombreux que je vous ai fait remarquer dans le système que je viens de combattre.
En vain prétendrez-vous que dans l'espace de trois législatures, il est comme impossible que la fureur des parties ne s'apaise pas, que les intrigues particulières ne soient déjouées, que l'ambition personnelle ne se lasse.
D'abord je vous dirai que c'est toujours un ordre
dp choses essentiellement mauvais, essentiellement corrupteur de tous les prjnpipes de la société, essentiellement immoral que celui qui ne pouvant subsister sans engendrer des partis, sans donner lieu à des intrigues, sans fournir un aliment à l'ambition, ne laisse que l'espoir incertain de voir l'ambition, les intrigues, les partis finir d'eux-mêmes, après un espace de temps plus ou moins long.
Et puis, j'ajouterai que c'est en vérité bien peu connaître les hommes que de compter, en excitant perpétuellement leurs passions, sur la nullité des effets qu'elles peuvent produire.
Prenez donc garde que jamais le prince ne refusera sa sanction que lorsqu'il apercevra grand intérêt à le faire; que lorsqu'il croira remarquer, par exemple, que s'il l'accorde, ou il se compromet lui-même, ou il compromet essentiellement la chose publique. Ce ne sera donc qu'en matière grave qu'il suspendra la loi proposée ; et si c'est en matière grave, sa lutte avec le Corps législatif sera d'autant plus sérieuse et d'autant plus durable qu'il s'agira d'un objet plus important; que déplus,en dernière analyse,ainsi que je crois déjà l'avoir observé,la perte de l'estime ou delà confiance de la nation sera le résultat nécessaire d'un mauvais supcès pour celui des deux qui succombera. Or,dans une pareille position, et quand de si puissants motifs déterminent à tout tenter pour éviter une défaite,comment parviendrez-vous à me persuader que le Corps législatif avec des moyens infiniment supérieurs à ceux du prince pour triompher, se fatiguera lui-même de sa longue persévérance9 Gomment ne sentez-vous pas qu'à l'instant où une loi sera suspendue, l'existence politique de ceux qui l'auront proposée se trouvera comme naturellement liée avec la destinée de la loi ; et alors, après ce que je viens de vous dire, eomment ne voyez-vous pas tout ce qu'ils peuvent employer d'opiniâtreté et de combinaisons dangereuses pour entretenir dans la nation une fermentation favorable à leurs vues.
Ainsi donc, quoi que vous fassiez, il vous est impossible de ne pas convenir que si la Constitution n'accorde au prince que la faculté de suspendre la loi, il ne pourra exercer cette faculté, sans qu'il ne coure de grands risques pour lui-même, sans qu'en l'exerçant, il n'Opère de grand? troubles dans l'empire, sans qu'il ne s'expose à tous les dangers d'un combat inégal, et qui, quelle qu'en soit l'issue, compromettra toujours la paix publique, en maintenant la société dans un état d effervescence à peu près habituel.
Mais une faculté dont on ne peut user sans s'exposer à produire de si grands maux est une faculté dont on n'use pas. Nul n'est empressé de changer déposition, quelque incommode qu'elle soit, contre une position plus incertaine, et surtout plus dangereuse.
Tenez donc pour démontré qu'en accordant au prince le droit de suspendre les lois proposées, vous ne lui accordez véritablement aucun droit ; que cette influence, que vous me paraissez lui laisser sur les délibération? dq Corps législatif, n'est qu'une influence chimérique; que loin d'avoir trouvé un moyen de borner les entreprises du Corps législatif, vous n avez, au cqptraire, trouvé qu'un moyen d'exalter seg prétentions et d'irriter son orgueil.
La faculté de suspendre la loi est donc absolument insuffisante pour contenir le pouyoir lé? gislatif dans ses bornes naturelles.
Avec cette faculté suspensive, vous n'empêche-
rez donc pas que le pouvoir législatif ne soit pouvoir illimité dans la Constitution.
Et comme un pouvoir ne peut être illimité dans la Constitution sans envahir tous les autres,
Avec cette faculté suspensive, vous n'empêcherez donc pas que le pouvoir législatif ne finisse par envahir tous les pouvoirs, et surtout le pouvoir exécutif.
Et comme la confusion des pouvoirs détruit la liberté,
Avec celte faculté suspensive, vous n'empêcherez donc pas que le pouvoir législatif ne finisse enfin par détruire la liberté.
Or, de là que résulte-t-il ? Ceci certainement :
Qu'afin que la liberté soit maintenue, et que le pouvoir législatif ne franchisse pas ses bornes naturelles, il faut trouver un autre moyen que la faculté suspensive dont vous me parlez.
Mais, il n'y a pas de milieu entre la faculté de suspendre les délibérations du Corps législatif et la faculté de les arrêter.
De là, que résulte-t-il donc en dernière analyse? Que l'intérêt de la liberté exige que vous accordiez au prince la faculté indéfinie d'arrêter les délibérations du Corps législatif.
Je crois cette suite de raisonnement impossible à combattre.
Cependant, je ne veux rien dissimuler, et je trouve ici trois objections à résoudre.
Premièrement, dit-on, en accordant à un seul homme la faculté de rendre nulles les délibérations du Corps législatif, vous mettez nécessairement la nation dans la dépendance d'un seul homme.
Je réponds que ce raisonnement serait soute-nable, si cet homme, en même temps qu'il peut rendre nulles les délibérations du Corps législatif, avait le droit de mettre sa propre volonté à la place delà volonté du Corps législatif; mais vous avez vu que le prince ne peut gouverner que par la loi, et vous savez de plus que la loi est tout entière l'ouvrage du Corps législatif. En même temps que je donne au prince la faculté d'empêcher que telle ou telle loi ne soit promulguée, je ne lui donne donc pas le droit de faire telle ou telle loi ; et parce que la nation n'obéit qu'à la loi, il est clair que, sous aucun point de vue, vous ne pouvez regarder la nation comme dans la dépendance du prince.
En second lieu, ditron, le Corps législatif exprime, par ses actes, la volonté générale, et le prince n'exprime, par les siens, qu'une volonté particulière. Or, il est absurde d'arrêter, par l'exercice d'une volonté particulière, le mouvement de la volonté générale.
Je réponds, d'après les principes que j'ai ci-devant exposés, qu'il est faux que le Corps législatif exprime toujoprs par ses actes la volonté générale ; que, pour qu'il l'exprimât toujours, il faudrait, comme je l'ai prouvé, qu'en délibérant il pût être exempt de toute espèce de passion, ou d'intérêt particulier ; que la probabilité qu'il est exempt de toute espèce de passion, ou d'intérêt particulier, diminue, comme je l'ai également prouvé, en raison de ce que la puissance du Corps législatif est plus illimitée ; qu'une volonté qui n'agit quepour empêcher la pujssanpe du Corps législatif d'être illimitée, loin de s'opposer au développement de la volonté générale, tend donc, au contraire, à rendre ce développement plus régulier et plus sûr; que dès lors, si la nation, après avoir senti la nécessité d'empêcher les écarts dangereux de la puissance législative, a trouvé qu'il importait de laisser au prince un pouvoir suffisant pour cet
objet le pouvoir du prince, à cet égard, est un pouvoir tout aussi national que le pouvoir des membres du Corps législatif, quand ils délibèrent sur une loi ; que la volonté du prince, lorsqu'il exerce ce pouvoir, ne saurait donc être regardée comme une volonté privée ; que c'est donc une volonté nationale, et qu'ici la prétendue opposition entre la volonté générale et une volonté particulière n'est qu'une chimère que le plus léger examen fait disparaître.
En troisième lieu, ajoute-t-on, parce que vous accordez au prince la faculté de s'opposer aux délibérations du Corps législatif, vous le mettrez souvent dans le cas d'empêcher qu'une bonne loi soit promulguée ; et ne faites-vous pas un grand mal politique en souffrant qu'il existe dans l'Etat une autorité assez considérable pour empêcher la promulgation d'une bonne loi?
Je puis d'abord répondre, comme on l'a fait avant moi, qu'entre les lois que vous présenterez au prince, les unes seront avantageuses aux sujets, les autres pourront nuire à la prérogative du prince - que, quant aux lois qui peuvent nuire à la prérogative du prince, c'est un bien qu'il en empêche la promulgation, puisque sa prérogative n'est instituée que pour protéger la liberté nationale, puisque, dès lors, toute loi qui diminue cette prérogative est essentiellement mauvaise ; que, quant aux lois qui seront avantageuses aux sujets, le prince n'a aucun intérêt à s'y opposer, attendu que plus les sujets prospéreront, et plus lui-même sera puissant; et qu'ainsi vous n'avez pas à cr'aindre, autant qu'on affecte de le dire, que le priqce empêche la promulgation d'une bonne loi.
Je puis ensuite vous répondre qu'il est infiniment moins dangereux de manquer d'une bonne loi que d'en avoir de mauvaises, et yous savez que c'est le despotisme qui enfante les mauvaises lois, c'est-à-dire les lois nuisibles à la liberté-Vous savez que le despotisme, soit qu'il existe dans les mains d'un seul, soit qu'il repose dans les mains de plusieurs, ne résulte, ainsi que je l'ai démontré, que de la confusion des pouvoirs. Vous n'avez pas oublié ce que je viens de vous démontrer également, que le pouvoir législatif tend nécessairement à envahir tous les autres pouvoirs, s'il ne se trouve personne qui ait la faculté d'en arrêter l'action. Vous n'avez donc pas oublié que le pouvoir législatif dès qu'il est illimité devient despotique. Or, c'est à vous maintenant de choisir entre un ordre de choses qui, en produisant le despotisme de plusieurs, peut donner lieu à beaucoup de mauvaises lois, et un ordre de choses qui, en empêchant ce même despotisme, peut quelquefois vous exposer à manquer longtemps d'une bonqe loi.
Enfin, je puis vous dire qu'il est faux, dans le système que je vous présente, que vous soyez exposés à manquer longtemps d'une bonne loi.
Qu'estrce que fait le prince en refusant son consentement à une loi? Il déclare qu'il l'examinera. Car voilà en quoi consiste son refus ; et que signifie ce refus? Que si, dans la suite, le prince vient à découvrir que la loi qu'il a refusée est avantageuse, et qu'elle lui soit présentée de nouveau, suivant de certaines formes, qui seront indiquées par la Constitution, il la sanctionnera. Ainsi, je ne force ici, en aucune manière, le consentement du prince : mais, en même temps, je me ménage tous les moyens de l'éclairer sur la valeur de la loi qui lui est présentée, et il ne s'agit plus que de trouver, quand la loi sera bonne, une manière de prouver qu'elle est bonne, à la-
quelle il lui soit comme impossible de résister.
Or, en quoi consiste cette manière ? A organiser l'opinion publique de façon qu'el}e n'exprime jamais autre chose que la vérité.
L'opinion publique n'est tout ce qu'elle doit être, elle ne devient l'expression naturelle de la vérité, qu'autant qu'elle est parfaitement libre.
L'opinion publique n'est parfaitement libre qu'autant qu'elle se développe d'une manière douce et tranquille, croissait comme la lumière du jour, s'étendant, pour ainsi dire, dans les esprits, comme celle-ci s'étend dans l'espace, par un mouvement toujours uniforme et toujours paisible.
Or, l'opinion publique ainsi formée est de toutes les puissances celle à laquelle on résiste le moins; elle est véritablement le produit de toutes les intelligences et de toutes les volontés; on peut la regarder, en quelque sorte, comme la conscience manifestée d'une nation entière, et vous voyez bien qu'il est impossible qu'elle se montre sans forcer tous les préjugés à se taire, toutes les prétentions particulières à disparaître.
Mais, comment faire pour organiser ainsi l'opinion publique?
C'est ici que je ne puis m'empêcher de vous répéter ce que je vous ai dit en commençant, que les questions que vous agitez sont prématurées. Si, avant tout, il nous avait été permis de vous rendre compte de nos idées sur les administrations provinciales, sur les municipalités, et principalement sur un système d'éducation publique, approprié à toutes les classes de la société, vous auriez vu comment, au moyen de toutes ces institutions particulières, il était possible de donner au peuple de grandes et profondes habitudes, d'ordonner toutes ses affections pour l'utilité commune, de rétablir ses murs, et en rétablissant ses murs, de lui faire, pour ainsi dire, une autre intelligence ; car il y a une grande correspondance entre l'esprit et le cur; et quand le cur ne nourrit qUe des penchants honnêtes, quand il sent tout ce qui est bon, il est difficile que l'esprit s'égare, et qu'il n'aperçoive pas tout ce qui est bien.
A côté de toutes les institutions dont je vous parle, la liberté de la presse eût existé, et la pensée de chacun se développant sans obstacle, et les bonnes pensées se multipliant comme les bonnes murs qui rendent les nommes singulièrement énergiques, mais aussi singulièrement paisibles, vous eussiez vu toujours l'opinion publique se développer sans trouble et sans orage; il vous eût été facile alors de vous former une idée juste de son empire, et vous n'auriez pas eu de peine à comprendre comment toutes les fois qu'elle eût prononcé sur les avantages d'une loi, le prince, jamais forcé, toujours libre, n'eût trouvé cependant en lui-même aucun moyen de résister à sa puissance.
Ces développements étaient d'une haute importance; vous n'avez pas jugé à propos de les entendre ; mais du moins doit-il m'être permis de vous faire remarquer comment, dans mon système, l'opinion publique se développe avec bien plus de liberté que dans aucun de ceux que j'ai combattus. , ,
Vous avez vu à quelles discussions, a quels mouvements, à quelles intrigues, à quelle effervescence de tous les esprits, de toutes les volontés il fallait s'attendre dans les systèmes que j'ai combattus; vous avez vu de quels moyens on userait pour corrompre l opinion, comment elle deviendrait facile à corrompre;
je vous ai même fait entrevoir comment le Corps législatif étant nécessairement la puissance dominante, la seule puissance que l'on craindrait d'offenser, il pourrait arriver que vous finiriez un jour par n'avoir aucune véritable liberté de la presse (1).
Or, recherchez maintenant avec moi si vous avez les mêmes inconvénients à redouter dans le système que je vous propose.
Parce que dans ce système il n'y aurait aucune circonstance où le Corps législatif pourrait forcer le consentement du prince, il est évident qu'il ne resterait aucun motif au Corps législatif pour entretenir une correspondance d'intrigue dans les bailliages, afin de se tenir toujours en mesure d'opposer la volonté des bailliages à celle du prince.
Parce que dans ce système, le prince en refusant son consentement à une loi, ne déclarerait pas qu'il la rejette absolument, ce qui serait absurde, mais qu'il attend que l'opinion publique la lui ait démontrée bonne pour l'adopter, il est évident que non-seulement le Corps législatif n'aurait pas de motifs, mais même n'aurait pas de prétextes pour mettre en mouvement les bailliages.
Parce que le prince, en refusant son consentement à une loi, ne se donnerait pas pour juges les bailliages, mais l'opinion publique, Vopinion publique, dont le propre est de riavoir aucun tribunal visible, dont cependant la puissance existe et se reproduit partout ; il est encore évident que non-seulement il n'aurait pas de prétexte pour mettre en mouvement les bailliages, mais qu'il ne chercherait pas même à le tenter, puisque ce ne serait pas là que se trouveraient ses véritables juges.
D'un autre côté, parce que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif seraient tellement limités l'un par l'autre, qu'il leur deviendrait comme impossible de s'envahir et de se confondre ; vous comprenez que de leur indépendance réciproque résulterait éminemment la liberté de la presse,
cela parce que chaque pouvoir aurait un intérêt égal à ce qu'elle ne fût gênée par aucune entrave , et cela parce que nul des deux ne serait assez puissant pour y apporter quelque gêne : or, je n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'y a pas de véritable opinion publique sans liberté de la presse, et qu'ainsi la Constitution où la liberté de la presse est la plus assurée, est aussi celle où l'opinion publique se développe avec le plus de facilité et d'énergie.
Je voudrais bien, au reste, pouvoir m'étendre ici sur le rapport qui existe entre l'indépendance des pouvoirs exécutif et législatif et la liberté de Ja presse: combien il me serait aisé de prouver qu'en Angleterre, par exemple, ce n'est qu'à l'indépendance et à la limitation réciproque de ces deux pouvoirs qu'on doit cette liberté de la presse dont nous célébrons avec tant de raison les avantages.
Quoi qu'il en soit, dans mon système il y a donc ceci de prouvé, que, tandis que j'ôtê à l'ambition particulière toutes les ressources que vous lui laissiez dans les vôtres, pour troubler le repos de la société, pour dépraver les habitudes
du peuple, pour corrompre l'opinion ou l'empêcher de naître, je dispose, au contraire, toutes choses, de manière à ce que cette même opinion s'organise de la façon la plus saine et Ja plus puissante.
Or, ne viens-je pas de vous dire que l'opinion publique bien organisée est la première de toutes les puissances, la seule à laquelle on ne résiste pas? et si cela est, comment pouvez-vous prétendre que dans mon système on peut être exposé à manquer d'une bonne loi? comment ne voyez-vous pas que toutes les fois que l'opinion publique déclarera bonne une loi, il est impossible que le prince, librement et suffisamment éclairé par l'opinion, puisse refuser d'y consentir?
Encore une réflexion. Puisqu'il s'agit ici d'opinion publique, je voudrais beaucoup que vous examinassiez si ce n'est pas dans l'exercice de l'opinion publique que consiste la souveraineté d'un grand peuple ; si vous, qui nous parlez sans cesse de la souveraineté de la nation, vous n'enlevez pas de fait à la nation sa souveraineté, en organisant votre Constitution de manière à ce que l'opinion y sera toujours troublée, toujours contrainte dans son développement, à ce qu'elle y sera toujours incertaine, toujours flottante, toujours le produit de quelque mouvement particulier-, si moi, au contraire, qui m'attache spécialement dans la Constitution dont je suis occupé à conserver à l'opinion toute son indépendance, à faire en sorte qu'elle ne soit jamais que le résultat uniforme et tranquille de toutes les intelligences et de toutes les volontés ; si moi, je n'assure pas mieux que vous le pouvoir suprême du peuple, si je n'élève pas ce pouvoir au-dessus de tous les autres pouvoirs, en le mettant, par la manière dont je 1 organise, hors de portée d'être corrompu par aucun (1). Méditez bien sur ce que je vous dis ici, et croyez que des aperçus de ce genre méritent de vous arrêter quelques instants.
J'ai détruit, je pense, d'une manière péremp-loire, les trois objections qui pouvaient m'être opposées ; mais ce n'est point encore assez, et je trouve que j'omettais deux observations importantes ; l'une est morale et l'autre est politique, et toutes les deux me paraissent très-propres à démontrer de plus en plus combien sont absurdes les systèmes contre lesquels je m'élève en ce moment.
Première observation. On ne peut me nier que dans ces systèmes, même dans celui où le prince n'est tenu de donner son consentement à la loi qu'après trois législatures, une époque arrive, enfin, où son consentement est forcé. Or, dites-moi, je vous prie, si vous avez le droit de forcer le consentenierit de quelque individu que ce soit dans la société: vous avez vu vos magistrats, lorsqu'on leur proposait des lois nuisibles au peuple, déclarer que, quoi qu'il arrivât, ils n'y consentiraient pas, opposer leur conscience à la volonté du prince, donner leur démission plutôt que d'exécuter ce qu'ils croyaient injuste, et vous avez applaudi au courage et à la probité de vos magistrats ; et aujourd'hui vous vous donne-nez une Constitution où vous défendriez au prince d'avoir une conscience, où il pourrait arriver qu'il serait contraint d'exécuter ce qu'il ne trouverait ni raisonnable, ni juste. Je con-
cevrais peut-être, jusqu'à un certain point, si la place de chef de l'empire était amovible, la possibilité de ne laisser au prince que le droit de suspendre la loi, parce qu'enfin, quand vous voudriez forcer son consentement, il serait le maître de quitter son poste ; mais vous voulez un prince héréditaire, qui ne doit pas quitter son poste, parce qu'il ne le pourrait sans opérer de grands troubles dans l'empire, et vous arrangez en même temps les choses de manière à ce que ce prince n'ait, en dernière analyse, d'autre volonté que la vôtre, à ce qu'un terme fatal arrive où il ne soit plus permis d'écouter ce que pourra lui commander sa raison ; mais quand nous délibérons ensemble, si votre avis prévaut sur le mien, s'il devient loi, sûrement il ne suit pas de là que vous puissiez me mettre malgré moi du rang des ministres ou des exécuteurs de cette loi; sûrement vous convenez tous que ce serait une chose souverainement immorale que de vouloir m'obliger, je ne dis pas après un an, mais après deux, mais après vingt, à devenir le ministre ou l'exécuteur de votre loi ; et ce qui est souverainement immoral à mon égard, n'est-il donc pas souverainement immoral à l'égard du prince ? est-ce qu'il y a deux morales, deux justices? et s'il n'y a pas deux morales, deux justices, comment, en reconnaissant que toutes les consciences doivent être libres, pouvez-vous penser qu'il importe à l'intérêt public qu'il existe dans l'Etat une conscience qu'on ait le droit de violer, un homme qu'on puisse, après un certain temps, condamner à faire ce que lui défend sa conscience ?
Seconde observation : Si vous avez écouté avec quelque attention, il est impossible que vous ne conveniez que dans les systèmes que je combats, le prince vivra dans un état perpétuel de défiance et de crainte, menacé souvent de voir son autorité eDvahie, s'il n'exerce le droit que vous lui laissez de suspendre la loi ; certain d'un autre côté que s'il l'exerce, il occasionnera malgré lui un grand trouble, de grandes divisions dans l'empire. Or, nul ne veut vivre dans un état perpétuel de défiance et de crainte, et quiconque se trouve dans une telle position travaille de son mieux à s'en affranchir. Le prince fera donc tout ce qui dépendra de lui pour rendre sa position meilleure, et comme il ne le pourra sans renverser la Constitution, attendez-vous qu'il ne négligera aucun des moyens qui seront en sa puissance afin de parvenir à ce terme de tousses efforts.
Puisqu'il vous faut une Constitution monarchique, il me semble qu'en travaillant à l'organiser, votre art, comme pour toute autre Constitution, doit être tel qu'aucun des pouvoirs dont elle se compose, non-seulement n'ait aucune force, mais aucun intérêt pour la détruire. Or ici, réfléchissez-y bien et voyez si le malaise habituel où vous tenez le prince ne lui donnera pas un intérêt constant; je vais plus loin, un intérêt violent à briser un régime dans lequel il n'existe pour lui aucune sécurité véritable.
Et si cet intérêt violent existe pour le prince, que deviendra votre Constitution ? Prenez toutes les précautions que vous pourrez imaginer pour la maintenir, je vous soutiens, moi, que dès que vous y placez un homme excité par le sentiment toujours si aclif de sa conservation et de son bien-être à la renverser, cet homme, pour peu qu'il dispose d'un pouvoir quelconque (et il vous est impossible de ne pas laisser tout le pouvoir exécutif au prince), finira infailliblement par la détruire.
Regardez comme une maxime incontestable que, pour faire une bonne Constitution, il importe sur toute chose, de ne pas environner les pouvoirs dont elle se compose de trop d'inquiétude, car ce sont les positions incertaines et inquiètes qui rendent les hommes entreprenants, et on n'assure jamais mieux la prospérité d'un empire, qu'en y distribuant les pouvoirs de manière à ce que ceux qui en disposent ne soient tourmentés par aucune affection pénible en les exerçant.
Ainsi donc, car il est temps de finir, je puis regarder comme démonlré qu'afin que la puissance législative ne soit pas illimitée, il est indispensable qu'aucun acte du Corps législatif n'ait force de loi qu'autant que le prince y aura librement consenti.
Ainsi, en résumant tout ce que j'ai dit sur les deux Chambres et sur la sanction du prince, relativement à la seconde question, c'est-à-dire relativement à la manière de borner le pouvoir législatif, je suis bien fondé à poser en principe que le pouvoir législatif ne sera ce qu'il doit être, qu'autant qu'on organisera le Corps législatif en deux Chambres essentiellement distinctes, et que ses délibérations auront besoin, pour être exécutées, du consentement libre du prince.
Resterait à rechercher maintenant, comme je l'ai fait en traitant du pouvoir exécutif, si les précautions que je vous indique ici sont bien les seules qu'il faut prendre pour contenir le pouvoir législatif dans ses bornes naturelles.
Ceci m'amènerait à examiner une question dont vous ne vous êtes pas encore occupés : la question de savoir s'il ne convient pas de laisser au prince, indépendamment de la faculté de consentir la loi, la faculté de dissoudre le Corps législatif, quand il l'estime convenable, sauf à lui imposer l'obligation de le faire recomposer dans un délai très-court, qui serait fixé par la Constitution.
Mais comme la discussion d'une pareille question serait prématurée, je remets à m'y livrer lorsque vous aurez déterminé le moment de vous en occuper. Alors j'achèverai d'exposer mes idées sur le danger qu'on court en laissant au pouvoir législatif un moyen quelconque d'outre-passer ses bornes naturelles (1), et sur la meilleure manière de le limiter pour qu'il ne soit jamais autre chose que pouvoir législatif.
Je termine donc ici tout ce que j'avais à vous dire sur les diverses questions que vous agitez ; et d'après mes principes, suffisamment développés, j'estime qu'afin que les pouvoirs législatif et exécutif ne soient pas confondus, et que la liberté publique repose sur une base durable, vous devez arrêter :
1° Que le Corps législatif sera perpétuellement existant, c'est-à-dire, afin d'éviter toute équivoque, qu'il y aura toujours dans la nation un Corps législatif, lequel tiendra une session chaque année, dont la durée sera limitée par la Constitution, et pourra de plus être prorogé ou rassemblé de nouveau toutes les fois que l'intérêt public l'exigera ;
2° Que le Corps législatif sera divisé en deux
Chambres dont la composition devra être essentiellement différente ;
3° Que le prince ne pourra ni proposer ni rédiger la loi, et que la proposition ét la rédaction en appartiendront exclusivement au Corps législatif;
4° Qu'aucune loi néanmoins ne pourra être exécutée qu'autant qu'elle aura obtenu le consentement libre du prince.
Telle est mon opinion : je vous aurais rendu compte, avec moins de détail, des motifs qui nie l'ont fait adopter, si je n'étais malheureusement instruit qu'on s'efforce par toute espèce de moyens, de travestir en enpemis de la liberté ceux d'entre nous dont les maximes politiques se rapprochent de pelles que je viens d'exposer.
Il fallait donc, malgré moi, que je prouvasse que si je tiens à mes idées, c'est parce que j'aime sincèrement la liberté, c'est parce que je crois fortement que dans une monarchie héréditaire, et dans un grand empire, la liberté ne peut exister hors du système politique que je vous propose ; c'est parce que je suis intimement convaincu qu'on s'éloigne, dans tous les autres systèmes, de la route qui doit y conduire; c'est parce que je ne puis m'empêcher de voif, surtout, que faute de combiner avec l'action réciproque des pouvoirs constitutionnels entre eux, on se dispose à fonder au milieu de nous une autre espèce (l'aristocratie, incomparablement plus redoutable que cel|e que nous venons de renverser.
Or, je n'ai pu prouver toutes ces choses sans me livrer à une discussion de quelque étendue : à côté des vérités que je voulais établir, j'aperçois un grand nombre de préjugés £ combattre, et ma tâche s'est nécessairement accrue de tous les efforts qu'il m'a fallu faire pour détruire, autant qu'il était en moi, ces préjugés dangereux,
Au reste, je ne me flatte pas d'avoir réussi. La fermentation dans laquelle, dppnis quelque temps, on a l'art d'entretenir les esprits, afin de forcer, s'il était possible, jusque dans Je sein de cette Assemblée, la liberté des suffrages, est trop considérable pour que la yérité des principes que j'ai mis sous vos yeux puisse êfre facilement aperçue.
Mais un jour arrivera, et peut-être ce jour n'est-il pas loin, où en revenant sur vos propres idées, vous vous convaincrez, par une expérience personnelle, que ce n'est que dans le calme qu'on peut travailler avec quelque snccès à l'établissement d'une bonne Constitution, parce qu'un travail de cette espèce demande les méditations les plps profondes et les combinaisons les plus froides, et que l'on ne combine pas froidement, et que l'on ne médite pas parmi des troubles sans cesse renaissants, et quand les opinions participent des passions dont on est agité.
Alors vous sentirez la nécessité de rétablir, avant toute chose, la paix autour de vous, et toutes le? ambitions particulières étant apaisées, et l'ordre régnant dans l'empire, et l'époque des discussions tranquilles étant enfin venue, on vous verra sans doute livrer à un nouvel examen tout votre travail actuel sur la Constitution ; et si, parmi vos délibérations, il en existait quelques-unes dont il faudrait vous départir, j'ai une trop haute idée de la pureté des principes qui vous dirigent pour n'être pas convaincu que vous en ferez le sacrifice sans regret.
En attendant, j'aurais cru me manquer à moi-même, si, quelle que soit la défaveur, habilement préparée, qui environne aujourd'hui l'opinion que je défends, je m'étais permis de vous
,EMENTAIRES. [23 septembre 1789.]
dissimuler que je la crois la plus sage, la plus appropriée aux circonstances où vous êtes. Le devoir que m'impose la mission honorable dont je suis chargé, me commande impérieusement de vous rendre compte de mes idées, sans trop rechercher quel en sera le succès ; et dans cette occasion solennelle, et quand il s'agit de prononcer sur les plus grands intérêts de la nation, je me trouverais bien coupable si j'avais pu m'epvelopper dans un lâche silence.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLKKMOXT-TONNEJUUv
Séance du
donne communication de diverses contributions patriotiques, et notamment d'une lettre de M. Beâupoil de Sainte-Aulaire de Montplaisir, qui offre à la nation, et sans intérêt, un bois de haute futaie, propre à la construction des vaisseaux ; d'une seconde lettre de M. Dupré, député des communes de Carcas-sonne, qui envoie une somme de 1,000 livres pour son compte, et 200 livres pour celui des ouvriers de sa manufacture ; d'une troisème lettre de dix curés, députés à l'Assemblée, qui remettent 1,000 livres sur le bureau, avec la générosité de ne pas dire leur nom ; d'une quatrième lettre de M. David, délivreur des écuries de Monsieur, qui, pour concourir à la libération des dettes de l'Etat, envoie 200 livres; d'une cinquième lettre de MM. Girout, Latour, Cheipdre, Doché, et autres citoyens attachés au service d'une terre du Comté d'Evreux en Normandie, qui font remettre dans les mêmes vues une somme de 600 livres ; d'une sixième lettre de M. Knapen fils, soldat de la garde nationale de Paris, qui envoie ses boucles d'argent, en observant que ces boucles lui deviennent inutiles, d'après le règlement militaire, qui invite à porter des boucles de cuivre.
Ces sacrifices méritent les éloges de l'Assemblée.
On rend compte d'une lettre de M. Hache, né-ociant à Bordeaux, qui fait hommage à l'Assem-lée, et en particulier au comité de commerce et d'agriculture, de 150 exemplaires d'un écrit intitulé : « Lettres sur les Colonies. »
L'Assemblée est avertie que l'état de la santé de M. Mougins de Roquefort, curé de Grasse et député de JDraguignan, et de M. de Varelles, député du bailliage de Villers-Cotterets, les oblige à suspendre leurs fonctions.
On lit une lettre de M. le ministre de la guerre. La voici :
« Monsieur le président, le Roi m'ordonne de vous prévepir que, sur les différentes menaces faites par des gens mal intentionnés de sortir de Paris avec des armes, il a été pris différentes mesures pour prévenir de toute inquiétude le siège de i'Assemblée nationale.
« Signé: La Tour-du-Pin-Paulin. »
On lit ensuite une lettre de M. le maire de Paris à M. de la Tour-du-Pin-Paulin, dans laquelle il lui exprime vivement le vu de la capitale sur l'éloignement du régiment de Flandre. M. le maire conjure M. de la Tour-du-Pin-Paulin de se rendre au vu de la ville de Paris ; on lit une autre lettre de M. de Saint-Priest sur le même objet.
L'Assemblée ne prend aucune délibération à cet égard.
L'un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d'hier.
On fait ensuite part à l'Assemblée des adresses de félicitations, remerciements et adhésion de la sénéchaussée de Gourdon en Quercy, de la municipalité de Noves en Provence, de la communauté de Kéauvjlle dans le comté de Grignan, de la ville de Saint-Brieuc en Bretagne, de la ville et communauté de Saint-Affrique en Rouergue,de la ville de Villiers en Anjou, de la ville d'Argentat en Bas-Limousin, qui sacrifie avec joie les privilèges dont la faisait jouir la vicomte de Turenne; îles officiers municipaux et représentants du bailliage de Sarrelouis, qui, par une délibération prise à l'unanimité des voix, abandonnent à la nation le prix des offices municipaux dont la ville avait fait l'acquisition, et offrent de plus de payer, cette année, le double de leur capitation, sacrifice déjà effectué par une grande partie des habitants du ressort; des communes deSavenay, diocèse de Nantes en Bretagne; de la ville de Saint-Marcellin en Dauphiné ; de la commune du bourg de Tardets au pays de Soûle ; de la commune de la ville de Saint-Denis, Ile-de-France; enfin, d'une délibération des villes d'Uzerche en Limousin, et de Mur-de-Barrès, lesquelles, après des témoignages de reconnaissance et de dévouement, rendent compte des moyens qu'elles ont pris pour maintenir l'ordre et la tranquillité publique.
L'ordre du jour met à la discussion le troisième article du Chapitre II, intitulé : v, Principes du gouvernement français » , présenté par le premier comité de Constitution.
« Art. 3. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi. »
demande la soustraction du mot suprême.
propose cette autre rédaction : « Le pouvoir législatif réside dans les mains du peuple, et le pouvoir exécutif dans les mains du Roi. »
Un membre appuie l'amendement de M. de La-meth, en disant qu'un pouvoir secondaire ne peut être suprême.
donne lecture de deux rédactions.
La première est ainsi conçue: ? Au Roi seul est confié le pouvoir exécutif; le pouvoir judiciaire doit être exécuté en son nom. Ceux qui l'exercent doivent être inamovibles pour le temps fixé. »
La seconde porte :« La plénitude du pouvoir exécutif réside éminemment dans les mains du Roi.»
Ces deux rédactions ne sont pas appuyées. On va aux voix sur l'amendement de M- de Lameth ; il est rejeté.
L'article du comité passe à l'unanimité.
Qn allait lire l'article 4, lorsque M- Bouche a demandé que l'on déclarât, ce qui n'est déclaré nulle part, que le pouvoir législatif appartient exclusivement à la nation.
fait un amendement; c'est d'ajouter le mot suprême.
La motion et l'amendement sont approuvés,
avait d'abord adopté l'amendement ; mais réfléchissant sur l'unité du pouvoir, il croit que c'est dire davantage, en exprimant que le pouvoir législatif n'appartient qu'à ta nation.
observe que cet article se trouve dans la déclaration des droits. M. l'évêque de Langres demande la question préalable.
prétend que cette question préalable n'a été proposée que pour^empêcher, dans la Constitution, l'énonciation d'une vérité qui doit être chère à tout Français. Puisqu'on a inséré, dit-il, que le pouvoir exécutif appartenait au Roi, il faut bien y insérer que le pouvoir législatif appartient à la nation.
Je crois que personne ne pense que je viens contester ici des principes que nous avons avoués. Tous les pouvoirs appartiennent à la nation; mais elle ne peut les exercer tous; elle les délègue, et jamais elle ne les aliène.
Il ne faut jamais perdre de vue la déclaration des droits de l'homme, où il est dit formellement que le principe de toute souveraineté réside dans la nation. Cette déclaration doit former le premier chapitre de la Constitution. Si vous voulez répéter ce principe, il ne faut pas le faire d'une manière contraire au principe énoncé. Ainsi, Jous les pouvoirs appartenant à la nation, ce serait restreindre ces droits que de ne parler que du pouyoir législatif, C'est précisément pour cela que vous avez dit que le pouvoir exécutif réside dans les majns du Roi.
Nous ne devons pas nous exprimer dans nos arrêtés, de manière à ce qu'ils soient mal interprétés. Nous ne parlons actuellement que du pouvoir législatif : or, ce pouvoir, comme tous les autres, appartient à la nation ; mais il réside dans l'Assemblée nationale, comme le pouvoir exécutif réside dans les mains du Roi.
Il serait donc dangereux de dire que le seul pouvoir législatif appartient à la nation.
(Ces raisons, si solidement démontrées, font changer toutes les opinions.)
répète M. Meunier, et propose de décréter que l'exercice du pouvoir législatif ap-> partient à la qalion, e{ est confié à l'Assepahlée
national-
se plaint du temps que Pqp perd à çj^U^rer §iir pe qui est déjà fait,
fait reparaître les fortes objections de M. Mounier, et M. le comte de Mirabeau, qui en avait saisi supérieurement l'esprit, s'exprime dans les termes suivants ;
M. Mounier a double raison 4e dire que s'écarter de la rédaction proposée serait une espèce de dégradation du principe si énergiquement consigné dans la déclaration des droits ; M. Mounier, dans l'énonciation des principes, a fait voir qu'elle était suffisante ; qu'il était inutile de rien y jouter.
Cependant vous ven§z de consacrer une prérogative royale j yous venez d§ déclarer que le
pouvoir exécutif est confié aux mains du Roi; l'on doit aussi déclarer la même chose relativement à l'Assemblée nationale sur le pouvoir législatif. Je proposerais donc de déclarer que le pouvoir législatif réside essentiellement dans la nation.
Cette proposition est saisie avec avidité, et l'on demande d'aller aux voix sur-le-champ. M. Bouche renonce à sa motion, et adopte celle de M. de Mirabeau.
On sentait dans le clergé une résistance sourde et secrète; aucun de ses membres n'élevait la voix, mais les choses changent tout à coup.
Uu membre de la noblesse offre de tout concilier, et même de corriger l'article 3, en adoptant la rédaction suivante :
« Tout pouvoir émane de la nation. Le pouvoir législatif réside essentiellement dans l'Assemblée nationale. Le pouvoir exécutif réside dans les mains du Roi, et nul acte ne pourra avoir le caractère de loi, s'il n'est consenti par les représentants de la nation et sanctionné par le Roi. »
, après avoir rapproché les principes avoués, après avoir prouvé qu'il en découle deux autorités, l'une législative, l'autre exécutrice, propose de mettre aux voix la rédaction de la motion du préopinant.
, évêque de Langres, rap-
Ïielle la question préalable, et s'appuie sur ce di-emme :
Ou vous répéterez une vérité, et cela est inutile; ou vous expliquerez un principe d'une manière plus obscure que cela n'est fait dans la déclaration des droits, alors vous laisserez des doutes sur les principes. Je conclus donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
combat avec avantage le dilemme de M. l'évêque de Langres.
Depuis sept siècles, ajoute-t-il, que nous souffrons sous le despotisme des princes, des ministres, l'on ne saurait trop répéter la rédaction de M. Pétion de Villeneuve.
, dans l'enthousiasme qu'inspirent ces vérités éternelles, s'écrie que c'est pour lui un grand jour, et qu'il adopte de tout son cur la profession de foi faite par M. Fréteau.
L'Assemblée décrète, à l'unanimité des voix, les articles suivants :
1° Tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation et ne peuvent émaner que d'elle.
2° Le pouvoir législatif réside dans l'Assemblée nationale, qui l'exercera ainsi qu'il suit :
3° Aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s'il n'est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s'il n'est sanctionné par le monarque.
4° Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi.
L'Assemblée décide en même temps qu'entre le troisième et le quatrième article de la série qu'on vient de rapporter, on insérera les articles décrétés auparavant sur la sanction royale, sa durée et ses effets.
On lit l'article 4 du premier comité de Constitution.
« Le pouvoir judiciaire ne peut être exercé par le Roi. Les juges auxquels il est confié ne peuvent être dépossédés de leurs offices, pendant le
temps fixé par la loi, autrement que par les voies légales. »
fait un amendement ; il demande que l'on discute que la justice doit se rendre au nom du Roi.
veut que l'on retranche la dernière phrase, relativement à l'exercice des offices, et qu'on le renvoie au chapitre de l'ordre judiciaire.
demandent le renvoi entier de cet article.
observe qu'il est incomplet, soit parce qu'il ne s'explique pas sur les requêtes en cassation, soit sur le droit de renvoyer dans un tribunal.
fait sentir la nécessité de parler d'un tribunal de révision ; il soutient qu'il est absolument nécessaire, parce que le conseil du Roi a toujours eu très-grande force par le moyen de la cassation.
, d'après ces observations, offre la rédaction suivante :
La justice ne peut être rendue par le Roi, mais en son nom, et par les tribunaux établis par la loi.
propose celle qui suit :
Le pou voir judiciaire s'exercera au nom du Roi, mais il ne pourra être exercé, ni par le Corps législatif, ni par le Roi, ni par son conseil, si ce n'est par les tribunaux légalement établis.
Cet article occasionne, comme le précédent, de grands débats.
De tous les amendements proposés, les deux suivants paraissent faire le plus d'impression.
Premier amendement: « Le pouvoir judiciaire ne peut être exercé ni par le Roi, ni par son Conseil, mais par les tribunaux établis par la Constitution. »
Second amendement donné par M. de Clermont-Lodève : « Le pouvoir judiciaire ne pourra être, en aucun cas, exercé par le Roi ; mais la justice sera administrée en son nom par les tribunaux établis par la Constitution, et déterminés par la loi. »
Il s'élève encore de nouveaux débats sur ces deux rédactions.
Les uns proposent de rayer le mot Constitution ; les autres veulent déclarer, et M. Garat est de ce nombre, que le Roi doit participer à l'établissement des tribunaux.
Enfin, après bien des changements, des modifications. des amendements proposés et rejetés, on décrète l'article suivant :
Art. 4. Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Roi, ni par le Corps législatif; mais la justice sera administrée, au 4 nom du Roi, par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution, et selon les formes déterminées par la loi.
propose de traiter demain la question de la régence.
s'y oppose en disant que l'organisation des municipalités est beaucoup plus pressante.
Il n'est rien statué sur ces motions.
invite plusieurs comités à se réunir dans la journée; il indique la séance du soir pour 7 heures et lève la séance du matin.
Séance du
instruit l'Assemblée de plusieurs dons faits à la caisse patriotique et en particulier d'une lettre de M. Buis qui envoie 600 livres en trois primes de l'emprunt du 29 octobre 1780; d'une seconde lettre de M. Desvernay, curé de Villefranche et membre de cette Assemblée, qui fait hommage de tout ce qui excédera douze cents livres dans le traitement qu'on lui a assi-» gné ; d'une troisième lettre des comédiens italiens ordinaires du Roi, qui ont envoyé une soumission de 12,000 livres payables dans le courant du mois d'octobre; d'une quatrième lettre d'un de MM. les députés d'Alsace, qui a envoyé une soumission de 4,000 livres payables en un mois; d'un envoi de 120 livres fait par M. Despaux, chirurgien-dentiste à Paris ; et enfin d'une autre lettre des sieurs Rousseau et frères, rôtisseurs et traiteurs à Versailles, ' qui ont envoyé une somme de 24 livres.
, un des membres du comité des affaires ecclésiastiques, fait un rapport sur le remplacement des dîmes appartenant aux ecclésiastiques et gens de main-morte.
Le rapporteur dit que les dîmes ecclésiastiques abolies les 4 août et jours suivants, ne l'ont été que sauf à pourvoir d'une autre manière aux frais du culte divin et autres objets énoncés dans l'arrêté, en sorte qu'il en résulte qu'elles n'ont pas été abolies sans remplacement.
Le premier moyen de remplacement devrait être tiré des bénéfices qui sont aux économats, moyen insuffisant; le second devrait être trouvé dans le titre des bénéfices qui ne sont pas nécessaires et qui viendront à vaquer; le troisième se trouve dans les biens monastiques.
M. Treilhard pense qu'il ne faut pas supprimer d'ordre entier, parce que les pensions des membres de ces ordres absorberaient tous les revenus, mais qu'on doit seulement faire refluer les religieux de plusieurs maisons moins considérables, dans un certain nombre de maisons du même ordre, alors on pourra disposer des biens des maisons évacuées ; mais jusqu'à quel point trou-vera-t-on des ressources dans ces opérations? On k ne pourra le savoir qu'en se procurant la connaissance de tous les biens ecclésiastiques.
C'est pour pourvoir à ces connaissances préliminaires que le comité ecclésiastique propose le projet d'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale autorise le comité des affaires ecclésiastiques à se procurer tous les renseignements nécessaires sur les dîmes et sur les biens ecclésiastiques. »
* (Cette partie du rapport est adoptée.)
proposait en outre :
1° Qu'il sera fourni par le directeur des économats un état exact de tous les bénéfices étant actuellement aux économats, de tous leurs revenus, de toutes les charges dont les économats peuvent être grevés, même des états des revenus de tous les bénéfices consistoriaux qui ont été aux économats ;
2° Que le Roi sera instamment supplié de sus-
pendre la nomination à tous bénéfices étant à sa disposition, autres toutefois que les évêchés et bénéfices à charge d'âmes et à résidence, et les bénéfices simples dont le revenu est au-dessous de 3,000 livres ;
3° Qu'il sera fourni par les administrations provinciales, municipalités, chambres ecclésiastiques, syndics des diocèses, procureurs généraux, archevêques, évêques, chefs d'ordres et supérieurs de maisons, un état exact de tous les titres de bénéfices, établissements ecclésiastiques, hôpitaux, collèges, séminaires et communautés étant dans leur ressort, avec un état de tous les revenus desdits bénéfices et établissements ainsi que des charges dont lesdits revenus et notamment les dîmes peuvent être grevés;
4° Toute personne qui peut avoir des connaissances particulières sur la valeur des biens ecclésiastiques est invitée à les fournir.
5° Enfin l'Assemblée nationale charge le comité des affaires ecclésiastiques de suivre avec soin l'exécution du présent arrêté.
L'Assemblée ne statue rien sur ces cinq articles.
M. Treilhard n'insiste pas pour que la discussion continue.
fait donner lecture du décret sur la gabelle, adopté le lundi 21 septembre, et qui a été renvoyé au comité de rédaction.
Après avoir rejeté divers amendements, l'Assemblée décrète ce qui suit :
DÉCRET.
L'Assemblée nationale, prenant en considération les circonstances publiques relatives à la gabelle et autres impôts, et les propositions du Roi, énoncées dans le rapport du premier ministre des finances,du 27 août dernier; considérant que par son décret du 17 juin dernier, elle a maintenu dans la forme ordinaire la perception de toutes les impositions qui existent, jusqu'au jour de la séparation de l'Assemblée, ou jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu; considérant que l'exécution de ce décret importe essentiellement au maintien de l'ordre public et à la fidélité des engagements que la nation a pris sous sa sauvegarde; voulant néanmoins venir, autant qu'il est en elle, au secours des contribuables, en adoucissant dès à, présent le régime des gabelles, Elle a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les administrations provinciales, les
juridictions et les municipalités du royaume, tant dans les villes que dans les
campagnes, veilleront aux moyens d'assurer le recouvrement des droits subsistants, que
tous les citoyens seront tenus d'acquitter avec la plus grande exactitude; et le Roi
sera supplié de donner les ordres les plus exprès pour le rétablissement des barrières
et des employés, et pour le maintien de toutes les perceptions.
Art. 2. La gabelle sera supprimée aussitôt que le remplacement en aura été concerté et assuré avec les assemblées provinciales.
Art. 3. Provisoirement, et à compter du 1er octobre prochain, le sel ne sera plus payé que trente livres par quintal, poids de marc, ou six sous la livre de seize onces, dans les greniers de grande et petite gabelle.
Les provinces qui payent le sel un moindre prix, n'éprouveront aucune augmentation.
Art. 4. Les règlements qui, dans plusieurs villes, bourgs et paroisses des provinces de grande gabelle, ont établi le sel d'impôt n'auront plus lieu, à compter du 1er janvier prochain.
Art. 5. Les règlements qui, dans les mêmes provinces, ont soumis les contribuables imposés à plus de trois livres de taille ou de capitation, à lever annuellement, dans les greniers de leur ressort, une quantité déterminée de sel, et qui leur ont défendu de faire de grosses
salaisons sans déclaration, n'auront plus lieu également, à compter du 1er janvier prochaih.
Art. 6. Tout habitant des provinces de grande gabelle jouira, comme il en est Usé dans celles de petite gabelle, et dans celles de gabelle locale, de la liberté des approvisionnements du sel nécessaire à sa consommation, dans tels greniers ou magasins de sa province qu'il voudra choisir.
Art. 7. Tout habitant pourra appliquer à tel emploi que bon lui semblera, soit de menues, soit de grosses salaisons, le sel qu'il aura ainsi levé ; il pourra même faire à son choix les levées, soit aux greniers, soit chez les regratiers. Il se conformera, pour le transport, aux dispositidiiS dU i-èglénlent, qui ont été suivies jusqu'à présent.
Art. 8. Les saisies domiciliaires sont abolies et supprimées. Il est défendu aux employés ët corhitiis des fermes de s'introduire dans les maisons et liéUx fermés, et d'y faire aucunes recherches ni perquisitions.
Art. 9. Les amendes prononcées contre les faUx-sau-niers coupables du faux-saunage, et non payées par eux, ne pourront plus être converties en peines affectives ; et quant aux faux-saunief# en récidive, les lois qui les soumettent à une procédure criminelle et à des peines afflictives, sont également révoquées ; ils. ne pourront être condamnés qu'à des amendes doubles de celles encourues pour le premier faux-saunage.
Art. 10. Les commissions extraordinaires et leurs délégations, en quelques lieux qu'elles soient établies pour connaître de la cbhtrebânde, sont dès à présent révoquées; en cottséquéhcé les cOnteStàtibns dont lesdites commissions Connaissent, seront portées par devant les tribunaux qui en doivent connaître.
L'Assemblée charge M. le président de présenter incessamment le décret à la sanction royale.
Sur le rapport du comité des vérifications de
Pouvoirs, M. Gillon a été admis à la place de î. Deulnau, député des communes du bailliage de Verdun, qui a dotiné sa démission.
Ensuite des détails donnés par un membre du comité des rapports, sur une lettre du sieur Roussel, doyen des conseillers du bailliage d'Epinal, qui demande la marche qu'il doit suivre dans les procédures contre les perturbateurs du repos public, l'Assemblée décide que M. le président adressera au sieur Roussel un exemplaire du décret du 10 août relatif à la tranquillité publique.
Sur un troisième rapport fait par un membre du comité des recherches, touchant les réclamations d'un citoyen accusé d'avoir tenu des propos séditieux, l'Assemblée nationale décrète que ce citoyen étant détenu dans les prisons de Troyes, et les juges ordinaires nantis de la procédure, il n'y a pas lieu à délibérer.
M. le premier ministre des finances instMit l'Assemblée qu'il â ordre du Roi dé venir rendre compte de la situation des finances, et demande l'heure qui convient à l'Assemblée.
M. le président est autorisé à répondre à ce ministre, que l'Assemblée l'entendra demain dans la matinée.
M. le président lève la séailce.
à la séance de rAssèfnblëe nationale du
Nota. Dans la séance du 23 septembre, M. le chevalier de Ricard, remit au président de l'Assemblée nationale, une motion relative à Vorga-
nisatîon de la foHe publique. Dette motion ayant été distribuée à toiis les députés doit naturellement trouver, sa place à la suite de la séance dans laquelle elle à été présentée.
Nous proposerons que dans tout le royaume une force nationale, prudemment dirigée par des règlements uniformes et distribuée dans de justes proportions, assure les bienfaits de la paix et des lois; nous demanderons que l'armée soit solidement constituée; que l'examen de notre situation actuelle locale et politique, combinée avec une sage économie, détermine sa formation et son entretien; que pendant la paix, ses corps se recrutent eux-mêmes, répondent de ce qu'ils doivent être ; qu'au premier signal de la guerre, de nouveaux corps d'une milice réglée, préparés, mais toujours inférieurs par le nombre aux troupes disciplinées qui les attendront, soient promptement à portée d'apprendre d'elles, en les imitant, quels sont les vrais principes qui doivent disposer de la valeur; qu'une prévoyante organisation dans l'intérieur de l'Etat, remplace sur-le-champ, par une nouvelle milice également préparée à l'avance, celle qui aura joint les drapeaux des anciennes bandes françaises et çjue cette armée, toujours entretenue par la volonté et le courage des citoyens, puisse s'augmenter et se fortifier sans cesse quand les hôpitaux et les combats affaibliront ses ennemis.
Ces premières Réflexions annoncent tout le système de cet écrit.
SECTION PREMIÈRE.
principes de l'organisation de la force publique.
Les lois déterminent et prescrivent les rapports de toute espèce entre les citoyens, afin qu'ils jouissent tous de la plus grande somme de bonheur à laquelle ils ont droit de prétendre.
C'est pour maintenir les lois que les gouvernements doux et modérés sont institués.
Le gouvernement ne fait point la loi, mais son devoir est d'en maintenir l'exécution par l'usage de tous les moyens qui sont de son essence.
Le pouvoir qu'il exerce est le pouvoir exécutif.
Les moyens dont il se sert sont de plusieurs sortes.
Au nombre de ces moyens, sont ceux qui naissent de la persuasion, de la volonté libre et de l'amour de l'ordre, la morale les donne, et la raison les emploie.
Si la raison était temte-puissante, si les intérêts particuliers, les préjugés et les passions ^agissaient point ou n'agissaient que faiblement, ces moyens moraux seuls donneraient aux gouvernements la force coactive suffisante au bonheur des sociétés qu'ils dirigent.
Ces moyens ne sont pas suffisants ; mais ils sont infiniment utiles quand lé gouvernement se sert de leurs invisibles ressorts etqu'il saitles employer avec sagesse et persévérance.
Ces moyens agissant sur le sentiment intime et sur les coïsciences sont pris dans la religion et les murs.
Le respect pour les décrets de l'Etre suprême tels qu'ils se font entendre dans le fond de nos curs, l'obéissance au cuite établi, la décence . des murs soumises à des règlements publics, décence qui n'étant même qu'extérieure, adoucissant les âmes et les assujettissant par le pou-
voir de l'exemple, composent ensemble les principes de l'éducation; et l'éducation prépare toutes les vertus sociales.
Mais les intérêts et les passions agissent; et malgré le frein de la religion, des murs et les germes féconds de l'éducation, l'homme est trop souvent tenté d'être injuste envers son semblable, et de troubler l'harmonie sociale que les lois prescrivent et que le gouvernement doit conserver.
Il est donc indispensable que le gouvernement dispose d'une force active dont il puisse, dans toutes les circonstances, diriger les mouvements et les effets, sans être exposé à des lenteurs de déterminations, ou à des combats d'une autorité partagée.
^ Cette force activea deux manières de s'exercer. Elle doit se montrer ou agir, contenir ou punir, ce qui distingue et sépare les pouvoirs d'une police générale et les pouvoirs des tribunaux.
Et comme il est plus sage et plus humain de prévenir les crimes que de les punir, les premiers devoirs des gouvernements sont ceux d'une surveillance continuelle de l'emploi uniforme etpru-demment distribué d'une force prête à agir de toutes parts, pour l'exécution des divers règlements de concorde et de paix.
C'est en combinant l'action et le ressort de la religion, des murs et de la police publique, qu'on prévient un grand nombre d'injustices et de crimes, mais on ne les prévient pas tous. Ici commence le pouvoir des tribunaux.
Ce que de sages institutions n'ont pu obtenir, des jugements le prescrivent; et c'est à leur appui que le gouvernement he peut se dispenser de prêter la force active dont il dispose. La loi veut, les tribunaux promulguent et surveillent, le gouvernement fait obéir.
Le gouvernement est donc l'instrument de la loi, ou plutôt il a en sa puissance, et il fait agir l'instrument dont la loi se sert, et cet instrument est la force publique, soit qu'elle se compose d'une force nationale intérieure, ou des diverses parties d'une armée stipendiée.
Chacun sait que par ce mot gouvernement on entend ce que peut et ce que doit entreprendre le pouvoir exécutif.
Ce pouvoir est un; il agit seul; ce n'est qu'en administrant qu'il subdivise ses moyens; et c'est dans ce sens que son autorité se nomme celle du gouvernement.
Le pouvoir législatif n'a point de force qui lui appartienne essentiellement; il est comme sous l'étendard où se rallient toutes les forces éparses qui le font respecter ; il est le bien de tous que tous doivent défendre.
Le pouvoir exécutif n'a point de volonté qui soit primordialement à lui, il n'a que la volonté de la loi.
Ces deux pouvoirs, si malheureusement ils se trouvaient réunis sous une même volonté, composeraient le pouvoir arbitraire; car on pourrait faire plier la loi, qui ne se défend point d'elle-même, au gré des projets que la force aurait conçus ; on pourrait l'amener à consentir les injustices qu'on voudrait commettre.
L'action du pouvoir exécutif est donc séparée du vu du pouvoir législatif par les mêmes raisons que celui-ci ne dépend point du pouvoir qui exécute.
Le pouvoir exécutif, ce défenseur des amis de la loi, cet ennemi de ceux qui voudraient l'enfreindre, ne peut point se partager;, car s'il agissait partiellement et en concurrence, il serait
ou pourrait être contrarié, affaibli et souvent nul dans ses effets.
Dans une monarchie mixte et modérée, ce pouvoir est entier dans les mains du monarque, par la raison décisive qu'on risquerait souvent d'atténuer ou de perdre la force coactive si l'on en divisait l'action.
Il suit de ces principes réunis que la force proprement dite, s'emploie pour l'exécution de la loi, qu'elle agit selon l'impulsion que le gouvernement lui donne, et que le monarque dirige cette impulsion de la manière prescrite par la loi.
Dès que le pouvoir de faire exécuter ne dépassant point les limites prescrites par la loi, se trouve, sans partage, dans les mains du monarque, les moyens sans réserve, convenables à l'exécution, s'y trouvent aussi, comme des dépendances de ce premier pouvoir, et le dernier de la force militaire.
Cette force se divise en deux parties distinctes et séparées.
Dans l'intérieur du royaume, elle doit agir sans cesse, pour que les différentes classes de citoyens s'accordent entre elles ou se nuisent le moins qu'il est possible.
Sous cette désignation cette force centrale doit être confiée à des milices nationales.
A l'extérieur, cette force se nomme l'armée ; elle n'agit que par intervalles et
particulièrement lorsque le monarque, en déclarant ou acceptant la guerre, emploie
des troupes sur les frontières ou sur des terres ennemies pour l'intérêt ou la
gloire de sa nation (1).
Selon une première supposition, lorsque les commandants des troupes réglées sont invités par les officiers municipaux, à maintenir la police générale ou par les officiers de justice pour le maintien de leurs jugements.
Selon une seconde supposition, lorsque le monarque trouve à propos de réunir et d'augmenter ses ressources militaires, de recruter son armée, et de la renforcer avec les secours de tous les bras que la patrie appelle à sa défense.
Si ces maximes sont évidentes, si les limites des deux grands pouvoirs sont justement placées, si la destination de la force active est clairement énoncée dans le peu de mcits qui précèdent, sans doute et conséquemment à ces maximes, les vues générales que l'on va proposer pour l'organisation des forces de la nation, tant au dedans qu'au dehors, paraîtront justes et raisonnables.
SECTION II.
DE L'ORGANISATION DE LA FORCE PUBLIQUE DANS
L'INTÉRIEUR DU ROYAUME SOUS LA DÉSIGNATION
DE MILICES NATIONALES.
La force publique dans l'intérieur de l'Etat ne peut point être habituellement ni exclusivement exercée par l'armée, parce qu'on pourrait appréhender que l'entière liberté, dont le pouvoir législatif doit jouir sans interruption, ne fût attaquée, ou du moins gênée par des craintes continuelles.
On aurait lieu d'appréhender encore, que le soldat ne fut point assez citoyen par ses volontés ou qu'il le fût trop par ses habitudes; dans le premier cas, il gênerait les libertés individuelles et dans le second, il énerverait la discipline.
Ces justes fondements de crainte suggèrent deux résultats.
Le premier, que le citoyen doit être défendu par le citoyen; et que l'établissement d'une milice nationale dans les villes est, pour les temps même les plus calmes, d'une utilité reconnue.
Le second résultat est que le citoyen légalement armé a un droit naturel que le
soldat ne peut exercer que quand il lui est concédé dans des situations
particulières et urgentes; parce que c'est son propre droit que le citoyen défend,
que l'homme coupable de révolte envers la loi perd, par le fait même, son droit de
patrie, et que c'est
Cependant, dans le cas, heureusement très-rare, de grands troubles, d'une épidémie morale, qui, augmentant le nombre des coupables, mettrait le corps politique en danger, le secours auxiliaire d'une partie de l'armée deviendrait indispensable, et elle remplirait alors, en agissant, un de ses plus précieux devoirs.
Le pouvoir exécutif chargé, pour se conformer au texte de la loi, de maintenir la sûreté publique, a non-seulement le droit, mais la plus étroite obligation de placer des troupes réglées à portée des lieux où leur présence peut être utile; et la destination de ces troupes ne peut être accordée qu'à l'invitation légale des officiers civils ou municipaux (1).
Dans tous les cas possibles, l'action des troupes réglées dans l'intérieur de l'Etat ne doit être considérée que comme un secours accessoire exigé pour la sûreté publique. Le droit honorable de défendre les lois, de protéger les faibles, de conserver la paix est le plus beau droit des citoyens, au moment présent tous l'ambitionnent ou se le partagent ; le courage, l'humanité l'honneur français seront à jamais les garants de la conservation de ce droit précieux. Lorsque des troupes réglées seront invitées par les représentants des différents corps de la société à se joindre aux troupes nationales, elles s'empresseront de seconder leur patriotisme et de contribuer au succès de leurs soins.
Dans ces cas extraordinaires, les troupes réglées ne sont point aux ordres des
municipalités, elles ne peuvent point changer de chefs ni de nature, elles agissent
de concert avec les milices nationales, elles doivent s'incorporer avec elles et
Il suit de ces vérités que, le citoyen étant le premier gardienné des propriétés et n'étant point salarié, son service ne doit pas être assujetti à une discipline sévère, à des règles gênantes mais seulement à des règlements municipaux, applicables selon les différences de l'étendue des villes, de la population des villages qui les avoisinentet des localités des provinces.
Il suit encore de ces vérités que les divisions par compagnie, le nombre d'hommes, le choix des officiers doivent être soumis aux désirs du plus grand nombre des citoyens représentés par leurs officiers naturels.
Et comme il résulte de cette grande quantité de corporations, une force considérable, généralement répandue dans le royaume, il est du devoir du pouvoir exécutif de la connaître, de la modérer ou de l'augmenter selon les circonstances.
Pour remplir cet objet, les municipalités enverront chaque année aux approches de l'hiver, saison où la longueur des nuits et la privation des ressources dans les campagnes rendent la police des villes plus difficile, un état exact de leur milice. Ces états partiels adressés au gouvernement le mettront à portée d'apprécier la force générale des milices nationales existantes, et de proportionner les secours des troupes réglées aux besoins divers qu'on aura cru apercevoir.
Ces états seront renouvelés chaque année parce que des changements de domicile et plusieurs autres motifs exigeront pour l'exactitude de fréquentes variations.
Dans ces états seront seulement compris des citoyens domiciliés de l'âge de dix-huit ans, jus-qu a celui de cinquante, possédant des biens propres ou du moins affermés.
Leur service sera effectif selon les rôles municipaux ou par remplacement de gré à gré, mais seulement par des citoyens domiciliés et compris dans les milices de la même ville.
Ces qualités de domicilié et de propriétaire sont exigées pour deux motifs; afin que la composition de ces milices nationales soit moins variable et afin que la classe des citoyens honnêtes, qui n'ont point de propriétés puisse fournir aux troupes réglées de plus fortes recrues, sans enlever aux ouvrages des arts un trop grand nombre d'ouvriers et aux campagnes un trop grand nombre de cultivateurs.
Après avoir écarté presque toutes les gênes que
? cet établissemen t peut faire craindre,on ne se dissimule point qu'il ne reste quelques liens assujettissants : ils sont le prix par lequel la liberté modérée se paye à elle-même tout ce qu'elle vaut. Et il est indispensable que les règlements qui dirigeront les municipalités soient observés avec exactitude dans les temps les plus calmes, afin qu ils puissent servir à leur usage convenable
> lorsque le maintien de la tranquillité publique les rendra nécessaires.
Dans le nombre des villes, sera comprise une partie des bourgs qui ont une population moyenne évaluée à six mille âmes. Ces lieux, quoique ouverts, peuvent être assimilés aux villes, ayant dans une proportion inférieure à leur égard des branches de commerce, des manufactures et une richesse qui a besoin d'être protégée.
Tous les autres bourgs d'une moindre popula-tion, les villages et les hameaux n'auront point de milices nationales, parce que les intentions et les habitudes de l'agriculture paisible ne doivent
point être altérées par des habitudes opposées, qu'un peuple continuellement cultivateur ne doit être qu accidentellement armé ; que le temps employé à des gardes militaires serait un temps dérobé à la culture et à tous les travaux précieux de la campagne; et qu'une foule immense de petits propriétaires, de journaliers quelquefois jaloux les uns des autres, munis d'armes offensives, ne recevraient pas de leurs municipalités faibles et éparses sur de vastes terrains une surveillance assez immédiate (1).
Cependant les campagnes doivent être défendues. Pour y pourvoir, les bourgs, villages et hameaux seront dépendants chacun de leur district désigné; ceux qui avoisinent les villes seront sous la garde immédiate des milices de ces villes, ceux qui en sont éloignés seront défendus par les maréchaussées disposées à leur proximité et par quelques cantonnements de cavalerie et de dragons placés à leur portée.
Les habitants des campagnes seront secondairement protégés par ceux d'entre eux qui
auront
Enfin, par un règlement particulier, trois habitants notables dans chaque bourg ou village seront désignés par leurs communautés pour veiller à leur première sûreté ; en cas d'alarme, ordonner que le tocsin soit sonné, selon des signaux différents et connus des habitants, afin que la nature du danger et des secours convenables et le choix des lieux d'un premier rassemblement soient énoncés dans tous les cas prévus et qu'on puisse; en avertissant de l'espèce de péril réel, prévenir toutes les fausses terreurs.
Par un aperçu assez généralement adopté, en supposant dans les villes et bourgs principaux dix millions d'âmes, et le dixième de ce t?tal eu état de porter les armes on aura un million de citoyens en défense, un million de propriétaires légalement armés, pour que les possessions de tout genre soient conservées contre les entreprises de cette foule dispersée d'étrangers et d'habitants sans domicile et sans propriété, paisibles et utiles quand une police générale les contient, entreprenants et dangereux lorsqu'ils croiraient pouvoir l'être avec impunité.
En déterminant les rangs effectifs et journaliers seulement au dixième de ce million existant il en résultera un corps de surveillance de cent mille hommes répandus sur la surface entière du royaume et continuellement attentifs à sa sûreté.
Selon ce plan de précautions et de défense, le pouvoir exécutif, allié fidèle de la liberté générale, associera les municipalités à la surveillance qui lui appartient; les devoirs qui en résulteront seront bien importants; car la liberté a ses limites circonscrites; des habitudes serviles ne permettraient pas qu'on imaginât de les atteindre, la licence 11e doit pas les franchir. De nouveaux règlements concernant les municipalités seront les conservateurs d'une liberié convenable *, et on en sera incessamment redevable aux lumières de l'Assemblée nationale.
SECTION III.
DE L'ORGANISATION DE LA FORCE MILITAIRE DANS L'INTÉRIEUR DU ROYAUME, SOUS LA DÉNOMINATION DE MILICES RÉGLÉES.
Les milices des villes protègent l'intérieur du royaume, les troupes réglées en défendent l'approche aux ennemis du dehors; celles-ci, dans les temps de trouble, s'unissent aux citoyens, et les citoyens doivent à leur tour fournir les remplacements nécessaires pour que l'armée soit entière dans tous les temps et que sa composition soit constamment maintenue selon les formes et les proportions qui auront étéjugées convenables aux vrais intérêts de la nation.
Les milices nationales des villes ont leur destination prescrite, et ce n'est point elles qui doivent pourvoir à ces régénérations de l'armée que le temps rend indispensables.
C'est parmi les habitants des villes non domiciliés, non classés dans les milices et les habitants des campagnes que doivent être prises les recrues ordinaires pendant la paix et les suppléments extraordinaires aux approches de la guerre.
L'armée dont une économie vigilante aura par approximation désigné la force pendant la paix, en se conformant cependant aux proportions variables que suggérera le tableau mouvant de la politique de l'Europe, n'aurait pas pendant la guerre une force suffisante relativement à celle de nos ennemis naturels.
Il sera donc nécessaire d'avoir dans le royaume un corps non actif, mais préparé, qui puisse donner en très-peu de temps ce supplément de force dont on ne peut se passer; et ce corps ainsi disposé ne peut être qu'une milice réglée.
Conséquemment on abolira, selon le voeu de presque toutes les provinces, l'ancienne milice et son régime oppresseur et sa voie bizarre du sort et sa dépendance des intendants et des subdélégués ; et l'on établira à sa place une milice ordonnée et limitée par la loi et dont tous les membres seront librement offerts par des engagements volontaires et librement acceptés par la totalité des citoyens comme un des principaux tributs qu'ils doivent à la chose publique.
Cette milice de la nation sera composée d'une première partie êxistante et d'une seconde partie suppléante destinées à compléter chacune le nombre de 60,000 hommes.
On ne parlera d'abord que de la milice réglée
6X1S tâlltG
Les rôles des répartitions seront ordonnés par communautés. Les états qu'on envoyait pour les enrôlements des anciennes milices se trouvent faits pour servir à dresser les états de la nouvelle milice réglée. Et lorsqu'on aura mieux établi, mieux calculé la force respective des provinces, mieux déterminé par les diverses populations l'étendue des districts et la position des chefs-lieux; ce travail assurera sur toute la surface du royaume des distributions aisées et l'exécution d'une règle uniforme, dégagée de toutes prédilections.
Chaque communauté sera obligée de fournir le nombre d'hommes qu'il lui sera prescrit de donner, l'obligeant d'abord au remplacement effectif, en cas de mort ou de désertion ; et ensuite au payement d'une somme déterminée pour tenir lieu de second et dernier remplacement, si le milicien et le suppléant manquent à la fois.
Le milicien doit promettre les qualités que le soldat doit avoir, et le pouvoir de l'accepter ou de le refuser est très-important, puisqu'une partie de la force de l'armée dépendra un jour de ce premier choix. Des inspections exactes seront donc nécessaires.
Elles seront confiées à des officiers qui auront une expérience acquise, parce qu'ils sont les seuls juges naturels des qualités du soldat; elles ne seront point confiées à des officiers étrangers aux cantons qu'il s'agira de parcourir, elles deviendront l'occupation habituelle et honorable des officiers retirés du service et domiciliés dans leurs provinces. Ces officiers, désignés par le gouvernement seront autorisés à se concerter avec les municipalités et à se refuser à de mauvais " choix.Le gouvernement les dédommagera, par des gratifications ^annuelles, des frais de déplacement auxquels ils seront assujettis.
Les miliciens nationaux ne sont point encore des soldats et ne doivent pas être soumis aux punitions des délits militaires; mais s'ils désertent, leur infidélité les rend coupables envers la patrie ; et c'est à leurs officiers municipaux seuls -qu'il peut appartenir de les poursuivre pour raison d'engagements faits à prix d'argent et qu'ils n'auraient point tenus.
Les milices réglées seront distribuées par divisions et de manière que dans le cas d'un rassemblement général par districts, elles composent aisément des compagnies et des corps réguliers.
Ces milices n'auront point d'uniformes ni d'officiers désignés en temps de paix ; on ne doit les considérer que comme des dépôts connus, de citoyens annoncés pour être des soldats au début de la guerre.
t On s'aperçoit que cette institution, qui suffit à l'objet qu'on se propose, épargnera les tourments que donnait l'ancienne milice et les terreurs qu'avaient éprouvés ceux-là même que le sort venait d'épargner. Sans la nécessité d'aller au secours de la patrie on n'enlèvera plus le cultivateur à son champ et l'ouvrier à son atelier; la victime d'un billet noir sera remplacée par l'homme libre qui traitera volontairement du prix qu'il attache à son service.
Cependant, il est utile d'une part que les soldats annoncés pour l'avenir soient soumis à une surveillance qui constatera leur existence continuelle; et d'une autre part que, sans les priver de leur industrie et du salaire de leurs travaux journaliers, on puisse leur donner les premières instructions qui devront un jour leur être néces-cessaires.
Pour satisfaire à ce second objet, tous les dimanches, hors ceux de la saison où se l'ait le plus grand travail des champs, les miliciens se rassembleront dans les chefs-lieux de leurs arrondissements, dont chacun n'aura tout au plus que deux lieues et demie d'intervalle de son centre à sa circonférence; ils y seront en présence de . leurs officiers municipaux,auxquels la police de ces rassemblements sera confiée.
Des officiers habitant des lieux voisins, des sergents ayant eu leur congé absolu et sédentai-rement à portée des arrondissements convenus, exerceront pendant quelques heures cette milice au premier maniement des armes.
Les principaux officiers civils du district auront chez eux les fusils qui seront prêtés à l'exercice et rendus ensuite aux divers dépôts dont ils auront été tirés.
L'honneur et le patriotisme confient à d'anciens militaires les premiers soins de
ce noviciat. Ces motifs doivent persuader qu'aucun d'eux ne refusera sa
surveillance; et si elle exigeait de leur part quelques légères dépenses, les
assemblées provinciales seraient autorisées à ordonner de faibles dédommagements
proportionnés (1).
SECTION IV.
DE LA FORCE MILITAIRE PERMANENTE ET D'UNE NOUVELLE ORGANISATION DE L'ARMÉE.
Avant de vouloir constituer l'armée, il convient de savoir quelle doit être sa force effective. Si l'on ne fait attention qu'à la situation des finances, à la nécessité d'augmenter le prêt des troupes, à la convenance de préférer des bras qui fécondent la terre à des bras en apparence inutilement armés pendant de longs intervalles de paix, à la situation de nos terres bornées par des mers, les Pyrénées, les Alpes, et par une double enceinte de places fortes ; si l'on fait attention à la sûreté que semblent nous promettre nos alliances politiques et surtout à l'avantage d'une modération raisonnée qui ne nous laisse que nos provinces à défendre et ne nous permet pas d'envier celles de nos voisins, on pensera que l'armée devrait être diminuée et peut-être propoee-rait-on de la réduire aux deux tiers de sa force actuelle.
Mais si l'on réfléchit qu'une politique ambitieuse peut au moment le plus inattendu méconnaître les liens de la confiance et de la foi promise, que les puissances rivales sont continuellement par de nombreux corps de troupes et des constitutions toutes militaires, en situation de méditer des projets hostiles ; qu'une triple confédération s'est formée et peut menacer au moment Je moins prévu nos colonies et nos frontières ; qu'une défensive trop assujettie livrerait au début même de la guerre le centre du royaume aux incursions des étrangers; que plusieurs de nos provinces anciennement conquises nous appartiennent à des titres de propriété qu'on nous disputerait sans doute, si nous cessions d'être en état de les défendre-, que les traités sont nuls dès qu'on a le pouvoir de les contester ; que nos côtes et nos ports sont étendus et jalousés, que nos colonies exigent des garnisons et notre commerce des soldats qui le protègent, qu'une longue paix vient de nous affaiblir, du moins dans l'opinion de nos rivaux ; que la population n'est point l'armée et que quand on a beaucoup de bras a employer il faut encore beaucoup de temps pour faire des soldats ; sans doute par ces considérations afiirmerait-on que notre armée dans sa force actuelle ne doit souffrir aucune diminution.
Après avoir balancé avec circonspection ces motifs opposés, ce n'est encore qu'à regret qu'ou ose prononcer de réduire l'armée a environ cent-vingt mille hommes, dont quatre-vingt-dix mille d'infanterie, vingt-mille de cavalerie et dix a douze mille d'un coips d'élite et de réserve, et de compenser la reforme que l'on fera par les avantages d'une meilleu/e constitution militaire et une tactique moins restreinte aux manuvres des corps séparés les uns des autres ; par l'exactitude du complet, les encouragements nouveaux et la discipline de l'honneur mise à la place d'une avilissante sévérité; enlin par le nouvel usage d'un vrai esprit national substitué à de serviles imitations étrangères.
Une loi immuable ne prononcera pas déliniti-vement sur le nombre des troupes qui composeront dans tous les temps la permanence de l'armée ; ce serait entreprendre de fixer le jeu des passions humaines et les projets de l'ambition des puissances rivales et la force instauta-
iEMENTAIRES. [23 septembre 1789.]
née que leur donneraient des traités de nouvelles alliances offensives. Vouloir assujettir à un calcul précis une résistance quelconque, c'est vouloir maîtriser les passions qui agissent en sens opposés. La mesure de l'attaque qui peut être pressentie n'est jamais déterminée sans variations. Un seul traité inattendu peut solliciter rapide-mnet le secours de cent mille bras ; un seul traité peut les désarmer en un instant.
Le pouvoir législatif ne s'exerce que dans 1 intérieur des Etats; il ordonne pour tous les temps; il s'établit sur des données lixes et qui ne sont point dans la dépendance des volontés sur lesquelles il ne peut établir aucun empire; mais le monarque, défenseur de l'Etat comme des lois qui le gouvernent^ le secret des sentiments qui dirigent la conduite des puissances rivales, il affaiblirait ses moyens s'il divulguait ses secrets ; dans le calme de la paix, il entretient un supplément de force qui paraît inutile et sa prévoyance a déconcerté l'ennemi dont il a prévu les desseins; il a éloigné la guerre par l'appareil de la guerre; il est économe lorsqu'on le croit prodigue. La force de l'armée, son organisation, ses destinations dépendent donc inévitablement de la fortune des événements et de la sagesse du monarque.
On dira que la population du royaume et la valeur française composeraient sans obstacle et sans retard des armées formidables ; mais le nombre et le courage seuls ne sont point des armées; jamais elles ne sortiraient toutes préparées de nos paisibles hameaux, le nombre les rendrait embarrassantes, la valeur même les rendrait indisciplinées; les garnisons, les camps, l'habitude et le temps donnent seuls des soldats et promettent des victoires (1).
Pour que l'armée soit mieux constituée on observera que les différentes armes se
prêtent
Nous pourrions comme les anciens réunir nos armes sous un même esprit de corps et composer des légions françaises avec des troupes légères de gros corps d'infanterie et quelques troupes à cheval. Cette idée n'est certainement pas nouvelle, elle exprime même un vu assez général. Cependant il est vrai que les changements de formes dans la constitution militaire occasionnent une sorte d'étonnement accidentellement nuisible et que les circonstances présentes nécessitent que l'on diffère l'exécution des projets dont l'utilité ne serait pas généralement reconnue; on se contentera de supprimer dans les différents corps qui composent l'armée les vicieuses institutions que l'on y a introduites, et de rappeler une partie de celles qu'on avait mal à propos dévouées à l'oubli.
De l'abandon de plusieurs institutions qui ont été tour à tour prescrites, abandonnées et renouvelées de vingt manières depuis trente années dans le régime de l'armée française, naîtra tout naturellement non pas une combinaison déformés nouvelles (l'expérience doit enfin nous garantir contre le caprice des nouveautés), mais le retour vers des principes constitutifs dont l'expérience, le temps et nos anciennes victoires avaient consacré l'usage.
Nos corps d'infanterie sont trop peu nombreux à la fin d'une campagne, et
quelquefois dès la première ils n'ont presque plus de solidité quand les hasards de
la guerre, les maladies et la désertion les ont énervés. Les corps faibles par le
nombre ont difficilement cette énergie que produit le premier aperçu des forces
réunies lorsque par l'unanimité des volontés et le concours des moyens, on sent tout
ce qu'on est en état d'entreprendre. C'est une constitution trop faible que celle
qui n'unit que deux bataillons ensemble. En doublant des régiments on aura moins de
chefs à placer, mais on n'a pas des corps de troupes
Les corps doivent être nombreux, mais les sections de ces corps, les compagnies, ne doivent pas l'être. Le nombre des officiers a toujours fait la principale force des armées françaises. Sur un espace plus borné où la vue se dirige, où la voix se fait écouter, chaque officier particulier peut avec plus de facilité étendre sa surveillance, et c'est pourtant de cette surveillance que dépend un jour de combat le deuil ou la gloire de tout un peuple.
Des corps nombreux ne doivent pas être confiés à la seule valeur que l'expérience ne guide point encore. A quoi servent des officiers généraux fortuitement placés devant l'ennemi à la tête d'une brigade qui ne les connaît point et dont ils ne sont point connus? Chefs un instant prêtés à la troupe, en ont-ils mérité la confiance? De quelle utilité sont ces inspections faites en parcourant des routes, lorsque l'officier général qui en est chargé s'empresse de dispenser la louange ou le reproche, et qu'il entreprend de rassembler en peu de jours les -renseignements importants qui doivent décider de la discipline d'unearmée en tière?
Le Roi couservera des gouverneurs et leurs lieutenants dans ses provinces, la plupart sont éloignées du séjour du monarque : elles ne sont pas toutes à portée d'apprécier sa bienfaisance et ses intentions; mais ce précieux avantage de représenter le chef de la nation et de rappeler ses attributs divers, l'Etat ne doit point à la fois le concéder et le payer ; de grands honneurs ne doivent point être salariés avec prodigalité; de moindres traitements attachés à ces premières places, si l'on consulte les sentiments généreux de ceux qui les possèdent plus encore que les besoins de l'Etat, ne seront plus qu'une partie du dédommagement qu'exigent les dépenses d'une représentation honorable et nécessaire.
Les gouverneurs et leurs lieutenants seront souvent présents dans les provinces et ce ne sera que dans des cas particuliers que le gouvernement emploiera des commandants subordonnés.
Lorsque des officiers généraux seront, comme on le propose, à la tête des corps, les divisions, les généraux et les inspecteurs divisionnaires ne seront plus d'aucune utilité, et quand pour des simulacres de guerre et de grandes manuvres on réunira plusieurs corps de troupes, les rangs de l'ancienneté décideront de la subdivision des commandements.
Les places frontières seront entretenues avec soin ; la conservation des places fortes devien t d'autant plus importante qu'une politique prévoyante doit donner à la France de plus grands moyens de se défendre quand elle lui fait rejeter presque tous les projets des guerres offensives.
Les états-majors des places frontières ne seront point supprimés; ils établissent la balance entre le citoyen et le soldat ; ils resserrent les liens qui leur sont communs.
Les chefs qui commandent les régiments seraient en les remplaçant suspects de prédilections. Enfin les états-majors ne coûtent ou ne doivent presque rien coûter à l'Etat, puisque ces places sont ou doivent être la récompense des braves officiers vieillis sous les armes et que le Tréso^ public serait obligé d'entretenir sans exiger d'eux de nouveaux services.
L'établissement des écoles militaires paraîtra susceptible d'une nouvelle faveur. C'est en soignant avec libéralité ces plantes naissantes que la
génération présente peut assurer à la postérité les fruits honorables de la discipline et du courage.
Elle veillera sur la vieillesse des pères comme elle aura veillé sur la jeunesse des enfants, aux Invalides, dans cet asile d'honneur et de repos, où des vieillards courbés par les outrages du temps, se réjouissent encore au récit de leurs combats et au souvenir de leur valeur; ils élèvent vers le ciel, en bénissant la patrie,des yeux mouillés des larmes de leur reconnaissance. Non, sans doute, la patrie ne les abandonnera point au bord de leurs tombeaux.
On ccmviendra que des grades militaires trop multipliés n'ont été très-souvent que les dons de la faveur ; que la confiance des soldats ne se livre qu'à l'expérience de ceux qui les commandent. On voudra que la justice sans bandeau remplace à l'avenir la faveur aveugle; on voudra peut-être que des traitements excessifs dont jouissent quelques hommes riches soient diminués et l'équité de ceux qui ont ajouté cette richesse empruntée à celle que des héritages leur avaient déjà transmise s'empressera, sa:is doute, de rendre à la patrie d'inutiles bienfaits qui lui serviront à satisfaire devrais besoins.
C'est alors que la nation plus économe et plus généreuse à la fois pourra répandre ses dons sur des officiers parvenus en vieillissant à des grades supérieurs; dans la réunion de leurs travaux se trouve le témoignage du dévouement de leur vie entière et presque toujours du sacrilice de leurs fortunes. La plupart n'ont plus que des instants pour jouir et des vux à prononcer pour la liberté et la gloire de la nation.
De ces idées élémentaires que nous pourrions étendre sans doute, en nous livrant au sentiment du bien public qui nous anime, se déduiront les institutions suivantes ; nous n'indiquons que les titres des ordonnances et des règlements qui serviraient de bases à une nouvelle législation militaire.
TITRES DES ORDONNANCES ET DES RÈGLEMENTS
CONVENABLES A LA NOUVELLE ORGANISATION DE
L'ARMÉE.
Art. ler. Les régiments d'infanterie seront doublés et
remis tous à quatre bataillons.
Art. 2. Chaque bataillon aura treize compagnies, dont une de grenadiers. Les chasseurs seront incorporés dans les compagnies, au nombre de six dans chacune.
Art. 3. Chaque compagnie sera, au premier complet, de cinquante-six hommes, non compris les officiers.
Art. 4. Chaque régiment, en temps de paix, sera de trois mille soixante-huit hommes compris les officiers, hors l'état-major;
Art. 5. Au premier pied de guerre, de quatre-mille cinq cent soixante-seize par la première incorporation des milices réglées;
Art. 6. Au grand complet, de six mille trente-deux par la seconde incorporation des milices suppléantes; mais dans cette dernière formation le complet possible ne sera plus qu'une approximation.
Art. 7 Les compagnies seront commandées paîtrais officiers avant la première incorporation, par quatre officiers lors de celle incorporation et par cinq au grand complet.
Art. 8. Dans les trois situations, la compagnie n'aura qu'un seul capitaine; selon la seconde
situation un lieutenant et deux sous-lieutenants, et selon la troisième deux lieutenants et deux sous-lieutenants.
Art. 9. Il semble qu'il convient de ne pas assujettir l'armée au moment présent et par un mouvement trop rapide, à la formation qui sera ordonnée pour l'avenir, et que la première opération peut se réduire au doublement des régiments, au dédoublement des compagnies, à l'incorporation des officiers des régiments supprimés et à un complet des corps accidentellement inférieurs à la composition prescrite pour les temps qui suivront.
Art. 10. Dans l'attente d'une conformation légionnaire il ne sera fait aucun changement dans la cavalerie, les dragons et les troupes légères. La réforme prescrite sur la totalité de la cavalerie, s'effectuera par le non-complet des compagnies (1).
Art. 11. Les recrues ordinaires d'hommes et les remontes des chevaux seront rendues, non aux capitaines, mais aux corps, et réparties proportionnellement dans les compagnies.
Art. 12. Chaque capitaine aura la faculté d'attribuer à sa compagnie et de préférence, les hommes qu'il aura pu se procurer directement ou par le concours de ses officiers et bas-officiers. Ainsi on offrira au capitaine l'homme choisi de gré à gré et par un accord, facile, dans une masse commune ; on aura rapproché les intérêts qui unissent le commandement à l'obéissance ; on aura donné à l'honneur une garantie commune.
Art. 13. Dans les temps d'une paix assurée, le nombre et la durée des semestres,
l'abandon d'une partie des appointements et de la solde et
Art. 14. Les conseils d'administration seront conservés ; mais leurs formules de bureaux seront abrégées par le fait même de la nouvelle composition des régiments.
Art. 15. Le régime des masses dans les corps, une grande partie de ce travail consigné dans les dernières ordonnances, utile à quelques égards, mais nuisible en ce qu'il a été la source d'un mécontentement sourd et d'une méfiance continuelle du soldat à l'égard de ceux qui le commandent, sera simplifié et les décomptes de toute espèce seront faits à des époques plus rappro-chées
Art. 16. Les lieutenances-colonelles seront rendues à l'ancienneté, pour que l'espoir de commander soit donné à tous, que la constance dans le service soit récompensée et que les fruits de l'expérience acquise ne soient plus perdus.
Art. 17. Les concordats à l'occasion de ce grade pourront avoir lieu sous des conditions privées, consenties par tout le corps de capitaines du régiment. Le concordat est en quelque sorte une dernière épreuve du zèle militaire ; par son acceptation il termine paisiblement la carrière de l'homme infirme ou de celui qui n'a eu que des vertus communes ; par son refus, il distingue et montre l'homme supérieur qui dévoue tout son courage et tous ses talents.
Art. 18. La majorité ne sera plus un grade dans l'armée, elle sera donnée comme une preuve de la confiance des corps pour des talents reconnus.
Art. 19. Dès que la majorité sera vacante par démission volontaire ou autres événements, les capitaines proposeront à leur inspecteur trois sujets de leurs corps ; le ministre les proposera à Sa Majesté, qui choisira l'un des trois.
Art. 20. Dès que le grade de la majorité sera éteint, le seul obstacle au rappel des commandants de bataillon sans troupes n'existera plus. Ces emplois rétablis appartiendront dans chaque régiment aux deux plus anciens capitaines; toutes les parties d'un bataillon seront mieux liées sous un chef particulier ; le rang de capitaine aura regagné une de ses anciennes distinctions ; aucun autre rang intermédiaire ne le séparera plus de la lieutenance-colonelle.
Art. 21. Les colonels et majors en second, cet intermédiaire qui soumet le vrai intérêt des corps à la satisfaction de placer des sujets, qui gêne, à la fois, et le rang qui est au-dessus et celui qui est inférieur sera supprimé, ceux qui l'exercent maintenant seront présumés en activité jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés.
Art. 22. C'est par la nécessité de relever l'importance d'un des emplois les plus utiles et les plus multipliés, et d'unir les capitaines d'un même corps par une réciprocité de bienfaits et des liens plus fraternels, qu'il paraît convenable que la présentation des sous- lieutenants dont la nomination sera dévolue au corps, soit adressée au colonel par le capitaine, dont la compagnie aura la sous-lieutenance vacante ; le capitaine proposera trois sujets ; le colonel choisira celui des trois qu'il préférera présenter au ministre.
Art. 23. Les peines contre les délits seront adoucies. C'est dans ce travail surtout que le législateur ne doit jamais perdre de vue l'objet moral et qu'il doit punir, autant qu'il lui est possible, par le seul châtiment de la honte.
Art. 24. La peine de mort ne sera prononcée
contre la désertion qu'à la troisième récidive.
Art. 25. A côté des peines prononcées, on établira des récompenses pour l'exactitude du service, pour le mérite persévérant des soldats atta-chés à leur étxt.
Art. 26. Les récompenses ne seront point pécuniaires, mais honorifiques et encourageantes; elles seront décernées parles chefs à la demande des pairs de ceux qui les auront méritées.
Art. 27. L'obligation de monter sans armes la première garde en présence de celui qui remplacera sera une des punitions infligées ; la peine de prison sera ordonnée, mais on aura auparavant veillé soigneusement à la salubrité des prisons militaires.
Art. 28. Dès que la punition pour délits déshonorants aura été infamante (ce genre de châtiment doit toujours être sévère), le coupable sera chassé de son corps, et sa honte sera signalée dans le cartouche qu'il recevra.
Art. 29. Les engagements ne seront plus que de six années.
Art. 30. Les seconds engagements et les sui ¦ vants feront mention de la reconnaissance de la nation et de la satisfaction des chefs.
Art. 31. Les troisièmes engagements vaudront 2 sous par jour de haute paye.
Art. 32. Et après un cinquième engagement, les soldats et cavaliers conserveront deux tiers de leur paye, s'ils ne veulent point les Invalides en prenant leur congé absolu.
Art. 33. La paye actuelle sera augmentée de
2 sous par jour pour les fusiliers, cavaliers, grenadiers, carabiniers et les bas-officiers, et de
3 sous pour les sergents et maréchaux de logis.
Art. 34. Les appointements des officiers seront
augmentés pour tous les grades actifs, d'un sixième en sus des appointements actuels.
Art. 35. Les régiments étrangers conserveront les avantages dont ils jouissent.
Art. 36. Les régiments suisses conserveront selon leurs capitulations leur solde et leur régime actuel.
Art. 37. Les uns et les autres participeront au bienfait accordé aux troupes françaises, dans une proportion que doivent limiter les avantages de leur traitement actuel. On a quelquefois proposé de licencier les étrangers, mais on n'a peut-être pas fait assez d'attention à l'avantage qu'ils procurent en augmentant, pour ainsi dire, la population de l'Etat par l'offre de leurs services volontaires. Chaque étranger qui se donne à nos armées rend deux bras à notre culture ou à nos arts de la paix.
Art. 38. Les exercices et les évolutions sont susceptibles d'être simplifiés.
Art. 39. Les simulacres de guerre, les marches rapides et les exercices à feu seront plus souvent renouvelés.
Art. 40. On réunira au moins deux fois toutes les années les régiments qui seront le plus à portée les uns des autres, pour les exercer ensemble.
Art. 41. Le régime des vivres, des fourrages et des hôpitaux sera fait comme autrefois par entreprises, mais sous des clauses plus économiques d'un règlement nouveau.
Art. 42. Il sera fait un nouveau règlement utile aux provinces, concernant les étapes.
Art. 43. Pour maintenir la discipline de l'armée, la plus grande partie de l'infanterie ne sera employée que sur les frontières en première et seconde ligne.
Art. 44. La cavalerie dans ses cantonnements
sera plus rapprochée du centre du royaume, où elle contribuera par un service particulier qui lui sera prescrit à la sûreté des communications.
Art. 45. Les troupes ne prêteront main-forteen se conformant à des formules connues des citoyens comme de l'armée qu'à la réquisition des municipalités ou des tribunaux, ne pouvant y avçir de services relatifs aux citoyens, que ceux qui maintiennent la police générale ou ceux qui assurent la punition des délits.
Art. 46. Chaque régiment d'infanterie sera commandé par un maréchal de camp qui l'inspectera; tous les officiers du même corps lui seront subordonnés comme à leur premier chef.
Art. 47. Cet officier commandant sera présent à son corps chaque année, pendant quatre mois.
Art. 48. Un règlement de discipline distinguera les diverses parties du commandement, en conservant aux colonels ce qui peut leur appartenir de police immédiate.
Art. 49. Les anciens noms, les anciens uniformes seront rendus aux régiments, parce que des mots déterminent le plus souvent le sentiment et la pensée, et que des noms illustrés par de belles actions n'ont pas dû être changés en dénominations arbitraires.
Art. 50. L'officier général commandant appartenant sédentairement au corps qui lui sera confié en portera l'uniforme.
Art. 5t. Les uniformes ne seront plu3 à la troupe seulement, des habits désignant un service actif, ils seront un vêtement habituel et distinctif de létat militaire; ils seront portés à la cour et devant le Roi. Un grand uniforme sera désigné aux officiers supérieurs et généraux, pour les fetes publiques et le jour où le souverain tiendra sa cour.
Art. 52. En attendant une nouvelle formation légionnaire, où une partie de la cavalerie et des dragons sera introduite, il sera désigné un maréchal de camp au commandement et à l'inspection de deux régiments de cavalerie et de dragons.
Art. 53. Quatre lieutenants généraux rédigeront les inspections particulières et feront leur travail avec je ministre de la guerre.
Art. 54. S'il se fait des rassemblements pour de grandes manuvres, il y sera employé extra-ordinairement des lieutenants généraux.
Art. 55. Le dernier règlement concernant les grades sera supprimé; les grades supérieurs seront donnés au mérite ou à l'ancienneté, selon les conditions immuables d'un nouveau règlement qui en limitera le nombre et rendra aux commandements supérieurs leur ancienne prééminence.
Art. 56. Tout officier qui sera parvenu par tous les grades, et qui aura eu, avant d'être officier général, quarante années de service, sera censé en activité permanente.
^?,.ne Punira point la constance de ses travaux par 1 inutilité des restes de sa vie, de froides louanges et sa réforme involontaire.
Art. 57. Les pensions de retraite ne seront accordées qu'au grade de capitaine et aux grades supérieurs. Les officiers que des blessures auraient réduits à l'impuissance de servir et ceux qui seront parvenus par l'état de soldat, seront exceptes de ce règlement.
Art. 58. Les pensions de retraite seront augmentées à l'avenir, mais dans une proportion différente, selon les années de service de ceux qui les auront méritées.
Art. 59. Les capitaines répondent de la discipline, de la conduite, des qualités de la troupe qui leur est confiée; ils créent, ils entretiennent
les vrais éléments de l'armée. Les noms, les titres de ces emplois honorables ne doivent point être obtenus par l'amour-propre oisif. On laissera éteindre les brevets à la suite ou de remplacement ; tous les brevets désormais seront actifs.
Art. 60. La croix de Saint-Louis ne sera donnée qu'à des officiers en service de corps ou de troupes, sans interprétations arbitraires.
Art. 61. Les fonds de cet ordre seront augmentés par une partie des fonds des pensions du Trésor, et les nouvelles pensions seront accordées en gratifications annuelles aux officiers dans leur service actif qui auront depuis plus de douze années la décoration de la croix. Ces pensions, faibles d'abord, seront augmentées tous les deux ans; elles cesseront à l'instant des retraites accordées.
Art. 62. Ce fut originairement par un abus de lafaveur que des grâces pécuniaires se joignirent à la plupart des grâces honorifiques, comme s'il était juste que le gouvernement payât les grâces qu'il accorde.Si les honneurs devaient et pouvaient se payer, ce serait en sens contraire et par celui qui les reçoit. Il semble donc qu'on ne doit plus attacher de pensions aux dons des hautes distinc- . tions qui frappent la vue et satisfont l'amour-propre, telles que les cordons et les grands-croix.
Art. 63. Les grades, les places et les récompenses seront désormais accordées par le Roi dans son conseil, au rapport des ministres de chaque département.
Art. 64. Les emplois des états-majors des places seront accordés comme retraite. Ceux qui les exerceront pourront obtenir des lettres de service et reprendre leur activité selon les circonstances et leur proximité d'une armée ennemie.
Art. 65. 11 ne sera rien changé actuellement dans le service et la composition des corps du génie et de l'artillerie ni dans la distribution du service de ses bataillons. Ces deux corps ne seront jamais incorporés l'un dans l'autre.
Art. 66. Il paraît qu'on n'a pas de motifs de conserver le corps de l'état-major de l'armée ; les officiers instruits qui le composent maintenant seront employés à des missions particulières; mais ce corps n'a pas de désignation assez précise pendant la paix; et cette école de talents fait attendre longtemps, pour la guerre, les résultats de l'expérience. Les officiers des trois états-majors seront choisis comme autrefois, par la confiance des généraux pour les deux tiers du nombre qui en sera donné aux armées; le corps du génie fournira de droit le troisième tiers.
Art. 67. Le corps de la maréchaussée sera progressivement augmenté jusqu'au double de sa force actuelle ; ce corps utile sera rendu susceptible (te quelques grâces particulières.
Art. 68. Des corps d'élite seront établis sous la dénomination de corps de réserve, séparé de la totalité des troupes qui composent la ligne de bataille, afin de conserver le plus d'uniformité possible dans la formation et les traitements des différentes parties de l'armée. Ce corps de réserve sera de dix à douze mille hommes. La gendarmerie sera rendue à la nation et fera partie de ce corps Des corps d'élite n'auraient pas dû être supprimés ; ils lient en quelque sorte la partie de la nation la moins fortunée à la partie la plus opulente. Ces corps se composent d'une classe de citoyens que des droits généraux et leur éducation doivent affranchir des rangs inférieurs, quand leur fortune ne leur permet pas de s'éle- ' ver à des rangs supérieurs.
Art. 69. Plusieurs abus et des usages détournés
d'une première institution se sont introduits dans le régime actuel des écoles militaires ; l'expérience les a fait connaître ; il convient d'y remédier sans délai.
Art. 70. Les provinces n'auront ordinairement pour commandants militaires que leurs gouverneurs et leurs lieutenants généraux, selon les anciennes patentes et leurs droits honorifiques.
Art. 71. 11 ne sera plus nommé à des commandements en second, hors les circonstances qui paraîtront à Sa Majesté devoir exiger ce service extraordinaire.
Art. 72. Les dernières ordonnances concernant la formation de l'armée en divisions seront supprimées.
Art. 73. Les petits commandements sans activité, ceux qui donnent un droit d'absence illimité seront supprimés sur-le-champ. Si leurs titulaires ont d'autres charges ou d'autres appointements proportionnés à leurs grades et à leurs services, ils ne seront supprimés qu'à la mort des titulaires qui seraient privés de tout autre traitement.
Art. 74. Il sera fait deux nouveaux règlements concernant les classes et les gardes-côtes, afin d'assurer la liberté publique en alimentant avec des moyens suffisants les services divers du département de la marine.
Tels sont les principaux changements qu'il semble que des méprises où des erreurs ont rendus indispensables ; ils se rapportent tous à des principes anciennement reconnus, et leur exécution ne paraît plus devoir être différée.
Ils se rapportent tous au désir de maintenir ou plutôt de reproduire dans toute son énergie le caractère français, de décomposer et de proscrire ¦ des formes étrangères trop composées et trop froides ; de restituer aux soldats l'opinion de ce qu'ils valent lorsqu'ils se rassemblent sous les étendards unis de la discipline et de l'honneur ; de rendre aux capitaines le pouvoir et la gloire de constituer essentiellement l'armée; ils en sont la véritable force; d'élever le commandement qui s'exerce sur eux, en les élevant eux-mêmes à la hauteur où ils doivent se trouver; et de modérer l'usage des commandements supérieurs par des rapprochements plus doux et des règles habituelles d'une autorité moins arbitraire (1).
Si des calculs, qu'il serait inutile de rapporter, ne trompent point,on trouvera
les résultats d'une épargne considérable, et en même temps une plus sage
distribution des bienfaits que le Trésor public doit répandre avec justice et sans
prodigalité;
La formule du nouveau serment que les représentants de la nation viennent de concerter avec sagesse et que le Roi a été supplié de faire promulguer dans tous ses Etats, ne peut être et n'est en effet que le développement d'une formule ancienne, mais trop concise.
Les troupes jureront d'être fidèles à la nation et au chef de la nation ce qui n'est qu'un seul et même serment, un seul et même devoir, le Roi et la nation étant indivisibles.
Les troupes jureront d'être fidèles à la loi; mais il s'agit eucore ici de la nation et du Roi, puisque la loi n'est que l'expression de la volonté de la nation et du premier devoir du chef qui la gouverne au nom sacré de la loi.
Le soldat jurera de respecter la vie et les possessions du citoyen. Et dans quel pays, dans quel temps, les défenseurs par état du citoyen auraient-ils pu entendre qu'ils jureraient d'usurper ses propriétés ou de menacer ses jours ; lorsqu'à la réquisition des officiers civils ou municipaux, ils contiennent, intimident ou punissent des coupables qui s'opposent à l'ordre public, ils n'obéissent qu'à la loi qui leur ordonne de veiller à sa sûreté; ils ne protègent que le citoyen qui l'est toujours contre celui qui a cessé de l'être; ils protègent leurs frères contre les complots des familles qui leur sont devenues étrangères?
Les chefs des troupes s'imposeront leurs obligations en 'présence des officiers municipaux, et cette publicité n'est que le gage et l'assurance constatée avec solennité des engagements qui sont réciproquement contractés.
Voilà les devoirs du soldat citoyen, et ce dernier titre ennoblit encore le premier.
Mais le soldat est-il employé pour repousser l'ennemi de l'Etat ? Et dans toute autre circonstance qui n'intéresse point les lois de son pays, où le citoyen isolé n'a rien à réclamer, rien à prétendre, il n'est plus que soldat; il jure d'obéir à ses officiers, d'observer la discipline qui lui est prescrite, de s'y soumettre sans murmure, de se dévouer tout entier, et si ses chefs le lui ordonnaient, de mourir s'il le faut à ses drapeaux.
Ces idées justes suffisent pour développer le vrai sens de la formule du serment dont la nation et le Roi viennent de consacrer l'usage.
Nous avons voulu examiner, dans cet écrit, le vu du monarque, le vu de la nation et les sentiments unis de l'amour de l'ordre et de la liberté.
présidence de m. le comte stanislas de clermont-tonnerre.
Séance du
donne lecture de la lettre suivante :
«Monsieur le président, l'Assemblée nationale a pris sous la sauvegarde de l'honneur les créanciers de l'Etat. Une résolution si généreuse importe à toutFrançais. Permettez, monsieur le président,que je contribue à l'exécution d'un vu que forment tous les Français. Pénétré de ces sentiments, j'offre
à la nation l'hommage d'une somme de 100,000 livres. Je ne regarde pas comme un sacrifice à l'Etat la remise faite en 1776 aux habitants d'Amiens d'un droit de minage important, et je déclare renoncer pour ce droit à l'indemnité promise par le gouvernement en ladite année 1776 et au rachat autorisé par l'Assemblée nationale elle-même dans ses arrêtés du 4 août.
« Signé : le duc de charost. »
Je demande que cette lettre soit imprimée.
L'Assemblée ordonne l'impression et charge son président d'écrire à M. le duc de Charost pour lui témoigner sa sensibilité.
a fait successivement lecture d'une lettre d'un des membres des communes, qui contient un billet de 2,400 livres, payables en deux termes, dont il fait don à la caisse patriotique, comme formant la cinquantième partie de sa fortune ;
D'une lettre du sieur Georgelin, correspondant des Etats de Bretagne, par laquelle il annonce la remise qu'il fait faire à la caisse patriotique, d'une bourse de jetons qui lui a été envoyée par les Etats de Bretagne ;
D'une lettre des sergents-majors et sergents du régiment de Besançon, du corps royal de l'artillerie, destinée à accompagner une rescrîption de 600 livres, qu'ils offrent à l'Assemblée pour être appliquée aux besoins de l'Etat ;
D'une lettre, en forme de requête présentée par les députés de la paroisse de Villabé, lesquels, en vertu d'une délibération de cette paroisse, apportent à l'Assemblée une somme 264 livres provenant de la vente de sacs de blé, confisqués à son profit ;
D'une lettre des membres du comité de la société patriotique de Strasbourg, qui, en annonçant l'ouverture d'une souscription patriotique dans la ville de Strasbourg, dont le produit monte déjà, pour les quatre premiers jours, à la somme de 18,000 livres , déposée chez M. Lacombe, notaire royal, indique que la première souscription a élé celle de M. le comte de Rochambeau, commandant pour le Roi en Alsace.
Ces lectures terminées, M. Dupont, député de Nemours, qui jouissait de 8,000 livres d'appointements, comme garde du dépôt des lois commerciales étrangères, et des tarifs étrangers, a remis ses appointements, qu'il avait obtenus sous le ministère de M. d'Ormesson ; il a offert de continuer son travail, à cet égard, gratuitement, ne se réservant que la retraite qui lui a été donnée en 1776, lors de la disgrâce de M. Turgot.
Il a pareillement offert de placer dans l'emprunt les arrérages de neuf mois échus des appointements dont il fait le sacrifice. Le sieur Gruel de Sormancoust, gentilhomme du bailliage de Senlis, a fait offrir à l'Assemblée la remise du brevet d'une pension de 120 livres sur le Trésor royal, -seul prix des longs services de son père.
L'Assemblée a reçu avec les plus vifs applaudissements ces offres patriotiques ; elle a ordonné qu'elles seraient inscrites sur le registre destiné à constater ces généreux exemples, et à en perpétuer le souvenir.
Le procès-verbal des deux séances d'hier a été lu, et après lui, l'extrait des lettres et adresses . qui suivent :
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion de tous les citoyens de la ville de
Ganges en Languedoc, avec adhésion des onze communautés qui forment son district;
Des adresses du même genre des citoyens de toutes les classes de la ville Saint-Girons en Gou-serans ; du comité permanent de la ville d'Auch ; du comité patriotique de la ville de Sainte-Mene-hould ; de la ville d'Aix en Provence, du corps ecclésiastique de la ville d'Ambert en Auvergne ; et de la ville même d'Ambert, capitale du Livra-dais, à laquelle se sont réunies diverses municipalités qui demandent avec elle un juge royal;
D'une semblable adresse de la paroisse de Bize en Champagne. Les habitants de cette paroisse offrent à l'Assemblée et au Roi le prix de cent arpents de bois taillis, formant le quart de réserve de leurs bois communaux, pour être vendus sans frais, et le prix de cette adjudication versé directement par l'adjudicataire dans les coffres du Roi;
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion delà ville de l'Isle-en-Jourdain en Poitou, qui demande l'établissement d'un siège royal;
D'une adresse exactement semblable de la ville d'Ardres en Auvergne ; d'une autre semblable de la part de la ville de l'Ile-Bouchard, contenant en outre quelques réclamations relatives aux impôts ;
D'une autre du même genre delà ville de Pont-Croix en Bretagne ; d'une adresse pareille delà ville de Tarare dans le Lyonnais, qui demande, outre l'établissement d'un siège royal, celui de six foires par année;
Des décrets et délibérations des électeurs des trois ordres, officiers municipaux et conseil de la ville d'Amiens ; du comité national et permanent de la ville d'Alençon ; de la ville de Mont-Louis en Roussillon, et du comité permanent de la ville de Saint-Agnan en Berry, relatifs à la circulation des grains, et aux moyens d'en empêcher l'exportation, et d'assurer le maintien du bon ordre à la perception des impôts ;
D'une adresse de la ville de Peyrehorade et Igaas, sénéchaussée de Dax, par laquelle elle re nonce à tous ses privilèges, et supplie l'Assemblée d'autoriser sa municipalité tant à maintenir le bon ordre, qu'à faire exécuter les décrets du 4 > août ; d'une adresse des ordres réunis, députés, électeurs et membres du comité général de la ville de Gaen en Normandie, par laquelle, à la suite d'une peinture effrayante des maux que lui cause l'anarchie, elle supplie l'Assemblée de s'occuper sans relâche de la Constitution, et particulièrement de l'organisation des assemblées provinciales et municipalités, des tribunaux et des s milices nationales ;
Enfin d'une lettre du sieur Bouillard d'Orgeval, électeur de Paris, commandant en chef la garde nationale de Guyenne dans laquelle il fait hommage à la nation de la finance de sa charge de président des traites de la ville de Brie-Comte-Robert.
, au nom du comité des rapports, *rend compte de l'affaire concernant la municipalité de Vernon-sur-Seine.
La ville de Vernon était gouvernée par un maire et des échevins nommés par le Roi. Dans les derniers troubles, le maire et les échevins s'absentèrent tous, excepté un seul, qui s'associa différents particuliers pour former un conseil. Le premier acte de ce tribunal fut un acte de bienfaisance. Le second en fut la confirmation ; mais les communes n'y furent pas appelées. Cette convocation cause des murmures: le peuple s'assemble, et il s'établit un comité provisoire qui fait dis-
paraître l'ancienne municipalité et l'ancienne milice bourgeoise pour en créer une nouvelle, et l'on s'empare de l'hôtel de ville.
Le comité provisoire est opposé à l'ancienne municipalité.
L'un et l'autre demandent réciproquement à l'Assemblée nationale sa destruction.
Mais les choses n'en restent pas là. Le comité provisoire croit devoir s'attribuer le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif.
Ce comité fait imprimer un placard qui est divisé eu deux chapitres : le premier chapitre ne contient aucune disposition extraordinaire, il est même sage.
Le second est intitulé : Intérêt général. Il y est ordonné à tous les laboureurs de se rendre à l'hôtel de ville pour y déclarer la quantité de grains
Su'ils pourront fournir à la ville, sinon ils seroat élarés accapareurs ; défense, sous peine d'être déclarés accapareurs, aux laboureurs de vendre chez eux et aux étrangers, et de conduire leurs grains hors de leur territoire.
Il est ordonné aux laboureurs des environs de Vernon de faire battre et de fournir la halle, sous peine de 50 livres d'amende et de prison.
En vertu de ce placard, deux curés ont été forcés par une garnison à envoyer leurs grains aux halles de Vernon; il y a eu des amendes, des décrets, des emprisonnements, comme objet du ressort de la haute police.
Le comité des rapports présente le projet d'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, persistant dans ses décrets du 10 août dernier, renvoie les contestations survenues entre les habitants de Vernon au pouvoir exécutif, avec prière d'avoir égard au vu général des habitants, qui ont tous manifesté de donner des appoints aux officiers qui seront employés, jusqu'à la nouvelle organisation des municipalités.
« Déclare en outre prendre sous sa sauvegarde tous et un chacun des habitants de Vernon, et les met sous la protection de la loi. »
Ce dernier article est relatif à une liste de proscription imprimée et affichée dans Vernon.
On allait ouvrir la discussion sur cet arrêté, lorsque M- le président annonce l'arrivée de M. Necker.
L'affaire de Vernon est renvoyée à la séance du soir, et M. Necker est introduit dans la salle au milieu des applaudissements. 11 est reçu avec les honneurs accoutumés.
ayant pris séance au milieu de la salle, en face de M. le président, a fait, au nom du Roi, le rapport suivant sur Vétat annuel des finances (1) :
Messieurs, les affaires de finances, dont on vous a entretenus plusieurs fois, sont arrivées graduellement au dernier terme de l'embarras ; et vous ne vous en étonnerez point, si vous réfléchissez d'abord qu'au mois d'août de l'année dernière, elles paraissaient à un tel degré de trouble, qu'on se crut dans la nécessité de proposer à Sa Majesté les mesures les plus alarmantes, et que toute espèce de confiance fut arrêtée. Depuis cette époque, sont survenues toutes les difficultés qui naissent du soutien long et pénible d'un édifice chancelant ; il s'y est joint, par extraordinaire, des besoins immenses de blés, qui ont occasionné ou des dépenses proportionnées à ces besoins, ou
l'emploi d'un crédit équivalent. Les achats faits par le gouvernement, réunis aux opérations du commerce, ont dérangé peut-être la balance avec l'étranger, de plus de 50 millions; ce qui n'a pu se faire sans une révolution dans les changes ; révolution qui influe sur la quantité du numéraire en circulation. Le public attendait avec impatience que l'Assemblée nationale s'occupât des finances; mais la marche nécessairement lente d'un Corps législatif très-nombreux, a tellement prolongé ses discussions, qu'après cinq mois révolus, les affaires essentielles de la finance ne sont point encore traitées. Il est résulté de ces retards et des divisions qui ont régné dans vôtre Assemblée, un discrédit qui s'est accru insensiblement, et chacun sait que des événements extraordinaires ont mis le comble à la défiance et au resserrement de l'argent. Nos troubles intérieurs ont éloigné de la France, et de la capitale en particulier, cette multitude de voyageurs qui attirent en France une somme d'argent considérable; et dans le même temps une émigration de Français d'une étendue effravante, répand au dehors notre numéraire. Enfin, au sein du royaume, un grand nombre de citoyens regardant l'état des finances comme irrémédiable, et considérant l'avenir d'une manière sinistre, enferment soigneusement leur argent; et des capitaux immenses sont comme disparus du milieu de nous. J'avais eu un moment d'espérance, lorsque je vous proposai un premier emprunt national et patriotique, à 5 0/0 d'intérêt. Il n'est pas douteux qu'il eût été rempli en peu de jours, et cet empressement aurait ranimé pendant quelque temps les esprits ; mais tel a été l'effet de ce qui s'est passé à cet égard, telle a été aussi l'impression donnée par des mouvements momentanés, tantôt à Paris, tantôt dans votre Assemblée, que l'on s'est intéressé lentement et faiblement dans votre second emprunt, quoique plus avantageux que le premier; et les étrangers surtout, de l'aveu de leurs correspondants, n'ont donné aucune commission. On devait avoir plus de confiance dans les ressources, la sagesse et la volonté de la plus grande des nations; mais n'étant qu'aux bords du précipice, il dépend encore de vous, Messieurs, de faire voir qu'on se trompe et de reprendre avec éclat les sentiments qui vous appartiennent. Mais, avant de développer ici vos moyens pour atteindre à ce but, je dois vous informer de la grandeur du mal, de son urgence, et du désordre procluain dont nous sommes menacés.
Il fallait le produit de votre dernier emprunt; il fallait, vous le savez, Messieurs, 40 millions pour satisfaire aux besoins de ce mois et des premiers jours du suivant; il en fallait 60 de plus pour achever le service de l'année, sans augmenter le fonds destiné jusqu'à présent au payement des rentes sur l'hôtel de ville; il faudrait enfin une somme inconnue, si le dépérissement des revenus du Roi allait en augmentant. Vous savez, Messieurs, avec quelle instance j'ai sollicité de vous deux décrets que nous n'avons point encore, l'un pour protéger le recouvrement des droits sur les consommations, l'autre pour assurer le payement des impositions foncières. Cependant les alarmes s'accroissent chaque jour, le renouvellement des anticipations est presque entièrement arrêté, et il faut au contraire donner des secours à ceux qui, pour faire des avances au gouvernement, ont signé des billets qu'ils sont dans l'impuissance d'acquitter. Joignez à tous ces maux la disparition journalière de l'argent effectif, et une disparition telle que, même
avec une grande richesse en papier, il deviendrait impossible de payer le prêt des troupes, et de satisfaire à la partie des dépenses qu'on est forcé d'acquitter en deniers comptants.
Cependant c'est de toutes les provinces frontières où le pavement des impositions se trouve retardé; c'est encore de Brest et de Toulon, pour les travaux des ports; c'est aussi de divers lieux où il faut acheter des grains et des bestiaux pour la subsistance de Paris et de Versailles; enfin c'est d'une quantité d'endroits, qu'au nom des plus grands périls on sollicite de l'argent comptant : et vous devez iuger, Messieurs, combien ce nouvel embarras est inquiétant, puisque j'ai proposé au Roi de m'autoriser à faire porter toute sa vaisselle plate à la monnaie; proposition que Sa Majesté a accueillie avec cet empressement, avec cet amour du bien qui la caractérise ; et la Reine, au moment où elle a eu connaissance de mes peines, m'a ordonné sur-le-champ de disposer pareillement de toute sa vaisselle; les ministres du Roi ont suivi ces exemples. Remarquez bien, Messieurs, que ce n'est pas pour procurer au Trésor royal 8 à 900,000 livres, que je me suis déterminé à proposer à Leurs Majestés une privation momentanée, mais parce qu'il est impossible de faire du numéraire effectif autrement qu'avec des métaux ; ainsi le vote d'un don gratuit de votre part, eût-il été de plusieurs millions, n'aurait pas rempli le même objet, puisqu'on aurait eu la faculté de le paver en papier et à différents termes. Enfiu, j'ai lieu d'espérer que l'exemple donné par le monarque encouragera les véritables amis de la chose publique, et l'on en fait déjà l'épreuve.
La caisse d'escompte, liée au gouvernement par ses services, se ressent de l'impression de tant de malheurs, et ses fonds en numéraire effectif auraient été épuisés depuis longtemps, si par toutes les dispositions que la nature des circonstances peut autoriser, elle ne résistait pas à l'orage. Toutes les maisons de banque et de commerce, tous les hommes dans lesaffaires, éprouvent une gêne alarmante par le défaut absolu du numéraire, et par l'influence de l'embarras des finances. Enfin, la détresse du Trésor royal, la pénurie générale sont tellement visibles, qu'il n'est plus temps de dissimuler, et d'en imposer par de la contenance : ainsi, malgré la publicité inévitable de tout ce qu'on doit confier à une Assemblée nombreuse, malgré les vieilles règles, qui font du Trésor royal un antre mystérieux, le Roi a pensé, Messieurs, qu'il valait mieux tout dire, qu'il valait mieux découvrir, pendant qu'on ap-perçoit encore la possibilité du secours, la crise extrême où se trouvent les finances.
Il y avait hier au matin au Trésor royal 12,800,000 livres, soit en billets de la caisse d'escompte, soit en argent comptant, soit en effets exigibles dans la semaine: cet état, au premier coup d'il, est fort au-dessus de celui dans lequel j'ai trouvé le Trésor royal au mois d'août de l'année dernière; mais d'abord, treize mois mois d'intervalle remplis d'événements et de contrariétés inimaginables, ont épuisé toutes les ressources. D'ailleurs, d'ici à la fin du mois les besoins indispensables, c'est-à-dire, le prêt des troupes de terre, le prêt et le service de mer, le payement des intérêts acquittés au Trésor royal, en les circonscrivant dans le plus exact nécessaire, le payement des pensions encore plus limité, enfin, le secours qu'exigent plusieurs caisses et divers trésoriers habitués à servir le Roi de leur crédit, ces divers objets faisant uniquement partie des obligations forcées, ces divers objets, dis-je,
se montent à 8 ou 9 millions ; ainsi il ne restera que 3 ou 4 millions pour commencer le mois prochain,et nous aurions besoin de 30 millions pour satisfaire à ses besoins, et de 70 à 80 pour répondre au service indispensable des trois derniers mois de cette année.
Voilà, Messieurs, le triste récit de l'état des finances de France, dans un moment où il n'y a plus de crédit. C'est à regret que je donne publiquement cette instruction; mais je le fais à une époque où il n'est plus temps de se défendre, par le secret, des atteintes de l'opinion. J'ai l'âme déchirée d'avoir à présenter un pareil tableau de notre détresse. Ces temps où, au milieu d'une guerre dispendieuse, je pourvoyais, sans de grandes inquiétudes, à 150 millions de dépenses extraordinaires; ces temps plus récents où, à l'ap-prochedelaréunion des représentants de la nation, je me formais le spectacle des prospérités de ce royaume et de la renaissance de toutes ses forces; ces temps sont trop près de mon souvenir pour ne pas former dans ma pensée le contraste le plus affligeant avec les circonstances présentes. Ah ! que la prudence des hommes est un faible bouclier, que leur prévoyance est incertaine 1 II est un cours d'événements qui les entraîne, et c'est en vain que le nautonier jeté sur le rivage, se rappelle douloureusement le vaisseau qu'il a conduit longtemps avec sûreté au milieu des mers orageuses, mais dont il n'aperçoit plus que les malheureux débris, le jouet des vagues et de la tempête.
C'est assez cependant, Messieurs, vous avoir entretenus de nos infortunes ; il faut se relever, il faut reprendre courage, il faut essayer de résister à tout, il faut faire tête à l'orage, et vous ressouvenir de ce que vous êtes et de tout ce que vous pouvez, aidés de la volonté d'un excellent Roi, aidés de son véritable dévouement au rétablissement de l'ordre et au bonheur généra.1.
Je crois devoir, Messieurs, diviser en trois parties l'examen des moyens qui peuvent écarter les maux dont nous sommes environnés, et rendre aux finances de l'Etat une nouvelle vie.
Il faut établir un rapport certain entre les revenus et les dépenses fixes.
Il faut trouver les secours qui sont nécessaires pour satisfaire aux besoins extraordinaires de cette année, et songer à l'avance à ceux de l'année prochaine.
11 faut enfin se tirer de l'angoisse alarmante du moment présent.
Voilà l'exposé des trois parties que je dois traiter; elles ont entre elles un lien intime. Ce n'est que par la perspective d'un ordre stable à l'avenir, que l'on pourra consentir aux sacrifices nécessaires pour suffire aux besoins extraordinaires, ce n'est enfin qu'en remplissant ces deux vues, que par un effort particulier on parviendra peut-être à sortir de la situation sans exemple où nous nous trouvons pour le moment.
PREMIÈRE PARTIE.
Revenus et dépenses fixes.
La situation n'est plus la même qu'à l'époque de l'ouverture des Etats généraux. L'ordre dans la perception des droits et des impositions était parfaitement établi; l'on n'en prévoyait pas l'interruption, et l'on pouvait prudemment compter parmi les ressources de l'Etat, les améliorations survenues dans le produit de ces droits et celles
dont on était moralement certain. Une telle ressource n'a plus,dans l'état actuel,le même degré de réalité puisque les recouvrements sont troublés, et qu'on est en doute sur la continuation de plusieurs de ces revenus. Enfin, l'on ne peut plus, dans un temps de défiance, rassurer les esprits par des bonifications diverses, divisées en plusieurs articles, qui exigent toutes un examen attentif, et dont le public n'est pas à portée de juger d'un coup d'oeil. C'est donc tout un autre compte qu'il faut présenter aujourd'hui pour rétablir la tranquillité. 11 est de plus nécessaire que vous-mêmes, Messieurs, sans être obligés à aucune recherche ni à aucune étude approfondie qui prolongeraient indéfiniment vos déterminations, vous puissiez adopter des bases d'améliorations dans les finances susceptibles d'être approuvées ou rejetées au milieu même de votre nombreuse Assemblée. Ce n'est pas, je suis bien loin de le penser, ce n'est pas qu'il faille négliger aucune bonification partielle, mais on peut les réserver, soit pour accroître le fonds d'une caisse d'amortissement, soit pour remplacer quelques droits onéreux, soit pour satisfaire à des accroissements de dépense que la suite de vos dispositions pourra rendre nécessaires.
je vous rappellerai d'abord, Messieurs, que le déficit, selon le compte qui vous a été présenté à l'ouverture de l'Assemblée nationale, se montait à environ 56 millions.
Toutes les pièces justificatives de ce compte out été remises aux députés qui composent le grand comité des finances, et je crois qu'ils sont en état de vous dire que s'ils n'ont pas tout examiné dans le plus grand détail, l'exactitude qu'ils ont aperçue jusqu'à présent, donne lieu de présumer que cet ouvrage a été fait avec beaucoup de soin et de régularité.
Le chapitre des anticipations dans le compte des finances dont il est ici question comprenait en dépense environ 5 millions pour l'intérêt de 80 millions qu'on supposait nécessaires pour finir l'année ; mais comme le dernier emprunt, en y ajoutant le fonds destiné aux remboursements, a produit une nouvelle charge, pendant dix ans, de 10 millions, c'est environ 5 millions à ajouter au déficit de 56 millions, ce qui l'élève à 61.
Le dernier emprunt, il est vrai, n'est pas rempli, mais il le sera successivement dans un temps donné ; ainsi il faut mettre en ligne de compte les intérêts et les remboursements auxquels il engagera, puisqu'il est question ici d'un état futur et permanent.
Je passe sous silence quelques petites augmentations de dépenses et de revenus, afin de ne point détourner votre attention par des bagatelles.
Voici maintenant les ressources majeures qui pourraient balancer ce déficit, si vous jugiez à propos de les adopter.
1° Vous pourriez déterminer que les fonds destinés au département de la guerre, seraient diminués de 15 à 20 millions, en améliorant cependant le sort du soldat; et vous demanderiez au Roi que les nouveaux plans fussent formés sur cette base.
2° Le Roi et la Reine sont disposés à n'avoir qu'une seule et même maison ; et en ordonnant les retranchements les plus rigides,Leurs Majestés, guidées par le plus vif désir de contribuer au rétablissement de l'ordre, espèrent pouvoir réduire à 20 millions les dépenses comprises sous la dénomination générale de maison du Roi ; ce qui
produirait une nouvelle économie de 5 millions.
3° Les sommes fournies aux maisons des princes se montent à 8,240,000 livres, indépendamment du produit des apanages ; il ne m'appartient pas de déterminer le retranchement dont cet article serait susceptible.
4° En resserrant chaque article, le ministre des affaires étrangères proposera encore successivement une réduction d'un million sur le fonds très-modéré destiné à sou département.
5° Les pensions s'élèvent encore à près de 25 millions, nonobstant les dernières retenues : ce sera peu, selon votre opinion déjà connue, que de fixer ici à 5 ou 6 millions i'économie dont cette dépense serait susceptible ; mais ne voulant indiquer en ce moment que des réductions auxquelles on puisse avoir confiance, je ne crois pas devoir aller plus loin. Vous verrez que les petites pensions, celles qui méritent des égards à tant de titres, forment la grande masse.
6° La dépense des haras que vous êtes dans l'intention de supprimer, se monte à 800,000 livres.
7° Le Roi paye annuellement au clergé 2,500,000 livres pour augmenter le fonds de ses remboursements : ce supplément pourrait être retranché sans inconvénients.
8° Les extinctions viagères pendant le cours de l'année suivante pourraient au moins être mises ici en ligne de compte ; elles se monteront probablement à 1,500,000 livres.
9° Si l'on a recours à une taxe momentanée pour subvenir à l'embarras présent, et sauver entièrement les finances, il est probable qu'avec son produit on pourra diminuer les anticipations qui le sont déjà beaucoup aujourd'hui par la force du discrédit ; ainsi l'on doit raisonnablement s'attendre à une réduction sur cette partie de dépense, et je l'estimerai, quoique vaguement encore en ce moment, à près de 8 millions.
10° Vous pourriez convenir en dernier terme, qu'àprès avoir réuni ensemble, sous le nom d'impôt territorial, la taille et les vingtièmes, la somme totale existant aujourd'hui serait augmentée de 15 millions; it les contribuables trouveraient le dédommagement de cet accroissement par l'assujettissement à l'impôt territorial de toutes les personnes et de toutes les terres privilégiées, et par la cessation de tous les abonnements particuliers qui existent pour les vingtièmes. Enfin, si vous le préfériez, au lieu de l'accroissement positif sur l'impôt territorial dont je viens de parler, vous pourriez seulement déterminer qu'il serait pourvu dans chaque province, par une addition d'impôt, aux diverses remises, réductions et modérations que le Roi accorde sur la taille, les vingtièmes et la capita-tion, soit à la décharge effective des contribuables, soit pour être destinées à des travaux de charité et à diverses dépenses particulières à chaque province. Ces différents objets forment précisément, dans le compte général des dépenses, une somme de 15 millions, savoir :
7,120,000 livres, pour remises en moins imposé sur la recette des pays d'élections et des pays conquis ; décharges et modérations sur les vingtièmes et la capitation, remises aux pays d'Etats, etc.;
1,896,000 livres, pour travaux de charité *,
1,144,000 livres, pour destruction du vagabondage et de la mendicité ;
4,500,000 livres, dépensées dans les provinces,
dont l'objet varie tous les ans, et qui se renouvellent de différentes manières.
Il ne serait pas difficile à chaque province de faire quelque économie sur ces divers objets ; on pourrait encore laisser à leur profit ce qu'elles parviendraient à épargner sur les frais de recouvrement; et en leur confiant la surveillance sur l'administration et la vente de§ bois, on pourrait les mettre de part dans les augmentations de produit; et tous ces articles réunis à ceux que j'ai déjà indiqués, savoir, l'assujettissement à l'impôt de toutes les personnes et de toutes les terres privilégiées, ainsi que la cessation des abonnements, balanceraient à coup sûr les 15 millions qui seraient procurés à l'Etat, soit en accroissement de revenu, soit en diminution de dépense.
La juste répartition de l'imposition des vingtièmes eût produit bien au delà d'une telle somme ; mais cette ressource serait éteinte par la conversion générale de cette impôt et de celui de la taille, dans une seule contribution territoriale dont la somme serait fixe.
RÉCAPITULATION.
Les dix articles bien simples que je viens d'indiquer se monteraient à une somme à peu près égale au déficit de 61 millions.
Il suffirait donc, Messieurs, que ces dix articles préliminaires fussent constatés, de concert entre le Roi et vous, Messieurs, pour assurer la confiance.
Je vais maintenant vous donner l'indice de quelques autres bonifications, dont l'examen et la fixation exigeraient plus de temps, mais qui pourraient être appliquées par vous, Messieurs, à tel usage qui yous paraîtrait le plus convenable.
1° Je mettrai en première ligne la part que vous jugeriez à propos d'assigner à l'Etat, sur le produit des dîmes ou de l'impôt qui serait destiné à les remplacer. La réponse du Roi, sur vos arrêtés du 4 août, contient toutes les observations dont ce sujet est susceptible.
2° Une réduction sur le traitement des ministres et sur les appointements des personnes attachées d'une manière quelconque à i'administra-tiou ;
3° J'avais estimé, dans mon discours à l'ouverture de votre Assemblée, que par la diminution des traitements attribués aux divers fermiers, administrateurs et régisseurs des droits sur les consommations, par l'accroissement des produits, depuis l'époque des derniers baux ou traités passés avec eux. et par l'augmentation probable de ces droits dans l'espace d'un ou deux ans, on pourrait raisonnablement compter sur une amélioration de revenu d'environ 24 millions. 11 est survenu de grands changements depuis l'époque de votre Assemblée. Le recouvrement de tous les droits sur le sel, le tabac, et d'autres objets de consommation, ainsi que le recouvrement des droits perçus aux entrées de Paris et aux frontières du royaume, sont soumis en ce moment à des contrariétés et des diminutions qui ne permettraient pas de former raisonnablement aucune spéculation sur le produit de ces revenus ; mais les économies projetées sur les frais de perception pourront subsister, et l'on doit compter pareillement, lors du retour de la tranquillité publique, sur le progrès
successif des droits sur les consommations dont vous désirerez la continuation.
4° La rentrée dans les domaines engagés, ou la redevance annuelle à laquelle on pourrait les assujettir, présente encore une ressource digne d'attention.
Je supprime l'énumération de plusieurs articles d'économie, indiqués déjà dans mon discours à l'ouverture de votre Assemblée. Une recherche scrupuleuse en ferait peut-être découvrir encore quelques autres, mais un calcul précis n'est pas nécessaire en ce moment, puisque les nouveaux objets que j'ai désignés, je ne les offre qu'en perspective. J'écarte ici tout ce qui serait susceptible de discussion, parce que rien d'incertain ne peut fonder le crédit à une époque où l'on ne veut plus attendre pour savoir à quoi s'en tenir sur la fortune publique ; mais ce sont autant de moyens qui serviraient ou à remplacer la diminution actuelle du produit de la gabelle, ou à faciliter les divers projets d'amortissement ou d'ordre public que vous aurez en vue. Je ne compte point, par ce motif, au nombre des ressources applicables au déficit, aucun droit sur le luxe ou sur le timbre ; vous aurez besoin de ces moyens nouveaux pour remplacer les droits dont vous aurez définitivement arrêté la suppression.
Ajoutez, Messieurs, à l'exposition que je viens de vous faire, une considération très-importante : c'est qu'il y a dans les charges annuelles de l'Etat 105 millions de rentes viagères, dont l'extinction successive offre une ressource graduelle de la plus grande conséquence.
Oui ne reprendrait l'espérance, en voyant tous les moyens dont je viens de présenter le fidèle tableau. A coup sûr il dépend de vous, Messieurs, de prendre, en peu de temps, des délibérations propres à rassurer parfaitement sur l'ordre permanent des finances, et véritablement vous ne pouvez plus différer.
Je ne vous propose, Messieurs, pour remettre de l'ordre dans les finances, aucune grande subversion, aucune idée systématique, aucune de ces imaginations auxquelles on donne le nom de génie : tout doit être simple en ce genre, tout doit être au moins successif, surtout dans un moment où la confiance, ce lien si nécessaire entre le présent et l'avenir, nous refuse son assistance.
SECONDE PARTIE.
Besoins extraordinaires.
La confiance une fois assurée par les premières bases que je viens d'indiquer, il faut en même temps trouver des ressources suffisantes pour se libérer de l'embarras présent, et pour satisfaire aux besoins extraordinaires de cette année et de l'année prochaine.
Il faut environ 80 millions pour cette année, sans augmenter les fonds destinés aux rentes de l'hôtel de ville, et il serait de la plus grande et de la plus parfaite justice, qu'au 31 décembre le payement des six derniers mois de 1788, celui qui s'exécute actuellement, fût entièrement achevé. C'est assez, comme j'ai déjà eu occasion de le faire observer dans mon discours à l'ouverture de votre Assemblée, c'est assez d'avoir imposé sur les rentiers le retard d'un semestre.
Ainsi, pour ne pas aller plus loin, et pour liquider dans l'année prochaine quelques dettes exigibles, enfin pour suppléer à de nouveaux be-
soins de blés et pour d'autres objets nécessaires, il faudrait, indépendamment de la partie de l'emprunt qui n'est pas encore remplie, indépendamment encore du renouvellement des anticipations entièrement arrêté dans ce moment ; il faudrait, dis-je, très-probablement un nouveau secours extraordinaire de 80 millions dans le cours de l'année prochaine, lesquels joints aux 70 ou 80 nécessaires pour cette année, élèveraient à environ 160 millions la somme qu'exigerait une liquidation complète. Il faut renoncer dans ce moment à toute espèce d'emprunt ; tout essai nouveau, même à un haut intérêt, ne réussirait pas ; ce serait harceler inutilement et maladroitement la confiance, que de vouloir l'entreprendre. Il est donc nécessaire de recourir à un autre moyen, et le vu public vous l'indique: ce vu, manifesté de toutes manières, et auquel vous avez déjà donné un assentiment général, consisterait dans une contribution forte, demandée pour une seule fois à tous les habitants du royaume. On s'y prêtera, je le crois, avec beaucoup de bonne volonté, si ce sacrifice paraît le dernier terme des dispositions que vous aurez adoptées pour assurer invariablement l'ordre et l'équilibre dans les finances.
On a proposé que cette contribution momentanée fut relative au capital de chaque citoyen. Je la croirais plus simple et plus convenable si elle était proportionnée au revenu. L'évaluation que chacun ferait de son propre capital, prêterait trop à l'arbitraire, et l'on pourrait, sans blesser sa conscience, l'évaluer avec soi-même fort au-dessous de sa valeur ; car on peut estimer avec beaucoup de liberté une terre sans acheteurs, des effets royaux en discrédit et plusieurs autres sortes de biens.
Il est de plus un grand nombre de citoyens qui, sans capitaux ou avec un capital médiocre, ont un revenu considérable ; tels sont ceux qui, adonnés au commerce, aux affaires de banque et de finance, aux arts, aux professions utiles, aux places d'administration et à beaucoup d'autres occupations, doivent à leurs talents et à leur industrie un revenu absolument étranger à leur capital ; et tels sont encore les fermiers de toute espèce ; enfin les rentes viagères ne payeraient pas une juste part au besoin général, si leur capital servait uniquement de mesure à leur contribution, et tous les bénéficiers, tous les usufruitiers seraient encore embarrassés dans leurs calculs.
Je penserais donc qu'il serait préférable de demander une contribution extraordinaire en raison du revenu annuel, et qu'elle pourrait être portée au quart de ce revenu libre de toute charge, de tout impôt et de toute rente.
Une telle contribution pour ceux qui ont leur argent placé à 5 0/0 dans les effets royaux ou dans les divers immeubles fictifs, reviendrait à 1 et 1/4 0/0 de leur capital; elle ne reviendrait qu'à 3/4 0/0 pareillement du capital, pour les propriétaires des biens dont le revenu n'est que de 3 0/0.
Ainsi, en supposant une même règle pour tout le monde, le propriétaire de terres se trouverait traité comme le rentier, si la contribution était proportionnée au capital, et il serait au contraire favorisé, si cette contribution était relative au revenu ; mais un tel égard vous paraîtra, je crois, raisonnable.
Je n'entrerai pas en ce moment dans le détail des formes qu'il faudrait prescrire pour la levée de cette taxe extraordinaire ; ce serait trop m'é-carter du sujet principal.
Je ne vois qu'une difficulté importante.
Elle concerne le genre de déclaration qu'il faudrait exiger de toutes les personnes assujetties à une taxe qui serait relative aux revenus particuliers de chaque contribuable. Le serment est sans doute le lien le plus fort ; mais dans une transaction qui n'aura lieu qu'une seule fois, dans une transaction à laquelle la majeure partie des habitants du royaume seront appelés à participer, est-il convenable de les mettre tous, et sans exception, aux prises avec leur conscience? Est-il convenable de les exposer à manquer de respect envers l'Etre suprême, et de des dégager ainsi, peut-être pour toute leur vie, les liens qu'ils auront une fois rompus? Le serment ne doit être employé que pour fortifier les obligations attachées à des fonctions nécessaires; mais quand un serment doit être imposé à tous les habitants d'un royaume, quand leur fidélité est visiblement en contraste avec leur intérêt; enfin, quand ce serment n'a pour but qu'une disposition momentanée et purement pécuniaire, vous ne serez point surpris, Messieurs, de la répugnance du Roi pour une telle condition; et malgré les exemples qu'on met en avant, Sa Majesté désire que votre attention se fixe particulièrement sur ces observations. La formule suivante : Je déclare avec vérité que.....serait peut-être suffisante; et c'est un
bel hommage à rendre à une nation, que de ne lui demander rien de plus.
Je suis persuadé que beaucoup de citoyens donneront plus que la proportion indiquée dans ce mémoire ; car on a beau calomnier Je cur humain : il reste encore, au milieu des erreurs qu'on nous reproche, un grand sentiment de patriotisme chez plusieurs personnes; d'ailleurs, chacun tient de quelque manière au rétablissement de l'ordre, et ceux qui, par la nature de leur fortune, s'y croient étrangers, ne montrent que la limite de leurs vues.
Que penseriez-vous encore, Messieurs, si au lieu de demander un sacrifice purement gratuit du quart du revenu, ou de telle autre quotité, on enregistrait dans chaque paroisse, sur un livre public, les sommes données par chaque citoyen, et qu'on les constituât créanciers de l'Etat de ces mêmes sommes, pour être remboursées successivement, à commencer de l'époque où l'intérêt de l'argent serait baissé généralement à 4 0/0 ? Chacun se trouverait associé de cette manière à ce retour complet de la prospérité publique, après y avoir contribué, dès ce moment, par un premier sacrifice qui aurait sauvé l'Etat d'un grand danger.
11 faudra aussi déterminer quelle est la modicité de revenus qui doit exempter de contribuer à la taxe extraordinaire ; mais, dans une affaire patriotique, peut-être que par un sentiment d'égard pour tous les citoyens, il ne faudrait exclure personne de fournir un petit sacrifice; maison déterminerait seulement l'état ou la mesure de revenus qui rendrait cet acte absolument libre. En général, aucune rigueur ne devrait être employée envers personne ; l'aiguillon doit être le patriotisme, elle surveillant sa propre honnêteté.
La vaisselle, les bijoux d'or et d'argent et le numéraire sans action, le numéraire thésaurisé au grand préjudice de l'Etat, échappant à la taxe établie sur les revenus; ne vous paraîtrait-il pas convenable, du moment qu'on se contente de la déclaration des propriétaires, et qu'on n'y joint aucune inquisition, ne vous paraîtrait-il pas convenable d'imposer ces sortes de richesses à un sacrifice unique etpassager de 2 ou 3 0/0 du capital ?
Cette contribution aurait l'avantage particulier de concourir à ramener dans la circulation des richesses oisives.
Le payement de ces diverses taxes pourrait avoir lien à différentes époques, dans l'espace de quinze, dix-huit mois ou davantage, en permettant à ceux qui'le désireraient, d'acquitter le tout à la fois, ou d'en avancer les termes, moyennant la bonification qui leur sérail faite d'un escompte raisonnable.
Ce qui déplaît le plus dans un impôt proportionné à sa fortune, c'est une crainte de la faire connaître ; mais comme chacun devrait être encouragé par votre décret, à donner plus que cette proportion si sa situation le lui permeltait, tous ceux dont le sacrifice excéderait, dans une mesure quelconque, la taxe déterminée, pourraient, en l'annonçant vaguement- dans leur déclaration, voiler de Cette manière le rapport de leur contribution avec leur revenu.
Je considérerais comme une facilité générale et nécessaire, de permettre à tout le monde indistinctement d'acquitter sa taxe en vaisselle ou en bijoux d'or et d'argent, reçus à un prix favorable pour les contribuables. La femme d'un simple paysan donnera, s'il le faut, son anneau ou sa croix d'or ; elle n'en sera pas moins heureuse, et il lui sera permis d'en être, fière.
On demandera peut-être quel serait le produit vraisemblable des contributions dont on vient de vous entretenir. Il est impossible de s'en faire une juste idée ; mais je crois qu'on se livre à beaucoup d'exagération à cet égard. Elle serait toutefois assez importante pour que vous dussiez nommer des commissaires qui, de concert avec le ministre des finances, veilleraient sur la rentrée de ces contributions, et sur l'emploi qui en serait fait conformément à vos dispositions.
Au reste, quoique dans l'indication d'une taxe extraordinaire relative aux circonstances présentes, je donne simplement une forme aux propositions qui ont été signées de toutes parts dans la capitale, il n'est pas moins douloureux pour moi d'avoir à mettre en avant une idée momentanément à charge à la nation ; toute mon administration passée prouve assez ce qu'il m'envoûte, et je range l'obligation où je me trouve en cet instant, au nombre des grands sacrifices auxquels je me suis exposé en revenant prendre le timon des affaires de finance ; et cependant je ne puis pas dire que pour mon bonheur j'eusse fait mieux en passant le reste de mes jours dans l'éloigne-ment et dans la retraite, puisqu'un seul des maux de la France que j'eusse présumé, que j'eusse imaginé d'avoir eu le pouvoir ou l'occasion d'adoucir, aurait troublé le repos d ma vie : il faut donc se soumettre avec résignation à sa destinée.
TROISIÈME PARTIE.
Le moment 'présent.
Si vous ne perdez pas un instant, Messieurs, pour décréter la contribution extraordinaire qu'on vient d'indiquer, et. si ce décret est accompagné d'une délibération propre à inspirer une pleine confiance dans le rétablissement général de l'ordre, on pourra considérer la taxe extraordinaire comme le dernier sacrifice, comme le complément de tout; et il y aura, je crois, de l'empressement à la payer; cet empressement donnera des secours prochains, et surtout il influera d'une
manière universelle sur la circulation. Il faut cependant quelque chose de plus pour le moment, afin de réunir toutes ses ressources contre un mal imminent, et qui nous serre de si près.
C'est dans une pareille vue que le Roi a autorisé les directeurs des monnaies à recevoir, de la part de ceux qui voudront suivre l'exemple de Sa Majesté, la vaisselle et lès bijoux d'or et d'argent, en échange desquels il leur sera délivré des récépissés; et l'époque du remboursement de ces récépissés, l'intérêt à payer en attendant, ainsi que la fixation du prix de la vaisselle, sont des dispositions réservées par le Roi à votre délibération ; et je vous proposerais que l'on pût donner 55 francs de la vaisselle contre des récépissés remboursables à six mois de date, sans intérêt, ou 58 francs, si l'on remettait ces récépissés dans l'emprunt national de 80 millions, à condition néanmoins qu'en payant la mise de cette manière, on ne jouirait "pas de la faculté d'en fournir la moitié en effets royaux.
11 n'est pas douteux qu'en portant aujourd'hui sa vaisselle à la Monnaie, on rendra un ^rand et véritable service à la chose publique, puisque la rareté extrême et sans égale du numéraire effectif nous met dans le plus pénible embarras. Nous avons, par cette raison, un grand intérêt à ménager la Caisse d'escompte, qui, au milieu des difficultés générales, fait pour nous tout ce qu'elle peut raisonnablement ; et ses services dont nous ne pouvons pas nous passer en ce moment seront plus décisifs si vous approuvez, si vous encouragez son zèle. Il faut surtout, Messieurs, vous garder de mal juger de ses administrateurs sans les entendre-, ils ne demandent pas mieux que de mettre leur conduite au grand jour. Vous verrez qu'en cédant quelquefois aux circonstances, pour donner à la finance des secours indispensables, ils n'ont jamais perdu de vue leurs devoirs particuliers d'administrateurs; mais, dans les grandes révolutions amenées par le trouble et le discrédit, toutes les caisses publiques ont un intérêt qui les unit ensemble, et elles se ressentent en même temps de l'empire des circonstances.
La Caisse d'escompte cependant, ayant reçu à des époques différentes un échec dans l'opinion par le contre-coup du discrédit général, il y aurait peut-être de la convenance à lui proposer de se fondre et se transformer par quelque coalition dans un établissement nouveau, sous le titre de Banque nationale, et de former ainsi l'une des portions intégrantes d'un grand établissement, auquel vous donneriez, Messieurs, une approbation immédiate et décisive; mais une condition 1 indispensable de tout établissement de ce genre, c'est de réunir une somme de numéraire effectif, suffisante pour assurer à tout moment l'échange des billets circulants contre de l'argent comptant. Ce qui se passe aujourd'hui à l'égard des billets de la Caisse d'escompte, est une suite de la crise actuelle et des temps précédents; et il serait impolitique et déraisonnable de vouloir, dans ce moment, la ramener par force à une marche différente.
Enfin, Messieurs, et pour l'instant présent, et pour toute l'année, et pour tous les temps, ce qui devient chaque jour, chaque moment plus indispensable, c'est que vous rendiez les deux décrets que je sollicite de vous avec tant d'instances : l'un pour prêter de la force au recouvrement des droits sur les consommations, et l'on m'a dit que vous veniez de le déterminer ; l'autre, plus pressant encore, pour soutenir de même le recouvrement des impositions foncières, en expliquant
ceux de vos décrets qui sont mal interprétés par les contribuables, et qui les engagent en plusieurs lieux à refuser le payement de la taille, des vingtièmes et de la capitation. Je me réfère à tout ce qui vous a été représenté à cet égard par les douze membres du comité que Vous avez nommés pour conférer avec moi, et qui sont informés dans les détails de la nécessité absolue de ces deux décrets. Rien n'ira, Messieurs, rien ne pourra s'améliorer, si le payement des impositions est interrompu, si les recouvrements ne sont pas protégés par la publicité de vos intentions et par l'expression forte de votre volonté, si les recouvrements n'ont pas l'appui des lois, si les lois ne sont pas soutenues par le pouvoir exécutif, et si ce pouvoir éprouve des résistances au-dessus de ses forces. Il arriverait alors que les subsides et les ressources extraordinaires ne serviraient qu'à remplir le vide occasionné par la diminution des recettes, au lieu de contribuer efficacement au rétablissement de l'ordre. Mon courage, mes forces s'épuisent à représenter ces importantes vérités ; et je ne puis voir sans une mortelle peine que les meilleurs amis de la liberté publique compromettent le succès de la plus noble entreprise, en ne s'occupant pas assez de la gravité des circonstances actuelles; comme s'ils pouvaient détacher l'avenir du présent, comme s'il suffisait d'appliquer toute la puissance de leur esprit à former un édifice nouveau, et qu'il ne fallût pas en même temps examiner si la maison qu'on habile encore, n'est pas prête à tomber en ruines et à nous ensevelir sous ses débris! Pardonnez, Messieurs, si je vous parle ainsi : il n'est rien sans doute de si imposant que le respect dû à une Assemblée telle que la vôtre ; mais il y a peut-être quelque chose de plus grand encore : c'est l'indépendance et la dignité d'un seul homme animé par la seule idée de ses devoirs, et fièrement soutenu par la pureté de ses intentions et l'approbation de sa conscience ; vous ne vous blesserez point d'un pareil sentiment, puisque chacun de vous, Messieurs, peut également y prétendre.
Je vous demande, Messieurs, au nom du Roi, je vous sollicite au nom du vu générai de la nation, je vous conjure au nom de la tranquillité publique, au nom du salut de cet empire , de suspendre toute espèce de discussion, pour vous livrer sans interruption aux délibérations nécessaires, instantes, indispensables, qu'exige la circonstance présente.
Il n'y a pas un moment à perdre pour calmer les esprits sur la situation des affaires, et je récapitulerai ici que pour y parvenir, pour sauver le vaisseau du naufrage, il est à désirer :
1° Que vous délibériez sur le vu presque général d'une contribution passagère, capable, par son importance, de subvenir à l'étendue des besoins extraordinaires de l'Etat;
2° Que pour favoriser le succès de cette disposition, vous adoptiez quelques vues principales, propres à convaincre que l'équilibre entre les revenus et les dépenses fixes sera sûrement établi , et qu'on ne doit conserver aucun doute sur l'existeoce prochaine d'un ordre à jamais durable;
3° Que vous approuviez, et l'échange contre des récépissés à terme, et l'admisssion dans l'emprunt, de la vaisselle d'argent à un prix déterminé, ou que vous laissiez à l'administration des finances toute liberté à cet égard ;
4° Que vous autorisiez la Caisse d'escompte à nous aider de tout son pouvoir, sauf à discuter les idées propres à convertir, avec la convenance
et le gré des intéressés, cet utile établissement en ua plus utile encore, sous le nom de Banque nationale; .
5° Que vous rendiez sans délai les decrets nécessaires pour arrêter, par tous les moyens en votre pouvoir, le dépérissement des revenus, et que vous examiniez avec soin les circonstances qui s'opposent à l'action des lois et à l'exercice du pouvoir exécutif, afin d'y porter de toutes vos forces le remède le .plus immédiat.
Voilà, Messieurs, entre beaucoup de dispositions intéressantes pour les finances, celles qui sont les plus importantes ; et il me semble qu'après vous en être occupés efficacement, vous pourriez revenir à vos autres discussions importantes avec plus de repos et de sécurité. Vos travaux sur la Constitution sont avancés, et tout semble déjà préparé pour assurer à la nation les dispositions qui forment l'objet de ses vux; vous ne pouvez plus craindre de vous écarter de l'esprit de vos instructions, en vous occupant efficacement des moyens propres à fonder la confiance sur des bases durables, et en déterminant la mesure et le genre des secours qui seront nécessaires au rétablissement de l'ordre. D'ailleurs, est-il besoin de le dire? sont-ce des considérations personnelles ou particulières qui engagent le Roi à vous solliciter d'adopter sans retard les dispositions auxquelles il vous invite ; et la nation qui vous a choisis pour représentants n'a-t-elle pas l'intérêt le plus éminent à prévenir le désordre et la subversion des fortunes? Qui peut en prévoir les effets, qui peut en calculer les suites? Examinez-les au dedans du royaume, considérez-les au dehors ; voyez leurs rapports immenses avec tout, avec la tranquillité publique, avec les subsistances, avec le bonheur, avec la force, avec les diverses circonstances générales et particulières auxquelles l'argent aboutit, et vous me dispenserez, sans doute, de vous faire le triste et déplorable tableau des malheurs qui seraient inévitables, si par des mesures grandes et vigoureuses vous lie veniez pas nous prêter secours, si vous ne veniez pas soutenir ce rocher chancelant, dont le Roi seul, depuis si longtemps, retient et suspend la chute, mais dont l'inclinaison journalière touche à son dernier terme et nous menace tous. Certes, Messieurs, c'est enfin votre affaire et votre grande affaire ; ce n'est pas, je ne puis trop le dire, ce n'est pas sur des décombres et au milieu des clameurs de tous les citoyens, que vous éleverez solidement l'édifice de notre bonheur : la vie est trop courte, les pensées des hommes sont trop circonscrites pour qu'on puisse leur offrir, en dédommagement de leurs maux, la satisfaction incertaine des générations suivantes. Il faut donc unir tout ensemble, l'avenir et le présent, les spéculations et les réalités, la libéralité des principes et la justice pratique et positive, le ménagement des espérances et la garantie de ce qu'on possède, enfin l'estime de la liberté, et le soin continuel de l'ordre public.
Je dois mettre au rang des dispositions importantes pour le crédit, la recherche instante et la détermination des moyens propres à mettre une fin à toutes ces terreurs, qui chaque jour éloignent de la France un nombre étonnant de citoyens ; émigration qui diminue notre numéraire, et qui fera bientôt de la capitale du royaume un lieu de réunion d'ouvriers sans salaires, et d'hommes industrieux sans occupation.
Je me suis réservé de finir par une observation importante : il me semble que vous devez être offensés pour l'honneur de la France, qu'après
avoir fait, il y a si peu de temps, une déclaration authentique de la protection que vous accordiez aux créanciers de l'Etat, et de la résolution où vous étiez de ne soumettre jamais à aucune retenue le payement des intérêts, le crédit n'ait pris aucun accroissement, et se soit même affaibli davantage. Vous ne devez pas supporter plus longtemps que de si justes et de si généreuses intentions n aient pas l'ascendant qu'elles méritent. C'est vous, Messieurs, c'est vous les représentants de la plus grande nation, qui vous êtes expliqués; il faut enfin qu'on vous croie : mais pour procurer à vos paroles le respect qui leur appartient, il faut, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le représenter avec force, il faut que ces promesses soient accompagnées de délibérations et de dispositions propres à démontrer réellement et positivement, que par vos soins l'équilibre entre les revenus et les dépenses sera rétabli ; il ne faut pas qu'on entende parier sans cesse d'abolitions ou de diminutions de droits, d'accroissements, de remboursements, de dédommagements nécessaires, et que l'indemnité de ces sacrifices, la balance de ces pertes soient assignées sur des idées générales, sur des ressources vagues, sur le produit confus d'impositions ou d'améliorations dont la mesure et la possibilité restent inconnues. Vous n'empêcherez jamais que l'inquiétude de tous les citoyens sur leur argent, sur leurs revenus, sur leur fortune, n'environne vos travaux, et ne vous suive pas à pas. Répandez donc une tranquillité devenue si pressante et si nécessaire. Ah ! qu'il vous sera beau de relever par un grand effort la confiance abattue, de garantir l'Etat d'un désordre qui paraît inévitable à tous les yeux, et de rendre à la France cette vigueur intérieure dont on commence à perdre l'espérance, et cette considération politique au dehors, seule capable de la préserver des dangers qui, au milieu de nos fortes distractions, ne sont pas même comptés ; de dangers néanmoins qu'en tous les temps on doit placer au rang des événements possibles, et dans le nombre des motifs qui doivent obliger à s'occuper sérieusement du rétablissement du crédit et de la restauration de l'ordre dans les finances.
Vous réunissez, Messieurs, les moyens nécessaires pour remplir ces différents buts, et pour répondre aux besoins de l'Etat : les craintes, les espérances se dirigent vers vous, elles semblent vous environner et comme vous presser de toutes parts; et je n'en doute point, prenant en main les intérêts éminents qui sont en péril, étendant votre sauvegarde sur les fortunes et sur l'honneur national, vous ajouterez cette gloire à celle que vous promettent vos utiles travaux, à celle dont peuvent se flatter, à si juste titre, les généreux citoyens qui, secondant les vues du meilleur des Rois, assureront sur la même base le bonheur des peuples et la liberté publique.
répond :
Monsieur, je présenterai à la délibération de l'Assemblée le rapport que vous lui faites de la part du Roi. Quel que soit le malheur des circonstances, la confiance des Français peut encore s'appuyer sur des bases solides : l'Assemblée nationale, le Roi et, j'ose le dire, le ministre qui a bien mérité de l'un et de l'autre.
On demande le dépôt du rapport.
Le ministre, en se retirant, promet d'en faire remettre iucessamment copie.
Divers orateurs demandent la parole sur le rapport.
de Nemours (1). Messieurs, entraîné par mon zèle à cette tribune, je ne puis m'empêcher d'être effrayé d'avoir à vous parler après un orateur si célèbre, et qui vous est si cher, sur un si grand nombre de choses, si importantes et si compliquées, dont il n'en est aucune qui ne demandât, de votre part, la plus profonde réflexion, et par rapport auxquelles l'excès du danger vous force de vous décider avec promptitude, et pour ainsi dire à l'instant même.
Le mal est bien grand, puisqu'un ministre, aussi justement honoré de votre estime et de celle du peuple que le premier ministre des finances, appelle au secours tant d'efforts divers, et contre l'océan de calamités qui nous menace ne dédaigne pas, pour réparer la digue entrouverte et prête à s'écrouler, d'employer toute espèce de matériaux, depuis la roche pesante et difficile à remuer, jusqu'au sablon qui coule entre les doigts.
Il n'y a que très-peu de temps que nous avons eu à nous repentir de n'avoir pas exactement suivi le conseil donné par ses lumières; et si nous devons nous garder d'en inférer que nous puissions nous dispenser de remplir le ministère qui nous est confié par nos concitoyens, d'examiner les plans qu'on nous propose et de joindre le tribut de nos idées au travail du génie d'un homme que l'Europe révère, il en résulte du moins que nous ne devons nous permettre qu'avec une extrême timidité d'ajouter quelque chose à ses projets.
Je suis pénétré de ce sentiment; et je me Méfierais encore plus des observations que j'ai à vous soumettre, si je ne considérais que plusieurs d'entre elles coïncident avec les plans du premier ministre des finances, et que les plus importantes tiennent à des objets qui, sans doute, ont dû se présenter à sa pensée, mais dont sa position particulière lui a, en quelque façon, prescrit de détourner les yeux.
Cette espèce de gêne individuelle, dans laquelle le premier ministre des finances a pu se trouver, et qui me paraît la seule explication -raisonnable du vide que je crois apercevoir dans les moyens qu'il vous a mis sous les yeux, est «ne nouvelle preuve de cette grande vérité: que le désordre des finances de l'Etat était devenu irréparable pour un Roi quelque puissant qu'il fût, pour un ministre quelque éclairé qu'il pût être, mais non pas pour la nation elle-même, mais non pas pour vous qui la représentez, et gui seuls avez le droit de ne trouver aucun obstacle invincible.
Ainsi, des circonstances qui ne peuvent être maîtrisées que par vous, obligeant le premier ministre des finances à restreindre ses vues, il paraît que malgré son zèle et ses profondes connaissances, il a cru, dans les propositions qu'il vous a faites, ne pouvoir en hasarder qu'une qui eût de la grandeur, et qui, propre à êa imposer par sa masse, .pût influer sur la confiance.
Cette proposition est celle de la contribution, ou, pour mieux dire, de l'imposition"du quart ttes revenus déclarés, non pas sous serment, mais en vérité, ce qui en effet pour des Français doit être la même chose.
Afin de savoir, Messieurs, si cette grande
Car il ne nous est plus permis de marcher autrement qu'à pas assurés ; et ce serait un grand malheur si après avoir tenté deux fois le crédit, et dans le moment même où nous affaiblissons sans remplacement, sans indemnité le gage de nos prêteurs, nous allions ensuite nous livrer à l'imposition, hors de la mesure de l'imposition, et sans avoir jeté un coup d'il estimatif sur ce que peuvent les contribuables. On n'accumule pas impunément ces sortes de fautes ; et j'espère que l'extrême intérêt que nos commettants ont à ce que nous puissions les éviter, vous fera supporter avec indulgence le détail ennuyeux des faits positifs que je dois placer sur notre route comme des signaux qui pourront nous avertir des écueils.
La valeur moyenne des récoltes du royaume en toute espèce de productions annuellement renaissantes, grains, vins, huiles, fruits, légumes, chanvres, lins, fourrages, bestiaux, bois, pêche en mer, dans les rivières et dans les étangs, et produits des raines et des carrières, a été calculée plusieurs fois, de plusieurs façons différentes qui se confirment l'une l'autre- Les évaluations les plus faibles la portent à trois milliards deux cents millions. Les plus fortes et les plus vraisemblables la font monter à quatre milliards, et c'est peu en comparaison de ce que pourrait rendre un si beau territoire s'il était bien cultivé, c'est peu même en proportion de ce que produit celui d'une nation voisine, qui est loin encore d'avoir un gouverne* ment parfait.
Sur cette récolte d'environ quatre milliards, il y a deux milliards cinq cents millions absorbés par les frais de culture et d'exploitation, qui prennent la subsistance des cultivateurs et des autres agents directs des travaux productifs, de même que celle des salariés, ouvriers , marchands et artisans qui vivent sur la dépense des cultivateurs, des pêcheurs et des mineurs.
Cette partie du produit de la terre et des eaux n'est pas imposable. C'est le salaire indispensable des travaux productifs : on ne pourrait y porter atteinte sans altérer la source des richesses de la société, et sans payer cette faute par une plus grande perte des revenus : c'est-à-dire, sur la portion des récoltes qui excède les frais d'exploitation.
Les frais étant au moins de deux milliards cinq cents millions sur un produit de quatre milliards, les revenus ne peuvent donc pas excéder quinze cents millions.
Ces quinze cents millions se partagent entre le Roi, ou plutôt le Trésor public, les décimateurs qui ont jusqu'à présent la portion de l'impôt destinée au service divin, et les propriétaires des terres, ainsi que les entrepreneurs des autres travaux productifs souterrains ou maritimes.
Le partage est fait d'une telle manière que l'impôt, la dîme, les frais de perception et les dépenses qu'entraînent les vexations y jointes aussi bien que les procès qui en résultent, empor-ten lau moins la moitié du revenu : de sorte que le royaume peut être regardé comme une grande métairie, que, jusqu'à présent, le Roi a fait valoir
par moitié avec ses sujets, les frais de culture prélévés, comme il est juste.
Il n'y a donc que sept à huit cents millions de revenu qui restent entre les mains des propriétaires, et dont la dépense, jointe à celle de l'impôt, à celle des décimateurs et à celle de leurs agents de perceptions, et distribuée par le ministère du commerce et par les diverses manipulations des arts entre une multitude de membres de la société, fait subsister tous ceux que les frais d'exploitation et la dépense de leurs agents n'alimentent
^Ces données sont exactes; variez-les, Messieurs, si vous le jugez convenable; mais, quand vous supposeriez que la masse imposable peut s'élever jusqu'à un milliard, vous trouveriez encore que ce milliard est disséminé sur un nombre immense de propriétaires, dont la plupart sont très-pauvres, et totalement hors d'état d'ajouter aux impositions que déjà ils ont à supporter, l'imposition, même passagère, d'un quart de leurs revenus. Quelques riches le pourraient; notre zèle nous porterait tous à nous soumettre volontairement ; mais tel qui en prendrait l'engagement, aurait beaucoup de peine à le remplir, et parmi vos commettants, il n'y en a qu'un fort petit nombre par rapport auxquels on y puisse songer.
Je croirais exagérer beaucoup si j'accordais que dans les revenus libres il y en ait trois cents millions qui appartinssent à des propriétaires assez riches pour en payer le quart.
Cette imposition, d'après l'hypothèse la plus favorable, ne présenterait donc qu'une ressource de soixante-quinze millions ; et le premier ministre des finances ayant exposé qu'elle ne serait perçue qu'en dix années, elle ne donnerait donc pas plus de quarante millions pour l'année 1790. Remarquez encore, Messieurs, que la seule raison pour croire qu'en effet la nouvelle imposition rendrait cette somme, est l'nypothèse que ces deux cinquièmes des revenus de la nation appartiennent à des riches pour qui, au delà de toutes les autres impositions, le tribut d'un quart de leurs revenus est possible : or, cette hypothèse me paraît plus que hasardée.
Nous croyons en général, Messieurs, qu'il y a beaucoup de riches, parce que nous vivons au milieu d'eux ; j'ose vous assurer que leur nombre est très-petit. Encore est-il trop vrai que nos riches ne sont nullement à leur aise; que plusieurs calamités physiques ont depuis deux ans détruit leurs richesses dans les mains de leurs fermiers ; que les persécutions éprouvées par ceux-ci dans la présente année, et le trouble apporté dans les villes à l'importante opération des semailles, diminueront les revenus terriens et rendront leur rentrée encore plus difficile dans le courant de celle qui va suivre; que le retard des payements du gouvernement et la suspension de ses remboursements ont de leur côté restreint les moyens de dépenses; que le peu d'argent que les gens économes avaient en caisse, s'est épuisé dans la longueur de l'hiver dernier, en actions presque indispensables de bienfaisance dans les villes et dans les campagnes; que ceux qui sont moins sages ont consumé par anticipation, en continuant leurs dépenses de luxe, quoique la source en fût tarie : de sorte qu'en résultat, et je vous en atteste tous, Messieurs, nos riches sont pauvres, nos riches manquent d'argent, nos riches ne payent pas leurs dettes.
Or, l'enthousiasme suffit pour voter, mais il n'y a que la richesse qui puisse payer; et la richesse
suffisante, pour payer un quart de ses revenus, ne me paraît pas exister à présent chez la plupart de nos riches. Il est évident qu'elle n'est pas chez nos pauvres.
Les scènes touchantes qui se renouvellent ici tous les matins, semblent nous indiquer que tous ceux qui sont en état de supporter la contribution proposée s'y soumettront d'eux-mêmes; et je ne puis m'empêcher de craindre qu'à la rendre forcée, il n'y ait bien peu de millions à gagner (1).
Sans dédaigner donc, au contraire en encourageant, du prix inestimable de votre reconnaissance, les contributions que le patriotisme viendra déposer à vos pieds, et vous gardant surtout d'exiger quelque chose de l'impuissance, cherchez ailleurs vos riches. C'est l'Etat que vous avez à sauver ; vous ne pouvez dormir sur des incertitudes, le réveil en serait affreux ; nous ne devons pas oublier que dans les affaires, en finances, à la guerre, dans toutes les entreprises humaines, on n'a jamais assez de forces si l'on n'en a pas trop.
Où sont-elles vos forces, Messieurs? ou sont les riches qui peuvent assurer à la patrie une puissance au-dessus de ses besoins et de ses^ dangers ? # *
Elles sont dans vos arretes du 4 août et dans celui du 9 du même mois. Elles sont dans les vastes conséquences que vous en pouvez tirer, et dans la suite d'opérations économiques et sages auxquelles ces arrêtés importants offrent une base
solide. . , ,.
Rappelez-vous, Messieurs, ces jours mémorables oùles ministres de la religion, nobles et bienfaisants comme elle, ont reconnu qu'après Dieu l'on ne peut adorer que la patrie ; où ils vous ont dit, par la bouche du prélat vertueux qu ils avaient choisi pour organe: « Que la religion soit respectée: que les devoirs du culte soient remplis avec décence ; que les pauvres soient soulagés, et nous remettons notre sort personnel entre les mains d'une nation généreuse ».
(1) Lorsque je disais ceci, je n'avais pas bien saisi la distinction entre une imposition durable, à laquelle les principes dernièrement adoptés par le ministre et par l'Assemblée nationale, ne permettent pas de soumettre jamais les rentes, et une contribution passagère, une fois payée, qui, regardée comme l'offre du zèle, et comme presque volontaire, paraît aujourd'hui devoir porter sur toute espèce de revenu. Je conviens que la contribution du quart sur les rentes produira cinquante millions, sans déduction d'aucuns frais de perception, puisqu'il suffit d'en ordonner la retenue ; et je conviens encore que cette ressource, que je n'avais pas envisagée, est puissante par elle-même, qu'elle affaiblit beaucoup tout ce qu'on vient de lire relativement au peu de produit de la contribution du quart des revenus, que je n'avais considérée que comme devant être payee par les propriétaires des biens-fonds.
Cependant ce secours lui-même ne devant être que passager, et ayant à remplir avec les dons volontaires et les économies les soixante millions qui manquaient pour l'année prochaine lors de la convocation des Etats généraux, les trente millions qu'on a volontairement sacrifiés sur la gabelle, les quinze autres millions au moins qui seront encore inévitablement perdus sui cet impôt par la force des approvisionnements que la contrebande a effectués, on n'est nullement dispense de chercher des moyens plus efficaces encore pour remettre les finances au pair, et même dans l'état de supe-^ riorité sur les besoins sans lequel une nation h a ru sûreté, ni dignité, ni puissance, et flotte de malheur en malheur.
Ils ne seront point trompés dans leur attente; la nation, qui est rentrée dans la jouissance de leurs trésors avec respect, saura les répartir avec justice, avec sagesse, avec un amour filial. Il y a trop longtemps qu'une disproportion révoltante existait entre la fortune des divers pasteurs des âmes qui remplissent avec d'égales vertus un ministère également saint.
Vous ferez cesser ce désordre affligeant pour votre pitié, et qui, dans une grande partie du royaume, tarissait la charité dès sa source.
Vous ne permettrez pas que lepremier des services publics, que la plus respectable des magistratures laisse dans l'indigence aucun de ceux quien sonthonorés. Vous établirez des traitements convenables; vous les proportionnerez à l'étendue, à la population, aux localités, aux besoins dos paroisses et des diocèses.
On peut estimer que cette dépense si nécessaire et si louable doit se monter annuellement à environ 70 millions (1).
Si vous trouvez cette estimation trop faible,
Messieurs, vous pouvez ajouter dix millions de plus. Les mesures que vous avez à prendre doivent être si étendues, et portent sur de si grands
objets, qu'il ne faut pas qu'elles puissent manquer de dix, vingt, trente millions de plus ou de moins. C'est avec cette largeur qu'il faut préparer
les affaires d'un empire. L'exactitude scrupuleuse et l'économie sévère doivent être portées dans l'exécution et dans les détails ; une noble libéralité doit régner dans les plans généraux, car il est assez de choses qu'on oublie, et auxquelles on ne pourrait pourvoir,, si l'on prétendait s'enfermer dans les limites trop précises et trop rétrécies.
C'est donc de soixante-dix à quatre-vingts millions que doit coûter à l'avenir le culte divin.
Voyons, Messieurs, quels fonds vous avez entre les mains pour assigner cette dépense.
Le clergé vous a remis les dîmes; il ne pouvait et ne devait pas faire autrement.
Il est évident qu'il ne pouvait pas s'opposer à ce que, dans la grande réforme de tous les abus, il fût pourvu à ceux qui portaient jusque dans le plus auguste des ministères, les dangers et les malheurs de l'extrême inégalité des fortunes, qui mettaient en opposition d'intérêts les pasteurs et les fidèles, qui semaient entre eux des divisions, qui faisaient naître des procès, qui détruisaient ainsi l'affection et le respect sur lesquels doit reposer la tranquillité des paroisses, et qui sont si nécessaires pour donner du poids à l'instruction morale et religieuse.
Quoi qu'ait pu dire l'ingénieux et profond écrivain qui a regardé les dîmes comme une propriété particulière, il est trop visible qu'elles étaient, qu'elles sont un impôt, le premier des impôts, c'est-à-dire l'impôt appliqué au premier des besoins publics.
Mais, objecte-t-on, elles ont été concédées volontairement. Je ne remonterai point jusqu'à Gharlemage, pour savoir par quels moyens cette volonté fut déterminée: je demanderai quel est l'impôt légitime qui n'a pas été concédé volontairement; et je demanderai encore si cette concession volontaire a jamais pu faire de l'impôt une propriété privée; si le Roi lui-même s'est approprié les fonds de la taille qui lui a été donnée pour sa gendarmerie; si l'impôt n'est pas un domaine indivis de la société; s'il n'est pas le plus inaliénable, le seul inaliénable des domaines, puisqu'il est le seul dont la société ne puisse être privée, sans que les services publics cessent, et sans que le corps politique soit dissous?
Le clergé a fait son devoir: il l'a fait avec noblesse, avec piété, avec générosité, avec confiance; mais c'était un devoir.
Les dîmes sont donc à la nation; elles sont à la disposition de vous, Messieurs, qui la représentez.
Vous avez déclaré qu'elles seraient perçues À jusqu'à remplacement convenable. Vous n'avez'pas
entendu, vous n'avez pas pu entendre que les fermiers et les propriétaires des terres le mettraient en possession pure et simple de cette grande masse de richesses qui n'est point entrée dans leurs baux, dont ils n'ont pas hérité, qu'ils n'ont point achetée, et qui, à aucun titre, ne fait partie de leur propriété. Ce n'est pas pour donner aux uns lô bien des autres, et moins encore à des particuliers celui de tous, lorsqu'il est nécessaire à tous, que vous ayez été envoyés ici; c'est pour conserver les droits légitimes de tous, et sauver la patrie du péril le plus imminent dans lequel elle se soit encore trouvée.
Vous devez, sans doute, soulager le peuple accablé ; mais, jusqu'à ce que vous soyez assurés que la puissance publique surpasse les besoins publics sévèrement réduits à leur plus basse estimation, vous devez opérer ce soulagement plutôt par des conversions que par t'es suppressions de taxes; et les erreurs financières, qui ont rendu si dispendieuses et si vexatoires presque toutes les levées de deniers publics, vous ont à cet égard laissé de grandes facilités. La gabelle, dont les frais emportaient un cinquième de produit, et seront désormais plus onéreux encore en proportion de la recette ; les aides odieusement in-quisitoriales, et les autres droits du même genre, offrent de grands moyens de diminuer les contributions du peuple, sans affaiblir les revenus de l'Etat ; mais quand vous avez un revenu foncier quij comme les dîmes, n'appartient à personne qu'à la patrie, qui peut être facilement racheté en petites sommes, et sur le pied d'un capital propre à dégager des revenus beaucoup plus considérables, à diminuer, par conséquent, dans une plus forte proportion les intérêts dont la nation est chargée, et à procurer ainsi la facilité de supprimer des impôts plus lourds, vous feriez une grande faute en politique et en finance d'abandonner ces propriétés secourables et d'en faire à une partie des contribuables un présent qu'ils ne vous ont point demandé.
Le remplacement convenable des dîmes, jus-qu'auquel vous avez ordonné qu'elles seraient perçues, c'est leur rachat sur le pied du capital dont la vente habituelle des terres dans les provinces indique la proportion qui est de notoriété publique en chaque lieu. C'est sur ce pied, Messieurs, et d'après ces principes, que je pense que vous déclarerez les dîmes ecclésiastiques rachetables, comme vous avez déclaré que rétaient les dîmes inféodées, qui en dérivent. Il n'y a aucune raison pour que les unes soient rachetées, et que les autres ne le soient pas. Vous devez seulement, pour les unes et pour les autres, réserver aux cultivateurs leurs pailles, en faisant régler par les municipalités et par les assemblées de département, d'après la production ordinaire de chaque canton, combien de boisseaux de blé devront être donnés pour le cent de gerbes.
Vous pouvez aussi rendre la dîme du vin moins onéreuse et plus productive, en la faisant prendre au cellier après la récolte, au lieu de la recueillir dans la vigne à grands frais, et avec perte pour la quantité et la qualité.
Vous devez enfin favoriser toute espèce d'abonnement pour suppléer aux dîmes des rentes en grains, jusqu'à ce que leur rachat puisse être effectué.
Ces améliorations, ces adoucissements sont dans votre main ; ils rapprocheront le produit de l'impôt pour la société, à laquelle il appartient, de ce qu'il coûte aux contribuables ; l'Etat et les
particuliers peuvent partager avec avantage le bénéfice de ces rapprochements.
D'après des vues qui vous seront soumises, il y a lieu de croire que vous ferez régir par les municipalités le remplacement des droits féodaux, afin que les redevables puissent en être libérés par des rachats partiels, et que les propriétaires puissent en être remboursés en masse. Cette même régie doit être appliquée aux dîmes lorsqu'on les aura simplifiées, et qu'on aura rendu leur perception moins coûteuse par les différentes voies que je viens de soumettre à vos lumières, ou par d'autres équivalentes.
Calculons à présent quel, doit être le revenu dont elles vous rendront dispensateurs.
On estime à dix-huit cents millions la valeur du produit annuel des grains de toute espèce et de leur paille, celle des légumes décimables, celle de la portion des herbages artificiels, qui sont décimables aussi dans une partie du royaume ; enfin, celle des agneaux ou cochons soumis aux dîmes grasses dans plusieurs provinces, et celle des vins et des cidres.
On ne comprend point dans cette estimation la valeur des chanvres, des lins, des huiles, de la cire, du miel, et celle du bétail élevé dans les pays de pâture, qui se trouve en beaucoup de cantons soumis à la dîme de charnage : ces différents objets réunis, montent à environ trois cents millions. Je ne tiendrai pas compte de la valeur des dîmes qu'ils payent ; nous supposerons, par aperçu, qu'elle est égale à celle des frais de perception des autres dîmes, afin de pouvoir évaluer celles-ci sans défalcation. On ne peut trop simplifier ces sortes de calculs.
Nous nous bornerons donc à supputer sur la valeur de dix-huit cents millions de productions décimables, par rapport auxquelles nous regarderons la dîme comme si elle était levée sans frais, attendu que nous passons pour mémoire la dîme payée par trois cents millions, ou à peu près, d'autres productions. Et vous ne serez point surpris, Messieurs, que je porte de dix-huit cents millions a deux milliards,lavaleur des objets décimables tandis que je n'ai pas évalué les revenus à plus de quinze cents millions. Vous savez que la dîme se perçoit sur le produit total avant qu'on ait prélevé les frais ; vous savez que le revenu n'est formé que de ce qui reste net après que les frais sont acquittés : il n'est donc pas étonnant que sur un produit total de quatre milliards, dans lequel il n'y a que les bois, les prairies naturelles, une partie des prairies artificielles et des bestiaux, les produits des jardins, ceux de la pêche, ceux de la chasse, et ceux des mines et des carrières, qui soient exempts de dîme, il reste deux milliards cent millions, ou par défalcation, dix-huit cents millions de décimables.
La dîme se lève à toute sorte de taux, depuis le huitième jusqu'au trente-deuxième ; mais on estime que son taux moyen, composé de la réunion de tous les autres, est du quinzième au dix-huitième.
Si elle est au dix-huitième, elle vaudra cent millions.
Si au dix-septième, cent cinq millions neuf cent trente-cinq mille livres.
Si au seizième, cent douze millions cinq cent mille livres.
Si au quinzième, cent vingt millions.
La plus vraisemblable des quatre évaluations est la plus forte, je prendrai la moyenne. Je supposerai que c'est entre le seizième et.le dix-sep-tième que les dîmes sont levées, en compensant
l'un par l'autre leurs taux différents; et je me bornerai à les compter pour un revenu net cle cent dix millions, dans lequel les dîmes inféodées peuvent se monter à dix millions, reste cent pour les dîmes ecclésiastiques.
Elles vont être chargées de soixante et quatorze millions (1) pour l'entretien des évêques, des chapitres, des curés et des vicaires employés, et de quatorze cent mille francs pour les évêques surnuméraires. 11 restera donc dès ce jour sur les dîmes vingt-quatre millions six cent mille livres de libre, et il y en aura vingt-six lorsque les évêques qui auront pu cesser pendant un temps d'être employés, mais non pas de jouir d'un sort honorable, trouveront le remplacement qui leur est dû (2).
Je ne vous ai encore parlé, Messieurs, que de la moindre partie des richesses que le service de la religion justement satisfait, laissera pour sauver l'Etat.
Les respectables ministres des autels qui vous ont montré dans cette salle à quel point
ils étaient citoyens avant d'être pontifes, et combien ils le sont demeurés depuis,
n'ont point mis de bornes à leur zèle patriotique. Ils se sont donnés à vous, eux et
leurs biens; ils se sont remis de leur sort à la générosité de la nation, qui gravera
dans ses fastes leur dévouement et leurs expressions nobles et touchantes (3).
Dans la première classe sont les biens des hôpitaux et des collèges. Je ne vous
demanderai pas, Messieurs, d'y apporter aucun retranchement; au contraire,'une multitude
de choses sont à faire pour la charité, et presque tout pour l'éducation. Je vous
proposerai, en perfectionnant leur administration, d'en augmenter les fonds, et de les
porter de quinze millions de rente, à quoi en les estime aujourd'hui, jusqu'à vingt
millions (1).
Cette partie des fondations ecclésiastiques, qui a pour but l'instruction et la charité, est la seule par rapport à laquelle l'Etat, loin d'espérer des secours, doit songer à des augmentations de dépenses.
L'autre partie, qui consiste dans les messes et les services destinés au soulagement des âmes des fondateurs, doit être considérée sous un point de vue différent, et la pratique de l'Eglise peut singulièrement nous éclairer à leur égard.
Partons d'abord du point où en général se trouvent actuellement les églises et des monastères qui ont reçu des fondations de messes, de services et ftobits, relativement aux obligations qui en résultent.
Quand le royaume ne serait peuplé que de prêtres, et quand ils pourraient employer les jours entiers à dire des messes et à faire des offices, il leur serait impossible d'acquitter la dixième partie des fondations qui ont été faites depuis Glovis.
Pendant plus de cinq siècles, aucun laïque n'a osé mourir sans faire une fondation.]! y avait des fondations qui précédaient la conquête, et, dans les huit autres siècles de la monarchie, on en a fait beaucoup encore. Les grands et les riches en ont fait par milliers dans le cours de leur vie. Il doit y en avoir près d'un milliard, très-inégalement réparties entre les différents jours de l'année, et dont la plupart accumulées sur les grandes fêtes doivent être acquittées par environ soixante mille prêtres officiants, qui, fussent-ils les maîtres de rejeter l'office à un autre jour que celui pour lequel il a été fondé, ne pourraient jamais dire dans un an un milliard d'offices.
Gomment l'Eglise pourvoit-elle à cet immense déficit ?
Mais ce que l'Eglise a pu autrefois, ce qu'elle fait même tous les jours, elle ne peut cesser d'avoir l'autorité de le faire encore. L'Eglise est une, et ne change pas de pouvoir.
Il dépend donc des évêques de réunir aux offices des paroisses l'acquittement des fondations faites en faveur des abbayes et des prieurés, et cela devient indispensable lorsque la suppression des dîmes, ou leur réunion au domaine de la société, détruit la moitié des maisons régulières et des bénéfices simples, et forcerait à de nouvelles réunions de fondation. Il vaut mieux en faire une générale et commandée par la nécessité du salut public, qu'une multitude de partielles qui n'auraient point d'utilité (1).
11 m'est démontré, et je pense, Messieurs, qu'il
Et dans le vrai, tous les biens qui ont été-donnés à l'Eglise seront employés selon l'esprit même des fondateurs, à son soutien ou à sa décharge, soit par l'échange avec les honoraires que la société aura fixés pour l'entretien des ministres du culte ; soit par le soulagement des pauvres, dont l'Eglise était spécialement chargée, et qui ne pourra pas être plus efficacemen t et plus sagement opéré que lorsqu'on diminuera les impôts, ou que même on en pourra totalement affranchir les dernières classes du peuple; soit enfin par l'application nécessaire d'une partie de ces biens au salut de l'Etat, auquel rien n'avait pu les dispenser de concourir, et qui n'aurait pas même été en danger si les biens ecclésiastiques eussent payé les contributions qu'ils devaient légitimement.
Il est manifeste qu'aucun bien n'a pu être donné au clergé que sous la condition,
essentiellement
Il est prouvé que dans ce siècle le clergé a cessé d'y contribuer, selon la proposition établie pour les biens de la même nature que les siens.
11 est démontré que ce défaut de contribution a privé la nation d'un capital à peu près égal à celui des dettes qu'elle a été obligée de contracter.
Il est donc incontestable que les biens du clergé sont hypothéqués par privilège à ses dettes qu'il aurait dû payer et prévenir; et il est heureux dans une telle circonstance que les grâces dont l'Eglise dispose, lui permettent de faciliter cet usage indispensable de ses biens, sans nuire à l'utilité spirituelle des fondateurs ; car, si les deux obligations ne pouvaient être conciliées, il n'y a pas de doute que le public dût être préféré aux particuliers, et que le privilège de la patrie, à qui les fondateurs ont dû la jouissance des biens dont ils ont disposé primerait celui de leurs fondations.
Ainsi toutes les raisons les plus puissantes et les plus irrésistibles se réunissent pour constater, Messieurs, que les biens du clergé, de quelque nature qu'ils soient, n'ont été qu'en dépôt entre ses mains, et qu'ils appartiennent à l'Etat, sous la seule condition de pourvoir honorablement à l'entretien du culte et de ses ministres, et de conserver, d'améliorer même les établissements de charité ou d'instruction.
Pardonnez-moi, Messieurs, l'espèce de dissertation politique et théologique, dans laquelle je me suis trouvé engagé pour rendre -cette vérité palpable.
A quelque degré qu'elle pût être utile, je ne me permettrai jamais, je ne proposerai jamais une opération qui puisse me paraître renfermer la plus légère teinte d'injustice. 11 a donc fallu que je m'assurasse le premier du droit de la société sur les biens ecclésiastiques, et que je m'appliquasse ensuite à vous le développer. Je n'ai donc pas été hors de la question, je me suis tenu dans l'ordre; j'ai fouillé le terrain pour savoir si vous y pouviez trouver l'édifice du salut public ; j'ai trouvé, reconnu, vérifié, circonscrit la source de vos richesses.
Faisons-en l'inventaire à présent, et voyons quel en doit être l'emploi.
On ne peut pas estimer les biens-fonds ecclésiastiques, à moins de soixante millions de revenu.
Plusieurs données confirment cette évaluation, et indiquent qu'elle doit être plutôt au-dessous qu'au-dessus de la réalité.
C'est une opinion générale, accréditée par le clergé lui-même, que les dîmes sont à peu près les deux tiers des revenus ecclésiastiques, ei les biens-fonds un peu plus du tiers.
Vous venez de voir que les dîmes valent de cent à.cent vingt millions de revenu. L'estimation.de soixante millions pour les biens-fonds est, donc raisonnable.
Le célèbre auteur du traité de Y Administration des finances, n'a estimé le revenu du clergé de France qu'à cent dix millions. Mais on doit remarquer en premier lieu, que les recherches qui avaient été mises sous les yeux, avant la publication de son livre, présentaient un résultat trop faible, et que celles qui ont été faites depuis, afin de servir de base aux travaux présentés à l'assemblée des notables, indiquent pour les biens-fonds une somme plus forte d'un quart eu sus, ou d'un cinquième au total : ce qui oblige de porter d'abord à cent trente-sept millions, d'après
Jes éléments fournis à M. Necker, la valeur des biens du clergé qu'on appelle de France.
On doit remarquer en second lieu, qu'il y a en France un autre clergé désigné par le nom de clergé étranger : c'est celui des provinces de Flandre, de Gambrésis, de Hainaut, d'Artois, des Trois-Ëvêchéê, de Lorraine, d'Alsace, de Franche-Comté, de la principauté d'Orange et du Roussil-lon, qui forment un septième du royaume; et l'auteur du livre de VAdministration des finances a soin d'avertir qu'il nie fait pas entrer dans son estimation les biens du clergé de ces provinces. Il avertit encore que dans ces provinces, la proportion des biens du clergé avec les autres biens-fonds est beaucoup plus forte que dans le reste du royaume. 11 indique même que, dans les quatre premières, dont le clergé porte le nomd'e-tranger, la proportion de ses biens est plus que double. Cette vérité oblige d'ajouter à la valeur des biens du clergé de France au moins un cinquième en sus, ou un sixième au total, au lieu d'un septième, pour y joindre l'estimation des biens du clergé français, des pays conquis et reconquis : de sorte qu'en combinant les recherches qui sont entrées dans ce livre de Y Administration des finances et celles qui ont été faites par les notables, on trouve cent soixante-quatre millions pour l'évaluation total du revenu des biens du clergé, d'où ôtant cent millions pour les dîmes, reste soixante-quatre millions pour les biens-fonds (1).
On.trouve dans l'aimanach royal une note du revenu des évêchés, desabbayes commendataires d'hommes et des abbayes de filles, et cette note se monte à treize millions trois cent quarante-sept mille livres. Mais il est reconnu que le plus grand nombre de ces bénéfices n'y sont mentionnés que pour le quart, et ceux qui sont le plus fortement évalués, que pour le tiers du revenu réel. Cette note suppose donc que le produit véritable doit être à celui qui est indiqué, au moins dans la proportion dq vingt-quatre à sept. Ainsi, c'est quarante-six millions qu'il faut compter pour le revenu des titulaires des bénéfices compris dans le catalogue de l'almanach royal.
Le revenu des religieux, celui des chapitres, est aussi fort que celui de ; évêques et des abbés commendataires : ce sont encore quarante six-millions.
La somme destinée pour les réparations et poulies pauvres forme une troisième part qui
devrait être aussi forte que chacune des deux autres, qui peut-être ne l'est pas
exactement, mais qu'on suppose telle, attendu que s'il y a de l'exagération,
Cet article consiste dans le revenu de toutes les abbayes qui ne sont point en commende, mais possédées par des réguliers, dans celui de tous les prieurés dont le nombre est immense, et dans celui de toutes les chapelles; on modère l'aperçu de ces différents articles réunis en le portant à une quatrième somme de quarante-six millions.
Voilà, selon cette hypothèse, un revenu de cent quatre-vingt-quatre millions, sans compter les biens-fonds des hôpitaux et des collèges ; et retranchant de cette somme cent millions pour les dîmes, il resterait quatre-vingt-quatre millions de rente en biens-fonds.
C'est donc une évaluation très-modérée que celle qui borne à soixante millions de revenu les biens-fonds possédés par les ecclésiastiques, indépendamment des établissements d'instruction et de charité.
Cette évaluation supposerait que le clergé ne jouit que du vingt-cinquième des terres, des maisons et des droits seigneuriaux du royaume. Vous êtes ici députés de toutes les provinces : je vous demande, Messieurs, sivous croyez, chacun dans la vôtre, que le clergé n'y possède pas le vingt-cinquième des terres, des maisons et des seigneuries ? s'il possédait moins, je me serais trompé ; mais vous pensez tous qu'il ne possède pas moins, vous assurez tous qu'il possède davantage.
Si le clergé jouit donc de plus du vingt-cinquième des biens-fonds, vous ajouterez,Messieurs, à mes calculs, en raison de vos lumières, et ia libération de l'Etat en sera plus rapide,mais non pas plus assurée.
11 me suffit, pour vous montrer qu'elle est possible et facile de supposer que les biens-fonds, dans la jouissance desquels l'Etat va rentrer, valent soixante millions de revenu.
Ces soixante millions doivent être joints aux vingt~six millions qui, sur les dîmes, resteront libres, c'est-à-dire au delà des dépenses nécessaires pour le service de la religion.
Mais sur ce total de quatre-vingt six millions de rente, il y a plusieurs charges indispensables, les unes durables, les autres passagères.
Les durables ont pour objet l'instruction de la jeunesse et le soulagement de la pauvreté.
On évalue à quinze millions les revenus actuels des hôpitaux et des collèges, et je suis porté à croire cette estimation trop faible, d'une part, attendu que leur dépense me semble plus considérable; et de l'autre, parce qu'on assure que les dîmes dont ils jouissent se montent à dix millions : or, les dîmes ue doivent pas faire pour ces établissements, comme pour les évéques et les abbés,îles deux tiers du revenu qui les soutient, car une grande partie de la richesse des collèges et des hôpitaux est en maisons dans les villes.
Au surplus, Messieurs, vous avez remarqué que je n'ai pas compris leurs biens-fonds dans le nombre de ceux où la nation rentrerait; je vous ai seulement demandé d'augmenter de cinq millions par année les fonds destinés à ces institutions utiles, sauf à en perfectionner les plans et le service. Il suffît donc pour savoir ce que vous aurez à leur fournir, de connaître la valeur de leurs dîmes, qui doivent comme les autres, devenir rachetables entre lès mains de la nation, et jusqu'au rachat être régies ou abonnées pour elle, par les assemblées principales des cercley, et par les assembléeà municipales et de département.
Si les dîmes des hôpitaux et des collèges sont de dix millions, ce sera donc quinze millions que vous aurez à donner.
Vous aurez encore à charger la nation des rentes qui sont dues par le clergé. Si vous eussiez pu regarder celui-ci comme propriétaire, il aurait été seul obligé au payement de cette dette; car elle a été contractée pour acquitter le peu d'impositions qu'il a payées, et qui étaient si excessivement inférieures ' à celles qu'il devait, Mais la nation ne pourrait consentir que le clergé devînt propriétaire des dîmes, qui sont un impôt inaliénable ; et moins encore des biens-fonds, pour lesquels il a manqué, de manière à occasionner la dette de l'Etat, à la condition essentielle de toute propriété, qui est de contribuer à sa garantie; pour lesquels d'ailleurs il lui est impossible de remplir, autrement que par une direction mentale, les obligations qu'on y a voulu attacher, et qui le seront aussi bien que par une direction mentale que les ministres nécessaires du culte donneront à leurs prières. L'exemple du passé forçant la nation à ne pouvoir même consentir qu'il demeure administrateur de ces biens, il devient nécessaire de les reprendre, détériorés, comme ils sont, par la dette que jamais on n'aurait dû contracter sur eux, et d'acquitter cette dette.
Elle se monte à près de sept millions de rente : c'est jusqu'au remboursement une charge durable à joindre aux quinze millions, que je crois nécessaires d'attribuer au service public de l'instruction et de la charité, au delà des biens dont jouissent aujourd'hui les hôpitaux et les collèges.
Vous devez donc compter sur vingt-deux millions de charges durables, et qui doivent excéder ces fonds nécessaires pour l'entretien du culte public.
De ces vingt-deux millions seulement, il y en aura sept qui seront rachetables par remboursement. Vous aurez ensuite à pourvoir à des charges passagères, et qui s'éteindront d'elles-mêmes.
J'estime, par aperçu, à quatorze millions six cent mille livres les pensions à faire
aux religieux et aux religieuses, ainsi qu'aux abbés et aux prieurs commendataires, ou
autres béné-ficiers ; et je ne doute pas que vous n'établissiez les règles les plus
sages et les plus humaines pour leur répartition (1).
Ce sera donc, autant qu'on peut juger, à seize millions que-se monteront les dépenses passagères dont la nation sera chargée par la grande opération que la justice autorise, que la nécessité coiii; mande, et à laquelle le salut des linances et celui de l'Etat sont attachés.
Le calcul des extinctions indique que de ces seize millions il en rentrera six cent
mille livres tous les ans à la caisse nationale, qui reprendra dès ce jour la jouissance
de quarante-huit millions de revenu sur les biens déposés entre les mains du clergé (1),
la nue propriété du capital de seize
Avec un tel capital, Messieurs, bien disponible et si parfaitement assuré, quarante-huit millions de rentes libres, quarante-deux millions d'économie que le premier ministre des finances vous propose, quinze millions qu'il vous demande d'établir en augmentation des anciennes impositions territoriales, et le produit des contributions patriotiques, vous aurez donné une base à votre crédit^ et c'était la première chose à établir,
Vous avez éprouvé,ce qui était facile à prévoir, que le crédit ne s'assied jamais que sur l'évidence des moyens de payer. On ne prête qu'aux riches, est un proverbe consacré. 11 en est un autre non incontestable : c'est que tous les prêteurs sont des prêteurs sur gages : rendez le gage plus suffisant, et vous verrez renaître les prêteurs ; car quels que soient les fonds qui aient pu passer chez l'étranger, quels que soient les capitaux que les gens riches, effrayés par nos troubles, aient pu
emporter avec eux, il y en a certainement une beaucoup plus grande masse qui reste enfouie, par l'effet de l'inquiétude où l'on est sur l'emploi qu'on en pourrait faire, et dont les propriétaires, privés de leur revenu,ne demanderaient pas mieux que de trouver un placement solide. -
Il suffit que de la réunion de tous vos moyens extraordinaires, de la création de votre nouveau revenu, et de la manifestation de votre immense capital, dont vos prêteurs sont toujours les maîtres de se mettre en possession le jour qui leur plaira, vous puissiez trouver au delà de votre dépense courante cent millions, dont quarante seulement' en écus, pour commencer les grandes opérations que le premier ministre des finances a eu sûrement en vue, lorsqu'il vous a proposé de former une Banque nationale.
Son habileté vous assure qu'il n'a pas entendu se borner à tirer de cette bauque des secours momentanés pour atteindre péniblement au niveau de l'année courante; il aura compté en employer les forces pour les remboursements que la situa tion embarrassée des finances exige, et sans lesquels on ne pourrait parvenir à rendre à l'Etat ni au dedans ni au dehors son énergie et sa puissance,
Qu'il me soit permis ici, Messieurs, pour vous développer l'utilité d'une banque, et indiquer les règles de la prudence avec laquelle on en doit faire usage, de jeter un coup d'il sur une multitude de projets dont vous êtes entourés.
On vous propose de toutes parts de créer du papier-monnaie ou des billets d'Etat, et si vous hésitiez à donner promptement aux finances un appui solide, vous pourriez être conduits très-involontairement à cette opération par l'impossibilité d'effectuer autrement les payements auxquels la nation est obligée.
Mais vous comprenez assez, Messieurs, que par elle-même, une telle ressource est illusoire; qu'il ne dépend pas des souverains, qu'il ne dépend pas des nations d'imprimer de la valeur aux choses auquelles la nature l'a refusée.
Un peuple naissant, un peuple vertueux, un peuple qui donnait un grand exemple au monde, a tenté cette entreprise ; et son papier-monnaie devenu très-promptement inefficace, a été le malheur le plus réel de la guerre qu'il avait à soutenir.
Dans la position où vous êtes, le papier que vous répandriez, soit qu'il portât intérêt, soit qu'il ne portât pas, ne serait jamais qu'un titre de créance, échangé contre un autre titre de créance.
Si les finances sont embarrassées, c'est précisément parce que les titres de créance sur la nation, malgré la garantie solennelle que vous leur avez donnée, ne paraissent pas avoir une valeur égale à celles des sommes qu'ils énoncent.
Gomment et pourquoi les nouveaux titres de créance que vous y substitueriez inspireraient-ils plus de confiance?
Il y a beaucoup de gens qui croient avoir payé leurs dettes quand ils ont fait ou renouvelé des * billets; mais leurs créanciers ne le croient pas ainsi, et ces manuvres sont au-dessous de la dignité des nations.
Aucun engagement ne doit être renouvelé que de gré à gré. Si vous payez avec des billets portant intérêt, des billets exigibles portant intérêt, vous faites un contrat d'atermoiement, Une faillite.
Si vos billets portant intérêt, et donnés par autorité, ne produisent qu'un intérêt pins faible que ceux qu ils remplacent, il y a banqueroute partielle.
Si vous payez avec des billets purement monnaie et sans intérêt, â moins que vos billets ne puissent être réalisés en argent ou en valeur, à l'instant même, il y a banqueroute d'abord de la valeur de l'intérêt, et ensuite de l'infériorité qu'un capital mort doit avoir sur un capital égal qui produit des rentes.
Presque toutes les personnes qui vous ont proposé un papier-monnaie ont très-bien songé à en soutenir la valeur, en disant qu'il serait pris en payement de la vente des biens du clergé et de celle des domaines. Mais alors où est la véritable ressource ? elle est dans la valeur des biens du clergé et du domaine. Vos billets n'y ajouteront rien. Et si vous prétendiez par eux vous mettre en possession anticipée du capital de cette valeur, et la donner pour comptant à des gens qui ne pourraient le réaliser avec promptitude, il y aurait perte pour eux et sur papiers, il y aurait banqueroute partielle. Toute vente de terre demande un temps moral pour être effectuée. Les domaines ne sont point en valeur. Les biens du clergé ne sont pas suffisamment connus. On ne peut acheter des terres, sans les avoir examinées : Si vous voulez que votre crédit ait de la valeur et de l'efficacité, il faut qu'il n'y ait pas un moment où l'on puisse dire que vos créanciers aient souffert.
Il ne faut donc pas que la nation puisse voir avilir les engagements pris par ses réprésentants. Il ne faut pas, lorsque vous pourrez réellement lui rendre son crédit, exposer ce crédit à chanceler par une injustice que vous ordonniez, par lin acte d'autorité qu'en matière de dettes on n'a jamais droit de faire, par l'exagération de la confiance en votre propre pouvoir.
Je vous supplierai donc, Messieurs, de ne pas vous laisser entraîner à aucune démarche qui vous oblige de mettre en circulation, comme un grand nombre de citoyens zélés le désirent, sans avoir pesé les conséquences, quatre cents millions, et. bien moins encore, six cents millions, neuf cents millions,un milliard,deux milliards de billets. Cette circulation n'aurait pas plus lieu que ne l'aura celle de vos titres de créance actuels, lorsqu'on saura que vous leur aurez donné bonne hypothèque.
Il faut retirer ces titres de créance, sans doute; il faut faire profiter la nation d'une grande épargne sur leurs intérêts. Il faut la conduire à un énorme excès dans ses revenus sur ses dépenses, afin d'avoir le moyen de soulager noblement le peuple. Vous le devez, vous le pouvez ; mais vous ne le , pouvez que par une marche prudente et modérée. On ne franchit pas vingt toises d'un seul élan ; mais on fait le tour du monde à pas successifs.
Aucun papier, Messieurs, ne peut remplir l'office de monnaie, si les porteurs ne sont à chaque instant maîtres de l'échanger contre de la monnaie, ou contre des valeurs égales ou préférables.
Il ne faut donc répandre aucun papier auquel cette faculté ne soit donnée avec certitude, parla Confiance publique, et sans aucun usage de l'autorité.
Et comment exciter et soutenir à cet égard la confiance publique? C'est par la manifestation qu'il est impossible qu'elle soit trompée; c'est en n'ayant jamais de papier dehors que dans une proportion très-inférieure aux usages présents, utiles, attrayants qu'on en pourra faire, et en laissant toujours le choix ou de ces usages, ou du remboursement en argent comptant.
A cela le service d'une banque bien conduite
vous est indispensable, mais cette banque ne doit pas vous servir seule.
La banque doit être toujours prête à fournir de l'argent à tous ceux qui, ayant à faire de petits payements, ne peuvent les effectuer qu'en espèces. Sa caisse doit de plus être, si je puis employer cette' expression, une sorte de canal de trop plein pour la réalisation des billets qui ne trouveraient pas un autre emploi. Mais c'est au bon état des finances dès la présente année, et à la perspèctive assurée de son amélioration progressive et prochaine, à montrer que le plus mauvais usage qu'on puisse faire des billets, serait de les porter à la banque.
Il faut ouvrir trois emplois avantageux et sûrs aux capitaux libres. Le premier dans la vente des biens-fonds du clergé, sur laquelle vous n'aurez point à vous presser, lorsque l'Etat jouira provisoirement des revenus, et que vous pourrez afetèndre en chaque lieu des offres convenables. Vous en aurez de très-promptes pour les édifices et les terrains des villes, particulièrement de la capitale, où les maisons religieuses occupent les plus beaux emplacements. Et je vous prie de remarquer que je n'ai pas compté un seul de ces édifices et de leurs dépendances, qui sèrvent à la simple habitation, parmi les biens du clergé, dont nous n'avons estimé le capital que d'après le revenu. Mais dans vos mains le capital actuellement inactif en maisons, en cloîtres et en jardins produira un revenu, et même un gros" revenu, puisqu'il servira au remboursement des dettes les plus onéreuses et les plus embarrassantes de la nation.
Il y a dans Paris pour 40 millions au moins de ces édifices inutiles, à réaliser en trois mois.
Le second emploi des capitaux doit être dans le rachat des dîmes. Vous devez l'autoriser de la part de chaque particulier à la caisse de l'assemblée du département, dont il ressortira. Mais il n'y a aucun inconvénient, et au contraire, ce sera une très-bonne combinaison que d'autoriser aussi les particuliers aisés à racheter en masse les dîmes de leur paroisse, ou de telle autre, à la charge, lorsqu'ils seront substitués par ce rachat aux droits du domaine de la nation, d'abandonner les dîmes aux redevables, selon un tarif égal dans chaque canton, pour des rentes en grains,, ou quant aux vins pour les dîmes au cellier, en accordant sur la proposition de ces abonnements des remises, parce que la perception en sera moins embarrassante et moins coûteuse ; comme aussi à la charge de réserver aux débiteurs des dîmes abonnées la faculté perpétuelle de racheter, chacun en droit soi, la portion à laquelle il serait assujetti, d'après un taux qui serait réglé pour indemniser le premier acquéreur, de l'inconvénient de n'être remboursé qu'en petites parties de ce qu'il aurait avancé en masse.
Le troisième emploi doit être dans un emprunt public constamment ouvert, dont il faut combiner les conditions de manière que, réunissant pour les prêteurs le plus grand nombre d'avantages propres à toucher la raison et à intéresser le cur humain, elles dispensent d'y attacher de trop gros intérêts. L'ineptie en administration couvre tout, entraîne tout par le poids de l'argent, dont elle épuise les nations, qui ensuite l'abandonnent à son impuissance ; la sagesse et l'habileté cherchent dans les esprits sensés, et dans les âmes honnêtes, qui, grâce au ciel, sont pourtant le'plus grand nombre, les trésors innombrables et toujours renaissants que la Providence y a placés: c'est ainsi que se procurant
une force que rien ne peut détruire, et n'ayant plus besoin de prodiguer les métaux, elles s'assurent que ceux-ci ne leur manqueront jamais.
J'ai eu l'honneur dans une autre occasion de vous exposer quelques-unes de ces conditions qui sont à réunir dans les emprunts publics ; j'y en ajouterai aujourd'hui quelques autres.
L'emprunt doit pour sa plus forte partie être en rente perpétuelle remboursable, aiin de ne pas dépouiller les familles, et de ne pas semer entre les pères et les enfants cette odieuse défiance, ce mécontentement mutuel que les rentes viagères ont si malheureusement propagés, et détruire les vertus jusque dans le sanctuaire des foyers domestiques.
11 faut qu'une petite partie soit en tontine, afin qu'il y ait pour chaque actionnaire la certitude que son revenu augmentera d'année en année ; qu'avant peu il sera au-dessus du taux d'intérêt des emprunts ordinaires, et qu'il ait de plus à considérer la possibilité, la légitime espérance, s'il atteint un âge très-avancé, d'avoir un jour une rente égale à la totalité même de son capital.
Ces deux conditions seront remplies par un emprunt à 4 1/2 0/0 en actions de 1,000 livres, qui produiront 40 livres de rente perpétuelle, remboursable par un capital de 900 francs et 100 sous de rente tontine, qui assureront au dernier vivant d'une division de deux cents tontiniers, 1,000 livres de rente viagèré.
D'autres conditions intéressantes doivent être ajoutées.
L'une dont le premier ministre des finances vous a donné le conseil, que vous avez adoptée dans l'emprunt actuel, est de laisser les actionnaires libres de fournir leurs fonds, moitié en argent, et moitié en papiers portant intérêt. Gomme ils ont acheté ces papiers dans un état de perte, ils peuvent aussi retirer de leur argent un plus fort intérêt que la nation n'en paye; ce profit pour eux n'est nullement onéreux à l'Etat, pour qui la moitié n'est qu'un virement de parties qui ne charge point les finances.
Une seconde facilité qui aide beaucoup au succès d'un emprunt, est de ne délivrer d'abord que des quittances de finances, et de réserver aux capitalistes qui avancent les fonds, le temps de les placer chez leurs correspondants, et d'indiquer, dans le délai fixé, au nom de qui l'on doit placer les contrats.
Une dernière condition qui fera grand plaisir aux capitalistes, et qui n'a pu être encore employée parce l'état des finances et l'habitude de consumer d'avance les fonds des provinces l'auraient rendue impossible dans l'exécution, mais dont je vais vous proposer de faire disparaître la difficulté, est l'engagement de faire payer les arrérages en telle ville du royaume que les rentiers voudront désigner, pourvu qu'ils fassent connaître chaque année, deux mois avant l'échéance, le lieu où il leur plaira recevoir leur argent.
J'ose vous assurer, Messieurs, et je le fais sur la foi des banquiers les plus habiles, comme sur celle de la raison, qu'un emprunt à 4 1/2 0/0, dont le gage sera visible, et pour lequel on réunira ces cinq conditions, aura le succès le plus indubitable.
Lorsque vous aurez donc attiré vers la libération des dettes de l'Etat les capitaux oisifs, par un emprunt de cette espèce, par l'ouverture de la vente des biens-fonds du clergé, par celle du rachat des dîmes, et par la certitude que les
revenus de la nation étant au-dessus de ses dépenses, elle marchera vers la propriété au lieu de s'enfoncer de plus en plus dans le gouffre des dettes, vous pouvez compter que très-peu de gens se soucieront d'enterrer leur argent; que l'on n'ira présenter à la caisse de réalisation que les billets dont la monnaie sera indispensable-ment nécessaire pour les menues dépenses courantes et pour les appoints ; que la Banque aura la plus grande faveur dans l'opinion publique, et que la conversion des dettes onéreuses en dettes à un taux d'intérêt peu dispendieux se fera avec la plus grande facilité.
Ce ne sera qu'après que vous aurez ainsi fait vos dispositions que devront commencer les grandes et utiles opérations, dont la Banque, quelle qu'elle Soit, doit être le pivot.
Peu importe que cette banque soit la Caisse d'escompte actuelle, ou que vous la décoriez du titre de Banque nationale. La puissance est dans les choses et non pas dans les mots.
Je suis, porté à croire qu'en qualité d'entreprise la Banque aurait une utilité encore plus grande, mais qu'elle soit la Caisse d'escompte ou la Banque nationale, il faut toujours qu'elle n'ait point de privilège exclusif et que pour inspirer la confiance, elle la mette elle-même dans ses forces et son intégrité.
La Caisse d'escompte existe, elle est une des institutions que la France doit à un ministre habile et vertueux, auquel des ennemis tombés maintenant dans le mépris qu'ils méritaient, ont empêché pendant un temps, de rendre une entière justice, mais dont on adore aujourd'hui la mémoire. On est accoutumé aux billets de cette caisse. Depuis la confiance qui lui a été donnée en février 1787, au milieu des circonstances les plus orageuses, elle a toujours continué ses payements , malgré les arrêts qui l'autorisaient à les cesser. Elle a fait au gouvernement des avances considérables dont la nation est garante comme de ses autres dettes, et pour la valeur desquelles la caution de l'Etat est nécessairement ajoutée à la sûreté des engagements de la caisse envers les porteurs de ses billets. Il est donc simple et juste de se servir d'elle, et il y aurait, de l'inconvénient à lui donner une sorte de décri, en instituant une nouvelle banque. Peu de nouveautés et jamais sans nécessité absolue, est une maxime d'administration très-importante en matière de crédit.
Je suppose donc, jusqu'à ce que vous en ayez décidé autrement, que ce serait à la Caisse d'escompte que vous déposeriez les 40 millions en écus que vous vous seriez procurés. 1
Sur un tel dépôt, vous pouvez, sans inquiétude, disposer de 100 à 120 millions de billets.
Car d'une part, après les arrangements que j'ai eu l'honneur de vous indiquer, les billets auront un beaucoup meilleur emploi que de revenir à la caisse, et l'on n'y en réalisera que très-peu ; et d'autre part 40 millions peuvent suffire à un payement continuel et régulier pendant assez long-^ temps pour qu'aucun moment de crise, d'erreur, de prévention, d'intrigue ne puisse être redoutable, et pour que la rentrée successive des fonds effectifs rende à jamais impossible de tarir la caisse.
Alors, Messieurs, vos 120 millions de billets seront de véritable argent comptant. Vous les donnerez en extinction des anticipations les plus onéreuses, et les capitalistes, qui ne sont" point accoutumés à être remboursés en si grosses masses, vous en rapporteront la plus
grande partie, soit d'abord pour l'acquisition des bâtiments et des terrains des maisons religieuses supprimées dans l'intérieur de Paris, soit dans votre emprunt, soit ensuite pour des biens-fonds ecclésiastiques qui, à portée des villes, seront les plus propres à former des » terres agréables. 11 vous rentrera aussi, de toutes les parties du royaume, des capitaux plus ou moins considérables pour le rachat des dîmes ; car, en chaque lieu, ce sera pour les gens aisés une acquisition sûre, attrayante et à leur portée.
A mesure que les fonds rentreront d'une manière ou d'une autre, vous en consacrerez ce qui sera nécessaire pour remplacer à la caisse le peu d'argent monnayé qui en aura été retiré ^ pour les billets au porteur ; car un de vos premiers soins doit être que le capital de 40 millions y soit toujours complet et en écus effectifs.
Vous emploierez le surplus à continuer de semaine en semaine et sans interruption le remboursement des anticipations. Il ne faut pas leur laisser de repos. Il faut accabler la place de rem-« boursement et d'argent ; plus vous en donnerez, plus il en rentrera dans votre emprunt ou dans l'acquisition de vos immeubles.
11 est vraisemblable qu'en trois ou quatre mois vous aurez ainsi éteint toutes les anticipations. Au moins, avec certitude, l'aurez-vous fait en six mois.
Je ne vous proposerai point d'en réserver au-cune ; des gens très-éclairés ont pensé qu'un fonds d'anticipations bornées avait de l'utilité pour la circulation, et comme fournissant le moyen de soutenir chaque mois une dépense à peu près égale, quoiqu'il y ait des mois où la recette est beaucoup plus considérable que dans d'autres.
Je ne saurais partager leur opinion. Elle tient principalement à l'habitude d'amener à Paris une beaucoup trop grande masse de dépenses et de recettes, et cette habitude est une de celles que vous avez le plus d'intérêt à faire cesser. Il est | très-facile de régler les époques des plus forts payements, de manière qu'ils se trouvent dans le temps des plus fortes recettes ; et ce soin n'a pas été totalement négligé. On ne paye point d'intérêt ni de commission pour les payements qui s'exécutent au jour nommé : cela s'appelle payer comptant.
Mais ma plus forte raison est que, si l'on conservait des anticipations, il continuerait d'être ^impossible de faire de toutes les caisses de receltes, des caisses de dépenses, ce qui sera néan- moins une des opérations les plus désirables pour le crédit, et en même temps les plus économiques.
La nation a des revenus à toucher dans toutes les provinces et dans toutes aussi elle a des payements à faire; cependant aujourd'hui l'administration du Trésor public ne pourrait assigner un écu, payable dans une province, à une dépense Kde cette province. La raison en est que tous les revenus sont engagés d'avance, et longtemps à l'avance, aux faiseurs de services; de sorte qu'il n'y a jamais aucune somme libre dans les caisses provinciales. L'argent des impositions passe des receveurs particuliers aux receveurs généraux ; jet cette opération ne permet de le rendre disponible dans la capitale que deux mois après qu'il est reçu. Les receveurs généraux acquittent alors les rescriptions qui ont été répandues, auxquelles d'autres rescriptions succèdent sans cesse, et toujours en avance de plusieurs mois.
Il en est à peu près de même des fonds qui
proviennent de la ferme générale et de la régie générale : ils sont assignés d'avance à des faiseurs de services; et au moment où ils arrivent à la disposition des fermiers généraux, ils ne peuvent plus être à celle du gouvernement, qui en a depuis longtemps acheté et consommé l'usage.
Tel est l'embarras pour la recette.
Quant à la dépense, lorsque le gouvernement veut faire remettre dans les provinces des fonds qui n'auraient jamais dû en sortir, il faut qu'il les délivre aux trésoriers, et que ceux-ci les envoient ou les procurent d'une manière quelconque à leurs commis dans les villes principales ; ces arrangements demandent un mois.
Ainsi, une forte partie des revenus publics passe par cinq caisses avant d'arriver â leur destination, qui est la dépense qu'ils doivent acquitter ;
Celle du receveur particulier :
Celle du receveur général ;
Celle du Trésor royal ;
Celle du trésorier de département;
Celle du commis du trésorier.
Le temps fuit, l'intérêt des fonds se perd, et les remises s'accumulent.
Si les revenus n'étaient pas dépensés et engagés par des anticipations, si l'on avait remboursé celles qui existent, il n'y aurait rien de plus simple que l'administration de la recette et de la dépense des revenus publics. Le Trésor royal pourrait être en compte courant avec toutes les caisses particulières des provinces. Ce compte tenu à parties doubles, ne serait pas plus embarrassant que celui d'une forte maison de commerce. On ferait vérifier les recettes par les assemblées de département, qui en enverraient le bordereau à l'assemblée principale de leur cercle, lequel en adresserait une expédition à l'administration du Trésor royal.
On saurait en réalité chaque semaine combien il y a de fonds dans chaque caisse, et par approximation, quelques semaines d'avance, combien il doit y en avoir.
D'après l'état des payements ordinaires et des demandes faites, tant par les fournisseurs du gouvernement que par les rentiers, pour être payé dans telle ville ou dans telle autre, selon la facilité que je propose de leur accorder, qui ajoutera tant au crédit public et qui assurera des économies si réelles sur toutes ces fournitures, l'administrateur ferait la distribution sur les provinces de toutes les dépenses qui peuvent y être soldées. Il ferait verser de proche en proche, et selon le besoin, l'argent des caissesqui seraient le moins chargées sur celles qui le seraient le plus.Il recevrait par avis, il payerait par mandats.
On ne ferait venir dans la capitale que les fonds qui seraient indispensablement nécessaires pour payer Jes dépenses qui ne peuvent pas s'effectuer ailleurs ; et en général ceux de ses propres recettes et des provinces voisines y pourraient suffire.
Chaque province garderait son numéraire; chaque créancier pourrait toucher son argent à sa porte ; et les comptes généraux du Trésor royal, ceux de chaque caisse en particulier, tenus sur l'effectif en parties doubles, par doit et avoir, pourraient être arrêtés, vérifiés, contrôlés, rendus, à tout moment, aussitôt qu'il plairait, soit au Roi, soit à l'Assemblée nationale, d'en constater la situation. Il serait possible de tirer une barre sur les livres, à tel jour imprévu que l'on jugerait convenable, et d'avoir, dans la huitaine, un tableau complet de toutes les caisses du
royaume, une notice exacte de toutes les recettes nui auraient été effectuées, de toutes les dépenses oui auraient été soldées, un aperçu clair de ce qui resterait encore à faire pour l'un et 1 autre
P°Quelle différence entre cette comptabilité si simple si nette, si méthodique,et le chaqs inextricable que forment aujourd'hui les états en prophétie,
d'après lesquels on calcule d'avance l'excédant ou le déficit d'une année idéale, et les tableaux des recettes et des dépenses effectives, dont la rédaction difficile est toujours longtemps attendue,
où l'on est forcé d'embrasser des recettes et des dépenses qui appartiennent à des exercices différents et à un grand nombre d'années diverses, à travers lesquelles l'administrateur le plus appliqué a tant de peine à se réconnaître, qui mettent toujours sa prévoyance en défaut, qui préparent toujours un long tourment à la perspicacité de son successeur, que l'on ne peut enfin soumettre à la discussion de la Chambre des comptes que dans des époques tardives et reculées, où lés receveurs et les trésoriers peuvent être tombés dans l'insolvabilité, et où l'on ignore ce que sont devenues plusieurs des parties prenantes, et combien de temps les fonds ont dormi !
Il se fait beaucoup plus de mouvement d'argent qu'il n'est nécessaire. Il ne s'en fait pas autant qu'on le dit. Une partie des opérations dont je vous parie a lieu pour effectuer dans les provinces beaucoup de payements par virements et rescrip-tions; mais ce sont des arrangements particuliers entre les receveurs, les trésoriers et les faiseurs de services; la jouissance des revenus n'est point avancée; la situation des caisses n'en est point éclairée ; le gouvernement n'en marche pas moins à tâtons, achetant la jouissance de son propre argent, et n'étant pas toujours sûr qu'on veuille,
ni même qu'on puisse le lui rendre : car, lorsque l'inquiétude se manifeste, les faiseurs de services qui ne peuvent donner à l'Etat que son propre crédit, et qui ne trouvent à placer leurs billets que parce qu'on sait que les assignations qui leur ont été remises sont bonnes,perdent tout à coup la puissance qu'on leur croyait. Le numéraire manque, s'écrie-t-on, c'est-à-dire qu'il se resserre et se cache ; on se trouve dans l'impossibilité de renouveler les anticipations; toutes les dépenses publiques risquent d'être interrompues; l'Etat est dans un péril imminent.
Quand on ne gagnerait à la suppression totale des anticipations, que de sortir de cette situation précaire, si dangereuse pour la sûreté, et si honteusement au-dessous de Ja dignité nationale !
quand on n'y gagnerait que de pouvoir établir un ordre de recette, de dépense et de comptabilité,
qui serait à la portée de tout le monde, il n'y aurait pas à hésiter pour y appliquer les premiers fonds que vos économies, vos nouveaux capitaux,
vos nouveaux revenus, vos biens aliénables, vos dîmes rachetables, votre emprunt et votre banque pourront vous procurer.
Mais il y a de plus beaucoup d'argent à gagner.
Les fonds qui vous serviront à rembourser vos anticipations proviendront :
Ou de votre emprunt, et ceux-là coûteront quatre et demi pour cent;
Ou de la vente des immeubles de Paris, qui ne portent aucun revenu ; et ceux-là ne coûteront rien du tout ;
Ou du rachat des dîmes et de la vente des immeubles de provinces; èl ceux-là ne coûterontqee trois pour cent ;
Ou de la banque; et ceux-ci fournis en papier sur un nantissement en écus d'un tiers de leur valeur, sur la caution de l'Etat pour le reste, peuvent coûter moins cher encore. Si donc nous estimons que réunis, et l'un composant l'autre, ils vous reviennent à quatre pour cent, nous avons lieu de croire que cette évaluation est trop forte. ,
Sur ce pied, cependant, la suppression des anticipations procurerait déjà directement au moins cinq millions d'économie.
La transformation de toutes les caisses de recette en caisses directes de dépenses, pour toutes celles qui peuvent s'acquitter dans les provinces (et j'ai eu l'honneur de vous proposer d'y payer, outre toutes celles qu'on y fait aujourd'hui, une partie des rentes, et toutes les fournitures dont les entrepreneurs pourront désirer le payement), cette disposition économique et salutaire peut épargner, sur une recette, une dépense d'environ trois cents millions, deux remises de quatre deniers chacune pour livre : or les huit deniers pour livre de trois cents millions valent dix millions.
Enfin, Messieurs, ce même arrangement vous assurera la disposition des revenus de l'Etat deux * mois plus tôt pour la recette, un mois plus tôt pour la dépense : cela équivaut à un emprunt perpétuel de tous les revenus pour trois mois, ou d'un quart de revenu pour l'année, ou, en d'autres termes, d'environ cent millions sans intérêt. Dans l'état actuel, c'est encore un profit que nous ne pouvons estimer à moins de cinq millions de
L'extinction absolue des anticipations, indé- ' pendamment de la sûreté et du bon ordre qu'elle établira dans les affaires publiques, augmentera donc la masse de vos fonds libres de vingt millions de revenu.
Lorsqu'elle sera commencée (et elle doit l'être au plus tard à six mois du jour où vous ferez pour elle les premiers pas) la vente des immeubles et le rachat des dîmes commenceront à être en pleine marche, et à vous raniener chaque jour de nouveaux capitaux à la caisse nationale. J L'ordre et la rapidité de vos payements dans toutes les parties du royaume, et le nouvel accroissement du revenu public, donneront la plus grande faveur à votre emprunt libératif. Les trois cents millions dont vous aurez couvert la place de Paris auront épuisé tous les emplois ordinaires ; il ne restera presque plus de ressource pour les nouveaux capitaux que vous y verserez, que le placement de votre emprunt, ou* une plus grande activité dans les achats de vos immeubles. , ,
Alors, Messieurs, cette surabondance de ce moyen vous donnera le pouvoir d'entamer une plus grande entreprise, non moins digne de votre sagesse, plus lucrative pour les finances, plus intéressante pour votre patriotisme.
Vous bannirez de la société un des fléaux quw lui sont le plus nuisibles, vous rembourserez les rentes viagères, et vous décréterez que cette ma- H nière d'emprunter sera proscrite à jamais, attendu qu'il est indigne de la loyauté et de la majesté de la nation de séduire les pères de famille, et de les engager à préférer leurs jouissances personnelles à la subsistance de leurs enfants.
Les rentes viagères ont causé cette dépravation^ de l'humanité ; et comme tout mal en appelle un autre, elles n'ont pu rendre dés pères indifférents et injustes, sans rendre les enfants indociles et ' irrespectueux. Des trois amours qui font subsister le monde, et qui sont le germe de presque
toutes les vertus, elles en pnt détruit deux dans une multitude de familles ; elles ont avili le troisième; elles ont dégradé les murs en enrichissant une génération des dépouilles de l'autre ; créant la pauvreté pour la jeunesse, augmentant l opulence de l'âge mûr au delà des proportions naturelles qu'indiquaient les capitaux dont il était possesseur : car presque tous les égarements honteux viennent delà trop grande inégalité des fortunes, qui exalte les passions, qui les entoure de pièges, qui les arme de mille funestes moyens d'éblouir l'indigence, et de lui commander. C'est particulièrement sous ces aspects que les privilèges exclusifs, les partages inégaux des successions, les rentes viagères, les loteries, sont des ^ démons sortis de l'enfer pour corrompre les hommes, les rendre coupables et les punir. , Qu'ils disparaissent, Messieurs, que démasqués par votre raison, que terrassés par votre vertu, ils laissent l'âme de l'homme à sa beauté naturelle, en France du moins, et bientôt à son exemple, en Europe et dans l'univers !
Quelques personnes ont cru que les rentes ^ viagères étaient excusables, parce qu'elles s'éteignent progressivement et d'elles-mêmes. Elles s'éteignent, il est vrai, mais dans un temps natu-1 Tellement triple, et qu'une fatale habileté a rendu quadruple de celui auquel un fonds d'amortissement égal à leur intérêt les aurait remboursées. C'est une spéculation méprisable sur des penchants méprisables ; c'est le peu de cas qu'ils faisaient d'eux-mêmes; p'est la conscience de ?ieur propre incapacité et de leur propre faiblesse, de leur instabilité, de leur dépendance, qui i avait déterminé les gouvernements à proposer des emprunts en rentes viagères. Ils voulaient de l'argent, vite, à quelque prix que ce fût, et ils n'osaient se flatter que l'existence d'un fonds d'amortissement pût être soutenue, ni par eux-mêmes, ni par leurs successeurs ; mais vous, Messieurs, serez-vous incapables, faibles, impuissants? ne vous sentirez-vous pas la force de suivré les résolutions que vous aurez décrétées ? ^iN'aurez-vous point celle de prévenir les déprédations ? Tremblerez-vous devant une cour? Serez-¦ vous des ministres ?
L'Assemblée nationale est permanente; ses lumières s'accroîtront chaque jour, son courage sera constamment inaltérable ; fréquemment renouvelée, rentrant sans cesse dans le sein du peuple, en ressortant sans cesse au choix de l'estime, qui jugerasouverainement dans lé concours du zèle et des vertus; semblable à ce géant qui .reprenait sa vigueur en touchant la terre dont il était fils, l'Assemblée nationale n'a point à redouter que les mesures qu'elle aura prises pour l'amortissement des dettes nationales soient interrompues. Elle n'aura jamais besoin pour assurer cet amortissement, de le payer, comme .il est par des rentes viagères, au prix d'une double dépense, et du sacrifice des murs qui sont les premiers instruments du travail, la condition ?la plus essentielle pour la bonne économie et la formation des capitaux, le plus indispensable élément de la richesse publique et privée.
Vous rembourserez donc les rentes viagères, et je me garderai bien de vous proposer d'argumenter de la lésion que la nation a éprouvée dans ieùr institution, de songer d'imputer le surcroît d'intérêt sur les capitaux, de vous borner à .déclarer que, rendant leur capital aux familles, vous en ferez la rente' au taux égal, en y. attribuant un fonds d'amortissement progressif: viles idées qui ont été repoussées tant de fois, même
par la morale des vizirs. C'est noblement et honnêtement en tout poiqj qu'il faut l'aire les actions nobles et honnêtes. Jamais l'utilité du but ne peut couvrir le' vice des moyens. L'honneur national ordonne que nul de ceux qui ont caractère avec l'Etat, ne puisse avoir un juste sujet de se plaindre, ne puisse dire avoir été trompé.
Mais, quelqu'un pourrajt-il avoir à se plaindre, lorsqu'ayànt joui longtemps d'un revenu excessif qui emportait l'extinction d'une partie de son capital, on lui rendrait ce capital tout entier?
Vous le reqdrez, Messieurs, et vous lé rendrez argent comptant, car ce sera de l'argent comptant que les billets de caisse qu'on aura sans cesse le choix, ou d'employer en acquisition des terres immenses dont l'Etat aura la disposition, ou de placer dans l'emprunt permanent, avantageux, perpétuel et tontinier d'une nation dont les revenus publics excéderont visiblement les dépenses, ou de présenter à la caisse, et d'échanger, à volonté, contre des écus effectifs.
Ne commençant cette opération, si nécessaire et si louable, que dans six mois, au moment où votre emprunt, vos ventes de terres, et la circulation des billets seront dans leur plus grande activité, vous pourrez porter les remboursements jusqu'à cent millions par mois ; et plus ils seront rapides, plus vous serez sûrs qu'une grande partie d'entre eux se feront par virement de parties et reconstitution.
Je vous demanderai de verser vos premiers écus sur les immortelles demoiselles de Genève, dont les habiles tuteurs ont trouvé le moyen de faire des espèces de fées, par la magie desquelles les bornes de la vie humaine semblent prolongées, et les rentes viagères deviennent à demi-perpétuelles.
Je vous prierai cfe continuer par celles de Hollande, dont le clihat moins salubre et le pays plus opprimé rendent la confédération moins dangereuse.
Entre les autres, que le sort décide de l'ordre des remboursements. Mais je vous supplie d'accorder une exception en faveur des vieillards qui, du travail de leur vie, n'ont économisé qu'un petit capital dont la rente est leur seule ressource. Que les hommes de soixante ans, que les femmes de cinquante, qui pourront prouver qu'ils n'ont d'autre bien qu'une rente viagère de douze cents livres et au-dessous, ne puissent être forcés à recevoir leur remboursement, s'ils préfèrent la continuation de leur rente.
Cette exception ne vous conservera pas cinq millions de rente en viager, car les vieillards qui voudront reconstituer à quatre et 4em{, et désigner le successeur du contrat perpétuel, trouveront beaucoup de gens qui se soumettront à leur compenser durant leur vie, même quelqueifûis à profit, la différence de l'intérêt.
Les rentes viagères se montent aujourd'hui à cent cinq millions. Je suppose que d'après l'exception, on en conservera pour des personnes d'un âge avancé, environ cinq millions, dont il pourra s'éteindre quatre à cinq cent mille francs chaque année. Il restera cent millions à rembourser, et par l'accumulation des moyens qui se réunissent dans votre main, leur capital pourra être ou réalisé en immeubles, ou reconstitué pour l'emprunt national, dâns le cours de l'année prochaine.
Comme ce qui sera employé en immeubles ne vous privera que de trois pour cent de revenu, et que ce qui entrera dans l'emprunt permanent n'en coûtera que quatre et demi, je continuerai
d'estimer que, sur le pied moyeu, ce sera quatre pour cent que vous coûteront les fonds avec lesquels vous aurez remboursé les rentes viagères.
Vous aurez donc diminué la dépense de l'Etat d'environ soixante millions de rente sans injustice, avec générusité même par ses créanciers, au milieu des bénédictions de leurs enfants, à qui vous aurez rendu leur fortune aliénée, et en goûtant vous-mêmes la satisfaction d'avoir régénéré l'esprit de famille, première base de l'esprit social ; car l'amour de la patrie dérive, comme le mot qui l'exprime, de celui qu'on doit à la paternité.
Permettez-moi, Messieurs, dem'arrêter un moment pour jeter un coup d'il sur la situation où cette suite d'opérations, dignes par leur enchaînement, leur masse et leur étendue, de la première nation de l'Europe, aura mis les finances à la lin de 1790.
Vous aurez augmenté les revenus :
1° De quarante-huit millions de rente sur les biens du clergé;
2° De trois millions sur les droits de traite en levant les barrières intérieures, portant à la frontière un tarif raisonnable, suppléant aux prohibitions, qui ne servent qu'à exciter la contrebande, des droits modérés et proportionnés à ce que celle-ci coûte, assurant leur perception par une régie moins imparfaite que ne l'est aujourd'hui la ferme générale, établissant la liberté d'un transit et celle de l'entrepôt, sous des formes à la fois avantageuses au commercent utiles aux finances (1);
3° Selon la proposition du premier ministre des finances, de quinze millions de rente, par l'augmentation de l'imposition territoriale dans laquelle néanmoins le peuple se trouvera soulagé, puisque la portion de cette imposition à supporter par la noblesse doit excéder cette somme.
Vous aurez diminué les dépenses de quarante-deux millions au moins par les économies (2).
De vingt autres millions, par l'extinction des anticipations, et l'application directe des caisses de recette au service des caisses de dépense.
De soixante millions enfin, pour le remboursement des rentes viagères.
Il y aura eu de plus environ quinze cent mille francs, ou au moins un million d'extinctions sur .. les pensions anciennes , sur celles qui seront nouvellement donuées aux ecclésiastiques, et sur Ja petite partie de rentes viagères qui aura été réservée.
Ces sept objets réunis feront un total de cent quatre-vingt-neuf millions de revenu ; ressource véritablement imposante et propre à montrer ce que peut la nation.
Et, cependant, vous n'aurez encore remboursé * ou reconstitué que pour treize cents millions de dettes nationales, et il vous restera près de cinq milliards de capitaux libres à employer à l'amélioration progressive du bon état des finances.
Mais il ne sera pas nécessaire d'attendre cette amélioration pour faire déjà profiter le peuple du meilleur ordre de ses affaires, et des diminutions qu'il deviendra possible d'ordonner sur les impôts.*
Dès le moment, Messieurs, où vous aurez créé ou délivré cette masse de revenus, et peut-être à , mesure qu'elle se formera, vous en pourrez trouver un emploi salutaire ; permettez-moi de vous proposer celui qui me paraît le plus conforme à votre prudence, à votre équité, à voire amour pour vos concitoyens.
Vous avez cent quatre-vingt-neuf millions de^ revenu, ou nouveaux, ou libérés, à votre disposition. ,
Je vous en demande d'abord soixante millions pour couvrir le déficit.
Je vous demande neuf millions pour le supplément d'intérêts à payer aux officiers actuels des cours et des autres tribunaux supprimés. Ils retirent aujourd'hui un demi pour cent de leur argent : en remboursant en contrats à trois pour cent, qui dans deux ou trois ans au plus tard se trouveront au taux ordinaire et légal de la France^ leur revenu sera doublé dès ce jour : obligés à moins de représentation, leur aisance sera aug-, mentée ; leur capital sera conservé ; et la modération de l'intérêt durant une couple d'années sera une sorte de contribution naturellement proportionnée à la fortune de la classe de citoyens qui remplissent les charges de magistrature, et que leur zèle sera heureux d'offrir à l'Etat, comme un moyen de soulager plus proraptement l peuple, en l'affranchissant des impositions les plus vexatoires, et lui faisant sur les autres des* remises considérables.
Je vous demande vingt millions pour remplacer dans le revenu public la partie de la gabelle, qui doit être supprimée sans indemnité de la part des contribuables, me réservant de vous développer, à cet égard, et dans une autre séance, c«| qui est juste et raisonnable (1).
Je vous demande dix millions pour supprimer la loterie royale, le plus honteux, le plus im-
moral, le plus séducteur, le plus ruineux pour les familles, de tous les impôts existants; et celui qu'il est le plus impossible à des législateurs, honnêtes gens, de laisser subsister; et permettez-moi à son occasion, Messieurs, de vous inviter à prendre connaissance des instructions qui m'ont été données par mes commettants, relativement à cet impôt vil et destructeur (Chapitre XIV de la première partie de leur cahier, imprimé chez Duplairi). C'est un de mes devoirs que de solliciter votre attention spéciale pour cet article ; et c'est un des vôtres de la lui accorder.
Je vous demande cinq millions pour supprimer le droit delà marque des cuirs, qui,après la loterie, est un des plus odieux impôts, et parmi les impôts inquisitoriaux, celui qui entraîne les injustices les'plus criantes et les vexations les plus cruelles: droit qui a réduit nos tanneries à moitié, et sur lequel j'aurai aussi un travail étendu et irrésistible à vous mettre sous les yeux.
Je vous demande dix millions pour la suppression des autres droits inquisitoriaux :
Celui sur les poudres et amidons, qui pour 700,000 francs de produit a détruit une fabrique autrefois florissante, à force de tourmenter les citoyens qui s'y livraient;
Celui sur les cartes, qui a pareillement détruit une branche étendue du commerce que nous faisions autrefois à l'étranger ;
Celui sur les papiers et cartons, très-nuisible à notre commerce d'imprimerie, et qui est cause que les libraires nationaux trouvent de l'avantage en beaucoup d'occasions à employer les presses étrangères, et que la belle édition de Voltaire s'est laite en Allemagne ;
Celui sur les huiles et savons, qui arrête la culture des colzas, et des autres plantes ou fruits propres à produire de l'huile, et qui nous réduit à ne pouvoir fabriquer de savon qu'à Marseille ;
Celui de la marque des fers à la fabrication et au passage d'une province à l'autre ;
La portion de la marque d'or et d'argent qui donne un revenu, ferme des débouchés utiles à l'industrie de nos artistes, et excède les frais nécessaires pour constater légalement le titre des métaux ;
Celui de la caisse de Poissy, qui vend chèrement de l'argent aux bouchers qui n'en ont que faire, en refuse à ceux qui en auraient besoin, et le leur fait payer, comme s'ils l'avaient reçu ; qui nuit également à l'approvisionnement de la
pour livre, et remonter à l'état primitif, au principal du droit ; c'est de ce principal seul que les provinces doivent à la nation le remplacement. Mais ce remplacement du principal elles le doivent pour la conservation de l'équilibre avec les autres provinces.
Elles proposaient davantage. Tous les députés des provinces de gabelle sont venus avec commission expresse d'offrir ce que l'Etat en retirait de net, et de se contenter du profit que feraient les provinces par l'épargne des frais et la cessation des vexations.
L'Assemblée nationale ne doit pas abuser de leurs offres et de leur zèle ; mais elle ne doit pas non plus rejeter sur les autres provinces, qui le compensent d'une autre manière, la somme dont elles seraient obligées de contribuer pour cette imposition particulière qui entrait dans la balance des charges publiques.
Supprimer donc les barrières, les vexations et les frais, remettre en outre aux provinces de gabelle le tiers de ce qu'elles payent de net au Trésor royal, imposer sur elles le surplus en chargeant les assemblées principales de leurs cercles d'indiquer la meilleure forme de répartitions, et leurs assemblées municipales et de département d'effectuer cette répartition : voilà ce que prescrivent la raison, la justice et (intérêt public.
capitale, et au commerce des bestiaux, et qui a déjà excité la réprobation du Roi ;
Enfin toute la portion des droits d'inspecteurs aux boucheries, d'inspecteurs aux boissons, et d'octrois municipaux, qui se perçoit à l'exercice, au sein des maisons dans les banlieues, les bourgs et les hameaux (1).
Je vous demanderai encore dix millions pour compenser à l'Etat la perte des sous pour livre des droits d'aides sur les boissons, lorsqu'on supprimera cette imposition, et qu'on en abonnera seulement le principal. Car il Faut que les provinces soient soulagées, non-seulement des frais de perception, mais aussi des sous pour livre, et que l'abonnement, qui doit leur épargner les visites et les vexations, puisse être réduit à moitié de la contribution actuelle.
Je ne vous demanderai rien pour le tabac, nous ne sommes pas encore assez riches.
1 Sans doute c'est un mauvais impôt. C'est le plus innocent des impôts de séductions, mais cela même d'être un impôt de séduction est un grand vice; et c'est de plus un impôt de monopole.
Jamais un bon administrateur ne l'eût inventé.
Cependant, ne pouvant le supprimer purement et simplement, il me paraîtrait si dur d'imposer 30 millions, pour la plus forte partie, sur ceux qui ne prennent point de tabac, afin de le procurer à meilleur marché à ceux qui en prennent, que je ne puis conseiller rien de pareil. Je serais plutôt porté à croire, qu'en attendant un temps plus heureux, il faudra, ou laisser hors du cordon des provinces qui en sont exemptes, ou les engager à s'y soumettre, à la charge qu'il y serait régi avec leur concours et à leur profit, et que le produit en serait employé aux objets d'utilité publique qu'elles jugeraient convenables, ou même applicable à payer les plus basses cotes de leurs impositions : de sorte qu'on pourrait du moins lever iesbarrièrés qui séparent ces provinces du reste du royaume, et favoriser leur commerce avec les autres provinces (2).
Cette vue, et celle d'ouvrir dans tous les ports un peu considérables, l'entrepôt au tabac en feuilles, qui fait partie du plan général, relatif aux droits de traites, sont les seules que dans les circonstances actuelles on puisse se permettre relativement au tabac, et qui aient une véritable utilité.
Quant aux autres parties, j'espère que nos commettants et vous serez contents de mes propositions. Vous voyez que, dans quinze mois, le déficit sera couvert, et que 55 millions des impositions les plus onéreuses pourront être épargnées au peuple et supprimées pour son soulagement.
Ce sont des présents qui me semblent dignes de l'Assemblée dont le travail les aura rendus possibles, et de la nation qui doit les recevoir.
J'aurai l'honneur de vous proposer d'en faire encore une autre, qui rentrera aussi dans les principes de bienfaisance et de sagesse dont vous êtes animés. Mais, avant d'en parler, il faut connaître les fonds que vous pourrez y consacrer ; il faut examiner les dépenses publiques, sur lesquelles la nation est en défaut, et qui sont nécessaires à la dignité de l'Etat, à sa prospérité intérieure, à sa sûreté vis-à-vis des nations " étrangères.
Je vous supplierai pour ces grands objets de commencer par former un fonds de 25 millions de rente, consacré en paix à l'amortissement des dettes, et croissant chaque année du produit des intérêts éteints ; destiné en guerre, avec tous les accroissements que l'accumulation des intérêts aurait pu lui donner, à la base et au fonds ordinaire ^ de chaque campagne.
A ce premier fonds de guerre ou de libération, déjà imposant, vous auriez, en cas d'hostilité, à joindre les autres fonds qui en paix auront un usage différent, mais de nature à être suspendu. Telle est la plus forte partie du fonds des travaux publics, chemins, canaux, constructions nouvelles. Il faut en guerre se borner à entretenir les ouvrages qui sont faits, toute construction doit cesser. Ce principe fixé comme constitutionnel, vous assurera sur cette partie, au moins 10 millions* de revenu à joindre aux fonds militaires, lorsqu'il faudra les employer. Voilà le fonds de guerre de 35 millions. Il devrait s'accroître encore par les articles suivants.
Je vous supplie de créer un fonds de 6 millions pour l'encouragement de l'agriculture, du commerce, des sciences et des arts ;
Pour se procurer et répandre dans les provinces * des graines, des greffes, des boutures, des sujets enracinés, de toutes les plantes, des arbres, des arbustes, dont la culture est utile, florissante ailleurs, inusitée dans notre pays;
Pour tirer de même de l'étranger les plus belles races de bestiaux, de chevaux, d'ânes, de bêtes à cornes et à laine, et donner des prix à ceux qui réussiront le mieux à les élever, à les propager, . qui en présenteront le plus grand nombre dignes " d'entrer au concours avec les races étrangères ;
Pour faire approfondir et perfectionner la théorie des engrais, aujourd'hui livrés à une aveugle routine ;
Pour multiplier les abeilles qui accroissent nos richesses, en voltigeant dessus, et dont l'exemple sert à inspirer l'amour du travail ;
Pour étendre aussi les plantations de mûriers, " dans vos provinces méridionales, et pour y perfectionner les diverses manières de préparer la soie ;
Pour établir des écoles ambulantes de filature et de tissage en fil, en laine, en coton, dans les
campagnes ; car les branches d'industrie qui peuvent s'allier à la culture, occuper les femmes et les enfants, employer le temps perdu des hommes, sont les plus utiles, celles qui vêtissent le peuple^ celles qui ne craignent jamais la concurrence de l'étranger ;
Pour multiplier et distribuer les machines qui épargnent et hâtent le travail ;
Pour encourager les hommes ingénieux çtui les inventent, ou les hommes intelligents qui nous les apportent d'ailleurs ;
Pour perfectionner l'art de la teinture, et fixer la théorie, en simplifier les procédés, et les rendre moins dispendieux ;
Pour s'a3surer les moyens d'être à l'instant instruits de toutes les perfections ou inventions de la culture, ou de l'industrie en Europe, les naturaliser et les rendre générales chez notre nation aussitôt que leur bonté sera reconnue, et pendant que nos voisins en arrêtent les progrès par des privilèges exclusifs;
Pour faire imprimer avec profusion les instructions de tout genre, dont le peuple a besoin.
Ne craignez rien pour tous ces objets de dépense, dont on rendra compte sans cesse à l'Assemblée nationale, que de ne pouvoir pas y consacrer assez de fonds. Si vous en faites diriger l'emploi par des citoyens actifs, zélés et habiles, vous sèmerez du cuivre pour recueillir de l'or.
Je vous demande enfin dix millions pour les dépenses imprévues. Une nation ne doit jamais être à court, jamais s'exposer à retomber dans le désordre des anticipations. Une nation dont l'Assemblée législative est permanente et dont les ministres sont responsables^ ne doit pas hésiter à donner quelque ampleur à ses moyens publics.
Ce qui sur le fonds d'encouragement, ou sur celui des dépenses imprévues, ne trouverait pas un emploi digne de votre suffrage, tournera chaque année au profit du fonds d'amortissement; et les encouragements qui pourraient devenir durables, passant au fonds ordinaire des pensions, vous pou-riez,. en cas de guerre, ramener au service de la sCreté publique, vraisemblablement jusqu'à treize millions sur les seize, consacrés, soit aux encouragements* sbit à la précaution qui veut qu'on réserve des fonds libres.
Dès 1791 vous auriez donc un fonds de guerre de quarante-huit millions partagé, tant que la paix durerait, entre la caisse d'amortissement, les encouragements de l'agriculture et du commerce, les travaux publics des routes et des canaux, et le fonds de réserve ou de précaution que la prudence demande, qui de sa nature est auxiliaire du funds d'amortissement, dès qu'il ne se présente pas d'autre emploi.
Ce fonds de guerre s'augmenterait d'année en année, par l'accumulation des intérêts remboursés, par l'extinction absolue des pensions Cléricales, et du peu qui resterait de rentes viagères, par l'extinction partielle des pensions civiques, dont vous ne remplaceriez qu'une partie, jusqu'à ce que vous les eussiez réduites à ce qu'exige la masse de récompenses nécessaires pour soutenir l'émulation dans le service d'un grand empire. Toutes ces extinctions annuelles accroîtraient sans cesse le fonds d'amortissement; et la progression rapide des intérêts remboursés élèverait bientôt votre fonds de guerre à quatre-vingt millions. Je demanderai de l'arrêter à ce terme. Il suffit, chez une nation qui ne se laisse pas voler, pour soutenir la guerre, sans emprunts et presque sans impôt, en accroissant pendant la paix la propriété par une libération progressive,
L.EMENTAIRES. [24 septembre 1789.] 167
et par les plus grands encouragements à tous les travaux utiles. La guetre est comme la mort : il ne faut ni la désirer, ni la craindre; il y faut être préparé. On ne la fait qu'aux faibles : soyons donc forts. Voyez ce qu'elle coûte tous les dix ans aux nations obérées de l'Europe, et voyez combien» indépendamment de l'épargne du sang humain, c'est financièrement une grande économie que le retranchement de la guerre, dans les dépenses extraordinaires d'une société politique.
Vous êtes au 1er janvier 1791, Messieurs, vous avez supprimé le déficit; vous avez remboursé la magistrature; vous avez augmenté de cinq millions les fonds de l'éducation publique; vous avez soulagé le peuple de cinquante-cinq millions des impositions les plus odieuses, et de plus de trente-cinq millions de frais de perception, de frais de procédure, de frais de vexations qu'elles entraînaient avec elles ; vous avez assuré pour six millions d'encouragement à l'agriculture et au commerce; vous avez établi un fonds d'amortissement de vingt-cinq 'millions ; vous avez mis dix millions en réserve pour les cas fortuits, vous avez préparé un fonds de guerre de quarante-huit millions, destiné à s'accroître tous les ans ; et sur les cent quatre-vingt-neuf millions de revenu que vous avez créé ou libéré, il vous en reste encore vingt-quatre dont vous n'avez pas fait l'emploi. C'est à peu près le huitième de l'imposition directe, personnelle ou foncière.
Là, je presse encore votre sollicitude, et je voua prie d'employer ces vingt-quatre millions de revenu à supprimer toutes les impositions des journaliers daiis les campâgnes, des compagnons et des petits artisans dans les villes* de tous ceux qui habitant dans la maison d'autrui, n'y occuperont qu'un logement au-dessous d'un certain prix de loyer» et parmi les propriétaires de toutes les cotes inférieures qui seront nécessaires pour compléter l'emploi de ces vingt-quatre millions.
Sacerrima res homo miser. Il est crUel de demander Une imposition à l'homme pour qui la vie elle-même est une pesante charge, à laquelle il a peine à pourvoir. Il est absurde de la demander au salarié à qui l'on ne pourra s'empêcher de la. rendre en augmentation de salaire. La subsistance est pour tout le monde un créancier impitoyable et privilégié ; ce n'est qu'après avoir satisfait à ce qu'elle exige que l'on peut songer aux autres besoins. La société doit protection à l'indigent, comme elle doit secours à l'infirme, avec une entière gratuité; car la société est composée d'hommes dont aucun n'existe que par l'effet des secours gratuits, dont on a comblé son enfance. Je vous avais demandé, Messieurs, de faire entrer cette sainte maxime dans la déclaration des droits^ N'y a-t-il pas encore place?
Mais ce n'est pas seulement l'humanité, c'est l'intérêt bien entendu,qui exige que vous ayez des citoyens prolétaires, quittes envers la patrie, quand ils lui ont donné des enfants, quand ils ont concouru de leurs suffrages au choix des hommes qu'ils jugent capables de les représenter, quand ils ont, dans le besoin, aidé, de leur personne, à la sûreté commune. 11 est même raisonnable et utile encore, qu'après les citoyens prolétaires, les simples habitants qui ne tiennent à l'Etat par aucune propriété foncière, qui n'ont pour subsister que leur travail, qui peuvent, à volonté, porter ce travail dans tous les lieux où ils le trouvent plus lucratif, et qui ne pourraient, sans injustice, être privés de cette liberté, ne soient obligés, ni à des contributions dont la matière leur manque, ni à perdre leur temps, soit pour concourir à la
répartition de ces impositions qu'ils ne payeront pas, soit à la direction des travaux publics qui ne s'exercent point sur les héritages dont ils sont dénués, soit à la garde des propriétés que leurs parents ne leur ont point transmises et qu'ils n'ont pu encore acquérir. L'homme de cette classe doit être libre et heureux; il est prêta tout dans la société; il y peut parvenir à tout par le travail, par l'économie, parles bonnes murs ; mais il n'y est pas encore quelque chose; la société est faite pour lui, il n'est pas encore fait pour elle; et son propre intérêt demande que ce soient ceux qui ont à perdre, qui s'occupent de conserver, et ceux qui ont eu le loisir et les moyens d'acquérir le plus d'instruction, que l'on charge de la répandre.
Je pourrais aller plus loin, Messieurs, et promenant vos regards sur l'année 1791, que vous commencerez avec un excédant de plus de quarante millions dans les finances, après avoir diminué de près de quatre-vingt millions les impositions et les droits dont le peuple a le plus souffert, je pourrais suivre l'emploi des secours de la banque, soutenus par cinq milliards de capital, qui vous resteront encore, tant des biens ecclésiastiques et des dîmes, que des domaines ; montrer l'amélioration de ceux-ci, par les soins des assemblées principales des cercles, des assemblées de département, et des assemblées munici-
J)ales; suivre les effets de l'aliénation des biens-onds et du rachat des dîmes ; développer ceux de la diminution progressive des intérêts à la charge de l'Etat et de celle de l'intérêt de l'argent en général pour les succès de l'agriculture, des manufactures et du commerce ; trouver, dans les nouveaux revenus qui se libéreront, la possibilité de supprimer la partie fiscale des droits de contrôle des actes; et marquant l'époque de remboursement total des dettes publiques, peindre l'Etat avec encore plus de deux milliards de capitaux libres, diminuant les charges d'une main, prodiguant de l'autre les avances pour la fertilisation du territoire, pour les plantations, pour les canaux, pour les chemins, pour les ports de mer, pour l'instruction en tous les genres, pour l'encouragement de tous les travaux utiles, élever l'empire français à un degré de prospérité dont l'imagination même est étonnée.
Léguons à nos successeurs ces hautes entreprises que nous aurons nécessitées par nos premiers pas. Il nous suffit d'avoir exposé ce qui est à faire, et ce qui peut être fait, ce qui doit l'être par vous, Messieurs, pendant le temps que vous composerez la législature. 11 nous suffit d'avoir montré, qu'à quelque degré de malheur et de désordre qu'on l'ait conduite, une nation spirituelle, honnête et courageuse, qui réunit 27 à 28 millions d'âmes, sur un territoire de 27,000 lieues carrées, ne peut jamais être perdue; qu'il n'y aurait que l'ignorance, l'incapacité, la faiblesse, qui pussent désespérer de ses affaires, et que vous laisserez la France autant au-dessus de ce qu'elle a jamais été, que vous l'avez trouvée au-dessous.
Nous nous devions à nous-mêmes, nous devions aux citoyens qu'on effraye, aux créanciers qu'on décourage, aux ennemis intérieurs et extérieurs de notre patrie, qui déjà croyaient planer sur son cadavre, et s'en disputer les lambeaux, de manifester combien nous avons encore de vie, quelle nation nous sommes, de quelles immenses ressources nous sommes entourés, et que, dans les dangers qui nous assiègent, il ne peut y avoir à trembler que pour ceux qui voudraient les accroî-
tre, pour les vampires, pour les serpents et pour les léopards.
Intimement convaincu de ce fait important, je vous demande pardon, Messieurs, d'avoir employé un si long espace de votre temps à vous en détailler les preuves. Sans doute elles vous étaient superflues ; mais elles peuvent ne l'êtré pas pour le crédit national, pour la confiance publique, pour le respect que, même en vos jours de détresse, vous devez inspirer à l'étranger.
On demande l'impression et la distribution du discours de M. Dupont de Nemours. L'une et l'autre sont ordonnées.
Plusieurs projets d'arrêtés ont été présentés sur le plan d'opérations de M. Necker.
Par une motion incidente, un des membres a demandé que le mémoire du premier ministre des finances fut renvoyé à l'examen du comité des Douze, qui en ferait son rapport incessamment, et que le décret sur les impositions, dont l'Assemblée s'occupe depuis quelque temps, fut terminé avant de lever la séance.
a proposé d'adjoindre quatre membres, pris dans l'Assemblée, au comité articulier de douze personnes précédemment éta-li pour les plans et opérations de finance.
Enfin, la question préalable a été réclamée sur la dernière de ces propositions, et l'Assemblée a décidé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. On est revenu ensuite sur la précédente motion ; elle a été divisée ; et par le résultat de la délibération sur la première partie , il a été statué que le mémoire du premier ministre des finances serait renvoyé au comité des Douze, pour être par lui examiné et rapporté à la séance du samedi matin.
Sur la seconde partie de la même motion, la délibération relative au décret sur les impositions a été renvoyée à la séance de ce soir.
a proposé de prononcer avant la levée de la séance, sur l'affaire de Vernon.
L'Assemblée délibérant sur le projet d'arrêté qui lui a été soumis par le comité des rapports, et sur différents amendements qui y ont été joints, a confirmé son décret du 10 août dernier, concernant le rétablissement de la tranquillité publique, et ceux des 29 août et 18 septembre présent mois, relatifs à la libre circulation des grains et farines. En conséquence elle a déclaré qu'elle désapprouve la conduite qui a été tenue par le comité provisoire qui s'est établi dans la ville de Vernon ; et qu'elle prend et met sous sa sauvegarde tous et chacun des citoyens dont la tranquillité avait pu ou pourrait être compromise depuis l'origine des troubles qui se sont élevés, soit à raison de la formation dudit comité, soit à raison de l'approvisionnement de ladite ville. Au surplus, l'Assemblée renvoie à Sa Majesté la connaissance des contestations survenues entre les habitants de Vernon.
, après avoir annoncé la convocation de différents comités, a indiqué la séance de ce soir à sept heures.
Séance du
La séance a été ouverte par l'annonce qu'a faite M. le président des dons patriotiques qui suivent.
La dame Denys Duporzon, demeurant à Pon-trieuxen Bretagne, a offert à l'Assemblée le titre d'une rente tontine de 200 livres, et ses arrérages échus.
Une personne qui a désiré que son nom ne fût pas public a présenté sa soumission pour une somme de 3,000 livres, formant au delà du centième de son capital.
Le sieur Jourdain, avocat de Rennes, a offert de déposer, d'après la réponse de l'Assemblée, une somme de 240 livres, pour acquitter d'autant la dette publique.
M.Bailly, maire de Paris et membre de l'Assemblée, a fait informer l'Assemblée qu'il était dépositaire : 1° d'une somme de 2,000 livres qu'une dame inconnue destine à la caisse patriotique ; 2° d'une somme de 4,640 livres en argent et effets dont le sieur Chevalier Lefebon fait le généreux sacrifice, avec celui d'unejpension de 708 livres, et de ses arrérages échus; 3° de l'argenterie et des bijoux d'un citoyen qui veut que son nom reste ignoré, et qui évalue son offrande à la somme de 40,000 livres (1).
Deux citoyens de la garde nationale de Paris offrent à la pairie une garniture de boutons d'or, 12 écus de 6 livres, une paire de boucles à souliers, une à bracelets avec agrafes et un dé d'argent donné par la fille de l'un de ces deux citoyens.
Ml Fieffé, ancien notaire à Paris, a fait offrir et déposer, par un des membres de l'Assemblée nationale, une somme de 5,000 livres en cinq billets de caisse.
MM. Valérian Duclos et Louis-Etienne Richard, députés de Nîmes, ont présenté leur soumission de payer le quart de leur revenu, conformément à la proposition du premier ministre des finances de cejourd'hui.
L'Assemblée a reçu avec sensibilité ces sacrifices patriotiques et eu a ordonné l'inscription sur ses registres.
, député du bailliage de Morlaix, fait la motion suivante sur les quévaises et le domaine congéable. Messieurs, mon âme pleine de sentiment ne peut plus souffrir le silence. Ma conscience m'oblige de prendre la parole, pour remplir mon devoir et celui de mes commettants.
Bénis soient à jamais le jour et la nuit du 4 août dernier. La générosité et la justice des bons citoyens qui composent cette auguste Assemblée ont délivré, ou pour mieux dire ont brisé les fers de l'esclavage qui régnait en France, en lui donnant la liberté. Les cultivateurs dorénavant vont jouir des fruits de leurs travaux.....Cette bonne nouvelle,Messieurs, que vous avez répandue dans toutes les provinces du royaume, y mettra la paix et la réjouissance.
Il n'y a donc plus que ces Bas-Bretons qui resteront dans l'esclavage et sans aucune
consolation, et toujours courbés sous leurs fers.Ne sont-ils pas peuple français? Ils
sont citoyens comme
Jusqu'alors j'ai cru en mes collègues qui ont beaucoup plus de talent que moi, qui à peine peux prononcer deux mots français : ne devais-je pas espérer que mes collègues se fussent armés de la tranche pour couper cette chaîne qui de son poids accable nos concitoyens, soit parce que l'humanité et la fraternité nous y engagent, soit aussi parce que c'est l'intention de nos commettants; il faut donc, malgré mon peu de talent et ma petite capacité, que je m'arme de cette tranche, pour tâcher, si je puis, de couper cette chaîne qui les absorbe, et sous laquelle ils gémissent.
Non, Messieurs, je ne puis plus dissimuler. Le temps est venu où mes commettants, ainsi que nos frères demandent à recueillir le fruit de leurs travaux. Tout le monde sait que l'homme est obligé de travailler et qu'il est condamné par l'Etre tout-puissant à manger son pain à la sueur de son front ; mais nos Bas-Bretons arrosent leurs terres de sueurs de sang, et n'ont pas la liberté de les faire valoir comme dans toutes autres provinces du royaume.
Voici le fait : mes collègues et moi nous sommes chargés de demander la suppression des quévaises, droit qui exclut tous les enfants de succéder à leurs pères, si ce n'est les plus jeunes ; et s'ils viennent à mourir sans enfants les successions vont directement à l'abbaye de Notre-Dame de Relecq, évêché de Saint-Pol. Voilà donc des familles privées de leur patrimoine.
Et aussi la suppression des domaines congéables, usage qui n'a lieu que dans la Basse-Bretagne, mais qui est très-onéreux et très-nuisible aux agriculteurs. Je vais Messieurs, en peu de mots, vous expliquer les abus que ces droits entraînent.
Tout propriétaire foncier est le maître de congédier ou faire congédier son colon, à l'échéance de son bail ; et pour le renouveler, le colon ou domanier est obligé de donner une somme exorbitante pour commission ou pot-de-vin, telle que le seigneur l'exige avant de renouveler un autre bail. Le plus souvent le colon ou domanier n'a pas fait profit pendant le cours de son bail, de la somme que le seigneur veut exiger de lui en en passant un autre nouveau; ce qui est probable par les quittances notariées dont je suis porteur et que je mettrai sur le bureau lorsqu'on l'exigera.
Autre exemple. Une pauvre veuve, chargée de sept enfants, et de dettes équivalant à son bien, a payé en qualité de commission ou pot-de-vin une somme de 1,200 livres et 6 brassées de lin, estimée chacune 9 livres. Nonobstant tous ces monopoles, elle continue de payer la même rente annuelle que par le passé; ainsi il s'ensuit qu'un colon qui est resté trente années dans un pareil domaine congéable, a payé, pour commission ou pot-de-vin plus de 4,000 livres sans avoir acquis aucune diminution sur la rente annuelle; mais bien au contraire ceux qui n'ont pas l'avantage d'avoir de fonds entre leurs mains pour payer cette commission ou pot-de-vin, constituent la somme convenue en rente foncière durant les neuf ans. Voilà donc l'abus des seigneurs qui sont possesseurs des domaines congéables.
Ge qui a fait que par la suite des temps la rente excède de beaucoup ce que le domaine
peut produire. Malgré tous ces inconvénients, le colon ne peut cependant pas quitter son domaine sans abandonner ses droits ; ni le seigneur ne peut trouver personne qui puisse ou qui veuille prendre un bail ainsi surchargé de commission ou pot-de-vin.
Nonobstant encore toutes ces charges ci-dessus détaillées il faut maintenant parler de la corvée exigible par le seigneur, que les colons sont obligés de payer à raison de 9 livres 12 sous pour chaque année. S'il plaît au seigneur après avoir reçu ladite somme, il obtient derechef de son colon de lui donner la corvée en nature : voilà donc encore une surcharge qui sert à ruiner le colon. Si tous les seigneurs étaient raisonnables, le colon ferait encore cette corvée parce qu'il n'ose pas refuser son seigneur ; mais c'est qu'il plaît souvent à un seigneur de demander à son colon de lui faire les corvées qu'il lui doit, dans le plus fort de la moisson, sans faire attention qu'il faut qu'il profite du beau temps pour la serrer ; car toute la Basse-Bretagne est un pays où il pleut très-souvent ; il y a des années où il leur est très-difficile de la ramasser ; il faut pourtant que le colon quitte et abandonne toute sa récolte pour faire la corvée de son seigneur, quoiqu'il lui ait payé 9 livres 12 sous.
Suivant les Etats de Bretagne, depuis plus de deux siècles, jamais agriculteur n'a eu de représentants aux Etats : il n'y avait donc que le haut clergé, la noblesse et quelques bourgeois des villes qui y étaient admis, qui conjointement avec le parlement ont commis de nouveaux abus ; puisque depuis environ vingt ans, ils ont décidé par arrêts, que des seigneurs ont droit de. congédier et faire congédier leurs colons fen toutes saisons de l'année. Mais les congédiants préfèrent toujours le mois de janvier, temps auquel la terre est couverte de neige ; pour lors ils appellent des experts, ce sont des juges du bailliage, voisins du seigneur pour en faire l'estimation. Est-il possible qu'un homme qui ne connaît que les dossiers de ses clients puisse servir d'expert pour faire l'estimation des terres ensemencées et rendre la justice à qui elle est due, surtout dans une saison où le plus fin y est trompé, parce que les terres sont comme j'ai dit plus haut couvertes de neige ?
On peut juger quelle perte c'est pour le colon sortant, qui avec sa femme, ses enfants, bestiaux, meubles, graines, fourrages, enfin tous les attributs du labourage, etc., se trouve sans avoir aucun asile pour pouvoir se retirer ni loger tout cet attirail, pour les mettre à l'abri des injures du temps ; s'il y parvient ce n'est qu'en gênant beaucoup son voisin qui lui donne un coin de sa maison. Voilà donc une famille qui a blanchi sous cette malheureuse chaîne et qui finit sa carrière bien misérablement.
Voici encore une réflexion que je ne puis taire parce qu'elle est plus criante. Pour faire l'estimation des terres, comme j'ai dit ci-devant, c'est le juge voisin qui y est appelé, mais comme ceci se pratique réciproquement c'est un barbier qui rase l'autre et par conséquent le colon ne peut qu'être la victime de son seigneur.
Si la Bretagne est à moitié inculte, ce n'est pas sans raison, puisqu'il est vrai que les colons ne sont pas assurés de leurs terres. Cette province est la meilleure pour la production du bois et cependant elle est près d'en manquer. Mais pour-uoi ? Après que le colon a nourri ou pris soin e laisser croître des arbres sur ses terres, il n'a pas le droit d'en jouir> Cet abus n'est que depuis
environ 30 ou 35 ans. Auparavant le domanier avait tous les arbres excepté les chênes.
Projet d'arrêté.
Messieurs, je vous supplie de daigner m'écouter et me laisser faire la lecture d'un projet d'arrêté que j'ai préparé pour être déposé sur le bureau, si l'auguste Assemblée veut bien me le permettre.
Mes commettants m'ont chargé de demander la suppression des domaines congéables et leur conversion en titres de cens final, c'est-à-dire de payer la rente annuelle et perpétuelle, sans pouvoir augmenter ni diminuer pour l'avenir ; que tous plans, arbres et baliveaux que chaque colon laissera croître sur ses terres, lui appartiendront directement, sauf une indemnité pour les arbres qui y sont actuellement; que les corvées seront abolies, en les payant au taux qui a été perçu jusqu'à ce jour en argent et non en nature ; que les facultés qui ont été données avant le dernier jour du mois d'août 1789, pour congédier les colons ou ddmàniers qui ne sont pas à demi-terme de leurs assurances, seront déclarées nulles ; mais celles qui seront aux deux tiers du terme de leurs assurances, auront lieu pour cette seule fois, et tomberont de droit en cens final comme il est dit ci-dessus ; et aussi qu'aucuns nobles ni gens de justice ne pourront être appelés pour experts ni tiers d'office dans aucune prisée quelconque de biens immobiliers, à la campagne seu^ lement.
Et si Messieurs de l'Assemblée nationale iié jugent pas à propos d'accorder leur demandé à mes commettants, j'espère qu'ils ne pourront au moins refuser d'arrêter le cours des congés d'une saint Michel à l'autre, en ordonnant que le sortant soit prévenu avant la Madeleine au mois dé juillet comme c'était l'ancien usage ; qu'ils arrêteront que tous les bois que le colon élèvera sur son domaine lui appartiendront à l'avenir. Alors les cultivateurs ne seront pas obligés de perdre la majeure partie de leurs biens, et auront le temps de se pourvoir d'un autre asile.
Pour donner un bon exemple à tous les seigneurs et propriétaires à ce titre, je déclare consentir à convertir mes domaines en cens final pour délivrer nos concitoyens de l'esclavage où ils sont réduits* afin qu'ils puissent profiter et jouir de leurs travaux comme il est ci-devant expliqué à l'article des domaines congéables, et pour engager Messieurs de l'Assemblée nationale à ordonner que tous propriétaires à titre semblable fassent le même abandon pour le bien public.
Et lé droit de quétoaise aboli et affranchissable comme aussi le droit pareil de l'ordre de Malte dans la commanderie de la Feuillée.
(1) a fait ensuite la motion suivante sur le rachat des dîmes : Messieurs, la suppression des dîmes décrétée, et décrétée après la discussion la plus ample, l'on croirait la matière épuisée ; l'on croirait qu'il ne reste plus de questions sur leur origine, sur leur nature, sur leundestination, ou l'on croirait que ces questions ne peuvent être que des questions oiseuses,, des réchauffés fastidieux.
Cependant il en est encore qui n'ont été ni pré-
Pur
membre distingué pat des qualités auxquelles je rends hommage, M. Dupont, dans son discours sur l'état et les ressources des financés, a dit : « Le remplacement convenable des dîmes jusqu'auquel vous avez ordonné, Messieurs , qu'elles seraient pe'rçues, c'est, leur rachat sur le pied du capital dont la vente habituelle des terres dans les provinces indique la proportion qui est de notoriété publique en chaque lieu, »
C'est leur rachat, sur le pied du capital dont la vente habituelle des terres indique la propor-
II n'y a point à en douter, lé rachat des dîmes sera sur le pied du denier 25* 30, 35, 40, si dans les provinces la vente habituelle des terres a ce prix. .
Je vous avouerai, Messieurs, que l'idée que me présente cette première assertion est une idée absolument neuve pour moi, et jë pense qu'elle sera telle pour bien d'autres, car je n'ai jamais cru que l'intention de l'Assemblée nationale , en supprimant les dîmes* fût d'en faire payer le prix aux cultivateurs.
J'ai encore moins pensé que son intention fût, non-séulement de réprendre d'une main le bienfait qu'elle répandait de l'autre, mais encore de rendre ce bienfait onéreux, en imposant à la suppression des dîmes une charge du tiers plus pesante que les dîiiies mêmes, là charge de lés rembourser sur le pied du prix que se vendent habituellemeut les biens dans les provinces , c'est-à-dire sur le pied du denier 30 au moins.
Eh ! comment l'aurais-je pensé? comment était-il même possible que je le pensasse, lorsque j'étais intimement persuadé que toutes les vues de l'Assemblée se tournaient aii soulagement des campagnes? Elles étaient déjà réduites à l'impuissance de supporter leurs charges, ce n'était pas boUr en prendre dé nouvelles.
M. Dupont ajouté : « C'est sur ce pied, Messieurs, et d'après ces principes qliê je pense que vous déclarerez les dîmes ecclésiastiques rache-tables comme vous avez déclaré que l'étaient les dîmes inféodées qui en dérivent. »
Les dîmes inféodées dérivent des dîmes ecclésiastiques ? cela est bientôt dit, mais cela n'est point si facile à prouver; aussi M. Dupont n'en-treprend-il point de faire cette preuve, il se contente de l'assertion qu'il transforme en principe.
Me serait-il permis de lui demander, comment, si la dîme inféodée dérive de la dîme ecclésiastique, comment cette première dîme, en passant dans la main laïque, a pu changer de nature ? Comment elle a pu devenir fief? Comment, eh qualité de fief, elle est sujette atf report ? Comment elle est sujette au dénombrement? Comment enfin elle est le droit seigneurial , et exclusive de tous les autres droits seigneuriaux quelconques ?
L'honorable membre ajoute encore « qù il n y a aucune raison pour que les unes (les dîmes inféodées) soient rachetées et que les autres (les dîmes ecclésiastiques) ne le soient pas. »
Cela est vrai dans son hypothèse. Si les dîmes inféodées sout de ffiême nature que les ecclésiastiques , le rachat des premières entraîne nécessairement le rachat des secondes ; où il y a
parité de raisons, il doit y avoir parité de conséquences ; mais si l'hypothèse est fausse, comme on se propose de le démontrer, les conséquences que l'honoràble membre en tire sôiit des conséquences ruineuses qui tomberoht avec l'hypothèse.
Enfin, M. Dupont termine en disant : « Vous devez seulement, Messieurs, pour les unes et pour les autres réserver aux cultivateurs leurs pailles en faisant régler par les municipalités et par les assemblées de département d'après le produit ordinaire de chaque cahtbn, combien, de boisseaux de blé devront être donnés pour le cent de gerbes. »
Ici se manifeste sans doute la pureté des intentions de l'honorable membre. 11 sait que la terre n'est point inépuisable, il veut que l'on répare ses pertes, en lui rendant par les engrais l'équivalént de ce que l'on a tiré de son sein.
Mais cé n'est point assez qUe des intentions soient pures, il faut qu'eliës soient justes. Serait-il juste que ce prix des pailles provenant de la dîme inféodée fût ravi au seigneUr, si la dîme inféodée est son patrimoine, si c'est son bien, si c'est sa chose ? . , .
Serait-il juste que ce même prix des paillas fût enlevé à l'ecclésiàstiquë possesseur dé la dîme, si ce prix ne lui appartient pas moins que le grain ? . t
Séràit-il justë enfin qùë le cultivateur fût obligé de payer à l'Ëiàt Uiie qudtitë de grain quelconque pour raison de la dîme, si le grain n'appartient pas plus à l'État que les pailles, si la dîme n'est point légitimement due ?
Aussitôt èé prèsenteht lés questions qui sUi-vènt : (ii
1° La dîme inféodée ëst-ellë dë même nature que la dîmë ecclésiastique ^ i'tiïië dêhive-t-elle de l'autre? ont-eltës toutes deux là même origine?
2° La dîme ecclésiastique est- elle de droit divin comme l'ont déclaré les àriciëns conciles ; comme on l'a cri) peudàtii nombre de siècles ?
3° Est-elle de droit positif, corliittë on lë croit depuis 200 ans, et comme i â déclaré là jurisprudence française
4° Si elle est de droit divin, comment a-t-elle pu se transformer eh droit positif?
5° Si elle est de,droit pdsîtie jnimëht les anciens cdhciles ont-Ils pu la ufcv.*arër de droit divifl 1 , « .
L'on sent cbmbiett il importe à 1 Etat d'avoir une solution nette dë Cës questions,, soit pour repuiissër les cris qtié là inainiHorte fait retentir dans lë pUblié, soit pour dohnër utte applicàtïott juste à la loi que S'est faite l'Assemblée hationalë de pourvoir à la subsistance dës ministres des autels et à l'entretien du Culte. ,
Il ëst sàhs ëôîittedit qUe si la dîme est de droit divin, il n'était pas àu fcOuvôir dë l'Assemblée nationale d'étt décréter îà suppression parce qu'il n'est point au pouvoir de rASëétnblêe hatlohalë de sUb^titUet* sà Volonté et sà loi à la volonté et à la loi dë l'Être suprême.
Si la dîme n'est pas de droit divin, si elle est àh contraire dé droit positif, comme personne n'en doute aujourd'hui, Comme le clergé lui-même en convient, commeùt concilie? ce dernier aveu , céttë dernière reconnaissance avec le respect dû aux décisions des conciles? Cette idée familière qUe l'Esprit Sàint préside aux corieiles, qu'il en dicté lés oracles, que lës pères de l'Eglise ne sont que sës organes ; Cette idée pprait-ellc donc faUsse? s'^ioîls-ii aurait-on trompés ?
Hfe-riôûs trompée? oU ilbuâ
Je ne serai pas assez téméraire pour hasarder uue assertion dont les conséquences m'épouvantent; elles m'épouvantent d'autant plus, qu'il n'y a que deux jours que les ministres des autels disaient au milieu de ce Sénat auguste, ce qu'ils ont écrit depuis, qu'en attaquant les dîmes c'était attaquer la religion même ; que c'était en provoquer la subversion, la saper par ses fondements.
Vous sentez, Messieurs, la liaison de ces plaintes avec les décisions des conciles. Il est de toute vérité qu'attaquer les décisions des conciles c'est attaquer la religion.
Si donc les conciles ont décidé, comme il n'est ue trop vrai qu'ils l'on fait, que la dîme est de i-oit divin, la conséquence est inévitable ; la suppression de la dîme tend au renversement de la religion.
Mais dans ce cas, comment concilier le clergé avec lui-même? Si la dîme est de droit divin, comme l'ont déclaré les conciles, pourquoi le clergé convient-il qu'elle est de droit positif ? Par cet aveu, par cette reconnaissance, c'est lui-même qui attaque les conciles, qui attaque la religion, qui lui porte les coups les plus dangereux.
Si la dîme est de droit positif, comme en convient le clergé, la suppression de cette dîme n'attaque pas la religion, parce que la religion est étrangère à un droit positif. Mais que deviendront les conciles ? que deviendront leurs décisions ?
Ce n'est point tout et nous ne sommes point hors d'embarras.
Si les dîmes ne sont pas de droit divin, quoique les anciens conciles les aient déclarées telles, il est évident qu'ellesne peuvent être de droit positif; car si elles avaient été de droit positif lors des premiers conciles, ces premiers conciles n'en auraient point tenté l'établissement, sous prétexte qu'elles étaient de droit divin. Un concile ne se compromet pas gratuitement par un mensonge qu'il aurait été si facile de relever.
Les premiers conciles ont tenté l'établissement des dîmes sous prétexte qu'elles étaient de droit divin.
Elles n'existaient donc point avant la tentative, ni au temps même de la tentative.
Si cette tentative eût réussi d'abord, des lois positives auraient été inutiles subséquemment.
Il existe des lois positives subséquentes à la tentative; ce sont ces fameuses lois de Charle-magne dont le clergé nous a rappelé si souvent les dispositions et dont il a argumenté avec tant de complaisance et tant d'emphase.
Mais le clergé n'a point fait attention que ces lois positives subséquentes ne sont relatives qu'aux décisions des conciles précédents ; qu'elles n'ont pour objet que d'en ordonner l'exécution, en ce qui concerne le payement de la dîme, supposée de droit divin.
Une loi qui ordonne l'exécution d'une autre loi n'est point une loi originale, c'est une loi conséquente.
Si la première loi n'existe pas, la seconde qui en ordonne l'exécution, ordonne l'exécution d'un être de raison : cela est clair.
Il est donc vrai de dire que si les dîmes ne sont pas de droit divin, comme l'ont déclaré les conciles, elles ne sont pas et ne peuvent être de droitpositif,puisqueCharlemagnequien a ordonné le payement ne l'a ordonné que conséquemment à la décision des conciles précédents et sur la foi qu'elles étaient de droit divin.
Mais si les dîmes ne sont pas de droit divin, si elles ne sont pas également de droit positif, que sont-elles donc?d'où viennent-elles? quelle en est l'origine ? Hélas ! nous hésitons à le dire.
Que sont-elles? le fruit de la fraude. D'où viennent-elles ? de la fraude. Quelle en est l'origine ? la fraude.
Voilà ce que vous n'avez point encore entendu, Messieurs, quoique la matière ait été bien discutée. Vous ne l'avez point encore entendu, pourquoi ? parce que le clergé, qui connaît sans doute le vice d'origine, n'a point cru devoir remonter au delà des lois de Gharlemagne et que ses antagonistes, se bornant aux usages reçus, ne se sont point donné la peine d'aller jusqu'à la source.
Nous n'imiterons l'exemple ni des uns, ni des autres. Le flambeau de la raison à la main, nous pénétrerons dans ce dédale obscur, qui recèle cette fraude ; nous l'en ferons sortir pour la mettre au grand jour. La foi due aux conciles y perdra quelque chose, mais la vérité trop longtemps captive y gagnera beaucoup.
PREMIÈRE QUESTION.
Les dîmes inféodées sont-elles de même nature que
les dîmes ecclésiastiques ? les unes dérivent-elles
des autres ? ont-elles la même origine ?
Pour que les dîmes inféodées pussent être de même nature que les dîmes ecclésiastiques, il faudrait qu'elles eussent une même origine; il faudrait qu'elles eussent été connues, qu'elles eussent existé en même temps. Il faudrait qu'elles eussent eu la même destination dans le principe Rien de tout cela n'est vrai.
Les dîmes que nous appelons inféodées étaient connues dès le commencement de notre monarchie sous le titre de decim dominic, dîmes domaniales, dîmes seigneuriales.
Elles tiraient leur origine des Romains, qui les percevaient dans les Gaules sur les provinces conquises.
Les Francs ont continué de les percevoir après l'expulsion de ces premiers usurpateurs.
Elles étaient communément le prix des concessions que les seigneurs faisaient de leurs domaines.
Elles consistaient dans le droit de prendre sur ces domaines une certaine quantité de fruits qui allait communément au dixième; c'est de là 4 qu'elles ont emprunté leur nom.
Lorsque les concessions étaient faites à d'autres charges plus ou moins onéreuses, les redevances prenaientune autre dénomination, telle que celles de champart, tâche, terrage, agrier, nones, cens, etc.
Ces concessions n'étaient point de véritables ventes, mais des baux qui transportaient aux concessionnaires une propriété conditionnelle, et les attachaient au seigneur pour tout le temps qu'ils acquitteraient la redevance. Nos censitaires jusqu'à ce jour n'ont point été et ne sont point encore autre chose.
Voilà d'où viennent ces dîmes inféodées, si connues dans le royaume, et toujours si enviées par la mainmorte ecclésiastique.
La preuve que l'on n'avance rien ici qui ne soit exact, se tire des lois romaines. Elles mettent ces dîmes au nombre des revenus de l'Etat; elles en ordonnent la perception dans les provinces; elles en déterminent les quotités; et nulle part il n'est
fait mention qu'elles appartinssent à l'Eglise où qu'il lui en fût dû de pareilles.
Il est vrai que quelques auteurs mal instruits, ou dont la plume était vendue au clergé, ont prétendu que les dîmes inféodées étaient d'anciennes dîmes ecclésiastiques usurpées par les seigneurs ou acquises de la mainmorte.
Mais l'erreur est évidente; la dîme inféodée ne change point de nature dans telles mains qu'elle puisse passer*, elle conserve toujours sa qualité de dîme seigneuriale; toujours elle est représentative du cens; toujours elle est exclusive de tout autre cens et de la dîme ecclésiastique même; toujours elle reste soumise à la loi féodale.
De même la dîme ecclésiastique conserve sa nature en passant dans la main laïque par l'effet d'une aliénation quelcçnque. Jamais elle ne peut devenir seigneuriale; jamais elle n'est représentative du cens; jamais elle n'est exclusive de ce même cens; jamais elle ne peut concourir avec la dîme inféodée; jamais elle ne reste soumise à la loi féodale.
Ces deux dîmes conservent leur nature, parce que l'on ne peut jamais changer la nature des choses.
L'une considérée comme fief, se reporte au seigneur suzerain.
L'autre ne se reporte à personne.
Tous ces caractères distinctifs ne sont-ils point seuls plus que suffisants pour faire connaître que la dîme inféodée n'a et ne peut avoir aucune analogie, aucun rapport avec la dîme ecclésiastique? La seconde question que nous allons traiter portera encore cette démonstration à un nouveau degré d'évidence.
Seconde question.
La dîme ecclésiastique est-elle de droit divin, comme l'ont déclaré les anciens conciles, comme on Va cru pendant nombre de siècles ?
Cette question,qui n'enfait plus une aujourd'hui, n'en mérite pas moins que nous l'approfondissions scrupuleusement.
Elle le mérite d'autant plus qu'en découvrant les sources de la fraude, nous en ferons sortir les principes d'équité qui doivent servir de hase au jugement de l'Assemblée nationale.
La dîme que les anciens conciles ont déclarée de droit divin, n'a point été connue dans les premiers siècles de l'Eglise; Jésus-Christ n'en avait point parlé ; il n'avait prêché que la pauvreté et l'abnégation des richesses; il était né pauvre, il avait vécu pauvre, et était mort pauvre. ,
Les apôtres ont suivi son exemple;ils vivaient du travail de leurs mains et des aumônes des fidèles.
Le surplus de ces aumônes se répandait dans le sein de l'indigence.
Les pasteurs qui leur ont succédé ont vécu comme eux; jamais il n'a été question de dîmes.
11 n'en n'avait pas même encore été question au temps de Saint-Gyprien, qui vivait dans le troisième siècle. C'est ce que nous atteste ce père de l'Eglise dans une épître (1) où il présente les moeurs de son temps.
Après avoir dit que « les ministres alors ne vivaient que du travail de leurs mains et des au-
mônes des fidèles suivant le précepte de Jésus-Christ et l'exemple des apôtres » il compare les aumônes de son siècle aux dîmes qui faisaient subsister les lévites dans Vancienne loi. Saint Cyprien ne sera point sans doute récusé par le clergé. Il compare les aumônes aux dîmes qui faisaient subsister les lévites dans l'ancienne loi.
L'usage de payer la dîme aux ministres des autels n'était donc point encore introduit; car si cet usage eût été introduit, la comparaison aurait été sans objet.
Une seconde conséquence se tire du même témoignage, c'est que l'Église naissante n'avait point cru qu'il lui fût permis d'emprunter de l'ancienne loi l'usage de la dîme pour faire subsister les ministres, puisque ces ministres vivaient du travail de leurs mains et des aumônes des fidèles, qu'ils partageaient avec les pauvres.
Saint Augustin, qui vivait dans le quatrième siècle et qui est mort dans le cinquième, confirme par son épître 85 ce qu'avait attesté saint Cyprien : « Les ecclésiastiques, dit-il, ne vivent que des aumônes et des offrandes des fidèles. L'Eglise chrétienne ne connaît point les dimes ; le commandement de les payer ne regardait que les juifs. »
Aussi ne trouve-t-on point un mot qui ait trait aux dîmes dans le détail des privilèges et des exemptions que Constantin accorda à l'Eglise. Cependant il la combla de biens et les dîmes domaniales subsistaient.
Autre preuve que ces dîmes sont bien plus anciennes que les dîmes ecclésiastiques dont on a voulu depuis qu'elles tirassent leur origine.
Les grands biens que Constantin donna à l'Eglise commencèrent sa perte. Ses ministres amollis par l'aisance négligèrent le soin des pauvres et les aumônes se refroidirent.
Ce refroidissement fit naître l'idée d'introduire à leur place la dîme telle qu'elle se payait aux lévites dans l'ancienne loi.
De l'idée à l'exécution il ne pouvait y avoir loin dans des siècles barbares, dans des siècles d'ignorance et d'erreur. Le clergé savait seul lire et écrire. Les fraudes étaient en sa disposition.
Bientôt l'on suppose un sermon du même saint Augustin dont nous venons de parler (le sermon 219),on lui faisait dire : « decim ex debito requi-runtur : qui eas dare noluerit res aliénas invasit.
« Les dîmes sont une dette légitime ; celui qui refuse de les payer retient le bien iï autrui. »
Les termes étaient équivoques, on pouvait aussi bien les appliquer à la dîme domaniale qui subsistait qu'à la dîme nouvelle que l'on voulait introduire ; c'était un moyen de ménager l'honneur du saint en cas de résistance.
Cette fraude que l'on appelait pieuse dans le temps et que l'on nommerait autrement aujourd'hui, cette fraude fut ensuite appuyée du précepte de l'Evangile. Le Sauveur avait conseillé l'aumône. La cupidité fit une loi du conseil. Les ministres prétendirent que la dîme leur était duc.
Les peuples, comme on peut le penser, se soulevèrent contre cette prétention nouvelle ; mais pour vaincre leur résistance l'on joignit à la première supposition celle d'une lettre de saint Jerome au pape Damase, dans laquelle on faisait enseigner par cet autre père du quatrième siècle la même doctrine que l'on disait avoir été enseignée par saint Augustin ; c'est ce que prouve le canon 68 de Gratien dont on parlera dans un instant.
Ainsi, un sermon supposé de saint Augustin, une lettre également supposée de saint Jérôme, voilà les premières bases sur lesquelles pose la dîme ecclésiastique.
Il n'en fallait pas tant pour déterminer la décision du concile de Tours, tenu en 567, et la lettre circulaire écrite en conséquence par les évêques qui y avaient assisté. On y parle de la dîme que payait Abraham au Seigneur; on y parle du précepte de Jésus-Christ qui commande l'aumône; on y parle des effets de cette aumône et du rachat des péchés ; on finit par dire « que ceux qui veulent étré placés dans le sein d'Abraham ne peuvent se dispenser de payer la dîme* »
Remarquons que la décision de ce concile ne présenté encore qu'un copseil.
Remarquons que ce conseil n'est appuyé que sur l'exemple d'Abraham et non sur la loi du Lévitique. Remarquons que ce même conseil n'est encore appuyé que sur le précepte de Jésus-Christ qui commande l'aumône.
Remarquons enfin que le conseil 4e payer la dîme n'aurait point été donné ; qu'il n'agirait point été donné à ceux qui voiraient être placés dans le sein d'Abraham ; qu'il n'aurait point été appuyé de l'exemple de Jésus-Christ, si l'usage de payer la dîme eût été constant alors.
Lé conseil n'est donc donné en 567 que parce qu'à cette époque i'ûsâge de payer la dîme n'était point encore établi.
Mais pourquoi les saints évêques qui ont assisté à ce concile, au lieu de parler de l'exemple d'Abraham et du précepte de Jésus-Christ, n'ont-ils point parlé de la loi du Lévitique qui ordonnait expressément de payer la dîme? Ignoraient-ils cette loj qui se trouve répétée en deux endroits différents? Non 1 c'est au contraire parce qu'ils ne l'ignoraient pas qu'ils n'en ont point parle, et la raison en est simple. Malheureusement cette loi qui ordonne le payemént dé la dîme aux lévites, defend aux lévites 4e posséder aucuns autres biens quelconques. Nihil aliud possidebitis ; et les saints pères du concile ont mieux aimé renoncer à cette loi que de renoncer aux biens immenses qu'ils possédaient déjà.
Le concile de Tours est le premier pas fait vers la dîme; il se réduit au conseil; mais celui tenu à Mâcon en 585, dix-huit ans après, fut plus entreprenant. Il parle du précepte de payer la dîme comme d'un précepte fort ancien; il en ordonne le payement sous peine d'excommunication, et M. Fieury (Histoire écclésiastique , livre 34, n° 50), observe judicieusement que cette excommunication est la première loi pénale relative aux dîmes.
Quel était ce précepte fort ancien de payer la dîme ? Les pères du concile ne le disent pas ; et nous n'avons point le; droit d'interroger le Saint-Esprit.
Mais si nous avoûsle droit de raisonner d'après les faits , ce précepte fort ancien disparaîtra , pour ne laisser à sa place qu'une nouvelle supposition, car pe n'était point de la loi judaïque que les pères entendaient parler, puisque cette loi condamnait leyrs possessions.
D'ailleurs cette loi ancienne était abrogée par la nouvelle, et le? pères du concile auraient rougi de se modeler Sur les Juifs.
D'un autre côté la loi nouvelle ne renfermait aucun précepte relatif aux dîmes; elle n'en ordonnait point Ja prestation ; on ne l'avait point payée dans les premiers siècles, on ne la payait point encore.
II ne restait que le sermon attribué à saint Augustin et la lettre attribuée à saint Jérôme
Indépendamment de ce que ces actes étaient faux comme on le démontrera par la suite, le
sermon et la lettre ne formaient ]Dpipt des préceptes, ce n'était que des avertissements, ies conseils.
11 est donc impossible de se refuser à cette évidence que le précepte fort ancien,dont parle Je concile de Mâcon, n'a de réalité que celle qu'on lui prête.
Quoique ce concile ait employé les armes spirituelles, quoiqu'il eût lancé les foudres de l'excommunication contre les réfractaires au payement de la dîme, il ne paraît pas que ni les seigneurs, ni les peuples, se soient fort empressés de se soumettre. C'est ce que prouve un capitulaire du roi Clotaire que nous a conservé Raluze, en son recueil tome I, page 336. Il porte : « Agraria pascuaria, vel décimas porcorum, ecclesi, pro fidei nostr devotione concedimus, ita ut actor vel decimator, in rébus ecclesi, nullus accédât. »
« Nous remettons à l'Eglise les dîmes qu'elle nous devait pour ses domaines, pour ses pâturages et pour ses porcs, et nous défendons à nos fermiers et à nos dîmeurs de les exiger sur tout ce qui leur appartient. »
Cette loi à laquelle on n'a peut-être point donné toute l'attention qu'elle mérite, cette loi prouve évidemment :
1° Que du temps de Cfotaire, il existait des dîmes autres que celles que l'Eglise prétendait lui être dues.
Or, quelles pouvaient être ces dîmes auxquelles {'Eglise elle-même était assujettie, si ce n'étaient des dîmes domaniales, des dîmes seigneuriales, des dîmes inféodées.
^2° La même loi prouve que l'Eglise pavait ces dîmes. Dans quel temps ? danâ le temps" même qu'elle faisait déclarer par le concile de Mâcon qu'elle avait droit de les exiger, suivant un précepte fort ancien ; dans le temps qu'elle en faisait ordonner le payement à son profit sous peine d'excommunication.
L'on ne peut qu'être indigné d'une pareille manuvre, car il ne tombe pas sous le sens qu'un roi, par un monument public, eût remis à ' 1 Eglise des prestations qu'il n'aurait point eu droit d'exiger.
Il remettait à l'Eglise les dîmes pour satisfaire sa dévotion ; il en affranchissait les domaines, les pâturages de L'Eglise. Les dîmes appartenaient donc à ce prince ? Elles lui appartenaient donc encore dans le sixième siècle? L'Eglise les payait donc encore dans Ce même siècle, sur ses do- * maines, sur ses pâturages?
Cela est d'une évidence qui saute aux veux, et cette évidence est en même temps la démonstration de la fraude dont nous avons été les victimes pendant près de douze siècles.
Les domaines de l'Eglise affranchis par Clotaire du payement de la dîme, l'on peut présumer que plusieurs seigneurs ont suivi son exemple.
Dès lors il ne restait plus qu'un pas à faire ' pour convertir le passif en actif. Si la dîme était de droit divin comme l'on supposait que l'avait déclaré saint Augustin, comme l'on supposait que l'avait déclaré saint Jérôme, comme l'avait déclaré le concile de Tours, comme l'avait déclaré le concile de Mâcqn, comme paraissaient le reconnaître le souverain et les seigneurs, ce n'était point assez que les domaines de'l'Église fussent affranchis, il fallait encore que lés domaines du souverain, des seigneurs et des particuliers la dussent, parce que ni les uns ni les autres, ne pouvaient se soustraire à ce qui était de droit divin.
Cependant l'on ne voit pas que ce changement du passif en actif se soit opéré bien volontairement; et certes cela n'était guère possible ; car il devait paraître dur aux seigneurs, à qui 1 on avait payé la dîme jusqu'alors, d'être obligés de la payer à leur tour.
11 ne devait pas paraître moins dur aux particuliers qui n'avaient jamais payé qu'un cens, qu'un champart, d'être obligés d'y joindre le payement de la dîme.
Aussi la résistance des seigneurs et des peuples à cette innovation semble-t-elle prouvée par un capitulaire de Cbarlemagne de l'an 779.
Ce capitulaire ordonne le payement de la dîme à l'Eglise.
Donc la dîme ne se payait point à 1 Eglise ou du moins ne se payait pas communément, car il n'est point dans l'ordre des choses que l'on fasse une loi pour commander ce qui s'exécute volontairement.
Cbarlemagne était de son temps ce que fut depuis Louis XIV. Avec une âme grande, beaucoup d'élévation dans l'esprit, une passion démesurée pour la gloire, un caractère impérieux, il avait des faiblesses.
Louis XIV fut dévôt; Gharlemagne voulut être saint.
Le clergé sut tirer parti de cette dernière dis -position non-seulemëntpour achever sa conquête des dîmes qui lui avait déjà coûté tant de peines; mais encore pour l'étendre.
11 avait déjà persuadé à ce prince que la dîme était de droit divin et qu'elle devait frapper sur toutes les productions de la ferre, il lui persuada également qu'elle devait frapper sur tout ce qui faisait partie du commerce des hommes et même sur leur substance et leur travail.
L'on aurait peine à croire ce fait, s'il n'était prouvé.
Heureusement il l'est. Il l'est par un second capitulaire du même prince de l'an 779. Il porte : « similiter, sécundum dei mandatum, prcipimus ut omnes decimam partem substanti et laboris sui ëcclesiis et sacerdotibus douent tam nàbiîes et in-genui, similiter et liti. »
« Semblablement nous ordonnons d'après le commandement de Dieu que tous nos sujets nobles, non nobles et autres payent la dîme à l'Eglise et aux prêtres, de leur substance et de léur travail. »
Gharlemagne croyait donc bien sincèrement que Dieu avait donné le précepte de payer la dîme à l'Eglise et à ses ministres ; qu'il avait donné le précepte de leur paver la dîme non-seulement des fruits que la terre" produisait mais encore des biens d'un chacun de sa substance et de son travail.
Il le croyait. Sur quel fondement?
Rappelons toujours les principes. Il le croyait sur le fondement que saint Augustin l'avait enseigné, que saint Jérôme l'avait écrit, que les conciles de Tours et de Mâcon l'avaient décidé et que les prêtres de son temps le publiaient.
L'on regardait donc alors comme article de foi que la dîme était d'institution divine.
Quand nous disons que l'on regardait comme article de foi que la dîme était d'institution divine* nous entendons parler de Cbarlemagne et de ceux qui obéissaient à sa loi, car tous n'y obéissaient point encore.
Mais ce qui accrédita le plus ces erreurs, ce fut un événement désastreux, une famine qui arriva en 794.
Les ministres de FEvangile avaient prédit des
maux à ceux qui ne payeraient point la dîme ; la famine vint à propos. Ils ne manquèrent point de l'attribuer à la colère céleste et on lés crut.
Comment aurait-on pu en douter raisonnablement? Eux et leurs émissaires publiaient qu'on avait vu les campagnes parsemées d'esprits malins, qui voltigeaient comme des papillons sur les épis de blé et en dévoraient la substance (1).
Le cas était pressant. Gharlemagne, pour apaiser le courroux du ciel, donna ce troisième capitulaire de la même année où l'on trouve ces termes si conséquents à ce que l'on vient d'annoncer :« Qui post creberrimas admonitiones et p>redicationes sa-cerdotum décimas dare neglexerint excommuni-centur. »
« Que ceux qui après des avertissements et des prédications si souvent répétées par les prêtres négligeraient encore de payer la dîme soient excommuniés. »
Les conciles d'Arles, de Mayence, de Reims, de Ghâlons, assemblés par ordre de ce souverain, confirmèrent le précepte de payer la dîme comme précepte divin et prononcèrent la même peine d'excommunication contre les réfractaires.
Voilà comment deux actes faux firent faire à la fraude la fortune la plus éclatante.
Toutes ces décisions étaient bien capables d'alarmer les consciences et les alarmèrent en effet.
L'excommunication était redoutable et alors plus redoutée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les seigneurs faibles, ceux qui étaient dans le cas de recourir à la protection de l'Eglise, l'achetèrent par leur obéissance. L'Eglise conquérante usa de sa victoire avec la modération qui sied si bien au vainqueur: elle traita avec les vaincus- Ceux qui se rendirent les premiers furent les mieux traités, ceux qui tardèrent davantage eurent un sort moins favorable.
Les seigneurs puissants qui ne voulurent point se rendre conservèrent leurs possessions.
Voilà pourquoi la prestation de la dîme n'est point uniforme. Voilà pourquoi lés quotités sont différentes d'un canton à l'autre, d'une province à l'autre. Voilà pourquoi la plupart des domaines des seigneurs payent moins qiîé ceux des particuliers. Voilà pourquoi eûfin la dîme ne frappe point partout sur les mêmes productions, pourquoi les prés et les bois en sont communément affranchis.
11 restait une difficulté bien capable de ternir la victoire du clergé. Gharlemagne, par un capitulaire de 802, avait ordonné que conséquemment au précepte divin et aux anciens canons de l'Eglise les dîmes seraient partagées par tiers en présence de témoins : càram testibus, secundum auctoritatem canonum;
Que le premier tiers serait donné à l'église du lieu pour son entretien et sa décoration ad orna-menturn ecclesi;
Que le second tiers serait distribué aux pauvres et aux pèlerins, ad usum pauperum et peregnno-rum;
Et que le dernier tiers appartiendrait aux prêtres chargés du soin des âmes et de l'administration des sacrements.
Sibimetipsis soli sacerdotes reservent.
Cette loi a déplu au clergé. Le concile de Tours fut assemblé en 813. Charlemagne tirait à sa fin. Que décida le concile? Qu'il avait bien été au pouvoir du prince d'ordonner le payement des dîmes, mais qu'il n'avait point été également en
son pouvoir d'en ordonner le partage. Que c'était^ lévêque seulqu'il appartenait de faire ce partage; et Gharlemagne ne résista point à la décision.
Ainsi du même coup le clergé renversa la loi du prince de son vivant et l'autorité des canons qui lui avaient servi de guides.
Un autre concile tenu à Paris en 829, perfectionna ce que celui de Tours n'avait fait qu'ébaucher.
La disposition des dîmes fut entièrement laissée aux évêques. Ils se chargèrent de l'entretien des églises qui tombèrent bientôt en ruine; et les pauvres, objet des préceptes de Jésus-Christ, les pauvres, objet des libéralités des fidèles, les pauvres furent oubliés.
Alors le clergé ne balança plus à regarder comme des usurpateurs les laïques qui avaient eu le courage de se défendre de l'oppression, qui avaient conservé leurs dîmes patrimoniales.
La raison d'intérêt actuel n'était point celle qui tourmentait puissamment le clergé. L'avenir le tourmentait davantage. 11 craignait qu'en laissant subsister des dîmes dans la main laïque, elles ne donnassent lieu à des recherches ultérieures ; qu'elles ne servissent en quelque façon de flambeau pour éclairer le vice d'origine ; et cette crainte n'était pas mal fondée : car si les dîmes étaient de droit divin, si elles étaient le patrimoine de l'Eglise, pourquoi s'en trouvait-il dans des mains étrangères ?
Si les dîmes n'étaient point de droit divin, pourquoi les conciles les avaient-ils déclarées telles T Quel était le titre de leur établissement? Quel était le titre qui les avait fait passer presque toutes dans la main ecclésiastique? Gela était embarrassant.
Après bien des tentatives, la plupart inutiles et qu'il serait ennuyeux de rapporter, le clergé fit part de ses craintes au pape Alexandre III qui vivait dans le douzième siècle.
Ce pape, fidèle à l'esprit du corps, envoya son rescrit parrochianos extra de decimis 14 à l'archevêque de Reims.
C'est un préservatif contre les recherches aux-uelles on aurait pu se livrer sur la matière des îmes.
On y lit : « Cùm decim, non ab hominibus, sed ab ipso domino sint institues, quasi dobitum exigi possunt. »
c Les dîmes étant instituées par Dieu même et non par les hommes, le payement peut en être exigé comme d'une dette légitime. »
En conséquence ce pape déclare que non-seulement toutes les productions de la terre doivent la dîme, mais qu'elle est encore due « de la marchandise, de la solde militaire, de la chasse, du produit de l'industrie, des fruits, du bétail, de la laine, des étangs, des moulins, etc., etc. »
Quoique le siècle dans lequel parut ce rescrit fût le siècle de Tignorance la plus profonde, puisque c'est de ce siècle que date ce fameux échange que lit saint Bernard de la terre de Signy contre une autre terre de même contenance et de même valeur, dont il s'obligea de faire jouir le seigneur de Châtillon dans le ciel (1) ; cependant la décision d'Alexandre III parut si extraordinaire, qu'elle révolta tous les esprits.
En effet c'était le vrai moyen de s'emparer de tout sous prétexte de la dîme.
Le clergé alors était plongé dans la dissolution. Ce n'était que crimes, que brigandages, suites
funestes de la corruption des murs. La piété avait engendré les richesses; et les richesses étouffaient leur mère. Les cris du peuple assemblèrent le concile de Latran, tenu en 1179 sous le même pontificat.
La question des dîmes était trop intéressante pour qu'elle y fût oubliée. La difficulté fut posée, discutée, approfondie ! Le concile pesa dans sa sagesse la décision d'Alexandre III, elle fut jugée conforme aux principes du droit divin.
L'on examina ensuite par quels moyens l'on pourrait parvenir à dépouiller les seigneurs de ces dîmes domaniales qu'ils s'opiniâtraient à conserver.
Ces seigneurs pour la plupart étaient puissants : ils n'avaient point redouté l'excommunication. Les abus en tout genre avaient soulevé un coin du voile. Une rigueur mal placée pouvait le soulever tout entier. Le remède serait devenu pire que le mai.
Les pères du concile adoptèrent un tempérament : ce fut de supposer que les dîmes possédées par les seigneurs étaient originairement des dîmes ecclésiastiques qu'ils avaient acquises ou dont ils s'étaient emparés dans des temps très-éloignés.
En conséquence, les pères du concile, pour ne point s'écarter de leurs principes d'une part, et de l'autre pour ne point effaroucher les seigneurs, décidèrent « que ces derniers ne pourraient posséder lesdites dîmes à titre héréditaire ni se les vendre les uns aux autres sous peine d'excommunication et d'être privés de la sépulture chrétienne, si après les avoir reçues ils ne les rendaient point à l'Eglise. »
Le clergé s'est toujours gouverné par le même esprit; il a toujours marché sur la même ligne. Faible, il a respecté le fort ; fort, il a écrasé le faible.
Nous touchons au temps des croisades, à ce temps de délire et d'extravagance universelle.
Ce fut le temps de la moisson pour l'Eglise et de la moisson la plus abondante. Si ces fureurs épidémiques avaient duré,l'Eglise obtenait l'empire de l'Europe. Combien de domaines, combien de dépôts lui sont restés entre les mains !
Cet empire faisait alors l'objet de ses vux les plus ardents. Les princes armés contre les princes; les pères contre leurs enfants ; les enfants contre leurs pères; les sujets contre leurs souverains; l'Europe en feu ne présentait qu'un vaste champ de sang et de carnage : telle était la route que s'étaient tracée les souverains pontifes, ces ministres d'un Dieu de paix, pour parvenir à leur but.
Déjà ils s'arrogeaient le droit de distribuer les sceptres et les couronnes, lorsque Philippe le Bel parvint à celle de France.
Boniface VIII qui siégeait alors voulut faire essai de son pouvoir sur le monarque français : les dissensions et les troubles furent semés dans le royaume par les émissaires du saint pontife. C'est toujours par où commencent les querelles avec la cour de Rome; mais le caractère impérieux de ce pape ne servit qu'à rendre son humiliation plus éclatante.
C'est dans ce temps que Philippe rendit cette ordonnance sage et vigoureuse qui porte son nom « la Philippine » pour défendre son peuple opprimé des vexations ecclésiastiques.
Voici quelle en fut l'occasion.
D'après le concile de Francfort qui avait attribué la famine de 794 au refus de payer la dîme, d'après le capitulaire de Charlemagne, delà même année, qui prononçait l'excommunication contre
les réfractaires, d'après les conciles d'Arles, de Mayeuce, de Reims et de Ghâlons, qui prononçaient les mêmes peines, une partie des seigneurs et des particuliers étaient entrés en composition comme on l'a dit, soit relativement aux quotités de la dîme, soit relativement aux productions sur lesquelles elles devaient frapper.
Depuis était survenu le rescrit d'Alexandre 111 qui étendait la dîme non-seulement à toutes les productions de la terre, mais encore à la substance et au travail.
Et enfin le concile de Latran qui condamnait la possession des dîmes domaniales ou inféodées.
Le clergé qui jusqu'alors avait été juge dans sa propre cause, tourmentait, harcelait les seigneurs et les particuliers sur le fondement des lois qu'il s'était faites à lui-même. C'était tous les jours de nouvelles contestations, de nouvelles entreprises.
Ce fut pour mettre fin à ces vexations que Philippe rendit cette ordonnance de 1303. Elle renfermait en peu de mots la preuve de tout ce que nous venons d'annoncer : « Senechallus ad requi-sitionem consulum locorum quorumcumque, dc-fendat ipsos consules et universitates et singulos a nova impositione servitutis faciendâ per prlatos, et alias personas ecclesiasticas a nova exactione decimarum et primatiarum et prstationis passâtes, pro ut de jure fuerit, et hactenus est con-suetum fieri...... »
« Que le sénéchal empêche que le public et les particuliers soient vexés par les nouvelles servitudes que s'efforcent de leur imposer les prélats et autres personnes ecclésiastiques, sous prétexte de nouvelles dîmes et d'exactions de prémices ou de prestations anciennes;
« Qu'il ne souffre pas que l'on exige d'autres dîmes que celles que l'on a payées jusqu'à présent. »
L'on voit que Philippe le Bel ne pensait pas comme Charlemagne que la dîme fût de droit divin. Il ne pensait pas comme Charlemagne que le mercenaire fût obligé de payer à l'Eglise le tribut de sa substance et de son travail. Qu'il fût obligé de lui porter en offrande le dixième de ses peines et de ses sueurs.
Il savait que le prêtre devait vivre de l'autel ; mais il savait aussi que le droit de vivre de l'autel ne s'étendait pas jusqu'à asservir le mercenaire à sacrifier le dixième de son pain, le dixième de son sang.
A la vue d'une ordonnance aussi sage, d'une ordonnance qui arrêtait le cours des abus, qui mettait un frein aux exactions ecclésiastiques, le clergé a poussé les hauts cris. Il a regardé comme le comble de l'impiété, de l'irréligion qu'un souverain osât réprimer ses excès. C'était un scandale affreux. C'était porter la main à l'encensoir. Les chaires retentirent de toutes parts. Le pape s'en est mêlé, de nouvelles dissensions, de nouveaux troubles ont agité le royaume.
Mais Philippe, constant dans ses décrets, a fait face à l'orage qui s'est bientôt dissipé ; son ordonnance a reçu son exécution provisoire et les campagnes ont commencé à respirer.
Ce repos ne fut pas long. Le clergé, toujours inquiet, toujours plein de ses intérêts, toujours jaloux de maintenir ses propres décisions et d'étendre ses conquêtes, n'attendit pas la fin du règne de Philippe pour renouveler ses troubles. Les campagnes furent molestées de nouveau pour raison de dîmes. Elles furent molestées sur le fondement que les dîmes étaient de droit divin comme en était convenu Charlemagne, comme
l'avaient déclaré les conciles ; il n'avait point été au pouvoir de Philippe de les modifier, de les restreindre.
Après la mort de ce prince, les choses restèrent dans le même état.
Elles y restèrent jusqu'au concile de Langres tenu en 1404.
Lors de ce concile, la matière des dîmes fut remise sur le tapis. Etaient-elles de droit divin ? Etaient-elles de droit positif? La question fut bientôt résolue : le concile décréta qu'elles étaient de droit divin ; et Jean Hus et Jérôme de Prague, pour avoir osé soutenir le contraire au concile de Constance, tenu vingt ans après, expirèrent dans les flammes.
Le concile de Trente, commencé en 1545, confirma encore la même décision, et l'on devait coire que la fraude ancienne, ensevelie sous les autorités saintes qui la consacraient, ne serait jamais découverte, lorsque parut M® Charles Dumoulin, cette lumière du droit français à qui nous avons tant d'obligation.
Gratien, moine du douzième siècle,avait fait son livre intitulé Concordantia discordantium canonum, que l'on appelle de son nom le décret de Gratien.
Dans cette concordance des canons discordants se trouve le canon decim 66, cons. 16, quest. I. Ce canon est appuyé sur le prétendu sermon de saint Augustin dont nous avons parlé ci-dessus.
Il exprime nettement que les dîmes sont de droit divin et le sermon en est la preuve.
Erasme avait attaqué ce sermon. Dumoulin l'attaqua à son tour et l'attaqua très-vivement par la note sur Je canon.
Après des observations analogues à son sujet il dit : « Ex quo luculentius apparet eos sermones (de saint Augustin) etiam ineptos, esse suppositos, ut ibi recte censuit Erasmus. » -
« D'où il résulte encore plus évidemment que ces sermons, qui en eux-mêmes n'ont point le sens commun, sont supposés, -comme l'a pensé avec raison Erasme. »
Cette double attaque n'a point échappé aux savants bénédictins réviseurs des uvres de ce père de l'Eglise.
Après l'examen le plus scrupuleux ils ont été forcés de convenir que la critique de Dumoulin était juste et le motif de leur détermination, motif qui n'admet point de réplique « c'est que l'Eglise ne jouissait encore d'aucune dîme dans le siècle où vivait saint Augustin. »
« Ob id maxime, quod decim nundum erant Augustini tate clericis et sacerdotibus dat vel assignat. »
Ainsi, en joignant cette autorité qui ne sera point supposée à celle de saint Cyprien, qui ne peut l'être davantage, nous obtenons une première preuve de la fraude pratiquée pour intro-. duire la dîme.
Gratien rapporte encore le canon 68 qui, comme le précédent, établit que la dîme est de droit divin.
Ce canon est appuyé sur la prétendue lettre de saint Jérôme au pape Damase.
Mais soit que ce canon ait été interposé par ce moine, soit que Gratien sesoit-trompé de bonne foi, comme on lui a plus d'une fois reproché de l'avoir fait, tous les savants sont convenus que la lettre et le canon étaient également faux; qu'ils étaient faux par les raisons appliquées au canon 66 ou si l'on veut au prétendu sermon de saint Augustin qui lui sert de base ; et les correcteurs romains, dont il n'est point encore permis de se défier, ont été forcés d'en convenir comme les autres.
Voilà donc l'origine de la fraude entièrement découverte.
Cette fraude en paraissant fait disparaître les conciles, les capitulaires de Gharlemagne, les rescrits des pontifes. Ce sont autant de conséquences ruineuses d'un principe abominable.
Que nous reste-t-il ? La raison, et la raison dégagée du prestige. Elle nous dicte qu'il serait absurde de croire que l'abus des choses les plus saintes ait jamais pu devenir la source d'un droit légitime. La dîme n'est donc pas un droit divin comme on l'a cru si longtemps sur la foi des conciles.
TROISIEME QUESTION.
La dîme est-elle de droit positif, comme on le croit
depuis deux cents ans,et comme l'a déclare la jurisprudence française ?
La solution de cette grande question nous force encore de recourir aux autorités qui ont servi de fondement à notre jurisprudence française.
Nous avons vu les dispositions de la Philippine. Mais nous avons vu aussi les troubles qu'elles avaient occasionnés dans le royaume.
Nous avons vu le décret du concile de Langres contredire ces dispositions.
Nous avons vu le concile de Trente confirmer celui de Langres.
Enfin nous avons vu Dumoulin remonter à la source de la fraude, en découvrir une partie et laisser aux savants bénédictins le soin de découvrir l'autre.
Le même Dumoulin, par suite du combat qu'il avait livré à Gratien, et qu'il lui avait livré avec tant de chaleur et d'avantage, ne put se dispenser d'attaquer la décision du concile de Trente relative aux dîmes. Il l'attaque comme erronée; il attaqua également toutes les autres décisions des conciles qui avaient précédé ; il attaqua les rescrits, les décrétales des çontifes.
Mais il n'osa attaquer les dîmes en elles-mêmes, il n'osa soutenir que l'on dût cesser de les payer entièrement.
Au contraire : soit qu'il fût intimidé par le supplice effrayant de Jean Hus et de Jérôme de Prague, que les pères du concile de Constance avaient sacrifié à leur ressentiment contre la foi d'une parole donnée^ soit que la fin tragique et plus récente d'Erasme imprimât sur son esprit, il convint d'après la Philippine que les dîmes ordinaires étaient dues et qu'on ne pouvait refuser que le payement des insolites.
C'est ce qu'on lit dans ses observations sur le chapitre Extra de decimis.
« Non servantur, dit-il en parlant des dîmes insolites, non servantur, nisi forte in loris, ubi papa est dominus temporalis. Hc enim (decimce) et personales sunt de inventione pap, et in Gal-liam non debentur nisi consuetce tantùm. Unde de stagnis, lignis cduis et aliis de quibus non est solitum, nequeunt exigi. »
« On n'observe ces décisions que dans les lieux où le pape est seigneur temporel.Car les dîmes des nouveaux fruits et les personnelles sont de l'invention des pontifes, et en France l'on ne peut exiger la dîme que des fruits, dont on est dans l'usage de la payer.
« D'où il suit qu'on ne la doit point des étangs, des bois et autres fruits pour lesquels il n'est pas d'usage de la paver. »
Il est bien aisé de s'apercevoir que la crainte d'effaroucher les esprits dans un temps où la
lumière était encore sous le boisseau» a retenu Dumoulin.
Il n'a levé qu'un coin du voile, la cour de Rome se contenta de le mettre à l'index.
S'il avait levé le voile tout à fait, on l'aurait excommunié, on l'aurait damné, faute de pouvoir mieux.
Quand un auteur aussi éclairé,aussi profond que l'était Dumoulin, fléchit sur une vérité apparente, il est bien rare que ceux qui viennent après lui ne suivent point son exemple. Dans tous les temps, le fiel des dévôts s'est rendu redoutable.
Il était réservé au siècle de Louis XVI, au siècle des miracles, d'opérer le changement des idées et des murs.
M. de la Faye, avocat général, qui écrivait après Dumoulin, fut aussi timide que lui dans son mémoire contre la réception du'concile de Trente.
Il mit au nombre des erreurs consacrées par ce concile celles que les dîmes sont de droit divin, mais il n'osa soutenir que ces dîmes mêmes étaient les enfants de la fraude. Voici ses termes « invelerata consuetudo ecclesi et varies constitutions de ea promulgat meram libera-litatem fortassis, in necessitatem converterunt. »
« Un ancien usage de l'Eglise et différentes décisions relatives ont converti une libéralité volontaire peut-être dans le principe, en une nécessité. »
Ces termes libéralité volontaire peut-être, annoncent bien que M. de la Faye ne voulait point rendre entièrement à la vérité l'hommage qu'il lui devait en manifestant la fraude originelle ou qu'il n'en n'avait point approfondi le principe.
Rigaut, qui parut depuis et qui publia les uvres de saint Cypnen, n'eût point les mêmes ménagements dans sa note sur la lettre de ce père ad cler. et pleb. fumit., où il compare les aumônes de son temps a la dîme des Juifs.
Il dit en latin ce que nous rendons textuellement en français :
« Les dîmes étaient dues suivant la loi de Moïse, mais elles ne sont point dues suivant la loi chrétienne.
« C'est pourquoi depuis le temps des apôtres jusqu'à celui de saint Cyprien, il n'est fait aucune mention des dîmes parmi les secours que fournissaient les chrétiens aux ministres des autels, lesquels secours consistaient en aumônes.
« Ces aumônes commençant à se refroidir, l'on introduisit les dîmes dans l'Eglise comme un acte de piété et de religion. (Il tait la fraude.)
« D'abord ce n'était qu'une oblation volontaire* ï un supplément aux aumônes ; mais bientôt cette oblation dégénéra en une exaction cruelle. »
Tous les auteurs contemporains (l'on entend ceux dont la plume n'était point entièrement vendue à l'ordre ecclésiastique), tous ces auteurs n'ont eu qu'une voix pour réclamer contre l'exaction rigoureuse de la dîme ; et M.Dupuis lui-même, sur l'article 74 des libertés de l'Eglise gallicane, 4 n'a pu s'empêcher de reconnaître que c'était à l'abus des choses les plus saintes que l'ordre ecclésiastique était redevable, non-seulement des dîmes, mais encore de la meilleure partie des biens dont il regorgeait.
Les juges n'ont point été plus loin que n'avaient été ces auteurs, l'on a communément perdu l'idée que les dîmes fussent de droit divin, mais l'on s'est familiarisé avec celle qu'elles étaient -de droit positif.
De temps à autre et surtout dans les temps malheureux, le clergé a cherché à se relever de ce qu'il appelait ses pertes. Nous en avons un
exemple frappant dans l'ordonnance qu'il a achetée fort cher en 1667 et qui ne lui servit en rien, par la raison qu'aucune cour ne voulut l'enregistrer tant elle était contradictoire en elle-même, tant elle était opposée aux principes généralement reçus.
Depuis, la matière des dîmes est devenue si compliquée, si incertaine, que les cours ne sachant plus à quoi s'en tenir ont été obligées de demander au Roi une déclaration qui fixât leur jurisprudence.
Pourquoi cet embarras ? Pourquoi cette incertitude ? Parce que dans la vérité, il n'existe aucun principe, si ce n'est le principe de la fraudé, et qu'il est impossible de tirer de la fraude les conséquences d'un droit légitime.
Il n'existe point de principes en matière de dîme ecclésiastique» elle 11e peut donc être de droit positif; car un droit positif suppose un principe quelconque sur lequel il est fondé, et l'on défie qui que ce soit de rappeler un principe qui fonde le droit positif de la dîme ecclésiastique.
On nous citera bien les capitulairës de Gharle-magne, on nous citera bien la Philippine, mais ces lois ne sont point des lois exptoprio motu des princes qui les ont données; elles ne sont point l'effet d'une volonté pure et simple; elles ne sont que l'effet de la fraudé, de l'erreur et de la surprise.
Charlemâgne a ordonné le payement de la dîme sous peine d'excommunication. Pourquoi? Parce qu'il la croyait de droit divin, comme l'avaient faussement déclaré les conciles.
Philippe a également ordonné le payement de la dîme réduite à l'usage» Pourquoi ? Parce que l'usage étant de la payer d'une manière quelconque, il a cru ne pouvoir s'en écarter.
Si le premier de ces princes avait su que la dîme qu'on lui présentait comme étant de droit divin n'était qu'une fraude, en aurait-il ordonné le payement ex mandato Dei ?
Si le second prince avait su la même chose, ? aurait-il ordonné le payement de la même dîme d'usage qui n'avait pour principe que la fraude?
En un mot la fraude peut-elle être le principe d'un droit légitime?
L'on ne croit pas que qui que ce soit ose soutenir l'affirmative.
Dès lors la découverte de la fraude reporte les choses à leur premier état. Avant le concile de Tours, avant le concile de Mâcon, les dîmes eccié-i siastiques ne subsistaient pas ; ce sont ces deux conciles qui les ont introduites sur un prétexte faux.
C'est donc au tetnps du premier de ces conciles qu'il faut nous reporter pour juger du mérite des dîmes.
Or au temps du premier de Ces conciles, il ne subsistait ni droit positif, ni droit divin qui en , ordonnât le payement; il ne subsiste dotlc aujourd'hui ni droit positif ni droit divin, qhi en ordonne ce même payement.
QUATRIÈME QUESTION.
Si la dîme était de droit divin dans lé principe, comment a-t-elle pu se transformer en droit positif ?
Cette question, quoique bien simple, n'en est pas moins embarrassante.
Le clergé nous a parlé de prescription, il nous
l'a proposée comme la patronne du genre humain, comme le repos des familles, comme un des principaux liens de la société. Il a raison pour ce qui concerne les matières temporelles.
Mais â-t-il également raison pour ce qui Concerne les matières spirituelles ? Prescrit-on contre la loi de l'Etre suprême? La réponse est du ressort du clergé.
Si l'on ne prescrit pas contre la loi de l'Etre suprême, la dîme supposée de droit diviu n'a jamais pu se transformer en droit positif.
Cependant le clergé après avoir soutenu pendant dix siècles, après avoir fait prononcer par vingt conciles que la dîme était de droit divin, se trouve forcé aujourd'hui d'avouer qu'elle est de droit positif. Le clergé avoue donc que les conciles nous ont trompés, et en avouant que és conciles nous ont trompés, il avoue que la dîme n'est ni de droit divin ni de droit positif, s'il est vrai que ce qui est de droit divin ne peut jamais cesser de l'être, pour se transformer en droit positif. Voilà comme le clergé, en voulant éviter un édUeil, s'est brisé contré un autre.
CINQUIÈME QUESTION.
Si la dîme est de droit positif -, comment les anciens
conciles onb-ils pu la déclarer de droit divin ?
Cette question n'est pas moins insoluble que la précédente dont elle est l'inverse. Il est certain que si Une loi divine ne peut dégénérer en une loi simple et positive, de même une loi simple et positive ne peut s'éieVer à la qualité de loi divine. Nous l'avons déjà dit : on 11e peut changer la nature des choses.
Ainsi la déclaration des anciens conciles que la dîme est de droit divin et la reconnaissance actuelle du clergé, qu'elle n'est que de droit positif, prouvent qu'elle n'est ni de l'un ni de l'autre droit. La reconnaissance du clergé prouve que les conciles se sont trompés ou noue ont trompés. La déclaration des anciens conciles prouve que le clergé actuel se trompe ou veut nous tromper. C'est parmi ces deux extrêmes qu'il faut choisir, et si l'on veut éviter l'embarras du choix l'on admettra l'un et l'autre*
Ceci posé, combien ne doivent-ils pas paraître indécents cescrisjces clameurs dont le clergé ne cesse d'importuner le publics qu'il est sous le joug de la vexation, qu'on le dépouille, qu'on ne respecte ni le sacré ni le profane, que Von veut subvenir la religion ; que l'on veut anéantir le culte !
Est-ce vexer le clergé que d'arrêter le cours de la fraude ? Est-ce le dépouiller injustement que d'affranchir les peuples des effets ultérieurs de cette fraude ? Est-ce ne respecter ni le sacré ni le profane que de mettre les abus à découvert? Est-ce que c'est subvertir la religion que de l'épurer? Est-ce anéantir le culte que le rendre plus respectable? Hélas ! si le culte avait pu être anéanti, si là religion avait été posée sur des fondements moins inébranlables subsisterait-elle encore aujourd'hui ?
L/Assemblée nationale à.décrété dans sa sagesse la suppression des dîmes, de cette servitude odieuse, de cet ancien fléau qui ne désolait les provinces que depuis trop longtemps.
En cela l'Assemblée nationale a rendu à la culture le service le plus essentiel qu'il fût en sa puissance de lui rendre.
Mais en décrétant que la perception de la dîme cesserait, l'Assemblée nationale s'est réservé de
pourvoir à la subsistance des minisires des autels et à l'entretien du culte. Pourquoi ? Parce que la subsistance des ministres de l'autel et l'entretien du culte sont à la charge de l'Etat.
Sous ce point de vue peu importe aux ministres et à l'entretien du culte que les dîmes destinées à remplir ce double objet aient ou non la fraude pour principe : la subsistance des ministres du culte étant de droit public, l'Etat doit y fournir, cela n'est point susceptible de difficulté".
Mais l'Etat ne doit fournir qu'à la subsistance des ministres et à l'entretien du culte. Qui sont les ministres? les archevêques et les évêques, les curés, les vicaires et autres desservants.
En quoi consiste l'entretien du culte? Il consiste dans ce qui lui est relatif, tel que les vases sacrés, les linges, les livres, etc.
L'Etat doit donc assigner aux archevêques et évêques, aux curés, vicaires et autres desservants des revenus qui puissent les faire subsister avec décence.
L'Etat doit également assigner d'autres revenus pour l'entretien des vases sacrés, des linges, des livres et autres objets nécessaires au culte.
En remplissant cette double tâche, l'Etat est quitte de sa dette et personne d'ailleurs n'est re-cevable à se plaindre ; car ni l'abbé ni le religieux, et autres qui ne sont point nommément chargés du culte public n'entrent dans la classe des ministres à qui l'Etat doit la subsistance;ils n'ont donc aucune indemnité à prétendre pour raison de la suppression des dîmes.
Si cette suppression donnait ouverture à une indemnité quelconque en leur faveur, cette indemnité serait la récompense de la fraude, et la proposition est trop immorale pour que l'on doive craindre de la voir hasarder.
La découverte de cette fraude opérera donc un effet bien conséquent pour l'Etat, l'effet de l'affranchir de toute espèce d'indemnité envers les bouchesinutiles, et ces bouches inutiles composent au moins la moitié pour ne pas dire les deux tiers des décimateurs.
Ce n'est point que nous prétendions que ces bouches quoique inutiles doivent être traitées comme les abeilles traitent les frelons, qu'elles doivent être chassées de la ruche et exposées à mourir de faim. Non, ces bouches inutiles sont des citoyens et comme citoyens l'Etat leur doit les mêmes soins, les mêmes attentions, les mêmes secours, la même tendresse qu'un père doit à ses enfants.
Mais si ces enfants ont d'ailleurs de quoi vivre, il ne leur est dû aucune indemnité pour raison de la suppression des dîmes. Voilà ce que nous prétendons.
Dans le cas où ils n'auraient point d'ailleurs de quoi vivre, il faut que l'Etat y supplée ; cela est juste et nous conduit à l'application également juste de la loi que s'est faite l'Assemblée nationale par son décret de suppression.
Reste à examiner si le système que propose M. Dupont est admissible.
Les sentiments de l'Assemblée nationale se sont trop bien manifestés dans le cours de cette séance pour que je ne regarde point comme un crime de supposer qu'elle veuille commettre une injustice en connaissance de cause.
Cependant nous pensons que c'en serait une qu'elle commettrait si, d'après les discussions auxquelles nous venons de nous livrer, elle adoptait le conseil de l'honorable membre et condamnait Je cultivateur à rembourser à l'Etat le prix des
dîmes sur le pied de la valeur habituelle des biens.
Les campagnes ont assez gémi et ne gémissent que depuis trop longtemps sous le joug impérieux et despotique de la mainmorte.
Si ce joug était légitime, la raison du bien public exigerait qu'on les en affranchît d'une manière quelconque. Comment ne les en affranchirait-on pas lorsqu'il est démontré qu'il n'a pour base que la fraude la plus révoltante ? Est-ce que les campagnes doivent le prix de la dîme si la dîme elle-même n'est point due? doivent-elles le prix de leur affranchissement si la servitude était injuste?
Le piège, qui enlaçait le cultivateur et que couvrait de son ombre une religion sainte, est rompu; le cultivateur recouvre sa liberté, il rentre dans la plénitude de ses droits.
Que doit-il à l'Assemblée nationale qui lui a procuré ce bienfait? Il lui doit l'hommage d'un cur pénétré de reconnaissance.
C'est aussi le tribut qu'il se plaît à rendre à son libérateur.
Mais devrait-il ce tribut si sous prétexte de briser des chaînes évidemment injustes, l'Assemblée nationale en aggravait le poids ?
Cela n'est certainement point dans l'intention de l'Assemblée nationale, et cependant c'est ce qui arriverait si l'on suivait le conseil de M. Dupont.
En effet, si le cultivateur paye la dîme au denier 20 et qu'on le force à la rembourser au denier 30, 35 ou 40, selon que la valeur des biens s'élèvera plus ou moins haut dans les cantons, n'est-il pas sensible que ce remboursement lui sera du tiers ou de moitié plus à charge que n'était la charge même.
Dans l'hypothèse de ce remboursement il en résulterait une autre injustice bien palpable. A qui ce remboursement serait-il fait? à l'Etat. Pourquoi ? Pour aider l'Etat à subvenir à la dépense du culte et à l'entretien des ministres de l'autel. Mais si le remboursement ne suffisait point à cet objet le cultivateur supporterait encore sa part de l'impôt général, il payerait donc deux fois pour raison du même objet.
Si l'on suppose que le remboursement ne sera point forcé, l'un remboursera, l'autre ne remboursera pas. Comment réglera-t-on les impositions? Exigera-t-on de celui qui n'aura point remboursé le supplément d'impôt?L'exigera-t-on sur le pied du denier 30 ou 40, prix habituel des biens? n'exigera-t-on ce supplément que de celui qui aura remboursé. Si on l'exige du premier on augmente sa charge, il valait mieux qu'il restât victime de la fraude. Si on l'exige du second on le punit d'avoir remboursé, on le punit de s'être sacrifié pour l'Etat.
La quotité de la dîme n'est point égale partout dans le même territoire, les uns la payent au dixième, d'autres, au douzième d'autres au quinzième, au vingtième, au trentième et jusqu'au cinquantième.
Gomment se réglera le remboursement ? Ceux qui payent au dixième rembourseront-ils sur ce pied, tandis que leurs voisins ne rembourseront que sur le pied du cinquantième? Dans l'impôt qui succédera prendra-t-on le plus ou le moins en considération?
La dîme ne frappe point sur tous les fruits. Les bois, les prés ne la doivent pas communément. Les sainfoins les trèfles, les luzernes, les colzas, le chanvre, le sarrasin la doivent dans des cantons, et en sont affranchis dans d'autres. L'un,
dont la terre rapporte du blé, remboursera-t-il la dîme sur le pied du dixième, tandis que son voisin dont la terre sera en bois, en prés, en sainfoin, trèfle ou luzerne, n'aura rien à rembourser ?
Et si celui dont la terre rapporte des fruits juge à propos de la charger en fruits non décimables, sera-t-il affranchi du remboursement ou sera-t-il affranchi pour le quart d'heure seulement ou pour toujours? Quelle sera la proportion fi l'on veut conserver la justice? et si l'on ne garde point de proportion y aura-t-il de la justice?
Il y a apparence que l'honorable membre qui a erré sur les principes de la dîme n'a point suffisamment réfléchi sur les conséquences de son système. Mille inconvénients, mille difficultés, plus inextricables les uns que les autres, l'attendaient à l'exécution, et le fruit que l'on retirerait d'une tentative injuste serait de porter le feu et la flamme où l'Assemblée nationale n'a voulu porter que le soulagement et la douceur.
^ A ces considérations si puissantes par elles-mêmes, j'en joins une autre bien plus puissante encore.
L'entretien des ministres est une charge de l'Etat.
Tous les citoyens de l'Etat ont renoncé aux privilèges; tous ont reconnu que les impôts devaient être supportés également.
Pourquoi donc l'entretien des ministres et du culte serait-il à la charge des campagnes seules et des cultivateurs? Pourquoi parmi ces cultivateurs les uns seraient-ils écrasés sous le poids de la dette commune, tandis que d'autres n'en porteraient rien ? Le cultivateur écrasé prend-il plus que sa part du service divin? Prend-il plus que sa part dans l'administration des sacrements?
S'il ne prend que sa part du bénéfice, il ne ¦ doit que sa part de la charge ; cela est évident.
Dans tout ce que nous avons vu sur cette matière, nous n'avons trouvé que deux objections qui sont si faibles, qu'à peine méritent-elles qu'on les réfute.
La première consiste à dire que les riches propriétaires seuls profiteront de la suppression des dîmes et que cela n'est point juste.
Gela n'est point juste... c'est bientôt dit. Mais pourquoi cela n'est-il point juste ?
l Si les riches propriétaires ou ceux qu'ils représentent ont été trompés, pourquoi ne profiteraient-ils point seuls de la découverte de la fraude dont ils sont depuis si longtemps les victimes ? Fera-t-on participer au bénéfice ceux qui n'ont point souffert de cette fraude ?
Ce n'est point que tous les propriétaires qui profiteront de la suppression des dîmes soient riches comme on le suppose. Il s'en faut même k de beaucoup, car il y en a plus de malheureux que de riches.
Mais l'on veut qu'ils soient riches ! Ne supportent-ils point les charges en proportion de leurs richesses ? S'ils supportent les charges en proportion des richesses qu'ils ont, comment peut-on raisonnablement vouloir qu'ils ne profitent pas des bénéfices en proportion de leurs charges ?
S'ils n'en -profitaient pas, qui en profiterait donc? Les pauvres qu'ils nourrissent, qui n'ont rien, qui ne supportent aucune charge, qui ne souffrent point de la fraude.
Mais la proposition n'est-elle point absurde? N'est-il point absurde de penser que la suppression de la dîme doive venir au profit de ceux qui n'en payent point, lorsqu'il est démontré que ceux qui la payaient la payaient injustement? r L'on donnerait le bénéfice de la suppression aux
pauvres , et les riches payeraient les impôis comme s'ils en avaient profité. Voilà ce qu'on appelle de la justice, et nous, nous ne craignons pas de dire que ce serait le comble de l'injustice.
La seconde objection consiste à prétendre que ceux qui ont acheté des biens soumis à la dîme les ont achetés conséquemment à cette charge, et qu'ils ne doivent point profiter de l'exemption.
Ici l'on suppose la dîme soit de droit divin, soit de droit positif et elle n'est ni l'un ni l'autre, la supposition est donc fausse.
Quand la dîme serait de droit positif, l'objection ne se trouverait pas mieux réfléchie. Pourquoi ? Parce que dans ce cas, ce ne serait point la ferre qui devrait la dîme, mais le fruit.
Or, par la même raison qu'un propriétaire peut faire de sa chose ce que bon lui semble, qu'il peut substituer des fruits non décimables à ceux qui sont décimables et par ce moyen s'affranchir de la dîme, par la même raison aussi, il ne doit aucune récompense d'une suppression de cette même dîme, qu'il était en son pouvoir de se procurer.
A qui voudrait-on d'ailleurs que cette récompense fût due ? Au vendeur sans doute. Mais lui-même la devrait au vendeur plus ancien et de vendeur en vendeur, l'on irait se perdre dans la nuit des temps sans être plus avancé.
Ma motion est que la suppression de la dîme soit déclarée pure et simple ; que la charge de pourvoir à la subsistance des ministres seuls et à l'entretien du culte soit déclarée, comme elle l'est, charge de l'Etat, et que l'imposition à faire en conséquence frappe sur tous les biens de l'Etat indistinctement, autres néanmoins que ceux que l'on pourrait accorder auxdits ministres pour les remplir de leurs pensions, si l'Assemblée nationale jugeait à propos de prendre ce parti, sauf à régler lé sort des fabriques, hôpitaux et autres établissements de cette nature que la suppression des dîmes priverait d'un revenu nécessaire à l'acquit de leurs charges.
(Cette motion n'a pas de suite.)
L'ordre du jour a été repris par la discussion du projet d'arrêté relatif aux impositions, qui a été soumis par M. Anson au nom du comité des finances.
Dans le cours de cette discussion, M. le président ayant annoncé qu'il avait été averti de se rendre chez le Roi, à neuf heures, pour présenter à la sanction de Sa Majesté l'arrêté relatif aux gabelles, M. l'évêque de Langres, ancien président, l'a remplacé»
Plusieurs membres de l'Assemblée ont été entendus ; et à raison de l'impossibilité reconnue de prononcer, dans cette séance, sur tous les amendements proposés, M. Anson a été chargé de proposer, pour la séance de demain au soir, un nouveau projet de décret dans lequel seront refondus tous ies amendements sur lesquels l'Assemblée a particulièrement fixé son attention.
Le comité des recherches a fait le rapport de la réclamation du sieur Vaurillon de la Bernar-die, détenu prisonnier à Montignac en Périgord, sous prétexte d'indiscrétion et vivacités contre les habitants de cette ville. Le rapport entendu, l'Assemblée confirmant l'avis du comité, a autorisé son président à écrire au comité de police de Montignac, pour le charger de rendre au sieur Vaurillon sa liberté, à moins qu'il ne soit survenu contre lui de nouvelles charges ; auquel cas il serait renvoyé aux tribunaux ordinaires.
a levé la séance,et a indiqué celle de demain malin, à neuf heures.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
M. le président a rendu compte à l'Assemblée que conformément à ses ordres, il avait présenté à la sanction royale le décret relatif aux gabelles, et que Sa Majesté avait promis de répondre très-incessamment.
On a fait ensuite l'annonce de diverses offres patriotiques dans l'ordre qui suit ;
MM. les clercs de notaires de Paris présentent à l'Assemblée nationale une contribution volontaire de 7,437 livres, et divers effets d'or et d'argent.
M. Bausereau de Ceruz, avocat à Beaune, fait hommage à l'Assemblée nationale de quatre feuillettes de ses vins de Beaune et Pommard, de 1786, au prix courant de 100 livres la feuillette, et de quatre autres de 1788, au prix courant de 150 livres la feuillette, pour le prix être employé à acquitter la dette de 1 Etat, ou déposé sur 1 autel de la patrie.
Les loueurs de carrosses de la ville et faubourgs de Paris ont apporté sur le bureau de l'Assemblée nationale, pour être offerts à la nation, plusieurs ustensiles et meubles d'argent, au nombre de trente-cinq pièces, à l'usage des cérémonies attachées à leur confrérie.
M. Prudbomme, officier du Roi, entraîné par l'exemple de ses concitoyens, offre, par deux quittances de rente de l'hôtel de ville, une somme de 200 livres, qu'il prie M. le président de faire agréer à l'Assemblée nationale.
Un député du clergé, qui garde l'anonyme, fait un abandon générai des émoluments qui lui ont été assignés comme député, et dont il n'a encore rien touché ; et ce, tant que l'Assemblée nationale aura lieu. Il a ajouté qu'il est disposé à faire tous les autres sacrifices particuliers qui seront en son pouvoir, lorsque le moment en sera arrivé.
M. Barrère de Vieuzac fait à la nation l'abandon de la finance de sa charge de conseiller au sénéchal de Bigorre, évaluée en 1771 à 8,000 liv, et il a ajouté que jamais sacrifice ne lui sera plus agréable.
M. d'Aude, curé de Saint-Péray, se soumet à payer Je quart de son revenu, conformément à la proposition de M. le directeur général des finances, faite hier à l'Assemblée nationale.
Un particulier, domicilié à Paris, rue Saint-Denis, auvergnat, touché des malheurs de l'Etat, lui offre deux billets de la loterie d'octobre 1783, montant ensemble, y compris les lots et les intérêts échus, à 1,325 livres. Ces billets sont annexés à la lettre.
On fait lecture du procès-verbal des séances du matin et du soir du 24 septembre. Il y est fait mention de la dédicace faite à l'Assemblée par M. Palissot, d'une nouvelle édition des uvres de Voltaire,
, évêque de Clermont, observe que le clergé ne peut recevoir la dédicace des uvres de Voltaire qui sont entachées d'impuretés.
répond que M. Palissot a annoncé que tout ce qui attaque la religion et les murs sera retranché de cet ouvrage.
observe qu'il ne faut pas délibérer avant qu'on sache si cette édition sera purgée ou non.
, archevêque de Paris, réclame spécialement contre l'acceptation de cette édition ; il adhère à la proposition de M. Grégoire, et Unit par dire qu'une édition des uvres de Voltaire, purgée de tout ce qui peut être nuisible au cur humain, ne peut être que très-avantageuse.
Un autre membre dit que l'Assemblée ne peut faire l'examen de tous les ouvrages qu'on voudra lui dédier, et qu'il ne faut par conséquent accepter aucune dédicace.
Les dédicaces encouragent les talents ; mais celle faite par un homme qui s'empare des ouvrages d'un homme mort, après avoir eu de très-longs démêlés avec lui, ne peut favoriser les talents ; je crois en conséquence qu'il n'y a lieu à délibérer,
insiste fortement sur le non* délibéré,
le propose, et il est décrété qu'il n'y a lieu à délibérer-
Une partie de l'Assemblée, impatiente de passer à l'ordre du jour, demande l'ajournement ; mais il est décrété qu'il n'y a lieu à l'ajournement ; enfin on finit par décréter que l'Assemblée nationale ne recevra aucune dédicace.
donne lecture du projet du décret sur les impositions.
Art. ler. Les rôles des impositions de 1789 et des années
antérieures arriérées, seront exécutés et acquittés en entier, dans le plus court
délai possible, par les contribuables du royaume.
Art. 2. Il sera fait dans chaque communauté un supplément des impositions ordinaires, autres que les vingtièmes, pour les six derniers mois de l'année présente, à compter du 1er avril jusqu'au 30 septembre suivant, dans lesquels seront com-
Sris les noms des privilégiés qui possèdent des
iens en franchise réelle ou personnelle, et leur cotisation sera faite avec les mêmes formes et dans les mêmes proportions que pour les autres contribuables, h raison de leurs biens et de leurs facultés quelconques.
Art. 3. Les sommes provenant de ces rôles de supplément seront destinées à être employées dans l'année 1790, en partie pour des travaux de charité, et en partie pour servir aux moins imposés qui auront éprouvé des pertes.
Art. 4. Les rôles des impositions ordinaires de 1790 seront faits dans chaque communauté en deux chapitres. Le premier comprendra les contribuables ordinaires, sauf les mutations, et le second chapitre comprendra les prévilégiés, toujours dans la même forme et la même proportion, à raison de leurs facultés.
Art. 5. Le montant entier des deux chapitres sera versé dans, le Trésor public, pour subvenir aux besoins de l'État et des moins contribuables.
Art. 6. Quant aux impositions respectives de
la corvée et autres de cette nature, dont la masse totale ne peut être connue avant la confection des rôles, les privilégiés seront compris dans les mêmes rôles que les contribuables.
Art. 7- Il n'y aura aucune distinction de rôle, à commencer depuis le 1er janvier 1790 , pour les vingtièmes ; les abonnements sont défendus, sous quelque prétexte que ce soit-Art. 8. L'Assemblée nationale fera connaître,
dans le courant de 179Q, la forrpe qu'elle aura t adoptée ; en sorte qu'il n'y aura cv»i perception
définitivement
plus à l'avenir qu'un seul rôle pour tous les contribuables.
Après la lecture de ces articles, M. Anson développe les principes qui l'ont porté à le rédiger ainsi,
J'ai quelques Objections à faire sur ce projet d'arrêté.
Le premier article va répandre les craintes et ¦ les alarmes ; il porte que tout sera pavé dms le plus court délai. Il me semble qu'il faudrait mettre les délais ordinaires ; sans cela, on craindra sans cesse les garnisons, les saisies, etc.
Sur l'article second, lorsque M, de Saint-^Far-geau a fait l'hommage de six mois d'imposition d'avance, il n'entendait pas partir du mois d'avril, mais du mois de juillet ; d'ailleurs, il importe 4 que le peuple soit soulagé ; c'est toujours là le point où je reviendrai.
L'article 4 renferme un sens équivoque qui peut donner lieu à des expressions alarmantes. Entend-on par là toute la fortune du privilégié ? Est-ce à dire, par exemple, qu'un commandant de province qui aura 100,000 livres, ou un gouverneur qui en aura autant, sera soumis, dans sa paroisse, à une contribution relative à. ce re-1 venu ?Si cela est, il faut l'expliquer. Si, en outre, les privilégiés payent la taille et la capitation, il faut annoncer que la capitation noble est cessée ; car il pourrait se faire que les nobles en payassent deux.
fait une observation. Il demande que les curés à portion congrue ne soient pas mis sur le rôle; cette proposition est approuvée.
observe qu'il reste dû 80 millions ; que les contribuables laissent arrérager l'impôt pour obtenir ensuite des remises ; qu'il convient de faire payer ces 80 millions nécessaires dans le moment présent.
Sur l'artiçle second, l'orateur observe encore qu'il n'y a pas d'inconvénient à remonter à trois mois au-dessus de la dernière année ; que le »¦ clergé se portera avec zèle à ce sacrifice. Sans finances, ajoute-t-il, il n'y a pas de Constitution ; cette Constitution si désirée, qui doit nous tirer du chaos, dès qu'elle paraîtra, on fera des sacrifices.
Ce que l'on dit d'un particulier, qu'iZ s'ennchit quand il paye ses dettes, peut se dire de la nation, et cette Constitution doit être faite sous le héros , qui nous préside. La Constitution se fera, ou nous périrons. Mon avis serait donc de ne pas quitter Ja salle qu'elle ne fût achevée. 11 vaut mieux que douze cents hommes se fatiguent et épuisent leurs forces, que d'en précipiter 24 millions dftns l'abîme qui se creuse sous leurs pas.
M. Goulard se résume à dire qu'il adopte l'arrêté, pourvu que les pauvres contribuables soient déchargés. Il offre ensuite un capital de 2,500 li-- vres qui fait son titre clérical, placé sur l'h ôpital de
Lyon, sacrifice d'autant plus flatteur à l'auteur qu'il trouve dans cet abandon l'intérêt des pauvres et celui de la nation.
Ici s'est fait sentir encore, mais faiblement cependant, l'opposition dans les intérêts des provinces.
Je vais porter la parole au nom de tout le Dauphiné.
Plus les circonstances sont difficiles, plus elles doivent avoir pour base la justice. La justice veut que les privilégiés payent ; tel est le principe ; mais il ne faut pas que l'application en devienne dangereuse.
Un des préopinants (M. Anson) a dit que lorsque des privilégiés s'établissaient dans un canton, le rejet' des impositions se faisait sur l'élection ou la province. Jamais on ne s'est inquiété si un privilégié était venu ou était sorti de la province, ët la masse des impôts est restée toujours la même.
En adoptant l'arrêté du comité des finances, vous commettrez deux injustices ? celle de ne pas décharger les peuples trop chargés, et celle de charger du double les privilégiés- Pour remédier à cela, il faudrait un nivellement général. Dans la province que je représente, il y a eu des débats ; on a-encadastré tous les biens ; on les a estimés, et on a, sans diminuer l'impôt, soustrait les biens nobles et ecclésiastiques. Aussi le Dauphiné payerait-il à lui seul pour l'augmentation 900,000 livres, c'est-à-dire un quinzième de l'augmentation demandée par M. Necker sur la perception rigoureuse des vingtièmes.
Je demande donc que les rôles soient faits sur tous les biens sans distinction ; qu'on en fasse l'estimation et qu'on en ordonne la reversion sur toutes les provinces. C'est le moyen de parvenir à une juste proportion, et d'éviter les frais énormes d'un second rôle.
, membre de la noblesse du Labour, organe des députés de sa province, réclame contre l'imposition qui est réglée au huitième; il demande qu'elle soit réduite au vingtième ; ensuite que le syndic de la province, qui est un député des communes, soit autorisé à faire connaître la somme qui proviendra de cette imposition sur les privilégiés.
Notre intention n'est pas d'ac: corder une augmentation d'impôt ; cependant, si l'on fait un rôle additionnel, cette augmentation sera très-forte.
Que faudrait-il donc faire ? 11 faudrait refondre dans le rôle tout ce que doivent payer les privilégiés; de cette manière il y aurait au moins quelque motif de consolation pour les pauvres contribuables ; de cette manière vous auriez un rôle unique, supporté par la noblesse et le clergé, avec messieurs des communes, ou plutôt les pauvres des communes.
11 n'y a pas d'intérêt à faire deux rôles, et je dis qu'il y a du danger ; pour un petit rôle, il en coûte autant que pour en faire un considérable.
Je soutiens qu'il ne faut pas deux rôles; je soutiens qu'il n'en faut qu'un, afin que nos commettants soient instruits que les privilégiés payent comme eux. Il est une difficulté que l'on objectera, c'est celle de savoir dans quelle proportion les privilégiés doivent être imposés; cela s'éclaircira dans le travail, mais le brevet doit être 1.6 même.
Vous savez qu'une déclaration de 1780 a réuni
la taille à tout ce qui forme l'accessoire. Il a été fait une injustice criante dans ma province, c'est qu'on a reodu la capitation terrière ; ainsi le paysan paye 300 livres de taille, 300 livres de capitation, et le noble paye 50 livres de capitatioD.
S'il ne doit pas y avoir de différence dans la manière de payer l'impôt, confondons taille, ca-itation, accessoire, corvée et autres, et on fera u total, une répartition sur tous. On supprimera ces termes, et la masse seule subsistera.
Vous savez ce que nous avons décrété sur les gabelles, mes cahiers me chargeaient d'en demander la suppression. Cependant, Messieurs, en déchargeant des provinces, ne chargeons pas trop les autres. Ma province est surchargée, et elle ne demande pas de diminution; mais'ne craignez-vous pas qu'elle devienne moins généreuse, et qu'un jour elle ne demande cette diminution? Ajoutez au moins quelques termes consolants qui nous apprennent qu'il y aura désormais la plus grande égalité ; car les héritages sont si grevés, que moi, qui vous parle, j'ai été obligé de faire l'abandon d'un de mes domaines*
, député d'Auvergne, appuielesentimentde M.de Biauzat. Si les privilégiés payent par augmentation, dit-il, l'Auvergne sera surchargée de plus de 2 millions, lorsque d autres provinces, par la suite d'une insurrection, ont été diminuées de 25 millions. Je demande que l'on fasse la répartition ; car, sans cela, tel gentilhomme qui n'a que 40,000 livres de rente payera 42,000 livres de taille. Si la justice n était pas dans cette Assemblée, où irait-on la chercher? Renonçons à tout intérêt personnel, et n'écoutons que le sentiment de l'équité.
La première question qui est à décider est celle de savoir si la contribution des privilégiés doit être payée à la décharge des pauvres contribuables, ou doit être versée dans le Trésor royal en augmentation d'impôt; en décidant cette difficulté, c'est abréger la décision.
, député de la Flandre. Vous avez promis, Messieurs, de faire des Français une famille, et de les rendre tous treres ; je vous prie de ne pas faire des frères favorisés, des frères aînés ; il ne faut pas sacrifier les uns au profit des autres.
Nous autres, en Flandre, nous ne connaissons pas les privilégiés ; nous n'avons qu'un rôle ; et si vous nous traitez comme les provinces méridionales, vous faites avec nous une société léonine.
L'abandon fait par les nobles et le clergé doit profiter à tous ; mais nous l'avons fait, disent-ils a telle condition ; et auriez-vous le droit d'imposer des conditions en acquittant une obligation à laquelle vous n'avez pu vous soustraire?
1° Je demande que les impositions des nobles et du clergé soient versées par supplément dans le Trésor royal.
2° Que si, malgré la détresse du Trésor royal, 1 imposition des nobles et du clergé était payée à la décharge des contribuables, les provinces des Pays-Bas jouissent des mêmes privilèges.
propose la division de la question pour solliciter la décision.
L'augmentation olferte par les privilégiés tournera-t-elle au profit du fisc ou à la décharge des contribuables ?
Il rappelle ensuite ce qu'il a dit hier, et s'appuie fortement sur les arrêtés du 4 août, qui préjugent la question en faveur des contribuables.
Plusieurs membres appuient la motion de M. Fréteau.
On demande à aller aux voix ; mais des provinces veulent être entendues.
pose la question différemment : juger ce que l'on doit faire sur les derniers six mois de l'année 1789, et l'on décidera ensuite sur les six premiers mois de 1790.
reprend encore la parole ; il cherche à justifier la rédaction de son arrêté ; il insiste sur les sommes données aux moins imposés par forme de charité ; il dit que ces sommes suppléent à la décharge des contribuables, mais que l'année 1790 entière appartient au Trésor public.
D'après quelques observations faites sur l'offre de la dédicace d'une nouvelle édition des uvres de Voltaire, par M. Palissot, après une courte discussion, l'Assemblé a décrété qu'elle ne recevrait aucune dédicace.
Un membre du comité des finances a fait lecture d'un projet de décret relatif aux impositions et l'a appuyé par des observations. La discussion a été ouverte.
Il ne s'agit pas d'augmenter l'impôt dans ce moment; M. Necker a demandé une augmentation de 15 millions ; demain nous délibérerons sur cet objet, aujourd'hui il ne s'agit que d'exécuter ce qui est dit dans le procès-verbal
Rien de plus juste que de soulager l'Etat; mais sans rien délibérer, sans savoir si la Constitution est commencée, si elle est même entamée, je demande si, sans délibérer sur la proposition du premier ministre des finances, on peut la juger sur-le-champ ; si, en un mot, on peut augmenter les impôts sans même discuter cette question ?
Un membre reproduit la demande de la division, consistant à ne décider la question que relative-^ ment aux six derniers mois de l'année 1789, et à ne rien juger quant à l'année 1790.
La division est acceptée.
pose sur-le-champ la question principale, quant aux six derniers mois.
Voici le décret que l'Assemblée a prononcé : 1° La contribution que les privilégiés ont demandé à payer proportionnellement, et à la décharge des contribuables pour les six derniers mois de 1789, a été acceptée et votée au profit et soulagement des contribuables dans chaque province.
2° Le brevet des impositions ordinaires de 1790 ne sera point augmenté de la somme à répartir sur lesdits ci-devant privilégiés.
On avait commencé une'seconde lecture du décret proposé, lorsque l'heure a engagé M. le président à lever la séance, qu'il a remise au soir, à sept heures, renvoyant la question du décret au commencement de cette séance.
Séance du
On a fait la lecture de diverses adresses :
L'une de la ville de Langeac en Auvergne, qui demande une justice royale.
Les adresses et délibérations des villes d'Ardes, Besse, Brioude, lssoire, Lezoux et Vic-le-Gomte en Auvergne ; elles demandent chacune un siège royal, et qu'il soit établi un tribunal souverain à Clermont-Ferrand.
Celles de la ville de Blesle et des^bourgs d'Au-lhat, Allagnat, Beauregard, Brenat, Buron.Bouzel Beaune, Châtrât et Pasredon, Bort, Cournon,Cham-peix, Chauriat, Dallet, Dreuil-en-la-Roche, Durtol, Fiat, Jussat, le Pont-du-Château, la Roche-Don-nezat, le Crest, les Martres, Lempdes, Laps, le Cendre, Lemply, Montaigu-le-Blin, Monton, Mire-fleurs, Nechers, Nohant, Nabouzat, Orbeil, Or-sonnette, Orcet, Ornon, Orleat, Plauzat, Pignols, Parent, Pérignat, Romagnat, Saint-Jean-d'Heurs, Solignat, Saint-Maurice, Saledes, Saint-Saturnin, Saint-Sandoux, Saint-Babel, Seychalles, Teix-Font-frede et Nadaillat, Vassel et Yronde, demandent de même l'établissement d'un tribunal souverain à Clermont-Ferrand.
Une adresse du sieur Mongeot, maître de pension, qui supplie l'Assemblée d'agréer l'offre qu'il fait d'enseigner gratuitement à lire et à écrire à trente-deux ouvriers ou gagne-deniers de Versailles.
Adresse de félicitation de la communauté de Chapelle, en Agenois, qui demande que le seigneur soit obligé de représenter le titre primitif, pour avoir le droit d'exiger les cens ra-chetables par les arrêtés du 4 août.
Une adresse de félicitation et adhésion de la communauté de Château-Neuf-sur-le-Cher.
Une délibération de la ville de Tarascon en Provence, portant renonciation à tous les privilèges de la province, et adhésion aux arrêtés de l'Assemblée, notamment à ceux du 4 août.
Une déclaration de M. Goulliart, procureur du roi au bureau des finances de la généralité de Soissons, par laquelle il renonce au remboursement effectif de la finance de son office, jusqu'à ce que la balance entre les revenus et les dettes et charges de l'Etat soit rétablie et déclare en outre renoncer à tous émoluments et épices, dans l'exercice de sa charge.
On a fait ensuite l'annonce de diverses offres patriotiques dans l'ordre qui suit :
1° Une soumission de M. Chevrier, chef de bureau de la Caisse d'escompte, qui annonce un hommage à la patrie du centième de ses appointements pendant dix ans ;
2° Une lettre de M. Boucher, qui annonce un don de 12 livres pour lui, et autant pour son voisin, comme impôt de 3 livres par croisée ;
3° Un abandon de 3 livres 0/0 des sommes dues au sieur Pajou, sculpteur du Roi, professeur de son académie de peinture et de sculpture, sur ses travaux de Versailles, Bellevue, de la fontaine des innocents, et autres ouvrages faits depuis 1769;
4° Un citoyen, bien pauvre, qui dit n'avoir jamais senti sa pauvreté que dans ce moment de crise, où il voudrait donner beaucoup à l'Etat, offre à l'Assemblée nationale 48 livres, en deux
coupons de billets, payables au porteur au Trésor royal;
5° Une lettre du sieur Brognon, marchand épicier à Paris, qui a fait à sa patrie le sacrifice d'une somme de 198 livres, qu'il fera passer à l'Assemblée nationale lorsqu'elle le jugera à propos;
6° Une lettre imprimée, des artistes typographes de Paris, et de ceux de l'imprimerie de l'Assemblée nationale de Versailles, qui renferme, tant en billets de caisse qu'en argent comptant,une somme de 1,022. liv. 14 sous, qu'ils abandonnent à la nation sans aucun intérêt ;
7° Le sieur Baudouin, imprimeur de l'Assemblée nationale, offre à la nation le cinquantième de son bien;
8° Un mandat de M. Foacier, ancien notaire au Châtelet de Paris, qui offre à la nation la somme de 3,000 livres, payable le 2 octobre 1789.
L'Assemblée reprend la discussion du projet de décret concernant les impositions.
relit le décret proposé à la séance du matin avec les modifications qui ont été adoptées dans cette séance.
Plusieurs membres réclament la parole.
(1). Messieurs, député du Cambrésis où l'impôt est réparti et payé également par les trois ordres, je suis chargé de" vous déclarer que le vu de la noblesse de cette province est que l'impôt consenti par la nation devra être réparti, dans une juste proportion, sur toutes les propriétés généralement quelconques, revenus, industrie et commerce.
J'adhère avec empressement à la proposition faite, que le montant de l'impôt,
résultant à la renonciation des privilèges pécuniaires, à dater du 1er avril dernier
jusqu'au premier décembre prochain, tourne au soulagement des contribuables dans
chaque province, puisque par cette application le Trésor public profitera de la somme
qui en était tirée annuellement et employée en fonds de charité et diverses dépenses ;
mais jusqu'à présent la perception des vingtièmes a porté sur des bases fausses, même
dans les généralités qui ont été le plus travaillées en finances, soit à cause des
abonnements particuliers, dont l'abus vous a été développé avec la plus grande
énergie, il y a quelques jours, soit parce que les déclarations ne contenaient pas
l'universalité des possessions de chaque terroir; les particuliers n'avaient aucun
intérêt à en faire la déclaration; l'assiette de l'impôt qui en serait résulté
n'aurait pas tourné à la décharge du rôle. Il est reconnu que nous sommes les membres
d'une même famille; chacun doit supporter sa part dans la charge publique. Il est
évident qu'il résultera de l'observation que je soumets à vos lumières une
augmentation de recette pour le Trésor public. Je demande, en conséquence : 1° que
tous les abonnements soient révoqués à dater du 1er avril dernier; 2° qu'il soit
dressé par les municipalités de chaque ville, bourg et village, un rôle additionnel,
contenant toutes les portions de terres qui ne se trouveront pas reprises dans les
rôles actuels des vingtièmes, pour qu'en vertu de ce rôle qui sera rendu exécutoire,
elles acquittent les vingtièmes, à dater du 1er avril dernier.
On a interrogé le vu sur la première des rédactions; celle du décret proposé le matin a été adoptée.
On a fait la lecture des amendements. La question préalable a été demandée ; mais on a demandé la division de ces amendements : on en a accepté un; on en a ajourné cinq.
Celui accepté porte que les curés et vicaires congruistes, ou qui, n'étant point à la portion congrue, n'ont qu'un revenu équivalent, sont exemptés de l'imposition des privilégiés jusqu'au moment où leur traitement sera augmenté.
11 a été demandé que l'établissement du droit de franc-fief fût particulièrement décrété ; l'Assemblée a adopté cette proposition. On a demandé ensuite si l'amendement relatif à l'abonnement des provinces serait ajourné ; l'Assemblée a décidé que non.
On a ensuite posé la question préalable sur cet objet ; il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. Le décret a été adopté comme il suit :
DÉCRET.
L'Assemblée nationale, considérant combien il importe à la sûreté de l'Etat, au maintien de l'ordre et au rétablissement du crédit, que le recouvrement des deniers publics ne soit interrompu sous aucun prétexte; persistant dans son décret du 17 juin dernier, par lequel elle a déclaré que les impôts et contributions continueront d'être levés pendant la présente session de la même manière qu'ils l'ont été précédemment ; et reconnaissant la nécessité de faire travailler promptement aux rôles de 1790, dans la même forme que ci-devant, jusqu'à ce qu'elle puisse faire jouir les contribuables du nouveau mode d'impositions qu'elle ordonnera pour 1791, et dont elle veut avec maturité combiner la repartition ; persistant également dans son décret du 11 août dernier, dont l'article 9 a ordonné qu'il serait avisé aux moyens d'effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'imposition courante, qui, pour ce qui concerne les impositions ordinaires, finit au 30 septembre 1789, elle a ordonné et décrété, ordonne et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les rôles des impositions de l'année 1789 et des années antérieures arriérées, seront exécutés et acquittés en entier dans les termes prescrits par les les règlements.
Art. 2. Il sera fait, dans chaque communauté un rôle de supplément des impositions ordinaires et directes, autres que les vingtièmes, pour les six derniers mois de l'année 1789, à compter du ler avril dernier, jusqu'au 30 septembre suivant, dans lesquels seront compris les noms et les biens de tous les privilégiés qui possèdent des biens en franchise personnelle ou réelle, à raison de leurs propriétés, exploitations et autres facultés ; et leur cotisation sera faite dans la même proportion et dans la même forme qui auront été suivies pour les impositions ordinaires de la même année, vis-à-vis des autres contribuables.
Art. 3. Les sommes provenant de ces rôles de supplément seront destinées à être réparties en moins-imposé sur les anciens contribuables, en 1790, dans chaque province.
Art. 4. Dans les rôles de toutes les impositions de 1790, les ci-devant privilégiés seront cotisés avec les autres contribuables, dans la même proportion et la même forme, à raison de. toutes leurs propriétés, exploitations et autres facultés.
Art. 5. A commencer du Ie* janvier 1790, tous les abonnements sur les vingtièmes, accordés à divers particuliers, sont expressément révoqués, et aucun contribuable ne pourra se soustraire, sous quelque prétexte que ce soit, à cette imposition.
Art. 6. L'Assemblée nationale fera connaître, dans le courant de 1790, la forme qu'elle aura définitivement adoptée pour la conversion et la répartition générale des impositions de 1791, afin qu'il n'y ait plus à l'avenir qu'un seul et même rôle d'imposition pour tous les contribuables, sans aucune distinction, ni pour les personnes, ni pour les biens.
a levé la séance, et l'a indiquée à neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
A l'ouverture de la séance, M- le président a annoncé les dons patriotiques suivants :
1° L'adresse d'un cultivateur, qui contient la somme de 24 livres, dont il fait hommage à l'Assemblée nationale ;
2° Celle de Pierre Carré, Poitevin, domestique à Paris, qui fait, conjointement avec son épouse, l'envoi de 48 livres en deux coupons, d'un billet de 600 livres de l'emprunt d'octobre 1783, en forme de loterie. Ils, offrent en outre une contribution de 12 livres par an, pour deux ans, ou plus, s'il le faut, à commencer en janvier 1791;
3° Une lettre de M.Mosneron de Launay, député du commerce de Nantes auprès de l'Assemblée nationale, qui envoie, au nom de son frère Mosneron-Dupin, à M. le président, quatre lettres de change, formant ensemble la somme de 10,004 liv. 4 sous etqui s'engage personnellement à payer, dès qu'il l'aura reçue, celle de 2,000 livres dont il prie l'Assemblée d'agréer l'hommage ;
4° M. le marquis de Solin, président du comité permanent du bailliage de Bourbon-Lancy, fait offrande à la nation d'une rente de 108 livres sur les tailles, créée originairement, et comprise aujourd'hui dans les états du Roi pour 54 livres seulement, remboursable par 1,080 livres.
a annoncé que quatre députés de la Comédie française demandaient à l'Assemblée de se présenter devant elle, et de lui faire connaître la délibération par laquelle les comédiens ordinaires du Roi ont arrêté un sacrifice de 23,000 livres payables dans le courant du mois de janvier prochain, et applicables aux besoins de l'Etat. L'Assemblée l'ayant agréé, les quatre députés ont été introduits à la barre et ont fait lecture de ladite délibération.
leur a dit :
Messieurs, l'Assemblée nationale voit avec approbation votre patriotisme : on ne peut, Messieurs, faire un plus noble usage de la rétribution qu'obtiennent des talents qui contribuent à la consolation et au bonheur de l'humanité.
L'Assemblée a permis aux quatre députés d'assister à la séance dans. Ja barre.
M. Gervaise, docteur régent de la faculté de médecine de Paris, a fait en personne
l'hommage
a dit :
Monsieur, vous avez joui des applaudissements de l'Assemblée : jene puis suspendre plus long temps ses travaux ; pour vous marquer sa satisfaction, elle vous permet d'assister à sa séance.
, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal des deux . séances de la veille.
11 s'élève des réclamations sur sa rédaction.
aecusent le procès-verbal de trop de laconisme et d'obscurité sur deux articles du décret relatif aux impositions, rendu dans la séance du soir.
s'excuse, en disant que lors de sa dernière rédaction du procès-verbal, on l'avait accusé d'être trop long, et que cette fois-ci il a supprimé tous les détails ; qu'il ne sait comment faire pour obéir à l'Assemblée ; qu'il faut avoir une porte ouverte ou fermée.
Toute la difficulté se termine par décider que >.M. le vicomte de Mirabeau énoncera l'état de la question et l'alternative préalable au décret des impositions.
M. le vicomte de Mirabeau relit le décret d'hier soir.
demande la parole pour proposer un amendement relatif à une difficulté qu'il croyait apercevoir dans le payement des impôts. Il vous ' sera impossible, dit-il, de recevoir aucune imposition. Pour payer, vous diront les contribuables, il faut que la répartition soit faite également; il faut des évaluations, des rôles ; tout cela entraînera des longueurs infinies.
observe que l'amendement de M. Dupont a été jugé hier, et rejeté. Cette observation fait descendre M. Dupont de la tribune.
, curé de Roanne. C'est contre vos principes que, détruisant tous les privilèges, vous avez décrété que les curés à portion congrue seraient exempts de la taxe commune : en cela vous n'avez envisagé que leur situation ; mais nous sommes citoyens avant tout, nous devons donner l'exemple du patriotisme ; ne nous imposez pas ta honte d'être les seuls à ne pas contribuer à la chose publique ; oui, Messieurs, la bonté, c'en ' serait une d'être seuls privilégiés dans le royaume, Votre décret n'est pas encore sanctionné, vous pouvez avoir égard à notre prière.
(Gegénéreux dévouement est vivementapplaudi.)
propose d'accepter l'offre des curés congruistes en forme de don pour la caisse patriotique.
D'autres membres défendent MM. les curés por-tionnaires contre cet enthousiasme patriotique.
observe que l'exception qui afflige la délicatesse de MM. les curés n'est que pour un temps, et qu'ils supporteront les impôts lorsque le nouveau régime sera établi.
Ce combat de générosité était près de se terminer, on allait décider qu'il serait fait une
mention honorable de l'offre patriotique deMM. les curés lorsque M. de Clermont-Lodève demande la parole.
Si l'on n'accepte pas l'offre de MM. les curés congruistes, je demande que tous les pères de familles qui n'ont que 700 livres de rente soient privilégiés.
, cure du Vieux-Pouzauges, déclare qu'il estchargé de renoncer à tous les privilèges ; qu'il y a des villages si pauvres, que le curé avec 700 livres est le plus riche de sa paroisse, et qu'il serait humiliant pour lui d'être le seul dans la paroisse qui ne payât rien à la patrie.
L'offre de MM. les curés congruistes est donc acceptée.
La lecture des adresses est renvoyée à la prochaine séance.
rappelle l'ordre du jour qui consiste à entendre un rapport du comité des finances sur le discours du premier ministre des finances et sur les moyens qu'il indique pour venir promptement au secours de l'Etat et pour parer aux malheurs qui menacent la fortune publique.
(1) monte à la tribune et s'exprime en ces termes :
Messieurs, le premier ministre des finances a mis sous vos yeux le tableau effrayant, mais fidèle, de la situation du royaume; il vous a peint la détresse du Trésor public, accrue par une détresse nouvelle ; les revenus de l'Etat, ou suspendus par la misère des peuples, ou interceptés, dans plusieurs provinces, par les troubles ; 50 millions versés dans les différents- marchés de l'Europe, pour acheter la subsistance du citoyen, et pesant contre nous dans la balance du commerce; le voyageur repoussé loin de la France par le malheur de nos divisions; le Français fuyant sa patrie, et portant à l'étranger nos richesses, ou les dérobant à la circulation; la défiance attachée à toutes nos opérations; la ressource même des anticipations évanouie ; le numéraire disparu ; 80 millions nécessaires pour arriver à de nouveaux besoins, et le vide dans toutes les caisses.
Dans cette position, qu'il ne cherche point à vous dissimuler, M. Necker a osé ne pas désespérer de la chose publique; et il est venu vous offrir de grands moyens dans le présent, et la certitude d'une restauration entière dans l'avenir.
Au mois d'avril dernier, le déficit ordinaire était de............56 millions.
De cette somme il faut déduire . 5 pour intérêt d'anticipations; reste. 51 qui n'ont pu être renouvelés; mais il faut y ajouter 10 millions pour l'intérêt et le remboursement annuel du nouvel emprunt que vous avez décrété............10
Ainsi le déficit ordinaire s'élève aujourd'hui à..........61 millions.
M. Necker balance ce déficit par des économies, les unes certaines, les autres encore
indéterminées; par 15 millions, somme à laquelle il
Cet arrangement offre aux provinces la chance heureuse d'économies utiles. Enfin il nous montre, dans le lointain, d'autres améliorations, d'autres accroissements de revenus, qui compenseront ou les pertes que quelques impôts ont déjà éprouvées, ou les nouveaux sacrifices qu'exigeront les besoins et la tranquillité des provinces.
Mais il est des embarras actuels qu'il faut surmonter pour atteindre à toutes les prospérités qui nous sont promises.
Il faut pour les trois derniers mois de cette année, 70 à 80 millions.
Il faut 80 millions pour l'année prochaine, et éteindre au moins une partie des anticipations qui dévorent nos revenus : l'intérét public le demande, et votre sagesse l'ordonnera.
Ce n'est plus par des emprunts que vous pouvez remplir cette tâche : les emprunts sont décriés, et de nouvelles tentatives seraient vraisemblablement infructueuses; on ne peut donc parvenir à ce bien si désiré, que par un généreux effort, et cet effort, le patriotisme le sollicite et le provoque.
Déjà un grand nombre de citoyens ont indiqué et offert une contribution sur leurs capitaux. M. Necker pense, et il a raison de penser, que cette contribution ne doit porter que sur les revenus.
Il le démontre, Messieurs, parce qu'il est plus aisé d'évaluer les revenus que les capitaux; parce que la contribution ne peut être égale entre le capitaliste et le propriétaire, si le propriétaire paye le centième d'un capital qui ne lui rend que 3 û/0, et le capitaliste le centième d'un capital qui produit 5 et 6 pour0/0; parce qu'il est des citoyens qui ont des revenus et qui n'ont point de capitaux, et que ces citoyens aussi doivent et voudront faire un sacrifice à la fortune publique.
En admettant tous les citoyens à cette honorable contribution, il demande qu'il soit fixé une somme de revenus, au-dessous de laquelle elle ne sera plus qu'un sacrifice, et non pas un devoir.
Il désire qu'on assigne au payement de cette contribution quinze à dix-huit mois; mais qu'on encourage ceux qui anticiperont Je payement, et qu'on le facilite encore, en permettant de s'acquitter avec de la vaisselle ou avec des bijoux d'or et d'argent, qui seront reçus à un prix avantageux aux contribuables.
Point de serment : le premier ministre des finances ne donne pour frein à la mauvaise foi, que sa vertu ne saurait soupçonner, que l'engagement pur et simple de dire la vérité. Point d'inquisition dans les fortunes; chaque citoyen sera l'arbitre de son offrande; et cette offrande, mesurée par le sentiment, ne pourra jamais être regardée comme la mesure de la fortune, et par conséquent de l'imposition.
Enfin, Messieurs, il environne cette proposition de tout ce qui peut encourager le patriotisme et déterminer ses efforts.
Il ajoute qu'on pourrait encore donner à cette contribution la forme d'un prêt remboursable dans des temps plus heureux, et lorsque l'ordre et la confiance auront ramené le taux de l'argent à 4 0/0. e
M. Necker n'a point déterminé le produit pos-
sible d'une pareille contribution; mais sans exagération, il a calculé sur le.patriotisme connu de la nation, et il croit qu'une délibération propre à inspirer la confiance dans le retour du crédit ajouterait beaucoup à l'énergie de ces sentiments.
11 désirerait que l'Assemblée nationale nommât des commissaires qui, de concert avec le ministre des finances, veilleraient sur la rentrée des fonds et en dirigeraient l'emploi.
Persuadé que ce mouvement patriotique influera tout à coup sur la circulation, il pense cependant qu'il faudrait encore la ranimer par d'autres moyens.
C'est dans cette vue que Sa Majesté a déjà autorisé les directeurs des monnaies à recevoir la vaisselle, les bijoux d'or et d'argent, et à donner leurs récépissés en échange ; elle a réservé à l'Assemblée nationale de déterminer l'époque du payement, l'intérêt jusqu'à cette époque, et la fixation du prix.
M. Necker propose de donner 54 livres par marc de vaisselle, payables dans six mois, ou 58 livres par marc à ceux qui voudront en verser le prix dans le dernier emprunt, mais à condition qu'ils ne jouiront pas de la faculté d'y joindre une somme égale en effets royaux.
Enfin, M. le premier ministre des finances a pensé qu'un établissement qui s'est associé aux dangers du Trésor public, et qui en a partagé le ,« discrédit, doit fixer vos regards; et qu'en le régénérant sous une forme nouvelle, sous le titre nouveau de banque nationale, vous achèveriez de rendre à la circulation son activité, et d'assurer le retour de la prospérité publique.
Telles sont, Messieurs, les principales dispositions du mémoire dont vous nous avez chargés de vous rendre compte.
Avant de le connaître, votre comité des finances ' s'était proposé de vous entretenir incessamment des mêmes objets. Placé, pour l'exécuiion de vos ordres, au milieu des détails de la fortune publique, il n'avait pu les considérer de plus près sans se pénétrer tous les jours davantage de la nécessité urgente de prendre un grand parti. Si quelque chose pouvait ajouter encore à la juste confiance que vous inspire depuis longtemps le ministre dont vous venez de recueillir les observations, et d'entendre les conseils, ce serait de voir . que les coopérateurs de vos travaux, sans aucune^ communication avec lui, n'ayant d'autre secours que les pièces qu'ils ont reçues de tous les départements, et suivant une méthode différente de la sienne, ont pourtant obtenu des résultats presque entièrement les mêmes.
C'est en vous rendant compte de son travail que le comité va vous donner son opinion sur chaque partie du mémoire, dont il vous a fait f l'exposé ; nous ne vous offrirons rien de neuf, mais peut être apercevrez-vous dans nos recherches quelques développements analogues aux grands objets qui vous occupent, et aux principes -qui vous dirigent.
Le premier examen général que nous ayons dû faire a été celui des recettes et des dépenses publiques. Un dernier état, signé de M. Dufresne v au mois d'août dernier, et conforme aux pièces qui nous avaient été communiquées, établit une différence entre la recette et la dépense; cette différence est environ de 56 millions, et c'est à quoi montait effectivement le déficit avant le dernier emprunt de 40 millions en argent, et de 40 millions en effets. Cette base nous est absolument commune avec M. Necker.
Autrefois, dans un état ordinaire de calme et 4
de confiance, si on n'eût songé, comme on l'a fait trop souvent, qu'à entretenir la profusion des dépenses, il eût suffi, pour le moment, de suspendre, ainsi que l'année dernière, les remboursements exigibles, de préparer par la régularité des payements le renouvellement des anticipations, et de suppléer à l'insuffisance des revenus par un emprunt de 56 millions, gui se serait accru tous les ans d'une somme suffisante pour payer l'intérêt de l'emprunt précédent. De cette sorte, avec un peu d'ordre, on aurait pu faire encore illusion pendant quelque temps, et achever graduellement - la ruine ae l'Etat; mais heureusement le temps des illusions est passé.
Les besoins de cette année n'auraient pas excédé la somme du déficit, sans toutes les circonstances qui ont concouru à les augmenter. La première a été la disette des grains, qui a forcé le gouvernement à des achats considérables dans les pays étrangers. La grande secousse qu'a éprouvée le . royaume a causé, dans ces derniers temps, l'interruption de plusieurs recettes. La gabelle, les aides, le tabac, les droits domaniaux, ont été de toutes parts exposés à la violence ou à la fraude; et loin que les compagnies de finance aient pu remplir leurs engagements, plusieurs ont eu besoin de secours.
Les recettes ordinaires des impositions se sont de même senties de la commotion générale, et la * difficulté des recouvrements augmente encore tous les jours.
Une autre cause d'embarras s'est réunie aux précédentes, ou plutôt en a été la suite. Cette cause a pour principe un abus très-ancien, et qu'il vous tarde sans doute de faire disparaître de votre régime fiscal : l'usage de consommer d'avance les revenus de l'année suivante, et de remplacer cette avance dans la main de ceux qui la font par des prescriptions sur les recettes futures. Quand une fois cette méthode d'anticipations est établie, les revenus s'évanouissent à chaque échéance, à moins que la confiance n'engage les porteurs des rescrip-tions à les renouveler. C'est un acte libre et volontaire. Or, les malheurs publics, la suspension des recettes, la connaissance trop générale, et malheureusement trop certaine du mauvais état des finances, sont de grands obstacles à la confiance, sans laquelle il est impossible de renou-k veler toutes les anticipations. Ainsi le Trésor public s'est vu privé à la fois des sommes qu'il a fallu sacrifier à l'approvisionnement des blés, de la somme effective du déficit, de la rentrée des revenus ordinaires, et du montant des anticipations qui n'ont pas été renouvelées.
C'est la réunion de ces quatre causes qui a rendu insuffisants les emprunts de cette année, qui rend , impossible d'en entreprendre de nouveaux, et qui jette le Trésor public dans une pénurie incalculable pour la somme, et incalculable pour les effets.
^ Le détail dans lequel nous venons d'entrer vous démontre assez que le récit du ministre des finances est appuyé sur des faits incontestables, et que le mal est arrivé à une période où les remèdes ordinaires ne sont plus suffisants.
" Nous ne pouvons qu'applaudir aux moyens qu'il vous propose pour tirer l'Etat de la crise où des circonstances impérieuses l'ont jeté. 11 ne songe qu'à rétablir, avant tout, la confiance et la sûreté publiques, inséparables l'une de l'autre, en montrant combien il est facile de mettre prompte-ment un niveau exact entre la recette et la dépense. Dans une circonstance où tant d'autres auraient épuisé les vaines et fausses ressources du
génie fiscal, il se borne à vous indiquer simplement des économies raisonnables et des bonifications faciles. 11 ne vous déguise cependant ni vos maux, ni les sacrifices que la patrie réclame ; et c'est ainsi qu'il convient de parler de ses affaires à une nation généreuse et éclairée.
Votre comité, dans le silence du travail qui l'occupe depuis deux mois, agissant d'après les mêmes principes, et recherchant les mêmes objets que le ministre des finances présente rapidement à vos observations, est parvenu à fixer à peu près les économies dont ils sont susceptibles. Si, dans les réductions qu'il aura l'honneur de vous proposer, le comité surpasse encore les espérances que le ministre du Roi vous a présentées, ces réductions, sans doute, objet particulier de notre travail, ne lui avaient pas échappé, et nous ne pouvons trop louer la sage circonspection avec laquelle il a modéré ses spéculations dans un genre où l'exagération est accueillie par la raison même.
Ici nous nous permettrons cependant quelques observations. Le ministre des finances suppose, avec raison, que les revenus de l'Etat demeureront, à l'avenir, égaux en somme à ce qu'ils étaient au moment de ses calculs. Il prévoit cependant que vous supprimerez quelques droits onéreux. D'avance il vous indique divers moyens d'y sup-
léer; mais nous croyons indispensable d'arrêter,
ès cet instant même, toutes vos idées sur cet objet important, essentiel même au but si raisonnable que M. Necker se propose, d'établir solidement le crédit. La gabelle est comptée pour 58,560,000 livres dans le produit de la ferme générale; les aides et droits réservés le sont pour 50,220,000 livres dans le produit de la régie générale. Le premier de ces impôts est proscrit par la nation; le second pèse excessivement à plusieurs provinces. Si, avec un régime modéré, il eût été possible autrefois d'asseoir et de maintenir des taxes raisonnables sur ces objets de consommation, il ne l'est plus aujourd'hui de conserver leurs noms mêmes, à qui plusieurs siècles d'abus ont imprimé le sceau de la réprobation. Plus de gabelles, plus d'aides : voilà le cri de presque toute la France ; et le Trésor public, au moment de la suppression de ces droits, aura besoin d'un remplacement de 109 millions. Les créanciers de l'Etat n'aperçoivent déjà plus un gage certain dans les revenus qui ont fait longtemps l'appui de leur confiance et leur hypothèque directe. Il faut donc leur déclarer d'avance quel gage votre loyauté leur présentera désormais, au lieu de ceux qui n'ont plus qu'une existence provisoire. Nous espérons, en vous soumettant les idées du comité à cet égard, offrir du moins des bases certaines à vos calculs.
Nous commencerons par vous informer que les différents travaux de votre comité des finances ont déjà assuré, sur les diverses dépenses de l'Etat, une réduction certaine de 48,502,000 livres, et qu'ayant compté, comme nous le devons, sur le dévouement du clergé, nous avons cru pouvoir vous proposer la suppression d'une créance, à son profit, de 2,500,000 livres par an, et de lui confier une distribution de charité, de 5,711,0001., de sorte que par ces seules opérations préliminaires , nous sommes assurés de combler, et au delà, le déficit qui existait avant le dernier emprunt. Des états circonstanciés accompagnent tous les calculs que nous avons l'honneur de vous attester.
Nous vous proposerons ensuite de déterminer, dans votre administration future, une ligne de
démarcation précise entre deux parties essentielles qui peuvent désormais être distinctes, et dont la confusion est peut-être le principe caché de tous nos malheurs.
Cette opération simple consiste à réunir d'Un côté les seuls objets de dépensés qui doivent rester sous la main immédiate du gouvernement, et de leur assigner une portion égale de revenus susceptibles, pour la plus grande partie du moins, d'être mis en ferme ou en régie. Ces objets recevront sans doute, dans la suite, des réformes ou des améliorations ; mais nous ne vous en occuperons pas dans ce moment*ci. 11 nous suffit de vous indiquer aujourd'hui qu'il faut un revenu de 205 millions, et que vous l'avez, pour acquitter une dépense semblable et fixe de 205 millions, somme à laquelle nous avons évalué les différents départements, la maison du Roi, et tous les objets qui tiennent directement à l'administration royale, en laissant à chaque partie des dépenses publiques, la consistance et la dignité même qui conviennent à Une grande nation.
De l'autre côté, et sous la garde immédiate de la nation, nous vous proposons de réunir la totalité de la dette publique, et quelques dépenses qu'il nous paraît avantageux de confier à l'administration particulière des provinces- Pour satisfaire à ces deux objets, nous vous proposerons de déléguer spécialement à une caisse nationale, les impositions territoriales de tout le royaume, la capitation et les contributions qui serviront à remplacer la gabelle et les aides.
Cette disposition doit paraître bien importante aux dépositaires des intérêts du peuple. 11 serait consolant pour eux de penser, en lui imposant une grande charge, qu'elle décroîtra tous les jours, au moyen de l'extinction des rentes viagères, dont la somme est, dans ce moment-ci, de 105 millions, par l'effet des remboursements, dès qu'ils seront possibles; et enfin, par la réduction de l'intérêt, fruit prochain de la confiance publique.
11 ne s'agit plus que de fixer la somme dont vous aurez besoin pour la caisse nationale.
Les intérêts de la dette entière, y compris les anticipations, montent à 240 millions de livres.
Diverges dépenses que nous estimons devoir confier aux administrations des provinces, et que bientôt leur économie rendra beaucoup moins considérables, montent à 29 millions de livres.
Ainsi la totalité des revenus nécessaires pour acquitter l'intérêt de la dette, et les dépenses à la charge des provinces , seraient de 269 millions de livres.
Mais de cette somme, nous vous proposons de rejeter 15,800,000 livres, à quoi monte l'intérêt des anticipations, parce que nous vous proposerons d'v pourvoir d'une autre manière.
De la'sorte, la somme qui sera nécessaire à la caisse nationale pour remplir tous ses engagements, ne sera plus que de 253 millions de livres. Mais, comme les revenus affermés, que nous avons destinés à la dépense du gouvernement, ne montent qu'à 185 millions, et qu'il lui en faut 20 de plus, la caisse nationale aura encore à fournir ces 20 millions par an au Trésor royal. Ainsi, la somme qui lui est nécessaire, est de 273 millions. Daignez, Messieurs, vous souvenir de cette somme de 273 millions. C'est de cette base certaine que nous allons partir.
Les contributions actuelles que nous destinons à la caisse nationale sont la recette de tous les vingtièmes, la taille et la capitation du royaume entier, montant à 182 millions, la gabelle et les
aides montant à 109 millions : total, 291 millions de livres.
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que les besoins publics vous demandent un revenu de 273 millions - Vous venez de voir que dans l'état actuel, ceux qui existent, et dont je viens de vous faire la récapitulation , montent à 291 millions) c'est-à-dire, à 18 millions au delà de vos besoins.
Ainsi, pour satisfaire à tous, il vous suffira de remplacer la gabelle, les aides et les droits réservés, qui montent actuellement à près de 109 millions, par une contribution de 91 millions seulement ; vous pouvez, dans votre nouveau mode d'impositions, alléger effectivement la charge du peuple de 18 millions de produit net, sans compter plus de 25 millions de faux frais, qui tombent à sa charge, et sans compter les vexations de tout genre qui accompagnent aujourd'hui cette partie du régime fiscal.Vous pouvez de plus faire tourner au profit du peuple la contrK bution entière des privilégiés ; et vous observerez, Messieurs, que nous n'avons pas encore entamé la ressource des domaines, et tant d'autres qui n'échapperont pas à votre sagacité.
D'après cet aperçu qui, bien que fort rapide, est rigoureusement exact, d'après la facilité que vous auriez même d'appliquer, si vous le vouliez, au profit de la chose publique, une partie du produit de la dîme, nous pensons que le premier* acte du pouvoir législatif doit être de décréter que l'impôt territorial ou personnel, ou tel enfin que vous le déterminerez, qui sera établi sur les peuples, en représentation de la taille, de la capitation, des vingtièmes, de la gabelle et des aides, sera porté à la somme de 273 millions, répartis également sur tous les citoyens, et destinés uniquement, après avoir fourni 20 millions au Trésor royal, à acquitter l'intérêt de la dette publique et les dépenses particulières aux provinces, soUs l'inspection immédiate de la nation. Alors, plus d'alarmes possibles ; alors on pourrait défier même le créancier le plus ombrageux de concevoir la moindre inquiétude *
Nous voilà parvenus, Messieurs, après avoir écarté tous les obstacles de notre route, à l'instant critique dont le ministre du Roi vous a présenté un tableau si frappant. Vous êtes désormais assurés de l'avenir; mais il faut l'atteindre, ceH avenir, et ici les difficultés s'accumulent. Le Trésor public est vide, les begoins de l'aimée exigent impérieusement 80 millions de livres. Les mêmes besoins prévus pour l'année prochaine ¦ montent à la même sommei Des engagements pris cette année avec la Caisse d'escompte, pour le mois d'avril prochain , montent à 25 millions de livres ; enfin, il existe encore au moins pour* 250 millions de livres d'anticipations, et nous ne doutons pas que votre intention positive ne sçit de les anéantir entièrement. Ce moyen de circulation qui impose une rétribution d'intérêts ^ et qui laisse un prétexte aux abus, vous paraîtra, " sans doute, incompatible avec l'administration sévère que vous voulez établir, et que peut-être nous n'aurons pas toujours le bonheur de voir dans des mains aussi pures. *
Ces sommes réunies composent un total de 435 millions de livres, et quelques objets arriérés peuvent les accroître encore.
Cette masse est sans doute effrayante ; c'estJ presque une année entière des revenus de l'Etat.
Mais quelque effrayante que soit cette somme, il est aisé de sentir que son recouvrement subit serait le salut de la France. Il est certain qu'alors
sans crainte, sans embarras, nous arriverions à l'époque de prospérité que nous avons osé vous faire entrevoir; que nous y arriverions à l'instant même; que ces jours de détresse seraient tout à coup transformés dans les plus beaux jours de la monarchie; que d'un état désespérant nous passerions sans intervalle à l'état brillant et prospère dont chacun de nos concitoyens attacherait la date à celle de la régénération de nos lois et de notre liberté. Le ministre compte avec raison sur le patriotisme qui éclate de toutes parts : nous osons y compter de même ; et comment, dans ce sanctuaire de l'honneur français, serait-il possible d'en douter? Rappelez-vous, Messieurs, à quels généreux efforts la nation s'est portée dans vingt époques différentes, où son élan semblait retenu par la méfiance qu'ont toujours inspirée les opérations ministérielles. A quel excès le même sentiment ne doit-il pas aller, au moment où la certitude est acquise que cet honorable effort est le dernier de ceux qu'elle aura jamais à faire ; au moment où, en présentant à la France un nouvel ordre de choses, la nation est garante envers elle-même de toutes ses opérations, où tout ce qu'elle promet est certain, où tout ce qu'elle surveille est inviolable ! Aussi sommes-nous persuades que c'est bien plus pour arrêter les excès du zèle^ que pour lui imposer des devoirs, qiie ie ministre propose de le soumettre à une régie commune. Sa proposition, comme nous avons eu l'honneur de vous le dire, consiste dans la fixation d'une taxe à peu près équivalente au centième des capitaux. C'est pour atteindre plus exactement les fortunes qui existent sans capitaux, et pour faire payer les capitalistes dans une proportion aussi convenable que les propriétaires, que M. Necker propose d'assujettir chaque citoyen à faire une seule fois la remise du quart de son revenu. Ses calculs à cet égard nous ont paru justes, et le comité est unanimement d'avis de suivre à la lettre le plan du premier ministre des finances.
Mais un honorable membre de cette Assemblée a paru jeter des doutes sur le produit de cette taxe : il l'a réduite, par ses calculs, à 75 millions. Nous pourrions lui opposer ses propres calculs, qui exceptent de la contribution les 500 millions dont il fait la part du fisc; comme si les rentes et les appointements que paye le lise, ne composaient pas les revenus qui seraient soumis à la taxe générale ! Mais si nous croyons pouvoir réfuter son objection, nous ne sentons pas moins le poids de son autorité, et c'est à lui-même que nous devons les moyens de suppléer à ce qui pourrait manquer encore,lorsque le zèle et le patriotisme auront offert tout ce qu'ils peuvent offrir ; il faut surtout rie pas perdre de vue, un seul instant, que le salut du royaume tient éssentiel-lement à l'effet d'un secours qui lui rend son bonheur, sa force et la considération, en rétablissant l'ordre dans toutes les parties de l'administration.
Déclarons donc, Messieurs, déclarons inviola-blement que nous ne souffrirons pas qu'une semblable entreprise échoue. Convenons que nous allons nous livrer d'abord à toute l'ardeur que l'amour de la patrie va sans doute inspirer. Et, lorsque l'effet en sera connu, décrétons qu'un gage particulier sera sur-le-champ attribué à un emprunt de toute la somme qui pourrait encore être nécessaire; que ce gage sera en biens-fonds; et ne doutons pas que le clergé ne s'empresse de vous offrir une valeur foncière de 5, 10, 12, plus encore s'il le faut, pour consommer à l'instant l'opération salutaire qui achèvera la libération de la France.
Quant à la circulation si nécessaire à rétablir, Messieurs, nous avons pensé qu'elle ne peut revivre que par la confiance, mais que la confiance seule la fera bientôt revivre.
Le patriotisme déterminera sans doute les bons citoyens à porter à la Monnaie leur vaisselle et leurs bijoux d'or et d'argent. L'exemple du Souverain les y engagera ; la circonstance où nous sommes leur en fera la loi ; et nous croirions blesser le sentiment pur qui doit les animer, en leur offrant un faible encouragement qui ne compenserait pas le sacrifice de leur jouissance. S'il en était cependant parmi eux à qui il ne fût pas libre de suivre les mouvements de leur cur, et qui fussent obligés de calculer des intérêts pécuniaires, nous pensons que les propositions du premier ministre des finances sont justes et leur sont assez favorables.
Mais cette ressource ne peut pas suffire aux besoins du moment. Le ministre croit nécessaire encore d'user du secours que peuvent lui procurer les billets de la Caisse d'escompte. M. Necker mérite à trop d'égards notre confiance, pour que nous hésitions à la lui donner encore sur ce point délicat. D'ailleurs le numéraire que la vaisselle va lui fournir, les dons des citoyens, tout lui procurera bientôt la facilité de rendre aux effets de cette caisse, le crédit qu'ils n'auraient jamais dû perdre. M. Necker vous parle avec éloge de ses administrateurs, il vous invite à les entendre ; rien ne paraît plus juste que d'entendre les chefs d'un établissement si important. Le comité des finances ne s'est point permis encore de discuter le projet d'une banque nationale. Si vous le lui ordonnez, il se livrera à ce travail avec le zèle qu'il doit à un si grand intérêt, et à la confiance dont vous daignerez l'honorer.
Permettez-nous, Messieurs, en achevant la tâche que vous nous aviez imposée, permettez-nous d'arrêter un instant des regards satisfaits sur le beau mouvement qu'un seul élan de patriotisme peut imprimer à ce beau royaume. C'est aux représentants de la nation qu'il appartient d'en donner le signal ; et bientôt il sera démontré encore une fois, il le sera plus que jamais, que le calcul ne peut atteindre, en France, aux effets du sentiment, et qu'un peuple libre ne connaît point d'obstacles dont l'amour de la patrie ne le fasse aisément triompher.
Messieurs, je voudrais être riche pour offrir davantage à l'Etat; le peu que j'ai, il peut le prendre; mais il faut que je sois avare du bien de mes commettants. Est-il ici question d'une générosité? alors je dirai qu'elle ne reçoit de loi de qui que ce soit; que la charité ne se prend point d'assaut. S'agit-il ici de voter un impôt? je dirai que l'on ne proposa jamais de le faire par acclamation ; qu'il n'y a que la conviction la plus intime de la nécessité de l'État et de l'impossibilité de le sauver sans cela, qui puisse le déterminer ; et heureusement nous n'en sommes pas encore à cette cruelle extrémité, et j'ose dire, au nom de Ja patrie, de la province que j'habite, que je désavoue et même proteste contre tout ce qui pourrait être fait au mépris et à la violation de la liberté des opinions, et contre les formes de toute Assemblée bien et légalement organisée.
Messieurs, demander des détails sur des objets de détail, c'est s'éloigner de la question. Il y a déjà trois jours que le ministre des finances vous a peint les dan-
gers qui nous environnent, avec l'énergie que réclame une situation presque désespérée ; il vous demande les secours les plus urgents; il vous indique des moyens; il vous presse de les accepter.
Votre comité des finances vient de nous soumettre un rapport parfaitement conforme à l'avis du ministre; c'est sur cet avis et sur ce rapport qu'il s'agit de délibérer.
Mais telle est ici la fatalité de nos circonstances. Nous avons d'autant moins le temps et les moyens nécessaires pour délibérer, que la résolution à prendre est plus décisive et plus importante. Les revenus de l'Etat sont anéantis, le Trésor est vide, la force publique est sans ressort; etc'estdemain, c'est aujourd'hui, c'est à cet instant même que l'on a besoin de votre intervention.
Dans de telles circonstances, Messieurs, il me paraît impossible, soit d'offrir un plan au premier ministre des finances, soit d'examiner celui qu'il nous propose.
Offrir un plan n'est pas notre mission, et nous n'avons pas une seule des connaissances préliminaires, indispensables pour essayer de se former un ensemble des besoins de l'Etat et de ses ressources.
Examiner le projet du premier ministre des finances, c'est une entreprise tout à fait impraticable. La seule vérification de ses chiffres consumerait des mois entiers; et si les objections qu'on
Eourrait lui faire ne portent que sur des données ypothétiques, les seules que la nature de notre gouvernement nous ait permis jusqu'ici de nous procurer, n'aurait-on pas mauvaise grâce de trop presser des objections de cette nature dans des moments si pressés et si critiques?
11 n'est pas de votre sagesse, Messieurs, de vous rendre responsables de l'événement, soit en vous refusant à des moyens que vous n'avez pas le loisir d'examiner, soit en leur en substituant que vous n'avez pas celui de combiner et de réfléchir. La confiance sans bornes, que la nation a montrée dans tous les temps au ministre des finances que ses acclamations ont rappelé, vous autorise suffisamment, ce me semble, à lui en montrer une illimitée dans les circonstances. Acceptezjses propositions sans les garantir, puisque vous n'avez
Sas le temps de les juger, acceptez-les de confiance ans le ministre, et croyez qu'en lui déférant cette espèce de dictature provisoire vous remplissez vos devoirs de citoyen et de représentants de la nation.
M. Necker réussira, et nous bénirons ses succès, que nous aurons d'autant mieux préparés, que notre déférence aura été plus entière et notre confiance plus docile. Que si, ce qu'à Dieu ne plaise! le premier ministre des finances échouait dans sa pénible entreprise, le vaisseau public recevrait sans doute une grande secousse sur l'écueil où son pilote chéri l'aurait laissé toucher ; mais ce heurtement ne nous découragerait pas ; vous seriez là, Messieurs, votre crédit serait intact, la chose publique resterait tout entière....
Acceptons de plus heureux présages ; décrétons les propositions du premier ministre des finances, et croyons que son génie, aidé des ressources naturelles du plus beau royaume du monde et du zèle fervent d'une Assemblée qui a donné et qui donne encore de si beaux exemples, saura se montrer au niveau de nos besoins et de nos circonstances.
Après ce discours, M. le comte de Mirabeau reprend sa place.
L'Assemblée témoigne son approbation par un mouvement d'enthousiasme unanime.
demande qu'on aille aux voix dans la forme ordinaire et propose la rédaction suivante :
« L'Assemblée nationale, vu l'urgence des circonstances, décrète un secours extraordinaire du quart des revenus de chaque citoyen pour 1790, et renvoie pour le mode au pouvoir exécutif. »
L'Assemblée allait voter par acclamation lorsque M. de Mirabeau redemande la parole,
En énonçant mon avis, je n'ai point entendu, Messieurs, rédiger ma proposition en décret. Un décret d'une importance aussi majeure ne peut être imaginé et rédigé au milieu du tumulte. J'observe que le décret, tel qu'il vient de vous être proposé, ne peut être le mien, et je désapprouve la sécheresse de ces mots : Renvoie pour le mode au pouvoir exécutif.
Encore une fois, Messieurs, la confiance illimitée de la nation dans le ministre des finances justifiera la vôtre; mais il n'en faut pas moins que l'émanation du décret que vous avez à porter soit expressément provoquée par le ministre. Je vois encore un nouvel inconvénient dans la rédaction du décret : il faut bien se garder de laisser croire au peuple que la perception et l'emploi de la charge que vous allez consentir ne sera ni sûre, ni administrée par ses représentants.
En demandant, Messieurs, que votre délibération soit prise sans aucun délai, je demande aussi que la rédaction du décret soit mûrement réfléchie, et je me retirerai de l'Assemblée pour me livrer à ce travail, si vous me l'ordonnez.
De toute part on invite l'orateur à se retirer.
M. de Mirabeau se rend au désir de l'Assemblée et sort de la salle des séances.
La délibération continue et il est fait diverses motions.
(1). Messieurs, la justice doit passer avant l'enthousiasme. Le premier ministre des finances nous a proposé l'imposition du quart du revenu net de chaque citoyen ; personne ne doute moins que moi de ses lumières et de ce que peut faire le Français ; mais nous avons souvent remarqué que les efforts héroïques ne sont jamais que le produit delà confiance. S'il est une nation qui, dans la paix et dans la guerre, soit tout par la confiance et rien sans elle, c'est assurément la nôtre
Quelle sera la détermination de nos commettants lorsque, sans préjudice des impôts futurs, ils se verront demander le quart de leur revenu, lorsque le peuple qui ne calcule point, s'était imprudemment flatté d'une diminution dans ses charges? Lorsque l'on apprendra que sur 20 millions de pensions faites par la cour, au lieu d'en supprimer 15 sur 20, il n'en sera supprimé que 5? lorsqu'on ne verra pas la haute finance supprimée et tous les frais immenses de régie? le Français fera ce sacrifice et bien d'autres pour sa patrie ; mais il voudra être assuré que sa patrie sera bonne, qu'elle ne sera plus la patrie des plus insolents abus.
11 s'en faut bien, Messieurs, que ce quart de revenu, fût-il accordé,n'amenât pas
lesplusgrands retards dans le payement; il sera peut-être impossible; ceux qui
connaissent les provinces vous diront combien l'argent y est rare; que le cuiti-
11 faut des moyens prompts, des moyens possibles; nous rougirions devant ceux qui nous ont honorés de leur confiance, si, avant de leur demander des devoirs nécessaires, nous ne frappions pas sur des richesses immenses., des richesses mortes, des richesses dont le remplacement se fera presque sans aucuns frais. Ces richesses sont ¦ l'argenterie de toutes les églises ou monastères de France; de ces richesses qui en mériteront véritablement le nom si elles sont employées à épargner l'obole du pauvre et à solder notre liberté.
Un habile calculateur fait monter l'argent or-févré du royaume à un milliard, ce qui est assurément le calcul le plus modéré; évaluons que l'argenterie des églises compose seulement le septième de cette somme et je crois encore ne pas 1 exagérer, voilàune somme déplus de 140 millions; il n'est pas besoin de vous faire sentir l'avantage d'une pareille somme dans un pareil moment.
Ce n'est pas devant une Assemblée aussi éclairée qu'il est besoin d'exercer une pareille émotion; si un conseil honteux pouvait sauver la nation française, je dirais, il lui appartient dépérir, mais notre respect pour l'Etre suprême ne sera point douteux. Son luxe est dans la magnificence de la nature qu'il a ordonnée pour nos besoins et non dans les présents mesquins de la vanité des hommes.
, archevêque de Paris, demande la parole et dit :
Messieurs, nous avons vu l'Eglise consentir au dépouillement des temples pour secourir les pauvres et pour subveuir aux besoins de l'Etat; ces exemples que nous offre l'histoire nous détermi-; lient, au moins c'est le vu de tous les confrères qui m'environnent, de soutenir l'Etat parla portion de l'argenterie qui n'est pas nécessaire à la décence du culte divin. Je propose de faire ce dépouillement de concert avec les officiers municipaux, les curés et les chapitres.
Messieurs, il faut un décret exprès de l'Assemblée nationale pour autoriser la veille de l'argenterie des églises. Les évêques et le clergé n'ont pas le droit d'en disposer parce qu'elle ne leur appartient pas.
fait une autre motion tendant à donner aux églises des reconnaissances du produit de la fonte de l'argenterie avec intérêt à 4 0/0 au profit des pauvres.
Divers membres demandent à aller aux voix sur la motion de M. le baron de Jessé.
D'autres membres demandent au contraire qu'on reprenne l'ordre du jour, c'est-à-dire l'examen du plan financier proposé par M. Necker.
L'Assemblée adopte cette dernière proposition.
Messieurs, je
m'élève contre l'impôt par quart et j'appuie la remarque qu'il est -permis de faire ses propres honneurs, mais non pas ceux de ses commettants.
Je conçois, que les ci-devant privilégiés, les capitalistes, les propriétaires, pourront supporter 1 impôt c|U6 vous voulez leur imposer; mais com-ment parviendrez-vous à le faire payer par cette classe indigente, attachée à la glèbe, qui attend de vous quelque secours, et à qui vous en promettiez? C'est ici que je réclame contre. La justice préside au calcul. L'enthousiasme, Messieurs, ne calcule jamais.
, l'aîné, député du Labour. Je déclare que ma province est la plus pauvre ; mais je connais le sentiment de nos compatriotes; il n'y en a aucun qui ne sacrifiât sa fortune à la patrie. Eh ! Messieurs, la pauvreté même sera généreuse 1
L'Assemblée revient ensuite à l'argenterie des églises.
, de concert avec M. l'archevêque de Paris, offre l'arrêté suivant:
« L'Assemblée nationale, sur l'offre faite par MM. du clergé, par l'organe de M. l'archevêque de Paris, a arrêté qu'il sera incessamment, par les archevêques, évêques, curés, chefs de maisons, supérieurs, etc., dressé, conjointement avec les municipalités, un état de l'argenterie des églises qui est nécessaire pour la décence du culte divin, et que l'excédant sera porté dans les monnaies du royaume pour les besoins de l'Etat. »
On propose des amendements à ce projet. D'abord, on veut ajouter après églises, les mots de fabriques et confréries. On veut de plus fixer ce qui est nécessaire.
On fait encore d'autres observations, et, pour la seconde fois, on abandonne ce projet pour retourner à la discussion entamée sur le plan financier de M. Necker.
rentre en ce moment dans la salle et donne lecture du projet de décret qu'il vient de rédiger:
« L'Assemblée nationale, délibérant sur le discours lu par le premier ministre des finances, à la séance du 24 septembre, après avoir entendu les observations du comité des finances, frappée de l'urgence des besoins de l'Etat et de l'impossibilité d'y pourvoir assez promptement par un examen approfondi et détaillé des propositions contenus dans ce discours; considérant que la confiance sans bornes que la nation entière a témoignée à ce ministre autorise l'Assemblée et lui impose, en quelque sorte, l'obligation de s'abandonner à ses lumières, a arrêté et décrété d'adopter textuellement les propositions du premier ministre, relatives aux mesures à prendre actuellement pour subvenir aux besoins instants du Trésor public, pour atteindre au moment où l'équilibre entre les revenus et les dépenses fixes pourra être sûrement établi.
« Autorise en conséquence le premier ministre des finances à lui soumettre les projets d'ordonnances nécessaires à l'exécution de ces mesures, pour recevoir l'approbation de l'Assemblée, et être de suite présentés à la sanction royale. »
(Cet arrêté essuie beaucoup de contradictions; l'un propose des amendements, l'autre rejette la rédaction et en adopte l'esprit.)
s'écrie que M. de Mirabeau poignarde le plan de M. Necker.
prétend qu'il ne
faut ni faire l'éloge de M. Necker, ni le censurer; que ni l'un ni l'autre ne conviennent à ia dignité de l'Assemblée. Il s'étonne surtout que ce soit M. de Mirabeau qui ait fait cet éloge. Il dit qu'il suffit qu'après avoir copié mot pour mot les propositions de M. Necker, on les transforme en lois, on les décrète purement et simplement.
Cette forme d'arrêté, ironiquement proposée, obtient néanmoins quelques applaudissements.
trouvé la rédac" tion trop sèche.
Cette censure force M. le comte de Mirabeau a reprendre la parole pour défendre l'arrêté qu'il vient de proposer^
Il me. semble que j'ai rarement été inculpé de flagornerie. Lorsque, dans l'arrêté dont l'Assemblée m'a chargé de lui présenter le projet, j'ai rappelé la confiance sans bornes que la nation a montrée au premier ministre des finances, c'est un fait que j'ai raconte, ce n'est pas un éloge que j'ai donné. Je me suis rigoureusement conformé à l'esprit de la décision que l'Assemblée nationale paraissait adopter, je veux dire l'acceptation de confiance d'un plan que les circonstances ne nous laissaient pas le loisir d'examiner, et la déclaration que cette confiance dans le ministre nous paraissait autorisée par celle que lui avaient montrée nos commettants.
Lorsque je me suis retiré pour préparer ce que l'Assemblée avait bien voulu me charger de rédiger, on a beaucoup dit que j'allais rapporter de Véloquence, etnon un décret. Lorsque je reviens, on accuse mon projet de décret de sécheresse, d'aridité, de malveillance. Les amis du ministre insinuent que je veux le compromettre en sauvant de toute responsabilité, dans une occasion si délicate, l'Assemblée nationale. D'un autre côté, on semble croire que je veux faire manquer les mesures du gouvernement, en spécifiant dans le décret de l'Assemblée qu'elle accepte le plan du ministre, de confiance en l'homme, et sans discuter son projet.
La vérité ne se trouve jamais qu'au milieu des assertions exagérées; mais s'il est difficile de répondre à des imputations contradictoires, il me sera très-facile de mettre à leur aise ceux qui font de grands efforts pour tâcher de me deviner.
Je n'ai point l'honneur d'être l'ami du premier ministre des finances; mais je serais son ami le plus tendre que, citoyen avant tout, et représentant de la nation, je n'hésiterais pas un instant à lecompromettre plu tôt que l'Assemblée nationale. Ainsi l'on m'a deviné, ou plutôt on m'a entendu; car je n'ai jamais prétendu me cacher. Je ne crois pas, en effet, que le crédit de l'Assemblée nationale doive être mis en balance avec celui du premier ministre des finances; je ne crois pas que ie salut de la monarchie doive être attaché à la tête d'un mortel quelconque; je ne crois pas que le royaume fût en péril quand M. Necker se serait trompé; et je crois que le salut public serait très-compromis n une ressource vraiment nationale avait avorté, si l'Assemblée avait perdu son crédit et manqué une opération décisive.
Il faut donc, à mon avis, que nous autorisions une mesure profondément nécessaire, à laquelle nous n'avons, quant à présent, rien à substituer; il ne faut pas que nous l'épousions, que nous en fassions notre uvre propre, quand nous n'avons pas le temps de la juger. .
Mais de ce qu'il me paraîtrait profondement
impolitique de nous rendre les garants des succès de M. Necker, il ne s'ensuit pas qu'il ne faille, à mon sens, seconder son projet de toutes nos forces, et tâcher de lui rallier tous les esprits et tous les coeurs.
Personne n'a le droit de me demander ce que je pense individuellement d'un plan sur lequel mon avis est que nous né devons pas nous .permettre de discussion. Cependant, afin d'éviter toute ambiguité et de déjouer toutes les insinuations qui ne tendent qu'à aiguiser ici les méfiances, je déclare que j'opposerais à ce plan de grandes objections, s'il s'agissait de le juger.
Je crois que, dans les circonstances infiniment critiques qui nous enveloppent, il fallait créer un grand moyen saris la ressource du crédit ; qu'il fallait, en s'adressant au patriotisme, craindre ses réponses ; craindre surtout cet égoisme concentré, fruit de la longue habitude du despotisme ; cet égoïsme qui désire de grands sacrifices à la sûreté publique, pourvu quil n'y contribue pas ; qu'on devait redouter cette multitude d'incidents qui naissent chaque jour, et dont lés mauvais effets circulent dans le royaume longtemps après qu'ils ont pris fin autour de nous ; que les circonstances ne promettant pas un retour de confiance assez prochain pour en faire usage immédiatement, se servir dii crédit des ressources volontaires, c'était exposer de très-bonnes mesures à être usées quand les sujets d'alarmes ne subsisteront plus ; qu'en un mot, c'était d'une contribution forcée qu'il fallait attendre des succès. Et qu'on ne dise pas que ce genre de contribution était impossible ; car de deux choses l'Une : ou nous pouvons encore compter sur ia raison des peuples et sur une force publique suffisante pour effectuer une mesure nécessaire à leur salut, ou nous ne le pouvons plus. Dans le premier cas, si la contribution était sagement ordonnée, elle réussirait ; dans le second, peu nous importerait qu'elle échouât, car il serait prouvé que le mal serait à sa dernière période.
Mais cette opinion, comme toute autre, n'est pas une démonstration; je puis avoir tort, et je n'ai pas même le temps de m'assurer si j'ai tort ou raison. Forcé de choisir en un instant pour la patrie, je choisis le plan que de confiance pour son auteur elle préférerait elle-même, et je conseille à l'Assemblée nationale de prendre le parti qui me paraît devoir inspirer à la nation le plus de confiance sans compromettre ses véritables ressources.
Quant à la prétendue sécheresse du décret que je propose, j'ai cru jusqu'ici que la rédaction des arrêtés du Corps législatif ne devait avoir d'autre mérite que la concision et la clarté. J'ai cru qu'un arrêté de l'Assemblée nationale ne devait pas être un élan de rhéteur ou même d'orateur ; mais je suis loin de penser qu'il faille négliger en cette occasion les ressources de l'éloquence et de la sensibilité. Malheur à qui ne souhaite pas au premier ministre des finances tous les succès dont la France a un besoin si éminent! Malheur à qui pourrait mettre des opinions ou des préjugés en balance avec la patrie ! Malheur à qui n'abjurerait pas toute rancune, toute méfiance, toute haine sur l'autel du bien public ! Malheur à qui ne seconderait pas de toute son influence les propositions et les projets de l'homme que la nation elle-même semble avoir appelé à la dictature I Et vous, Messieurs, qui plus que tous autres avez et devez avoir la confiance des peuples, vous devez plus particulièrement sans doute au ministre des finances votre concours et vos recommandations patriotiques. Ecrivez une. adresse à vos com-
mettants, où vous leur montrerez ce qu'ils doivent à la chose publique, l'évidente nécessité de leurs secours et leur irrésisti ble efficace ; la superbe perspective de la France, l'ensemble de ses besoins, de ses ressources, de ses droits, de ses espérances ; ce que vous avez fait, ce qu'il vous reste à faire, et la certitude où vous êtes que tout est possible, que tout est facile à l'honneur, à l'enthousiasme français....
Composez, Messieurs, publiez cette adresse ; j'en fais la motion spéciale ; c'est, j'en suis sûr, un grand ressort, un grand mobile de succès pour le chef de vos finances. Mais, avant tout, donnez-lui des bases positives. Donnez-lui celles qu'il vous demande par une adhésion de confiance à ses propositions, et que par votre fait du moins il ne rencontre plus d'obstacles à ses plans de liquidation et de prospérité*
dont le discours peut se résumer dans ces deux mots que son érudition lui suggéra, timeo Danaos, propose d'adopter le plan de M. Necker, et de renvoyer la rédaction du décret au comité des finances.
Cette motion fait naître une espèce de lutte entre ces deux manières d'approuver le plan du ministre, pendant laquelle des opposants très-> animés se montrent à la tribune.
propose d'adopter, quant au fond, le projet d'arrété de M. de Mirabeau, mais d'en référer la rédaction au comité - des finances,
fait l'amendement suivant :
Vu l'urgence des circonstances, et ouï le rapport du comité des finances, l'Assemblée nationale accepte, de confiance, le projet présenté par le premier ministre des finances.
Cet amendement est adopté, quant au motif d'urgence, mais bientôt les motifs de confiance excitent de vives réclamations.
La séance se prolongeait, les têtes s'échauffaient, la voix des orateurs se confondait avec celle des interlocuteurs, et les opinions ne se présentaient plus que comme un vain son au milieu du tumulte.
Il était plus de cinq heures du soif.
Messieurs, au ^milieu de tant de débats tumultueux, ne pourrai-je donc pas ramener à la délibération du jour par un petit nombre de questions bien simples?
Daignez, Messieurs, daignez me répondre.
Le premier ministre des finances ne vous a-Ml ^as offert le tableau le plus effrayant de notre situation actuelle?
Ne vous a-t-il pas dit que tout délai aggravait le péril? Qu'un jour, qu'une heure, un instant pouvaient le rendre mortel ?
Avons-nous un plan à substituer à celui qu'il ?nous propose? (Oui! a crié quelqu'un dans l'Assemblée.) Je conjure celui qui répond oui, Uq considérer que son plan n'est pas connu, qu'il faut du temps pour le développer, l'examiner, Je démontrer ; que fût-il immédiatement soumis à notre délibération, son auteur à pu se tromper; flue fût-il exempt de toute erreur, on peut croire qu'il s'est trompé ; que quand tout le monde a tort, tout le monde a raison : qu'il se pourrait ''donc que l'auteur de cet autre projet même ayant raison, eût tort contre tout le monde, puisque sans l'assentiment de l'opinion publique le plus grand talent ne saurait triompher des
circonstances.... Et moi aussi je ne crois pas les moyens de M. Necker les meilleurs possibles, mais le ciel me préserve, dans une situation si critique, d'opposer les miens aux siens. Vainement je les tiendrais pour préférables ; on ne rivalise pas en un instant une popularité prodigieuse, conquise par des services éclatants, une longue expérience, la réputation du premier talent de financier connu ; et, s'il faut tout dire, des hasards, une destinée telle qu'elle n'échut en partage à aucun mortel.
Il faut donc en revenir au plan de M. Necker.
Mais avons-nous le temps de l'examiner, de sonder ses bases, de vérifier ses calculs?... Non, non, mille fois non ! D'insignifiantes questions, des conjectures hasardées, des tâtonnements infidèles ; voilà tout ce qui, dans ce moment, est en notre pouvoir. Qu'allons-nous donc faire par le renvoi de la délibération? Manquer le moment décisif, acharner notre amour-propre à changer quelque chose à un ensemble que nous n'avons pas même conçu, et diminuer par notre intervention indiscrète l'influence d'un ministre dont le crédit financier est et doit être plus grand que le nôtre... Messieurs, certainement il n'y a là ni sagesse, ni prévoyance... Mais du moins y a-t-il de la bonne foi ?
Oh 1 si des déclarations moins solennelles ne garantissaient pas notre respect pour la foi publique, notre horreur pour l'infâme mot de banqueroute, j'oserais scruter les motifs secrets, et peut-être, hélas ! ignorés de nous-mêmes, qui nous font si imprudemment reculer au moment de proclamer l'acte d'un grand dévouement, certainement inefficace s'il n'est pas rapide et vraiment abandonné. Je dirais à ceux qui se familiarisent peut-être avec l'idée de manquer aux engagements publics, par la crainte de l'excès des sacrifices, par la terreur de l'impôt... Qu'est-ce donc que la banqueroute, si ce n'est le plus cruel, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts?... Mes amis, écoutez un mot : un seul mot.
Deux siècles de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est près de s'engloutir. Il faut le combler, ce gouffre effroyable. Eh bien ! voici la liste des propriétaires français. Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens ; mais choisissez ; car ne faut-il pas qu'un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple? Allons. Ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit. Ramenez l'ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans Je royaume. Frappez, immolez sans pitié ces tristes victimes, précipi-tez-les dans l'abîme; il va se refermer... Vous reculez d'horreur... Hommes inconséquents! hommes pusillanimes ! Eh ! ne Vôyez-vous donc pas qu'en décrétant la banqueroute, ou , ce qui est plus odieux encore, en la rendant inévitable sans la décréter, vous vous souillez d'un acte mille fois plus criminel, et, chose inconcevable ! gratuitement criminel; car enfin, cet horrible sacrifice ferait du moins disparaître le déficit. Mais croyez-vous, parce que vous n'aurez pas payé, que vous ne devrez plus rien? Croyez-vous que les milliers, les millions d'hommes qui perdront en un instant, par l'explosion terrible ou par ses contre-coups, tout ce qui faisait la consolation de leur vie, et peut-être leur unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime ? Contemplateurs stoï-ques des maux incalculables que cette catastrophe vomira sur la France ; impassibles égoïstes
qui pensez que ces convulsions du désespoir et de la misère passeront comme tant d'autres, et d'autant plus rapidement qu'elles seront plus violentes, êtes-vous bien sûrs que tant d'hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer les mets dont vous n'aurez voulu diminuer ni le nombre, ni la délicatesse?... Non, vous périrez, et dans la conflagration universelle que vous ne frémissez pas d'allumer, la perte de votre honneur ne sauvera pas une seule de vos détestables jouissances !
Voilà où nous marchons... J entends parler de patriotisme, d'élans du patriotisme, d'invocations du patriotisme. Ah ! ne prostituez pas ces mots de patrie et de patriotisme. Il est donc bien magnanime, l'effort de donner une portion de son revenu pour sauver tout ce qu'on possède! Eh ! Messieurs, ce n'est là que de la simple arithmétique, et celui qui hésitera ne peut désarmer l'indignation que parle mépris que doit inspirer sa stupidité. Oui, Messieurs, c'est la prudence la plus ordinaire, la sagesse la plus triviale, c'est votre inlérêt le plus grossier que j'invoque. Je ne vous dis plus comme autrefois : donnerez -vous les premiers aux nations le spectacle d'un peuple assemblé pour manquer à la foi publique? Je ne vous dis plus : eh ! quels titres avez-vous à la liberté, quels moyens vous resteront pour la maintenir, si dès votre premier pas vous surpassez les turpitudes des gouvernements les plus corrompus? si le besoin de votre concours et de votre surveillance n'est pas le garant de votre Constitution ?... Je vous dis : vous serez tous entraînés dans la ruine universelle; et les premiers intéressés au sacrifice que le gouvernement vous demande, c'est vous-mêmes.
Votez donc ce subside extraordinaire. Eh 1 puisse-t-il être suffisant! Votez-le, parce que, si vous avez des doutes sur les moyens (doutes vagues et non éclaircis), vous n'en avez pas sur sa nécessité et sur notre impuissance à le remplacer, immédiatement du moins. Votez- le, parce que les circonstances publiques ne souffrent aucun retard, et que nous serions comptables de tout délai. Gardez-vous de demander du temps, le malheur n'en accorde jamais... Eh ! Messieurs, à propos d'une ridicule motion du Palais-Royal, d'une risible insurrection qui n'eût jamais d'importance que dans les imaginations faibles ou les desseins pervers de quelques hommes de mauvaise foi, vous avez entendu naguère ces mots forcenés : Catiiina est aux portes de Rome, et l'on délibère! Et certes il n'y avait autour de nous ni Catiiina, ni périls, ni factions, ni Rome... Mais aujourd'hui la banqueroute, la hideuse banqueroute est là; elle menace de consumer vous, vos propriétés, votre honneur... et vous délibérez !
Nous n'essayerons pas de rendre l'impression que ce discours improvisé produisit sur l'Assemblée.
Des applaudissements presque convulsifs firent place à un décret très-simple, conçu en ces termes, qui passa après un appel nominaiif, commencé à cinq heures et demie et fini après sept heures.
« Vu l'urgence des circonstances, et ouï le rapport du comité des finances, l'Assemblée nationale accepte de. confiance le plan de M. le premier ministre des finances. »
prévient l'Assemblée que la réunion des bureaux aura lieu lundi matin à huit heures et demie pour y procéder à l'élection d'un président, cle trois secrétaires et de trois
trésoriers de la caisse patriotique et que de là on se rendra à l'Assemblée générale à neuf heures et demie.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. MOUNIER.
Séance du
La séance a été retardée jusqu'à onze heures par la nomination du président et de trois secrétaires.
, Président sortant, a annoncé que dans le scrutin poulie président M. Mounier avait réuni la pluralité 1 absolue des suffrages. Les voix se sont réparties de la façon suivante : M. Mounier, 365; M.Pétion de Villeneuve 143; M. Target 52.
Les secrétaires élus sont : MM. de Lafare, évêque de Nancy, Bureaux de Puzy et Faydel.
a dit ensuite : Je ne puis, Messieurs, que vous offrir^ l'hommage d'une reconnaissance toujours renaissante, et d'un zèle qui ne finira jamais.
propose de voter des remerciements sur la manière dont le Président sortant a rempli ses fonctions. L'Assemblée a accueilli cette motion par d'unanimes applaudissements.
, en prenant place au fauteuil,/, a dit :
Messieurs, celui qui m'a précédé dans le poste honorable que vous avez bien voulu me confier, m'inspire tout à la fois le désir de suivre ses traces, et la certitude de ne pouvoir le remplacer; je réclame donc votre indulgence, et j'espère l'obtenir en faveur de mou zèle.
Des députés de quelques jeunes citoyens employés dans les maisons de commerce de Paris, ayant apporté 6,209 livres à la caisse patriotique^ oh leur a permis de se présenter à la barre, et M. le président leur a dit :
L'Assemblée nationale reçoit votre offre patriotique; c'est un bel exemple digne d'être suivi., L'Assemblée vous permet d'assister à sa séance.
M. de Boulainvilliers, prévôt de Pans, ayant demandé la permission de présenter 26,000 livres, il a été introduit ; sur l'explication qu'H a donnée de la manière dont celte somme lui est parvenue dans le courant du mois de mai dernier, de la part d'un citoyen, qui, à cette époque, ne voulait pas être nommé, et d'une lettre subséquente du même citoyen, l'Assemblée a? reçu ce don avec d'autant plus d'éloges qu'il vient de M. Berthier, qui a déjà donné des sommes-considérables, et qui promet de consacrer ses jours au service du Roi et de la patrie, sans am cune espèce de récompense.
a dit : Vous voudrez bien vous charger d'instruire ce di^ne citoyen de 1^
satisfaction avec laquelle l'Assemblée a reçu cette preuve de patriotisme.
M. Chassey a remis 150 livres de la part d un ecclésiastique.
Le sieur Volland a abandonné jusqu'au 1er octobre 1790, 5 0/0 du produit de la vente des talïetas qu'il a fait fabriquer à l'instar de celui d'Angleterre.
M. Merlin, député de Douai, a offert une somme de 1,000 livres sur les 2,750 livres qui composent le montant des gages de son office de secrétaire du Roi.
Le sieur Rousseau, receveur des fermes du Roi, à Sèvres, a fait hommage de 100 livres, quinzième du revenu de sa place.
MM. les députes de la sénéchaussée de La Rochelle ont remis de la part de M. Baudin, négociant à Saint-Martin de l'île de Ré, une lettre de change de 2,400 livres.
M. Ganary, dessinateur des bâtiments du Roi, à Rambouillet, a fait hommage d'une médaille d'or qu'il a remportée à Home pourprix d'architecture. On a chargé M. le président d'écrire à M. Ganary une lettre qui, par les suffrages de l'Assemblée, put le dédommager du sacrifice de sa médaille : on a décidé en même temps que M. le président écrirait une lettre semblable à M. Gilbert, professeur de l'école vétérinaire, qui a donné cinq médailles obtenues dans des concours, pour prix de ses talents.
M. de Bauve, membre du collège de chirurgie de Paris, a remis une somme de 600 livres, pour son compte, et 24 livres pour une femme attachée à son service.
Madame la comtesse de Maurepas, qui avait envoyé à la Monnaie 243 marcs d'argenterie,a fait don "de cette argenterie, dont la valeur est consignée dans un bordereau signée du directeur de la monnaie de Paris.
O11 donne lecture delà lettre suivante des religieux de Saint-Martin-des-Champs, à Paris.
« Nosseigneurs, les religieux de Saint-Martin-des-Champs, instruits des besoins urgents de l'Etat, prient nosseigneurs les députés de l'Assemblée nationale d'accepter l'offre volontaire qu'ils font de tous leurs biens à la nation. Ils peuvent faire le même abandon, au nom de tout leur corps, avec la ferme confiance que tous les membres (un très-petit nombre excepté) y souscriront avec empressement. Les lettres qu'ils reçoivent chaque jour de leurs confrères des provinces les autorisent à manifester ces sentiments de patriotisme.
« L'ordre de Gluny,dont ils dépendent,est composé de 280 religieux dans trente-six maisons ; son revenu total est estimé 1,800,000 livres, dont la moitié appartient aux abbés et prieurs commandataires ; l'emplacement de ses trois maisons de Paris est évalué au moins 4 millions, qui joints aux produits des emplacements du reste de leurs maisons situées dans différentes provinces, peuvent faire à chaque individu une pension au-dessus de 1,500 livres. Get arrangement donnerait à l'Etat un revenu de 900,000 livres, et aux religieux la liberté, qu'ils auront le bonheur de partager avec tous les Français, et de consacrer à l'éducation de la jeunesse et au ministère des autels; et ont signé Dom J. Ducoin. Dom ttobin, Dom Lain-gault, Dom Barjon, Dom Baudot, Dom Poiral, Dom Perret, sous-prieur, et sénieur, Dom Des-martin, Dom Htlaire, Dom Meffre, maître des novices; Dom Sénéchal, Dom Mugues, ancien célé-rier de la maison ; Dom Etienne, Dom Bai lieu!,
Dom B. Adam, Dom de Saint-Martin, ex-prieur. »
L'Assemblée nationale accueille avec satisfaction cette preuve de patriotisme et ordonne l'impression et la distribution de la lettre des religieux de Saint-Martin-des-Ghamps.
Des soldats de la garde nationale soldée du district des Filles-Saint-Thomas de Paris, sont venus offrir 336 livres. Ils ont été introduits à Ja barre.
leur a dit : Il est beau de voir les défenseurs de la patrie venir à son secours non-seulement par leur courage, mais par des contributions pécuniaires.
a donné sa démission des fonctions dont il était chargé, comme membre du comité des linances.
Atin de consacrer les séances du matin au travail de la Constitution et des finances, on a statué que la lecture des adresses, des lettres et des détails sur les offrandes patriotiques, serait renvoyée aux séances du soir.
L'Assemblée a agréé un projet de monument à la gloire du Roi, offert par le sieur de Varenne, l'un des huissiers de l'Assemblée.
, curé de Corneillan, député de Condom, donne sa démission pour cause de santé.
, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi.
La rédaction soulève diverses réclamations.
lui représente qu'il n'est pas exact daus le récit, en disant que l'Assemblée nationale avait été impatiente d'aller aux voix; qu'il r.e faisait pas mention de l'adresse qu'il avait proposé de faire aux commettants, pour les instruire des motifs du dernier décret de l'Assemblée.
propose de renvoyer le procès-verbal au comité de rédaction.
Ces deux motions sont appuyées.
Cependant un membre ayant observé qu'il convenait plutôt de charger M. l'abbé d'Ëymar de représenter le procès-verbal demain à i'Assem-blée avec les corrections proposées, ce dernier parti est adopté.
l'aîné reprend la question élevée par M. de Mirabeau, de savoir si l'Assemblée nationale fera une adresse aux commettants pour les instruire des motifs du dernier décret.
Celte motion est vivement appuyée. M. le président la met aux voix, et l'adresse est décrétée.
Il reste une question secondaire à examiner.
M. Garat avait proposé de charger M. le comte de Mirabeau de la rédaction de cette adresse.
Un membre voulait que le comité des finances fut chargé de cet ouvrage.
fait cesser ce combat d'opinions, en déclarant que tout le monde pourra communiquer ses idées au comité de rédaction et que lui-même y portera les siennes.
(1) fait la motion
(1) L'Assemblée ayant jugé que les motifs de la mo-
suivante concernant Y organisation des municipalités du royaume (1). Messieurs , vous proposez de faire une adresse à nos commettants que chaque député accompagnera sans doute d'une lettre particulière; nous désirons tous le succès du plan que vous avez adopté pour le salut de l'empire ; permettez-moi quelques observations que je crois utiles.
Vous avez été effrayés de l'état qui vous a été présenté de vos finances, vous avez senti la nécessité pressante d'un secours extraordinaire ; vous avez adopté sans discussion le plan que M. le premier ministre des finances vous a proposé, ce plan que chaque député doit recommander à ses commettants.
Personne n'est plus que moi convaincu que ce ministre mérite la confiance de la nation par ses talents et sa probité ; j'ai toujours pensé que la circonstance, l'état du Trésor royal, nous faisaient un devoir de conserver dans sa personne, la seule apparence de crédit qui nous restait ; et je ne puis m'empêcher de répéter que nous devons regretter de l'avoir altérée à la première opération de finance qu'il vous a soumise.
Mais, Messieurs, nous ne devons pas compromettre légèrement et sans précaution la fortune de nos commettants, et nous mériterions tous les reproches qu'ils ne manqueraient pas de nous faire si nous nous laissions entraîner alternativement par des terreurs et par des mouvements d enthousiasme, qui nous éloignent également de leurs vrais intérêts.
Si j'avais obtenu la parole dans la séance du 26, en opinant pour accorder le secours demandé par M. le premier ministre, je vous aurais fait une observation préalable qu'il est encore temps de faire. C'est que si les secours et les dons que le patriotisme consacre au besoin de l'Etat ne peuvent être employés utilement, ils ne sont qu un moyen de perpétuer les abus en épuisant les fortunes particulières ; s'ils ne devaient avoir d autre effet que de remplir en partie, aux dépens des bons citoyens, le déficit dans les perceptions ordinaires, causé par les manuvres des mauvais, loin de les accorder nous aurions dû les refuser expressément.
Assurons-nous donc, avant tout, que les secours que nous sollicitons et les dons qu'on nous apporte pourront être et seront utilement employés pour le salut de la chose publique ; alors nous exciterons utilement la confiance et le dévouement de nos commettants.
Nulle inquiétude sur l'emploi qu'en voudront faire les ministres actuels; nul soupçon sur la oyauté de leurs intentions : d'ailleurs la loi qui les rend responsables doit bannir toute crainte à cet égard.
Mais en rendant les ministres responsables, la justice, la raison et l'intérêt de la chose publique, veulent que la nation leur donne la possibilité ? employer utilement les contributions dont elle leur confie l'emploi : or cette possibilité et ce bon emploi ne peuvent avoir lieu dans l'état d anarchie, de désordre et de dévastation où est le royaume.
D'ailleurs, Messieurs, vous comptez pour beaucoup les produits du patriotisme. Il
montre à la
Je pense donc que nous devons commencer par donner au pouvoir exécutif toute la force qui lui est nécessaire pour garantir la sûreté des personnes et des propriétés, unique but de toute association.
C'est le seul moyen d'exciter les efforts généreux, d'attacher les citoyens à la patrie, et d'arrêter les émigrations ruineuses, également désolantes, et pour ceux qui partent et pour ceux qui restent, dont M. le premier ministre vous a fait un tableau modéré, et que vous verrez se multiplier à l'infini si le même état de choses continue. Tous les citoyens amis de la paix qui pourront s'échapper (et de quel droit les arrêteriez-vous ?) iront dans les pays étrangers vivre à l'abri des proscriptions arbitraires, dont une vie irréprochable ne les garantit pas au sein de leur patrie : Ubi bene, ibi patria
Quand le pouvoir exécutif ne peut plus protéger le citoyen fidèle aux lois, toute société est rompue ; et alors tout sacrifice, tout impôt n'ayant plus d'objet, n'est qu'une exaction que l'Assemblée n'a pas le droit d'ordonner et qu'elle ordonnerait en vain.
Vous avez décrété dans la séance du 23 que le ouvoir exécutif suprême réside dans la main du oi; mais peut-il en faire usage tant que les corps qui le composent ne sont pas organisés ?
Le peuple des villes et des campagnes est divisé, et dans un état de guerre. Le gouvernement fait des dépenses excessives et inutiles. Dans quelques provinces, le peuple des villes met arbitrairement les laboureurs à contribution ; ailleurs la crainte de manquer de pain force le gouvernement, au moment même d'une bonne récolte, à payer une plus-value.
Cette dépense très-considérable a pu être nécessaire au soulagement du pauvre, dans un moment où les fortunes étant attaquées, les personnes cherchant la sûreté loin de la capitale, les étrangers cessant de visiter un pays sans police, les pauvres se sont multipliés et recrutés -j dans toutes les classes de salariés qui se sont trouvés sans emploi. Mais, Messieurs, les gens aisés des villes, les personnes les plus riches de la cour même, profitent de ce bas prix du pain, entretenu par le gouvernement avec un sacrifice de 50 millions, car Je prix est le même pour toutes les classes de citoyens. Et cepeudant les habitants des campagnes qui n'ont aucune part à cette munificence, payent la plus grande * partie de l'impôt qui doit en acquitter la dépense.
C'est à la mauvaise administration des municipalités qu'il faut attribuer la plus grande partie de ces désordres, qui nuiront infiniment au succès de la taxe patriotique et volontaire. Plusieurs municipalités font des actes du pouvoir judiciaire sans être autorisées par une délégation
du pouvoir exécutif; et quels actes..... Mâcon,
Vernon, etc.... Quel homme libre voudra rester exposé à un pareil arbitraire? n'est-ce pas la plus cruelle, la véritablement dangereuse aristocratie, que celle d'un corps qui a une apparence de légalité?
Rétablissez la sécurité dans les villes, et on reviendra les habiter : les ouvriers de toute
espèce retrouveront des salaires qui les mettront en état de payer le pain au prix naturel, et le gouvernement' ne sera plus embarrassé aussi dispendieusement d'un détail sans succès.
L'Assemblée a décrété que le pouvoir judiciaire ainsi que les autres pouvoirs émanent de la nation , d'où il résulte que les représentants de la nation sont responsables envers elle, que ce pouvoir, le plus essentiel au bonheur des peuples, le plus indispensablemerit nécessaire au maintien de toute société, soit organisé et puisse être exercé le plus tôt possible pour ramener la tranquillité, sans laquelle, il n'y a point de vraie liberté.
Je propose donc qu'il soit décrété avant tout :
1° Que l'Assemblée nationale s'occupera dès ce jour et sans interruption d'organiser les municipalités, pour les soumettre à l'ordre qu'elle jugera à propos de leur prescrire et rétablir la tranquillité dans les villes;
2° Qu'aussitôt après le travail des municipalités, elle s'occupera de constituer le service militaire et de prescrire la manière dont il doit seconder le pouvoir exécutif;
3° Que le Roi, dépositaire du pouvoir judiciaire, sera supplié d'ordonner sans délai et très-expressément à ses procureurs et officiers délégués dans tous les tribunaux, sous peine à eux de l répondre personnellement de leurs négligences, de poursuivre avec la plus exacte vigilance toutes les personnes qui ont troublé ou troubleront l'ordre public;
4° Enfin que l'Assemblée nationale déclare que le Roi est le chef de toutes les municipalités du royaume et de toutes les troupes nationales, comme faisant partie essentielle du pouvoir exécutif, dont l'Assemblée nationale l'a déclaré chef suprême par son décret du 23 septembre.
Ce dernier article mérite toute votre attention, étant un des plus essentiels à la liberté et à la sûreté publiques. C'est le vu du bailliage de Cotentin que j'ai l'honneur de représenter et qui gémit des troubles actuels. J'en fais la motion expresse, et je demande que l'Assemblée prononce sur-le-champ.
Lorsque ces objets seront décrétés, ce sera avec infiniment plus de confiance que nous enverrons , à nos commettants, et le décret du 26, et l'adresse que vous avez résolu d'y joindre.
, député d'Evreux, dit que l'Assemblée a déclaré , dans une de ses séances antérieures, que Vabolition des droits de franc-fief serait l'objet d'un décret particulier. Il demande que ce décret soit rendu dans la séance de ce jour et propose de le rédiger de la façon suivante :
« L'Assemblée nationale, instruite que malgré son arrêté qui a prononcé l'abolition du régime féodal, les préposés à la perception du franc-fief continuent et multiplent les contraintes et les poursuites contre ceux qui sont soumis à cette contribution, déclare que le franc-fief est supprimé dans tout le royaume ; défend, en consé-quence, toute poursuite ; abolit toute contrainte et procédure ; ordonne que le présent arrêté sera porté au Roi pour le supplier de le sanctionner. »
dit que le droit de franc-fief mérite le plus sérieux examen ; il en développe l'origine.
Le droit de franc-fief, dit-il, est un droit annuel ; mais la force et la violence ont obligé l'acquéreur à payer vingt années en une seule,
et si l'acquéreur ne possède que pendant trois ans, on ne lui restitue pas les dix-sept années suivantes. Il y aura bien des difficultés à prévoir. Votre arrêté du 4 août supprime les fiefs ; il supprime également le franc-fief; cependant il se trouvera, je suppose, un acquéreur qui aura acquis le 3 août : le receveur du domaine le forcera de payer, ce qui est une injustice criminelle, puisqu'il n'a pas joui, et qu'on le fait payer comme s'il avait joui vingt ans. Je pense donc qu'il faut renvoyer au comité féodal la rédaction de cet arrêté.
propose l'abolition pure et simple des droits de franc-fief et en même temps l'extinction absolue des poursuites et des procès à raison de cette taxe désastreuse,
demande la suppression des intendants de province , comme inutiles, par suite de l'abolition du droit de franc^-fief.
distingue les lois relatives à l'impôt de celles qui règlent les droits des citoyens. Les premières peuvent se reporter vers le passé ; les autres n'ont jamais d'effet rétroactif et la nation peut déclarer que le droit de franc-fief est aboli à partir de tel jour. Quoique le décret du 4 août ne soit pas promulgué, il est encore temps d'arrêter une injustice pour les acquisitions faites depuis cette époque.
fait sentir combien ce droit, écrasant pur les 10 sous pour livre et par les extensions arbitraires, devient encore plus dévorant par les procès multiples auxquels il donne lieu.
Les commis préposés à la perception du franc-fief attaquent différents particuliers, soit pour un demi-arpent, soit même pour un quartier; l'assignation est donnée devant l'intendant, sauf l'appel au conseil. Or, il y a une foule immense de questions de ce genre portées au conseil. 11 faudrait donc déclarer toutes les procédures commencées à cet égard nulles, ejt défendre de leur donner suite.
C'est ici que l'on a le droit de se plaindre de ces légions de commis qui infestaient les campagnes, de ces sangsues des peuples, les intendants nés du despotisme; de la justice du conseil, qui peut-être jamais n'a rendu un seul jugement exempt de tout reproche. Tous les suppôts de l'aristocratie avaient formé une conjuration pour faire .juger qu'il n'y avait en France aucune terre roturière, et forcer le pauvre paysan, seigneur d'un fief de vingt perches, à payer Je droit de franc-fief. Ces exemples de l'injustice des intendants tourmentaient surtout les cultivateurs dans la Picardie, dans la Bretagne et dans toutes les provinces de coutume.
, député de Touraine demande l'ajournement.
L'ajournement est rejeté.
propose de fermer la discussion, ce qui est adopté.
prend les voix dans la forme ordinaire et il est décrété :
« Que conformément aux décrets du 4 août, les droits de franc-fief sont abolis. »
L'Assemblée consultée ensuite par M. le président décrète l'abolition des droits de franc-fief ouverts, et la cessation de toutes recherches et poursuites sur cet objet.
La discussion concernant l'argenterie des églises est renvoyée à la séance du soir.
Des députés de la municipalité et de la garde nationale de Versailles paraissent à la barre. Après avoir présenté leurs hommages à l'Assemblée, ils l'invitent à assister demain, par une dé-pu talion, à la bénédiction des drapeaux de la milice bourgeoise.
leur dit que l'Assemblée nationale est sensible à cette invitation.
La séance est levée après avoir été indiquée pour six heures du soir.
Séance du lundi 28 septembre 1789, au soir.
On a donné la notice des adresses de félicita-tion, de remerciaient et d'adhésion d'un comité d'association de plusieurs citoyens des villes de Domme, Belvès,Montpazier, Villefranche, Molières, Montignac, Terrasson, Saint-Cyprien, Beaumont etBiron en Périgord, de la villede Lignières en Touraine,de celle de Gorron en Bretagne, de c lie de Nozeroy, en Franche-Comté, de celle de Lusi-nan, en Poitou, de Gannat en Bourbonnais, de nâteau-Porcien en Champagne , de la ville des Charolles, et du bourg de Bumigny en Champagne.
On a rendu compte ensuite d'une lettre de M. Delley d'Agier, député suppléant du Dauphiné, maire de la ville de Bomans, par laquelle il annonce une somme d'argent provenant d'une soumission patriotique, ouverte par plusieurs citoyens de la ville de Bomans, et du bourg du péage de Pisancon ; d'une délibération de la communauté de La Pommeraye,qui indique les moyens d'assurer le payement de toutes les impositions actuelles ; d'une autre adresse du même genre du corps de ville de La Bochelle, où se trouve le procès-verbal du serment prêté par le commandant de la province, l'état-major de la place, les officiers du corps royal d'artillerie et du génie, et les officiers et soldats du régiment de la Sarre.
, curé de la ville de Roanne en Forez, voulant concourir à l'acquittement des dettes de l'Etat, a offert son litre clérical, dont le capital de 2,5 0 livres, ne donne pourtant qu'une rente de 100 livres en viager.
, député du Bazadais, a instruit l'Assemblée que l'état de sa santé l'obligeait à cesser ses fonctions.
On a donné connaissance des dons patriotiques suivants :
M. l'abbé Castan de la Courtade, professeur au collège royal de Béziers, a envoyé trois Heurs d'argent que l'académie des jeux floraux lui a adjugées comme prix de poésie.
Le sieur Guilhote Dupont a fait remettre une quittance de 30 livres, 16 sous, pour les arrérages d'une rente viagère sur l'hôtel-de-ville.
M. Retz, l'un des médecins ordinaires du Roi, a proposé de livrer au profil du Trésor public deux chevaux de la valeur de 1,000 livres.
Les sieurs Aubrelicque, receveur général des aides, et Boquet de Liancourt, avocat du Roi, à Soissons, ont envoyé, de cette ville, deux reçus
du sieur Gravin changeur, l'un de 600 livres 6 sous 3 deniers, et l'autre de 642 livres 18 sous 9 deniers, valeur de diverses pièces d'argenterie remises au changeur qu'on vient de nommer.
Un membre de l'Assemblée a fait hommage, de la part de deux surs de l'hôpital de la Salpê-trière de Paris, de deux gobelets, deux couverts et une paire de boucles de souliers en argent, d'une croix d'or avec son agrafe, et de boucles d'oreilli-s en or.
Le sieur Barberet a fait parvenir une soumission, par laquelle il s'engage à payer 300 livres, à la fin d'octobre.
M. Charles-Henri Groux, avocat en Parlement, a donné le contrat d'une tontine viagère, de 30 livres de rente.
Un membre de l'Assemblée qui ne veut pas être connu, s'est engagé, d'après le décret de samedi, à payer, pour lequartdeson revenu, une somme de 5."600 livres.
Des personnes attachées à M. le comte de Cril-lon ont envoyé un billet de caisse de 200 livres.
M. Filleau, lieutenant du premier chirurgien du Boi, à Etampes, a offert pour trois années, et plus s'il est besoin, 150 livres de rente qu'on lui a payées jusqu'ici sur les aides et gabelles.
, député du bailliage d'Aval, et membre delà confrérie noble deSainl-Georges, content du beau titre de citoyen, a fait hommage à l'Assemblée d'un Saint-Georges en or, signe distinctif de cette confrérie.
La multiplicité des dons patriotiques entraînant des détails qui nuisaient, à quelques égards, aux importants travaux de l'Assemblée, on a cherché les moyens de ménager un temps précieux, et d'assurer à ces généreux sacrifices la publicité et la reconnaissance qu'ils méritent : les voix ayant été prises dans la forme ordinaire, sur une motion relative à cet objet, on a pris l'arrêté suivant :
L'un des trésoriers sera, pendant les séances, à une table, auprès de la barre, pour y enregistrer de sa main, sur le registre des dons patriotiques, chacun des objets qui seront apportés.
« Deux copii s des articles enregistrés seront faites aussitôt après la séance; l'une sera portée à l'impression, et l'autre sera remise à celui de MM. les secrétaires qui se trouvera chargé du pro cès-verbal : on lira le registre à la séance du soir, qui suivra la réception des effets.
« Le registre sera émargé par les deux autres trésoriers, jour par jour, et à mesure que les effets seront remis dans la caisse.
« La feuille des dépenses auxquelles on aura employé le prix des effets donnés, sera rendue publique, de la même manière que le feuillet du registre des recettes. »
Une note remise aux différents bureaux ayant évalué à une somme très-considérable l'impression de l'état de toutes les pensions, décrétée dans une des séances antérieures, un des membres a fait part de la soumission d'une compagnie qui, pour imprimer cet état, ne demandait que le privilège exclusif de la vente. On a discuté cette proposition; mais le sieur Baudouin, imprimeur de l'Assemblée, ayant déclaré aussi qu'il imprimerait l'état de toutes les pensions, sans qu'il en coûlât rien au Trésor public, on a invoqué la question préalable sur la proposition de la ( ompagnie et il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.
L'ordre du jour appelle la délibération sur les persécutions dont se plaignent les juifs d'Alsace.
(1). Il y a longtemps, Messieurs, que les juii's domiciliés.....si toutefois on peut appeler domiciliés des hommes qui ne sont pas citoyens, qui ne joui:-sent pas meme des droits de l'homme, et qui, tantôt soufferts, tantôt persécutés, n'ont qu'une existence et une habitation précaires ; il y a longtemps, dis-je, que les juifs d'Alsace, de Lorraine et des évêcliés attendent le moment où vos occupations importantes vous permettront de les entendre. Ce moment n'est pas encore arrivé. Je n'anticiperai pas sur le développement des vérités que leur défenseur vous présentera. Il était réservé à ce siècle de tolérance et de raison devoir un respectable ministre des autels (2) élever sa voix dans cette tribune en faveur des malheureux restes d'Israël ; je n'usurperai pas l'uvre sainte qu'il s'est réservée, je ne plaiderai pas cette cause dans laquelle on ne voit pas d'objections à combattre, dans laquelle on n'a que l'embarras du choix pour les vérités à établir, et qui se réduit en un mot à prouver qu'il suffit d'être homme et d'être homme civilisé pour jouir du droit de citoyen. Mais, Messieurs, ce qu'il ne m'est pas permis de différer c'est la demande positive de votre protection pour les juifs. Les plus grands dangers les environnent, la haine du peuple les poursuit; cette haine, ils l'ont méritée. Tel est l'effet de l'oppression et rie l'opprobre: l'homme opprimé devient injuste, et l'homme avili devient vil. Le peuple ne peut suivre la série des vérités ; sa vue s'arrête à ce qui la blesse : il ne s'informe pas si l'homme dont il est la victime n'est pas lui-même victime des autres hommes et si la cause immédiate de ses maux n'est pas elle-même l'effet d'une autre cause, d'une cause éloignée et non moins impérieuse. Mais vous, Messieurs, dont la sagesse et la prudence ne méconnaîtront pas la véritable source des lorts que l'on impute aux juifs, vous ne voudrez pas qu'ils périssent pour avoir ressenti les effets du régime oppresseur sous lequel ils ont vécu parmi nous ; vous ne voudrez pas que le decret que vous prononcerez en leur faveur, qui devait en faire des citoyens, n'ai plus qu'à consoler leur mémoire. Déjà leurs maisons ont été pillées, leurs personnes exposées aux outrages et aux violences. La fête des expiations qui s'approche, en les réunissant dans leurs synagogues, les offre sans défense à la haine populaire, et le lieu de leurs prières peut devenir celui de leur mort.
Je demande que M. le président soit autorisé à mander aux municipalités et aux officiers publics de la province d'Alsace que l'Assemblée nationale met la personne et les biens des juifs sous la protection de la loi, et je désire qu'il soit enfin reconnu qu'un homme, quand même il ne serait pas citoyen, ne doit pas être impunément égorgé.
appuie cette demande avec son énergie ordinaire, en ajoutant qu'il fallait engager le pouvoir exécutif à employer toute sa force pour empêcher les horreurs dont on menaçait les juifs.
L'Assemblée charge M. le président d'écrire aux officiers publics de l'Alsace, que
les juifs sontsous la sauvegarde de la loi et de réclamer du Roi la protection dont
ils ont besoin.
Plusieurs membres du clergé demandent la question préalable.
D'autres proposent l'ajournement.
On a pris les voix pour savoir à laquelle de ces deux propositions incidentes on accorderait la priorité, et la priorité a été donnée à la question préalable ; mais l'heure étant très-avancée, et plusieurs personnes observant que l'Assemblée ne contenait peut-être pas alors deux cents membres, la question principale et les questions accessoires sont demeurées dans l'état qu'on vient d'indiquer.
a levé la séance qu'il a indiquée pour demain à l'heure ordinaire.
PRÉSIDENCE DE M. MOUNIER.
Séance du
ouvre la séance en annonçant que désormais les séances ouvriront régulièrement à 9 heures du matin.
donne lecture du proces-verbal du 26 dont la rédaction avait été discutée hier. Il est adopté après quelques nouvelles observations.
fait lecture du procès-verbal du 28 septembre.
, évêque de Clermont, demande la suppression de la phrase relative à l'offre des religieux de Saint-Martin-des-Ghamps, ainsi conçue: « L'Assemblée a accueilli avec satisfaction cette « preuve de patriotisme. ;> M. de Bonnal observe que les religieux ne sont que des usufruitiers, que les biens ne leur appartiennent pas et que d'ailleurs il y a des formes établies par la loi qui doivent être suivies dans de pareilles circonstances.
reconnaît la justesse de cette observation.
Un membre demande acte de la déclaration de l'évèque portant que si l'usufruit appartient aux religieux, la propriété appartient à la nation.
On relit Je passage du procès-verbal qui porte que l'Assemblée a accueilli avec satisfaction l'acte de patriotisme des religieux de Saint-Martin.
, évêque de Nancy,observe que ce n'est pas là un acte de patriotisme.
dit que des applaudissements parsemés dans la salle nesout pas un témoignage certain de satisfaction.
ap-
s'élève aussi contre le mot satisfaction. Il prétend que Saint-Martin-des-Champs, en offrant les biens de son ordre, ressemble à un homme qui offrirait les maisons de son voisin.
craint que les expressions vagues du procès-verbal ne préjugent la grande question de la propriété des biens ecclésiastiques.
On demande à aller aux voix sur le procès-verbal.
pose ainsi la question : « re-tranchera-t-on la phrase du procès-verbal? »
Une première épreuve est douteuse.
se plaint du tumulte de cette discussion. Messieurs, dit-il, tant que vous agiterez ainsi une question de cette nature, vous ne parviendrez jamais à votre but; elle doit se discuter franchement, et il est temps de cesser de la couvrir du voile mystérieux dont elle a toujours été enveloppée jusqu'ici. Il faut d'abord discuter la grande question de savoir à qui appartiennent les biens du clergé; il sera ensuite facile de discuter les droits des usufruitiers.
J'approuve la doctrine de M. de Volnev, mais je dis qu'il est hors de la question. Il s'agit ici de la certitude d'un fait, c'est que plus de huit cents personnes ont, par les applaudissements les plus bruyants, approuvé la lettre de messieurs de Saint-Martin-des-Champs; vouloir soutenir le contraire, c'est nier l'évidence. Je demande donc que la question soit ajournée et que l'on rentre dans l'ordre du jour, ou qu'on laisse dans le procès-verbal des termes qui sont vrais et que tout le monde doit approuver.
procède à une seconde épreuve; elle est très-douteuse. M. le président hésite de prononcer; cependant plusieurs membres lui ayant demandé son avis, il croit qu'elle est en faveur de la phrase énoncée dans le procès-verbal.
Divers députés du clergé demandent l'appel nominal.
dit que c'est faire un cercle vicieux,
représente que la bonne foi des membres rendra justice à la majorité, et il demande qu'on aille aux voix par assis et levé pour savoir de quel côté est la majorité.
cite le règlement qui porte que l'on ira aux voix toutes les fois qu'il y aura du doute. On va aux voix pour savoir si ce doute existe. A l'exception du clergé, tous les membres se lèvent pour assurer que la majorité est en faveur de la rédaction du procès verbal.
au nom du nouveau comité de constitution, fait à l'Assemblée nationale un rap-
port sur les bases de la représentation proportionnelle.
Messieurs, le travail que votre nouveau comité a l'honneur de vous soumettre, tient, par un double rapport, à deux grandes parties de la Constitution.
D'une part, vous organisez le gouvernement représentatif, le seul qui convienne à un peuple libre; mais sa justice et sa stabilité dépendent de l'établissement de l'égalité proportionnelle dans la représentation, et d'un ordre tixe et simple dans les élections.
D'autre part, vous voulez fonder un nouveau système d'administration municipale et provinciale. Cette administration, également représentative exige de même, et la représentation proportionnelle, et un ordre pour les élections.
Cette similitude entre les deux objets établit, par la nature de la chose même, l'importance de fonder sur des bases communes le double édifice de la représentation nationale, et de l'administration municipale et provinciale.
Cette vérité, si propre tout à la fois, à affermir les différentes parties de la Constitution, en les liant l'une à l'autre, et à faciliter pour toujours l'exécution en la simplifiant, est la première qui nous a frappés. En suivant le fil qu'elle présente, nous sommes arrivés à la conviction que l'organisation de chaque grând district du royaume doit être constituée de manière qu'elle serve en même temps et à la formation du Corps législatif, et à celle des diverses classes d'assemblées administratives. C'est ainsi que d'un ressort commun partiront tous les mouvements du corps politique ; par là, la conservation de ce ressort unique sera d'autant plus chère au peuple, qu'en le perdant il perdrait tous les avantages de sa Constitution ; par là, sa destruction deviendrait plus difficile à l'autorité, qui ne pourrait le rompre qu'en désorganisant entièrement l'Etat.
Le comité a pensé que les bases de là représentation doivent être, autant qu'il est possible, en raison composée du territoire, de la population et des contributions. Avant de dire comment ces trois bases peuvent se combiner pour établir entre les divers districts électeurs la juste proportion de leurs députations, il est nécessaire de présenter, sur chacune des trois, quelques développe- . , ments particuliers.
Base territoriale.
Le royaume est partagé en autant de divisions différentes qu'il y a de diverses espèces de régimes ou de pouvoirs : en diocèses, sous le rapport ecclésiastique; en gouvernements, sous le rappport militaire; en généralités, sous le rapport admi- A nistratif; en bailliages, sous le rapport judiciaire.
Aucune de ces divisions ne peut être ni utilement ni convenablement appliquée à l'ordre re- -présensatif. Non-seulement il y a des disproportions trop fortes en étendue de territoire, mais ces antiques divisions, qu'aucune combinaison politique n'a déterminées, et que l'habitude seule peut rendre tolérables, sont vicieuses sous plusieurs rapports tant publics que locaux.
Mais puisque l'ordre que la Constitution va établir est une chose nouvelle, pourquoi l'asservi-rions-nous à des imperfections anciennes oui en contrarient l'esprit, et qui en gêneraient lès effets, lorsque la raison et l'utilité publique commandent d'éviter ce double écueil? Le comité a donc pensé qu'il est devenu indispensable de par- "
tager la France, dans l'ordre de la représentation, en nouvelles divisions de territoire égaies entre elles autant qu'il serait possible.
Le plan de ces nouvelles divisions est projeté figurativement sur une carte du royaume ; vous y verrez, Messieurs, qu'on a respecté', autant qu'il a été possible, les anciennes limites, et la facilité des communications.
En suivant ce plan, la France serait partagée, pour les élections,, en quatre-vingts grandes parties qui porteraient le nom de départements.
Chaque département serait d'environ 324 lieues carrées, ou de 18 lieues sur 18. On procéderait à cette division, en partant de Paris comme du centre, et en s'éloignant de suite, et de toutes parts, jusqu'aux frontières.
A ces quatre-vingts départements, il en faudrait ajouter un de plus, formé du district central où se trouve la ville de Paris. Cette grande cité mérite en effet, par son titre de métropole, par sou énorme population, et par sa forte contribution, d'avoir le titre et le rang de département.
Chaque département serait divisé en neuf districts, sous le titre de communes, chacun de trente-six lieues carrées, et de six lieues sur six. Ces grandes communes seraient les véritables unités ou éléments politiques de l'empire français. 11 y en aurait en tout 720.
Chaque commune serait subdivisée en neuf fractions invariables par le partage de son territoire en neuf cantons, de quatre lieues carrées, ou de deux lieues sur deux; ce qui donnerait en tout 6,480 cantons. Chacune de ces fractions pourrait contenir dés quantités variables, eu égard à la population et aux contributions.
La France contient environ 26,000 lieues carrées.
Or, 80 départements, de 324 lieues carrées ; 720 communes, de 36 lieues carrées; 6,480 cantons, de quatre lieues carrées; chacune de ces divisions remplit les 26,000 lieues du royaume.
Base personnelle, ou de population,
La véritable base personnelle, pour la représentation, sera dans le premier degré des assemblées qu'on peut appeler primaires.
Le comité s est occupé d'établir une juste proportion, d'abord entre ces assemblées primaires, qui seront celles des citoyens de chaque canton; ensuite entre les assemblées communales, composées des députés des cantons; enfin entre les assemblées de département, formées par la réunion des députés élus dans les communes.
Le nombre des individus, en France, est d'environ 26 millions ; mais d'après les calculs qui paraissent les plus certains, le nombre des citoyens actifs, déduction faite des femmes, des mineurs, et de tous ceux que d'autres causes légitimes privent de l'exercice des droits politiques, se réduit au sixième de la population totale. On ne doit donc compter en France qu'environ 4 millions 400,000 citoyens en état de voter aux assemblées primaires de leur canton.
Si la population était égale à chaque canton, les26millionsd'individus répartis sur26,000 lieues carrées qui composent l'étendue du royaume, donnerait 1,000 individus par lieue carrée, et par conséquent 4,000 individus par canton, dont le sixième en citoyens actifs formerait le taux moyen d'environ 680 votants par canton. Nous avertissons que par l'expression de citoyens votants, nous entendrons toujours non-seulement ceux
qui seront présents, et voteront en effet, mais encore tous ceux qui auront de droit la faculté de voter.
La population étant inégalement répartie, on ne doit pas douter qu'elle sera dans un grand nombre de cantons au-dessous de 4,000 individus, et de 680 votants; mais ce qui manquera au taux moyen dans les cantons moins peuplés, se retrouvera eu excédant dans ceux qui le seront davantage, et sera employé au moyen de la formation de doubles, triples ou quadruples assemblées primaires dans ces cantons plus peuplés. On sent que Paris est l'extrême en ce genre.
Le comité a pensé que les assemblées primaires doivent être établies au taux moyen de 600 votants, afin d'éviter les inconvénients des assemblées trop nombreuses.
Il y aurait toujours une assemblée primaire en chaque canton, quelque faible que fût la population ; mais il ne pourrait y en avoir deux que quand le nombre des volants se trouverait élevé à 900. En ce cas seulement l'assemblée d'un canton se partagerait en deux, afin qu'il pût y avoir toujours au moins 450 votants dans chaque assemblée primaire.
Si par la suite un nouvel accroissement de population élevait encore une de ces assemblées au nombre de 900, il faudrait qu'avant de pouvoir former une troisième assemblée dans le canton, elle reversât une partie de ses membres sur l'autre assemblée qui n'aurait pas le taux moyen de 600 votants, jusqu'à ce que celle-ci eût atteint ce taux moyen. Réciproquement,si la population diminuée réduisait une des assemblées au-dessous de 450 votants lorsque l'autre ne serait pas élevée au-dessus de ce taux, elles seraient obligées de se réunir, puisque le nombre des votants produit par cette réunion serait moindre de 900- 1
11 arriverait ainsi, dans le premier cas, qu'à quelque nombre que les assemblées primaires pussent être portées dans un canton, il n'y en aurait jamais quedeux oui pourraient être au-dessous du taux moyen de 600 votants, ou qu'une seule qui pourrait l'excéder ; et dans le second cas, qu'il n'y aurait jamais qu'une seule assemblée dans un canton, quand il fournirait moins que 900 votants.
Il résulte de ce qui précède les trois conséquences suivantes :
La première, que si le nombre des cantons est invariable, il n'en est pas ainsi des assemblées primaires ;
La deuxième, qu'au lieu de fixer le nombre des assemblées primaires à 6,480, à raison du nombre des cantons, il est vraisemblable qu'elles se trouveront plus nombreuses, parce qu'elles suivront les vicissitudes de la population;
La troisième, qu'un citoyen qui ne changera ni de canton ni de domicile, pourra cependant se trouver dans le cas de changer d'assemblée, lorsqu'il deviendra nécessaire de multiplier ou de réduire celles de son canton.
Base de contribution.
Le comité a pensé que la proportion des contributions directes devait entrer jusqu'à un certain point dans celle des députations.
Il est juste que le pays qui contribue le plus aux besoins et au soutien de l'établissement public, ait une part proportionnelle dans le régime de cet établissement.
11 est encore d'une sage prévoyance d'intéresser par là les provinces à l'acquit des contributions,
et aux améliorations intérieures qui n'augmenteront pour elles la matière de l'impôt, qu'en augmentant en même temps leur influence politique.
Ces premières considérations n'ont pas seules déterminé l'opinion du comité. Il a senti la nécessité d'avoir égard aux contributions directes, pour rectifier l'inexactitude de la base territoriale, qui n'est établie que sur l'égalité des surfaces. Un arpent de 50 livres de rapport, et taxé sur ce taux, est réellement double d'un arpent de 25 livres de revenu, qui n'est taxé que sur ce inoindre produit. Ainsi, l'égalité des territoires par leur étendue superficielle, n'est qu'apparente et fausse si elle n'est pas modifiée pa la balance des impositions directes qui rétablit l'équilibre des valeurs ; et c'est par là que la base de contribution tient essentiellement à la base territoriale, et en fait partie.
Le rapport des contributions est nul sans doute, lorsqu'il s'agit de balancer les droits politiques d'individu à individu, sans quoi l'égalité personnelle serait détruite, et l'aristocratie des riches s'établirait; mais cet inconvénient disparaît en entier, lorsque le rapport des contributions n'est considéré que par grandes masses, et seulement de province à province. Il sert alors à proportionner justement les droits réciproques des cités, sans compromettre les droits personnels des citoyens.
Formation des assemblées graduelles 'pour le Corps législatif.
I. Tous les citoyens actifs d'un canton se formeront en une ou plusieurs assemblées primaires, suivant leur nombre, comme ila été dit ci-dessus, pour envoyer leurs députés à l'assemblée communale.
Le comité pense que pour ce premier degré des assemblées, élément fondamental de toute la représentation, il ne faut avoir égard qu'à la seule population. Chaque homme, dès qu'il est citoyen actif, doit jouir pour ee premier acte, de toute la valeur de son droit individuel.
Le district d'une assemblée primaire est d'ailleurs trop borné, et la prépondérance des hommes puissants y serait trop immédiate, pour qu'on doive y mettre en considération, soit le territoire, soit les contributions. Ainsi, le nombre des députés à élire par les assemblées primaires, ne serait réglé que par le nombre des votants, à raison d'un députe par 200 votants.
D'après la donnée des 4,400,000 citoyens actifs, il y aurait environ 22,000 députés élus par la totalité des assemblées primaires, et envoyés en nombre inégal à 720 communes.
Le comité propot-e que les qualités nécessaires pour entrer, à titre de citoyen actif, dans l'assemblée primaire de son canton, soient: 1° d'être Français, ou devenu Français; 2° d'être majeur; 3° d'être domicilié dans le canton, au moins depuis un an; 4° d'être contribuable en impositions directes, au taux local de trois journées de travail, qui seront évaluées en argent par les assemblées provinciales; 5° de n'être pas pour le moment, dans un état servile (l), c'est à-dire, dans des rapports personnels, trop incompatibles avec l'indé-
pendance nécessaire à l'exercice des droits politiques.
Pour être êligible, tant à l'assemblée de la commune qu'à celle de département, il faudra réunir les conditions ci-dessus, à la seule différence qu'au lieu de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail, il en faudra payer une de la valeur de dix journées.
Les députés nommés par les assemblées primaires se réuniront au chef-lieu de la commune, et puisque nous avons considéré les communes comme étant les premières unités politiques qui doivent concourir et se balancer pour former la législation, il faut que les trois éléments de la représentation proportionnelle entrent dans la composition de leurs députât-ions.
C'est ici le lieu d'expliquer comment les trois bases du territoire, de la population et de lacon-tribulion peuvent êire combinées avec autant de justice dans les résultats que de facilité dans le procédé.
La base territoriale est invariable, et supposée égale ; celles delà population et des contributions sont variables, et d'un effet inégal dans chaque commune. On peut donc attribuer à chacune des neufcommunesune part de dépuiation égale et fixe, à raison de leur territoire,al tacher deux autres parts de députation, l'une à la population totale du département, l'autre à la masse entière de sa contribution directe, et faire participer chaque commune à ces deux dernières parts de députation, à proportion de ce qu'elle aurait de population, et de ce qu'elle payerait de contribution.
Ainsi, en supposant que l'assemblée générale de département qu'il s'agit ici de former, dût être composée de 81 députés des communes, il faudrait en attacher invariablement le tiers, montant à 27, au territoire du département, et par conséquent 3 au territoire de chaque commune; chacune des 9 assemblées communales nommerait donc également 3 députés, à raison de son territoire.
Il faudrait ensuite attribuer 27 députés à la population totale du département, et diviser cette population en 27 parts, de manière que chaque commune nommerait autant de députés qu'elle aurait de vingt-septièmes parties de population.
Les 27 autres députés seraient attachés à la contribution en impô's directs;et celte contribution étant divisée de même en 27 parts, donnerait autant de députés à chaque commune, qu'elle payerait de vingt-septièmes dans la masse totale des impositions directes.
La population de chaque département sera facilement connue, puisque celle de chaque commune sera constatée par le nombre des députés qui y seront arrivés des assemblées primaires. La contribution sera également connue, puisque les départements et les communes auront l'administration de l'impôt dans leurs territoires. Au moment de la première formation des assemblées, les communesqui n'auraient pas ces connaissances pourront aisément les acquérir en se communiquant respectivement ces éclaircissements avant de procéder aux élections.
Les assemblées de département nommeraient par le même procédé les députés à l'Assemblée nationale, à raison de 9 députés par département; ce qui porterait 720 députés à l'Assemblée nationale .
Des 720 députés nationaux, le tiers montant à 240 serait attaché au territoire, et donnerait invariablement trois députés par département.
Le second tiers de 240 serait réparti sur la population totale du royaume, qui, divisée en deux cent-quaraute parts, donnerait autant de députés à chaque département qu'il aurait de deux cent quarantièmes parties de populutiou.
Enlin, les 240 autres députés seraient accordes à la contribution, de manière qu'en divisant la masse totale des impositions directes du royaume en deux cent-quarante parts, chaque département aurait un député à raison du payement d'une deux cent quarantième partie. .....
Le comité pense que pour être éligible à 1 Assemblée nationale, il faut payer une contribution directe, équivalente à la valeur d'un marc d'argent.
11 croit encore qu'il est d'une prévoyance sévère au premier coup d'il, mais sage et nécessaire, qu'aucun représentant ne puisse être élu pour la seconde fois, qu'après l'intervalle d'une législature intermédiaire, afin d'éviter l'aristocratie des familles en crédit, qui parviennent à se perpétuer dans les emplois, même électifs. L'expérience de tous les temps et de tous les pays démontre ce danger.
Le plan qui vient d'être exposé pour la formation des assemblées et des élections graduelles^a réuni les suffrages de votre comité, parce qu'il lui a paru produire trois grands avantages.
Le premier est d'établir de la manière la plus sûre, et par les principes les plus justes, une représentation exactement proportionnelle entre toutes les parties du royaume, en y faisant entrer tous les éléments dont elle doit nécessairement se composer.
Le second est de fixer pour le maintien de la proportion établie un mode constitutionnel,dont le principe demeurant inaltérable et permanent se prêtera toujours dans l'application à toutes les variations de la population et des contributions.
Le trois.ème est de pouvoir appliquer la même méthode à la formation des assemblées provinciales; en sorte qu'un mouvement unilorme fasse arriver la représentation nationale au Corps législatif, et la représentation provinciale aux assemblées administratives.
Cette première partie de notre travail ne se borne pas à vous olfrir le supplément qui vous j était nécessaire pour compléter la Constitution dans l'ordre législatif-, elle vous présente encore des dispositions toutes préparées, pour hâter l'établissement du régime intérieur des provinces : et c'est maintenant à cette seconde partie de notre plan que nous allons passer.
Projet d'arrêté relatif à cette première partie du travail.
Art. Ier. La France sera partagée en divisions de 324 lieues carrées chacune, c'est-à-dire, de dix-huit sur dix-huit, autant qu'il sera possible, à partir de Paris, comme centre, et en s'éloignant en tous sens jusqu'aux fronlières du royaume. Ces divisions s'appelleront départements.
Art. 2. Chaque département sera partagé en neuf divisions de 36 lieues carrées de superficie, c'est-à-dire, de six sur six, autant qu'il sera possible. Ces divisions porteront le nom de com-
TïlUïlCS.
Art. 3. Chaque commune sera partagée en neuf divisions, appelées cantons, de quatre lieues carrées, c'est-à-dire, de deux sur deux.
Art. 4. Tous les citoyens actifs, c'est-à-dire, tous ceux qui réuniront les qualités suivantes : 1° d'être né Français, ou devenu Français; 2° d'êire majeur; 3°\ietre domicilié dans le canton au moins depuis un an; 4° de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail; 5° de n'être pas alors dans une condition servile, auront droit de se réunir pour former dans les cantons les assemblées primaires.
Art. 5. Nul citoyen ne pourra exercer les droits de citoyen actif dans plus d'un endroit, et dans aucune assemblée personne ne pourra se faire représenter par une autre.
Art. 6. Dans tout canton il y aura au moins une assemblée primaire.
Art. 7. Tant que le nombre des citoyens actifs d'un canton ne s'élèvera pas à 900, il n'y aura qu'une assemblée dans ce canton; mais dès le nombre 900, il s'en formera deux de 450 chacune au moins.
Art. 8. Chaque assemblée tendra toujours à se former autant qu'il sera possible au nombre de 600, qui sera le taux moyen; de telle sorte néanmoins que, s'il y a plusieurs assemblées dans un canton, la moins nombreuse soit au moins de 450. Ainsi, au delà de 900, mais avant 1.050, il ne pourra y avoir une assemblée complète de 600. puisque la seconde aurait moins de 450. Dès le nombre 1,050 et au delà, la première assemblée sera de 600, et la deuxième de 450, au plus. Si le nombre s'élève à 1,400, il n'y en aura que deux, une de 600 et l'autre de 800 ; mais à 1,500 il s'en formera trois, une de 600 et deux de 450 ; et ainsi de suite, suivant le nombre de citoyens actifs de chaque canton.
Art. 9. Toutes les assemblées primaires de chaque canton députeront directement à l'assemblée de leur commune.
Art. 10. Pour être éligible à l'assemblée communale, ainsi qu'à celle de département, il faudra réunir aux conditions d'élecieur, c'est-à-dire de citoyen actif, celle de payer une contribution directe plus forte : cette contribution se montera au moius à la valeur locale de dix journées de travail.
Art. 11. Chaque assemblée primaire députera à la commune à raison d'un membre sur 200 votants.
Art. 12. L'assemblée communale, formée des députés des assemblées primaires, choisira ses députés pour le département, parmi tous les citoyens êligibies de la commune.
Art. 13. Chaque assemblée de département sera composée de 81 membres, dont un tiers, c'est-à-dire 21, sera député par les 9 communes du département, à raison du territoire; ce sera donc 3 députés par commune, puisque les territoires des communes sont égaux entre eux, étant composés d'un égal nombre de cantons égaux.
Art. 14. Le second tiers formant 27 députés Fera envoyé par les 9 communes, à raison de la population active de chaque commune. Ainsi, la somme totale de la population des 9 communes ou du département sera divisée en 27 parts; et chaque commune aura autant de députés qu'elle contiendra de ces vingt-septièmes.
Art. 15. Le troisième tiers se distribuera par une semblable opération en raison de la contribution respective des 9 communes. La somme totale des contributions directes des 9 communes, ou du département, sera divisée en 27 ; et chaque commune enverra un député pour chaque vingt-septième qu'elle payera.
Art. 16. Ces deux dernières opérations donnant
lieu nécessairement à des fractions, les fractions ne pouvant être aue faibles ne seront pas comptées, parce qu'elles se compensent entre elles.
Art. 17. Les assemblées de département formeront par leurs députés l'Assemblée nationale, qui sera composée de 720 membres.
Art. 18. Le tiers de ce nombre, c'est à-dire 240, sera envoyé par les départements à raison du territoire ; 240 à raison de la population, et 240 à raison de la contribution respective, ainsi qu'il a élé dit ci-dessus relativement aux communes, mais en divisant entre les départements la population du royaume et la masse entière de la contribution directe en 240 parts.
Art. 19. Nul membre de l'Assemblée nationale ne pourra être réélu pour l'Assemblée suivante. 11 sera nécessaire qu'entre deux élections de la même personne, il y ait au moins une Assemblée d'intervalle.
Signé : thouret, l'abbé sieyès, target , l'évêque d'autun ,
démednier, rabaut de saint-étienne, le chapellier.
présente ensuite la seconde partie du rapport du nouveau comité de Constitution relative à rétablissement des assemblées administratives et des municipalités.
Établissement des assemblées administratives.
I
Les assemblées de cette nouvelle classe différeront en plusieurs points de celles dont nous avons parlé jusqu'ici.
Elles seront chargées de cette partie du pouvoir exécutif qu'on désigne ordinairement par le terme d'administration ; et les premières n'auront que la simple mission d'élire graduellement les représentants nationaux, membres du Corps législatif.
Elles seront permanentes, et se régénéreront tous les deux ans par moitié ; la première fois au sort, après deux années d'exercice, et ensuite, la seconde fois à tour d'ancienneté ; les premières n'auront d'existence que pour l'objet et le temps des élections à l'Assemblée nationale, après lesquelles elles s'anéantiront.
Celles-ci, formées uniquement dans l'ordre de la législature nationale, seront les éléments régénérateurs du Corps législatif ; les autres, au contraire, instituées dans l'ordre du pouvoir exécutif, en seront les instruments et les organes. Subordonnées directement au Roi, comme administrateur suprême, elles recevront ses ordres, et les transmettront, les feront exécuter, et s'y conformeront. Cette soumission immédiate des assemblées administratives au chef de l'administration générale, est nécessaire; sans elle, il n'y aurait bientôt plus d'exactitude ni d'uniformité dans le régime exécutif, et le gouvernement monarchique que la nation vient de contirmer^ dégénérerait en démocratie dans l'intérieur des provinces.
Le comité pense qu'il pourrait être établi une assemblée administrative dans chacun des 80 départements, sous le tiire d'administration provinciale ; titre qui rappellerait sans cesse l'objet de cette institution. La division des ressorts de ces assemblées n'apporterait aucun changement nécessaire à l'ancienne distinction des provinces.
Chaque administration provinciale pourrait être
divisée en deux sections, dont la première en serait comme le conseil, et, en quelque sorte, la législature; et la seconde, chargée de toute la partie exécutive, en serait le vrai corps agissant, sous le titre de directoire provincial , ou de commission intermédiaire.
Le conseil provincial tiendrait tous les ans une session, dans laquelle il fixerait les principes convenables pour chaque partie d'administration, ordonnerait les travaux et les dépenses générales du département, et recevrait le compte de la gestion au directoire : mais ses arrêtés ne seraient exécutoires que lorsqu'ils auraient été approuvés et confirmés par le Roi.
Le directoire serait toujours en activité pour la conduite, la surveillance et l'expédition de toutes les affaires. Il serait tenu de se conformer aux arrêtés du conseil provincial approuvés par le Roi, et rendrait, tous les ans , le compte de sa régie.
Le comité a examiné si chaque administration provinciale devait être formée d'abord en un seul corps d'assemblée, qui opérerait ensuite sa propre division en deux sections par l'élection qu'elle ferait, dans son sein, de ceux de ses membres qui composeraient le directoire ; ou s'il ne serait pas préférable que les électeurs désignassent, en élisant, ceux des députés qu'ils nommeraient pour le conseil, et ceux qu'ils destineraient au directoire. Il s'est décidé pour la première opinion, parce qu'en remettant la nomination des membres du directoire aux électeurs des communes, il faudrait nécessairement que chaque commune nommât un sujet de son district. Or, il serait souvent difficile de trouver, dans toutes les communes, des citoyens tout à la fois capables des fonctions du directoire, et disposés à quitter leur domicile pour aller s'établir au chef-lieu du département, à la suite des opérations du directoire, avec l'assiduité qu'elles exigent. 11 faut avoir autant d'égard à la convenance des sujets, qu'à leur capacité, lorsqu'il s'agit de les attacher efficacement à un service journalier, qui ne souffre pas d'interruption. Les membres des assemblées seront plus en état que les électeurs de faire les meilleurs choix sous ce double rapport, puisqu'ils auront pu, pendant la tenue entière de leur session, éprouver les talents de leurs collègues, et s'assurer de leurs dispositions pour le service du directoire.
Le comité a discuté ensuite si les membres élus pour le directoire pourraient se réunir à ceux du conseil, pour former l'assemblée générale à chaque session annuelle, et avoir séance avec voix déli-bérative à cette assemblée générale ; ou si lés deux sections de chaque administration provinciale resteraient si absolument distinctes, que les membresd u directoire, bornésàlasimpleexécution, n'eussent jamais ni séance, ni droit de suffrage avec ceux du conseil. Il s'est encore déterminé pour la première de ces opinions, parce qu'il lui a paru que les membres du directoire, privés d'entrer et de voter à l'assemblée délibérante, réduits ainsi à n'être qu'exécuteurs et comptables, seraient bientôt considérés, moins comme membres de l'administration que comme ses agents et ses préposés. Le préjugé de cette sorte de dégradation déprécierait, dans l'opinion publique, des fonctions importantes, pour lesquelles il faut provoquer et encourager le zèle des principaux ciloyens. D'ailleurs, l'exclusion des membres du directoire priverait l'administration du secours de leurs lumières, devenues plus précieuses par l'expérience que donne la pratique habituelle des affaires. Le comité a pensé cependant que la
séance commune et le droit de suffrage ne pourraient être accordés aux membres du directoire, qu'après qu'ils auraient rendu le compte de leur gestion ; ce qui serait toujours la première opération de chaque session.
II
Il y aurait de même au chef-lieu de chaque commune, une assemblée administrative, sous le titre d'administration communale, divisée pareillement en deux sections, l'une pour le conseil, l'autre pour l'exécution. Tout ce qui vient d'être dit de l'assemblée supérieure s'applique aussi aux assemblées communales pour l'administration subordonnée de leurs districts. Ces dernières seront entièrement soumises aux administrations provinciales dont elles assortiront ; et leurs directoires seront soumis de même aux directoires provinciaux.
Les administrations communales recevront les ordres du Roi par le canal des administrations provinciales ou de leurs directoires ; et elles s'y conformeront. Elles obéiront aux arrêtés des administrations provinciales et aux décisions de leurs directoires. Elles leur adresseront des pétitions sur tous les objets de leur compétence qui intéresseront chaque commune, et seront exactes à fournir les instructions qui leur seront demandées. L'entière subordination des assemblées communales à celles de département n'est pas moins nécessaire à l'unité du régime exécutif, que la subordination immédiate de ces dernières à l'autorité du Roi.
III
Pour composer, la première fois, les assemblées communales administratives, le comité propose, qu'après la démarcation provisoire cles divisions territoriales, les assemblées primaires se forment dans les 9 cantons de chaque commune, comme il a été dit plus haut pour les élections dans l'ordre législatif. Elles enverront au chef-lieu un député par 100 votants.
Les députés des 9 cantons réunis éliront 26 personnes qui composeront l'administration commu-nale ; et ils les choisiront tant dans leur sein, que dans le nombre des autres habitants éligibles dans la commune, en observant d'en prendre au moins 2 dans chaque canton.
Les membres composant l'administration communale éliront, dans leur sein, à la fin de leur première session, 6 d'entre eux pour former le directoire.
De deux ans en deux ans, lorsqu'il s'agira de régénérer la moitié de chaque administration communale, les assemblées primaires se formeront de nouveau dans les cantons, pour nommer leurs députés qui éliront en remplacement des administrateurs sortis de fonction.
Chaque assemblée communale renouvellera aussi son directoire, par moitié, tous les deux ans.
IV
Aussitôt que les 9 assemblées communales auront été formées, elles nommeront les membres qui composeront rassemblée provinciale au nombre de 54, à raison de 6 députés par commune; et elles suivront le même procédé qui a été établi pour la représentation proportionnelle dans les députations au Corps législatif.
Des 54 députés à l'administration provinciale, 18 formant le tiers seront attachés au territoire, et chaque commune en nommera 2 par égalité. 18 députés seront attribués à la population du département, et les 18 autres à sa contribution directe. Chaque commune nommerait autant de députés dans ces deux dernières divisions, qu'elle aurait de parties de population ou de contribution, en divisant la population et la contribution directe du département en 18 parts.
Les assemblées communales pourront nommer les députés à l'administration provinciale, soit dans leur sein, soit dans le nombre des autres habitants éligibles du département. Dans le cas où ils auraient nommé dans leur sein, ceux de leurs membres qu'ils auront élus seront remplacés à l'administratin communale dont ils faisaient partie. Les électeurs nommés par les assemblées primaires des cantons seront tenus alors de se rassembler sans délai, pour faire ces remplacements par la voie des élections.
Les membres composant l'administration provinciale éliront dans leur sein, à la fin de leur première session, 10 d'entre eux pour former le directoire provincial.
Tous les deux ans, la moitié des députés à l'administration provinciale sortira d'exercice, en observant de faire sortir, autant qu'il sera possible, la moitié de ceux qui ont été envoyés par chacune des neuf communes; et les assemblées communales procéderont aux remplacements par la même méthode qu'elles auront suivie la première fois pour la composition de l'administration provinciale.
Il sortira toujours 27 députés faisant la moitié des 54. De ces députés à remplacer, 9 formant le tiers seront attachés au territoire, et chaque commune en nommera un. 9 autres députés seront attribués à la population, et les9 derniers à la contribution directe ; en sorte que la population du département et la masse de ses impositions directes étant divisées en neuf parts, chaque commune nommerait un député remplaçant par neuvième de population et de contribution. Ainsi la première proportion établie dans les députations se retrouverait la même ; et la représentation se distribuant toujours également entre les neuf communes, malgré la variabilité de leur position respective, se maintiendrait constamment en équilibre.
Le directoire provincial sera aussi régénéré tous les deux ans par moitié.
L'objet essentiel de la Constitution étant de définir et de séparer les différents pouvoirs, le comité pense qu'il faut redoubler d'attention, pour que les assemblées administratives ne puissent ni être troublées dans l'exercice de l'autorité qui leur sera confiée, ni excéder ses limites. Ce n'est pas assez que l'objet de leur établissement soit indiqué dénominativement par leur qualification d'administration provinciale ou communale ; il paraît encore nécessaire qu'il soit statué constitutionnellement par des dispositions expresses: 1° qu'elles sont dans ia classe des agents du pouvoir exécutif, et dépositaires de l'autorité du Roi pour administrer en son nom et sous ses ordres ; '2° qu'elles ne pourront exercer aucune partie ni de la puissance législative ni du pouvoir judiciaire; 3° qu'elles ne pourront ni accorder au Roi, ni créer à la charge des provinces aucune espèce d'impôts pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit; 4° qu'elles n'en pourront répartir aucun que jusqu'à concurrence de la quotité accordée par le Corps
législatif, et seulement pendant le temps qu'il aura fixé ; 5° qu'elles ne pourront être traversées ni arrêtées, dans leurs fondions administratives, par aucun acte du pouvoir judiciaire.
Établissement des municipalités.
Nous avons vu jusqu'ici que dans chaque commune la représentation nationale pour la législature, et la représentation provinciale pour l'administration générale, tirent leurs éléments des assemblées primaires. Ces deux établissements composent ensemble le grand édifice national. C'est sur la même base, c'est-à-dire sur la même assise des assemblées primaires, qu'il s'agit d'élever un second édifice politique, qui est la consti ution municipale.
Commençons par bien fixer quelle est la nature de cette constitution. Le régirne municipal, borné exclusivement au soin des affaires particulières, et pour ainsi dire privées de chaque ressort mu-nicipalisé, ne peut entrer sous aucun rapport, ni dans le système de la représentation nationale, ni dans celui de l'administration générale. Les communes devant être les premières unités dans l'ordre représentatif qui remonte à la législature, et les dernières dans l'ordre du pouvoir exécutif qui descend et finit à elles, chaque municipalité n'est plus dans l'Etat qu'un tout simple individuel, toujours gouverné ; et ces touts séparés, indépendants les uns des autres, ne pouvant jamais se corporer, ne peuvent être élémentaires d'aucun des pouvoirs gouvernants.
S'il est important de donner à la nation l'énergie et la puissance nécessaires pour défendre sa liberté, et aux municipalités une consistance utile et respectable dans leurs territoires, cette double considération doit vous porter à constituer les 720 grandes communes du royaume, en autant de corps de municipalité.
Vous n'auriez ainsi que sept cent vingt unités pour bases, tant du régime municipal, que de la représentation nationale et de l'administration générale. Vous augmenteriez par là les forces de chaque municipalité en rassemblant à un seul point toutes celles d'un môme terriioireque leur dispersion actuelle réduit à l'inertie. Au lieu d'atténuer la vigueur nationale en divisant le peuple par petites corporations, dans lesquelles tout sentiment généreux est étouffé par celui de l'impuissance, créez plutôt de grandes agrégations de citoyens unis par des rapports nabituels, confiants et forts par cette union; agrandissez les sphères où se forment les premiers attachements civiques ; et que l'intérêt de communauté, si voisin de l'intérêt individuel, si souple sous l'influence deshommes à crédit, quand ses moyens sont faibles et son objet trop borné, se rapproche davantage de l'esprit public en acquérant plus de puissance et d'élévation.
Si vous agréez cette vue, l'institution des hôtels de ville et des municipalitésvillageoises, telle que nous la voyons aujourd'hui, devrait être entièrement réformée. La différence de nature et d'objet qui se trouve entre l'administration générale et le régime principal ne permettrait pas, sans doute, de faire reposer ce dernier dans Vassemblée administrative de chaque commune; mais les assemblées primaires, formées, comme il a été dit, pour la représentation, nommeraient des députés pour composer au chef-lieu de la commune une assemblée municipale.
Cette assemblée serait le conseil d'administration, et exercerait une sorte de législature pour
le gouvernement du petit État municipal, composé du territoire entier de la commune ; et le pouvoir exécutif, tant pour le maintien des règlements généraux que pour l'expédition des affaires particulières du ressort de la municipalité, serait remis à un maire élu par toutes les assemblées primaires.
Le conseil municipal déciderait, dans toute l'étendue de son ressort, de tout ce qui concerne la police municipale, la sûreté, la salubrité, la régie et l'emploi des revenus municipaux, les dépenses locales, la petite voirie des rues, les projets d'embellissements, etc. Cette autorité du conseil s'étendrait ainsi non-seulement aux choses communes au district entier, mais encore aux choses particulières à chaque ville, bourg ou paroisse, qui lui adresserait ses requêtes ou pétitions. Les villes et les paroisses de campagne auraient chacune une agence sous le titre de bureau municipal, qui veillerait à leurs intérêts locaux, et correspondrait pour leurs besoins avec le conseil de la municipalité commune. Enfin, le maire, chef du pouvoir exécutif municipal, comptable et responsable de ses fonctions au conseil, en ferait exécuter les arrêtés et les décisions par les bureaux municipaux qui lui seraient subordonnés.
11 résulterait de ce régime des municipalités une foule d'avantages dont elles n'ont pas paru susceptibles jusqu'ici. La faiblesse de celles qui subsistent maintenant, excepté dans quelques grandes villes, les expose à être aisément séduites par l'intrigue, ou subjuguées par l'autorité : de là la dissipation des deniers communs, les entreprises inconsidérées, les dettes élevées au-dessus des movens, et tant de délibérations inspirées par l'esprit particulier à la ruine de l'intérêt général. Combien de municipalités dans les campagnes ne sont pas à la merci des seigneurs, ou des curés, ou de quelques notables ! Combien, dans les petites villes, ne sont pas dominées par le crédit des principaux citadins! N'attendons rien de ces administrations trop faibles pour se conserver indépendantes ; l'unique moyen d'émanciper l'autorité municipale est de la distribuer en plus grandes masses, et de rendre les corps qui en seront dépositaires plus éclairés et plus puissants, en les rendant moins nombreux. Alors ils pourraient devenirutiles, sous une infinité d'autres rapports publics, soit pour la police, soit pour l'administration de l'impôt, soit pour l'inspection et l'emploi de la garde nationale, et milice intérieure, puisqu'elles offriraient en chaque district d'une certaine étendue des centres de pouvoir unique et de régime uniforme.
Les agences ou bureaux de municipalité nécessaires en chaque ville ou paroisse seraient composés dans les villes, de quatre membres, lorsque la population serait de 4,000 âmes et au-dessous ; de six membres, depuis 4,000 âmes jusqu'à 20,000 ; de huit membres, depuis 20,000 âmes jusqu'à 50.000 ; de dix membres, depuis 50..000 âmes jusqu'à 100,000; et de douze membres au-dessus de 100,00J âmes. Ils pourraient être composés dans les campagnes de quatre membres, y compris le syndic, dans les paroisses de 150 feux; de six membres, y compris le syndic, dans celles depuis 150 feux jusqu'à 300 ; et de huit membres y compris le syndic, au-dessus de 300 feux.
Pour élire les membres des bureaux municipaux, tous les citoyens actifs se réuniront dans les villes en assemblées primaires, et, dans les campagnes en assemblée générale de paroisse.
Tous les deux ans, les bureaux de municipalité seraient régénérés par moitié : la première
lois au sort, et la seconde fois à tour d'ancienneté.
Le comité a cru devoir se borner aujourd'hui a vous présenter ces points fondamentaux de son travail. Pressé par votre juste empressement àj vous occuper de cette importante matière, il s est hâté de vous soumettre ses premières vues, et il doit attendre le jugement que vous en devez porter, afin de ne pas continuer, peut-être inutilement, à bâtir sur des bases que votre approbation n'a pas consolidées.
La nature des fonctions à confier, tant aux assemblées administratives qu'aux municipalités, les détails ultérieurs de leur organisation, le service qu'elles pourront remplir pour la manutention de l'impôt, depuis la répartition jusqu'au versement de ses produits, mériteront sans doute une attention particulière; mais ce qui serait praticable dans le plan qui vous est proposé, pourrait cesser de l'être, à plusieurs égards, si ce plan éprouvait des changements essentiels. . Le comité a l'honueur de vous présenter le projet de quelques articles, dont la décision est nécessaire pour régler la suite de son travail.
Suite du projet d'arrêtés relatifs à cette seconde partie du rapport.
Art. 20. 11 sera établi au chef-lieu de chaque département une assemblée administrative supérieure, sous le titre à.'Administration provinciale.
Art. 21. 11 sera établi au chef-lieu de chaque commune une assemblée administrative inférieure, sous le titre d'Administration communale.
Art. 22. Pour composer chaque Administration communale, tous les citoyens actifs se réuniront en assemblées primaires, dans chacun des neuf cantons de la commune, en la même forme établie pour les élections au Corps législatif ; et ils nommeront 1 député électeur par 100 votants.
Art. 23. Les électeurs nommés par les assemblées primaires se réuniront pour nommer 26 membres, dont chaque Administration communale sera composée.
Art. 24. Les électeurs pourront choisir ces 26 membres, tant dans leur sein que dans le nombre des autres habitants éligibles de lacom-¦.mune; mais ils observeront d'en prendre au moins 2 dans chaque canton.
Art. 25. Les neuf administrations communales de chaque département éliront les membres qui composeront V Administrationprovinciale, au nombre de 54.
Ar(. 26. Des 54 membres à députer pour nommer l'administration provinciale, 18 seront élus à raison du territoire, et chaque commune en nommera 2. 18 seront nommés à raison de la pooula-tion active du département, divisée en dix-huit parts ; et chaque commune enverra autant de députés qu'elle contiendra de ces dix-huitièmes. Lnfin les 18 autres seront nommés à raison de la contribution directe du département, divisée en dix-huit parts ; et chaque commune élira autant de députés qu'elle payera de ces dix-huitièmes.
Art. 27. Les administrations communales pourront nommer les députés à l'admininistration provinciale, soit dans leur sein, soit dans le nombre des autres habitants éligibles du département; et, dans le cas où elles auront élu dans leur sein, les électeurs nommés parles assemblées primaires se rassembleront, sans délai, pour remplacer, dans chaque administration communale, les membres élus pour l'administration provinciale.
Art. 28. Chaque administration, soit provinciale, soit communale, sera permanente; et les membres en seront renouvelés, par moitié, tous les deux ans ; la première fois au sort, après les deux premières années d'exercice, et ensuite à tour d'ancienneté.
Art. 29. Les membres des assemblées administratives seront en fonctions pendant quatre ans, a 1 exception de ceux qui sortiront par le premier renouvellement au sort, après les deux premières années.
Art. 30. Lorsqu'il s'agira de régénérer la moitié de chaque administration communale, les assemblées primaires se formeront dans les cantons pour nommer leurs députés électeurs, à raison d'un par cent votants; et ces électeurs procéderont aux remplacements, en renvoyant à l'administration communale autant de membres de chaque canton qu'il en sera sorti.
Art. 31. Les administrations communales procéderont tous les deux ans au renouvellemepl, par moitié, de chaque administration provinciale, ainsi qu'il va être dit dans l'article suivant.
Art. 32. Des 27 membres, faisant moitié de 54, qui sortiront à chaque régénération, 9 seront remplacés à raison du territoire, et chaque commune en nommera 1. 9 seront remplacés à rai-sem de la population active du département divisée en neuf parts, et attribuant 1 député par neuvième; les 9 autres seront remplacés à raison de la contribution directe du département, divisée de même en neuf parts, et attribuant 1 député par neuvième.
Art. 33. Chaque administration provinciale sera divisée en deux sections : l'une, sous le titre de Conseil provincial, tiendra annuellemen t une session pendant un mois, ou plus, si la nécessité des affaires l'exige, pour fixer les règles de chaque partie d administration, et ordonner les travaux et les dépenses générales du département ; l'autre, sous le titre de Directoire provincial, sera toujours en activité pour l'expédition des affaires, et rendra compte de sa gestion tous les ans au conseil municipal.
Art. 34. Les membres de chaque administration provinciale éliront, à la fin de leur première session, 10 d'entre eux, pour composer le directoire provincial, et ils le régénéreront tous les deux ans, par moitié ; les 44 autres membres formeront Je conseil provincial.
Art. 35. A l'ouverture de chaque session annuelle, le conseil provincial commencera par entendre et recevoir le compte de la gestion du directoire; ensuite les membres du directoire prendront séance, et auront voix délibérative avec ceux du conseil.
Art. 36. Chaque administration communale sera divisée de même en deux sections, l'une, sous le nom de Conseil communal, l'autre , sous celui de Directoire communal, composé de 6 membres. Tout ce qui est prescrit parles articles précédents pour 1 élection, la régénération, le droit de séance et de voix délibérative des membres du directoire provincial, aura lieu de même pour ceux des directoires communaux.
. Art. 37. Les assemblées administratives étant instituées dans l'ordre du pouvoir exécutif, seront les agents de ce pouvoir. Dépositaires de l'autorité du Roi, comme chef de l'administration générale, elles agiront en son nom, et sous ses ordres, et lui seront entièrement subordonnées. Leurs arrêtés ne seront exécutoires qu'après avoir été approuvés et confirmés par le Roi.
Art. 38. Elles ne pourront exercer ni le pou-
voir législatif, ni le pouvoir judiciaire ; octroyer au Roi, ni établir à la charge des provinces aucun impôt, pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit ; en répartir aucun au delà de la quotité accordée ou du temps fixé par le Corps législatif; et elles ne pourront être troublées dans l'exercice de leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire.
Art. 39. Les municipalités actuellement subsistantes en chaque ville, bourg, paroisse, ou communauté, sous le titre d'hôtels de ville,mairies, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et qualification que ce soit, sont supprimées et abolies; et cependant les officiers municipaux, actuellement en exercice, continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés.
Art. 40. Le district de chaque commune qui sera établie suivant la division territoriale ei-dessus, formera à l'avenir le ressort d'une seule et même municipalité.
Art. 41. Tous les citoyens actifs du district communal municipalisé se formeront en assemblées primaires, pour nommer un député par chaque assemblée primaire ; et ces députés réunis composeront, au chef-lieu de la commune, l'assemblée municipale du district entier.
Art. 42". Cette assemblée municipale sera le Conseil d'administration , qui fixera pour toute l'étendue de son ressort, les règles du régime commun, et décidera de topt ce qui concerne la police municipale, sa sûreté intérieure, la salubrité, la régie et l'emploi des revenus municipaux, les dépenses locales, et généralement tout ce qui est du ressort des municipalités.
Art. 43. La puissance active sera tout entière, et pour toute l'étendue du district municipal, dans les mains du maire et de son lieutenant, qui seront élus immédiatement par les assemblées primaires.
Art. 44. Lorsque les assemblées primaires procéderont à l'élection du maire et de son lieutenant, il sera tenu, par le secrétaire de chacune d'elles, une liste exacte de tous les noms sortis du scrutin, indicative du nombre des suffrages portés sur chaque nom. Ces listes cachetées seront adressées à l'assemblée municipale, qui déclarera le résultat des élections par la pluralité des votes recueillis dans toutes les assemblées primaires.
Art. 45. L'assemblée municipale sera régénérée tous les deux ans par moitié : la première fois au sort, après les deux premières années et ensuite à tour d'ancienneté. Le maire et son lieutenant seront en fonctions pendant deux ans; mais ils pourront être continués par une nouvelle élection.
Art. 46. Il y aura dans chaque ville, bourg ou paroisse, un bureau municipal pour régir les biens communs, et pourvoir aux besoins locaux. Ces bureaux s'adresseront à l'assemblée municipale pour tout ce qui sera de sa compétence comme conseil de l'administration municipale ; et ils seront subordonnés au maire et à son lieutenant pour la partie exécutive.
Art. 47. Le bureau municipal sera composé dans les villes de 4 -membres, lorsque la population sera de 4,000 âmes et au-dessous ; de (1 membres, depuis 4,000 âmes jusqu'à 20,000; de 8 membres', depuis 20,000 âmes jusqu'à 50,000 ; de 10 membres, depuis 50,000 âmes jusqu'à 100,000, et de 12 membres, au-dessus de 100,000 âmes.
Art. 48. Pour élire les membres du bureau municipal dans les villes, tous les citoyens actifs
s'assembleront, et voteront en assemblées primaires.
Art, 49. Le bureau municipal sera compose, dans les bourgs et paroisses de campagne, de 4 membres, y compris le syndic, dans les paroisses de 150 feux et au-dessous ; de 6 membres, y compris le syqdic, dans celles depuis 150 feux jusqu'à 300; et de 8 membres, y compris le syndic, dans celles au-dessus de 300 feux,
Art. 50. Dans les paroisses de campagne, l'élection des membres du bureau municipal sera faite par l'assemblée générale de tous les citoyens actifs de chaque paroisse.
Art. 51, Les bureaux municipaux seront régénérés tous ies deux ans par moitié ; la première fois au sort, après les deux premières années d'exercice, et ensuite à tour d'ancienneté.
Signé : Thouret, l'abbé Sieyès, Target, J'évêque d'Autan, Demeunier, Rabaud de Saint-ëtienne, Le Chapelier.
demande qu'il soit fait une carte suivant le nouveau projet de division de la France pour être distribuée et examinée dans les bureaux, afin que chaque membre puisse offrir ses réflexions.
annonce que cette idée avait déjà été saisie par le comité. Cette carte, dans laquelle seront marquées les nouvelles divisions, sera soumise aux membres de l'Assemblée, e)le sera envoyée aux provinces et corrigée d'après leur vu. On suivra, d'ailleurs, pour l'amélioration de ce plan toutes les idées de bien public que chaque citoyen voudra communiquer.
fait ensuite le rapport suivant, au nom du comité de Constitution sur un projet de plan constitutif du Corps législatif.
Messieurs, l'organisation du Corps législatif, les qualités et le nombre des membres qui doivent le composer, la manière de les élire, tiennent essentiellement ;à l'établissement et au régime des Assemblées représentatives, répandues sur la surface du royaume. Ces objets ne peuvent donc pas être détachés de la discussion du rap-"1 port qui vient de vous être fait par votre comité de Constitution, Il vous a invités à vouloir bien ne pas vous en occuper séparément, parce que toutes les parties du plan présentent un ensemble qu'il faut considérer d'qne seule vue.
Déjà, Messieurs, yous avez prononcé sur les grandes questions de la Constitution française. Presque tous les droits de l'homme en société sont consacrés par vos décrets en dix-neuf articles. Le pouvoir souverain de la nation, le gouvernement monarchique de ia France, l'inviolabilité de la personne du Hoi sont proclamés? l'indivisibilité, l'hérédité de la couronne sont déclarées. L'Assemblée nationaIeserapermanente,son unité est reconnue ; ses sessions sont annuelles; chaque législature susbsistera pendant deux ans ; elle sera renouvelée par une élection de la totalité des membres ; à l'Assemblée nationale seule appartient 1 q pouvoir législatif; aucune loi ne sera reconnue en France, si elle n'est faite par l'Assemblée nationale et sanctionnée p,ar le Roi; le consentement du Roi sera nécessaire pour ia validité des actes du Corps législatif; mais le refus de ce consentement sera seulement suspensif ; et si le même décret est représenté, la suspension cessera à la seconde des ' législatures qui suivront celle où le décret aura
été proposé pour la première fois au monarque. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement r dans les mains du Roi. C'est en son nom que s'exerce le pouvoir judiciaire ; mais il ne peut être exercé ni par le Corps législatif ni par le Roi. La justice doit être administrée par les tribunaux que la loi aura établis suivant les principes de la Constitution.
Les ordres du Roi ne seront exécutés qu'autant qu'ils seront signés de Sa Majesté et contresignés par un secrétaire d'Etat ou par l'ordonnateur du département. Tous les ministres et agents de l'autorité sont responsables et de l'emploi des fonds et de toute infraction aux lois.
Voilà la carrière que vous avez parcourue en deux mois; car plus de deux autres mois avaient été consumés à créer votre auguste Assemblée, en obtenant enfin la réunion des suffrages de tous les membres qui la composent (et il fallait ? bien exister avant d'agir). Ceux qui se rappelleront cependant, et cette célèbre nuit et tous les décrets qui l'ont suivie et tant de délibérations sur les subsistances et tant de délibérations sur l'impôt, et tant de travaux préparés par vos comités, relativement aux finances, à l'ordre judiciaire, aux matières ecclésiastiques et féodales, à la, Constitution, et ce nombre prodigieux d'objets i de détail, sur lesquels vous avez été forcés de diviser votre penséé ; et les complots du despotisme ministériel, qui ont suivi l'instant de votre réunion, et le courage, les pffprts et le temps qu'il a failli employer pour lès vaincre,' et les troubles sps nombre qui oqt affligé le royaume, qui ont retardé votre marche , qui ont 'distrait votre attention : ceuxrlà, certes, loin de se permettre de calomnier votre zèle, s'étonneront de la rapidité de votre course "et de l'immensité de vos travaux.
Le comité de Constitution a pensé qu'après avoir mis sous vos yeux le plan qu'il s'est tracé pour l'établissement des assemblées représentatives et des assemblées d'administration, obligé d'enchaînep à ce plan toutes les questions qui en dépendent essentiellement, il devait vous présenter les autres questions qui restent à résoudre, sur Jes fonctions et les droits du Corps législatif Jwet du pouvoir exécutif.
^a proposition des lois peut-elle appartenir au Roi ?
Le Roi peut-il faire (les règlements provisoires dans l'intervalle des sessions ?
La création et la suppression des offices, commissions, places et emplois appartiennent-elles exclusivement au pouvoir législatif ?
Quelle sera la forme invariable popr exprimer k le consentement ou le refus royal?
Quelle sera lq, forpjç de la sàiiption ou de la promulgation des lois ?
Pour combien de temps l'impôt peut-il être accordé et dans quelle forme ?
Quelle sera l'époque et la durée des sessions annuelles du Corps législatif?
Le Roi peut-il la proroger ou1$ dissoudre ? Quelle sera la cop.stjtution du tribunal cjiargé de la punition des crimes de lèsernation ?
Quelles sont les fonctions du Roi ou du pouvoir exécutif?
A quel âge les Rois sont-ijs majeurs et peuvent-ils gouverner par eux-mêmes ?
Comment et par qui se déférera la régence ? Voilà, Messieurs, les questions sur lesquelles votre comité vpus propose de délibérer dans les intervalles que pourra vous laisser la discussion du projet relatif aux assemblées représentatives
et à celles d'administration ; la plupart de ces questions sont simples, et plusieurs sont décidées d ayance par les principes de l'Assemblée.
PREMIER PROJET D'ARRÊTÉ,
Art, 1er. fce Roi pppt inviter l'Assemblée nationale a prendre un objet en considération; mais la proposition des décrets appartient exclusivement au Corps législatif.
Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l'observation.
Art. 3. La création ou suppression des offices, commissions et emplois appartient exclusivement au Corps législatif.
Art. 4. Aucun impôt ou contribution, en nature ou en argent, ne peut être levé ; aucun emprunt manifeste ou déguisé ne peut être fait sans le consentement exprès des représentants de la na-
Art. 5. Toute contribution sera supportée également par tous les citoyens et tous les biens sans distinction. p
Art. 6. Aucun impôt ne sera accordé que pour le temps qui s'écoulera jusqu'au dernier iour de la session suivante. Toute contribution cessera, de veîée 3 éP°Iue si elle n'est pas renou-
Art. 7. Le Corps législatif présentera ses décrets au Roi, ou séparément à mesure qu'ils seront rendus, ou ensemble, à la fin de chaque session.
Art. o. Le consentement royal sera exprimé sur chaque décret, par cette formule signée du Roi, le m fera executer; le refus suspensif sera exprimé par celle-ci, le Roi examinera.
Art. 9. Après avoir consenti au décret, le Roi e fera sceller, et ordonnera qu'il soit adressé aux tribunaux, aux assemblées administratives et aux municipalités, pour être lu, publié, inscrit dans les registres, et exécuté sans délibération, difficulté ni retard.
vant de Prendre l'ordre du travail de M. Target,.]e propose de statuer sur quelques articles du chapitre Ie' de la Constitution sur lesquels nous n'avons pas délibéré et en particulier sur la respqnsQbiliie des ministres,
Cette proposition est adoptée.
L'article mis ep discussion est ajnsi conçu : ? ^e§ ministres et les autres agents de i'aûto^ rité sopt responsables de toutes les infractions qu ils commettent envers les lois, quels que soient les ordres qu ils «ajent reçus. »
Deux objets doivent être compris dans cet article, le compte rendu des fonds et la violation des lpis, Je demande donc crue les ministres soient rendus responsables de leurs dé-pense§ et de leurs prévarications.
Un membre de la noblesse veut que cette respon-sabilité naît d'autres effets que de demandé compte des dépenses ; car si un ministre, dit-il fait un traité ayee une nation voisine, il n'est pas juste lui en attribuer les suites.
Je propose d'autoriser M. le président a se retirer devers le Roi, pour le prier de sanctionner désormais les décrets de l'Assemblée en forme de déclarations. En effet, ce n'est Das sans etonpement que l'on a vu des décrets- de l Assemblee nationale sanctionnés par le Roi et
promulgués dans de simples arrêts du conseil, arrêts qui sont tombés dans le mépris, puisqu'ils ne sont pas même signés du Roi. Certes les décrets du pouvoir législatif méritent au moins l'honneur de la signature de celui qui n'est délégué simplement que pour les exécuter. J'insiste donc pour que les décrets soient sanctionnés dans une déclaration, afin d'inspirer de la confiance au public.
Il n'est pas douteux qu'un ministre doit savoir son métier ; il n'est pas douteux aussi que si vous avez décrété une peine afflictive, il sera puni sévèrement; s'il ne fait qu'une erreur notoire, il sera jugé entièrement incapable du ministère.
Gomme le métier de ministre ne peut être sans candidats, il me semble que nous devrions les entendre.
En effet, dans le nombre des articles proposés, il est une question qui me semble avoir été oubliée : c'est celle de savoir si un ministre peut être membre de l'Assemblée nationale. Cette question s'est déjà présentée. . . ,
Plusieurs membres ont été portés au ministere, ils ont jugé à propos d'abdiquer le titre de représentants de la nation ; ils ont cru bien faire : mais il est permis d'avoir deux avis à cet égard. Les ministres du Roi sont-ils éligibles dans cette Assemblée? dans mon opinion ce sentiment est soutenable.
Nous éprouvons tous les jours le besoin d'information; il est très-possible d'en obtenir, surtout en finance. Pour moi, qui ne crains pas l'influence ministérielle, tant qu'elle n'agit pas dans l'obscurité du cabinet; pour moi, qui suis persuadé qu'un ministre désormais ici ne sera qu'un simple individu au milieu de ses égaux, je pense que nous avons besoin du concours des lumières ministérielles ; j'en ai l'exemple réel dans un peuple voisin.
Je conclus donc à ce que l'Assemblée décide si la qualité de ministre exclut de l'Assemblée, et si tous ceux qui sont promus au ministère pendant qu'ils sont députés ont besoin d'une seconde élection pour rentrer dans l'Assemblée.
La motion de M. de Mirabeau est applaudie; mais M. le président observe qu'il y en a déjà deux sur le bureau ; ce qui fait renvoyer cette motion-ci à l'époque où l'on s'occupera de la qualité de ceux qui sont éligibles.
La motion de M. de Mirabeau étant ajournée, M. Démeuoier donne lecture de la rédaction d'un arrêté sur la responsabilité. Le voici en substance :
« Les ministres et les autres agents de l'autorité seront responsables de l'emploi des fonds de leur département, ainsi que de toutes les infractions qu'ils pourraient commettre contre les lois, quels que soient les ordres qu'ils aient reçus. »
fait un amendement tendant à décréter qu'aucun ordre donné par le Roi ne sera obligatoire, s'il n'est signé par le Roi, et contresigné par un secrétaire d'Etat.
propose d'ajouter même en finance; et pour prouver la nécessité de cette addition, il rapporte que les comptes de la guerre d'Amérique n'ont jamais été arrêtés et signés, et qu'on les a fait passer par cet usage si fréquent à la cour : l'usage facile des bons.
rapporte qu'en 1787 il y a eu
pour près de 180 millions de bons. On s'étonnera peut-être du grand travail du Roi à signer tous les bons.
fait quelques observations sur l'amendement de M. Guillaume.
met aux voix la motion principale réunie à l'amendement. L'Assemblée les adopte en ces termes :
« Les ministres et les autres agents du pouvoir exécutif, sont responsables de l'emploi des fonds de leur département, ainsi que de toutes les infractions qu'ils pourront commettre envers les lois, quels que soient les ordres qu'ils aient reçus.
« Aucun ordre donné par le Roi ne pourra être exécuté, s'il n'a été signé par Sa Majesté, et contresigné par un secrétaire d'Etat, ou par l'ordonnateur chargé du département. »
Il y aura bureaux à cinq heures et demie et séance à six heures et demie du soir pour discuter la motion relative à l'argenterie des églises.
, curé de Terdeghem, député du clergé du bailliage de Bailleul, qui remplace M. l'évêque d'Ypres, Charles-Alexandre d'Arberg de Yalencin, et, dont les pouvoirs ont été vérifiés sans contestation, est admis à prendre séance.
renouvelle la proposition de nommer un comité militaire pour se concerter avec le ministre de la guerre sur les divers objets relatifs à l'armée.
Attendu l'heure avancée, la motion est ajournée.
M. le président lève la séance.
Séance du mardi 29 septembre 1789, au soir.
On a d'abord fait l'annonce des offres patriotiques.
On a ensaite fait lecture de diverses adresses, une de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de Glamart-sous-Meudon; elle» présente deux de ses premiers actes municipaux : l'un a pour objet l'exercice de la chasse sur son territoire, l'autre les moyens d'assurer la perception des impôts ; elle demande l'approbation de l'Assemblée.
Une délibération des huissiers à cheval et à verge au Châtelet de Paris, qui fout l'abandon volontaire et patriotique de toutes leurs dépenses et vacations qui leur sont dues, pour les assignations relatives à la convocation de l'Assemblée des Etats généraux, et leur assistance aux assemblées élémentaires tenues à l'archevêché.
Des adresses de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Gensac, sénéchaussée d'Albret; du bourg de Gucuron en Provence, de la ville de Saumur et du comité permanent de cette ville, de la ville et commune de Maringues, -des officiers municipaux de la ville de Corbigny-les-Saint-Léonard, de la ville de Lourdes en Bi-gorre, qui demande la supression du régime actuel des haras, de Bedûes en Quercy, deSollièsen Provence.
Une adresse du régiment national de la ville de Saintes, qui prie l'Assemblée d'adopter sa formation et composition, et d'obtenir pour lui lasanc- , tion du Roi.
Une lettre de M. Delley d'Agier, député suppléant du Dauphiné, et maire de Romans, par laquelle il annonce que les citoyens de cette ville et du bourg de péage de Pisançon ont ouvert la souscription d'un don patriotique.
Une adresse de félicitations de la ville de Cour-pière en Auvergne, et de son arrondissement, composé de quarante-quatre municipalités, qui demandent l'établissement d'un siège royal dans cette ville.
Une lettre de M. le chevalier de Senneville, colonel du corps royal des colonies, par laquelle il annonce que les deux brigades qui composent ce corps, en garnison à Lorient, ont souscrit pour une somme de 12,000 livres dans le don patriotique ouvert en cette ville: il prie l'Assemblée nationale d'agréer cette souscription, sous le seul point de vue du dévouement que tout Français doit à sa patrie.
Il a été lu ensuite une lettre des supérieur, vicaire général, et procureur général de la congrégation de Cluny, ainsi conçue :
« Nosseigneurs, la congrégation de Gluny attend de la justice de l'Assemblée nationale, qu'elle ne doutera pas de son parfait dévouement pour la chose publique, et de ses dispositions à faire à la nation (comme tous les autres corps de l'Etat) les sacrifices nécessités par les circonstances, et qui ne lui paraîtront jamais pénibles. Le vu de rordre était connu, et les supérieurs n'étaient occupés que des moyens de réaliser des offres chères à leurs curs, lorsqu'ils ont été navrés de celle aussi précipitée que déplacée (ils osent le dire), car les tuteurs-nés de toutes les propriétés doivent chercher et aimer la vérité ; de l'offre, dis-je, faite par quelques jeunes religieux de Saint-Martin-des-Champs, qui n'ont suivi aucune des règles si nécessaires au maintien de la constitution de toute société policée. Ces jeunes gens, non contents d'avoir manqué à leur premier devoir, celui de consulter leurs supérieurs, et d'attendre que leur refus pût au moins leur servir de prétexte; sans avoir présenté leur vu à la délibération capitulaire, s'écartant des vues aussi sages que patriotiques de la majeure et de la plus saine partie de la communauté, se sont permis un faux, plus condamnable, sans doute, que tous leurs premiers torts, celui de supposer des signa-» tures; crime que nous nous empresserions de voiler, si notre honneur, et celui de quelques religieux estimables, ne se trouvaient compromis par cet abus impardonnable. Nous ne cherchons point à développer les motifs qui ont pu porter à cet égarement ces religieux, trompés par l'aperçu d'une liberté plus attrayante que véritablement avantageuse : la jeunesse, de mauvais con seils, quelques instigations étrangères, sur lesquelles nous nous efforcerons de jeter un voile religieux, ont pu les égarer ; nous devons ne voir en eux que nos frères, et non nos ennemis. Tels sont nos sentiments, nosseigneurs; mais ce que nous devons vous dire, c'est que l'ordre de Gluny ne désire conserver , son existence que pour donner à la patrie de nouvelles preuves de son zèle, en se rendant utile d'une manière encore plus particulière, par ses soins pour l'éducation publique, et pour tous les objets d'utilité dont l'Assemblée nationale pourra leur présenter l'aperçu. Ils s'en réfèrent à cet égard à l'adresse imprimée des religieux bénédictins de Saint-Maur.
« Nous sommes trop convaincus de l'équité et de la sagesse qui doivent diriger les délibérations de l'auguste Assemblée des représentants de la na-
tion, pour craindre qu'elle fasse droit sur la demande particulière d'individus désavoués par leur corps; et nous invoquons sa justice, sur laquelle nous comptons comme sur la sagesse qui doit diriger ses délibérations.
» Signé : Dom Gourtin, supérieur, vicaire général de l'ordre de Gluny; dom Verchere, procureur général de l'ordre de Gluny. »
L'Assemblée accueille ces offres avec satisfaction et ordonne l'impression de la lettre.
Le président ayant rappelé l'Assemblée à l'ordre du jour, on continue la discussion sur la motion tendant à faire transporter à l'hôtel des monnaies Vargenterie des églises.
Ûn membre du clergé propose un autre projet de décret sur le même objet.
Après quelques discussions, on présente plusieurs amendements. La question principale consiste à savoir si l'Assemblée votera ou ordonnera le transport de la vaisselle.
interroge le vu de l'Assemblée sur la continuation de la discussion, et il est décidé qu'elle est fermée.
On réclame la question préalable ; l'Assemblée la rejette.
On établit ensuite la question de priorité entre deux différentes rédactions.
Le vu de l'Assemblée est consulté ; l'épreuve paraît deux fois douteuse. L'auleurde la seconde rédaction seretire, et un membre propose, pour simplifier la question, de demander àl'Assemblôe de décider simplement si elle veut inviter ou ordonner. Elle décide qu'elle invitera.
On fait ensuite lecture du seul projet resté sur le bureau et de plusieurs amendements; quelques-uns sont retirés, un est rejeté, et le décret est ensuite porté en ces termes:
« Sur la proposition d'un des membres de l'Assemblée et sur l'adhésion de plusieurs membres du clergé, l'Assemblée nationale invite les évêques, curés, chapitres, supérieurs de maisons et communautés religieuses de l'un et de l'autre sexe, municipalités, fabriques et confréries, de faire porter à l'hôtel des monnaies le plus prochain toute l'argenterie des églises, fabriques, chapelles et confréries, qui ne sera pas nécessaire pour la décence du culte ».
On proclame ensuite les trois trésoriers patriotiques: MM. l'évèque de Glermont, la Borde de Méréville et de Virieu ont réuni le plus de suffrages. Sur l'impossibilité où se dit M. levêque de Glermont d'accepter la marque de confiance dont l'Assemblée venait de l'honorer, M. deBonnegens est nommé pour le remplacer.
On annonce les membres désignés par les bureaux pour assister à la bénédiction des drapeaux de la milice bourgeoise de Versailles.
, au nom du comité chargé de proposer à l'Assemblée un projet de déclaration sur quelques changements provisoires dans l'ordonnance criminelle fait le rapport suivant :
Messieurs, chargés par vous d'une commission importante, nous avons regardé comme notre premier devoir de nous pénétrer profondément de l'esprit du décret dont vous nous avez confié l'exécution.
Depuis longtemps l'Europe accuse de barbarie notre législation criminelle. La voix de l'humanité a retenti dans tous les curs : de terribles exemples ont trop prouvé les vices de la loi; et
le sang de plus d'une victime innocente, que n'a pas sauvée la religion scrupuleuse des magistrats les plus vertueux, a déposé contre les formes de notre procédure.
Ce crix universel devait redoubler au moment où les citoyens français, réintégrés dans leurs droits, étaient avertis de la dignité de leur être.
La Constitution, en distribuant les pouvoirs, avait a organiser le pouvoir judiciaire ; elle devait surtout s'occuper de la justice criminelle, dont les rapports avec la liberté sont si prochains et si agissants.
Un système vaste et complet d'ordre judiciaire vous a été proposé par votre comité de Constitution.
Cet ouvrage profond, que vous avez honoré de vos applaudissements, va chercher, jusque dans les premières bases de la morale et de la justice, les principes dont il fournit des développements très-lumineiix.
Mais, tandis qu'une sage lenteur diffère une régénération plus ou moins absolue, vous ne pouviez laisser, dans le code existant, des taches qui révoltent l'humanité. Vous avez voulu qu'elles disparaissent sur-le-champ ; et quand vous n'auriez été qu'un seul jour les législateurs d'une nation libre, elle vous aurait dù ce bienfait.
Il était digne des lumières dë la capitale^ et du guerrier philosophe qui commande à ces milices citoyennes, de donner le premier mouvement à cette réforme si vivement désirée. La ville de Paris, théâtre principal d'une mémorable Révolution, n'a pu échapper aux désordres qui en sont inséparables. Un grand nombre de citoyens s'y trouve chargé des accusations les plus ' graves. Les soupçons, fruit de la fermentation publique, augmentent et entretiennent à leur tour cette fermentation. Jamais il ne fut plus nécessaire d'écarter du sanctuaire redoutable de la loi ces nuages épais qui, environnant à la fois lejuge, le coupable etla procédure, ne présentent aii public que méfiance et terreur où il ne doit voir que protection et sûreté.
Jamais il ne fut plus nécessaire d'armer les accusés de tout ce qui peut rendre l'innocence évidente, dissiper les préjugés, éteindre les suspicions: et lorsque tout un peuple agité est prêt à se joindre aux accusateurs* le citoyen dans les fersj seul, avec sa conscience, ne pourra-t-il invpquer les lumières d'un conseil, la voix d'un défenseur?
Il était juste que tout le royaume participât à des changements qui partout sont nécessaires, partout sont appelés, par l'opinion. Vos actes sont des lois : le premier caractère de la loi, c'est d être générale ; et comme vous avez voulu que ces changements fussent subits, que leur exécution fût soudaine, vous avez voulu aussi qu'ils pussent s'adapter à l'ensemble des lois existantes; qu'ils pussent se pratiquer par les tribunaux qui subsistent; que, sans délai, sans préliminaires, ce bienfait fût, dès à présent, mis à la portée de ceux qui doivent en jouir, et de ceux qui doivent le distribuer jusque dans les juridictions les plus subdivisées.
Ce que vous attendez de nous n'est donc pas un code, mais un petit nombre d'articles ; une régénération, mais une première réforme ; un système durable de législation, mais une disposition provisoire. Vous avez voulu que sous peu de jours trois sources principales d'erreurs et d'oppression disparussent de la loi, sans que la loi lût anéantie. Pour rechercher ces abus jusque dans leurs racines les plus déliées, il aurait fallu
creuser trop profondément, et le désir de la perfection aurait* nui à l'utilité du moment.
Enfin, nous avons cru devoir nous rappeler, â tous les instants de notre travail, qu'il n'a rien de commun avec celui de la Constitution ; et qu'autant les créateurs d'un pouvoir judiciare ont dû s'élever au-dessus des institutions actuelles, pour concevoir les plans et tracer lés dessins d^n édifice tout rieur, autant nous devions être soigneux de raccorder avec ces mêmes institutions les innovations indispensables qu'il nous est prescrit d'exécuter.
Vous les avez bornées à trois par votre décret :
Rendre la procédure publique ;
Accorder un conseil à l'accusé ;
Admettre, en tout état de cause, les faits qu'il propose pour sa justification.
Le premier de ces points, autant par son importance que pat> son étendue, mérite la pius sérieuse attention. La publicité embrasse la procédure tout entière, et elle en change pourainsi dire la nature.
Ces deux considérations nous ont déterminés â fixer d'abord nos regards sur les effets de la publicité, à calculer son influence sur tous les actes de l'instruction et sur le jugement lui-même, à envisager cette influence sous le double rapport de l'intérêt public et de l'intérêt de l'accusé.
Ce sont ces deux grands intérêts que la législation doit soigneusement concilier. La sûreté publique doit être établie. Les passions qui enfantent les crimes doivent être réprimées par la crainte ; mais l'humanité, l'humanité sainte doit être respectée ; et avant tout, et par-dessus tout, l'innocence doit respirer tranquille à l'abri des lois. Heureux si ces principes sont empreints dans notre ouvrage, comme il se sont gravés dans nos curs!
Deux époques très-différentes sont à distinguer dans la procédure; celle qui précédé le décret, celle qui le suit.
Un délit s'est commis : la société tout entière est blessée dans un de ses membres ; la haine du crime ou l'intérêt privé amènent une dénonciation , ou motivent une plainte ; le ministère public est averti par l'offensé, ou réveillé par la clameur générale, on constate le délit, on en recueille les indices ; on en vérifie les traces. Il faut que l'ordre public soit vengé ; il faut que le malfaiteur soit connu. Le magistrat, dépositaire de l'intérêt commun, s'adresse au juge ; il demande à produire ses témoins, â administrer ses preuves; le juge les admet. 11 recueille les témoignages, il rassemble, il constate les pièces de conviction. Jusque-là, il n'existe encore qu'un délit, des recherches, peut-être des soupçons ; il n'existe pas encore d'accusé. Si la publicité accompagne ces recherches ; si les notions trans- 4 pirent à mesure qu'elles sont acquises ; si chaque degré de vraisemblance ou de preuve qui s'accumule est connu du coupable aussitôt que du juge, n'espérez pas que jamais la vindicte publique puisse être accomplie. Le seul espoir d'être ignoré aveuglait le coupable. Quoique tourmenté par sa conscience, il restait. Il est découvert, et il fuit. Il n'attendra pas que la 4 preuve soit complète. On a saisi la trace qui doit conduire à lui, et il est évadé. Le décret ne trouvera plus qu'un f fugitif , et la procédure un contumace. Avec lui sont disparues toutes les traces de complicité. 11 ensevelit, dans un odieux mystère, des vérités importantes ; et qui sait si, par des moyens plus cruels, il n'essayera pas encore de replonger dans la nuit l'instruction qui
le menace? Trop certain que sa tête est déjà désignée, que risque-t-il d'accumuler de nouveaux crimes pour empêcher de nouvelles preuves?
Ainsi l'impunité certaine, l'impunité évidente rendra tous les crimes sans danger * et toutes les lois sans effet. Alors la société, continuellement souillée par des forfaits, ne sera jamais purifiée par leur expiation. Ce n'est pas* Messieurs, cet ordre de choses que vous avez voulu établir : l'intérêt public y serait sacrifié;
De quelle importance ne sont pas cependant ces premières procédures ! Elles serviront de base à l'accusation ; elles en détermineront peut-être l'événement définitif. Demeureront-elles enveloppées de ténèbres ?
Sera-ce désormais au sein de l'obscurité que le dénonciateur ira déposer sa révélation sur le registre formidable? le dénonciateur qui, trop souvent accusateur et témoin, a un si grand intérêt à ce due l'aCcusé soit trouvé coupable, pour n'être pas lui-même jtigé calomniateur!?
Sera-ce loin de toute lumière et de toute surveillance que sera reçue la plainte de la partie offensée, au hasard dé la voir négligée pài* un juge distrait ou trop accâblè d'autres soins ; au hasard même de la voir longtemps .étouffée, s'il pouvait exister lih juge assez coupable pour calculer la faiblesse de l'offensé ët le crédit de l'offenseur? Car dans l'état actuel, cette plainte, dont la date est si importante, n'en a d'autre que celle du jugemeht qui la reçoit.
Les procès-verbaux, les visites, les rapports des experts, tous ces moyens', Ji précieux pour constater la vérité, parce qu'ils saisissent les traces du délit toutes récentes , et qu'ils recueillent des témoignages muets ét incorruptibles , ont, pour la plupart, une sorte de publicité naturelle. Il est satis inconvénient de leur en donner une légale et authentique.
Mais c'est surtout la premièrè information , celle qui doit précéder et motiver le décret, qu'il serait alarmant de laisser consommer dans la nuit du secret actuel de la procédure.
La loi doit elle-même environner son ministre du respect qu'elle doit exiger pour lui; mais c'est en le plaçant dans la lumière qu'elle doit . l'investir de confiance et d'honneur. Il dispose du sang des hommes* et les hommes ne sauraient trop constater, par leurs yeux, avec quelle sainte circonspection ce ministère redoutable est exercé.
Renfermés dans des murs impénétrables, un commissaire, un greffier, un témoin, tiennent aujourd'hui le fil de la vie des citoyens : Un commissaire, pénétré sans doute du sentiment effrayant de ses devoirs, incapable de ce relâchement que produit l'habitude, supérieur à toutes les passions de l'humanité, mais sujet, hélos ! à l'erreur, qu'il n'est pas donné aux hommes d'éviter constamment ;
Un témoin, souvent grossier, et qui ne connaît, ni l'ordre des idées, ni la valeur des expressions;
Un greffier, instrument passif; et presque toujours subordonné.
Chaque mot qui échappe au témoin, et qui est dicté par le commissaire* sera recueilli et apprécié par le juge. Chaque mot décidera du degré de la preuve et du destin de l'accusé. Cette rédaction sera pesée, en jugeant, au poids du sanctuaire; mais elle aura été l'ouvrage d'un seul, d'un seul qui avait à démêler l'obscurité du lan-
gage rustique d'un témoin; d'un seul qui n'a pas pu être averti s'il s'est trompé* et qui* dans tous les cas, ne peut avoir que sa conscience pour surveillant et pour juge.
L'intérêt de l'accusé ne vous a pas paru suffisamment protégé dans cet ancien ordre de procédures, et la publicité, dont vous attendez de si heureux effets, vous semblerait trop tardive, si l'instruction avait déjà fait d'aussi grands pas avant de lui être soumise;
Il a donc fallu imaginer urt moyen d'acCorder la vindicte publique avec la sûreté de l'accusé, d'écarter les inconvénients d'une obscurité alarmante et ceux d'une publicité prématurée; et c'est pour y parvenir que nous vous proposons, Messieurs, d'adjoindre au ministère public et au juge, pour toutes les procédures qui précéderont le décret, un certain nombre de citoyens notables, liés, par un double serment, à garder le secret des actes dont ils seront témoins, et à veiller, pour l'accusé, à la régularité, à l'impartialité de toutes ces opérations. Ces notables, au nombre de deux ou de quatre, pris dans un nombre plus considérable, nommé chaque année par les municipalités* formeraient une sorte de jury ou de pairie, dont le témoignage irréprochable serait tout à la fois rassurant pour l'abcusé, et honorable pour le juge.
Rien ne serait fait hors de leur présence, depuis la dénonciation jusqu'au décret. Devant eux la plainte serait remise et sa date assurée, les procès-verbaux dressés, les rapports d'experts reçus, les pièces de conviction vérifiées. Devant eux seraient ouïs les témoins de l'information ; par eux la conscience du juge serait rassurée sur le sens exact et précis dés dispositions ; leurs interpellations salutaires, mentionnées au procès - verbal, réveilleraient à propos l'attention du commissaire siir quelques circonstances qui peuvent lui échapper, et établiraient entre eux et lui une heureuse émulation» un concours d'exactitude et dé zèle toujours favorable à la vérité.
Les citoyens, accoutumés par cette institution à s'associer aux fonctions augustes de la magistrature* s'élèveraient peu à peu au sentiment si utile de leur propre dignité.Ils ne considéreraient plus le droit de juger leurs semblables, ce droit de tous les hommes libres* comme la prérogative d'une caste particulière ; ils s'approcheraient peu à peu de cet esprit public* si nécessaire à l'établissement du jugement par jurés ; établissement qui n'est pas étranger à la France, mais qui, pour renaître dans son climat primitif * exige peut-être plus de mouvement encore dans les esprits* que de changement dans les institutions.
Tels sont, Messieurs, les avantages qui nous ont frappés dans l'adjonction des citoyenspno-tables à tous les actes qui doivent précéder le décret, et cette adjonction s'adapte très-aisément avec toute la marche actuelle du procès.
Presque tous les actes en sont conservés; l'ordre même n'en est pas interverti ; l'admission des notables, témoins discrets et impartiaux, et leurs signatures ajoutées partout à celle du témoin , du greffier et du juge, augmentent l'authenticité de la procédure, sans en accroître les embarras;
Si quelqu'un regrettait qu'une publicité plus complète n'éclairât pas, dès l'origine, tout le progrès de l'instruction et des charges, et nous citait les formes de l'Angleterre à l'appui de son opinionj nous nous croirions fondés à lui ré-
pondre, qu'assujettis à conserver toute la partie de l'ordonnance dont vous n'avez pas prononcé la réformation actuelle, nous n'avons pu emprunter du Gode des Anglais, ni les grands ni les petits jurés, ni le Warrant, au moyen duquel toute procédure débute par la capture de la personne soupçonnée, qui, à la vérité , obtient la liberté en beaucoup de circonstances, movennant caution.
Nous pourrions ajouter, qu'imitant l'esprit plutôt que les termes de cette législation , nous ne laissons, dans notre projet, subsister un secret quelconque, que jusqu'au moment ou 1 accusation commence , et nous plaçons la publicité la plus entière immédiatement' après 1 exécution du décret.
Sans en avoir reçu la mission expresse, nous osons vous proposer ici d'ordonner que tout décret sera rendu au moins par trois juges, parce que cette injonction n'exigerait qu'un article très-court et très-facile à rédiger.
Un autre article, également juste et concis, pourrait aussi éviter aux personnes domiciliées la gravité du décret de prise de corps, quand le titre d'accusation ne peut conduire qu'à une peine infamante, et non pas à une peine af-flictive.
Dès l'instant où, par le décret, la loi a désigné 1 accusé et saisi sa personne, elle est dispensée de garder avec lui un mystère affligeant. Tout ce qui a été fait, doit lui être communiqué ; tout ce qui sera fait le sera publiquement : son interrogatoire, cette partie si essentielle pour la défense, si formidable pour la conviction, n'a rien qui doive être soustrait aux regards du public. Cette épreuve importante n'aura aucun des caractères de la surprise ; et aura tous ceux de la vérité ; elle sera précédée de la connaissance de toutes les charges, et de la lecture de toutes les pièces; elles seront connues de l'accusé qui répond, comme elles le sont du magistrat qui interroge; et celui-ci n'aura plus la douleur de voir un homme innocent, mais effrayé, hésiter, balbutier des réponses incertaines dont il redoute les conséquences, parce qu'il les ignore, et s'accuser faussement lui-même, en substituant le mensonge à la
VCI lie.
Ce malheur, si déploré par les magistrats qui en ont fait une longue expérience, sera prévenu encore par les lumières du conseil dont l'accusé pourra implorer le secours. Cette disposition, déjà connue dans l'ordonnance pour certains titres d accusations plus compliquées, n'a besoin que d être étendue à tous les cas, et admise avant 1 interrogatoire, dont elle ne différera point l'époque beaucoup au delà des vingt-quatre heures prescrites par la loi. Mais le conseil ne pourra ni interrompre l'interrogatoire, ni répondre pour 1 accusé. C'est de la bouche de celui-ci que doit sortir sa justification ou la preuve de son crime. Vous voulez, Messieurs, donner des armes suffisantes à 1 innocence; vous ne voulez pas fournir au crime le moyen d'échapper à la vengeance de
Ici loi.
C'est animés du même esprit que vous avez voulu permettre à l'accusé de faire, dans tous les moments de l'instruction, la preuve des faits qui importent à sa justification. Aucun article peut-être, dans l'ordonnance de 1670, n'exige une réformation plus pressante que celui des faits justificatifs. On a peine à concevoir comment la'loi, si soigneuse de recueillir les vestiges du crime, et d'en prévenir le dépérissement, repousse, pendant toute l'instruction, les faits justificatifs, et
n'en admet la preuve que quand la procédure est déjà consommée. Elle n'a point assez prévu, cette loi, que le temps peut faire disparaître les traces les plus décisives en faveur de l'innocence ; elle n'a point assez calculé les angoisses d'un accusé qui gémit longuement dans des chaînes, qu'un fait justificatif, prouvé dès l'origine, aurait pu faire tomber aussitôt.
Une réformation si précieuse ne vous coûtera qu'un article.
Mais, en permettant aux accusés de repousser les témoignages rapportés contre eux, en leur opposant une preuve contraire, vous ne voulez pas sans doute qu'ils éternisent les procédures par des preuves frustratoires, et vous autoriserez le juge à rejeter les faits qui lui paraîtront impertinents et inadmissibles.
Nous parcourons rapidement les autres actes de la procédure, et nous trouvons partout que la publicité seule leur donne un degré suffisant de bonté, et répond à toutes les objections.
Admettez le public au récolement, àla confrontation des témoins qui ont déposé avant le décret ; admettez-le aux informations par addition, et aux confrontations qui en sont la suite, aux interrogatoires devenus nécessaires par l'allégation des faits nouveaux ; et tous les intérêts publics et privés sont mis à couvert, et rien n'est dérangé dans l'ordre judiciaire ; rien ne suspend l'activité des lois; rien n'introduit dans l'organisation générale ce moment de station et d'embarras, qui est toujours au préjudice de la société.
On peut considérer comme une simple conséquence des principes que vous nous avez donnés à développer, l'admission des reproches contre les témoins en tout état de cause : car il n'y a pas de moment où il faille repousser la vérité; et les caractères qui la font reconnaître ne dépendent pas de l'heure où elle se présente à nos yeux.
Mais l'acte qu'il importe surtout de rendre public, celui qui doit compléter la tranquillité de l'innocence, et concilier aux magistrats un tribut mérité de confiance et d'estime : c'est le rapport du procès, ce dépouillement complet, clair et précis des faits, des indices et des preuves. L'humanité vous engagera vraisemblablement à éloigner l'accusé de ce moment solennel et décisif ; mais le peuple entier y veillera pour lui, partagé »¦ entre la commisération et la justice; mais son défenseur y sera admis à résumer verbalement tous ses moyens de justification.
Enfin nous arrivons au moment du dernier interrogatoire, où l'accusé paraîtra pour la dernière fois sous les yeux du public, et pour la première fois en présence de tous ses juges ; nous osons encore dépasser notre mission, en vous proposant de ne point affliger ses regards par cet instrument d'un funeste présage, qui convertit en opprobre, même les soulagements accordés par la compassion à l'humanité défaillante. Cette réforme de la sellette, déjà projetée dans un temps où les opérations du ministère ne jouissaient pas de la faveur publique, a été critiquée alors, comme minutieuse. Nous osons la reproduire, parce que rien ne nous paraît minutieux dans de si grands intérêts; parce qu'un premier mouvement de répugnance ou d'effroi peut affaiblir ou distraire les idées de l'accusé, quand il devrait au cbntraire recueillir toutes ses forces pour le dernier instant accordé à sa justification.
Le jugement doit suivre immédiatement le dernier interrogatoire; il paraît nécessaire à la liberté, a 1 étendue des discussions qui le doivent accom-
agner, que les magistrats, retirés dans l'intérieur e la chambre du conseil, se livrent, dans le calme le plus profond, à cette fonction redoutable; ils rentreront, pour prononcer leur sentence ou arrêt devant le peuple assemblé ; car la peine décernée au crime, ou la justification de l'innocence ne sauraient être accompagnées d'une publicité trop éclatante.
Vous fixerez, Messieurs, dans votre sagesse, si vous le jugez à propos, quelle pluralité de suffrages sera désormais requise pour faire prévaloir l'opinion qui condamnç un homme à une peine afflictive, et surtout à perdre la vie. La ville de Paris avait provoqué votre décision sur ce quatrième objet; mais il n'est pas renfermé dans le décret que vous avez porté sur la délibération des représentants de celte commune.
Ce ne serait pas ici le lieu d'objecter que toute fixation proportionnelle, autre que la simple pluralité, aboutit à faire prévaloir l'avis de la minorité sur celui de la majorité ; car cette observation, vraie en général, ne reçoit pas son application quand l'avis de la majorité simple est combattu par de fortes présomptions de droit, qui lui sont contraires.
Toutes les délibérations ne sont que des calculs de probabilités. Ce sont des probabilités qu'additionne tout homme qui recueille et qui compte des suffrages. Or, toute probabilité doit être comparée avec les présomptions opposées; et de toutes présomptions, la plus forte et la plus sacrée, celle qui doit être la plus religieusement consultée, c'est la présomption de l'innocence.
Vous déterminerez, Messieurs, à quelle majorité proportionnelle de suffrages doit céder cette présomption, sur laquelle toute justice se repose.
Là finit la procédure ; mais nous avons cru devoir à l'humanité de vous adresser une dernière observation.
Déjà le Roi, digne en tous points du titre glorieux que vous lui avez décerné, a banni de la France l'usage cruellement absurde d'arracher aux accusés, à force de tourments, l'aveu des crimes, vrais ou faux, dont ils étaient prévenus; mais il vous a laissé la gloire de compléter ce grand acte de raison et de justice.
Il reste encore dans votre Gode une torture préalable; si les raffinements de la cruauté la plus inouïe ne sont plus employés à forcer les hommes de s'accuser eux-mêmes, ils sont encore mis en usage pour obtenir des révélations de complices. Fixer vos yeux sur ce reste de barbarie, n'est-ce pas, Messieurs, en obtenir de vos curs la proscription? Ce sera un beau, un touchant, spectacle pour l'univers, de voir un Roi et une nation, unis par les liens indissolubles d'un amour réciproque, rivaliser de zèle pour la perfection des lois, et élever, comme à l'envi, des monuments à la justice, à la liberté et à l'humanité.
, autre membre du même comité, remplace M. de Beaumetz à la tribune et donne lecture du projet de décret sur la réformation provisoire de la procédure criminelle; ce projet de décret est ainsi conçu :
L'Assemblée nationale considérant: 1° qu'un des principaux droits de l'homme, qu'elle a reconnus, est celui de jouir, lorsqu'il est soumis à l'épreuve d'une accusation criminelle, de toute l'étendue de liberté et de sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec l'intérêt de la société qui commande la punition des délits ; 2° que l'esprit et les formes de la procédure pratiquée
jusqu'à présent en matière criminelle, s'éloignent tellement de ce premier principe de l'équité naturelle et de l'association politique, qu'ils nécessitent une réforme entière de l'ordre judiciaire pour la recherche et le jugement des crimes ; 3° que si l'exécution de cette réforme entière exige la lenteur et la maturité des plus profondes méditations, il est cependant possible de faire jouir dès à présent la nation du bienfait de plusieurs dispositions, qui, sans subvertir l'ordre de procéder actuellement suivi, rassureront l'inno-nocence, et faciliteront la justification des accusés, en même temps qu'elles honoreront davantage le ministère des juges dans l'opinion publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent :
Art. 1er. Dans tous lieux où il y a un ou plusieurs
tribunaux judiciaires établis, la municipalité nommera un nombre suffisant de
notables, eu égard à l'étendue du ressort, parmi lesquels seront pris les adjoints qui
assisteront à l'instruction des procès criminels, ainsi qu'il va être dit
ci-après.
Art. 2. Ces notables seront choisis dans la classe des citoyens de bonnes murs et de probité reconnues, et leur élection sera renouvelée tous les ans; ils prêteront serment à la commune, entre les mains des officiers municipaux, de remplir fidèlement leurs fonctions. La liste de leurs noms, qualités et demeures sera déposée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux judiciaires, par le greffier de la municipalité.
Art. 3. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge qu'en présence de deux adjoints ; il sera fait mention de leur présence et de leurs noms dans l'ordonnance qui sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de nullité.
Art. 4. Les procureurs généraux et les procureurs du Roi ou fiscaux qui accuseront d'office, seront tenus de déclarer par la plainte s'ils ont un dénonciateur ou non, à peine de nullité ; et s'ils ont un dénonciateur, ils déclareront en même temps, son nom, ses qualités et sa demeure, afin qu'il soit connu du juge et des adjoints à l'information, avant qu'elle soit commencée.
Art. 5. Les procès-verbaux de l'état des personnes blessées, ou du corps du mort, du lieu où le délit aura été commis, et des armes, hardes et effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, seront dressés en présence de deux adjoints, qui pourront faire au juge leurs observations, dont sera fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, à peine de nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du chef-lieu de la juridiction, les notables, nommés dans le chef-lieu, pourront être suppléés dans la fonction d'adjoints aux procès-verbaux, par les membres de ia municipalité du lieu du délit.
Art. 6. L'information qui précédera le décret, continuera d'être faite secrètement, mais en présence de quatre adjoints qui assisteront à l'audition des témoins.
Art. 7. Les adjoints seront tenus en leur âme et conscience de faire au juge les observations tant à charge qu'à décharge, qu'ils trouveront nécessaires pour l'explication des dires des témoins, ou l'éclaircissement des faits déposés; et il en sera fait mention dans le procès-verbal d'information, ainsi que des réponses des témoins. Le procès-verbal sera coté et signé à toutes les pages par les quatre adjoints, ainsi que par le juge, à l'instant même et sans désemparer, à peine
de nullité; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux.
Art. 8. Dans le cas d'une information urgente et provisoire qui se ferait sur le lieu même pour flagrant délit, les notables pourront, en cas de nécessité pressante, être remplacés par deux des principaux voisins qui ne seront pas dans le cas d'être entendus comme témoins.
Art. 9. Les décrets ne pourront plus être prononcés que par trois juges au moins ; et les commissaires des coufs souveraines qui seront autorisés à décréter dans le cours de leurcommission, ne pourront le faire qu'en appelant deux juges du tribunal du lieu, ou, à leur défaut, des gradués. Aucun décret de prise de corps ne pourra désormais être prononcé contre les domiciliés, que dans le cas où, par la nature de l'accusation et des charges, il en pourrait écheoir peine corporelle.
Art. 10. L'accusé décrété de prise de corps, pour quelque crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra conférer librement en tout état de cause; et dans le cas où l'accusé ne pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui en nommera un d'office, à peine de nullité.
Art. 11. Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur les décrets d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel, tous les actes de l'instruction seront faits contradictoirement avec lui, publiquement, et les portes ouvertes. De ce moment, l'assistance des adjoints cessera.
Art. 12. Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement de l'accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur, s'il y en a, les procès-verbaux ou rapports, et l'information ; il lui fera représenter aussi les effets déposés pour servir à l'instruction; il lui demandera s'il entend choisir un conseil, ou s'il veut qu'il lui en soit nommé un d'office : en ce dernier cas, le juge nommera le conseil ; et l'interrogatoire ne poùrrà être commencé que le jour suivant.
« Art. 13. 11 en sera usé de même à l'égard des accusés qui comparaîtront volontairement sur un décret d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel.
Art. 14. Après l'interrogatoire, la copie de toutes les pièces de la procédure sera délivrée à l'accusé, en papier libre, s'il la requiert ; et son conseil aura le droit de voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l'instruction.
Art. 15. La continuation et les additions d'information, qui auront lieu pendant la détention de l'accusé, seront faites publiquement et en sa présence, sans qu'il puisse interrompre le témoin pendant le cours de sa déposition.
Art. 16» Après que la déposition sera achevée, l'accusé pourra faire faire au témoin, par le juge, les observations et interpellations qu'il croira utiles pour l'éclaircissement des faits rapportés, ou pour l'explication de la déposition. La mention, tant des observations de l'accusé que des réponses du témoin, sera faite ainsi qu'il se pratique à la confrontation; mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant, ne le feront pas réputer faux témoin.
Art. 17. Lorsque le procès aura été réglé à l'extraordinaire, il sera publiquement et en présence de l'accusé, procédé par un seul et même acte, d'abord au récolement des témoins, et de suite à la confrontation. Les reproches contre les témoins pourront être proposés et prouvés en
tout état de cause, tant après qu'avant la connaissance des charges.
Art. 18. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent, à tous les acte^ de l'instruction, sans pouvoir y parler au nom de l'accusé, ni lui suggérer ce qu'il doit dire ou répondre; si ce n'est dans le cas d'une nouvelle visite ou rapport quelconque, lors desquels il pourra faire ses observations, dont mention sera faite dans le procès-verbal.
Art. 19. L'accusé aura le droit de proposer, en tout état de cause, ses faits justificatifs ou d'atténuation; et la preuve sera reçue de tous ceux qui seront jugés pertinents, quoiqu'ils n'aient point été articulés par l'accusé dans son interrogatoire et autres actes de la procédure. Les témoins que l'accusé voudra produire, sans être tenu de les nommer sur-le-champ, seront entendus publiquement, et pourront l'être en même temps que ceux de l'accusateur sur la continuation ou addition d'information.
Art. 20. Il sera libre à l'accusé, soit d'appeler ses témoins à sa requête, soit de les indiquer au ministère public pour qu'il les fasse assigner ; mais dans l'un ou l'autre cas, il sera tenu de commencer ses diligences ou de fournir l'indication de ses témoins, dans les trois jours du jugement qui aura admis la preuve.
Art. 21. Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interrogatoire prêté, et le jugement prononcé, le tout à l'audience publique. L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire, après lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier; mais son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense après le rapport fini, les conclusions données, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique, pour la prononciation du jugement.
Art. 22. Les personnes présentes aux actes publics de l'instruction criminelle se tiendront dans le silence et le respect dUsau tribunal, ets'inter-diront tout signe d'approbation et d'improbation, à peine d'être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui Sera fixé' par le juge, et qui ne pourra cependant excéder huitaine, oU même poursuivies extrâordinaire-ment, en cas de trouble ou d'indécence graves.
Art. 23. L'usage de là sellette au dernier interrogatoire, et la question préalable sont abolis.
Art. 24. Aucune condamnation ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort qu'aux quatre cinquièmes.
Art. 25. Tout ce qui précède sera également observé dans les procès poursuivis d'office et dans ceux qui seront instruits en première instance dans les cours souveraines. La même publicité y aura lieu pour le rapport, les conclusions, le dernier interrogatoire, le plaidoyer du défenseur de l'accusé, et le jugement dans les procès criminels qui y sont portés par appel.
Art. 26. Dans les procès commencés, les procédures déjà faites subsisteront; mais il sera procédé au surplus de l'instruction et au jugement, suivant les formes prescrites par le présent décret.
Art. 27. L'ordonnance de 1670, et les édits, déclarations et règlements concernant la matière continueront d'être observés en tout ce qui n'est
pas contraire au présent décret, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DË M. MOÙNIËR.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures dil matin;
, secrétairet donne lecture des procès-verbaux des 28 et 29 septembre. Les corrections faites au premier, d'après diverses observations de la veille, avaient nécessité d'en recommencer la lecture^
déhonce à l'Assemblée le refus du comité des finances de donner à l'imprimeur l'état des pensions. L'on peut juger, dit-il, d'après touis les obstacles que le comité des finances oppose à l'impression, si cet état excitera la confiance publique.
Cette observation n'a pas de suite.
annonce l'ordre du jour qui appelle la discussion sur le projet d'organisation du Corps législatif.
L'article 1er est aiusi conçu :
« Art. 1er. Le Roi peut inviter l'Assemblée nationale à prendre un objet en considération, mais la proposition des décrets appartient exclusivement au Corps législatifs »
propose de dire : la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation.
, député du Berry. Il serait essentiel de borner la prérogative royale à proposer de prendre un objet en considération lorsqu'il s'agira d'une ancienne loi, mais non lorsqu'il s'agira d'en faire une nouvelle parce qu'alors ce serait reconnaître au Roi l'initiative des lois.
regarde l'article comme intitile, puisque la distinction des pouvoirs est déjà fixée.
répond que l'article est nécessaire et bien rédigé avec l'amendement de M. Démeunier, parce que le Roi pouvant proposer un objet pour être mis en discussion, il est ^prudent d'excepter l'initiative de la loi, sans quoi les ministres, sous prétexte de demander que l'on prît un objet en considération, pourraient s'emparer du droit de proposer les lois et bientôt celui de les faire.
combat le mot lois substitué par l'amendement de M. Démeunier au mot décrets proposé par le comité de Constitution. 11 fait ?remarquer que le décret ne devient loi que par la sanction royale.
Plusieurs membres appuient cette observation. Néanmoins l'amendement est adopté.
L'article 1er passe à l'unanimité dans les termes suivants :
« Art. 1er. Le Roi peut inviter l'Assemblée nationale à prendre un objet en considération, mais la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation. »
donne lecture de l'article suivant, ainsi libellé :
« Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire âuchne loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l'observation. »
prétend que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements provisoires pour les différents départements qui lui Sotït subordonnés ; que l'Assemblée nationale, qui a ordonné la responsabilité, ne peut elle-même se réserver le droit de faire des règlements d'administration; enfin il conclut à ce que le Roi soit autorisé à faire des règlements ait moins provisoires.
Un membre réfute M. Malohet, en disant qtié l'article remplit ses Viles, puisque le Roi est autorisé à faire des proclamations conformes aux lois.
Un autre méinbré refiise au Roi Iè droit de faire des règlements provisoires; il prétend que ce droit résidant dans les mains dii pouvoir exécutif nous replongerait dans les mairis dut despotisme.
Au milieu de dette diversité d'opinions, M. Target défend l'arrêté du comité.
Un fnembïe de Id noblesse prétend qtie si le Roi ne pouvait faire de règlements, il faudrait que le Corps législatif fût toujours en activité ; car, par exempte, pour l'armée, les règlements provisoires sont à chaque moment nécessaires.
, évêqiiè de Làngres, va plus loin ; il donviént que les règlements concernant la législation ne peuvent être faits que par le Corps législatif; mais quant à l'administration, il dit que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements ndii pas provisoires, taais définitifs. Il fait donc un sous-amendement à l'amendement de M. Malouet ; c'est de retrancher le mot provisoire.
Un membre de la noblesse cite un exemple où it croit que les règlements provisoires, de la part du Roi, sont nécessaires. L'Angleterre, pour entraîner la désertion des matelots, accorde des primes considérables ; il faut donc laisser au Roi le naoyen de prévenir la désertidtt.
propose une autre rédaction : « Le Roi ne pourra pas, par des règlements, même provisoires, suspendre ou arrêter l'exécution des lois. » Cette rédaction, bien inférieure à celle du comité, a cependant été applaudie.
parle avec force et éloquence.
Il y aura toujours des bases, dit-il, sur lés-quelles le Roi pourra appliquer Ses proclamations. Certainement il n'est pas nécessaire d'accorder au Roi pour cela le pouvoir de faire des règlements provisoires.
dit que ce serait accorder âu Roi
une portion du pouvoir législatif. Celui seul qui peut faire des lois définitives peut faire des lois provisoires. Sans cela, c'est détruire tout, et ce que nous avons déjà fait devient inutile.
Vous avez déjà séparé les pouvoirs, vous avez déterminé les principes, et vous êtes sur le point de les confondre. L'on vous a parlé du mot provisoire ; mais c'est là ouvrir une porte aux abus que nous n'avons pas encore réformés. J'adopterais l'amendement de M. Anson, mais j'ajouterais un sous-amendement ; c'est que le Roi ne pourra même interpréter les lois. Gela ne me paraît pas trop rigoureux; c'est à cette interprétation, que le conseil a toujours faite selon son intérêt, que nous avons dû notre esclavage.
Je crois que l'article est très-bien rédigé; il ne s'agit dans ce moment que de la législation générale, et le pouvoir exécutif ne peut faire sur cette matière aucun règlement ; mais quand on sera parvenu au point de circonscrire le pouvoir exécutif, on déterminera quelle sera sa latitude et son influence, soit vis-à-vis des assemblées provinciales, soit pour l'armée, etc.
adopte la même distinction, et réfute les raisonnements des préopinants.
Je vous demande, Messieurs, si c'est dans ce moment que l'on doit affaiblir le pouvoir exécutif, déjà si languissant et si furieusement attaqué; dans ce moment, où nous n'avons qu'une liberté si voisine de l'anarchie.
Cependant nous voulons détruire le reste des ressorts qu'a conservés le pouvoir exécutif. J'ose-rai demander à l'Assemblée si elle est si sûre des lois qu'elle va porter, qu'elles ne seront susceptibles d'aucune interprétation ; si cela est, il faut sans doute déclarer que le Roi n'aura point le droit de faire aucun règlement; mais au contraire, ces lois ne sont faites que par des hommes soumis à l'erreur : il faut laisser au pouvoir executif le soin de faire rédiger ces règlements. La permanence doit rassurer sur le prétendu entêtement de toutes les prérogatives du pouvoir législatif.
Vous avez voulu distinguer les pouvoirs ; vous avez à peine réussi dans ce grand travail, que vous les mettez déjà aux prises. L'on parle de laisser au Roi le soin d'interpréter nos lois; mais ces interprétations ont toujours détruit les lois principales, ont toujours produit le despotisme.
En admettant le principe du préopinant, des ministres pervers, des hommes ambitieux, chercheront à envahir le pouvoir législatif. Ils l'envahiront et seront nos législateurs.
Non , Messieurs, le pouvoir législatif seul a le droit de faire et d'interpréter des lois. L'on vous a dit qu'il fallait distinguer la législation générale de tous les détails ; cette distinction est vraie : posons maintenant le principe, et nous en tirerons la conséquence quand il en sera temps. Je demande donc que le pouvoir exécutif ne puisse ni suspendre ni interpréter les lois.
appuie le discours de M. Pétion.
, premier président du parlement de Bordeaux, s'élève contre le droit d'inter-
prétation gue l'on voudrait accorder au pouvoir exécutif. L'interprétation, dit-il, appartient à celui qui fait les lois, sans cela les pouvoirs sont confondus.
convient des principes ; il se contente de citer quelques exceptions, où il prétend que le Roi doit avoir Je droit de faire des règlements, par exemple, relatifs à l'armée.
lui réplique par une citation de ce qui se pratique tous les ans en Angleterre quant au bill de la mutinerie.
reprend la parole pour soutenir la thèse qu'il avait avancée ; il reconnaît la distinction des pouvoirs, mais il persiste à dire que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements de police, d'économie, etc. Son opinion qui paraissait outrée, excite quelques murmures ; ce qui lui fait dire qu'il prouvera un jour qu'il est loin ' d'être l'apologiste des ordonnances ministérielles.
répond à M. Malouet qu'il ne s'agit ici que de la législation en général, et non de l'administration ; que quand on en sera arrivé à ce moment, il faudra avoir la plus grande circonspection ; car le gouvernement, sous prétexte d'établir des lois d'administration, a établi des impôts, tels que les insinuations, les contrôles, etc. Il est donc à craindre que le pouvoir exécutif, en faisant des lois d'administration, ne mette encore des impôts.
D'après la division demandée, M. le président met en question si l'Assemblée veut renvoyer à l'organisation du pouvoir exécutif tous les détails des règlements.
La question des règlements est renvoyée, à l'unanimité, à l'organisation du pouvoir exécutif.
met ensuite aux voix l'article qui est adopté en ces termes :
« Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations. »
donne lecture de l'article 3.-
« Art. 3. La création ou suppression des offices, commissions et emplois appartient exclusivement au Corps législatif. »
La lecture de cet article occasionne de grands débats.
propose, comme amendement, de retrancher les mots emplois et commissions.
Un autre membre demande la suppression tlu mot exclusivement, et l'addition : avec le consentement du Roi.
rend compte des motifs qui ont déterminé le comité à proposer cet article. On a vu, par un abus très-répréhensible, des hommes, -ne pouvant obtenir des places vacantes, obtenir la création de places sans fonctions ; la France se rappellera longtemps que la Reine a créé une charge de dame du palais pour dégoûter madame de Noailles. Cette placecréée sans objet, sans fonctions, a coûté à la France la retraite de M. Tur-got, et 400,000 livres de gages annuels, payées à la dame du palais.
fait sentir surtout la nécessité de ne pas iaisser au pouvoir exécutif la liberté d'abolir et de créer des charges dont on prive ceux qui luttent contre le despotisme, et dont on gratifie ceux qui sont bas et rampants.
fait une distinction. Toutes les charges relatives à l'administration du pouvoir exécutif doivent être à la nomination du Roi, et celles qui sont dépendantes du Corps législatif doivent être créées par lui et nommées par la nation. Il demande ensuite ce que le comité actuel entend par emplois et commissions.
répond que ce sont tous les emplois qui ne sont pas érigés en titre d'offices; tous les emplois que le gouvernement crée et qu'il faut soudoyer.
réplique que la nation seule fixera les places des agents ; qu'elle fixera la dépense de chaque département, et que les termes commissions et emplois deviennent inutiles.
appuie l'observation de M. Martineau.
Il est nécessaire de suivre la dépense des départements; par exemple, dans la partie militaire, il ne faut pas avoir une armée de lieutenants généraux, mais une armée de combattants; il ne faut pas que le pouvoir exécutif puisse multiplier les états-majors, multiplier tous les subdélégués ; en un mot, tous les agents inutiles qui enlèvent en grande partie les fonds destinés à leur département.
, e'vêque de Langres. Ce n'est pas ici le moment de s'expliquer sur ces objets; l'on traitera des emplois militaires lorsque l'on s'en occupera ; l'on s'occupera des places de judicature quand on traitera de l'ordre judiciaire. Je demande donc la question préalable.
Ce serait préparer aux successeurs de la session actuelle de grands motifs d'ambition et de grands moyens de troubler l'Etat, si on laissait le soin des emplois militaires au Corps législatif. En Angleterre, le Parlement, sous Charles Ier, s'était arrogé le droit de nommer aux places militaires, et Charles fut détrôné.
L'ennemi est à vos portes; assemblera-t-on le Corps législatif? l'ennemi attaque nos frontières ; sera-ce le Corps législatif qui les ira défendre? Si le Corps législatifpeut créer des places, les représentants deviendront ambitieux, chercheront à les obtenir, et de là les emplois mal remplis.
MM***, de Virieu n'est pas heureux dans le choix de ses autorités : le Sénat à Rome avait sans doute une très-grande influence dans l'armée, et Rome a conservé sa liberté. Le Roi de France, c'est-à-dire ceux qui l'entourent, ont nommé aux emplois; a-t-on à s'applaudir du choix qu'ils ont fait jusqu'ici des agents du despotisme? Non, sans doute, puisque sous nos derniers Rois, une maîtresse faisait un général d'armée.
Un membre démontre la nécessité des mots emplois et commissions. Vous avez l'intention, dit-il, de supprimer les intendants; mais qui vous garantira que le Roi ne les rétablira pas sous un autre nom, si le Roi peut créer des commissions ?
appuie la question préalable par de très-longs raisonnements.
défend l'article du comité, et il propose cet amendement :
« Tout citoyen ne pourra être destitué sans un jugement préalable et suivant les formes. »
L'amendement de M. le duc d'Aiguillon est appuyé par M. Le Chapelier.
assure qu'il y a en ce moment plus de dix mille officiers et plus de douze cents officiers généraux. C'est pour multiplier les emplois, dit-il, que l'on a doublé les régiments et l'état-major ; il n'y a pas un petit gentilhomme de campagne, s'arrogeant le titre de baron ou de marquis, qui ne veuille être lieutenant-colonel ; delà premier colonel, colonel en second, colonel à la suite, lieutenant à la suite.
Enfin l'on va aux voix. D'abord on soumet à la délibération la question préalable, et il est décrété qu'il y a lieu à délibérer.
On propose l'amendement de rayer emplois et commissions.
propose seulement le mot commissions ; car, dit-il, dans le corps diplomatique il est des emplois où il faut nommer sur-le-champ.
appuie ce qu'a dit M. Duport. Il faut quelquefois retirer un ambassadeur pour envoyer à sa place un ministre plénipotentiaire.
Le terme commissions est d'abord retranché, et ensuite celui d'emplois.
met aux voix le second amendement; celui qui porte sur la rature du mot exclusivement. Il se fait deux épreuves; l'une et l'autre sont douteuses.
Le clergé avait, dit-on, beaucoup d'étrangers dans ses bancs; on s'en est plaint hautement.
change la délibération, en présentant une rédaction pour concilier tous les esprits ; elle est conçue dans les termes suivants :
« Toute création et suppression d'office ne pourront se faire qu'en vertu d'une loi. »
Des membres élèvent des doutes sur les décrets prononcés, à cause des étrangers qui sont, disent-ils, parmi le clergé. On est forcé d'aller aux voix pour savoir si ces décrets subsisteront, et ils sont déclarés valables.
L'on revient au second amendement.
prononce le décret et déclare la rature du mot exclusivement.
Ce décret excite des réclamations.
consulte le vu de l'Assemblée sur la certitude ou l'incertitude de la majorité.
L'Assemblée décide que la majorité est pour la conservation du mot exclusivement.
se rétracte avec une franchise digne d'éloge. L'Assemblée, dit-il, a décrété que j'avais commis une erreur, et décrète que le mot exclusivement restera dans l'article.
met aux voix l'amendement qui consiste à ajouter avec la sanction du Roi.
observe que cet amendement est contraire au mot exclusivement que l'Assemblée a adopté. H fait voir que cette question tient à l'organisation des pouvoirs-, que, pour les organiser, il n'est pas besoin de la sanction du Roi, puisque les officiers tiennent à l'organisation des pouvoirs, et il demande la question préalable,
représente que le mot exclusivement n'est là que pour ôter au pouvoir exécutif la liberté de créer des offices ; qu'ainsi il y a lieu à délibérer. En effet, il est décrété qu'il y a lieu à délibérer.
soumet un quatrième amendement proposé par M. le duc d'Aiguillon.
propose de déclarer qu'aucun citoyen ne pourra être destitué de son emploi, sans un jugement préalable, rendu suivant les formes prescrites par la loi.
considère l'amendement comme une motion incidente et en demande l'ajournement.
consent, à l'ajournement.
se dispose à ffiettre au^ voix la rédaction de l'article proposé par M. 4e Lameth.
proteste en ce forment contre la conduite dq subdélëgué de Saint-Quentin, non député, et qui a affirmé trois fois qu'il l'était. Ce particulier étant dans les bancs des communes, a voté à toutes les délibérations. Plusieurs njetnfrres demandent qu'il en soit fg.it mention dans le propèSTverbal ; mais on continue la délibération.
donne lecture d'une rédacr-tion nouvelle qui vient d'être déposée sur le bureau :
a Art. 3. La création et la suppression des offices ne pourront avoir lieu qu'en exécution d'un acte du Gorps législatif, sanctionné par le ïioi. »
Cette rédaction est adoptée à une très-grande majorité.
Le clergé du bailliage de Lille a nommé pour son député, ep remplacement de % Dupont, .démissionnaire, M. le baron de Carpndelet. prévôt du chapitre de Seclin; M. Gosse, curé, chanoine de Comines, a été nommé député spppléant.
Sur le rapport du comiUi de vérification, M. le baron de Carondelet est autorisé par l'Assemblée nationale à siéger et à délibérer dans son sein.
Un membre observant que le comité de rédaction avait été chargé de développer les motifs qui avaient décidé l'Assemblée nationale à adopter le plan proposé par M. le premier ministre des finances dans )a séance du 24 septembre, a demandé que le travail de ce comité fut mis incessamment sous les yeux de l'Assemblée-
invite le comité des finances, le comité ecclésiastique, celui des rapports et celui de judicature à s'assembler à cinq heures et demie.
annonce une députation du district de Saint-Magloire de Paris.
La députation est admise.
M; Moreau, fun des membres qui la composent, a donné lecture d'une délibération de ce district en date du 28 septembre, conçue en ces termes :
« Ce jour, l'assemblée générale convoquée ex-traordinairement, M. de Vergennes a demandé la parole et a dit ;
« Messieurs, il n'est plus permis à aucun citoyen de rester indifférent sur les malheurs de l'Etat. Jusqu'ici notre patriotisme n'a consisté pour ainsi dire que dans les sentiments de la douleur publique ; aujourd'hui, Messieurs, les maux de la France nous sont connus, ils sont extrêmes; mais le ministre qpi nous ep a tracé le tableau si effrayant, nous a en même temps présenté celui de ses ressources.
« Ce n'est plus, Messieurs, sur notre courage et sur nos forces que ce ministre fonde ses seules espérances, c'est sur nos sacrifices ; et que spnt ces sacrifices auprès des dangers que vous ave? courus, des dangers que vous avez affrontés ?
a M. Necker nous demande, au nom de la patrie, le quart de nos revenus et il nous a dit que le salut de la France reposait sur c£ sacrifice. Est-il un citoyen parmi vous qui puisse balancer à }e faire, lorsque la prospérité publique en dépend? Non. Messieurs, des citoyens qui, comme vous, ont risqpé leur vie pour la défense de la liberté n'hésiteront point à sacrifier une partie de leur fortune POÙr sauver l'honneur de la France.
« Quant à moi, Messieurs, plein de respect pour les décrets de l'Assemble nationale, je m'empresse de vous offrir un nouvel hommage en vous apportant ma soumission de verser dans le Trésor national le quart de mes revenus.
«Votre zèle, sans doute, n'avait pas besoin d'être excité par mon exemple, mais comme tous mes sentiments se sont échauffés au milieu de vous, j'ai cru vous devoir compte de tous les mouvements de patriotisme dont mon pqr est agité; et si ma soumission pouvait entraîner votre adhésion, j'estime qu'il serait digne de votre sagesse de faire connaître votre vu par un décret qui pût prouver aus représentants de la nation, au {loi et à % Necker, que le respect du district de Saint-Mag}oire pour les décrets de l'Assemblée nationale, égale sa confiance dans leurs effets et son dévouement entier au bien 4e l'Etat.
« L'assemblée a applaudi avec les plus vifs transports à la motion de M. de Vergennes, et après en avoir délibéré, les citoyens qui la composent, jaloux de donner à la nation et au Roi, des preuves de leur entier dévouement. ont déclaré à l'unanimité qu'ils adhèrent avec empressement au décret de l'Assemblée nationale du 26 du présent m°is et qu'ils concourront, avec un zèle égal et suivant leurs facultés, à sou exécution.
« L'assemblée a arrêté que MM. de Vergennes? Mpreau, Soufflot de Mercy, Poursin et ,de Grande champ, serjaieut députés à l'Assemblée nationale pour lui porter la présente délibération qoiume une preuve de son respect pour ses décrets, et , qu'ils se retireraient ensuite auprès de M. Necker pour lui offrir son hommage; a arrêté, eu outre, qu'elle serait imprimée, affichée et communiquée tant à MM. les représentants de la commpne qu'à tous les districts de la capitale.
« Signé sur le registre : Moreau, 'président; Pasquier de Saint-Cyr, secrétaire. »
répond à la députation :
« Messieurs, l'Assemblée nationale voit avec satisfaction le patriotisme des citoyens du district de Sairçt-Magloire et leur spumission à ses décrets. »
L'Assemblée admet immédiatement après une députation de la compagnie des Invalides, commise à la garde et a la police du château 4eR Tuileries, qui présente l'adresse suivante :
« Nosseigneurs, permettez que de vieux serviteurs, toujours jaloux de gloire, se repaissent encore journellement de celle qu'ils ont acquise dans les combats et que, désirant d'en acquérir une nouvelle, ils vous prient de vouloir bien agréer, comme un faible témoignage de leur amour pour la patrie et de leur admiration pour vos sages décrets , une somme de iOQ livres, destinée à être versée.daqg la caisse nationale (ils sacrifient deux jours de leur paye), leur regret est de ne pouvoir faire un don plus considérable, de ne l'avoir pas fait des premiers; et leur désir est que leur exemple soit suivi par ceux qui sont dans le cas de donner,
« Depuis l'ouverture de votre auguste Assemblée, ils ont renoncé au doux plaisir de parler de guerre et de batailles pour ne s'occuper que de vos importantes délibérations; pénétrés de respect pour le zèle qui vous anime et dont vous ne çessez de donner dés preuves à l'enyi les nos des autres , ils adressent dés vux au Ciel pour qu'il vous aide à parvenir au but que vous vous proposez, et qui doit vous couvrir un jour 4'une plus grande gloire que le gain d'une bataille.
« Signé : Franquet, Treslin, Stybaut, Nalez, députés de la compagnie des bas-officiers invalides détachés au château des Tuileries. »
Des applaudissements répétés accueillent cette lecture.
répond :
« Messieurs, le nouveau sacrifice fait par d'anciens guerriers à }a patrie, ne peut être vu qu'avec attendrissement par tous les bons citoyens; l'Assemblée nationale me charge de vous en témoigner sa satisfaction. »
lève la séance après avoir fixé celle du soir à sept heures.
Séance du mercredi 30 septembre 1789, au soir.
A l'ouverture de la séance, il a été fait lecture de différentes adresses : savoir, des officiers municipaux de la ville de Cambrai, contenant des réclamations contre l'arrêté de l'Assemblée nationale, qui supprime les dîmes ;
D'une adresse du même genre des Etats de la ville de Cambrai et du Pambresi.s ;
D'une autre des officiers municipaux ejt de ceux des justices seigneuriales 4e la ville de Gourvilie: elle exprime dès sentiments de reconnaissance et de dévouement, et renferme 4§ plus la demande d'une justice royale ;
D'une autre de la ville de Saint-Geniez, en Rouergue, contenant félicitations, remercîments et adhésion aux décrets de l'Assemblée, .quelle supplie d'ordonner aux administrateurs de la province de Rouergue, d'user de tous les moyens que peuvent offrir les finances de cette province, pour prévenir les calamités dont la ville est me-
naçée par l'irréparable cessation du travail. Le comité municipal de cette ville offre l'avance de 7 à 8,QQ0 livres pour l'établissement de l'atelier de charité qu'il sollicite;
D'une autre de la ville de Sisteron, en Provence, eonteqant félicitations , remercîments , adhésion et ratification formelle de la renonciation faite par les représentants à tous les privilèges de la Provence ;
D'une lettre de M. de Rivais, ancien garde du Roi, sous-lieutenant de maréchaussée de Rourgoin, en Dauphiné, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Suite du congrès convoqué pqr ordre de VEternel, tenu par la Justice, la Raison et la Vérité ;
Des délibérations des communautés de Taras-con et \ arilhes,du pays de l'Ordadais, de la ville de Saipt-Thibault et plusieurs lieux circonvoisins, de la communauté de Montant, de celle de Saint-Quirc et de celle de Saint-Paul ; de celle de Lis-sac, de celle de Benac, de celle de Goûté, de celle de Rieux-de-Port, de la ville de Mazères, de la province de Foix, par lesquelles elles adhèrent aux arrêtés de l'Assemblée, notamment à ceux du 4 août, et ratifient en conséquence la renonciation aux privilèges'de leur province, faite par leurs députés ;
D'une adresse 4e félicitations, de remercîments et d'adhésion de la ville de Romorantin , capitale delà Sologne,qui supplie l'Assemblée de prendre en considération les moyens de lui rendre ses anciens avantages, en encourageant le travail de sa fabrique, presque déserte à cause des circonstances actuelles, et en augmentant Pétendue du ressort de sa juridiction royale ;
Enfin, d'un extrait des registres de la Chambre ecclésiastique de Colmar, en Haute-Alsace, qui rend hommage à la pureté des vues et au zèle qui anime l'Assemblée nationale, mais qui ne peut se dispenser de lui adresser ses respectueuses représentations sur les dispositions contenues dans les arrêtés du 4 août et jours suivants, et d'adhérer à la présentation du mémoire du clergé de la Rasse-Alsace.
M. le Gendre, député de la ville de Brest, a présenté à l'Assemblée un projet de souscription par triotique, formé par la ville et sénéchaussée de Brest, en date des 9 de ce mois, que l'Assemblée nationale a accueilli avec satisfaction. On a fait l'énuraération des autres dons patriotiques inr scrits dans le registre à ce destiné.
Un membre du comité de rapport a rendu compte, au nom de ce comité, de Vaffaire de Marienbourg, dont l'Assemblée s'était 4éjà occupée dans la séance du 21 août au soir : les conclusions du comité de rapport ont été appuyées par celui des recherches.
Un membre ayant deman4é qu'il lui^fût permis d'interrompre l'ordre du jour pour un don patriotique, il a annoncé que M- David, habitant de Paris, offrait à l'Assemblée nationale 7,Û0Ô livres, moitié de son revenu, payables au 15 du mois prochain : l'Assemblée a applaudi au patriotisme de ce citoyen, qui a témoigné le désir d'assister à la séance et qui en a obtenu l'agrément.
La discussion s1 établit sur Vaffaire de Marient bourg. On se rappelle qu'à raison des changements arrivés dans la"municipalité, le prévôt de la maréchaussée s'était cru en droit d'attenter à la liberté de quatre citoyens et 4e les faire transporter ignominieusement dans la ville d'Avesnes. M. le comte d'Estherazy avait été accusé primitivement d'avoir ordonné l'arrestation.
défend avec chaleur la cause des citoyens persécutés et demande que l'Assemblée prooonce sur cet abus d'autorité qu'il regarde comme un attentat à la liberté civile et politique.
est d'avis qu'il n'y a pas lieu à délibérer parce que les particuliers arrêtés peuvent se pourvoir devant les tribunaux à raison des excès commis sur leurs personnes.
Un membre, frappé de la légèreté avec laquelle M. d'Estherazy a été dénoncé à l'Assemblée, comme auteur de l'arrestation, quoiqu'il fût à 24 lieues de distance, lors de l'événement, propose le décret suivant:
« L'Assemblée arrête qu'aucune dénonciation ne pourra lui être faite que sur des pièces authentiques déposées sur le bureau, ou d'après la certification des faits, aux risques et périls du dénonciateur. »
L'Assemblée ne délibère point sur cette motion quoiqu'elle ait été appuyée.
annonce qu'il va se retirer par devers le Roi, à l'effet de présenter divers décrets à sa sanction.
, vice-président, occupe le fauteuil et la discussion continue.
Divers amendements sont présentés et rejetés.
met en délibération le décret proposé par le comité de rapport ; il est adopté et prononcé ainsi :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait de la procédure instruite contre les quatre citoyens de Marienbourg, arrêtés chez eux dans la nuit du 13 août dernier, et transférés à Avesnes, ainsi qu'il est dit dans le procès-verbal de la séance du 21 août au soir , et de la demande faite à ce même sujet par M. le comte d'Estherazy, suivant sa lettre mentionnée dans le procès-verbal du même mois, a chargé M. le président d'écrire à M. le comte d'Estherazy, qu'elle avait vu avec satisfaction que le résultat des recherches qu'elle a fait suivre démontrait qu'il n'avait eu aucune part à la détention de ces quatre particuliers, et qu'il le justifiait en même temps de tout ce qui aurait pu être dit contre lui, à raison de cette affaire, sur le fond de laquelle l'Assemblée déclare au surplus qu'il n'y a pas lieu de délibérer. »
La séance est levée et renvoyée à demain, neuf heures du matin.
à la séance de l'Assemblée nationale du
(1). Motion pour rétablissement des assemblées provinciales,proposée dans les
bureaux (2). Messieurs, après avoir rempli cet engagement
Vous ne vous êtes point cependant écartés de ce but, vous n'avez pas même cessé d'y marcher; car il fallait sans doute reconnaître et exposer les droits de l'homme avant de concerter les moyens les plus propres à leur en assurer la jouissance, et ce dernier devoir est le seul qui vous reste à remplir en ce moment.
Une réflexion plus profonde ne vous échappera pas sans doute, Messieurs : une nation n'est pas libre au jour même où elle reçoit une bonne Constitution. Transportez dans l'Asie les institutions de l'Amérique, faites-les promulguer au nom du despote, elles ne rendront pas, sur-le-champ, le peuple plus heureux et plus libre; ce n'est qu'en ranimant dans toutes les âmes, l'amour, les principes de la justice et de la liberté, qu'on les dispose à concevoir et à chérir les lois et les usages nouveaux que l'on établit. En vain, l'on redoute encore, comme voisins de l'exagération et de la licence, ces mots de justice, droits des hommes, liberté, qui ont avec tous les curs généreux une correspondance si intime ; est-il donc permis d'ignorer que rien ne dispose à l'ordre et à la paix comme la liberté ; que les hommes vraiment libres sont toujours généreux, humains et modérés, tandis que rien n'égale la violence et l'exagération des esclaves, lorsque leurs fers sont un moment relâchés?
En suivant cette observation, vous verrez, Messieurs, que les combinaisons générales et abstraites des pouvoirs ne peuvent seules rétablir l'ordre et l'empire des lois, mais qu'elles doivent être précédées par des institutions particulières et locales, qui, pouvant atteindre et agir sur les individus, puissent en même temps les modifier d'une manière utile, et les amener aux habitudes et aux murs qui conviennent à la liberté.
Faut-il donc s'occuper d'abord de l'unité ou de la division des Assemblées nationales, de la prérogative de la couronne, ou du mode des élections? Laisserons-nous, pendant les longs débats que ces questions entraîneront nécessairement, la France dans l'inquiétude et dans l'anarchie?
La France ne peut désirer de se voir livrée à des discussions qui n'auront d'effet qu'après notre séparation, et prendre des résolutions qui nedéter-minent qu'un ordre de choses à venir, lorsque le présent réclame tout notre zèle et tous nos travaux. Qu'importe aux provinces l'organisation future de l'Assemblée nationale, qui doit, à la vérité, assurer un jour sa liberté, mais qui, dans le moment actuel, ne remédie à aucun de ses maux ! La Constitution est, pour chaque partie du royaume, la cessation des maux qu'elle éprouve, elle est à Paris le rétablissement des finances, ailleurs celui du commerce et de l'industrie; elle est pour tous la garantie des propriétés, et l'établissement de l'ordre. Dans l'état actuel des choses, de simples prescriptions ne suffisent pas. Vainement organiserez-vous les tribunaux, si leurs décrets ne sont pas respectés ; vainement distin-guerez-vous les bornes du pouvoir exécutif, s'il ne parvient pas à être obéi. Puisque d'odieux ministres ont eux-mêmes brisé tous les ressorts de l'autorité, il faut que l'autorité soit reprise dans sa source, et puisée de nouveau dans le sein même de la nation.
Il faut, en un mot, que le peuple élise au plus tôt les hommes qu'il aime à croire, parce qu'il Les aura choisis, des hommes qu'il place lui-même comme intermédiaires pour recevoir vos décrets, et en faciliter et assurer l'exécution.
» On ne saurait trop tôt créer parmi nous une espèce d'autorité, à laquelle tous les intérêts les plus chers à l'homme se rallient, ceux qui touchent à son existence, à sa propriété et à son industrie, et qui concentrent cette multitude de besoins locaux, qui affectent plus vivement ceux qui les éprouvent, que Jes intérêts plus grands, mais plus éloignés d'eux qui nous occupent. Les y assemblées provinciales peuvent seules remplir cet intervalle trop grand qui sépare l'Assemblée nationale des dernières classes du peuple, dont les intérêts et les besoins, toujours si p*res?ants, et si recommandables aux yeux de l'humanité, et même de la politique, ont besoin d'être ramenés à une seule cause pour pouvoir nous occuper, sans quoi ils échappent par les détails à notre zèle et à nos moyens.
? Indépendamment de la nécessité de rétablir 1 ordre dans lés provinces, en fortifiant cette alliance naturelle contre les gens qui sont propriétaires, et qui se tiennent par les rapports de la fortune, de l'éducation, un grand nombre de motifs semblent faire désirer que l'on s'occupe au plus tôt de ces établissements.
Dans les circonstances actuelles, on ne peut se ^dissimuler que les subsides n'éprouvent la plus grandedifficulté dans leur perception. Dans le relâchement de tous les pouvoirs,cette difficulté ne peut que s'accroître, et si vous n'y portez une prompte et sérieuse attention, il pourrait arriver un moment où la restauration de la France serait au-dessus de vos moyens et de vos efforts. En rassemblant les propriétaires, tous ceux qui sentent le mieux le prix de la protection publique, vous vous assurerez que les subsides nécessaires pour cette protection seront reçus, sinon sans peine, au moins sans résistance. Et les hommes disposés à recevoir la loi, et à reconnaître l'autorité par la considération de leur intérêt prendront, sans peine, les modifications que le régime général du royaume doit leur donner.
De plus, malgré les sages précautions que la Justice vous a dictées. Messieurs, lors de la rédaction de vos derniers arrêtés, vous n'avez pas [ oublié, sans doute, qu'ils ont rendu précaire et incertaine l'existence des pasteurs des campagnes, de ces hommes dont les fonctions également utiles et respectables exigent qu'il soit ourvu d'une manière prompte, certaine et onorable au traitement qui leur sera assuré. Ces arrangements ne peuvent s'opérer que par les assemblées provinciales.
Leur prompt établissement peut seul empêcher Kl'état d'isolement où les villes sont prêtes à se placer, les unes à l'égard des autres, et relativement aux campagnes, il fera cesser leur division en ralliant leurs intérêts.
Jamais il ne s'est présenté un moment plus heureux et plus propice à former ces institutions. Les causes qui semblaient s'opposer à ce qu'elles fussent jamais parfaitement composées, sont dé- truites, les véritables notions de la liberté et de l'égalité politique sont reconnues.
D'ailleurs, en y réfléchissant, l'on voit que les hommes sortent rarement de cette routine, où les retiennent les murs, les habitudes et les préjugés. Il faut l'avouer à la honte des gouvernements; la violence, qui secoue le joug de la loi, et dont nous avons eu dernièrement des
exemples, est bien plus rare que cette longue et uniforme injustice, qui, sous l'apparence de la loi, détruit insensiblement les droits les plus sacrés de l'homme, ceux que la nature a gravés dans leur cur, et qu'elle leur a donné le désir et le devoir de défendre. Les hommes de ce pays surtout sont promplement ramenés au désir de la tranquillité; et vous savez, Messieurs, combienonsou-pire de toutes parts après l'établissement de l'ordre et de la paix. C'est dans ce moment que vous allez présenter aux provinces ce qu'elles ont généralement voulu des assemblées provinciales.
i Sans doute il existe encore des difficultés, mais c'est pour les vaincre toutes que nous sommes envoyés. L'Assemblée nationale, centre de tous les intérêts, arbitre naturel de toutes les prétentions, peut seule connaître et diriger sur chaque province le vu de toutes les autres, et prévenir toutes les divisions.
Pendant que vos assemblées se formeront, vous pourrez, Messieurs, avec tout le calme et le temps qu'elles exigent, décider les grandes questions de l'exécution du Corps législatif et de la Constitution.
Par là, abandonnant le faible avantage d'une marche méthodique, pour l'avantage réel de commencer l'organisation politique par les premiers fondements, c'est-à-dire, préférant de faire une Constitution à l'écrire, vous rétablirez dans la France celte tranquille activité, qui empêchera les provinces de réagir trop fortement sur vous, et de précipiter vos délibérations.
Ici, Messieurs, je m'arrête sur une réflexion qui mérite d'être méditée par vous. Les assemblées provinciales introduites dans la monarchie sont une institution nouvelle et hardie, fruit de la méditation des hommes d'Etat, souhaitée par tous les bons citoyens; elles n'ont pas encore en leur faveur l'imposante sanction de l'expérience et du temps. On peut craindre que ces établissements ne nuisent à l'unité nécessaire dans une monarchie, et qu'ils ne présentent des obstacles à l'action uniforme et suprême de la volonté générale. Ces idées et ces craintes devront nous guider dans leur formation. Ils doivent être tellement circonscrits et déterminés dans leurs fonctions, que s'ils étaient tentés d'en sortir, la réunion de tous les pouvoirs puisse les forcer à s'y replacer. C'est alors que tenant au peuple, et à ses représentants, recevant l'action des uns pour la transmettre aux autres, ils pourront entretenir la vie et le mouvement dans toutes les parties du corps social, y ranimer, y fortifier partout l'esprit public et l'amour des lois et d'uue sage liberté, inspirer enfin à tous les citoyens cet amour de la patrie, qui ne reçoit ses premiers développements qu'au sein de la famille et qui, pour atteindre et embrasser tous les concitoyens, a besoin de s'arrêter d'abord sur ceux que le hasard place auprès de lui.
S'il est vrai que ce n'est que dans les assemblées que la morale reprend son empire, la vertu et le courage leur ascendant, et que les hommes, forcés d'attirer les regards vers la partie la plus favorable de leur caractère, rougissent de paraître placer leur intérêt au-dessus de l'intérêt général; c'est encore en les multipliant et en les rapprochant du peuple, que l'on recueille toutes les idées utiles au public, qu'elles acquièrent de la maturité et de la consistance, et que l'on parviendra à perfectionner ce grand art de diriger, au profit de la société, les travaux et les lumières de chacun de ses membres.
Dans ce moment, Messieurs, il ne s'agit que de régler les questions principales qui peuvent s'élever sur la formation des assemblées provinciales, et dont les solutions doivent précéder leur établissement ; et c'est peut-être à la résolution de tenir promptement des assemblées provinciales, au moment où les rôles vont se faire, où le rassemblement est rendu facile par la saison et la marche des occupations rurales, que le salut de la France est attaché.
La première question paraît devoir être le nombre même des assemblées. Deux idées également extrêmes doivent être évitées dans cette formation. La première serait une trop grande multiplicité, qui compliquerait les ressorts de l'administration, avec laquelle on ne peut jamais voir que des détails, ni former ces vues générales et d'ensemble, qui seules peuvent servir de base aux délibérations législatives. La seconde, j'ai déjà eu l'honneur de vous l'exposer, Messieurs, ce serait d'établir des assemblées provinciales trop considérables, qui, concentrant les intérêts d'un grand nombre d'individus, pourraient opposer quelque résistance aux décrets de l'Assemblée nationale. En portant à soixante-dix environ le nombre de ces assemblées, il semble que l'on évite les deux excès. La division de la France en carrés à peu près égaux, serait la plus belle et la plus utile des opérations à cet égard.
Au-dessous de ces assemblées, vous jugerez convenable, Messieurs, de former des districts qui soient entre le peuple et ceux qui sont chargés du soin d'administrer leurs intérêts ; enfin vous formerez des municipalités de villes et de campagnes ; et, pour ces dernières, il serait peut-être utile de réunir plusieurs villages ou hameaux, soit pour leur donner plus de consistance, soit pour fortifier les liens de la fraternité et de l'union entre eux.
Vous fixerez sûrement les conditions qui devront régler les élections de toutes ces assemblées. Vous penserez peut-être qu'une propriété quelconque doit être nécessaire pour ceux qui seront élus. La propriété est la seule chose qui fixe et attache un homme à une province plutôt qu'à une autre j elle l'attache encore d'une manière certaine à la chose publique. Quant au mode d'élection, il me paraît que les propriétairës de chaque ville ou village doivent choisir les municipalités, celles-ci les districts, et les districts des assemblées provinciales, en yjoignant un doublement de simples électeurs. Peut-être est-ce ta seule manière d'unir la liberté des élections, et les motifs de liaison qui doivent exister entre des assemblées qui ont des fonctions correspondantes.
Quant aux fonctions de ces assemblées, elles peuvent être déterminées par leur titre même, si vous arrêtiez qu'elles s'appelleront dorénavant assemblées administratives. Quant aux détails, ils seraient réglés par le comité que vous nommerez, ou pourraient être déterminés par la suite. Vous aurez aussi à fixer les rapports entre les villes et les campagnes, et l'intérêt si grand, si recommandable, et si oublié des dernières, vous portera sans doute à leur donner une proportion qui, pour être juste, doit sûrement être plus forte que celle des villes.
En conséquence, je propose qu'il soit au plus tôt nommé un comité pour rédiger un plan pour les assemblées provinciales qui seront arrêtées promptement par l'Assemblée nationale, et établies tout de suite dans tout le royaume.
presidence de m. mounier.
Séance du
a ouvert la séance par la lecture d'une lettre, datée de ce jour, de M. le premier ministre des finances ; elle est conçue en ces termes :
« Monsieur le Président, je vous prie de vouloir bietl me faire donner le moment où l'Assemblée nationale permettrait que j'eusse l'honneur de l'entretenir d'objets relatifs à sa dernière délibération sur les finances.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Signé : Necker. »
L'Assemblée décide que le ministre sera admis à midi.
, syndic, portant la parole, dit :
Nosseigneurs, venir au secours de la patrie est le devoir de tous les citoyens. Le corps de la librairie et imprimerie de Paris s'empresse de donner des preuves de son zèle aux dignes représentants de la nation, dont les exemples excitent si puissamment au patriotisme. Nous venons déposer entre les mains de votre auguste Assemblée 20,000 livres, avec le regret de ne pouvoir offrir à la nation une somme plus considérable.
L'Assemblée nationale, voulant vous témoigner sa satisfaction pour les sacrifices que vous faites à la patrie, vous invite à assister à la séance.
annonce que le Roi a sanctionné le décret sur les gabelles, et que Sa Majesté examinera incessamment ceux sur l'im-positioD des privilégiés et sur l'abolition des droits de franc-fief.
L'Assemblée reprend son ordre du jour qui appelle la discussion de l'article i du projet du nouveau comité de Constitution concernant le Corps législatif. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 4. Aucun impôt ou contribution en nature ou en argent ne peut être levé, aucun emprunt manifesté ou déguisé ne peut être fait sans le consentement exprès des représentants de la nation. »
Cinq amendements sont proposés sur cet article.
propose de remplacer les mots : sans le consentement par ceux-ci : autrement qiïen vertu d'un décret exprès.' Il fait remarquer que le ministère pourrait, dans la suite, s'arroger le droit de fixer l'impôt par un simple consentement, tandis qu'il ne doit avoir lieu que par un décret.
, par un second amendement, propose de supprimer le mot impôt en se bornant à celui de contribution.
substitue aux mots manifesté ou déguisé, ceux-ci : direct ou indirect.
dit qu'il faudrait remplacer les mots, des représentants de la nation, par ceux-ci: de l'Assemblée des représentants de la nation.
, s'appuyant sur les dispositions de son cahier, propose d'ajouter qu'aucun papier-monnaie ne peut être mis en circulation sans un décret exprès de l'Assemblée des représentants de la nation.
Les quatre premiers amendements sont successivement mis aux voix et adoptés.
Le cinquième amendement donne lieu à une discussion-
Je considère comme aussi important d'empêcher un ministre de mettre du papier-monnaie en circulation que de lui ôter la faculté d'emprunter.
demande que l'amendement soit complété par cette phrase : ni le titre des monnaies changé.
Toute objection contre cet amendement impliquerait absurdité; je m'offre à le prouver, si l'on en fait quelqu'une.
Le comité de Constitution se propose de présenter, par la suite, un article séparé sur cet objet; l'Assemblée peut donc différer de s'en occuper dans ce moment.
Les comités sont très-certainement l'élite de l'univers; mais l'Assemblée n'a pas encore dit qu'elle voulût leur décerner le privilège exclusif d'éclaircir et de débattre les questions. Un comité n'est pas tellement préparateur, qu'il puisse empêcher la discussion d'un objet de nécessité prochaine, et qui importe infiniment au crédit public. Lorsqu'il s'élève dans l'Assemblée une question dont le renvoi pourrait compromettre, dans l'opinion publique, la doctrine des représentants de la nation, il faut qu'elle soit immédiatement débattue et vidée. Au reste, je dirai, sur les murmures qui s'élèvent contre l'amendement que je défends, qu'une confusion de mots, fondée sur une confusion d'idées, entraîne hors des principes ceux qui montrent de la tolérance pour le papier-monnaie; il faut bien distinguer le papier de confiance, que l'on est toujours maître de refuser, du papier-monnaie que l'on est forcé d'accepter. La caisse d'escompte par exemple, avant d'avoir recours au vil expédient des arrêts de surséance, mettait en circulation du papier de confiance, et non du papier-monnaie; et l'on voudrait aujourd'hui conserver à son papier le honteux privilège du papier-monnaie ! Messieurs, quoi qu'en
veuille dire le comité, je soutiens que le papier-monnaie; appartient à la théorie de l'emprunt et de 1 impôt, et que l'amendement est inattaauable
et nécessaire.
Le papier-monnaie n'est ni empruQt ni impôt ; je réclame la division.
Je ne sais dans quel sens M. Anson soutient que la théorie du papier-monnaie n'appartient ni à celle de l'emprunt m a celle de l'impôt. Mais je consens, si l'on veut, qu on l appelle un vol, ou un emprunt le sabre à la main; non que je ne sache que, dans des occasions extrêmement critiques, une nation peut etre forcee de recourir à des billets d'Etat (il faut bannir de la langue cet infâme mot de papier-monnaie), et qu'elle le fera sans de grands inconvénients, si ces billets ont une hypothèque, une représentation libre et disponible, si leur remboursement est aperçu et certain dans un avenir déterminé. Mais qui osera nier que, sous ce rapport, la nation seule ait le droit de créer des billets d'Etat, un papier quelconque, qu'il ne soit pas libre de refuser? Sous tout autre rapport tout papier-monnaie attente à la bonne foi et à la liberté nationale; c'est la peste circulante: je conclus à ce que l'amendement soit discuté, ensemble ou séparément de l'article, comme on voudra ; mais j'opine pour qu'il ne puisse être ajourné plus tard qu'à demain.
Je ne crois pas que l'Assemblée veuille s occuper dans la Constitution du papier de confiance; il s'agit du numéraire réel ou fictif qui ne peut être mis en circulation sans un decret national.
est du même avis, et présente une rédaction de l'article en ces termes:
« Aucune altération dans les monnaies, aucuqe refonte, aucun papier-monnaie, aucuns effets royaux ne pourront être établis sans le consentement exprès (les représentants de la nation. »
Les deux préopinants sont hors de la question. 11 s'agit seulement de savoir aujourd'hui si l'on peut, sans un décret de 1 Assemblée nationale, établir un papier qu'on ne pourrait refuser. La partie de l'amendement concernant les monnaies sera remise sans inconvénient à une autre époque.
, archevêque d'Aix. Il n'appartient pas au gouvernement d'ordonner au peuple de prendre des valeurs fictives pour des valeurs réelles.
L'établissement d'un papier-monnaie est presque une banqueroute; c'est au moins un impôt ou un emprunt ; les principes répugnent dès lors a ce que le pouvoir exécutif puisse le créer. L'amendement doit être simple et dans la forme suivante: au pouvoir exécutif n'appartient pas d'établir un papier-monnaie.
Cette Assemblée est Je sanctuaire des principes. La division demandée est juste peut-être; les principes sur lesquels cette demande est établig ne le sont pas ; je demande que la seconde partie soit immédiatement discutée.
Plusieurs membres demandent la division, c'est-
à-dire qu'il soit fait un article séparé sur lequel l'Assemblée aura à délibérer.
La division mise aux voix est adoptée.
L'article 4 avec les amendements admis est ensuite décrété en ces termes:
« Art. 4. Aucune contribution en nature ou en argent ne peut être levée, aucun emprunt direct ou indirect ne peut être fait autrement que par un décret exprès des représentants de la nation. »
L'Assemblée revient à l'article dont la division a été prononcée, concernant le papier-monnaie.
réclame l'ajournement, la question lui paraissant trop importante pour être résolue sans un mûr examen.
veut parler; le clergé s'y oppose, en demandant à la presque unanimité de ses membres, et avec violence, la clôture de la discussion.
On est obligé de consulter l'Assemblée pour savoir si M. Pétion aura la faculté de se faire entendre.
Le clergécraint-il que l'établissement de quelque papier-monnaie futur ne porte sur ses biens? Je fais la motion spéciale que désormais l'on ne délibère plus sans discussion.
L'Assemblée décrète que l'on délibérera sur cet objet sans discussion.
veut mettre aux voix l'ajournement; il s'élève divers débats. M. Barnave, malgré le décret, revient sur le fond de la question, disant hautement que l'ajournement serait fatal au crédit : bientôt il est forcé au silence, et la question est ajournée à demain.
annonce que M. le premier ministre des finances attend que l'Assemblée lui permette d'entrer. Il est introduit, et porte la parole.
, ministre des finances (1). Messieurs, je viens vous remercier très-humblement des sentiments de confiance qui ont contribué à vous faire adopter les idées dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte; ces sentiments seront toujours l'objet de mon ambition et ma récompense la plus précieuse, et je vous prie de recevoir avec bonté l'hommage de ma respectueuse reconnaissance.
Je ne sais pourquoi l'on a voulu me faire considérer l'étendue et la plénitude de
votre confiance comme une sorte de responsabilité qui m'était imposée; il n'en est
aucune qui pût m'effrayer, s'il n'y avait pas moyen de témoigner au Roi et à la nation
mon absolu dévouement. Je cours un bien grand hasard par la simple réunion de mon
bonheur au succès des affaires et à la prospérité de l'Etat : d'ailleurs, puisqu'au
milieu de tant de difficultés on ne peut se déterminer que par des vraisemblances, si
quelqu'un doit être compromis, si quelqu'un doit s'exposer à des reproches ne vaut-il
pas mieux que ce soit moi? et que vous, Messieurs, qui pouvez faire tant de bien, vous
qui, pour le salut de l'Etat, devez conserver votre ascendant dans toute son
intégrité, vous soyez, si vous le voulez, absolument à part dans l'issue de cette
grande circonstance?
C'est un malheur sans doute, et un grand malheur, que d'être obligé de conseiller le recours à une contribution considérable : je le connais pour la première fois, et j'en éprouve toute l'amertume; aussi, après m'être assuré de moi-même et par devoir à cette peine sensible, lout ce qui pourrait me venir des autres, opinion, jugement, censure, je le redoute moins. Mon âme trop fortement préoccupée de ses propres regrets est moins soumise aux atteintes des considérations extérieures.
Le moyen cependant que vous avez adopté avait été déjà présenté par l'un des membres de cette Assemblée sous le nom de centième denier, et votre mouvemement général en faveur de cette proposition avait été regardé comme une sorte d'assentiment au vu de Paris, déjà manisfesté de plusieurs manières; ainsi j'ai suivi l'opinion publique, je ne l'ai pas prévenue.
Quoi qu'il en soit, me conformant à la teneur de votre dernière délibération, j'ai cru devoir vous proposer mes idées sur le décret qu'on attend avec impatience de la part de cette Assemblée ; j'ai supposé pour un moment que j'avais à en tracer l'esquisse. J'ai cru que cette esquisse ou ce projet de décret devait se rapporter au plan dont je vous ai fait l'exposition ; puisque vous l'avez adopté dans son entier, je demande la permission de vous en faire la lecture.
ESQUISSE OU PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, ayant pris en considération le rapport qui lui a été fait de la situation des finances par le premier ministre de ce département, conformément aux ordres du Roi, a reconnu la nécessité :
1° D:assurer par une délibération préalable l'équilibre entre les revenus et les dépenses fixes ;
2° De pourvoir aux besoins extraordinaires qui sont indépendants des dépenses fixes;
3° De concourir autant qu'il est en son pouvoir à la sûretédes payements les plus prochains, et à la levée des embarras dans lesquels se trouve en ce moment leTrésor royal parla rareté du numéraire et le discrédit général.
En conséquence, l'Assemblée nationale a voté et décrété les dispositions suivantes:
PREMIÈRE PARTIE Relative aux revenus et aux dépenses fixes.
Art. 1er. Les dépenses ordinaires de la guerre, des
gouvernements et des maréchaussées qui, dans le compte des finances, se montent à 9y,
160,000 livres, non compris ce que les provinces et les villes s'imposent et versent
directement dans les caisses militaires, et non compris encore les pensions militaires
qui font partie de la dé-
pense générale des pensions, seront diminuées de 15 à 20 millions, en augmentant cependant d'une manière raisonnable la paye et le sort des soldats, et le Roi sera prié d'ordonner que de nouveaux plans d'organisation militaire assurent cette économie.
Art. 2. L'Assemblée nationale rend un hommage respectueux aux sentiments qui déterminent Leurs Majestés à ne former dorénavant qu'une seule et même maison, et elle accepte avec reconnaissance la résolution prise par Sa Majesté de réduire à 20 millions les diverses dépenses connues sous le nom de maison du Roi; mais si cette disposition obligeait Sa Majesté à des réductions qui pussent altérer son bonheur ou diminuer trop sensiblement la majesté extérieure du Trône, l'Assemblée nationale, lorsque les temps deviendraient plus heureux, s'empressera de témoigner à Sa Majesté qu'elle partage, avec tous les Français, le désir de donner à un monarque bien-aimé, le chef du plus grand empire, toutes les preuves de dévouement qui pourront intéresser l'éclat du Trône et la satisfaction particulière de Sa Majesté.
Art. 3. L'Assemblée nationale chargera son président de se retirer par devers le Roi, pour faire connaître à Sa Majesté que, vu la nécessité d'établir dans toutes les parties de dépenses une économie sévère, et vu le grand exemple donné par Leurs Majestés,elles-mêmes, l'Assemblée prie le Roi de prendre en considération l'étendue des fonds destinés annuellement aux maisons des princes, et de vouloir bien concourir à leur réduction dans la forme qui lui paraîtra la plus convenable. Le président fera connaître à Sa Majesté que l'Assemblée nationale verrait avec satisfaction que cette réduction pût soulager les finances de l'Etat d'une somme annuelle de plusieurs millions.
Art. 4. L'Assemblée, instruite que les fonds destinés aux affaires étrangères, très-considérables autrefois, ont été successivement diminués, et que la réduction depuis deux ans est de plus de 4 millions, remerciera Sa Majesté des ordres qu'elle vient de donner pour un nouveau retranchement successif d'un million.
Art. 5. L'Assemblée a décrété que les pensions actuellement existantes seraient diminuées dès à présent de 5 à 6 millions, et elle charge le comité des finances de former un projet conforme à cette disposition, et de le mettre sous les yeux de l'Assemblée.
Art. 6. L'Assemblée approuve que le supplément de 2,500,000 livres fourni par le Trésor royal à la caisse du clergé soit retranché de l'état des finances.
Art. 7. L'Assemblée décrète que, lors de laréunion prochaine des vingtièmes, de la taille, et de la capitation taillable dans une seule imposition territoriale d'une somme déterminée, cette somme surpasse de 15 millions le produit actuel de ces impôts, à la charge que tous les abonnements particuliers soient abolis, et que toutes les personnes et toutes les terres privilégiées concourront dans une juste proportion au payement de l'imposition territoriale, lit se réserve de pins, l'Assemblée, d'examiner incessamment si au lieu et place de cette augmentation générale de 15 millions, il ne lui conviendra pas mieux que chaque province, selon une répartition quelconque, soit chargée des dépenses indiquées dans le discours du premier ministre des finances et qui ensemble équivalent à peu près à cette sommede 15 millions.
Art. 8. L'Assemblée nationale détermine la
.EMENTA1RES. Il" octobre 1789.] 229
suppression de la dépense actuelle des haras.
Art. 9. L'Assemblée nationale approuve que lés autres économies indiquées, soit d'une manière générale dans le dernier discours du premier ministre des finances, soit d'une manière plus précise dans son discours à l'ouverture de l'Assemblée nationale, économies qui ont été rappelées et expliquées plus particulièrement dans le rapport du comité des finances, soient examinées de nouveau par le comité, de concert avec le premier ministre des finances, et que le tableau circonstancié de ces économies soit incessamment mis sous les yeux de l'Assemblée nationale, pour être pris par elle une détermination définitive à cet égard.
Art. 10. Entend l'Assemblée, que soit par le produit de ces économies, soit par celles que la diminution des anticipations pourra procurer, soit par les premières extinctions des rentes viagères, soit enfin par d'autres ressources, et d'une manière quelconque, un parfait équilibre soit établi entre les revenus et les dépenses fixes, avant le 1er janvier de l'année prochaine.
Art. 11. L'Assemblée statue pareillement que la perte de revenu, occasionnée par la réduction du prix du sel; que les pertes encore de ce genre, auxquelles pourrait exposer l'abolition entière de cet impôt, ou de tout autre, seront exactement remplacées par d'autres contributions, de manière que l'équilibre entre les revenus et les dépenses lixes ne soit jamais dérangé.
SECONDE PARTIE Relative aux besoins extraordinaires.
De nouveaux emprunts ne pouvant qu'augmenter le déficit actuel, et l'état du crédit public ne permettant pas d'ailleurs de trouver par ce moyen des fonds équivalents aux besoins extraordinaires de cette année et de la suivante, l'Assemblée nationale, après avoir pris connaissance d'un mémoire revêtu d'un grand nombre de signatures, par lequel on a proposé l'établissement d'une taxe momentanée, relative à la fortune de chaque particulier, et après avoir écouté le rapport du premier ministre des finances, ainsi que le rapport particulier du comité nommé par elle, pour conférer avec ce ministre, ladite Assemblée ayant égard au péril dans lequel se trouve la chose publique, a statué et statue ce qui suit:
Art. 1er. Il sera demandé à tous les habitants et à
toutes communautés du royaume, aux exceptions près indiquées dans l'un des articles
suivants, une contribution extraordinaire et patriotique, laquelle n'aura lieu qu'une
fois, et à laquelle ou ne pourra jamais revenir, pour quelque cause et sous quelque
motif que ce soit.
Art. 2. Cette contribution extraordinaire et momentanée devant être égale et proportionnelle, afin que chacun soit disposé à s'y soumettre, elle a été réglée par l'Assemblée au quart du revenu dont chacun jouit, déduction faite des charges foncières, impositions, intérêts par billets ou obligations ou rentes constituées auxquelles il se trouve assujetti, et de plus à 2 1/2 0/0 de l'argenterie ou des bijoux d'or et d'argent dont on sera possesseur, et à 2 1/2 0/0 de I or et de l'argent monnavés que l'on garde en réserve.
Art. 3. Il ne sera fait aucune recherche ni inquisition pour découvrir si chaciln a fourni une contribution conforme aux proportions ci-dessus
indiquées ; il ne sera même imposé aucun serment; mais l'Assemblée pleine de confiance dans les sentiments d'honneur et de lidélité de la nation française, ordonne que chacun, en annonçant sa contribution, s'exprimera de la manière suivante : Je déclare avec vérité que telle somme de... dont je contribuerai aux besoins de l'Etat, est conforme aux fixations établies par le décret de l'Assemblée nationale.
Ou bien, si cela est,
Je déclaré, etc... que cette contribution excède la proportion déterminée par le décret de V Assemblée nationale.
Art. 4, Ces déclarations se feront par devers les municipalités des lieux dans lesquels on a son principal domicile, ou par devers tels délégués nommés par ces municipalités.
Art. 5. Les marchands et autres citoyens qui, dans quelques villes, payent leur capitation en commun et par rôle particulier, jouiront de la même facilité pour le payement de la contribution patriotique, et ils feront leur déclaration par devers les syndics de leur communauté.
Art. 6. Les personnes absentes du royaume enverront directement leur déclaration aux municipalités de leur principal domicile, ou elles donneront leur procuration à telles personnes qu elles jugeront à propos de choisir, pour donner en leur nom cette déclaration.
_ Art. 7. Toutes les déclarations devront être taites au plus tard avant le 1er janvier de l'année prochaine, et les municipalités appelleront ceux qui seraient en retard.
Art. 8. Il sera dressé, sans perte de temps, un tableau du montant général des déclarations, afin que l'Assemblée nationale puisse avoir connaissance incessamment de retendue de cette ressource, et comparer ensemble les contributions de chaque province et de chaque ville.
Art. 9. Chaque municipalité aura un registre dans le quel ces déclarations seront inscrites, et ce registre contiendra les noms des contribuants, et la somme à laquelle ils auront fixé leur contribution.
Art. 10. En conformité de ce registre, il sera dressé un rôle des diverses sommes à recevoir de chaque particulier, lequel rôle sera remis aux memes préposés qui sont chargés de recevoir les vingtièmes oa la capitation, pour en faire le recouvrement; et les deniers qui en proviendront seront remis aux receveurs des impositions ou aux trésoriers des provinces, qui les remettront sans délai au Trésor royal ou à sa disposition.
Art. 11. Le tiers de la contribution totale sera payé d'ici au 1er avril 1790; le second, du Ie'avril
1790 au 1er avril 1791; le troisième, du 1er avril
1791 au 1er avril 1792.
Art. 12. Tous ceux qui voudront payer leur contribution comptant, en un seul payement, seront libres de le faire, et ils auront droit, pour leur avance, à la déduction de l'intérêt légal.
Art. 13. Ne seront assujettis à aucune proportion tous ceux dont Je revenu n'est que de 400 livres : ils seront déclarés libres de fixer cette proportion selon leur volonté.
Art. 14. Les ouvriers et journaliers sans propriété ne seront obligés à aucune contribution ; mais on ne pourra cependant rejeter l'offrande libre et volontaire d'aucun citoven, et ceux qui sont déclarés exempts par cet article, pourront se faire inscrire sur le rôle des contribuants pour telles modiques sommes qu'il leur plaira de désigner.
Art. 15. Au mois d'avril 1792, et à l'expiration du dernier terme désigné pour l'acquit final de
iEMENTAIRES. [1«r octobre 1789.]
la contribution patriotique,' le registre des déclarations réellement acquittées sera clos et scellé par chaque municipalité, et déposé à son greffe, pour n'être ouvert de nouveau qu'à l'époque désignée dans l'article suivant.
Art. 16. A l'époque où le crédit national permettra d'emprunter à quatre pour cent d'intérêt en rentes perpétuelles, circonstance heureuse et qui ouvrira de nouvelles ressources à l'Etat, il sera procédé successivement et selon les dispositions qui seront alors déterminées au remboursement des sommes qui auront été fournies gratuitement pour subvenir à la contribution extraordinaire délibérée par le présent décret.
Art. 17. Le remboursement ne pourra être fait u'au contribuant, ou à telle personne qu'il aura ésignée dans sa déclaration, pour jouir après lui de ses droits; et, si cette personne, ainsi que le contribuant, est décédée à l'époque du remboursement, l'état sera affranchi de ce remboursement.
Art. 18. Chaque municipalité sera tenue d'informer les administrations de sa province de l'exécution successive des dispositions arrêtées par le présent décret, et ces administrations en rendront compte à un comité composé du ministre des finances et des commissaires qui seront nommés par l'Assemblée nationale, pour surveiller avec lui toute la suite des opérations relatives à la rentrée et à l'emploi de la contribution patriotique.
TROISIÈME PARTIE Relative au moment présent.
L'Assemblée nationale s'en remet ail Roi du soin de prendre avec 1a caisse d'escompte ou avec des compagnies de finance tels arrangements qui lui paraîtront convenables, afin de recevoir d'elles ' des avances sur le produit de la contribution patriotique, ou sur telles autres exigibles qui pourront leur être délivrées.
L'Assemblée nationale approuve que le premier ministre et le comité des finances examinent, de concert, les projets qui seront présentés pour ia conversion de la caisse d'escompte en une banque nationale, et que le résultat de cet examen soit mis sous les yeux de l'Assemblée.
L'Assemblée nationale invite les particuliers, > les fabriques et les communautés à porter leur argenterie aux hôtels des monnaies, et elle autorise les directeurs de ces monnaies à payer le titre de Paris 55 livres le marc en récépissés, à six mois de date sans intérêt, lesquels récépissés seront reçus comme argent comptant dans le recouvrement de la conlribution patriotique; l'Assemblée nationale autorise de plus le Trésor royal à recevoir dans l'emprunt national l'argenterie au ' titre de Paris, à 58 livres le marc, à condition que, moyennant cette faveur particulière, on ne jouira pas de la faculté de fournir la moitié de la mise en effets portant cinq pour cent d'intérêt.
Voilà, Messieurs» le projet ou l'esquisse du décret qui paraît devoir être la suite de votre dernière délibération relative aux finances; je soumets ces idées à votre jugement, en me permettant « encore de vous observer que rien n'est plus instant.
Il me reste, Messieurs, à vous demander une grâce : c'est de vouloir bien me faire l'honneur de recevoir, en signe de zèle et de bon exemple, ma soumission particulière à la conlribution pa-
triotique; je l'ai fixée à 100,000 francs, et je déclare avec vérité qu'elle est fort au-dessus de la proportion que vous en avez adoptée. (On applaudit à plusieurs reprises.)
répond : La France est depuis trop longtemps accoutumée aux sacrifices que vous faites à la patrie, pour que l'Assemblée nationale puisse être surprise de celui que vous annoncez encore aujourd'hui; elle me charge de vous en témoigner sa satisfaction : pour le surplus, elle délibérera.
M. Necker se retire au milieu des applaudissements de la presque unanimité de l'Assemblée.
On passe à la discussion du projet de décret qui vient d'être présenté par le premier ministre des finances.
Placés dans les circonstances les plus orageuses, différer de prendre un parti, c'est prendre le parti le plus dangereux.^ Vous avez dû adopter sur-le-champ, et de confiance, un plan de contribution momentanée; mais aujourd'hui qu'on vous propose de décréter la pre -mière partie de ce plan, qui établit les dépenses de l'Etat et les réductions à faire, pouvez-vous y consentir sans examen? Je propose donc d'ajourner cette première partie du mémoire de M. Necker, pour la livrer à la plus sérieuse discussion; il faut s'occuper aujourd'hui, sans lenteur et sans retard, des deux autres parties.
On peut concilier la juste mesure, dans la déclaration de la fixité des dépenses, avec la nécessité encore plus urgente de consacrer le plan du premier ministre des finances. Lorsque vous lui avez donné la dictature financière, elle n'a pu sans doute être que provisoire ; il est donc nécessaire de discuter la rédaction des articles qu'il vous propose aujourd'hui.
Dans le préambule du projet de décret, il est dit. que l'Assemblée nationale veut faire face à ses engagements, autant qu'il sera en son pouvoir. Cette expression est inconvenable. L'Assemblée doit tout ce qu'elle peut, et elle pourra tout ce qu'elle voudra.
La première partie du projet de décret, économie, réduction, est celle qui fournit le plus matière aux observations. Elle n'est qu'une perspective consolante; on y trouve d'ailleurs des expressions telles que celle-ci : une taxe de 15 à 20 millions. Les réductions qu'elle présente sont au-dessous de nos devoirs. Et, par exemple, il m'est impossible de concevoir qu'il soit difficile de diminuer les dépenses de la maison des princes; il m'est difficile aussi de comprendre qu'elles ne puissent être réunies à celle du Roi et de la Reine, pour laquelle on accorde 20 millions.
Quant aux pensions, elles seraient encore énormes au taux indiqué ; et je crois que si vous adoptez provisoirement les restrictions proposées sur cet objet, vous devez annoncer à la nation que votre intention n'est pas de vous arrêter là.
Dans ce même projet de décret, on fait déclarer à l'Assemblée qu'elle veut établir l'équilibre entre la recette et la dépense d'une manière quelconque. Qu'est-ce que cela veut dire, d'une manière quelconque? Me expression, vague au moins, dok être supprimée. La formule de déclaration, je déclare avec vérité, n'est pas plus convenable que le serment ; l'intervention de la vérité n'est-elle pas pour tout homme une intervention religieuse? 11 faut qu'on dise simplemement : Je déclare.
Il y a aussi une observation à faire sur la remise qu'on propose des fonds au Trésor royal, d'ici à trois ans. Si le Trésor royal existe encore dans trois ans, il jouira d'une existence très-secondaire.
Voilà les premières observations qu'une lecture très-rapide m'a permis de faire; j'en demande une seconde, coupée à chaque article par la discussion.
Je me résume : un ajournement entraverait les dispositions du premier ministre des finances ; nous pouvons accepter, mais sans prétendre borner à cette acceptation nos travaux en ce genre.
Voici Té projèt de décret que je présente :
L'Assemblée nationale arrête d'envoyer le projet de décret présenté par le premier ministre des finances à la section du comité des finances, composée de douze membres, pour en combiner avec lui la rédaction, de manière que la première partie devienne le préambule du décret. Arrête, en outre, que le président se retirera par devers le Roi pour présenter à son acceptation les divers articles délibérés de la Constitution, ainsi que la déclaration des droits.
Malgré les observations de M. le comte de Mirabeau, je n'en insiste pas moins sur les inconvénients qu'il y aurait à traiter l'article des dépenses fixes séparément du système général des finances, et la nécessité de la méthode quand l'Assemblée est nombreuse et la matière importante. J'observe, sur le remboursement proposé dans l'article 17, qu'il ne fera nul bien, et surchargera à l'avenir l'Etat d'une dette immense qu'il serait à propos de prévenir.
L'ajournement tendrait à retirer une partie de la confiance que vous avez accordée. Les réformes ont été l'écueil de tous les plans ; vous adopterez celles qui vous sont présentées, en ajoutant que vous ne vous arrêterez pas là.
Vous avez adopté le plan du ministre ; il ne porte pas seulement sur les contributions, mais encore sur les réductions. Le projet de décret est le discours de M. Necker réduit en articles : vous avez adopté de confiance le plan, acceptez de confiance le décret. Si vous attendez l'établissement de votre nouveau système de plan général, vous différerez les réductions et vous perdrez les économies dont vous pouvez jouir dès aujourd'hui. Je demande, avec M. de Mirabeau, là discussion, article par article,du projet de rédaction seulement.
On propose d'adopter dès aujourd'hui, provisoirement, de confiance, et sauf la rédaction, les décrets proposés: discuter la rédaction, ce n'est pas adopter dès aujourd'hui. Jusqu'à présent, on ne vous a parlé que de réduction, et il est sans doute fort agréable d'adopter, même provisoirement, des réductions; mais on ne peut en faire aucune sans avoir un plan déterminé pour le département dans lequel elles sont faites. Si le ministre avait des plans, il devrait les remettre sous vos yeux ; s'il n'en a pas, ses promesses ne peuvent-elles pas paraître vagues et illusoires?
Un autre objet me donne encore quelques inquiétudes. M. Necker a parlé, dans son rapport et dans les décrets d'aujourd'hui, de 15 millions de bonification provenant de l'imposition des ci-
devant privilégiés : vous avez décidé, par votre décret sur l'impôt, que le profit de ces impositions tournerait à la décharge du peuple. Que devient alors cette bonification1? Je demande qu'avant de délibérer on renvoie l'examen des décrets au comité des finances.
Le désordre et l'état désastreux des finances ont été considérés par nos commettants comme les moyens les plus efficaces d'assurer la Constitution. Adopter le pian, c'est établir dans les finances un ordre qui nous ôtera ces moyens. Je soumets cette observation à la sagesse de l'Assemblée. Si vous persistez à accueillir le plan, il est nécessaire d'exprimer positivement que la première partie annonce un équilibre certain entre la recette et la dépense, et que l'amélioration du sort du peuple résultera encore d'un grand nombre de bonifications également certaines.
s'occupe à établir la nécessité d'adopter la totalité du plan, et de se borner à la discussion des expressions qui peuvent avoir échappé à la sagacité du ministre.
Nous devons nous proposer deux objets importants : rassurer le peuple sur son sort, et les créanciers de l'Etat sur leurs droits. Ce double but sera également atteint, en présentant dans une adresse les modifications proposées par le ministre des finances, comme le moindre terme des espérances de la nation. Lesecond termeserait la diminution de 18 millions sur les impôts, établie dans le rapport présenté par M. le marquis de Montesquiou, au nom du comité des finances. Le troisième terme, toutes les diminutions qui seront reconnues possibles.
, touché de l'observation faite par M. Duport, développe encore cette opinion, et propose la motion suivante :
« L'Assemblée nationale s'occupera de l'examen du plan de M. le premier ministre des finances. Les changements qu'elle y fera ne seront définitivement arrêtés qu'après que le comité des finances en aura conféré avec ce ministre, dont il rapportera les observations à l'Assemblée. »
Le plan examiné ne sera définitivement exécuté u'après que le Roi aura accepté toutes les bases e la Constitution.
La proposition du préopinant est trop tardive. Vous avez adopté de confiance le plan de M. JNecker, et vous ne pouvez retirer cette adoption.
Eïî reconnaissant la justesse de l'observation de M. Pétion de Villeneuve sur les 15 millions, je la détruirai par l'exposition d'un fait. M. Necker, en proposant cette bonificaticm, a dit que dans le cas où par quelque disposition elle se trouverait anéantie, elle pourrait être remplacée par une imposition particulière à chaque province, pour compenser les contributions les moins imposées les travaux de charité, etc., objets qui sont tous en ce moment à la charge du Trésor public.
Je pense qu'il serait à propos d'offrir en même temps à la nation les articles arrêtés sur la Constitution, la déclaration des droits et le décret du subside volontaire, etqu'ils devraient être présentés en même temps au Roi, qui exprimerait à peu près ainsi son acceptation :
Je reconnais les présents articles comme principes de la Constitution française ;je m'oblige à en observer les droits, et h en maintenir Vexécution de )toute la force du pouvoir qui m'est confié.
Il serait peut-être encore nécessaire d'établir dès à présent la base du pouvoir judiciaire, afin qu elle soit en même temps publiée.
, l'aîné, appuie l'avis précédemment énoncé par M. de Mirabeau et M. de Mortemart.
Je ne peux pas penser qu'on cherche à nous faire tomber dans un piège que personne n'a tendu. Une partie du plan de M. Necker n'est pas décrétable : c'est celle des réformes. M. Necker sait très-bien qu'un ministre, quelque tranchant qu'il puisse être, n'a as autant de puissance sur cet objet que l'Assem-lée nationale. Un ministre ne peut réussir en pareille matière à opposer aux obstacles une grande force, et cette force ne peut se trouver que dans la volonté générale, que l'Assemblée des représentants de la nation est seule en état d'exprimer.
Bornons-nous à dire au peuple : voilà votre pis-aller; vous ne pouvez pas être plus mal que cela, vous pouvez être mieux que cela. Nous devons sanctionner la promesse de cette perspective, et voilà tout.
La première partie des décrets proposés par le ministre nous lournit le préambule qui devra précéder les décrets contenus dans les deux autres. Il faut charger le comité des finances de combiner avec M. Necker le projet de rédaction, pour vous le soumettre ensuite ; et vous devez décider que préalablement le président se retirera par devers ; le Roi, afin de présenter à son acceptation les divers articles arrêtés sur la Constitution, et la déclaration des droits.
retire sa motion, et adopte celle de M. de Mirabeau, à laquelle l'Assemblée accorde la priorité sur les deux qui ont été proposées.
Cette rédaction est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale a arrêté d'envoyer le projet de décret présenté par ie premier ministre des finances à la section du comité des finances, composée de douze membres, pour en combiner avec lui la rédaction, de manière que la première partie du projet du ministre devienne le , préambule du décret et pour soumettre cette ré-; daction à l'Assemblée, elle a arrêté en outre que | le président se retirera par devers le Roi à l'effet de présenter à son acceptation les divers articles j déjà délibérés de la Constitution, ainsi que la déclaration des droits. »
La seconde partie de l'arrêté de M. de Mirabeau lève le voile que vous avez voulu jeter sur une grande questiÔn : acceptation n'est pas sanction.
Je demande que cette question soit examinée mûrement et non décidée par surprise. Il est de l la loyauté de l'Assemblée et de son devoir étroit | de traiter cette question. Pourriez-vous vous dé-> cider à choisir un moment d'urgence? Bit croyez-! vous que dans le for intérieur l'acceptation du Roi serait libre?
Je demande aussi la division de la rédaction et l'ajournement de la seconde partie, afin qu'elle ;soit discutée avant d'être décidée.
Il faut que le comité
soit autorisé à discuter non-seulement la rédaction mais encore les dispositions.
Il n'y a pas lieu à délibérer sur cette division avant l'établissement légal de la sanction par la Constitution ; il n'est naturellement qu'une chose à demander, l'acceptation : en la sollicitant, on ne lève pas le voile religieux que l'Assemblée a voulu jeter sur la question.
prétend que la division est si peu contestable, qu'elle ne doit pas même être soumise à la délibération.
Le règlement établit qu'un membre a droit de demander la division, mais non qu'il peut la décider. . .
L'Assemblée décide, à une très-grande majorité, que la division n'aura pas lieu. Elle adopte la rédaction de M. le comte de Mirabeau.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du jeudi 1er octobre 1789, au soir (1).
La séance a été ouverte par la lecture des adresses suivantes :
^Adresse des habitants de la ville de Prade en Confiant, province de Roussillon, portant adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux des 17 juin et 4 août derniers, ainsi que les assurances de dévouement, et du plus respectueux hommage aux représentants de la nation.
Délibération des vingt-deux communautés formant le bégareau d'Oloron, par laquelle elles . adhèrent aux décrets de l'Assemblée nationale et se réunissent à la ville d'Oloron, dont elles adoptent la délibération du 22 août dernier.
Arrêté de la commune de Strasbourg, par lequel elle a résolu de dénoncer tous ses capitaux actifs, pour en faire le versement dans le Trésor royal, en impositions de la présente année, dont il reste encore à recouvrer la somme de 292,547 livres, et offre de faire, en l'année prochaine 1790, le service et la remise, toujours deux mois à l'avance, malgré les pertes considérables qu'elle a faites lors de l'insurrection désastreuse qui a eu lieu, et les sacrifices qu'ont exigés d'elle les circonstances, pour soutenir la taxe du pain et de la viande au-dessous de leurs prix réels.
Mémoire présenté par les prévôt, jurés et échevins de la ville de Valenciennes, contenant des réclamations sur la suppression des dîmes.
Adresse des religieux de l'abbaye du Bec-Hel-louin, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale concernant la suppression des dîmes, droits seigneuriaux et féodaux, et supplication de les faire participer au bienfait inestimable de la liberté, et de leur accorder un traitement proportionné à la valeur de leurs biens, et analogue à leur existence civile.
Adresse des religieux bénédictins de l'abbave » de Bonneval, province de Normandie,
par laquelle ils représentent que le vu le plus conforme aux dispositions de leur
cur, serait pour la conservation de leur corps ; mais qu'ils offrent d'avance
k cette adresse est jointe une déclaration des religieux de l'abbaye de Saint-Sergelès-Angers, capitulairement assemblés, du 12 septembre dernier, par laquelle ils adhèrent à l'adresse présentée à l'Assemblée nationale par le prieuré et les religieux de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. , ,
Lecture faite des susdites adresses, un de MM. les trésoriers a lu, sur le registre tenu à ces fins, plusieurs dons patriotiques auxquels 1 Assemblée nationale a répondu par des applaudis-
Qpmpnf5 r£ifprpç
La discussion ayant été ouverte, d'après l'ordre du jour, sur la formation d'un comité militaire, il a été fait plusieurs motions relatives au même objet.
L'armée n'est autre chose que la force de la nation confiée au monarque pour faire exécuter les lois et pour défendre le royaume contre les ennemis de l'Etat. L'organisation de l'armée doit appartenir d'une manière exclusive au pouvoir exécutif, car rien ne peut empêcher le Roi de prendre les mesures les plus convenables pour s'acquitter de sa charge. La nation doit seulement faire connaître au Roi le nombre des troupes nécessaires à sa sûreté et la somme destinée à leur entretien.
Il est vrai que l'armée étant une fois établie ne doit point dépendre immédiatement du Corps législatif, mais de la puissance exécutive ; mais il n'est pas moins vrai que c'est à la puissance nationale à établir l'armée et à l'organiser. Le premier principe tend à empêcher le pouvoir législatif de devenir militaire, et le second empêche le pouvoir exécutif de devenir despotique.
Tout d'ailleurs nécessite une Constitution politique et civile ; par là le citoyen deviendra militaire; par là la nation sera en sûreté au dedans et au dehors ; par là le Roi pourra faire exécuter la loi et ne pourra faire exécuter que la loi.
, e'vêque de Langres. Vous ne vous êtes pas encore occupés de la partie militaire, il est donc impossible d'assigner des fonctions au comité ; je crains que cela ne mène à usurper sur le pouvoir exécutif. Les précautions du Corps législatif sont prises par le décret qui ordonne que les troupes prêteront serment en présence des officiers municipaux ; une autre précaution relative à l'emploi des finances nécessaires à leur entretien est établie par la comptabilité des ministres de chaque département. 11 ne vous reste donc qu'à fixer le nombre des troupes et la somme nécessaire pour leu?
entretien ; et à cet égard un comité me paraît assez inutile ; celui des finances suffit.
Il est bien à craindre qu'en voulant que les troupes deviennent citoyennes on ne leur fasse perdre l'esprit qui leur est propre.
On vous parle beaucoup de l'art de gouverner, mais l'art que nous ne devons pas oublier, c'est celui de consolider notre liberté. On vous a dit qu'il fallait marquer les bornes du pouvoir législatif et celles du pouvoir exécutif; cela seul vous indique qu'il faut vous occuper de la loi martiale ; si elle n'existe pas, elle existera, ou vous ne serez pas libres. On vous dit que vous devez vous borner à fixer la somme destinée à l'armée; mais il faut veiller plus particulièrement encore à son organisation. Quel est donc le principal objet d'une armée chez une nation, n'est-ce pas d'assurer au dedans l'exécution de la loi et au dehors la sûreté de l'empire? Ainsi la nation a des précautions à prendre pour que l'armée ne puisse jamais être employée à renverser la loi.
Afin de ne pas laisser oisif ce nouveau comité, il faudrait prier M. le ministre de la guerre de lui communiquer ses plans.
Le ministre de la guerre a un plan tout prêt à être soumis à l'Assemblée, il n'attend pour cela que l'établissement du comité militaire.
M. HT., député du clergé. Il faudrait qu'on iie pût nommer pour ce comité que des personnes âgées de plus de quarante ans,
Gomme si le grand Gondé, qui gagnait des batailles à vingt ans, aurait été indigne d'être du comité militaire ! Gomme si le héros citoyen (Lafayette), qui a combattu si jeune pour la liberté de l'Amérique et qui est membre de l'Assemblée nationale, ne pourrait pas être élu commissaire! Gomme si, enfin, tout homme à qui la nation permet de s'asseoir parmi ses législateurs, n'était pas aussi propre à se placer parmi les commissaires d'une branche de législation! Combien de militaires qui, quoique d'un âge avancé, n'ont vu dans les camps que des tentes, des canons et des Soldats, tandis que de jeunes militaires ont pénétré dans les secrets de l'art de la guerre et réfléchi sur ses rapports avec les lois politiques et civiles !
Je me bornerai à répondre à ceux qui pourraient considérer un comité militaire comme inutile, que quand même il existerait une organisation militaire où les troupes seraient moins nombreuses, moins chères, plus heureuses, plus utiles, néanmoins un pareil intérêt ne pourrait être étranger à l'Assemblée nationale. Qu'est-ce donc quand tout est à créer?
consulte l'Assemblée sur la motion de M. le baron de Wimpfen. Il est décrété qu'il sera nommé un comité militaire de douze personnes chargé de se concerter avec le ministre de la guerre sur un plan de constitution militaire et en faire rapport à l'Assemblée.
La séance est levée.
PRÉSIDENCE DE M. MOUNIER.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture du procès-verbal des deux séances précédentes.
donne la parole au rapporteur du comité des finances chargé de la rédaction du projet de décret relatif au plan proposé par le premier ministre des finances.
, au nom du comité, donne lecture du projet suivant (2) :
L'Assemblée nationale, après avoir pris en considération le compte qui lui a été rendu par le premier ministre des finances, de la situation du Trésor public, des besoins ordinaires et extraordinaires de cette année et de l'année prochaine, pour fournir à toutes les dépenses courantes, et pour satisfaire à tous les engagements de l'Etat,
Considérant que le premier objet qui doit occuper l'Assemblée, est de rassurer les peuples sur la crainte de voir augmenter leurs charges, et les créanciers de l'Etat sur la fidélité avec laquelle tous les engagements seront désormais remplis, et que ces deux iavantages résulteront nécessaiîe-ment du parti qu'elle a pris d'anéantir, par des réductions sur les dépenses, ou par des bonifications de recettes, toute différence entre les recettes et les dépenses fixes;
Ayant en conséquence pris la détermination positive d'opérer dès à présent, d'ici au premier janvier prochain, et préalablement à un travail plus approfondi, les réductions suivantes sur les dépenses, montant à 35,814,000 livres,
Savoir :
Sur la dépense du département de la guerre..... .... 20,000,000 livres.
Sur celui des affaires étrangères..................... 1,000,00
Sur la maison du Roi et des princes ses frètes........... 8,000,000
Sur les pensions, indépendamment des réductions ordonnées en 1788............ 6,000,000
La dép'ense entière des haras...................... 814,000
Total.......... 35,814,000 livres.
Ayant de plus déterminé la cessation du pavement de 2^500,000 livres par an, qui devaient être versés encore pendant plusieurs années dans la caisse du clergé, pour aider à ses remboursements ;
Considérant en outre que les contributions établies à l'avenir sur les biens des
privilégiés, et en remplacement de tous les abonnements particuliers des vingtièmes,
mettront les provinces en état d'acquitter à la décharge du Trésor public, au moins 15
millions de dépenses ordinaires, dé-
peuples; , r_ .... o
Considérant encore, qu'outre les 53 millions détaillés ci-dessus, et les premières extinctions des rentes viagères, plusieurs autres objets d économie lui ont été présentés dans les différents discours du premier ministre des finances, tant le 24 de septembre dernier qu'à l'ouverture des Etats généraux, ainsi que dans le rapport du comité des finances, et que le résultat des opérations auxquelles elle va se livrer en conséquence, achèvera incessamment de faire disparaître entièrement tout déficit, et d'abaisser les dépenses fixes au-dessous du niveau des recettes ordinaires :
Et à l'appui de ces dispositions, l'Assemblée nationale prend l'engagement solennel de maintenir les revenus publics à la somme nécessaire pour remplir tous les engagements de l'Etat, en remplaçant les impôts onéreux qu'elle a réduits, et qu'elle se propose de supprimer, par les contributions qui seront jugées nécessaires pour conserver constamment le plus parfait équilibre entre "les recettes et les dépenses;
Considérant enfin que les besoins extraordinaires et ceux du moment exigent encore des dispositions particulières, que de nouveaux emprunts ne pourraient qu'augmenter le déficit annuel; que plusieurs citoyens ont déjà manifesté le désir d'aller au secours de l'Etat par une taxe momentanée, relative à la fortune de chaque particulier; qu'il est urgent de tirer la patrie du péril dans lequel elle se trouve; qu'il ne s'agit que d'un dernier effort, et que tout Français a un intérêt égal à contribuer au maintien de l'ordre et de la foi publique :
L'Assemblée nationale, en confirmant son décret du 26 septembre dernier, a décrété et décrète ce qui ^suit :
Art. 1er. Il sera demandé à tous les habitants et à toutes les communautés du royaume, aux exceptions près, indiquées dans l'un des articles suivants, ^ une contribution extraordinaire et patriotique, qui n aura lieu qu'uue fois, et à laquelle on ne pourra jamais revenir pour quelque cause et par quelque motif que ce soit.
Art. 2. Cette contribution extraordinaire et momen-" tanée devant être égale et proportionnelle, est fixée par l'Assemblée au quart du revenu dont chacun jouit, rdéduction faite des charges foncières, des impositions, des intérêts par billets ou obligations, des renies constituées auxquelles il se trouve assujetti; et de plus,à deux et demi pour cent de l'argenterie ou des bijoux d'or et d'argent dont on sera possesseur, et à deux et demi pour cent de l'or et de l'argent monnayés que l'on garde en réserve.
Art. 3. Il ne sera fait aucune recherche ni inquisition pour découvrir si chacun a fourni une contribution ^.conforme aux propositions ci-dessus indiquées ; l'Assemblée, pleine de confiance dans les sentiments d'honneur de la nation française, ordonne que chacun, en annonçant sa contribution, s'exprimera de la manière suivante :
Je déclare avec vérité, que telle somme.... dont je contribuerai aux besoins de l'Etat, est conforme aux fixations établies par le décret de l'Assemblée nationale.
Ou bien, si cela est,
Je déclare, etc... que cette contribution excède la proportion déterminée par le décret de l'Assemblée nationale.
Art. 4. Ces déclarations se feront devant les municipalités des lieux dans lesquels on a son principal domicile, ou devant tels délégués nommés par ces municipalités.
Art. 5. Les marchands et autres citoyens, qui dans
quelques villes payent leur capitation en commun et sont imposés par un rôle particulier, jouiront de là même facilité pour le payement de leur contribution patriotique, et ils feront leur déclaration devant les syndics des communautés.
Art. 6. Les personnes absentes du royaume enverront directement leur déclaration aux municipalités de leur principal domicile, ou donneront leur procuration à telles personnes qu'elles jugeront à propos de choisir, pour faire en leur nom cette déclaration.
Art. 7. Toutes les déclarations devront être faites au plus tard avant le 1er janvier de l'année prochaine, et les municipalités appelleront ceux qui seraient en retard.
Art. 8. Il sera dressé, sans perte de temps, un tableau du montant général des déclarations, afin que l'Assemblée nationale puisse avoir connaissance incessamment de l'étendue de cette ressource et comparer ensemble les contributions de chaque province et de chaque ville.
Art. 9. Chaque municipalité aura un registre dans lequel les déclarations seront inscrites, et ce registre contiendra les noms des contribuants, et la somme à laquelle ils auront fixé leur contribuiion.
Art. 10. En conformité de ce registre, il sera dressé un rôle des diverses sommes à recevoir de chaque particulier, lequel rôle sera, remis aux mêmes préposés qui sont chargés de recevoir les vingtièmes ou la capitation pour en faire le recouvrement, et les deniers qui en proviendront seront remis aux receveurs des impositions ou aux trésoriers des provinces, qui les remettront sans délai au Trésor public.
Art. 11. Le tiers de cette contribuiion totale sera payé d'ici au Ie1' avril 1790 ; le second, du le-- avril 1790 au 1er avril 1791 ; le troisième, du 1er avril 1791 au 1er avrji 1792.
Art. 12. Tous ceux qui voudront payer leur contribution comptant en un seul payement seront libres de le faire ; et ils auront droit, pour leur avance, à la déduction de l'intérêt légal.
Art. 13. Tous ceux dont le revenu n'est que de quatre cents livres, ne seront assujettis à aucune proportion, ils sont déclarés libres de fixer cette proportion selon leur volonté.
Art. 14. Les ouvriers et journaliers sans propriété ne seront obligés à aucune contribution, mais on ne pourra cependant rejeter l'offrande libre et volontaire d'aucun citoyen ; et ceux déclarés exempts par cet article, pourront se faire inscrire sur le rôle des contribuants pour telle modique somme qu'il leur plaira de désigner.
Art. 15. Au mois d'avril 1792, et à l'expiration du dernier terme désigné pour l'acquit final de la contribution patriotique, le registre des déclarations réellement acquittées sera clos et scellé par chaque municipalité, et déposé à son greffe, pour n'être ouvert de nouveau qu'à l'époque désignée dans l'article suivant.
Art. 16. A l'époque où le crédit national permettra d'emprunter à quatre pour cent d'intérêt en renies perpétuelles, circonstance heureuse, et qui ouvrira de nouvelles ressources à l'Etat, il .sera procédé successivement, et selon les dispositions qui seront alors déterminées^ au remboursement des sommes qui auront été fournies gratuitement pour subvenir à la contribution extraordinaire délibérée par le présent décret.
Art. 17. Le remboursement ne pourra être fait qu'au contribuant, ou à telle personne qu'il aura désignée dans sa déclaration pour jouir après lui de ses droits. Si cette personne, ainsi que le contribuant, sont décédés à l'époque du remboursement, l'Etat sera affranchi de ce remboursement.
Art. 18. Chaque municipalité sera tenue d'informer les administrations de sa province de l'exécution successive des dispositions arrêtées par le présent décret, et ces administrations en rendront compte à un comité composé du ministre des finances et des commissaires qui seront nommés par l'Assemblée nationale, pour surveiller avec lui toule la suite des opérations relatives à la rentrée et à l'emploi de la contribution patriotique.
Art. 19. L'Assemblée nationale s'en remet au Roi du soin de prendre avec la caisse d'escompte, ou avec des compagnies de finance, tels arrangements qui lui paraîtront convenables, afin de recevoir d'elles dos avances sur le produit de la contribution patriotique, ou sur telles autres valeurs exigibles qui pourront leur être délivrées.
Art. 20. L'Assemblée nationale approuve que le premier ministre et le comité des finances examinent de concert les projets qui seront présentés pour la conversion de la caisse d'escompte en une banque nationale, et que le résultat de cet examen soit mis sous les yeux de l'Assemblée.
Art. 21. L'Assemblée nationale invite les particuliers, les fabriques et les communautés à porter leur argenterie aux hôtels des monnaies, et elle autorise les directeurs de ces monnaies à payer le titre de Paris 55 livres le marc en récépissés à six mois de date sans intérêt, lesquels récépissés seront reçus comme argent comptant dans la contribution patriotique.
Art. 22. L'Assemblée nationale autorise le Trésor public à recevoir dans l'emprunt national l'argenterie au titre de Paris à 58 livres le marc, à condition que moyennant cette faveur particulière on ne jouira pas de la faculté de fournir la moitié de la mise en effets portant 5 0/0 d'intérêt.
La discussion s'ouvre sur le projet de décret présenté par le comité des finances.
rappelle l'observation du comte de Mirabeau, sur la formule de déclaration que devront faire les contribuables au nouveau subside. Il demande que la perception de cette contribution soit faite sans frais, par les receveurs particuliers et généraux, et pense qu'on doit supprimer du décret l'article qui a rapport à la vaisselle, aux bijoux et à l'argent comptant.
Il est évident que si le Roi est autorisé à traiter avec la caisse d'escompte ou avec d'autres compagnies de finance, la surveillance des commissaires de l'Assemblée nationale se trouvera réduite à la perception; et je demande que cette surveillance s'étende sur l'em ploi des sommes qui proviendront du nouveau subside, ce qui est dans l'esprit du ministre, et qu'alors le comité surveille les traités qui seront laits par le Roi avec les compagnies de finance.
Je demande si le président s'est conformé aux ordres qu'il a reçus hier de l'Assemblée; s'il a enfin porté à l'acceptation du Roi la déclaration des droits et les articles de la Constitution déjà arrêtés.
M. Target pense qu'il doit être sursis à l'examen de la rédaction du décret qui vient d'être présenté par le comité des finances, jusqu'après la démarche du président.
Je demande l'impression du projet de décret, pour qu'il soit distribué et examiné ce soir dans les bureaux.
regarde cette impression comme dangereuse, en ce qu'elle pourrait propager une erreur dans le public, qui prendrait peut-être pour un décret ce qui ne sera cependant qu'un projet.
Il est nécessaire d'indiquer dans le préambule du décret les motifs qui ont déterminé l'Assemblée aie prononcer, et l'emploi qui sera fait des sommes qui en proviendront.
annonce que le comité de Constitution, qui avait été chargé de classer les divers articles de la déclaration des droits de l'homme et de la Constitution, décrétés par l'As-j semblée, pour que ces articles soient présentés à l'acceptation du Roi, est prêt à soumettre cette classification à l'Assemblée.
L'Assemblée interrompt son ordre du jour.
, membre du comité, fait lecture des articles. Il indique deux corrections grammaticales que le comité juge nécessaires.
L'article 4 de la déclaration des droits, décrété dans la séance du 21 août, était conçu en ces termes : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; le comité propose de dire : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »
Un article de Constitution, décrété dans la séance du 22 septembre, était rédigé de cette manière : « Le refus suspensif du Roi cessera à la seconde législature qui suivra celle qui a proposé la loi. »
Le comité est d'avis d'exprimer ainsi cet article : « Le refus suspensif du Roi cessera à la seconde des législatures qui suivront celle qui aura pro-prosé la loi. »
Ces deux corrections sont admises et les décrets sont adoptés dans les termes suivants :
DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME EN SOCIÉTÉ.'
Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rap-, pelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre su- ¦ prême, les droits suivants de l'homme et du citoyen :
Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres* et
égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité
commune.
Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément."'
Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Art. 5. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu, par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être con-"' traint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
Art. 6. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses
jeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans au ire distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen, appelé ou saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.
Art. 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur, qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi.
Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi.
Art. 12. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : celte force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Art. 13. Pour l'entretien de la force publique, et poulies dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Art. 14. Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, Je recouvrement et la durée.
Art. 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Art. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.
Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
ARTICLES DE CONSTITUTION.
Art. 1er. Tous les pouvoirs émanent essentiellement de la
nation, et ne peuvent émaner que d'elle.
Art. 2. Le gouvernement français est monarchique : il n'y a point en France d'autorité supérieure à la loi ; le Roi ne régne que par elle ; et ce n'est qu'en vertu des lois qu'il peut exiger l'obéissance.
Art. 3. L'Assemblée nationale a reconnu et déclaré, comme points fondamentaux de la monarchie française, que la personne du Roi est inviolable et sacrée; que le Trône est indivisible; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leurs descendances, sans entendre rien préjuger sur l'effet des renonciations.
Art. 4. L'Assemblée nationale sera permanente.
Art. 5. L'Assemblée nationale ne sera composée que d'une Chambre.
Art. 6. Chaque législature sera de deux ans.
Art. 7. Le renouvellement des membres de chaque législature sera fait en totalité.
Art. 8. Le pouvoir législatif réside dans l'Assemblée nationale, qui l'exercera ainsi qu'il suit :
Art. 9. Aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s'il n'est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s'il n'est sanctionné par le monarque.
Art. 10. Le Roi peut refuser son consentement aux actes du Corps législatif.
Art. 11. Dans le cas où le Roi refusera son consentement, ce refus ne sera que suspensif.
Art. 12. Le refus suspensif du Roi cessera à la seconde des législatures qui suivront celle qui aura proposé la loi.
Ait. 13. Le Roi peut inviter l'Assemblée nationale à prendre un objet en considération, mais la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation.
Art. 14. La création et suppression des offices ne pourront avoir lieu qu'en exécution d'un acte du Corps législatif, sanctionné par le Roi.
Art. 15. Aucun impôt ou contribution, en nature ou en argent, ne peut être levé; aucun emprunt, direct et indirect, ne peut être fait autrement que par un décret exprès de l'Assemblée des représentants de la nation.
Art. 16. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans la main du Roi.
Art. 17. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois pour en ordonner ou en rappeler l'observation.
Art. 18. Les ministres et les autres agents du pouvoir exécutif sont responsables de l'emploi des fonds de leur département, ainsi que de toutes les infractions qu'ils pourront commettre envers les lois, quels que soient les ordres qu'ils aient reçus : mais aucun ordre du Roi ne pourra être exécuté s'il n'a pas été signé par Sa Majesté, et contresigné par un secrétaire d'État, ou par l'ordonnateur du département.
Art. 19. Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Roi, ni par le Corps législatif, mais la justice sera administrée au nom du Roi par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution, et selon les formes déterminées par la loi.
se retire par devers le Roi pour présenter la totalité des articles à l'acceptation de Sa Majesté. Aux termes du règlement, il est remplacé par M. le comte Stanislas de Cler-mont-Tonnerre, dernier président.
L'Assemblée reprend la suite de son ordre du jour concernant le projet de décret du comité des finances.
Il est important de discuter la rédaction qui vient de vous être présentée, et qui est absolument conforme à celle qui vous a été lue par le ministre ; votre comité n'y a fait d'autre changement que de transformer en articles ce qui en formait le préambule. J'observe qu'il est impossible que la mémuire des membres de cette Assemblée les serve assez bien, pour qu'ils fassent les observations que leur sagesse pourrait leur inspirer après un examen réfléchi : je demande donc l'impression de cette rédaction, sous le titre de projet ; par ce moyen, le peuple ne pourra pas tomber dans les erreurs qu'un des préopinants a paru redouter.
J'appuie la dernière observation de M. Pétion de Villeneuve, et je pense que l'Assemblée, d'après le décret qu'elle a prononcé hier, ne peut délibérer sur la rédaction qui vient de lui être soumise qu'après que le Roi aura accepté la déclaration des droits, et les ar-
ticles de la Constitution qu'elle vient de lui présenter.
Le règlement exige que tout projet de décret soit imprimé avant d'être accepté par l'Assemblée. On ne s'est point encore conformé à cet article du règlement, mais on doit le faire dans ce cas plus que jamais.
La première partie des décrets est rédigée en préambule ; c'est du moins une chose nouvelle comme préambule ; il est impossible de l'examiner. J'aurais, moi qui ne suis point versé en finances, des observations à faire sur des objets qui m'ont frappé à la première lecture, et je conclus de cela qu'après des réflexions calmes, il en sera découvert beaucoup d'autres par les personnes instruites sur cette matière. J'éloigne toutes observations, je les croirais prématurées ; mais je pense que des honnêtes gens, pour remplir leurs devoirs, n'auront pas trop de douze ou quinze heures d'examen sur une matière aussi importante. Je demande doijc l'impression de cette rédaction, et l'ajournement à demain, ou du moins qu'il en soit fait des copies qui seraient ce soir répandues dans les bureaux.
représente l'instante nécessité d'accélérer l'opération proposée; il rappelle qu'au 1er octobre il n'y avait plus que 3 millions au Trésor royal, et demande que la rédaction soit sur-le-champ discutée, article par article.
L'Assemblée délibère ; elle ordonne l'impression du projet de décret, la remise des exemplaires dans les bureaux, et ajourne la discussion à demain.
On demande que le comité de rédaction présente l'adresse qu'il avait été décidé de faire aux commettants, pour leur exposer les motifs qui ont déterminé l'Assemblée à consentir une contribution momentanée.
répond que son travail sur cet objet est terminé, mais qu'il n'a pu en présenter encore que quelques parties à plusieurs membres du comité, et que dès lors son projet est bien loin de la perfection qu'il désire.
On insiste, et il obéit au vu de l'Assemblée. A la lecture de ce projet d'adresse, toute la salle retentit d'applaudissements ; l'enthousiasme et l'admiration etaient à leur comble. On demande à délibérer sur-le-champ.
Je reconnais beaucoup de taches dans cet ouvrage ; je demande qu'il soit encore soumis au comité de rédaction, persuadé qu'il sortira sans doute de cet examen avec des améliorations nombreuses.
Je proposé donc de remettre la délibération à demain.
L'Assemblée adopte avec regret cet ajournement.
(Voyez plus loin le texte de l'adresse : Séance du 6 octobre 1789.)
, évéque de Limoges et député, présente des vues sur la liquidation de la dette publique sans aucune charge pour la nation.
présente un plan général de finances.
Un autre membre soumet à l'Assemblée le projet d'une imposition nouvelle.
Ce projet, qui embrasse toutes les branches d'impôts, présente une subversion totale dans l'administration actuelle des finances.
Selon l'orateur, l'impôt est la contribution proportionnelle que chaque citoyen doit à l'Etat. Cette définition juste a servi de base à toutes les conséquences que l'auteur en a tirées. Il a proposé trois genres d'impôts. Le premier est celui des propriétés ; le second est l'impôt personnel ; le troisième porte sur la consommation.
L'impôt de propriété remplacera la taille, les vingtièmes.
L'impôt personnel, la capitation, lescourtiers-jaugeurs, la marque des cuirs.
L'impôt de consommation sera pour faire contribuer le citadin.
Ce dernier impôt comprendra aussi un droit que payeront les cabaretiers.
L'auteur estime que tous ces droits pourront égaler les impôts actuels qu'il veut remplacer.
La ferme des cartes, le marc d'or et autres petits cjroits, l'auteur les laisse subsister.
De plus il établit une taxe sur les domestiques et les chevaux.
L'auteur demande ensuite l'établissement d'une caisse nationale, d'une caisse d'amortissement.
L'Assemblée paraît fatiguée de la longueur de ce travail.
L'orateur conclut à l'établissement d'un comité ' de douze personnes, pour correspondre avec le comité de commerce, les comités de judicature, d'agriculture et de finance, pour qu'aucuns règlements sur les impositions ne soient contraires à aucune de ces branches d'administration; enfin pour s'occuper de l'établissement d'un papier-monnaie, comme le seul moyen de rétablir la confiance. «
L'Assemblée décide que les divers projets qui viennent de lui être présentés seront imprimés, distribués et renvoyés au comité des finances. (Nota. Le texte de ces projets financiers est annexé à la séance de ce jour.)
propose jue, pour remettre du numéraire dans la circulation, faciliter les emprunts entre particuliers, dans un moment où les meilleurs citoyens sont empressés de porter, leur contribution au secours * de la patrie, faire cesser les prêts usuraires et l'abus des fonds perdus, l'Assemblée nationale décrète que l'argent est commerçable au taux fixé par la loi.
lit une motion tendant au même objet; il conclut à ce que le prêt à intérêt et à temps soit admis sur simples * billets.
Voici son projet de décret :
« L'Assemblée nationale, considérant que la circulation rapide du numéraire est une source féconde de prospérité publique qui anime et vivifie l'agriculture et le commerce, en faisant baisser le prix de l'argent; convaincue qu'un des moyens propres de favoriser cette circulation, est de rendre les prêts à intérêt entre les citovens plus 41 faciles et plus fréquents, et que la plus' sûre manière d'y parvenir est d'autoriser le remboursement de ces prêts à terme fixe et convenu, arrête et décrète que le prêt à intérêt et à temps, sous simples billets ou contrats, sera admis dans tout le royaume et que toutes lois et ordonnances contraires à ce décret seront abrogées. »
Ces deux motions sont appuyées, mais du consentement des membres qui les ont faites, elles sont ajournées.
A la suite de ces deux motions, une troisième est faite pour que les lois contre les usuriers 1 soient remises en vigueur. Cette motion incidente est ajournée comme les précédentes.
lève la séance, après avoir indiqué l'ordre du soir comme il suit :
A cinq heures et demie, assemblée des bureaux pour procéder à l'élection des douze membres du comité militaire, conformément au décret du jour d'hier ;
Discussion dans les bureaux du rapport concernant la procédure criminelle, fait à l'Assemblée par le comité des sept membres nommés à cet effet ;
Séance générale, à sept heures, pour s'occuper :
1° Du rapport concernant là procédure criminelle;
2° De la formation d'un comité de marine ;
3° De divers rapports urgents ;
4° D'une motion sur la liberté individuelle;
5° De l'échange du comté de Sancerre.
Séance du vendredi 2 octobre 1789, au soir.
*
, à l'ouverture delà séance, | instruit l'Assemblée qu'il a remis à Sa Majesté la ' déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et les articles relatifs à la Constitution ; que le Roi lui a répondu qu'il ferait connaître incessamment à l'Assemblée ses intentions à cet égard.
Il est fait lecture des adresses des villes et com-* munautés, ainsi qu'il suit ;
1° Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Saint-Dizier, en date du 28 septembre.
2° Même adresse de la communauté d'Allan, portant renonciation à tous ses privilèges.
3° Adresses des 15, 17, 23, 29 et 30 août, des 6, 8, 13 et 14 septembre, contenant félicitations, remerciements et adhésion du comité permanent de la ville de Pamiers, de celle du Mas-d'Azil, . de Foix, la Bastide,Tarascon, Daumazan,des communautés du Vernet, de Saverdun, de Montaud, de la vallée de Signer et de Bonnac.
4° Adresse de la communauté de Schlestadt en Alsace, qui adhère à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et la supplie d'agréer l'élection qu'elle vient de faire de nouveaux officiers municipaux.
5° Délibération, du 4 août, de la commune de ' la ville de Castelmoron, réunie aux officiers municipaux pour l'établissement d'une garde bourgeoise, et le maintien de la tranquillité publique.
6° Lettres de Dom Courtin, religieux de la maison de Saint-Martin-des-Champs, ordre de Saint-Benoît, et déclaration y jointe de cinq religieux de la même maison, qui protestent contre la fausse apposition de leurs signatures au . bas d'une lettre adressée par quelques religieux à l'Assemblée nationale. Il est dit que trois autres religieux, dont la signature avait été également contrefaite, n'ont pas voulu signer la présente déclaration, dans la crainte qu'il ne fût donné trop de suite à cette affaire^ et que les coupables ne fussent poursuivis extraordinairement.
La lecture de ces pièces excite quelques dé-
bats dans l'Assemblée. Une partie veut que l'af-faire soit renvoyée au pouvoir judiciaire, et qu'il n'en soit fait aucune mention dans le procès-verbal ; l'autre partie veut que la réclamation des religieux y soit mentionnée.
Ces deux questions sont soumises à la délibération de l'Assemblée ; il est décrété, par la forme accoutumée, que la lettre de dom Courtin et la réclamation des cinq religieux seront consignées dans le procès-verbal ; et sur le renvoi de cette affaire au pouvoir judiciaire, la question préalable ayant été demandée et admise, il est décidé qu'il n'y a lieu à délibérer.
La lecture des adresses, interrompue par cette discussion, est ensuite continuée.
7" Délibération des officiers municipaux et de l'état-major de la milice citoyenne de Séez, composant lé comité permanent de cette ville ; elle fait une peinture frappante des maux que l'anarchie cause à cette ville, et contient une adhésion à la délibération du 31 août dernier, adressée par la ville de Caen à l'Assemblée nationale.
8° Mémoire et observations du prince, évêque de Strasbourg, relativement aux arrêtés des 4 et 5 août et jours suivants, à l'effet d'exposer au Roi et à l'Assemblée nationale les difficultés qui résultent des dispositions de ces arrêtés, pour les concilier avec les traités et capitulations qui assurent à son siège au grand chapitre de Strasbourg et à tout son clergé, la conservation de leurs droits, traités et capitulations garantis par l'Empire et autres puissances de l'Europe.
Il est fait ensuite i'énumération des nouveau* dons patriotiques offerts à l'Assemblée nationale, et inscrits dans le registre à ce destiné- On remarque, dans ces dons, celui d'un enfant de onze ans (M. Rodolphe de Montfort, de la province de Dauphiné). Cet enfant a offert une somme importante, à raison de son âge; et ses parents ayant voulu la lui remplacer, il a demandé avec la plus touchante sensibilité que ce supplément fût joint à son premier don : cette preuve précoce de patriotisme a mérité l'approbation de l'Assemblée.
On lit la lettre d'un contrôleur des actes, qui fait, pour trois ans, l'abandon à la patrie des intérêts d'une somme de 4,000 livres qu'il a fournie pour le cautionnement de son emploi. Il propose de suspendre, momentanément, les intérêts des sommes de cautionnement de tous les employés. Cette lettre est remise aux trésoriers des dons patriotiques.
On ecclésiastique (M. l'abbé de Sainbron) offre à la patrie 4,000 livres, formant la moitié d'une abbaye de 8,000 livres, seul bénéfice qu'il possède. L'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre, et accueille avec des applaudissements réitérés l'annonce des divers dons patriotiques.
a donné connaissance à l'Assemblée qu'une députation de la commune de Paris demande l'honneur d'être entendue; ce qui lui ayant été accordé, elle est introduite à la barre par un huissier ; et l'un des députés, prenant la parole, a dit :
« Nosseigneurs,
La commune de Paris nous a députés vers l'Assemblée nationale pour la supplier de pourvoir, le plus promptement possible, à la promulgation de la loi provisoire, relative à la punition des délits ; loi qui doit suppléer à l'ancienne ordonnance criminelle, en attendant qu'il ait été
pourvu à la formation d'un code complet sur cette partie essentielle de l'ordre judiciaire.
« Nous sommes chargés de ne rien négliger pour prévenir le danger imminent dont la capitale est menacée, si les coupables et les malintentionnés peuvent, quelque temps encore, se flatter de l'impunité.
« Nous devons supplier l'Assemblée nationale d'autoriser son comité de Constitution à nous donner tous les renseignements qui pourront faire connaître aux représentants de la commune de Paris les intentions de l'Assemblée nationale sur la formation des assemblées provinciales et des municipalités, afin que leur travail sur le plan de la municipalité dont ils s'occupent soit sans cesse guidé par celui de l'Assemblée nationale, et soumis à ses principes.
« Nous sommes chargés de supplier 1 Assemblée nationale et le Roi d'assurer l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale sur la libre circulation des grains; en conséquence, de procurer sûreté et protection au commerce, dans les marchés et sur les routes, et de faire soutenir à cet effet les gardes nationales et les maréchaussées par des détachements suffisants pour opérer le bon ordre.
« Enlin, il nous est imposé de représenter a l'Assemblée nationale que la garde actuelle de M. de Bezenval est tellement coûteuse et incommode, que l'Assemblée nationale, qui seule peut prononcer sur cet objet, croira sans doute instant et indispensable d'indiquer des moyens nouveaux de garder à l'avenir ce prisonnier de la nation, avec des précautions aussi sûres et moins dispendieuses.
« L'importance des deux premiers objets de la mission qui nous est confiée est tellement pressante, que nous croyons devoir, en Unissant, supplier de nouveau l'Assemblée de les prendre, le plus tôt possible, en considération.
« A Versailles, le 2 octobre 1789.
H Signé : Duveyrier, deCondorcet, Benoit, Vermeil, Bourdon de la Crosniére et Desmousseaux, représentants et députés de la commune de Paris. »
répond que l'Assemblée nationale avait nommé un comité pour s'occuper d'une nouvelle législation concernant la procédure criminelle; que ce comité avait déjà fait le rapport de son travail ; qu'il serait incessamment soumis à la discussion et à la délibération de l'Assemblée ; qu'au surplus, elle prendrait en considération les autres articles de demandes de la commune de Paris.
Il s'est élevé quelques légers murmures sur ce que l'orateur de la députation de Paris donnait quelques fois à l'Assemblée le titre de Messieurs au lieu de Messeigneurs.
a observé^que le titre de Nosseigneurs tenait encore à l'ancienne servitude. Tout titre extraordinaire devrait être effacé du vocabulaire d'une nation libre, celui surtout de Seigneur, de Monseigneur, devrait disparaître chez un peuple qui vient d'abolir le gouvernement féodal. Plus un peuple est libre, a dit un célèbre écrivain, moins il y a de cérémonies, moins de titres fastueux, moins de démonstrations d'anéantissement devant son supérieur.
Un membre du comité^ des'} finances dit que depuis dix jours le travail du comité sur les dé-
,E MENT AIRE S. [2 octobre 1789.]
penses de la guerre est terminé. Il ajoute que ce rapport, ne contenant que des faits et ne proposant aucun projet d'arrêté à la délibération de l'Assemblée, n'était pas de nature à être lu en séance et à faire perdre un temps précieux.
L'Assemblée décide que le rapport sera imprimé et distribué dans les bureaux. ( Voy. le texte de ce rapport, annexé à la séance de jour.)
consulte l'Assemblée sur:1a priorité à donner aux questions qui sont à l'ordre du jour. La priorité est accordée à Yéchange du comté de Sancerre.
MM. les députés de Blois,Valenciennes et Bar-le-Duc font la mention suivante sur Véchange de Sancerre (1) Messieurs les députés des bailliages de Blois, Valenciennes et Bar-le-Duc ont l'honneur de solliciter la parole, qu'ils ont vainement réclamée pendant près de trois semaines; et si l'ordre du jour pouvait s'opposer encore à leur demande, ils vous supplient de leur accorder la priorité en faveur de l'objet . important qu'ils sont pressés de mettre sous vos yeux.
Nous venons vous dénoncer, Messieurs, un délit vraiment national, un échange monstrueux, qui depuis plusieurs années fait le scandale delà France, et qui subsiste toujours au milieu de nous comme un monument effrayant de tout ce qu'un ministre pouvait oser, de tout ce que l'intrigue pouvait tenter, sous un régime arbitraire et corrompu.
A ces traits vous reconnaissez Yéchange de Sancerre, conclu avec le comte d'Espagnac par M. de Galonné, cet administrateur prodigue et fugitif, dont les mains dissipatrices ont creusé l'abîme profond que vous êtes appelés à combler.
Il est dans la nature des échanges domaniaux de provoquer le soupçon : la chaleur avec laquelle lecréditles sollicite, les avantages immodérés qui les assurent à ceux qui les obtiennent, ont flétri dans tous les temps ces dangereux contrais, qui, sous le voile perfide d'une égalité illusoire, abandonnaient, en quelque sorte, les domaines à l'avidité, toujours renaissante, toujours insatiable, des courtisans.
Si le grand ouvrage de la Constitution, auquel vous avez voulu vous livrer sans réserve et sans partage, n'eût pas absorbé toute votre attention, vos regards se seraient déjà arrêtés sur cet antique patrimoine de la couronne; déjà vous vous seriez occupés des moyens de réunir à ce tronc dépouillé toutes les branches qui en ont été successivement détachées : les échanges, surtout, n'eussent pas échappé à la sévérité de vos recherches ; mais dans la liste, malheureusement trop grossie, de ces attentats contre la plus sacrée et la plus inviolable des propriétés, nul ne vous eût paru plus audacieux, plus révoltant, et nous oserons le dire, Messieurs, plus punissable que Yéchange de Sancerre.
Cette assertion n'est point exagérée; et nous n'avons pas besoin de la justifier aux
yeux de l'Assemblée nationale :qui de vous, Messieurs, ne connaît pas un échange
devenu si célèbre par l'indignation et par l'effroi qu'il a semés dans plusieurs
provinces du royaume? Qui de vous ignorerait encore que M. de Calonne, trahissant la
confiance du meilleur des Rois, avait lui-même un intérêt personnel et clandestin,
dans un contrat dont il disposait le plan à son gré ; que le mar-
Mais quand le secret d'une association si suspecte serait demeuré enseveli dans
l'ombre du mystère ; quand il n'eût pas éclaté par la propre indiscrétion des deux
échangistes, qui, dans l'ivresse du pouvoir et du succès, se croyaient affranchis des
ménagements mêmes de la prudence, la combinaison seule de l'échange aurait suffi pour
révéler cette trame odieuse ; car quelle autre cause qu'une collision ministérielle
eût-on pu assigner à toutes les opérations qui ont précédé et suivi le plus
extraordinaire des contrats ? Qui pourrait rendre raison de la facilité avec laquelle
les droits imaginaires du comte d'Espagnac ont été accueillis ; du choix insidieux des
objets (2),
Le comté de Sancerre offrait donc une convenance bien séduisante puisque l'on croyait
devoir y mettre un si haut prix ? Le comte d'Espagnac avait donc rendu des services
bien distingués, pour être récompensé avec une telle munificence? Non, Messieurs : la
possession de ce fief, indifférente au gouvernement sous tous les rapports,
Nous en avons dit assez, sans doute, pour fixer votre opinion sur un échange que le comte d'Es-pagnac accuse lui-irême, par son obstination à le défendre ; hâtons-nous d'exposer la demande que nous sommes chargés de vous présenter.
Victime et témoin à la fois d'une dilapidation qui n'avait pas encore eu d'exemple, la ville de Sain t-Mihiel a dénoncé l'échange de Sancerre à la première assemblée des notables ; et depuis cette époque, elle n'a cessé d'en poursuivre la résiliation, avec une persévérance digne du courage qu'elle avait d'abord déployé, en attaquant son oppresseur au milieu de son crédit, et jusque sur les marches du trône.
La chute de M. de Galonné l'ut le premier prix de son zèle : elle en attendait un second dans la cassation de l'échange ; mais l'espoir le plus légitime a toujours été déçu. Et comment eût-il été rempli, dans un temps où la disgrâce d'un ministre était regardée comme une expiation suffisante de tous les délits dont il avait pu se rendre coupable, et où l'administrateur le plus infidèle était sùr d'emporter paisiblement au fond de sa retraite les fruits de ses prévarications, et jusqu'à des récompenses qui, dégradées par cette honteuse prostitution, avaient cessé d'honorer les véritables services?
Ici, nous nous empressons de rendre un hommage public à la justice personnelle du Roi : nous disons personnelle, parce qu'il ne consulta que les mouvements de son cur, toujours pur et toujours droit. Eclairé par la lecture de plusieurs mémoires qui lui avaient été successivement présentés, il voulut revenir sur une opération désastreuse, dont tous les vices venaient de se dévoiler à ses yeux, et il nomma une commission pour lui rendre compte en son conseil des finances de tous les faits et de toutes les circonstances relatifs à rechange de Sancerre.
Cette commission est établie depuis le 29 décembre 1787 ; et elle a reçu tous les
éclaircissements qui devaient servir cfe base à son rapport : les villes et maîtrises
de Blois, Valenciennes, Thion-ville et Saint-Mihiel lui ont adressé à l'envi outes les
instructions de détail, qui fixent la vé-
Enfin, l'inspecteur général du domaine nommé par un arrêt du conseil du 16 février 1788, pour faire les poursuites et diligences nécessaires à l'instruction de cette grande affaire, a dénoncé hautement le dol et la surprise, dont il a démêlé les traces dans les pièces qui lui ont été remises dans les bons de Sa Majesté. Déjà il a présenté deux requêtes, pour demander la nullité d'un contrat qui rassemble à ses yeux tous les vices de l'obrep-tion et de la subreption; et le conseil n'a pas encore prononcé un jugement que le cri de l'indignation publique sollicite depuis si longtemps! les échangistes jouissent toujours sans obstacles comme sans remords des domaines qu'ils ont envahis.
Ils jouissent, que disons-nous, Messieurs? ils abusent de la manière la plus
audacieuse, au mépris de toutes les lois et de tous les règlements : le comte
d'Espagnac, dans la forêt de Russy, qui lui est échue en partage, a déjà fait abattre
220 arpents, quoique la qualité de possesseur (3)
Son^cessionnaire des bois du Hainaut dispose en maître absolu des objets qui lui ont été rétrocédés ; ces belles et nombreuses futaies qu'une sage prévoyance y avait réservées pour le service des fortifications de Yalenciennes, Bonchain et Condé, sont disparues en partie ; toutes les coupes ont été forcées et interverties ; il y a fait percer de nouvelles routes, ouvrir des fosses de charbon de terre; et considérant ces bois comme une propriété (1) irrévocablement acquise, il y exerce tous les actes qui peuvent favoriser son intérêt, ou ses convenances personnelles.
Les officiers de la maîtrise de Saint-Mihiel avaient d'abord contenu les agents de M. de Galonné, en leur disputant l'administration des bois du marquisat d'Hattonchâtel, mais deux arrêts provisoires les ont forcés d'abandonner à l'échangiste des forêts précieuses qu'ils avaient vainement tenté de soustraire à son avidité.
Nous ne nous expliquerons Das sur ces deux arrêts, rendus irrégulièrement, sans avoir entendu l'inspecteur général du domaine, qui devait l'être cependant, et qui antérieurement avait requis que les bois échangés fussent mis en séquestre. Nous ne nous expliquerons pas, disons-nous, sur ces deuK arrêts provisoires; mais qui croirait que le comte d1 Espagnac s'élève avec force, qu'il cherche même à échauffer tous les esprits contre une commission qui l'a si bien servi? car c'est l'avoir servi, que de ne l'avoir pas encore jugé.
Lorsque M. l'archevêque de Sens fut éloigné des affaires, le comte d'Espagnac, qui,
pendant
Aujourd'hui que tous les regards sont tournés vers la liberté, que la nation entière attend avec impatience que. vous ayez achevé d'élever l'auguste monument dont vous avez déjà posé les premières bases, le comte d'Espagnac, habile à seconder les mouvements de l'opinion publique, fait retentir avec art les noms de despotisme et de commission; il se présente sous les traits intéressants d'une malheureuse victime poursuivie par une cabale puissante qui a juré sa ruine.
C'est ainsi qu'il vient encore de tenter de surprendre votre justice, par une requête, dans laquelle il vous supplie de le protéger contre des ennemis imaginaires (2), en arrêtant l'activité de la commission instituée pour l'examen de son échange.
Les commissions qui enlèvent un citoyen à ses juges naturels sont bien odieuses, sans'doute ; et ce n'est pas nous qui serons les apologistes de ces jugements illégaux qui, dans les mains du despotisme ministériel, furent trop longtemps des instruments de haine et de vengeance.
Mais si le comte d'Espagnac applique à des actes de pure administration des maximes qui ne conviennent qu'à des actes véritablement contentieux, s'il suppose des évocations arbitraires où on n'a rien évoqué, s'il a travesti tous les objets pour produire une illusion mensongère, n'est-il pas bien évident que des plaintes si légitimes, si touchantes dans la bouche d'un opprimé, ne sont, dans la sienne, que le jeu d'une sensibilité factice, et un nouvel abus qu'il fait des lois dont il ose invoquer l'appui?
Les actes d'administration sont étrangers par leur nature à la juridiction des
tribunaux ordi-
Or, un échange domanial est un acte d'administration. Gela est si certain, que toutes les opérations qui servent à le préparer ou à le consommer se font par l'intervention immédiate du conseil, ou par des commissions qui en émanent; ce sont des commissaires du conseil qui passent le contrat au nom de Sa Majesté ; ce sont des commissions du conseil qui procèdent aux évaluations (t) des domaines échangés; c'est enfin le conseil qui juge souverainement les évaluations, et qui, par sa ratification, imprime le dernier sceau à l'échange, qui jusque-là, n'est qu'un simple projet encore imparfait et toujours sujet à révision.
Et que l'on ne dise pas que ces formes étaient le résultat du régime arbitraire, qui s'était glissé dans presque toutes les branches de l'administration; elles sont indiquées, autorisées même par les lois les plus positives.
Le célèbre édit du mois d'avril 1667, qui a fixé les règles de notre administration domanial e, désigne nommément des commissions du conseil, pour ordonner la réunion des domaines aliénés, ou frauduleusement échangés.
L'édit d'octobre 1711, qui a déterminé les formalités propres aux évaluations des
domaines cédés en apanage et en échange, en soumet le jugement définitif ou conseil :
ces deux édits qui établissent manifestement la compétence exclusion du conseil ont
cependant été enregistrés sans réclamation dans tous les tribunaux, parce qu'ils n'ont
vu avec raison dans les aliénations et échanges (2) du domaine que des actes purement
administratifs.
Que peuvent donc les vaines réclamations du comte d'Espagnac contre un ordre de choses que les lois domaniales avaient consacré, auquel il s'était volontairement soumis, et qu'il n'a cessé de reconnaître dans le cours des différentes formalités qu'il a successivement remplies? Aurait-il donc oublié que l'exécution d'un contrat qui lui est si cher a été perpétuellement liée à des commissions, qu'il n'a pas fait un seul pas sans commissions, et que le seul moyen de s'y dérober était de ne pas faire d'échange, ou d'y renoncer?
Mais par quelle inconséquence, dans cette même supplique où il rejette les commissions avec tant de chaleur, a-t-il pu demander d'être renvoyé à la commission de la chambre des comptes de Paris, qui tient également du conseil son existence et tous ses pouvoirs ? Quel peut être le motif secret de cette préférence? On ne cherchera pas à l'approfondir; mais, quel qu'il soit, cette contrariété du comte d'Espagnac avec lui-même prouve du moins qu'il n a pas pour toutes les commissions l'éloignement qu'il affecte de montrer.
Gonfondrait-il cette commission avec la chambre des comptes elle-même, comme il semble l'insinuer souvent? Cette confusion serait une nouvelle méprise de sa part : ces chambres des comptes n'ont aucune attribution en matière d'évaluation. L'édit d'août 1711, qui réserve au Roi le choix exclusif des commissaires évaluateurs, leur interdit expressément toute juridiction à cet égard.
11 demande aussi d'être renvoyé au parlement de Paris sur la question du dol, dont
son contrat
D'ailleurs la juridiction du parlement de Paris est circonscrite dans les limites de son ressort. Toutes les cours supérieures dans les arrondissements desquelles sont situées quelques portions des domaines échangés auraient un droit égal à connaître des vices du contrat, et sept parlements se trouveraient saisis à la fois de l'instruction même des faits; résultat manifestement absurde, et qu'il suffit d'exposer pour l'avoir réfuté.
Ces conséquences n'ont pas dû échapper au comte d'Espagnac : aussi, lorsqu'il dit, lorsqu'il répète sans cesse que le parlement et la chambre des comptes de Paris sont seuls compétents pour juger son échange, c'est comme s'il disait qu'il ne veut pas être juge' ; et en effet, de tous les systèmes possibles de défense, c'était celui qu'il avait le plus d'intérêt à embrasser. Fidèle à ce plan, il n'est pas venu non plus vous demander d'être jugé par l'Assemblée nationale : il vous a seulement suppliés de suspendre l'activité d'une commission qui était sur le point de faire son rapport au conseil : ses inquiétudes le trahissent, chacune de ses démarches atteste qu'il ne craint rien tant que d'être jugé.
Il eut été beau cependant au comte d'Espagnac de prendre la nation elle-même pour juge, de soumettre à ses regards clairvoyants tous les détails d'une opération généralement décriée, et de lui dire avec la vive sensibilité d'une âme franche et loyale, qui s'indigne d'avoir pu être soupçonnée : « J'ai fait un échange avec le RcS; on m'accuse de l'avoir trompé par de faux exposés, de m'être fait donner quatre ou cinq fois plus que je n'avais donné moi-même. Voyez, comparez et prononcez entre mes ennemis et moi. » Quel est l'échangiste calomnié qui ne se serait empressé de provoquer cette instruction vraiment publique et imposante, et qui n'eût voulu par une justification aussi solennelle imprimer sur le front de ses accusateurs le sceau de la plus humiliante con-1 fusion?
Mais le comte d'Espagnac ne paraît pas plus pressé d'être justifié que d'être jugé : il veut seulement conserver, ou du moins prolonger autant qu'il le pourra, une jouissance de laquelle il tremble d'être dépouillé; c'est là le ressort secret de tant d'intrigues, de tant de sophismes et de tant de mouvements. Que son échange soit oublié ¦ comme tous ces autres échanges, dont quelques-uns sont commencés depuis plus d'un siècle, sans être encore consommés, il aura atteint son véritable but, le seul qu'il ait pu espérer d'atteindre : tous ses vux seront remplis.
Ce qu'il n'a pas osé vous demander, Messieurs, nous le demandons au nom des trois bailliages que nous représentons, et qui nous ont donné également le mandat spécial de dénoncer l'échange de Sancerre à l'Assemblée nationale.
Avant de remplir ce devoir commun que l'ordre de vos travaux a longtemps suspendu, nous avons d'abord voulu nous assurer de l'état actuel dans lequel se trouvait une instruction commencée, depuis près de trois ans, par la commission du conseil; nous avons eu l'honneur de voir
M. l'archevêque de Bordeaux, qui, après en avoir conféré avec les commissaires, avait pensé que le rapport pouvait en être présenté à Sa Majesté.
C'est cette démarche qui, vraisemblablement, a rendu le mouvement à une commission dont l'inactivité convenait si bien aux échangistes, et que le chef de la justice n'a pu raviver, si on les en croit, qu'en violant les lois les plus sacrées.
Quel étrange spectacle que celui du comte d'Espagnac, dénonçant à la nation les abus du pouvoir arbitraire, et réclamant l'empire de la loi, lui qui, pendant deux ans entiers, armé de la puissance ministérielle devenue sa complice, fit taire à son gré toutes les lois, et enchaîna par son crédit la courageuse résistance (1) que quelques officiers royaux avaient opposée à ses injustes entreprises. Vous saurez apprécier, Messieurs, une telle dénonciation, et déjà accoutumés à suivre la prodigieuse mobilité de ce nouveau Protée, vous ne verrez dans le plus insidieux langage que son extrême anxiété, et l'art constant avec lequel il cherche à éloigner une décision qu'il ne peut envisager sans effroi.
Mais plus il veut l'éluder, cette décision, plus vous sentirez aussi, Messieurs, combien il est important, combien il est pressant que cet échange soit enfin jugé.
Une propriété domaniale de plus de 8 millions a recouvrer, 14,000 arpents de bois qu'il faut promp-tement dérober aux ravages des échangistes, la nécessité d'effacer un grand scandale, qui demeura trop longtemps impuni, seraient sans doute des motifs assez puissants pour exciter voire zèle, quand son activité ne recevrait pas encore une nouvelle énergie des circonstances impérieuses qui nous environnent.
L'Assemblée nationale ne saurait être incertaine sur le jugement que les lois réservent à l'échange de Sancerre ; sa délibération ne peut tomber que sur le choix des formes légales qui doivent le préparer.
Il est bien démontré que les tribunaux ordinaires sont incompétents en matière
d'administration, et que dans l'ancien ordre de choses (2), le conseil
Mais vous pouvez aussi, Messieurs, vous devez même retenir l'examen de cette affaire ; vos titres ne sont ni moins évidents ni moins respectables ; les domaines forment une propriété nationale, dont vous êtes les gardiens et les défenseurs.
Graindriez-vous que la discussion d'un objet particulier ne vous dérobât quelques-uns de ces moments précieux que vous devez à l'administration entière ? ou bien seriez-vous portés à penser que l'Assemblée nationale ne doit pas s'ériger en un tribunal contentieux? Alors une carrière plus vaste, plus intéressante s'ouvre devant vous, et tout vous invite à la parcourir.
Les domaines, originairement affectés à l'entretien personnel du monarque et à la splendeur du Trône, ont suffi pendant plusieurs siècles à cette auguste destination ; et ils y suffiraient encore aujourd'hui, si des aliénations perpétuelles, et des échanges non moins désavantageux, n'eussent insensiblement desséché et tari cette source si riche et si pure des revenus de nos Rois.
Tous les états généraux ont opposé à cette funeste dissipation les règles conservatrices d'un patrimoine sacré ; tous ont successivement provoqué des réunions que de nouvelles invasions rendirent toujours nécessaires. Pourriez.-vous balancer à suivre cet utile exemple? et serait-ce après deux siècles entiers d'erreurs et de déprédations continues pendant ce long sommeil de l'ordre et des lois ; serait-ce quand le dérangement des finances, porté à son comble, quand le salut de la patrie commandent à toutes les classes des citoyens les plus généreux et les plus utiles sacrifices que vous craindriez de vous montrer aussi sévères, ou pour mieux dire, aussi justes que les Assemblées nationales qui vous ont précédés?
Plusieurs membres de l'Assemblée vous ont déjà proposé, Messieurs, de prendre les domaines en considération : nous appuierons avec force une motion que vous ne pouvez accueillir avec assez d'empressement,quelquesoitle nouveau plan que vous deviez adopter, pour donner une valeur plus active à une propriété si longtemps négligée, et cependant si digne de fixer les regards d'une administration.
Hâtez-vous donc, Messieurs, d'ordonner une révision générale, que tous les cahiers sollicitent de concert ; prononcez la réunion de toutes les aliénations illicites, de tous les échanges frauduleux, ou qui ne sont pas encore consommés ; que le voile qui couvrait tant de brigandages soit enfin levé ; et que l'échange de Sancerre, l'objet d'un scandale public, devienne l'heureux' signal de cette grande et salutaire opération, qui doit préparer a l'Etat épuisé la plus précieuse et la plus juste des ressources.
Vous ne séparerez pas sans doute, Messieurs, de l'examen de ces contrats ruineux les
administrateurs faciles ou infidèles qui les ont favorisés par eur insouciance, ou par
une coupable collusion. Le nom de M. de Calonne, surtout, doit être lié à la mémorable
époque de la régénération de
La loi sévère et toujours subsistante de Vina-liénabilité ne met aucune borne à l'étendue de vos recherches ; mais il convient à votre modération de limiter vous-mêmes une révision qui, en se reportant à des temps reculés, répandrait le trouble dans une multitude de familles qui jouissent paisiblement sous la foi d'une longue possession. Nous penserions donc que vous pourriez ne pas remonter au delà de l'avènement de Louis XV au trône, en 1715; et que dans les provinces incorporées postérieusement à la monarchie, telles que les duchés de Lorraine et de Bar, et la Corse, vous devez même vous arrêter à l'époque de leur réunion. En tempérant ainsi l'exécution d'une loi, rigoureuse par les principes de l'équité naturelle, vous écarterez loin de vous des plaintes et des réclamations contre lesquelles une extrême justice n'eût pas toujours pu vous défendre.
Pour presser, autant qu'il est en nous, cet important travail, que les besoins de l'Etat semblent ne plus permettre de retarder d'un seul jour, nous demandons qu'il soit pris pas l'Assemblée l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète qu'il sera incessamment formé un comité composé au moins de trente-quatre membres, qui seront choisis dans chacune des trente-quatre généralités du royaume, pour s'occuper avec la plus grande activité de la recherche des aliénations ou engagements des domaines qui ont eu lieu depuis l'avènement de Louis XV au trône, ainsi que de la révision de tous les échanges non encore consommés, et notamment celui de Sancerre, à la réserve des provinces incorporées postérieurement à la monarchie, où lesdites recherches ne pourront, sous aucun prétexte, remonter au delà de l'époque de leur réunion : à l'effet de quoi le même comité sera autorisé à se faire remettre tous les contrats d'adjudication ou d'engagements des domaines qui ont pu être passés depuis l'année 1715, tous les contrats d'échanges non encore définitivement consommés, les lettres patentes corifirmatives d'iceux, ou données en supplément et remplacement, les procès-verbaux des évaluations faites par les commissaires de Sa Majesté, les jugements d'icelles, si aucuns sont, et généralement tous les titres, pièces et renseignements qui peuvent concerner lesdites aliénations, engagements ou échanges des domaines, pour du tout être fait rapport à l'Assemblée nationale, qui statuera ce qu'au cas appartiendra.
a Et attendu le péril imminent qu'il y aurait à laisser aux échangistes l'administration des forêts comprises dans l'échange, jusqu'au jugement définitif qui interviendra, l'Assemblée nationale arrête que les forêts dont il s'agit seront remises provisoirement sous la main des officiers des maîtrises respectives, lesquels procéderont sur-le-champ à la visite et reconnaissance des anticipations et dégradations qui ont pu avoir été commises par le comte d'Espagnac, ou par ses cessionnaires, dont ils dresseront des procès-verbaux qui seront envoyés dans le plus court délai à l'Assemblée nationale, Signé : Bous-mard, Viard, P. J. Nicodème, Gossin, J.-G. Perdry, Aubry, député de Bar-le-Duc, Huot de Goncourt, Duquesnoy, Dinocheau,Marquis, Druillon, Simon,
curé de Woël, Golinet, curé de Ville-sur-Iron, Turpin, Razocher, Ulvy. »
Une espèce de réprobation publique a marqué l'échange de Sancerre; y je ne sais pas si elle est fondée ou non, mais M. d'Espagnac se plaint dans sa requête d'un fait qui paraît mériter l'attention de l'Assemblée ; il assure qu'une commission du conseil juge cette affaire dans ce moment. Ces commissions sont proscrites par nos cahiers, et le Roi ne serait-il pas juge et partie? je propose comme amendement que toute commission du conseil sera annulée, l'Assemblée se réservant d'en connaître après les k recherches qu'elle aura ordonnées.
Je n'ai entendu qu'un plaidoyer contre M. d'Espagnac ; il est de droit naturel que M. d'Espagnac soit entendu comme on l'a accordé au procureur du Roi de Falaise; je demande qu'il soit entendu après que le comité aura fait le rapport de cette »- affaire et que sa requête soit imprimée et distribuée dans les bureaux. (Voyez plus loin les deux requêtes de M. le comte d'Espagnac annexées à la séance de ce jour.)
appuie la formation d'un comité qui s'occuperait sans délai de tous les domaiues en général et de l'échange de Sancerre en parti-(, culier. Il propose de le composer de 12 membres.
, en appuyant la formation du comité, demande qu'il soit composé de 35 membres, un par chaque généralité.
Cet amendement mis aux voix est adopté.
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale a décidé qu'il sera nommé un comité de trente-cinq personnes, savoir : un par généralité, pour la recherche et l'examen de tous les engagements, échanges, concessions et aliénations quelconques des biens et domaines de la couronne, et spécialement du comté de Sancerre. »
indique, pour l'ordre du jour de la séance de demain à neuf heures, les objets précédemment ajournés et les finances.
La séance est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du 2 octobre 1789.
Nota. Ces annexes comprennent les pièces suivantes :
1° Supplique du comte d'Espagnac, mestre de camp de cavalerie, à l'Assemblée nationale, concernant l'échange du comté de Sancerre.
2° Seconde supplique du comte d'Espagnac, à l'Assemblée nationale, au sujet de l'échange de Sancerre.
3° Rapport du comité des finances sur les dépenses actuelles du département de la guerre.
4° Vues sur la liquidation de la dette publique, par M. d'Ârgentré, évêque de Limoges, député.
5° Vues générales sur l'impôt des aides, les inconvénients de sa suppression et la possibilité de sa réforme.
6° Motion sur un nouveau régime de finances, par M. le baron d'Allarde.
Supplique du comte d'Espagnac, mestre de
camp de cavalerie, a l'assemblée nationale (1). (Echange du comté de Sancerre.)
[Imprimée par ordre de VÀssemblée nationale.)
Sous un Roi restaurateur des droits de l'homme et de la liberté publique, au moment où la responsabilité des ministres est décrétée par l'Assemblée nationale, et leur conduite surveillée par la nation entière, un ministre, spécialement chargé de la garde et de la défense des lois, viole, à mon égard, la plus sacrée, la plus importante de toutes les lois, celle sans laquelle toutes les autres lois seraient illusoires.
C'est à regret qu'il m'opprime, j'aime à le croire. Je pourrais même, s'il le fallait, indiquer les sources et suivre les sinuosités du torrent qui l'entraîne. Mais il vaut mieux, s'il est possible, arrêter les progrès du mal que de perdre du temps à en rechercher les auteurs.
" Au mois de mai 1777, M, Taboureau, contrôleur général des finances, est convenu avec M. le duc de Béthune et moi que j'achèterai le comté de Sancerre, que je le donnerai au Roi, en échange de la forêt de Russy et d'autres objets, sauf les soultes à régler par l'événement des évaluations ; et que le Roi donnera le comté de Sancerre à M. le duc de Béthune en échange de la principauté d'Enrichemoht.
Le 21 juin 1777, j'ai acheté le comté de Sancerre, sur la foi de cette convention.
Le 2 juillet 1777, M. Necker a remplacé M. Taboureau dans l'administration des finances.
Le 31 août 1777, M. Neckef a pris un bon du Roi pour l'échange de Sancerre contre la forêt Russy, à condition que je renoncerai à toute soulte, quel que soit le sort des évaluations, et que si je me trouve devoir une soulte, par l'événement de ces mêmes évaluations, j'en fournirai le montant en fonds de terre.
J'ai refusé cet échange, à cause de la condition qu'on m'imposait. Le comté de Sancerre est donc resté à ma charge.
J'ai augmenté cette terre par des acquisitions. Je l'ai améliorée par de fortes avances, par un travail assidu de sept années, et par une administration bien entendue.
J'en avais porté le revenu à 122,000 livres; mais j'avais contracté plus de 2 millions de dettes, qui me coûtaient tous Jes ans plus de 140,000 livres de frais ou d'intérêts.
J'avais compté sur la fortune de mon beau-père: on sait par quels désastres cette ressource m'est échappée. , ' ,
Ma ruine était donc inévitable, et je n étais ruiné que pour avoir acquis Sancerre, sur la foi d'un ministre du Roi, et parce qu'un autre ministre n'avait pas cru devoir tenir les conventions faites avec son prédécesseur.
J'ai renouvelé la proposition de l'échange en 1784 ; je me suis adressé directement au Roi.
Le Roi, dans un travail avec M. de Galonné, a vérifié par lui-même les faits queje lui avais exposés.
Il a enfin consenti à l'échange par un premier bon du 21 mars 1784.
Il l'a ratifié et modifié par un second bon du 25 septembre 1784.
Il l'a de nouveau ratifié et modifié par un troisième bon du 13 février 1785.
M. de Galonné n'était pour rien dans les deux premiers bons. Ce n'est ,que par le troisième bon que le marquisat d'Hattonchâtel a été compris pour la première fois dans l'échange. C'est alors que M. de Galonné a commencé à avoir un intérêt personnel à l'échaDge.
Le contrat d'échange et les lettres patentes ont été enregistrés aux chambres des comptes de Paris, de Nancy et de Bar, et aux parlements de Douai, de Metz et de Nancy.
La reconnaissance de la plupart des objets donnés par le Roi en contre-échange a été faite en 1786. La chambre des comptes a même jugé l'évaluation d'un de ces objets.
Tel était l'état des choses lors de l'Assemblée des notables en 1787.
Un des membres de cette Assemblée, trompé par de faux exposés, a dénoncé l'échange de San-cerre comme une déprédation de M. de Galonné. La disgrâce de M. de Galonné a été le résultat de cette dénonciation et de quelques autres encore. M. l'archevêque de Toulouse l'a remplacé trois semaines après.
Un ordre verbal de ce nouveau ministre a suspendu les opérations de la chambre des comptes pour les évaluations.
Un libelle diffamatoire contre ma famille et contre moi, a paru vers la fin de novembre 1787, sous le titre a1 Observations de la ville de Saint-Mihiel sur l'échange du comté de Sancerre.
Le 18 décembre 1787, j'ai rendu plainte au lieutenant criminel du Ghàtelet contre les quidams, auteurs, imprimeurs, colporteurs et distributeurs du libelle, et contre leurs complices adhérents.
Je connaissais bien les quidams. Je connaissais surtout l'auteur et le correcteur; mais j'ai cru ne devoir pas me hâter de les indiquer. Le nom du correcteur aurait fait reculer d'effroi le lieutenant criminel et le procureur du Roi.
Onze jours après ma plainte, un arrêt du Conseil d'Etat, rendu du propre mouvement du Roi, a nommé une commission, composée de membres du conseil, pour examiner l'échange.
Le 16 février 1788, un second arrêt du Conseil d'Etat, rendu aussi du propre mouvement du Roi, a commis le sieur Lorry, inspecteur général du domaine, pour être procédé à sa poursuite et diligence, à l'exécution du précédent arrêt.
Le 25 avril 1788, un troisième arrêt du Conseil d'Etat a ordonné qu'il me serait donné communication d'une requête du sieur Lorry, qui tendait à faire déclarer nui mon contrat d'échange et à faire réunir au domaine les objets qui m'avaient été donnés en contre-échange.
Ainsi l'on soumettait toute ma fortune au jugement d'une commission extraordinaire, composée de juges choisis à mon insu et sans mon aveu. Cette commission a été plusieurs fois décomposée et recomposée, toujours sans mon aveu. Quatre magistrats s'en sont successivement déportés. Us ont été remplacés sans que j'aie été consulté.
D'un autre côté, je ne pouvais obtenir la permission d'informer sur ma plainte. Le procureur du Roi refusait de donner des conclusions. Je n'ai forcé sa résistance que par un appel en déni de justice. J'ai obtenu enfin la permission d'informer trois mois après la plainte rendue.
Cinq témoins ont été entendus. Le délit a été prouvé, et les coupables convaincus par leurs propres aveux quant à l'impression et à la distribution du libelle.
C'était le moment que j'attendais pour démasquer les quidams, auteur et correcteur, pour
joindre à ma plainte quelques pièces de conviction et pour faire entendre de nouveaux témoins.
Les contradictions et les lenteurs du Ghàtelet m'avaient conduit aux premiers jours du mois de mai, jours affreux, qui ont préparé les plus beaux jours de la France.
Toutes les cours souveraines étaient condamnées à l'inaction. C'est le moment qu'ont choisi le procureur du Roi et.le lieutenant criminel du Ghàtelet pour se débarrasser d'une affaire qui les fatiguait, parce qu'elle pouvait les compromettre.
Le 16 mai 1788, une ordonnance du lieutenant criminel m'a renvoyé à me pourvoir sur ma plainte devers la commission que le Roi avait formée au conseil royal des finances pour l'examen de l'échange.
A quoi tendait donc une marche si illégalement, si cruellement combinée?
On voulait qu'un tribunal désavoué par la loi disposât arbitrairement de ma fortune et de mon honneur.
L'inspecteur du domaine demandait que la commission déclarât nul mon contrat d'échange, et qu'elle me dépouillât de tous les objets qui m'avaient été donnés en contre-échange. On voulait donc bien que la commission disposât de ma fortune.
On disait que cet échange était une déprédation scandaleuse des domaines du Roi, que j'avais reçu cinq fois plus que je n'avais donné. La commission paraissait avoir été nommée pour examiner l'échange. On ne pouvait savoir s'il y avait inégalité dans l'échange que par le résultat des évaluations de la chambre des comptes; et le ministre principal, qui avait créé cette commission, défendait à la chambre des comptes de continuer ses évaluations ! 11 voulait donc que la commission, chargée d'examiner l'échange, annulât l'échange sans examen, sans connaissance de cause, et par conséquent arbitrairement.
On disait qu'il y avait obreption et subreption dans mon échange ; que le Roi n'y avait consenti que parce que je l'avais trompé ; que j'avais employé des manuvres frauduleuses pour déterminer le choix des objets qui m'avaient été donnés en contre-échange. On voulait que la commission prononçât sur ces inculpations déshonorantes. On voulait donc qu'elle disposât aussi de mon honneur.
Le principal ministre avait été le correcteur, le réviseur du libelle diffamatoire. Il avait créé la commission onze jours après ma plainte contre les diffamateurs ; et le lieutenant criminel me renvoyait à me pourvoir devers cette commission sur ma plainte en diffamation ! Le principal ministre voulait donc se donner pour juges contre moi des commissaires qu'il avait lui-même choisis.
La France était alors sans tribunaux, et les lois sans force ; j'étais seul contre un homme armé de toute puissance : j'ai osé lui résister. J'ai entrepris un long ouvrage (1). J'y ai prouvé la loyauté de mon échange et l'illégalité du tribunal auquel on voulait me soumettre. J'y ai défendu les lois du royaume et les droits du citoyen. En rendant hommage aux vertus et aux lumières des magistrats dont on avait composé la commission, en déclarant que je les aurais volontiers acceptés pour arbitres, que je les aurais peut-
être choisis moi-même, j'ai refusé de connaître leur tribunal, parce qu'il était désavoué par la loi; j'ai déclaré que je n'accepterais jamais des juges qu'on m'avait donnés malgré moi; j'ai réclamé les tribunaux de la loi qui n'avaient pas encore repris leur activité. J'ai proclamé d'avance le principe de la responsabilité des ministres, que l'Assemblée nationale a consacré depuis ; je me suis déclaré l'accusateur de M. l'archevêque de Sens.
L'ouvrage touchait à sa fin. On imprimait à mesure que j'écrivais : c'était pour me servir de l'expression tl'un écrivain célèbre,.c'étaitau milieu de son pouvoir et de son crédit, c'était sur les marches du trône que f aurais voulu apercevoir mon oppresseur, et lui adresser la parole. Il ne m'en a pas donné le temps : sa retraite a devancé dequel-ques jours la publication de ma requête au Roi.
Fugitif, et proscrit par tous les gens de bien, il avait encore Je pouvoir de nuire (1); je le savais, et j'ai bravé sa vengeance, j'ai présenté ma requête au Roi le 21 septembre 1788.
J'étais au service de Sa Majesté depuis 22 ans. Une lieutenance des gardes du corps, qui est est venue à vaquer alors, m'était dévolue. JNon-seulement je n'ai pas eu la lieutenance, mais de plus le Roi m'a fait demander la démission de ma sous-lieutenance. Je l'ai donnée sans hésiter, sans murmurer, bien plus affligé d'avoir eu le malheur de déplaire au Roi, que de la perte de mon emploi. Ma retraite n'a point ressemblé à celle de mon ennemi ; j'ai emporté l'estime et les regrets de mes supérieurs et de mes camarades.
Peu de jours après la restauration de la magistrature, j'ai interjeté appel au parlement de Paris de l'ordonnance du lieutenant criminel, qui me renvoyait à me pourvoir devers la commission sur ma plainte en diffamation.
J'ai eu bien de la peine à me faire recevoir appelant. C'est pourtant une chose déformé qu'on ne refuse à personne; mais il était écrit que je serais tour à tour la victime de toutes les passions et de toutes les vertus humaines.
On savait que M. l'archevêque de Sens allait être impliqué dans ma plainte. Plus ce ministre était odieux aux magistrats et à la nation, plus le parlement a cru devoir mettre de circonspection et de générosité dans ses procédés. On a proposé de consulter avant tout M. le garde des sceaux. Je ne sais même s'il n'a pas été consulté.
J'ai enfin obtenu un arrêt qui me recevait appelant de l'ordonnance du lieutenant criminel. J'ai demandé au parlement un tribunal légal pour continuer mon information et recevoir ma plainte additionnelle.
Je n'avais d'autre partie que M. le procureur général. La cause était placée; messieurs les gens du Roi étaient prêts à porter la parole ; mais, par je ne sais quel nouveau scrupule, l'audience m'a été refusée. On paraissait craindre de juger trop précipitamment une cause de cette importance ; on désirait que j'y misse une solennité que je croyais prématurée. On voulait que je fisse développer mes moyens de défense par un avocat, lorsque je voulais m'en rapporter à messieurs les gens du Roi. Le refus de l'audience a été le résultat de cette diversité d'opinions.
Deux mois après, on a paru vouloir me juger. J'étais alors à Sancerre, occupé à mettre en
ordre les titres et les renseignements nécessaires pour le travail du commissaire de la chambre des comptes. Le parlement a eu égard à mon absence.
Elle a été prolongée par la convocation des assemblées élémentaires.
Et lorsque j'ai été libre enfin, j'ai appris que l'auteur du libelle diffamatoire était député à l'Assemblée nationale. J'ai cru devoir suspendre alors toutes les poursuites. La personne des réprésentants de la nation était sacrée et inviolable à mes yeux, avant même que l'Assemblée nationale l'eût déclarée telle.
C'est par cette suite d'événements que, sur une plainte portée au mois de décembre 1787, il n'y a pas encore de décret, et que l'information et la plainte même ne sont pas encore complètes.
J'ai eu le bonheur de trouver plus d'activité dans la chambre des comptes, pour les évaluations. M. l'archevêque de Sens était bien parvenu à ralentir aussi les opérations de cette cour, mais enfin la loi l'a emporté sur la volonté d'un seul homme.
La chambre des comptes a ordonné, le 8 fé' vrier 1788, qu'avant de passer outre au rapport des reconnaissances faites des objets échangés, les procès-verbaux desdites reconnaissances, ensemble toutes les pièces qui y ont servi, seront communiqués aux administrateurs généraux du domaine, pour donner leur avis, consentir ou contredire les opérations du commissaire dans le délai de deux mois.
Cette espèce d'instruction contradictoire avait été jusqu'alors inusitée dans les échanges. Mais je n'ai eu garde de me plaindre de celte forme nouvelle, puisqu'elle ne tendait qu'à soumettre les évaluations à des épreuves plus rigoureuses.
Les administrateurs des domaines n'ont pas cru devoir se présenter à la chambre des comptes.
Après la retraite de M. l'archevêque de Sens, le commissaire, chargé de procéder aux reconnaissances des objets échangés, est allé faire celle du comté de Sancerre.
Si mon procureur ne s'est pas trompé dans les notes qu'il a prises sur les résultats des opérations du commissaire, l'évaluation du comté de Sancerre, soit pour le revenu, soit pour le principal, ira un peu au-dessus de celle que j'en avais faite en 1784.
Et cependant je me crois en droit d'y ajouter encore la valeur de plusieurs droits considérables, que le commissaire a refusé de reconnaître, parce qu'ils lui ont paru contentieux, quoiqu'ils soient établis sur des titres clairs et authentiques, et qu'ils ne soient ni prescrits dans le fait, ni prescriptibles dans le droit.
Et quand je voudrais négliger ces objets, maintenant que les opérations du commissaire de la chambre des comptes sont finies, pour la plupart des domaines qui m'ont été donnés en contre-échange, et qu'il ne reste à Sancerre qu'un seul article à reconnaître, et quelques fausses déclarations des vassaux à discuter, je crois avoir des instructions assez positives sur les résultats des reconnaissances faites, et sur la valeur des objets non encore reconnus, pour pouvoir affirmer que les domaines qui m'ont été donnés en contre-échange, et la soulte qui m'a été donnée pour la plus-value, égaleront à peine le comté de Sancerre.
La chambre des comptes se disposait à continuer le jugement des évaluations. J'attendais avec quelque impatience qu'elles fussent achevées pour fixer enlin l'opinion publique sur la loyauté de mon échange.
J'ai vu ma patrie en danger; j'ai vu sa liberté tour à tour menacée, contre le vu du meilleur des Rois, par l'aristocratie et l'ochlocratie. J'ai oublié alors mes affaires personnelles, je me suis oublié moi-même, je me suis dévoué tout entier à la chose publique.
C'est au moment où j'exécutais avec quelque succès les mesures sagement combinées par la municipalité et par M. le marquis de la Fayette, pour mettre à l'abri de toute insulte, Paris, Versailles et l'Assemblée nationale, c'est alors, dis-je, que j'ai appris que l'ancienne commission, jadis créée par M. l'archevêque de Sens, maintenant ravivée par M. l'archevêque de Bordeaux, allait prononcer sur la nullité de mon échange.
Je ne l'aurais pas cru, si M. l'archevêque de Bordeaux et plusieurs membres de la commission ne me l'eussent confirmé.
Non, je n'aurais jamais cru qu'un ministre, spécialement, chargé de maintenir l'ordre public établi par les lois du royaume pour l'administration de la justice, eût voulu soumettre la fortune et l'honneur d'un citoyen au jugement d'une commission extraordinaire; lorsque toutes les lois du royaume promettent à tous les citoyens qu'ils ne pourront être jugés que par les tribunaux que la loi a déterminés ; lorsqu'elles défendent aux chanceliers et gardes des sceaux, de ne bailler, ni sceller aucune lettre pour ôter la connaissance des matières hors deleurs juridictions or dinair es, et les commettre à d'autres; lorsqu'elles déclarent nulles telles lettres de commissions, quand même elles auraient été scellées par les chanceliers et gardes des sceaux; lorsqu'elles défendent à toutes cours et juges d'obéir à de pareilles lettres (1).
Non, je n'aurais jamais cru qu'un garde des sceaux, des conseillers d'Etat, des maîtres de requêtes, eussent voulu attribuer une juridiction contentieuse sur un citoyen, soit au conseil royal des finances, soit à un département quelconque du conseil du Roi, soit à une commission formée de membres du conseil; lorsque le conseil du Roi n'est, par son essence, qu'un conseil d'administration ; lorsque les lois du royaume déclarent qu'il n'est ni ne peut devenir tribunal contentieux; lorsqu'elles lui défendent de s'occuper des causes qui gissent en juridiction contentieuse(2).
Je savais bien que ces lois avaient été plus d'une fois violées. Mais je ne pensais pas qu'elles puissent l'être en présence de l'Assemblée nationale par un ministre citoyen choisi parmi les membres de cette Assemblée; lorsque ces lois étaient l'expression du vu national dans tous les âges de la monarchie, et au moment où les cahiers des assemblées élémentaires demandaient l'abolition des commissions (3).
Je pensais qu'il était encore moins possible, que le conseil du Roi, ou un département, ou une commission du conseil eussent une juridiction contentieuse, soit sur les causes domaniales en général, soit sur les causes concernant les échanges du domaine.
Les lois du royaume attribuent la connaissance exclusive des causes domaniales, aux trésoriers de France en première instance, aux cours de parlement en dernier ressort (1).
Les causes concernant la validité des contrats d'échange sont évidemment comprises dans cette attribution générale des causes domaniales.
D'autres lois ont fixé la compétence, pour les questions relatives à la lésion et aux évaluations des domaines échangés.
C'est dans la chambre des comptes que sont pris les commissaires pour les évaluations; c'est aussi dans la chambre des comptes que les lettres patentes portant rectification de mon contrat d'échange, ont pris les commissaires pour les évaluations.
Par ces lois, le Roi s'est interdit la faculté de choisir dans son conseil les commissaires pour ces évaluations.
Ces lois interdisent encore au conseil du Roi de prendre connaissance des questions relatives aux contrats d'échange ayant que les procès-verbaux des évaluations soient consommés.
Alors même ce n'est pas une juridiction contentieuse qu'elles ont attribuée au conseil, mais seulement des fonctions d'administration pour conseiller au Roi de confirmer les évaluations déjà faites, ou d'en ordonner de nouvelles (2).
Quelle que soit donc la nature des contestations qui s'élèvent sur les échanges du domaine de la couronne, jamais le conseil, ni aucun département, ni aucune commission du conseil, ne peuvent en connaître comme tribunal contentieux.
Quand le conseil du Roi pourrait devenir tribunal contentieux, quand il n'y aurait aucun inconvénient à réunir dans Ja même main le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, il me semble qu'il y en aurait beaucoup à constituer le Roi juge dans sa cause contre un de ses sujets.
Or, il serait juge dans sa cause, si son conseil avait une juridiction contentieuse sur les causes du fisc; car le conseil du Roi ne juge pas, n'est pas un corps délibérant; il n'a que la voix consultative. Le Roi écoute l'avis des membres de son conseil; mais il juge seul; son avis, sa volonté, prévaut sur tous les besoins.
J'ai déclaré, je déclare encore, que je voudrais . n'avoir, entre le Roi et moi d'autre juge que le Roi. Je voudrais qu'il me fût permis de plaider ma cause devant lui, devant lui seul, contre le plus redoutable de mes détracteurs, même contre M. l'archevêque de Sens.
Mais l'honneur m'interdit même cet espoir.
En confirmant l'échange, le Roi n'aurait fait qu'un acte de justice ; et l'on croirait qu'il m'a fait grâce.
La loyauté de l'échange a été soupçonnée ; cet échange a excité la clameur publique, a produit * une espèce de scandale public : le scandale ne peut cesser que par une instruction judiciaire et publique ; c'est aux yeux de la nation entière que je dois prouver la loyauté de l'échange.
Si j'ai trompé le Roi, si'j'ai violé les lois, si j'ai augmenté mon patrimoine aux dépens du domaine, je dois être puni et dépouillé ; mais je ne puis l'être que par un jugement légal; et ce t
jugement légal ne peut être rendu que par le tribunal dépositaire des lois, et conservateur du domaine. , t .
Si j'ai été calomnié, je dois être vengé ; et je > ne puis l'être encore que par le tribunal de la loi. En un mot on a violé la loi à mon égard, puisqu'on a voulu me soustraire aux tribunaux institués par la loi et me soumettre à un tribunal désavoué par la loi. .
C'était un acte d'oppression, j'ai eu le droit de résister à l'oppression.
Mais si mes forces individuelles ne suffisent pas pour résister efficacement, la nation me doit l'appui de toute sa force ; car la première condition du pacte social est que le droit de chacun soit protégé par la force de tous.
Les assemblées élémentaires ont regarde l'abolition des commissions du conseil comme une des réformes les plus urgentes : elles ont prié l'Assemblée nationale de s'en occuper sans délai.
Divers événements ont interverti l'ordre des travaux de l'Assemblée nationale.
Si elle ne peut pas s'occuper dans cet instant de cette suppression tant désirée par la nation, je la supplie de suspendre du moins l'activité de la commission établie contre moi. J'espère qu'elle ne voudra pas qu'un abus, dont la réforme est inévitable et prochaine, puisse encore, sous ses yeux, immoler une victime.
Signé : le comte d'EsPAGNAC.
Lettre de M. le prince de Luxembourg à M. le comte d'Espagnac pour lui donner sa démission,
Versailles, le 26 septembre 1788.
Le Roi m'a ordonué, Monsieur, de vous demander la démission de votre place de sous-lieutenant de ses gardes du corps ; je vous prie de vouloir bien me l'envoyer et de ne pas douter du chagrin que j'ai d'être chargé d'un ordre pareil.
Vous connaissez mes sentiments d'inviolable attachement avec lesquels j'ai l'honneur d'être,
Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Signé : le prince de Luxembourg.
Démission de M. le comte d'Espagnac.
Pénétré du plus profond dévouement pour les volontés du Roi, j'obéis à son exprés commandement, en remettant entre les mains de M. le prince de Luxembourg la démission de mon emploi, attendant de la justice de Sa Majesté, de sa religion mieux instruite, de son amour pour la vérité, de la bonté de ma cause et de la loi que j'invoque, que Sa Majesté me rappellera auprès de sa personne pour continuer à lui donner des preuves du zèle ardent que mon attachement particulier pour elle, plus encore pour mon devoir, m'a toujours inspiré pour son service.
Versailles, le 26 septembre 1788.
Lettre de M. le comte d'Espagnac au Roi.
Sire,
L'honneur et le droit m'imposaient la loi de dire la vérité à Votre Majesté, mais quand l'un et
l'autre de ces motifs d'une vertu courageuse ne me l'eussent pas commandé, j'y aurais été entraîné par la confiance que tout votre peuple a dans les vertus de Votre Majesté, et dans son amour pour la justice.
M'aurait-on montré coupable aux yeux de Votre Majesté? Les grandes occupations qu'elle s'impose pour le bonheur de ses sujets l'auraient-elles empêché de lire ma requête? Ou bien la calomnie, cette ressource des méchants, quand ils se voient démasqués,m'aurait-elle imputé des intentions répréhensibles? AhîSire, dans le chaos d'idées qui déchirent mon cur, et qui l'alarme-raient si celui de Votre Majesté m'était moins connu, j'ose en appeler à Votre Majesté elle-même.
On m'a demandé ma démission au nom de Votre Majesté. Elle m'a donc déjà jugé coupable... Coupable sans avoir été entendu! Coupable sur la simple délation d'hommes intéressés encore à la tromper !
Entraîné par une obéissance aveugle aux ordres de Votre Majesté, j'ai remis ma démission entre les mains de M. le prince de Luxembourg, et je l'ai supplié de mettre aux pieds de Votre Majesté mes très-humbles supplications pour me rappeler auprès de sa personne, lorsqu'une justice rigoureuse et impartiale aura éclairé sa religion.
Je suis avec le plus profond respect,
Sire, »
De Votre Majesté,
Le plus humble, le plus dévoué, le plus soumis de vos sujets.
Signé: le comte d'EsPAGNAC.
Lettre de M. le comte d'Espagnac à M. le prince de Luxembourg.
Mon prince,
Vos prévenances, vos bontés, votre sensibilité, ont adouci l'amertume de l'ordre rigoureux dont vous étiez chargé; recevez-en mes très-vives actions de grâces. Puisse le ciel éloigner à jamais de vous la calomnie et les méchants ! Mon cur est encore tout froissé des coups qu'ils m'ont portés. Moi, auteur d'un libelle qui blesse le respect dû au Roi? Ah! mon prince, engagez donc ce monarque si vertueux, et si digne d'entendre la vérité, à lire ma requête, à s'identifier pour quelques heures à ma situation, à se dire qu'il faut que l'honneur offensé soit bien impérieux sur l'âme d'un honnête homme, pour l'engager à risquer son état et sa fortune, à l'effet de poursuivre une juste vengeance. Que Sa Majesté daigne encore suspendre son jugement. Qu'elle daigne attendre que les lois aient prononcé, lequel de M. l'archevêque de Sens ou de moi a mérité d'éprouver sa disgrâce. Eh ! que sommes-nous devant les lois? Tous les rangs ne se con-fondent-ils pas devant cette auguste sauvegarde des conventions sociales ? N'est-ce pas même sur elle que se fonde l'autorité des rois adorés de leurs peuples?
Si M. l'archevêque de Sens est coupable, sa tête est, comme la mienne, soumise à la puissance des tribunaux, qui ne sont, à bien dire, qu'une émanation des droits confiés à l'autorité souveraine. Sans cela, le faible serait continuellement écrasé par le fort.
L'erreur des bons rois n'est jamais à craindre
que pour un temps. Si le mensonge paraît quelquefois élever un mur d'airain autour de leur palais ; si, dans ce moment terrible, ils sont inaccessibles à la voix de l'innocence opprimée; la moindre lueur soudaine de vérité les ramène bientôt à la justice et à l'amour de leurs peuples; c'est ce qui fonde mon espérance et diminue l'amertume de mes regrets.
Dans le premier instant d'une si douloureuse séparation d'un corps, où j'ai servi les seize plus belles années de ma vie; dans ce moment cruel et inattendu, où vous m'avez paru plus affecté que moi-même, j'ai oublié de vous parler de l'avenir qu'on me prépare. J'ai vingt-deux ans de service, je suis dans la force de l'âge, j'ai une âme ardente pour le bien de l'Etat, j'aime ma patrie avec idolâtrie. Dois-je être condamné à une triste inaction ? Tous les individus des corps réformés de la maison du Roi ont eu un temps très-long pour se remplacer; et parmi mes anciens camarades, tous ceux, sans exception, qui ont quitté, même avant le temps prescrit par les ordonnances, ont eu non-seulement des retraites, mais même la faculté de rentrer au service. Cette dernière faculté me sera-t-elle ravie, à moi, dont tout le crime est d'avoir eu le courage d'attaquer un ministre injuste et méchant ?
L'adoucissement à mes maux est dans vos mains, mon prince. Je ne vous demande pas, dans cet instant orageux, de faire valoir mes droits ; mais seulement de les ménager de manière qu'ils ne se perdent point. Je ne réclame aucune grâce pécuniaire; de quelque nature qu'elles fussent, elles ne satisferaient point mon cur. Je demande seulement, au nom des services de mon père, au nom du corps distingué dont vous êtes le digne chef et l'ami, au nom même du malheur qui me poursuit, et que je n'ai point mérité, je demande, dis-je, seulement d'être employé, d'une manière utile, au Roi et à ma patrie.
Vous m'avez montré trop de sensibilité pour que je m'étende davantage sur le chapitre de mes intérêts personnels. Les hommes tels que vous s'imposent avec moi la tâche honorable de défendre les opprimés sans calculer ni le3 peines ni les dangers.
J'ai l'honneur de vous adresser copie de ma lettre au Roi, copie de ma démission, copie de la lettre à mon corps. Je partirai dans quelques jours pour ma terre, afin d'éviter les nouvelles tracasseries que pourrait encore me susciter la calomnie. Je renfermerai même ma douleur au fond de mon cur, afin qu'elle n'éclate point au dehors ; et tout entier à ma défense, je ne prendrai aucun repos que je n'aie obligé le Roi et la nation à s'intéresser à mon sort; et alors peut-être vous trouverez les moyens de me dédommager en partie des peines cruelles que j'aurai éprouvées.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé: le comte d'EsPAGNAC
Paris, ce
Réponse de M. le prince de Luxembourg à M. le comte d'Espagnac.
Je suis bien sensible, Monsieur, à la lettre que vous m'avez écrite. Elle ajoute encore aux regreis que j'ai, ainsi que tous vos anciens camarades, de vous perdre. Vous recevrez d'eux une réponse
qui vous prouvera leur façon de penser. Quant à moi, Monsieur, la mienne vous est connue, et vous ne devez pas douter que dans tous les moments, je ne cherche les occasions de vous rendre la justice qui vous est due, et de vous convaincre des sentiments d'attachement inviolable avec lesquels j'ai l'honneur d'être,
Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Signé : le prince de Luxembourg.
Versailles, le 2 octobre 1788.
Réponse de MM. les officiers des gardes du corps du Roi à M. le comte d'Espagnac.
Nous avons reçu votre lettre, notre cher et ancien camarade. Nous l'avons lue avec le plus vif intérêt : elle a ajouté à nos regrets de vous perdre, à l'estime que vous n'avez jamais cessé de mériter parmi nous, et à l'amitié que nous vous promettons pour la vie. Nous faisons les vux les plus sincères pour que le Roi vous rende ses bontés; c'est avec ces sentiments, notre cher et ancien camarade, que nous sommes et que nous serons éternellement.
Siqné :
Le comte de Réon ; le chevalier de Grille ;
le marquis de Mecn ; le comte de Grouchy;
le comte de Tilly; Rarry; de Pouy ; le marquis de Rennepont ; le vicomte de Vil-lers-la-faye ; le chevalier Angenoul ; le comte de la Marthonie ; le chevalier de Ron-sol; le marquis de Tilly ; le marquis de Monspey; le marquis de Villaines; le comte de Pontmartin ; le comte d'Albignac ;
le comte de Saint-Marsault ; le comte de QuiNEMONT ; le comte d'agoult, premier aide-major ; le comte de Saint-Asties ; le vicomte de Russeuil ;le comte de Sainte-Aulaire.
Nota. Cette lettre a été signée par les officiers des guets de juillet et d'octobre, alors rassemblés à Versailles; et depuis, par des lettres particulières, le surplus du corps m'a témoigné les mêmes sentiments.
Extrait du cahier des doléances, plaintes et remontrances de l'assemblée du tiers-état de la sénéchaussée de Rrive, à la suite duquel est f article suivant.
Après que l'assemblée a eu pris lecture des divers cahiers de doléances, présenté par les membres qui la composent, elle a cru devoir y insérer en forme de motion particulière, dictée par l'affection et le patriotisme, que la maison d'Espagnac avait rendu pendant très-longtemps des services distingués en tout genre, à ses Rois et à sa patrie, tout comme aussi qu'elle avait constamment joui de la considération la mieux méritée, ce qui rendait la disgrâce momentanée de M. le comte d'Espagnac, sous-lieutenant des gardes du corps du Roi, pénible à tous ses concitoyens ; qu'en conséquence, il convenait de rendre public leur vu pour son rétablissement; et à cet effet, ladite assemblée a unanimement délibéré, que ses députés aux états généraux seraient chargés de supplier très-humblement Sa Majesté de lui ac-
corder le retour de ses bontés, et de le rétablir dans son grade militaire.
Nous, soussigné, greffier de la sénéchaussée et siège présidial de la ville de Brive, déclarons le susdit article, extrait mot à mot sur ledit cahier.
A Brive, ce 16 avril 1789.
Signé : LA ROCHE, greffier.
Nous, soussigné, conseiller du Roi, lieutenant général, civil et de police, de la ville et sénéchaussée de Brive, certifions à tous ceux qu'il appartiendra que le seing de Me la Roche, greffier, ci-dessus apposé, est son vrai seing, et que foi peut et doit y être ajoutée partout où besoin sera.
Fait à Brive en notre hôtel, ce 16 avril 1789.
Signé : de la Bastille, lieutenant.général, et par ordonnance, Duclaud.
Correspondance du comte d'Espagnac avec M. le garde des sceaux.
Avant de présenter ma supplique à l'Assemblée nationale, j'ai cru devoir en prévenir M le garde des sceaux. Je lui ai écrit la lettre suivante : elle lui a été remise le samedi 19 septembre 1789, sur les sept heures du soir.
Lettre du comte d'Espagnac à M. le garde des sceaux.
Monseigneur,
C'eût été un grand bonheur pour moi d'obtenir de vous la justice, que je suis forcé de demander à l'Assemblée nationale ; je m'en étais flatté quelques instants. Vous parûtes même, Monseigneur, autoriser cet espoir, lorsqu'après avoir entendu ma réclamation contre la commission établie par M. l'archevêque de Sens, vous m'invitâtes à vous présenter un mémoire sur cet objet.
Je fus cruellement détrompé deux jours après; je reçus l'avis très-positif que la commission était ajournée par vos ordres, Monseigneur, et qu'il était irrévocablement résolu que le conseil jugerait l'échange ; j'ai donc été obligé d'adresser à l'Assemblée la supplique qui vous était destinée.
Je prends la liberté de vous en envoyer un exemplaire ; daignez le lire, Monseigneur. Peut-être détruira-t-il les fausses notions qu'on vous a données sur cette affaire. Peut-être penserez-vous enfin qu'il est impossible que le conseil, ni aucune commission du conseil, prononce sur la validité du contrat d'échange de Sancerre, ni qu'il en suspende l'exécution.
Si vous me donnez la certitude d'une inaction absolue du conseil et de la commission, jusqu'à ce que la chambre des comptes ait achevé les évaluations, comme je ne veux faire aucun éclat sans nécessité, l'exemplaire que j'ai l'honneur de vous envoyer sera le seul qui sortira de mes mains.
Mais, comme le péril est imminent pour moi et mes co-échangistes, je vous supplie, Monseigneur, de m'honorer d'une prompte réponse. Votre silence serait pour moi la preuve que vous persévérez dans la résolution que vous avez déjà manifestée. Dans ce cas, je n'aurais pas une minute à perdre, et je présenterais lundi prochain ma supplique à i'Assemblée nationale. Qu'il me serait doux de pouvoir éviter une lutte de
cette espèce, et de ne devoir qu'à vous ma tranquillité !
Je suis avec le plus profond respect, etc.
Signé : Le comte d'Espagnac.
Réponse de M. le garde des sceaux.
A Versailles, ce 20 septembre 1789.
J'attendais en effet, Monsieur, le mémoire que vous m'aviez annoncé pour réclamer d'autres juges, et pour qu'avant tout, les évaluations de l'objet de l'échange de Sancerre fussent consommées.
Cette attente ne devait pas me porter à interrompre l'examen de l'affaire, et vous deviez être bien sûr que vos moyens de récusation ou de délai seraient attentivement et impartialement discutés. J'en ai prévenu MM. les conseillers d'Etat, que j'ai trouvés dans les mêmes sentiments.
Vous m'apprenez aujourd'hui, Monsieur, que, d'après des avis très-positifs, dites-vous, vous vous déterminez à adresser à l'Assemblée nationale le mémoire qui m'était destiné.
Ce mémoire commence par une phrase, où je suis personnellement taxé de violer, à votre égard, la plus sacrée, la plus importante de toutes les lois.
Vous me proposez, ensuite, de décider seul la question déférée au conseil du Roi, et vous ajoutez que, si je vous donne la certitude d'une inaction absolue du conseil, l'exemplaire imprimé du mémoire que vous m'envoyez sera le seul qui sortira de vos mains.
Enfin vous insistez sur une prompte réponse, vous me dites même que mc>n silence vous portera à présenter dès demain votre mémoire à l'Assemblée nationale.
Eh bien, Monsieur, je vous y invite de nouveau ; car, comme je vous l'ai déjà ait, ce n'est pas moi qui craindrai les regards, ni les principes de l'Assemblée nationale.
Le reproche personnel à moi est même à mes yeux un motif déterminant pour vous réitérer cette invitation.
Je le mérite trop peu pour le craindre, et je paraîtrais peut-être le craindre, si je ne bornais pas là ma réponse.
On ne peut rien ajouter aux sentiments avec lesquels je suis, Monsieur, très-parfaitement à vous.
Ainsi signé : -f J- M. Archevêque de Bordeaux.
Explication de la Correspondance.
J'ai appris dans les premiers jours de septembre que la commission formée par M. l'archevêque de Sens, pour juger mon échange, allait reprendre son activité, que c'était M. le garde des sceaux qui la mettait en mouvement.
J'ai eu l'honneur de voir M. le garde des sceaux, le vendredi 4 septembre 1789 ; je lui ai expliqué de vive voix les motifs qui me faisaient désirer de n'être pas jugé par la commission, ni par le conseil, et les raisons qui me faisaient penser que je ne pouvais pas l'être, surtout en présence de l'Assemblée nationale.
M. le garde des sceaux a paru touché ; il m'a répondu très-affectueusement, m'a invité à lui
adresser un mémoire sur cet objet, et m'a ajouté, comme il le dit dans sa lettre : « Ce ne sera pas moi qui craindrai les principes de VAssemblée nationale », ou, comme je crois l'avoir entendu, « Ce ne sera pas moi qui contrarierai les principes de V Assemblee nationale ».
Les deux versions reviennent à peu près au même. Je vois dans l'une et dans l'autre la promesse très formelle que je ne serai jugé, ni par la commission, ni par le conseil ; car il est bien certainement impossible que le conseil ou un démembrement du conseil me juge, d'après les principes de l'Assemblée nationale et d'après les cahiers des assemblées élémentaires.
Le surlendemain 6 septembre, je reçois, dans la matinée, l'avis très-positif, que la commission doit s'assembler, le mercredi 9 ou le jeudi 10, pour s'occuper de l'échange de Sancerre, et qu'elle s'assemble par l'ordre de M, le garde des sceaux. J'ai dû en conclure que l'ordre avait été donné dans l'intervalle du 4 au 6, c'est-à-dire, le lendemain du jour où M. le garde des sceaux m'avait demandé un mémoire, eh me déclarant qu'il ne contrarierait pas, ou qui/ ne craindrait pas les principes de l'Assemblée nationale.
M. le garde des sceaux dit que l'attente de mon mémoire ne devait pas le porter à interrompre Vexamen de l'affaire. Il ne m'appartient pas de juger ce que M. le garde des sceaux devait faire. Je dirai seulement ce que j'ai dû croire qu'il ferait, d'après ce qu'il m'avait dit le 4 septembre.
Je lui demandais l'inaction absolue du conseil, et de la commission sur l'échange de Sancerre, jusqu'à ce que les évaluations fussent consommées. 11 m'a invité à lui présenter un mémoire sur cet objet. Devais-je m'attendre que le lendemain, sans avoir reçu mon mémoire, sans m'avoir donné le temps de le faire, il ajournerait la commission pour s'occuper de mon échange ?
Je lui disais que, d'après les principes de l'Assemblée nationale, et d'après ceux des assemblées élémentaires, il était impossible que je fusse jugé, soit par le conseil, soit par une commission du conseil. Il m'a répondu, j'ai cru du moins l'entendre, que ce ne serait pas lui qui contrarierait les principes de l'Assemblée nationale.
S'il m'a dit cela, j'ai dû croire que les principes de l'Assemblée nationale étaient aussi les siens. Je n'ai donc pas dû. m'attendre que dès le lendemain il se hâterait de donner un ordre contraire aux principes de l'Assemblée nationale. S'il m'a dit, comme il le croit, que ce ne serait pas lui qui craindrait les principes de l'Assemblée nationale, sans doute il n'a pas voulu me dire par là qu'il bravait les principes de l'Assemblée nationale,mais seulement qu'il nedevait pas les craindre, parce qu'ils étaient d'accord avec les siens. Dans ce cas encore, je n'ai pas dû m'attendre que dès le lendemain il ajournerait une commission, dont il savait que la prescription était dans le vu et dans les principes de l'Assemblée nationale et de la nation entière.
Si donc j'ai conclu de la réponse de M. le garde des sceaux, qu'il ne ferait pas ce qu'il a fait, il me semble que ce n'est pas ma faute.
M. le garde des sceaux paraît vivement blessé de la première phrase de ma supplique, où il est, dit-il, personnellement taxé de violer, à mon égard, la plus sacrée, la plus importante de toutes les lois.
Je ne crois pas avoir exagéré l'importance de la loi, qui veut qu'aucun citoyen ne puisse être jugé que par les tribunaux institués par la loi.
Je ne crois pas m'être trompé, lorsque j'ai dit que cette loi était violée par l'attribution d'une
juridiction contentieuse, soit au conseil du Roi, soit à toute espèce de commission extraordiraire.
Me serai-je trompé, lorsque j'ai attribué à M. le garde des sceaux cette violation de la loi?
Je sais bien que ce n'est pas lui qui a formé la commission, ni qui a attribué une juridiction contentieuse sur mon échange au coiiseil royal des finances ; aussi ai-je reporté cette première violation de la loi à M. l'archevêque de Sens, à qui elle appartenait.
Mais, depuis la retraite de M. l'archevêque de Sens, la commission et le conseil royal des finances avaient cessé de s'occuper de mon échange ; ils étaient dans une inaction absolue. Par qui ont-ils été remis en activité? Par qui la commission a-t-elle été ajournée? De qui dépendait-il de leur donner le mouvement, ou de le suspendre? Le pouvoir excitatif n'appartenait certainement qu'à M. le garde des sceaux ; et je le respecte trop, pour croire qu'il puisse dire, que l'ajournement de la commission n'est pas de son fait.
Je n'ai donc pu attribuer qu'à lui la seconde violation, la violation actuelle de la loi.
M. le garde des sceaux a cru voir dans ma lettre du 19 septembre, que je lui proposais de décider seul la question déférée au conseil du Roi. Me permettra-t-il de lui dire qu'il a mal saisi le sens de ma lettre ?
Je n'ai point reconnu qu'il y eût aucune question légalement déférée au conseil du Roi, puisque j'ai, au contraire, dénié au conseil du Roi toute espèce de juridiction me concernant.
Je me suis plaint précisément de ce que des questions me concernant, avaient été déférées au conseil du Roi par M. le garde des sceaux ; et c'est en cela que j'ai fait consister la violation de la loi.
Je n'ai donc point proposé à M. le garde des sceaux de porter un jugement, soit seul, soit dans le conseil du Roi, sur aucune question me concernant. Je lui ai seulement proposé de réparer un fait qui lui était personnel, et qu'il pouvait réparer alors, sans éclat et sans inconvénient. Il ne l'a pas voulu ; son opinion m'inquiéterait, si je n'étais pas rassuré d'avance par l'opinion publique.
Signé : le comte d'Espagnac.
seconde supplique du comte d'espagnac, mestre
de camp de cavalerie, a l'assemblee nationale (1)% (échange du comité de sancerre.)
(Imprimée par ordre de l'Assemblée nationale.)
Un arrêt du conseil d'Etat, rendu sous le ministère de M. l'archevêque de Sens, avait établi une commission composée de quatre conseillers d'Etat et d'un maître des requêtes, pour procéder à l'examen de tout ce qui concerne la forme et
le fond du comté de Sancerre, etc.....pour, sur le
compte qui en serait rendu au Roi par les commissaires, être par lui statué en son conseil royal des finances, en présence et de l'avis desdits commissaires, ce qu'il appartiendrait.
Un second arrêt du Conseil d'Etat, rendu sous le même ministre, avait commis le sieur Lorry, inspecteur général du domaine, pour être procédé, à sa poursuite et diligence, à l'exécution du présent arrêt.
Un troisième arrêt du Conseil d'Etat, rendu sous le même ministre, sur la requête de l'inspecteur général du domaine, avait ordonné qu'avant de faire droit sur cette requête, elle me serait
communiquée, pour y fournir réponse dans le délai du règlement ; pour ce fait, ou faute de ce faire dans ledit délai, être par le Roi en son conseil royal des finances fait droit ainsi qu'il appartiendrait.
L'inspecteur général du domaine demandait par sa requête que le contrat d'échange de San-cerre, et les arrêts du conseil et lettres patentes qui avaient ratifié l'échange, fussent annules et révoqués.
Que tous les objets qui m'avaient été abandçm-nés par cet échange lussent réunis au domaine de la couronne.
Et dans le cas où le Roi jugerait à propos de ne pas me dépouiller définitivement sans m'entendre, l'inspecteur général du domaine voulait cependant que le Roi me dépouillât provisoirement' sans m'entendre ; car ildemandait que, par provision, il fût fait défense, tant à moi qu'à mes co-échangistes, de faire aucune nouvelle coupe et exploitation des bois qui m'avaient été donnés en échange; et cependant le Roi aurait continué de jouir par provision de tout ce que je lui avais donné en échange : ce qui était, comme on le voit, souverainement juste.
M. le garde des sceaux a voulu consommer l'ouvrage de M. l'archevêque de Sens. Il a voulu que le Roi, en son conseil royal des finances, prononçât comme juge sur la demande de l'inspecteur général du domaine contre l'échange de Sancerre.
J'ai dénoncé à l'Assemblée nationale cette violation de la loi. J'ai remis ma supplique, le 21 septembre 1789, à M. le comte de Glermont-Tonnerre,alors président de l'Assemblée nationale.
Dans la séance du 22 au soir, M. le président a indiqué la discussion relative à ma dénonciation dans l'ordre de la séance du lendemain soir.
Le 23, dans la séance du matin, l'Assemblée nationale a continué de s'occuper de la Constitution et de la distinction des trois pouvoirs. L'article qu'elle a décrété sur le pouvoir judiciaire ne me laisse plus rien à craindre du conseil du Roi, ni rien à désirer de l'Assemblée nationale. Ce décret est ainsi conçu :
Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun
cas, être exercé par le roi, ni par le corps législatif ; mais la justice sera administrée au nom du roi, par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la constitution, et selon les formes déterminées par la loi.
Si le pouvoir judiciaire ne peut, en aucun cas, être exercé par le Roi., le Roi ne peut donc juger, l'échange de Sancerre dans son conseil des finances; car juger, c'est exercer le pouvoir judiciaire.
Le décret de l'Assemblée nationale a donc prononcé la nullité des trois arrêts du conseil, qui attribuent la juridiction au Ikn,pour statuer,en son conseil des finances, sur l'échange de Sancerre, car c'est bien au Roi que la juridiction est attribuée par les trois arrêts. On sait d'ailleurs que c'est toujours le Roi qui juge et qui juge seul, au conseil des finances : les membres du conseil y donnent leur avis, mais leurs voix ne sont pas comptées. Or, suivant le décret, le Roi ne peut en aucun cas, juger, exercer le pouvoir judiciaire.
Ce décret a donc aussi prononcé la nullité des trois arrêts du conseil, en ce qui concerne la commission chargée de procéder à l'examen de l'échange de Sancerre au fond et dans la forme : car celte commission ne doit pas juger ; elle ne doit que préparer le jugement du Roi. C'était le Roi
qui devait statuer ce qu'il appartiendrait, en son conseil des finances, en présence et de l'avis des commissaires; or, suivant le décret, le Rai ne peut, en aucun cas, juger, exercer le pouvoir judiciaire.
De plus, le décret aurait encore prononcé la nullité de la commission etde l'attribution de juridiction au conseil royal des finances, quand même les trois arrêts du conseil n'auraient pas reporté au Roi, en dernière analyse, le droit exclusif de juger : car, suivant ce décret, la justice ne doit être administrée que par les seuls tribunaux établis par la loi. Or, juger, c'est administrer la justice ; et l'on ne peut pas dire que le conseil royal des finances, ni la commission formée par M. l'archevêque de Sens soient des tribunaux établis par la loi.
Ce décret peut bien ne pas remplir le vu de la nation; car, la nation demande, non-seulement que la justice ne soit administrée que par les seuls tribunaux établis par la loi, mais encore que chacun de ces tribunaux établis par la loi soit imperturbablement maintenu, dans l'exercice de juridiction que la loi lui aura confiée, qu'aucune commission extraordinaire ne puisse étendre la juridiction des tribunaux établis par la loi au delà des bornes que la loi aura posées.
Je connais deux tribunaux, celui de la loi, celui de l'opinion publique.
Or, le décret n'a pas pourvu à ce dernier point.
Il a seulement énoncé que l'Assemblée nationale se réservait d'y pourvoir. La justice, dit le décret, sera administrée par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution. II annonce donc d'autres principes constitutionnels à établir sur l'administration de la justice. Ils seront développés sans doute dans le chapitre de l'organisation du pouvoir judiciaire.
Mais je n'ai pas besoin de ces développements ultérieurs. Le décret du 23 me suffit. Il annule tout ce que M. l'archevêque de Sens a fait contre moi. Il me rassure et me protège contre tout ce que M. l'archevêque de Bordeaux voudrait faire*
Sans doute, M. le comte de Glermont-Tonnerre aura senti, comme moi, que le décret du 23 au matin remplissait l'objet de ma réclamation ; et c'est probablement par cette raison que ma supplique n'a pas été mise en discussion dans la séance du 23 au soir, quoiqu'elle fqt dans l'ordre du jour.
Cette question était cependant restée dans le procès-verbal comme objet à discuter. Elle était dansl'ordre du soir avec deux autres questions qui me sont étrangères. On a demandé, dans la séance du soir du vendredi 2 octobre, quelle était celle des trois questions qui devait avoir la priorité. L'Assemblée nationale a décidé que la question de l'échange du comté de Sancerre aurait la priorité. . .
Un député des communes du bailliage de Blois a saisi ce moment. Il a dénoncé mon échange à l'Assemblée, comme abusif, onéreux et dommageable à l'Etat.
Et,si l'on m'a rapporté fidèlement la substance de son discours, il a aussi dénoncé ma personne. Il a dit que je convoitais depuis longtemps la superbe foret de'Russv. 11 a parlé des manuvres par moi pratiquées pour me l'approprier, ou du moins pour m'en approprier la moitié. Il a dit que je dégradais cette moitié de forêt par des coupes extraordinaires, et surtout par le choix que je faisais des plus beaux arbres, indistinctement dans tous les climats.
Son discours tendait à prouver que 1 Assemblee
nationale devait annuler l'échange, et, en attendant cette annulation, m'interdire toute nouvelle coupe et exploitation dans la forêt de Russy.
L'Assemblée nationale a décrété « qu'il serait nommé un comité de trente-cinq personnes, savoir , une par généralité, pour la recherche et Vexamen de tous les engagements, échanges, concessions et aliénations quelconques des biens et domaines de la couronne, et spécialement du comté de Sancerre.
L'honorable membre qui m'a dénoncé à l'Assemblée nationale, le 2 octobre, m'avait aussi dénoncé à M. le garde des sceaux dans les derniers jours d'août et au commencement de septembre. Il voulait, au commencement de septembre, que le Roi jugeât en son conseil royal des finances, ce qu'il veut aujourd'hui faire juger par l'Assemblée nationale. Peu lui importe quelle gue soit la main qui me frappera, pourvu que je périsse, et surtout pourvu que ce ne soit pas le tribunal de la loi qui me juge. Que sait-on même, s'il ne se propose pas, dans l'espoir que je serai plus sûrement écrasé, de me faire juger tout à la fois par le Roi et par l'Assemblée nationale ? J'ai lieu de le croire, puisque je suis averti, qu'aujourd'hui lundi, 5 octobre, le Roi doit s'occuper de l'échange de Sancerre dans son conseil royal des finances.
L'honorable membre doit pourtant savoir que, suivant le décret du 23 septembre, à la formation duquel il a sans doute concouru par ses lumières et par son suffrage, mon échange ne peut être jugé, ni par le Roi, ni par l'Assemblée nationale.
Ce décret dit : «Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Roi ». Le Roi ne peut donc pas juger l'échange.
Ce décret dit : « Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Corps législatif». L'Assemblée nationale ne peut donc pas juger l'échange.
Ce décret dit enfin : « La justice sera administrée par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution». L'Assemblée nationale ne peut donc pas juger l'échange; car elle n'est certainement pas tribunal établi par la loi, suivant les principes de la Constitution.
Ni le Roi, ni l'Assemblée nationale, ne peuvent donc juger, même provisoirement ; car juger provisoirement, c'est juger, c'est exercer le pouvoir judiciaire, c'est administrer la justice.
Aussi le comité des trente-cinq n'a-t-il point été chargé de juger ni de préparer le jugement de l'Assemblée nationale, soit définitif, soit provisoire, sur l'échange de Sancerre; mais seulement de faire la recherche et Vexamen de cet échange.
Et quel sera le résultat de cette recherche, de cet examen ?
Ou l'Assemblée, sur le rapport du comité des trente-cinq, croira voir dans l'échange des nullités ou des présomptions de fraude : et, dans ce cas, elle renverra au pouvoir judiciaire pour juger la fraude ou la nullité.
Ou elle ne verra dans l'échange ni nullités, ni présomptions de fraude : et, dans ce cas, elle renverra au pouvoir exécutif, non pour annuler l'échange, mais pour en consommer l'exécution.
On me connaîtrait mal si l'on concluait de ma double réclamation contre la juridiction con-tentieuse du Roi et contre celle de l'Assemblée nationale, que je crains d'être jugé.
Je connais deux tribunaux, celui de la loi, celui de l'opinion publique.
Je ne reconnaîtrai jamais comme tribunal de la loi,que celui qui aura été institué par la loi,auquel
tous mes concitoyens seront soumis comme moi.
Que ce soit le Roi, que ce soit l'Assemblée nationale, qui veuille exercer une juridiction con-tentieuse sur moi, fût-ce la nation entière, j'aurais le courage de méconnaître tous ces tribunaux, tant qu'ils ne seraient pas avoués par la loi constitutionnelle de mon pays, tant qu'on n'aurait créé ces tribunaux que momentanément et contre moi. La nature m'a dit depuis longtemps, et l'Assemblée nationale a déclaré depuis peu, que mes droits étaient égaux à ceux de tous les autres hommes.
Quant au tribunal de l'opinion publique, commç l'estime de tous mes semblables est un besoin pour moi, je ne récuse personne; et je serai prêt, à tous les instants de ma vie, à rendre compte de ma conduite au Roi, à l'Assemblée nationale, et à la nation entière, soit collectivement, soit individuellement.
Si, après m'avoir entendu, on doute encore de ma loyauté, qu'on me renvoie au tribunal de la loi, et je jure de ne pas goûter de repos jusqu'à ce que je sois définitivement jugé.
Sous quelque rapport que l'Assemblée nationale croie devoir examiner l'échange de Sancerre, elle ne voudra pas le juger sans doute, sans m'avoir entendu. L'honorable membre qui m'a dénoncé ne le voudrait pas lui-même.
Sans doute on ne croira pas non plus que je puisse être valablement défendu, sans connaître les faits dont on m'accuse et les preuves qu'on m'oppose.
Je supplie donc l'Assemblée nationale : 1° de vouloir bien engager l'honorable membre qui m'a dénoncé, à signer le discours qu'il a lu contre moi dans la séance du soir du 2 octobre, et à m'en donner communication;
2° De me donner une place, d'où je puisse entendre mes autres délateurs; car ils sont plusieurs, et je les connais tous;
3° De vouloir bien entendre ma défense à la barre.
Je crois ne demander rien qui ne soit juste, et si je l'obtiens, j'ose dire que je ne crains aucun de mes délateurs. Il en est même plusieurs parmi eux que j'estime assez pour ne pas les craindre, s'ils avaient le courage d'être mes juges après avoir été mes détracteurs.
Comme je n'ai pas entendu l'honorable membre qui m'a dénoncé ; comme je ne connais que très-peu de mots de son discours, je ne puis lui répondre dans ce moment que fort superficiellement et en très-peu de mots.
11 dénonce mon échange comme abusif. L'échange ne peut être abusif, qu'autant qu'il serait contraire à la loi ; et mes plus cruels ennemis conviennent qu'il est de tout point conforme à la loi.
11 le dénonce comme onéreux et dommageable à l'Etat. On ne peut savoir s'il est onéreux et dommageable que par le résultat des évaluations ; et l'on ne veut pas laisser achever les évaluations!
Il dit que j'ai longtemps convoité la forêt de Russy, ou du moins la moitié de cette forêt. J'ai pu l'avoir toute sous la première administration deM.Necker; le Roi me l'avait donnée en échange, et je ne l'ai pas voulue.
Il dit que je la jardine, que je la dégrade par des coupes extraordinaires. C'est un fait facile à vérifier, et sur lequel celui de nous deux qui n'aura pas dit vrai sera inexcusable; car l'honorable membre connaît tout aussi bien que moi l'état actuel de la forêt. Or je déclare que le fait
qu'il m'impute est faux; et je mets sur ce fait mon honneur contre le sien.
RAPPORT
fait a l'assemblée nationale par son comité
des finances sur les dépenses actuelles du
département de la guerre (1).
(.Imprimé par ordre de VAssemblée nationale.)
Le département de la guerre se trouve aujour-d hui.dans le rapport de ses finances, ce qu'il est dans tous ses autres rapports, entre un système ancien à peu près totalement détruit, et un système nouveau incomplet, déjà modifié dans ses ordonnances depuis son établissement, et déro-eant par la force des circonstances à plusieurs îspositions du conseil de guerre qui l'a créé.
Il serait donc impossible de donner une idée précisé des dépenses actuelles de ce département. L on est forcé de se réduire à en présenter l'état suivant le régime et les projets récents, dont une courte pratique a déjà démontré les imperfections.
Les fonds de la guerre, qui jadis arrivaient à leur destination militaire par les mains de quatre trésoriers, ont été réunis dans la main d'un seul dispensateur en 1779 ; mais ces quatre divisions nen avaient pas moins conservé jusqu'à l'année dernière leur dénomination particulière. Ainsi dans le projet de fonds de 1789, qui a été remis par M. Melin, premier commis des finances de la guerre, et qui s'élève à 96,703,851 livres, l'extraordinaire des guerres devait fournir de cette somme totale, celle de 75,531,130 livres; l'ordinaire des guerres, 6,231,677 livres; l'artillerie et le génie 11,200,000 livres ; les maréchaussées 3,741,044 livres. Ces quatre divisions distinctes par leurs noms, avaient aussi leurs attributions particulières. Les fonds de l'extraordinaire des guerres étaient appliqués à la solde et entretien des troupes de ligne; ceux de l'ordinaire des guerres ou taillon, à la solde et entretien des troupes de la maison du Roi, au traitement des maréchaux de France, aux gages des commissaires des guerres; ceux de l'artillerie et du génie, à la solde de ces deux corps, et à l'acquittement de tous les travaux dont ils sont chargés ; enfin les fonds de la maréchaussée étaient attribués à la solde de ce corps et au traitement des divers officiers des tribunaux qui en dépendent.
C'est d'après cette ancienne forme des comptes que sont établis les états fournis par M. Melin, qui portent la dépense de la guerre en 1787 à 105,792,920 livres; ceux de 1788 à 95,256,460 et enfin le projet de fonds pour 1789, qui n'élevant la dépense qu'à 96,703,851 livres présente une diminution d'à peu près 9 millions depuis 1787. II est nécessaire d'observer que cet état n'est qu'un projet et qu'il est fait en novembre 1788 pour 1789, d'après l'exposé du conseil de guerre dont les calculs ont éprouvé quelque altération par les circonstances, et que cette diminution est due en partie à des objets de dépense tirés de l'état de la guerre, pour être reportés sur celui des finances, comme celles des gages des trésoriers généraux, taxations, etc., montant ensemble à 1,263,989 livres.
Il a paru, avec raison, plus simple au conseil
de la guerre, de détruire tous ces différents titres de caisse dont la réalité n'existait plus, de les réunir sous la même dénomination de fonds de la guerre, et d'attribuer à chaque partie de ce département la part de ces fonds qui leur serait nécessaire.
C'est d'après cette intention que sont formés les états qu'a fournis M. de Charrin, commissaire des guerres attaché au ci-devant conseil de la guerre. Il est encore nécessaire d'observer, que quoique ces fonds soient versés dans la caisse de la guerre par le Trésor royal, qui cependant en paye directement quelques sommes légères à des parties prenantes, leur somme générale ainsi versée ne remplit pas toutes les dépenses de la guerre ; car les provinces supportent encore des dépenses attribuées à ce département, et les payent, soit en sommes versées dans le Trésor de la guerre, soit en fournitures de toute espèce, ou abonnements qui les remplacent.
Ces états étant cependant établis sur le dernier système de guerre à peu près arrêté, c'est d'après eux que le comité des finances croit devoir rendre compte à l'Assemblée nationale des dépenses de ce département. Il n'en peut pas garantir l'exactitude, il est même assuré que leur estimation est au-dessous de la vérité, et qu'ainsi elle ne pourrait pas même servir de base certaine d'appréciation de dépenses pour les années ultérieures, quand, ce qui n'est pas probable, le système établi par le conseil de la guerre subsisterait ; mais enfin ces états bien divisés peuvent faire connaître parfaitement l'ensemble et la nature des dépenses du département, et fixer à un certain point les idées sur les détails.
Ces états portent la dépense totale, c'est-à-dire celle payée par le département, à 96,883,645 livres. Ils annoncent aussi une diminution de dépenses éventuelles de l,445,3o3 livres, par l'extinction successive de traitements, appointements et autres dépenses actuelles. Cette diminution est trop peu considérable pour pouvoir être prise en considération, et les calculs du conseil de la guerre, qui l'établissent, ont tellement été contrariés par les événements, qu'il est impossible de croire solidement à leur certitude.
Le comité, par les renseignements divers qu'il a pris, est autorisé à penser que les dépenses de la guerre passeront de plusieurs millions l'estimation.
L'examen des états fournis par le département de la guerre, dont le comité des finances doit rendre compte, pourrait seul donner connaissance des différents détails de la machine compliquée du département de la guerre. Le comité des finances ne peut que se borner à en rendre un compte succinct, et l'Assemblée nationale voudra bien se rappeler que comme cet état n'est qu'en projet, au moins pour un grand nombre de ses parties, il ne peut être appuyé d'aucunes pièces probantes qui, s'il était un compte, seraient nécessaires à son apurement.
Un état général des sommes fournies par le Trésor royal et les provinces a été aussi remis au comité des finances par M. Dufresne, directeur du Trésor royal; il élève les dépenses réelles à 99,091,594 livres et porte à 3,577,506 livres celles supportées directement par les provinces : il en sera rendu compte dans quelques moments.
La division très-simple et três-claire des dépenses de la guerre, que présente l'état remis par ordre du ministre de ce département, les classe en quinze titres.
Le premier titre, sous le nom de maison mili-
taire du Roi, comprend les dépenses occasionnées m? le régiment des gardes françaises celui des gardes suisses, la compagnie des Gent-buisses, les
Tlrlgimeâfdls gartesUfrançaises, fort de trois mille sTx cent qnarante-deus hommes, non corn-Sri" les ofliciers, les adjudants, les tambours-Sîs et les musiciens affectés;àla .garde>du Roi, coûtait au Trésor royal 1,877,861 livres.
Non compris la somme de 249,140 livres payée à ce régiment par les fermes générales ou la ville de Pans,
comme indemnité ou comme logement.
Le régiment des gardes suisses, fort de deux mule deux cent quarante - huit hommes, non compris les officiers, coûte.........
Sans compter 73,002 livres fournies par les fermes générales et la ville de Pans,
pour indemnité ou logement.
La compagnie des Cent-Suisses de la garde du Roi,
coûte.................. ¦ ;
Non compris, 9,360 livres fournies par les fermes générales et la ville de Paris.
Les quatre compagnies des gardes du corps, fortes de
mille quatre-vingt-seize hom-
mes, de cent quatre officiers inférieurs, et de quatre-vingt-quatre officiers supérieurs,
coûtent................... 2,138,740
1,354,878
92,332
Total du titre premier.. 5,463,811 livres.
Quoique dans cet état les officiers né soiétit pas compris pour la force des régiments des gardes françaises, des gardes suisses, des gardes du corps, etc., leurs appointements entrent en compte dans les sommes attribuées à chacun de ces corps; il en sera ainsi dans le titre suivant pour tous les régiments de l'armée.
Le second titre comprend les appointements et soldes des troupes de ligne.
Soixante - dix - neuf régiments d'infanterie française,
forts de quatre-vingt onze mille cinq cent dix-huit hommes, non compris ^ cinq mille cinq cent seize officiers ou cadets gentilshommes,
coûtent..................
Ce qui porte la dépense de chaque régiment à...... 275,692 livres.
Celle du régi ment du Roi,
composé de quatre bataillons, à...... 579,208
Douze régiments d'infanterie étrangère, forts de treize mille sept cent cinquante-deux hommes, non compris huit cent dix officiers ou ca-
22,124,384 livres.
A reporter...... 22,124,384 livres.
Report..... 22,124,384 livres.
dets gentilshommes coûtent. 4 > 038,072
Chaque régiment coûte. 326,046 livres.
Douze bataillons d'infanterie légère, forts de cinq taille cinq cent trente-deux hommes, non compris trois cent trerite-six officiers ou cadets gentilshommes, coûtent... .......... 1,341,508
Chaque bataillon coûte. 107,139 livres.
Les deux bataillons corses coûtent
chacun...... 22,000
de plus que les autres bataillons.
Onze régiments d'infanterie suisse, forts de dix mille sept cent trois hommes, non compris sept cent vingt-six
officiers, coûtent.......... 4*856*004
Chaque régiment coûte.. 439,964 livres.
Soixante-deux régiments de troupes à cheval, forts de trente et un mille cent quarante-huit hommes , non compris deux mille cent soixante-six officiers, coû-
tent...................... 12*198,388
Les détails de cette somme générale font connaître :
' Qu'un régiment de cavalerie, de trois escadrons,
coûte....... 180,252 livres.
Un, de carabiniers, de quatre escadrons....... 277,126
Un, de hussards, de quatre escadrons 228,672
Un, de dragons, de trois escadrons ... 172,365
Un, de chasseurs, de quatre escadrons 226,703
Les prévôtés de l'infanterie et celles des hussards
coûtent................... 22,920
Supplément accordé à différents colonels et autres officiers................... 210,924
Le corps d'artillerie qui,
composé de sept régiments de mille quatre-vingt-deux hommes chacun, de six compagnies de mineurs, de neuf compagnies d'ouvriers et de beaucoup d'officiers, tant généraux que particuliers attachés à ces régiments aux différentes places et aux écoles, coûte................. 3.876,768
Chaque régiment d'artille-
A reporter .... 48,668,968 livres.
Report...
rie coûte 377,467 livres.
Une compagnie de mineurs , coûte. 22,276
Une, d'ouvriers....... 26,702
Le corps royal du génie, composé de trois cent soixante-seize officiers, coûte..
La compagnie franche de Gastelanne destinée à la garde des prisonniers des îles de Sainte-Marguerite , forte de soixante hommes et
de trois officiers, coûte____
L'école des enfants de l'armée, ou cent trente enfants de soldats commandés par un capitaine et un lieutenant d'invalides, et surveillés par trois sergents, cinq caporaux et douze bas officiers,
coûte.......,..............
A raison de 10 sous par jour, par enfant, pour toute dépense.
48,668,968 livres.
879,680
17,330
28,837
402,762
Total du titre second... 49,594,815 livres.
Le troisième titre comprend les différentes troupes provinciales.
Le régiment provincial de l'île de Corse, fort de cinq cent trente-deux hommes, et toujours payé pour la police de l'île, coûte. 150,484 livres.
Les états-majors de treize régiments provinciaux, de soixante-dix-huit bataillons de garnison, et de treize régiments de grenadiers royaux,
coûtent...................
Une compagnie, toujours sur pied, de grenadiers du régiment de garnison du Roi,
pour la police de Saint-Denis,
forte de cent-vingt-six hommes et de quatre officiers,
coûte....................
Les gardes-côtes, dont les frais consistent en gratifications de onze directeurs d'artillerie, en entretien d'armement , habillement et équipement, en loyers et gardiens du magasin,coûtent.
22,545
35,000
Total du titre trois.
610,791 livres.
Le quatrième titre comprend les appointements conservés.
Ceux des officiers entretenus dans les places et passant aux revues, s'élèvent à la somme de........ 286,484 livres.
Le traitement de réforme accordé au corps de la gendarmerie, coûte........... 250,693 »
Total du titre quatre.
537,177 livres.
officiers de l'état-major de l'armée, et de ceux de la cavalerie et des dragons.
L'état-major de l'armée c°ûte.................... 122,700 livres.
L état-major de la cavalerie et des dragons, coûte.. 103,005 »
Total du titre cinq.
225,705 livres.
Le sixième titre comprend les dépenses occasionnées par le traitement des officiers généraux, ou attachés au service des places.
Les grands gouvernements, lieutenances générales de province, gouvernement et lieutenance du Roi dans l'Ile-de-France et dans quelques autres points du royaume,
coûtent................... 2,111,203 livres.
Le traitement des officiers généraux commandants dans les provinces, coûte........ 1,108,062 »
Non compris les chargés supportées par les provinces en logement et bois, pour gouverneurs, commandants,
et non estimées.
Le traitement des officiers généraux employés dans les divisions auprès des troupes,
s'élève'à.................. 859,750 livres.
Le traitement des officiers d'état-major des places, gouverneurs , lieutenants du Roi, etc., s'élève à-----.... 1,288,013 »
Total du titre six....... 5,367,118 livres.
236,143 livres.
Le septième titre comprend le traitement du ministre et des bureaux de la guerre.
Le traitement du ministre s'gIgvô à
Il a été réduit en 1787 de 50,000 livres.
Les appointements du bureau de la guerre, les frais des bureaux et de l'entretien de l'hôtel de la guerre, s'élèvent à....................
Quoique diminués à deux époques, depuis
1777 de..... 296,300 livres.
dont à la
vérité...... 118,940
sont en retraites pour les réformes,
Le nombre des employés dans les bureaux est de sept chefs et cent-vingt-deux commis.
Les directoires, sous l'inspection du Conseil de la guerre, en employaient environ trente de plus.
500 818
Total du titre sept.
736,961 livres.
Le cinquième titre comprend lés dépenses des
Le huitième titre comprend les gages et traitements des commissaires des guerres employés auprès des troupes dans les généralités. La dépense s'élève à..... 1,429,445 livres.
Le neuvième titre comprend les sommes affectées aux quatres grandes parties d'administration du département de la guerre, qui ont été converties en masses par le conseil de la guerre, ou réellement ou en projet.
La dépense des vivres, du pain, est établie d'après l'estimation que la ration, composée d'une livre et demie, doit revenir à 30 deniers; 18 deniers sont retenus sur la solde de chaque homme, 12 deniers seulement sont supportés par les finances du département, et composent cette masse dont la totalité s'élève à.................... 2,922,696 livres.
Les événements ont prouvé que ces calculs étaient insuffisants; il faut ajouter que cette administration a même varié sous le régime du conseil de la guerre, et d'après ses propres décisions.
La dépense des fourrages est établie sur une masse de 15 sous par jour, à laquelle il a été jugé que devait s'élever la nourriture des chevaux de l'armée, l'un dans l'autre. Quelques provinces supportent, en totalité ou en partie, les frais de la nourriture des chevaux des régiments qu'elles ont en quartier; mais comme elles versent ces sommes au Trésor royal, qui les réunit à celles qu'il doit verser dans la caisse militaire pour la nourriture de la cavalerie,
la totalité doit en être portée en dépense; elle s'élève à. 9,443,292 »
La dépense des hôpitaux,
militaires réduite en masse de l5 livres par homme s'élève à.................... 2,523,000 «
Non compris les dépenses pour les hôpitaux des gardes françaises et gardes suisses.
Les effets de campement devaient aussi, d'après le projet du conseil de la guerre, être mis en masse.
L'estimation générale donnait un résultat de dépense de ....................... 450,000
Total du titre neuf..... 15,338,988 livres.
Le dixième titre comprend les détails du service de l'artillerie et du génie, et de leurs travaux. Une partie de ces dépenses est fixe et l'autre est variable.
Les dépenses de l'artillerie consistent en frais annuels pour l'entretien des bâtiments dans les places, en appointements de gardes d'artillerie, de canonniers d'état, de guetteurs, etc., en constructions ou réparations d'arsenaux, en dépenses pour les arsenaux de construction, en fonderies, en travaux de forges, en manufactures d'armes à feu et armes blanches, en entretien d'armes dans les places, transport et consommation des poudres, en transports d'artillerie, en dépenses pour les batteries des côtes ; la totalité s'en élève pour
l'année 1789 à............
Les dépenses du génie consistent en appointements et gages des employés des fortifications, en travaux faits, soit pour l'entretien ordinaire et ouvrages nouveaux des villes de guerre, soit en grands travaux extraordinaires, comme à présent ceux relatifs aux ports de Cherbourg, du Havre, etc. Ces sommes s'élèvent pour 1789 à..........
3,174,957 livres.
2,287,873
Total du titre dix...... 5,462,830 livres.
11 faut observer que cette somme, appliquée par le trésor de la guerre aux dépenses du génie, est composée de la contribution de certaines provinces et de certaines villes, pour l'entretien des fortifications ou des bâtiments militaires, mais seulement dans l'intérieur des villes ou des provinces qui les fournissent. Ces fonds sont partie en abonnements fixes, partie en levées sur les octrois. Ainsi, si l'état des provinces ou villes qui fournissent ces contributions, n'exigeait rças nécessairement des réparations ou entretien à l'égal de ces contributions, le trésor de la guerre ne pourrait pas les appliquer à des dépenses indispensables dans un autre point du royaume.
Le onzième titre comprend les dépenses relatives aux casernements.
Les bâtiments militaires, manèges et jardins, sont fournis en plus grande partie par les villes et les provinces. Les sommes supportées par le département de la guerre, y compris la Corse, s'élèvent à................ 300,000 livres.
Les dépenses occasionnées par les loyers des lits militaires, des magasins, des hangars, sont évaluées à....... 850,000 »
La dépense des bois et lumières, par l'expérience des années précédentes s'élève à......................... 1,250,000 »
Total du titre onze...... 2,400,000 livres.
Le compte fourni par le Trésor royal estime à 800,000 livres en sus les dépenses faites par les villes pour casernements, logements d'officiers, bois et chandelles aux corps de garde et à la troupe, etc. On a cherché sans succès à se procurer plus de détails sur ces objets.
Les Etapes font l'objet du titre douze.
Celte administration est un des points que le conseil de la guerre a laissés le plus indécis. La dépense des étapes et convois militaires tient aux mouvements à faire faire aux troupes. Le conseil de la guerre avait calculé sur des garnisons permanentes, par conséquent sur des mouvements rares ou peu considérables ; dans cette hypothèse, il comptait proposer au département des finances de lui donner une certaine somme pour les routes que feraient les régiments vers le lieu des rassemblements, pour celles des invalides, des hommes allant aux eaux, des convalescents, etc. Alors le département de la finance qui devait se faire compter par les provinces des deniers qu'elles fournissent pour les convois militaires, devait aussi être chargé de supporter les
frais des mouvements extraordinaires des régiments que les circonstances rendraient nécessaires. Cette somme demandée par le conseil de la guerre est portée à..... 800,000 livres.
Le titre treize traite des dépenses générales de police et d'administration du département de la guerre ; il n'est encore qu'en projet.
Les dépènses qu'il occasionne sont celles relatives aux délits militaires et aux prison, à l'entretien de quelques fortifications particulières, aux voyages imprévus et nécessaires d'intendants et d'officiers généraux, en gratifications extraordinaires, en appointements du conseil de la guerre et en autres frais. Le conseil de la guerre comptant sur un revenu produit par la chancellerie militaire, ne demandait au département des finances pour cet objet que la somme de.............. 1,500,000 livres.
Le quatorzième titre comprend les dépenses relatives aux maréchaux de France, connétablie et maréchaussée.
Le traitement des maréchaux de France et de quelques charges qui leur sont relatives, s'élève à......................... 209,303 livres.
Les frais de la compagnie de la connétablie s'élèvent à......................... 74,028 v
Les dépenses de la maréchaussée en appointements,
solde, fourrages , habillement, remontes, gratifications, s'élèvent à........... 3,639,142 »
Total du titre quatorze.. 3,922,473 livres.
Le quinzième titre comprend toutes les dépenses relatives aux invalides détachés ou pensionnaires.
Quatre-vingt-neuf compagnies et trois détachements coûtent, pour appointements, solde et masses d'habillement....... 1,195,898 livres.
L'universalité des soldes,
demi-soldes, et récompenses militaires dans le royaume,
monte à................... 2,113,381 »
Les pensions et récompenses militaires accordées à des officiers, bas-officiers et soldats suisses retirés dans leur patrie, s'élèvent à..... 184,252 »
Total du titre quinze... 3,493,531 livres.
Total des quinze titres, ou dépenses générales de la guerre payées par le Trésor royal..................... 96,883,645 livres.
Le comité des finances croit devoir rappeler ici que le compte général remis par M. Dufresne, directeur du Trésor royal, des sommes fournies pour les dépenses de la guerre par le Trésor royal ou par les provinces, en élevait la totalité à 99,091,604 livres.
Les renseignements pris par le comité pour reconnaître les raisons de cette différence de 2,297,959 livres entre ce compte du Trésor royal et celui fourni par les bureaux de la guerre, lui ont fait voir : 1° que le compte du Trésor royal était le résultat vrai de l'argent fourni pour
l'année dernière, tandis que le compte fourni par la guerre n'était qu'un projet pour l'année actuelle ; 2° que ces 2,207,959 livres d'excédant d'un compte à l'autre portaient, soit sur les habillements des milices que le département de la guerre n'ordonnait pas, soit sur d'autres dépenses de la même nature dont il n'avait pas connaissance, soit même sur des objets que les derniers arrangements pris entre le ministre des finances et le conseil de la guerre, annulaient entièrement, et qui ne devant pas être imputés en dépense au département de la guerre, étaient rejetés par lui.
Le compte de M. Dufresne porte encore pour mémoire une somme de 3,577,506 livres, attribuée comme charge des provinces.
Cette somme est composée de la partie de contribution que doivent les provinces pour abonnement en fourrages, dont 739,845 livres sont comprises dans les états du département de la guerre, en impositions pour les travaux du génie, et logement d'officiers généraux et autres, en casernements de troupes et de maréchaussées, enfin, en allégement d'impositions pour les provinces sur des prétextes militaires sans réalité. Le comité n'a pu se procurer ces détails que le département des finances cherche depuis quatre mois à rassembler, et qui lui sont envoyés très-imparfaitement par les provinces ; il résulte cependant de cet examen que le département de la guerre, en ne comprenant ni les pensions aux officiers retirés, ni quelques dépenses faites en nature par les provinces, ni enfin les augmentations considérables provenues de diverses circonstances, coûte 101,339,563 livres.
Au compte que vient de rendre le comité des finances, des diverses dépenses de la guerre, il demande permission d'ajouter quelques rapprochements qu'il a pensé que l'Assemblée verrait avec intérêt.
Des 96,883,645 livres que reçoit le département de la guerre pour ses dépenses, la solde de cent soixante deux mille six cent trente hommes de ligne, dont trente-un mille cent quarante-huit hommes à cheval, s'élève seulement pour officiers et soldats, ou cavaliers, dragons, etc., à 49,574,886 livres. En ajoutant à la solde des troupes de ligne celle de la maison militaire du Roi, qui s'élève à 5,405,419 livres ; les troupes provinciales ou gardes-côtes, qui coûtent 610,791 livres ; les dépenses des vivres, fourrages, hôpitaux, effets de campement, qui montent à 13,264, 016 livres; enfin les dépenses faites par le Roi en casernements, bois, lumières, s'élevant à 2,399,999 livres, il résulte que l'armée active coûte 71,188,511 livres.
D'après ce compte et en distrayant seulement les dépenses de casernements qu'il serait difficile et inexact de répartir, il résulte qu'un soldat des gardes françaises coûtait en totalité par année 584 livres ; un garde suisse coûte 634 livres ; un Gent-Suisse, en ne faisant entrer que les appointements de trois officiers dans cette estimation, 1,004 livres,un garde du corps, en y comprenant les appointements des officiers, 1,941 livres.
Le nombre des gardes du corps a été compté à mille quatre-vingt-seize, quoique huit cent quarante-quatre seulement de ce nombre soient montés. a ,
Il est à observer que si l'on veut compter le licenciement des gardes françaises en économie future, ou en application de nouvelles dépenses pour le département de la guerre, on ne peut y comprendre que la solde du régiment, qui est de
1,877,861 livres, sur lesquelles il y aurait encore à payer l'intérêt de 7,400,000 livres, valeur des charges des officiers; les 249,140 livres restantes, devant sans doute appartenir à la milice parisienne.
Un soldat d'infanterie coûte
par an..........................................292 liv. 7 s. 6 d.
Un soldat du régiment du
Roi coûte....................................322 8 »
Un soldat d'infanterie étrangère coûte....................................345 7 7
Un soldat d'infanterie légère
coûte............................................293 3 3
Un soldat d'infanterie suisse
coûte............:..................505 2 11
Un soldat d'artillerie coûte. 495 3 »
Un cavalier coûte..................705 13 7
Un carabinier..........................783 16 6
Un hussard............................688 3 5
Un dragon................................692 8 »
Un chasseur............................676 » 7
On a compris dans l'estimation donnée à chaque homme des armes différentes les appointements des officiers attachés aux régiments, en ""divisant cette somme par le nombre d'hommes de chaque arme.
On y a compris les augmentations d'appointements dont quelques officiers jouissent, les traitements conservés à quelques autres, le traitement des colonels généraux, etc., ce qui donne bien un résultat exact pour le moment, mais variable à l'avenir, quand même le système actuel serait continué, car une partie de ces appointements doit s'éteindre. C'est à cette manière de compter, la seule cependant qu'il ait paru praticable d'adopter, qu'est dû le résultat, faux en apparence, qui fait approcher l'estimation du dragon beaucoup plus près de celle du cavalier, que la différence de la solde et des masses ne le fait croire possible.
s Quoique les ordonnances de l'année dernière rononcent l'extinction de toutes les charges e la prévôté de l'infanterie et de celle des hussards, on a fait entrer les dépenses de la prévôté de l'infanterie, dans l'estimation du soldat, et celle de la prévôté des hussards dans celle des hussards, parce que ces économies ne sont qu'éventuelles.
Dans les troupes à cheval, quoique quelques hommes soient laissés à pied par régiment, on a réuni toutes les payes pour faire une estimation moyenne pour chaque homme.
Enfin, la masse clé 12 deniers par jour affectée depuis l'année dernière au pain "du soldat, celle de 15 livres par homme par an pour les hôpitaux, la part de chacun à la dépense attribuée aux effets de campement, ont été employées pour composer l'estimation de l'homme à pied. La masse de fourrage de 15 sous par jour a été ajoutée à l'estimation de l'homme à cheval.
En présentant cette manière d'estimer la dé-ense des hommes de toutes les armes, le comité es finances ne s'est pas proposé de laisser croire que ces seules dépenses dussent être celles du département de la guerre ; il a voulu seulement présenter un tableau de la dépense de chaque homme, composé de la réunion de celles qui lui sont propres.
Le corps de la maréchaussée, dont les dépenses sont, à proprement parler, étrangères à celles de l'armée, produisant une dépense réelle de 3,924,772 livres et étant composée jusqu'ici de 3,644 hommes, fait revenir chaque cavalier à 1,077 livres 1 sou en comprenant également
dans ce compte le traitement des officiers de ce corps.
Dans la somme des 71,188.511 livres à laquelle on a réduit les dépenses de l'armée active, on n'a fait entrer aucun traitement pour des officiers généraux, parce qu'encore une fois ce mémoire présenté à l'Assemblée nationale est un compte de finances, et n'est point un projet; et que d'ailleurs séparant de l'innombrable quantité d'officiers généraux payés, celui qu'il serait utile d'employer, le comité eût fait un plan de système militaire, ce à quoi il ne s'est pas cru autorisé.
Il se borne seulement à observer que, quelque diminué que puisse être à l'avenir le nombre des officiers généraux employés, il en faut un suffisant tant relativement aux troupes à commander et à conduire, que relativement à l'émulation militaire; car la vérité à laquelle on ne peut se refuser pour le soldat, que son état doit être rendu bon pour qu'il puisse l'aimer, et rendre en conséquence le service qu'on a droit d'en attendre, est aussi une vérité pour l'officier qui ferait sans goût et sans zèle un métier dans lequel il ne joui tait pas du bien-être convenable, et où il n'apercevrait pas une perspective d'avancement et de bonheur,
Le comité des finances croit devoir rappeler ici à l'Assemblée nationale, que dans la somme des 96,883,845 livres, les pensions données aux mir litaires ne sont pas comprises. Une déclaration du Roi de 1779 les a toutes réunies au Trésor royal tant pour la facilité de la comptabilité de ce Trésor, que parce que cette dépense n'en est pas une de la partie active de la guerre. Les pensions données par ce département s'élèvent à présent à une somme de 17 à 18 millions. 11 est sans aucun doute que cette somme est exorbitante : en 1769 elle ne s'élevait qu'à 12 millions. On donne pour raison de cette masse énorme de pensions, la quantité de réformes faites depuis vingt-cinq ans, pour lesquelles les officiers qui en ont souffert ont dû être dédommagés.
La réforme de 1776 a coûté,
de pensions................ 2,458,924 livres.
Celle de 1788............. 1,455,869 «
Les cinq promotions d'officiers généraux de 1770,1780,
1781, 1784, 1788, ont coûté chacune l'une dans l'autre 250,000 livres.............. 1,250,Q00 »
5,164,793 livres.
L'augmentation des retraites est aussi une des causes de cet accroissement considérable.
On assure que l'extinction de ces pensions n'est annuellement que d'un trente-cinquième.
Il semble encore que, pour donner un compte juste du département de la guerre, il faudrait retrancher des dépenses l'intérêt de l'argent de diverses charges, pour lesquelles le Trésor royal a reçu des finances qui ont des brevets de retenue, et dont les intérêts se payent avec les appointements pour le département de la guerre, telles que les lieutenances générales ou gouvernements de province, dont les finances s'élèvent à peu près à 3 millions de livres; les charges des commissaires des guerres, dont les finances sont d'environ 13 millions de livres- les places des officiers du régiment des gardes, dont les finances se montent à 7,400,000 livres; les places de capitaines des gardes, dont les finances sont d'environ 2 millions de livres ; les charges de colonels gé-
néraux, mestres de camp généraux d'infanterie, cavalerie, dragons, hussards, etc, dont les linan-ces sont portées à environ 1,800,000 livres; celles de maréchaux de logis de l'armée et de la cavalerie dont les finances sont de 600,000 livres ; les places de colonels de l'armée ou de capitaines de cavalerie ou de dragons, dont les finances réduites s'élèvent encoreà 10millions délivrés: en tout 36 ou 38 millions, ce qui diminuerait de 18 ou 19 millions de livres les dépenses qui devraient être attribuées annuellement au département de la guerre.
Les dépenses comprises au titre IV sous le nom d'appointements conservés, dont une partie s'éle-vant à 286,484 livres compose le traitement des officiers étrangers qui, après avoir quitté le service de France, se fixent dans le royaume, et dont l'autre partie, s'élevaut à 250,693 livres, compose le traitement de réforme accordé au eorps de la gendarmerie, qe devraient pas non plus être comptées dans les dépenses du département de la guerre. Les sollicitations vives qui ont eu pour objet d'éviter à ces pensionnaires les lenteurs et quelquefois les incertitudes de payement que fait éprouver le Trésor royal, ont fait porter sur l'état de la guerre ces pensions qui, comme toutes les autres, devaient en être distraites, et qui ne sont pas véritablement les dépenses de la guerre.
En affectant donc toutes ces dépenses au Trésor généra), le département de la guerre recevrait un soulagement d'environ 2,400,000 livres.
Quoique votre comité des finances n'ait pas reçu de vous l'ordre de rechercher les économies possibles à fairo dans le département de la guerre, travail qui exigeant un temps et des recherches considérables, ne pourrait encore être raisonnablement entrepris, tant qu'un projet nouveau de constitution ne sera pas invariablement adopté, ou que le système actuel ne sera pas donné comme solidement admis; il lui a paru au premier examen que, dans l'état actuel des chpses, diverses dépenses de ce département étaient sus^ ceptibles de diminution.
Dans les travaux de l'artillerie, les armes sont fournies par les entrepreneurs qui, propriétaires des bâtiments, en s'approvisionqant eux-mêmes des différentes matières reçoivent pour traitement un intérêt de 15 0/0, soit sur la valeur des bâtiments, soit sur la quantité de matières qu'ils emploient. Il paraît, dès le premier aperçu, que si cette manière compliquée de payer les armes était simplifiée, elle devrait procurer quelque diminution dans leur prix. Le prix moyen des fusils, qui en ont un différent dans chacune des trois manufactures, est de 26 livres sans baïonnette; il est de 29 livres 15 sous avec la baïonnette qui, par des considérations particulières à un établissement fait pour les armes blanches en Alsace, ne se fabrique pas dans les mêmes ateliers que les fusils. Il est possible que les considérations qui ont déterminé ce régime, déterminent ceux qui l'examineront soigneusement à le maintenir; mais ces premiers aperçus feraient entrevoir dans son changement quelques économie^. , , 1.11 .
Un marché relatif aux transports de 1 artillerie, renouvelé l'année dernière et repdu plus mauvais pour le Roi, parce qu'il est fait à bail de neuf années, quand il semble que son objet est à présent presque sans utilité, paraît eqeore offrir l'assurance d'une économie.
Ce n'est cependant pas sans un grand examen qu'on doit se déterminer à porter la main à ce
bel et grand ensemble de l'artillerie française qui, dirigée pendant vingt-cinq ans par l'officier de l'Europe le plus distingué, est conduite par ses résultats, dé l'aveu général, à un haut point de perfection.
On ignore s'il est possible d'espérer quelque économie dans le mode adopté pour les travaux du génie. Sur le devis fait par les officiers employés et approuvé par le ministre, ces ouvrages sont donnés à l'adjudication à l'entrepreneur; mais comme une grande partie de ces dépenses consiste en entretien de diverses places de guerre, le système qui en réduirait le nombre diminuerait avec nécessité les dépenses. Le parti à prendre sur le système de défensive de nos frontières, discuté depuis longtemps, n'a produit jusqu'à présent que des disputes polémiques, et aucun plan n'est arrêté : il est cependant généralement reconnu que le nombre de nos places fortes est trop considérable, et que plusieurs d'entre elles ne peuvent pas être conservées après le plus léger examen. . , .
La réunion des corps de l'artillerie et du génie produirait certainement encore une grande diminution de dépense par la grande diminution d officiers qu'elle entraînerait. _ ,
Cette réunion a déjà été tentée en 1757 et n a pu se maintenir que dix-huit mois ; mais le temps de cette réunion a-t-il été bien choisi? la volonté du ministre qui l'a ordonnée était-elle bien entière? a-t-il été bien secondé? et la nécessité de les diviser de nouveau a-t-elle tenu à des raisons bien connues, ou seulement à des préjugés de corps, qu'un peu plus de persistance dans le ministre aurait fait disparaître?
Voilà ce qqi serait à examiner.
La comparaison du prix des régiments étrangers et des régiments français offre encore, au premier coup d'il, un espoir d'économie; mais ces économies ne peuvent se réaliser qu'après avoir mûrement pesé les diverses considérations politiques qui ont fait créer ces régiments et leur donner un traitement plus considérable ; car bien que toutes ces raisons puissent n'être pas réputées bonnes, rien n'est fait au moins sans un prétexte de raison, et rian ne doit être détruit ou modifié sans examen.
Une composition plus forte, donnée aux régiments dont l'armée serait composée, apporterait encore une économie parce qu'il est plusieurs dépenses nécessaires à chaque régiment, qui ne seraient pas augmentées par une plus grande réunion d'hommes sous les mêmes chefs, tels que les officiers de l'état-major, ouvriers, musiciens, etc.; mais diverses considérations doivent être consultées pour ce changement, un des plus importants auxquels l'armée puisse être soumise et qui présente des avantages sous plusieurs rapports. La force à donner aux régiments tient a la tactique de la guerre, à l'organisation générale de l'armée, aux moyens d'avaneement et d émulation nécessaires à donner. Ce parti, qui réellement diminuerait les dépenses, doit donc, avant d'être arrêté, être mûrement réfléchi.
Les masses de fourrages et d'hôpitaux pourraient sans doute être aussi diminuées; mais pour obtenir une plus grande économie pour les fourrages, il faudrait placer de préférence les troupes à cheval dans les pays où les chevaux pourraient être nourris à meilleur marché.
La division de ces régiments par plus ou moins de compagnies, augmenterait encore l'économie du prix des fourrages, apporterait des moyens de fertilité aux villages dans lesquels ils seraient
distribués et pourrait être extrêmement compatible avec l'instruction et le bon ordre.
Quoique la masse pour les vivres ait été cette année insuffisante, on est porté à croire qu'elle est assez considérable pour fournir dans les années ordinaires la quantité de pain donnée au soldat; mais cette quantité est trop modique et doit être augmentée.
Toutes les différentes masses dont sont composées les dépenses des régiments, et qui ont chacune une attribution particulière, pourraient, en étant réunies, supporter une réduction et rester encore plus que suffisantes.
Quoique les appointements réservés à chaque officier supérieur des régiments provinciaux et des bataillons de garnison soient individuellement très-médiocres, ils font un ensemble de 402,762 livres et sont payés à des officiers dont le traitement serait trop modique s'ils servaient et est trop considérable s'ils ne servent pas, et qui réellement ne font aucun service. Le prétexte de leur conserver les appointements va cesser nécessairement avec la destruction de ces fantômes de régiments.
Les marchés faits avec les entrepreneurs de lits militaires, à raison de 13 livres par lit, par an dans tout le royaume, sont si avantageux pour ceux qui en jouissent, qu'ils sous-louent leurs entreprises; ils sont susceptibles d'une grande réduction que le parti général à prendre pour l'armée rendra plus ou moins considérable. Toutes les autres dépenses du casernement doivent encore procurer de l'économie.
On ignore si le Roi voudra créer un régiment nouveau pour sa garde, ou la confier à un régiment de son armée. Quel que soit le parti qui sera pris à cet égard, il paraît qu'il doit en résulter une grande économie ; mais les finances des officiers des anciens gardes-françaises devront être considérées dans la résolution qui sera prise à cet égard.
Il semble aussi qu'un bon ordre de choses pourrait faire espérer des réductions sur la dépense des gardes du corps. Ces réductions seront encore proportionnées au système adopté pour ce corps.
Il est difficile de penser que le hombre d'officiers pour commander dans les places, d'officiers généraux nécessaires pour conduire les troupes ou commander dans les provinces, nécessite une dépense de 5,367,118 livres.
A cette réflexion générale sur les sommes totales, le comité des finances ne peut s'empêcher d en ajouter une sur la nature de plusieurs de ces places,qui, emportantles émoluments etletitrede gouverneur des places, emportent aussi la défense de se rendre dans ces places, sans une permission expresse. Il semblerait qu'un traitement convenable à ceux des officiers généraux ou particuliers ainsi gratifiés serait plus conforme à la raison et moins cher que ces gouvernements sans fonctions, dont le recouvrement des émoluments ne se fait pas sans quelques frais, et par conséquent sans une certaine quantité de deniers écartés de leur véritable destination.
.7^ ,6ncore très-probable que la somme de 700,000 livres à laquelle s'élève le traitement des commissaires des guerres, sans y comprendre les intérêts de leurs charges, est plus que suffisante pour cet objet et peut laisser espérer quelque diminution.
Un traitement de 225,000 livres au minisire de la guerre paraît très-susceptible de réduction, et il n est pas douteux que la simplification de la
comptabilité, la constante observation du même système, porteront une diminution dans les dépenses des bureaux de la guerre.
Les comptes de la guerre offrent une dépense de plus de2 millions de livres en soldes et demi-soldes de soldats retirés, qui jadis n'étaient pas à la charge de la guerre, ou plutôt n'existaient pas. L'établissement de l'hôtel des invalides, dans sa première institution, destiné à servir de retraite aux soldats absolument hors d'état de servir dans les régiments de l'armée, ne comprenait que l'hôtel, les compagnies détachées et les grands congés, c'est-à-dire, les permissions aux hommes de se retirer chez eux pourvus d'un habit qui se renouvelait tous les trois ans, avec la faculté de rentrer aux compagnies détachées, à leur volonté, ou à l'hôtel lorsqu'il y aurait place. Les soldes et demi-soldes ont été établies en 1764, à cause du grand nombre d'invalides qu'avait occasionnés la guerre de 1757. Elles n'étaient portées en 1769 qu'à 500,000 livres; elles s'élèvent aujourd'hui à 2,113,381 livres. C'est le genre d'économie qu'on ose le moins proposer parce qu'il porte sur des hommes malaisés qui ont mérité de la nation par leurs services, el que la modique paye qu'ils emportent chez eux fait le bonheur et l'aisance d'une famille souvent nombreuse et toujours pauvre ; mais il a paru au comité des finances que quand l'Assemblée nationale le chargeait du dépouillement de ces dépenses, il devait, sans être arrêté par aucune considération, lui présenter tous les résultats de ses recherches et de ses comparaisons.
Les dépenses de l'état-major de l'armée et de celui des différents corps offriront encore quelques économies. Cette comptabilité doit d'ailleurs être simplifiée ; plusieurs des officiers étant payés à différents titres et la conséquence des traitements divisés étant ordinairement un résultat plus que suffisant, cette intéressante partie de la guerre a besoin d'être smgneusement examinée.
La composition du corps de la maréchaussée peut aussi recevoir quelques changements utiles qui donneraient peut-être les moyens d'augmenter sa force, sans augmenter ou en augmentant peu sa dépense. Il semble que l'on pourrait supprimer sans inconvénient les officiers de robe et certains officiers de ce corps, peut-être certaines dépenses extraordinaires peu essentielles et que 1 on pourrait rejeter à l'article de la maison du Roi, la dépense de la maréchaussée des chasses.
Le grand nombre d'ordonnateurs en dépenses dans le département de la guerre étant restreint, produirait encore une économie.
L'homme qui partage avec vingt autres une administration de deniers n'a pas le même intérêt d amour-propre et de succès à ménager les dépenses, à n'en ordonner que d'indispensables, que s'i avait seul ou partageait avec peu de monde le mérite de l'économie.
Le comité des finances croit aussi qu'il serait avantageux que le comptable du département de la guerre fût obligé de rendre ses comptes tous les ans dans les six premiers mois de l'année suivante. Une déclaration du Roi de 1781 ne les exige que deux ou trois ans après la révolution de 1 année. Le comité des finances n'a pu voir aucun motif d'un délai aussi long accordé pour cette comptabilité,qui n'a rien de bien compliqué, dont toutes les dépenses se font en France, et dont la recette est simple et claire.
Les malheurs de M. de Sérilly ont arrêté la reddition de tous les comptes depuis 1781; cependant la nature des dépenses de la guerre donne
la certitude que ce département n'a point de dettes. Les grands changements et variations
3ui ont eu lieu l'année dernière ont rendu le épartement débiteur de 1,800,000 livres aux entrepreneurs des hôpitaux pour meubles, four-' nitures, etc., laissés par eux ; de 2,400,000 à la compagnie des vivres, supprimée, pour avances faites en grains, et de 2 millions de livres environ à divers autres entrepreneurs de lits Militaires, etc. La pénurie des finances a porté obstacle au remboursement de ces avances, qui ont été considérées comme dépenses extraordinaires.
11 est cependant encore une sorte de dette dans le département de la guerre, résultant du rem boursement des finances de compagnies de troupes à cheval, dont les ordonnances de l'année dernière ont prononcé l'extinction et le payement par la caisse de la guerre, et qui jadis s'acquittaient par les officiers qui en étaient pourvus. Cette dépense que l'on peut appeler ordinaire, puisqu'elle se renouvelle toutes les années, ne s'élèverait annuellement qu'à 150,000 livres si elle ne devait pas être à la charge du département.
L'opinion généralement répandue de la grande différence des dépenses auxquelles était porté en 1769 le département de la guerre, avec celles auxquelles il s'élève aujourd'hui, a fait désirer à voire comité de connaître les détails de l'administration dans ces deux années, afin de pouvoir vous en rendre compte, et vous mettre en état de composer l'ensemble des dépenses du département à deux époques aussi éloignées.
Par les états qui lui ont été soumis, il a reconnu que la comptabilité à ces deux époques n'était pas la même. En 1769, il est vrai, une partie des pensions et gratifications fournies aujourd'hui par le département des finances, étaient supportées par le département de la guerre; mais une grande quantité d'autres plus considérables, telles , que celles des garnisons ordinaires, des suppléments d'appointements, des traitements de l'état-major de l'armée, qui sont aujourd'hui à la charge de la guerre, étaient alors à celle du département des finances.
Le rapprochement de la même nature de dépenses dans les deux années donne un résultat de 83,342,440 livres pour 1769 et de 96,703,851 livres pour 1789, et à cette dernière époque, l'armée se trouve augmentée de neuf mille cent deux hommes d'infanterie, de seize mille quatre cent quatorze chevaux, et la paye de chaque homme de six deniers.
Il est vrai que les dépenses de 1789 ne sont qu'en projet et qu'il est plus que probable, comme il a déjà été dit, qu'elles dépasseront de plusieurs millions la somme à laquelle elles avaient été jugées devoir s'élever.
Caisses particulières.
Indépendamment des dépenses pour lesquelles le Trésor royal verse des fonds dans la caisse de la guerre, trois administrations particulières dépendent de ce département, et ont des revenus qui leur sont distinctement assignés. Ces trois administrations sont celle de l'ordre de Saint-Louis, celle des invalides, et celle des écoles militaires.
Ordre de Saint- Louis.
Les revenus de l'ordre de Saint-Louis, consistant uniquement en rentes sur la ville, sont d'environ 1 million de livres, dont 100,000 livres
affectées à la marine. Les 900,000 livres attribuées au département de la guerre supportent les pensions des grands-croix, commandeurs, chevaliers, et les gages des officiers de l'ordre; enfin ils ont été chargés l'année dernière d'une pension de 200 livres pour les plus anciens chevaliers de Saint-Louis de chaque régiment, et d'une de 50 livres pour le plus ancien vétéran aussi de chaque régiment.
L'ordre du mérite militaire, créé par Louis XV, en faveur des officiers protestants, est doté de 52,000 livres de rente dans la même nature de biens que l'ordre de Saint-Louis. Ces revenus ont la même destination.
Hôtel des invalides.
L'établissement des invalides, dont la partie principale des revenus est composée par les trois deniers pour livre qui se retiennent sur toutes les dépenses du département de la guerre, n'occasionne pas pour le Trésor royal, comme il a déjà été dit, une destination particulière de fonds, mais seulement une retenue sur toutes les sommes payées pour le département de la guerre.
Les autres revenus sont les droits d'oblats sur le clergé, et des biens-fonds, soit en terres, maisons et rentes, que lui a valus l'économie de son administration.
D'après le montant actuel des dépenses de la guerre, les trois deniers pour livre produisent à peu près.................. 1,300,000 livres.
Les oblats: tant du clergé du royaume que du clergé étranger, s'élèvent à....... 251,000 »
Le revenu des biens fonds »
et rentes.................. 110,000
Total..... 1,661,000 livres.
Les économies dans le département de la guerre diminueront nécessairement les revenus de cet établissement, qui seront peut-être encore amoindris du côté des oblats par la diminution des dîmes.
Il faudrait connaître à fond les détails de cet établissement pour savoir si tous les hommes qui y sont admis ont véritablement les titres qui devraient seuls les faire admettre, si l'administration intérieure de l'hôtel est, ou non, susceptible d'économie; mais on voit avec peine une somme d'environ cinquante mille écus destinée à des pensions, et distraite par conséquent de sa première destination.
Écoles militaires.
Les revenus des écoles militaires consistant en rentes, en quelques loyers de terres et de maisons, fruit des soins, intelligence etéconomie des premiers administrateurs, en une petite abbaye, et une pension sur les économats, s'élèvent à 2,200,000 livres. Sur cette somme on doit distraire 1 million de livres dont M. le directeur général a suspendu le payement, qu'il promet rendre, et qui appartient véritablement à cette fondation.
Un marché fait avec l'ordre de Saint-Lazare, lors de la dissolution de l'école militaire de Paris, d'une partie des bâtiments de cette maison, devait rapporter 60,000 livres par an. L'ordre n'est pas
encore rentré en payement, parce que l'opération n'a pas été consommée.
Les dépenses de cet établissement s'élèvent environ à 1,200,000 livres; 316,000 livres sont attribuées à des pensions ou traitements conservés; 92,000 livres en appointements; 486,000 livres en pensions des enfants à différents collèges ; et 200,000 livres en pensions à des élèves placés dans les corps.
Un des inconvénients principaux de ce bel établissement a toujours été que les places vacantes annuellement dans l'armée n'étaient pas égales en nombre aux élèves sortis de l'école militaire.
La destruction de l'école militaire de Paris, et la dispersion des élèves dans les différents collèges, en remédiant peut-être à quelques inconvénients, n'a fait qu'augmenter le nombre des jeunes gens qui, arrivés à quinze ou seize ans, n'ont pus un débouché assuré et restent d'autant plus malheureux qu'ils avaient eu droit à une plus grande espérance. C'est un grand vice pour un établissement de bienfaisance que la nécessité d'abandonner ceux qu'il a soutenus avant de les avoir mis en état de se passer des secours que le genre d'éducation qu'ils ont reçu leur a rendu nécessaires. Cet inconvénient ne peut qu'accroître par le nouveau régime.
Il faut encore ajouter que le genre d'éducation ue reçoivent les enfants, et la seule possibilité e débouché qu'il appartient au Roi de leur donner, étant la profession militaire, beaucoup sont entraînés dans un état qu'ils pourraient bieo ne pas préférer et que l'intention bienfaisante de la fondation serait mieux servie, si les enfants qu'elle a pour objet étaient rendus, par leur édu* cation, propres à embrasser plusieurs états, dans le choix desquels ils seraient déterminés par leur goût et leur disposition. Peut-être cette grande et belle fondation, dont les intentions ne pourront plus à l'avenir être littéralement suivies, pourrait-elle être utilement dirigée vers l'objet d'une éducation nationale; mais ces considérations tiennent à un grand ensemble qu'il n'est pas du devoir du comité des finances d'approfondir,
Quoique l'administration des invalides et celle des écoles militaires soient étrangères aux dépenses de la guerre, il est cependant certain que des économies faites dans leurs dépenses pourraient tourner au soulagement de la caisse militaire.
Ainsi, s'il était possible de faire porter sur ces administrations la solde et l'habillement des compagnies détachées qui s'élèvent à 1,195,898 livres, si une partie des trois deniers pour livre de toutes les dépenses de la guerre pouvait être rendue superflue à l'établissement des invalides, il en résulterait une économie de 2 à 3 millions pour ce département, La réunion des administrations des invalides et des écoles militaires, sans nuire à la véritable intention de ces deux établissements, leur donnerait les moyens de cette économie et aurait, pour l'établissement de l'hôtel, le grand avantage de lui assigner des revenus sûrs et indépendants.
Toutes ces économies et beaucoup d'autres sans doute peuvent être faites dans le système actuel de la guerre, mais en ne le considérant absolument que du côté des dépenses, il n'est pasmoins vrai que le nombre des troupes à présenter à l'ennemi n'est pas trop considérable, que les troupes à cheval ne sont pas assez nombreuses, car la force des armées d'un grand Etat doit être toujours en proportion avec celles des empires qui l'avoisinent, et dont il peut craindre les en-
treprises. Il n'est pas moins vrai que le soldat n'est pas à beaucoup près assez payé; qu'il n'a ni assez de pain, ni de pain assez bon ; qu'il faut dans un bon ordre militaire faire fréquemment des rassemblements de troupes,ce quia été rarement fait jusqu'ici ; qu'il faut augmenter la maréchaussée ; qu'il faut soulager les provinces du royaume des impositions directes ou indirectes qu'elles supportent pour le service de l'armée, mais plus particulièrement encore les provinces d'Alsace, d'Artois et de Flandre, qui en sont les plus surchargées, et que cependant il faut diminuer les dépenses du département, sinon dans le moment, au moins dans un avenir aussi prochain qu'il sera possible.
A ces difficultés, qui semblent s'opposer à la régénération du système militaire, il faut encore joindre la nécessité de renoncer aux milices qui, jusqu'à ce moment, étaient une ressource pour l'armée dans des moments de guerre et présentaient toujours soixante-quinze mille hommes prêts à marcher. L'établissement des milices, au moins tel qu'il a été jusqu'ici, ne pourrait désor^ mais s'accorder avec la liberté individuelle du peuple français, si tous les hommes en état de porter les armes, habitants des villes ou des campagnes, mariés ou non, sans distinction d'état, de fortune ou de profession, refusaient de se soumettre à ses lois avec égalité. Ge n'est pas quand on a détruit avec tant de raison les privilèges pécuniaires et tant d'autres consacrés par une > longue possession, qu'il est possible de penser à conserver ceux qui, sous des prétextes absurdes, compromettent la liberté et la vie des uns, pour favoriser celles des autres.
Les milices nationales et volontaires devront, à l'avenir, utilement et glorieusement remplacer ces milices forcées, arbitrairement ordonnées, levées sans proportion et sans règle, qui faisaient à la fois le désespoir des malheureux sur qui le , sort tombait, et la ruine de ceux sur lesquels il ne tombait pas. Une bonne et sage organisation peut les rendre la sûreté des provinces et la ressource de l'armée.
On croit que ce problème de la régénération militaire, malgré toutes ces conditions en apparence contradictoires, n'est cependant pas impossible à résoudre ; mais la solution ne peut avoir lieu que par un changement entier dans le système de la guerre. Ce changement est rendu nécessaire par les circonstances ; ces mêmes circonstances en faciliteront les moyens, si l'unité d'un plan bien approprié à l'esprit national, aux règles essentielles de l'organisation militaire, à la Révolution actuelle, est encore suivie dans son exécution avec sagesse, courage et persévérance. Alors on peut annoncer avec assurance une diminution dans la dépense de plusieurs millions, un nombre de combattants effectifs plus considérable même que celui que nos états présentent aujourd'hui, une organisation meilleure dans l'armée, et une satisfaction plus grande parmi tous les individus qui la composeront.
Le moyen efficace d'avoir des troupes vraiment nationales, quelle que soit leur composition, c'est de les traiter en citoyens, c'est de leur faire un sort heureux. Le bonheur d'un soldat n'est point incompatible avec la discipline, sans elle il ne peut même exister pour lui, mais il est incompatible avec le malaise par lequel l'homme de qui 1 Etat attend d'importants services ne reçoit pas la nourriture qui lui est nécessaire ; il faut, en améliorant son sort, cesser d'exercer sur lui des épargnes qui atténuent encore cette solde mo-
dique, et notre armée deviendra ce qu'elle doit être, une réunion de citoyens qui engageront volontairement leur liberté pour le service de leur patrie.
11 faut encore que les avantages du commandement soit l'espoir certain de tout officier qui aura éminemment les talents et les vertus militaires; que la loi qui en ferme l'accès à une partie d'entre eux soit abrogée, et que la carrière de l'honneur soit ouverte à tous les Français qui sauront s'y distinguer : alors l'armée française, bien identifiée avec la nation, forte du nombre d'hommes que les différentes combinaisons auront fait juger nécessaires, assurera aux citoyens le repos qu'ils ont droit d'exiger et inspirera aux nations étrangères le respect que le nopa français doit porter avec lui.
Il était réservé à l'époque actuelle de pouvoir donner la plus grande vraisemblance (Je succès à celui qui voudrait, avec des projets bien réfléchis et bien arrêtés, opérer la destruction des obstacles qui, jusqu'à ce moment, se sont opposés à la bonne composition du militaire en France.
Le retour d'un peuple à sa liberté, la régéné^ ration de sa Constitution, doivent porter dans toutes les branches de l'administration un effet salutaire. La Révolution au bien ne serait qu'imparfaite, si quelqu'une de ses parties ne recevait pas l'amélioration dont elle est susceptible.
Les vices et les abus qui, défendus par l'in-
trigue et par un long usage, ont opposé jusqu'ici une résistance invincihle à tous les efforts, tomberont sans résistance devant l'esprit national, quand il se montrera éclairé par l'expérience et la raison. C'est alors que les intérêts particuliers n'élèveront plus la voix, et les Français animés de l'esprit public, pénétrés du noble patriotisme qui fait le caractère de cette nation généreuse, porteront au sacrifice des avantages particuliers par lesquels l'intérêt général pourrait être blessé, l'enthousiasme et le dévouement qu'ils portent dans les combats.
Mais quoique le nombre des abus dont est rempli le système militaire actuel soit considérable, quoique les récompenses y aient été données sans aucune proportion avec les services; quoiqu'il doive résulter une grande diminution dans les dépenses par la simplification de cette machine compliquée; quoiqu'enfin les circonstances actuelles soient plus favorables qu'aucunes autres aux retranchements et aux réformes, toutes les opérations qui doivent priver les possesseurs actuels de leur état ou diminuer leur fortune, doivent être soigneusement examinées, et tenir au grand ensemble d'un système général : car l'Assemblée nationale jugera, sans aucun doute, que si l'abandon des avantages particuliers doit irrésistiblement être fait à l'ordre public, il faut que cet ordre public en soit le résultat certain.
TABLEAU
Nota. Quelques membres du comité des finances ayant cru que VAssemblée nationale pourrait désirer voir la division des sommes attribuées au soldat, et de celles attribuées
à l'officier, le tableau ci-joint a été dressé en conséquence.
19 CB OC
Maison du Roi
Gardes françaises, Gardes suisses..., Cent-Suisses.....
78 Régiments d'infanterie française, de 2 bataillons.
Régiment du Roi, de 4 bataillons..................
12 Bataillons d'infanterie légère........»..........
12 Régiments d'infanterie étrangère, de 2 bataillons.
li Régiments d'infanterie suisse ou grisonne, de 2 bataillons.
24 Régiments de cavalerie... 2 Régimems de carabiniers
6 Régiments de hussards...
18 Régiments de dragons____
12 Régiments de chasseurs..
Maréchaussée...............
7 Régiments d'artillerie.....
NOMBRE
d'officiers, compris les cadets gentilshommes.
202 99 3
304
5.382 134 336 810
726
768 82 246 576 492
310
630
10.796
d'hommes, compris les adjudants et
bas officiers.
3.642 2.248 100
5.990
89.310 2.288 5.132 13.752
10.703
11.424 1.264 3.888 8.568 7.776
3.660
7.574
171.329
Supplément d'appointements accordé à quelques colonels................ .......................................
Officiers généraux, commandants dans les provinces, gouverneurs de provinces et de places de guerre, état-major
de places, etc................................................................................................
Etat-major de l'armée, de la cavalerie et des dragons..........................................................
Officiers d'artillerie, tant généraux que particuliers, employés dans les places, dans les écoles, etc.................
Officiers du génie.............................................................................................
11 Maréchaux de France, à 12,170 liv. 5 sous...................................................................
Total des appointements des officiers de tout grade
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liv. 786.540 525.226 8.260
1.320.026
6.378.840 192.440 429.820 1.114500
2.264.316
1.145.520 153.360 351.840 856.692 702.048
538.550
908.061
s.
16.356.013
210.924
5.367.118 225.705 736.680 755.880 133.872 15
23.786.192 15
DEPENSES EN
solde
DU SOLDAT.
liv. 763.535 450.102 60.680
1.547.467
11.731.356 299.724 672.228 1.816.056
2.591.688
1.729.872 215.484 563.040 1.224.990 1.104.084
1.440.720
1.370 656
26.307.365
générale.
liv. 273.150 350.550
623.700
3.393.780 86.944 227.460 983.616 La masse générale est confondue dans la paje. 1.450.656 185.608 457.152 1.020.888 914.304
258.516
363.552
9.693.026
masses
extraordinaire de
boulangerie.
liv.
1.607.580 41.184 92.376 247.536
192.654
205 63-2 22.752 69.984 154.224 139.968 Point de masse de boulangerie. 136.332
2.910.222
d'hôpitaux.
liv. 44.636
44.636
1.339.650 34.320 76.980 206.280
160.545
171.360 18.960 58.320 128.520 116.640 Point de masse d'hôpitaux. 113.610
2.469.821
TOTAL pour la dépense des
soldats, cavaliers, dragons, etc.
liv.
1.081.321 800.652 60.()80
1.942.653
18.072.366 462.172 1.059.044 3.253.488
2.944.887
3.557.520 442.804 1.148.496 2.528.622 2.274.9961
1.699.236
1.984.150
41.380.434
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avoir rien de réel.
On n'y a pas compris non plus les bataillons provinciaux de la Corse et du régiment du Roi. Les officiers sont, pour le traitement, dans la même proportion avec le soldat que dans les autres régiments.
VUES SUR LA LIQUIDATION DE LA DETTE PUBLIQUE,
SANS AUCUNE CHARGE POUR LA NATION,
Présentées par M. d'Argentré, évêque de Limoges,
député (1). (Imprimées par ordre de F Assemblée
nationale et renvoyées au comité des finances.)
Messieurs, les opérations que le salut du royaume exige ne peuvent pas s'exécuter sans faire beaucoup de mécontents, et l'on ne saurait en faire de certaines sans donner à la nation des secousses dangereuses ; car les grandes fortunes ne peuvent point être attaquées sans entraîner dans leur ruine quantité d'autres fortunes médiocres qui avaient celles-là pour soutien. On ne saurait prendre trop de précautions contre cet inconvénient; et pour soulager le malheureux il ne faut pas couper le tronc d'un arbre dont le fruit sert journellement à sa subsistance.
Si l'on vendait par exemple les biens-fonds du clergé, l'on ne retirerait pas à beaucoup prés la valeur réelle; la vente des biens des Jésuites en fournit la preuve, puisque le produit n'a pas suffi pour payer les dettes de là société. On peut juger, par ce seul exemple, dans quelle erreur nous tomberions si l'on employait un pareil moyen : il arriverait qu'après avoir fait de grands niaux, l'Etat n'en tirerait aucun avantage.
N'y aurait-il pas d'autres moyens qui, en remplissant le but proposé de payer les dettes de l'Etat, ne ruineraient personne? pourquoi ne pas l'espérer ? nous sommes au milieu de 25 millions d'individus, dont le plus grand nombre raisonne aujourd'hui sur de bons principes. Il y en a beaucoup, à la vérité, qui croient apercevoir une impossibilité évidente de rétablir les finances de l'Eiat, sans faire de plus grands sacrifices que ceux du quart du revenu que l'Assemblée nationale vient de décréter, j'ose avancer qu'on s'alarme mal à propos, et qu'il est possible d'ajouter à celte opération une banque nationale, capable de liquider en entier toute la dette de l'Etat.
Les principes reçus pour faire le bien d'une société doivent reposer sur des bases équitables.
La justice naturelle semble prescrire à celui qui veut l'opérer de ne faire illégitimement le malheur de personne. D'après ces principes, il paraît injuste qu'une portion de la société dise à une autre, je veux avoir votre bien pour cesser d'être pauvre. Cette proposition violente ne doit être, selon moi, que le dernier de tous les moyens. Il me semble qu'on peut faire le bien général sans se résoudre à enrichir les uns de ce qu'on enlèverait injustement aux autres.
La générosité nationale s'est signalée à l'envi du monarque par des sacrifices dont l'histoire n'offre point d'exemple; les jouissances, les prérogatives formées par dix siècles d'intérêts particuliers ont été toutes offertes en un seul jour à l'intérêt de la patrie.
Le clergé, par l'importance de ses abandons, s'est acquis des droits éternels sur la reconnaissance du peuple français ; et la grandeur du bienfait exige des égards et des considérations sérieuses dans l'usage qu'on doit en faire.
Si la nation touche aux biens-fonds du clergé, elle ne peut le faire qu'après avoir étudié et choisi avec réflexion les moyens les plus dignes
d'elle, c'est-à-dire, les moins onéreux pour les possesseurs et les plus avantageux pour l'Etat : c'est un de ces moyens que j'ose proposer, et qui me parait devoir réunir les deux avantages.
BANQUE.
Personne n'ignore que les banques, les loteries ou les emprunts sont les ressources ordinaires d'un Etat pour suppléer au défaut de numéraire. L'opinion et l'habitude donnent aux billets de ces sortes d'établissements des variations de prix qui dépendent de tant de particularités, qu'on a reconnu en différentes circontances qu'il est dangereux d'en établir si l'on n'aperçoit pas une sûreté réelle pour cautionner la valeur des effets. L'expérience a prouvé que plusieurs établissements de ce genre ont eu les suites les plus fâcheuses, parce qu'ils n'offraient toujours que des sûretés apparentes. La banque de Law, les effets du Canada, de la Louisiane, des îles de France et de Bourbon constatent ce que j'avance.
Il faut donc distinguer les sûretés apparentes des sûretés réelles, et ne point confondre les unes avec les autres, parce que la confiance établie sur les premières entraîne avec elle plusieurs sortes de dangers, au lieu que les sûretés établies sur des biens-fonds procurent dans tous les temps un crédit local bien plus réel, et qui ne saurait s'étendre au delà des bornes de l'objet hypothéqué.
Une banque dont les effets portent sur des biens-fonds présente à l'opinion une raison déterminante et une sûreté d'où résulte cette confiance générale qu'on appelle le crédit.
La banque qu'on propose réunit à l'hypothèque foncière bien assurée un bénéfice éventuel, plus avantageux que ne le serait un intérêt déterminé, et ses billets ne tarderaient pas à être préférés à l'argent monnayé.
Je vais expliquer de quelle manière cette banque pourrait être établie au commun avantage du clergé et de toute la nation.
Premièrement, il serait fait une estimation exacte de chacun des biens ecclésiastiques; par exemple j'en suppose un estimé 100,000 livres de valeur foncière, au denier 20.
Cette somme, ou valeur de 100,000 livres, serait partagée en cent billets de 1,000 livres chacun, numérotés depuis un jusqu'à cent.
Chaque billet porterait le nom de l'objet hypothéqué, le prix de son estimation, la quantité des terres, leur nature, le nom du possesseur, et le nombre des billets ayant hypothèque sur ce même objet, le numéro serait inscrit en toutes lettres.
A la mort du possesseur, il serait fait une loterie publique de tous les billets ayant hypothèque sur les fonds du bénéfice, et le porteur du billet monnayé au titre du numéro gagnant deviendrait propriétaire usufruitier pendant toute sa vie du revenu, sans que les cent billets, toujours hypothéqués, puissent jamais rien perdre, ni de leur valeur, comme numéraire, ni de leur droit pour gagner le même fonds à la mort du dernier usufruitier, à qui le sort aurait été favorable.
Ces dernières considérations sont les plus importantes puisqu'elles fondent nécessairement un crédit solide, et donnent au papier proposé une valeur réelle, permanente et imperturbable, qu'aucun autre papier, ni même l'argent, ne pourrait jamais avoir.
Le capitaliste occupé de se procurer des rentes,
songe sans cesse aux précautions qu'il doit prendre lorsqu'il cherche à placer son argent ; il n'aurait pas cette inquiétude avec un papier de l'espèce proposée. A la vérité le billet de 1,000 livres ne porterait point un intérêt particulier de 50 livres par an ; mais les possesseurs auraient la somme des intérêts accumulés à chaque vacation, qui étant tirés au sort d'une loterie, le porteur du billet heureux réunit à lui seul l'intérêt de tous les autres, et jouirait de 5>000 livres de rente pendant toute sa vie.
Il ne faut pas perdre de vue que, quoique la possession change et finisse, le titre ne meurt jamais, et que tous les billets monnaie, soit le gagnant, soit les autres, portant sur un même fonds, conservent toujours leur hypothèque et leur droit pour d'autres tirages.
Les capitalistes auraient d'autant plus d'avantages à rétablissement de cette banque, qu'ils pourraient s'approprier et conserver à perpétuité dans leurs familles tel ou tel domaine qui leur conviendrait : il ne s'agirait que de rassembler tous les billets dont l'hypothèque porterait sur le domaine désiré.
Par ce moyen, et beaucoup d'autres particularités que je détaillerai par la suite* l'Etat pourrait fabriquer pour 2 ou 3 milliards de papier-monnaie, pour faire rentrer 2 ou 3 milliards d'effets royaux.
Ce papier serait bien préférable, comme je le démontrerai toujours, aux espèces d'or et d'argent qui ne peuvent donner aucun intérêt, à moins qu'on ne s'en démunisse, et qu'on ne coure le risque de perdre son capital par l'insolvabilité cachée de celui à qui on l'aurait confié ; au lieu qu'avec ces billets on tient le capital, et l'on est assuré de l'intérêt lorsqu'on perd une certaine quantité de billets : si l'on prend d'un côté, on doit gagner d'un autre, et si l'on est heureux, on a plus que l'intérêt. A la vérité, si l'on est malheureux, on peut ne pas gagner ; la sûreté reste, le droit ne s'altère pas, et le billet conserve toujours sa même valeur et son cours.
Le père de famille pourrait encore favoriser ses enfants, en faisant paraître celui qu'il voudrait établir, propriétaire d'un pareil domaine.
Il ne faut pas imaginer encore que cet intérêt ne doive être considéré que comme celui d'une rente viagère ordinaire. 11 est certain, au contraire, que cette opération offrirait beaucoup plus d'avantages qu'une constitution de rente perpétuelle à 5 0/0. Voici l'exemple qui va le démontrer.
Je suppose qu'un ecclésiastique porterait 100,000 livres en or au Trésor de l'Etat, pour jouir à perpétuité d'une terre du clergé, dont il serait en possession par son bénéfice, on lui délivrerait pour 100,000 livres de billets. Il jouirait donc alors et du capital et de la rente à perpétuité tant qu'il garderait ce capital en billets dans son portefeuille. Si au contraire les 100,000 livres étaient constituées sur une autre terre de 5*000 livres de rente, il arriverait que démuni de son argent, il lui serait fort difficile de ravoir son capital, à moins que de revendre son contrat de constitution; mais ce contrat de constitution de rente, quoique très-solide, ne se négocie pas toujours lorsque l'on a besoin d'argent, et si on le vend, on en perd la rente ; au lieu que les billets de banque mettraient le possesseur à même de faire passer son revenu à sa famille après sa mort, avec les 100,000 livres de billets qu'il laisserait en nature, et en totalité dans sa succession, ce qui empêcherait alors que le tirage au sort fît passer le revenu à des étrangers, puisque les héritiers
possédant tous les billets auraient toujours le numéro gagnant.
Le calcul des probabilités démontre qu'un capitaliste, qui aura un million de billets de cette espèce, doit gagner 50,000 livres de rente, et même beaucoup plus, en vivant longtemps, lorsque ses bénéfices s'accumuleront en billets de banque.
Les grands trésoriers, les notaires, les tuteurs, les rentiers, et tous les hommes qui, par état, se trouveront dépositaires de grands capitaux, devront certainement préférer ces billets de banque à l'argent monnayé, par la raison qu'on ne pourra pas leur disputer ce bénéfice, lorsqu'ils remet-trontles capitaux qu'on leur aura confiés.ll est probable qu'ils devanceront tous ceux qui voudront de l'argent comptant : d'ailleurs, la caisse de la banque remboursera toujours ces billets en ar-ent, à la volonté des porteurs, avec les fonds u Trésor de l'Etat.
Il y aura peut-être des personnes qui imagineront qu'une augmentation de numéraire aussi considérable que celui qui s'établirait par cette banque pourrait devenir préjudiciable au commerce. Je répondrai que quoique l'énorme somme qui compose la dette nationale n'existe pas en argent, elle n'en a pas moins la même représentation en papiers royaux, dont la manière de circuler fait tenir dans le portefeuille du riche la place que leur valeur en or représenterait dans son coffre. Je répondrai encore que l'Angleterre, qui n'a que 9 millions d'habitants, a 7 milliards, tant en espèces qu'en billets de banque et de l'Echiquier, ce qui fait 874 livres par chaque tête.
En France nous n'avons à peu près que 4 milliards d'espèces ou effets royaux à partager entre 25 millions de sujets, ce qui fait 160 livres par chaque tête. Il nous faudrait donc 121,850 millions, pour que les Français eussent une proportion d'effets circulants équivalente à celle des Anglais.
Voilà le précis de mon projet ; je désire qu'il puisse concourir à éteindre la dette de l'Etat. C'est à l'Assemblée nationale à dévoiler le vrai, le faux ou l'apparent de tous les moyens qu'on lui .propose ; la raison appuyée du calcul et de l'expérience doit être préférée, en pareille matière, à l'éloquence trompeuse qui nous écarte souvent de la vérité par les charmes de son délire.
Vues générales sur l'impôt des aides, les inconvénients de sa suppresion et la possibilité de sa réforme (1). (.Imprimées par ordre de l'Assemblée nationale et renvoyées au comité des finances.)
Messieurs, plusieurs cahiers proscrivent, dit-on, l'impôt de£ aides, et on peut en avoir conclu qu'il était généralement et justement odieux ; comme s'il n'était pas possible qu'on eût pris dans plus d'un bailliage la voix de quelques mécontents, pour le cri général de toute l'Assemblée, et comme si la haine publique était toujours exempte d'erreur et de prévention.
D'ailleurs le sacrifice d'un revenu de 42 millions est-il bien possible aujourd'hui sans entraîner des rejets ou des remplacements plus onéreux? Et ne conviendrait-il pas mieux de rechercher si les aides ne seraient pas susceptibles de réformes et d'une organisation plus heureuse, qui conci-
lierait le yu des peuples avec les besoins de l'Etat? , V1
C'est aux lumières de l'Assemblée nationale qu il appartient de résoudre ce problème, et nous osons lui soumettre à ce sujet quelques réflexions, sans autre but que le désir de nous montrer utiles, et d'acquitter une portion de la dette sacrée que tous les bons citoyens ont contractée envers la patrie.
Nous poserons d'abord pour base de tous nos raisonnements un principe fondamental, reconnu par de grands administrateurs, et récemment consacré par un écrivain célèbre, que dans un vaste empire les terres ne peuvent pas porter seules le fardeau de l'impôt, et qu'il doit être nécessairement partagé par les consommations.
Mais tous les objets qui se consomment ne peuvent pas être indistinctement imposés; il faut:
1° Que la denrée assujettie ne soit point de première nécessité, qu'elle soit abondante, d'un usage commun, mais cependant volontaire* de manière qu'on reste libre de se soustraire ou de se soumettre à l'impôt ;
2° Que la nature de cette denrée la rende propre à différents commerces, afin de pouvoir multiplier les cas de perception, alléger le fardeau en le divisant, le rendre insensible, indirect, et laisser moins d'appâts à la fraude ;
3° Que l'impôt puisse être modifié sur l'aisance, le numéraire et la circulation de chaque province ; que la perception soit susceptible de formes variées, et applicables à tous les systèmes ;
4° Qu'il puisse atteindre les différentes qualités de la marchandise assujettie, être proportionné à ses différentes Valeurs; et que celle d'un plus haut prix, et réservée à l'opulence, soit plus grevée que célle qui devient la consommation du peuple ;
5° Que la gêne des exercices indispensables pour la levée du droit porte principalement sur une classe de citoyens qui s'y soumettent par état, et s'exposent à bien d'autres désagréments ; que le surplus des consommateurs soient affranchis de droits et d'exercices (à moins qu'ils n'abusent), ou du moins sujets à des obligations si simples,si faciles à remplir,qu'elles ne puissent exciter aucunes plaintes raisonnables.
Or, ces aides, tant décriées, réunissent exclusivement l'universalité de ces caractères.
Mais pourquoi donc ce soulèvement contre elles, dira-t-on ? C'est qu'on a pris l'abus pour la chose; la dépravation survenue dans lé régime, pour le régime lui-même. C'est parce que les perceptions se sont compliquées avec les temps ; parce que leur bigarrure et leur différence de province à province ont fatigué l'attention, jeté la confusion dans les idées, et favorisé l'esprit fiscal, qui peut sans doute avoir quelques reproches à se faire.
C'est enfin, et surtout parce qu'il existe un malheureux droit appelé gros-manquant, qui répand injustement sur les aides une défaveur qu'il peut bien mériter particulièrement, et dont le sacrifice aurait peut-être prévenu ou apaisé des plaintes qu'il fallait en tout cas circonscrire, et motiver pour qu'elles fussent justes et admissibles, et que nous allons apprécier.
Idées sommaires des droits d'aides tels qu'ils existent, et des réformes dont ils sont susceptibles.
Les aides, proprement dites, sont des droits qui se lèvent sur les boissons, soit à la vente en
gros, soit à la vente en détail, soit à l'entrée et à la fabrication dans certains lieux, d'où résulte la division simple et naturelle des trois articles suivants.
Droits de gros.
Les droits de gros sont composés, dans les généralités de Paris, Amiens, Châlons et Soissons,dugros proprement dit, qui consiste au vingtième du prix de la vente. Â ce droit s'en joignent d'autres, sous différentes dénominations qui n'ont pas également cours partout; mais leur ensemble s'élève communément à 7 ou 8 francs pour un muid de vin vendu à 50 livrés, tandis que les autres provinces d'aides ne sont sujettes qu'à un droit léger qui n'est pas encore uniforme, mais qu'on peut évaluer à 15 sous par muid.
Cette diversité d'assujettissement a donné lieu à une foule de perceptions, à l'arrivée, au passage, à la sortie de provinces exemptes* ou différemment sujettes. Cette perception gêne leur commerce et leurs relations réciproques, multiplie les entraves, les formalités, rend souvent leurs limites respectives le théâtre d'une sorte de guerre avec les agents du fisc, et donne de l'impôt des idées fausses et fâcheuses. Elles s'adoucissent heureusement presque toujours à mesure qu'on avance dans l'intérieur de la province sujette, et qu'on s'éloigne de ces tracasseries locales ; ce qui prouve que la perception, simplifiée et réduite à ses bases élémentaires, n'aurait rien que de très-supportable. Un impôt unique, égal partout, acquitté une seule fois, ferait cesser toutes les plaintes : alors'le vin et autres boisson s ne seraient plus arrêtés dans leur marche; débarrassés de toute déclaration et de tout payement ultérieur, ils pourraient circuler avec liberté dans tous les pays d'aides.
Ces raisons -solliciteraient la suppression de tous les droits affectés à certaines provinces, à certaines villes, à certaines rivières. On ne peut trouver aucun motif raisonnable de ces disparités.
On comprendrait aussi dans la même proscription les droits appartenant aux villes, et dus au passage. Leur établissement est encore plus ridicule, plus inique. Chaque ville doit fournir à ses dépenses, et il est indécent que les provinces étrangères payent ses fantaisies ou ses besoins.
On observera peut-être que les vins, différents dans leur qualité, doivent l'être aussi dans leur imposition.
Il conviendrait donc, pour le maintien d'une juste répartition, d'asseoir le droit sur leur prix; le fixant au dixième, le vin vendu 40 livres n'acquitterait que 4 francs, . et celui vendu 200 livres en payerait vingt. Cette quotité établie généralement partout, il en résulterait un bénéfice pour le fisc, une diminution pour les vins ordinaires des provinces sujettes au gros, une augmentation pour les exemptés; mais la répartition serait juste, et les dernières trouveraient une indemnité dans les suppressions déjà indiquées, dans les modérations que nous allons détailler, et enfin dans la liberté de la circulation. La portion de Pcau-de-vie sujette au gros est à peu près dés 3/20es, et comme elle est encore d'une moindre nécessité que le vin, on pourrait laisser subsister cette taxe.
Enfin les droits de gros sont dus non-seulement à la vente, mais à toute revente, et la liberté du commerce demanderait le sacrifice de ces derniers droits. 11 ne serait pas considérable, et serait avantageux, en ce qu'ils arrêtent les spécula-
tions des particuliers qui n'osent, dans les années d'abondance, s'exposer à des achats considérables de vin (1), dans la crainte que les droits ne les frustrent de leurs bénétices. Les marchands ordinaires éludent la loi par des procurations collusoires, ce qui les entretient toujours dans un esprit de fraude.
Il reste enfin de ramener les esprits sur le compte de ce gros-manquant si abhoré, et qui a fait, dans plus d'une imagination, tout le malheur des aides. Ce gros-manquant n'est autre chose que le droit de vente ou gros exigé de celui qui, d'une année à l'autre, présente une consommation plus forte que celle largement arbitrée par le législateur, lequel regarde alors cet excédant comme vendu en fraude. La définition seule ne respire pas moins tout l'esprit fiscal, et il faut convenir que c'est là son triomphe ; mais ce droit disparaîtrait des aides qu'elles marcheraient encore ; et quand même son utilité à certains égards le ferait conserver, il est tant de moyens de l'adoucir, qu'il ne resterait plus de sujets de plainte.
Droits de détail.
Cette branche de perception est la richesse des aides. Ils s'élèvent chez tous ceux qui font commerce et débit de boissons en détail. L'imposition n'est point uniforme; elle est connue, dans la Normandie et la Picardie, sous le nom de quatrième. Elle consiste au quart du prix de la vente grevé de 8 sous pour livre. L'impôt est exorbitant et rompt toutes les proportions qu'il devrait avoir avec la valeur de la denrée.
Dans les autres provinces, c'est le huitième; mais la dénomination est trompeuse, et le droit est fixe, et surtout beaucoup plus modéré que le quatrième.
Enfin beaucoup de villes réunissent à ces droits des octrois plus ou moins considérables : ce sont des droits qu'elles ont originairement levés à leur profit; le Roi se les est appropriés, et a créé un doublement pour indemniser ces mêmes villes. Il a ensuite grevé le tout de sous pour livre, qu'il faut, en général, regarder comme droits d'aides, pour avoir des résultats certains.
Cet exposé indique encore une complication qui n'existe que trop, et qui prouve qu'une routine a été jusqu'à présent la base des impositions. Un droit a donné lieu à un autre; un mal a été la source d'un plus grand; une ville a été surchargée par la seule raison qu'elle était déjà chargée, et le fardeau est devenu insupportable pour plusieurs.
Il s'agit donc de refondre les tarifs, et de rétablir entre eux et les objets pour lesquels ils ont été faits, une proportion que le temps a détruite; d'établir pour le détail un droit unique, sous une seule dénomination, mais adaptée cependant aux différentes villes, aux différentes provinces, de manière que leur numéraire, leur aisance, et surtout le salaire de leurs ouvriers, soient le fondement de cette répartition. Ainsi le huitième, tel qu'il se perçoit aujourd'hui, pourrait convenir
à beaucoup de provinces ; mais les moins aisées demanderaient une modération, et les villes une augmentation, suivant leur opulence.
On placera seulement ici une réflexion bien faite pour obtenir la grâce des droits de détail».
C'est qu'ils frappent, en dernier résultat, de la manière la plus douce et la plus insensible, sur une foule de gens qui échapperaient à l'impôt sans celui-là: c'est qu'ils sont payés réellement par le débitant qui les a reçus d'avance, et les prélève sur son bénéfice calculé en conséquence; c'est enfin qu'en les supprimant, on ferait gratuitement un don très-considérable aux cabaretiers, s'ils vendaient au même prix, comme cela arriverait quelquefois, ou une faveur insensible, mesquine, dérisoire aux consommateurs, en supposant que le prix dût diminuer pour eux.
On n'aurait donc à objecter que la gêne des exercices (1). Mais tout redevable de bonne foi avouera qu'ils ne gênent vraiment que les fraudeurs, et que tout homme voué librement et par état à la dépendance du public, et aux dégoûts d'une profession presque servile, doit être médiocrement affecté de voir dans sa maison deux hommes de plus, qui viennent de temps à autre y constater son débit.
Quant aux bourgeois qui vendent le vin de leur cru à pot, l'ordonnance de 1680 défend aux commis d'entrer dans leurs chambres, ce qui prouve qu'on peut allier la sûreté du droit avec la liberté du citoyen.
Droits d'entrée.
Les villes étant le foyer des arts, de l'industrie et d'une plus grande aisance, la retraite du rentier, du bourgeois et d'un grand nombre de personnes et de propriétés que tous les impôts ne peuvent atteindre, il a été bien imaginé sans doute de grever les consommations à l'entrée de certains lieux. Mais le temps a dénaturé cette institution et ses motifs. Des villes descendues à l'état du dernier village sont restées sujettes ; d'autres, faibles et pauvres dans leur origine, ont pris un accroissement considérable en tout genre, sans être plus fortement imposées, de sorte que l'équilibre n'existe plus à cet égard entre le tarif et le lieu tarifé. Il est facile de le rétablir par l'affranchissement des unes et l'assujettissement des autres.
L'imposition est au surplus de plusieurs droits,
sépares d'abord, et successivement réunis, qui n'ont pas tous également cours partout, et ont même souvent un régime particulier, susceptible cependant d'une division générale en entrées journalières et eti entrées d'inventaire.
Les premières sont définies par le nom, et les autres tirent le leur de l'inventaire des vins qui se fait chaque année chez tous les habitants des lieux sujets, six semaines après l'ouverture des vendanges. Le droit est alors exigible. Il est désastreux pour les pays de vignobles (1): son recouvrement est de la plus grande difficulté; il ne peut se faire qu'à l'aide des contraintes, des saisies, parce qu'il oblige le vigneron à des avances ruineuses, qui sont la plus forte satyre du spécieux système d'un impôt unique sur les vignes.
Mais il est facile d'obvier à ce désordre, en ramenant le droit à l'esprit de la loi, qui a en vue la consommation. Les vins vendus en dehors n'en font point partie.
Une réfusion de tous ces droits en un seul serait très-utile, mais son uniformité partout serait injuste, parce que toutes les villes n'ont pas les mêmes ressources; et les principes adoptés pour les droits de détail seraient la règle d'une nouvelle répartition, de façon que tout balancé, le produit général fût le même que celui qui résulterait d'un droit de 3 livres par muid de vin, et 12 livres par muid d'eau-de-vie, s'il était également établi dans toutes les villes.
Difficultés du remplacement et avantages de la conservation.
Nous venons de prouver que les aides sont susceptibles de réforme. Voyons à présent si elles pourraient être remplacées dans le cas où nos preuves paraîtraient insuffisantes.
Proposera-t-on une nouvelle taxe sur les terres, et d'ajouter le produit des aides à l'impôt territorial qu'un nouvel ordre de choses semble annoncer? Mais il est impossible que les fonds déjà grevés d'un imposition d'environ 200 millions, qui absorbe le quart de leur produit net (2), supporte cette nouvelle charge, sans entraîner la ruine des propriétaires et des cultivateurs.
On observera peut-être que la valeur des productions territoriales croîtra avec l'impôt ; mais , cet accroissement est heureusement chimérique (3), et s'il pouvait avoir lieu, il deviendrait
une nouvelle calamité, en détruisant notre industrie, parce que la main-d'uvre renchérissant dans la même proportion, les productions de nos arts ne pourraient plus soutenir la concurrence de nos rivaux.
. Si tous les fonds ne peuvent supporter cet impôt, il est évident que les vignes le supporteraient encore moins. Leur portion aux vingtièmes ne peut être évaluée, pour les pays d'aides, qu'à 9 millions. Et comme les droits sur les vins s'élèvent à 42 millions, il s'ensuivrait que l'arpent de vigne qui paye 9 francs de vingtièmes en acquitterait 42 pour le remplacement des aides, et au total 51. Mais il faut un arpent de vigne d'un grand rapport pour être affermé à cette somme.
Reportera-t-on l'impôt sur les vins au moment de leur fabrication ? Alors on forcera les vignerons aux avances ruineuses que nous avons reprochées aux droits d'entrée, et leur condition deviendrait même d'autant plus dure, qu'ils seraient incertains de la rentrée, et que leur propre consommation se trouverait assujettie.
Et c'est ici surtout qu'on peut juger du grand avantage d'une perception indirecte qui, suivant la denrée dans les différentes mains par lesquelles elle passe, ne l'affecte jamais que d'une manière douce et insensible pour le vendeur, qui voit son bénéfice à côté de l'impôt, et pour l'acheteur qui le confond avec le prix de la vente.
Un nouvel impôt personnel ne serait pas moins impraticable dans son exécution ; s'il n'affectait que les débitants, la taxe en devrait être si forte qu'il deviendrait nul, parce qu'ils seraient dans l'impossibilité de l'acquitter. S'il enveloppait au contraire tous les citoyens, il serait doublement injuste, en substituant à un impôt volontaire un impôt forcé, et en livrant les contribuables à l'arbitraire inséparable de cette forme de perception plus oppressive que la contribution elle-même, son produit élevé à une certaine hauteur serait le plus grand de tous les fléaux; il dévorerait également la subsistance de l'ouvrier et les fruits de l'industrie; il tarirait dans leur source les richesses de l'Etat, en desséchant les bras destinés à leur vivification (1).
Ces réflexions, dont on ne peut combattre la justesse, ramènent invinciblement à la nécessité d'établir des impôts qui, de toutes les denrées, sont les plus propres à subir cet assujettissement.
Ainsi, les aides modifiées selon le plan qu'on vient de tracer présentent l'impôt le plus équitable par sa nature, le plus doux dans ses effets, et le plus volontaire par la liberté qu'il laisse toujours de s'y dérober.
Nous ne craindrons pas de dire qu'elles doivent être conservées ; mais nous oserons ajouter que l'opération la plus utile dans les circonstances actuelles serait de les étendre dans l'universalité du royaume, où elles sont déjà connues eu grande partie sous d'autres dénominations : ainsi, en Languedoc sous le nom d'équivalent; en Bretagne, sous celui de devoirs; d'ailleurs, toutes les provinces devant être soumises au même régime, pourquoi l'impôt n'y serait-il pas uniforme ?
Nous répondrons à ceux que le mot d'aides
pourrait révolter, qu'eu Angleterre, où la science de l'administration est le mieux connue, l'impôt sur les boissous, l'accise, forme la branche la plus importante des revenus publics, et que le peuple le plus jaloux de sa liberté n'a pas craint de se soumettre aux gênes qui en accompagnent la perception.
Nous leur rappellerons aussi que ces aides si odieuses ont cependant pris naissance au sein des états généraux, qu'aucun autre impôt ne peut s'enorgueillir d'une source aussi pure, et qu'elfes seules constituent aujourd'hui un impôt vraiment national.
Mais ce qui doit achever de leur réeoneilier les esprits les plus prévenus, c'est que leur extension assurerait un revenu qu'on ne peut pas évaluer au-dessous de 85 millions (1), susceptible d'accroissement ou de diminution au gré des besoins de l'Etat : elles remplaceront d'abord les gabelles qu'il devient impossible de défendre contre les reproches graves et malheureusement trop mérités qu'on leur fait de toutes parts, et l'excédant pourrait ensuite être appliqué à la diminution progressive de la taille dans les provinces nouvellement assujetties, qui préféreraient ce soulagement à tous ceux qu'on peut leur destiner.
La perception des aides dans tout le royaume procurerait encore plusieurs autres avantages qui doivent être comptés pour quelque chose. Elle deviendrait singulièrement utile aux législateurs, au ministère, au commerce. En établissant dans tout le royaume (sans assujettissement à aucuns droits) les inventaires généraux des vins, après leur récolte, le résultat en serait présenté, chaque année, à la législature, et combien n'y trouverait-elle pas de sujets d'encouragements ou de redressements ! Quel fonds de spéculations, soit pour l'importation soit pour l'exportation !
Quelle base pour les traités de commerce avec l'étranger !
Nous devons enfin observer que la régie des aides passe, dans l'esprit même de ses détracteurs, pour être ingénieuse, savante et parfaitement bien ordonnée. L'esprit d'ordre, de suite, de méthode et de bonne comptabilité en distingue les employés, capables en général de régir presque toutes les parties de finance, sans possibilité respective. Aussi les villes leur ont-elles généralement confié leurs droits, et la plus forte partie de leurs revenus serait absorbée par un accroissement de frais, si la machine des aides était détruite.
Nous avons pensé que cette ébauche rapide pouvait être utile, et nous l'avons publiée.
Si les développements qu'elle indique pouvaient exciter l'attention de l'Assemblée nationale, nous nous empresserions de les fournir de même, c'est-à-dire, avec aussi peu de prétentions, mais
(1) Nous nous croyons bien dispensé de prévenir que les calculs ne sont que par approximation, mais nous avons cherché à, nous rapprocher de la vérité; et, pour y parvenir, nous avons d'abord établi le produit général des droits sur les, vins, tels qu'ifs se perçoivent aujourd'hui. Nous en avons ensuite défalqué les pertes qu'occasionneraient les modérations proposées, et à la somme restante nous avons joint le bénéfice du gros. Voilà donc l'aperçu du produit des pays d'aides, d'après notre nouveau régime, et, à l'aide de ce produit, évaluant celui des provinces franches, nous sommes parvenu ;i la masse totale du royaume. Mais tous nos calculs ont été à là défaveur du droit, et nous verrions sans étonnement qu'il s'élevât plus haut.
LEMENTA1RES. 12 octobre 1789.}
avec un zèle également pur et désintéressé pour le bien public, qui sera toujours l'unique objet de nos méditations et de nos reoherches.
Produit par aperçu des drQits sur les vins établis dans tout le royaume.
Produit effectif des aides... 42 millions. À déduire pour les réformes proposées :
Sur les droits au passage................. t million l
Sur les sous, pour li- i
vre des octrois, des pays » f .
d'aides,...,.......5 » t
Sur le détail........ 4 » \
Sur les entrées....... 3 I
Reste. ........... 29 militons.
A ajouter pour les bénéfices du gros............. ............ 8
Total des droits des pays d'aides 37 millions., A ajouter pour les. provinces nouvellement assujetties............. 48
Total général du produit de tout le royaume...................... 85 millions.
On comprend ici tous les droits qui se perçoivent sur les boissons, ceux confiés à la régie, ceux perçus dans la banlieue de Paris, dans l'apanage d'Orléans, et dans la ville de Versailles.
Dans certains comptes, on a détaillé tous les droits sur les vins et on n'a porté les droits d'aides que pour 24 milions. C'est l'idiome fiscal, pour désigner les anciens droits ; il a cependant donné lieu à l'illusion, et on a assez généralement conclu que tous les droits sur les boissous ne s'élevaient qu'à cette somme. Mais les cour-tiers-jaugeurs, inspecteurs aux boissons et octrois municipaux, et la plus forte partie des droits réservés:, et des sous pour livre des parties étrangères, se lèvent également sur les boissons, et sont donc de véritables droits d'aides dont l'ensemble s'élève à 42 millions.
Motion de M. le baron d'Allarde sur un nouveau régime des finances (1) (imprimée par ordre de l'Assemblée nationale et renvoyée au comité' des finances).
(Nota.Nous réunissons ici les deux motions faites par M. le baron d'Allarde dans les séances des 2 octobre et 21 novembre 1789. Ces documents importants gagneront à ne pas être scindés.)
Messieurs, la balance entre la recette et la dépense n'existait pas, lorsqu'une guerre inévitable a nécessité des ressources.
La masse des impôts était tellement vicieuse, que le ministère a redouté des accroissements qui augmenteraient l'inégalité des contributions.
Dès lors on a fait usage des améliorations les plus équitables ; elles ont été insuffisantes. La confiance et le crédit font permis des emprunts, mais ils se sont rapidement succédé ; l'abus de cette ressource a eu des conséquences funestes : les conditions d'emprunts sont devenues plus
onéreuses; les rentes viagères se sont multipliées ; la balance de notre commerce n'a plus été suffisante pour subvenir aux intérêts que la France doit à l'étranger ; l'exportation du numéraire existant en circulation a diminué dans la proportion de cette insuffisance ; le discrédit était la conséquence de cette exportation ; il est extrême : il ne cessera que lorsqu'un nouveau régime d'impositions présentera le rétablissement du rapport entre la recette et la dépense, lorsqu'il assurera l'existence d'un revenu libre pour l'amortissement, lorsque enfin l'excédant de recette garantira de nouveaux subsides pour les temps de guerre.
Tels sont, Messieurs, les différents points de vue sous lesquels il est indispensable de s'occuper de la régénération des finances; le décret, qui met la dette publique sous la sauvegarde de la nation, est un acte de justice : il demeurerait sans effet, si vous n'adoptiez que des palliatifs; il aura son entière exécution, si vous prenez les moyens propres à rassurer les créanciers de l'Etat.
Vous y parviendrez aisément, Messieurs, sans le secours de contributions pénibles, par la meilleure combinaison des impôts, par l'égalité des répartitions.
En effet, l'assiette actuelle des impositions, en y comprenant : 1° le remplacement qu'exigerait la modération du prix du sel; 2° l'accroissement que procurerait la renonciation du clergé et de la noblesse à tous privilèges d'exemption ; 3° l'établissement ou l'extension du droit de timbre, pour compenser la dépense que nécessitera la justice gratuite, s'éleverait à... 585,000,000 livres.
Vous pouvez évaluer les bénéfices de la contrebande, les vexations qu'exige la perception d'une grande partie des impôts indirects au moins à. 25,000,000
Ainsi, la charge réelle des
peuples serait de....................610,000,000 livres.
Le produit de ces contributions pour le Trésor public
n'excéderait pas......................493,000,000
Excédant en pure perte (1). 117,000,000 livres.
Cette vérité, Messieurs, émane de bases incontestables ; vous la reconnaîtrez aisément, si vous considérez que la répartition arbitraire entraîne des non-valeurs, des décharges et modérations ; que les traitements des percepteurs sont énormes, que les frais de perception sont exorbitants ; enfin, que les bénéfices de la contrebande ne tournent jamais au profit de l'Etat.
Ne croyez pas, Messieurs, que ce soit à cette
régime
énerve l'industrie, il restreint le commerce ; et lorsque vous aurez affranchi la nation de vexations aussi funestes, lorsque vous aurez établi un mode d'impositions plus conforme aux principes de l'équité, de la politique, de la moralité, je dirai même de l'humanité, la richesse nationale augmentera dans une proportion incalculable.
Au surplus, Messieurs, ce parti est d'autant plus indispensable, qu'un revenu libre de 493,000,000 livres serait insuffisant pour les dépenses de l'État, nonobstant les économies et les réductions
que vous déterminerez. Dès lors il existerait en-> core un déficit; il n'y aurait aucun moyen de fonder une caisse solide d'amortissement, et la ruine de l'Etat serait infaillible à l'ouverture des premières hostilités (1).
Telles sont, Messieurs,les causes du discrédit; le retour de la confiance dépend d'un nouvel ordre de choses, d'un nouveau régime d'impositions; je dois vous l'exposer et le soumettre à votre décision.
Avant d'entrer dans la discussion d'un nouveau plan de finances, il est indispensable d'en poser les bases.
1° L'impôt est la contribution que chaque citoyen doit à l'Etat, proportionnellement à ses facultés : ainsi la juste répartition entre les provinces est à désirer, celle des provinces entre les paroisses doit avoir les mêmes bases, les municipalités doivent avoir la même attention pour la répartition entre les contribuables ; tels sont les principes sur lesquels il me paraît qu'on peut asseoir un impôt de propriété ; ils sont consacrés par la renonciation des provinces et dés privilégiés, à Vexercice de tout affranchissement ou modération contraires à l'égalité des répartitions.
Ainsi, l'impôt de propriété doit réunir les impositions foncières et les impôts indirects, dont l'exercice tombe à la charge de la propriété ; mais il faut adopter en même temps une base de répartition, exempte de l'arbitraire, et proportionnelle aux facultés.
2° Il serait injuste de faire supporter aux propriétés tout le poids de la charge publique : le citadin doit une contribution ; le citoyen qui vit du commerce, de l'industrie, d'un état lucratif, ainsi que le capitaliste et le rentier, doivent leur contingent à l'Etat : une taxe personnelle des impôts sur les consommations des villes; tels sontïeâ moyens de" faire' contribuer les citoyens non pro-
priétaires ; le cultivateur ne doit point supporter ces impôts, puisque, dans ce cas, la propriété serait doublement taxée.
Ces bases posées, je propose, Messieurs : 1° impôt de propriété sur toutes les propriétés foncières ; 2° impôt personnel pour le citadin et l'habitant des campagnes non cultivateur, mais à l'exception du journalier dont le travail sera réellement imposé par l'impôt de propriété ; 3° impôt de consommation dans les villes, et licence ou permission de cabaret dans les campagnes.
A ces impôts, qui formeront plus des 3/5mes du revenu public, doit être ajouté le produit de divers impôts indirects, qui dépendent des facultés ou de la volonté des contribuables, et quelques autres articles de revenus.
De l'impôt de propriété et de Vimpôt personnel.
La taille, la capitation et autres impositions foncières; les gabelles et droits sur les sels ; les droits de circulation de province à province, le droit de la marque des fers ; celui de fabrication des huiles; ceux d'abord et de consommation sur le poisson de mer ; les droits d'aides et autres de cette nature, perçus localement, ou à la circulation; les droitsd'aubaine,d'échange,d'usage etnouveaux acquêts, d'amortissement, de franc-fief; les droits perçus au profit du Roi sur les procédures; ceux dus à la mutation des offices; enfin les droits de péage et ceux de minage exigent, dans l'universalité du royaume (Paris non compris), une perception de (l)............. 312,000,000 livres.
Les bénéfices de la contrebande, les saisies, les acco-modements clandestin s, coûtent au moins............. 18,000,000
Total..... 330,000,000 livres.
Je propose de remplacer ces perceptions : 1° par un impôt sur les propriétés de. 240,000,000
2° Par un impôt personnel ou capitation, de.......... 30,000,000
Total...... 270,000,000 livres.
Je propose, en outre, que les proviuces soient chargées des dépenses ci-après : Ponts et
chaussées...
Travaux de charité.....
Dépenses pour la destruction de la mendicité...
Dépenses des haras...
Gurement des rivières,
environ.....
Soulagements et ino-dérations pour acci-
5,680,000 liv. 1,896,000
1,144,000 814,000
200,000
A reporter. 9,734,000 270,000,000 livres.
Report.... 9,734,000
dents imprévus, comme grêles, inondations, etc.,
environ..........5,266,000
270,000,000 livres.
Total..... 15,000,000 liv.
Et que pour subvenir à ces dépenses, ensemble aux frais de recouvrement, ainsi qu'à ceux d'administration des assemblées provinciales, de districts et de municipalités, l'impôt de propriété et l'impôt personnel soient grevés de 2 sous par livre..
27,000,000
Total........ 297,000,000 livres.
Les perceptions actuelles
montent à................ 330,000,000
Gonséquemment les deux impôts de remplacement offrent un soulagement réel en faveur des contribuables,
de....................... 33,000,000 livres.
Peut-être m'objectera-t-on que la fixation de ces impôts à la somme de 297 millions, y compris les deux sous pour livre au profit des assemblées provinciales, est une charge trop pesante pour les propriétés foncières ; on pourrait observer que les taille, capitation, décimes du clergé, et autres impositions sur les propriétés, ne s'élèvent, dans le moment actuel, qu'à 192 millions; que sur le montant de ces impositions, il est accordé une remise (à titre d'indemnité, décharges et modérations), d'environ 12 millions ; qu'ainsi ces impôts ne sont que du produit net de 180 millions ; et qu'en supposant à 25 millions l'accroissement dont ils seraient susceptibles peur cause de la renonciation du clergé et de la noblesse, à toutes exemptions pécuniaires, la contribution de l'impôt personnel et de celui de propriété ne serait que de 205 millions, en sorte que la surcharge proposée est réellement de 92 millions.
Je dois prévenir et résoudre cette objection : 1° il est constant que les 2/20cs et 4 sous pour livre du premier sont fort éloignés du taux de l'imposition, puisqu'ils ne s'élèvent, y compris les décimes du clergé, qu'à 66 millions ; tandis qu'en évaluant la propriété foncière à un produit net de 1,200 millions, le 1/10® et les 2 sous pour livre formeraient une imposition de 132 millions ; ainsi, en ramenant la perception du droit au taux déterminé par les règlements, les dixièmes seraient susceptibles d'un accroissement de 66 millions ; 2° sur le produit de l'impôt de propriété, les provinces emploieraient au moins 15 millions en modérations, décharges et dépenses d'utilité ; 3° le propriétaire supporte réellement les impôts indirects qui seront confondus dans l'impôt de propriété, car le fermier ou le cultiva' teur considère la masse des dépenses de son exploitation, et règle les conventions de son prix de ferme à la déduction de ces mêmes dépenses ; 4° la suppression des dîmes, sauf un remplacement quelconque en Ja faculté du rachat des cens, rentes foncières et droits féodaux, doit néces-
sairement contribuer à un accroissement très-, sensible sur la valeur des propriétés.
Je crois donc, Messieurs, que l'objection ne serait pas fondée, quant à la fixation de l'impôt; mais il est essentiel de déterminer entre les provinces les bases d'une égale répartition.
J'ai dit que les impôts de propriété montent à la somme de 192 millions, y compris lesdécimes du clergé, mais ces impôts ne sont point également répartis ; les provinces sujettes à la gabelle, ' aux aides sont plus ménagées sur la contribution territoriale. Les provinces exemptes de ces impôts ont été plus fortement imposées sur la taille accessoire et autres impositions ; et la taille est telle, dans quelques provinces, que le principal est dans la proportion de 5 à 6 sous pour livre du produit de la propriété, en sorte que dans ces provinces l'imposition générale excède 10 sous , pour livre ou moitié du revenu de la propriété, sans préjudice de l'impôt des vingtièmes.
Il est donc évident, Messieurs, que, si l'on adoptait la masse générale des impositions pour proportion de l'impôt de propriété, il subsisterait un vice essentiel d'inégalité dans la répartition, puisque les provinces grevées des aides et des gabelles, et pour cette raison plus ménagées sur la taille et accessoires, ne contribueraient à l'im-* pôt de 'propriété, qui doit remplacer ces différentes impositions, que dans une proportion fort inférieure à celle des provinces non soumises aux aides et gabelles, et qui par cette raison payent la taille et accessoires, ou autres impôts représentatifs, dans une proportion fort supérieure aux provinces d'aides et de gabelle.
Les vingtièmes et décimes du clergé n'ont
? point cette inégalité de répartition : ces impôts sont assis, dans l'universalité du royaume, sur les mêmes bases, sur les mêmes principes : il ne subsiste aucune exception, aucun privilège d'affranchissement ; et s'il existe des modérations de faveur, elles sont partielles, et conséquemment à peu près égales dans toutes les provinces dont le royaume est composé.
D'après ces bases, je pense, Messieurs, que l'impôt de propriété doit être réparti entre toutes les provinces, dans la proportion des vingtièmes et décimes-du clergé; c'est-à-dire dans la proportion du quadruple, puisque l'impôt de propriété, y compris les 2 sous pour livre, sera tixé à 264 millions, et qu'il sera conséquemment quadruple des vingtièmes et décimes qui montent ensemble à 66 millions.
En adoptant cette proportion, vous vous rapprocherez, autant qu'il est possible, de l'égalité
> des répartitions. Cependant on ne doit pas se dissimuler qu'il existera quelques disproportions entre l'impôt et les facultés relatives des propriétés de chaque province; mais on se ferait illusion en se flattant d'atteindre dans le principe une parfaite égalité de répartition. On ne peut l'espérer que du temps ; et lorsque les disproportions seront connues, il sera facile d'y remédier par des modérations successives en faveur des
-provinces les plus chargées, jusqu'à ce que l'impôt ait atteint le niveau dans chaque province ; il sera juste et facile, Messieurs, d'y appliquer une partie de l'extinction de la dette par les opérations de la caisse d'amortissement, dont je ne tarderai pas à vous entretenir.
Ainsi l'impôt de propriété, l'impôt personnel, qui sera fixé à raison du huitième de celui de .. propriété, remplaceront des impositions beaucoup plus onéreuses ; le sort des peuples sera véritablement soulagé, et vous aurez adopté des pro-
portions analogues à l'équité, en fixant l'impôt sur la proportion des vingtièmes et décimes.
Ici, Messieurs, je dois vous observer qu'en réglant entre les provinces la répartition, je n'entends pas vous proposer d'anéantir les modes adoptés dans quelques provinces, pour subvenir au payement de leurs impositions foncières : en Bretagne, par exemple, le prix des abonnements d'une partie de ces impositions est fourni par le produit de l'impôt des devoirs, et si les Etats, ou pour mieux dire, l'assemblée provinciale de la Bretagne préfère ce mode de perception, rien ne s'oppose à ce que cette province conserve le régime actuel, pourvu qu'elle tienne compte à la caisse nationale du montant de son abonnement pour l'impôt de propriété.
Il en sera de même des autres assemblées provinciales : chacune connaîtra le montant de sa contribution, et sera libre de choisir le mode de perception qui lui paraîtra le plus avantageux.
Je pense même, Messieurs, qu'il sera convenable de laisser à chaque municipalité le choix du mode d'imposition, pourvu qu'elle verse, dans le terme prescrit, le prix de son impôt de propriété dans la caisse nationale. En effet, il peut se trouver des communautés dont les habitants, en tout ou partie, préféreront payer leur taxe en denrées, d'autres qui donneront la préférence à la prestation pécuniaire; il sera très-utile d'accorder au redevable toutes les facilités propres à sa libération, lorsque le Trésor public ne souffrira point de ces arrangements particuliers. Je vous observerai même que ces facilités seront d'autant plus précieuses, qu'elles garantiront les non-valeurs, très-rares et très-difficiles au surplus, lorsque l'impôt ne portera que sur les propriétés, et que l'arbitraire des impositions personnelles n'existera plus (1).
De l'impôt de consommation dans les villes, et de licence dans les campagnes.
Indépendamment des impôts indirects qui seront composés par l'impôt personnel et par celui de propriété, il en subsiste plusieurs dont l'exercice, commun à toutes les provinces, porte le plus grand préjudice aux branches de commerce les plus intéressantes à l'industrie, aux consommations.
Ces droits sont la marque des cuirs, le droit de fabrication des papiers et cartons, celui des poudres et amidons, les droits d'inspecteurs aux Poissons, d'inspecteurs aux boucheries, de cour-tiers-jaugeurs, jauge et courtage, droits réservés, octrois municipaux, offices supprimés, sous pour livre des droits dont les principaux ne sont point acquittés au profit du Boi et droits abonnés à la Flandre maritime ; le produit de ces productions s'élève à (2).......... 35,721,000 livres.
Les saisies et vexations inséparables de ces perceptions peuvent être évaluées à....:................... 2,279,000
Ainsi ce genre de contributions forme un impôt réel_
de....................... 38,000,000 livres.
Je propose, Messieurs, de supprimer toutes ces perceptions bizarres, immorales et preuves vivantes du danger qu'il y a de consulter le génie fiscal, en fait d'impositions ; je propose de les remplacer par un abonnement de.................. 30,000,000
En sus duquel les provinces percevront 2 sous pour livre pour subvenir aux frais,et pour, concuremment avec les 2 sous pour livre des impôts précédents, pourvoir aux dépenses d'administration des assemblées provinciales et des municipalités, ci................ 3,000,000
Total,...... 33,000,000 livres.
Dès lors il y aura sur la masse des perceptions actuelles un bénéfice de 5 millions.
La répartition de cet impôt, entre toutes les provinces, me paraît, Messieurs, devoir être fixée par la somme de l'impôt de propriété, et à raison du huitième de cet impôt.
Pour subvenir à ces abonnements, les assemblées provinciales peuvent déterminer le prix des licences ou permissions de tenir cabaret, qui seront fixées par chaque paroisse et par chaque ville, dans la proportion des populations, des loyers, des localités et des consommations ; le prix de ces licences sera réparti entre tous les particuliers qui voudront tenir cabaret ; le surplus de l'abonnement peut être compensé par des droits d'entrée sur les boissons, denrées et comestibles destinés pour la consommation des villes, et dont la quotité sera réglée par les assemblées provinciales; enfin on peut y subvenir en partie par une taxe sur les domestiques et sur les chevaux.
Par ce moyen, il est sensible que les capitalistes, rentiers et autres, qui ne participeront point à l'impôt de propriété, payeront leur part contributoire des charges publiques, par l'impôt de consommation, indépendamment de leur ca-pitation ou impôt personnel.
Je ne vois donc aucune objection fondée contre cette forme d'imposition.
Des impôts de Paris.
Je vous observerai, Messieurs, que la ville de Paris acquitte l'impôt de propriété par les vingtièmes ; l'impôt personnel, par la capitation; celui de consommation, par les droits d'entrée.
Il ne peut y avoir de difficulté à l'abonnement de ces impôts, vis-à-vis de la municipalité de Paris ; et le prix de cet abonnement, en y comprenant la compensation de l'impôt du sel, et en prenant en considération les diminutions que pourront éprouver les perceptions relatives aux droits d'entrée, peut être fixé à la somme annuelle de 22,400,000 livres (1).
Mais au moyeu de cet abonnement, le Trésor public sera déchargé des dépenses relatives à la police de cette ville, aux frais de sa milice nationale,et de toutes les dépenses qui concernent l'entretien du pavé, l'illumination et autres généralement quelconques.
Impôts indirects et revenus dont la régie doit être
confiée à des administrateurs qui compteront de
leur produit au Trésor public.
Après avoir déterminé, Messieurs, le remplacement de la majeure partie des contributions actuelles, par l'impôt personnel, par celui de propriété, et finalement par celui de consommation dans les villes, je dois fixer votre attention sur les impôts indirects et sur les parties du revenu public, dont la perception ne peut être faite que par le concours d'une administration générale. Ce moyen est le seul de diminuer les traitements de la finance, d'obtenir des économies très-importantes sur la masse des frais de perception.
Ces objets sont : 1° les droits de traites à la frontière et dans les ports ; 2° l'impôt du tabac ; 3° la ferme des postes et celle des messageries ; , 4° un droit de péage par terre et de navigation sur les rivières ; 5Q la vente exclusive des sels à la Savoie, la Suisse, Genève et l'Allemagne; 6° l'administration des loteries ; 7° la régie du droit sur les cartes à jouer ; 8° celle du droit de la marque d'or et d'argent ; 9° la régie des hypothèques ; celle des droits de contrôle, insinuations, centième denier, et la vente du papier timbré; 10" un droit de timbre assez bien com- ' biné pour ne point inquiéter le commerce, et nécessaire pour indemniser, au moins en partie, des augmentations de dépenses qu'exigeront la justice gratuite et la suppression de la vénalité des charges; 11° les droits de maîtrise de Paris et des provinces ; 12° le droit de marc d'or sur les grâces, pensions, brevets et commissions de routes fortes; 13° la régie des poudres et salpê- . très, les monnaies et affinages, et l'intérêt des sGmmes prêtées aux Américains et à un prince d'Allemagne.
Ces objets, Messieurs, déduction faite des frais de régie et de perception, et des traitements des administrateurs, donneront un produit net et certain, au moins de (1) 161,850,000 livres.
Je n'entrerai point dans les détails de ces perceptions; je me bornerai à des observations très-sommaires.
Régie des traites. Vous apprécierez difficile^ ment, Messieurs, le préjudice que le commerce, l'agriculture et l'industrie éprouvent des perceptions de cette régie, telles qu'elles existent. M. Trudaine s'était occupé de la réforme de ces droits et de la rédaction d'un nouveau tarif : ce travail avait éprouvé les plus fortes contrariétés; il était indispensable ; il a été repris depuis dix ans, par les ordres de l'administration. Soumis à l'assemblée des notables, en 1787, il a été généralement accueilli ; son exécution devait suivre de près la séparation de cette assemblée : la ferme a trouvé le secret de la différer ; elle a sollicité une nouvelle révision ; tout a été discuté, je puis dire, avec minutie et partialité; il ne subsiste plus de prétexte à de nouveaux délais; il vous était réservé, Messieurs, de rendre au commerce une liberté réclamée par les états -généraux de 1614, liberté toujours promise, mais que l'art de la finance a trouvé le secret de différer jusqu'à présent.
Les détails de cette opération sont immenses : ils sont clairement exposés dans l'ouvrage de M. de Gormeré (2).
Impôt du tabac. Cet impôt doit-il être conservé ? Doit-il être remplacé par un accroissement sur l'impôt de propriété ? Ces questions sont importantes, elles méritent toute votre attention ; d'ailleurs on doit considérer que si l'impôt est conservé,plusieurs provinces seront privées de ce genre de culture, et qu'il sera naturel de les dédommager ; vous trouverez, Messieurs, dans l'ouvrage ci-dessus énoncé de M. de Gormeré, tous les éclaircissements propres à déterminer votre opinion.
Fermes des postes et messageries. Il ne peut y avoir de difficulté pour la conservation de cette branche de revenus ; je me contenterai d'observer que la désunion de ces deux parties a coûté des sommes énormes, et qu'il est indispensable de les réunir à la régie des traites, dont elles ne doivent jamais êtré séparées. Ce moyen est le seul d'obvier à la fraude énorme commise par les courriers et par les voitures des messageries : cette fraude n'est pas moins préjudiciable au commerce qu'aux intérêts du fisc, et cette considération est digne de fixer votre attention.
Droit de péage par terre et de navigation sur les rivières. Je considère la proposition faite à cet égard, moins sous le rapport de l'intérêt du fisc, que sous le point de vue d'utilité, dont la perception du droit peut être pour l'entretien des routes et pour la diminution de l'impôt en remplacement des corvées ; je me contenterai d'observer que cette perception serait simple et facile; qu'elle n'exigerait ni visites ni retard, et qu'elle n'aurait aucun des inconvénients reprochés, avec raison, à la majeure partie des impôts indirects. Vous trouverez, Messieurs, dans l'ouvrage que je vous ai cité, tous les renseignements propres à déterminer votre jugement ( l).
Vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse et l'Allemagne. Cette vente fait actuellement partie de la ferme des petites gabelles, et de la régie des traites ; elles prendra pius de faveur,lorsque la destruction des salines de Lorraine, des Trois-Evêchés et de la Franche-Comté permettra de substituer le sel marin au sel de salines, plus cher et de bonne qualité. Vous jugerez, Messieurs, de l'utilité de cette suppression par les détails consignés dans l'ouvrage que je vous ai cité (2).
Administration des loteries. C'est avec regret que je parle, dans cette Assemblée, d'une branche de revenus aussi honteuse. Vous en connaissez les funestes effets ; ils sont exposés avec énergie dans l'ouvrage de M. l'évêque d'Autun, dans le cahier de Nemours ; mais le produit est de dix millions, déduction faite des dons et actes de bienfaisance assignés sur cette partie. Vous jugerez, Messieurs, si la situation des finances n'excuserait pas la prorogation de cet impôt ; si la suppression des loteries ne contribuerait pas à la diminution du numéraire en France par les mises et les spéculations sur les loteries étrangères; ou si l'immoralité de cet impôt est une considération assez puissante pour ne pas différer plus longtemps sa proscription.
Droit sur les cartes à jouer. Cet impôt est à la charge du citoyen aisé; il exige, à la vérité,
l'exercice des fabricants ; mais il est possible d'en supprimer l'odieux, sans en diminuer le produit. Au surplus, en le conservant, il conviendrait d'ordonner la restitution du droit sur les exportations à l'étranger; cette condition, Messieurs, est importante ; il est impolitique d'exiger cet impôt sur les parties destinées pour l'étranger : c'est une interdiction formelle de toute exportation, et qui subsiste depuis l'établissement du droit.
Droit de la marque d'or et d'argent. Vous considérerez, vraisemblablement, Messieurs, ce droit sous le rapport de l'utilité publique ; et dès lors, en déterminant son existence, peut-être estime-rez-vous qu'il serait convenable d'en abandonner la perception au corps des orfèvres. Il m'a été assuré que ceux de Paris en avaient offert un prix de ferme supérieur au produit de la régie ; en prenant ce parti, vous concilieriez la perception du droit avec les égards dus à la tranquillité publique.
Régie des hypothèques. Le droit est peu considérable, et cette régie serait très-utile, si on adoptait, pour la législation des hypothèques, un régime qui, conservant les droits du créancier, procurerait de très-grandes facilités aux propriétaires : ces vues, Messieurs, ont besoin d'être développées ; elles exigent un mémoire particulier, dans lequel vous trouverez également le moyen d'adoucir le sort du débiteur malheureux, dont les fonds ne portent aucun intérêt, lorsqu'ils reposent dans la caisse des séquestres ou des consignations.
Droits de contrôle, insinuation et centième denier. La perception de ces droits a deux motifs très-distincts : celui de la sûreté publique, celui de l'utilité pour le fisc ; mais la perception est très-souvent arbitraire; les tarifs sont obscurs; les droits sont souvent réglés sur les qualités ; leur quotité est trop forte sur les conventions de peu de valeur ; vous jugerez, sans doute, que les extensions successives du génie fiscal doivent être bannies de cette perception; qu'il convient de l'établir sur des bases modérées, sur des principes clairs, et qui ne soient susceptibles d'aucune interprétation nuisible. Ces changements, Messieurs, exigent beaucoup d'attention et demandent un travail très-étenau ; heureusement il est achevé ; je suis en état de vous le soumettre et de vous présenter les différents tarifs de perception : le citoyen instruit et laborieux qui s'en est occupé, s'empressera de vous donner sur cet objet tous les renseignements qui seront demandés.
Vente du papier timbré. Le droit est dans une proportion assez modéré pour ne point exciter de réclamation ; je vous observerai seulement que l'abolition du régime féodal diminuera vraisemblablement le nombre des procès, et conséquem-ment le débit du papier timbré ; mais ce débit doit être étendu à toutes les provinces. Celles où l'usage du papier timbré n'est point établi, où les droits de contrôle ne sont point acquittés ne peuvent se maintenir dans cette exemption : toutes les provinces ont renoncé à leurs privilèges ; les impôts seront supportés proportionnellement aux facultés ; et ces dispositions ne permettent plus les exceptions à la perception des impôts qui sont nécessaires aux dépenses de l'Etat, à l'acquit de la dette publique.
Il sera même utile, Messieurs, d'examiner si le principe d'égalité dans les contributions permettra de conserver l'exemption du droit de contrôle en faveur des notaires de Paris.
Au surplus, en réformant la perception des droits de contrôle, en la rendant uniforme dans tout le royaume, en adoptant les mêmes principes pour le papier timbré, vous pouvez être assurés que cette partie du revenu public n'éprouvera point d'altération, qu'elle sera peut-être même améliorée, quoique les perceptions soient plus modérées sur les conventions du citoyen peu fortuné.
Droit de timbre. Vous avez décrété, Messieurs, gue la vénalité des charges serait abolie, que la justice serait rendue gratuitement; l'exécution de ce décret procurera le plus grand bienfait ; mais l'équité demande que le remboursement desoffices soit arrêté, que les intérêts en soient assurés, jusqu'à ce que les remboursements soient effectués.
Il est également nécessaire de pourvoir aux honoraires des magistrats qui seront nommés par le vu public ; et vous ne devez pas vous faire illusion sur l'accroissement de dépenses que nécessitera ce nouvel ordre de choses : il est d'ailleurs évident que les casuels sur les offices n'existeront plus après leur suppression ; il est donc indispensable de pourvoir, au moins en partie, à la compensation de ces dépenses, et le moyen le plus simple me paraît consister dans 1 établissement d'un droit de timbre.
Mais ce droit, qui portera sur les capitalistes et les registres du commerce, doit être très-modéré; il doit être exempt de toutes vexations. Ainsi le droit de timbre, sans autre pénalité que de ne pouvoir présenter en justice les effets et registres qui ne seront pas revêtus de la formalité du timbre, n'aura aucune analogie avec celui rejeté par l'assemblée des notables en 1787. Il existe un projet qui m'a paru bien conçu ; il vous sera présenté ; et d'après la discussion, vous pourrez l'agréer ou le modifier : cette ressource est une conséquence de votre décret.
Droit de marc d'or. On ne peut considérer ce droit comme un impôt, puisqu'il n'est qu'une taxe sur les grâces accordées. Si vous déterminez le taux de cette taxe au quart des émoluments de la première année de jouissance, avec clause de retenue de ce quart sur les attributions de cette première année, et si vous ordonnez que la perception en sera faite, sans exception, sur tous les brevets, commissions, pensions et autres grâces de toute nature, autres que les emplois militaires, jusques et compris le grade de capitaine, je présume que le produit actuel ne sera point diminué, qu'il sera même amélioré.
Droit de maîtrise de Paris et des provinces. Est-il convenable de supprimer les maîtrises et jurandes ? Est-il à propos de les maintenir? Vous examinerez, Messieurs, cette objet avec la prudence qu'il mérite. Un administrateur vertueux, , f urêot> avait décidé la question en faveur de la liberté, depuis on a prétendu que les corporations étaient utiles; elles ont été rétablies, mais sous un régime plus modéré ; je ne me permettrai point de réflexion sur cet objet. Je vous observerai seulement que le produit commun des droits de maîtrise est de 1,100,000 livres, et que vous conserveriez ce produit, en substituant un annuel modique à la taxe imposée sur les brevets et réceptions. Je pense, Messieurs, que vous ne renoncerez pas à cette partie de revenus sans de puissants motifs.
Reyie des poudres et salpêtres. Son produit est année commune, de 800,000 livres. (Cet article d administration ne me paraît susceptible d'aucun changement).
Monnaies et affinages. 11 en est de même de ces deux articles : en examinant au surplus les dépenses qu'exige l'entretien et le département des monnaies, vous reconnaîtrez que le bénéfice que le Roi fait sur la fabrication est en grande partie compensé par la dépense.
Je vous ai donné, Messieurs, une idée succinte des différents objets qui me paraissent devoir former le revenu public. Je vous observerai que ces perceptions exigeront une contribution générale de fl)................. [542,839,000 livres.
Mais que sur ces perceptions il y aura en déduction pour les frais de recouvrement, et les dépenses à la charge des assemblées provinciales et des municipalités...................... 58,586,000
En sorte que le produit net pour le Trésor public sera* de... ................. 484,253,000 livres.
Mais vous aurez une ressource précieuse dans le produit des bois et domaines de la couronne; elle équivaudra à un produit ou revenu au moins de......... 25,000,000
Ainsi le produit net à employer à la dépense de l'Etat,
à l'intérêt, à l'amortissement de la dette publique, sera de 509,253,000 livres.
Sur ce dernier article de produit, je veux dire sur celui des domaines et bois de la couronne, 4 je vous observerai que leur aliénationu à perpétuité serait infiniment utile, puisqu'elle procurerait un fonds disponible de 600,000,000 livres qui pourrait subvenir au remboursement des fonds d'avance, des finances des comptables, et à l'extinction des créances les plus onéreuses. J'ajouterai, Messieurs, qu'au moyen des conditions qui seraient imposées aux acquéreurs, vous ne com-prometteriez point la conservation des futaie?. La nécessité de ne point altérer la masse des bois de construction, et de ceux propres à faire du mer- ^ rain de toute dimension, est une considération qui ne doit point être négligée.
Cet article mérite une discussion particulière; mais pour éviter de trop longs détails, je le renvoie aux pièces justificatives (2).
Jusqu'à présent, Messieurs, je ne vous ai entretenus que du nouveau mode de contributions, et vous avez une connaissance positive qu'il aura le «. double avantage de diminuer sensiblement la charge des peuples, et d'augmenter la masse du revenu public.
Mais vous n'avez point oublié que les 2 sous pour livre sur l'impôt de propriété, sur l'impôt personnel et sur celui de consommation doivent subvenir non-seulement aux frais de recouvrement et d'administration des assemblées provinciales, de districts et de municipalités, mais encore * à diverses dépenses pubWques qui cesseront d'être à la charge du Trésor public.
Des lors il est évident que (sauf les économies qui seront par vous résolues) la dépense tant en ce qui concerne l'Etat que les départements sera
réduite à.................. 230,000,000 livres.
Les intérêts de la dette publique sont de............. 264,000,000
L'augmentation de dé -pense pour la justice gratuite, et l'intérêt des charges,
déduction faite des gages actuels, formeront un accroissement de................ 26,000,000
h Vous aurez donc à subvenir à une dépense générale de....................... 520,000,000 livres.
La masse du revenu pour le Trésor public ne s'élèvera qu'à...................... 509,253,000
Gonséquemment il subsis-» terait un déficit de........ 10,747,000 livres.
si vous n'aviez des ressources positives, non-seulement pour le faire cesser, mais encore pour vous procurer un fonds d'amortissement tel, que vous assurerez une libération prochaine, et que, si la paix est interrompue, vous serez sans in-* quiétude sur les dépenses extraordinaires que la guerre pourra nécessiter.
Mais avant de vous exposer la nature de ces ressources, je dois, Messieurs, fixer votre attention sur une opération préalable, et de laquelle dépend absolument la réussite des vues que vous avez pour l'extinction du déficit, et pour obvier aux causes de sa renaissance ; cette opération k consiste dans la division de la recette en deux parties : l'une, pour le compte du Trésor royal, correspondante à la somme à laquelle vous aurez fixé la dépense des départements ; l'autre, pour le compte de la nation, et qui, versée dans une caisse nationale, sera spécialement affectée, tant aux intérêts de la dette, qu'à son amortissement.
Peut-être considérera-t-on la division de la recette et l'établissement d'une caisse nationale sous le point de vue défavorable d'une restriction à la puissance du souverain ; peut-r être quelques personnes estimeront que le payement de la dette et le remboursement des capitaux devraient naturellement être confiés au Trésor royal, et que cette disposition économique dispenserait des dépenses qu'exigera la tenue d'une double caisse, je détruirai sans peine cette objection, et quelques réflexions justifieront l'utilité, la nécessité absolue de la double caisse que ^ j'ai l'honneur de vous proposer.
1° S'il n'existait point de dette, il est évident que les subsides seraient subordonnés aux dépenses effectives de l'administration, et c'est à cet objet que serait bornée la recette du Trésor royal.
2° La nation, en consolidant la dette, et se la rendant personnelle, affranchit le souverain de tous ses engagements; dès lors elle a l'intérêt le ? plus sensible à ce que la dette dont elle se charge, soit exactement payée pour les intérêts, et s'amortisse annuellement dans la proportion des ressources que l'excédant des revenus offrira pour les remboursements.
3° La recette du Trésor royal étant bornée à la somme correspondante aux dépenses fixes de l'administration, le ministre des finances aura la sauvegarde la plus puissante contre les demandes indiscrètes que pourraient se permettre les ministres des autres départements. 11 pourra s'op-
poser à l'effet des surprises qui seraient tentées vis-à-vis du souverain, pour obtenir, sans l'examen le plus réfléchi, sans le consentement exprès de la nation, un accroissement sur les fonds destinés à leurs départements; dès lors la nation sera certaine que la portion de recette affectée pour les intérêts et l'amortissement de la dette y sera véritablement employée. Dès lors tous les moyens de dilapidation seront à jamais bannis ; les peuples seront délivrés de toute inquiétude sur la renaissance d'un nouveau déficit ; et la confiance, source du crédit national, reposera sur des bases inébranlables.
4° Une caisse nationale, spécialement chargée des intérêts de la dette et de son remboursement, simplifiera les opérations : elle rendra inutiles les fonctions et la dépense des payeurs des rentes et de leurs contrôleurs; elle facilitera, par sa correspondance avec les caisses provinciales, le service des départements et le payement des arrérages ; elle ranimera la confiance, lorsque les particuliers, éloignés de la capitale, seront affranchis de l'obligation très-onéreuse de ne pouvoir toucher leurs intérêts qu'à Paris, et de donner des procurations dont souvent les correspondants abusent (j'en excepte les banquiers connus), mais qui généralement exposent à des retards, et entraînent des frais assez considérables.
Il n'est personne, Messieurs, qui n'aperçoive les avantages d'une caisse nationale; je me propose de vous les développer dans un mémoire particulier, qui contiendra son administration, son rapport avec les caisses provinciales, et même son utilité pour le commerce.
Je me contente présentement de vous observer que cet établissement est indispensable, et que vous ne pouvez trop promptement le décréter.
Je poserai donc pour base essentielle de la renaissance de l'ordre, la fixation de la recette du Trésor royal à la somme correspondante aux dépenses de l'administration : elles sont, ainsi que je vous l'ai précédemment exposé, de 230 millions ; mais les réformes que vous arrêterez, et divers retranchements diminueront les besoins du Trésor royal ; je pense donc qu'il suffira de laisser à la dispositions du ministre des finances le produit des impôts indirects, celui de la régie des poudres et salpêtres, le bénéfice des monnaies, le prix de ferme des affinages : ces articles de produits sont de 160 millions. On peut y joindre le prix de l'abonnement de la ville de Paris, objet de 22,400,000 livres pour le Trésor royal, et que le surplus de la recette sera versé dans la caisse nationale, soit réellement, soit fictivement.
Dans le cas, néanmoins, où la somme des dépenses que vous aurez décrétées pour le service des départements excéderait 182,400,000 livres, la caisse nationale en compléterait le montant au Trésor royal soit réellement, soit par des payements à sa décharge dans les provinces.
Il en sera de même des dépenses extraordinaires que des circonstances imprévues exigeront, et de celles que la guerre pourra nécessiter. La caisse nationale en fera les fonds au Trésor royal dans les termes que vous prescrirez ; et dès lors il est évident qu'il ne subsistera plus de prétextes à des emprunts onéreux, mal combinés, et qui sont constamment les précurseurs du désordre et de l'impôt.
Ces bases établies, je dois vous exposer, Messieurs, comment il est possible d'anéantir le déficit qui subsisterait par la balance entre la recette et la dépense, comment vous parviendrez à vous procurer un excédant, qui formera le fonds
d'une caisse d'amortissement solide, et propre à ramener très-promptement la confiance et le crédit.
En premier lieu, vous aurez le montant des économies et retranchements que vous ordonnerez sur la dépense des départements. Le ministre des finances les estime à 30 millions, et cette estimation ne me paraît point exagérée.
2° J'ai compris dans les intérêts de la dette une somme de 6 millions, pour celle du clergé; il me paraît naturel de soulager la caisse nationale de cet objet de dépense, en y affectant, soit une portion du remplacement des dîmes, soit le revenu des bénéfices qui pourraient être réservés aux économats ; et, comme les biens du clergé formant le gage spécial de ses créanciers, vous pourriez porter la retenue à une somme de 12 millions, dont il serait formé une caisse particulière d'amortissement, dirigée par le clergé : cette caisse emploierait ce fonds d'abord au payement des intérêts, et subsidiairement au remboursement des capitaux: en sorte que, dans le terme de quinze années, la dette du clergé serait totale-lement remboursée, et qu'à cette époque la caisse nationale jouirait d'un accroissement de revenu de 12 millions.
3° Dans les dépenses de l'administration, j'ai compris une somme de 6,400,000 livres, pour les dons, aumônes, secours annuels, etc. ; vous penserez vraisemblablement, Messieurs, qu'ii serait également juste de prélever cette dépense sur le remplacement des dîmes, ou sur les biens du clergé ; je vous observerai que cette idée n'est pas nouvelle, qu'elle est consignée dans le compte de M. l'archevêque de Sens, publié en 1788.
le ne crois pas que ces propositions puissent éprouver des contradictions sérieuses de la part du clergé : ainsi ces trois articles donnent une diminution de dépense de 48 millions, et convertissent le déficit de 11 millions en un fonds d'amortissement de 37 millions.
Mais ce n'est point à cet objet que doit se borner le fonds d'amortissement : le remboursement des rentes viagères est une opération qui mérite toute votre attention.
Ces espèces de rentes, acquises en général par les spéculateurs, sont un véritable fléau pour la nation ; elles sont par le fait un impôt cruel, puisque, ne s'éteignant pas dans le laps de soi-' xante ans, elles exigent une surchage énorme pour les peuples, et ne laissent qu'une perspective très-éloignée délibération. Ces sortes d'emprunts ruinent un Etat; ils doivent être proscrits par une bonne administration (1)4
En effet, Messieurs, la majeure partie des rentes viagères est acquise par l'étranger.
Tant que les conditions des emprunts successifs lui ont permis de nouvelles spéculations, l'étran-
ger a donné ses commmissions pour les remplir; il y a employé les intérêts des capitaux qu'il avait précédemment fournis ; mais dès que l'inquiétude a fait cesser ces spéculatious, il a reçu ses intérêts, et dès lors, la balance de notre commerce (considérablement diminuée par le traité de commerce avec l'Angleterre fêtant insuffisante pour subvenir au payement des intérêts viagers dus à l'étranger, ces mêmes intérêts ont nécessité l'exportation du numéraire existant dans la circulation : cette vérité n'est pas douteuse; elle justifie la pénurie du numéraire; elle invite à rechercher les moyens d'en arrêter les progrès (1).
Ainsi, Messieurs, le bien de l'Etat, la politique
exigent le remboursement des rentes viagères. Je , conviens que si ces rentes étaient conservées, les extinctions successives augmenteraient, chaque année, de 1,500,000 livres le fonds primitif de la caisse d'amortissement ; mais si vous décrétez la faculté de les rembourser, vous augmenterez sur le champ votre fonds d'amortissement de 50 millions, et dès lors vous sentez combien serait prompte et facile la libération de la dette; vous sentez combien serait solide le crédit dont jouirait ' votre caisse nationale : les effets de ce crédit seraient difficilement calculés.
Peut-être objectera-t-on (car les propositions les plus justes, les plus simples, trouvent souvent des contradicteurs) que le remboursement des rentes viagères est une violation des engagements contractés par le souverain ; mais il est de principe constant, qu'entre particuliers, le remboursement , d'une rente viagère ne peut être refusé, lorsque le contrat de constitution ne stipule aucune clause contraire. Si la loi permet ces remboursements entre particuliers, par quelle raison refuserait-on à l'Etat un pareil moyen d'avancer sa libération ? serait-il juste de perpétuer, au profit de l'étranger, des constitutions de rentes, qui privent annuellement le royaume d'une partie de son numéraire, et qui dévorent l'accroissement que l'on devait obtenir de la balance du commerce?
Ces motifs, Messieurs, ont déjà déterminé la proposition du remboursement des rentes viagères, dans l'ouvrage que je vous ai cité plusieurs fois ; ils ont dicté la motion que vous a faite à ce sujet M. l'évêque d'Autun, et je demande qu'elle soit discutée dans l'Assemblée.
Si vous décrétez la faculté de ces rembourse- ments, les administrateurs de la caisse nationale, dont je regarde l'établissement comme un point fondamental de la régénération des finances et du rétablissement de Pordre, ne manqueront pas de moyens pour les effectuer.
En effet, Messieurs, que la caisse nationale soit autorisée à des emprunts par la voie de la reconstitution, conformément à l'usage pratiqué par le clergé, bientôt les capitalistes de tout le royaume, tant à Paris que dans les provinces, l'étranger même, s'empresseront de vous apporter leurs ca-pitaux. Tous se contenteront d'un intérêt modéré, lorsque l'hypothèse d'un fonds d'amortissement, d'un excédant de recette de 80 millions bannira les inquiétudes. Une grande partie des rentiers viagers saisira même avec empressement l'occasion de recouvrer ses capitaux; les administrateurs de la caisse nationale trouveront dans les reconstitutions, soit en contrats, soit en effets à - terme, soit en annuités (1), des fonds plus que suffisants pour opérer promptement l'anéantissement des rentes viagères, dont je vous ai démontré les funestes effets. L'expérience, au surplus, vient à l'appui de ma proposition. N'avons-nous pas vu récemment les créanciers du clergé préférer à leur remboursement la réduction de leurs intérêts, et la reconstitution à 4 0/0? Qui pourrait douter que la caisse nationale, jouissant d'un ex-*" cédant de recette de 80 millions, inspirera la même confiance que le clergé ?
Ainsi, Messieurs, vous ne concevrez point une espérance illusoire, en vous flattant d'un fonds annuel d'amortissement de plus de 80 millions ; et si vous calculez les progrès rapides de son emploi, vous reconnaîtrez qu'il serait de 150 millions
à la révolution de dix années, que bientôt la dette n'existerait plus, et que son extinction présenterait à jamais à la nation la prospérité dont elle sera redevable à ses réprésentants.
Combien, Messieurs, un pareil résultat est satisfaisant ! Il ramènera promptement la confiance et le crédit; mais vous en reconnaîtrez bien plus sensiblement les avantages, si vous fixez votre attention sur les temps de guerre.
C'est à l'imprévoyance des ressources extraordinaires que ces circonstances exigent, que l'on doit imputer le désordre actuel : les besoins ont impérieusement commandé ; le souverain, le ministère, n'ont point eu le choix des moyens. Dès lors, on a saisi les moins incertains : anticipations, emprunts viagers, emprunts à termes fixes, services onéreux et extraordinaires, etc. ; tout a été employé. On s'est procuré de l'argent ; mais lorsque le retour de la paix a permis des réflexions sur les ressources employées pendant la guerre, le mal s'est manifesté dans toute son étendue : la balance entre la recette et la dépense s'est trouvée rompue ; on s'est occupé du soin de la rétablir par de nouveaux impôts ; le génie fiscal a développé toutes ses inventions ; et c'est à cette conduite impolitique que nous sommes redevables de tous les impôts barbares, inhumains, qui poursuivent de tous côtés les citoyens, l'agriculture, le commerce, toutes les branches d'industrie.
Vous affranchirez à jamais, Messieurs, les propriétés et la nation de cette foule d'impôts, dont la nomenclature seule est horrible et dégoûtante : mais l'expérience du passé doit être une leçon toujours présente; il est digne dé votre prudence, après avoir déterminé le mode de l'impôt, de prendre des précautions telles que les peuples soient à jamais exempts du joug de la fiscalité.
Vous ne pouvez l'espérer que par le secours d'un fonds d'amortissement ; vous pouvez décréter que la caisse nationale suspendra ses remboursements en temps de guerre ; qu'elle se contentera d'acquitter les intérêts, et que le fonds, applicable à l'amortissement des capitaux, sera employé aux dépenses de la guerre, sauf à reprendre les remboursements au retour de la tranquillité.
Je vous ai prouvé, Messieurs, que, dès le principe, votre caisse d'amortissement peut être fondée sur un excédant de recette de plus de 80 millions. Si la paix dure cinq années, ce môme fonds, au moyen des remboursements effectués, sera de 110 millions à cette époque ; et si cette somme est insuffisante pour les dépenses de la guerre, vous ne devez pas être inquiets sur les moyens de la compléter; la confiance dont jouira votre caisse est un garant assuré que de modiques emprunts, dans la proportion de l'insuffisance, ne seront jamais contractés à des conditions onéreuses : vous ne subirez plus la loi des capitalistes, vous la leur férez; ils se conformeront à vos intentions.
Ainsi, les circonstances pénibles et douloureuses de la guerre ne seront plus aggravées par un surcroît de contributions, par des emprunts ruineux, mal concertés, par des services, des anticipations de revenus dont les conséquences sont toujours funestes ; il vous sera facile de les éviter, en réservant toujours à la caisse nationale un fonds de 100 millions, qui, répandu dans le commerce et la circulation, pourra sans peine être réalisé dans le Trésor royal à l'ouverture des hostilités, et ne rendra jamais problématiques les
fonds extraordinaires que les temps de guerre exigeront.
C'est ici le cas de vous observer, Messieurs, que le mode d'impositions, dont vous devez attendre les plus heureux effets, ne peut être mis en activité que par le secours des assemblées provinciales ; et leur organisation est un point trop important de la Constitution, pour que vous différiez plus longtemps de vous en occuper. Ce travail est instant ; tout est dans l'anarchie ; le pouvoir exécutif est sans force : les municipalités prétendent y suppléer, elles n'en ont pas les moyens. Il n'existe aucun concert dans les opérations, et l'ordre ne se rétablira que lorsque les assemblées provinciales seront établies sur des hases qui dirigeront leur marche et leurs opérations : il est instant, je ne puis trop vous le répéter, de les organiser promptement ; vous en sentez la nécessité.
Cependant, Messieurs, quels que puissent être vos efforts, nous ne devons point nous dissimuler que le mode actuel des impositions doit nécessairement encore exister jusqu'au mois de juillet prochain, que nous sommes condamnés à vivre encore neuf mois sous le despotisme affreux de la fiscalité.
Mais vous en adoucirez les rigueurs: déjà vous avez modéré le prix du sel, et cette faveur est un digne précurseur de l'abolition de l'impôt; vous avez mitigé les rigueurs, demandé de la douceur aux percepteurs de l'impôt indirect : bientôt ils rentreront dans la classe des citoyens ; ils sentiront les égards qui sont dus à la société.
Je ne disconviendrai point cependant que Je système de modération dans la perception des impôts indirects ne conservera point l'intégrité des revenus actuels ; que des non-valeurs incommensurables en seront le résultat, et qu'elles augmenteraient prodigieusement l'embarras du moment, si vous n'aviez des ressources pour y parer.
Il existe pénurie de numéraire : il serait difficile d'apprécier jusqu'à quel point elle est portée-, cependant si l'exemple du souverain est suivi, je crois que, dans toute l'étendue du royaume, la fonte de l'argenterie peut compenser la déperdition de numéraire que nous avons éprouvée par le payement des rentes à l'étranger, par une moindre balance de commerce, par le prix des grains dont les circonstances ont exigé les achats chez l'étranger.
Il existe un déficit de 160,000,000 livres pour les dépenses de Vannée courante et pour l'année 1790; j'évaluerai, si l'on veut, à 100 millions les non-valeurs qui seront la conséquence de la.ré-duction du prix du sel et du régime de modération que vous recommanderez aux percepteurs de l'impôt indirect ; mais vous venez de décréter une taxe ou contribution du quart de revenu ; vous ne vous êtes pas flattés vraisemblablement, Messieurs, que cette taxe serait payée par tous les citoyens. A la vérité, les rentiers et capitalistes la payeront exactement par la retenue du quart de leur revenu ; je ne doute même pas que l'étranger qui a placé ses capitaux si avantageusement sur la France, et que vous venez d'affranchir de toules nouvelles retenues, ne s'empresse, relativement à cette taxe, d'être considéré comme Français ; mais à l'égard du propriétaire foncier, du négociant, de l'artisan et des autres classes de citoyens, il est évident que cette taxe ne peut jamais être regardée comme un impôt de rigueur. Ainsi, en la considérant sous le point de vue de don patriotique, je ne crois pas qu'il soit possible d'espérer
que le produit excède 200 millions ; et dès lors vous devez estimer qu'elle comblera les non-valeurs, ainsi que le supplément de revenu nécessaire au Trésor royal, jusqu'à l'établissement du nouveau régime d'impositions.
Si cependant, Messieurs, la fonte de l'argenterie (que vous devez considérer comme un véritable emprunt), le produit de la taxe ou don patriotique que vous avez décrété, ne présentaient pas des ressources suffisantes, d'après l'examen scrupuleux que vous ferez de la situation actuelle, vous trouveriez peut-être prudent d'v subvenir par un papier réellement monnaie, et dans ce cas je crois que , pour éviter que cet accroissement momentané de numéraire eût une influence fâcheuse sur le prix des denrées et autres objets de consommation, il serait convenable de limiter à 200 millions la fabrication de ce papier-monnaie.
Dans ce cas, il conviendrait encore d'adopter un mode qui assurât son anéantissement dans le cours de dix années, et à raison d'un dixième par année. Il serait essentiel que la confiance fût entièrement accordée à ce supplément de numéraire, et ces deux moyens me paraissent faciles à concilier : 1* la confiance sera sans bornes pour le papier-monnaie, lorsque son remboursement ne pourra, sous aucun prétexte, être retardé, lorsqu'il sera fondé sur un gage inaltérable; 2° cette confiance peut être telle que ce papier soit recherché plus soigneusement que des espèces. Je pourrais, Messieurs, vous présenter les bases de cette opération, mais je craindrais d'abuser plus longtemps de vos moments: je la développerai dans les pièces justificatives qui seront annexées à ce mémoire, si vous en ordonnez la publicité.
Je me résume en peu de mots. Les contributions, quoique excessives , seraient insuffisantes pour rétablir le rapport entre la recette et la dépense, nonobstant les économies et réformes que vous ordonnerez.
Il existerait un déficit qui prendrait, chaque année, de nouveaux accroissements : dès lors l'établissement d'une caisse d'amortissement serait impossible. Les remboursements suspendus seraient, par le fait, convertis en contrats de rentes perpétuelles, et les engagements contractés ne seraient point remplis.
Il n'existerait aucun moyen de subvenir aux dépenses extraordinaires que la guerre nécessite ; dès lors, il serait indispensable de recourir aux ressources usitées jusqu'à présent, aux anticipations, aux emprunts viagers, etc.; et, par suite, à l'addition de nouveaux impôts, dont l'existence immorale ruinerait infailliblement l'Etat, et serait destructive de la propriété :
Je propose un plan général d'impositions , simple, facile, juste, exempt de tout arbitraire de répartition : il ne me paraît susceptible d'aucune objection.
En l'adoptant, vous diminuerez, Messieurs, les contributions de plus de 40 millions ; vous procurerez un accroissement de richesses incalculable ; et néanmoins vous trouverez une amélioration constante de plus de 20 millions sur la somme des revenus.
Le déficit sera presque anéanti ; et, s'il subsiste encore, pour un faible objet, vous le ferez aisément évanouir : 1° par les économies que vous arbitrerez; 2° par des assignations légitimes sur les biens du clergé, et proportionnées au capital que la libération de sa dette exigera; enfin en assignant sur les biens du clergé la dépense des dons, aumônes et autres secours qui doivent na-
turellement être supportés par le produit des fondations.
Dès lors un excédant de recette très-important sera substitué au déficit existant; et, si vous déterminez la faculté de rembourser les rentes viagères, cet excédant de recette donnera, dans peu de temps, un fonds d'amortissement de plus de 80 millions.
Ce fonds subviendra, en temps de paix, à l'extinction des capitaux de la dette ; mais, dans les temps de guerre, il sera consacré aux dépenses extraordinaires que ces circonstances exigent ; il affranchira conséquemment les peuples de tout surcroît d'impositions pénibles, dans les temps où l'inaction demanderait plutôt des soulagements que des accroissements d'im-Pôt-
Vous n'avez donc, Messieurs, qua pourvoir ¦ aux besoins du moment, à soutenir la recette jusqu'à l'instant de l'établissement du nouveau régime, à compenser les non-valeurs qui résulteront de l'existence momentanée du régime de la fiscalité.
La fonte de l'argenterie, la taxe ou contribution du quart des revenus (que rimpuissance des contribuables vous forcera ae convertir en don patriotique) vous présentent des moyens plus que suffisants pour subvenir aux besoins du moment, pour compenser la déperdition du numéraire existant dans la circulation.
Mais je vous prie d'observer que tout dépend de la prompte organisation des assemblées provinciales et de rétablissement d'une caisse nationale.
Le premier objet, Messieurs, peut exiger du travail et du temps ; car, nonobstant l'urgence la plus décidée pour le rétablissement de l'ordre, je sens que l'organisation des assemblées provinciales et des municipalités doit être mûrement réfléchie.
Mais la séparation des recettes en deux parties, l'établissement de la caisse nationale ne peuvent et ne doivent être différés sous aucun prétexte. 11 n'est aucun motif capable de légitimer le moindre retard sur cet objet important.
Lorsque vous aurez décrété, Messieurs, cet h établissement, il recevra, jusqu'à nouvel ordre des choses, toutes les recettes extraordinaires, tels que le produit de l'argenterie, celui du don patriotique, etc., il sera chargé de la délivrance et de la manutention du papier-monnaie, si vous adoptez cette nouvelle ressource qui pourrait être précieuse, sans avoir des inconvénients.
Dès lors, la caisse nationale compléterait au ? Trésor royal les fonds qui lui seront nécessaires, au delà des recouvrements ordinaires, pour attendre l'époque à laquelle le nouveau régime sera en pleine activité.
Ces bases adoptées, vous serez sans inquiétude, Messieurs, pour l'ouvrage parfait de la Constitution, et pour les objets importants qui font la matière de vos délibérations.
Tels ont été les motifs qui m'ont fait solliciter ' votre patience et votre indulgence ; j'espère que vous m'excuserez d'avoir aussi longtemps suspendu votre attention ; mais l'intérêt des objets que j'ai soumis à vos lumières ne ma pas permis plus de brièveté.
C'est pourquoi je demande : 1° que, vu la nécessité de déterminer promptement le mode d'impositions qui doit remplacer les perceptions du régime arbitraire et fiscal, et régler les bases qui dirigeront les opérations des assemblées provinciales, de districts et de municipalités pour la répartition des
impôts, il soit nommé, sans délai, un comité de douze ou six personnes qui seront prises dans le sein de l'Assemblée, et qui sera agrégé, sous le titre de comité d'impositions, au comité des finances, à celui de commerce et d'agriculture, et à celui de judicature, afin de concerter, avec ces trois comités, l'ensemble et le rapport de toutes les parties du nouveau régime ;
2° Que le comité se concerte avec celui des finances pour la balance entre la recette et la dépense, et que cette balance soit telle, qu'il subsiste un excédant de recette suffisant pour former le fonds d'une caisse d'amortissement ; qu'il s'unisse avec le comité de commerce et d'agriculture, afin que les modes d'impositions et les perceptions d'impôts indirects qui pourront être conservés soient tellement combinés, que l'arbitraire et les vexations ne troublent point le commerce et l'industrie ; que les perceptions n'aient rien de contraire à la prospérité de l'agriculture ; que ce comité se concilie avec le comité de judicature, afin que les règlements relatifs à la perception de l'impôt soient combinés de manière à faciliter les recouvrements, sans assujettir les redevables et le commerce à des formalités inutiles et fatiguantes ; afin que les intérêts des charges, jusqu'à l'époque de leur remboursement, soient garantis sur un fonds inaltérable ;
3° Que, vu la nécessité de mettre un terme à la déperdition du numéraire, par suite d'une balance de commerce peu favorable et insuffisante pour subvenir aux intérêts des créances dues à l'étranger, le nouveau régime des traites soit incontinent et sans délai mis en activité, ce moyen étant le seul et le plus certain d'atténuer les effets du traité de commerce avec l'Angleterre; et que, pour faciliter ces diverses opérations, en la très-prochaine promulgation du nouveau tarif sur les relations de la France avec Vétranger, M. de Cor-meré soit appelé au comité dont je demande la formation, et qu'il remette les travaux dont il est chargé depuis quinze ans, ainsi que tous les renseignements propres à faciliter les opérations de ce comité ;
4° Que ce comité, conjointement avec celui des finances, examine promptement le nouveau mode d'impositions pour les droits de contrôle, de timbre et d'insinuation; j'aurai l'honneur de lui remettre tous les tarifs : cet ouvrage très-considérable est fait sur les principes de l'équité et de la justice la plus exacte, et ne laisse aucune prise à l'arbitraire et à la fiscalité;
5° Que, vu la nécessité de limiter la recette du Trésor royal à la somme correspondant aux dépenses que vous arrêterez pour le service des différents départements, ce comité s'occupe incontinent de l'organisation de la caisse nationale, pour laquelle j'aurai l'honneur de lui soumettre le plan que j'ai conçu, et que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les fonctions de cette caisse, il soit sursis à l'examen de toutes propositions tendant à la conversion de la caisse d'escompte en banque nationale, afin que vous puissiez déterminer si la caisse nationale ne remplira pas tous les effets de confiance qui seraient attribués à une banque nationale;
6° Que le comité, pour l'examen du nouveau régime d'impositions, soit chargé de rechercher les moyens qui pourront faciliter l'extinction des rentes viagères par la voie des reconstitutions ; et qu'à cet effet, il soit autorisé à appeler toutes les personnes qui pourront lui donner des lumières, et particulièrement celui qui s'est occupé
des moyens de la reconstitution par la voie des annuités, et dont l'ouvrage, déjà approuvé par une commission nommée à cet effet, mérite toute l'attention de l'Assemblée ;
7° Que, dans le cas où vous estimeriez convenable, a raison de la pénurie effective du numéraire, d'augmenter la masse de celui qui existe dans la circulation, ce comité, réuni à celui des finances,soit chargé d'examiner le plan de création de papier-monnaie, que j'aurai l'honneur de vous présenter, plan, qui, à ce que je crois, offre les hases les plus solides pour assurer la confiance et la circulation de cet accroissement de numéraire, et déterminerait même le public à le préferer aux espèces d'or ou d'argent;
8° Que l'Assemblée s'occupe, sang retard, et par préférence à tous autres objets, de l'organisation prochaine des assemblées provinciales et des municipalités, afin que le nouveau régime d'impositions, qui remplacera les perceptions actuelles, soft en pleine activité pour le mois d'avril prochain, ou au plus tard au 1er juillet 1790;
9° Enfin que les dons patriotiques, le produit de la fonte de l'argenterie et autres recettes extraordinaires qui seront suggérées aux citoyens, soient versés daos la caisse nationale, aussitôt que l'Assemblée en aura décrété l'établissement.
Motifs et précis de la motion de M. le baron d'âllarde, sur un nouveau régime de finances.
Le premier ministre des finances ne s'est point dissimulé que le régime actuel d'impositions était incompatible avec l'égalité des contributions; que les impôts indirects, qui n'affectent que quelques provinces, qui les affectent d'une manière dis-proportionnelle, ne pouvaient subsister plus longtemps; qu'il était indispensable de les réunir en un seul, et de procéder à la répartition entre toutes les provinces au prorata de leurs forces et de leurs facultés.
En même temps, le ministre a très-justement pensé qu'avant de s'occuper du nouveau régime d'impositions, il était nécessaire d'assurer autant que les circonstances le permettraient, les bases actuelles de la perception, sauf à pourvoir aux non-valeurs qui résulteraient de l'existence momentanée de ces perceptions.
C'est par suite de cette prévoyance, digne d'un ministre qui jouit de la confiance publique, que M. Necker a proposé successivement les moyens de subvenir non-seulement à 160 millions de déficit sur la balance des recettes et dépenses, jusqu'au 1er janvier 1791, mais encore aux non-valeurs qu'éprouvera la perception des impôts indirects.
L'Assemblée nationale s'est pénétrée de là sagesse de ces vues : Vinvitation de là fonte de l'argenterie, une taxé ou contribution patriotique, tels sont les moyens que le ministre a suggérés, telles sont les ressources adoptées par les représentants de la nation. Ne doutons pas de leur succès; il n'est aucun citoyen qui ne s'empresse de hâter, par de légers sacrifices,l'existence d'un régime qui délivrera à jamais les peuples du joug de la fiscalité, qui les garantira, pour toujours, du système ruineux des emprunts et de l'accroissement d'es impôts.
Il est donc essentiel de fonderie nouveau plan d'impositions. Celui dont je me suis occupé me paraît propre à concilier tous les intérêts, à ménager la justice et l'égalité des contributions :
je m'empresse de le soumettre aux lumières, à l'examen de l'Assemblée (1).
Je demande pour cette discussion, la formation d'un comité d'impositions, choisi par liste dans le sein de l'Assemblée, je demande que ce comité se concerte avec celui des finances, afin d'assurer qu'il existera, par le nouveau mode d'impositions, un excédant de revenu applicable, en temps de paix, à l'amortissement de la dette ; destiné en temps de guerre, à pourvoir aux subsides que ces circonstances exigent ; que ce comité se concerte avec celui de commerce et d'agriculture, pour l'examen des nouveaux impôts, afin qu'il n'en existe aucun de contraire à la prospérité du commerce et de l'industrie; qu'il s'unisse avec celui de judicature, pour que les règlements soient exempts de tous reproches de vexations, et que néanmoins les percepteurs des impôts ne soient point contrariés dans leurs fonctions ; je demande enfin que les personnes hors du sein de l'Assemblée, dont les travaux et les lumières seraient utiles à ce comité, y soient admises.
Ces demandes sont trop justes pour n'être pas favorablement accueillies par l'Assemblée; elles intéressent le sort de la nation entière, et cette considération est assez puissante pour déterminer son décret.
Mais afin que l'Assemblée ne prenne aucun arrêté sur des objets de cette importance sans connaissance de cause, je présente sommairement l'analyse d'un plan dont tous les détails, tous les éléments sont discutés avec l'étendue convenable dans la motion dont la lecture a fait désirer la publicité :
1° Je propose de supprimer les impositions foncières, les gabelles, et les aides et la majeure partie des impôts indirects, dont l'existence est notoirement préjudiciable, aux progrès de l'agriculture, du commerce et de l'industrie. Ces contributions s'élèvent à 368 millions, et je propose de les remplacer par trois contributions particulières, dont la perception sera de 330 millions, subviendra pour 300 millions seulement aux dépenses de l'Etat, et laissera 30 millions à la disposition des provinces, tant pour les frais d'administration et de recouvrements, que pour les décharges, modérations, qu'exigegeront les accidents partiels et imprévus, et les autres dépenses focales dans les provinces.
2° Je propose que cette contribution de 330 millions soit divisée en trois parties,
savoir : impôt de propriété, impôt personnel et de capitation, impôt de consommation
dans les villes, et de licence ou permission de tenir cabaret dans les campagnes.
J'observe que ces trois formes d'impositions atteindront tous les citoyens, dans une
3° Je propose des bases équitables pour la répartition de ces impôts entre toutes les provinces : elles sont analogues aux vues générales pour l'égalité des contributions; et si, dans le principe, il y avait quelque inégalité, elle ne serait pas de longue durée : il serait facile d'atteindre la proportion exacte dans le terme de très-peu d'années.
4° Je propose la réunion en une seule régie, - pour le compte du Trésor royal, des impôts indirects qui peuvent être conservés, tels que les droits de traites à l'extrême frontière, les droits sur les marchandises des Iles importées en France, l'impôt du tabac, les postes, les droits de contrôle, etc. Je développe la nature de ces perceptions, et je propose d'y ajouter celle d'un droit de timbre, en compensation de l'accroissement de , dépense que nécessiteront la suppression de la vénalité des charges et l'exercice gratuit de la justice. Les produits de cette régie, pour le Trésor public, seront d'environ 160 millions; les frais de perception, ceux des administrateurs seront très-modérés, et les revenus seront améliorés, dans la proportion des économies, sur les frais actuels.
5° Je propose le moyen de tirer un parti très-avantageux des domaines et bois de la couronne. Leur aliénation à perpétuité serait facile et se concilierait très-aisément avec la conservation des futaies, quant aux bois qui sont susceptibles de ce genre d'exploitation; je crois que mes propositions, à cet égard, seront adoptées lorsqu'elles auront été discutées avec attention. J'observerai que cet article de bonification, dans les revenus, serait au moins de 15 millions, et procurerait un fonds disponible très-intéressant, qu'il serait juste d'affecter au remboursement des charges ou à l'extinction des créances plus onéreuses.
6° Ces bases posées, je prouve que la somme des contributions actuelles sera diminuée d'environ 40 millions ; que les accroissements de revenu pour le Trésor public, ou les diminutions de dépenses, formeront une masse de plus de 30 millions ; conséquemment, que le soulagement effectif sera de 75 millions, et qu'en évaluant à ?30 millions les économies et réductions sur la dépenses de divers départements, FEtatjouira, au moment de l'établissement du nouveau régime, d'un excédant de revenu, ou d'un fonds d'amortissement de 20 millions.
7° J'observe que ce fonds d'amortissement pourrait être fortifié de 6 millions, en soulageant la dépense des départements, d'une somme .annuelle de plus de 6 millions pour dons, aumônes, secours, etc., qui doivent naturellement être supportés par le revenu des fondations destinées par les fondateurs, à l'entretien des pauvres et des hôpitaux, et qu'il serait également juste de prélever, sur les revenus du clergé, une somme annuelle de 12 millions, tant pour les intérêts que pour le remboursement dé sa dette ; en sorte que le fonds d'amortissement serait élevé, "dès- le principe à la somme de 38 millions.
8° J'observe néanmoins que ces résultats dépendent essentiellement : 1° de la prompte organisa-
tion des assemblées provinciales, de districts et de municipalités, qui doivent seules être chargées de l'assiette et du recouvrement de l'impôt de propriété, de l'impôt personnel, et de l'impôt de consommation ; 2° de la division de la recette en deux parties, l'une pour le Trésor royal, correspondant aux dépenses qui seront arrêtées pour le service de divers départements ; l'autre pour le compte d'une caisse nationale, uniquement chargée de pourvoir aux intérêts de la dette, à son amortissement successif dans la proportion du revenu libre, chargée de subvenir aux dépenses extraordinaires que la guerre pourra nécessiter. J'observe que cette division de recette est indispensable pour éviter toute confusion ultérieure, pour mettre les finances à l'abri du désordre et des dilapidations.
9° J'offre les moyens de fortifier d'environ 50 millions le fonds primitif d'amortissement, en attribuant à la caisse nationale la faculté de rembourser les rentes viagères; je fais connaître qu'il n'est point d'engagements plus onéreux ; que, par le fait, ces sortes de renies sont un impôt cruel, puisqu'elles nécessitent l'excès des contributions, et que les extinctions ne procurent qu'une libération très-éloignée ; je présente en même temps des réflexions qui doivent bannir toute inquiétude sur les moyens de parvenir à ces remboursements.
10° Enfin après avoir prononcé que la régénération des finances sefa effectuée par l'adoption des vues que je propose, je présente mes réflexions sur la pénurie du numéraire, qui se fait sentir depuis quelque temps ; je recherche quels en sont les motifs ; j'examine s'il est des moyens de remédier à l'accroissement de cette pénurie, si elle est réelle, ou si elle n'est l'effet que du discrédit ; s'il serait utile de la faire cesser par la création d'un papier-monnaie; dans quelle proportion cette création devrait être effectuée ; comment on parviendrait à son extinction graduelle et successive, et par quels moyens il serait possible de donner à ce papier-monnaie assez de confiance pour qu'il obtînt la préférence sur les espèces d'or et d'argent.
Telles sont les vues développées, tant dans la motion que j'ai cru devoir présenter à l'Assemblée nationale, que dans lesnos 9 et 10 des pièces justificatives de cette motion. Je présume que les objets que j'ai traités paraîtront assez intéressants pour fixer l'attention de l'Assemblée, et pour déterminer la création d'un comité d'impositions dont j'ai fait connaître toute l'importance ; dont les opérations, concertées avec celles du comité d'agriculture et de commerce, de ceux des finances et de judicature, parviendraient à établir en peu de temps la régénération absolue des finances, assureraient la paix intérieure et la tranquillité publique, contribueraient à l'accroissement de l'agriculture, vivifieraient l'industrie, étendraient le commerce, vous procureraient bientôt une balance plus avantageuse, et ne tarderaient pas à réparer la déperdition du numéraire.
PIÈGES JUSTIFICATIVES
De la motion de M. le baron d'âllarde, sur un nouveau régime de finances.
N° 1.
État général de la contribution des peuples et du produit net des revenus publics.
Art. 1er. Taille, Accessoire, Capitation taillable ou non
taillable, vingtièmes et autres impositions sur les propriétés.
Objets des perceptions.
I8 Impositions ordinaires des pays d'élection et des pays conquis, non compris la capitation de Paris, et déduction faite de la partie de l'imposition représentative des droits d'usage, nouveaux acquêts, courtiers, jaugeurs, etc., etc., ci......................... 107,296,960 livres.
2° Gapitations retenues par le trésorier de la guerre 341,276
3° Idem, par le trésorier de la marine,................ 125,000
4° Impositions du Languedoc, perçues tant par le trésorier des Etats, que par le receveur général des finances, y compris les 4 sous pour livre de la capitation que les Etats sont dans l'usage de racheter, tous les dix ans, moyennant un capital de 3 millions, ci 6,703,363 liv.
Accroissement des frais de perception à 5 0/0, sur les recouvrements du trésorier des Etats, objet de 5,721,741 liv.. 281,072
5° Impositions de Bretagne, tant par le receveur général des finances que par le trésorier des pays d'Etats, y compris les 4 sous pour livre de la capitation que les Etats sont dans l'usage de racheter, tous les dix ans, moyennant
6,984,435
capital de 4 millions, 4,692,460 liv.
un
ci............
Accroissement pour les frais de perception à 5 0/0 sur le recouvrement du trésorier des Etats, objet de 3,819,000 livres..........
190,950
6°Impositions de Bourgogne perçues tant par le receveur général des finances, que par le trésorier des pays
4,883,410
A reporter..... 119,631,081
Report........ 119,631,081 livres.
d'Etats, y compris les 4 sous pour livre de la capitation que les Etats sont dans l'usage de racheter, tous les dix ans, moyennant un capital de 1,200,000 liv. ci 2,168,674 liv.
Accroissement pour frais de perception des recouvrements du trésorier des Etats,
objet de 1,856,500 liv.
à 5 0/0.......
92,825
7» Impositions de Provence............
Accroissement pour frais de perception du recouvrement du trésorier des Etats, obj et de 1,505,566 livres à 5 0/0.......
2,261,499
1,505,566 liv.
75,278
8° Impositions des terres adjacentes de Provence.... 9° Impositions du Boussil-
lon.......................
10° Impositions de la Bresse, Bugey, Gex et Dombes.. 11° Idem, de Pau, Bayonne
et Foix....................
12° Idem, particulières pour fortifications des villes 13° Capitation de l'Ordre de Malte..................
1,580,844 388,656 221,321 479,039 706,190 561,552 39,600
Total............ 125,870,382 livres.
Il faut en déduire les déductions accordées aux pays d'Etats, en compensation des capitations retenues sur les gages et traitements, et qui diminuent d'autant le montant des abonnements...... 75,989
Objet effectif de ces impositions.................... 125,794,393 livres.
Vingtièmes, et A sous pour livre du premier.
1° Vingtièmes des pays d'élection et pays conquis, non compris les vingtièmes de la ville de Paris..................... 42,996,930 livres.
2° Dixièmes retenus sur les gages et autres dépenses de la maison du Boi....... 94,475
Dixièmes et 3 deniers pour livre sur les gages du Conseil ; traitements annuels et autres objets payés au Trésor royal................ 406,000
A reporter..... 43,497,405 livres.
Report.........
4° Vingtièmes des Etats du Languedoc... 3,261,741 liv.
Accroissement pour frais de perception à 5 0/0....... 163,087 liv.
43,497,405 livres.
5° Vingtième des Etats de Bretagne...... 3,069,000 liv.
A ccroisse-ment pour frais de perception à 5 0/0......... 153,450
3,424,828
6° Vingtièmes des Etats de Bourgogne. 1,556,500 liv.
Accroissement pour frais de perception à 5 0/0......... 77,825
3,222,450
7° Vingtièmes des Etats de Provence...
Accr oisse-ment pour frais de perception à 5 0/0.........
1,634,325
827,475 liv.
41,374
Idem, des terres adjacentes de Provence..............
9° Idem, du Boussillon, y compris le clergé..........
10 Idem, de la Bresse, Bugey, Gex et Dombes.....
11 "Idem, de Pau, Bayonne et Foix...................
12° Vingtièmes abonnés..
868,849
506,775
279,180
355,423
553,289 574,700
Total.......... 54,917,224 livres.
Il faut en déduire les vingtièmes abonnés dans les pays d'Etats, au profit desquels il est fait réduction desdits vingtièmes, sur le montant de leurs abonnements...... 86,544
Perceptions réelles pour les vingtièmes................ 54,830,680 livres.
récapitulation.
Montant des impositions sur les propriétés et
de la capitation............ 125,794,393 livres.
Montant des vingtièmes.. 54,830,680
Total des impositions sur les propriétés, capitations et vingtièmes................ 180,625,073 livres.
déductions.
1° Remise du Roi, ou moins imposé sur la taille des pays d'élection et pays conquis................... 1,305,600 livres.
Non-valeurs, décharges et modérations............... 347,700
2° Non-valeurs, décharges
A reporter,... 1" Série, T. IX.
1,653,300 livres.
Report.
et modérations sur les vingtièmes d'idem.............
3° Décharges et modérations sur la capitation d'idem 4° Dépenses variables pour soulagements dans les provinces ....................
5° Diverses dépenses locales dans les provinces sur les fonds libres de la capitation .....................
6° Dépenses pour l'entretien des boues et lanternes
des différentes villes.......
7° Remise aux Etats de Languedoc pour subvenir au remboursement et à l'intérêt du capital qu'ils empruntent pour le rachat des 4 sous pour livre de la capitation,
ci............ 800,000 liv.
Charges assignées sur les mortes-payes et particulières... 26,620
Ind e m nité pour pertes et non-valeurs sur les impositions 400,000
Remise pour la construction des canaux.... 206,285
Idem, pour intérêts et rem-boursemen t d'un emprunt consenti pour des objets d'utilité dans la province......... 25,300
Décharge de
la taille....... 3,370
Remise sur le don gratuit pour l'abonnement de la ville de Toulouse, qui en a fait le rachat.......... 95,676
8° Remise aux Etats de Bretagne pour les aider à rembourser les 4 millions qu'ils empruntent, tous les dix ans, pour le rachat des 4 sous pour livre de la capitation........ 300,000 liv.
Idem, pour le rem bo ur s e -ment des emprunts faits par les Etats pour les casernements ........ 100,000
Bemise an -nuelle sur les impositions... 200,000
Idem, de la province pour l'amortissement de ses dettes........ 300,000
A reporter....
1,653,300 livres.
970,660 2,552,990
4,405,850
1,310,600 29,670
1,530,631
900,000
13,353,701 livres. 19
Report.......
9° L'entretien des lanternes de Dijon.............
10° Remise à la province sur les impositions, pour la la perte occasionnée au pays par le traité d'échange conclu à Turin en 1760 5,895 liv.
Idem, à la vallée de Bar-celonnette sur ses impositions 10,000
Idem, sur la capitation, en faveur des chefs de famille qui se chargent d'enfants trouvés........... 16,000
Dépense de la reconstruction du palais
d'Aix........ 36,250
11° Non-valeurs, décharges et modérations sur la capitation du Roussillon 12° Gonstruclion de l'in-tendancede Pau 40,000 liv. 1 Reconstruc- i
tion des prisons f
du parlement de Toulouse...... 2,925
Entretien des lanternes de Pau 2,400
13,353,701 livres. 8,52i
68,145
20,000
45 j 325
Total des déductions..... 13,495,692 livres;
Frais de perception.
Art 1er. Droits d'exercice des receveurs particuliers..
Art. 2. Idem, des receveurs généraux de Bordeaux et
Auch.....................
Art. 3. Remises et taxations des préposés et collecteurs...... 1,670,150 liv
Idem, des recev e urs particuliers. 1,700,400
Idem, des rceveurs généraux..... 1,905,660 ,
Art. 4. Gratifications aux
receveurs particuliers......
Art. 5. Frais de rôles appartenant aux directeurs et contrôleurs des vingtièmes..
Art. 6. Frais de comptes, épicesetdépenses communes.
Art. 7. Intérêts du prompt payement de 10 millions, fait par les receveurs généraux..
129,930 6,600
5,276,210
1,310,620
730,000 435,900
500,000
Total................. 8,389,260 livres.
Nota. 11 faut déduire sur cette dépense la retenue du dixième et 2 sous pour livre
A reporter---- 8,389,260 livres.
7,953,260 livres.
35,000
20,000
9,000 Gagés, taxâ-
66,6^0
4,830
10,500 liv.
4,758 3,034
3,800
41,773
7,546 100,000
190,000
Report........ 8,389,260 livres.
des taxations des receveurs généraux et particuliers, ët des 2 sous pour livre du dixième des gages déjà assujettis au dixième, ci........ 436,000
Ge qui réduit ces articles
à.........................
Art. 8. Moitié, dont Je Roi s'est chargé pour les frais de vérification de l'état des communautés de la province du Languedoc. 13,000 liv. 1 Epices des r
comptes de la (
province...... 28,773 1
Art. 9. Epices et frais de comptes du receveur général de Bretagne............
Art. 10. Frais de la tenue
des Etats du Languedoc.....
Art. 11. Frais de la tenue des Etais de Bretagne.......... 135,000 liv.
Gratifications aux commissaires des
Etats.........
Pension à une partie des gentilshommes qui assistent aux Etats.
Art. 12. Remise sur le don gratuit au trésorier et aux officiers des Etats de Bourgogne........ 30,000 liv.
Gratification à MM. les élus généraux, dixième déduit..
Art. 13.
tions et gratifications de 3 deniers pour livre au receveur général du Roussillon........... 28,830 liv.
Idem, aux receveurs particuliers. ........
Autre gratification au receveur géné -
ral ....... ^.oou j
Art. 14. Gages ét droits du receveur général de la Bresse, Bugey et Dombes,
ci............
Idem, des receveurs particuliers........
Epices des
comptes...... 3,034 \ 27,092
Gratification de 3 deniers pour livre du receveur général............
Art. 15. Gages du'receveur général des finances de Pro-
39,000
101,330
A reporter..., 8,460,001 livres.
Report........ 8y460,001 livres.
vence et terres adjacentes 11,200 liv. Epices des
comptes...... 684
Taxation des receveurs particuliers , e t frais de rôles de capitation. 18,000
Gratification du Receveur-général à 3 denier pour livre.......... 10,967
Art, 16. Appointements et frais de commissaires pour l'assemblée des Etats, situés dans les généralités de Pau et Bayon-
ne........... 1,435 liv.
Gages du receveur général des finances.. 17,520
Taxations et gratifications sur les recouvrements des impositions.. 31,500 Epices des
comptes..... 11,988 /
Art. 17. Frais de régie et recouvrement de l'imposition pour les milices de Bretagne ......................
Art. 18. Gages et droits du receveur général de Bretagne........ 24,197 liv. j
Idem. Des l*e- (
ceveurs parti- i
culiers....... 22,803 )
Art. 19. Frais de recouvrement à 5 0/0, ou 1 sou par livre, sur les impositions perçues par les trésoriers des pays d'états.
Montant desdites impositions.
Languedoc.
Impositions or- liv. 1 liv.
dinaires.........S,721,438 >8,983,119
Vingtièmes____ 3,261,741)
Bretagne.
Impositions or- liv.)
dinaires......... 3,819,00056,889,008
Vingtièmes---- 3,069,000}
Impositions or- liv.)
dinaires......... 1,856,500[3,413,000
Vingtièmes.... 1,556,500)
Provence.
Impositions or- liv.)
dinaires........ 1.505,556} 2.333,031
Vingtièmes ... 827,475)
Total des perceptions.. 21,618,210 liv.
Frais de recouvrement au
sou pour livre ou 5 0/0.....
Total des frais de perception ............
40,851
62,493
9,524
47,000
l,080,910
9,700,779 livres
Impositions particulières du Clergé de France.
Oblats.... 250,000 liv. Décimes.. 9,850,000 Augmentation ................900,000
Total............. ... 1l ,000,000 livres.
Reprises.
Le clergé paye, tous les cinq ans, un don gratuit de 16 millions, ce qui donne un produit, année commune, de....... 3,200,000 livres.
Mais le Trésor royal lui fournit, par année, pour aider sa libération......... 2,500,000
Ainsi, le produit effectif du don gratuit du clergé n'est
que de...................
Les oblats tournent au
profit du Trésor public____
Les intérêts de la dette du clergé sont acquittés sur le produit de ses décimes ; et, comme ces .intérêts seront" classés dans la masse de la dette publique, je porterai cet objet en recette, ci......
700,000 livres. 250,000
6,000,000
Produit effectif dés impositions du clergé pour le
Trésor public...............6,950,000 livres.
Impositions..........................11,000,000
Excédant,.
4,050,000 livres.
Etat des perceptions actuelles et des produits de la îerme générale.
Art. 1er. Gabelles, ferme des salines, et vente à l'étranger des sels ae salines et de la Méditerranée.
Grandes gabelles, ci 39,500,000 liv. \
Petites gabelles, et vente étrangère à
la Savoie.. 14,000,000
Gabelles locales et fermes des
salines ... 5,060,000
Excé -dants de vente au delà des prix de
bail...... 5,000,000
Vente étrangère à la Suisse.. 440,000
64,000,000 livres.
A reporter.
64,008,000 livres.
Report....... 64,000,000 livres.
Art. 2. Ferme du tabac.
Prix de
ferme..... 27,000,000 liv.
Excédants sur lesquels les fermiers généraux
n'ont au- v _____
cune part.. 2,000,000 / 30,500,000
Excédant dans lequel lesfermiers généraux partagent
avec le Roi. 1,500,000
Art. 3. Entrées de Paris et aides du plat-pays de Paris.
Prix de
ferme..... 30,000,000 liv.
Excédant sans partage....... 2,000,000 ,
Idem, par- } 33,500,000
tageable entre le Roi et les fermiers
généraux.. 1,500,000 Art. 4. Régie des traites.
Fixation de la régie. 28,000,000 liv.\
Excédant (
sans par- ( 30,000,000
tage...... 2,000,000 )
Total......... 158,000,000 livres.
DEDUCTIONS.
Art. 1er. Reprises pour indemnités, etc.
Dépenses que le Roi a prises à son compte, et qui sont retenues sur le prix du bail par les fermiers.................. 2,294,000 livres.
Indemnités allouées aux fermiers pour les francs-
charge du Roi 500,000 liv.
Idem. Par le défaut d'établissement de la vente exclusive dans les dépôts des provinces ré-
dimées......
Indemnités à M. le grand amiral.......
1,000,000
500,000
16,800 liv.'
Aux gardes-suisses, pour sel et tabac.. 12,000
Aux Etats de Languedoc,
pour le produit du droit du canal des Losnes sur les sels......... 275,000
303,800
A reporter..... 3,597,800 livres.
308,861
Report......... 3,597,800 livres.
A laProvence \
pour augmen- \
tation du prix I
du sel...... 200,000 I
A la ville f
de Marseille, \ 255,000
pour idem... 34,000 f Aux terres I
adjacentes de 1
Provence, ;
pour idem... 21,000 /
Dépenses des salines de
Moyenvic---- 65,631 liv. ^
Réparations des salines.. 112,000
Indemnité aux cautions de Monteiar,
pour résiliation du bail des salines... 40,600
Rentes à M. l'évêque de Metz, pour prix de bois par lui cédés pour les salines......... 90,630
Droits des mesureurs du
grenier à sel de Paris............5,238
Indemnité aux chartreux,
pour le péage de Quérieux
sur le sel.........................2,807
Gages du contre-garde des
salines du Languedoc............135
Traitement des commis à
la descente des sels........ 62,200
Indemnité à la ferme, pour non-jouissance de la rétribu-bution des propriétaires de marais de Gette, sur l'exportation de leurs sels à l'étranger....................... 50,000
Indemnité à l'hôpital général sur les entrées de
Paris...................... 180,000
/cim.Aux privilégiés,pour la conversion de leurs exemptions en argent............ 974,000
Idem . Pour le vin des privilégiés................... 123,984
Reprise sur la fixation des traites pour les passeports.. 400,000
Indemnité sur le produit du droit de convoi sur les sels, au profit de M. le duc
d'Aiguillon................ 24,000
Idem. A la marine, sur le droit du domaine d'Occident 180,000
Reprise sur la fixation des traites, pour la non-jouissance des 10 sous pour livre des droits de trépas de Loire, et traite par terre,
réunis à l'apanage de Monsieur..................... 40,500
Indemnité à la ville de
Bordeaux sur les traites---- 10,000
Reprise de l'excédant de
A reporter.
6,214,525 livres.
Report.........
2 millions sur la régie des traites, dont le produit n'excède pas 28 millions.......
Frais de comptabilité du bail des fermes aux différentes chambres des comptes Frais de comptes de la
ferme à Paris..............
Gages et réparations des bâtiments de la ferme, appartenant au Roi......
Total des reprises sur le prix du bail, ci............
6,214,525 livres.
2,000,000
150,215 26,000
24,000
8,414,740 livres.
Art. 2. Traitement des fermiers généraux. Honoraires des quarante-quatre fermiers généraux à 30,000 livres chacun 1,320,000 livres.
Auxdits pour leurs secrétaires..................... 158,400
Auxdits, remise de 8 deniers pour livre sur la fixation des traites............ 1,004,166
Auxdits, moitié dans l'excédant du prix de bail des gabelles 2,500,000 liv-1 Idem. Dans l'excédant de la ferme du tabac... 750,000 Idem. Dans l'excédant de la ferme des entrées de Paris et des aides du plat-pays..
Auxdits,
4,000,000
750,000 dividende de 2 0/0, sur'15,840,000 livres
de fonds d'avance.........
Indemnité aux principaux employés pour la suppression d'une place dont les bénéfices leur étaient répartis ....................
Réduction d'une partie des bénéfices arrêtée en 1788, pour le cours du bail actuel, ci.................
Traitement effectif des fermiers généraux.........
RÉSULTAT.
316,800
66,000
500,000
6,365,366 liv. (1).
Prix du bail..........................158,000,000 livres.
Reprises sur te bail, pour non jouissance et indemnité
à divers....................................8,414,740
Prix du bail effectif............149,585,260 livres.
Traitement des fermiers
généraux................................6,365,366
Produit effectif, pour le Trésor public, des droits
compris dans le prix du bail. 143,219,894 livres.
(1) Total erroné, mais que l'on ne peut changer, car il est reproduit plus loin.
Perception de la ferme pour subvenir à un prix de bail de 143,219,894 livres.
Art. 1er. Gabelles et droits sur le sel.
Vente du sel dans lesgran-desgabelles 47,211,838liv.
Idem. Dans les petites
gabelles... 18,108,636 Idem. Dans les gabelles
de salines. 5,079,452 Idem. En francs - salés....... 368,347
Droits de quart-bouillon..
Produit de la vente étrangère en sels de saline et de
la Méditerranée............
Produit des droits sur les sels enlevés des marais salants, pour l'exportation, la pêche et la consommation des provinces franches et
rédimées.................. 3,154,609
Produit de la ferme des salines et bois y affectés... 2,000,000
» Produit général, sauf la déduction de la valeur du sel....................... 77,585,195 livres.
70,768,273 livres.
761,113 901,200
Déduction pour valeur du sel.
Achats et transports dans les grandes
gabelles.... 2 468,130liv
Idem. Dans les petites gabelles.... 1,901,157 Idem. Dans les gabelles des salines.. 682,725 Idem. Pour les francs-salés....... 80,049
5,132,061
Produit effectif.......... 72,453,134 livres.
Autres déductions.
Frais de vente, magasinage et bénéfices du commerce sur le sel vendu dans les greniers de la ferme, estimés à 25 livres le quintal.
Dans les grandes gabelles....... 938,110 liv.
Dans les petites gabelles. 676,497
Dans les ga- ,
belles de sa- > 1,928,437
lines........ 284,469
Pourla vente des francs-salés........ 29,361
Objet effectif de l'impôt ou du produit de la ferme des salines et de la vente étrangère........ .............. 70,524,697 livres.
Autres perceptions.
Contributions des pays de quart-bouillon pour la plus-value du sel des sauneries à celui des marais salants.. 505,450liv.|
Contributions pécuniaires des saisies. 323,287
Contributions réelles des peuples, à raison de l'impôt du sel, de la vente à l'étranger en sels de salines et de la Méditerranée et de la ferme des salines................
828,737 livres.
71,353,434 livres.
Art. 2. Ferme du tabac.
La consommation est d'environ 16,500,000 livres, qui, au prix de 3 livres 4 sous la livre, donnent un produit brut de........ 52,800,000 livres.
RÉDUCTIONS.
Les approvisionnements pour une vente de 16 millions sont de 23,126,400 livres, qui, à raison de 35 livres le quintal, exigent une dépense de. 8,094,240 liv. \
Cet approvisionnement donne une fabrication d e 18,267,500 livres de tabac, nécessaire à cause
des déchets . 19RIHi,
jusqua la ) |«,bll,llo vente, pour une consommation de 16,500,900 livres ; et ces frais de fabrication, à 5 sous la livre, reviennent à..... 4,516,875
Produit réel, déductipn faite de la valeur des tabacs et des frais de fabrication..
Prélèvement pour frais de vente.
Il faut déduire, sur ce produit : 1° les remises des entreposeurs, qui représentent les bénéfices naturels du commerce et l'intérêt des
40,188,885 livres.
Report........
1,488,000 liv.
40,188,885 livres
avances____
2°Lesfrais de trans-
Sort des ta-acs aux manufactures , et des manufactures aux bureaux généraux, estimés à 5 livres le quin-tal, sur 23 millions de livres...
Objet de l'impôt.......».
On peut y ajouter le bénéfice de la ferme sur la vente du tabac rapé, à raison de 4 sous pour livre, sur environ 8 millions de livres....
Les saisies et accommodements....................
1,150,000
2,588,000
37,600,885 livres.
1,600,000 872,664
Conséquemment la contribution des peuples pour raison de l'impôt du tabac, est de....................... 39,201,549 livres.
A reporter..... 40,188,885 livres.
Art. 3. Régie des traites.
Les perceptions faites par la régie des traites pour le compte du Roi, montent, y compris le produit des saisies et accommodements, à............ 34,141,255 livres.
Sur quoi il faut déduire les droits sur les sels enlevés des marais salants pour la pêche, l'exportation et la destination des provinces franches et rédimées.
Leur produit est compris dans l'article 1er qui donne les produits de la gabelle et droits sur les sels ; il est de. 3,154,609
Objets effectifs des contributions des peuples par les droits compris dans la régie des traites............ 30,986,646 livres.
Art. 4. Entrées de Paris et aides du plat-pays.
La perception, année commune, des aides du plat-pays de Paris, est de.. 3,700,000 livres.
Les droits d'entrée de Paris, perçus pour le compte duM-nvMM!......... 32,651,000
Total des perceptions de cet article...............
RÉCAPITULATION.
Article 1er 71,353,434 liv.
2.. 39,201,549
3.. 30,986,646
4.. 36,351,000
36,351,000 livres.
177,892,785 livres.
Produit du bail...........143,219,894 livres.
Excédant des contribu-tions sur le produit destiné
pour le Trésor public............34,672,735 livres,
RÉGIE GÉNÉRALE.
Produits pour le Tréspr public.
Fixation de la régie.
Excédant estimatif,.
51,000,000 liv. 1,000,000
Reprises pour non-jouissances, etc.
Non-jouissances des droits d'aides dans le Glermontois, régis par la ferme générale........... 150,000 liv.
Idem, des droits d'aides dans le comté d'Auxerre, et indemnités déléguées sur la régie aux Etats de Bourgogne,
pour le rétablissement des droits d'aides dans le comté de Bar - sur-
Seine........ 600,000
Idem, du péage de Mà-con, abonné aux Etats du Mâconnais... 15,000
Idem, aux fabricants d e cuir du ressort du parlement de Grenoble.. 25,000
Idem, à M.
l'évêque d'E-vreux, pour le bourg de
Condé....... 4Q0
Idem, à divers : vin des privilégiés ... 13,600
Abonnement de la régie vis-à-vis de la ferme des postes,
pour le port des lettres... 228,000
52,00Q,0Q0 livres.
Produit réel de différents droits dont la perception est confiée à la Régie générale.
Déductions pour traitements des régisseurs.
Droits de présence des vingt-huit
régisseurs .. 56,000 liv.
1,032,000
50,968,000 livres.
Reports____
Auxdits, pour frais de secrétaires..
Auxdits , remise çlp 8 deniers pour livre suf la fixation de 51 millions..
Auxdits , 3 sous pour livre dans l'excédant de fixation, évalué à 1 million........
Indemnité aux principaux employés de la régie pour la suppression d'une place qui leur était répartie.....
Total...
Réduction ordonnée en 1788 .......
Traitement effectif des régisseurs..
[2 octobre 1785.] 295
56,000 liv. 58,968,000 livres.
88,000
1,700,000
150,000
40,250
2,034,250 liv, 140,000
1,894,250 liv. 1,894,250
Produit réel de la régie pour le Trésor public,
49,073,750
Perceptions pour subvenir au produitde 49,073,750 livres.
Art. 1er. Droits locaux et particuliers.
Droits d'aides, non compris ceux du comté d'Auxerre supprimés, au moyen du rachat qui a été fait par les Etats de Bourgogne, ci................. 23,874,000 livres
Meesphumng............ 115,500
Domaines de Hainaut..... 899,150
Droits locaux........... 39,752
Total....... 24,928,802 livres.
Art. 2. Droits communs à toutes les provinces. Droits d'inspecteurs aux
boissons...............
Droits d'inspecteurs aux
boucheries................
Droits des courtiers jau-
geurs...................
Droits réservés (Paris non compris)...
1,558,518 livres. 1,787,220 2,879,426 6,650,835
Octrois municipaux...... 1,586,300
Offices supprimés Sous pour livre des droits d'octrois et autres dont les principaux ne sont pas per-
225,300
A reporter. 56,000 liv. 50,968,000 livres.
A reporter..... 14,687,599 livres.
Report.........
çus pour le compte du Roi. Papier timbré ou formule. Droits sur les cartes à
jouer....................
Droits de marque des
cuirs.....................
Droits de la marque d'or
et d'argent................
Droits de fabrication des
papiers et cartons.........
Droits de fabrications sur
les poudres et amidon.....
Droits de la marque des
fers, à la fabrication. «.....
Nota. A Ventrée et à la circulation, les perceptions dépendent de la régie des traites.
Droits de fabrication des huiles à l'exercice ......... 615,477 liv.l
Abonnements des provinces rédi-mées de l'exercice.......... 287,874
Nota. A Ventrée et à la circulation, les perceptions dépendent de la régie des traites.
Total des perceptions pour droits communs à toutes les provinces.................
addition.
Plusieurs des droits de cet article sont convertis en faveur de diverses provinces qui, pour subvenir au prix de leurs abonnements, ont consenti un accroissement proportionnel sur les impositions territoriales.
Le prix de ces abonnements est versé par les receveurs généraux des finances et par les trésoriers des pays d'états, dans la caisse de la régie générale, qui n'a con-séquemment à supporter aucuns frais de perception.
Mais le recouvrement de ces abonnements exige les mêmes frais que les autres impositions territoriales : on peut les évaluer au sou pour livre, ou à 5 0/0.
L'objet de ces abonnements est, savoir :
Pays d'élection et pays
conquis..... 834,610 liv.
Idem, pour droits d'octrois........ 54,200
Etats de Languedoc .. 1,557,830
14,687,599 livres.
7,320,523 390,300
1,790,167
5,850,008
824,787
1,081,509
758,094
840,054
903,351
34,446,347 liv. (1).
A reporter,. 2,446,640 liv. 34,446,347 livres. (1) Total erroné.
Reports... 2,446,640 liv. 34,446,347 livres. Etats de
Bretagne.... 2,037,500 Roussillon. 28,000
Total..... 4,512,140 liv.
Frais de recouvrements au sou pour livre, ou à 5 0/0....... 225,807
Perceptions réelles pour droits communs à toutes les provinces.................
résultat.
Produit net de la régie générale pour le Trésor public, ci...................
Perceptions des impôts locdux et
particuliers. 24,928,802 liv.1
Idem, des impôts communs à toutes les provinces..... 34,672,154
225,807
34,672,154 livres.
49,073,750 livres.
59,600,956
Excédant des contributions au produit net....... 10,527,206 livres.
administration des domaines, droits casuels, et marc d'or.
Produit pour le Trésor public.
Fixation
delà régie. 50,000,000 liv.
Excédant
estimatif.. 1,500,000
Produit
des domai-
nes réunis
à la cou-
ronne de-
puis le ré-
sultat du
conseil qui
a détermi-
né la fixa-
tion de 50
millions... 340,000 i
Droits casuels, dont le recouvre
Produit pour le Trésor public.
51,840,000 livres.
tration des domaines.
51,840,000 livres.
tration des domaines.
Droits de
offices.....
Centième denier des offices dont le rachat est expiré.....
mutation des 1,200,000 liv.
1,200,000
2,400,000
A reporter.... 54,240,000 livres.
Report........ 54,240,000 livres.
1,100,000 liv.
1,390,000
Droits des Maîtrises de Paris et des provinces..
Finances des offices du point d'honneur qui sont à vie et se re-nouvellent sans cesse..
Droits des officiers municipaux et droits de confirmation de la no -
blesse..... 90,000
Droit de marc d'or et de quittances................ 1,875,000
200,000
Produit général, sauf les déductions................ 57,505,000 livres.
Reprises pour non-jouissances et indemnités.
Non jouissances d'une partie de la formule comprise dans la fixation île la régie générale, ci. 150,000 liv.
Idem, des sous pour livre de divers droits domaniaux compris dans la fixation de la régie générale........ 50,000
Idem, des droits de contrôle dans le Cler-montois, ré-
gis Par la fiin nnn
ferme géné- o4U,U(JU
raie pour le compte du
Roi....... 40,000
Achats de papiers et parchemins. 340,000
Attributions des procureurs du Roi, des bureaux des finances,
dans les droits ca-
suels...... 60,000
Achats de parchemin pour les
quittances comptables,
etc.......
Abonne -ments de l'Administration, vis-à-vis de la ferme des postes, pour les ports de lettres.....
Report...... 56,865,000 livres.
10,000
S 238,000
56,627,000 livres.
Autres reprises.
Loyers, réparations, entretien de l'hôtel de l'administration ....... 60,000 liv.
Honoraires du conseil de l'administration ... 10,000
Dépenses communes pour les frais de comptes........... 40,685
110,685
Produit réel, déduction faite des reprises.......... 56,516,315 livres.
Déductions pour les traitements des administrateurs.
Traitements fixes des vingt-huit administrateurs des domaines, à 45,000 livres cha-
cun, ci.
Auxdits , pour frais de secrétaires...
Auxdits, pour le tiers de l'excédant de la fixation de 50 mil -
lions.......
Auxdits, remises de 8 deniers pour livre sur le produit des droits de marc d'or et casuels, et des domaines réunis à la Couronne depuis la fixation ......
Indemnités aux principaux employés de l'administration, pour la sup-pres si o n d'une place dont les bé-
1,260,000 liv.
124,323
500,000
200,167
A reporter.. 56,865,000 livres. A reporter.. 2,084,490 liv. 56,516,315 livres.
56,516,315 livres.
Reports.... 2,084,490 liv.
néfices leur étaient répartis ..................34,000
Total.... 2,118,490 liv.
Retranchement ordonné en 1788., 200,000
Traitement
effectif..........1,918,490 liv. 1,918,490
Produit net pour le Trésor public........,........... 54,597,825 livres.
perceptions ou produits pour survenir au revenu de 54,597,825 livres.
Art. 1er. Biens domaniaux.
Domaines en fonds et terres........ 1,649,852 liv.1
Idem, réunis à la Couronne , depuis la fixation.. 340,000 Gens et rentes foncières..
Sous pour livre des domaines engagés ..........
Droits domaniaux, péages,
et autres en régie..........
Nota. Indépenddmment des droits de péage qui dépendent de la régie des trqi-tes
Lods et ventes.......... 2,400,000
Forêts domaniales... 8,400,000
1,989,842 livres.
800,000 213,000 156,750
Total de cet article...... 13,959,592 livres.
Art. 2. Droits nuisibles à la propriété.
Droits d'aubaine, confiscation , bâtardise.......*.. 80,000 livres.
Droits d'échange (non compris ceux qui sont aliénés).. 8Q,Q00
Droits d'usage non convertis en abonnements, perçus par accroissement sur les impositions territoriales.. 152,462 liv.
Droits de nouveaux acquêts ........ 7,350
Droits d'usage et de nouveaux acquêts,
convertis par des abonnements en accroissement
sur les impo- ) 646,172
sitions foncières, et dont le montant est versé par les receveurs généraux des finances dans la caisse de l'ad-mi nis tr a -tion des do -maines..... 486,360
A reporter.
806,172 livres.
Report......
Droit d'amortissement.... Droit de franc-fief.......
Total
806,172 livres.
270,000 1,800,000
2,876,172 Ijvres.
Art. 3. Droits sur les conventions.
Régie des hypothèques... 1,250,0Q0 livres.
Contrôle des actes....... 11,400,000
Insinuation............. 2,150,000
Centième denier........ 8,520,000
Total............ 23,320,0QQ livres.
Art. 4. Droits sur les procédures.
Contrôle des exploits.... 3,450,000 livres.
Droits de greffe........ 1,380,000
Droits réservés......... 1,643,000
Total.
Art. 5. Papier timbré. Droits de timbre et sous pour livre du droit du papier timbré...............
6,421,000 livres.
5,865,000 livres.
Art. 6. Casuels et'maro d'or.
Droits casuels, produit
net....... 3,790,000 liv.]
Droits de /
mate d'or, (
idem...... 1,875,000
5,665,000 livres.
Art.
1er. 2.. 3.. 4.. 5..
récapitulation.
13,959,592 liv. 2,876,172 23,320,000 6,421,000 5,865,000 5,665,000
Total... 58,106,764 liv. 58,106,764 livres.
addition.
Ces produits sont le résultat des recettes, donj: comptent les percepteurs; mais ils jouissent d'une remise qui ne fait point partie de ces recettes, et qu'il faut ajouter aux perceptions faites sur les contribuables.
Cette remise porte sur les divers objets de recette, à l'exception de l'article premier, dont les frais sont distingués.
Les perceptions totales
A reporter... 58,106,764 livres.
Report....... 58,106,764 livres.
montent à. 58,106,764 liv.
Déduction de l'article l0r... 13,959,592
Objet des recettes qu'il faut augmenter des remises des contribuables... 44,147,172 liv.
Remise, à raison de 2 sous pour livre pour le traitement des percepteurs, indépendamment de leurs appointements.................... 4,414,717
Total des perceptions pour subvenir au produit de
54,597,825 livres, ci....... 62,521,481 livres.
Produit de l'administration...................... 54,597,825
Excédant au delà des produits..................... 7,923,659 livres.
Il faut y ajouter les frais d'administralion des eaux et forêts, qui sont séparés.
Dans le compte de 1788, les dépenses de cette administration, et les gages des maîtrises, etc., sont portés à une somme de 3,466, 961 livres,
et je crois que les finances des différents officiers n'excèdent pas 30 millions : l'intérêt à 5 0/0 n'est que de 1,500,000 livres, ce qui fixe les frais de cette administration à.................... 1,966,961
Total............. 9,890,617 livres.
Droits du Clermontois.
Le produit de ces droits est de....................
Celui de l'impôt du sel et de la ferme du tabac est de
Conséquemrnent, les droits compris dans la fixation de la régie générale et de l'administration des domaines, mais dont la perception est faite par la ferme générale, pour le compte du Roi, donnent un produit de........
304,680 livres. 197,805
106,875 livres.
Ainsi, cet article doit être divisé en accroissement de produit sur la ferme générale, la régie et l'adiniuistration, dans les proportions suivantes :
FERME GÉNÉRALE
Perceptions sur l'impôt du sel en sus de celles énoncées____ 120,000 liv. ]
Idem, I
sur le ta- i
bac..... 77,805 )
RÉGIE GÉNÉRALE.
Droits d'aides dans le Clermontois perçus sur l'ancien pied par la ferme générale.
ADMINISTRATION DESDOMAINES
Droits de contrôle, idem, perçus sur l'ancien pied par la ferme générale..........
197,805 livres.
80,000
26,875
Total.
304,680 livres.
On doit observer que les parties de la ferme générale ne forment point une augmentation du produit, parce qu'elles sont comprises dans les prix de ferme des gabelles et du tabac.
Mais comme on a fait déduction, slir les fixations de la régie et de l'administration des domaines, des non-jouissances de ces droits, leur produit net doit être porté en accroissement du produit destiné pour le Trésor public.
FERMES DES POSTES
Prix de
bail..... 10,800,000 liv.1
Augmentation par la suppression des contre-seings. 1,200,000
REPRISES.
Indemnité aux fermiers, pour la franchise des ports de lettres aux commandants de provinces..... 160,000 liv.
Idem, pour aug m en-tation de frais de régie....... 300,000
Somme allouée aux fer m ier s pour frais de compte. 43,000
12,000,000 livres.
503,000
Produit net pour le Trésor public.................... 11,497,000 livres.
Fermes des messageries.
Prix de bail.............
1,100,000 livres.
Loteries.
Produit net, déduction faite des lots, et des remises allouées aux receveurs, suivant le
compte de 1788, ci........ 10,000,000 livres.
REPRISES.
Abonnement de la loterie vis-à-vis la ferme des postes, ci............. 50,000 liv.
Appointements des commis de l'administration; achat de papier,caractères, et autres fournitures ou frais de régie...... 474,000 572,000
Appointements frais de bureau du receveur général.... 31,000
Idem, du directeur et sous-direc-teurdeLyon. 15,000
Frais de tirage des loteries...... 6,000
Produit effectif pour le Trésor public................
Traitements des régisseurs.
Cinq administrateurs à 20,000 livres chacun, ci.......... 100,000 liv.
Auxdits,
remises en sus de leurs traitements. 70,000
572,000
9,428,000 livres.
170,000
Produit net........... 9,258,000 livres.
CONTRIBUTIONS DES PEUPLES POUR UN PRODUIT DE 9,258,000 LIVRES.
On peut estimer la recette brute de la loterie à..45,000,000 liveres.
Les remises des receveurs, à 4 0/0, sont de....... 1,800,000 liv.
Les béné-fi c e s et frais de ré-
fie, sont
e....... 10,000,000
Le public ne reçoit donc en lots que...............
45,000,000 livres.
11,800,000 33,200,000
Ainsi, le bénéfice au delà
des mises est de........... 11,800,000 livres.
Le produit est de........ 9,258,000
Excédant en surchage pour les peuples................
2,542,000 livres.
Ferme de Sceaux et de Poissy.
Prix de bail de la caisse de Poissy....... 600,000 liv.
Idem, du marché aux veaux et du droit de 12 sous par veau à l'entrée de
Paris........ 30,000
On peut estimer les frais d'administration et les bénéfices des fermiers à......
630,000 livres.
150,000
Droits de la Flandre maritime.
Abonnement des droits de la Flandre maritime à l'administration de cette province, ci.................. 823,000 livres
On assure que cet abonnement serait susceptible d'une forte augmentation ;
ainsi on peut évaluer la recette brute à.............. 1,000,000
Excédant.......... 200,000 livres.
Régies des poudres et salpêtres.
Le produit, année commune, de la régie des poudres et salpêtres, sauf les reprises de constructions, réparations et autres dépenses ordinaires, est de................. 800,000 livres.
Les traitements des régisseurs sont à peu près de.... 60,000
Produit net........... 740,000 livres.
Monnaies et affinages.
Bénéfices du Roi sur la fabrication des monnaies..... 533,000
Bail des affinages....... 120,000
Total.............. 653,000 livres.
Forges du Roi et terrains des Quinze-Vingts.
Leur produit est, année
commune, de. ........... 80,000 livres.
Loyer des terrains et maisons des Quinze-Vingts..... 180,000
Total
260,000 livres.
Intérêts des sommes prêtées.
34 millions de livres aux
Etals-Unis................
6 millions de livres à un prince d'Allemagne.......
1,600,000 livres. 300,000
Total., ........... 1,900,000 livres.
N° 2.
DÉPENSES DE L'ÉTAT A LA CHARGE DU TRÉSOR ROYAL.
Art. 1er. Département de la guerre.
Suivant le compte de 1788, les dépenses sont :
1 °Fonds fournis par le Trésor
royal..................... 97,451,485 livres.
2° Payements sur les recettes générales des finances , et gouverneurs et lieutenants du Roi, par les pays d'états ....... 51,890 liv.
Logements et casernements...... 285,680
Etats-majors des places........ 61,780
Fourrages. 1,736,800
Etapes et convois militaires......2,650,000
Fortifications ...... 197,160
Commissaires de guerres... 9,140
Invalides. 7,000
Milices bourgeoises 580 5,096,190
Comman-dant du Languedoc 59,400
Lieutenant du Roi du Languedoc....... 6,300
Comman-dant de Bretagne.. 20,000
Lieutenant du Roi, de Bourgogne. 7,470
Lieutenant du Roi, de Provence. 1,890
Lieutenant du Roi, de Pau....... 1,170 /
3° Dépenses particulières par plusieurs Etats du Languedoc ...... 398,355 liv.
Etats deBretagne750,000
Etats de Provence .......336,000
Etats de Bourgogne...300,000
Impositions du Roussillon.32,229
Impositions de Pau et Ba-yonne.10,576
4° Habillement du régiment du Roi, infanterie....40,000
5° Entretien de l'hôtel des gardes-du-corps, à Versailles .......................6,000
A reporter...104,420,835
Report.......104,420,835 lives.
6° Logement du colonel des Suisses...............4,000
7° Bois et lumière pour le corps de garde du régiment des gardes-françaises à Parisi, gratification, etc.......5,000
8° Maréchaussée de l'Ile de France...................245,000
Totale dépense suivant le compte de 1788........... 104,674,835 livres.
Suivant l'état de M. Necker, la dépense de la guerre, y compris la maréchaussée de l'Ile de France, n'est portéeen dépense quepour 99,430,000 livres ; mais il est à présumer qu'il' n'y a point compris les dépenses faites par les pays d'Etats.
Ain si j'évaluerai les dépenses de ce département à une somme fixe de............. 100,000,000 livres.
A reporter... 104,420,835 livres.
Art. 2. Département de la marine.
Suivant le compte de 1788, la dépense de ce département était de 45 millions de livres ; les économies effectuées depuis ce compte ont réduit cette dépense à 40,500,000 livres ; mais les réformes projetées dans les colonies exigeant des indemnités estimées 400,000 livres, la dépense de ce département doit être arbitrée à.. 40,900,000liv.
La marine jouit en outre, sur le / 41,080,000 livres, produit du droit de domaine d'Occident, d'une rétribution annuelle de....... 180,000
Art. 3. Département des affaires étrangères.
Suivant le compte de 1788, la dépense de ce département était de 9,130,000 livres ; il paraît que les économies effectuées depuis la publication de ce compte, l'ont réduite, suivant l'état de M. Necker, à............... 7,480,000 livres.
Art. 4. Département de la maison du Roi.
Les dépenses de ce département comprennent la maison du Roi, celle de la Reine, des Enfants de France,etc.
Suivant le compte de 1788, cet article n'est que de 23,042,000 livres; mais il est porté dans l'état de M. Necker à.. ..... .. 25,000,000 livres.
Payement pour la ferme des postes au domaine de Versailles, pour fourniture de bois, bougie et charbon au château............... 100,000
Dépense des capitaineries..................... 11,550
Dépense de la garde des spectacles à Versailles..........6,600
Total...... 25,118,150 livres.
Je me contenterai d'évaluer cet article à.......... 25,000,000 livres.
Art. 5. Maisons de Monsieur, de Madame, de monseigneur comte d'Artois, de madame comtesse d'Artois, de monseigneur le duc d1 Angoulême et de monseigneur le duc de Berrg.
Suivant l'état de M. Necker, cet article de dépense, y compris les traitements des personnes qui ont servi les enfants de monseigneur comte d'Artois dans leur bas âge,
est de.. i k. .............. 8,240,000 livres.
Monsieur a fait une remise sur son traitement, dë 500,000 livres; monseigneur comte d'Artois unede400,000 livres ; ces économies sont présentement effectuées, ci.. 900,000
Conséquemment, cet article ne doit être évalué que.7,340,000 livres.
Art. 6. Dépenses relatives aux Monnaies.
J'établirai ces dépenses sur le compte de 1788.
1° Loyer de l'hôtel des Monnaies, à Perpignan, ci.. 720 livres.
2° Dépensé des hôtels et juridictions dés Monnaies, ci......................... 66,232
3° Expédition du greffe, ët eiivoi de pbinçotis..................750
4° Traitements dés substituts du procureur général,des procureurs du Roi et greffiers des monnaies...............1,932
5° Idem, des secrétaires du premier président et du procureur général........................550
6° Essais des deniers de boite..........................................600
7° Traitements des deux inspecteurs généraux des monnaies................. 9,000
8° Idem, du garde des archives ......... 1,000
9° Idem, de l'inspecteur général des monnaies................3,600
10° Idem, du contrôleur général des monnaies........ 12,000
11° Idem, de. divers employés à l'hôtel des Monnaies 2,870
12° Lôyëi: d'ùiie maison pour les monnaies, à Lyon. 2,000
13° Menues dépenses des monnaies........................1,000
14° Entretien des bâtiments, machines, outils et ustensiles des dix-sept hôtels des Monnaies, environ..... 120,000
15° Traitement du contrôleur de l'hôtel des Monnaies................... t : 8,000
16° Idem, de l'inspecteur dudithôtel......1,200
Totaledépensede cet article.........................231,454 livres.
Art. 7. Frais de justice et procédures.
1° Procédures criminelles pour fausses mon-
naies..........................................5,000 livres.
2° Frais de procédures à lacharge du Roi ....................10,000
3° Frais de justice à la charge du Roi..........................3,025,952
4° Plus, sur les domaines. 5,800
Totale dépense de cet article, suivant le compte de 1788, ci................... 3,046,752 livres.
Art. 8. Secours annuels, dons, aumônes, etc. 1° A divers hôpitaux, savoir :
Hôpital de Nancy....... 6,000 liv.
Hôpitaux de Normandie .. 120,000
Hôpital de Toulouse 60,000
Hospice de la Charité de Paris........ 42,000
Hospice des/ 1,005,905 Enfants-Trouvés de Paris.. 4,800
Ecoles des orphelins militaires ...... 32,000
Hôtels-Dieu, Enfants-Trouvés et autres hôpitaux.... 741,105
2° Secours aux Hollandais qui se sont réfugiés en France...................830,000
3° Secours annuels aux villes de Dieppe, Viteaux, Mé-zières, Limoges, Gaen* Verdun et Nancy............81,296
4° Idem, aux missionnaires royaux du Languedoc.....60,000
5° Secours pour la construction des édifices sacrés.2,188,000
6° Secours accordés sur le produit de la loterie.
Indemnités aux établissements qui participaient aux bénéficessur les loteries. 1,175,441 liv.
Attribution s diverses sur
idem.......10,000
Gratifica -tion de 200 livres allouée à chacune des filles dont les/ 1,339,441 noms sont annexés aux 120 numéros sortants,chaque année..24008
Secour s annuels à la noblesse indigente .....130,000
A reporter.... 5,504,642 livres.
Report......; 5,704,642 livres.
7° Dons et aumônes divers .......234040liv.
Idem, délivrés aux curés de Paris,/ 347,503 Versailles et Saint-Germain, pour les pauvres....113463
8° Envois dans les provinces.........59,0;0
9° Secours à diverses communautés religieuses, aux curés de Paris et autres, pour les pauvres des paroisses..................452,583
10° Idem, annuels aux missionnaires royaux du Languedoc ...............18,780
Totale dépense de cet article....................6,382,508 livres.
Art. 9. dépenses annuelles pour les arts 1» Gages du professeur de himie, à Perpignan.......12,000 livres.
2° Idem, du professeur de minéralogie établi à l'hôtel des Monnaies de Paris.....2,000
3° Département des mines.90,000
4° Ecoles vétérinaires...72,000
5° Bibliothèque du Roi...220,000
6° Jardin-des-Plantes et cabinet d'histoire naturelle.107,000
8° Monnaie des médailles, pour les jetons des académies et autres............42,500
9° Secours annuels aux collèges de Provence..... 5,420 liv.
Idem, h ceux/ 17,500 de Pau, Ba-yonneetFoix. 12,080
10° Traitements de plusieurs gens de lettres et gratifications pour travaux littéraires...................323,100
Total de cet article .......960,300 livres.
Art. 10. Traitements des grands officiers de la Couronne et du bureau des dépenses ae la maison du Roi.
1° Traitements des grands officiers de la Couronne... 322,800 livres.
2° Appointements des cinq commissaires de lamaison du Roi, à la financé de25,000 liv.
chacun, ci... 125,000 liv.
Idem, des deux commissaires/ 135,000 de la chambre des comptes10,000
Total.... 457,800 livres.
Nota. Je crois que cet article fait partie de la dépense de la maison du Roi, sommée, dans l état de M. Necker, à 25 millions, et qui n'était portée qu'à 23,042,000 livres dabs le compte de 1788.
Ce serait donc un double emploi; ainsi, je tirerai cet article pour...........................Néant.
Art. 11. Dépenses relatives à la Compagnie des I ndes
Loyer de l'hôtel de la Compagnie des Indes, ci...18,000 livres.
Si le privilège de cette Compagnie est conservé, le gouvernemen t ne prendra certainement pas cette dépense à son compte, ainsi, cet article doit être tiré à.......
Art. 12. Dépenses des ministres, du conseil des intendances, etc.
1° Traitements des ministres, comité contentieux, intendants des finances et du commerce, appointements et frais de leurs bureaux et acquits-patents, ci....2,917,000livrse.
2° Idebn, du conseil des dépêches, conseil royal des finances et de commerce, conseil privé et différentes commissions du conseil, ci...412,000
3° Traitements et pensions du conseil, des premiers présidents, avocats et procureurs généraux des parlements et autres cours supérieures ...................268,000
4° Commissions du conseil.302,600
5° Gratifications à MM.du conseil..................108,930
6° Gratifications à quelques gouverneurs de province, et au conseil supérieur du Roussillon.....................14,250
7° Traitements de MM. les intendants, ci......... 1,005,540 liv
Idem, de l'intendant du Languedoc .......25,270
Idem, de celui de Bretagne......48,670
Idtm, de Celui de Bourgogne.31,470/ 1,207,090
Idem, de lui de Provence......28,470
Idem, de celui du Roussillon.16,470
Idem, de celui de Pau, Ba-yonne et Foix.......51,200
Total de. cet article.. 5,229,870 livres.
Nota. Dans le nouveau régime, il est à présumer que ce chapitre sera susceptible d'une forte réduction.
Art. 13. Tribunal des maréchaux de France. Loyer de l'hôtel du tribunal des maréchaux de France, et gages des personnes y attachées......... 25,400 livres.
Art. 14. Défenses de Corse.Supplément de fonds pour les dépenses de Corse, au delà du produit des contributions de cette île...........250,000livres.
Art. 15. Dépense s et frais d'administration.
1° Appointements, loyers et frais de bureau du département de la ferme générale. 102000 livres.
Idem, de la régie générale.29,950
Idem, de l'administration des domaines.............177,200
Idem, de la législation des hypothèques...............3000
Idem, des revenus casuels et du marc d'or...........50,000
Idem, du bureau des pensions .....................64,500
Idem, de la conservation des saisies et oppositions sur le Trésor royal............3,200
Idem, du département des contentieux de la Monnaie..25,000
Idem, du département de la librairie...............12,000
Total de ces objets.....466,850 livres.
2° Frais de transcription des registres du parlement.6,000
3° Gages du conseil, pour le premier commis du Trésor royal, en exercice......1,500
4° Traitements divers des personnes attachées à l'administration et de leurs bureaux, appointements et dépenses particulières, non spécifiés.................1,143,200
5° Intendance générale des postes.. 100,000 liv.
Frais de bureaux.... 30,000
Inspecteur général des postes8,000 /459,333
Dépenses secrètes sur les postes... 300,000
Gages du maître des j courriers... 21,333
6° Traitement du premier président des monnaies, comme commissaire de l'hôtel, ci...... 2,000 liv.
Idem, du procureurgé-néral, second commissaire. 2,000 /4,650
Idem, du greffier, comme greffier de la commission .... 650
Total de cet article, ci.... 2,081,533 livres.
Nota. Ce chapitre de dépenses sera susceptible de réduction, lorsque la perception des impôts sera simplifiée.
Art. 16. Primes, encouragements et dépense» relatives au commerce.
1° Primes en faveur de la traite des noirs, de l'exportation des morues et des sucres raffinés...............259,3715 livres.
2° Attribution de la chambre du commerce de Picardie............... .......12,000
3» Partie des frais du bureau de la balance du commerce, le surplus payé sur la caisse de commerce......53,400
4° Traitement de M. ûuSont, commissaire général du commerce............21600
5° Gratifications à divers.4,600
6° Encouragements aux manufactures de Seignelay et Beau vais...............8,000
Total................. 2,693,315 livres.
Art. 17. Frais d'administration du Trésor royal.
1° Cinq administrateurs à 50,000 livres chacun..............250,000 livres.
2° Bureaux et frais d'administration pour toutes les dépenses des divers départements, ci ............................1,250,000
Total.................................. 1,500,000 livres.
Nota. Cet article, dans Vètat de M. Necker, est porté à 3,753,000 livres; mais les dépenses des payeurs des rentes, frais de comptabilité, épices, etc., y sont compris : ces objets sont relatifs à la dépense de la dette publique, et ne concernent plus les dépenses de l'Etat.
Ainsi, ce chapitre de dépenses n'excédera certainement pas 1,500,000 livres.
Art. 18. Pensions, retraites, etc.
Cet objet de dépenses, dans l'état de M. Necker, à peu près conforme au compte de 1788, est porté à.................... 29,560,000 livres.
Mais ces pensions ont été grevées de retenues très-fortes pour la durée de cinq années ; ces retenues sont effectuées, et seront vraisemblablement rendues permanentes : M. Necker les a comptées dans le produit général des retenues faites au Trésor royal sur les pensions, traitements, etc.
Elles montent à 5,323,249 livres, ce qui réduit cet article de dépenses à 24,236,751 livres, ainsi, je me contenterai d'évaluer ce chapitre à.............. 24,000,000 livres.
Art. 19. Dépenses imprévues.
Dans le compte de 1781, M. Necker n'avait estimé cette dépense qu'à 3,000,000 livres, parce qu'il n'avait point fait état de divers petits recouvrements qui pouvaient survenir; je ne pense pas que ce chapitre peut être réduit au-dessous de....... 5,000,000 livres.
Art. 20. Service des postes et relais. Appointements et supplément de gages des maîtres de postes, sur la recette du Roussillon................3,910 livres.
Gratifications des maîtres de postes sur la recette de Pau.......................9,962
Offices des maîtres de postes sur la ferme des postes.. 269,053
Dépenses des postes aux chevaux ..................169,550
Total................452,475 livres.
Récapitulation des dépenses qui doivent être à la charge du Trésor royal.
Art. 1er. Département de la
guerre..........100,000,000livres.
2. Département de la marine.........41,080,000
3. Département des affaires étrangères.7,480,000
4. Département de la maison du Roi..25,000,000
5. Maisons desprinces.7,340,000
6. Dépenses des monnaies ...........231,454.
7. Frais de justice et de procédures...3,046,752
8. Secours annuels,dons, aumônes , etc.............6,382,508
9. Dépenses, pour les sciences, arts, etc.965,300
10. Traitements des grands officiers de la Couronne et du bureau de la maison ;du Roi , comme double emploi avec l'article 4..........Néant.
11. Dépenses relatives à la compagnie des Indes; elle ne subsisterait pas, si le privilège était conservé, ci.Néant.
12. Traitements et bureaux des ministres du conseil et des intendants , ci..............5,229,870
13. Tribunal des maréchaux de France.25400
14. Supplément pour les dépenses de Corse..........250,000
15. Dépenses et frais de bureaux de l'administration.....2,081,533
16. Primes et encouragements pour le commerce.......2,693,315
17. Frais d'administration du Trésor royal..........1,500,000
18. Pensionsetretraites24,000,000
A reporter.... 227,306,132 livres.
Report..............227,306,132 livres.
Art. 19. Dépenses imprévues......................5,000,000
20. Service des posteset relais..............452,475
Total des dépenses à la charge du Trésor royal, lorsque le nouveau régime sera en activité................ 232,758,607 livres.
Je me contenterai d'évaluer les économies les plus apparentes sur les dépenses de l'administration, à...... 2,758,607
Conséquemment, la recette du Trésor royal doit être fixée à....................230,000,000 livres.
Autres dépenses dont la dispositon doit naturellement être faite par les assemblées provinciales.
1° Ponts et chaussées suivant l'état de M. Necker........................5,680,000livres.
2° Haras.................814,000
3° Entretien et police de la ville de Paris...............3,735,000
4° Travaux de charité . 1,896,000
5° Destruction du vagabondage et de la mendicité.....1,896,000
6° Dépenses relatives au payement de la dette publique..... 2,253,000 liv.
Idem, appointements du /2,297,800 bure au des rentes...... 44,800
7° Entretien et réparation des domaines..............1,900,000
8° Plantations et ornements des rivières...............500,000
9° Illumination des villes..50,737
10°0fficiers municipaux du Languedoc et Pau..........1,165
Total de la partie de la dépense de l'Etat, qu'il serait naturel de laisser à la disposition des provinces.........18,018,702 livres.
RÉCAPITULATION.
Dépenses à la charge du Trésor royal, sauf les réductions qui sont arrêtées par l'Assemblée nationale sur les dépenses des départements, ci........................ 230,000,000 livres.
Autres dépenses dont l'emploi devrait être à la disposition des provinces, si le régime actuel des impositions était conservé............ 18,000,000
Total......... 248,000,000 livres.
N» 3.
DÉPENSES POUR LES INTÉRÊTS DE LA DETTE PUBLIQUE.
Art. 1er. Anticipations.
Les intérêts et frais des anticipations sont sommés dans l'état de M. Necker, y compris la portion d'intérêts nécessaires pour balancer l'intérêt de l'emprunt de 80 millions, qui était projeté pour la présente année ; ainsi cet article est à peu près lemême qu'en 1788. 15,000,000 livres.
Art. 2. Rentes perpétuelles.
Les intérêts, conformément à l'état n° 15 des recherches et considérations nouvelles
sur les finances , IIe vol.,pages 117 et suivantes,sont
de. 66,377,245
Art. 3. Intérêts des fonds d'avance, cautionnements et finances des comptables. Cet article de dépenses est sommé dans l'ouvrage ci-dessus, iie volume, page 115, à.......... 15,037,085 liv.
Mais l'article ués payeurs de rentes et de leurs con -trôleurs est porté à 2,281,000 1.les finances ne montent qu'à 24 millions de livres dont l'intérêt à 5 0/0 est de 1,200,0001.; ainsi il faùt retrancher sur cet article de dépenses la somme de 1,081,000 livres,Ce qui est employée dans le chapitre de la dépense pour la dette publique... 1,081,000
Ce qui réduit cet article à..... 13,956,085 liv. 13,956,085
Art. 4. Intérêts des payeurs des rentes, supprimés......250,000
Art. 5. Rentes viagères," suivant l'ouvrage ci-dessus, ne vol., page 123..........102,484,000
Art. 6. Intérêts des capitaux remboursables à époques fixes.
A reporter... 198,067,330 livres.
Report.......198067330 livres.
1° Dépôt au Trésorroyal......120,000liv
2° Capitaux em -pruntés di-rectement chez l'étranger , à termes fixes,suivant l'ouvrage idem, page 117.......1,099,500
3° Fonds d'avance remboursables à époques fixes,même tableau.....41,300
4° Em -prunts à termes fixes, autre t a -bleau, page 117....... 18,943,006
Art. 7. Intérêts des emprunts effectués depuis le mois de septembre 1788, et dont le capital est d'environ 100 millions..............5,000,000
Art. 8. Idem, de 40 millions, dont la dette est augmentée par l'emprunt de 80 millions décrété, moitié en espèces, moitié en effetsroyaux...................2,000,000
Art. 9. Intérêts de la dette du clergé, environ.........6,000,000
Art. 10. Intérêts des capitaux ne produisant point intérêt , mais remboursables dans le terme de quelques années, et dont les remboursements de 1788 et années subséquentes ne sont point effectués, lesdits capitaux montant environ à 40 millions.....................2,000,000
Art. 11. Intérêts et remboursements des capitaux empruntés par les pays d'Etats....................10,000,000
Art. 12. Intérêts des capitaux qui étaient remboursables en 1788, èt dont le payement a été suspendu par l'arrêt du 16 août 1788, capital d'environ 60 millions, non compris ceux de l'article 10.
Art. 13. Gages des offices tenant lieu des intérêts des finances...............14,692,000
Art. 14. Primes et lots attachés à divers emprunts estimés , année commune (voyez l'ouvrage ci-dessus, tableau de la page 117), à...3,000,000
Totale dépense pour les intérêts de la dette publique.. 263,963,136 livres.
Augmentation de dépense par suite du décret portant suppression de la vénalité des charges.
La finance des offices de judicature, y compris les secrétaires du Roi, est d'environ 700 millions, dont l'intérêt, à 4 0/0 jusqu'au remboursemeiit* sera de................... 28,000,000 livres.
Les attributions des cours peuvent être évaluées à... 13,000,000
Sur quoi faisant distraction des gages qui tiennent lieu des intérêts des finances.... 14,692,000
L'augmentation sera de.. 36,308,000 livres.
RÉCAPITULATION.
Intérêts de la dette publique....................... 263,963,136 livres.
Accroissement de dépenses par la suppression de la vénalité des charges....... 26,308,000
Total................... 290,271,136 livres.
N° 4.
DROITS A SUPPRIMER, ET DONT LA COMPENSATION DOIT ÊTRE OPÉRÉE PAR L'IMPOT DE PROPRIÉTÉ ET PAR L'IMPOT PERSONNEL.
, Art. 1er. Régie des traites.
1° Droits de circulation dépendants de la régie des traites.................... 4,799,000 livres.
2° Droits de la marque des fers, dépendants de la régie des traites et de la régie générale.................... 1,172,000
3° Droits de fabrication sur les huiles nationales, dépendants des deux régies précédentes .................... 1,860,000
4° Droits sur les boissons dans la communication des provinces sujettes aux aides et de celles qui n'y sont -point assujetties, dépendants de la régie des traites ..... 410,000
5° Droits d'abord et de consommation sur le poisson dé mer, entrant dans les provinces des cinq grosses fermes.................... 290,000
6° Droits de péage dépendants de la régie des traiA reporter.... 8531,000 livres.
Report.......8,531,000livres.
tes......... 300,000 liv.
Péage de Mcon, compris dans la fixation de la régie générale..... 15,000
Droits de péage, compris dans la fixation d e /6,472,000 l'administration des domaines..... 157,000
Droits de péage appartenant à divers, évalués à une perception de..... 6,000,000
7° Droits de minage au profit du domaine ou des engagistes 8,531,000 livres.
Au profit des villes et communautés d'habitants........469,000
Au profit duclergé.......206000 /2,005,000
Au profit des hôpitaux.98,000
Au profit de divers particuliers......510,000
8° Droits d'aides dans lesprovinces y sujettes.. 23,874,000
Idem,daos le plat-pays de Paris3,700,000
Idem, dans le Glermontois........ 70,000 ,
9° Droits de Masphaneng en Alsace.................116,000
10° Droits de domaine du Hainault.................899,000
11° Droits locaux dépendants de la régie des aides.39,000
12° Droits d'aubaine, confiscation et bâtardise......80,000
13° Droits d'échange perçus au profit du Roi..........80,000
14° Droits d'usage et nouveaux acquêts, perçus par l'administration des domaines........160,000liv. 160,000
Idem, con-vertis en abonnements,dont la perception est faite par addition aux
A reporter......46,026,000 livres.
Report....... 46,026,000 livres.
impositions foncières et territori aies et dont le produit est versé par les receveurs généraux des fi n a n c e s dans la caisse de l'administration ..486,000 486,000
15° Droits 486,000 d'amortissement....................270,000
16° Droits de franc-fief.
17° Droits sur les procédures perçus au profit du Roi,
petit scel.. 750,000 liv. /3,721,000
Droits de greffe..... 1,328,000
Droits réservés...... 1,643,000
18° Droits supprimés par suite du décret portant abolition de la vénalité des charges.
Savoir :
Droit de mutation des offices, année commune prise sur dix... 1,200,000liv.
Centième denier des offices, dont les huit années de rachat sont exprimées.. 1,100,000
Finances /2,590,000des des offices du point d'honneur, qui, étant à vie, se renouvellent sans cesse. 200,000
Finances des offices mu n ici -paux et droit de confirmation de noblesse. 90,000
19° Impôt du sel dans les pays de gabelle, Paris
Report.......54,893,000livres.
non compris... 67,768,000
Déduction pour achat et transport. 5,132,000 liv. Idem,
pour frai s de magasinage /70,600,000 livres.
de vente, et bé-né fi-cesdu commerce 1,928.000
7,060,000 livres.
Impôt effectif. ..... 60,708,000 liv. Droit de
quart-bouillon........761,000 /61,792,000
Saisies et accommodement . ..323,000
20° Droits sur les ' sels enlevés des marais salants pour la consommation des provinces franches et rédimées pour l'exportation et la pêche, y compris les perceptions 'faites au profit d'alié-nataires.
21° Impositions foncières et territoriales ........125,794,000 liv.
Vingtièmes et 2 / 180,624,000sous pour
livre...... 54,830,000
Dixièmes et autres imposi-tions du clergé de France.....11,000,000 liv.
Frais de perception d'idem, évalués à 5 0/0. 550,000
Total des perceptions à compenser par l'impôt de propriété et par l'impôt personnel....................... 312,115,000 livres.
Autres surcharges quiriexisteront plus.
1° Bénéfices de la contrebande sur le prix du sel qu'elle introduit dans les pays de gabelle, et qui cesseront après la suppression de l'impôt des gabelles, ci...,...... 4,650,000 liv. 4,650,000
2° Accommodements clandestins, frais de procédures, et autres, qui cesseront avec la suppression des impôts indirects désignés au présent
A reporter.... 316,765,000 livres.
Report....... 316,765,000 livres.
état, au
moins........10,000,000
3° Surcharge et frais de perceptio n des droits de /13,235,000 minage, au delà du produit qu'en retirent les propriétaires, au moins... 3,235,000
Total............. 330,000,000 livres.
N° 5.
PRODUIT DES DROITS QU'IL CONVIENT DE REMPLACER PAR UN IMPOT DE CONSOMMATION DANS LES VILLES, ET PAR DES LICENCES OU PERMISSIONS DE CABARET DANS LES CAMPAGNES.
1° Droits de la marque des cuirs.....................5,850,000
2° Droits de fabrication des papiers et cartons..........1,181,000
3° Idem, des poudres et amidons..................758,000
4° Droits d'inspecteurs aux boissons, dépendants de larégie des aides............1,158,000
5° Droits d'inspecteurs aux boucheries................1,787,000
6° Droits de courtiers-jau- geurs.....................2,879,000
7° Droits réservés.......6,651,000
8° Octrois municipaux...1,586,000
9° Offices supprimés.....225,000
10° Sous pour livre en sus des droits qui ne sont pas au Roi.......................7,321,000
11° Formule ou papier timbré des expéditions........330,000
Total......... 30,126,000 livres.
12° Droits généraux convertis par des abonnements en accroissements sur les impositions ordinaires, et dont le recouvrement fait par les receveurs généraux des finances, et par les trésoriers des pays d'Etats, est versé dans la caisse de la régie générale, leur produit net, déduction faite de frais de régie, est de......... 4,516,000 liv.
Frais de perception de ces abon-n em e nts, évalués 5 0/0 256,000
13° Droits de la Flandre maritime, abonnés à cette
A reporter....34,898,000 livres.
Report....... 34,898,000 livres.
province'pour un produit net, et déduction faite des frais de perception.............823,000
Produit effectif des droits à compenser par un impôt de consommation sur les villes et par les licences ou permissions de cabaret dans les campagnes...............35,721,000 livres.
OBSERVATION.
La perception de ces droits étant faite, concurremment avec les droits d'octrois perçus par les villes, il y aura une très-grande économie sur les frais de perception.
D'ailleurs, si les abonnements étaient révoqués, les produits de ces articles seraient susceptibles d'une très-forte augmentation.
N° 6.
BASES DE L'ABONNEMENT A FAIRE AVEC LA MUNICIPALITÉ DE PARIS.
1° D'après le compte de 1788, la capitation de Paris monte à la somme de......... 2,776,000 liv. 6,306,000 livres.
Les ving- \
tièmes, à... 3,530,000 /
DÉDUCTION.
Frais de régie des impositions ...84,450 liv.
Traite -ments des receveurs généraux et particuliers. 315,300
Commission des impositions... 12,200
Non-valeurs,décharges et modéra tions,suivant le compte de 1788 ....... 859,000
Produit effectif........5,035,050 livres.
2e L'impôt de la gabelle coûte à la ville de Paris,
déduction faite : 1° de la valeur du sel en achat et frais de transport ; 2° en
bénéfices du commerce pour frais de magasinage, vente, et rétributions des magasinages
à raison de 25 sous par quintal, ci............ 3,271,512 livres.
A reporter.... 3,271,512 livres.
Report......3,271,512 livres.
DEDUCTIONS.
Bénéfices régie par sion des frais de la gabelle.408,939
Modération de l'impôt par la/ 886,034 cessation des 4 derniers sous pour livre, au
1er janvier 1791. 477,095
Compensation de l'impôt d'e la gabelle.............. 2,385,478 livres.
3° Produit des entrées de Paris, d'après le bail actuel de la ferme générale, y compris les excédants dans lesquels le Roi partage par moitié avec les fermiers généraux, ci. 29,400,000 liv.
Fermes de Sceaux et de
Poissy...... 600,000
Droit de 12 sous par veau, et ferme de la halle aux veaux...... 30,000
Droit de contrôle des toiles à la halle aux toiles,dépendant de la régie de traites.........95,000
DEDUCTIONS.
1° L e cinquième de 2,294,000 livres des dépenses que le Roi a prises à son compte en déduction, du prix de bail de la ferme générale, dans lequel les entrées de Paris entrent pour à peu près un cinquième..... 446,000 liv.'
2° Le pin-quième du trai tement fixe des fermiers généraux, objet de 1,800,000 livres, ci... 360,000
3° Indemnités aux invalides, et
806,000
A reporter.....29,319,000 livres.
Report....... 29,319,000 livres.
autres éta-blisseme nts publics et communau -tés, pour raison de la suppressio n des exemptions dont ils jouissaient sur les entrées de Paris....... 974,000
4° Assignation à l'hôpital général sur le produit des uroits réservés.....180,000
5° Diminution à l'époque du 1er janvier 1791, des 4 derniers sons pour livre,
dont la perception np doit plus avoir lieu sur les en-trées de
Paris....... 4,948,0.00
6° Idem,sur le produit du contrôle des toiles......... 13,000
7° Frais 4e perception du contrôle des toiles, à raison de deux sous pour livre... 9,000
6,124,000
Produit effectif au 1er janvier 1791.................
23,195,000 livres.
RECAPITULATION.
Imposition........ 5,035,050 liv.
Remplacement de la gabelle..... 2,385,000
Droits d'entrée.. ..23,195,000
REPRISES.
Entretien et police de la
A report......30,615,Q5Q livres.
Report....... 30,615,050 livres.
ville de ris, ci......3,735,000 liv.
Dépenses du régiment des gardes-françaises, à appliquer à la milice nationale..... 1,267,000 /5,166,000
Idem, des gouverneurs de Paris et de la Bastille, qui n'existe-teront plus. 164,000
Objet effectif de l'abonnement de Paris.........25,449,050 livres.
On pourrait donc fixer à 25 millions l'abonnement de la ville de Paris ; mais comme il est à présumer que les émigrations de cette ville diminueront le produit des droits d'entrée, et peut-être des autres impositions, j'estime que le prix de l'abonnement de la municipalité de Paris, pour toutes les impositions, doit être réduit à la somme fixe de.......... 20,000,000 livres.
Mais à la charge par la municipalité de subvenir à toutes les dépenses de sa police, de sa garde nationale, et autres de toutes sortes, et de se charger des indemnités vis-à-vis des privilégiés de l'hôpital général.
N° 7.
PARTIES DU REVENU PUBLIC QUI PARAISSENT DEVOIR ÊTRE RÉGIES PAR UNE COMPAGNIE POUR LE COMPTE DU ROI.
Art. 1er. Régie des traites.
Droits d'entrée sur les impositions de l'étranger, ci... 15,268,4001.[
Jdm, sur les toiles peintes et toiles de coton blanches. 1,500,000
Rétablissement du droit d'induite sur les marchandises de l'Inde..............1,200,000
Droits de sortie sur les exportations à l'étranger......3,900,000
Droits sur les vins de Bordeaux, transportés dans les différents ports du royaume. Droits locaux d'Alsace Droits de 20 0/0 sur les marchandises du levant.....100,000
Droits de transit sur les marchandises du levant Droits d'entrée sur les marchandises de l'Inde et de la Chine.....................233,000
A reporter.... 22,739,000 livres.
Report.......22,739,000
Droits de transit sur les communications des Pays-Bas, de la domination de l'Empereur................262,000
Droits de frêt sur les navires étrangers............63,000
Droits de poids et casse, à Marseille.................173,000
Droits de manifeste, à Marseille.....................1,000
Droits de courant vira de Libourne..................3,000
Sous-ferme des oranges et mines de sel, au Roi, à Bordeaux....................2,000
Droits de domaine d'occident, sur les marchandises des Iles à leur arrivée dans les ports de France........4,954,000
Droits de consommation sur les marchandises des îles, retirées des entrepôts pour la consommation du royaume..................4,639,000
Droits sur les savons de Marseille et de l'étranger...1,117,000
Droits d'acquits de toutes sortes.....................125,000
Droits d'entrepôt et de transit, évalués au moins...6000
Total............34,678,000 livres.
Déductions, pour les perceptions au profit de la caisse du commerce, des villes de Marseille, Bordeaux etRouen, et autres aliénataires, auxquels la régie payera les portions pour lesquelles ils ont droit, ci...................2,342,000 livres.
Produit effectif de la régie des traites....... ........32,336,000 livres.
REPRISES.
Frais de régie estimés, y compris la portion contrinu-toire de la régie des traites dans les frais de gardes-des-côtes et de la frontière, à 2 sous 6 deniers pour livre, ci...... ..........4,000,000
Produit réel de cet article. 28,336,000 livres.
Art. 2. Ferme du tabac.
Prix du bail actuel......... 29,000,0001.
Excédant du /30,500,000 prix de bail évalué à......... 1,500,0001.
Accroissement par l'établissement de la vente exclusive dans les provinces de Franche-Comté , Artois, Flandre, Hainault et Cambre-sis, déduction faite des indemnités qu'il sera juste d'accorder à ces provinces pour
A reporter... 30,500,000 livres.
Report. ...... 30,500,000 livres.
raison de leur assujettissement à cetimpôt. 2,000,0001.
Idem, pour le bas prix du tabac à l'expiration du traité actuel, et des approvisionnements qui seront effectués pendant ce traité, environ. 1,500,000/ 4,500,000
Jdem,pour la faculté de la vente du tabac rapé dans toutes les provinces, sans néanmoins pouvoir refuser le débit en rôles et carottes, ci..... 1,000,000
Total de cet article, prélèvement fait de sa part contributive aux frais des gardes des côtes et de la frontière.................. 35,000,000 livres,
Art. 3. Fermes des postes et messageries.
Le produit actuel de la ferme des postes, déduction faite des reprises, est de 11,500,000 livres, celui de la ferme des messageries est de 1,100,000 ; mais si on réunit ces fermes à la régie des traites et à celle du tabac, la fraude des courriers et des messageries cessera; les frais de régie pourront être simplifiés, et j'estime que le produit effectif sera au moins de 16 millions, sauf la reprise du traitement des fermiers ou administrateurs, ci.................... 16,000,000 liv.
Art. 4. Loteries.
Le produit des loteries n'a jamais été estimé, dans les comptes précédents, que sur le taux de 9,500,000 livres, déduction faite des lots et des remises des receveurs.
Cet article est estimé dans l'état de M. Necker à 14 millions; il est vrai que depuis environ neuf mois, il a été ordonné que les mises seraient reçues, jusqu'à la veille des tirages ; afin d'arrêter les spéculations des bureaux clandestins, qui couraient à leur profit le hasard des chances, en faveur des particuliers qui n'avaient point effectué leurs mises dans les bureaux de l'administration, avant la clôture des registres.
Mais il serait peut-être exagéré de compter que cette facilité pourrait donner un produit pour le Trésor public de plus de 4 millions.
Ainsi, je me contenterai d'évaluer le bénéfice des lo teries à................... 12,000,000 livres.
Sur quoi, faisant distraction des frais de régie, objet de........................ 572,000
Le produit effectif, sauf la reprise du traitement des administrateurs, serâ de...11,428,000 livres.
Art. 5. Droit sur les cartes à jouer.
Les perceptions actuelles montent à............... 1,800,000 livres.
En établissant la perception du droit sur les caries, mises en jeu et sixains, on peut évaluer les frais au plus à 2 sous pour livre, ci...... 180,000
Le produit de cet article sera de...................1,620,000 livres.
Art. 6. Droit de la marque d'or et d'argent.
Le produit est d'environ 800;000 livres; les orfèvres de Paris en ont offert un prix de ferme de 1 million de livres ; je me contenterai de l'évaluer, déduction faite des frais de régie, à 2 sous pour livre, ci.............. 720,000 livres.
Art. 7. Droit de péage général par terre et de navigation sur les rivières.
Le produit de ce droit, dont j'ai proposé l'établissement à titre de compensation des droits de péage, minage, marque des cuirs, papiers et cartons, poudres et amidons, sera d'un produit net, déduction faite des frais de régie de toutes sortes, de........................ 8,000,000 livres.
Art. 8. Vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse et l'Allemagne.
Ce produit, déduction faite des frais de régie, sera au moins de.......... 1,000,000 livres.
Art. 9. Droit de contrôle et de timbre.
Régie des hypothèques, en la rendant plus utile aux propriétés, et moins vexatoire, le produit sera, comme dans l'état présent, de 1,375,000 livres. Contrôle
des ex
ploits..... 3,785,000 liv.
Contrôle des actes.. 12,280,000 Insinua- [ 27,824,000 tion....... 2,409,000
Centième denier. 9,350,000
Nota. Les tarifs du contrôle demandent une réforme très-nécessaire. En réglant le droit principal à 1/2 0/0 sur les contrôles et l'insinuationt, et le centième denier à 1 0/0, le tout affranchi des sous pour livre, on conservera un revenu au moins équivalent au produit actuel ;
le pauvre ne sera plus arrêté dans l'effet de ses conventions par des droits arbitraires, exorbitants ; celles du riche seront perçues sur un taux modéré, exempt de tout arbitraire.
M. le baron d'Allarde, député du bailliage de Saint A reporter.... 29,199,000 livres.
Report.......29,199,000 livres.
Pierre-le-Moutier, est en état de donner sur cet article les détails les plus satisfaisants et de justifier que le nouveau tarif du droit de contrôle conservera intégralement, peut-être même avec avantage, la somme des produits actuels. Droit de timbre ou papier timbré....................6,351,000
Cet article peut subsister, et n'est susceptible d'aucune réduction.
Droitdetimbresurleseffets de Gommerce et sur les livres des marchands.
En établissant ce droit sur un taux modéré, sans autre pénalité que de ne point admettre en justice les billets, lettres de change et livres qui ne seront point sur le papier désigné, le produit du nouveau droit sera au moins de.25,000,000
Art. 10. Droits des maîtrises de Paris et des provinces. Ils sont assez modérés pour être conservés.............1,100,000
Art. 11. Droits de marc d'or et de quittances sur les places, pensions, offices, etc. Leur produit, année commune, formée sur quatre, est de 1,875,000 livres. Ce produit diminuera lorsque les places de finances et les grâces seront moins multipliées; mais il peut sans inconvénients être conservé sur les offices et autres places qui seront conférées par commission; ainsi je crois Souvoir évaluer cet article e produits à..............1,500,000
Total................. 63,150,000 livres.
déduction.
Les frais de perception et de régie de ces droits, n'exé-deront pas 1 sou 6 deniers pour livre, ci.............. 4,736,000
Produit effectif.......... 58,414,000 livres.
Récapitulation des droits et revenus qui composeront une régie, pour le compte du Trésor royal.
Art. 1er. Régie des traites. 28,336,000 livres. Art. 2.
Régie de l'impôt du tabac...... .............. 35,000,000
Art, 3. Postes et messageries ...................... 16,000,000
Art. 4. Loteries......... 11,428,000
Art. 5. Droits sur les cartes à jouer................... 1,620,000
Art. 6. Droit de marque
A reporter.... 92,384,000 livres.
Report..............92,384,000 livres.
d'or et d'argent........................720,000
Art. 7. Droit de péage par terre et de navigation sur les rivières......................................8,000,000
Art. 8. Vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse, et l'Allemagne............1,000,000
Art. 9. Droits de contrôle, timbre, maîtrises, marc d'or, etc....................................58,414,000
Total................. 160,518,000 livres.
Déduction pour le traitement des régisseurs.
Ce produit est à la déduction des frais de régie, mais il faut prélever le traitement des régisseurs.
Je crois pouvoir évaluer le nombre des régisseurs à 20, et leurs traitements, tant fixes qu'en remises, à 40,000 livres chacun, y compris les frais de leurs secrétaires, ce qui formera une reprise de. 800,000 liv.
J'évaluerai les frais extra ordinaires d'ad-ministra-tion de Paris, gratifications et autres frais de toutes
sortes, à.. 1,218,000
Conséquemment, le produit net de la partie des droits dont le recouvrement peut être confié à une régie pour le compte du Roi, doit être estimé à..............158,500,000 liveres.
N» 8.
produits particuliers .
Régie des poudres et salpêtres .......... .........800,000 liveres.
Monnaies et affinages.......653,000 Intérêts des 34 millions prêtés aux Américains,ci......... 1,600,000 liv.1
Idem, de 6 millions,
prêtés à un prince d'Allemagne. .. 300,000
Total................3,353,000 livres.
N* 9.
RÉFLEXIONS
Sur les causes de la diminution du numéraire en France, sur son étendue, et sur les moyens de la compenser par du papier-monnaie.
J'ai présenté un plan général d'impositions, qui, en assurant la prospérité de l'État, anéantira tout déficit, consolidera réellement la dette, procurera les facilités convenables pour son amortissement, assurera les fonds nécessaires pour les circonstances de la guerre, et conséquemment garantira du système meurtrier des emprunts, toujours précurseur des impôts, et dont le funeste effet n'est aujourd'hui que trop connu.
Ce plan n'est point fondé sur de nouvelles contributions; il modère au contraire l'énormité des subsides ; il établit l'égalité des répartitions; il affranchit à jamais les peuples du joug de la fiscalité ; mais ce n'est point à l'extinction de tout déficit que les vues doivent se borner. Il existe une pénurie de numéraire ; il est essentiel d'en pénétrer les causes, d'y remédier, s'il est possible, d'examiner si la diminution des espèces est un motif assez puissant pour déterminer la fabrication d'un papier-monnaie, et, dans ce cas, de s'assurer comment et dans quelle proportion ce numéraire fictif pourrait successivement être anéanti.
La France ne possède point les mines d'or et d'argent ; elle ne peut conséquemment accroître son numéraire que par des exportations d'une valeur supérieure à celle des matières premières, des drogueries et autres objets qu'elle tire ordinairement de l'étranger : elle l'augmente encore dans la proportion des étrangers qui sont appelés en France par les agréments de la vie, de la société, et par les douceurs du gouvernement.
Ainsi, l'accroissement ou la diminution du numéraire dépendent absolument : 1° de la balance de notre commerce; 2° de l'affluence plus ou moins grande des étrangers.
Mais si la France obtient, par la balance de son commerce, un accroissement annuel de numéraire, il faut que cet accroissement suffise tant au payement des intérêts dus à l'étranger pour raison des capitaux qu'il a fournis dans les emprunts* qu'au remboursement promis et convenu. Si la balance du commerce est insuffisante, il en résulte une diminution de numéraire dans la proportion de cette insuffisance : la quantité d'espèces retranchées de la circulation devient sensible; dès lors la rareté provoque le discrédit; elle excite le haut prix de l'intérêt ; elle rend le possesseur d'espèces, maître des conditions auxquelles il consent de les mettre en circulation; l'agriculture, l'industrie, le commerce languissent par l'impossibilité de se procurer des capitaux ; les denrées, les productions des manufactures perdent de leur prix naturel ; l'Etat s'appauvrit par degrés ; et, si la diminution du numéraire continue, la ruine de l'État, plus ou moins prompte, en est la conséquence inévitable.
Il est donc essentiel d'examiner quelles sont les causes de la déperdition du numéraire de considérer par quels moyens il est possible d'y rémédier.
Avant le traité de commerce avec l'Angleterre, la balance des importations en France et des exportations du royaume était parfaitement
LEMENTAIRES. |2 octobre 1789.]
égale (1) ; mais l'exportation des denrées et productions des colonies donnait, à notre avantage, une balance de plus de 100 millions; il faut, à la vérité, prélever sur ce bénéfice l'emploi d'une partie pour les ouvrages de luxe, comme l'argenterie, la bijouterie, les galons, les broderies, les dorures, etc.; il faut en retirer les espèces que nous enlève le commerce de l'Inde et de la Chine; les subsides que la France paye à l'étranger, etc.; en sorte que je ne crois pas que l'accroissement du numéraire résultant de fa balance du commerce pût être évalué au-dessus de 60 millions, année commune.
Tel était l'état des choses, lors de la conclusion du traité de commerce entre la France et l'Angleterre : je n'examinerai point si les motifs qui l'ont dicté sont conformes à la saine politique ; j'observerai seulement que l'exécution de ce traité nécessitait, sans le moindre délai, la suppression de l'ancien régime des traites, la libre circulation dans le royaume, l'affranchissement de tous les droits intérieurs, la promulgation d'un nouveau tarif sur les relations de la France avec l'étranger.
Ce préalable n'avait point été méconnu du ministère : le traité de commerce n'avait été signé que sur la confiance de cette opération ; elle était généralement sollicitée depuis deux siècles; les travaux étaient achevés, rien ne devait en arrêter l'exécution, et, sans cette considération, le traité n'eût pas été signé. Il serait absurde en effet de supposer que le ministère eût méconnu combien, avec la permanence du régime actuel des traites, seraient funestes les conséquences d'un pareil traité (2).
Mais l'art de la finance, dont le génie se borne à calculer le nombre d'écus qu'elle reçoit pour le Trésor public, qui n'a d'autre thermomètre de la prospérité de l'Etat que la masse des contributions qu'elle parvient à lever (3), a trouvé le secret d'arrêter et la promulgation du nouveau tarif, et l'affranchissement des droits intérieurs : ainsi, le traité de commerce avec l'Angleterre a été exécuté sans les conditions que le ministère avait adoptées pour remédier aux conséquences : dès lors les marchandises anglaises ont afflué dans le royaume; elles ont été reçues en payement de >-droits modérés (car la faiblesse des estimations a réduit au plus à 6 0/0 le droit de 12 0/0 fixé par le traité). Les manufatures de France, grevées des droits de circulation équivalents, souvent même supérieurs, n'ont pu soutenir la concurrence; dès lors elles ont perdu beaucoup de leur activité. Privés de leur débouché naturel, les entrepreneurs ont été découragés ; l'exportation, quoique affranchie de tous droits, a diminué : elle n'offrait pas une ressource assez étendue pour les spéculations.
Il est donc constant que le traité de commerce avec l'Angleterre a influé, d'une manière très-désavantageuse, sur la balance de notre commerce : d'une part, réduction sur la masse des exportations ; d'autre part, accroissement d'importations ; et je ne crois pas être au-dessous de la réalité, en évaluant à 30 millions par année la moindre balance de notre commerce, depuis l'exécution du traité avec l'Angleterre, tandis que la substitution du nouveau régime des traites devait faire espérer un accroissement à cette même balance.
A cette cause, la disette a ajouté un surcroît d'exportation de numéraire effectif. Les achats de grains chez l'étranger forment un objet de 50 ruillions : j'ignore s'ils sont entièrement soldés, majs ils nécessiteront visiblement une déperdition de numéraire dans cette proportion.
II existait encore un motif d'accroissement de numéraire, qui, non-seulement est anéanti depuis les troubles actuels, mais même est remplacé par une déperditiou. Le nombre des étrangers était très-considérable en France; ils se sont retirés ; les émigrations des français sont sensibles et considérables.
Enfin, j'observerai que les intérêts des emprunts, soit viagers, soit à termes fixes, appartiennent en grande partie à l'étranger.
Depuis dix ans, ses spéculations roulaient sur des emprunts successifs ; il y plaçait, non-seulement les intérêts et les remboursements des emprunts antérieurs, mais encore de nouveaux capitaux : depuis deux ans les troubles et discrédits ont fait discontinuer le système ruineux des emprunts ; dès lors il est devenu nécessaire de satisfaire l'étranger sur ses intérêts. La balance de notre commerce, atténuée par les causes que je viens d'exposer, s'est trouvée insuffisante pour y subvenir} il a donc été nécessaire de compenser cette insuffisance par l'exportation d'une partie du numéraire existant dans la circulation.
Telles sont évidemment les causes de la diminution du numéraire en France : il est prudent de rechercher jusqu'à quel point elles peuvent diminuer; il est même important d'examiner s'il est possible de les anéantir par une bonne administration.
1° Les effets du traité de commerce avec l'Angleterre seront considérablement atténués par le nouveau régime des traites : le travail est complet; il a subi toutes les révisions possibles ; rien ne çloit et ne peut en retarder l'exécution ; le nouveau tarif, la suppression des droits antérieurs, peuvent être promulgués avant un mois. Cette opération était projetée dès 1780 par le ministre actuel; un comité AD HOC (auquel serait admis M. çf,e Çormeré) satisfera les vucc du commerce, accordera la demande formée par les Etats généraux de 1614. Ainsi il ne dépend que de l'administration de recouvrer la balance de commerce existante avant l'époque du traité de l'Angleterre; et, si les effets du nouveau régime des traites étaient insuffisants pour rétablir la concurrence dans le débit des marchandises anglaises et françaises, il est constant que l'application d'une partie du produit des droits d'entrée sur les marchandises anglaises à des encouragements en faveur des fabriques qui souffriraient de cette concurrence, ne tarderait pas à rétablir la balance qui existait à notre avantage.
2° Tout doit faire espérer le retour prochain du calice et de la tranquillité; dès lors l'étrauger s'empressera de venir partager la douceur du gouvernement français ; les émigrations cesseront ;
,EMENTAIRES. [2 octobre 1789.] 315
ceux que les troubles ont éloignés seront empressés de rentrer dans leur patrie : ainsi la cause accidentelle de cette déperdition de numéraire n'existera plus.
3° Une pénurie de grains a nécessité des achats considérables chez l'étranger ; il a profité des circonstances dans la fixation des prix et des conditions ; mais les assemblées provinciales connaîtront, dans tous les temps, la masse des besoins; elles préviendront la disette; et si les mauvaises récoltes mettent dans la nécessité de recourir à l'étranger, les précautions seront telles, que l'imprévoyance n'aggravera pas le mal par la cherté des subsistances.
4° Enfin les remboursements des capitaux et les intérêts, principalement en viager, nécessiteraient une extraction d'espèces très-considérable, si, d'un côté, la faculté du remboursement des rentes viagères n'était un moyen assuré de diminuer la masse des intérêts ; si, d'un autre côté, la voie des reconstitutions fondées sur le crédit n'était un sûr garant que l'étranger même s'empressera de laisser à la caisse nationale la disposition des capitaux dont elle offrirait le remboursement.
Ainsi, partie de la déperdition du numéraire existant dans la circulation tient à des circontances momentanées, partie au régime vicieux des impôts actuels et des emprunts inconsidérément effectués. Ces causes disparaîtront avec le nouveau mode d'administration ; elles cesseront lorsque le retour de la confiance, fondé sur un excédant effectif de revenu, déterminera l'étranger à modérer les conditions d'emprunt par la voie de la reconstitution.
Cet espoir n'est point chimérique ; mais il convient d'examiner quelle peut être la diminution du numéraire effectué, de rechercher dans quels termes elle peut être réparée.
: De simples conjectures peuvent déterminer l'évaluation de la déperdition effective du numéraire; cependant elles ont des bases qui paraissent assez positives :
1° Achats de grains çhez l'étranger. Que le prix en soit dû, qu'il soit acquitté, l'exportation d'espèces sera de.............. 50,000,000 livres.
2° Payements des capitaux à termes fixes, et intérêts dus à l'étranger. Depuis deux ans les emprunts successifs n'ont point eu leur effet : ainsi l'étranger n'a pas trouvé l'emploi des payements effectués à son profit ; il ne le trouvera point jusqu'à l'organisation d'une caisse nationale, jusqu'à ce que cette caisse ait acquis assez de confiance pour ouvrir des emprunts par la voie de la reconstitution : dès lors les espèces sont sorties ou sortiront de France dans la proportion des sommes exigibles et dues à l'étranger. On peut évaluer les intérêts à 60 millions par année; ce qui justifie une exportation, pour deux ans et demi, de....... 150,000,000 livres.
A reporter......150,000,000 livres.
Report................150,000,000 livres.
Plus, les remboursements des emprunts à termes fixes,
que je réduirai, à cause de la suspension prononcée par
l'arrêt du 16 août 1788, à... 50,000,000
Total................. 200,000,000 livres.
Mais quoique la balance de notre commerce soit diminuée de 30 millions, elle nous a procuré un accroissement de numéraire de 30 millions par année, et j'estimerai cet article à.................. 60,000,000
Conséquemment les payements effectués au profit de l'étranger, non - seulement ont absorbé le bénéfice de notre balance de commerce ;
ils ont encore diminué le numéraire existant en circulation de................. 140,000,000 livres.
3° Les émigrations momentanées, Véloignement des étrangers diminuent la masse du numéraire; cette diminution ne sera pas très-considérable ni de longue durée ; je pense qu'elle ne peut être évaluée au delà de................. 60,000,000
Ainsi la diminution successive des espèces ne peut être généralement estimée à plus de................... 250,000,000 livres.
Dans quel temps pourrait-on espérer la compensation de ce déficit de numéraire? Cette question est facile à résoudre.
J'ai dit que la balance de notre commerce nous procurait un accroissement annuel de numéraire de 60 millions par année, mais que l'exécution du traité de commerce avec l'Angleterre l'avait réduit à 30 millions.
J'ai fait connaître qu'il était facile d'atténuer les effets de ce traité, et que notre balance reprendrait son précédent avantage, au moment de l'établissement du nouveau régime des traites ; que cette opération, universellement désirée, ne devait et ne pouvait éprouver le moindre retard, qu'elle était dans les principes connus du ministère.
Ainsi, dans le cours de quatre à cinq ans, la déperdition de numéraire, actuellement effectuée, serait incontestablement réparée : il est même possible qu'elle le soit beaucoup plus prompte-ment, si la fonte des bijoux et l'argenterie procurent les ressources dont on s'est, peut être, formé une idée trop exagérée.
11 est donc question d'examiner si une diminution de numéraire d'environ 200 millions peut causer un tel préjudice, qu'il soit utile d'y remédier par la création d'un numéraire fictif.
En consultant le chapitre vin du tome 111 de l'administration des finances par M. Necker, on peut poser en principe que le numéraire existant en France, n'était, à l'époque de 1784, que de 2,200,000,000.
JEMENTAIRES. [2 octobre 1789.]
La balance du commerce constamment à notre avantage (vérité prouvée dans le même ouvrage) a dû nécessairement augmenter ce numéraire, tant que l'étranger a trouvé, dans les emprunts successifs, des placements avantageux : ainsi, en me contentant d'évaluer à 2,200,000,000 la somme du numéraire existant en 1787, il est évident que je serai au-dessous de la réalité.
La déperdition du numéraire depuis cette époque ne peut être évaluée au delà de 250 millions; j'estime à 50 millions l'augmentation d'espèces que pourra procurer la fonte des bijoux et de l'argenterie : ainsi le numéraire de France est au moins de 2 milliards.
On ne disconviendra pas qu'un pareil numéraire est insuffisant ; ce n'est donc point à la disette, mais au discrédit, que l'on peut imputer la pénuriequi se fait sentir ; conséquemment, lorsque la confiance sera rétablie, lorsque l'établissement d'une caisse nationale facilitera la reconstitution de la dette, le numéraire existant et mis en activité doit rendre inutile tout accroissement propre à diminuer une pénurie qui, dans le fait, n'existe pas.
D'après ces considérations, je pense que toute création de papier-monnaie serait impolitique et sans objet ; que peut-être même elle éloignerait le retour de la confiance et du crédit.
Si cependant elle était jugée nécessaire, la fabrication du papier-monnaie devrait être bornée à un capital de 200 millions, puisque la déperdition du numéraire n'excède pas cette proportion ; mais, dans ce cas, j'observerai qu'il serait prudent de différer une pareille résolution, jusqu'au temps où l'établissement de la caisse nationale et le commencement de ses opérations en justifieraient la nécessité.
Alors, quel devrait être le terme de l'existence de ce papier-monnaie, et dans quelle proportion devrait-il être anéanti chaque année ? Cette question est importante.
J'ai suffisamment prouvé que la balance de notre commerce reprendra son existence naturelle, lorsque le nouveau régime des traites vivifiera toutes les branches d'industrie, facilitera nos exportations, et procurera aux manufactures nationales la préférence qu'elles doivent avoir sur celles de l'étranger.
J'ai pareillement justifié que le retour de la confiance et du crédit déterminera l'étranger à placer en France des capitaux proportionnés, peut-être même supérieurs à la masse des intérêts qui lui sont dus, pour raison des précédents emprunts.
On peut donc raisonnablement se flatter d'un accroissement successif de numéraire, et si on suppose qu'il ne sera que de 40 à 50 millions par année, il serait juste d'en destiner 20 millions à l'extinction du papier-monnaie: dès lors, le numéraire fictif serait totalement anéanti dans le cours de dix années.
Mais, dans ce cas, il est essentiel de rechercher comment il serait possible d'éviter le discrédit de ce numéraire fictif, d'en assurer la circulation d'une manière assez solide pour qu'il ne fût point distingué du numéraire réel, qu'il obtint même la préférence.
Si l'on se détermine à la création d'un papier-monnaie, jusqu'à la concurrence de 200 millions, il faut que ce papier soit un numéraire effectif au profit de la caisse nationale, et dont elle se servira pour le remboursement des anticipations ou autres créances onéreuses : il faut crue ce papier, substitué à des écus, ait la même confiance ;
qu'il soit reçu dans toute les caisses, dans tous les payements ; qu'il ne soit point considéré comme un effet public, mais comme un numéraire réel, ayant la même valeur que les espèces d'or et d'argent. . ...
Dès lors il est sensible que ce papier ne doit porter aucun intérêt : cependant la caisse nationale en fera l'emploi pour le remboursement de créances onéreuses et portant intérêt ; ainsi je crois juste de faire bénéficier lepublic d'une partie de cet intérêt et je proposerai d'attribuer à chaque remboursement des primes ou lots, dans la proportion de 3 0/0, à compter du jour ou le papier serait mis en circulation, jusqu'aux différentes époques de remboursements ; de manière qu'en divisant l'extinction du papier-monnaie en séries, par des remboursements de trois mois en trois mois, il y aurait une distribution de 30,750,000 livres de primes ou lots, en faveur du public qui n'aurait cependant aucune mise à effectuer pour participer à ces bénéfices.
Je rendrai plus sensible cette proposition, en exposant les conditions de la création et de l'extinction de ce papier-monnaie, dont je supposerai la circulation à compter du 1er janvier 1790 :
1° Qu'il soit mis en circulation, au 1er janvier 1790, un numéraire de papier de 200 millions; un quart en billets de 100 livres, un quart en billets de 50 livres, un quart en billets de 25 livres, et un quart en billets de 12 livres 10 sous.
2° Que le remboursement ou l'extinction de ce papier-monnaie soit fait en 40 tirages, de trois mois en trois mois, à compter du 1er avril 1790, à raison de 5 milïions par tirage, et de 1,250,000 livres, de quatre sortes de billets énoncés à l'article précédent.
3° Que les billets portent en tête le numéro d'une des 40 séries, depuis 1 jusqu'à 40; et que chacune des divisions de 100 livres, 50 livres, 25 livres et 12 livres 10 sous, soit composée du nombre de billets nécessaires pour former 1,250,000 livres, savoir : depuis le numéro premier jusqu'à 12,500 pour les billets de 100 livres; depuis 1 jusqu'à 25,000 pour ceux de 50 livres ; depuis 1 jusqu'à 50,000 pour ceux de 25 livres et depuis 1 jusqu'à 100,000 pour ceux de 12 livres 10 sous.
4° Qu'il soit fait, tous les trois mois, un tirage des séries, afin de connaître les billets dont l'extinction sera déterminée par la voie du sort, en sorte que le premier tirage contienne 40 numéros, le second 39, le troisième 38, et ainsi de suite jusqu'à parfaite extinction. Tous les billets de la série qui sortira par le sort cesseront d'avoir
EMENTA1RES. 12 octobre 1789.) 317
cours dans la circulation un mois après le tirage, et seront remboursés comptant par les administrateurs de la caisse nationale.
5° Qu'il soit fait également, tous les trois mois, immédiatement après le tirage des séries, un second tirage des lots ou primes qui seront attribués à la série dont le remboursement sera échu par la voie du sort ; et que ces lots soient réglés dans la proportion de l'intérêt à 3 0/0 à compter du 1er janvier 1790, jusqu'à l'époque du remboursement ou de l'extinction, conformément au tableau ci-joint.
6° Que le montaut des primes ou lots attribués à chaque série par l'article précédent, soit divisé en quatre parties, savoir : un quart pour les billets de 100 livres, un quart pour les billets de 50 livres, un quart pour les billets de 25 livres, et un quart pour ceux de 12 livres 10 sous, afin que la proportion des chances soit égale au nombre et à la force des billets.
Il est sensible qu'au moyen de ces dispositions, les porteurs des billets auront toujours l'espérance des lots attachés à chaque tirage, et que l'intérêt croîtra à mesure de l'éloignement du remboursement, puisque les primes augmenteront à chaque tirage, de 37,500 livres ; de manière que la première série ne jouira que de 37,500 livres de lots, tandis que ceux delà dernière série jouiront de 1,500,000 livres.
Il est donc constant qu'un papier-monnaie, garanti par la caisse nationale, dont le remboursement ne pourrait jamais, et sous aucun prétexte, être retardé, aurait autant de faveur dans la circulation, que les espèces d'or et d'argent ; et que l'espérance d'une chance heureuse pour les primes ou lots attribués à chaque tirage, engagerait les propriétaires de ce papier à lui donner la préférence sur des espèces réelles qui ne présenteront aucun avantage.
Tels sont les moyens qui me paraissent devoir être mis en usage, si l'Assemblée nationale, après un mûr examen, décrète la fabrication d'un papier-monnaie jusqu'à la concurrence de 200 millions.
Les primes ou lots du tableau suivant augmenteront à chaque tirage, de 37,500 livres, somme de l'intérêt de chaque remboursement à 3 0/0, pour trois mois : ainsi les lots peuvent accroître soit en nombre, soit en force, au profit des séries qui sortiront, suivant l'événement du sort.
Ils peuvent être en tel nombre, dans la masse générale des tirages, qu'il y aura, sur la totalité des billets, un quinzième qui jouira de primes ou lots.
État des remboursements du papier-monnaie, en 40 tirages de 5,000,000 chacun, et de primes ou lots qui
seront attribués à chaque tirage.
TERMES DES REMBOURSEMENTS.
Premier avril 1790 ..............................
juillet ..............................
octobre .............................
janvier 1791.............................
avril ...............................
juillet ..............................
octobre .............................
janvier 1792...............................
avril .............................
juillet ..............................
octobre ...............................
janvier 1793..............................
avril ..........................
juillet ..............................
octobre ...............................
jauvier 1794..............................
avril ..............................
juillet ...............................
octobre ..............................
janvier 1795..............................
avril ...............................
juillet ..............................
octobre ..............................
janvier 1796...............................
avril ................................
juillet ...............................
octobre ...............................
janvier 1797...............................
avril ...............................
juillet ...............................
octobre ..............................
janvier 1798...............................
avril ...............................
juillet ...............................
octobre ...............................
janvier 1799...............................
avril ..............................
juillet ...............................
octobre ..............................
janvier 1800...............................
Totaux
OBJETS des
remboursements.
5,000,000 liv.
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,006,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
5,000,000
200,000,000 liv.
LOTS AFFECTES
à chaque remboursement.
37,500 liv. 75,000 112,500 150,000 187,500 225,000 262,500 300,000 337,500 375,000 412,500 450,000 487,500 525,000 562,500 600,000 637,500 675,000 712,600 750,000 787,500 825,000 862,500 900,000 937,500 975,000 1,012,500 1,050,000 1,087,500 1,125,000 1,162,500 1,200,000 1,237,500 1,275,000 1,312,500 1,350,000 1,387,500 1,425,000 1,462,500 1,500,000
30,750,000 liv.
No 10.
PRODUIT DE DOMAINES, DROITS FÉODAUX ET BOIS DE LA COURONNE.
Domaines réels affermés .......1,650,000 liv.
Idem, réunis à la couronne depuis la fixation de la régie des domaines...340,000
Maisons et terrains des Quinze-Vingts......180,000
Forges ac-quises de M . de la Chaussade..800,000
Gens et rentes foncières.. Sous pour livres des domaines engagés............
A reporter....3,265,000 livres.
Report.........3,265,000 livres.
Lods et ventes, et droits féodaux...............240,000
Forêts domaniales ...840,000 liv.
Idem, des bois affectés aux salines et des bâtiments de salines qui seront néces-sairem ent vendus lorsque la gabelle sera supprimée, puisque,
dans ce cas, les salines seront abandonnées, au moins ci 1,200,000
Produit actuel et général, ci 15,265,000 livres.
A reporter........15,265,000 livres.
Report........ 15,265,000 livres.
deductions
Remises sur le recouvrement du produit des biens et ^ droits domaniaux...... 1,165,000 liv.
Attribu-tions aux procureurs du Roi des bureaux des finances, sur 1 e produit 'des lods et ventes, et droits féodaux....... 60,000
Répara-tions"aux domaines et bâtiments employés à la chose publique........ 1,900,000
Nota. Cette dépense est conforme à V état de M. Necker.
Planta-?tions, environ........ 300,000
Frais d'administration des eaux et forêts....... 1,967,000
5,392,000
Produit effectif.
9,873,000 livres.
observations.
Le système de l'inaliénabilité du domaine est démontré faux, et l'on peut se convaincre de cette vérité par la lecture d'un petit ouvrage de l'auteur du dictionnaire des finances (M. de Surgis), homme estimable et très-instruit : cet ouvrage est v intitulé : du Domaine et de son aliénation à perpétuité.
Ainsi je pense qu'il n'y aurait aucun inconvénient à consacrer par un décret, l'aliénation à perpétuité des domaines et bois de la couronne, soit existants dans la main du Roi, soit engagés.
1° La vente des domaines réels peut être confiée aux assemblées provinciales, qui prendront préalablement toutes les précautions nécessaires "pour reconnaître leur véritable valeur.
En admettant que cette valeur ne donne qu'un revenu de 2,500,000 livres, la vente affranchie 1° de tous droits de mutation à perpétuité, 2° du contrôle et centième denier en faveur des acquéreurs, donnerait au moins un produit de vente, sur le taux du denier 30,de... 75,000,000 livres.
2° Les assemblées provin-? ciales peuvent également être chargées de l'estimation du produit des domaines engagés, pour reconnaître leur
A reporter.... 75,000,000 livrés.
Report........ 75,000,000 livres.
plus-value, par comparaison aux finances d'engagement.
On peut, sans exagération,
estimer cette plus-value, y compris les sous pour livre perçus par l'administration des domaines sur les domaines engagés, à un revenu annuel de 1 million, dont l'aliénation à perpétuité procurerait un capital au taux du denier 30, de.......... 30,000,000
3° Le rachat des cens et rentes foncières est une conséquence du décret de l'Assemblée nationale ; il ne peut donc être refusé, sauf aux redevables à profiter dès à présent de la faculté du rachat, ou de payer l'intérêt du capital jusqu'au remboursement qu'ils effectueront à leur volonté; et ce rachat,
fixé sur le taux du denier 30,
donnera un capital de...... 24,000,000
4° Suivant le décret de l'Assemblée, les propriétaires de biens fonciers doivent être admis à se rédimer des droits de mutation, qui nuisent essentiellement au commerce ou à la vente des propriétés.
Je pense que le principal doit être réglé au soixantième du droit de mutation pour les fiefs, au quarantième pour les rotures, et que le rachat de la rente de conversion doit être fixé au denier 30.
Il est probable que les rentes qui composeront les droits de mutation, formeront l'équivalent du produit actuel des lods et ventes et droits féodaux, objet de 2,400,000 livres, dont le rachat donnera un capital de....................... 72,000,000
5° Les bois de la couronne sont du revenu annuel de 9,600,000 livres, mais personne n'ignore leur état de dégradation, et la meilleure opération de finance est de procéder à leur aliénation.
Pour y parvenir, je propose: 1° de charger les assemblées provinciales d'examiner les forêts et bois du Roi, et de constater le produit annuel dont ils sont susceptibles ; cette estimation est facile, en prenant pour base de comparaison le produit des bois appartenant aux particuliers dans les mêmes cantons ; 2° de régler les aménagements
A reporter.... 201,000,000 livres.
Report........ 201,000,000 livres.
dont ces bois seront susceptibles, suivant leurs qualités et la nature des débouchés ; 3° de procéder à la vente, sous condition, par les acquéreurs, de se conformer aux aménagements qui auront été déterminés,
et de ne pouvoir s'en écarter sous aucun prétexte, à peine d'une amende de la valeur des bois exploités contre les clauses de l'aliénation ; 4° de charger expressément les assemblées de districts et de municipalités de veiller à ce que les acquéreurs des bois domaniaux ne puissent les exploiter que suivant les clauses de leur adjudication, et qu'après avoir obtenu, chaque année, la délivrance ou permission des coupes qui seront réglées par les-dites adjudications, et de leur accorder moitié des contraventions qui pourront être encourues.
Il est sensible qu'au moyen de ces précautions, il n'existera aucun inconvénient à l'aliénation des bois, puisque les acquéreurs n'auront point la faculté de les dénaturer pour les mettre dans un autre genre de culture ;
qu'ils seront de plus astreints à se conformer aux aménagements prescrits, et qu'ils conserveront en futaies les bois dont la qualité peut exiger ce genre d'exploitation.
Je suis persuadé que les opérations ci-dessus énoncées augmenteront au moins du tiers le produit actuel des bois de la couronne, et qu'il sera fixé conséquem-ment à un revenu annuel de 13,500,000 livres, dont le prix de vente, sur le taux du denier 30, donnera un capital de................ 405,000,000
L'aliénation à perpétuité des domaines et bois de la couronne procurera donc un capital de................. 606,000,000 livres.
Je me contenterai de l'évaluer à 600 millions.
II est évident que si ce capital rentrait subitement dans le trésor public, il procurerait la facilité d'éteindre les intérêts des créances les plus onéreuses, et de pourvoir à leur remboursement, en sorte que l'Etat pourrait être affranchi des anticipations et des emprunts dont le capital est au-dessus de 5 0/0, et que la masse des intérêts dus pour la dette publique diminuerait de plus de 35 millions.
Mais il serait inprudent de compter sur les aliénations des domaines et bois de la couronne, et sur le rachat des cens, rentes foncières et droits de mutation, sans des facilités qui pourront déterminer les spéculations.
En conséquence, je propose : 1° de laisser aux redevables qui voudront s'affranchir des cens et rentes foncières dont il sont grevés, et à ceux qui consentiront la conversion des droits de mutation en rentes annuelles, de consentir Ja fixation du capital de leur rachat, avec faculté de payer l'intérêt à 4 0/0, jusqu'au remboursement", et de leur laisser la facilité d'effectuer ces remboursements partiellement, et dans les termes qui leur seront convenables.
2° De consentir à ce que les acquéreurs des domaines et bois de la couronne ne payent, au moment de leur acquisition, que le quart du prix des adjudications, et qu'ils soient chargés de l'intérêt des trois quarts restants, à raison de 4 0/0, jusqu'aux remboursements qu'ils effectueront dans le terme de dix années ;
3° De consentir également que les redevables de cens, rentes foncières et droits féodaux puissent effectuer le rachat du capital dont ils seront tenus, pour raison de leur affranchissement, en effets à termes fixes ou suspendus, ou en quittances de finances, récépissés de fonds d'avance,etc., lesquels seront reçus pour comptant, sur le pied du denier vingt de leur produit net, déduction faite des retenues dont ils peuvent être grevés.
D'accorder les mêmes facilités aux acquéreurs des domaines et bois de la couronne, pour les trois quarts du prix de leurs adjudications, qu'ils auront la faculté de ne payer que dans le terme de dix années.
Il n'est pas douteux que ces facilités rendront beaucoup plus aisés les rachats des droits féodaux, cens et renies foncières, et qu'elles exciteront la concurrence pour l'acquisition des domaines et bois de la couronne, dont la vente sera constamment effectuée dans le cours de l'année 1790.
Cependant comme il est probable qu'un grand nombre se contentera de payer l'intérêt à 4 0/0; que plusieurs redevables préféreront la continuité de leurs cens et rentes foncières; que d'autres refuseront d'affranchir leurs propriétés des droits de mutation, je me contenterai d'évaluer l'intérêt du capital de 600 millions au produit de.................. 25,000,000 livres.
Dès lors, l'aliénation des biens domaniaux sera très-avantageuse à l'Etat.
Le produit net de ces biens est de..................... 9,873,000
Leur vente donnera un revenu annuel de............. 25,000,000
Amélioration, ci........ 15,127,000 livres..,
N° 11.
REFLEXIONS
Sur la régie des hypothèques et sur les dépôts des saisies réelles, consignations et séquestres.
Au nombre des impôts indirects qui paraissent devoir être conservés, et dont j'estime que le recouvrement doit être fait par une régie, pour le compte du Trésor royal, j'ai compris les droits de
la régie des hypothèques, en estimant leur produit, année commune, à 1,375,000 livres.
En même temps, j'ai observé que la législation actuelle, substituée aux décrets volontaires,n'avait pas le degré de perfection qui serait à désirer, et qu'une nouvelle procurerait plus de facilités aux propriétaires d'immeubles, en assurant le sort des créanciers.
J'ai dit également que les formes', actuellement usitées pour dépôts ordonnés par justice, tournaient au détriment des créanciers et des débiteurs, tant par la perte des intérêts que par l'in-conduite et l'insolvabilité des dépositaires ; qu'il était aisé de les remplacer par une administration plus favorable aux intérêts du débiteur malheureux et de son créancier.
Ces deux objets sont importants; leur discussion fera connaître les avantages d'une nouvelle forme d'administration.
Régie des hypothèques.
> Un édit du mois de juin 1771 a substitué les lettres de ratification' aux décrets volontaires.
Cet édit ordonne la création, dans chaque bailliage et sénéchaussée, d'officiers conservateurs des hypothèques, gardes des sceaux, et expéditionaires des lettres de ratification obtenues sur les contrats de vente et autres actes translatifs de propriété, avec diverses attributions.
Ces offices n'ont point été levés aux parties ' casuelles; en conséquence, et conformément à l'article 18 de Védit, Sa Majesté a commis à leur exercice : cette régie particulière est actuellement réunie à l'administration des domaines, et les attributions accordées aux officiers, par l'édit de 1771, sont comprises dans la fixation de cette administration.
La régie des hypothèques, telle qu'elle est établie, doit être considérée sous deux points de vue : 1° la conservation des droits et hypothèques des créanciers; 2° la tranquilité des acquéreurs d'immeubles grevés d'hypothèques.
1° Tous créanciers ont le droit de former leurs oppositions entre les mains des conservateurs des hypothèques, afin d'assurer leurs privilèges et hypothèques lors de la vente des immeubles affectés à leurs créances.
Le droit de chaque opposition est de 3 livres, elle est valable pendant trois années seulement. ¦ Le droit de la main-levée est de 24 sous par opposition, et celui de la délivrance des extraits est pareillement de 24 sous.
2° Lorsque l'acquéreur d'un immeuble veut purger son acquisition des hvpothèques de son vendeur, il se présente au greffe du bailliage dans le ressort duquel sont situés les immeubles acquis; il y dépose son contrat d'acquisition et requiert des lettres de ratification.
Dans les trois jours de ce dépôt, le greffie fait un extrait des conditions et du prix de la vente; cet extrait est affiché pendant deux mois dans l'auditoire pour y être exposé à l'attention publique, afin que les créanciers, qui n'ont point formé leurs oppositions entre les mains du conservateur des hypothèques, soient instruits de la vente faite par leur débiteur, et puissent former leurs oppositions pour assurer le payement de leurs créances sur le prix de l'immeuble vendu.
Pour éviter la collusion entre l'acquéreur et le débiteur de mauvaise foi, les créanciers sont autorisés à donner, si bon leur semble, leur
soumission d'augmenter d'un dixième le prix principal de la vente, et chaque créancier peut enchérir d'un vingtième sur l'enchère du dixième ; mais l'acquéreur est libre de conserver son acquisition en payant le plus haut prix auquel la valeur en a été portée.
Après les deux mois d'affiche dans l'auditoire, les lettres de ratification sont expédiées au profit de l'acquéreur, à la charge des oppositions ; mais tout créancier qui a négligé de former son opposition entre les mains du conservateur des hypothèques, avant le sceau des lettres de ratification, est déchu du privilège de son hypothèque.
Sur le prix de l'acquisition, les créanciers opposants sont payés par rang d'hypothèques, et les chirographaires ont la préférence sur ceux qui se présentent avec des titres d'hypothèques, mais qui ont négligé la formalité de l'opposition entre les mains du conservateur des hypothèques.
Les droits payés par les acquéreurs, pour l'expédition des lettres de ratification, sont: 1° 2 deniers pour livre du prix de l'acquisition, taux du droit qui était dû lors des décrets volontaires.
2° 3 sous lorsque le prix d'acquisition est. au-dessous de 50 livres ; 6 sous lorsqu'il est de 50 livres et au-dessus, jusqu'à 100 livres ; et 6 sous par 100 livres du prix de chaque vente lorsqu'il excède la somme de 100 livres.
3° Pour le sceau de chaque lettre de ratification, ci............. 10 sous.,
Pour la signa ture du greffier. 10
Pour l'expédi- I
tion d'enregistre- I
ment et le rap- \ 1 livre 16 sous.
port de chaque
lettre-.......... 10
Pour le droit des scelleurs et
chauffe-cire..... 6
4° Le prix du papier et parchemin timbré. Cet exposé fait connaître l'utilité de cette régie pour la sûreté des créanciers et des acquéreurs ; elle n'excite aucune plainte et facilite le3 mutations : c'est une vérité que prouve la progression du produit de la régie ; il était à peine de 700,000 livres en 1772 , il a excédé 1,600,000 livres en 1784, et je l'ai calculé, année commune, environ à 1,400,000 livres.
Cette régie est cependant bien éloignée de la perfection désirable pour l'intérêt des propriétaires et de leurs créanciers.
En effet, personne n'ignore combien les particuliers éprouvent de difficultés pour les plus modiques emprunts lorsqu'ils n'ont point de privilèges à offrir aux prêteurs: elles sont telles que souvent un propriétaire d'une fortune de 5» ou 600,000 livres, qui ne doit que 100, ou 200,000 livres, ne peut trouver à emprunter pour satisfaire à des créances^ exigibles, parce qu'il n'est aucun moyen de vérifier si la somme des hypothèques dont il est grevé n'excède pas sa déclaration : dès lors ce propriétaire, avec une fortune réelle de 3 à 400,000 livres, est exposé aux poursuites judiciaires les plus rigoureuses, à la saisie réelle, et voit sa fortune absorbée par les frais, par les baux judiciaires, par les décrets forcés, etc.
Telles sont les considérations qui me détermi-
nent à proposer des changemetitstrès-intéressalits sur la législation des hypothèques :
1« Les assemblées provinciales, chargées de l'assiette et du recouvrement de l'impôt de propriété, auront des bureaux d'administration et des trésoriers chargés dés dépenses et de la correspondance avec la caisse nationale.
Je pense donc qu'il serait très-utile de substituer ces administrations à la régie des hypothèques subsistiint actuellement dans chaque bailliage; cette disposition serait beaucoup plus avantageuse pour les créanciers.
En effet, il faut, dans l'état présent, que le créancier qui a des titres à exercer contré son débiteur connaisse tous les bailliages dans lesquels ses biens peuvent être situés ; et s'il s'é trompe de bailliage, son opposition est sans effet, puisque les lettres de ratification sont expédiées et seellées dans le bailliage où les biens acquis sont situés: en attribuant au contraire la connaissance des oppositions aux assemblées provinciales, celles-ci, par leur correspondance avec les administrateurs de la caisse nationale, seront toujours en état de faire valoir les oppositions.
2° Les oppositions faites entre les mains du conservateur des hypothèques, ne sont point motivées, et portent ordinairement, pour causes et moyens à déduire en temps et lieu : il en résulte que si, dans le cas d'un emprunt demandé par le propriétaire, le préteur se présente au bureau des hypothèques pour savoir s'il subsiste des hypothèques sur les biens de ce propriétaire, quelques oppositions fondées sur l'humeur ou sur des prétentions modiques, suffisent pour priver le propriétaire de ressources intéressantes.
On peut éviter cet inconvénient par la communication des oppositions aux propriétaires.
3° Un propriétaire dont la fortune est libre, ou qui doit peu; ne trouve point à faire les emprunts qui lui sont nécessaires, parce qii'il n'est aucun moyen de vérifier la valeur de sés biens et la sincérité de ses déclarations sur les hypothèques dont elles sont grevées.
En attribuant aux administrations provinciales la régie des hypothèques, il sera très-aisé de connaître et la valeur des biens et ld nature des engagements contractés par les propriétaires, en sorte qu'ils seront assurés des ressources dont les prive la forme actuelle de la régie.
Telles sont les bâses du nouveau règlement que je vais exposer sur la législation des hypothèques. ,, , .
Art. 1er. Les oppositions actuellement subsistantes entre les mains dès conservateurs des hypothèques seront, à compter, du..... envoyées par les préposés chargés de recevoir ces oppositions, à l'administration provinciale dans le ressort de laquelle les bailliages seront situés.
Nota. A ce moyen, toutes les oppositions actuellement existantes seront connues de l'administration provinciale dans le ressort de laquelle les biens se trouvent situés. ..
Art. 2. Les administrations provinciales tiendront des registres sommiers, où chaque propriétaire aura son compte ouvert, avec l'extrait des oppositions formées à la vente de sa propriété.
Art. 3. Lesdites administrations provinciales feront passer aux administrateurs de la caisse nationale de Paris, l'état ou le relevé des oppositions subsistantes sur chacun des propriétaires de leur arrondissement : sur ces états, les administrateurs de la caisse nationale ouvriront des registres sommiers, où chacun des propriétaires aura son compte ouvert, sur lequel les opposi-
ïMENTÀIRES. [2 octobre 1789.)
tiohs dont ses biens seront grevés, seront libellées avec l'indication des bailliages où lesdites oppositions auront été formées.
Nota. Il est sensible qûe, par cette disposition et par celle du précédent article, les capitalistes auxquels des prêts sef-oht demandés, connaîtront la masse des oppositions qui Affecteront lés propriétés des emprunteurs, et pourront, âvant de consommer leur prêt, prendre les précautions convenables, pour avoir toutes sûretés sur le°s sommes qu'ils prêteront aux propriétaires.
Art. 4. A partir également du...., leS oppositions dans les différents bailliages, entre les niâins des conservateurs aux hypothèques, en exécution de l'édit du mois de juin 1771, cesseront d'avoir lieu. Lesdites oppositions seront formées eritre les mains des administrations provinciales ou des administrateurs de la caisse nationale de Paris, au choix des créanciers qui formeront lesdites oppositions, dans lesquelles ils seront tenus de faire élection de domicile; et lesdites oppositions seront enregistrées sur les registres sommiers énoncés aux deux articles précédents ; lesdites élections de domicile rendront valables les diligences et poursuites qui seront faites pour la mainlevée des oppositions qui sera définitive un mois après le jugement qui aura prononcé iadite mainlevée.
Art. 5. Les administrations principales enverront sans délai, aux administrateurs de la caisse nationale à Paris, l'extrait des oppositions qui seront formées entre leurs mains, et îes administrateurs de la caisse nationale feront également passer aux administrations provinciales les extraits des oppositions qui Seront formées à la vente des biehs situés, dans leur ressort; les-dits extraits serotit inscrits aii compti; ouvèrt de chaque particulier, cohfdirnëment à l'article précédent.
Nota. Ces précautions assurent, en tout terïips, la connaissance des différentes oppositions qui subsisteront sur les biens dé chaque propriétaire, soit dans chaque provihcè, soit dans l'universalité du royaume.
Art. 6. Les créanciers qui formeront oppdsi-tion entre les ffiàins des administrations provinciales, payeront le droit de 3 livres établi par l'édit du mois de juin 1771, et ladite opposition vaudra, pour le cours de trois années, à compter du jour où elle sera formée ; mais, si lesdits créanciers veulent que leiirS oppositions subsis-, tent pour ùn temps indéterminé, et jusqu'à ce qu'ils donnent mainlevée de leurs oppositions, le droit sera de 6 livres et l'hypothèque constatée par l'opposition, subsistera jusqu'à là mainlevée. Les créanciers qui désireront dés extraits de leurs oppositions, payeront 24 sous par extrait d'opposition triennale, et 48 sous par extrait d'oppositiori indéterminée.
Nota. Cette disposition est essentielle : un créan- * cier peut oublier de renouveler son opposition à l'échéance de trois années; il peut être absent; son titre devient sâris force : il est plus naturel dé recevoir des oppositions pour un temps indéterminé en doublant le droit : dès lors le créancier aura le choix de l'opposition triennale, ou de celle qui conservera sa créance jusqu'à son payement, ou jusqu'à la vente des immeubles qui seront gre~ vés de son hypothèque.
Art. 7. Les opposants auront la faculté de former leurs oppositions entre les mains des administrateurs de la caisse nationale de Paris, en désignant l'assemblée provinciale sur le rapport de laquelle doivent porter leUrë oppositions; ils
payeront le droit d'opposition daiiS les proportions indiquées par l'article précédçiit, et les administrateurs de la caisse nationale ëû feront passer les extraits aux administrations provinciales.
Nota. Cette facilité est indispensable : souvent un créancier n'a point de relations dans le bailliage où sont situés les biens de son débiteur ; il est obligé de donner sa corrimission à des personnes qu'il ne connaît point, et, de faire passer en province le prix des oppositions qu'il entend former : souvent ses intérêts sont négligés, et presque toujours lorsqu'il est question du renouvellement de Vopposition : le créancier, en s'adressant aux administrateurs de la caisse nationale, sera libre de toute inquiétude, et son opposition sera formée, soit triennale, soit indéterminée, saris qu'il soit assujetti à des frais de commission, à des eûvois d'argent qui doublent soiivënt les frais de Vopposition.
Art. 8. Les créanciers qui, parles titrés dé léurs créances, auront droit à ce que leurs oppositions aient force sur la totalité des nieris dé leurs dé-' biteurs, et qui ne connaîtront pas les diverses situations desdits biens, atiront la faculté de former leurs oppositions sur la généralité des biens de leurs débiteurs; le droit, pour cës sortes d'oppositions, sera de 6 livres pour les triennales, et de 12 livres pour celles qui seront indéterminées.
Si les oppositions générales sont formées dans , les provinces, les administrations provinciales en feront passer les exlraits aux administrateurs de la caisse nàtiùhale de Paris, qui les enregistreront et les enverront à toutes les administrations provinciales pour y être pareillement enregistrées : si elles sont formées entre les mains des administrateurs de la caisse nationale de Paris, elles y seront enregistrées, et les extraits envoyés à toutes les adminisratidns provinciales.
Nota. On apprécierait difficilement les avantages de ces facilités : souvent uri créancier ignore la situation des propriété^ de son débiteur ; et par le moyen des oppositions générales il peut conserver son hypothèque sur Vuniversalité de ses biens.
Art. 9. Les administrations provinciales feront passer gratis aux propriétaires d'immeubles les avertissements des oppositions qui seront formées sur eux ; et si lesdits propriétaires le requièrent, > il leur sera délivré uii extrait desdites oppositions en payant 24 sous pour la délivrance de chaque extrait d'opposition triennale, et 48 sous pour chaque extrait d'opposition indéterminée.
Nota. Cette précaution est juste et nécessaire : un propriétaire doit connaître ceux qui se prétendent en droit de former des oppositions sur sa propriété, afin d'être en état d'obtenir les main-1 levees des oppositions qui rie seraient pas fondées, ou de connaître les motifs et l'importance de ces oppositions.
Art. 10. Toutes oppositions à la vérité des propriétés devront énoncer les motifs, le montant et la nature des créances pour lesquelles elles seront formées : aucune ne sera reçue sans cette énonciatiori.
Nota. Cette formalité est réellement indispen sable ; il' est juste que le propriétaire ait une connaissance positive des prétentions qui peuvent nuire à la disposition de sa propriété, afin qu'il ait des faclités convenables pour obtenir la mainlevée des oppositions qui ne seraient pas fondées.
Art. 11. Les propriétaires qui ôbtiendrôht main-
ÈMENTAIRES. [2 octobre 1789.] 323
levée de leurs créanciers par actes, sentences ou jugements, eii délivreront l'expédition, soit aux administrations provinciales, soit aux administrations de la caisse nationale de Paris, lesquels déchargèrent et feront décharger lésdités oppositions des Registres sommiers; et délivreront lés certificats de radiation aux propriétaires. Le droit desdites radiations sera dé 24 sous pour les oppositions qui n'auront été faites que pour une seule administration provinciale; il sera de 48 soils lorsque les oppositions seront générales.
NoTÀ. Le droit de la radiation est conforme a Vusd'ge actuel ; il doit être double, lorsqu'il sera nécessaire de l'opérer dans les différentes administrations qui diviseront le royaume.
Art. 12. L - ratig des hypothèques sera déterminé par la date des enregistrements d'opposition; en conséquence, tout créancier qui aura négligé de former son opposition sur les propriétés de son débiteur, sera déchu de toute priorité d'hypothèque sur ceux dont les titres seront postérieurs, mais qui auront pris la précaution dé faifé enregistrer leur opposition.
NOTA. Cette clause est indispensable, puisqu'elle est le seul moyen d'assurer le sort dès créanciers : il est facile à tout prêteur, ati rrïûtnent où il passe l'acte de son prêt, ainsi qu'à ceux qui obtiendront dés jugements ou condamnations contre leurs débiteurs, de former, sur le champ, leurs oppositions dans les termes et de la mûnière prescrits par les articles précédents : les notaires pour les actes, les procureurs pour les condamnations, ne manqueront pas de remplir cette formalité, lorsqu'elle donnera la date de l'hypothèque. Sans cetté clause, *1 serait impossible de connaître la situation d'un propriétaire, et de lui prêter avec les sûretés convenables.
Art. 13. A compter du..,..., jour où la nou, velle législation des hypothèques sera enactivitéi les créanciers des propriétaires d'immeubles qu n'auront point formé d'oppositions entre les mains des conservateurs des hypothèques, auront un délai de trois mois pour former leurs oppositions, soit aux administrations provinciales, soit entre leà mains des administrateurs de a caisse nationale de Paris, dans les formes prescrites par lës articles précédents; et, passé ledit délai, les rangs d'hypothèques serdnt réglés par les dates d'enregistrement des oppositions.
Nota. Il est juste de laisser aux créanciers qui n'ont pas formé leurs oppositions entre les mains des conservateurs d'hypothèques, le temps nécessaire pour se conformer à la nouvelle législation : il y en a beaucoup qui ont négligé ces oppositions, parçe qu'il suffit, actuellement de former son opposition dans les deux mois avant le sceau des lettres de ratification, et que les rangs des hypothèques sont réglés entre tous les opposants, sur la date des contrats et autres actes justificatifs des créances : il serait contre les règles de l'équité de les priver du droit qui leur est acquis, sans leûr donner les facilités convenables pour les conserver.
Art. 14. Les propriétaires d'immeubles qui seront dans le cas d'avoir recours à des emprunts, pourront faire, soit aux administrations provinciales, soit aux administrateurs de la caisse nationale, la déclaration de la valeur de leurs immeubles, et présenter requête pour la vérification desdites réclamations.
Art. 15. Après la vérification des déclarations faites par les propriétaires d'immeubles, il leur sera délivré, par les admihinistrations provinciales, ou par les administrateurs de la Caisse nationale de Paris, un certificat côûtëhant la va-
leur des biens vérifiés et la somme des hypothèques dont ils seront grevés par les oppositions de leurs créanciers ; et lesdits certificats pourront être annexés aux contrats ou obligations qui seront souscrits par lesdits propriétaires, au profit de ceux qui consentiront à devenir leurs créanciers.
Nota. Lorsque le rang des hypothèques sera réglé par les dates d'enregistrement des oppositions, il est évident que les déclarations vérifiées détermineront les capitaux libres, que le propriétaire aura la faculté de déléguer à de nouveaux créanciers : dès lors, les propriétaires ne seront plus, comme actuellement, privés des ressources qu'ils ne trouvent point, à cause de la crainte où sont les capitalistes de n'acquérir qu'une hypothèque stérile et primée par des privilèges ou des hypothèques antérieurs. En même temps le capitaliste aura une connaissance parfaite de la valeur des immeubles sur lesquels il colloquera ses capitaux, et des fonds libres sur cette même valeur : il ne craindra plus les priorités d'hypothèques inconnues ou déguisées, puisque la date de son opposition garantira que la priorité ne sera acquise qu'aux créances d'un enregistrement postérieur. On apprécierait difficilement les avantages de cette disposition pour les propriétaires et leurs créanciers.
Art. 16. Les vérifications mentionnées à l'article précédent seront faites par les délégués des assemblées provinciales : les propriétaires qui feront la déclaration de la valeur de leurs immeubles, payeront, pour droits et frais de vérification, un denier pour livre de la valeur déclarée, sans égard pour celle qui sera constatée pour la vérification ; ils payeront en outre 3 sous par 100 livres de la valeur constatée par la vérication, et 2 livres pour frais d'expédition de la déclaration et vérification, indépendamment du remboursement du papier ou parchemin timbré.
Nota. Les droits proposés pour la vérification de la valeur des immeubles, sont fixés au demi-droit des lettres de ratification ; cette disposition est juste, et ne peut être considérée comme un impôt. 1° Cette vérification n'est point obligatoire ; elle n'a pour objet que de procurer aux propriétaires des facilités dont ils sont privés dans l'état présent ; 2° Il est juste de pourvoir aux frais qu'exigeront ces vérifications; 3° Il est sensible que, lorsque les rangs d'hypothèques seront réglés par les dates des enregistrements d'oppositions, les créanciers n'o-mettront point de remplir une formalité aussi essentielle; ainsi les engagements des propriétaires seront généralement connus ; conséquemment les acquéreurs négligeront souvent de prendre des lettres de ratification pour purger les hypothèques de leurs vendeurs.
Art. 17. Il ne sera rien innové à la législation actuelle, concernant les lettres de ratification ; les créanciers conserveront le droit d'enchérir sur les contrats de vente ou sur les adjudications, et le vendeur aura, comme à présent, la faculté de retenir son acquisition pour le plus haut prix auquel l'immeuble acquis sera porté par les enchères.
Les acquéreurs d'immeubles qui prendront les-dites lettres de ratification continueront de payer 2 livres 16 sous par chaque lettre de ratification, pour le sceau, la signature, l'expédition et l'enregistrement, en sus du remboursement du papier ou du parchemin timbré ; 2 deniers pour livre du prix des acquisitions, et 6 sous par 100 livres du prix de chaque vente.
Nota. Cette disposition ne peut souffrir aucune difficulté, puisque les lettres de ratification ne sont
EMENTAIRES. 12 octobre 1789.]
point une obligation, et que l'acquéreur est libre de les requérir ou de s'en passer.
Les détails dans lesquels je viens d'entrer sont assez étendus pour justifier les avantages que les propriétaires et les capitalistes trouveront dans une nouvelle législation sur les hypothèques.
Ma proposition, à cet égard, ne me parait susceptible d'aucune objection : 1° en fixant les rangs d'hypothèques sur les dates d'enregistrement des oppositions, on évitera un très-grand nombre de procès, ainsi que les frais d'ordre ou de distribution entre les créanciers ; 2° le droit des oppositions est trop modéré pour être considéré sous le point de vue défavorable de l'impôt, puisque le plus fort droit pour une opposition générale et indéterminée sera de 12 livres et assurera constamment le gage et l'hypothèque du créancier; 3° les propriétaires auront, dans tous les temps, la ressource assurée d'emprunts proportionnels à la valeur des immeubles qu'ils posséderont ; les vérifications faites par les assemblées provinciales garantiront les capitalistes du danger de compromettre leur fortune, et le droit de ces vé- rifications est assez modéré pour ne point être à charge aux propriétaires ; il est donc constant que cette proposition est, sous tous les points de vue, de nature à être favorablement accueillie.
Si on la considère sous le rapport de l'intérêt du lise, j'observerai : l°que lesfrais de perception et de régie seront considérablement diminués lorsque les administrations provinciales et la caisse nationale seront substitués aux régies mul- * tipliées des bailliages; 2° que les oppositions, étant le titre qui réglera le rang des hypothèques, seront formées par tous les capitalistes qui placeront leurs fonds sur des immeubles, ce qui augmentera considérablement le produit; 3® que si les lettres de ratification sont demandées plus rarement que dans l'état actuel, la compensation de ce moindre produit sera très-avantageusemen t opérée par le droit de vérification de la valeur des immeubles appartenant à tous les proprié- , taires dans le cas de grever leurs immeubles par des emprunts.
Ainsi, je suis persuadé que cette nouvelle législation , utile pour les capitalistes et les propriétaires, augmentera les produits de cette branche de revenus ; je ne serais pas éton né qu'elle doublât, mais je ne me tromperai certainement point en estimant que le produit s'élèvera au moins à 2 millions. 4
De la régie des séquestres et consignations.
11 n'est personne qui ne gémisse sur le sort des débiteurs malheureux, et des créanciers dont les revenus reposent, sans intérêt, dans les caisses des séquestres de toutes sortes, dont les capitaux , ont le même sort, et souvent sont dissipés par ceux auxquels le dépôt en est confié.
Il est bien digne des représentants de la nation de venir au secours de la classe des citoyens qui méritent le plus d'égards ; la chose e3t facile, et peut tourner à l'avantage public.
Mais, avant d'exposer les moyens qui me paraissent convenables pour assurer les capitaux du débiteur et de son créancier, pour faire bénéfi- * cier l'un et l'autre d'un intérêt quelconque sur les sommes déposées par autorUé de justice, je dois faire connaître le régime actuel des séquestres et des consignations.
En 1689, il avait été créé des receveurs des
consignations, et des commissaires aux saisies réelles, dans toutes les cours et dans les justices royales; leur nombre fut ensuite réduit aux cours souveraines et à quelques justices principales.
Les fonctions des receveurs de consignations sont de recevoir les deniers provenant des ventes d'effets mobiliers et d'adjudications d'immeubles, ordonnées par justice, et de les distribuer aux . créanciers, suivant l'ordre de leur collocation : ces receveurs jouissent, à PaWs, de 6 ou 12 deniers pour livre d'attribution ; en province, de 12 et 18 deniers pour livre, suivant la nature des consignations.
Les commissaires aux saisies réelles sont chargés de la suite des saisies des biens-fonds seule-¦ ment, de passer les baux judiciaires de ces biens, d'en percevoir les loyers et revenus, enfin de les garder en dépôt jusqu'à ce que la justice en ordonne la distribution : leurs droits sont réglés ; ils en perçoivent, pour l'enregistrement de chaque saisie,* suivant sa consistance ; pour les extraits qu'ils délivrent de ces enregistrements ; pour les quittances, pour la reddition de leurs . comptes ; enfin, il leur est attribué 18 deniers pour livre de toutes les sommes versées dans leur caisse.
De cet ordre de choses, il suit : 1° que le prélèvement sur les sommes déposées diminue les capitaux du débiteur au moins de 5 0/0 ; 2° que ce prélèvement, en faveur des séquestres, est au préjudice des créanciers; 3° que les sommes consignées ou séquestrées par justice ne portent ' aucun intérêt, et que lorsque ces dépôts subsistent plusieurs années, les créanciers et les débiteurs sont frustrés de l'intérét que porteraient les capitaux s'ils étaient mis dans la circulation.
Cette considération est très-puissante ; on estime en effet, que le montant des capitaux existants dans les caisses des consignations et des saisies réelles s'élève constamment, dans l'universalité du royaume, à 70 ou 80 millions : ainsi la régie actuelle des consignations et saisies réelles, est un véritable impôt de 3 à 4 millions sur le débiteur malheureux et sur ses créanciers ; et cet impôt est aggravé par la perte des intérêts pendant la durée du dépôt que le cours de la justice et des procédures prolonge souvent plusieurs années : on voit communément des dépôts subsister 10 ans, 20 ans, quelquefois 40 ans, et finir par être oubliés de ceux qui y ont droit, ou de ' leurs héritiers.
Ce n'est point aux seuls receveurs de consignations et de saisies réelles que se bornent les sommes déposées par autorité de justice : les notaires de la capitale et des provinces sont très-souvent nommés séquestres des faillites et directions : à la vérité, ces dépositaires ne jouissent d'aucune attribution ; mais ces dépôts sont des fonds morts pour la circulation, et qui ne portent aucun intérêt, à moins que les dépositaires n'en disposent à leurs risques et périls : dans ce cas, l'intérêt qu'ils produisent est pour leur compte personnel ; on arbitre la masse commune de ces sortes de dépôts à 40 millions au moins dans l'universalité du royaume.
il n'est personne qui ne connaisse le vice de pareilles législations, et qui n'en désire une moins défavorable ; il est essentiel de s'en occuper, car souvent l'inconduite et l'insolvabilité des receveurs de consignations et des commissaires aux saisies réelles achèvent la ruine de débiteurs malheureux et de leurs créanciers ; nous en avons
jEMENTAIRES. [2 octobre 1789.] 325
des exemples récents : en 1874, le commissaire aux saisies réelles de Paris, a manque de 900,000 livres ; je pourrais citer beaucoup d'autres exemples.
Telles sont les considérations qui me déterminent à proposer, sur cette partie, une nouvelle forme de législation; elle est simple, elle est favorable au débiteur, au créancier ; elle est, au surplus, justifiée par l'exemple d'une pareille administration à Berlin. Tous les fonds dont le dépôt est ordonné par justice sont verses dans; la caisse de la banque royale, qui en paye Vinterêt à 2 1/2 0/0.
Art. 1er. Les administrations provinciales pour les cours souveraines et juridictions de leur ressort, et les administrateurs de la caisse nationale de Paris pour le ressort du Parlement de Paris, procéderont incessamment au recensement de toutes les sommes existantes dans les caisses des receveurs des consignations et des commissaires aux saisies réelles : il en sera dressé un état signé par les greffiers desdites juridictions, et les fonds en seront versés dans la caisse nationale ou dans les caisses provinciales : les administrateurs de toutes les caisses en donneront leurs récépissés aux receveurs des consignations et aux commissaires aux saisies réelles, pour servir de décharge à la reddition et aux apurements de leurs comptes.
Nota. Cette disposition remettra dans la circulation la masse du numéraire qui repose dans les caisses de consignations et de saisies réelles ; ce numéraire est en nature, à moins d'une prévarication formelle de la part des dépositaires : 70 ou 80 millions de plus dans la circulation sont un moyen très-efficace de remédier à la pénurie du numéraire.
Art. 2. Les administrateurs desdites caisses nationale et provinciales seront également chargés de vérifier et de faire les recensements de toutes les sommes déposées ou sequestrées entre les mains des notaires, soit par autorité de justice, soit en vertu de contrats d'union de créanciers, ou pour telle autre cause que ce soit, et lesdits dépôts seront remis aux administrateurs desdites caisses, qui leur en délivreront des récépissés pour leur servir de décharge vis-à-vis des parties intéressées auxdits dépôts ; à l'exception néanmoins des dépôts volontaires qui ne seront versés dans les caisses nationale et provinciales que du consentement ou à la réquisition de ceux qui y auront droit.
Nota. Cette disposition augmentera de plus de 40 millions le numéraire existant dans la circulation ; car les notaires se permettent rarement de disposer de leurs dépôts : ainsi, par cette disposition, et par la précédente, il y aura près de 120 millions d1 accroissement dans la circulation du numéraire ; cette considération est très-importante, lorsque la pénurie des espèces détermine la fonte des bijoux et de l'argenterie.
Art. 3. Il sera dressé par les administrateurs des caisses nationale et provinciales des procès-verbaux contenant la situation des receveurs de consignations, des commissaires aux saisies réelles, des notaires et autres séquestres publics qui se trouveront dans l'impuissance de réaliser les sommes dont ils sont dépositaires ; et sur lesdits procès-verbaux il sera procédé, à la réquisition du ministère public, poursuite et diligence des administrateurs des caisses nationale et provinciales, au recouvrement des capitaux que les dépositaires ne seront point en état de représenter.
Nota. Cette disposition suppose la prompte orga-
nisation des assemblées provinciales et de la caisse nationale, dont les représentants de la nation doivent s'occuper très-incessamment : f observe que les dépositaires qui auront diverti les dépôts dont ils sont comptables, doivent être poursuivis extra-or dinairement comme coupables d'abus de confiance; il est à présumer que la crainte de ces poursuites déterminera la prompte rentrée des fonds, dont quelques dépositaires pourraient avoir abusé.
Art. 4. A compter du ....... les offices de
receveurs de consignations et commissaires aux saisies réelles en titre, seront et demeureront supprimés : les propriétaires desdils offices jouiront de l'intérêt de leurs finances, à raison de 4 0/0 sans retenue, et ne seront remboursés desdites finances qu'après l'apurement de leurs comptes et la délivrance des certificats de quitus, expédiés à leur profit.
Nota. Les comptables qui seront dans l'impuissance de réaliser les dépôts dont ils sont chargés, seront déchus du droit de prétendre aucun intérêt de leurs finances, jusqu'à ce qu'ils aient rétabli lesdits dépôts dans les caisses nationale et provinciales,et la finance de leurs offices sera spécialement, et jusqu'à due concurrence, affectée au payement de leurs débets. L'intérêt à 4 0/0 sans retenue, est le taux légal que pourront prétendre les créanciers de l'Etat, lorsque le retour de la confiance et du crédit, conséquence infaillible du nouveau régime de finances que j'ai présenté, permettra la libération des engagements les plus onéreux par la voie de la reconstitution.
Art. 5. Les notaires et autres séquestres qui ne seront point en état de verser dans les caisses nationale et provinciales les dépôts dont ils sont chargés, seront suspendus de leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient satisfait au payement desdits dépôts, et, trois mois après la vérification qui les constatera en retard sur le payement de leurs dépôts, il sera procédé à la vente de leurs offices, sur le prix desquels prélèvemeutserafait, par préférence à tous privilèges et hypothèques, des sommes dont ils serout comptables comme dépositaires :1e tout sans préjudice des poursuites extraordinaires énoncées à l'article 3.
Nota. Rien de plus juste que cette disposition : un dépositaire qui aurait abusé de son dépôt ne mérite aucune considération : ses créanciers personnels ne peuvent rien prétendre qu'après qu'il aura rétabli les sommes dont il a abusé ; parce qu'en lui prêtant, ils ont été guidés par la confiance personnelle, et qu'ils sont conséquemment garants de sa gestion dans l'exercice de ses fonctions et de son office.
Art. 6. À compter pareillement du..., les dépôts qui seront ordonnés par la justice, les revenus et ventes des biéns en direction, les sommes provenant des faillites, vente de meubles, etc., et généralement toutes les sommes qui seront dans le cas d'être déposées pour être réparties aux créanciers, seront versées entre les mains des administrateurs des caisses nationale et provinciales, qui en donneront leurs reconnaissances, pour les délivrer à ceux qui y auront droit, en vertu de jugements, sentences, arrêts, délibérations de créanciers, et autres titres susceptibles d'opérer une pleine et entière décharge.
Nota. Lorsque les dépôts seront effectués dans les caisses nationale et provinciales, tes créanciers et les débiteurs seront sans inquiétude sur la sûreté des capitaux déposés.
Art. 7. Les sommes déposées, aux termes de l'article précédent, dans les caisses nationale et pro -vinciales, porteront intérêt à raison de 2 1/2 0/0
par année, au profit de ceux qui auront droit auxdits dépôts, à compter du jour où ils seront effectués, jusqu'à celui où la distribution en sera ordonnée et signifiée aux administrateurs desdites caisses nationale et provinciales : les capitaux desdits dépôts seront affranchis de tous frais d'actes de dépôts et autres généralement quelconques, et seront distribués,sans frais, à ceux qui y auront droit,concurremment avec les intérêts ci-dessus stipulés.
Nota. Dans l'état présent, les capitaux déposés dans les caisses de consignations et saisies réelles, subissent une réduction proportionnelle aux attributions accordées aux propriétaires : ils ne portent point intérêt, et si le dépôt subsiste quinze ans, la perte est égale au capital. Il en est de même des dépôts effectués chez les notaires ; les capitaux ne subissent aucune réduction, mais ils ne portent aucun intérêt. Ainsi les débiteurs et les créanciers bénéficieront d'un intérêt qui, joint à l'affranchissement des droits de dépôt, leur donne un avantage de S à 10 0/0 et de beaucoup plus, lorsque le dépôt subsiste plusieurs années consécutives. Je dois observer que la caisse nationale ne payera l'intérêt qu'à l 1/2 0/0 en considération des frais de régie, d'expéditions et autres, dont les dépôts ne seront point tenus, et qui seront supportés par la caisse nationale.
Art. 8. Les administrations provinciales comp-teront^ à la Gaisse nationale des sommes qui seront déposées, et dont elle fera l'emploi le plus utile pour la chosepublique : les distributions ou remboursements des sommes déposées, ensemble les intérêts stipulés par l'article précédent, seront effectués au profit de ceux qui y auront droit, quinzejours après la signification qui aura été faite aux administrateurs des caisses nationale et provinciales, des arrêts, sentences, jugements, délibérations de créanciers,et autres pièces susceptibles d'opérer la décharge des dépôts effectués.
Art. 9. Les capitaux appartenant à des mineurs, et les collocations qui pourraient être faites à leur profit sur l'administration de leurs revenus, ensemble les capitaux appartenant aux substitutions, seront versés dans les caisises nationale et provinciales, et porteront, à leur profit, intérêt de 4 0/0, sans retenue, jusqu'à l'époque où la loi leur permettra d'en disposer; à cette époque il sera procédé, sans frais, à la liquidation des capitaux et intérêts qui leur seront dus et qui leur seront payés à leur première réquisition.
Nota. On se convaincra facilement de la justice de cette disposition, si l'on fait attention aux fré- ' quents et funestes effets de la mauvaise gestion des tuteurs et usufruitiers des substitutions, ainsi qu'à la multitude qe procès qui en est la conséquence : les mineurs et les substitués seront beaucoup plus avantageusement traités, lorsque leurs capitaux seront garantis par la cqisse nationale, et que leurs intérêts, au taux légal, seront assurés.
Art. 10. Les administrateurs des caisses natio- , nale et provinciales tiendront les registres nécessaires pour la sûreté des dépôts et des dispositions contenues dans les articles précédents.
J'ai suffisamment fait connaître l'utilité dont cette nouvelle législation sera pour les débiteurs et les créanciers ; je terminerai en observant: 1° qu'elle mettra eu circulation un capital de 120 millions, aujourd'hui stérile pour l'Etat, puisqu'il reste enfoui dans les caisses des dépositaires ; * 2° qu'elle fera bénéficier la caisse nationale d'un revenu de 3 millions,puisqu'elle facilitera l'extinction ou le rembourse ment de 120 millions de capitaux portant intérêt à 5 0/0, tandis que la caisse
nationale ne payera les iqtéréts qp'à 2 1/2 f)/0 ; 3° que le bénéfice serait beaucoup plus important si la masse des çjépôts, qui se renouvellent sans cesse, et qui conséquent menf, ne sont ren-boursés que par les fonds (Je nouveaux dépôts, était employée à l'extiqptiqp de 120 millions de rentes viagères ; dans ce cas, le bénéfice seraif 9 millions au profit de la caisse d'aiporlissemient.
Toute réflexion ultérieure serait inutile, et je crois[ ces considérations assez pqigsante§ pojir déterminer sur cet objet le décret de l'Assemblée nationale.
N° 12,
Vues et réflexions sur l'organisation de la caisse nationale, sur ses relations avec les trésoriers des assemblées provinciale^, sur son utilité pour le conmerce et les propriétés, lorsque cette caisse remplira les fonp-tions d une banque nationale.
La nouvelle constitution du royaume abolit les distinctions qui subsistaient entre les différentes provinces relativement à l'impôt.
Une renonciation formelle à toutes exemptions, à tous privilèges, nécessite la répartition égalé et proportionnelle aux facultés.
Ainsi les impôts indirects qui grèvent plusieurs provinces, tandis que d'autres en sont affranchies, ne peuvent exister : leur perception serait incompatible avec l'égalité des contributions.
Tels sûht les principes d'après lesquels j'ai fait connaître la nécessité absolue, indispensable, de remplacer les impositions actuelles Sur les propriétés, et la majeure partie des impôts indirects, par trois impositions, dont il est facile d'établir la répartition entre les différentes provinces, pro-portionellement à jëurs facultés respectives!
La somme de ces impositions sera collectivement de 330 millions, dont 300 destinés pour la caisse nationale, et 30 millions resteront à la disposition des assemblées provinciales pour frais de recouvrement, dépenses personnelles, indemnités, décharges et modérations en faveur des propriétaires que des accideuts imprévus mettront hors d'état de satisfaire à leurs contributions.
11 existera donc un revenu de-300 millions, dont l'assiette et le recouvrement seront faits par les assemblées1 provinciales, dé districts et de municipalités; ce revenu sera principalement destiné aux intérêts de la dette publique, à l'amortissement des capitaux de dette même dette, ainsi qu'aux dépenses extraordinaires que la guerre pourra nécessiter : il doit 'ôônséquèmniHnt être versé dans la caisse de la nation, puisque la dette niqtf-rés'se que la nation; il n'est aucun motif pour en attribuer le recouvrement au Trésor royal, puisque le souverain, chargé du pouvoir exécutif, rècevra, par la perception générale de plusieurs impôts indirects, une somme équivalente aux dépenses de l'Etat, et que, dans le cas oïï cette perception serait inférieure à cës mêmes dépenses, la caisse nationale versera dans ce Trésor royal le complément dans la proportioti de l'insuffisance.
D'après ces baseé, il convient d'examiner : 1° quels sont le3 moyens d'assurer à la caisse nationale le payement exact des 300 millions à quoi j'estime que peuvent être fixés l'inilpôt de propriété, l'impôt personnel et l'impôt de consommation ; 2° quelles doivent être les relations de la caisse nationale avec les trésoriers des assemblées proviaciales.
Ces objets déterminés, il me paraît utile de rçcjierçjièr quels autres articles de recouvrement doivent être confiés à la caisse nationale, pt s'il ne serait pas utile d'ajmuïçr le privilège de la caisse d'escompte en attribuant aux administrateurs de la caisse nationale les fonctions qui constituent véfit^lement une banque nationale.'
PREMIER OR JET.
Des jnoyens d'assurer à la caisse nationale le produit de l'impôt de propriété, de l'impôt perspnneî et de celip de consommation.
J'ai dit que la répartition de l'impôt de propriété devait être faité sur la proportion des vingtièmes et décimes du clergé ; que l'impôt personnel el celui de consommation dans les villes, et de licence où permission de'càbarét'dans lés campagnes, seraient fixés £ raison du huitième chacun de l'impôt dé propriété. J'ai dit que lé montant de ces trois impositions réunies formerait le prix des abonnements des différentes provinces, que chacune serait libre d'adopter le mode d'imposition qui lui paraîtrait le plus favorable, pourvq qu'elle versât â l'a caisse natiqnfile le prix dé son abonnement, à la déduction du dixième ou des 2 sous pour livre, alloués pour les frais de recouvrement, les dépenses des assemblées provinciales, de districts et de municipalités, celles dés ponts et chaussèës, et finalernent pour subvenir aux décharges et modérations que nécessiteront les événements imprévus.
Il est sepsible que les assemblées provinciales suivront lés mêmes bases de répartition entre les districts dont elles seront côipposées, et que ces dérnières'feront avec les municipalités de leurs ressorts, des âbonnéments proportionnels à leur facultés : il est également évident que les assemblées municipales pïocèdéront a la répartition des contribution^ auxquelles elles seront taxées, eqtre toutes les propriétés uu territoire', eu égard à leur produit, et qu'elles imposeront les non-cultivateurs, proportionnellement au contingent qu'ils devront supporter pour fâison de leur commerce ou de leur industrie.
Ainsi les assemblées provinciales seront garantes vis-à-vis de la caisse nationale, du prix général de l'abonnement à la déduction des 2 éous pour livre qu'elles auront droit dé retenir.
Les assemblées de districts seront responsables, vis-à-vis dés trésoriers généraux des assemblées provinciales de leurs réssorts, du prix de lejirs abonnements particuliers, mais à la déduction des frais de recouvrements et de leurs dépenses personnelles qui me paraissent devoir être arbitrées au sôu pour livre dé leurs abonnements.
Les municipalités garantiront également aux trésoriers de leurs districts l'objet de jeur contribution à l'impôt de propriété, de leur taxe pour l'impôt personnel, et de la somme à laquelle elles seront fixéespôur l'itnpôt de consommation ; mais elles doi vent retenir sur le prix de leur abonnement les frais de recouvrement et les dépenses particulières de la municipalité : je crois qu'il sera suffisant de leur allouer 5 deniers pour livré, dont 3 deniers au profit des préposés au recouvrement de l'impôt, et 2 deniers affectés aux dépenses de la municipalité.'
11 suit de cet éxpo'sé qu'il existera une chaîne de solidarité des assèmblées provinciales vis-avis de la caisse nationale, des districts vis-â-vis des assemblées provinciales, et des municipalités
vis-à-vis des districts; mais on sent que ces solidarités seraient purement idéales, si les propriétés du territoire n'étaient pas garantes de la masse générale des contributions de chaque municipalité.
Ainsi je pense que la condition de la solidarité doit expressément être adoptée, relativement aux contributions de chaque municipalité, puisque, sans cette clause, le recouvrement de l'impôt destiné spécialement aux intérêts, à l'amortissement de la dette publique, ne serait point assuré ; que des non-valeurs énormes atténueraient le produit de cet impôt.
J'observe au surplus que la solidarité des propriétaires ne peut et ne doit éprouver aucune difficulté, puisque les assemblées municipales auront leur recours, tant contre les préposés au recouvrement que contre les contribuables en retard : et que ce recours ne sera point sans effet, lorsque la valeur du sol sera spécialement affectée au payement de l'impôt de propriété.
SECOND OBJET.
Des relations de la caisse nationale avec les trésoriers des assemblées provinciales.
Je viens de prouver qu'au moyen de la solidarité des propriétaires du sol, les recouvrements des abonnements de chaque province, pour l'impôt de propriété, l'impôt personnel, et l'impôt de consommation, seront assurés ; conséquemment la caisse nationale recevra, à termes fixes et sans non-valeurs, un produit annuel de 300 millions qui ne sera susceptible d'aucune diminution, puisque les assemblées provinciales, au moyen des 2 sous pour livre d'accroissement sur la fixation de ces impôts, subviendront à leurs dépenses personnelles, à celles des assemblées de districts et de municipalités, aux frais de recouvrement, et finalement aux modérations que nécessiteront les événements imprévus, comme grêles, inondations, épizooties, etc.
Indépendamment de ce produit de 300 millions, la caisse nationale recevra l'abonnement de Pans, que j'ai estimé à 22,400,000 livres - et si ma proposition sur une nouvelle législation des hypothèques, sur les dépôts et consignations est
?iSft/VOyeZ Pièces justificatives)
la recette, au profit de la caisse nationale, sera augmentée d environ 8 millions, en sorte crue la totalité de sa recette sera de 330 millions.
Les administrateurs de la caisse nationale doi-
Sone.mp T,r Ceite S0Cûme' tant à Parfaire au iresor royal les dépenses qui seront à la charge du pouvoir exécutif (dans le cas où les impôts indirects seraient insuffisants) qu'à payer les intérêts de la dette publique, à rembourser les capitaux de cette même dette sur le fonds libre qui restera après le payement des intérêts
r!aiS . est inu.tile Iue ces opérations soient concentrées a Pans : il serait contre les principes dune bonne administration de faire arriver à grands frais l'argent des provinces dans la capitale, pour le faire refluer ensuite, avec les mêmes frais, dans les provinces.
Je crois donc que les administrateurs de la caisse nationale doivent être autorisés à faire payer par les trésoriers des Etats provinciaux les capitalistes qui désireront toucher en province les arréragés et le remboursement de leurs capitaux; je pense qu'ils doivent avoir la faculté de taire acquitter dans les provinces les dépenses à
LEMENTAIRES. [2 octobre 1789.]
la charge du pouvoir exécutif; ils auront toutes les facilités convenables pour s'en faire rembourser par le Trésor royal, soit en deniers comptants, soit par la compensation des sommes qu'ils auraient à fournir au Trésor royal pour le complément des fixations auxquelles l'Assemblée natio-tionale arbitrera la dépense des départements, Ces diverses opérations seront économiques ; elles ne demandent que de l'ordre ; mais pour en donner une idée complète, je les diviserai par articles; cet exposé fera connaître l'utilité de cette nouvelle manutention pour les capitalistes, le commerce et l'agriculture.
Ce ne doit point être, au surplus, aux recouvrements et dépenses que je viens d'énoncer que doivent se borner les fonctions des administrateurs de la caisse nationale ; ils en auront encore de très-importantes, et dont je dois présenter une courte analyse.
TROISIÈME OBJET.
Des recouvrements et dépenses qui doivent être confiés à la caisse nationale en sus de ceux qui sont exposés dans les articles précédents.
1° J'ai fait connaître que l'aliénation des bois et domaines de la Couronne offrirait une ressource précieuse; j'ai prouvé que cette aliénation ne pré-judicierait nullement à la conservation des futaies, et que la vente des domaines à perpétuité procurerait un capital de 600 millions (voyez le n° 10 des pièces justificatives). J'ajouterai qu'en y comprenant les bois et domaines des apanages", en allouant aux princes apanagistes l'intérêt à 4 0/0 du prix des aliénations, la caisse nationale trouverait une nouvelle ressource de 100millions: si cette proposition est accueillie, les administrateurs de la caisse nationale doivent être chargés de recevoir le prix des ventes, pour les employer au remboursement des rentes viagères et des créances les plus onéreuses.
2° Si la propriété des biens du clergé est déclarée appartenir à la nation, les assemblées provinciales seront chargées de l'administration de ces biens : ils formeront le gage spécial des dépenses affectées au culte public; conséquemment la caisse nationale et les assemblées provinciales doivent être tenues de satisfaire aux honoraires qui seront attribués au clergé.
3° Si le principe de la propriété des biens du clergé est admis en faveur de la nation, ce principe ne peut souffrir de difficulté pour les biens " des hôpitaux, communautés et fabriques ; il est donc indispensable que les assemblées provinciales soient chargées de l'administration de ces biens, sauf à tenir compte aux hôpitaux, communautés ou fabriques du produit qu'ils en retirent, avec clause d'amortissement en leur faveur, dans la proportion de la plus-value que le laps de temps amène dans la valeur des grains.
4° En admettant que la propriété des biens du clergé soit décidée en faveur de la nation, il est sensible que la nation doit aliéner les propriétés inutiles et qui ne donnent aucun revenu ; elle ne doit aux religieux des deux sexes qu'un traitement honnête pour leur subsistance, et des habitations convenables: les monastères sont inutiles dans les villes ; ceux des campagnes suffiront pour l'habitation des religieux et religieuses ' existants, et dont le nombre diminuera journellement, en investissant les religieux des vicariats et des cures qui vaqueront ; ainsi nulle difficulté de vendre les enclos et couvents des villes : le
prix de ces ventes doit être versé dans la caisse nationale, qui les emploiera très-utilement, et concurremment avec la vente des domaines et bois de la Couronne, à l'amortissement des rentes viagères, anticipations, fonds d'avance, et autres créances onéreuses à l'Etat.
. 5° Si la pénurie du numéraire est effective, et si l'Assemblée nationale estime utile d'y remédier par la création d'un numéraire fictif, il est evident que la caisse nationale doit seule être chargée de la fabrication du papier-monnaie, dans la proportion qui sera déterminée par les représentants de la nation ; il est sensible que les administrateurs de cette caisse anéantiront, par la délivrance de ce papier-monnaie, partie des anticipations, genre de créances dont le remboursement est indispensable au moment où le nouveau regime d'imposition sera en activité ; mais en même on ne doit point se dissimuler qu'il sera très-important d'anéantir ce numéraire fictif, dans la proportion qu'autorisera l'accroissement des espèces par une balance de commerce plus avantageuse que celle qui subsiste présentement (voyez le n° 9 des pièces justificatives).
En récapitulant ces divers articles, les administrateurs de la caisse nationale seront chargés de recettes très-importantes, et différentes de celles énoncées aux deux précédents articles, savoir, en recettes momentanées, le prix de l'aliénation des bois et domaines, tant de la Couronne que des apanages, celui des maisons et enclos, des monastères situés dans les villes, et la disposition du numéraire fictif, dans la proportion qui sera estimée nécessaire pour subvenir à la pénurie du numéraire existant dans la circulation : en recettes fixes et annuelles, les revenus des biens du clergé, des hôpitaux, fabriques et communautés.
D'un autre côté, la caisse nationale emploiera le produit des aliénations ci-dessus au remboursement des charges de judicature, à l'amortissement des rentes viagères, des anticipations et autres créances onéreuses: elle pourvoira, sur les revenus annuels des biens du clergé, à la dépense qui sera arbitrée pour le culte divin; sur ceux des biens des hôpitaux, fabriques et communautés, elle satisfera aux intérêts qui leur seront dus par compensation du produit qu'ils retirent actuellement de ces mêmes biens : ainsi les administrateurs de la caisse nationale ne seront que des administrateurs temporels de ces espèces de biens ; ils seront chargés des frais d'entretien, réparations et constructions: la dépense dont ils seront tenus pour cette jouissance, sera connue, mais les produits seront incertains, et l'excédant, au delà de la dépense fixe, augmentera le fonds d'amortissement.
L'ensemble de ces opérations ne présente aucune difficulté; mais elles exigeront le concours des assemblées provinciales et de leurs trésoriers généraux.
Il s'agit actuellement d'examiner si l'érection de la caisse d'escompte en banque nationale serait utile, ou si la caisse nationale peut en même temps remplir les fonctions d'une banque nationale au profit de l'Etat.
QUATRIÈME OBJET.
Est-il utile d'annuler le privilège de la caisse d'escompte, et d'attribuer à la caisse nationale les fonctions d'une banque nationale ?
La caisse d'escompte jouit du privilège de
mettre dans la circulation un numéraire fictif, sous la condition d'avoir toujours en caisse le quart de ce numéraire en espèces réelles.
Si la caisse d'escompte a, dans la circulation, des billets pour 120 raillions, elle doit posséder 30 millions en espèces monnayées : conséquem-ment, avec un capital réel de 30 millions, elle fait annuellement l'escompte de 120 millions. Cet escompte, à raison de 4 1/2 0/0, taux auquel il est réglé, donne un bénéfice de 5,400,000 livres. 11 faut en retirer les frais d'administration et les pertes qui peuvent résulter de l'escompte ; mais comme la caisse trouve une jouissance de fonds dans le service qu'elle fait pour différents banquiers, je crois suffisant d'évaluer à 400,000 livres les pertes et les frais de régie; ainsi les profits de la caisse d'escompte,réduits à 5 millions, établissent l'intérêt du capital à 30 millions, à raison de 16 2/3 0/0.
A la vérité, cette caisse a été assujettie à un dépôt au Trésor royal de 70 millions portant intérêt à 5 0/0, en sorte que son capital effectif est de 100 millions, d'où il suit que ses bénéfices ne sont (y compris l'intérêt du dépôt de 70 millions) que de 18 millions de livres,ce qui donne, pour un capital de 100 millions, un intérêt de 8 0/0, tous frais déduits.
Je conviens que cette caisse est depuis longtemps utile au Trésor royal, qui y trouve des secours réels par l'accroissement du numéraire fictif, et fabriqué dans la proportion des prêts qu'elle fait au gouvernement sur les valeurs que le Trésor royal lui fournit en nantissement, sous la condition de l'intérêt ordinaire.
Mais cette considération est-elle assez puissante pour ériger la caisse d'escompte en banque nationale ?
Cette opération convertirait les billets de la caisse d'escompte qui n'ont cours qu'à Paris, en billets de banque qui seraient reçus pour comptant clans l'universalité du royaume.
Dès lors, il n'est pas douteux que cette espèce de numéraire augmenterait prodigieusement ; que les opérations de cette banque doubleraient, tripleraient, et peut-être au-delà, et qu'en se conformant à la loi, qui l'oblige d'avoir en caisse le tiers, ou même simplement le quart de la valeur des billets qui sont en émigration, elle absorberait presque toutes les espèces, en sorte qu'on ne connaîtrait bientôt plus en France d'autre numéraire que les billets de cette banque nationale.
Je sais que ces billets ne compromettraient point le crédit national, puisqu'ils ne seraient que la représentation des effets que la banque nationale aurait constamment en portefeuille : mais je suppose l'événement d'une guerre qui, par les dépenses au dehors, nécessite l'exportation des espèces, il est sensible que, dans ce cas, la banque nationale serait forcée de retirer une partie de ses billets, et de restreindre dans la même proportion le cours de ses opérations de banque, dans le temps précisément ou le commerce a besoin d'une extension de facilités.
D'ailleurs, on ne peut disconvenir que la banque nationale ne présenterait d'avantage que pour une compagnie d'actionnaires qui bénéficierait de 5 millions par an, peut-être plus, en sus de l'intérêt légal de ses capitaux, mais que le corps de la nation ne participerait à ces bénéfices que d'une manière très-indirecte.
Si, au contraire, l'Assemblée nationale substitue la caisse nationale à la caisse d'escompte ; si elle détermine que la caisse nationale remplira les
fonctions d'une banque nationale, les opérations de cette banque seront au profit cje la nation, et contribueront à l'accroissement du fonds d'amortissement destiné pour le remboursement des capitaux, en temps de paix, pour subvenir aux ressources extraordinaires en temps de guerre.
Ainsi, tout concourt à substituer (a caisse nationale à la caisse d'escompte, en attribuant aux administrateurs de la caisse nationale la faculté de se livrer, pour le compte de la nation, aux opérations que ferait une compagnie d actionnaires pour son compte personnel :
1° La caisse d'escompte a procuré des secours au Trésor royal; mais cette facilité sera désormais inutile, puisque le Trésor royal ne sera plus à l'avenir charge que des dépenses qui concernent le pouvoir exécutif, et que la somme de ' ces dépenses lui sera fournie, tant par la perception des impôts indirects, gue par lés administrateurs de là caisse nationale,
2° La caisse d'escompte mettrait en circulation des billets de banque, dans une proportion indéterminée : il suffirait qu'elle eût en caisse le tiers ou le quart des billets qui seraient en émigration : la caisse nationale, au contraire, peut limiter la somme des Billets de banque qui seront en circulation, sans redouter le discrédit de ces billets, puisqu'ils seront garantis par la nation, et par un revenu libre qui prendra des accroissements chaque année, dans la proportion de l'intérêt des capitaux remboursés.
3° La caisse d'escompte, convertie en banque nationale donnerait des profits qui né tourneraient qu'à l'avantage des âctiqnnoires': la banque nationale, au contraire, fera tourner çes profits à l'avantagé de l'Etat, à la plus prompte libération de la d^tte, consêquemmentau soulagement, a la modération des impôts.
Ainsi, je pense que, bien loin d'attribuer à la caisse d'escompte la privilège ' d'une banque nationale, la politique, la prudence, le bien de l'État, demandent impérieusement, que }e privilège de pette caisse soit annulé, et que les administrateurs 'dela caisse nationale soient autorisés à toutes les opèfàtions qui constituent véritablement une caisse nationale.
Tels sont les différents points de vue sous les quels il me paraît essentiel de déterminer l'organisation des caisses provinciales et nationale , je vais les'exposer sommairement et par articles ; je sens qu'ils auront besoin d'un plus grand développement; mais il ne s'agit que de présenter des bases qui seront aisément perfectionnées d'après le décret de l'Assemblée nationale sur cet objet important.
Art. 1er. Répartition de l'impôt de propriété et accessoires entre les assemblées provinciales.
Il sera incessamment procédé à la répartition de l'impôt de propriété, de l'impôt personnel, et de l'impôt de consommation entre les différentes assemblées provinciales qui serqnt déterminées par l'Assemblée nationale.
Nota. J'ai fait connaître que cette répartition seraii faite sur des bases équitables'en la fixant sur la proportion des vingtièmes et déciyïes'Qu clergé , cette répartition est facile, quelles que soient les décisions que PAssemblée nationale adopte pour la 'formation'Uès assemblées provinciales' ; il en sera de même de l'impôt personnel et de celui de consommation puisque ces impôts sont du huitième de l'impôt de propriété ou du quart, étant réunis.
Art. 2. Idem par les assemblées provinciales vis-à-vis des districts.
Les assemblées provinciales prpcéçjerqnt, sur les mêmes' bases, à ]a répartition des différents impôts rpentionnés à l'article précédent, entre les différents districts dont elles seront composé6s.
Art. 3. Frais de recouvrements et dépenses des assemblées de districts.
Sur je prix de leurs abonnements pour l'impôt de propriété, pour l'impôt personnel et pour celui de consommation les assemblées de districts retiendront un sou pqqr livre, tant pour les frais de perception et de recouvrements que pour les dépenses particulières desdites assemblées de districts.
Nota. La somme de ces trois impôts, dans Vuniversalité du royaume, sera de 330 raillions, dont 300 seulement pour le Trésor public. Les 30 millions ou 2 sous pour livre doivent appartenir aux provinces, pour leurs dépense^ et charges particulières. Il est sensible que les assemblées de districts n'ayant à pourvoir qu'aux frais de recouvrement, et à leurs dépensés personnelles, un sou pour livre du montant, 'de leurs abonnements suffira pour ces dépenses.
Art. 4. Répartition des assemblées de distrjcts entre les municipalités.
Les assemblées de districts procéderont, sur les mêmes bases, à la répartition de l'impôt de propriété entre les différentes assemblées municipales de leur arrondissement; elles régleront également ïa somme de l'impôt personnel que chaque municipalité devra supporter pour la contribution des habitants de là" campagne, non cultivateurs, et le prix de§ licences ou permis^ sions de cabaret que chaque municipalité devra payer pour son contingent à l'impôt de consommation.
Nota. J'ai dit que l'impôt de propriété devait être fixé dans la proportion du quadruple des vingtièmes et décimes du clergé, et cette proposition est applicable à la répartition de l'impôt entre toutes les municipalités; il n'en n'est pas de même 'de l'impôt personnel et de celui de consommation. L'impôt personnel ne peut être a lq chargé du cultivateur et du journalier j le cultivateur doit être affranchi d/e toutes contribu^ioris, au rrioyçn dé l'impôt (^e propriété ; Içj'oùrnqlier n'en doit aibcune, puisque,s'il était imposé, son salaire devrait être augmenté dans la rnême propor^ior]. On taxerait donc doublement la propriété, p le cultivateur et le journalier étaient sujets à l'impôt personnel ; ainsi l'a somme de cet impôL pour les différentes municipalités, doit être réglée sur la proportion à laquelle les assemblées de districts estimeront la contribution que devront personnellement les habitants des municipalités, non cultivateurs, ou ceux qui, fàhnt.'cultivateurs, feront un négoce ou commerce qui ne sera point taxé par l'irnpôt de propriété. Quqnt à l'impôt de consommation, j'ai ait qu'il dèvrait être bofï\è, poux, W campçignes, à deS licences, ou permissions de cabarets ; les assemblées de districts seront seules en état de fixer le prix de ces licences, suivant la population, L'aisance, et la $fyuàtion (le chaque municipalité; H est sensible, par exemple, que le prix des licences, dans deux communautés égales en population et richesse, doit être différent,si tune de ces communautés est sur une grande route, et l'autre, située dans l'ifâène,y,r. est privée de cet avantage. ' ' '
Art. 5. Attributions aux municipalités pour leurs dépenses et frais de recouvrements.
Sur le prix général des abonnements qui seront réglés pour chaque communauté aux termes de
l'article précédent, les assemblées municipales retiendront 5 deniers pour livre, tant pour les frais de recouvrement, que pour les dépenses particulières desdites assemblées municipales.
Nota. J'estime que 3 deneirs pour livre suffiront pour te salaire $u préposé qui sera choisi par les communautés pour le recouvrement des abonnements ; 2 deniers pour livre doivent également suffire aux dépenses des assemblées municipales.
Art. 6. Répartitions des municipalités entre les contribuables.
Les assemblées municipales procéderont à la répartition de l'impôt de propriété entre tous les héritages du territoire, 3ans aucune exception, ni acception ; aucune propriété n'en sera affranchie, pas même les maisons, parcs, enclos, jardins, appartenant aux laïques, aux communautés religieuses et aux curés.
Lesdjtes assemblées répartiront la somme de l'impôt personnel ou capitation à laquelle, elles seront taxées entre les habitants non cultivateurs, autres que les journaliers, à raison de leurs facultés présumables, ou du clergé de bénéfice qu'ils peuvent faire sur leur négoce particulier s'ils sont cultivateurs.
Elles fixeront pareillement la part contributojre de chaque aubergiste ou cabarefier au prix des licences ou permissions de cabaret, qui sera arbitré pour chaque'municipalité; elles veilleront également à ce que nul ne puisse s'immiscer dans le droit de tenir auberge ou cabaret, sans avoir préalablement donné sa soumission de contribuer au prix de la licence qui aura été taxée pour chaque communauté
Nota. La répartition de l'impôt de propriété ne peut jamais présenter de difficulté, lorsqu'il ne subsistera plus aucun titre d'exemption ; fimpôt personnel ne sera point sujet aux vices de l'arbitraire, lorsque les répartitions seront faites par les assemblées municipales, et que les citoyens pourront réclamer contre les injustices, vis-a-vis des assemblées de district, et des assemblées provinciales ; enfin la répartition du prix des licences sera faite entre les citroyçns qui tiendront auberge ou cabaret, et les assemblées municipales seront en état de rendre justice à ceux qui se croiront lésés par ladite répartition..
Art. 7. Formes et ternes du recouvrement sur les contribuables-
Les préposés par les assemblées municipales au recouvrement de l'impôt de propriété, de l'impôt personnel et du prix des licences ou permissions de cabaret, en feront le recouvrement sur les contribuables, eu douze termes égaux, à compter du ipois de mars pour celui de janvier, du mois d'avril po}ir celui de février, et ainsi de suite, en sorte que la totalité des recouvrements de chaque année soit effectuée au 1er avril de l'année suivante ; ils en feront la remise dans les mêmes termes au trésorier particulier de leur district, de manière que la totalité des impositions de chaque anpée soit soldée au 1er avril de l'année subséquente.
Nota. Les recouvrements ne pourront éprouver ni retards, ni non-valeur s, lorsque l'impôt de propriété ne sera poir\t arbitraire, lorsque l'impôt personnel ne portera que sur les citoyens en état de l'acquitter, et que. les prix des licences seront subordonnés aux bénéfices connus ou présumables des aubergistes ou cabaretiers.
Art. 8. Retards sur les recouvrements, moyens de les faire cesser,
Les préposés aux reçpuvrerpents rendront
compte aux assemblées municipales 4U défaut de. payement des contribuables qui seront en retard ; lesdites assemblées, vérifieront les causes de ces retards et prescriront les poursuites convenables pour les fajre cesser.
Noîa. Puisque l'impôt de propriété sera proportionnel à la, valeur des propriétés, les assemblées municipales auront toujours les moyens de forcer les contribuables en retard, de satisfaire à leur cote d'imposition, à laquelle ces propriétés seront spécialement, et par privilège, affectées.
Art. 9. Retards ou défaut de payements légitimes: moyens 4e les vérifier.
Dans les cas de grêles, inondations, incendies, épizooties et autre? événements imprévus, qui pourraient légitimer le retard ou ]§ défaut de payement des contribuables, il en sera, sur les rapports des préposés aux recouvrements, et après vérification, d'resisèprocès-verbal par les assemblées municipales, et lesdits procès-verbaux seront remis auxdits préposés, qui les transmettront aux trésoriers particuliers de leurs districts comme pièces justificatives des retards dé leurs recouvrements.
Nota. Il doit être alloué 2 sous pour livre aux assemblées provinciales sur le montant de leurs impositions : moitié de cette attribution sera applicable aux frais de recouvrement et aux dépenses des assemblées provinciales, de districts et municipales ; l'autre moitié sera employée aux dépenses à la charge des provinces, aux indemnités des accidents imprévus, ainsi qu'aux non-valeurs qu'elles occasionnent.
Art. 10. Solidarité des assemblées municipales pour le montant de leurs abonnements.
Les assemblées municipales seront solidairement responsables des abonnements auxquels elles seront taxées, à la déduction des modérations qui leur seront accordées par les assemblées provinciales sur les rapports justificatifs des non-valeurs aux termes de l'artide précédent, sauf auxdites assemblées municipales à exercer leur recours, tant Gontre les préposés aux recouvrements que contre les contribuables en retard.
Nota. Cette solidarité est 4e, $roit, lorsque l'impôt de propriété sera répar ti sur tç^s les héritages du territoire dans lq proportion de lçit,r valeur et sans exception.
Aj*{. Il- Termes de pavement des municipalités vis-à-vis des trésoriers fe districts.
Les préposés au recouvrement verseront Je mutant des abonnements de leurs munipipsiités dans la caisse du trésorier de leurs distriçtS en douze termes égaux» conformément à l'article 7, à la déductioq cje 5 deniers pour livre, dont 3 deniers leur appartiendront pour les {rais dé leurs recouvrements : ils verseront dans la fiasse particulière de iq. municipalité les deux autres deniers pour livre pour les dépenses particulières desdites municipalités.
Nota. La rétribution de 3 deniers pour livre en faveur îles préposés aux recouvrements sera suffisante, parce que ces receveurs ambulants pourront se charger du reçouvrenient de l'imposition de plusieurs paroisses voisines; ils jouiront, à ce moyen, d'un traitement avantageux, qu ils craindront fie perdre ; je pense même que les assemblées municipales pourront exiger de ces préposés un cautionnement en immeubles, sirffisqnt pour répondre des fonds fiont ils auront la manutention.
Art. 12. Termes de payement des trésoriers de districts, vjs-à-yis du trésqrjer des assemblées provinciales.
Les trésoriers particuliers des asserrijîjées de
districts compteront du produit des impositions deleursdistricts au trésorier de la caisse provinciale de leurs ressorts, en douze termes égaux, de mois en mois, dont le premier sera fixé au 15 avril, le second au 15 mai, et ainsi de suite, de manière que la totalité de l'impôt de propriété, de l'impôt personnel, et de celui de consommation, soit versée dans la caisse provinciale au 15 avril de l'année qui. suivra celle de l'imposition ; le tout à ladéductfon du sou pour livre du montant des abonnements de chaque district, conformément à l'article 3, et des remises qui pourront être accordées par les assemblées provinciales aux communautés de chaque district, pour indemnités des événements imprévus, comme grêles, inondations, etc., ainsi qu'il sera ci-après expliqué.
Nota. Les assemblées de districts fixeront les traitements de leurs trésoriers particuliers, auxquels elles pourvoiront sur les 7 deniers pour livre, qui leur resteront sur le montant de leurs abonnements, après le prélèvement des 5 deniers attribués aux municipalités pour leurs dépenses personnelles et leurs frais de recouvrements. Je pense que les trésoriers particuliers ne coûteront pas au delà de 2 deniers pour livre, et qu'ils devront fournir des cautionnements en immeubles, proportionnés à leur manutention ; dès lors, les assemblées de districts jouiront de 5 deniers pour livre pour subvenir à leurs dépenses particulières.
Art. i3. Moyens de déterminer les modérations pour accidents imprévus.
Les assemblées provinciales examineront les rapports qui leur seront adressés par les assemblées de districts, pour justifier des retards et non-payements des diverses municipalités, pour événements et cas imprévus et détermineront la somme des remises et modérations qu'il conviendra d'attribuer à chaque assemblée de district, pour, par lesdites assemblées, en faire la répartition convenable entre les différentes municipalités de leur ressort qui y auront droit.
Nota. Les assemblées provinciales auront à leur disposition le sou pour livre de l'impôt de propriété, de l'impôt personnel et de celui de consommation pour subvenir aux modérations, à diverses dépenses publiques etàleurs dépenses particulières, puisque les assemblées de districts absorberont un sou pour livre sur le produit desdites impositions, pour leurs dépenses personnelles et pour les frais de recouvrements : ce seraconséquemment sur le produit du second sou pour livre qui sera à la disposition des assemblées provinciales, que seront prélevées les modérations et décharges nécessitées par les événements imprévus de grêles, épizooties, etc.
Art. 14. Termes de payement des assemblées provinciales, vis-à-vis de la caisse nationale.
Les trésoriers généraux des assemblées provinciales compteront de l'abonnement fixe desdites assemblées pour leur impôt de propriété, leur impôt personnel, et leur impôt de consommation, aux administrateurs de la caisse nationale, en douze termes égaux, de mois en mois, à compter du 1er mai de chaque année pour le premier terme du 1er juin pour le second, et ainsi de suite, de manière que la totalité de l'abonnement desdites assemblées provinciales soit versée dans la caisse nationale, au plus tard, dans le courant du mois d'avril de l'année subséquente ; lesdits versements seront effectués par lesdits trésoriers généraux, soit réellement, soit en ac-
[2 octobre 1789.j
quits de dépenses, à la décharge de la caisse nationale, ainsi qu'il sera ci-après expliqué.
Nota. Cette disposition est essentielle. Il est indispensable que la caisse nationale soit assurée du recouvrement des impôts, dont la perception sera destinée à l'acquit des intérêts et à l'amortissement des capitaux de la dette publique.
Art. 15. Autres recettes à confier aux trésoriers des assemblées provinciales.
Les trésoriers généraux des assemblées provinciales seront expressément chargés du recouvrement des droits d'opposition aux hypothèques, et des lettres de ratification, ainsi que de la recette des dépôts et consignations ordonnés par justice, conformément aux dispositions du règlement sur la législation des hypothèques et des consignations : ils compteront desdites recettes aux administrateurs de la caisse nationale.
Nota. Le n° 11 des pièces justificatives expose la nouvelle législation des hypothèques, séquestres et consignations.
Art. 16. Les intérêts de la dette à la charge de la caisse nationale.
Les administrateurs de la caisse nationale seront exclusivement chargés du payement des inté- , rêts de la dette publique : à cet effet tous les sommiers et registres tenus par les payeurs des rentes et autres leur seront remis. 11 sera tenu, par lesdits administrateurs, des registres sommiers où seront inscrits, par ordre alphabétique, tous ceux qui auront droit auxdits intérêts, et sur lesquels seront enregistrés les payements qui seront faits à leur profit jusqu'au remboursement de leurs capitaux.
Nota. Cet ordre de choses est essentiel, puisque l'excédant des recettes qui seront versées dans la caisse nationale, au delà des intérêts, sera employé à l'amortissement ou remboursement des capitaux.
Art. 17. Payements des intérêts arriérés depuis 1788.
11 sera dressé, par les administrateurs de la caisse nationale, un état des intérêts qui seront arriérés à l'époque à laquelle la caisse nationale entrera dans l'exercice de ses fonctions; et lesdits intérêts arriérés seront payés à ceux qui auront droit, dans le cours de dix années, à raison d'un dixième par année, ou d'un vingtième par semestre, en sus des intérêts courants.
Nota. Cette disposition est juste. On ne doit pas se dissimuler que les retards apportés au payement des intérêts dus aux créanciers de l'Etat sont de véritables emprunts forcés, et qui ne portent au- ' cun intérêt; si la situation des finances a nécessité ces retards, l'équité veut un terme à cette suspension d'intérêts, et leur payement doit être regardé comme un objet privilégié. Le remboursement de ces intérêts suspendus, dans le terme de dix années, ne sera point onéreux à la caisse nationale, et sera prélevé sur le fonds destiné pour l'amortissement des capitaux.
Art. 18. Facilités pour les capitalistes de recevoir leurs intérêts dans les provinces.
Les créanciers de l'Etat non domiciliés à Paris et autres, qui désireront recevoir leurs intérêts dans les provinces, au lieu de leur domicile, en préviendront les trésoriers généraux des assemblées provinciales dans le ressort desquels ils seront situés ; lesdits trésoriers généraux dresseront, trois mois avant l'ouverture de cha-" que semestre, l'état de ceux qui auront requis leurs payements aux caisses provinciales, et l'enverront aux administrateurs de la caisse nationale, pour lesdits états être visés et arrêtés par
les administrateurs, après l'enregistrement. Sur les registres sommiers, à l'article de ceux qui auront demandé leurs payements dans les provinces. Lesdits états ainsi visés et arrêtés seront envoyés aux trésoriers généraux, qui feront passer pour comptant à la caisse nationale, les quittances d'intérêt avec les pièces nécessaires pour constater la validité des payements.
Nota. Cette facilité sera précieuse pour les créanciers de l'Etat: ils seront toujours assurés de recevoir leurs intérêts sans frais, sans retards, et dans le lieu de leur domicile (car les trésoriers généraux -pourront déléguer les payements d'intérêts aux trésoriers particuliers des assemblées de districts). On ne se formerait qu'une idée très-incomplète du degré de confiance que cet ordre de choses inspirera et des facilités qu'il procurera pour les emprunts par la voie de la reconstitution.
Art.' 19. Détermination tous les six mois du fonds libre pour l'amortissement des capitaux.
Il sera dressé tous les six mois, par les administrateurs de la caisse nationale, un état som-, maire des recettes et dépenses de ladite caisse, pour le payement des arrérages courants, ensemble des intérêts arriérés, aux termes de l'article 17 ; la balance dudit état constatera le fonds libre à employer à l'amortissement des capitaux.
Nota. J'ai prouvé par pièces justificatives, hors de toute atteinte, que ce fonds libre sera, dans le principe de 40 millions par année, en se contentant d'une reprise de 18 à 20 millions sur les biens du clergé, applicable aux intérêts et à l'amortissement de sa dette, ainsi qu'aux dons, aumônes et secours qui seront actuellement à la charge du Trésor public ; mais si la proposition de M. l'évê-que d'Autun est accueillie, le fonds d'amortissement en conservant en nature les biens du clergé, et se contentant de vendre les enclos et maisons des villes, serait augmenté de 60 millions ou environ, en sorte que la caisse nationale aurait à sa disposition un fonds d'amortissement de 100 millions par année, ou de 50 millions par semestre ; on sent combien, avec de pareils moyens, serait prompt l'amortissement des capitaux qui constituent la dette publique.
Art. 20. Remboursements des capitaux à l'expiration de chaque semestre dans la proportion du fonds libre.
Après la confection dudit état, les administrateurs de la caisse nationale feront imprimer celui des créances qui seront appelées à remboursement, et les intérêts desdites créances cesseront à compter du semestre pour lequel lesdits remboursements seront effectués ; les créanciers recevront avec leur capital, les intérêts arriérés, s'ils n'en sont pas totalement remboursés aux termes de l'article 17.
Nota. Les créanciers appelés chaque semestre à remboursement en seront prévenus trois mois d'avance; ils pourront consèquemment se mettre en état de revoir leurs capitaux à l'ouverture de chaque semestre.
Art. 21. Ils pourront être effectués dans les provinces au profit de ceux qui le requerront.
Les créanciers appelés à remboursement, et qui désireront recevoir leurs capitaux dans les provinces s'adresseront aux trésoriers généraux des assemblées provinciales de leur ressort, qui en feront passer l'état aux administrateurs de la caisse nationale, pour y être visé et enregistré : et lesdits trésoriers enverront, pour comptant, à
la caisse nationale, les quittances de remboursement, avec les grosses des contrats et autres pièces ou actes justificatifs de la validité desdits remboursements.
Nota. Même observation que sur l'article 18.
Art. 22. Suspension des remboursements en temps de guerre.
Les remboursements des capitaux, ainsi que le payement des intérêts arriérés, aux termes de l'article 17, seront suspendus en temps de guerre; la caisse nationale se contentera d'acquitter les intérêts courants : et le fonds libre, après le payement desdits intérêts, sera affecté au payement du subside extraordinaire que les dépenses de la guerre exigeront.
Nota. Cette disposition est nécessaire ; il serait impolitique de continuer des remboursements en temps de guerre, puisque les dépenses que ces circonstances exigent nécessiteront ou des impôts ou des emprunts; c'est en partie à la conduite irréfléchie des emprunts à terme fixe sans clause de suspension des remboursements en temps de guerre, que Von peut imputer cette foule d'emprunts successifs, exécutés tant pour subvenir aux besoins du moment, que pour effectuer les conversions de remboursements stipulés par les emprunts antérieurs, ou pour être en état de payer les intérêts énoi'mes des emprunts en rentes viagères. Une sage administration doit réprouver, sans réserve, les emprunts viagers dont la charge est énorme et subsiste pendant plusieurs générations; elle doit éviter les emprunts à titre de constitut ion, puisqu'ils grèvent l'Etat d'une charge éternelle pour un secours passager ; elle ne doit admettre que des emprunts par forme d'annuités, ou remboursables à époques fixes ; mais il est indispensable que les remboursements de ces emprunts soient affectés sur un fonds libre : la nation n'a point de fonds libre, lorsque les dépenses extraordinaires de la guerre absorbent le revenu disponible pour l'amortissement de la dette, lors même que ce fonds libre est insuffisant pour ces dépenses et nécessite de nouveaux emprunts. Cette réflexion justifie la disposition de cet article ; les capitalistes ne feront aucune difficulté de souscrire à une co7idition qui a pour but de conserver le gage de leurs créances, d'assurer leurs intérêts sans le moindre retard et de parer à l'accroissement des impôts, à la multiplicité d'emprunts successifs, onéreux, inconsidérés.
Art. 23. Rétablissement des remboursements un an après la paix.
Un an après le retour de la paix, et lorsque les dépenses de la guerre seront acquittées, les remboursements suspendus par l'article précédent reprendront leur cours ordinaire.
Nota. Cette disposition est de droit: il y a tout lieu de présumer que bientôt le fonds destiné pour Vamortissement de la dette sera assez considérable pour subvenir aux dépenses de la guerre; dans ce cas, il est sensible quê la suspension des remboursements sera suffisante, sans le concours de nouveaux emprunts ou de nouveaux impôts.
Art. 24. Emprunts par la voie de la reconstitution pour accélérer le remboursement des rentes viagères et des créances les plus onéreuses.
Les administrateurs de la caisse nationale seront autorisés à tenir constamment ouverts des emprunts, par la voie de la reconstitution, et à titre d'annuités ou remboursements à époques fixes : les sommes provenant desdits emprunts seront employées au remboursement des rentes viagères et autres capitaux dont les engagements sont les plus onéreux : lesdits emprunts seront
reçus dans les provinces, pour le compte de la caisse nationale, par les trésoriers généraux des assemblées provinciales.
Nota, En laissant aux prêteurs et capitalistes le choix du mode de leurs prêts, et la faculté de stipuler les termes de leurs remboursements, il est constant que ces sortes d'emprunts offriront, avec la sûreté, les facilités qui pourront déterminer les prêteurs ; ily a tout lieu de présumer que tous les capitalistes s'empresseront de porter leurs fonds à la caisse nationale, lorsqu'ils ne trouveront aucun placement, ni plus solide, ni plus avantageux.
Art. 25. Facilités de la reconstitution pour les rentiers viagers et autres qui là préféreront à leurs remboursements.
Les administrateurs de la caisse nationale seront autorisés à appeler à remboursement, les rentiers viagers et les propriétaires d'effets publics, anticipations, fonds d'avance, Fin an ces de comptables, etc. lis leur offriront l'option ou du remboursement, ou de la reconstitution à termes Fixes, en contrats de constitution ou annuités, à leur choix, avec l'intérêt de 4 0/0 sans retenues. Les capitalistes qui accepteront la reconstitution, remettront leurs titres de créances, et il leur sera passé titre nouvel, dans la forme qu'ils auront adoptée ; ceux qui préféreront leurs remboursements seront maintenus dans la jouissance des intérêts qui leur sbht payés en vue de leurs titres de créances, jusqu'à l'époque à laquelle ils seront sommés de recevoir leurs remboursements, qui seront effectués tant sur le fonds de la caisse nationale, après le payement des intérêts, que sur les capitaux qui proviendront des emprunts, par la voie de la reconstitution, conformément à l'article précédent.
Nota. Cette disposition rend une justice exacte à tous ; il Tï'esï pas douteux qu'un très-grand nombre de créanciers, même viagers, préféreront la reconstitution au remboursement; au surplus, ceux qui n'y consentiront pas seront très-embarrassés pour le placement solide de leurs capitaux, et ne tarderont pas à les rapporter à la caisse nationale, lorsqu'ils les auront reçus ; il n'est pas douteux que, par ce moyen, les rentes viagères seront très-promptementremboursées ; il est à présumer que les emprunts par la voie de la reconstitution en opéreront l'extinction absolue dans le terme d'une année ou de deux au plus.
Art. 26. Enumération des recettes et dépenses qui seront faites par la caisse nationale.
Les administrateurs de la caisse nationale seront chargés de la recette de l'impôt de propriété, de l'impôt personnel et de celui de consommation, ainsi qu'il est ci-devant expliqué, de celle des droits des oppositions aux hypothèques, en lettres de ratification, des dépôts des mineurs, et de ceux ordonnés par justice, du payement des intérêts au profit de ceux qui auront droit aux-dits dépôts, des emprunts par la voie des reconstitutions du payement des intérêts desdits emprunts, ensemble de ceux qui sont dus aux créanciers actuels, et du remboursement des capitaux, jusqu'à concurrence des fonds libres après le payement desdits intérêts.
Art. 27. La caisse nationale chargée de compléter au Trésor royal ce qui sera nécessaire pour les dépenses à la charge du pouvoir exécutif.
Dans le cas où les impôts indirects, dont la perception sera faite pour le compte du Trésor roynl, seraient insuffisants pour subvenir aux dépenses qui concerneront le pouvoir exécuiif, d'après la fixation qui en aura été arrêtée par
l'Assemblée nationale, les administrateurs de la caisse nationale compléteront, au Trésor royal, le montant desdites dépenses dans la proportion de l'insuffisance reconnue et arrêtée pat* l'Assemblée nationale.
Nota. Il est indispensable que les capitaux dont la caisse nationale aura la disposition pour le service de la dette publique, y soient intégralement appliqués ; on ne peut y parvenir que par la fixation absolue des dépenses qui seront confiées au pouvoir exécutif.
Art. 28. La caisse nationale chargée de verser au Trésor royal les sommés qui seront fixées pour les dépenses de la guerre.
Les dépenses extraordinaires en temps de guerre, seront fixées par l'Assemblée nationale et les administrateurs de la caisse nationale seront autorisés à les verser dans le Trésor royal, jusqu'à concurrence de ladite fixation seulement; ils y emploieront les fonds libres destihés à l'amortissement, en temps de paix, et dans le cas où lesdits fonds libres seraient insuffisants pour subvenir à la fixation des dépenses extraordinaires pour les temps de guerre, lesdits administrateurs seront autorisés, dans la proportion de l'insuffisance, à des emprunts soit en annuités, soit à termes fixes, mais avec clause expresse qu'en temps de guerre, les capitalistes ne recevront que les intérêts, et que les remboursements des capitaux ne recommenceront qu'un an après la cessation des hostilités.
Nota. Les observations sur l'article 22 justifient les motifs de cette disposition ; j'observerai, au surplus, que le fonds disponible de la caisse nationale ne tardera pas à être suffisant pour subvenir aux dépenses de là guerre, surtout, lorsque les rentes viagères seront éteintes par les remboursements ; ainsi il est à présumer que les emprunts nécessaires pour les dépenses de la guerre seront très-modérés, si même il est nécessaire d'y avoir recours.
Art. 29. Création de papier-monnaie, s'il est jugé nécessaire d'augmenter le numéraire actuel. Extinction de ce numéraire fictif dans fe terme de dix années.
Dans le cas où la pénurie du numéraire déterminerait la création d'un numéraire fictif pour subvenir aux besoins de la circulation, les administrateurs de là caisse nationale seront autorisés à la fabrication de ce numéraire fictif, jusqu'à concurrence de la somme déterminée -, ils l'emploieront au remboursement des créances les plus onéreuses ; et ledit numéraire fictif sera reçu comme espèces réelles dans toutes les caisses soit particulières, soit nationales, etc. ; lesdits administrateurs emploieront annuellement sur le fonds libre, destiné pour l'amortissement, le dixième du capital de ce numéraire fictif, qui sera anéanti dans la même proportion, ainsi que le montant des primes ou lots qui seront attachés à chaque tirage, conformément au n° 9 des pièces justificatives ; en temps de guerre il sera sursis aux tirages pour l'anéantissement de ce numéraire Fictif, qui ne sera éteint que dans le cours de dix années de paix consécutives ou interrompues.
Nota. Voyez le n° 9 des pièces justificatives, relativement au papier-monnaie ou numéraire fictif ; j'observe seulement qu'il serait imprudent, en temps de guerre, de diminuer la quantité de ce numéraire, qui existera dans la circulation à l'ouverture des hostilités ; puisque, dans les temps de guerre, la balance du commerce est moins avantageuse, et que môme une partie du numé-
retire réel passe à l'étranger. Ainsi la prudence veut que, s'il est créé un numéraire fictif, l'anéantissement en soit graduel, et n'ait lieu que dans la proportion de V accroissement de numéraire que procure annuellement une balance de commerce avantageuse. ,
Art, 30. La caisse nationale chargée de recevoir les prix d'aliénation des bois et domaines de la Couronne.
Les prix des rachats des cens et rentes foncières, et des droits féodaux dépendant des domaines de la Couronne, ensemble les prix de vente des domaines et bois existants dans la main du Roi, ainsi que la plus-value des domaines engagés au delà des finances payées par les engagistes, et le prix dés domaines et bois situés dans les apanages des princes de la famille royale, seront versés tant dans la caisse nationale qu'entre les niaiiis des ti-ésoriers généraux des provinces, qui eii tiendront compte à la caisse nationale ; à la charge par les administrateurs de ladite caisse, dp payer aux princes apanagistes, i'intêrêt à 4 0/0 du prix des ventes faites dans l'étendue de leurs apanages, jusqu'à l'époque où, par l'extinction des mâles, lesdits apanages seront réversibles à la Couronne.
Nota. Voyez le h* 10 des pièces justificatives ) les moyens proposés pour conserver les bois eh nature prouvent que leur aliénation ne peut être préjudiciable; on a omis les bois et domaines dépendant des apanages ; leur vente produira au moins 100 millions ; il est juste d'en payer l'intérêt à 4 0/0 aux apanagistes ; mais cette aliénation fortifiera lé capital destiné au remboursement des charges, des reniés viagères et autres créances onéreuses.
Art. 31. Les assemblées provinciales, chargées de l'administration des biëns du clergé, et de la vente de ceux dont l'aliénation sera déterminée.
Les assemblées provinciales seront chargées de la vérification des biens du clergé, pour affermer à long bail ceux dont la conservation sera destinée à la dépense du culte public, et déterminer ceux qui devront être vendus, comme les maisons et enclos situés dans les villes, dont la jouissance n'est point utile, et dont le prix d'aliénation contribuera au remboursement des rentes viagères et autres créances onéreuses, concurremment avec l'accroissement du numéraire lictif, et le prix de vente des bois et domaines de la Couronne. Les trésoriers des Etats provinciaux seront chargés du recrutement du prix de ferme des biens du clergé destinés à la-dépense du culte public, et ils en compteront à la caisse nationale, à la déduction des charges qu'ils acquitteroiit, suivant les états de distribution qui leur seront adressés par les administrateurs de la caisse nationale ; lesdits trésoriers seront également tenus de recevoir les prix d'aliénation des maisons et enclos des villes, qui seront vendus, et dont ils compteront à la caisse nationale.
Nota. Cette disposition suppose l'adoption de la motion faite par M. l'évèque d'Autun, cas auquel j'estime qu'il serait impolitique d'aliéner les biens du clergé ; qu'il conviendrait beaucoup mieux de les conserver et de les affermer à long bail au profit de là nation, en se contentant de Rendre les maisons et enclos des villes> dont la conservation serait inutile, puisque les monastères, situés dans les campagnes, offrent des habitations suffisantes pour les religieux des deux sexes.
Art. 32. La caisse nationale et les trésoriers des Etats provinciaux chargés d'acquitter, dans
les provinces, les dépenses à la charge du pouvoir exécutif.
Les trésoriers des, assemblées provinciales seront chargés.d'acquitter dans le ressort desdites assemblées, toutes les dépenses du département de la guerre et autres à la charge du pouvoir exécutif, et les payements desdites dépenses sero.nt par eux envoyés pour comptant aux administrateurs de la caisse nationale, qui en feront la compensation avec le Trésor royal,.sur l'excédant que la caisse nationale sera dans le cas d'y verser, ou qui se feront rembourser desdits payement par les administrateurs du Trésor royal, si les dépenses, payées par les trésoriers des assemblée^ provinciales sont supérieures^ l'excédant dont la caisse nationale sera tenue vis-à-vis du Trésor royal.
Nota. Cette facilité diminuera considérablement les défenses du département de la guerre ; elle rendra inutiles les fonctions des trésoriers de ce département et de celui du la marine dans les provinces, ae très-légères attributions aux trésoriers des assemblées provinciales suffiront pour ce service. Il est ridicule que toutes les perceptions soient envoyées des provincés à Paris, pour refluer ensuite dans les provinces : le double transport de cet, argent, qui souvent n'est que fictif, est payé comme s'il était, réel.
Art. 33. Suppression du privilège de la caisse d'escompte inutile au moyen de l'érection de ;la caisse nationale ou banque nationale.
A compter du .......jour de l'établissement
de la caisse nationale, le privilège de la caisse d'escompte sera annulé : les administrateurs de la caisse nationale y seront substitué? pour le compte. de la nation : il sera procédé à la liquidation de la société de la caisse d'escompte et au remboursement des actions sur la valeur de 4,000 livres.
Nota. Il paraît inutile d'entrer dans les détails de cette liquidation.
Art. 34. Création de billets de ia banque nationale. ,
Les administrateurs de la caisse nationale seront autorisés à la création de billets de banque nationale, jusqu'à la concurrence de i50 millions, et lesdits billets auront cours dans toute l'étendue du royaume, seront reçus dans toutes les caisses dans tous les payement?, et pqurront être convertis en espèces, à la volonté des porteurs et à la présentation.
.Nota. Les billets de la caisse d'escompte n'ont de valeur qu'à Paris ; les arrêts de surséance que cette caisse obtient tous les six mois empêchent de les convertir en espèces et les discréditent : le public aura certainement plus de confiance, dans les billets de banque qui seront garantis par la nation, et qui ne seront jamais dans le cas de la suspension,
Àrt. 35. Fonctions de la caisse nationale comme banque nationale et d'escompte.
Les administrateurs de la caisse nationale et les trésoriers généraux des assemblées provinciales pour le compte de ladite caisse, auront la faculté d'escompter les lettres de change et autres effets de commerce, à l'intérêt de 4 0/0 par an ; mais ils seront garantis personnellement des effets qu'ils escompteront, au moyen d'une attribution qui sera stipulée en leur faveur, pour prix de ladite, garantie. Les assembléesp.rovinciales vérifieront toutefois et quand illeur paraîtra convenable, la caisse et la situation des trésoriers généraux, et les administrateurs de la caisse nationale seront inspectés par les personnes qui seront, à
cet effet, préposées par l'Assemblée nationale, à laquelle ils rendront compte de leur gestion toutes les années,
Nota. Il est sensible qu'une banque nationale abandonnée à des individus qui ne travailleraient que pour leur intérêt personnel ne pourrait jamais avoir la même confiance qu'une banque nationale appartenant à la nation, et dont les opérations seront garanties par un revenu libre, ou fonds d'amortissement de plus de 100 millions; mais il est juste de rendre les trésoriers provinciaux et les administrateurs de la caisse nationale garants des effets qu'il escompteront; sans cette précaution, la caisse ou banque nationale serait exposée aux pertes fréquentes que pourraient occasionner la complaisance et le peu d'attention des administrateurs : au surplus, on peut leur attribuer une rétribution quelconque pour prix de leur garantie.
Art. 36. Comptabilité des trésoriers de districts envers les trésoriers généraux et de ces derniers envers les administrateurs de la caisse nationale.
Les trésoriers généraux des assemblées provinciales auront un compte ouvert avec les trésoriers des districts de leur ressort, et les derniers feront passer tous les dix jours à leurs trésoriers généraux un bordereau de situation propre à constater l'état de leur caisse en espèces ou en effets à recevoir dans les dix jours suivants.
La caisse nationale aura de pareils comptes ouverts avec les trésoriers généraux des assemblées provinciales qui enverront pareillement, tous les dix jours, leur état de situation, tant en espèces qu'en billets ou effets à l'échéance des dix jours.
Au moyen de ces bordereaux, les administrateurs de la caisse nationale seront en état de fournir à ceux qui le désireront, deslettres de change à un jour de vue sur les trésoriers généraux des assemblées provinciales, et ces derniers sur les trésoriers particuliers des districts de leur arrondissement : lesdites lettres de change seront délivrées sans frais et sans escompte pour la facilité du commerce, ainsi que toutes les lettres de crédit qui pourront être tirées par les trésoriers généraux sur la caisse nationale, et par les administrateurs de ladite caisse, sur les trésoriers des assemblées provinciales.
Nota. On exprimerait difficilement les facilités que les dispositions de cet article procureront au commerce ; elles seront néanmoins très-avantageuses à la caisse nationale, puisqu'elle aura la jouissance des fonds qui seront délivrés en lettres de change à un jour de vue, sans payer aucun intérêt ; cette jouissance augmentera prodigieusement les fonds destinésà l'escompte des lettres de change et effets de commerce.
Art. 37. Dispositions d'un fonds de 100 millions au profit et soulagement des propriétaires d'immeubles.
Les propriétaires d'immeubles qui pour des spéculations utiles et favorables aux progrès de l'agriculture, de l'accroissement des bestiaux, dessèchements deterrains, ouvertures de canaux, etc. auront besoin de capitaux, pourront s'adresser à l'assemblée provinciale dans le ressort de laquelle leurs immeubles seront situés; ils y feront la déclaration de la valeur de leurs biens, et des hypothèques dont ils sont grevés ; lesdites déclarations seront vérifiées ainsi et dans la manière expliquée dans le n° 11 des pièces justificatives concernant la nouvelle législation des hypothèques, et lesdites assemblées provinciales détermi-
neront la somme du prêt qui sera accordé auxdits propriétaires ; laquelle ne pourra néanmoins jamais excéder moitié du fonds libre que lesdits propriétaires auront sur la valeur de leurs immeubles, d'après la vérification ci-dessus énoncée. Les prêts qui seront faits auxdits propriétaires porteront intérêt à 4 0/0, et seront par eux remboursables dans le cours de quinze années, par sommes égales, imputables d'abord sur les intérêts, et subsidiairement sur le capital ; et lesdits remboursements ne commenceront qu'à compter de l'expiration de la troisième année du prêt effectué. Les administrateurs de la caisse nationale destineront à cette sorte de prêts, un fonds primitif de 100 millions, et lorsqu'il sera, totalement employé, les prêts pour hypothèques sur les propriétés n'auront lieu que daus la proportion des remboursements effectués par les propriétaires qui auront fait des emprunts antérieurs.
Nota. Un fonds de 100 millions destiné, à titre de prêts, aux encouragements propres à vivifier l'agriculture, et sans intérêt pour les trois premières années, doit avoir les effets les plus avantageux; il serait imprudent de porter plus haut la somme de ces prêts, qui se renouvelleront sans cesse, par les remboursements successifs des em prunts antérieurs. J'observe, au surplus, qu'ils ne pourront jamais exposer la caisse nationale à des pertes, puisqu'ils seront précédés des vérifications énoncées dans l'article 11 des pièces justificatives concernant la nouvelle législation des hypothèques.
Telles sont les bases principales qui me paraissent de nature à faire profiter la nation de l'établissement d'une caisse de banque nationale qui porteront l'abondance dans toutes les provinces du royaume, faciliteront les recouvrements de l'impôt et le payement des dépenses de l'administration.
présidence de m. moun1er.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture des deux procès-verbaux de la veille.
, secrétaire, fait la lecture du recensement des voix pour la nomination du comité militaire, composé de douze membres ; le résultat du scrutin a réuni les suffrages en faveur de :
MM.
Emmery, l'aîné. De Wirapfen.
Marquis de Rostaing. Comte d'Egmont.
Dubois de Crancé. Marquis de Bouthillier.
MM.
Comte de Go mer. Vicomte de Noailles. Vicomte de Panat. Baron de Flasctilanden. Baron de Menou.
Comte de Mirabeau.
Les députés qui ont eu le plus de voix après les membres élus sont : MM. le baron de Pouilly, Alexandre de Lameth, le marquis de Grillon, le comte de La Châtre.
, député de Calais, fait la motion suivante, relative aux lois somptuaires :
JNous sommes Français : ce titre nous impose de grands devoirs envers la patrie, dont le salut est en péril. Vous voyez les manufactures anéanties, les ateliers déserts, les ouvriers sans travail; le commerce extérieur est à notre désavantage, et la France, débitrice envers les nations voisines, laisse sortir de son sein un numéraire considérable. Eh bien ! Messieurs, il est un moyen pour ranimer le commerce, et pour rétablir sa balance, je dirai même pour la faire pencher en sa faveur. Il est dans le projet d'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale arrête que ses membres seront invités à ne faire usage, soit pour leur ameublement, soit pour leurs équipages, etc., que d'étoffes françaises-, que le président sera chargé de se retirer devers le Roi pour l'engager à prendre pour lui et sa cour le même engagement. »
Une motion aussi importante, attendu le traité de commerce avec l'Angleterre, est ajournée du v consentement de l'auteur.
Je renouvelle la motion que j'ai faite hier. Le prêt d'argent à temps et à intérêt augmente la circulation du numéraire, vivifie le commerce et l'agriculture. Des préjugés théologiques l'ont cependant proscrit pendant longtemps ; la cour de Rome même s'est , opposée aux contrats de constitution. On a abusé du conseil : Mutuum date, nil indè sperantes. Mais l'emprunteur seul tire un bénéfice de l'argent, et sans doute la stricte justice exige qu'il le partage avec le prêteur. D'après le contrat de constitution, le prêt est perpétuel; il nuit à la circulation , il oblige un homme qui doit faire une spéculation quelconque, à une époque un peu éloignée, de conserver son argent dans ses coffres.
En Alsace, en Dauphiné, en Béarn, en Bresse,etc., le prêt à intérêt et à temps est admis : le gouvernement emprunte à temps, les ecclésiastiques eux - mêmes n'ont pas étendu la rigueur de leurs principes jusqu'au souverain; la nation, qui est souveraine, a le même droit. Proscrire ce prêt, c'est favoriser l'usure ; on met l'intérêt en dedans ; la loi est ainsi esquivée ; elle l'est toujours aisément en matière d'argent.
... Je n'ai pas cru devoir fixer lè taux de l'argent. On ne le pourrait à présent qu'au denier 5. Des circonstances plus heureuses et très-prochaines peuvent le ramener à 4 ou 4 1/2. 11 faut donc se borner à dire , dans l'arrêté que je vous invite à prendre à ce sujet, que l'intérêt sera fixé, suivant le taux qui aura cours lors du prêt. ; 11 est inutile de fixer ce taux, parce qu'il s'établit toujours un niveau naturel ; mais on peut ?proposer avec plus de raison de rendre l'argent commerçable; la concurrence en diminuera le . prix.
Cette question attaque la morale de la religion et les principes de la loi naturelle. Elle est inutile à traiter en politique, et je pense qu'il n'y a pas lieu de délibérer.
On a, grâce aux principes d'Aristote, obscurément et faussement interprété les pères de l'Eglise et la loi naturelle. Le prêt à intérêt et à temps n'a pas été défendu par tout cela, il n'a pu et il n'a dû l'être.
Le prêt à intérêt et à temps produit l'usure ; la prohibition du prêt l'a créée.
On s'est mal entendu sur les mots, ou on n'a pas voulu s'entendre, et de là des discussions scandaleuses, de là des conséquences aussi erronées que les principes qui les ont fait naître.
Il fallait demander : la condition d'un tel prêt est-elle nulle ou non ? Il fallait se borner à résoudre cette question. La grande objection consiste à dire : un écu ne produit pas un écu ; une maison ne rend pas une maison ; mais en vous prêtant un écu, je me prive de la jouissance, de l'usage que j'aurais pu faire de cet écu, et je pense que j'ai le droit de vous vendre cette jouissance et cet usage. Par exemple, je vous prête un sac de 100 pistoles, vous me donnez en échange un billet de la même somme ; si vous me dites que votre billet vaut un sac , je vous dirai : reprenez votre billet, et je garde mon sac. Il ne faut faire à personne ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fit. Ce principe est celui de la religion et de la morale naturelle; c'est sur lui qu'on veut s'établir, c'est sur lui que je m'appuie.
Deux frères héritent d'une somme de 200,000 livres; l'un des deux reçoit la moitié en argent; l'autre en biens-fonds. Le premier peut-il dire à l'autre : prête-moi ce qui te revient ? Et si celui-ci se rend à sa demande, l'autre peut-il ne pas lui payer la jouissance de son bien-fonds? Le second eut-il donc, selon ceux qui proscrivent le prêt
intérêt, emprunter les 100,000 livres de son frère, sans lui payer la jouissance qu'il lui enlève ? L'Evangile ordonne de prêter sans intérêt, même sans exiger le retour du capital. Saint Jérôme et saint Basile expliquent ainsi le texte de l'Evangile : Cette maxime s'entend seulement pour le prêt de charité, et non pour le prêt de commerce. Saint Luc, saint Mathieu, saint Thomas, n'ont considéré le mutuum date que comme un conseil, et non comme un précepte. Quand deux hommes traitent ensemble, à leur avantage mutuel et sans nuire à personne, il est impossible qu'ils pèchent. Rien ne produit rien, dit le Seigneur. L'argent est la semence du commerce, comme le grain est la semence du blé. Je conclus à ce que l'Assemblée autorise le prêt à intérêt et à temps.
Nulle puissance ne peut conserver son rang parmi les nations sans le commerce, et le commerce ne peut exister sans le prêt à temps et à intérêt. Cette question n'en est pas une de religion, mais de politique. Lorsque la loi ne sert qu'à multiplier les prévarications, qu'à tourmenter les consciences, elle doit être changée; en la changeant, vous remplirez un grand devoir. Le Mont-de-Piété, qui n'est autre chose que l'autorisation d'un prêt à intérêt et à temps, est établi à Rome et sous les yeux du pape. La question que nous traitons n'est donc un problême que pour les particuliers. Je demande que l'Assemblée autorise le prêt à terme fixe et à intérêt, au taux fixé par la loi.
veut attaquer les principes des préopinants; il est interrompu, et l'Assemblée demande d'aller aux voix.
Le clergé en Alsace, comme ailleurs, n'est sans doute attaché aux biens de la terre qu'autant que la conscience le permet; et dans cette province il a toujours prêté son argent à 5 0/0. Je suis chargé par mon cahier de deman-
der que les gens de main-morle soient autorisés à prêter à intérêt et à temps, et à demander qu'il soit établi dans ma province une chambre d'hypothèques.
11 faut prononcer sur la mçtion, mais je demande qu'on renvoie à la discussion la partie de l'article qui aura rapport aux gens de main-morte.
L'intérêt du prêt de commerce ne peut jamais être fixé par la loi, il ne peut être déterminé que par le cours de la place. Celui qui ne retire pas un intérêt au-dessus du cours de la place ne peut être accusé d'usure. Je propose donc qu'il soit ajouté, par amendement, aux mots, fixés par la loi, ceux-ci, ou par le cours des places de commerce.
appuie l'amendement de M. Périsse Du Luc, et propose d'ajouter dans le corps d.e l'article : et les administrations temporelles.
veut que le taux de l'intérêt ne soit fixé que par la conscience des prêteurs. 11 faut, dit-il, être ici un jour financier, un autre jour juge, un autre jour théologien, et toujours législateur ; c'est aujourd'hui le jour de la théologie, et j'avoue, sans honte, que je n'y entends rien.
Le décret proposé est un décret de principe comme ceux du 4 août. Je demande qu'on décrète aujourd'hui le principe, on renverra ensuite au comité pour les règlements de détail.
propose pour amendement que le prêt à intérêt ou à temps soit arrêté, sans néanmoins rien innover aux usages du commerce.
Il est nécessaire de ne fixer d'autre taux que celui qui résulte de la rareté ou de l'abondance du numéraire. La loi est mauvaise toutes les fois qu'il n'existe aucun moyen sûr de répression, et rien n'avilit la loi comme l'impossibilité de la faire exécuter. Eloignez donc toute fixation de taux, et tenez-vous-en aux conventions particulières.
veut qu'on dise : conformément à la loi, sans rien changer aux usages du commerce.
En adoptant l'amendement de M. le marquis de Bonnay, vous ruinez l'agriculture. Le cultivateur, dont les possessions exigent des réparations, des améliorations, ne peut les faire qu'en empruntant; il n'empruntera qu'à ceux qui font valoir l'argent, et ce sont les commerçants, les banquiers, les capitalistes qui, profitant de l'extension qu'ils pourront donner à l'énonciation de la loi, exigeront de l'emprunteur un intérêt considérable, sous le prétexte qu'ils trouveraient ce même intérêt sur la place.
, député de Lyon, demande que le prêt soit permis aux corporations, aux municipalités, aux gens de main-morte, sans entendre déroger aux autres dispositions de l'édit de 1749.
prévoit la nécessité de déroger à quelques dispositions de cet édit célèbre.
met aux voix l'amendement concernant les gens de main-morte. Il est adopté.
met ensuite aux voix l'ensemble du décret qui est adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale a décrété que tous particuliers, corps, copQmuriautés, et gens de main-morte, pourront à l'avenir prêter l'argent à terme fixe, avec stipulation d'intérêt suivant le taux déterminé par la loi, sans entendre rien innover aux usages du commerce. »
L'Assemblée arrête ensuite que son président se retirera incessamment devers le Roi pour présenter à sa sanction le présent décret.
, évéque d'Oléron, se lève et déclare qu'il ne peut adhérer à un décret qu'il considère comme contraire aux lois de l'Eglise.
Cette protestation n'a pas de suite.
dit qu'une députation des bas-officiers de l'hôtel royal des Invalides arrive à l'instant de Paris pour faire hommage à l'As- -semblée d'un don patriotique de 300 livres, et que si l'Assemblée veut, en leur faveur, ne pas renvoyer à la séance du soir l'acceptation de ce sacrifice, les députés seront introduits.
La proposition de M. le président est agréée.
Les députés introduits à la barre, l'un d'eux dit :
Les officiers et soldats des compagnies de Moreau et de Coquebert servant à la garde de* l'hôtel royal des Invalides, animés, dans tous les temps, du patriotisme le plus sincère, supplient Nosseigneurs les représentants de la nation de vouloir bien leur faire la grâce de recevoir une somme de 300 livres qu'ils se sont empressés de réunir pour coopérer au bien de l'Etat.
répond :
L'Assemblée nationale me charge de vous témoigner combien elle est touchée du nouveau sa- i crifice fait à la patrie par de braves vétérans : elle vous permet d'assister à sa séance.
demande si M. le comte de Mirabeau est prêt à faire une seconde lecture du projet d'adresse aux commettants.
répond qu'il est aux ordres de l'Assemblée.
En conséquence, l'adresse est relue et accueillie par de nouveaux applaudissements.
veut soumettre cette adresse à la délibération, mais l'Assemblée décide qu'elle ne s'en occupera qu'après que le Roi aura accepté la déclaration des droits et les articles de la constitution qui lui ont été présentés hier. «
, député du clergé de Paris, présente un don patriotique. Il n'est pas besoin/ Messieurs, d'être excité par l'éloquence de l'honorable membre qui vient de vous entretenir pour faire des dons à la patrie. La ville de Paris ayait fait présent à l'église de l'abbaye royale de Sainte-Geneviève, d'un superbe et magnifique candélabre pesant 248 marcs 4 onces 4 deniers 12 grains."1 Eh bien ! MM. les abbés, prieurs et çha-noines réguliers de cette abbaye viennent par -délibération capitulaire et du consentement des donateurs, d'en faire le don pour les bespins de
l'Etat. Recevez, je vous prie, Messieurs, cette offrande, et permettez que les noms de ces réguliers, bons citoyens, soient insérés parmi ceux qui apportent des dons à la patrie. Je parle ici, Messieurs, pièces en mains : voilà la lettre de M. l'abbé de Sainte-Geneviève et la reconnaissance de M. le. directeur de la Monnaie, en date du 29 septembre dernier. Sous votre bon plaisir, je laisse l'une et l'autre pièce sur le bureau.
On applaudit à cet acte généreux.
dit que ce soir à cinq heures et demie viendra la discussion sur la législation criminelle. Il lève ensuite la séance du matin.
Séance du
On a ouvert la séaDce par la lecture des trois adresses suivantes : adresse de félicitation de la ville de Lignières en Touraine, qui demande une justice royale ;
Félicitations, remerciements et adhésiçn du clergé et des communes de la ville de Verneuil : elles demandent la conservation de leur siège royal, avec l'attribution des justices seigneuriales qui l'entourent ;
Adresse des officiers de l'élection de Montlu-çon, contenant une ordonnance sur le recouvrement des deniers royaux. Ils offrent de juger sommairement et gratuitement toutes les affaires de leur compétence, et de se conformer avec soumission aux décrets de l'Assemblée nationale.
a dit que M. Fromont,maître en chirurgie, fait hommage à l'Assemblée d'un Projet de décret pour procurer dans les provinces des secours aux pauvres malades. (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour.)
L'Assemblée a agréé cet hommage.
L'un de MM. les trésoriers a fait lecture des dons patriotiques insérés, selon l'usage, dans Je registre destiné à cet effet.
a rappelé que le désir de réformer dès à présent quelques points vicieux de notre jurisprudence criminelle, avait détermipé l'Assemblée à nommer un comité chargé de procurer un projet de décret qui établisse :
1° La publicité de la procédure ;
2° Qui accorde un conseil à l'accusé ;
3° Qui admette les faits justificatifs en tout état de cause ; que sur les vives instances de la commune de Paris, il paraissait essentiel, de s'en occuper.
On a donné lecture du projet du comité, contenu en 27 articles (2), en observant que la rédaction des trois points importants avait conduit à régler en même temps quelques détails accessoires. La discussion, mise à l'ordre du jour, en a été établie.
ont pris la parole, et ont discuté tant le préambule, que
L'Assemblée a décidé qu'il fallait se. borner, quant à présent, à traiter les seuls articles du projet, et la discussion a été continuée d'après cette décision.
Trois amendements ont été proposés et leur décision renvoyée a la séance où la discussion sera reprise, et où l'Assemblée prononcera sur le projet du comité.
Un membre du comité des rapports a rendu compte d'une affaire concernant le maire de Vassy en Champagne, lequel a couru danger de la vië en voulant acheter des grains à Bar-sur-Aube. La fuile la plus prompte, l'abandon de ses chevaux et de sa voiture ont pu seuls arracher a Ja fureur du peuple ce chef de la municipalité qe Vassy, chargé d'approvisionner sa ville de grains. Les habitants de Bar-sur-Aube veqlent justifier celte violence en accusant les villes cirçônvoisines, et notamment celle de Vassy, d'arrêter et d'intercepter les grains qui viennent à son marché -, grief dont la municipalité de Vassy assuré n'être point coupable. Bile demande en conséquence la restitution des chevaux et de la voiture de son maire, et réparation, etc.
Plusieurs membres ont porté la parole sur cette affaire, d'après le rapport et l'avis dû comité ; après quoi l'Assemblée, par l'orgape de spn président, a prononcé le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le compte, à elle rendu par un membre du comité des rapports, a décrété : 1° de renvoyer au pouvoir exécutif les habitants de la ville de Vassy pour, le§:réclamations et restitutions d'effets mentionnés daPS leur mémoire ; 2 de demander les ordres népessaires pour l'entière exécution du décret du 29 août dernier; 3° elle charge! son président d'écrire aux officiers municipaux des villes de Bar-sur-Aube, de Vitry-le-Français, Saumeyoire, Montiéreudère, Soulaine et la Ferté, pour leur recommander l'exécution du décret relatif à la libre circulation des grains, et en conséquence, d'informer et de poursuivre ceux qui contreviendront à ces dispositions. »
Ce décret, et l'affaire qui l'a occasionné, ont donné lieu à plusieurs membres de l'Assamblée, de faire des observations sur les fausses interprétations que le peuple donnait souvep.t à certains décrets, et sur les inconvénients qui résultaient journellement de ce défaut fpgiïqnmtè dans Fexplication de la loi; il a été.proposé différents moyens d'éclairer le peuple à oe sujet', et de prévenir de nouveaux désordres. L'Assemblée a pris en considération tout ce qui a été dit et observé à ce suiet, et elle a pris en, conséquence l'arrêté suivant:'
« L'Assembiép nationale a arrêté que le comité des subsistances rédigera une instruction simulé et claire, mise à la portée du peuple, et dans laquelle il développera les vrais principes sur les subsistances, les motifs des décrets, de l'Assemblée, et le danger des moyens que le peuple a jusqu'à présent employés pqu'r se prqcurqr deâ grains et des farines. »
a été chargé de se retirer devers' ie Roi, pour le suppTiér d établir des cor-
M. le Président a indiqué la prochaine séance pour lundi à neuf heures et demie du matin.
La séance du soir est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Projet de décret pour procurer dans les provinces des secours aux pauvres malades, présenté à l'Assemblée nationale par M. Fromont, maître en chirurgie (1). , , , ,
C'est au moment où tous les ordres de la nation se réunissent pour travailler en commun au plus grand bien de la société, cest lorsque tous les citoyens , animés du seul désir de régénérer pour ainsi dire la patrie, proposent chacun des idées que leur inspire leur amour pour elle; c est alors qu'il est permis, ou pour mieux dire, que l'humanité ordonne d'élever la voix en faveur de la classe la plus pauvre des citoyens, et surtout de celle qui habite les campagnes. Exposer les maux sans nombre auxquels sont sujets ceux qui, par leur travail, nous nourrissent et subviennent à tous nos besoins, c'est déjà intervenir en leur faveur ; mais n'est-ce pas leur être bien plus utile encore de donner les moyens de diminuer l'excès de leurs maux et de remédier à ceux qui sont inévitables? C'est ce que nous avons entrepris dans cette légère esquisse, dont la sensibilité et l'humanité ont seules fait les frais.
Il y a un proverbe plus trivial que vrai, c'est que toute vérité n'est pas bonne à dire ; si jamais son application fut sensible, c'est surtout à l'égard de ceux qui professent l'art de guérir ; aussi ne craindrons-nous pas de dire, d'attester même, que de tous ceux qui, par état, traitent, surtout à la campagne, les maladies, le plus grand nombre les traite au hasard ; et que c'est souvent un grand bonheur pour les malades lorsque la nature triomphe de leur art. Si cela est rigoureusement vrai dans les villes, que sera-ce dans les villages, où les secours étant plus tardifs, les remèdes sont appliqués avec encore moins de discernement ? 11 faut être de bonne foi, il y a beaucoup de guérisseurs de nom, mais très-peu d'effet. Les chirurgiens des campagnes sont peu instruits , n'agissent que par routine et réussissent plus par hasard que par un traitement méthodique et raisonné. Comment cela peut-il être autrement ? La plupart allient à une profession noble, telle que celle de l'art de guérir, une profession vile et abjecte, qui les empêche d'acquérir les connaissances nécessaires pour traiter comme il faut les maladies.
Que je m'estimerais heureux, si, parles moyens que je vais proposer dans les articles suivants, je viens à bout de procurer aux habitants des campagnes des chirurgiens éclairés, et en état de les diriger dans toutes leurs maladies, tant médicinal es que chirurgicales ; je dis médicinal es, parce qu'elles sont les plus communes, et que le nombre des médecins n'étant pas proportionné à la multipli-
cité des maladies, les chirurgiens seront toujours obligés de les traiter, à moins qu'on adopte e proiet que vient de proposer un médecin de la capitale, celui d'établir dans toute la France a médecine gratuite; projet dont l'idée seule semble emporter avec elle sa réfutation.
Article 1er. Comme il y a tout lieu d'espérer que, suivant le vu des différentes provinces du royaume, qui en reconnaissent la nécessité, il sera établi dans chacune d'elles des assemblées provinciales; la nomination des chirurgiens se fera par elles, après les examens subis dans la forme que j'indiquerai plus bas.
Art. 2. Usera formé pour chaque chirurgien un arrondissement, dont les limites seront lixées par les assemblées provinciales.
Art. 3. Le chirurgien qui désirera s'établir dans un de ces arrondissements, se présentera dans un collège de chirurgie, ou dans un corps de chirurgie d'une des principales villes de la province, où il y ait archevêché ou évêché : il sera muni de son extrait, baptistaire, d'un certificat en bonne forme de vie et murs, et d'attestations qui prouveront qu'il a suivi pendant quatre années, au moins, des cours de chirurgie publics et particuliers; il rapportera, en outre, des témoignages authentiques des maîtres sous lesquels il aura travaillé, comme aussi des chefs des hôpitaux dont il aura suivi les pansements.
Art. 4. Ces conditions bien strictement remplies, le collège ou corps de chirurgie lui fera subir les examens suivants, d'après lesquels il pourra être admis, s'il en est jugé capable.
Art. 5. Les réceptions se feront en six examens, et ces examens rouleront sur six points principaux:
Le premier, sur les principes de chirurgie en général; , , J.
Le deuxième, sur l'ostéologie, les maladies des os et l'application des bandages ;
Le troisième, sur toutes les parties de l'ana-tomie ; .
Le quatrième, sur toutes les opérations de chirurgie, les pansements et la manière de les
Le cinquième, sur les médicaments chirurgicaux, tant simples que composés, leurs usages et leurs applications ;
Le sixième, enfin, sur la théorie et la pratique de l'art des accouchements.
Art. 6. Les examinateurs seront au moins au nombre de six pour chaque examen.
Art. 7. S'il se présentait plusieurs candidats, les examens se feront ensemble et par concours; les examinateurs seront, par là, plus à portée de juger de la capacité respective des candidats ; mais on observera toujours la marche indiquée plus haut.
Art. 8. Les concurrents se conformeront d'ailleurs, tant pour les examens que pour les concours, aux statuts et règlements des collèges ou corps de chirurgie, où ils subiront leurs examens.
Art. 9. Les frais d'examen et autres seront a la charge du concurrent ; cependant il y a tout lieu de croire et d'espérer que si un candidat, sans moyen pécuniaire, avait un mérite distingué, et reconnu tel d'après de bons certificats et l'opinion publique, on lui fera remise du prix de sa réception : nous nous plaisons à croire que, dans ce cas, ses examinateurs feront avec plaisir le sacrifice de leurs intérêts, pour coopérer à donner à la province un sujet capable de répondre aux vues du gouvernement.
Art. 10. Le chirurgien qui aura rempli les conditions ci-dessus, et à gui, en conséquence, on aura confié un arrondissement quelconque, ne pourra être destitué de sa place, que dans le cas de prévarication, de négligence, surtout envers les pauvres ; et sur les plaintes bien fondées et bien reconnues de la majeure partie des habitants du district où il aura été placé.
Art. 11. S'il y avait un chirurgien dans la province, qui exerçât, depuis nombre d'années, la chirurgie avec distinction, il aura la préférence pour l'arrondissement où il exerce ; et il jouira des prérogatives, honneurs et récompenses qu'il plaira au gouvernement d'accorder aux chirurgiens reçus en la forme établie ci-dessus, et placés par les états provinciaux.
Art. 12.11 sera remis de la part du gouvernement ou des Etats provinciaux à chacun des chirurgiens, ainsi nommés, une boîte de médicaments, tant simples que composés, pour l'usage des pauvres.de l'emploi desquels il sera tenu d'en faire note et de rendre compte. Il serait aussi nécessaire qu'il lui fût délivré des linges et appareils pour les cas urgents, de l'emploi desquels il sera également tenu de justifier avant d'en obtenir de nouveaux.
Art. 13. Pour avoir droit de prétendre aux secours gratuits du chirurgien, et recevoir les médicaments dont on aura besoin, il faudra se munir d'un certificat du curé et des syndics de la paroisse, qui attesteront l'indigence des réclamants.
Art. 14. Pour mettre les chirurgiens provinciaux en état de vivre honorablement et de donner leurs soins gratis aux pauvres, il leur sera payé annuellement une somme plus ou moins forte, qui sera fixée par les Etats provinciaux, et proportionnée à l'étendue du district dont ils seront chargés.
Art. 15. Les fonds nécessaires pour cela pourraient être pris sur les biens des maisons religieuses non complètes et sur les bénéfices simples, dont on demande depuis longtemps la suppression avec instance ; voilà le véritable moyen de rendre aux enfants dans la misère, ce dont leurs ancêtres ont disposé dans l'abondance.
Art. 16. Tout chirurgien placé ne pourra quitter son arrondissement sans la permission des Etats provinciaux, et sans qu'il ait été remplacé par un autre chirurgien reçu dans la forme prescrite ci-dessus
Art. *17. L'étude et la pratique de l'anatomie seront favorisées par tous les moyens possibles, car on sait que c'est sur les cadavres que se font les principales et premières épreuves pour l'étude de la chirurgie.
Art. 18. Les chirurgiens de campagne ne pourront faire aucune de ces opérations, qu'on appelle majeures, sans la présence du chirurgien de l'arrondissement le plus voisin, qui sera demandé soit par le malade, soit par le chirurgien lui-même, tant pour l'aider de ses conseils, que pour tranquilliser et consoler le malade et les assistants.
Art. 19. Le chirurgien provincial ne pourra refuser son secours sans une cause bien légitime. Son assistance sera gratis pour les pauvres seulement ; et il sera tenu de se rendre chez le malade toutes les fois qu'il en sera requis, et que sa présence sera nécessaire.
Art. 20. Les chirurgiens provinciaux, après douze années d'exercice avec distinction dans leurs districts, et qui auront, pendant le cours des quatre dernières années, envoyé chaque
année à l'Académie royale de chirurgie de Paris, un mémoire sur quelques maladies chirurgicales, ou au moins deux observations sur des faits de pratique, pourront, s'ils le désirent, s'établir dans une grande ville ; ils seront admis dans le collège ou corps de chirurgie de la ville qu'ils auront choisie, en subissant un seul examen de quatre heures, sur les principales parties de la chirurgie ; en payant les droits de la bourse commune, et la moitié des frais de réception ; et en se conformant d'ailleurs aux statuts et règlements du corps dans lequel ils désireront entrer; on n'en excepte que le collège royal de chirurgie de Paris.
Art. 21. Tout chirurgien est en même temps invité à étudier avec soin les maladies particulières ou peu connues, qu'il aura été à même de suivre, et à en donner les détails pour, de tous ces détails réunis, en composer un corps d'ouvrage qui pourrait être très-utile à l'humanité.
Art. 22. Les accidents et les malheurs qui arrivent journellement aux femmes des campagnes par l'impéritie de ces femmes qui exercent les accouchements sans connaissances ni principes, exigent nécessairement qu'il y ait dans certains districts des chirurgiens bien instruits, qui donnent des leçons gratis aux femmes qui veulent se livrer aux accouchements, ou traiter des maladies de leur sexe ; car il est de fait que bien des femmes, soit par timidité, ou par une pudeur mal entendue, préfèrent s'adresser à des personnes de leur sexe pour des infirmités auxquelles elles sont sujettes.
Art. 23. Il sera donc établi des écoles gratuites sur l'art des accouchements, dont les assemblées provinciales détermineront le nombre ; les professeurs seront choisis par elles, et on ne doute pas qu'elles ne préfèrent des maîtres en l'art à des médecins qui ne peuvent tout au plus enseigner que la théorie. Il nous semble que les chirurgiens provinciaux, dont nous avons ci-devant proposé l'établissement, méritent, à tous égards, la préférence, ne fût-ce que pour éviter un double emploi ; on leur fournira tout ce qui leur sera nécessaire pour faire utilement et avec succès ces cours.
Art. 24. Chaque professeur fera deux cours par année, et prendra le temps où les travaux de la campagne seront les moins forts, et par préférence, on choisira les dimanches et fêtes si rien ne s'y oppose.
Art. 25. Quoiqu'il y ait déjà beaucoup d ouvrages, même élémentaires, sur l'art des accouchements , peut-être serait - il nécessaire d'en composer un particulier à l'usage des sages-femmes des campagnes. Il faut espérer que le gouvernement prendra cet article en considération et qu'il voudra bien proposer un prix pour le meilleur ouvrage en ce genre, qu'il soumettra au jugement de l'Académie royale de chirurgie de Paris.
Art. 26. Il sera aussi alloué annuellement, a chacune des sages-femmes, une somme suffisante pour qu'elles puissent donner leurs secours gratis aux pauvres -, il serait même nécessaire, pour cette classe si malheureuse qui manque de tout , que les Etats provinciaux fournissent des linges aux sages-femmes, dont elles seront tenues de rendre compte. Afin d être plus à portée de secourir les indigents, elles se conformeront, au surplus, aux mêmes règlements que les chirurgiens. . . ,
Les seigneurs et autres particuliers riches qui habitent pendant un espace de temps plus ou moins long leurs terres ou maisons de campagne,
viendront sans doute au secours des pauvres mères de familles, et exerceront envers elles des actes de bienfaisance, pour lesquels ils auront la douce satisfaction de conserver des citoyens à l'État, et d'enlever à la mort des victimes qui ne deviennent sa proie que par la misère.
Art. 27, Si la sage-tétnme prévoit la nécessite d'administrer quelques drogues,elle s'adressera au chirurgien, qui les portera, pour s'assurer de leur nécessité et quantité, en les administrant toujours gratis pour la,classe indigente.
Art. 28. Les sages-femmes n'entreprendront aucun acQfiuchepaent laborieux sans demander des secours, que les chirurgiens des districts seront tenus et obligés de donner très-prompte-ment, dans la crainte que le retard n'augmente les obstacles. ,
Art. 29. Aucune sage-femme ne pourra quitter le lieu où elle se sera établie, sans en prévenir les Etats provinciaux et sans qu'elle ait été remplacée par une autre bien instruite.
Art. 30. Il plaira au Roi et aux Etats provinciaux d'accorder,,aux chirurgiens et aux sages-femme? des prérogatives qui les, distinguent de la classe commune, pour encourager et faire naître le désir d'obtenir ces fortes places, qui ne seront accordées qu'au vrai mérite. ,
Art. 31. Le Roi et les Etats, provinciaux voudront bien ordonner, par une loi positive, la suppression de tous les privilèges, brevets et corn-missions, ordonner et faire défense à tous les possesseurs de. ,ce§, titres factices et trompeurs d'exercer aucune partie de là médecine et de la chirurgie, dans toute l'étendue du royaume, et particulièrement dans les grades villes, la tolérance de ces sortes d'enjpiriques entraîne des maux à l'infini et sans remède.
Art. 32., Les princes et seigneurs seront instamment priés, pour le bien général, de supprimer dans leurs maisons les chirurgiens dits abusivement et ignominieusement des valets de chambre qui, en effç't, ne sont tels ; et ne permettre qu'à des chirurgiens reçus légalement d'approcher de leurs personnes, pour leur administrer les secours de l'art que les circonstances peuvent exiger ; on ne peut être trop instruit pour conserver des têl,ç§ aussi chères à l'Etat. Ils voudront donc bien aussi renoncer à la facilité qu'ils ont exercée jusqu'à présent, de procurer aux personnes, qui iqur s.ont attachée,s le droit de pratiquer la chirurgie, sans avoir subi, prélimi-nairemen,.t aucun examen, leur finance étant presque toujours leuf unique, science, à inoins qu'on y ajoute l'honneur d'appartenir à de grands seigneurs ; ce qui n'empêche pas qu'ils ne traitent des malades, lç. plus souvent avec àutant d'audace que d'ignorance, tant dans l'a capitale que dans d'autres villes du royaume.
Art. 33. Il faudra aussi ordonner la suppression de ces privilèges abusifs, .que des çhirurgiens, sans titre légal, confèrent,, à qui V a celui qui leur donne le plus d'argent,jpei,,abus est d'autant plus révoltant, que .ces chirurgiens pa^. .charge, après viçgt années d'exercice,, deviennent vétérans ; et par là, ont la faculté de revendre leur charge à un autre, peut-être encore pljjs ignorant qu'eux sans perdre la l^Bertq dç travailler et de louer leur privilège; ce ,nouvel, acquéreur jouit dii même droit. 11 en résulte qu'il, s'établit quatre chirurgiens pour une seule finance; et ainsi de suite, et à l'infini.
Tels sont les afijicjeg succincts que nous avons cru devoir proposer pour le soulagement de l'humanité souffrante ; nous avons exposé nos idées
ayec candeur et simplicité; à quoi sert l'éloquence, lorsque le cur parle? Ce n'est pas la langue qui guérit. Il y a encore bien des choses à faire pour perfectionner la chirurgie en France. Nous le savons ; mais ce n'est pas ici le lieu d'en parler. Il nous suffit d'avoir prouvé à nos concitoyens combien la conservation de leurs santés nous est chère, et par quel moyen nous désirons l'entretenir, ou au moins la réparer lorsqu'elle est altérée; prolonger leurs jours, et diminuer, s'il est possible, le nombre des victimes de l'ignorance, de la cupidité et du charlatanisme.
pkÉSIDENCE DE M. MOUNIER.
Séance du lundi
L'un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal des séances d'avant-hier.
dit que conformément aux ordres de l'Assemblée, il a présenté au Roi les décrets sur le prêt à intérêt, sur l'abolition des droits de franc-fief, sur la perception des impositions, et enfin sur les juifs, et que Sa Majesté lui a remis hier sa réponse conçue en ces termes (?) :
« J'examinerai le décret de l'Assemblée nationale sur le prêt à intérêt et je lui répondrai incessamment.
« J'avais déjà fait connaître mes dispositions sur le droit de franc-fief, et je donne volontiers ma sanction au décret que vous m'avez présenté sur cet objet.
« J'accorde pareillement ma sanction au décret concernant la perception des impositions.
« J'ai déjà manifesté mes intentions en faveur des juifs d'Alsace, et je continuerai de les protéger contre les vexations dont ils sont menacés.
« J'ai fait garnir de troupes les frontières du royaume pour empêcher l'exportation des grains, et je ne puis, sur la demande de l'Assemblée, que recommander l'exécution de mes ordres. »
ayant de plus, conformément au décret du premier de ce mois, présenté hj'ac-ceptation du Roi la déclaration des droits de l'homme en société, et les dix-neuf articles de la Constitution déjà décrétés, il a donné lecture de la réponse de Sa Majesté, conçue en ces termes :
« De nouvelles lois constitutives ne peuvent être bien jugée^que dans leur ensemble ; touf se tient dans un si grand et si important ouvrage. Cependant, je trouve naturel que, dans un rijp-ment où nous invitons la natipp à venir au secours de l'Etat, par un acte signalé de .confiance et de patriotisme, nous la rassurions sur le principal, objet de son intérêt.
« Ainsi, dans la confiance que les premiers articles constitutionnels que vous m'avez
fait présenter, unis à la suite de voire travail, rempliront le vu de mes peuples, et
assureront le, bonheur et la prospérité du royaume, j'accorde, selon votre désir, mon
accession à ces articles ; mais à
« Vous aurez sûrement pensé que les institutions et les formes judiciaires actuelles Tie pouvaient éprouver de changements qu'au monient où un nouvel ordre de choses leur aurait été substitué ; ainsi je n'ai pas besoin de vous faire aucune observation à cet égard.
« Il me reste à vous témoigner avec franchise que si je donne mon accession aux divers arti-> cles constitutionnels que vous m'avez fait remettre, ce n'est pas qu'ils me présentent tous indistinctement l'idée de la perfection ; mais je crois qu'il est louable en moi de ne pas différer d'avoir égard au vu présent des députés de la nation, et aux circonstances alarmantes qui nous invitent si fortement à vouloir, par-dessus tout, le prompt rétablissement de la paix, de l'ordre et de la confiance.
« Je ne m'explique point sur votre déclaration des droits de l'homme et du citoyen : elle contient de très-bonnes maximes, propres à guider vos travaux; mais des principes susceptibles d'applications, et même d'interprétations différentes, ne peuvent être justement appréciés, et n'ont besoin de l'être qu'au moment où leur véritable sens est fixé par les lois auxquelles ils doivent servir de première base. »
Signé : LOUIS.
L'Assemblée décide que cette réponse sera imprimée à la suite de tous les décrets et des articles auxquels le Roi promet accession.
avertit l'Assemblée que la nouvelle composition des bureaux est terminée, mais que, pour ne pas perdre de temps, chaque membre en prendra connaissance au secrétariat.
On allait reprendre l'ordre du jour, c'est-à-dire la rédaction du décret sur l'imposition du quart des revenus, lorsque M. Muguet a changé la délibération, en demandant la parole sur la réponse du Roi.
Rappelez-vous les intentions de vos commettants, lorsqu'ils ont exigé qu'aucun impôt ne fût accordé avant la Constitution. Vous pouvez aujourd'hui en faire l'application aux circonstances.
Quelle réponse ambiguë et insidieuse vous venez d'entendre 1
Ce n'est pas là la réponse que la nation avait droit d'attendre : elle fait entrevoir que cette Constitution pourrait être altérée par la suite. Si nous accordons au Roi le droit de la modifier, n'est-ce pas lui donner celui de la refuser? s'il peut la changer, ne pourra-t-il pas la détruire ? Cette faculté anéantit la liberté, consacre le des-
potisme. La déclaration des droits expose ceux de tous les hommes et de toutes les nations : ces principes sont indestructibles; ils sont inattaquables. Le Roi ne peut que les reconnaître dès qu'ils sont présentés. Il faut donc lui en demander sur-le-champ une acceptation pure et simple.
La contribution extraordinaire doit être le prix de notre liberté ; il faut donc que notre liberté soit assurée sans retard.
Je propose de continuer le travail de la Constitution et d'arrêter que le décret proposé par le premier ministre des financés n'aura son exécution, et que la contribution né sera payée qu'après la Constitution acceptée.
La réponse du Roi est destructive, non-seulement de toute Constitution, mais encore du droit national à avoir une Constitution. On n'adopte les articles constitutionnels qu'à une condition positive : celui qui peut imposer une condition à une Constitution a Je droit d'empêcher cette Constitution ; il met sa volonté au-dessus du droit de la nation. On vous dit que Vos articles constitutionnels ne présentent pas tous ridée de la perfection; on né s'explique pas sur la déclaration des droits ; est-ce au pouvoir exécutif à critiquer le pouvoir constituant, de, qui il émane? Il n'appartient à aucune puissance de la terre d'expliquer des principes, de s'élever au-dessus d'une nation, et de censurer ses volontés. Je considère donc la réponse du Roi comme contraire aux principes, aux droits dé la nation, et comme opposée à la Constitution.
Tout vous fait assez connaître que lés ministres veulent rivaliser d'autorité avec la nation : on a sanctionné vos arrêtés, les uns par un arrêt du conseil, avec les formes anciennes du (despotisme, car tel est notre bon plaisir, etc.; un autre est transformé en règlement, et le Roi fait des lois sans vous, tandis que vous n'en pouvez faire sans lui. Vous n'avez d'autre moyen d'éviter les obstacles qu'en brisant les obstacles. Quelle espèce de religion y a-t-il donc à couvrir les droits de la nation d'un voile qui ne sert qu'à favoriser les atteintes qu'on voudrait leur porter ?. Il faut examiner franchement s'il est une puissance humaine qui puisse opposer aucun obstacle à la Constitution qu'un peuple veut se donner : si le veto suspensif doit porter sur les actes d'une Convention nationale, il faut régler la formule de l'acceptation de ces actes et celle de la sanction pour les actes des législatures ordinaires.
, après avoir démontré la différence qui se trouve entre le décret sur les subsistances et le règlement donné à la suite par le pouvoir exécutif, sorte d'usurpation de l'autoriik législative, s'écrie : où est le législateur ? Est-ce le monarque? est-ce vous? 11 propose un projet d'arrêté qui est ainsi conçu :
« La déclaration des droits de l'homme en société et la Constitution seront acceptées par le monarque avant qu'aucun impôt soit accordé par la nation. La Constitution étant achevée, le mo-marque se rendra dans le sein de l'Assenibléè nationale ;là il jurera pour lui et ses successeurs au trône de France, l'observation de la déclaration des droits de l'homme en société et de la Constitution. Le serment prêté, l'Assemblée nationale prêtera le sien pour la nation en présence du monarque, pour former la réciprocité entre deux parties, dont l'une doit jurer de gouverner et l'autre d'obéir conformément aux lois. »
discute la réponse du Roi par l'application des principes exposés par quelques préopinants, et conclut à ce que le président se retire devers le Roi pour lui demander d'accepter purement et simplement la déclaration des droits et les articles constitutionnels délibérés.
Je vois avec peine que la réponse du Roi n'est signée que de lui, elle contient une phrase dangereuse qui peut faire croire que si les circonstances eussent été plus favorables pour les ministres ils n'auraient pas donné l'adhésion royale. Le Roi dit : Je crois qu'il est louable en moi de ne pas différer d'avoir égard au vu présent des députés de la nation et aux circonstances alarmantes, etcquand on rapproche cette réponse des circonstances dont on se trouve environné, de ces orgies indécentes qui viennent d'avoir lieu et des nouvelles qui viennent des provinces, il est à présumer que si l'armée se fût trouvée ici, l'adhésion n'aurait pas été donnée ; je ne prétends inculper ni les ministres ni l'armée, mais je disque le peuple pourrait penser dans les provinces que notre ouvrage se ressent de la crainte; je demande qu'il ne soit voté aucun impôt jusqu'à ce que la Constitution soit faite et acceptée.
Je propose d'autoriser M. Je président à se retirer devers le Roi pour lui faire part des inquiétudes de l'Assemblée sur cette réponse et lui en demander l'explication.
La réponse du Roi est vraiment alarmante pour la liberté. Mon avis est de charger M. le président de se retirer sur-le-champ par devers le Roi, à l'effet de représenter à Sa Majesté que l'Assemblée nationale le supplie d'accorder, sans délai, son acceptation royale, pure et simple et solennelle, pour lui et ses successeurs, tant aux articles de la déclaration des droits qu'aux articles constitutionnels que l'Assemblée nationale a fait présenter à Sa Majesté.
Messieurs, le Roi sanctionne clairement les articles de la Constitution ; il n'y a opposé qu'une condition qui est bien naturelle, c'est que le pouvoir exécutif ait son entier effet entre les mains du monarque. Quant à la déclaration des droits, elle n'est pas nécessaire à la Constitution : c'est un supplément inutile qui appartient d'ailleurs à tous les peuples. Si nous sapons toujours l'autorité royale, le pouvoir exécutif sera sans vigueur et l'anarchie renaîtra.
De nombreuses réclamations s'élèvent. On demande le rappel à l'ordre.
Je n'ai voulu blesser le sentiment d'aucun des membres de l'Assemblée et je retire les expressions qui auraient pu avoir un pareil résultat. Je maintiens que la forme de la réponse du Roi n'est pas vicieuse, attendu que l'Assemblée a déclaré qu'elle communiquerait, avec Sa Majesté, sans intermédiaire.
représente comme des fêtes patriotiques ce que M. Dupont a appelé des orgies, et ne croit pas qu'on puisse considérer comme un crime le fruit d'un noble enthousiasme
Nous ne nous plaignons pas des cris de vive le Roi, vive la Reine,
{woférés jeudi dernier, dans le repas donné par es gardes du corps, au régiment de Flandres et aux dragons ; ils retentissent toujours avec plaisir au fond de nos curs ; mais on ne vous ait pas les imprécations qu'on a faites contre la nation dans les orgies qui viennent d'avoir lieu.
Revenons à la réponse du Roi. Il n'est pas de bon citoyen qui ne gémisse de la manière dont les ministres en usent envers l'Assemblée nationale. Ils parlent sans cesse de travailler de concert et avec confiance, et jusqu'à présent ils n'ont rien fait qui ne contredise ses arrêtés. Je ne vois que des pièges tendus, des décrets altérés. Que le monarque fasse des observations avant de sanctionner, mais qu'après l'avoir fait, il ne modifie pas la disposition de vos décrets.
On dit qu'il y a un contrat social entre le Roi et la nation. Je nie le principe. Le Roi ne peut que gouverner suivant les lois que la nation lui présente. N'est-ce pas une assez belle prérogative que celle d'être l'exécuteur exclusif et suprême des lois d'une nation ? Je demande qu'il soit fait une adresse pour être présentée au Roi, avec les articles de la Constitution, par notre président et par une députation de l'Assemblée.
Le Roi est bon ; il est homme, il a été trompé, il le sera encore. Comment répond-il à la présentation d'une Constitution qui établit des droits sacrés, et qui est l'objet de tous les vux ? Je crains de nouveaux troubles. Une disette affreuse se fait sentir au moment même d'une récolte abondante ; quels événements y donnent lieu? Le ministre doit en être instruit ; qu'il s'excuse, ou il est coupable.
Je demande pourquoi cette lettre envoyée à un meunier, avec 200 livres et la promesse d'autant par semaine, s'il veut ne pas moudre ? Je demande si les gardes du corps doivent prêter serment? Je demande pourquoi M. de Bouillé ne l'a pas prêté. Je demande pourquoi cette cocarde noire et blanche arborée, et la cocarde nationale foulée aux pieds dans une orgie qu'on appelle fête militaire? Je demande que cette orgie soit dénoncée au comité des recherches.
Il faut distinguer la déclaration des droits des articles constitutionnels. La première n'a pas besoin d'être acceptée par le Roi; les droits des hommes sont antérieurs à ceux des monarques ; ils furent toujours indépendants des trônes. La déclaration des droits ne doit être que publiée par le Roi.
La Constitution seule peut être présentée à l'accession du prince plutôt qu'à son acceptation, mais elle ne peut être exposée au refus, encore moins à la critique du pouvoir exécutif, puisqu'il ne prend sa source que dans la Constitution même. Comment le pouvoir exécutif pourrait-il modifier le pouvoir national qui le crée? S'il n'existe que par la Constitution, comment peut-il la refuser ?
Je pourrais invoquer les principes oubliés par le comité de Constitution, par M. Mounier lui-même, si nous n'avions les principes et les droits éternels des nations : un peuple peut exister comme il lui plaît; il peut se constituer de la manière qu'il trouve plus propre à son bonheur. S'il en était autrement, et si le Roi pouvait mettre des conditions quelconques à une accession nécessaire, il serait vrai de dire que vous n'êtes
assemblés depuis six mois que pour lui dire : « Choisissez, voulez-vous être monarque ou despote? vous êtes le maître de nous laisser dans les fers, ou de nous donner la liberté... » Ce langage vous effraie, vous venez cependant d'entendre le commentaire de ce texte ministériel. Voici le moment décisif; c'est à la Constitution qu'on vous attendait, et les impôts devaient en précéder l'accession ; mais il me suffira de vous demander si ces impôts énormes doivent être l'aliment, la récompense du despotisme, ou le prix de la liberté?... Je propose que M. le président, accompagné d'une députation, se retire par devers le Roi pour demander la publication de la déclaration des droits de l'homme, et présenter les articles constitutionnels à l'acceptation pure et simple, et à la promulgation.
Je propose qu'il soit décrété que la réponse du Roi a été une surprise faite à la religion de Sa Majesté. Je demande, en outre, que les militaires destinés à la garde du Roi soient obligés de prêter sans délai le serment en la forme prescrite, en présence de la municipalité.
Messieurs, les décrets déjà sanctionnés, entre autres celui pour la libre circulation des grains, sont altérés et différents de ceux de l'Assemblée, dans la sanction et la publication qui en a été faite. La révolution actuelle n'a même pas pu faire oublier à la chancellerie la vieille formule : car tel est notre plaisir. Est-ce sous les yeux d'une nation assemblée et qui fait ses lois, qu'une pareille expression doit être employée par le pouvoir exécutif?
Avant de passer à la grande question de l'acceptation du rnonar-ue, je crois devoir dire un mot sur la question e circonstance qu'on vient d'élever, peut-être avec plus de zèle que de prévoyance.
Je n'entrerai pas dans les détails auxquels on peut croire comme homme, et non comme membre du souverain.
Il s'est passé des jours tumultueux. L'on a vu des faits coupables; mais est-il de la prudence de les révéler ?
Le seul moyen que l'on doit prendre sur cet objet, c'est de requérir que le pouvoir exécutif tienne les corps et les chefs de corps dans la discipline exacte qu'ils doivent surtout observer dans le lieu où résident le monarque et le souverain ; qu'il défende surtout ces festins prétendus fraternels, qui insultent à la misère publique, et jettent des étincelles sur des matériaux rassemblés et trop combustibles.
Je reprends la question de l'acceptation. L'acceptation qui vient d'être donnée est-elle ou n'est-elle pas suffisante? 11 y a sur cela plusieurs observations à faire : la première, c'est qu'il importe souverainement au monarque, pour le succès de la tranquillité publique, que nos arrêtés soient acceptés, et que surtout ils paraissent l'avoir été volontairement.
11 me semble qu'on pourrait faire au Roi une adresse, dans laquelle on lui parlerait avec cette franchise et cette vérité qu'un fou de Philippe II mettait dans ces paroles triviales : Que ferais-tu, Philippe, si tout le monde disait non, quand tu dis oui ?
Je ne pense pas qu'il faille prier le Roi de retirer l'accession qu'il vient de donner, mais seulement de l'interpréter, de donner enfin des éclaircissements qui puissent satisfaire la natioû.
L'Assemblée a été autorisée à fixer le pouvoir constituant dans ses rapports entre la nation et son délégué. Si le délégué, si le Roi persistait dans ses refus, bientôt le germe du patriotisme serait étouffé, et l'anarchie commence au moment où les peuples connaissent assez leurs forces pour s'apercevoir qu'on veut les comprimer.
L'accession que vient de donner le Roi fait naître des doutes sur ses sentiments. On craint que le pouvoir exécutif ne veuille être indépendant, et il ne peut pas plus l'être du pouvoir législatif, que la volonté de l'action, et la tête des bras.
La réponse du Roi n'est pas contresignée d'un ministre, elle devrait l'être ; car sans cela la loi salutaire de la responsabilité sera toujours éludée. La personne du Roi est inviolable, la loi doit l'être aussi ; et quand elle est violée, les victimes ne peuvent être que les ministres.
Je propose le projet d'arrêté suivant :
L'Assemblée nationale ordonne que le président se retirera par devers le Roi, à l'effet de le supplier :
1° De donner des ordres exprès à tous les chefs des corps militaires, plus spécialement à ceux qui résident actuellement à Versailles, pour les maintenir dans la discipline et dans le respect dû au Roi et à l'Assemblée nationale ;
2° D'interdire aux corps les prétendus festins patriotiques qui insultent à la misère du peuple, et dont les suites peuvent être funestes ;
3° Que tout acte émané de Sa Majesté ne puisse être manifesté sans la signature d'un secrétaire d'Etat ;
4° Qu'il plaise à Sa Majesté de donnera sa réponse un éclaircissement qui rassure les peuples sur l'effet d'une acceptation conditionnelle, motivée seulement par les circonstances, et qui ne laisse aucun doute sur cette acceptation.
Je demande cfue M. Pétion soit tenu de rédiger par écrit, de signer et de déposer sur le bureau la dénonciation qu'il a faite relativement à ce qui s'est passé dans ce qu'il appelle les fêtes militaires des gardes du corps.
Je commence par déclarer que je regarde comme souverainement impolitique la dénonciation qui vient d'être provoquée ; cependant, si l'on persiste à la demander, je suis prêt, moi, à fournir tous les détails et à les signer ; mais auparavant je demande que cette Assemblée déclare que la personne du Roi est seule inviolable, et que tous les autres individus de l'Etat, quels qu'ils soient, sont également sujets et responsables devant la loi.'
Puisque le préopinant regarde ma motion comme impolitique, je la retire.
La délibération est continuée.
Je me demande s'il y a de l'obscurité, des conditions ou un refus formel dans la réponse du Roi. Je n'y vois aucun de ces vices, je n'y trouve rien qui ne soit clairet précis. La condition opposée par le Roi relativement au pouvoir exécutif n'est pas une véritable condition ; c'est le concours qui doit exister entre les deux pouvoirs, et il importe que le pouvoir exécutif reprenne de l'énergie. Le Roi dit qu'il accède au vu présent; cela ne veut pas dire que le vu à venir puisse être différent. Le Roi ne se réserve rien quant à la déclaration des droits.
Les axiomes de morale ne doivent pas être acceptés. C'est donc une grande erreur chez les sages Américains d'avoir fait avant tout une bonne déclaration des droits. Un traité de morale deyait-il tant occuper de si bons législateurs ?
Vous êtes placés entre deux dangers : les finances et l'état de la nation. Mais avant tout, vous devez avoir une Constitution ; c'est le vu de vos commettants; ainsi, il faut régler la manière dont l'acceptation sera accordée. Je propose que, toute délibération cessant, on s'occupe de la forme de la sanction et de l'acceptation, avant de revenir au projet sur la taxe extraordinaire.
Je pense qu'on doit regarder l'acceptation comme pure et simple, d'après les termes touchants dans lesquels la réponse du Roi est conçue.
, abbé cTAbbecourt. Je propose de faire une adresse au Roi pour lui témoigner une égale reconnaissance pour la sanction qu'il donne aux articles constitutionnels et pour les observations dont il veut bien l'accompagner.
parle avec une grande énergie pour prouver la nécessité d'ajourner la question agitée sur la réponse du Roi ; il faut ranimer le pouvoir exécutif, sauvegarde de la liberté, puisque le despotisme est mort. Mais l'anarchie est vivante et l'orateur voit renaître une féodalité nouvelle, une aristocratie des villes qui veut s'élever sur les ruines de l'ancienne ; d'après ces motifs, il pense qu'il n'y a lieu à délibérer. 1
propose de présenter simplement au Roi les articles écrits, afin qu'il les signe et les scelle. L'Assemblée en fera ensuite une expédition signée du président, pour être envoyée dans les provinces. Il pense qu'on peut tirer de la déclaration des droits les articles constitutionnels qui s'y trouvent, et les faire signer en même temps.
Il faut demander au Roi de déclarer simplement que la Constitution s'avance, que les principes en sont avoués et que la contribution demandée sera fidèlement employée aux besoins de l'Etat.
adoptent le sentiment de M. le comte de Mirabeau sur la lettre du Roi.
aîné. Le Roi était maîtrede la forme de son adhésion, puisque vous ne l'avez pas réglée. Sa réponse contient l'adhésion la plus formelle. En différant de s'expliquer sur la déclaration des droits, il fait un acte de prudence. Je ne crois pas qu'on puisse demander au Roi des explications qui existent et qui me satisfont.
réclame la question préalable sur toutes les motions qui ont été faites.
L'Assemblée décide, dans la forme ordinaire, qu'il n'y a lieu à délibérer.
, évêque de Langres, demande ensuite qu'on pose la question eu ces ter-
mes : La réponse du Roi a-t-elle, ou n'a-t-elle pas rempli les intentions de VAssemblée ?
L'Assemblée, consultée arrête qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.
propose de ne pas se séparer jusqu'à ce que le Roi ait répondu une seconde fois.
Cette proposition est rejetée.
fait lecture des divers projets d'arrêtés sur la réponse du Roi. Celui qui obtient la priorité est adopté dans les termes suivants : " : ¦ ; :v ¦¦ \ « L'Assemblée nationale a décrété que M. le président, à la tête d'une députation, se retirera aujourd'hui par devers le Roi, à l'effet de sup-jplier Sa Majesté de vouloir bien donner une acceptation pure et simple de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et des dix-neuf articles de la Constitution qui lui ont été présen-| tés. »
Le bureau est chargé de nommer les douze députés qui devaient accompagner M. le président chez le Roi. L'un de MM. les secrétaires fait lecture de la liste que voici ;
MM.
Bouche.
Prieur.
Barnave.
Simon, député de Caux. De la Galissonnière.
MM.
Guillotin.
Le baron de Menou. Vernier.
Le prince Victor de broglie. Boutteville-Dumetz
De Clermont-Tonnerre, évê- Le vicomte de Miremont.
que de Châlons.
Des députés arrivés de Paris ce matin m'ont appris que les subsistances y manquent absolument, et que la fermentation est à son comble. Ils sollicitent de votre justice d'interposer votre autorité pour obtenir du pouvoir exécutif l'exécution de votre décret concernant la circulation des blés de province à province, de ville en ville. Je vous supplie donc d'engager votre président à prier le Roi d'employer tdute la force publique qui est en ses mains pour appuyer l'exécution d'un décret d'une aussi grande importance.
A peine M. Target finissait de parler, qu'une députation d'un très-grand nombre de citoyennes de Paris, déjà arrivées à Versailles, se présente à la barre. Maillard est à leur tète, et porte la parole.
Nous sommes venus à Versailles pour demander du pain, et en même temps pour faire punir les gardes du corps qui ont insulté la cocarde patriotique. Les aristocrates veulent nous faire périr de faim. Aujourd'hui même on a envoyé à un meunier un billet de 200 livres, en l'invitant à ne pas moudre, et en lui promettant de lui envoyer la même somme chaque semaine.
L'Assemblée pousse un cri d'indignation, et de toutes les parties de la salle on lui dit : Nommez !
Je ne puis nommer ni les dénoncés, ni les dénonciateurs, parce qu'ils me sont également inconnus ; mais trois personnes que j'ai rencontrées le matin dans une voiture de la cour m'ont appris qu'un curé devait dénoncer ce crime à l'Assemblée nationale.
Une voix s'élève alors à la barre, et désigne M. l'archevêque de Paris.
L'Assemblée entière s'empresse de répondre
que ce prélat est Incapable d'une pareille atrocité.
Je vous supplie, pour ramener la paix, calmer l'effervescence générale et prévenir des malheurs, d'envoyer une députation à MM. les gardes du corps, pour les engager à prendre la cocarde nationale, et à faire réparation de l'injure qu'ils bht faite à cette même cocarde.
Plusieurs membres s'écrient que les bruits répandus $ur les gardes du Roi sont calomnieux.
Quelques expressions peu mesurées, échappées à l'orateur, lui attirent alors une injonction du président de se contenir dans le respect qu'il doit à l'Ass§mblée nationale. Le président ajoute que tous ceux qui veulent être citoyens peuvent
I être de leur plein gré, et qu'on n'a pas le droit de forcer les volontés.
11 n'est personne qui ne doive s'honorer de ce titre ; et s'il est, dans cette diète auguste, quelque membre qui puisse s'en croire déshonoré, il doit en être exclu sur-le-champ.
Toute la salle retentit d'applaudissements, et une foule.de voix répètent : Oui, oui, tous doivent l'être, nous sommes tous citoyens !
Au même instant on apporte à Maillard une cocarde nationale de la part des gardes du corps.
II la montre aux femmes comme un gage de leurs dispositions pacifiques, et toutes s'écrient : Vive le Roi ! vivent les gardes du corps !
Je suis bien loin de partager les soupçons qui agitent tous les esprits ; mais je pense qu'il est nécessaire, pour le bien de la paix, d'engager Sa Majesté à prononcer le renvoi de ce régiment qui, dans la disette cruelle qui afflige la capitale et les environs, augmente les malheurs publics, ne fût-ce que par l'apgmentation nécessaire qu'il occasionne dans la consommation journalière.
L'Assemblée décide que M. le président se rendra à l'instant vers le Roi, avec ceux de MM. les députés qui voudront l'accompagner, pour lui demander nô»-seulement l'acceptation pure et simple de la déclaration des droits et des dix-neuf articles de la Constitution, mais pour réclamer aussi toute la force du pouvoir exécutif sur les moyens d'assurer à la capitale les grains et les farines dont elle a besoin.
M. le président se transporte chez le Roi, avec la députation, sur les cinq heures du soir.
M. de La Luzerne, évêque de Langres, l'un des ex-présidents, le remplace au fauteuil.
présidence de m. de la luzerne, évêque de langres.
Un de MM. les secrétaires donne lecture ainsi qu'il siiit de la liste dés nouveaux membres du comité des rapports :
MM.
Defermon (de Rennes). Long.
Roger.
Prieur.
Rousselet.
Ulry.
Brassart.
MM.
Gassendi.
De Clermont- Mont-Saint-
Jean.
Terrais.
De Lachèze.
Emmery.
Gaultier de Biauzat.
Mougins de Roquefort, dé- Guillaume.
puté des communes. Guiîlotin.
Bouchotte. De Luze de l'Etang.
MM.
MM.
Le baron de Batz. Le comte de Pardieu, prê-
Le comte de Grezolles. sident.
De Laville-le-Roux. Palasne de Ghampeaux,
Salle (de Metz). vice-prèident.
Le Pelletier de Saint-Far- Alquier, secrétaire.
geau. Blin, secrétaire.
Bion, secrétaire.
Un autre secrétaire donne lecture des offrandes patriotiques dont le détail sera consigné sur Je registre imprimé par ordre de l'Assemblée.
A six heures la députation envoyée au Roi n'est pas encore de retour.
Un membre propose d'en envoyer une seconde.
Cette proposition est rejetée.
Les citoyens et citoyennes venus de Paris sont toujours à la barre.
, membre de la députation, rapporte vers huit heures la réponse de Sa Majesté sur l'objet particulier de la disette des farines; elle est conçue en ces termes :
« Je suis sensiblement touché de l'insuffisance de l'approvisionnement de Paris. Je continuerai à seconder le zèle et les efforts de la municipalité par tous les moyens et toutes les ressources qui sont en mon pouvoir, et j'ai donné les ordres les plus positifs pour la circulation libre des grains sur toutes les routes, et le transport de ceux qui sont destinés pour ma bonne ville de Paris.
« Signé : Louis. »
donne ensuite lecture de l'ordre suivant que le Roi vient de sigûèr et que M. le comte dé Saint-Priest, secrétaire d'Etat, a contresigné :
« Le Roi, ayant appris par le président de l'Assemblée nationale le bruit répandu à Paris, qu'il se trouve des blés arrêtés à Senlis et à Lagny, ordonne, au cas que ce rapport soit exact, que ces blés soient, ainsi que ceux qui seront arrêtés ailleurs, transportés à Paris, sans délai ; Sa Majesté entendant qu'on n'apporte aucune résistance à ce qui peut servir à l'approvisionnernênt de Paris ; objet qu'elle veut être rempli de préférence à tout autre.
« A ces causes, ordonne Sa Majesté que les commandants militaires et officiers municipaux accomplissent exactement cette disposition.
« Fait à Versailles, le 5 octobre 1769.
« Signé: LOUIS.
« Et contresigné, le comte de Saint-Priest. »
Les cris de vive le Roi ! se font entendre de tous côtés. L'Assemblée voulant concourir, autant qu'il est en son pouvoir, à faire cesser la disette de pain qu'on éprouve à Paris, prend, après cette lecture de la réponse; du Roi, l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, instruite que plusieurs particuliers, et même quelques municipalités s'opposent à l'exécution des décrets des 29 août et 18 septembre derniers, au préjudice d'autres municipalités et de l'intérêt général du royaume,
« A décrété et décrète que toutes les municipalités du royaume seront tenues d'exécuter et faire exécuter les décrets des 29 août et lb septembre derniers, à peine contre les contrevenants
d'être déclarés perturbateurs de l'ordre public : en conséquence, autorise toutes personnes, et notamment celles qui sont chargées de commissions de leurs municipalités pour acheter des grains et farines, à réclamer le secours du pouvoir exécutif, et la force militaire pour procurer liberté et sûreté dans les marchés, et pour faciliter le transport des blés et farines achetés, à la charge de faire préalablement constater le refus et les contraventions par le premier officier public sur ce requis.
« Ordonne que le comité des recherches sera tenu de faire toutes les informations nécessaires contre les auteurs, fauteurs, complices, adhérents et instigateurs, de quelque état et condition qu'ils puissent être, qui ont apporté ou apporteraient quelque obstacle à la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume, ou qui favoriseraient l'exportation à l'étranger, pour, sur le rapport qui en sera fait, à l'Assemblée nationale, être statué ce qu'il appartiendra.
« Ordonne, en outre, qu'il sera affiché dans tous les marchés du royaume, des placards contenant les défenses portées par les décrets de l'Assemblée nationale, d'exporter aucuns blés, grains et farines hors du royaume, à peine d'être punis comme perturbateurs du repos public, et qu'il sera écrit par le président de l'Assemblée nationale une lettre circulaire, à toutes les municipalités, pour les inviter à procurer et faciliter la circulation des grains et farines ; que M. le président engagera de plus les municipalités des environs de Paris, à faire porter du pain dans la capitale par les boulangers de leurs arrondissements.
« L'Assemblée a statué déplus que le Roi sera instamment supplié d'envoyer le présent décret, ensemble ceux déjà faits concernant les subsistances, à tous les tribunaux du royaume pour être inscrits sur les registres, publiés et affichés, comme aussi de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'exécution pleine et entière du présent décret. »
Enfin pour ne négliger aucun des moyens propres à calmer l'agitation populaire que la disette du pain occasionne à Paris, l'Assemblée fait remettre par ses secrétaires, aux citoyens et citoyennes de la capitale, qui se trouvent à la barre, la copie collation née de ses décrets touchant les subsistances, du 29 août et du 18 septembre ; celle de la réponse du Roi et des ordres expédiés par Sa Majesté dans la soirée de ce jour, et enfin le nouveau décret relatif aux subsistances qui vient d'être rendu.
Il était neuf heures et demie du soir et la séance durait depuis neuf heures du matin. M. le vice-président la lève et indique la séance suivante pour demain neuf heures du matin.
Reprise de la séance.
Le plus grand nombre de MM. les députés avait quitté la salle, d'après l'ajournement de M. le vice-président, lorsque M. le président revient du château. La crise où l'on se trouve et des événements nouveaux le déterminent à rouvrir et à continuer la séance.
, président, annonce que le Roi, sur les représentations de l'Assemblée, a accepté purement et simplement la déclaration des droits ainsi que les dix-neuf articles de la Constitution. La réponse de Sa Majesté est ainsi conçue :
« J'accepte purement et simplement les articles de la Constitution et la déclaration des droits de l'homme, que l'Assemblée nationale m'a présentés.
« 5 octobre au soir.
« Signé : Louis. »
Un nombreux détachement de la garde nationale parisienne étant arrivé à Versailles sur les dix heures du soir, le Roi a rappelé près de sa personne M. le président, qui venait de quitter Sa Majesté. Le Roi a également appelé auprès de lui ceux de MM. les députés qui se trouvaient dans la salle.
s'est rendu auprès de Sa Majesté, avec un très-grand nombre de membres. Le Roi lui a dit : « Je vous ai fait appeler, parce que je voulais m'environner des représentants de la nation et m'éclairer de leurs conseils dans cette circonstance difficile ; mais M. de Lafayette est arrivé avant vous et je l'ai déjà vu. Assurez l'Assemblée nationale que je n'ai jamais songé à me séparer d'elle et que je ne m'en séparerai jamais. »
L'agitation de Paris, et le grand nombre d'habitants de la capitale qui se sont rendus à Versailles, ont déterminé M. le président à faire, à une heure après minuit, avertir MM. les députés au son du tambour.
L'Assemblée se trouve assez nombreuse à une heure et demie pour délibérer.
a répété le discours du Ro afin que le peuple, qui était en grand nombre dans la salle, en eût connaissance.
Un des secrétaires fait lecture du projet rédigé par le comité judiciaire, pour la réforme de quelques articles du code criminel.
Ce projet est mis à la discussion.
Les femmes qui se trouvaient encore en foule dans la salle, réclament la délibération sur les grains. Eh quoi ! s'écrient-elles, que nous importe la jurisprudence criminelle, quand Paris est sans pain !
Je prie M. le président de préserver la dignité de la délibération, en donnant ordre de faire retirer dans les galeries les étrangers répandus dans la salle. Ce n'est pas au milieu d'un tumulte scandaleux que les représentants de la nation peuvent discuter avec sagesse; et j'espère que les amis de la liberté ne sont pas venus ici pour gêner la liberté de l'Assemblée.
Un membre propose d'aller tenir la séance chez le Roi.
Je m'y oppose; il n'est pas de notre dignité, il n'est pas même sage de déserter notre poste au moment où des dangers imaginaires ou réels semblent menacer la chose publique.
parvient à faire évacuer la salle, et la séance continue jusqu'à trois heures du matin.
lève la séance après avoir annoncé qu'elle serait reprise le même jour à onze heures,
PRÉSIDENCE DE M. MOUNIER.
Séance du
Dès neuf heures du matin, de nombreux députés se trouvaient dans la salle. Les uns voulaient que l'on se rendît au château en disant que le président s'y était rendu cette nuit et qu'il avait indiqué la séance dans la galerie pour satisfaire aux désirs du Roi. Les autres s'élevaient contre cette proposition.
A onze heures, M. Je président arrive et ouvre la séance, en faisant donner lecture du procès-verbal de celle de la veille.
annonce que le Roi réclame les conseils des représentants de la nation dans les circonstances actuelles.
L'Assemblée charge deux de ses membres, MM. le marquis de Blacons et le comte de Serans, d'aller vérifier quelles sont les véritables intentions de Sa Majesté.
La question de savoir si l'Assemblée entière se rendra au château est mise en délibération.
propose d'entretenir entre l'Assemblée et le Roi une correspondance perpétuelle par l'entremise de commissaires. Vous devez, dit-il, mûrement et sérieusement délibérer, avant de décider que l'Assemblée doit se déplacer du lieu ordinaire de ses séances ; l'Assemblée doit toujours être tenante.
est d'avis que, pour ramener le calme dans des circonstances aussi difficiles, il ne faut s'inspirer que de son devoir, et que les principes qui retiennent l'Assemblée dans le lieu ordinaire de ses séances sont inapplicables à l'état actuel. Le Roi demande des conseils, c'est la mission des députés de satisfaire à sa demande.
Nous devons entretenir le feu du patriotisme et nous concerter avec le restaurateur de la liberté française pour la sûreté de l'Etal. Je pense qu'une partie de l'Assemblée doit tenir la séance et que l'autre doit demeurer chez le Roi avec une correspondance prompte.
Cette dernière proposition est adoptée en partie et l'Assemblée décrète qu'on enverra à Sa Majesté une députation de trente-six personnes.
Au dehors, on entend le bruit de la mousque-terie et on annonce, en môme temps, que le Roi va se rendre au sein de l'Assemblée.
M. Target est envoyé auprès de Sa Majesté pour connaître ses intentions.
Je pense toujours que nous devons être rapprochés du monarque, pour l'accélération
de notre ouvrage. Je demande qu'il soit décrété que le Roi et l'Assemblée nationale
seront inséparables, et j'observe
Vous allez avoir à conseiller le Roi sur la translation de sa personne ; vous aurez également à délibérer sur votre propre translatif, savoir : si le Roi et l'Assemblée demeureront ici, s'ils iront à Paris, s'ils se transféreront ailleurs; c'est ce qui ne peut être décidé que par les circonstances et après une mûre réflexion , mais il est certain que, dans tous les cas,ils ne doivent point se séparer; le salut et la paix du royaume, l'unité de la puissance publique et l'inviolable fidélité que nous devons au Roi nous le prescrivent également; cette résolution qu'aucune circonstance ne peut changer, et que toutes, au contraire, nous prescrivent, ne saurait être prononcée trop tôt ; je propose donc à l'Assemblée de délibérer sur-le-champ et d'adopter la motion de M. le comte de Mirabeau.
Un membre propose d'ajouter : pendant la session actuelle.
La motion et l'amendement sont mis aux voix et adoptés à l'unanimité. En conséquence, l'arrêté suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète :
« Le Roi et l'Assemblée nationale sont inséparables pendant la session actuelle. »
Les commissaires, qui avaient reçu mission de s'informer des intentions précises du Roi, rentrent dans la salle et disent que Sa Majesté a témoigné une grande sensibilité en apprenant
3ue l'Assemblée se disposait à lui envoyer une éputation.
En conséquence, un de MM. les secrétaires lit la liste des membres qui doivent se transporter auprès du Roi, savoir :
MM.
Renaud, député d'Agen.
Barnave.
Target.
Vicomte de Mirabeau. D'Anteroche, évêque
Condom.
Baron de Marguerjtles. Marquis de Lusignan. Comte de la Villarmois. Comte de Custine. Le Sergeant-d'Isbergues. Bouche.
Liliaz de Croze.
L'abbé Duplaquet. Vernier.
Marquis de Loras. Brassart.
Martineau.
Barrôre de Vieuzac.
MM.
Dillon, curé. De Boislandry.
Hennet.
Camus.
de Abbé d'Eymar.
Rabaud de Saint-Etienne. Garat, l'aîné.
Aubry du Bouchet. Tronchet.
De Ballidard-Rochefontaine. La Ville-Leroux.
Petion.
Populus.
Schwendt.
Champion de Cicé, évêque
d'Auxerre.
Landreau, curé.
Baron de Carondelet. Le Tellier, curé.
annonce à l'Assemblée nationale que l'intention du Roi est de se transporter, non pas à la séance, mais à Paris.
La députation se rend au château.
propose de nommer une seconde députation pour accompagner le Roi à Paris ; l'Assemblée en nomma dans des temps bien moins difficiles ; elle ne peut se dispenser de le faire aujourd'hui.
Cette proposition est adoptée à l'unanimité.
La députation qui avait été envoyée au Roi étant de retour rend compte de ce qui s'est passé.
, portant la parole, a dit :
MM.
La Poule.
Comte de Castellane.
Comte de Montmorency. De Talleyrand , évéque
d'Autun.
Cardinal de La Rochefoucauld.
D'Argentré, évêque de Limoges.
Duc de IMron.
Ricard, député de Castres. D'Ailly.
Ricard de Séalt.
De Ménonville de Villiers.
Martin, député de Béziers.
Salomon de la Saugerie.
Lombard de Taradeau.
Emmery.
Le Chapelier.
Dubois de Crancé.
Arnoult.
Merlin.
Marquis de Ëiancourt. Vicomte de Toulongeon. Dufraisse-Duchey.
Marquis de Langon.
Goupil de Préfeln.
Lebrun, curé.
Long.
Comte d'Estagniol.
Duc de Croi d'Havre. Duc de Praslin.
Aubry, curé.
Leclerc de Juigné, archevêque de Paris.
Abbé de Montesquiou.
Abbé Chevreuil.
Gros, curé.
Dom Chevreux.
Dumouchel, recteur de l'Université de Paris.
Legros, curé.
Abbé de Bonneval.
Veytard, curé.
Abbé de Barmond.
Comte de Clermont-Ton-nerre.
Chevalier, député de Paris. Target.
MM.
Duc de la Rochefoucauld. Comte de Lally-Tolendal. Comte de Rochechouart. Marquis de Lusignan. Dionis du Séjour.
Duport.
Le président Le Pelletier
de Saint-Fargeau.
Comte de Mirepoix. Marquis de Montesquiou-
Fezensac.
Bailly.
Camus.
Vignon.
Bevière.
Poignot.
Tronchet.
Debourg,e.
Martin eau.
Germain.
Guillotin.
Treilhard.
Berthereau.
Démeunier.
Garnier, député de Paris.
Leclerc, député de Paris.
Hutteau.
Dosfant.
Anson.
Lemoine, l'aîné.
L'abbé Sieyès.
Durartd, député du Quercy. Pellerin, député de Nantes. De Lachèze.
Comte d'Helmstat.
Melon de Pradoux. De Beauvais, ancien évêque
de Senez.
De Coulmiers, abbé d'Ab-
becourt.
Papin.
Duval D'Eprémesnil.
Duc de Castries.
Le président d'Ormesson.
Le bailli de Crussol.
Afforty.
Duvivier.
Glezen.
Billette.
MM.
Ducellier.
De Boislandry.
Lenoir de la Roche. Guillaume.
Rivière, député de Mende. Devoisins, député de Toulouse.
MM.
Marquis de Gouy-d'Arsy. Comte de Plas de Tane. Leymarie, curé.
Crenière.
De Cocherel.
Duc de Liancourt.
Prince de Broglie.
Sire,
« J'ai l'honneur de remettre entre les mains de Votre Majesté le décret par lequel l'Assemblée nationale vient de déclarer unanimement la personne de son Roi inséparable des représentants de la nation, pendant la session actuelle ; elle croit manifester un vu digne du cur de Votre Majesté, et consolant pour elle dans toutes les circonstances. »
Le Roi a répondu :
« Je reçois avec une vive sensibilité les nouveaux témoignages de l'attachement de l'Assemblée. Le vu de mon cur est, vous le savez, de ne jamais me séparer d'elle. Je vais me rendre à Paris avec la Reine et mes enfants ; je donnerai tous les ordres nécessaires pour que l'Assemblée nationale puisse y continuer ses travaux. »
De nombreux applaudissements accueillent cette réponse.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la liste des membres qui doivent accompagner le Roi à Paris, ce sont :
Pour faire voir que le vaisseau de l'Etat n'est pas eu danger, pour signaler à jamais cette journée mémorable de la concorde, je pense qu'il faut délibérer sur-le-champ sur le décret des impositions présenté par le ministre des finances, et sur l'adresse à envoyer aux commettants.
Cette motion a été adoptée et la discussion a été immédiatement ouverte.
Divers amendements ont été proposés sur quelques articles du projet de décret du comité des finances, relatif au plan du premier ministre de ce département.
Un premier amendement à l'article 8 a été admis.
On en avait proposé deux à l'article 10. La priorité ayant été réclamée et accordée en faveur du second, il a été discuté, soumis aux voix et admis.
Un troisième amendement, relatif à l'article 18, a été aussi adopté.
L'Assemblée délibérant sur un quatrième amendement présenté sous deux formes différentes, a admis l'amendement et la première des deux rédactions proposées.
Enfin, la totalité du projet d'arrêté, avec les amendements antérieurement délibérés, ayant été mise aux voix, l'Assemblée les a adoptés sous la forme et dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale,après avoir pris en considération le compte qui lui a été rendu par le premier ministre des finances, de la situation du Trésor public, des besoins ordinaires et extraordinaires de cette année et de l'année prochaine, pour fournir à toutes les dépenses courantes, et pour satisfaire à tous les engagements de l'Etat ;
« Considérant que le premier objet qui doit occuper l'Assemblée est de rassurer les peuples sur la crainte de voir augmenter leurs charges, et les créanciers de l'Etat sur la fidélité avec laquelle tous les engagements seront désormais remplis, et que ces deux avantages résulteront nécessairement du parti qu'elle a pris d'anéantir, par des réductions sur les dépenses, ou par des bonifications de recettes, toute différence entre les recettes et les dépenses fixes ;
« Ayant en conséquence pris la détermination positive d'opérer dès à présent, d'ici au premier janvier prochain, et préalablement à un travail plus approfondi, les réductions suivantes sur les dépenses montant à 35,814,000 livres,
« Savoir :
« Sur la dépense du département de la guerre.........
« Sur celui des affaires étrangères................. 1,000,000
« Sur la maison du Roi et des princes ses frères.......
« Sur les pensions,indépendamment des réductions ordonnées en 1788........... 6,000,000
« La dépense entière des haras..................... 814,000
20,000,000 livres.
1,000,000
« Total........... 35,814,000 livres.
« Ayant de plus déterminé la cessation du payement de 2,500,000 livres par an, qui devaient être versées encore pendant plusieurs années dans la caisse du clergé, pour aider à ses remboursements ;
« Considérant en outre que les contributions établies à l'avenir sur les biens des privilégiés, et en remplacement de tous les abonnements particuliers des vingtièmes, mettront les provinces en état d'acquitter, à la décharge du Trésor public, au moins 15 millions de dépenses ordinaires, détaillées dans le compte du premier ministre des finances, sans rien ajouter à la contribution des peuples ;
« Considérant encore, qu'outre les 53 millions détaillés ci-dessus,et les premières extinctions des rentes viagères, plusieurs autres objets d'économie lui ont été présentés dans les différents discours du premier ministre des finances, tant le 24 de septembre dernier, qu'à l'ouverture de l'Assemblée nationale, ainsi que dans le rapport du comité des linances, et que le résultat des opérations auxquelles elle va se livrer, en conséquence, achèvera incessamment de faire disparaître entièrement tout déficit, et d'abaisser les dépenses fixes au-dessous du niveau des recettes ordinaires ;
« Et à l'appui de ces dispositions, l'Assemblée nationale prend l'engagement solennel de maintenir les revenus publics à la somme nécessaire pour remplir tous les engagements de l'Etat, en remplaçant les impôts onéreux qu'elle a réduits, et qu'elle se propose de supprimer, par les contributions qui seront jugées nécessaires pour conserver constamment le plus parfait équilibre entre les recettes et les dépenses ;
« Considérant enfin que les besoins extraordinaires et ceux du moment exigent encore des dispositions particulières ; que de nouveaux emprunts ne pourraient qu'augmenter le déficit annuel; que plusieurs citoyens ont déjà manifesté le désir d'aller au secours de l'Etat par une taxe momentanée, relative à la fortune de chaque particulier; qu'il est urgent de tirer la patrie du péril dans lequel elle se trouve ; qu'il ne s'agit que d'un dernier effort, et que tout Français a un intérêt égal à contribuer au maintien *de l'ordre et de la foi publique,
« L'Assemblée nationale, en confirmant son décret du 26 septembre dernier, a décrété et décrète ce qui suit :
« Article 1er. Il sera demandé à tous les habitants et à toutes les communautés du royaume, aux exceptions près, indiquées dans l'un des articles suivants, une contribution extraordinaire et patriotique, qui n'aura lieu qu'une fois, et à laquelle on ne pourra jamais revenir pour quelque cause et par quelque motif que ce soit.
« Art. 2. Cette contribution extraordinaire et momentanée devant être égale et proportionnelle, est fixée par l'Assemblée au quart du revenu dont chacun jouit, déduction faite des charges foncières, des impositions, des intérêts par billets, ou obligations, des rentes constituées auxquelles il se trouve assujetti, et de plus, à deux et demi pour cent de l'argenterie, ou des bijoux d'or et d'argent dont on sera possesseur, et à deux demi pour cent de l'or et de l'argent monnayés que l'on garde en réservé.
«Art. 3. Il ne sera fait aucune recherche ni inquisition pour découvrir si chacun a fourni une contribution conforme aux propositions ci-dessus indiquées. L'Assemblée, pleine de confiance dans les sentiments d'honneur de la nation française, ordonne que chacun, en annonçant la contribution, s'exprimera de la manière suivante :
«e déclare, avec vérité, que telle somme.....dont je
contribuerai aux besoins de l'Etat, est conforme aux fixations établies par le décret de l'Assemblée nationale.
a Ou bien si cela est :
«Je déclare, etc..... que cette contribution excède la
proportion déterminée par le décret de l'Assemblée nationale.
« Art. 4. Ces déclarations se feront devant les municipalités des lieux dans lesquels on a son principal domicile, ou devant tels délégués nommés par ces municipalités.
« Art. 5. Les marchands et autres citoyens qui, dans quelques villes, payent leur capitation en commun, et sont imposés par un rôle particulier, jouiront de la même facilité pour le payement de leur contribution patriotique, et ils feront leur déclaration devant les syndics des communautés.
« Art. 6. Les personnes absentes du royaume enverront directement leurs déclarations aux municipalités de leur principal domicile, ou donneront leur procuration à telle personne qu'elles jugeront à propos de choisir, pour faire en leur nom cette déclaration.
« Art. 7. Toutes les déclarations devront être faites, au plus tard, avant le premier janvier de l'année prochaine, et les municipalités appelleront ceux qui seraient en retard.
« Art. 8. Il sera dressé, sans perdre de temps, un tableau du montant général des déclarations, afin que l'Assemblée nationale puisse avoir connaissance incessamment de l'étendue de cette ressource.
« Art. 9. Chaque municipalité aura un registre dans lequel les déclarations seront inscrites, et ce registre contiendra le nom des contribuants, et la somme à. laquelle ils auront fixé leurs contributions.
« Art. 10. En conformité de ce registre, il sera dressé un rôle des diverses sommes à recevoir de chaque particulier, lequel rôle sera remis aux mêmes préposés qui sont chargés de recevoir les vingtièmes ou la capitation, pour en faire le recouvrement, sans rétribution; et les deniers qui en proviendront seront remis aux receveurs des impositions,et aux trésoriers des provinces, qui les remettront, sans délai et sans frais de perception, au Trésor public.
«Art. 11. Le tiers de celte contribution totale sera payé d'ici au 1er avril 1790; le second, du l^ avril 1790 au 1er avril 1791; le troisième, du l8* avril 1791 au 1er avril 1792.
« Art. 12. Tous ceux qui voudront payer leur contrition comptant, en un seul payement, seront libres de le faire, et ils auront droit, pour leur avance, à la déduction de l'intérêt légal.
« Art. 13. Tous ceux dont le revenu n'est que de 400 livres, ensemble les hôpitaux et hospices, ne seront assujettis à aucune proportion; ils sont déclarés libres de fixer cette proportion, selon leur volonté.
« Art. 14. Les ouvriers et journaliers, sans propriétés ne seront obligés à aucune contribution; mais on ne pourra cependant rejeter l'offrande libre et volontaire d'aucun citoyen, et ceux déclarés exempts, par cet article, pourront se faire inscrire sur le rôle des contribuants, pour telle modique somme qu'il leur plaira de désigner.
« Art. 15. Au mois d'avril 1792, et à l'expiration du dernier terme désigné pour l'acquit final de la contribution patriotique, le registre des déclarations réellement acquittées sera clos et scellé par chaque municipalité, et déposé à son greffe, pour n'être ouvert de nouveau qu'à l'époque désignée dans l'article suivant.
« Art. 16. A l'époque où le crédit national permettra d'emprunter à quatre pour cent d'intérêt en rentes perpétuelles, circonstance heureuse et qui ouvrira de nouvelles ressources à l'Etat, il sera procédé successivement, et selon les disposilions qui seront alors déterminées, au remboursement des sommes qui auront été fournies gratuitement pour subvenir à la contribution extraordinaire délibérée par le présent décret.
« Art. 17. Le remboursement ne pourra être fait qu'au
contribuant ou à telle personne qu'il aura désignée dans si déclaration pour jouir après lui de ses droits. Si cette personne ainsi que le contribuant sont décédés à l'époque du remboursement, l'Etat sera affranchi de ce remboursement.
« Art. 18. Chaque municipalité sera tenue d'informer les administrations de la province de l'exécution successive des dispositions arrêtées par le présent décret, et ces administrations en rendront compte à un comité composé du ministre des finances et des commissaires qui seront nommés par l'Assemblée nationale, pour surveiller avec lui toute la suite des opérations relatives à la rentrée et à l'emploi de la contribution patriotique, ainsi que des avances dont il sera parlé en l'article suivant.
«Art. 19. L'Assemblée nationale s'en remet au Roi, du soin de prendre, avec la caisse d'escompte ou avec des compagnies de finances, tels arrangements qui lui paraîtront convenables, afin de recevoir d'elles des avances sur le produit de la contribution patriotique, ou sur telles autres valeurs exigibles qui pourront leur être délivrées.
«Art. 20. L'Assemblée nationale approuve que le premier ministre et le comité des finances examinent de concert les projets qui seront présentés pour la conversion de la caisse d'escompte en une banque nationale, et que le résultat de cet examen soit mis sous les yeux de l'Assemblée (1).
«Art. 21. L'Assemblée nationale invite les particuliers à porter leur argenterie aux hôtels des monnaies, et elle autorise les directeurs de ces monnaies à payer le titre de Paris, 55 livres le marc, en récépissés, à six mois de date, sans intérêt, lesquels récépissés seront reçus comme argent comptant dans la contribution patriotique.
« Art.22. L'Assemblée nationale autorise le Trésor public à recevoir, dans l'emprunt national, l'argenterie, au titre de Paris, à 58 livres le marc, à condition que, moyennant cette faveur particulière, on ne jouira pas de la faculté de fournir la moitié de la mise en effets portant cinq pour cent d'intérêt. »
Ensuite ayant approuvé la rédaction de l'adresse aux commettans, telle qu'elle avait étélue dans la séance du matin du 3 octobre, elle en a ordonné l'impression dans les termes qui suivent
« Les députés à l'Assemblée nationale suspendent, quelques instants, leur travaux, pour exposer à leurs commettants les besoins de l'Etat, et inviter le patriotisme à seconder des mesures "éclamées au nom de la patrie en péril.
« Nous vous trahirions, si nous pouvions le «is-stmuler ; la nation va s'élever aux plus glorieuses destinées, ou se précipiter dans un gouffre d'infortunes.
« Un grande révolution, dont le projet nous eût paru chimérique il y a peu de mois, s'est opérée au milieu de nous. Accélérée par des circonstances incalculables, elle a entraîné la subversion soudaine de l'ancien système ; mais sans nous donner le temps d'étayer ce qu'il faut conserver encore, de remplacer ce qu'il fallait détruire, elle nous a tout à coup environnés de ruines.
« En vain nos efforts ont soutenu le gouvernement ; il touche à une fatale inertie.
Les revenus publics ont disparu ; le crédit n'a pu naître dans un moment où les
craintes semblaient égaler les espérances. En se détendant, ce ressort
« Depuis que vos députés ont déposé, dans une réunion juste et nécessaire, toutes les rivalités, toutes les divisions d'intérêts, l'Assemblée nationale n'a cessé de travailler à l'établissement de lois qui, semblables pour tous, feront la sauvegarde de tous. Elle a réparé de grandes erreurs; elle a brisé les liens d'unefoulede servitudes qui dégradaient l'humanité ; elle a porté la joie et l'espérance dans le cur deshabitans de la campagne, ces créanciers de la terre et de la nature, si longtemps flétris et découragés ; elle a rétabli l'égalité des Français trop méconnue, leur droit commun à servir l'Etat, à jouir de sa protection, à mériter ses faveurs*, enfin, d'après vos instructions, elle élève graduellement, surlabase immuable des droits imprescriptiblesde l'homme, une Constitution aussi douce que la nature, aussi durable que la justice, et dont les imperfections, suite de l'inexpérience de ses auteurs, seront facilement réparées.
« Nous avons eu à combattre des préjugés invétérés depuis des siècles, et mille incertitudes accompagnent les grands changements. Nos successeurs seront éclairés par l'expérience ; et c'est à la seule lueur des principes qu'il nous a fallu tracer une route nouvelle. Ils travailleront paisiblement, et nous avons essuyé de grands orages. Ils connaîtront leurs droits et les limites de tous les pouvoirs: nous avons recouvré les uns, et fixé les autres. Ils consolideront notre ouvrage, ils nous surpasseront; et voilà notre récompense. Oui oserait maintenant assigner à la France le terme de sa grandeur? qui ne se réjouirait d'être citoyen de cet empire?
« Cependant telle est la crise de nos finances, que l'Etat est menacé de tomber en dissolution avant que ce bel ordre ait pu s'affermir. La cessation des revenus a fait disparaître le numéraire; mille circonstances le précipitent au dehors du royaume ; toutes les sources du crédit sont taries; la circulation universelle menace de s'arrêter ; et si le patriotisme ne s'avance au secours du gouvernement et de l'administration des finances qui embrasse tout, notre armée, notre flotte, nos subsistances, nos arts, notre commerce, notre agriculture, notre dette nationale, la France se voit rapidement entraînée vers la catastrophe où elle ne recevra plus de lois
que des désordres de l'anarchie....... La liberté
n'aurait lui un instant à nos yeux que pour s'éloigner, en nous laissant le sentiment amer que nous ne sommes pas dignes de la posséder ! A notre honte et aux yeux de l'univers, nous ne pourrions attribuer nos maux qu'à nous-mêmes 1 Avec un sol si fertile, avec une industrie si féconde, avec un commerce tel que le nôtre, et tant de moyens de prospérité, qu'est-ce donc que l'embarras de nos finances? Tous nos besoins du moment sont à peiue les fonds d'une campagne de guerre; notre propre liberté ne vaut-elle pas ces luttes insensées où les victoires même nous ont été funestes.
« Ce moment une fois passé, loin de surchar-
les peuples, il sera facile d'améliorer leur sort. Des réductions qui n'atteignent pas encore l'opulence ; des réformes qui ne feront point d'infortunés; des conversions faciles d'impôts, une égale répartition établiront, avec l'équilibre des revenus et des dépenses, un ordre permanent qui, toujours surveillé, sera inaltérable. Et cette consolante perspective est assise sur des supputations exactes, sur des objets réels et connus. Ici, les espérances sont susceptibles d'être démontrées, l'imagination est subordonnée au calcul.
Mais les besoins actuels ! mais la force publique paralysée ! mais, pour cette année et pour la
suivante, 160 millions d'extraordinaire 1......
Le premier ministre des finances nous a proposé, comme moyen principal pour cet effort qui peut décider du salut de la monarchie, une contribution relative au revenu de chaque citoyen.
Pressés entre la nécessité de pourvoir sansdélai aux besoins publics et l'impossibilité d'approfondir, en peu d'instants, le plan qui nous était offert, nous avons craint de nous livrer à des discussions longues et douteuses ; et ne voyant dans les propositions du ministre rien de contraire à nos devoirs, nous avons suivi le sentiment de la confiance, en préjugeant qu'il serait le vôtre. L'attachement universel de la nation pour l'auteur de ce plan nous a paru le gage de la réussite, et nous avons embrassé sa longue expérience comme un guide plus sûr que de nouvelles spéculations.
L'évaluation des revenus est laissée à la conscience des citoyens; ainsi l'effet de cette mesure dépend de leur patriotisme. Il nous est donc permis, il nous est ordonné de ne pas douter de son succès. Quand la nation s'élance du néant de la servitude vers la création de la liberté ; quand la politique va concourir avec la nature au déploiement immense de ses hautes destinées,de viles passions s'opposeraient à sa grandeur ! l'égoïsme l'arrêterait dans son essor! le salut de l'Etat pèserait moins qu'une contribution personnel I
Non,un tel égarement n'est pas dans la nature; les passions même ne cèdent pas à des calculs si trompeurs. Si la Révolution qui nous adonné une patrie pouvait laisser indifférents quelques Français, la tranquillité du royaume, gage unique de leur sûreté particulière, serait du moins un intérêt pour eux. Non, ce n'est point au sein du bouleversement universel, dans la dégradation de l'autorité tutélaire, lorsqu'une foule de citoyens indigents, repoussés de tous les ateliers de travaux, harceieront une impuissante pitié ; lorsque les troupes se dissoudront en bandes errantes, armées de glaives et provoquées par la faim ; lorsque toutes les propriétés seront insultées, l'existence de tous les individus menacée, la terreur ou la douleur aux portes de toutes les familles ; ce n'est point dans ce renversement que de barbares égoïstes jouiraient en paix de leurs coupables refus à la patrie ! L'unique distinction de leur sort, dans les peines communes, serait, aux yeux de tous, un juste opprobre ; au fond de leur âme, un inutile remords.
Eh ! que de preuves récentes n'avons-nous pas de l'esprit public qui rend tous les succès si faciles ! Avec quelle rapidité se sout formées ces milices nationales, ces légions de citoyens, armés pour la défense de l'Etat, le maintien de la paix, la conservation des lois! Une généreuse émulation se manifeste de toutes parts. Villes, communautés, provinces, ont regardé leurs privilèges comme des distinctions odieuses ; elles ont brigué l'hon-
neur de s'en dépouiller pour en enrichir la patrie. Vous le savez, on n'avait pas le loisir de rédiger en arrêtés les sacrifices qu'un sentiment vraiment pur et vraiment civique dictait à toutes les classes de citoyens, pour rendre à la grande famille tout ce qui dotait quelques individus au préjudice des autres.
Surtout depuis la crise de nos finances, les dons patriotiques se sont multipliés. C'est du trône, dont un prince bienfaisant relève la majesté par ses vertus, que sont partis les plus grands exemples. 0 vous, si justement aimé de vos peuples ! Roi, honnête homme et bon citoyen ! Vous avez jeté un coup d'il sur la magnificence qui vous environne; vous avez voulu : et des métaux d'ostentation sont devenus des ressources nationales. Vous avez frappé sur des objets de luxe, mais votre dignité suprême en a reçu un nouvel éclat : pendant que l'amour des Français, pour votre personne sacrée, murmure de vos privations , leur sensibilité applaudit à votre noble courage, et leur générosité vous rendra vos bienfaits comme vous désirez qu'on vous les rende, en imitant vos vertus, en vous donnant la joie d'avoir guidé toute votre nation dans la carrière du bien public.
Que de richesses, dont un luxe de parade et de vanité a fait sa proie, vont reproduire des moyens actifs de prospérité! Combien la sage économie des individus peut concourir avec les plus grandes vues pour la restauration du royaume 1 Que de trésors accumulés par la piété de nos pères pour le service des autels sortiront de l'obscurité pour le service de la patrie, et n'auront pas changé leur religieuse destination! « Voilà les réserves que j'ai recueillies dans des temps prospères, dit la religion sainte; je les rapporte à la masse commune dans des temps de calamité. Ce n'était pas pour moi; un éclat emprunté n'ajoute rien à ma grandeur ; c'était pour vous, pour l'Etat, que j'ai levé cet honorable tribut sur les vertus de vos pères.
Oh I qui se refuserait à de si touchants exemples ! quel moment pour déployer nos ressources et pour invoquer les secours de toutes les parties de l'empire! Prévenez l'opprobre qu'imprimerait à la liberté naissante la violation des engagements les plus sacrés. Prévenez ces secousses terribles qui, en bouleversant les établissements les plus solides, ébranleraient au loin toutes les fortunes, et ne présenteraient bientôt, dans la France entière, que les tristes débris d'un honteux naufrage. Combien ne s'abuse-t-on pas si, à une certaine distance de la capitale, on n'envisage la foi publique, ni dans ses immenses rapports avec la prospérité nationale, ni comme la première condition du contrat qui nous lie! Ceux qui osent prononcer l'infâme mot de banqueroute veulent-ils donc une société d'animaux féroces et non d'hommes justes et libres? Quel est le Français qui oserait regarder un de ses concitoyens malheureux, quand il pourrait se dire à soi-même : J'ai contribué pour ma part a empoisonner l'existence de plusieurs millions de mes semblables? Serions-nous cette nation a qui ses ennernis même accordent la fierté de l'honneur, si les étrangers pouvaient nous flétrir du litre de nation banqueroutière, et nous accuser dji n'avoir repris notre liberté et nos forces que pour commettre des attentats dont le despotisme avait horreur?
Peu importerait de protester que nous ne l'avons jamais prémédité ce forfait excécrable. Ah ! les cris des victimes dont nous aurions rempli l'Europe protesteraient plus haut contre nous!
Il faut agir; il faut des mesures promptes, efficaces certaines : qu'il disparaisse enfin ce nuage trop longtemps suspendu sur nos têtes, qui,
d'une extrémité de l'Europe a 1 autre, jette 1 effroi
parmi les créanciers delà France, et peut devenir plus funeste à ses ressources nationales , que tes fléaux terribles qui ont ravagé nos campagnes.
Que de courage vous nous rendrez pour les fonctions que vous nous aviez confiées! Gomment travaillerions-nous avec sécurité à la Constitution d'un Etat dont l'existence est compromise ? Nous avions juré de sauver la patrie; jugez de nos angoisses quand nous craignons de la voir périr dans nos mains ! il ne faut qu'un sacrifice d'un moment, offert véritablement au bien public et non pas aux déprédations de la cupidité. Eh bien ! cette légère expiation pour les erreurs et les fautes d'un temps marqué par notre servitude politique, est-elle donc au-dessus de notre courage? Songeons au prix qu'a coûté la liberté à tous les peuples qui s'en sont montrés dignes ; des flots de sang ont coulé pour elle ; de longs malheurs, d'affreuses guerres civiles ont partout marqué sa
naissance 1..... Elle ne nous demande que des
sacrifices d'argent, et cette offrande vulgaire n'est pas un don qui nous appauvrisse; elle revient nous enrichir et retombe sur nos cités, sur nos campagnes, pour en augmenter la gloire et la prospérité.
a levé la séance après l'avoir fixée à demain neuf heures du matin, et remise ensuite à ce soir sept heures.
Séance du
Les députés à l'Assemblée nationale s'étant réunis sur les huit heures du soir, la séance a commencé par la lecture des dons patriotiques, tels qu'il sont inscrits dans le registre destiné à cet usage.
Un membre a fait deux motions qui ont été adoptées et décrétées dans ces termes, savoir:
Pour la première :
« L'Assemblée nationale autorise les trésoriers des dons patriotiques à écrire toutes lettres et faire toutes démarches nécessaires, sous leur propre signature, pour faire rentrer les fonds destinés à leur caisse, et y établir un ordre convenable. »
Pour la seconde :
« L'Assemblée nationale autorise les trésoriers des dons patriotiques à faire estimer et vendre régulièrement, et de la manière qu'ils trouveront la plus avantageuse, ou à porter à la monnaie l'argenterie et les métaux déposés à leur caisse ; comme aussi de prendre les mesures les plus efficaces pour se défaire des diamants et autres pierreries qui leur ont été remis. »
La délibération, relative à ce dernier décret, a donné lieu au sieur Guillot,
huissier de l'Assemblée, d'offrir gratuitement son ministère pour remplir les vues de
MM. les trésoriers.
D'une adresse de félicitations, de remerciements et d'adhésion des citoyens de tous les ordres de la ville d'Uzès, en Languedoc, qui supplient l'Assemblée de procurer à la province, après la Constitution, l'établissement d'une assemblée provinciale;
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Casîelmoron, sénéchaussée d'Albret;
D'une adresse du même genre delà ville de Foval, au diocèse de Lavaur;
D'une délibération de la communauté de Coar-raze, en Béarn, par laquelle elle renonce dès à présent à la eonstitution.de la province, et adhère à tous les décrets et arrêtés de l'Assemblée nationale ;
D'une délibération de la ville de Vertus, en Champagne, par laquelle, pénétrée des plus grands sentiments de patriotisme, elle adhère au décret de l'Assemblée nationale, et elle accepte de confiance le plan proposé par le ministre des finances, si cher aux Français, pour venir au secours de l'Etat par la contribution du quart du revenu de chaque citoyen ;
Des adresses des villes de Moulins, Tannay, Douzy et Corbigny, en Nivernais, où elles adhèrent aux décrets et arrêtés de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux qui ont pour objet l'établissement d'impôts ou emprunts, révoquent toutes les clauses impératives que leurs mandats pourront renfermer, et une d'elles demande l'établissement d'un justice royale;
D'une délibération du comité électoral de la ville de Verneuil dans le Perche, où, malgré la désertion du directeur des droits d'aides et régies, elle arrête que lesdits droits continueront d'être perçus comme auparavant, jusqu'à ce qu'Usaient été supprimés par l'Assemblée nationale.
, député de Condom, lequel avait donné sa démission pour raison de santé, ainsi que cela est constaté dans le procès-verbal du 28 septembre, ayant rendu compte à l'Assemblée que des circonstances particulières l'engageaient à continuer ses fonctions, et en ayant demandé l'agrément, l'Assemblée y a consenti.
a proposé cette motion: « 11 sera établi un comité pour la marine, composé de neuf personnes ; ce comité sera chargé de se concerter avec le conseil de la marine, et le ministre de ce département, sur la fixation des forces navales, sur le nombre de troupes à entretenir dans les colonies en temps de paix, et de traiter des rapports du commerce maritime avec les forces navales destinées à le protéger; il rendra compte à l'Assemblée nationale de ses opérations, et prendra ses ordres sur l'adoption du plan à suivre dans cette partie de l'administration. »
a proposé de composer le comité
de douze membres, qui se concerteraient avec le îinistre et le conseil de la marine pour l'exa-
de
ministre et le conseil de la marine pour men de l'emploi des fonds affectés à ce département.
, député de la Guadeloupe, a développé les grands intérêts qui ressortissent au département de la marine dans les diverses parties du globe ; il a fait sentir les rapports de commerce et d'administration qui doivent unir la métropole aux colonies et a présenté le tableau des économies qui pourraient tourner au profit des armements ; il a conclu à ce que, vu la multiplicité des objets, le comité fût composé d'au moins douze membres, pris parmi les députés des villes maritimes et parmi ceux qu'une longue expérience a familiarisés avec l'ensemble des grands intérêts de la marine.
a proposé de faire entrer des négociants dans le comité.
Six amendements ont été proposés sur la motion ; mais l'Assemblée ayant considéré que les uns et les autres n'offraient que le développement des fonctions du comité demandé, elle a adopté la motion avec cette seule différence, qu'elle a fixé à douze le nombre des membres que la motion ne portait qu'à neuf, et elle a ordonné que tous les amendements seraient remis comme instructions au comité de marine.
renouvelle la motion qu'il a faite dans la précédente séance d'une adresse aux commettants, relative aux circonstances actuelles.
L'Assemblée décide que pour le moment, il n'y a lieu à délibérer.
lève la séance à dix heures du soir.
à, la séance de l'Assemblée nationale du
PROJET PROPOSÉ POUR LA CAISSE D'ESCOMPTE, PAR
, NOTAIRE, SUPPLÉANT DE LA DÉPUTATION DE PARIS (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale et renvoyé au comité des finances.)
Messieurs, ouvrir le plein payement, et à bureau ouvert, des billets de la caisse d'escompte, au plus tard, le 1er mars 1790 ;
Prêter à l'Etat 182 millions , dans l'année prochaine, qui seront employés exclusivement au payement des intérêts de la dette publique;
Payer, à bureau ouvert, sur des dividendes au porteur, les arrérages de Vannée entière 1789, des rentes perpétuelles et viagères;
Payer, ensuite, au mois d'octobre 1790 (2), les arrérages des six premiers mois de
cette année, aussi sur des dividendes au porteur, et ainsi suc-
Régénérer, en un mot, par cette opération, le crédit national, et celui de la caisse d'escompte.
Tel est le but, et tels doivent être nécessairement les effets du plan proposé.
Capital de la société de la caisse d'escompte.
La caisse d'escompte est propriétaire d'un capital de 100 millions, qui forme la garantie des valeurs qu'elle a dans son portefeuille, valeurs représentatives ides billets de caisse en circulation ; c'est-à-dire, que s'il existe dans les mains du public pour 100 millions de billets, la caisse d'escompte a alors 200 millions de valeurs pour en répondre. Fait démontré jusqu'à l'évidence dans le discours prononcé en 1787, à l'assemblée des actionnaires, par M. Duclos-Dufresnoy, discours imprimé en suite de la lettre à M. le comte de Mirabeau, sur sa motion concernant la caisse d'escompte.
Mais de ce capital, elle n'a que 30 millions dans ses coffres.
Les 70 millions, faisant le surplus, ont été déposés au Trésor royal, et convertis en une quittance de finance non disponible.
Cette indisponibilité des 70 millions a été jusqu'à présent considérée comme un gage nul aux yeux des porteurs de billets de la caisse : la raison en est simple.
Le public n'a eu d'inquiétude sur les billets de la caisse que lorsque les finances du gouvernement ont été évidemment dans la détresse, et dès lors c'est avec raison que les porteurs de billets ont jugé que le gage devenait nul, non en dernière analyse, mais pour la fidélité exacte du payement à vue des billets de caisse, fidélité de payement qui forme la base fondamentale de l'institution de la caisse d'escompte.
Aussi la première partie de ce plan a-t-elle pour objet de vivifier, de régénérer ce gage, et dans l'opinion publique, et dans les mains de la caisse d'escompte.
Pour y parvenir, la quittance de finance de 70 millions sera dès à présent convertie en 25,000 annuités au porteur, de 2,800 livres de capital chacune, composée de 30 coupons.
Les deux premiers dividendes échéant en avril et octobre 1790 seront uniquement pour le payement des intérêts des 70 millions, et les 28 derniers cumuleront, de semestre en semestre, le remboursement de la vingt-huitième portion du capital avec le payement des intérêts; c'est ce qui a été connu autrefois en France, et ce qui est encore plus connu en Angleterre, sous la dénomination d'annuités.
Par le calcul fait à cet égard, si l'Assemblée nationale se détermine à destiner, de semestre en semestre, un fonds d'amortissement de 1,750,000 livres , à compter du semestre qui écherra au 1er avril 1791, l'Etat, au 1er octobre 1804, sera libéré de ce capital de 70 millions, dû à la caisse d'escompte.
Ce fonds d!amortissement, étant destiné à entrer annuellement dans les coffres de
la caisse d'escompte, n'aura pas l'inconvénient que pourront avoir les autres fonds
d'amortissement, qui, remis
Ce fonds d'amortissement procurera une ressource nationale en cas de guerre : car en augmentant successivementetannuellement lesforces réelles de la caisse d'escompte,cette caisse pourra alors donner à la nation les premiers secours, les premiers moyens nécessaires pour des préparatifs de guerre, moyens qui en imposent à 1 ennemi et conservent la paix.
Ces annuités disponibles formeront enfin, dans le plan proposé, un objet de gage et de sûreté pour le succès de l'emprunt dont il va être parlé, à faire par la caisse d'escompte.
Payement, à bureau ouvert, et sur dividendes au porteur des intérêts de la dette publique.
Si le projet est adopté, un mémoire particulier prouvera la possibilité de payement par la caisse d'escompte des dividendes au porteur, nonobstant la quantité des parties prenantes (1 ).
C'est un bureau particulier étranger à la caisse d'escompte, qui sera chargé de la vérification des certificats de vie. Un timbre, ou visa apposé aux dividendes viagers, les rendra payables à la caisse.
Ce mémoire indiquera les moyens conservatoires des douaires, des substitutions, des hypothèques, et enfin des droits des survivanciers aux rentes viagères (2).
On observe que les cahiers de la ville de Paris demandent que tous les titres des créanciers actuels de l'Etat soient convertis, et rendus uniformes avec le caractère de consolidation, consentie par l'Assemblée nationale.
Cette conversion, votée par les cahiers de Paris, a eu deux motifs :
Le premier, celui de faire disparaître cette multitude de dénominations d'effets publics, et de rendre leur sort, comme leur titre, uniforme.
Le second, de faire disparaître ces traces honteuses de banqueroute de ll^O et 1770, dont les titres des créanciers de l'Etat présentent chaque jour aux yeux du public le tableau et renouvellent le souvenir.
Ainsi ce projet a l'avantage de remplir le vu des cahiers de Paris.
La caisse d'escompte est destinée, dans ce plan, à devenir caisse nationale, elle
payera en 1791 la totalité des intérêts de la dette publique ; mais elle commencera
seulement en 1790 les fonctions de cette caisse nationale, et elle pavera, savoir :
91 millions au mois d'octobre, pour les six premiers mois 1790.
273 millions. Total.
L'administration des finances, libérée de tous soins pour pourvoir au payement de ces 182 millions, subviendra aux besoins actuels par la négociation de valeurs représentatives des fonds qu'elle avait destinés, de mois en mois, à compter du 1er janvier 1790, au payement des intérêts de
1789 de la dette publique.
Enfin, s'il était, en dernière analyse, impossible de négocier la totalité de ces valeurs , il resterait la ressource de leur attribuer des intérêts jusqu'au jour de leur échéance, et de les donner librement en payement sous la garantie des décrets de l'Assemblée nationale aux parties prenantes sur l'exercice de 1789, qui préféreraient ces valeurs à un retard de payement.
Il est essentiel d'observer que cette ressource employée, en dernière analyse, ne sera, pour ainsi dire, que provisoire et qu'instantanée : ces valeurs ainsi données s'éteindront successivement en 1790, par leur payement de mois en mois.
L'Assemblée nationale décrétera qu'à raison de l'avance de 182 millions, la caisse d'escompte sera subrogée aux droits des créanciers d'intérêts de la dette publique ; elle décrétera aussi que la caisse d'escompte sera payée de cette avance, en reconnaissances du garde du Trésor royal, aux porteurs de 1,000 livres chacune, et productives de 3 0/0 d'intérêt, depuis le 1er avril
1790 jusqu'au 1er octobre 1791, et de 5 0/0 d'intérêt, à compter du 1er octobre 1791 (1).
11 résulte de cette disposition deux avantages pour l'arrangement des finances du gouvernement.
Le premier, la nation ne sera grevée d'aucun remboursement sur ces 182 millions, mais conservera seulement la faculté de le faire dès l'instant que ce prêt sera productif d'un intérêt à 5 0/0.
Le second, c'est la prorogation jusqu'au lar octobre 1791, de la quittance de ce prêt au modi- ' que intérêt de 3 0/0, au lieu que dans le plan proposé à l'Assemblée nationale, le gouvernement était obligé au remboursement partiel de cette avance par égale portion, de mois en mois, depuis le mois de janvier 1791, jusqu'au l«r mai 1792.
Quant aux 91 millions que la caisse d'escompte payera au mois d'octobre 1790, pour
le semestre 4 des six premiers mois, la valeur en sera fournie à la caisse
d'escompte en assignations payables de mois en mois, à compter de janvier 1791, soit
sur les revenus publics, soit sur le deuxième tiers de la contribution patriotique
payable en avril 1791, au moyen de quoi les mêmes valeurs que le premier ministre
des finances avait, dans
Ces négociations faites successivement, à commencer du mois de juillet 1790, auront l'avantage de diminuer trés-promptement la masse des billets de la caisse d'escompte qui auront été mis en circulation pour les payements faits en avril, mai et juin des intérêts de la dette publique.
Tous les frais d'escompte de négociations de ces valeurs seront à la charge du gouvernement, il en sera usé de même et successivement pour le payement des autres semestres d'arrérages de la dette publique (1).
Mais la caisse d'escompte bonifiera au gouvernement les intérêts à 4 0/0 des fonds entrés dans sa caisse, avant l'ouverture du payement du semestre, intérêts provenus de la négociation des valeurs qui lui auront été remises.
C'est ainsi que la caisse d'escompte sera remplie des 273 millions qu'elle payera en 1790 à la décharge de l'administration des finances.
Cette avance se continuera d'année en année, jusqu'à ce que la nation juge convenable de se libérer de ce prêt.
Ainsi l'Assemblée nationale trouvera dans ce projet un soulagement énorme, celui de 273 millions appliqués au payement de la partie la plus sacrée de la dette exigible.
Enfin, il est facile de sentir quelle impulsion donnera au crédit national un payement de 273 millions fait en 1790 sur les intérêts de la dette publique.
La principale cause, et du discrédit et de la rareté du numéraire , provient des retards successifs qu'a éprouvés le payement d'intérêts de la dette (2).
La raison en est simple, les hommes vivent avec leurs revenus et non .avec les capitaux, et lorsque le créancier de l'Etat aperçoit des embarras dans les finances du gouvernement, lorsqu'il a éprouvé successivement des retards dans le payement de ses intérêts, il se précaulionne contre de plus grands retards : il diminue sa dépense annuelle, il entasse ses écus, et c'est par une multitude de thésaurisations particulières , fruits de la prudence et de la prévoyance, que le numéraire disparaît.
Ainsi, un des principaux moyens de rendre de l'activité à lacirculation interceptée
du numéraire et de régénérer le crédit de la nation et de la caisse d'escompte,
c'est de rendre inviolable le payement, à bureau ouvert, des intérêts de la dette
publique.
Moyen (1) et possibilité de payement, en avril 1790, des intérêts de la dette publique.
La caisse d'escompte empruntera la somme de 182 millions, par souscriptions au porteur de 2,000 livres chacune; le souscripteur en payera le cinquième, c'est-à-dire 400 livres en levant sa souscription ; il sera tenu de payer les quatre autres cinquièmes un mois après les proclamations d'appel faites par la caisse d'escompte, mais aucune proclamation ne pourra être faite avant le 15 mars 1790. Ainsi, les souscripteurs ne seront tenus à aucun payement avant le 15 avril.
Les proclamations d'appel ne pourront être faites chaque fois que pour un cinquième de capital de la souscription.
Ainsi, en supposant qu'elles se succèdent sans interruption, le payement des quatre cinquièmes de la souscription ne pourra être exigé avant les 15 avril, 15 mai, 15 juin et 15 juillet 1790 (2).
Mais faute d'avoir fourni à ces appels successifs, toute mise antérieure de souscription sera irrévocablement perdue. La caisse d'escompte sera autorisée à vendre sur la place la souscription en retard de payement, et le prix de la négociation appartiendra en totalité, à perte et profit, à la caisse d'escompte.
Les souscripteurs jouiront de l'intérêt à 5 0/0 de leur mise, à compter seulement de la date du jour du premier et des autres subséquents payements de leur souscription ; chaque souscription sera payable en totalité par la caisse d'escompte dans l'année préfixe du payement du premier cinquième.
Ainsi, la caisse d'escompte aura différents termes d'exigibilité pour le payement des sommes qu'elle aura reçues des souscripteurs, ce qui lui donnera la facilité de renouveler cette même souscription à un taux plus modéré.
11 sera attribué aux souscripteurs une prime de 1 0/0 sur le capital entier de leur souscription.
D'où il résulte que les souscripteurs, en payant un cinquième de leur mise, ne sont tenus à aucun appel, ils auront placé leur argent à 10 0/0 pour un an (3) : en voici la preuve.
20 liv. pour l'intérêt à 5 0/0 de la mise de 400 livres.
-eription.
40 liv. Total du produit d'un an d'une mise de 400 livres.
Si les souscripteurs sont obligés de fournir, à la deuxième mise, ou aux subséquentes, cet avantage d'intérêt qui leur est présenté s'affaiblira.
Mais toutes les probabilités se réunissent pour le non-payement des quatre autres cinquièmes.
La marche actuelle des décrets de l'Assemblée nationale va opérer incessamment l'établissement des municipalités dans tout le royaume, l'établissement de ces municipalités rétablira la perception des imposions suspendues par l'anarchie actuelle; dès lors l'abondance du numéraire renaîtra dans la capitale.
En effet, Paris consomme pour sa subsistance les denrées et de l'étranger et de toutes les provinces qui l'avoisinent, et lorsque le Trésor royal ne reçoit point le produit des impositions des différentes provinces du royaume, la dépense journalière de 7 à 800,000 habitants, et l'exportation, et dans les provinces et dans l'étranger, du prix des subsistances, absorbe chaque jour une quantité énorme de numéraire dont la perception des impôts peut seule faire le remplacement.
Lorsque la disette du numéraire se fait sentir dans la capitale, l'alarme se répand dans les villes de commerce ; les thésaurisations particulières se multiplient de proche en proche, et toutes ces thésaurisations répandues sur 24 millions d'habitants font disparaître, pour ainsi dire, dans une très-grande brièveté de temps, les 2 milliards ou environ de numéraire qui existent en France.
La perception des impositions et leur rentrée exacte dans le Trésor public seront donc évidemment le salut de la patrie : conséquemment cette perception fixera l'attention de toutes les municipalités; elles jugeront qu'en vain l'Assemblée nationale aurait élevé le superbe monument de la liberté française, s'il n'était pas soutenu ensuite par le concours du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif, et par l'ordre dans les finances du royaume.
Le payement du premier tiers de la contribution patriotique qui doit être fait en avril 1790 concourra à l'augmentation du numéraire dans la capitale.
Les rentiers, les banquiers, les financiers, les marchands et tout le peuple, en un mot, parisien, qui a si longuement souffert des calamités publiques et de la rareté du numéraire, formeront en quelque sorte une coalition universelle d'intérêt pour soutenir la caisse d'escompte. Gomment dès lors pourrait-on redouter des conspirations isolées d'ennemis de la liberté française, ils seront tous vaincus à ces époques des mois de mars et d'avril, ou du moins ils jugeront alors l'impuissance de leurs efforts.
Toutes les probabilités se réunissent donc pour assureretlesactionnaires de la caisse d'escompte, et les souscripteurs que la première mise de la souscription suffira pour soutenir le plein payement, à bureau ouvert, en mars, des billets de la caisse, et ensuite leur émigration en avril et dans les mois suivants.
Multiplions «ncore de plus en plus les motifs de confiance et de tranquillité.
Le payement des intérêts de la dette publique n'aura pas été fait exactement pendant 15 jours par la caisse d'escompte que ces mêmes dividendes d'intérêt deviendront avec les billets de la
caisse des seconds billets de confiance; et, attendu leurs diverses quotités de sommes, ils serviront d'appoints dans les payements faits en billets de caisse.
Le payement entier des intérêts de la dette publique de 1789 rendra moins nécessaires et moins multipliés les besoins de l'escompte ; car il est démontré que la majeure partie des besoins d'escompte naissent des retards de payement des intérêts de la dette publique.
A cette époque, tous leè arrangements de finances seront faits par l'Assemblée nationale.
Ainsi, la confiance publique sera évidemment rétablie et parfaitement consolidée : conséquemment c'est avec facilité que les souscripteurs satisferaient aux appels qui pourraient être faits alors par la caisse d'escompte.
Enfin, il est prouvé par l'expérience des opérations de la caisse d'escompte, qu'avec un capital seulement de 30 millions, elle a soutenu une circulation de 120 millions de billets et un escompte de 255 millions par semestre.
Or, au moyen du payement de la première souscription montant à 36,400,000 livres, et de son capital primitif de 30 millions, elle aura en activité un capital de 66,400,000 livres qui pourrait, dans la proportion arithmétique, supporter une émigration de billets de 264 millions ; mais jamais cette émigration ne s'élèvera à beaucoup près à cette somme.
D'ailleurs, il est possible d'affaiblir la masse de ces billets circulant dans la capitale, par un moyen qui dépend uniquement du pouvoir exé-
Il suffit, en effet, que le premier ministre des finances ordonne à tous les collecteurs et receveurs d'impositions publiques, dans tout le royaume, de recevoir en payement les billets de la caisse d'escompte pour les transmettre ensuite au Trésor royal, et alors la masse de ces billets sera insensible par la sous-division dans toutes les provinces ; alors, ils seront admis librement et successivement dans toutes les villes de commerce comme signes représentatifs dii numéraire.
Pour faciliter cette circulation dans les provinces, il sera prudent d'adopter la forme pratiquée en Angleterre pour éviter le vol ou la perte de ces billets ; cette forme anglaise consiste à faire des billets à ordre et à vue, mais qui ne sont payables que quelques jours après leur présentation à la caisse.
La caisse d'escompte pourra enfin encourager la levée de cette souscription, en recevant le payement de l'argenterie sur le pied de 55 livres le marc ; par ce moyen, les patriotes timides qui ne portent pas leur argenterie à la Monnaie, parce qu'elle n'est pas payée comptant, s'empresseront de l'échanger contre cette souscription, et en 4 faisant le sacrifice d'un objet de luxe stérile, ils retireront, dans la révolution d'une année, 60 livres par chaque marc d'argent.
Payement à bureau ouvert des billets de la caisse d'escompte au 1er mars 1790.
oAannaS-d'escomPte aura reçu, à cette époque, 3b,400,000 livres pour la première mise delà souscription.
A cette époqiie, le montant des valeurs fournies par le gouvernement pour les avances que la caisse d'escompte a, jusqu'à ce jour faites, à l'administration des finances, ou seront rentrées, ou seront faciles à négocier : elles sont assignées sur la contribution patriotique dont l'échéance est en avril 1790; ainsi, n'ayant qu'un mois à courir, elles seront d'une facile négociation, avec
d'autant plus de raison qu'elles serviront à ceux ui les auront prises à l'escompte au payement u premier tiers de la contribution.
Par la négociation de ces valeurs, par le payement de la première mise des souscripteurs, la masse des billets de caisse qui est actuellement de 114 millions sera au lfer mars réduite a environ 27 millions (1). .
Enfin à cette époque les administrateurs auront augmenté le numéraire effectif de la caisse, soit par des fabrications de piastres, ou autrement : ils pourront même faire des opérations pour faire disparaître ce désavantage désastreux
de notre change avec l'étranger. ,
Une des opérations les plus efficaces a cet égard serait d'ouvrir et de faire remplir par quelque puissante maison de banque, soit d Angleterre, soit de Hollande, la souscription d emprunt proposé par la caisse d'escompte.
11 n'est aucun discrédit, il n'est point de méfiance qui ne soient susceptibles d'être subjugués, tant par le véhicule d'intérêts que par le concours de sûretés, de gages et de nantissements. , ,, , ,
On a vu qu'indépendamment d un capital de 30 millions, formant une partie des fonds que la caisse d'escompte possède dans ses coffres, elle aura encore, en créances sur la nation converties en effets au porteur et disponibles 252 millions de capitaux, savoir : , .
70 millions, montant de la conversion de la quittance de finances de pareille somme, en annuités.
182 millions de reconnaissances au porteur, du Trésor royal, pour l'avance des payements des intérêts de la dette publique.
252 millions (2).
Voilà donc la caisse d'escompte qui est en état de donner aux étrangers un gage tel qu'ils pourront le désirer pour vaincre jusqu]aux derniers retranchements la méfiance des prêteurs étran-
«ers;
On sait d'ailleurs que les capitalistes étrangers mettent singulièrement leur confiance, pour leur placement d'argent, ou dans les principales maisons de banque, ou dans les courtiers ou les agents de change. Or l'administration de la caisse d'escompte est composée, en majeure partie, des chefs des principales maisons de banque de^la capitale. Us emploieront tous les ressorts de l'amitié et de la confiance qui résultent nécessairement d'une longue relation d'affaires, pour déterminer leurs amis, chefs des principales maisons de banque de l'étranger, à concourir avec eux, pour remplir la souscription proposée.
RÉSUMÉ.
Ou la souscription proposée aura été payée en totalité ou elle l'aura été seulement
en partie.
S'il n'est fourni par les souscripteurs que la première mise de 3o,400,000 livres formant le premier cinquième, alors pour l'avance faite au gouvernement il y aura seulement 145,600,1)00 livres de billets en émigration.
Si les souscripteurs fournissent au second appel d'un cinquième, alors les billets en émigration se réduiront à 109,200,000 livres,
S'ils fournissent à l'appel de la troisième mise, ils seront réduits à 72,600,000 livres, et ainsi successivement : tel est le résultat de cette opération »
Ainsi, en présentant la solvabilité de la caisse d'escompte pour le payement d'une supposition de 182 millions de billets en émigration, on présente aussi la sûreté des engagements de cette caisse vis-à-vis des souscripteurs.
Voici le tableau du gage énorme qui doit inspirer la confiance des porteurs de billets de la caisse, ou celle des souscripteurs.
30 millions de fonds effectifs en activité.
70 millions, disponibles par la conversion de la quittance de finance en annuités correspondantes à la quantité et aux numéros des actions.
Cette disposition des 70 millions en annuités remboursables d'années en années, ouvrira pour l'avenir une ressource, celle d'un appel de fonds sur les actionnaires et la caisse en remettant à chaque actionnaire l'annuité dont le numéro correspondra à celui de son action, procurera par cette remise d'annuité la facilité de satisfaire à l'ap-
Sel de fonds -, et par cette opération 'appel il n'y aura aucun changement, ni dans le capital de la société, ni dans son diviseur : la société sera toujours composée de 25,000 actions, et chaque action du même capital de 4,000 livres. 182 millions, montant des 182,000 reconnaissances au porteur, de 1,000 livres chacune.
282 millions. Total pareil.
Ces 282 millions, négociables et disponibles, excéderont donc de 100 millions le montant ou des billets de la caisse mis en circulation pour le prêt fait au gouvernement, ou des engagements contractés par la caisse envers les souscrip-tGiirs»
En dernière analyse, ce plan, en donnant des valeurs disponibles et négociables entre les mains de la caisse d'escompte, a lë double avantage de vaincre, jusqu'aux derniers retranchements, la méfiance, soit des porteurs de billets de caisse, soit des prêteurs par voie de souscription, et de rendre à la caisse d'escompte les principes fondamentaux de son institution, c'est-à-dire de rétablir les payements, à bureau ouvert, de ses billets de caisse, à l'époque au plus tard du premier mars 1790.
PIÈCE JUSTIFICATIVE.
Calcul des 70 millions de la quittance de finance convertie en annuités.
Cet état suppose un payement par semestre de 3,500,000 livres dont :
1,750,000 1. » f. » d. pour les intérêts des 70 millions. ? 1,750,000 » » en remboursement sur le capital.
3,500,000 » » somme pareille.
Conséquemment la dégradation des intérêts à mesure du remboursement sur le capital.
En divisant 70 millions de capital par 25,000, nombre égal aux actions, chaque annuité représente un capital de 2,800 livres.
Et en divisant 3,500,000 livres, qui sera le payement de chaque semestre à compter du 1er avril 1791 (1), chaque annuité aura à recevoir par semestre 140 livres Le dernier semestre seul échéant au 1er octobre 1804 sera de 149 liv. 16 fr. 3 d.
Au moyen de cette division par 25 mille, s'il arri vait la liquidation de la caisse d'escompte, chaque action recevrait l'annuité correspondance à son n° d'actions.
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, 3,500,000 n »
. 30,823,889 14 9
770,597 4 10
. 31,594,486 19 7
. 3,500,000 » »
. 28,094,436 19 7
702,362 3 6
. 28,796,849 3 1
. 3,500,000 » »
. 25,296,849 3 1
632,421 4 7
. 25,929,270 7 8
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. 22,429,270 7 8
560,731 15 2
. 22,990,002 2 10
. 3,500,000 » »
. 19,490,002 2 10
487,250 11 1
. 19,977,252 13 11
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16,477,252 13 11
411,931 6 11
, 16,889,183 10 »
: 3,500,000 » »
13,389,183 10 »
334,729 11 9
13,723,913 1 9
3,500,000 » »
10,223,913 1 9
255,597 16 6
10,479,510 18 13
3,500,000 » »
6,979,510 18 3
6,979,510 18 3
Report 36,084,606 1.10 s. 8 d.
/ Intérêts 902,115 3 3
Payement...
Reste. Intérêts ....
Total. Payement ..
Reste. Intérêts ....
Total . Payement ...
Intérêts.
Payement..
Reste .
Intérêts....
Total. Payement..
Reste. Intérêts ....
Payement...
Reste. Intérêts ....
Payement ,
Intérêts.
Intérêts
Total. Payement...,
Reste . Intérêts
Total. , Payement...,
Reste. .
A reporter
Report......... 6,979,510 1.18 s. 3 d.
( Intérêts..... 174,487 15 5
14
1er avril 180i..\ Total.. 7,153,998 13 8
^ Payement... 3,500,000 » »
Reste. . 3,653,998 13 8
Intérêts..... 91,349 19 4
Somme à payer pour solde au 3,745,348 1. 13 f. 12 d.
Report 6,979,510 1.18 s. 3 d.
( Intérêts 174,487 15 5
14
REPONSE
aux observations faites sur le projet de M. Duolos-Dufresnoy.
Objection.
On demande comment il est possible que la caisse d'escompte présente aux souscripteurs l'espoir de l'avantage d'un placement à 10 0/0, qu'elle ne retire que 3 0/0 d'intérêt du prêt lait au gouvernement, et que cette opération ne soit pas onéreuse aux actionnaires.
Réponse.
C'est que le produit de 3 0/0 de 182 millions, est plus fort que celui à 10 0/0 de 36,400,000 livres : en voici la preuve :
L'intérêt à 3 0/0 de 182 millions, payé par l'Etat à la caisse d'escompte, est pour un an de..........................51,460,000 livres.
L'intérêt à 10 0/0, y compris la prime accordée aux souscripteurs des 36,400,000 livres,
sera pour un an, de......... 3,640,000
Gonséquemment les actionnaires de la caisse d'escompte,
auront un bénéfice annuel (1)
de.......................... 1,820,000
Gonséquemment les actionnaires auront intérêt de continuer ce prêt, et la nation de le conserver, attendu son modique intérêt de 3 0/0.
Dans une opération de ce genre, il est juste qu'il y ait une chance possible de perte comme de profit.
On vient de donner la preuve arithmétique de la chance de profit.
Mais il y aura une chance de perte, non sur le capital, mais sur le dividende des actionnaires, si la caisse d'escompte est obligée de faire les appels successifs de la souscription, et d'en payer les intérêts aux souscripteurs.
Jamais l'appel des seconde et subséquentes mises des souscripteurs n'a eu lieu en Angleterre, et il est très-probable qu'il n'aura pas lieu en France.
En effet, la solvabilité de la caisse d'escompte et la possibilité de payement de
ses billets sont démontrées jusqu'à l'évidence, on ne saurait trop en répéter la
preuve.
PASSIF.
182,000,000 de billets en circulation pour le payement intégral des intérêts de la dette publique.
80,000,000 aussi de billets en circulation, pour l'escompte des effets de commerce.
262,000,000 Total du passif.
ACTIF.
Les valeurs de responsabilité du passif seront : 182,000,000 de reconnaissances au porteur de 1,000 livres chacune, productives d'intérêt et décrétées par l'Assemblée nationale, pour le prêt l'ait au gouvernement par la caisse d'escompte.
80,000,000 montant des lettres de change de commerce escomptées, lettres garanties au moins par trois signatures. 100,000,000 formant le capital des actionnaires, dont 30 millions effectifs et 70 millions en annuités au porteur, remboursables en quatorze ans.
362,000,000 Total de l'actif.
Ainsi, indépendamment des bénéfices du semestre qui sont couramment dans les coffres de la caisse, l'actif surpassera de 100 millions le passif.
Cette démonstration évidente aux yeux du public suffit pour soutenir le crédit des billets de la caisse.
Mais il sera soutenu encore par un grand concours d'intérêts personnels :
Celui des actionnaires de la caisse d'escompte ;
Celui des commerçants, des financiers et autres particuliers qui reçoivent journellement de la caisse des secours d'escompte;
Celui des souscripteurs à l'emprunt, [intéressés à s'affranchir des appels sur leurs souscriptions ;
Celui des rentiers et créanciers des intérêts de la dette publique, débarrassés désormais de toutes les formes contentieuses, et assurés du payement exact et invariable de leurs rentes, à bureau ouvert, au 1er avril et octobre de chaque année.
Cette coalition puissante d'une multitude énorme d'intérêts personnels des citoyens de la capitale, réunie au crédit qui doit nécessairement résulter de l'arrangement des finances du royaume, ne laisse aucun doute raisonnable, ne permet pas même la crainte d'une révolution de discrédit sur les billets de la caisse, dont la solidité est d'ailleurs si évidemment démontrée.
Objection.
On demande quel est le numéraire effectif qui existera dans la caisse pour répondre du payement à vue des billets ?
Aura-t-il la proportion du quart exigé au moins par les statuts?
Réponse.
Oui, et au delà, puisqu'il y aura 66,400,000 li-
vres de numéraire effectif dans la caisse, savoir :
30,000,000 livres de fonds effectif des actionnaires.
30,000,000 livres
36,400,000 reçus des souscripteurs, pour
la première mise d'un cinquième de leur souscription.
66,400,000 livres. Somme pareille.
Laquelle somme multipliée par 4 donne une moyenne d'émigration de billets qui peut s'élever à 265,600,000 livres (1).
II n'est pas probable d'ailleurs que l'émigration de billets monte à 262 millions, soit à cause de la négligence des créanciers des intérêts de la dette publique, pour recevoir leur rente à l'échéance, négligence qui deviendra bien plus fré- , quente, lorsqu'ils seront assurés d'être payés à vue et à présentation de leur dividende d intérêt, soit parce que dans l'exécution de ce projet, il doit être remis à la caisse d'escompte par le gouvernement pour 91 millions de valeurs, trois mois avant l'ouverture des semestres d'avril et d'octobre. La négociation successive de ces valeurs, faite par la caisse d'escompte, fera rentrer dans la même proportion les billets en émigra- 1 tion.
Lorsque l'arrangement des finances sera décrété par l'Assemblée nationale, le numéraire effectif que la confiance publique rapportera à la caisse d'escompte est incalculable, puisque avec un simple fonds effectif de 30 millions, le numéraire de la caisse s'est élevé en 1788 à près de 52 millions, ainsi qu'il résulte du discours pro- , noncé le 17 novembre par M. Lavoisier, à l'assemblée générale des actionnaires.
Objection.
On demande enfin quel est le degré de probabilité du succès de l'emprunt proposé par voie de souscription ?
Réponse.
D'abord, on observe qu'il suffit qu'il soit rempli avant le 1er mars, époque fixée irrévocablement pour le payement des billets de la caisse, à bureau ouvert; or, certainement à cette époque, les principaux arrangements des finances du royaume seront décrétés par l'Assemblée nationale ; or, à cette époque, l'ordre sera rétabli dans tout le royaume par l'établissement des ^ municipalités et des assemblées de département : l'arrangement des finances et le rétablissement de l'ordre dans l'administration du royaume opéreront nécessairement la régénération du crédit national.
Enfin, les actionnaires de la caisse d'escompte, animés par la perspective de
prospérité de leur établissement, les rentiers par celle du payement
Tout concourt pour assurer le succès du mode d'emprunt proposé par souscription, pour venir au secours et de la caisse d'escompte ët des besoins du gouvernement.
Objection.
On demande en dernière analyse si l'établissement d'une banque nationale sera constitutionnel.
Réponse.
Peu importe pour ce projet la solution de cette importante question. La caisse d^escompte peut conserver, et la première dénomination, et son caractère d'établissement particulier ; elle sera à l'égard de la nation, ce qu'elle est à l'égard des particuliers, une caisse de secours. Elle sera la sous-caisse de la caisse nationale; elle aura pour cette caisse un compte courant ouvert en recette et dépense, comme elle en a actuellement pour les banquiers et particuliers.
*
ORIGINE DE LA CAISSE D'ESCOMPTE,
SES PROGRÈS, SES RÉVOLUTIONS, SES STATUTS, SON ORGANISATION
OU
Lettre de M. Duclos-Dufresnoy à M. le comte de
Mirabeau, sur sa motion du 16 septembre concernant la caisse d'escompte (1).
Je répondrai, Monsieur le comte, à votre motion sur la caisse d'escompte, en rappelant vos principes, et ceux de Smith sur l'utilité de cet établissement; en rendant compte de son origine, de ses révolutions, de ses statuts, de son régime, des arrêts de surséance si souvent par vous rappelés au souvenir public, et des motifs -de ces arrêts, motifs absolument étrangers aux intérêts et à la situation de la caisse d'escompte.
Cette discussion prouvera que, la régénération des finances opérée et la Constitution faite, la caisse d'escompte aura des droits plus incontestables à la confiance publique que la banque de Londres, et que c'est sur ses fondements que doit être élevé l'édifice d'une banque nationale.
C'est un ami, variable dans ses principes sur l'utilité de cet établissement, qui a égaré votre plume; c'est un patriote qui se fait un devoir de vous rappeler à votre caractère, c'est-à-dire à cette invariabilité de principes qui, sur la matière du droit public, vous a toujours caractérisé.
§ 1er. Principes consacrés par M. le comte de
Mirabeau et extraits littéralement de son ouvrage * sur la caisse d'escompte publié en 1785.
« Les banques publiques fournissent aux nations emprunteuses et obérées un moyen de
ressource et d'économie.
« Une des grandes utilités de ces institutions ingénieuses, mais délicates, est de faciliter les échanges, en multipliant les signes représentatifs des nécessités et de la richesse.
« Elles ne le sont pas moins, pour entretenir l'intérêt de l'argent a un taux plus bas et plus uniforme qu'il ne l'était avant leur établissement ; et cette opération de première importance est également favorable à l'agriculture, aux manufactures, au commerce et aux finances ; grâce au bas prix de l'intérêt de l'argent, l'agriculture est encouragée, les manufactures, sans augmenter leurs charges, emploient de plus grands capitaux ; le commerce s'ouvre de nouvelles branches dont le haut prix de l'argent l'avait exclu jusqu'alors, et les gouvernements acquièrent des moyens de soulager le peuple, sans nuire à leurs revenus.
« Ces considérations^ et même celles relatives à la facilité que la réduction de l'intérêt donne au souverain d'emprunter, en augmentant plus lentement, si ce n'est en diminuant la dette publique, nous paraissent faites pour plaire aux bons esprits.
« D'ailleurs on est longtemps incommodé de la rareté des espèces avant que de connaître distinctement la cause de ce que l'on éprouve. On regarde la disette du numéraire comme momentanée, et ce n'est qu'après en avoir longtemps souffert que l'on cherche à y remédier. Or, les caisses d'escompte ont au moins la propriété de retarder beaucoup ces époques embarrassantes ; puisqu'elles suppléent à la monnaie par des billets de confiance qui valent autant, lorsque cette confiance a une base solide. Les établissements de ce genre sont nécessaires sous ces rapports.
« Les caisses d'escompte sont donc, sous bien des aspects, des établissements précieux qui méritent intérêt et faveur. »
Le retour, monsieur le comte, à ces principes, a sans doute dicté ces paroles de votre motion.
Je suis loin de vouloir détruire la caisse d'escompte ; c'est vous, Messieurs, qui la détruisez, si vous perdez de vue longtemps encore les soins pressants que l'établissement du crédit national exige. Que la nation puisse enfin se reposer sur vos travaux ! que le retour de l'ordre se fasse apercevoir ! que vos promesses, vos résolutions inspirent pleine confiance par la sagesse de vos décrets I et l'on aura bientôt trouvé le remède dont la caisse d'escompte a besoin, il est indiqué par l'abus même qu'elle a fait de son industrie.
§ II, Principes de Smith (1) sur Futilité des banques publiques.
« La substitution du papier à l'or et à l'argent monnayés remplace un instrument du commerce fort dispendieux, par un autre qui coûte bien moins.
« Lorsque le papier tient la place de l'or et de l'argent monnayés, la quantité d'outils de subsistance peut être augmentée de toute la valeur de l'or et de l'argent qu'on avait coutume de mettre à les acheter.
« L'opération ressemble en quelque sorte à celle de l'entrepreneur de quelques
grands ouvrages qui, en conséquence d'une perfection dans quelques mécaniques,
supprime les anciennes machines, et ajoute la différence entre leur prix et celui
« On peut comparer justement l'or, et l'argent qui croîtrait dans un pays, à un grand chemin, qui sert à porter et à voiturer au marché tous les fourrages et tout le blé du pays, mais qui ne produit pas un seul brin, ni de l'un, ni de l'autre.
« Une banque sage, si on me permet une métaphore si violente, ouvreun chemin danslesairs, et donne le moyen de convertir, pour ainsi dire, une partie des grands chemins en pâturages, et en terres et blés, et d'augmenter par là considérablement le produit des terres et du travail.
« On a fait, en Ecosse, depuis vingt-cinq à trente ans, l'érection de quelques maisons de banque, dans quelques villes considérables et même dans quelques villages ; les effets en ont été précisémentce que je viens du dire. Les affaires du pays se font presque entièrement, sur le papier de ces compagnies qui sert pour tous les achats et les payements ; l'argent ne paraît guère; si ce n'est dans le change d'un billet de banque de 20 schellings, et l'or paraît encore plus rarement.
« Mais, quoique la conduite de ces compagnies n'ait point été irréprochable, et qu'on ait été obligé de la réprimer par un arrêt du parlement, il est évident, néanmoins, que le pays a retiré un très-grand avantage de leur établissement. J'ai entendu dire que, depuis la première érection des banques à Glascow, le commerce de cette ville avait été doublé en quinze ans de temps, et que le commerce d'Écosse avait plus que quadruplé depuis la première érection qui s'est faite à Edimbourg de deux banques publiques, dont l'une, appelée banque d'Ecosse, fut établie par acte du parlement de 1715, et l'autre, appelée banque royale, le fut par une charte royale en 1727. *
Cet auteur rend ensuite compte des crises où se sont trouvées plusieurs fois les banques d'Ecosse et d'Angleterre par une trop grande émigration de papier, et des moyens employés par ces banques, pour sortir de ces embarras, et il ajoute : « Il n'est point douteux que les banques d'Écosse n'aient payé fort cher leur imprudence et leur inattention ; mais la banque d'Angleterre a payé cher, non-seulement son imprudence, mais encore celle de presque toutes les banques écossaises, qui a été poussée bien plus loin.
« Au milieu, dit-il, des clameurs qu'excita la détresse de ces banques, il s'en éleva une nouvelle pour remédier au mal dont on se plaignait ; mais cette nouvelle banque fut obligée d'arrêter ses opérations, et ne se soutint que deux ans. La banque d'Angleterre est la plus grande banque de circulation qu'il y ait en Europe. »
La stabilité de cette banque est égale à celle du gouvernement britannique.
« 11 faut que toutes les avances qu'elle a faites au public soient perdues avant que ses créanciers perdent rien.
« Toute autre compagnie de banque ne peut être établie en Angleterre que par acte du parlement, et ne peut être composée de plus de six associés.
« Elle n'agit pas seulement comme une banque ordinaire, mais comme une grande
machine de l'Etat (1), et elle reçoit et paie la plus grande
« En 1697, les billets de banque perdirent 20 0/0 et pendant la grande refonte de l'argent, à laquelle on procédait alors, la banque avait jugé à propos d'interrompre le payement de ses billets, ce qui les fit nécessairement tomber dans le discrédit.
« Dans la Grande-Bretagne, les impôts sur la drèche sont régulièrement anticipés tous les ans, en vertu d'une clause d'emprunt insérée dans les actes qui les imposent. La banque d'Angleterre avance généralement à un intérêt qui, depuis la Révolution, a varié depuis 8 jusqu'à 3 0/0, les sommes pour la levée desquelles ces impôts ont été accordés et se paie au fur et à mesure sur leur produit. S'il y a du déficit comme il y en a toujours, on y pourvoit l'année suivante.
« Durant la grande refonte de la monnaie, sous le roi Guillaume, lorsque la banque d'Angleterre jugea à propos d'arrêter ses opérations, les billets de l'échiquier, et les tailles sur l'échiquier, furent vendus depuis 25 jusqu'à 60 0/0 de perte. »
Enfin l'auteur du traité intitulé : Opinion d'un créancier de l'Etat, dit : « Les avances de la banque d'Angleterre faites au'gouvernement montaient, en 1746, à près de 400 millions tournois, c'est-à-dire à une somme presque égale au tiers du capital de la dette publique, et maintenant, quoiqu'une profonde obscurité enveloppe la propriété réelle de la banque, personne ne l'évalue beaucoup au delà des sommes qui lui sont dues par le gouvernement, et qui sont converties en annuités.
« La position de cette banque est devenue un secret d'Etat, et tout secret en matière de finance ne vaut rien.
« Ce secret est enfin devenu l'objet d'une grande controverse, entre les actionnaires et l'administration de la banque : les actionnaires leur demandent un tableau de l'état de leur propriété sur lequel les administrateurs multiplient chaque jour les hypothèses.
« On s'imagine que la banque de Londres est à l'abri de tout enlèvement de numéraire qui l'empêcherait d'acquitter ses billets au porteur ; on se trompe, elle a souvent vu vider ses caisses -par les seules combinaisons des changes, et rien ne lui a coûté pour les remplir aussitôt____
« Elle payait en schellings et 1/2 schellings, lorsque le prétendant s'étant approché de Londres on se porta en foule à la Banque pour réaliser ses billets. »
§ III. Origine de la caisse d'escompte, ses sta- tuts et ses révolutions.
C'est par arrêt du conseil du 24 mars 1776, rendu sous le ministère de M. Turgot, et c'est d'après les projets de MM. Panchaud et Glonard, le premier Anglais et l'autre Ecossais, qu'a été créée la caisse d'escompte.
Sa mise originaire de fonds fut de 15 millions, ,
et réduite ensuite à 12 raillions par arrêt du conseil des 22 septembre 1776 et 7 mars 1779.
Cinq banquiers et deux financiers en étaient les administrateurs.
Malgré les talents de M. Panchaud, créateur de cet établissement, et l'un de ses administrateurs, la caisse d'escompte éprouva le sort de tous les nouveaux établissements : elle fut dans un long état de végétation.
Le premier mouvement de confiance donné aux billets de caisse est dû aux joueurs de hasard : on créa pour eux des billets qui étaient payables en or.
C'est du mois de janvier 1777, que date la première création des billets de caisse; et il résulte des registres de la caisse d'escompte, que dans la révolution de plus de 15 mois écoulés depuis cette première création de billets, leur circulation n'avait pu encore atteindre la somme de 800,000 livres.
En avril 1778, c'est-à-dire plus de deux ans après la création de la caisse d'escompte, il restait encore quinze cents actions non vendues, et une partie du prix de celles prises par les administrateurs était par eux due à la caisse.
C'est dans cet état de végétation que les maisons de banque de Paris se réunirent pour donner une nouvelle vie, un nouvel essor à cet établisse-¦ ment; elles levèrent les 1,500 actions restées en stagnation dans les coffres de la caisse, et elles mirent cet établissement sous la direction de 13 administrateurs; des sept qui en avaient été chargés dans l'origine, il n'en existait plus que cinq; elles firent choix de huit nouveaux qui furent : MM. Le Coulteulx du Moley, Tourtou, Rilliet, Cottin, Girardot de Marigny, Vandenyver l'aîné, Pache de Montguyon et Jean-Louis Julien.
Telle fut l'influence sur l'opinion publique de l'agrégation des premières maisons de banque de Paris à l'administration de la caisse d'escompte, que dans ce même mois d'avril la circulation des billets s'éleva à 2,114,000 livres.
Le progrès de confiance dans cette nouvelle administration fut successif et rapide et, un an après, quatorze millions de billets étaient déjà en circulation ; enfin lors de la crise de 1783, l'émigration des billets de caisse entre les mains du public s'était progressivement élevée à 44 millions.
On voit dans le préambule de l'arrêt du 7 mars 1779 que les secours d'escompte n'avaient, jusqu'à cette époque, monté par semestre qu'à 33 millions; et les secours d'escompte du premier semestre de l'année 1783 étaient déjà de 136,860,028 livres.
C'est un fait reconnu par vous, monsieur le comte, qu'en 1783 la rareté du numéraire se faisait ressentir dans tout le royaume, qu'elle était plus grande encore chez l'étranger, et que Paris semblait l'unique ressource d'où il en put tirer.
C'est un principe incontestable en administration, que plus la disette de numéraire se fait ressentir dans un royaume , plus les signes représentatifs deviennent alors nécessaires ; c'est aussi une vérité incontestable que lorsque le commerce et la banque ont été par un établissement public accoutumés à des secours journaliers, et fréquents d'escompte, il serait'impoli-tique et désastreux et pour le commerce, et pour les finances d'un royaume, d'anéantir subitement ces mêmes secours.
Les administrateurs de la caisse d'escompte '
avaient été enhardis par leurs succès rapides dans la confiance publique ; ils avaient soutenu pendant le semestre de 1783 une émigration de billets qui était considérable en proportion du numéraire effectif qui était dans leur caisse (l).
Ils crurent pouvoir se prêter aux besoins impérieux, et du commerce et du gouvernement : ils crurent pouvoir continuer sans danger les mêmes secours d'escompte, pendant les six derniers mois de 1783, qu'ils avaient accordés pendant les six premiers mois de cette année.
Mais la disette du numéraire, qui augmentait tous les jours, trahit leurs espérances, et le numéraire de la caisse ayant été enfin successivement réduit à 138,000 livres, les administrateurs obtinrent l'arrêt de surséance du 27 septembre 1783, arrêt qui autorisa le caissier de la caisse d'escompte à payer ceux des porteurs de billets de ladite caisse qui ne voudraient pas les laisser dans la circulation en bons, billets et lettres de change sur particuliers, en leur bonifiant l'escompte: arrêt qui ordonna que les billets continueraient d'avoir cours, et d'être donnés en payement pour comptant, comme par le passé, dans toutes les caisses publiques et particulières, pour Paris seulement jusqu'au 1er janvier 1783 seulement.
Cette suspension de payement fut effective, c'est-à-dire absolue.
Mais pour la tranquillité publique, le Roi fit constater par un commissaire du conseil à ce député l'état de l'actif et du passif de la caisse d'escompte: le résultat de cette vérification fut rendu public par arrêt du conseil d'Etat du Roi du 4 octobre suivant.
L'assemblée générale des actionnaires nomma des commissaires (2) pris dans ses membres pour faire pareille vérification et pour suivre les opérations de là caisse: il résulte du bilan fait par les commissaires des actionnaires à l'époque du 4 octobre, qu'il existait dans les mains du public pour 42,966,000 livres de billets de caisse; mais il résulte aussi de ce même bilan que l'actif de la caisse surpassait le passif de 14,140,473 livres; que l'auteur du livre intitulé : Opinion iïun créancier de l'Etat, voit dans cette situation de la caisse, la solution de ce problème par lui proposé.
« Comment, dit-il, l'opération la plus propre à alarmer sur le sort des billets de la caisse d'escompte n'a-t-elle pas frappé sur leurs valeurs? Gomment ces billets sont-ils restés au pair? Ils ont été assimilés aux effets royaux par un arrêt, et cependant, ils ne se sont point ressentis de la chute que ces effets royaux ont éprouvée,
« Les effets royaux sont fort au-dessous du capital, et pourquoi? si ce n'est à
cause des craintes de banqueroute. Or, qu'est-ce qui ressemble mieux à une
banqueroute que des billets exigibles dont on défend d'exiger le payement (3)
Quelle demande ! quelle comparaison ! l'actif actuel de la caisse excède de 100 millions son passif ; quelle est en comparaison de sa situation fa position actuelle des finances du royaume ? Et lorsque même l'Assemblée nationale aura établi un exact équilibre entre la recette et la dépense, l'exactitude de payement des dettes de l'Etat pourra-t-elle jamais être aussi certaine que l'acquit des billets de caisse? Combien d'événements en effet peuvent survenir qui diminueront la recette et augmenteront la dépense.
C'est la conviction des moyens réels et effectifs du payement de la dette qui constitue tout crédit quelconque, et le discrédit naît de l'incertitude sur ces mêmes moyens. Or, rappelez-vous, je vous prie, le compte qui a été rendu à la séance du 26 septembre, par le comité des finances, et par l'organe de M. le marquis de Montesquiou, et je vous le demande : Avez-vous vu dans ce tableau des finances de l'Etat des moyens réels et effectifs de payement de la dette publique ?
Je m'arrête un instant sur cette célèbre séance ; elle sera à jamais présente à mon souvenir. Jamais aucun élan oratoire aussi mâle, aussi majestueux, aussi sublime, aussi rapide, n'avait jusqu'alors frappé mes oreilles; et lorsque vous prîtes en dernière analyse la parole, je crus voir, je crus entendre le dieu même de l'éloquence. . . .
L'auteur dq Opinion d'un créancier de l Etat objectera, sans doute :
Mais l'Assemblée nationale a, dès le 17 juin, déclaré « qu'elle mettait la dette publique sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française, et qu'après qu'elle aurait fixé les principes (1) de la régénération nationale, elle s'occuperait de Vexamen et de la consolidation de la dette ».
Mais elle a depuis, et le 13 juillet, déclaré de rechef « que la dette publique ayant été mise sous la garde de l'honneur de la nation française, et la nation ayant l'intention de payer, nul pouvoir n'avait le droit de prononcer l'infâme mot de banqueroute, sous quelque forme et dénomination que ce put être »
Mais le 27 août, elle a renouvelé ses arrêtés des 17 juin et 13 juillet, et déclaré en conséquence « qu'en aucun cas, et sous aucun prétexte, il ne pourrait être fait aucune retenue, ni réduction quelconque, sur aucune des parties de la dette publique. »
Sans doute, les décrets de celte Assemblée sont faits pour inspirer la plus grande confiance.
Mais cependant il n'est point de créancier de l'Etat, il n'est point de capitaliste qui ne répète ce qu'a dit à cette auguste Assemblée le premier ministre des finances :
« C'est vous, Messieurs, c'est vous les représentants de la plus grande nation qui vous êtes expliqués ; il faut enfin qu'on vous croie ; mais, pour procurer à vos paroles le respect qui leur appartient, il faut que ces promesses soient accompagnées de délibérations, et de dispositions propres à démontrer réellement et positivement, que par vos soins l'équilibre entre les revenus et les dépenses, sera rétarl1 ».
Cet équilibre si ardemment désiré n'existe
Voilà, monsieur le comte, la solution du problème proposé par votre ami ; je reprends le récit d.6s fciits
C'est le 27 septembre 1783, que le payement des billets de caisse a été suspendu et à cette époque le gouvernement devait 6 millions à la caisse d'escompte, dette garantie par des valeurs du Trésor royal.
Le 4 octobre 1783, le gouvernement fait un emprunt en loterie de 24 millions; il a un plein succès, et le ministre des finances fait alors payer, par le Trésor royal, les 6 millions dus à la caisse d'escompte.
Ce payement et la diminution successive et journalière des escomptes avaient réduit, dès la fin d'octobre, à 28,550,800 livres, les 43 millions de billets qui étaient dans les mains du public lors de la suspension de payement.
La diminution des escomptes continuée dans le courant de novembre réduisit encore la masse des billets de caisse.
La perception des impositions fiscales, pendant la révolution des mois d'octobre et novembre, et le succès de l'emprunt de 24 millions, firent enfin1 disparaître cette disette de numéraire qui s'était fait ressentir dans le courant du mois de septembre.
Ce numéraire s'était encore accru par des acquisitions de piastres, faites par la caisse d'escompte, pendant les mois d'octobre et de novembre, et par leur fabrication à la monnaie.
J'omettais sur la crise de 1783 une observa-. tion importante: il est prouvé, par le procès-verbal de l'état de la caisse, et par le bilan fait le 2 octobre 1783, que lors de la suspension de payement, elle possédait, tant dans ses coffres qu'à l'hôtel de la monnaie de Paris, pour 4 millions de piastres; or si le directeur de la monnaie de Paris eût pu être plus actif dans la fabrication d'espèces (2) et si les 6 millions dus par le gouvernement eussent été payés en espèces par le Trésor roval, la caisse d'escompte ayant 10 millions d'espèces n'aurait pas eu besoin d'ar- -rêt de surséance, puisqu'il est prouvé par les registres qu'avec moins de 4 millions de numéraire, elle avait soutenu pendant une année entière le crédit et le pavement de ses billets.
Lors de la crise de 1783, les actionnaires firent une création de 1,000 nouvelles actions, à raison de 3,000 livres chacune, ce qui augmenta de 3 millions le fonds capital de cette société.
C'est dans cet état, et le 23 novembre 1783, que l'arrêt de surséance du 27 septembre précédent fut révoqué.
Cette révocation fut immédiatement suivie d'un autre emprunt de 100 millions en viager, avec des chances de loterie, fait par le gouvernement.
C'est avec ces précautions successives et mul-^ tipliées que la caisse d'escompte fut rétablie dans* l'intégrité de ses payements.
Cette crise passée, les actionnaires nommèrent des commissaires pour régler à
l'avenir le régime de leur administration.
Des treize administrateurs, il en sort quatre tous les ans; et les actionnaires ne peuvent, pour remplacer les administrateurs sortants, , faire choix de plus de deux personnes du même état ou delà même profession: dispositif qui a pour objet de faire concourir à cette administration toutes les classes de citoyens.
11 y a de droit, dans le mois de janvier et de juillet de chaque année, des assemblées générales d'actionnaires, pour entendre le compte de la gestion de cet établissement, et fixer le bénéfice du semestre.
Mais indépendamment de ces assemblées générales qui sont de droit, les administrateurs peuvent, toutes les fois qu'ils le jugent nécessaire, convoquer l'assemblée des actionnaires.
Neuf actionnaires, en signant une motion envoyée au président de semaine, forcent l'administration ae convoquer l'assemblée générale des actionnaires : disposition qui soumet cette , administration à un état perpétuel de surveillance.
Aux assemblées générales des mois de janvier et février, les actionnaires nomment trois commissaires dont la mission est de faire l'examen de la gestion des administrateurs.
L'examen des commissaires n'est point frivole et illusoire ; en voici le précis (2) :
Examen et lecture de toutes les délibérations * privées pendant le semestre.
Examen de la manutention des divers bureaux, et des registres tenus par chacun d'eux, afin de connaître le mécanisme générai d'organisation de cet établissement.
Vérification du registre des dépôts volontaires d'acticms et compte des actions déposées.
Vérification des différentes créations des billets de caisse, et leur annihilation.
Les commissaires constatent, par cet examen préalable, les billets qui sont en circulation, et ensuite ils comptent régulièrement ceux qui sont existants dans la caisse d'escompte ; ce compte doit faire la balance des billets de caisse.
Vérification et compte du numéraire effectif des différentes caisses ; c'est d'après cette vérification et celle des billets de la caisse ; c'est d'après la vérification faite sur les registres que les commissaires jugent si l'article 17 des statuts ' a été fidèlement observé pendant le semestre.
Ils examinent si les règles prescrites pour les comptes courants n'ont point été enfreintes, et ils font la vérification de la caisse des comptes courants.
Les commissaires vérifient enfin les effets actifs composant le portefeuille de la caisse.
Il existe un registre tenu dans un des bureaux, tqui, sous le rapport des effets
pris à l'escompte, présente le tableau de la totalité des engagements
Le directeur général en tient enfin un qui constate l'état journalier de la caisse d'escompte, c'est-à-dire de son numéraire effectif, de ses billets en circulation, de ceux étant à la caisse d'escompte et des effets en portefeuille, en un mot, tout ce qui peut constater l'actif et le passif journalier d'un établissement aussi important.
Tous ces différents registres sont soumis à l'examen des commissaires.
C'est cet ordre admirable, ordre qui n'a pas éprouvé depuis 1783 un seul instant de négligence, qui a préservé la caisse de toute perte quelconque sur les effets pris à l'escompte.
C'est à la sagesse de ces statuts, c'est à leur exacte et sévère observance, qu'est dû le progrès de la confiance publique.
C'est à ce progrès de confiance qu'est dû l'accroissement successif des opérations d'escompte.
Les secours donnés au commerce montaient en l'année 1787 à plus de 500 millions par an.
Lé ministre des finances augmenta alors par arrêt du 18 février 1787 le fonds capital de cet établissement.
II résulte en dernière analyse de cet arrêt la composition d'une nouvelle société d'actionnaires.
L'ancienne était de 5,000 actions de 3,000 livres chacune, et la nouvelle l'a été de 35,000 de 4,000 livres chacune.
Ainsi le fonds capital de l'ancienne société était de 15 millions seulement, et celui de la nouvelle fut porté à 100 millions, dont 30 millions versés en deniers effectifs dans les coffres de la caisse, et 70 millions versés au Trésor royal par forme et à titre de dépôt et cautionnement des engagements de la caisse d'escompte envers le public.
Telles sont et les expressions de l'arrêt du 18 février 1787, et de la quittance de finance de 70 millions délivrée en conséquence par le garde du Trésor royal.
C'est lorsque la caisse d'escompte venait d'augmenter de quatre-vingt-cinq millions son capital, c'est lorsqu'elle avait quarante-cinq millions de numéraire effectif dans la caisse, c'est lorsque ce numéraire formait plus du tiers (1) des billets en circulation, qu'à la tin de juillet 1787, des porteurs de billets de caisse accoururent en foule aux portes de cet établissement, et par leur concours jetèrent l'alarme et l'inquiétude dans l'esprit du public.
Quelle fut la cause de cette insurrection?Ce ne fut point le discrédit de la caisse, ce ne fut point même celui du gouvernement; il venait de faire, à la fin du mois de mai 1787 un emprunt en viager d'environ 60 millions, qui avait été suivi d'un plein succès.
En voici la cause qui est étrangère à la caisse d'escompte.
Ce mois de juillet 1787, est l'époque où Fédit du timbre fut présenté au parlement,
et son enre.
L'insurrection de 1787 eut pour unique cause cet événement, et le premier mouvement donné à l'alarme publique fut si rapide à cette époque, que dans'une très-courte révolution de quelques jours, 33 millions effectifs de numéraire sortirent de la caisse d'escompte pour le payement de ses billets.
C'est dans cette position que, le vendredi 24 août 1787, les administrateurs convoquèrent l'assemblée générale des actionnaires.
Les commissaires nommés parles actionnaires, après avoir pris connaissance de l'état de la caisse, furent en députation vers le principal ministre, pour lui rendre compte de leur mission et de l'examen qu'ils avaient fait de la situation de la caisse.
Ils reconnurent dans leurs conférences ministérielles que déjà, et sans l'aveu des administrateurs, sans celui des actionnaires, le gouvernement avait conçu le projet de rendre un arrêt de surséance modelé sur celui de 1783.
caisse
ment total de son numéraire, et qu\
même où il serait épuisé, ils se présenteraient, l'arrêt du 18 février 1787 et la quittance de linance de 70 millions à la main, et qu'ils tiendraient ce discours au public porteur des billets de la caisse.
« Le numéraire de la caisse est épuisé, mais les facultés ne le sont point. Non-seulement elle possède dans son portefeuille des effets commerçâmes représentatifs de tous les billets de caisse en circulation, et 30 millions au delà, mais même elle possède, et lui appartiennent à titredeDÉPOT, et pour Je cautionnement des billets de caisse, 70 millions qu'elle a versés au Trésor royal.
« Refluez donc vers la caisse du Trésor royal et notre débitrice et la vôtre, et forcez les coffrés de s'épuiser comme les nôtres l'ont été, pour le payement des billets dont vous êtes porteurs (1 ). »
C'est la conviction du droit d'exigibilité des 70 millions dans le cas d'épuisement du numéraire de la caisse, qui détermina le principal ministre à donner l'ordre aux caissiers de finances de faire voiturer des sacs d'argent à la caisse desconiDt6.
Le retour de la confiance publique dans les billets de caisse fut tellement rapide, que les commissaires nommés le vendredi 24 août avaient, dès le 28, fini leurs fonctions (2) ; c'est à l'égard de cet événement qu'il était raisonnable de dire :
« Et soudain, comme si la baguette d'Armide eût été entre les mains des commissaires des actionnaires, la banque de secours renaquit, les espèces reparurent, le crédit s'élança avec une vigueur nouvelle. »
Je passe actuellement à l'époque d'une autre crise qui n'a pas eu une issue aussi prompte.
Vous avez sans doute présent à votre souvenir, monsieur le comte, les écarts
multipliés du despotisme ministériel depuis et à compter de la séance royale du mois
de mai 1788, séance qui a eu pour objet l'établissement de la cour pléniére ; vous
avez aussi présent à votre souvenir le fatal arrêt du
C'est dans cette circonstance, et le 18 août 1788, que M. l'archevêque de Sens fit rendre, du propre mouvement du Roi, l'arrêt concernant le payement des billets de caisse.
Je vous observe que depuis le mois de janvier 1788, jusques et compris la fin du mois de mai suivant, le numéraire effectif de la caisse d'escompte n'avait jamais été à la fin de chaque mois au-dessous de 47 millions ; je vous observe que le numéraire effectif de cette caisse était de 38 millions à la fin du mois de juin 1788, qu'à l'époque de Varrêt du 18 août 1788, la caisse d'escompte avait encore, malgré tous les troubles et les désordres de cette époque, dix-neuf millions de numéraire effectif, numéraire qui devait s'élever prochainement à trente-quatre millions, par la fabrication de quinze millions de piastres, dont les administrateurs de la caisse avaient fait le marché (1).
Je vous observe qu'à l'époque du premier arrêt de prorogation, en date du 29 décembre 1788, le numéraire effectif de la caisse était d e trente et un millions, et qu'à celle du 14 juin 1789, époque du second arrêt de prorogation, il montait à vingt-sept millions.
Or, je vous demande, monsieur le comte, comment d'après ces faits, d'après cet état du numéraire effectif de la caisse, aux différentes époques de ces arrêts, situation de caisse dont je garantis l'exactitude, l'administration de la caisse d'escompte peut être accusée d'avoir eu une influence quelconque sur les arrêts des 18 août 1788, 29 décembre 1788 et 14 juin 1789?
Mais quels ont été donc, me direz-vous, les motifs qui ont déterminé ces arrêts? Ce serait aux ministres à en rendre compte; voici ceux que j'ai présumés :
L'arrêt du 18 août 1788 a pu être déterminé par deux motifs.
Le premier a été le droit d'exigibilité des 70 millions, à l'instant même où le numéraire de la caisse serait épuisé.
Le deuxième a été sans doute la crainte que la diminution des secours d'escompte, ne constituât dans l'embarras M. Lenormand, dont M. l'archevêque de Sens avait pour les besoins de l'Etat épuisé les facultés et les ressources de crédit.
Voici actuellement les motifs présumés, des arrêts de prorogation, des 29 décembre 1788 et 14 juin 1789.
Vous avez vu qu'en août 1787 la translation du parlement à Troyes avait occasionné une insurrection des porteurs de billets, et cependant la caisse était alors en plein crédit, et le gouvernement venait de faire un emprunt qui avait eu un 4 plein succès.
Ainsi il était prouvé, par un fait très-récent, que le mécontentement d'une classe importante de citoyens de la capitale pouvait occasionner ces insurrections.
Or l'époque de l'arrêt du 29 décembre 1788 est précisément celle du rapport fait
par M. Necker, au conseil d'Etat du Roi, pour la représentation à l'Assemblée
nationale de la classe de citoyens* dont vous avez été un des plus zélés défenseurs;
et le résultat de ce rapport contrariait et toute
Ainsi ce résultat du conseil pouvait opérer contre la caisse d'escompte une insurrection bien plus vive et plus longuement soutenue que celle d'août 1787.
Quant à l'arrêt du 14 juin 1789, rappelez-vous, je vous prie, que cette époque était fa fin et la conclusion des con férences conciliatoires qui n avaient rien concilié, et que cette époque était r celle où le flambeau de la discorde était prêt à s'allumer entre les représentants de la nation : indè ec. pauca intelligenti.
Gomment donc improuver des actes d'administration que la sagesse, la prudence, la prévoyance, la nécessité, en un mot, ont dictés impérieusement dans des circonstances aussi critiques?
Ces deux arrêts ont d'ailleurs une cause commune et relative aux besoins de l'Etat, et à l'im-» possibilité d'y pourvoir par d'autres moyens que par les secours de la caisse d'escompte. Cette cause est avouée avec franchise dans les rapports laits par M. Necker à l'Assemblée nationale, dont je rapporterai ici les expressions.
La caisse d'escompte, aurait, en d'autres temps, beaucoup aidé le Trésor royal, en lui faisant des avances sur l'emprunt que vous déterminerez ; t mais elle a déjà secouru les finances autant qu il était en son pouvoir ; et la rareté inouïe de l'argent effectif, suite inséparable du discrédit, épuisant la caisse, elle ne peut plus offrir que des ressources bornées.
La caisse d'escompte , liée au gouvernement par ses services, se ressent de l'impression de tant de malheurs, et les fonds en numéraire effectif auraient été épuisés depuis longtemps, si par " toutes les dispositions que la nature des circonstances peut autoriser, elle ne résistait pas à l'orage.
Gomment, je vous le demande, monsieur le comte, M. Necker aurait-il pu, sans les secours successifs de la caisse d'escompte, subvenir au payement des arrérages et intérêts de la dette publique? 11 ne réunit pas à de rares talents d'admi-k nistration les secrets jusqu'à présent inconnus
de l'alchimie.
. C'est à l'administration de M. Necker, c'est à la confiance qu'il a inspirée aux administrateurs de la caisse d'escompte, c'est au secours successifs de cette caisse, que sera due la régénération du royaume et celle de ses finances. Car que serait devenue votre Assemblée auguste, et le code de la Constitution nationale, si la banqueroute annoncée par le fatal arrêt du 16 août s'était enfin déclarée? Le royaume aurait été anéanti, et l'Assemblée nationale aurait été ensevelie sous les ruines.
Ah 1 combien est déraisonnable, monsieur le comte, la conduite des citoyens qui viennent sans besoins réels affaiblir et affamer la caisse d'escompte, qu'il serait à désirer qu'on pût raisonner leur inquiétude et leur dire :
Apprenez que cet établissement subvient à vos ?besoins, en subvenant à ceux de l'Etat ; apprenez que l'Assemblée nationale a mis sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française la dette publique : vous êtes inquiets à cause' de secours donnés par la caisse d'escompte au gouvernement; mais jetez les yeux sur la banque de Londres, les billets de confiance ont-ils eu un seul instant de discrédit à raison des prêts immenses faits par cette banque à l'Etat? * Rappelez-vous le crédit dont ont joui ces célè-lre SÉRIE, T. IX.
LEMENTAIRES. [6 octobre 1789.] 3$)
bres banquiers de la cour: Samuel Bernard, Montmartel et Laborde. Leur crédit s'est accru a raison de leurs services, c'est-à-dire des prêts par eux faits au gouvernement.
Pourquoi donc ce qui a augmenté votre confiance dans les billets des banquiers de la cour, serait-il par raison inverse l'objet de vos inquiétudes pour les billets de la caisse d'escompte?
Je me résume, monsieur le comte : vous avez vous-même reconnu l'utilité de l'établissement de la caisse d'escompte pour l'agriculture,le commerce, les finances de l'Etat et le soulèvement du peuple; ce même principe d'utilité publique, professé par le célèbre Smith, est démontré par l'expérience.
Les banques d'Ecosse et de Londres, variables dans les règles de leur administration, ont à se reprocher des imprudences et l'administration de la caisse d'escompte, réglée depuis 1783 par des statuts et règlements, qui fixent invariablement son régime intérieur et extérieur (1), n'a aucune imprudence à se reprocher.
Les statuts de la caisse d'escompte bornent la circulation de ses billets à la règle proportionnelle du tiers du numéraire effectif étant dans ses coffres, et nous ne connaissons aucune loi de précaution prise à cet égard par les statuts des banques d'Ecosse et de Londres.
L'administration de la banque de Londres est mystérieuse, et tout mvstêre est destructif de la confiance ; l'administration de la caisse d'escompte est éclairée par le renouvellement annuel de quatre administrateurs choisis dans le sein des actionnaires, et pris dans les différentes classes de citoyens ; elle est surveillée par les commissaires d'actionnaires, nommés chaque semestre pour examiner la gestion de ses administrateurs : l'examen des commissaires est exact et sévère. Enfin, neuf actionnaires ayant le droit de convoquer l'assemblée générale à tout instant quelconque, l'administration de la caisse est dans l'état journalier et instantané de la surveillance publique.
Le capital de la banque de Londres est inconnu, et celui de la caisse d'escompte est notoirement de 100 millions, et, à ces 100 millions, il faut encore ajouter les bénéfices courants du semestre : ce capital est énorme pour la garantie seule des événements du portefeuille, car il n'existe aucun billet de caisse dans les mains du public, que l'actif ou le capital de la caisse d'escompte n'en soit notablement augmenté, soit par des espèces réelles, soit par des effets commerçables reçus en échange des billets.
Dans un moment d'embarras, et en 1746, la banque de Londres, pour fatiguer les porteurs de billets qui affluaient aux portes de la caisse, a payé en schellings ou demi-schellings, c'est-à-dire en numéranc des pièces de 12 sous et de 24 sous, et la caisse d'escompte, au contraire, a continué sans interruption ses pavements en sacs d'écus de 6 livres et de 3 livres.
Enfin les billets de la caisse d'escompte n'ont été, dans aucune époque quelconque, discrédités, jamais ils n'ont éprouvé aucune perte ; ceux au contraire de la banque de Londres ont été discrédités et ont éprouvé une perte de 20 0/0.
C'est dans un gouvernement réglé par un code national, c'est sous une
administration des finances sage, économique et comptable envers la
En un mot, la marche lente de la confiance publique dans les nouveaux établissements, lenteur prouvée par les exemples des banques d'Ecosse, de Londres et de la caisse d'escompte, suffira sans doute pour déterminer les représentants de la nation à adopter le plan proposé par M. Necker, plan qui a pour objet de fonder la banque nationale sur l'établissement de la caisse d'escompte.
DISCOURS
De MM. les commissaires cles actionnaires de la caisse d'escompte, prononcé par M. Duclos-Du-fresnoy, notaire, l'un d'eux, à rassemblée générale du 28 août 1787 (1).
Messieurs,
La caisse d'escompte a été établie par arrêt du conseil du 24 mars 1776, pour aider le commerce en facilitant l'escompte des lettres de change. Les opérations de cette caisse consistent : 1° A escompter des lettres de change et autres effets commerçâmes, admis à l'escompte par le choix des administrateurs.
Mais quatre administrateurs sont, par chaque semaine, nommés pour examiner les effets proposés à l'escompte : ces effets n'excèdent point le terme de trois mois et chaque effet proposé à l'escompte doit être garanti de trois signatures. L'accroissement successif du dividende de l'action prouve la sagesse et la sévérité des administrateurs dans le choix des effets escomptés.
2° A se charger, en recette et dépense, des deniers des particuliers qui désirent avoir un compte ouvert à la caisse. Il y a, à cet égard, une caisse particulière, qui s'appelle la caisse des comptes courants.
Les opérations relatives à ce second objet ne peuvent qu'être à l'avantage de la caisse d'escompte; elle n'acquitte aucun engagement des comptes courants sans en avoir préalablement les fonds, et lorsque nous avons pris possession de notre commissariat, il y avait 4 millions dans la caisse des comptes courants, appartenant aux différents comptes ouverts; preuve de la juste confiance des particuliers qui connaissent parfaitement les opérations de la caisse et sa solidité, puisque, dans cette circonstance, ils n'ont pas suivi le torrent de l'alarme publique.
Une des lois fondamentales de cet établissement, c'est que la compagnie des actionnaires ne peut emprunter aucune somme à intérêt, ni contracter aucun engagement qui ne soit payable à vue.
Des opérations de la société sont nés, pour la commodité publique et pour l'utilité
de l'intérêt des actionnaires, les billets de caisse ; mais il est
Mais comme pour mériter la confiance entière du public il ne faut rien lui dissimuler, nous allons lui apprendre le terme de la fixation, par semestre, du dividende de l'action.
Quoique les billets de caisse soient la représentation d'un dépôt en argent fait à la caisse d'escompte, cependant tout le numéraire représentatif des billets de caisse n'existe point dans la caisse : s'il existait, l'établissement de la caisse d'escompte ne pourrait se soutenir, parce qu'il serait onéreux aux actionnaires. En effet, ils seraient alors chargés des frais de la manutention de cet établissement, et des pertes qui pourraient survenir sur les lettres de change escomptées sans aucun profit pour les actionnaires.
Mais d'ailleurs la caisse d'escompte n'aurait pas toute l'extension de l'utilité publique, que sa création a eu pour objet : la multiplication du numéraire, celle de l'escompte des lettres de change.
C'est avec la mise faite par les actionnaires de fonds effectifs en argent, mise de fonds successivement augmentée. C'est aussi avec l'argent remis et déposé par le public, pour avoir en échange des billets de la caisse, que se font journellement les opérations d'escompte des lettres de change ; en sorte que les actionnaires mettent en activité, non-seulement leur mise effective de fonds, mais même une portion de ceux du public ; et ces escomptes, faits avec les deniers au public, forment le profit des actionnaires.
Conséquemment, les opérations d'escompte des lettres de change prennent de l'extension, et par suite le dividende de l'action augmente en proportion du versement d'argent effectif fait par le public dans le coffre de la caisse en échange de ses billets.
Mais lorsque le public mesure sa confiance dans les billets de la caisse, soit sur la fixation du dividende de l'action, soit sur la hausse ou sur la baisse de l'action dans les négociations qui se font à la bourse, il est dans l'erreur : la solidité et la sûreté des billets de caisse sont absolument indépendantes et de ces variations et de tous les événements qui peuvent accréditer ou discréditer les effets royaux ; c'est ce que la déduction des faits va démontrer jusqu'à l'évidence.
Il importait à la solidité de cet établissement de ne point mettre en activité tout son numéraire pour les opérations d'escompte des lettres de change ; les billets de la caisse étant toujours et à chaque instant exigibles, il fallait pourvoir aux moyens de payement de ces billets d'une manière tellement efficace que les circonstances de l'Etat même les plus orageuses ne pussent , point même ébranler ce superbe établissement.
La quotité de numéraire qui doit subsister dans les coffres de la caisse, proportionnée aux billets en émigration, c'est-à-dire étant dans les mains du public, n'est point arbitraire : elle est réglée par les statuts et règlements arrêtés dans une assemblée générale de MM. les actionnaires, et ces statuts ont été la suite de la révolution de 1783.
Le maintien et l'exécution inviolable de ces
statuts sont confiés à MM. les administrateurs.
Cette proportion est telle qu'il y aura toujours dans les coffres de cet établissement, un numéraire effectif en louis d'or ou en écus, montant au tiers des billets de caisse qui sont en circulation, c'est-à-dire dans les mains du public, et qu'il ne pourra jamais être moindre du quart. Cette précaution a élé non-seulement maintenue très-religieusement, mais elle a été même le plus souvent excédée de beaucoup, et lorsque la méfiance et J'alarme publique sont venues assaillir votre caisse, il existait dans ses coffres quarante-cinq millions, tant en louis d'or qu'en écus, c'est ce que nous avons vérifié et constaté.
Lorsque, par un acharnement opiniâtre, le public alarmé se porte constamment et en foule à la caisse, pour exiger le payement des billets, alors ce public fait nécessairement cesser cesage équilibre, parce que son impétuosité ne laisse pas assez de temps aux administrateurs pour faire le recouvrement des lettres de change du portefeuille, destinées alors à rétablir successivement ce constant équilibre.
Le souvenir, peut-être trop récent, de la révolution de 1783, réuni aux circonstances actuelles absolument étrangères à la solidité de la caisse, a pu être un des germes de l'alarme qui a excité votre prévoyance.
Mais si le public pouvait raisonner dans son effroi, il se rappellerait qu'il n'est résulté delà révolution de 1783, qu'une suspension momentanée, et que malgré l'imperfection de cet établissement à cette époque, les billets de caisse ont rapidement (1) repris le crédit qui devait leur appartenir.
Quelle différence cependant, Messieurs, n'exis-te-t-il pas en faveur de la caisse d'escompte de la comparaison de son état lors de la crise de 1783 avec son état actuel en 1787 !
Nous ne croyons pas blesser les administrateurs qui régissaient alors cette caisse, en présentant ici ce tableau de comparaison ; cet établissement a eu le sort de tous les établissements publics, il ne s'est perfectionné qu'avec le temps et avec les frottements de l'expérience.
Lors de la crise de 1783, il n'existait aucune loi stable qui déterminât la proportion de l'argent effectif, à conserver dans la caisse relativement aux billets en circulation.
C'est depuis la révolution de 1783 que vous avez arrêté ces sages statuts et règlements constamment maintenus par vos administrateurs, qui obligent de conserver en numéraire effectif le tiers du montant des billets en circulation, et jamais moins du quart.
L'époque de 1783 était la fin d'une guerre glorieuse à la nation mais dispensieuse ; elle avait occasionné une grande exportation d'espèces dans nos îles, dans l'étranger, et dans les différents ports du royaume. Le numéraire manquait ou du moins était infiniment rare dans la métropole du royaume.
Il est prouvé par les registres de la caisse d'escompte, que depuis le mois d'août
1784 jusqu'à la fin de septembre 1783 elle n'avait jamais pu réunir en numéraire
effectif plus de 4 millions, et trois mois avant la suspension instantanée des
billets de la caisse, elle était, quant à l'argent effectif, dans un tel état de
pénurie qu'elle n'avait pu réaliser plus de deux millions d'argent effectif.
En 1783, les actionnaires ne présentaient, pour sûreté, aux porteurs des billets de caisse qu'un fonds de 12 millions au delà des valeurs étant en portefeuille, correspondante aux billets en circulation, parce que, suivant l'arrêt du 22 septembre 1776, l'établissement de la caisse d'escompte n'était composé que de 4,000 actions à 3,000 livres chacune.
Et dans l'état actuel, et suivant l'arrêt du conseil du "28 février 1787, cette compagnie est composée de 25,000 actions, ayant lait un fonds de 4,000 livres chacune ; ce qui forme un capital de cent millions au delà des valeurs en portefeuille, correspondantes toujours au moins aux billets décaissé en circulation.
De ces 100 millions, il y a eu trente millions versés en argent effectif dans les coffres de la caisse d'escompte et soixante-dix millions es mains de M. Laborde de Méréville, garde du Trésor royal, non à titre de prêt fait au Roi, mais à titre de dépôt, pour sûreté, gage et nantissement du payement des billets de la caisse. Ce sont les expressions même de l'arrêt du 18 février 1787. Ainsi, si contre toute probabilité, l'affluence publique des porteurs de billets de la caisse, parvenait un jour à épuiser l'argent effectif de la caisse, il suffirait de retirer momentanément des coffres du Trésor royal, non la totalité, mais une portion de ce dépôt'de 70 millions, pour subvenir au payement total des billets de caisse en circulation, et il résulte de l'arrêt du conseil, du 18 février 1787, que ce dépôt est sans cesse réclamable de la part de l'administration, non pour les opérations d'es compte des lettres de change, mais pour le payement des billets de caisse.
Pour graver à jamais dans l'opinion publique la confiance inaltérable que méritent les billets, il suffit de lui présenter l'effet et le résultat de ce gage énorme de la caisse, relativement à ses engagements.
On suppose dans l'hypothèse quatre-vingt-dix millions de billets de caisse dans les mains du public.
Alors dans cette hypothèse, il existerait encore trente millions en louis d'or ou
écus dans les coffres de la caisse ; il existerait aussi dans le portefeuille delà
Caisse pour quatre-vingt-dix mil-lons delettres de change escomptées, triplement
garanties par trois signatures, et dont le choix aurait été fait par quatre
administrateurs de semaine : lettres de change échéant successivement tous les jours
pendant une très-courte révolution ; il existerait enfin, à titre de dépôt, au
Trésor royal,
En sorte que voilà un gage de cent quatre-vingt-dix millions en argent effectif en caisse ou eu valeurs exigibles, pour répondre de quatre-vingt-dix-millions de billets de caisse, que nous avons supposés en circulation dans l'hypothèse ci-dessus établie.
Or, je vous le demande, Messieurs, quelle est la compagnie de commerce de l'Europe, quelque opulente qu'elle soit, quelle est la puissance souveraine, quelque bien ordonnée que soit l'administration de ses finances, qui puisse présenter un gage aussi énorme et aussi assuré de ses engagements? La banque même d'Angleterre, si justement accréditée, nous ne craignons pas de le dire, n'offre point en proportion de ses billets en émigration un gage aussi considérable.
Enfin pour achever l'esquisse du tableau de comparaison que nous avons entrepris :
En 1783, l'établissement de la caisse d'escompte était précaire. La sanction royale n'était point intervenue pour en assurer la durée, et votre établissement est assuré pour trente ans, par l'arrêt du 18 février 1787.
M. l'archevêque de Toulouse, M. le contrôleur général et les autres ministres de Sa Majesté, que nous avons eu l'honneur de voir, nous ont surabondamment assuré de la constante protection du gouvernement pour le maintien du plus superbe établissement que la nation française ait jamais conçu. Sur-le-champ les ordres ont été donnés à toutes les caisses publiques, étant sous les ordres de l'administration des finances, de verser en échange de vos billets de caisse dans les coffres de la caisse d'escompte tout le numéraire que ces caisses pouvaient avoir et qui ne serait pas nécessaire pour leur service journalier.
Tel a été, Messieurs, le premier résultat heureux de notre mission et de nos démarches, et voici quels en ont été les effets.
L'inquiétude publique s'est calmée, et le concours des porteurs de billets de caisse, depuis votre assemblée du 24 de ce mois (1), est diminué d'une manière très-sensible. En lin, l'argent effectif rentré dans notre Caisse par les ordres et les soins du gouvernement, et ce qui est plus précieux encore, par l'effet de la confiance publi que, est venu en telle abondaneeque vous pouvez être désormais de la plus grande tranquillité.
ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT DU ROI
Qui a homologué le règlement arrêté dans " l'assemblée générale des actionnaires de la
caisse d'escompte, du 14 juillet dernier, du
18 septembre 1785, (Extrait des registres du
Conseil d'Etat.)
Sur ce qui a été représenté au Roi, étant en son conseil : que les actionnaires de
la caisse d'escompte ont, par délibération prise dans une assemblée générale, tenue
le 14 juillet dernier, approuvé les articles d'un règlement général, pour servir de
code unique, relativement à l'administration de ladite caisse, concurremment avec
celui fait pour le régime intérieur,et que par cette
Fait au Conseil d'Etat du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Saint-Cloud, le dix-huit septembre mil sept cent quatre-vingt-cinq. Signé : le baron de Bre-teuil.
Règlement général servant de code à Vadministration de la caisse d'escompte.
Arlicle 1er Les actionnaires continueront d'être
associés en commandite sous la dénomination de caisse d'escompte.
Art. 2. Le capital de la caisse sera de 15 millions , a raison de 3,000 livres par chacune des cinq mille actions existantes, sauf les augmentations de ce capital, ordonnées par l'article 2 du règlement homologué par l'arrêt du conseil en date du 26 juin de cette année.
Art. 3. Les opérations de la caisse consisteront :
1° A escompter des lettres de change et autres effets commerçables;
2° A se charger en recette et en dépense, des deniers, caisses et payements des particuliers qui le désireront, sans pouvoir exiger d'eux aucunes commission, rétribution ou retenues quelconques, et sous quelque dénomination que ce puisse être.
Art. 4. La compagnie ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, emprunter à intérêts, ni contracter aucun engagement qui ne soit payable à vue : elle ne fera aucun envoi de marchandises, expédititions maritimes, assurances, ni commerce quelconque.
Art. 5. La caisse d'escompte sera censée personnelle à tous ceux qui y tiendront leur argent et elle sera comptable envers chaque particulier.
Art. 6. Il continuera d'y avoir un dépôt d'actions, pour y recevoir comme par le passé, celles qu'on voudrait y mettre à l'abri de tout accident et d'où les propriétaires pourront les retirer toutes les fois qu'ils le voudront.
Art. 7. Les opérations de la caisse d'escompte seront dirigées par treize administrateurs qui seront élus à 1a pluralité des suffrages par l'assemblée générale des actionnaires pour donner plus facilement accès à l'administration, à toutes les classes de citoyens, il ne pourra être choisi plus de six personnes du même état, et l'on sera réputé être encore de l'état, lorsqu'il n'jr aura pas , deux années révolues qu'on l'aura quitté. L'assemblée générale sera convoquée, à cet effet, dans les quinze premiers jours de chaque année. Il sera procédé au renouvellement de quatre des treize administrateurs, et ceux qui seront sortis seront susceptibles d'être élus dès l'année suivante.
Art. 8. Les administrateurs seront tenus, dans leur gestion, de se conformer à ce qui aura été
déterminé par délibération des assemblées générales. Ils nommeront les employés, lixeront leurs appointemenls, et pourront les révoquer; le tout ainsi qu'ils jugeront convenir pour le bien et l'avantage de la compagnie. Ils ne pourront accorder à la même personne, en supplément d'appointements ou en gratification, une somme qui excède 3,000 livres par an. Cette administration continuera d'être gratuite.
Art. 9. Les administrateurs ne pourront, dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, solliciter de nouveaux arrêts du conseil, sans en avoir préalablement exposé les motifs et le sujet à une assemblée générale des actionnaires, et sans y être expressément autorisés par elle.
Art. 10. Chaque administrateur sera tenu d'avoir au dépôt de la caisse quinze actions, à lui appartenantes, qui devront y rester tant qu'il sera administrateur.
Art. 11. Nul administrateur ne pourra retirer ses actions sans un ordre signé par l'administration.
Art. 12. Aucun des administrateurs ne pourra être destitué, si ce n'est par les suffrages des deux tiers des actionnaires présents, dans une assemblée générale, ou par la voix unanime des douze autres administrateurs ; et, en ce cas, il sera délivré par l'administration un ordre pour qu'il puisse retirer ses actions.
Art. 13. Tout administrateur qui fera faillite pendant sa gestion, cessera de l'être dès ce moment.
Art. 14. Il y aura deux directeurs permanents, à appointements fixes, lesquels seront nommés par l'assemblée générale, "sur la présentation des administrateurs, et pourront être destitués par eux, à la pluralité des trois quarts des voix.
Art. 15. Ces directeurs suivront toutes les opérations de la caisse, sous les ordres et inspection des administrateurs, conformément à ce qui a été prescrit par le règlement fait pour le régime intérieur.
Art. 16. Les administrateurs nommeron t, chaque semaine, deux d'entre eux pour surveiller le service journalier, et il en sera rendu compte tous les huit jours par les directeurs à l'assemblée de l'administration.
Art. 17. Quoiqu'il soit de Vessence de la caisse d'escompte de ne mettre en circulation aucun billet dont la caisse n'ait reça la valeur, soit en argent effectif, soit en effet pris à l'escompte (1) ; que par conséquent le capital, ci-dessus énoncé, ne soit représentatif d'aucun de ses engagements en même temps qu'il est responsable de tout, et qu'ainsi cette masse de responsabilité soit plus que suffisante pour constater la solidité entière ¦ des billets; cependant pour assurer que la caisse sera constamment en état de satisfaire à l'obligation étroite de payer ses billets à la présentation, il y sera toujours gardé un fonds suffisant d'espèces effectives, suivant ce qui a été déterminé par le règlement du régime intérieur, arrêté dans l'assemblée générale du 27 janvier 1784, aux termes duquel la proportionne pourra jamais être moindre , du TIERS AU QUART de la somme des billets en circulation; desquels fonds, en espèces et billets en circulation, il sera fait tous les huit jours un état signé des directeurs et administrateurs, pour être enliassé et représenté à la fin de chaque semestre, à l'assemblée générale. (I) Ai isi les administrateurs n'onl point dans leurs l 'Hins le balancier banal et arbitraire des billets : la lin de cet article le prouve.
Art. 18. Il ne sera reçu à l'escompte que des lettres de change et autres effets commerçables, au choix des directeurs et administrateurs chargés de leur examen ; et lesdits effets reconnus bons participeront avec une juste égalité à la faveur de l'escompte.
Art. 19. 11 ne sera rien escompté à plus de quatre-vingt-dix jours de terme; le prix de l'escompté ne pourra excéder 4 0/0 pour ce qui ne passera pas l'échéance de trente jours, et de
4 1/2 0/0 pour les effets dont l'échéance sera depuis trente jusqu'à quatre-vingt-dix jours.
Art. 20. Le bureau pour les escomptes sera ouvert trois jours par semaine, qui seront les lundi, mercredi et vendredi, à moins d'impossibilité d'y vaquer, pour raison de fête ou d assemblée générale : auquel cas il y sera suppléé la veille ou le lendemain, suivant que l'indiquera l'administration.
Art. 21. Lorsqu'il sera question de faire une élection, chaque actionnaire ayant voix, aura droit seulement jusqu'à la surveille du jour indiqué pour l'assemblée générale, de demander par écrit et sous signature, à l'administration, telle personne qu'elle jugera convenable, et la réunion de ces divers vux sera présentée à l'assemblée générale par le corps d'administration, pour qu'elle choisisse dans cette liste les administrateurs qui seraient à nommer.
Art. 22. A chaque élection de nouveaux administrateurs, si neuf des anciens estiment qu'il ne soit pas convenable de présenter à l'assemblée générale quelques-uns des candidats qui leur auraient été indiqués, ils seront rejetés de la liste; on en exclura toujours ceux qui auraient fait faillite.
Art. 23. Lorsque par des causes quelconques, il y aura deux places d'administrateurs vacantes, on convoquera une assemblée générale exprès pour les remplacer, à moins que ce ne soit un terme moins éloigné de six semaines d'une assemblée générale; mais dans tous les cas d'élection, l'annonce des convocations en fera mention.
Art. 24. Pour fixer le dividende du semestre suivant et des suivants, à raison de cinq mille actions, on commencera par prélever sur les bénéfices réalisés, c'est-à-dire après la déduction faite des frais et de l'escompte sur les lettres du portefeuille, non rentrées, dans la forme adoptée par le compte du semestre de janvier 1785,
5 0/0 du capital actuel et futur des actions; lequel taux servira toujours de base pour la fixation des dividendes. On ajoutera à cette base la moitié de l'excédant des bénéfices ; l'autre moitié sera jointe à la réserve, ainsi que les fractions qui se trouveront donner moins de 10 livres dans la moitié à répartir au dividende.
Art. 25. Lorsque les fonds réservés se monteront à 3,500,000 livres, il en sera joint 2,500,000 livres au capital des actions, qui sera alors de 3,500 livres pour chacune; et toutes les fois qu'ensuite les fonds qui resteront en réservé se monteront encore à 3,500,000 livres, il en sera joint pareillement 2,500,000 livres au capital des actions qui, en conséquence, seront de nouveau augmentées de 500 livres pour chacune.
Art. 26. Dans le cas où les bénéfices d'un semestre ne produiraient pas pour dividende 5 0/0 du capital des actions, il en sera pris sur la réserve de quoi le porter à ce taux.
Art. 27. On comptera dans les bénéfices d'un semestre ce qui aura été recouvré pendant le cours d'icelui des créances qui auraient été dis-
traites comme douteuses, les semestres antérieurs.
Art. 28. Il y aura de droit deux assemblées générales par ah, l'une dans les quinze premiers jours de janvier, et l'autre dans les premiers jours de juillet, à l'effet de délibérer sur tout ce qui intéresse la compagnie.
1° Dans celle de janvier, l'assemblée recevra le compte qui lu sera présenté par les administrateurs, conformément au modèle annexé au registre des délibérations.
2° Elle fera choix de trois actionnaires, pour examiner et vérifier ledit compte, prendre une connaissance détaillée de toutes les opérations du dernier semestre ; constater si elles ont été con-fqrmes aux statuts, et vérifier l'état des caisses.
3° Elle sera prévenue que l'on procédera, dans la deuxième séance qui aura lieu environ huit jours après, à la nomination aux places d'administrateurs vacantes.
4° Elle recevra, dans cette deuxième séance, le compte qui lui sera rendu par les commissaires nommés dans la première,
5° Elle procédera, d'après ce compte, à la fixation du dividende, conformément à l'arrêt du conseil en date du 26 juin 1785.
6° Elle procédera à la nomination aux places d'administrateurs vacantes, suivant les formes prescrites.
7° Elle indiquera le terme dans lequel seront tenus de déposer les actionnaires qui voudront avoir entrée dans l'assemblée du semestre suivant.
Ce qui vient d'être prescrit pour l'assemblée de janvier, aura :lieu pour l'assemblée de juillet, excepté pour les articles qui concernent l'élection des administrateurs, à moins qu'il n'y ait lieu par les circonstances.
Art. 29. Pour avoir entrée et voix délibérative dans les assemblées générales, il faudra être propriétaire de quinze actions au moins, et les avoir déposées d'avance pendant six mois consécutifs.
Art. 30. Nul actionnaire ne pourra donner sa voix, s'il n'est présent à l'assemblée ; mais tout actionnaire présent, propriétaire de quinze actions qu'il aura déposées, comme il est dit à l'article ci-dessus, aura voix. Il en aura deux s'il a déposé trente actions; trois s'il en a déposé soixante ; quatre s'il en a déposé quatre-vingt-dix, sans qu'il puisse en avoir davantage quei que soit le nombre de ses actions, et sans que cette facilité s'étende à d'autres cas que ceuK où les voix se donnent par scrutin : ce qui aura lieu pour toutes les élections, et ne pourra être refusé dans les autres questions, lorsque douze actionnaires présente le demanderont.
Art. 31. Dans tous les objets de discussion qui auront un rapport direct ou indirect avec l'administration, on ira aux voix par le scrutin soit qu'il soit demandé ou non. Les administrateurs ne pourront dans ce cas, ni dans aucun autre, perdre leurs droits d'actionnaires et les voix qu'ils auront en cette qualité.
Art. 32. Neuf actionnaires ayant voix, pourront demander, par un écrit signé d'eux, motivé et adressé aux administrateurs, une assemblée générale d'actionnaires, et cette assemblée extraordinaire sera convoquée pour avoir lieu dans six jours après celui de la demande.
Les administrateurs auront le droit de convoquer une assemblée générale chaque fois qu'ils Je jugeront nécessaire.
Art. 33. Dans cette assemblée générale, le président de l'administration commencera par rendre
EMENTAIRES. [6 octobre 1789.]
compte ; il fera l'appel des actionnaires qui ont droit d'entrée, en suivant l'état des déposants, lequel sera dressé d'après la reconnaissance délivrée par le directeur.
On mettra ensuite en délibération chacun des objets à traiter, suivant l'ordre dans lequel ils auront été présentés.
Avant d aller aux voix, il sera fait un tour d'opinion, suivant l'état d'appel préalablement fait des actionnaires ; et cet ordre ne pourra être interrompu. En cas de contravention, le président rappellera à l'ordre.
Art. 34. Si l'assemblée a été convoquée par neuf actionnaires, le président commencera par faire la lecture de l'écrit motivé, envoyé par eux à l'administration, à l'effet de convoquer l'assemblée, ainsi que des objets sur lesquels les neuf actionnaires désirent qu'il soit délibéré.
Art. 35. Sur chacun des objets mis en délibération par le président ou par les commissaires, tout actionnaire présent à l'assemblée aura droit de faire telle proposition ou réquisition particulière qu'il jugera à propos, mais il faudra qu'elle soit analogue au sujet et il sera tenu delà rédiger par écrit et de la remettre ainsi signée de lui au président, lequel en fera la lecture à l'assemblée; il en sera délibéré sur-le-champ si elle est admise sans contradiction: dans ce cas, celui qui en sera l'auteur sera appelé pour opiner lé premier; mais lorsque l'on prendra les voix, il la donnera à son tour.
Art. 36. Quand tous les objets proposés par le président ou les commissaires auront été mis en délibération et terminés, tout actionnaire aura le droit de faire telle nouvelle proposition et réquisition qu'il jugera à propos, sur quelque objet que ce soit, et ce, conformément à ce qui vient d'être prescrit par l'article précédent qui sera aussi exécuté dans tout son contenu.
Art. 37. Si quelqu'un trouve que les propositions et réquisitions particulières qui pourraient être faites aux termes des deux articles précédents ne doiventpas être admises, il en sera délibéré sur-le-champ ; et après avoir fait un tour d'opinion, dans lequel Je proposant sera le premier opinant, il sera décidé à lapluralité des voix si elle doit être discutée.
Art. 38. Il est expressément défendu à tout actionnaire de s'écarter tant dans les propositions qu'il pourrait faire, que dans ladiscussion de son opinion, des lois de décence qui doivent régir l'assemblée, et si quelque actionnaire se trouve inculpé à cet égard, il en sera délibéré sur-le-champ par la voie du scrutin et à la pluralité des trois quarts de voix : il sera dressé procès-verbal du tout, et rendu compte au ministre, pour être par lui ordonné ce qu'il appartiendra.
Art. 39. On inscrira sur les registres des délibérations toutes les propositions faites et traitées en l'assemblée, sans y inscrire le détail de leurs motifs ; on mettra après chacune le résultat de la délibération dont elles auront été suivies, et les feuilles sur lesquelles elles sont écrites et détaillées, seront enliassées pour rester au secrétariat de la caisse, après avoir été visées par le président de l'assemblée, conjointement avec un ' administrateur.
Si un actionnaire requiert qu'il soit faitregistre de son opinion et de ses motifs, il sera tenu de les mettre par écrit, ou les joindre aussi à la liasse des propositions, après en avoir fait une mention succincte sur le registre des délibérations.
Art. 40 L'assemblée générale ne pourra se dis-
soudre avant qu'on ait mis en délibération et décidé toutes les propositions qui auront été annoncées au commencement par le président, et il y sera procédé à quelque nombre que se trouvent les votants ; mais nulle proposition nouvelle ne pourra avoir lieu, sans le consentement de l'assemblée, après deux heures et demie le matin et après huit heures et demie le soir.
Art. 41. Il sera accordé, par formelle droit de présence, deux jetons atout actionnaire autre que les administrateurs, qui constatera sa présence en l'assemblée générale par sa signature au pied de la délibération de l'assemblée,et pour cet effet, le président la clora par la sienne, en constatant le nombre des actionnaires qui auront signé.
Art. 42. Les dispositions du présent règlement ne pourront être changées en aucun point, que par délibération de l'assemblée générale des actionnaires, prise à la pluralité des trois quarts de voix.
Sa Majesté sera suppliée de les agréer et approuver par arrêt de son conseil, qui déroge spécialement et en entier à ceux des 24 mars 1776, 7 mars 1779 et 23 mars 1783.
Vu et approuvé au Conseil d'Etat du Roi, Sa Majesté y étant, à Saint-Gloud, le 18 septembre 1786} signé: Le baron de Breteuil.
Statuts du régime intérieur, arrêtés far rassemblée générale des actionnaires, le 27 janvier 1785, d'après le projet présenté par les commissaires, et les changements que l'assemblée a jugé à propos d'y faire.
Messieurs,
Le comité charge de la rédaction d'un plan de règlement pour le régime intérieur de la caisse d'escompte s'est occupé de connaître en détail ce qui s'est pratiqué jusqu'ici à cet égard, avec le dessein de conserver ce que l'expérience avait démontré être utile, corriger ce qui paraîtrait défectueux, et suppléer à ce Qui serait insuffisant.
Il ne distinguera point entre ce qui était déjà et ce qu'il propose pour l'avenir : le travail qu'il vous offre est le résultat de ses opinions après plusieurs discussions contradictoires avec vos administrateurs et après avoir entendu voé principaux employés.
Sur le fond des articles essentiels à la véritable prospérité de la compagnie, la discussion a bientôt réuni tous les avis ; mais dans les détails d'exécution, différents procédés peuvent conduire au même but. Le raisonnement seul ne donne pas toujours dans ces matières des résultats incontestables; la leçon journalière de l'expérience et l'habitude continuelle des opérations méritent d'être particulièrement consultées ; et il a paru à votre comité que le corps d'administration, occupé de la conduite journalière dé vos affaires, serait plus à portée d'atteindre à la perfection dans ces détails que ne l'est un comité isolé, qui ne peut agir, pour ainsi dire, que spé-culativement dans ces matières, et à qui il manque nécessairement des connaissances locales et matérielles, qui sont requises dans la manutention habituelle d'un établissement qui exige à la fois autant d'ordre et autant d'activité que la caisse d'escompte.
D'après ces considérations, le comité a pensé qu'il devait plutôt s'occuper à établir des princi-
pes qu'à prescrire des procédés, à constater ce que les actionnaires voulaient, plutôt qu'à définir comment ils le voulaient.
Votre comité a donc estimé qu'il devait borner son travail à des principes généraux sur chacun des principaux objets soumis à la surveillance des administrateurs, et à des institutions particulières sur quelques points très-importants ; ils vont être traités dans les chapitres suivants ; nous pensons que le reste peut et doit être abandonné à la discrétion et à l'expérience de l'administration, dépositaire de la confiance des actionnaires.
Si même il se présentait, dans l'exécution de quelques-uns de ces statuts, des inconvénients ou des difficultés, que nous n'avons pas prévus, vos administrateurs ne doivent point oublier, qu'en convoquant une assemblée générale, ils pourront, sous son autorité, faire les changements qui paraîtront convenables ; et cette facilité même sera un nouveau garant pour vous de l'exactitude avec laquelle on observera les règles que votre approbation aura consacrées.
Il serait superflu de dire que cette précision ne regarde que les articles d'une certaine importance: vous n'avez point entendu lier vos administrateurs dans les détails minutieux nécessairement indifférents en eux-mêmes.
CHAPITRE PREMIER.
Des administrateurs.
Art- 1er. L'article 8 des statuts et règlements donne
une définition générale des droits des administrateurs. Ce sont les véritables
garants de l'affaire : ils doivent se regarder comme fondés de la procuration des
actionnaires, et autorisés à lier la compagnie, excepté dans les cas qui exigent le
concours de l'assemblée générale des actionnaires, ou une autorisation spéciale du
gouvernement -, mais ils ne pourront, dans aucun cas, ni sous aucun prétexte,
solliciter de nouveaux arrêts du conseil, sans en avoir préalablement exposé les
motifs et le sujet à une assemblée générale des actionnaires, et sans y être
expressément autorisés par elle et à moins d'une semblable autorisation, le cçmmerce
des matières n'aura plus lieu à l'avenir.
Art. 2. Tout doit se décider entre les administrateurs à la pluralité des voix, mais après une ample et libre discussion, il faut que chaque membre ait le droit de motiver, d'inscrire et de signer son avis et ses propositions, et cela indifféremment, soit qu'on les ait approuvés ou rejetés.
Art. 3. A cet effet, il sera tenu deux registres, dont l'un, nommé journal des assemblées d'administration, contiendra les noms des administrateurs présents à chaque assemblée ; toute proposition sur laquelle on voudra prendre les voix y sera inscrite avant d'aller aux voix, et chaque membre aura la liberté de faire insérer son avis détaillé, s'il le juge à propos, moyennant qu'il le signe, et ce journal devra faire mention du nombre des voix, et des noms des votants, pour et contre, sur chaque proposition mise en délibération.
Le second registre sera intitulé, décisions cle Vadministration, et contiendra seulement les décisions qui auront passé et devront être exécu-tées.
Art. 4. Lorsque, par des causes quelconques, il
y aura deux places d'administrateurs vacantes, on convoquera une assemblée générale exprès pour les remplacer, à moins que ce ne soit à un terme moins éloigné que six semaines d'une assemblée générale ; mais dans tous les cas d'élection, l'annonce de convocation doit en faire mention.
Art. 5. A chaque élection de nouveaux administrateurs, si neuf des anciens Estiment qu'il ne serait pas convenable de présenter à l'assemblée générale quelques-uns des candidats qui leur auraient été indiqués, ils auront la liberté.
Art. 6. Les administrateurs ne pouvant, dans aucun cas, perdre leurs droits d'actionnaires, il est spécialement entendu qu'ils jouiront constamment du nombre des voix proportionné au nombre d'actions dont ils seront propriétaires conformément à l'article 14 des statuts, et dans tous les objets de discussion qui auront un rapport direct ou indirect avec l'administration, on ira aux voix par le scrutin, soit qu'il soit demandé ou non.
Art. 7. L'assemblée générale des actionnaires ne pouvant, par la nature de cet établissement, accorder aucune pension, il ne sera permis à 1 administration de donner à la même personne, en supplément d'appointement, ou en gratifica-oaaà V une somme qui ne doit jamais excéder o,U00 livres par an; l'assemblée se réservant d accorder des gratifications plus fortes.
CHAPITRE 11.
Des assemblées d'administration.
Art. 1er. L'article 11 des statuts a décidé qu'il se
tiendrait une assemblée d'administration par semaine : cela doit s'entendre
indépendamment de toute assemblée de comité particulier et ces comités particuliers,
composés de trois membres au moins, qui devront s'occuper plus particulièrement des
objets destinés, dont ils seront séparément chargés, devront tous rapporter leur
travail a l assemblée de semaine, et avoir la sanction de celle-ci avant que les
délibérations des comités puissent être réputées exécutoires.
Art. 2. (1) C'est dans ces assemblées qu'on nommera le président de chaque mois, et les deux administrateurs de semaine, pour le service de 1 escompte: de manière toutefois que chaque administrateur passe à son tour à ces deux genres de service, et qu'il soit pourvu à l'avance au remplacement de ceux qui, pourdes causes quelconques, ne pourraientpoint assister à l'exécution des fonctions dontils seraient spécialement chargés, lequel remplacement se fera à l'amiable parmi les administrateurs.
Art. 3. Ce sera l'assemblée d'administration qui fixera chaque semaine la somme à destiner à l'escompte pour la huitaine suivante ; elle pourra accompagner cette fixation de telles conditions, restrictions exclusions et instructions qu'elle jugera convenables, auxquelles les administrateurs de semaine seront tenus de se conformer.
Pour parvenir à la fixation de la somme à destiner a 1 escompte, il sera mis sous
les veux de 1 administration, à chaque assemblée, sans faute un étal exact du
montant des billets en circula-
CHAPITRE III.
Des directeurs.
Arti. 1er. 11 y aura désormais deux directeurs ;
savoir: le caissier général.ayant le titre de directeur des caisses, qui sera chargé
de la surveillance générale des caisses et des billets, et particulièrement de la
vérification de la rentrée, invalidation, brûlement et comptabilité des billets de
caisse, à l'anéantissement desquels il ne procédera néanmoins qu'en présence des
administrateurs du comité. Le deuxième directeur sera spécialement chargé de la
surveillance et de la comptabilité des comptes courants, des dépôts d actions, et,
en général, il veillera à ce que les livres et écritures de tout genre soient
convenablement tenus, en bon ordre, et constamment à jour.
Art. 2. Chaque directeur aura entrée et séance dans le comité particulier qui sera spécialement occupé de l'objet dont ce directeur sera chargé, c est lui qui rédigera les délibérations du comité, et qui en fera le rapport par écrit à l'assemblée d administration, desquels rapports il sera gardé minute.
Art. 3. Les deux directeurs seront chargés de la garde du portefeuille, contenant les lettres de change et autres valeurs prises à l'escompte : et en cas d'absence, la clef du directeur absent sera remise au secrétaire, ou à telle autre personne que les administrateurs jugeront convenable.
Art. 4. Le directeur des livres assistera à la prise du papier à l'escompte, et sera chargé de former ou faire former, de tous les effets ainsi pris a l'escompte, des états ou registres, à l'inspection desquels on puisse aisément reconnaître la quantité d'engagements payables par chaque maison, ainsi que la quantité d'effets escomptés a chaque maison. Ces états devant contenir le nom du tireur, de l'accepteur, et du dernier endosseur de chaque effet, et l'indication précise de son échéance. Ce registre sera réputé secret, et ne pourra être ouvert qu'à la réquisition de deux administrateurs de semaine, ou de quatre administrateurs en assemblée d'administration seulement.
Art. 5. Indépendamment des objets de travail qui viennent d'être indiqués à chaque directeur, ils doivent se regarder comme spécialement chargés de veiller a l'exécution de toutes les décisions des comités, et subordonnés en tout aux délibérations des assemblées d'administration.
CHAPITRE IV.
Du contrôleur.
Art. 1er. n gera en outre établi un contrôleur des
caisses ; et en conséquence la garantie actuelle du caissier général lui sera rendue
et n'aura plus lieu désormais.
Art. 2. Les fonctions du contrôleur seront de
faire tous les jours la visite et inspection des caisses ; de vérifier et de signer le visa des bordereaux qui seront remis au directeur des caisses ; il sera en outre autorisé: toutes les fois qu'il le jugera à propos, ou quand un administrateur le demandera, de faire une vérification exacte et physique desdites caisses : elle se fera en présence d'un administrateur et du directeur des caisses, et pour s'y préparer, le contrôleur aura la liberté de fermer telle caisse qu'il voudra: ce qui aura lieu au moins une fois par mois.
Art. 3. Le contrôleur sera aussi particulièrement attaché à la surveillance de tout ce qui concerne la fabrication, contrôle, sortie et rentrée des billets, et chargé de tout autre travail que l'administration jugera convenable de lui confier.
CHAPITRE V.
Du secrétaire.
Art. 1er (1). Le secrétaire aura sous sa garde le
registre du procès-verbal des assemblées générales et ceux des délibérations et
consultations des assemblées d'administration.
Art. 2. Il écrira, lorsqu'il en sera requis, sous la dictée de chaque administrateur, l'avis particulier qu'on voudra faire motiver sur le livre des consultations.
Art. 3. Il aura de plus, sous sa garde, tous les arrêts, tilres, mémoires, lettres et autres papiers de cette nature, relatifs à la caisse d'escompte.
Art. 4. Il aura soin que les bureaux soient convenablement fournis de registres, papiers, encre, plumes, etc., et traitera pour cet effet avec le papetier de la caisse.
Art. 5. il sera chargé de faire avertir tous les membres de l'administration pour leurs assemblées extraordinaires, ainsi que pour celles des comités convenus.
Art. 6. Il sera aussi chargé de rédiger et faire imprimer toutes les annonces et affiches, et généralement tous les imprimés quelconques que l'administration aura statué de publier.
Art. 7. Le secrétaire sera spécialement chargé d'assister en personne à tout le procédé d'impression des billets de caisse, et de la vérification des quantités et sommes ainsi imprimées.
Art. 8. If sera, en outre, chargé de la garde des différentes clefs dont il sera parlé ci-après ; et il pourra recevoir celles de tout administrateur ou directeur qui serait forcément absent, lorsque sa clef serait nécessaire, de manière cependant à ce que toutes les clefs d'une même caisse ne se trouvent pas dans une même main; à l'effet de quoi un directeur, et à son défaut un principal employé pour remplacer le secrétaire.
CHAPITRE VI.
De l'escompte.
Art. 1er. Les administrateurs de semaine feront le
choix du papier qui sera présenté à l'escompte ; et le caissier n'en pourra payer
valide-ment le montant que sur le vu du bordereau paraphé par les administrateurs de
semaine.
Art. 2. Il suffira qu'un seul administrateur de semaine refuse de parapher un bordereau quelconque pour qu'il soit rejeté de plein droit ; et tout appel à l'administration sur un rejet quelconque est, par le présent règlement, déclaré absolument non-recevable.
Art. 3. Il ne sera pris à l'escompte aucun effet qui ne soit revêtu de deux bonnes signatures au moins, et qui ne soit présenté à l'escompte par le dernier endosseur directement; et cette condition nécessitera que chaque personne qui présentera du papier à l'escompte, soit tenue de signer un bordereau des effets ainsi présentés; mais tous les effets réputés bons et solides seront admis indifféremment à l'escompte, soit qu'ils soient présentés par les personnes qui les auront reçus directement du dehors, soient qu'ils aient déjà passé par plusieurs mains à Paris.
Art. 4. Il ne sera rien pris à l'escompte pour Je public à moins de quinze jours d'échéance; mais ceux qui tiendront leurs comptes courants à la caisse, seront exceptés de cette règle.
Art. 5. L'avantage permanent de la caisse d'escompte ne pouvant résulter que de son utilité plus générale, les administrateurs de semaine reprendront l'escompte sans acception de personnes, mais de manière cependant à donner la préférence à ceux qui tiennent leurs comptes courants à la caisse; et dans les temps où l'on sera obligé de resserrer l'escompte, on préférera communément les petites parties aux grosses et les parties moins longues à celles qui le seraient davantage.
Art. 6. La somme à destiner chaque semaine à l'escompte, et les conditions qui doivent l'accompagner devant être fixées par l'assemblée d'administration. les administrateurs de semaine ne pourront pas s'en écarter ; mais dès qu'ils s'apercevront que l'argent en caisse sera tombé au-dessous du tiers du montant total des engagements, tant par billets de caisse que par soldes dus aux comptes courants, ils diminueront sensiblement l'escompte, et le feront cesser tout à fait quand la proportion sera tombée au quart, et ce nonobstant les fixations ou réserves quelconques qui pourraient leur avoir été données par l'assemblée d'administration.
Art. 7. Les prêts permanents étant une des causes les plus ordinaires des embarras des banques, il ne s'en fera point de ce genre.
Art. 8. Le capital des actions étant la caution naturelle de nos engagements, il ne sera point fait de nouveaux prêts sur les dépôts d'actions; et de ceux déjà faits, aucun ne sera renouvelé à des époques postérieures au 30 juin prochain; les autres prêts qui peuvent avoir été faits sur le dépôt d'autres effets publics de toute nature, rentreront d'ici à la même époque, et il n'en sera fait de semblables à l'avenir qu'après des principes et sous des formes que les actionnaires auront approuvés dans une assemblée générale.
CHAPITRE VII.
Des caisses.
Art. 1er. Les administrateurs formeront un comité des
caisses, et, sur son rapportais en fixeront le nombre, et en prescriront la marche
et la manutention.
Art. 2. Toutes les caisses recevront des ordres du directeur des caisses, lui rendront compte journellement de leurs opérations quelconques, et seront en tout assujettis à la surveillance et
vérification qu'il jugera à propos de faire ou de prescrire. , .
Art. 3. Il y aura, à dater du 15 mars prochain, une caisse particulière à trois clefs, dont deux seront gardées par les deux directeurs, et l'autre par l'administrateur président du mois. Dans cette caisse, on déposera un nombre de millions en espèces, égal au moins à la cinquième partie de la somme des engagements de la caisse ; on y ajoutera un nouveau million chaque fois que les engagements se seront augmentés de 5 millions, et l'on n'aura recours à ce fonds de réserve que lorsque les besoins des autres caisses, ou une diminution sensible dans la somme des engagements le rendra nécessaire.
chapitre viii.
Des billets de caisse.
Après avoir entendu le chapitre des billets de caisse tel qu'il a été présenté dans le travail du comité, et après lecture du projet d'un chapitre de billets présenté par M. Rilliet, un autre par M. Delessert, et avoir discuté longtemps les avantages et les inconvénients de chacun de ces systèmes, il a été décidé que le tout serait référé à l'administration, pour en être rendu compte, avec l'avis des administrateurs, à l'assemblée générale de juillet prochain au plus tard, et y être alors statué ;
Qu'en attendant, il ne serait rien changé à la forme des billets actuels ni à leur signature, mais que la seule instruction à donner pour le moment, sera de ne créer à la fois que la moindre quantité compatible avec la célérité nécessaire au service, et de les partager de manière à éviter le plus possible leur réunion en trop grande masse pour éviter les risques de tout genre.
A l'effet de quoi il n'y en aura jamais plus de 10 millions à la fois au delà de la somme réellement dans le public, et partagée autant que faire se pourra de la manière suivante : 2 millions dans les mains des caissiers, 3 en la caisse séparée des directeurs et contrôleur, et 5 dans la caisse de l'administration, et les billets ne seront plus que de 1,000 livres, ei 600 livres en caractères noirs, et de 300 et de 200 livres en caractères rouges (1).
chapitre ix.'
Des comptes courants.
Art. 1er. Les administrateurs auront soin d'établir, à
l'égard des comptes courants, un ordre d'écritures et de comptabilité, qui ne
permette que les particuliers soient crédités, qu'après que les fonds seront
réellement rentrés.
Art. 2. A cet effet, le montant des objets à recevoir, donnés parles particuliers pour être portés à leurs comptes courants, ne seront à leur disposition que le lendemain de leur rentrée ; mais ils pourront disposer, dès le jour même, des fonds qu'ils auront envoyés en espèces et en billets de caisse.
Art. 3. Les comptes courants seront débités à l'instant même de chaque payement qui
se fera à leur charge : on évitera soigneusement de faire
Art. 4. Les comptes courants seront additionnés tous les soirs de manière à fournir au directeur des comptes courants les résultats des soldes.
Art. 5. Le directeur ayant le département des comptes courants veillera strictement à la bonne tenue de tous les registres relatifs à cette partie, le tout sous l'inspection du comité des comptes courants, et sous les ordres de l'administration.
chapitre x.
Du dépôt d'actions.
Art. 1er. Il sera incessamment construit dans l'hôtel
une serre-caveau, ou autre endroit de sûreté, où les papiers seront parfaitement à
l'abri du feu, et dont les clefs seront gardées par les deux directeurs.
Art. 2. Les actions déposées seront gardées dans ce dépôt, dans une caisse de fer, sous trois clefs, savoir: celle d'un administrateur de semaine, celle du directeur des livres et celle du secrétaire.
Art. 3. Les registres du dépôt seront tenus en partie double. Les grands-livres fermeront à clef. Chaque dépôt sera signé par la personne qui dépose, et visé ensuite par un administrateur ; mais nul ne pourra décharger le registre des actions déposées ni de leurs dividendes que la personne même au nom de laquelle le dépôt sera fait, ou du fondé de sa procuration en bonne et due forme : on sera libre d'ajouter au compte de chaque déposant les clauses, restrictions et conditions contenues dans les actes devant notaires et autres qui accompagneront ces dépôts, et l'on sera tenu de s'y conformer.
Art. 4. Le dépôt sera tenu absolument secret, et nul, hors l'administration, n'y aura recours, excepté les propriétaires d'actions déposées, ou leur fondé de procuration, chacun en ce qui le regarde seulement ; et ces personnes pourront se faire accompagner d'un notaire, à l'effet de constater l'existence de leurs dépôts, à une époque quelconque, sur les livres de la compagnie.
Art. 5. Il ne sera délivré aucun certificat des actions au dépôt, si ce n'est à l'effet de faire en- , trer les actionnaires aux assemblées générales. Ces certificats feront mention du nombre des voix que chaque actionnaire pourra donner dans les cas de scrutin, relativement au nombre de ses actions, d'après le règlement du 22 novembre 1783. Ils seront libellés de manière à ne point servir de titres contre la compagnie, et à être nuls et de nul effet, l'assemblée finie.
Art. 6. Tous les livres relatifs aux actions dé- 4 posées seront tenus par duplicata. Chaque opération y sera inscrite au moment même de sa consommation ; et un des deux recueils de ces livres sera transporté tous les soirs dans le dépôt de sûreté, dont il est parlé à l'article premier de ce chapitre, et renfermé dans une boîte exprès, dont la clef restera sous la garde du directeur des livres.
CONCLUSION.
Les administrateurs trouveront, dans les chapitres précédents, le peu de règlements positifs que la compagnie a jugé à propos de leur prescrire, et desquels elle exige qu'ils ne se départent point sans y être autorisés par délibération d'une assemblée générale; mais ils remarqueront que l'esprit général de ces règlements n'est, pour ainsi dire, que préservatif ; qu'on n'a eu en vue que d'éviter les abus, diminuer les risques, et prescrire en général l'ordre, la méthode, la sûreté et la surveillance.
Tous ces moyens tendent sans doute essentiellement à la solidité et à la permanence de l'établissement, et, en cela, à augmenter la confiance du public, si nécessaire au succès de la caisse d'escompte.
Mais il est des vues générales, des précautions, pour ainsi dire, intellectuelles, qui tiennent au véritable esprit de la chose, que nul règlement ne peut prescrire, qu'aucun conseil ne peut suppléer. G'est là ce que les actionnaires attendent principalement du zèle, de l'expérience et de la sagacité des administrateurs de leurs affaires. Ils se contenteront de recommander ici à l'administration de regarder la prudence et la modération comme leurs premières vertus ; de se rappeler qu'il n'y a de profit désirable, que celui qui promettra permanence et solidité, et qu'on n'est jamais aussi assuré d'être efficacement utile aux autres, que lorsque c'est sans risques ni dangers pour soi,
Leur premier et constant devoir sera de concilier l'utilité publique avec celle de la Caisse d'escompte. Ces intérêts bien entendus sont en effet inséparables ; et nous ne devons point oublier que 1a confiance publique, source de tous nos bénéfices, exige de notre part un retour de vigilance, d'exactitude et de sacrifices même, s'il ouvait en être besoin, afin de rendre notre éta-lissement de plus en plus utile.
Pour cela, nos administrateurs doivent tendre sans cesse vers l'augmentation progressive de la masse de nos billets en circulation, non-seulement dans Paris, mais dans toutes les provinces du royaume. Cette nouvelle voie de communication facilitera les versements, en même temps qu'elle dispensera des transports; et cette double utilité lui méritera les importantes facilités que l'administration publique peut seule lui procurer, celles de faire recevoir nos billets dans toutes les caisses royales.
Il faudra aussi s'occuper continuellement des moyens de multiplier les comptes courants avec les particuliers de tous les ordres, et avec toutes les grandes caisses, sources fécondes de jouissances d'argent et de facilité pour le service intérieur ; mais, pour rendre tous ces avantages permanents et durables, il faut que rien ne puisse altérer la résolution prise par la compagnie de garder toujours, en espèces réelles en caisse, une somme amplement suffisante pour faire face à toutes les demandes.
La proportion fixée à cet égard, par les statuts du 22 novembre, doit être regardée comme stricte et de rigueur ; nulle considération ne doit engager l'administration à la diminuer, fût-ce même pour un jour. Ce doit être pour elle une règle inviolable et sacrée. A quelque somme que nos enga-ment's puissent s'élever à l'avenir, sur quelque surface qu'ils puissent être répandus, quelque
résultat qu'ait donné l'expérience, il ne faudra jamais baisser la proportion au-dessous de celle du tiers au quart, fixée parles statuts.Non-seulement la sûreté des actionnaires et des porteurs de nos engagements exige que cette réserve soit toujours intacte, l'utilité publique veut encore qu'on accumule la somme des espèces en caisse à mesure qu'on augmente la circulation des billets ; car il est de principe incontestable, que toute circulation de papier, faisant office d'espèces, a une tendance directe à diminuer la quantité des espèces réelles en circulation. C'est pour tempérer cet effet du papier circulant, que la réserve ordonnée doit être inviolablement maintenue comme principe de l'administration publique.
Cette proportion, au reste, n'est établie que pour les temps ordinaires et tranquilles. Il en survient quelquefois d'autres; nos administrateurs seront plus que nous à portée de les prévenir ou de s'en garantir. Ils sont communément annoncés par des opérations forcées, des mouvements inusités, des transports d'argent et des soubresauts dans la circulation. Au moindre avertissement de cette espèce, à chaque crue ou diminution subite de nos billets, nos administrateurs redoubleront de surveillance, et tâcheront de remonter aux causes; mais une diminution sensible de l'escompte, tant en masses qu'en échéances, afin de remonter la proportion des espèces au-dessus de la fixation ordinaire, sera le premier effet de la plus légère inquiétude; le reste dépendra d'eux.
En acceptant d'entrer dans l'administration de la caisse d'escompte, ils doivent à la compagnie leurs sbins, leur vigilance, l'emploi de tous leurs talents pour l'utilité commune ; et les actionnaires leur devront, en retour, confiance, reconnaissance, soutien; ce sera de cette réunion heureuse que résultera l'oubli des malheurs passés, et le raisonnable eâpoir d'une prospérité solide dans l'avenir.
PRÉSIDENCE DË M. tyOUNIER.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture des procès-verbaux des séances de la veille.
, secrétaire, annonce que MM. Robert et Hercule Crémont, Anglais, adressent à l'Assemblée nationale une lettre, écrite dans leur langue, par laquelle ils manifestent le zèle le plus ardent pour la liberté de la France.
demande que l'Assemblée reprenne le travail de la Constitution et que la séance ouvre, chaque jour, à 9 heures du matin.
Cette motion est adoptée.
donne lecture de l'article 5 du projet du nouveau comité de Constitution, sur l'organisation du Corps législatif. 11 est ainsi conçu :
« Art. 5. Toute contribution sera supportée également par tous les citoyens et par tous les biens, sans distinction, »
, archevêque d'Aix, propose de dire sur les biens et les revenus.
soutient qu'il s'agit de faire une loi constitutive et non une loi de iinauces et que le mot revenu est inutile.
demande que l'article soit ainsi rédigé : « Toute charge publique sera supportée proporit'onneWemeni, etc. », de manière que les propriétés et revenus de tous les citoyens, sans distinction, contribuent par une juste proportion aux besoins publics.
Les contributions publiques ne peuvent être supportées également par tous les citoyens ; car tous les citoyens n'ont pas les mêmes moyens, les mêmes facultés, ni par conséquent l'obligation de contribuer également au maintien de la chose publique. Tout ce qu'on peut exiger, c'est qu'ils y contribuent en proportion de ce qu'ils peuvent. Encore y a-t-il une classe de citoyens qui, privée des dons de la fortune, n'ayant à peine que le nécessaire, devrait par là même être entièrement exemptée.
Lisez l'article 21 delà déclaration des droits (1), de cette déclaration dont on ne m'accusera pas d'être le panégyriste, et voyez comme l'article relatif aux contributions publiques y est exprimé. Voyez s'il n'établit pas la proportion des fortunes comme la base de la répartition des taxes, au lieu de cette égalité qui, sans contredit, serait l'iDégalité la plus inique et la plus cruelle.
Vous dites que les contributions doivent être également supportées par tous les biens ; mais ne voyez-vous pas que par celte phrase vous attaquez un principe que vous avez reconnu et consacré, savoir : que la dette nationale ne pouvait être imposée. A cet égard, la foi publique est engagée aux créanciers de l'Etat dans lés mêmes actes par lesquels la nation est devenue leur débitrice ; les sommes qu'elle a reconnu leur devoir, les rentes qu'elle a promis de leur payer, sont déclarées payables, sans aucune imposition ni retenue quelconque. Sans doute, dans les grands besoins de l'Etat, les capitalistes ne lui refuseraient pas leur assistance ; mais c'est un acte volontaire que le patriotisme leur dicterait, et qu'on ne pourrait rendre forcé sans injustice. (A ce mot de capitalistes, il s'élève quelques murmures.)
Vos murmures, Messieurs, m'affligent autant qu'ils vous honorent ; un mot impropre m'est échappé; je m'explique : ce n'est pas des capitalistes que j'entends parler, et vous avez bien dû le sentir; mais des rentiers, de ceux, en un mot, qui, ayant avancé leur argent à l'Etat dans ses besoins urgents, et pour éviter aux peuples de nouveaux impôts, ont seuls à celle époque couru toutes les chances de la défense publique, et qui, par conséquent, peuvent être considérés comme ayant payé d'avance ces mêmes impôts que, suivant l'article proposé, on voudrait aujourd'hui leur faire supporter une seconde fois.
, député de Sens, observe qu'il serait fait une exception dangereuse pour les charges délibérées dans les Elats des provinces.
veut qu'on dise charges publi-
propose enfin une rédaction qui réunit tous les suffrages et qui est adoptée ainsi qu'il suit :
« Art. 5. Toutes les contributions et charges publiques, de quelque nature qu'elles soient, seront supportées proportionnellement par tous les citoyens, etpar tous les propriétaires, à raison de leurs biens et facultés. »
On allait passer à l'article 6, lorsque M. ïe duc de Sjévis a prétendu que l'on devait interrompre cette discussion pour passer sur-le-champ à l'organisation des assemblées provinciales.
lui réplique avec avantage. La discussion s'élève sur l'article 6, ainsi conçu :
« Art. 6. Aucun impôt ne sera accordé que pour le temps qui s'écoulera jusqu'au dernier jour de la session suivante; toute contribution cessera de droit à cette époque, si elle n'est pas renouvelée. »
pense que cet article doit être divisé. Il existe deux sortes d'impôts, le premier destiné à l'acquittement de la dette publique ; le second destiné aux besoins journaliers de l'administration. L'impôt de la première espèce ne peut pas être suspendu ou renouvelé tous les ans, il doit durer toujours.
Le précédent comité de Constitution a fait une distinction formelle de la liste civile.
De ce que la dette publique est sacrée, s'ensuit-il que nous devons voter un impôt perpétuel? Mais la dette personnelle des besoins de l'Etat nous est aussi sacrée, et toutes les sortes d'impôts sont sur la même ligne. Nous devons à nos commettants de maintenir leur liberté, leur indépendance, et nous ne le pouvons qu'en déterminant que les impôts pourront être suspendus et renouvelés à toutes les législatures.
J'appuie les réflexions des deux préopinants. La dette publique ayant été solennellement avouée et consolidée, les fonds destinés à en acquitter les intérêts et à en rembourser les capitaux ne doivent point être sujets aux variations, aux caprices des législateurs; ils doivent d'abord être fixés, sans cependant cesser d'être soumis à l'administration et à l'inspection du Corps législatif. Limiter à un an la durée des impôts sur lesquels sera assurée la dette publique, c'est donner au Corps législatif le droit de mettre chaque année la nation en banqueroute.
Une nation voisine, l'Angleterre, qui s'entend également bien à maintenir le crédit national et la liberté, a pris une marche très-différente. Tous les impôts nécessaires aux payements des intérêts de la dette publique y sont votés jusqu'à l'extinction de la dette. On n'y renouvelle, d'année en année, que ceux qui doivent servir aux dépenses publiques, telles que l'armée et la flotte. Chez ce peuple prudent, on a su concilier avec la liberté, avec la sûreté de la Constitution, ce que la nation devait non-seulement à ses créanciers, mais au soutien et à la splendeur du trône.
La liste civile, c'est-à-dire la somme assurée annuellement au Roi, pour la dépense de sa mai-
son et de celle des princes, le payement de ses gardes, les gages des ministres, des ambassadeurs, et des juges mêmes, la liste civile est votée par le parlement au commencement de chaque règne : elle est assurée sur un revenu fixe, dont le parlement peut bien changer la répartition, mais qui ne peut être diminué, durant la vie du [loi, sans son consentement. Qu'on se figure ce que serait un roi, obligé chaque année de demander à ses peuples les sommes nécessaires pour sa subsistance, pour son entretien et comme particulier, et comme roi ?
Si le pouvoir exécutif n'est qu'un meuble d'ostentation, il est trop cher ; si ce pouvoir est nécessaire au maintien de l'ordre, à la protection des citoyens, à la stabilité de la Constitution, craignons de l'énerver par des précautions qui décèlent plus de pusillanimité que de prudence. Messieurs, si les fonds de la liste civile ne sont pas fixés, le métier de roi est trop dangereux. Je substitue à la rédaction proposée celle-ci : « Aucun impôt ne sera accordé pour plus d'un an, à l'exception de ceux qui seront particulièrement affectés à la liste civile du Roi et au payement successif des intérêts et du capital de la dette nationale. Tout impôt cessera de droit à l'expiration du temps pour lequel il aura été accordé, et tout officier public qui l'exigerait au delà de ce terme sera coupable de lèse-nation. »
11 existe deux sortes d'impôts: les impôts indirects et les impôts directs ; les premiers doivent être consacrés à la liste civile, ou au payement des sommes destinées à l'entretien du délégué de la nation, et à celui des intérêts de la dette de l'Etat. Je propose de dire: « L'impôt direct ne pourra être consenti que pour l'espace d'un an. »
Si nous n'avions dans la Constitution aucun autre rempart que l'impôt, ce rempart unique serait un très-grand vice dans la Constitution. N'accorder l'impôt relatif à la dette nationale que pour un an, ce serait dire que la dette n'est consolidée que pour un an : il faut que cet impôt soit aussi durable qu'elle-même, et qu'il décroisse à proportion de l'amortissement de la dette. Il est également nécessaire de voter une somme déterminée pour la liste civile. Ii est donc indispensable de réformer l'article.
La dette a été placée sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française, qui sont aussi invariables que le sol que nous habitons. Cette dette deviendra aussi sacrée pour nos successeurs qu'elle l'a été pour nous. Il n'est point à craindre que l'impôt destiné à son payement ne soit pas voté par eux.
L'impôt pour le payement de la dette est la propriété des créanciers de l'Etat ; il est impossible d'en lixer la durée ; il est indispensable de n'en pas faire mention dans l'article. La liste civile du Roi doit être fixée, et ne peut jamais être à la disposition des législatures ; elle est fixée en Angleterre, elle est invariablement accordée.
entre dans de grands détails sur les usages d'Angleterre, relativement à la liste civile.
La quotité de ce traitement, dit-il, y est déterminée et accordée annuellement ; mais lorsque le Roi a fait quelques dépenses extraordinaires, et
qu'il a ainsi contracté quelques dettes, on vote un impôt pour les acquitter : ce qui fait que la somme de la liste civile est réellement indéterminée. On ne pourrait donc s'appuyer de cet exemple au sujet de la discussion présente, ou bien ce ne serait que pour demander la conservation entière de l'article proposé par le comité. Je la demande.
Il s'agit d'un article constitutionnel, et non d'une disposition de finances sur la dette et sur Ja liste civile. Le principe général établi dans votre article n'est contraire ni a ce qu'on doit aux créanciers de l'Etat, ni à la dignité du trône ; vous serez toujours les maîtres de disposer de tels ou tels faits pour ces deux objets.
, archevêque d'Aix. La dette et les dépenses pour l'entretien du trône sont également la chose publique; les impôts pour la chose publique doivent être votés chaque année ; c'est non-seulement un droit précieux à la nation, mais encore une disposition infiniment sage. La théorie de l'impôt se perfectionnera sans doute par l'expérience ; il est nécessaire qu'on puisse, chaque année, faire dans cette administration tous les changements qui auront été reconnus nécessaires. L'article du comité n'est point contraire à ces considérations importantes, et doit être admis.
J'avais à proposer les mêmes objec-1ions,mais je me borne à observer qu'en Bretagne l'impôt pour le payement de 80 millions de dettes de la province, ne peut durer plus de deux ans, et que le titre en doit être renouvelé à cette époque, qui est celle de l'assemblée des Etats de cette province.
On demande que l'impôt pour le payement de la dette soit pour le créancier de l'Etat un assignat immuable. Des circonstances peuvent nécessiter le changement de cet assignat, qui doit toujours être sous l'inspection du corps législatif. Vous avez en partie supprimé la gabelle; vous attaquerez bientôt les aides, et cependant ces deux impôts avaient été offerts comme le gage de plusieurs emprunts. Vous pouvez, sans inquiéter les créanciers de l'Etat sur leûrs propriétés, et sans trahir vos engagements, leur donner chaque année un assignat qu'il sera toujours indispensable d'inspecter.
11 suit de l'article proposé, que les législatures auront le droit de refuser l'impôt en général. Connaît-on un état de choses plus favorable au despotisme, que celui qui pourrait autoriser à cesser le payement delà dette? 11 ferait des mécontents, et donnerait des auxiliaires au despotisme. Les principes et les faits, la raison des choses et l'expérience, vous disent également que la dette publique étant de telle nature que la suppression de son payement compromettrait Ja liberté, un gouvernement mal intentionné pourrait tirer parti de cette suppression. Je conclus à ce quela rédaction que j'ai proposée soit mise aux voix.
Plusieurs amendements sont proposés, et l'on demande qu'ils soient soumis à la question préalable.
L'article donne le droit de refuser les sommes nécessaires pour l'entretien personnel du délégué de la nation. Ce serait invi-
ter à la tyrannie un prince qui se trouverait à la merci de l'Assemblée nationale. Par là on ne travaillerait pas pour la liberté, mais contre la liberté Je prouve ainsi que l'article est inadmissible. Il faut donc l'amender ; la question préalable sur les amendements doit donc être rejetée. Ou la nation doit,ou elle ne doit pas : si elle doit, peut-elle conférer à ses représentants la faculté d'arrêter le payement de la dette ? Il suffit que les impôts d'administration puissent être retirés dans le cas où l'on s'en servirait pour attaquer la sûreté, la liberté, la propriété. La dette nationale est le prix de la sûrete dont nous avons joui jusqu'à ce moment. Votre droit et votre devoir sont donc uniquement d'empêcher que la contribution destinée à ce payement ne soit employée à vous opprimer.
Il est constitutionnel de dire que la dette sera garantie ; la réserve ne blesse pas le principe.
Par le décret du 17 juin, vous avez décidé le payement de la dette et la cessation des impôts. Vous avez déjà établi le principe: la cessation de l'impôt n'est qu'un moyen comminatoire.
L'Angleterre vote tous les ans des impôts destinés à payer la liste civile et les intérêts de la dette ; toute distinction entre les divers besoins publics serait illusoire : pouvons-nous soupçonner que les législatures soient tentées de refuser la liste civile ou les intérêts delà dette? Userait impossible de faire ce refus sans refuser tous les subsides, et la nécessité ne s'en présentera jamais que dans une de ces crises violentes qu'on ne peut ni prévenir, ni prévoir. Etablissons simplement le principe ; nous arrêterons par la .suite les fonds nécessaires pour la dette et pour la liste civile ; nous annoncerons que nous avons entendu qu'ils soient fournis, et nous donnerons toute la France pour assignat aux créanciers. Un autre assignat PQurrait toujours être suspendu ou retiré dans une crise violente; il est donc inutile, et ne tendrait qu'à établir des impôts perpétuels.
, évéque de Chartres. Vous devez vous rendre maîtres de tous les impôts pour assurer la liberté de la nation. ' L'article est sagement rédigé, et doit être adopté sans amendement.
Voudrions-nous pour une rédaction, et quand on est d'accord sur les principes, compromettre le crédit, dont la nécessité est si démontrée ? Demande-t-on si la dette est sacrée ? L'honneur répond, et votre décret du 17 juin a consacré ce qu'il vous a inspiré. 11 s'agit donc seulement de donner un assignat ou annuel ou immuable; mais la dette est sujette à une mobilité progressive : l'assignat deyiendrait progressivement trop fort.
La liste civile peut s'accroître, et l'assignat qui y serait affecté deviendrait alors trop faible. Si une législature imprudente voulait refuser le payement de l'une et de l'autre, elle reprendrait aussi facilement l'assignat qu'elle refuserait l'impôt : il faut donc seulement décider ce qui l'est déjà par la raison, qu'aucune législature ne pourra arrêter ni le payement de la dette ni celui de la liste civile. Cette disposition ne sera qu'un décret de comptabilité. Je propose un amendement dans ces vues.
On présente encore un très-grand nombre d'amendements.
La discussion est fermée.
La question préalable ayant été invoquée sur les amendements, on délibère, et il est décidé qu'il y a lieu de délibérer;
La priorité est demandée pour ceux de MM. de Mirabeau, de Lameth, Barnave et de Beaumelz. Elle leur est successivement refusée. Celui de M. de Lameth est enfin adopté, et l'article est décrété comme il suit :
« Art. 6. Aucun impôt ne sera accordé que pour le temps qui s'écoulera jusqu'au dernier jour de la session suivante : toute contribution cessera de droit à cette époque si elle n'est pas renouvelée. Mais chaque législature votera, de la manière qui lui paraîtra la plus convenable, les sommes destinées soit à l'acquittement des intérêts de la dette, soit au payement de la liste civile.
La séance est levée à quatre heures et demie, et ajournée à demain.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHAPELIER.
Séance du
En l'absence de MM. les deux derniers présidents, M. le Chapelier, qui les avait précédés dans cette place, y est appelé.
La séance est ouverte.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la_séance d'hier 7 octobre.
dénonce une faute très-grave commise par l'imprimeur dans le procès-verbal n° 81. Le décret y est ainsi imprimé : « Aucun acte du Corps législatif ne sera considéré comme loi... s'il n'est fait par les représentants de la nation, légalement et librement élus par le monarque. »
Cette addition, par le monarque, provoque une violente censure contre l'imprimeur.
L'Assemblée décrète que le numéro sera réimprimé avec la correction demandée, qui consiste à ajouter ces mots : et s'il est sanctionné, avant ceux-ci, par le monarque.
dit ensuite qu'on trouvera au secrétariat l'indication des bureaux où s'assembleront les généralités, pour nommer les membres du comité des domaines.
demande que la lettre de deux Anglais, présentée hier, soit traduite pour être lue à l'Assemblée et ensuite livrée à l'impression. (Adopté.)
expose un fait dont il a été le témoin. Nommé pour accompagner mardi le Roi à Paris, il est parti avec cinq de ses collègues dans une voiture de Sa Majesté. En passant au Point-du-Jour, une foule de peuple leur a fait des menaces, et les a étendues à beaucoup de membres de l'Assemblée.
Je dois vous tran-
quilliser sur les conséquences de ce fait. J'ai entendu comme un autre faire des menaces contre des membres que nous honorons ; mais elles ont été blâmées par tous les honnêtes gens qui rendent à ces députés la justice qu'ils méritent.
raconte qu'ayant demandé à plusieurs citoyens de Paris que les districts de cette ville s'expliquent et fassent connaître s'ils désirent la translation de l'Assemblée nationale dans la capitale, ces districts, après avoir témoigné qu'ils ne l'avaient ni demandé, ni désiré, ont trouvé qu'il n'y avait lieu à délibérer.
Persuadé qu'en vous déclarant inséparables du Roi, vous êtes déterminés à tenir vos séances à Paris, s'il restait dans la capitale, j'ai demandé à Sa Majesté si elle y demeurerait en effet. Le Roi m'a répondu que l'Assemblée devait prendre ses mesures pour tenir ses séances à Paris.
La translation de l'Assemblée nationale à Paris doit être la matière des plus sérieuses délibérations. Sans parler des alarmes que des personnes mal intentionnées pourront répandre dans les provinces en voyant leurs représentants livrés à la merci d'un peuple armé, pense-t-on que les députés du clergé puissent se rendre à Paris, et braver en sûreté les outrages et les persécutions dont ils sont menacés ?
Cependant, Messieurs, quel est le délit des ecclésiastiques de cette Assemblée, car ils ont partagé avec vous tous les périls de cette régénération ? La plupart sont de respectables pasteurs, connus par leur zèle et leur dévouement patriotique.
C'est un ecclésiastique qui a déterminé l'Assemblée à nommer un comité pour s'occuper des moyerfs de pourvoir à la subsistance du peuple. Les curés sont venus les premiers renoncer par une réunion courageuse aux préjugés absurdes de leur ordre. C'est parmi ces respectables pasteurs que se sont trouvés de zélés défenseurs des droits de la classe opprimée.M. l'abbé deCler-get, député du bailliage d'Amont, dans un écrit, le Cri de la raison, aussi éloquent que profond, a plaidé victorieusement la cause des malheureux mainmortables, et concouru puissamment à leur affranchissement par les lumières qu'il a répandues.
Les dîmes ont été abandonnées. Les curés ont renoncé à leur casuel ; ils ont souscrit les premiers à la loi qui défendait à l'avenir 1$ pluralité des bénéfices ; ils s'y sont soumis à l'instant, quoiqu'elle n'eût pas d'effet rétroactif. Ils ont avec empressement porté dans la caisse patriotique des dons plus proportionnés à leur zèle qu'à leurs facultés. C'est quand on oublie ce qu'ils ont fait, et quand une aveugle effervescence les menace, qu'il faut parler pour eux. Serait-il encore temps de montrer la vérité pour rappeler à la justice ?
Quel est le prix qu'ils en reçoivent ? Le peuple de Paris les outrage et leur fait les menaces les plus effrayantes.
Il n'y a pas de jour que des ecclésiastiques ne soient insultés à Paris. Vous penserez, Messieurs, que pour l'honneur de la nation française, pour le succès de cette Révolution, l'Assemblée doit prendre des précautions, pour mettre en sûreté les députés du clergé dont vous avez déclaré la personne inviolable et sacrée.
Si vous croyez devoir tenir vos séances à Paris, je demande que l'Assemblée nationale fasse de nouvelles proclamations pour la sûreté des personnes des députés du clergé.
On a insulté l'Assemblée ici même, lorsqu'elle se rendait chez le Roi.
Il est bon de rappeler en ce moment que, dans l'adresse pour l'éloignement des troupes, M. le comte de Mirabeau a dit qu'il ne suffisait pas que l'Assemblée fut libre, mais qu'il fallait encore qu'elle fût crue libre.
Beaucoup de membres réclament l'ordre du jour.
consulte l'Assemblée qui décide qu'elle reprendra la discussion de son ordre du jour concernant le projet d'organisation du Corps législatif.
L'article 7 est adopté en ces termes :
« Art. 7. Le Corps législatif présentera ses décrets au Roi, ou séparément, à mesure qu'ils seront rendus, ou ensemble à la fin de chaque sessions. »
L'article 8, sur lequel un seul amendement a été présenté, est également adopté ainsi qu'il suit :
« Àrt. 8. Le consentement royal sera exprimé, sur chaque décret, par cette formule signée du Roi : le roi consent et fera exécuter ; le refus suspensif sera exprimé par celle-ci: le roi examinera. »
L'article 9 proposé par le comité est ainsi rédigé : « Après avoir consenti un décret, le Roi le fera sceller, et ordonnera qu'il soit adressé aux tribunaux, aux assemblées administratives, aux municipalités, pour être lu, publié, inscrit dans les registres, et exécuté sans délibération, difficulté ni retard. «
Vous venez de fixer la forme du consentement; vous-allez déterminer celle de la promulgation ; il faut, en même temps, en établir la formule. Vous "ne pouvez adopter ni celle des arrêts du conseil, ni celle des déclarations ; vous rejetterez sans doute ces expressions du despotisme : de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale ; car tel est notre plaisir. La liberté doit exister dans les mots par lesquels vous exprimez les choses, et dans la forme de la loi, comme dans la loi même. Je demande qu'on s'occupe en ce moment de cette formule.
Il faut d'abord déclarer le nom qu'aura la loi, et qu'il soit uniforme. Elle pour-rail être dorénavant appelée décrets nationaux ou lois nationales. Mais lois est trop général, et ce terme est purement métaphysique.
attaque cette dernière observation. Le mot loi exprime tout ce qu'il y a de plus imposant, puisqu'il annonce l'acte auquel tous les peuples doivent être soumis.
Il est à propos de diviser la délibération sur cette formule, en deux parties : le préambule, et la conclusion de l'acte promulga-tif. Dans le préambule, il faut ajouter à ces mots : Louis, par la grâce de Dieu ceux-ci : et par la loi du royaume, roi des Français. C'est le titre donné
à nos Rois dans les champs de mars el dans les champs de mai. Il sera prudent de déclarer responsable celui qui apposera le sceau national à la loi.
Le contre-seing du Roi variepour quelques provinces. Le Roi signe les lois envoyées en Dauphiné, en Provence, etc. : Louis, dauphin ; Louis, comte de Provence. Le contre-seing doit être uniforme.
Au lieu de se servir de cette expression: Louis... par la loi du royaume, ne serait-il pas plus convenable de dire : par le consentement de la nation ? C'est ce consentement qui fait les rois. On ne peut conserver par la grâce de Dieu. Un roi n'est roi que par la grâce des peuples, et c'est souvent calomnier l'Etre suprême, c'est consacrer les tyrans que nous pouvons avoir, que de reconnaître qu'ils viennent de Dieu. Charles IX était-il roi par la grâce de Dieu ?
La déclaration du Roi sur vos subsistances est une contrefaçon de votre décret. Afin que les ordonnances rendues par Sa Majesté ne contiennent pas désormais des dispositions étrangères, il faut arrêter que le décret sera imprimé à la tête de l'acte destiné à le promulguer.
Il est une manière très-simple d'éviter certaines absurdités qui viennent d'être dénoncées, c'est que la loi sorte toute rédigée de l'Assemblée. Il est clair alors que, par une très-simple formule, la loi sera très-scrupuleusement conforme au décret.
A présent j'avoue que je ne vois aux nations aucun intérêt à renoncer aux formules anciennes, surtout lorsqu'elles portent sur des sentiments religieux, et ne peuvent avoir de mauvaises conséquences. Sans doute celles-ci : certaine science ; pleine puissance; tel est notre plaisir, n'ont pas été respectées, et ne prétendent pas l'être aujourd'hui; elles heurtent le bon sens ; une certaine science qui sans cesse varie, essaie et se contredit; une pleine puissance qui vacille, rétrograde et ne peut rien, n'appartiennent qu'à la chancellerie du despotisme. Mais ces mots, par la grâce de Dieu, sont un hommage à la religion, et cet hommage est dû par tous les peuples du monde ; c'est un plan religieux sans aucun danger, et précieux à conserver comme point de ralliement parmi les hommes. Que pourrait-on en conclure dans les violences du despotisme le plus raffiné? Si les rois sont rois par la grâce de Dieu, les nations sont souveraines par la grâce de Dieu. On peut aisément tout concilier ; d'abord,tout préambule doit être banni des lois. Lorsqu'un seul ordonne en son notn et d'après sa volonté, il est tout simple qu'il cherche à se rallier les opinions; mais les représentants de la nation parlent au nom de la nation, et expriment la volonté générale; il suffit donc qu'ils l'exposent pour qu'on y obéisse.
Voici la formule que je propose :
« Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français, conformément à la délibération et au vu de l'Assemblée nationale, nous ordonnons ce qui suit. »
J'en demande pardon au préo-pinant; mais je crois qu'il est indispensable de conserver la formule, Louis, parla grâce de Dieu.
Il y a une providence , son sentiment intime tient à celui de l'amour de la justice et de la liberté ; l'existence des royaumes doit être liée à l'existence de cet Etre suprême : nous trouvons dans sa loi tout ce qui établit les droits des peuples et ceux des rois.
J'adopte aussi ces mots : par les lois constitutionnelles du royaume. Vous exprimez ainsi à la tête de chaque loi, que c'est la loi qui fait les rois, et vous annoncez aux peuples d'où les rois tirent leur pouvoir.
Permettez-moi, Messieurs, de vous rappeler ces principes qui se trouvent dans le texte d'un des premiers législateurs du monde. Dans l'auteur du Deutéronome, on lit: Israël, en prévoyant son établissement dans la terre promise, se dit à lui-même : « J'établirai sur ma tête un souverain pour me conduire au combat et pour me rendre justice. » Le législateur répond: « Vous ne ferez' qu'user de votre droit. »
Ce sont là les grands principes qui lient la Constitution à la religion. Les lois se perdent, les Constitutions se détruisent, les nations passent; mais les principes de la morale restent immuables ; ils sont gravés dans le cur des hommes.
L'édit de Pistes fait mention de la grâce de Dieu, et surtout du choix des peuples comme élection secondaire. Toutes ces idées doivent donc nous déterminer à laisser cette double formule : Roi par la grâce de Dieu et le choix des peuples
Ce discours de M. Fréteau est vivement applaudi.
, archevêque d'Àix. L'on ne peut rien ajouter à ce qu'a dit le préopinant.. L'impression que son discours a faite sur vous, el les applaudissements réitérés de l'Assemblée, annoncent qu'il a tout dit.
L'on ne saurait, en effet, trop appuyer la formule de la grâce de Dieu ; c'est celle de cette providence qui gouverne les peuples et les nations ; c'est elle qui est la base de l'administration, parce qu'elle est la source de la morale £ rien n'est plus auguste que de réunir, pour consacrer une loi, toutes les sources de justice.
Vous ajoutez ensuite par les lois constitutionnelles de l'Etat : ce sont encore les termes de* l'Evangile ; les rois ne doivent régner que par c les lois. Sur le titre de Roi des Français, j'observe que c'est celui que le roi d'Angleterre donne à notre monarque.
propose un amendement, suri lequel il parle longtemps au milieu du tumulte qu'excite la divergence des opinions. Il fatigua l'Assemblée par la rédaction d'une formule très-plaisante, et qu'il voulait toujours li«3 quand on' nesetaisaitpas, et qu'il ne lisait pas quand on faisait silence: sa formule a paru telle à plusieurs^ membres, qu'ils l'ont appelée caustique.
D'abord il propose une série de questions :
Que tous les décrets de l'Assemblée soient exprimés par le terme uniforme de loi ;
La suppression des anciennes formules usitées, telles que « pleine puissance et autorité royale \j. car tel est notre plaisir, etc. ; »
Que ces formules soient remplacées par celle-ci :
« Louis, par la grâce de Dieu et par la volonté delà nation, roi des Français, à tous les citoyens de l'empire français : peuple, voici la loi que. vos représentants ont faite, et à laquelle j'ai apposé ( le sceau royal. »
Ce commencement paraissait burlesque ;
n'en a pas laissé lire la lin.
insiste fortement sur le mot Roi des Français, attendu que d'après l'ancienne for-* mule, Roi de France, tirée du régime féodal, il y a eu des ministres qui ont soutenu que le Roi était propriétaire de la France.
propose pour amendement de remplacer ces mots : conformément au vu et à la ¦ délibération de l'Assemblée nationale, nous ordonnons ce qui suit, par ceux-ci : VAssemblée natio-|^nale a décrété, et nous voulons et ordonnons ce qui suit.
On demande que ces mots à tous présents et à venir, salut, soient insérés dans la formule.
Si la mode de
saluer venait à passer !.....
r L'amendement est retiré.
Un nouvel amendement est offert: il consiste à mettre, au lieu de Roi des Français, Roi de France et de Navarre.
f
Ne serait-il pas à propos d'ajouter : et autres lieux ?
L'expression, Roi des Français, est presque,» « unanimement admise. '
Un grand nombre de membres redemandent les >mots de Navarre, ou bien des Navarrais.
Il est des considérations politiques qui peuvent engager l'Assemblée à examiner très-sérieusement cette demande : nous n'avons qu'une partie de la Navarre, l'autre nous a k été enlevée par des traités; et comme la justice deces^ traités n'est pas très-démontrée, il n'est ^peut-être point convenable que nous renoncions*-à nos droits.
l'aîné. Ce n'est pas sans dessein que nos rois ont conservé le titre de Roi de Navarre. Cette province n'a pas ici de députés ; elle en a dépendant nommé qui sont venus sonder le terrain, et ne se sont pas présentés; elle a prétendu qu'elle pouvait avoir des Etats généraux parti-, culiers ; elle se considère comme un royaume séparé : ne favorisons pas les prétentions de l'fis--pagne, et ne nous opposons pas, sans un mûr qxamen, aux dispositions connues de la Navarre française.
Quelques membres prétendent qu'en adoptant les mots de Roi des Français, on a exclu l'addition demandée.
v L'Assemblée délibère et reconnaît le contraire
d'e cette assertion.
^ La question est ajournée à lundi.
^ On annonce la municipalité de Versailles. Elle est introduite à la barre.
L'un de MM. les officiers municipaux dit :
Messeigneurs, les officiers municipaux de Versailles, chargés d'exprimer à l'Assemblée nationale les sentiments douloureux de leurs concitoyens sur la perte qu'ils viennent d'éprouver et sur celle qui les menace, s'empressent de ^remplir un devoir cher à leur cur ; ils vous supplient, Messeigneurs, de ne pas abandonner Versailles, et de vouloir bien être, auprès de Sa Majesté, les interprètes de leur amour, de leur profond respect pour sa personne sacrée, et de leurs vux ardents pour son retour dans une ville qui . a' le bonheur d'être le berceau et la résidence de iios rois, depuis plus d'un siècle.
répond : Messieurs, les rois de France sont depuis longtemps en possession de voir leurs sujets rivaliser d'amour et de sensibilité. L'Assemblée nationale n'est point étonnée des profonds regrets que vous montrez do la perte que vous avez faite; elle prendra votre demande en considération.
indique ensuite pour l'ordre du jour de la réunion du soir le projet de réformation de l'ordonnance criminelle.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
On a fait lecture des différentes offres de dons patriotiques, dans l'ordre qui suit :
a offert de la part de M. Rulhié, receveur des gabelles à Sancerre, la somme de 1,000 livres, formant la cinquantième partie de son bien, sans préjudice de la contribution du quart de son revenu, ladite somme de 1,000 livres payable dans huit jours, parles mains de M. Sallé de Choux, membre de l'Assemblée.
a proposé, au nom de M. Antoine Gamein, curé de Chevannes en Bourgogne, diocèse de Dijon, un don patriotique de la somme de 400 livres, payable par M. Boulliotte, curé d'Ar-nay-le-Duc, membre de l'Assemblée.
M. le comte de Lally-Tollendal a annoncé, au nom de la communauté des écoliers irlandais, établis à l'Estrapade, rue du Cheval-Vert, un don patriotique de vaisselle et bijoux en argent, qu'elle a remis au change de la monnaie de Paris les 24 et 28 septembre dernier, suivant les récépissés qui ont été déposés sur le bureau,
a dit:
Messieurs, les écoliers et les clercs du collège irlandais établi à Paris, rue du Cheval-Vert, me chargent de déposer aux pieds du Roi et de l'Assemblée nationale le produit de toute leur vaisselle et de toute l'argenterie de leur église. Ils me marquent que leur offrande leur a paru trop modique pour qu'ils osassent l'adresser directement à votre président. C'est en effet le denier de la veuve; mais ils donnent plus que ceux qui donnent beaucoup, car ils donnent tout ce qu'ils ont. Ils me marquent encore que, dans leur pauvreté, ils se trouvent trop heureux d'offrir à la France ce faible tribut de la reconnaissance qu'ils doivent à ses bienfaits. Je connais leurs curs, Messieurs ; je garantis leurs sentimenls, et je les partage. Lié avec eux par une origine commune ; conduits tous, il y a un siècle, dans ce pays, par notre fidélité pour le culte de nos pères et pour le sang de nos Rois, nous avons voué, nous avons juré les mêmes sentiments à la nouvelle patrie et au prince qui nous adoptait. Jamais, Messieurs, jamais aucun de nous ne les a trahis ni ne les trahira.
Je dépose sur ce bureau les récépissés du directeur de la monnaie, et je me trouve
heureux
Dans toute autre circonstance, Messieurs, vous pensez bien que je n'aurais jamais eu la témérité de vous parler de moi personnellement; mais je vous demande la permission de me rallier en mon ancienne tribu, de joindre ma contribution à la sienne, et de déposer encore sur ce bureau le quart de mon revenu, ainsi qu'il est constaté par la déclaration suivante :
« Je déclare que je remets au Trésor royal, pour contribution du quart de mon revenu, et même au delà, 3,000 livres de l'année courante, et 1,000 livres sur l'année prochaine, d'une pension de 1,000 écus que j'ai, et qui représente un fonds de 36,000 francs, restant d'un dépôt que mon malheureux père avait fait pour moi avant de mourir, entre les mains de feue mademoiselle Dillon, qu'elle avait remis au feu Roi et que le feu Roi avait ordonné qu'on me délivrât, et qui ne m'a été rendu que sous le Roi régnant, et par ses ordres. Je me crois doublement obligé à ce sacrifice, en songeant que la justice personnelle du Roi, et l'intérêt manifeste de la nation, ont sauvé pour moi ce faible débris du naufrage sanglant où la perte de ma fortune est la seule chose à laquelle je n'ai pas dû penser.
« A Versailles ce
« Signé Lally-Tollendal. »
Un membre de l'Assemblée, qui avait fait j'offre du quart de son revenu, a demandé s'il ne pouvait pas se dispenser de payer la taxe décrétée. Le vu de l'Assemblée a été interrogé, et il a été décrété que ceux qui ont fait des dons patriotiques pourront les faire compter comme portion duquart de leur revenu.
On aannoncé que M. de Bonnegens avait donné sa démission de la place de trésorier, pour accepter celle de membre du comité des domaines à laquelle il avait été nommé.
Les députés extraordinaires des grandes villes de commerce ont demandé à être admis à la barre, et ont dit :
« Nosseigneurs, les manufactures, les villes de commerce intérieur, et les places maritimes de France, accablées des mêmes fers sous lesquels la nation gémissait, ont tourné leurs regards et leurs espérances vers les représentants de la nation. Elles nous ont députés extraordinairement près l'Assemblée nationale, pour lui offrir leurs respects, et pour exprimer le vu de plusieurs millions d'hommes qui, par leur état, forment le bien commun de la grande famille, de cette foule innombrable d'ouvriers, de matelots, de citoyens de toute espèce, qui, dans la langueur des travaux et de l'industrie, élèvent leurs bras oisifs, implorent une subsistance qui leur a été enlevée, et n'aspirent qu'à la mériter, en fertilisant les propriétés territoriales, en appropriant les matières premières à nos besoins, en les exportant chez l'étranger, et lui imposant un véritable tribut, et en portant ainsi le mouvement et la vie dans toutes les parties de l'Empire.
« L'importance du commerce, son influence sur la fortune publique et sur les moyens d'acquitter la dette nationale, qu'on tenterait en vain de libérer si on le détruisait, fixeront l'attention la plus sérieuse de l'Assemblée nationale sur une des sources de la richesse et de la population du grand Empire qu'elle s'occupe de régénérer.
« Nous ne doutons point, Nosseigneurs, que l'Assemblée nationale, touchée de cette considération, n'accorde la plus haute protection aux manufactures et au commerce; qu'elle rte daigne accueillir les représentations, les renseignements, les matériaux que leurs députés extraordinaires auront à lui offrir, soit dans des mémoires particuliers, soit dans des interrogatoires ou discours à la barre de l'Assemblée, soit dans des discussions aux comités où on leur ferait l'honfieùr de les appeler.
« Pour présenter à votre sàgesse toutes les notions de l'expérience, les seules qu'elle réclame et que nous ayons à lui offrir, il nous paraît indispensable d'être instruits de toutes les motions, directes ou indirectes qui pourraient être relatives aux manufactures ou au commerce, des débats auxquels ces motions donneraient lieu,des mémoires qui seraietit lus où remis à l'Assemblée ou aux comités.
« En conséquence, noris avons l'honneur de vous supplier, Nosseigneurs, de nous faire donner communication de tous les mémoires qui pourront avoir quelque rapport aux manufactures ou au commerce, et de nous assigner une place, dans une des tribunes qui environnent l'Assemblée, ou dans tel autre endroit que vous jugerez çoiivenable.
« Signé : Nostagny, Abeille, députés de Marseille ; Gdsselin, député de Lille et de Dunkerque; Eievray, député d'Amiens; Gorbun, Bechade, Cusaux, députés de Bordeaux; B. Marchand, B. Nairac, députés de la Rochelle ; Mosneron l'aîné, M6\3fleron de Launay, députés de Nantes ; Puhel-bet'g, député de l'Orient ; Blanche, député du Mvre; Quesnel, J. Bodinier, députés de Saint-Malo ; Louis Niel, député de Dieppe ; Dunon, de Montmeny, députés de la Chambre de commerce de Rouen. »
a répondu :
Messieurs, le commerce est trop intéressant à l'Etat, pour n'être pas un des principaux objets des soins de l'Assemblée nationale; elle a depuis longtemps nommé un comité pour s'occuper de cet article si important à la prospérité générale, et elle prendra votre demande en considération. Pénétrée du plus vif désir de faire tout ce qui peut être utile à la chose publique, elle recevra toutes les lumières que vous croirez devoir lui donner.
La discussion a été ouverte sur cet objet, et l'Assemblée a décrété : que les motions et mémoires, concernant le commerce, seraient communiqués par MM. du secrétariat du comité de commerce aux représentants des diverses villes de commerce du royaume;
Et ensuite, sur la demande de l'un des membres, il a été décrété que ces mêmes députés auraient une place spéciale dans une tribune particulière.
L'ordre du jour a amené la discussion sur une réforme provisoire de quelques points de la jurisprudence criminelle ; on a proposé divers amendements, et ensuite de diviser la matière en quatre articles : ce qui concerne les adjoints, la publicité, le conseil et les faits justificatifs ; l'Assemblée y a consenti.
, membre du comité de législation criminelle, a lu divers amendements proposés par le comité de judicature même au plan qu'il avait donné.
Plusieurs membres ayant ensuite paru désirer
que la discussion fût fermée, le vu de l'Assemblée a été interrogé, et leur avis a été adopté. f L'Assemblée a décrété ensuite qu'on irait aux voix, article par article, et sans discussion. Les articles ont été adoptés dans l'ordre qui suit :
Article 1er. Dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs tribunaux établis, la municipalité, et en cas qu'il n'y ait pas de municipalité, la communauté d'habitants nommera un nombre suffisant de notables, eu égard à l'étendue du ressort, >parmi lesquels seront pris les adjoints qui assisteront à l'instruction des procès criminels, ainsi tou'il va être dit ci-après,
^ Art. 2. Ces notables seront choisis parmi les citoyens de bonnes murs et de probité reconnue. Ils devront être âgés de 25 ans au moins, et savoir signer. Leur élection sera renouvelée tous les ans. Ils prêteront serment à la commune, entre les mains des officiers municipaux, ou du "syndic, ou de celui qui la préside, de remplir fidèlement leurs fonctions, et surtout de garder "an secret inviolable sur le contenu de la plainte, et ès autres actes de la procédure. La liste de * leurs noms, qualités et demeures sera déposée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux, par le greffier de la municipalité, ou de la communauté.
- Art. 3. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge qu'en présence de deux adjoints amenés par le plaignant, et par lui pris à son choix. Il sera fait mention de leur présence et de leurs noms dans l'ordonnance qui,sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de nullité.
Art. 4. Les procureurs généraux et les procureurs du Roi ou fiscaux qui accuseront d'office, 'seront tenus de déclarer, par acte séparé de la plainte, s'ils ont un dénonciateur ou non ; ils déclareront en même temps son nom, ses qualités et sa demeure, afin qu'il soit connu du juge et des adjoints à l'information, avant qu'elle soit commencée.
Art. 5. Les procès-verbaux de l'état des personnes blessées ou du corps mort, ainsi que du lieu où le délit aura été commis, et des armes, hardes et effets qui peuvent servir à conviction *ou à décharge, seront dressés en présence de deux adjoints appelés par le juge, suivant l'ordre du éiîbleau mentionné en l'article 2 ci-dessus, qui pourront lui faire leurs observations, dont sera .fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, â peine de nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du chef-lieu de da juridiction, les notables nommés dans le chef-lieu pourront être suppléés dans la fonction ^'adjoints aux procès-verbaux, par les membres e la municipalité ou de la communauté du lieu u délit, pris, en pareil nombre, par le juge d'instruction.
Art. 6. L'information qui précédera le décret continuera d'être faite secrètement, mais en présence de deux adjoints qui seront également appelés par le juge, et qui assisteront à l'audition àes témoins.
Art. 7. Les adjoints seront tenus en leur âme «st c'onscience de faire au juge les observations, tant à charge qu'à décharge, qu'ils trouveront nécessaires pour l'explication des dires des témoins, ou l'éclaircissement des faits déposés ; et il en sera fait mention dans le procès-verbal d'information, ainsi que des réponses des témoins. Le procès-verbal sera coté et signé à toutes les "pages par les deux adjoints, ainsi que par lé guge, à l'instant même et sans désemparer, à
EMENTA1RES. [8 octobre 1789.) 387
peine de nullité ; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux.
Art. 8. Dans le cas d'une information urgente, qui se ferait sur le lieu mêfliepour flagrant délit, les adjoints pourront, en cas de nécessité, être remplacés par deux principaux habitants, qui ne seront pas dans le cas d'être entendus comme témoins, et qui prêteront, sur-le-champ, serment devant le juge d'instruction.
Art. 9. Les décrets d'ajournement personnel de prise de corps ne pourront plus être prononcés ue par trois juges au moins, ou par un juge et eux gradués ; et les commissaires des cours supérieures qui seront autorisés à décréter, dans le cours de leur commission, ne pourront le faire qu'en appelant deux juges du tribunal du lieu, ou, à leur défaut, des gradués. Aucun décret de prise de corps ne pourra désormais être prononcé contre les domiciliés, que dansje cas où, par la nature de l'accusation et des charges, il pourrait écheoir peine corporelle. Pourront néanmoins les juges faire arrêter, sur-le-champ, dans le cas de flagrant délit, ou de rébellion à la justice.
Art. 10. L'accusé décrété de prise de corps, pour quelque crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra conférer librement, en tout état de cause ; et l'entrée de la prison sera toujours permise auxdits conseils: dans le cas où l'accusé lie pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui en nommera un d'office , à peine de nullité.
Art. 11. Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur les décrets d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel, tous les actes de l'instruction seront faits contradictoirement avec lui, publiquement ; et les portes de la chambre d'instruction étant ouvertes, dès ce moment, l'assistance des adjoints cessera.
Art. 12. Dans les 24 heures de l'emprisonnement de l'accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur , s'il y en a, les procès-verbaux ou rapports et l'information -, il lui fera représenter aussi les effets déposés pour servir à l'instruction ; il lui demandera s'il a choisi, ou s'il entend choisir un conseil, ou s'il veut qu'il lui en soit nommé un d'office : en ce dernier cas, le juge nommera le conseil, et l'interrogatoire ne pourra être commencé que le jour suivant; pour cet interrogatoire et pour tous les autres, le serment ne sera plus exigé de l'accusé. Il ne le prêtera, pendant tout le cours de l'instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les témoins.
Art. 13. Il en sera usé de même à l'égard des accusés qui comparaîtront volontairement gur un décret d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel.
Art. 14. Après l'interrogatoire, la copie de toutes les pièces de la procédure, signée du greffier, sera délivrée sans frais à l'accusé, sur papier libre, s'il la requiert; et son conseil aura le droit de voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l'instruction.
Art. 15. La continuation et les additions d'information, qui auront lieu pendant la détention de l'accusé depuis son décret, seront faites publiquement et en sa présence, sans qu'il puisse interrompre le témoin pendant le cours de sa déposition.
La séance a été indiquée au lendemain dix heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHAPELIER.
Séance du
, secrétaire, lit le procès-verbal des séances de la veille.
se plaint de l'imprimeur et de ce que l'adresse aux commettants est sans date.
observe qu'il faut décréter aue l'imprimeur ne pourra rien imprimer sans l'agrément exprès du bureau, car c'est sans l'agrément des secrétaires qu'il a imprimé l'adresse aux commettants.
déclare que c'est lui qui a corrigé les épreuves.
prétend que l'impression aurait dû être faite conformément à la minute signée par lui en qualité de secrétaire.
On discute ensuite sur la date à donner à l'adresse.
L'Assemblée ayant été aux voix décrète que l'adresse sera réimprimée à la date du 3 octobre, jour où elle a élé lue pour la première fois.
demande si le comité des subsistances s'est occupé de l'instruction populaire et familière destinée à instruire le peuple du danger des moyens qu'il emploie pour se procurer des subsistances.
répond que c'est au président à écrire une lettre circulaire, et qu'il n'y a pas d'instruction populaire à écrire.
, auquel beaucoup de membres ont demandé des passe-ports,demande à être autorisé, soit à les signer, soit à refuser sa signature.
Cette demande occasionne beaucoup de murmures dans l'Assemblée.
fait la motion expresse que l'Assemblée, à raison de la suprématie de ses pouvoirs, emploie tous ses moyens pour veiller à la conservation individuelle de tous ses membres.
demande que l'on ait recours à tous les moyens possibles et convenables pour empêcher MM. du clergé d'être insultés.
La terreur du clergé est une terreur panique. L'honnête homme, quel-
?ue robe qu'il porte, est partout respecté, et à
aris plus qu'ailleurs.
dit que l'on doit veiller à la conservation de tous les membres. Gela est prudent,
mais il ne peut exiger une garantie ; nous sommes envoyés ici contre les ennemis de
l'Etat,
-, s r
(de Saint-Jean d'Angely) appuie cette opinion. Tout membre, dit-il, doit être immobile dans l'Assemblée. (On rit de l'expression ; on applaudit au principe.)
Je pense que le président ne doit donner aucun passe-port sans des motifs puissants et légitimes. 4
Quand les membres de l'Assemblée ne sont pas en sûreté, ils reprennent le droit naturel de veiller eux-mêmes à leur conservation ; l'Assemblée doit donc s'occuper des moyens d'assurer le sort de tous ses membres^
Nous avons juré de ne pas nou$, séparer que la Constitution ne soit faite ; sang doute nous devons tous être fidèles à ce serment, nous devons même rester réunis jusqu'à ce que le calme soit rétabli.
Je demande qu'on renouvelle la déclaration de l'inviolabilité des membres de" l'Assemblée, et je pense qu'on doit exiger une garantie. **
Lorsque les défenseurs de la patrie vont à l'ennemi, ils ne demandent pas de garantie pour leur vie; ils ne doivent pas quitter leurs drapeaux, nous ne devons pas quitter l'Assemblée.
On ne s'éloigne de l'Assemblée* quand on n'a pas de raisons légitimes, que par des motifs coupables ; je demande, non-seulement qu'on ne donne point de passe-ports, mais qu'on retire ceux qui ont été donnés.
On ne peut refuser des.passe-ports sans violer la liberté individuelle.
Si l'on retire les passe-ports, je demande que' tous ceux qui attenteront à la liberté des députés, ou qui les insulteront, soit par des actionsf soit par des paroles, soient déclarés coupables du crime de lèse-nation.
Vous avez décrété l'inviolabilité des députés; si un peuple égaré osait transgresser ce décret, nous mourrions mille fois plutôb que de ne pas demander vengeance. Renouvelons donc ce décret, et prenons ici l'engagement sacr4 de faire punir quiconque osera attenter à la liberté de quelque membre de l'Assemblée.
Les considérations qui viennent de vous être exposées suffisent pour fixer et retenir dans votre sein les gens courageux et amis du bien public ; un nouveau décret sur leur inviolabilité annoncerait qu'on les retient par force ; si quelques-uns se retirent, la perte ne sera pas grande. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Un de vos décrets a déjà déclaré l'inviolabilité de vos membres ; mais il me semble qu'on ne se fait pas une*
idée juste du mot inviolabilité ; ce mot ne peut s'entendre que pour les poursuites judiciaires ou ministérielles ; toute autre inviolabilité ne peut être prononcée. Quelle différence peut-il exister entre nous et un citoyen quelconque ? on ne peut 'en insulter aucun. Vous voulez défendre les injures ; mais j^ mourrais de peur si l'on pouvait punir quelqu'un parce qu'il m'appellerait sot ! Si les injures sont vomies dans un écrit anonyme, un honnête homme n'y prend pas garde et les méprise; si cet écrit est signé, il devient alors un délit ordinaire qui doit être puni par les lois.
Je pense donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer »sur la proposition d'un nouveau décret d'inviolabilité, et je crois encore que des hommes qui ont fait serment de ne pas se séparer ne doivent pas délibérer longtemps sur la demande de refuser des passe-ports.
Cependant on continue à réclamer les passeports: M. de Gouy-d'Arsy et quelques autres pensent qu'on doit en accorder à ceux qui demandent à s'absenter pour des motifs légitimes.
Une lettre adressée à un des secrétaires de l'Assemblée a été ouverte par le district de Saint-Roch : un district a-t-il le droit de violer cette espèce d'inviolabilité ?
Nul passeport ne doit être donné sans l'examen de l'Assemblée : je pense qu'il suffit, pour la sûreté des membres de l'Assemblée, d'une preuve ostensible et évidente que l'on est député, et cette preuve peut être donnée par un signe extérieur ou un certificat écrit.
Je n'ai pas demandé ^de passe-port,mais seulement un certificat de mon 'titre de député des communes, en déclarant par écrit que mon projet n'a jamais été de m'éloigner de l'Assemblée.
La question que vous agitez est plus délicate à traiter qu'elle ne le paraît. 11 est peut-être heureux pour la traiter, d'avoir un caractère qui n'est pus suspect. Nous sommes libres, chacun vis-à-vis les uns des autres ; notre serment n'est pas solidaire, nous ne pouvons ^exercer les uns sur les autres une juridiction coactive.Celui qui demande un passe-port est en: tre deux écueils : sa sûreté et son honneur. Lui refuser la faculté de s'éloigner n'est ni juste ni politique : juste, je l'ai prouvé; politique, ceux qui veulent s'en aller ne sont pas très-avantageux à conserver.
met aux voix la question 'préalable.
On en demande la division, relativement aux passe-ports et au décret à rendre; elle est décré-
t (30 «
Y a-t-il lieu à délibérer relativement aux passeports? Non.
On prétend que la majorité est douteuse.
demande l'appel nominal.
L'Assemblée ne peut arrêter les députés qui voudraient partir, ni gêner ainsi leur liberté ; mais elle ne peut jamais autoriser la désertion en accordant des passe-ports.(Il s'adresse au président.) En votre qualité de président, vous
n'avez pas d'autres fonctions que celles qui vous sont confiées par les décrets de l'Assemblée : nul décret ne vous a autorisé à donner des passeports.
prétend que la majorité, pour savoir s'il y a lieu à délibérer, a été douteuse, et réclame l'appel nominal. Il s'appuie sur le récit des faits et sur l'importance d'une question qui tendrait à rendre l'Assemblée entière complice de la violation qu'un membre ferait de son serment.
observe aux préopinants que la question de savoir si le Président pourra donner des passe-ports, reste indécise, et le paraîtra toujours à la volonté des membres qui la feront renaître.
Il existe une décision de l'Assemblée, qui autorise le président à donner des passe-ports : la question se borne à savoir si elle sera réformée. On en a délivré trois cents dans deux jours, tous ceux qui l'ont été sans motifs doivent être regardés comme une authenticité de lïi violation du serment. L'Assemblée peut-elle, par le moyen de son président, autoriser cette violation? Que ceux qui veulent partir partent, et nous laissent en repos.
Il s'agit d'éclairer votre président,^ qui a provoqué votre délibération, et de confirmer ou de détruire votre décision antérieure.
Plusieurs membres doutent de l'existence de cette décision.
continue : Si le décret existe, il faut savoir si on le conservera; s'il n'existe pas, le droit de donner des passe-ports n'est pas à vous ; il appartient au pouvoir exécutif. Votre président, effravé par le nombre des passe-ports qu'on sollicitait, vous a demandé de rassurer sa prudence par la vôtre. Si vous ne délibérez pas, si vous ajournez la question, que fera-t-il aujourd'hui? Vous lui aurez légué des tracasseries et des haines, qui ne doivent pas être le prix de ses travaux.
Voici quelle est ma motion :
« Aucun passe-port de l'Assemblée nationale ne sera délivré aux députés qui la composent, que sur des motifs dont l'exposé sera fait dans l'Assemblée. »
appuie cette motion.
On demande la question préalable.
Si le président a le droit de donner des passe-ports, il a celui de dissoudre l'Assemblée.
L'Assemblée décide que la question préalable ne sera pas mise aux voix, et décrète la motion de M. le comte de Mirabeau.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret relatif à la ré formation provisoire de la procédure criminelle.
Les articles 16 et 17 sont décrétés aiasi qu'il suit : ^ ,
Art. 16. Lorsque la déposition sera achevée, l'accusé pourra faire faire au témoin, par l'organe du juge, les observations et interpellations qu'il croira utiles pour l'éclaircissement des faits rapportés, ou pour l'explication de la déposition. La mention tant des observations de l'accusé que
des réponses du témoin, sera faite ainsi qu'il se pratique à la confrontation ; mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant, ne le feront pas réputer faux témoin.
Art. 17. Les procès criminels ne pourront plus être réglés à l'extraordinaire que par trois juges au moins. Lorsqu'ils auront été ainsi réglés, il sera publiquement, et en présence de l'accusé ou des accusés, procédé, d'abord au récolement des témoins, et de suite à leur confrontation. Il en sera usé de même par rapport au récolement des accusés, sur leur interrogatoire et à leur confrontation entre eux. Les reproches contre les témoins pourront être proposés et prouvés en tout état de cause, tant après qu'avant la connaissance des charges, et l'accusé sera admis à les prouver, si les juges les trouvent pertinents et admissibles.
La délibération est interrompue par l'arrivée d'un officier de la garde nationale de Paris, portant une lettre du Roi, à l'adresse de M. le président, laquelle lettre il déclare lui avoir été remise par M. le marquis de Lafayette.
fait lecture.de la lettre, qui est ainsi conçue :
« Monsieur, les témoignages d'affection et de fidélité que j'ai reçus des habitants de ma bonne ville de Paris, et les instances de la commune, me déterminent à y fixer mon séjour le plus habituel; et dans la confiance où je suis toujours que vous ne voulez pas vous séparer de moi, je désire que vous nommiez des commissaires pour rechercher ici le local le plus convenable, et je donnerai, sans délai, les ordres nécessaires pour le préparer. Ainsi, sans ralentir vos utiles travaux, je rendrai plus faciles et plus promptes les communications qu'une confiance mutuelle rend de plus en plus nécessaires.
« Signé : LOUIS. »
Paris, le
Cette lettre est vivement applaudie.
Un membre propose de nommer les commissaires dès ce soir ; un autre observe que ce serait juger la question de savoir si l'Assemblée doit aller à Paris ; que l'Assemblée ne doit pas être regardée comme séparée, puisqu'elle n'est qu'à quatre lieues.
Un autre ajoute que l'Assemblée n'étant pas assez nombreuse, il faut renvoyer la question à demain; que l'on chargera le président d'écrire au Roi les sentiments de sensibilité que l'Assemblée a témoignés à la lecture de sa lettre.
demande que l'on nomme sur-le-champ des commissaires, attendu que l'on doit être attaché plutôt à la personne du Roi qu'au château de Versailles.
L'on ignorait que le Roi était sur le point d'aller à Paris, lorsque M. le comte de Mirabeau m'a prié d'appuyer sa motion ; j'ai répondu que ce sentiment était dans le cur ae tous les Français ; au reste, le Roi, en proposant de transférer l'Assemblée à Soissons, tandis qu'il irait à Gompiègne, a manifesté son intention, et n'a pas cru que l'Assemblée fût in-
séparable de sa personne. Je demande donc l'ajournement.
combat ce sentiment; il soutient que le décret est rendu, que l'Assemblée l'a déclaré au Roi, et que celui-ci l'a accepté. v
propose un projet d'arrêté. Il porte : 1° La nomination des commissaires; 2° Unedéputation pour porter au Roi le vu de l'Assemblée nationale.
Après quelques autres débats, les décrets suivants sont rendus :
Premier décret. ^
« L'Assemblée nationale a décrété qu'il serait nommé des commissaires pour examiner le local qui lui convient, et, sur leur rapport, se transporter à Paris, lorsque le local sera prêt. »
. i
désigne les six commissaires, qui sont : MM. Guillotin, duc d'Aiguillon,-i de Golbert de Seignelay.évêque de Rodez,Lapoule, marquis de Gouy-d'Arsy, Le Pelletier de Saint-Fargeau.
Un second décret est ensuite rendu :
Second décret.
« L'Assemblée nationale, d'après la lettre du* Roi, datée de ce jour, et conformément à son décret du 6 de ce mois, a arrêté qu'elle se transportera à Paris aussitôt que les commissaires qu'elle a nommés auront déterminé et fait disposer le local qui lui convient. »
La séance est levée et indiquée pour ce soir, à 6 heures et demie.
Séance du
La séance a été ouverte par la lecture des adresses suivantes : d'une adresse de félicitations et dévouement de la ville de Pont-l'Evêque, laquelle supplie l'Assemblée d'interposer son autorité afin de rétablir le plus tôt possible la paix et le bon ordre, qui sont depuis quelque temps en^ souffrance dans le pays, par suite de la fermentation générale et d'une liberté outrée et inquiétante que chacun ose s'y permettre, et qui semble s'autoriser par l'impunité; des autres adresses de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Rillom en Auvergne, et des municipalités deVassel, Bouzel,Eglise-Neuve, Péri- ' gnat-ès-Alliers, Saint-Bonnet, Montaigu-LitenoiSy Saint-Jean-de-Glaines, Reignat, Montmorin, Fayet, Espirat, Saint-Julien-de-Gopel, Bongheat, Ravel, Neuville, Saint-Georges, Cnoriat, Dreuil-en-La-roche, Estandeuil, Bassol, lsserteaux, Ghas, Beau-regard, Saint-Dier, Ballay, Mozun, Vertaison, Mesel.
Elles demandent pour la province d'Auvergne une cour souveraine, séante à Giermont-Ferrand, capitale de la province, et une justice royale à* Billom.
Adresses de félicitations, remerciements et adhésion des villes d'Ambert, Gourpière,
Issoire, La
Adresse de remerciements et de reconnaissance de la communauté de Pforts dans le bailliage de Harguenbach, voisine du Palatinat. Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communes de l'Isle-Jourdain en Armagnac. Délibération de la ville de Lavaur, sénéchaussée de Toulouse, portant ratification du contrat d'union et association entre ladite ville et les vingt-quatre consulats dépendants de son district, pour le maintien de la tranquillité publique. Adresse de félicitations et de reconnaissance de la ville de Rochechouart en Poitou. Adresse du même genre, de la ville de Saint-Benoît-du-Sault,qui demande une justice royale; délibération de la commune de Néelle, dans le Soissonnais, par laquelle elle adhère à l'arrêté pris par la province de Touraine pour subvenir aux besoins de l'Etat. Adresse du comité électif de la ville de Vernay, où il expose l'insuffisance de tous ses efforts pour maintenir l'ordre et la libre circulation des grains; que l'effervescence du peuple croit de jour en jour, et menace des plus grands malheurs ; elle supplie l'Assemblée de venir à son secours. Adresse du comité de la ville de Sainte-Menehould en Bourgogne, contenant un exemplaire d'une invitation patriotique aux habitants de ladite ville et de l'élection, de venir au secours de l'Etat par des contributions volontaires. Arrêté du district de Saint-Lazare, de soutenir jusqu'au dernier sou-
Eir tous les décrets de l'Assemblée nationale, élibération de la ville de Gonfolens, contenant félicitations, reconnaissance et dévouement : les habitants déclarent solennellement qu'ils adhèrent à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et promettent de continuer d'exécuter toutes les lois faites ou à faire, et de paver exactement tous les impôts établis ou à établir.
Délibération de la ville de Saint-Brieuc en Bretagne, par laquelle elle adhère au décret de l'Assemblée du 27 septembre dernier, et par laquelle elle accepte avec confiance le plan proposé par M. Necker. Les habitants n'attendent que sa promulgation pour s'y conformer. Ils observent que l'argenterie des églises pourrait être utilement employée aux besoins de l'Etat.
Adresse de la municipalité du Brieulles-sur-Bar en Champagne, contenant le procès-verbal des pertes que la grêle du 16 juillet dernier a fait essuyer aux habitants, et qui se montent à la somme de 155,784 livres : plongés dans une misère affreuse et prêts à se livrer au plus violent désespoir, ils conjurent l'Assemblée nationale de leur accorder tous les soulagements qui sont en son pouvoir.
Adresse des citoyens de Thionville, contenant la protestation la plus formelle contre le décret de l'Assemblée nationale, qui les soumet avec les autres provinces du royaume à l'impôt de la gabelle, dont ils étaient exempts en vertu des traités les plus sacrés et des capitulations les plus respectables. Us font l'offre de payer un impôt au Trésor royal, déclarant que si leur
offre n'est pas acceptée, les maux et les crimes inonderont leur malheureuse contrée.
Adresse des officiers de gabelle de Gholet, contenant plusieurs observations sur l'impôt de la gabelle; ils déclarent se soumettre d'avance atout ce que l'Assemblée prononcera, qu'ils verront même avec le doux plaisir qu'entraîne l'opération du bien public, la suppression totale de leur
Sié^rf1 ^
Adresse de l'assemblée générale des habitants de tous états de la ville de Laval, où, pénétrés de la plus haute admiration pour les décrets et arrêtés de l'Assemblée nationale touchant la Constitution, ils la conjurent d'arrêter les désordres qui régnent dans le royaume et le menacent des plus grands malheurs, en s'occupant sans relâche d'organiser les assemblées provinciales et nauni-cipales, et de rétablir l'autorité.
Puis il a été fait lecture de la liste du comité des droits féodaux. Les membres qui composent ce comité, sont :
MM.
Goupil de Préfeln, président.
Leyris-d'Esponchez, évêque de Perpignan, vice-président.
Merlin, secrétaire.
Arnoult, secrétaire.
Martin (de Besançon). Le comte de Grécy. De Viefville des Essarts. Tronchet.
Veillard.
Regnier.
Rédon.
Salomon 4e la Saugene. Gossuin.
Baudouin de Maisonblanche Gagon Duchenay.
Ratier de Montguyon. Lesferpt de Beauvais. Gérard (de Vie).
Boery.
Mestre (de Libourne). De Bouville.
Le Sacher de la Pallière. Le marquis de Langon. Chasset.
Marandal d'Oliveau. Le marquis de Pprigny. Verdolin.
J ac.
Rodât d'Olemps.
Mourot.
généralités. Alençon.
Perpignan.
Flandre et Artois.
Bourgogne.
Franche-Comté.
Amiens.
Soissons.
Paris.
Champagne.
Lorraine.
Auvergne-
Orléans.
Hainaut.
Bretagne.
La Rochelle.
Limoges.
Trois-Evêchés.
Berry.
Bordeaux.
Rouen.
Gaen.
Dauphiné.
Lyon.
Moulins.
Saint-Domingue.
Provence.
Montpellier.
Montaubari.
Corse.
Pau.
Lecture faite de la susdite liste, l'Assemblée a été prévenue d'une erreur qui se trouve dans l'impression du procès-verbal, n° 84, page 9, qui consiste dans le mot Rétablissement pour celui d'abolition. L'Assemblée a été également prévenue que cette erreur serait corrigée par une note du procès-verbal, n° 87.
Un de MM. les trésoriers a fait lecture des nouveaux dons patriotiques, qui sont détaillés dans un registre tenu à ces fins; l'Assemblée y a répondu par des applaudissements réitérés.
Un membre de la noblesse se plaint de ce que toutes les lettres qu'il reçoit sont décachetées par le district de Saint-Roch. , ,
Cette dénonciation donne lieu à de vives réclamations de la part de la noblesse ; on se récrie
avec amertume contre la violation du secret de la poste.
excuse la conduite du district de Saint-Roch. Paris,dit-il, a été livré aux alarmes d'un projet qu'on lui a dénoncé. Ce projet es ; terrible : je veux bien croire qu'il n'ait été que chimérique ; mais enfin Paris, croyant trouver les traces de ce complot exécrable en décachetant les lettres, l'on doit cesser de le blâmer d'avoir cédé à la nécessité de dévoiler une conspiration que tout citoyen est intéressé à découvrir.
M*** : Je réponds à M. Démeunier que, puisque la conspiration est chimérique, il est inutile de violer Je secret de la poste.
Elle n'est pas tellement chimérique qu'il n'y ait des indices très-capables de donner quelque degré de vérité au complot que
I on veut dévoiler.
Après plusieurs motions, l'affaire est renvoyée au comité des rapports.
Un religieux, détenu depuis longtemps par lettre de cachet, offre un contrat de 200 livres de rente pour subvenir aux besoins de la patrie mais à condition que sa lettre de cachet sera révoquée.
Une vive discussion s'élève sur cet objet : elle se termine par déclarer qu'il faut supplier le Roi de révoquer la lettre de cachet, et que l'on ne peut recevoir la pension du religieux, puisqu'il n'est pas libre.
observe qu'il ne convient pas de demander la révocation d'une seule lettre de cachet ; il propose de faire une motion pour demander la révocation de toutes les lettres de cachet ; il demande à l'Assemblée un moment pour faire cette motion.
La proposition de M. le comte de Montmorencv est applaudie, adoptée et ajournée jusqu'à lundi soir.
Ainsi, reprend M. de Montmorency, la liberté du bon religieux ne sera pas longtemps suspendue, et le premier acte qu'il en fera sera sans doute pour déposer sur l'autel de la patrie le seul bien qu il possède. Sous tous les habits, il est des veitus, surtout dans ce moment où la vertu du patriotisme germe dans tous les curs.
dénonce plusieurs seigneurs d'Alsace, qui poursuivent avec une sévérité sans exemple tous censitaires pour le payement des droits seigneuriaux. Ces despotes de la féodalité dit-il, n ont tenu aucun compte des arrêtés dû 4 août.
Plusieurs seigneurs étrangers, possesseurs de liets en Alsace, réclament contre ces arrêtés. L'Assemblée craint-elle d'annuler ces réclamations densoires ?
La dénonciation de M. Rewbell est étouffée nar les cris à l ordre ! à l'ordre !
II a été fait lecture de la liste du comité des Domaines.
Les membres de ce comité sont :
MM.
Bévière
Gros (de Boulogne-sur-Mer). De Vismes (de Laon). Le Bois Desguays (Mon-
targis).
Bengy de Puyvallée. Descliiimp.s.
GÉNÉRALITÉS.
Paris.
Amiens.
Soissons.
Orléans. Bourges. Lyon.
MM.
De Bonnegens.
Parent de Chassy.
Gaultier de Biauzat. De Bornier.
Roy.
De Biran (Gontier). Enjubault de la Roche.
Manhiaval.
Baron.
Fleurye.
Pouret Roquerie. Buschey-Desnoes, Le chevalier Banyuls de
Montferré.
De Kervelegan.
Lombard de Tarradeau. Barrère de Vieuzac. Geoffroy.
Christin.
Pison du Galand.
Baron de Pouilly.
Pfiéger.
Delattre de Batzaert.
Hennet.
Fricot.
Le comte Colonna Gésari de Rocca.
Le marquis de Gouy-d'Arsy.
GÉNÉRALITÉS.
La Rochelle.
Moulins.
Riom.
Poitiers.
Limoges.
Bordeaux.
Tours.
Auch.
Montauban.
Champagne.
Rouen.
Caen.
Alençon.
Perpignan et Roussillon,
Bretagne.
Aix en Provence.
Pau.
Bourgogne.
Franche-Comté.
Grenoble.
Metz. Trois-Evéchés. Alsace.
Flandre et Artois. Hainaut et Cambresis. Lorraine et Barrois.
lsle de Corse.
Saint-Domingue. La Guadeloupe.
L'ordre du jour a commencé par la lecture des articles 18 et suivants du projet de décret sur la re formation provisoire de la procédure criminelle.
Il a été proposé sur chacun de ces articles divers amendements qui ont été admis: on a été aux voix sur chacun des articles 18, 19, 20 et 21, avec les amendements admis, et ils ont été décrétés ainsi qu'il suit:
Art. 18. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent à tous les actes de l'instruction, sans pouvoir y parler au nom de l'accusé, ni lui suggérer ce qu'il doit dire ou répondre, si ce n'est dans le cas d'une nouvelle visite ou rapport quelconque, lors desquelles il pourra faire ses observations, dont mention sera faite dans le procès-verbal.
Art. 19. L'accusé aura le droit de proposer, en tout état de cause, ses défenses, faits justificatifs ou d'atténuation ; et la preuve sera reçue de tous ceux qui seront jugés pertinents, et môme du fait de démence, quoiqu'ils n'aient point été articulés par l'accusé dans son interrogatoire et autres actes de la procédure. Les témoins que l'accusé voudra produire, sans être tenu de les nommer sur-le-champ, seront entendus publiquement, et pourront l'être en même temps que ceux de l'accusateur, sur la continuation ou addition d'information.
Art. 20. Il sera libre à l'accusé, soit d'appeler ses témoins, à sa requête, soit de les indiquer au ministère public, pour qu'il les fasse assigner ; mais, dans l'un ou dans l'autre cas, il sera tenu de commencer ses diligences, ou de fournir l'indication de ses témoins, dans les trois jours de la signification du jugement qui aura admis la preuve.
Art. 21. Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interro°a-oire prêté, et le jugement prononcé; le tout à audience publique. L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire, api es lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier : mais son conseil pourra être présent pendant la seance entiere, et parler pour sa défense après le
rapport fini, les conclusions données, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique pour la prononciation du jugement.
a proposé d'ajouter aux articles deja décrétés, l'article suivant :
Art 22. Toute condamnation à peine afflictive ou infamante, en première instance, ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l accuse sera condamné, sans qu'aucun juge puisse jamais employer la formule, pour les cas résultant du procès.
On a été aux voix, et le susdit article a été décrété tel, et ainsi qu'il vient d'être rapporté.
Puis on a fait lecture de l'article ]23 du même projet de décret; cette lecture a été continuée jusques et inclus l'article 28 qui est le dernier ; il a été fait sur chacun de ces articles divers amendements qui ont été admis. On a été aux voix sur chacun d'eux et les amendements admis, et ils ont été décrétés ainsi qu'il suit :
Art. 23. Les personnes présentes aux actes publies de 1 instruction criminelle, se tiendront dans le silence et le respect dû au Tribunal, et s interdiront tout signe d'approbation et d'impro-bation, a peine d'être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui sera tixe par le juge, et qui ne pourra cependant ex-ceder huitaine, ou même poursuivies extraordi-nairement, en cas de trouble ou d'indécence grave.
Art. 24. L'usage de la sellette au dernier interrogatoire et la question, dans tous les cas, sont abolis.
Art. 25. Aucune condamnation à peine afflictive ou infamante ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort ne pourra être prononcée par les juges, en dernier ressort, qu'aux quatre cinquièmes.
Art. 26. Tout ce qui précède sera également observé dans les procès poursuivis d'office, et dans ceux qui seront instruits en première instance dans les cours supérieures. La même publicité y aura lieu pour le rapport, les conclusions, le dernier interrogatoire, le plaidoyer du défenseur de l'accusé, et le jugement, dans les procès criminels qui y sont portés par appel.
Art. 27. Dans les procès commencés, les procédures déjà faites subsisteront; mais il sera procédé au surplus de l'instruction et au jugement, suivant les formes prescrites par le présent décret, à peine de nullité.
Art- 28. L'ordonnance de 1670, et les édits, déclarations et règlements concernant la matière criminelle, continueront d'être observés en tout ce qui n'est pas contraire au présent décret, jus-qu à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
Un membre de l'Assemblée a proposé d'ajouter aux articles décrétés l'article suivant :
« Le présent décret n'aura lieu que pour les délits sur lesquels il doit échoir peine aflliclive ou infamante, sans qu'il puisse être appliqué, en aucune manière, à tous autres délits ou quasi-délits, tels que simples injures et voies de fait légères, pour la réparation desquels on ne pourra se pourvoir que par action civile, qui sera jugée sommairement à l'audience et sur enquête, s'il y a lieu. »
Un autre membre a demandé l'ajournement
sur cet article. On a été aux voix, et il a été décrété que le susdit article était ajourné.
, membre de VAssemblée, a proposé d'ajouter aux articles décrétés les six articles qui suivent relatifs aux suppliciés (1) :
Art. 29. Les mêmes délits seront punis par le même genre de supplice, quels que soient le rang et l'état du coupable.
Art. 30. Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le môme, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tête tranchée.
Art. 31. Le crime étant personnel, le supplice d un coupable n'imprimera aucune flétrissure à sa famille. L'honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entaché, jet tous continueront d'être également admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et dignités.
Art. 32. Quiconque osera reprocher à un citoyen le supplice d'un de ses proches, sera puni de.....
Art. 33. La confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais avoir lieu, ni être prononcée en aucun cas.
Art. 34. Le corps d'un homme supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort.
propose l'addition suivante, à la motion de M. Guillotin (2).
Messieurs, rendre les hommes égaux devant la loi, comme ils le sont aux yeux del'Etre suprême; effacer de notre code pénal des supplices stérilement barbares ; détruire le malheureux préjugé qui jusqu'à présent avait frappé de déshonneur et d'infamie une famille entière, pour une faute commise par un de ses membres, sur lequel la loi ne lui avait cependant donné aucune autorité: tels sont les différents objets de la motion de M. Guillotin, motion également conforme à la religion, à la philosophie et aux murs de la nation.
Mais il est des abus non moins révoltants, et dont l'humanité sollicite également la réforme.
La peine de mort, prononcée trop indistinctement, diminue l'horreur pour le crime, par la pitié qu'elle fait naître souvent en faveur du coupable. Je vous proposerai donc de réserver le dernier supplice pour les forfaits les plus atroces.
Mais, quand il est une circonstance où cette peine doit être prononcée sur de simples soupçons, il suffit sans doute de vous indiquer la loi barbare qui l'ordonne ainsi, pour en obtenir aussitôt l'abrogation.
Que dirai-je maintenant de diverses peines encore eu usage parmi nous ; par exemple,
du fouet, devenu depuis si longtemps dérisoire ; de Ici flétrissure, qui marque à
jamais du sceau de l'infamie celui qui n'est souvent séquestré qu'à temps de la
société ; du bannissement, qui, laissant à celui contre lequel on le prononce, une
liberté dont il ne peut plus faire qu'un mauvais usage, est moins une peine pour lui
que pour la
Mais, Messieurs, vous réformerez en vain ces abus, si vous laissez subsister le tribunal Sanguinaire de la maréchaussée ; et les expressions manquent à quiconque en connaît le régime, pour peindre l'horreur qu'inspire, je ne dirai pas cette juridiction, mais cette boucherie judiciaire.
11 est enfin, Messieurs, dans cette partie, des améliorations de détail qu'il suffira d'ekposer à celte Assemblée pour lui en faire sentir l'importance.
C'est d'après ces considérations que je crois devoir vous proposer de décréter ce qui suit :
Article 1er. La peine de mort ne sera prononcée que contre les assassins, les empoisonneurs et les incendiaires. Les galères à perpétuité seront substituées au dernier supplice, dans tous les autres cas où il avait lieu.
Art. 2. L'édit de Henri II, concernant les filles et veuves enceintes, est et demeure abrogé ; en conséquence, il n'y aura lieu à la peine portée par cette loi, qu'autant qu'abstraction faite du défaut de déclaration de grossesse, il y aura preuve suffisante que lesdites filles ou veuves auront détruit leur fruit.
Art. 3. On ne condamnera plus au fouet, et nul ne sera flétri d'un fer chaud, s'il n'est condamné aux galères perpétuelles.
Art. 4. La peine du bannissement sera remplacée par celle de la réclusion du coupable dans une maison de force, où il sera employé à des travaux, pendant la même durée de temps qu'il aurait dû, suivant les lois anciennes, rester expatrié.
Art. 5. On ne fera plus de procès à la mémoire.
Art. 6. La juridiction des prévôts des maréchaux est supprimée, et tous les détenus dans leurs prisons, et en vertu de leurs décrets, seront par eux transférés, avec les charges et les pièces de conviction, par devant les juges ordinaires, qui continueront l'instruction des procès à la charge de l'appel.
Art. 1. Défenses sont faites au ministère public d'interjeter appel des jugements d'absolution, et de ceux qui ne prononceront aucune peine afflic-tive ou infamante, lorsque les condamnés y auront acquiescé.
Art. 8.Tous jugements d'absolution seront rendus publics par la voie de l'impression et de l'affiche, aux frais de l'Etat, et l'accusé obtiendra en outre des indemnités proportionnées aux dommages qu'il aura soufferts, contre son dénonciateur, et subsidiairement sur les fonds publics qui seront à ce destinés.
Art. 9. Hors les cas d'émeute populaire et de sédition, il sera sursis à l'exécution de tout jugement portant peine de mort, pendant trois mois, à compter de la notification qui en sera faite au conseil de l'accusé, et la révision du procès se fera de droit huit jours avant l'exécution.
Art. 10. Aucun jugement de mort, hors les cas d'exception mentionnés en l'article précédent,ne sera exécuté qu'il n'ait été signé par le Roi.
Art. 11. Le Roi pourra faire grâce, excepté lorsqu'il s'agira de crimes de lèse-nation, ou de lèse-majesté, au premier chef, de haute trahison, de péculat ou de concussion ; il pourra aussi dans tous les autres cas commuer les peines ; le tout néanmoins, seulement après le jugement en dernier ressort de l'accusé.
Art. 12. Les articles ci-dessus seront incessam-
ment présentés à la sanction du Roi, et Sa Majesté sera suppliée de donner les ordres nécessaires pour leur exécution.
Plusieurs membres demandent l'ajournement des articles proposés par M. Guillotin et par M. Guillaume.
met aux voix l'ajournement : il est prononcé.
On passé à la discussion du préambule du projet de'décret :
Il a été proposé sur ledit préambule un amendement qui a été admis. On a été aux voix sur le susdit préambule avec l'amendement adopté, et ledit préambule a été décrété ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'un des principaux droits de l'homme, qu'elle a reconnus, est celui de jouir, lorsqu'il est soumis à l'épreuve d'une poursuite criminelle, de toute l'étendue de liberté et de sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec l'intérêt de la société qui commande la punition des délits; que l'esprit et les formes de la procédure pratiquée jusqu'à présent en matière criminelle, s'éloignent tellement de ce premier principe de l'équité naturelle et de l'association politique, qu'ils nécessitent une réforme entière de l'ordre judiciaire, pour la recherché et le jugement des crimes; que si l'exécution de cette réforme entière exige la lenteur et la maturité des plus profondes méditations, il } est cependant possible de faire jouir dès à présent la nation de l'avantage de plusieurs dispositions, qui, sans subvertir l'ordre de procéder actuellement suivi, rassureront l'innocence^ et faciliteront la justification des accusés, en même temps qu'elles honoreront davantage le ministère des juges dans l'opinion publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent. »
Alors, plusieurs membres de l'Assemblée ont demandé que le préambule et les 28 articles sur la réformation provisoire de la procédure criminelle , qui ont été arrêtés, fussent présentés incessamment à la sanction royale : ou a été aux voix, et il a été décrété que les 28 articles arrêtés seraient présentés incessamment à la sanction royale.
Enfin, sur les représentations faites par M. Baudouin, imprimeur de l'Assemblée nationale, touchant la nécessité où il se trouve de transporter son imprimerie à Paris, et sur spn inquiétude de " trouver dans Paris un local à portée de celui que l'Assemblée y occupera, afin qu'il puisse correspondre plus directement avec elle, et la servir avec la plus grande exactitude, l'Assemblée a autorisé M. le président à écrire à MM. les commissaires déjà rendus à Paris, de déterminer pour le transport de l'imprimerie dudit sieur Baudouin, le local qu'ils jugeront le plus Commode pour le service de ladite Assemblée.
Plusieurs membres ont demandé qu'il fût donné lecture des 28 articles décrétés sur la procédure criminelle.
Cette lecture a été faite ainsi qu'il suit :
DÉCRET
^ DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
sur la réformation de quelques points de la jurisprudence criminelle.
L'Assemblée nationale, considérant qu'un des principaux droits de l'homme, qu'elle a reconnus, est celui
de jouir, lorsqu'il est soumis à l'épreuve d'une accusation criminelle, de toute l'éleridue de liberté et de sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec Tinté rôt de la société qui commande la punition des délits ; que l'esprit et les formes de la procédure pratiquée jusqu'à présent en matière criminelle, s'éloignent tellement de ce premier principe de l'équité naturelle et de l'association politique, qu'ils nécessitent une réforme entière de l'ordre judiciaire pour la recherche et le jugement des crimes ; que si l'exécution de cette réforme entière exige la lenteur et la maturité des plus profondes méditations, il est cependant possible de faire jouir dès à présent la nation de l'avantage de plusieurs dispositions, qui, sans subvertir l'ordre de procéder actuellement suivi, rassureront l'innocence, et faciliteront la justification des accusés, en même temps qu'elles honoreront davantage le ministère des juges dans l'opinion publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent :
Article lei. Dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs tribunaux judiciaires établis, la municipalité, et en cas qu'il n'y ait pas de municipalité, la communauté d'habitants nommera un nombre suffisant de notables, eu égard à l'étendue du ressort, parmi lesquels seront pris les adjoints qui assisteront à l'instruction des procès criminels, ainsi qu'il va être dit ci-après.
Art. 2. Ces notables seront choisis parmi les citoyens de bonnes murs et do probité reconnue. Ils devront être âgés de vingt-cinq ans au moins, et savoir signer. Leur élection sera renouvelée tous les ans. Ils prêteront serment à la commune, entre les mains des officiers municipaux, ou du syndic, ou de celui qui la préside, de remplir fidèlement leurs fonctions, et surtout de garder un secret inviolable sur le contenu en la plainte, et aux autres actes de la procédure. La liste de leurs noms, qualités et demeures sera déposée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux, par le greffier de la municipalité ou de la communauté.
Art. 3. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge qu'en présence de deux adjoints amenés par le plaignant, et par lui pris à son choix. Il sera fait mention de leur préférence et de leurs noms dans l'ordonnance qui sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de nullité.
Art. A. Les procureurs généraux, et les procureurs du Roi ou fiscaux qui accuseront d'office, seront tenus de déclarer, par acte séparé de la plainte, s'ils ont un dénonciateur ou non, à peine de nullité ; et s'ils ont un dénonciateur, ils déclareront en même temps son nom, ses qualités et sa demeure, afin qu'il soit connu du juge et des adjoints à l'information, avant qu'elle soit commencée.
Art. 5. Les procès-verbaux de l'état des personnes blessées ou du corps mort, ainsi que du lieu où le délit aura été commis, et des armes, hardes et effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, seront dressés en présence de deux adjoints appelés par le juge, suivant l'ordre du tableau mentionné en l'article 2 ci-dessus, qui pourront lui faire leurs observations dont sera fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, à peine de nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du chef-lieu de la juridiction, les notables nommés dans le chef-lieu pourront être suppléés dans la fonction d'adjoints aux procès-verbaux, par les membres de la municipalité ou de la communauté du lieu du délit, pris, en pareil nombre, par le juge d'instruction.
Art. 6. L'information qui précédera le décret continuera d'être faite secrètement, mais en présence de deux adjoints qui seront également appelés par le juge, et qui assisteront à l'audition des témoins.
Art. 7. Les adjoints seront tenus en leur âme et conscience de faire au juge les observations, tant à charge qu'à décharge, qu'ils trouveront nécessaires pour l'explication des dires des témoins, ou l'éclaircissement des faits déposés ; et il en sera fait mention dans le procès-verbal d'information, ainsi que des réponses des témoins. Le procès-verbal sera coté et signé à toutes les pages par les deux adjoints, ainsi que par le juge, à l'instant même et sans désemparer, à peine de nul-
lité ; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux.
Art. 8. Dans le cas d'une information urgent^ et provisoire qui se ferait sur le lieu même pour flagrant délit, les adjoints pourront, en cas de nécessité, être remplacés par deux principaux habitants, qui ne seront pas dans le cas d'être entendus comme témoins, et qui prêteront, sur-le-champ, serment devant le juge d'instruction.
Art. 9. Les décrets d'ajournement personnel ou de prise de corps ne pourront plus être prononcés que par trois juges au moins, ou par un juge et deux gradués ; et les commissaires des cours supérieures qui seront autorisés à décréter dans le cours de leur commission, ne pourront le faire qu'en appelant deux juges du tribunal dn lieu, ou, à leur défaut, des gradués. Aucun décret de prise de corps ne pourra désormais être prononcé contre les domiciliés, que dans le cas où, par la nature de l'accusation et des charges, il en pourrait échoir peine corporelle. Pourront néanmoins les juges faire arrêter, sur-le-champ, dans le cas de flagrant délit, ou de rébellion à la justice.
Art. 10. L'accusé décrété de prise de corps, pour quelque crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra conférer librement en tout état de cause ; et l'entrée de la prison sera toujours permise auxdits conseils : dans le cas où l'accusé ne pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui en nommera un d'office, à peine de nullité.
Art. 11. Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur les décrets d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel, tous les actes de l'instruction seront faits contradictoirament avec lui, publiquement, et les portes de la chambre d'instruction étant ouvertes : dès ce moment l'assistance des adjoints cessera.
Art. 12. Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement de l'accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur, s'il y en a, les procès-verbaux ou rap-
{torts, et l'information ; il lui fera représenter aussi es effets déposés pour servir à l'instruction; il lui demandera s'il a choisi, ou s'il entend choisir un conseil, ou s'il veut qu'il lui en soit nommé un d'office : en ce dernier cas, le juge nommera le conseil; et l'interrogatoire ne pourra être commencé que le jour suivant. Pour cet interrogatoire et pour tous les autres, le serment ne sera plus exigé de l'accusé ; il ne le prêtera, pendant tout le cours de l'instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les témoins.
Art. 13. Il en sera usé de même à l'égard des accusés qui comparaîtront volontairement sur un décret d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel.
Art. 14. Après l'interrogatoire, la copie de toutes les pièces de la procédure, signée du greffier, sera délivrée sans frais à l'accusé, sur papier libre, s'il la requiert ; et son conseil aura le droit de voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l'instruction.
Art. 15. La continuation et les additions d'information, qui auront lieu pendant la détention de l'accusé, depuis son décret, seront faites publiquement et en sa présence, sans qu'il puisse interrompre le témoin pendant le cours de sa déposition.
Art. 16. Après que la déposition sera achevée, l'accusé pourra faire faire au témoin, par le juge, les observations et interpellations qu'il croira utiles pour l'éclaircissement des faits rapportés, ou pour l'explication de la déposition. La mention, tant des observations de l'accusé, que des réponses du témoin, sera faite ainsi qu'il se pratique à la confrontation ; mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant, ne le feront pas réputer faux témoin.
Art. 17, Les procès criminels ne pourront plus être réglés à l'extraordinaire, que par trois juges au moins. Lorsqu'ils auront été ainsi réglés, il sera publiquement et en présence de l'accusé, ou des accusés, procédé par
un seul et même acte, d'abord au récolement des témoins, et de suite à leur confrontation. Il en sera usé de même par rapport au récolement des accusés, sur leur interrogatoire et à leur confrontation entre eux. Les reproches contre les témoins pourront êlre proposés et prouvés en tout état de cause, tant après qu'avant la connaissance des charges, et l'accusé sera admis à les prouver, si les juges les trouvent pertinents et admissibles.
Art. 18. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent à tous les actes de l'instruction, sans pouvoir y parler au nom de l'accusé, ni lui suggérer ce qu'il doit dire ou répondre, si ce n'est dans le cas d'une nouvelle visite ou rapport quelconque, lors desquels il pourra faire ses observations, dont mention sera faite dans le procès-verbal.
Art. 19. L'accusé aura le droit de proposer, en tout état de cause, ses défenses et faits justificatifs ou d'atténuation ; et la preuve sera reçue de tous ceux qui seront jugés pertinents quoiqu'ils n'aient point été articulés par l'accusé dans son interrogatoire, et autres actes de la procédure. Les témoins que l'accusé voudra produire, sans être tenu de les nommer sur-le-champ, seront entendus publiquement, et pourront l'être en même temps que ceux de l'accusateur, sur la continuation ou addition d'information.
_ Art. 20. Il sera libre à l'accusé, soit d'appeler ses témoins à sa requête, soit de les indiquer au ministère public pour qu'il les fasse assigner ; mais, dans l'un ou l'autre cas, il sera tenu de commencer ses diligences ou de fournir l'indication de ses témoins, dans les trois jours de la signification du jugement qui aura admis la preuve.
Art. 21. Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interrogatoire prêté, et le jugement prononcé, le tout à l'audience publique. L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire, après lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier ; mais son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense après le rapport fini, les conclusions données, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique, pour la prononciation du jugement.
Art. 22. Toute condamnation à peine afflictive ou infamante, en première instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l'accusé sera condamné, sans qu'aucun juge puisse jamaig employer la formule, pour les cas résultants du procès.
Art. 23. Les personnes présentes aux actes publics de l'instruction criminelle se tiendront dans le silence et le respect dù au tribunal, et s'interdiront tout signe d'approbation et d'improbation, à peine d'être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui sera fixé par le juge, et qui ne pourra cependant excéder huitaine, ou même poursuivies extra-ordinairement, en cas de trouble ou d'indécence grave.
Art. 24. L'usage de la sellette au dernier interrogatoire, et la question, dans tous les cas, sont abolis.
Art. 25. Aucune condamnation à peine afflictive ou infamante ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort ne pourra être prononcée par les juges, en dernier ressort, qu'aux quatre cinquièmes.
Art. 26, Tout ce qui précède sera également observé dans les procès poursuivis d'office et dans ceux qui seront instruits en première instance dans les cours supérieures. La même publicité y aura lieu pour le rapport, les conclusions, le dernier interrogatoire, le plaidoyer du défenseur de l'accusé, et le jugement, dans les procès criminels qui y sont portés par appel.
Art. 27. Dans les procès commencés, les procédures déjà faites subsisteront; mais il sera procédé au surplus de l'instruction et au jugement, suivant les formes prescrites par le présent décret à peine de nullité.
Art. 28. L'ordonnance dd 1670, et les édits, déclarations et règlements concernant la matière criminelle, continueront d'être observés en tout ce qui n'est pas contraire au présent décret, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
a levé la séance et indiqué celle de demain à neuf heures du matin.
PRÉSIDEiNCE DE M. LE CHAPELIER.
Séance du
On donne lecture des procès-verbaux de la séance d'hier. MM. Thoret, député du Berry ; l'abbé d'Héral, député de Bordeaux ; Loaisel, recteur de Redon, député de Vannes, demandent et obtiennent la permission de s'absenter à raison de leur santé : l'Assemblée autorise M. le Président à leur délivrer des passe-ports.
Un membre. Il est plaisant de considérer combien de collègues la résidence prochaine de l'Assemblée à Paris a rendus malades.
, député des bailliages de Péronne, Montdidier et Roye, donne sa démission en annonçant qu'il en a rendu compte à ses commettants, qui vont le faire remplacer par un des suppléants élus dans ses bailliages.
annonce que l'ordre du jour est d'entendre M. l'évêque d'Autun ; mais M. de Talleyrand n'étant pas encore arrivé, il demande qu'on s'occupe de 1 intitulé de la loi, proposé par M. de Mirabeau. D'autres membres veulent que l'on passe aux finances. L'Assemblée décrète que l'on s'occupera de l'intitulé de la loi.
On donne lecture de celui que M. de Mirabeau a proposé jeudi.
On adopte plusieurs amendements qui ne sont que des mots changés.
Ainsi on met sceau de l'Etal, au lieu de sceau national ; on ajoute afficher à publier.
propose d'ajouter dans leur res-sort, au lieu de département ; sa proposition est adoptée.
rappelle ce qu'il avait dit pour déterminer l'époque de la publication et de l'exécution de la loi. 11 demande que la loi soit envoyée et publiée par tous les corps administratifs.
suppose que l'envoi de la loi doit se faire aux cours supérieures et par celles-ci aux municipalités.
proposait que les lois envoyées aux tribunaux ne fussent exécu-* toires qu'un mois après leur promulgation.
On ne doit avoir égard qu'à l'époque de la publication faite dans les tribunaux
chargés seuls de l'exécution et de l'application des lois. Les corps municipaux et
« Tous les tribunaux du royaume, tant supérieurs qu'inférieurs, seront tenus de faire publier et transcrire la loi dans le registre, du moment qu'elle leur sera envoyée, et la loi n'aura son exécution dans le ressort de chaque tribunal que du jour où elle aura été publiée à l'audience, transcrite et affichée. »
propose de dire :
« L'exécution des lois aura lieu, à compter du jour de leur transcription sur les registres des tribunaux supérieurs et de leur publication : ce qu'ils seront tenus de faire du moment que la loi leur sera parvenue. »
Après la présentation de quelques autres amendements, la formule est ainsi adoptée :
« Louis, par la grâce de Dieu, et la loi constitutionnelle de l'Etat, Roi des Français____à tous
présents et à venir, salut. L'Assemblée nationale a décrété, et Nous voulons et ordonnons ce qui suit, etc. »
Ici doit être inséré le décret. L'acte de proclamation sera terminé par ces mots :
« Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités , que les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter comme loi du royaume; en foi de quoi nous avons signé et fait contresigner lesdites présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat. A... le... »
Une addition proposée par M. Camus est adoptée, et forme un article particulier.
« il sera apporté une expédition de la loi, signée, scellée et contresignée, à l'Assemblée nationale, pour être déposée dans les archives. »
L'Assemblée charge son comité de Constitution de lui présenter un projet de rédaction sur la manière dont seront intitulés les décrets sanctionnés parle Roi.
demande à faire une motion concernant la sûreté personnelle des députés.
(1). Nommés par vous, Messieurs, mardi dernier, pour accompagner Sa Majesté à Paris, M. de Gouy et moi sommes partis de Versailles avant les voitures du Roi : arrêtée un instant à Sèvres , notre voiture a été aussitôt entourée par un grand nombre de particuliers ; un d'eux m'a adressé la parole, m'a demandé si je n'étais pas un député, si je n'étais pas M. de Virieu : M. de Gouy lui ayant répondu que non, plusieurs d'entre eux ont aussitôt élevé la voix, et lui ont dit qu'ils le connaissaient parfaitement bien et qu'il était, lui, M. de Gouy, un bon député ; M. de Gouy ayant demandé à l'orateur le motif de sa question, il a répondu que son dessein était de massacrer M. de Virieu, qu'il ne périrait que de sa main ; il a ajouté qu'il ne serait pas le seul ; qu'il existait une liste nombreuse des proscrits de l'Assemblée nationale.
M. de Gouy a été interpellé par ce particulier
Ce fait, Messieurs, n'intéresse pas seulement l'honorable membre que je viens de nommer; il attaque directement la sûreté de l'Assemblée nationale, et la liberté de ses délibérations. Vous ne pouvez laisser subsister cette liste de proscription ; je vous le dis, Messieurs, avec le courage que doit montrer un représentant de la nation, dussé-je augmenter le nombre des proscrits.
Quoi ! existerait-il parmi les Français un autre Catilina qui désignerait ici ses victimes, qui vouerait à une mort infâme ceux parmi nous qui, fidèles à leurs serments, auraient la noble fermeté de développer leurs sentiments et de parler le langage de leurs curs ?
Si malheureusement lé courage des représentants de Ja nation se laissait abattre par des menaces criminelles, pourriez-vous , Messieurs , compter dorénavant Sur la sagesse de vos décrets qui ne seraient dictés que par la crainte ?
Je crois donc, Messieurs, qu'il est urgent de prendre en considération la déclaration que je viens de vous faire et de délibérer, sans délai, sur de nouvelles mesures tendantes à assurer la liberté de vos opinions.
Ungrand nombre de membres réclament l'ordre du jour; d'autres la question préalable.
L'Assemblée peut-elle être indifférente sur les dangers qui menacent ses membres ? Peut-elle ne pas délibérer quand ils lui sont dénoncés? Je suis partie intéressée dans la dénonciation, car j'ai été insulté, menacé et poursuivi. S'il y a quelques reproches à faire à ma conduite, que l'accusateur se lève, et que ie sois puni. On égare le peuple, on l'enivre, en lui indiquant des victimes, qui sans doute sont innocentes ; il serait affreux que l'Assemblée se tût lorsqu'on proscrit ses membres; il serait affreux qu'ils fussent responsables de leurs opinions aux passants, aux malheureux qui sont à votre porte. Plusieurs représentants de la nation sont diffamés dans les journaux, dans les libelles qu'on crie dans les rues, qu'on envoie dans les provinces, et l'on appelle ces désordres la liberté ! La liberté ne peut s'obtenir que par la vertu, que par la modération. Combien j'ai gémi de voir les spectateurs de nos travaux avilir les opinions et se porter à l'audace de les juger! L'Assemblée doit réprimer ces excès par un moyen digne d elle. Je demande qu'en proscrivant les libelles, elle enjoigne à la commune de Paris de défendre et d empêcher par la force les attroupements ; et que , s'occupaut de la stabilité de la Constitution, elle réclame l'inviolabilité des droits de l'homme et du citoyen, plus méconnus maintenant que jamais.
demande l'ajournement à ce soir.
Il est sans doute bon d'empêcher que les députés soient calomniés dans les journaux, et je demanderai qu'en proscrivant les nôtres on défende aussi la réimpression des gazettes étrangères. Sans cette précaution, on n aura fait que la moitié de ce qui est sollicité par le préopinant.
Je ne crois pas qu'il y ait lieu à délibérer sur la partie de la motion de M. Malouet qui concerne les journaux; si l'ajournement est accordé, je me réserve de parler sur le reste.
Un membre propose de décréter sur-le-champ la loi de la librairie.
(1) Je demande que l'Assemblée reçoive la dénonciation formelle que je fais dans ce moment.
Il est de notoriété publique qu'un ministre, et ce ministre est M. de Saint-Priest, a dit à la phalange des femmes qui demandaient du pain : «Quand vous n'aviez qu'un Roi,vous ne manquiez pas de pain ; à présent que vous en avez douze cents, allez vous adresser à eux. » Je demande que le comité des rapports soit chargé d'informer sur ce fait (2).
L'Assemblée nationale doit veiller à la sûreté de tous les citoyens ; c'est par les attroupements qu'elle est le plus compromise. Je propose de rendre une loi martiale, pour les éviter. Je demande l'ajournement de ma motion à lundi, parce que je reconnais la nécessité de suivre l'ordre du jour. Je m'étonne qu'on attache aux libelles la plus légère importance ; la calomnie retombe sur celui qui la fait, l'honnête homme ne la craint jamais.
Je demande si l'Assemblée veut ou ne veut pas délibérer ? Si elle est indifférente à la sûreté de ses membres, chacun prendra le parti qu'il jugera convenable.
JNous sommes appelés librement à faire une Constitution libre pour as: surer notre liberté. La liberté paraît un bien si précieux, qu'il y a un certain ordre de personnes qui, loin de vouloir conserver leur liberté, veulent encore jouir de celle d'autrui.
Il y parmi nous des membres dont la liberté est en danger, et je demande pourquoi l'on craindrait de les mettre sous la sauvegarde d'un décret de l'Assemblée nationale; pourquoi l'on ne voudrait pas pourvoir à la sûreté de leurs personnes. Je demande enfin si l'on ne veut pas prévoir tous les accidents funestes.
L'ajournement est indispensable : des lois sur les libelles et sur les attroupements exigent un examen très-sérieux. Je ne sais pas comment on demande à délibérer sur-le-champ.
La délibération sur les faits dénoncés est ajournée à ce soir.
désigne pour former la dé-putation chargée de présenter à la sanction du Roi les articles de jurisprudence criminelle :
MM.
Le marquis d'Estourmel. Le duc de la Rochefoucauld.
Couppé.
Decretot.
L'abbé d'Eymar. Laurendeau.
MM.
Bertrand de Monlfort. Le comte de Lambertye. De Talleyrand, évêque a Au-
tun.
Bailleui.
Poulain de Gorbion.
, évêque d'Autun, fait
Messieurs (1), l'Etat depuis longtemps est aux prises avec les plus grands besoins : nui d'entre nous ne l'ignore ; il faut donc de grands moyens pour y subvenir. Les moyens ordinaires sont épuisés ; le peuple est pressuré de toutes parts ; la plus légère charge lui serait, à juste titre, insupportable. Il ne faut pas même y songer. Des ressources extraordinaires viennent d'être tentées, mais elles sont principalement destinées aux besoins extraordinaires de cette année, et il en faut pour l'avenir, il en faut pour l'entier rétablissement de l'ordre. 11 en est une immense et décisive, et qui, dans mon opinion (car autrement je la repousserais) peut s'allier avec un respect sévère pour les propriétés : cette ressource me paraît être tout entière dans les biens ecclésiastiques.
Le clergé a donné, dans plusieurs occasions, et dans cette Assemblée, des preuves trop mémorables de son dévouement au bien public, pour ne pas penser qu'il accordera, avec courage , son assentiment aux sacrifices que les besoins extrêmes de l'Etat sollicitent de son patriotisme.
Déjà line grande opération sur les biens du clergé semble inévitable pour rétablir convenablement le sort de ceux que l'abandon des dîmes a entièrement "dépouillés.
Déjà, par cette seule raison, les membres du clergé qui jouissent du revenu de ses biens-fonds, ont prévu sans doute la nécessité prochaine d'un mouvement considérable dans ces biens; et tandis que ceux qui jouissent des dîmes ne sont peut-être pas sans inquiétude sur le remplacement dont ils ont besoin, l'on ne peut douter que ce sera pour tous une puissante considération de voir que cette même révolution puisse satisfaire à leurs droits communs, et opérer directement encore le salut public.
il ne s'agit pas ici d'une, contribution aux charges de l'Etat, proportionnelle à celle des autres biens : cela n'a jamais pu paraître un sacrifice. Il est question d'une opération d'une tout autre importance pour la nation. J'entre en matière.
Je ne crois nullement nécessaire de discuter longuement là question des propriétés ecclésiastiques.
Ce qui me parait sûr, c'est que le clergé n'est pas propriétaire à l'instar des autres propriétaires , puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés , non pour l'intérêt des personnes, mais pour le service des fonctions.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que la nation, jouissant d'un empire três-étendu sur tous les corps qui existent dans son sein, si elle n'est point en droit de détruire le corps entier du clergé, parce que ce corps est essentiellement nécessaire au culte de la religion,elle peut certainement détruire des agrégations particulières de ce corps, si elle les juge nuisibles, ou simplement inutiles, et que ce droit sur leur existence entraîne nécessairement un droit très-étendu sur la disposition de leurs biens.
Ce qui est non moins sûr, c'est que la nation, par cela même qu'elle est protectrice
des volontés des fondateurs, peut, et même doit suppri-
Jusque-là point de difficulté, et rien même qui ait droit de paraître trop extraordinaire ; car on a vu, dans tous les temps, des communautés religieuses éteintes, des titres de bénéfices supprimés, des biens ecclésiastiques rendus à leur véritable destination et appliqués à des établissements publics ; et sans doute l'Assemblée nationale réunit l'autorité nécessaire pour décréter de semblables opérations, si le bien de l'Etat les demande.
Mais peut-elle aussi réduire le revenu des titulaires vivants, et disposer d'une partie de ce revenu ?
Je sais que des hommes d'une autorité imposante, que des hommes non suspects d'aucun intérêt privé, lui ont refusé ce pouvoir : je sais tout ce qu'on dit de plausible en faveur de ceux qui possèdent.
Mais d'abord il faut en ce moment partir d'un point de fait : c'est que cette question se trouve décidée par vos décrets sur les dîmes.
D'ailleurs, j'avoue qu'en mon particulier les raisons employées pour l'opinion contraire, m'ont paru donner lieu à plusieurs réponses : il en est une bien simple que je soumets à l'Assemblée.
Quelque inviolable que doive être la possession d'un bien qui nous est garanti par la
loi, il est clair que cette loi ne peut changer la nature du bien en le garantissant ;
que, lorsqu'il est question de biens ecclésiastiques, elle ne peut assurer à chaque
titulaire actuel que la jouissance de ce qui lui a été véritablement accordé par
l'acte de sa fondation. Or, personne ne l'ignore, tous les titres de fondation de
biens ecclésiastiques, ainsi que les diverses lois de l'église qui ont expliqué le
sens et l'esprit de ces titres, nous apprennent que la partie seule de ces biens qui
est nécessaire à l'honnête subsistance du bénéficier, lui appartient (1); qu'il n'est
que l'administrateur du reste, et que ce reste est réellement accordé aux malheureux,
ou à l'entretien des temples. Si donc la nation assure soigneusement à chaque
titulaire, de quelque nature que soit son bénéfice, cette subsistance honnête, elle ne
touchera point à sa propriété individuelle; et si, en même temps, elle se charge,
comme elle en a sans doute le droit, de; l'administration du reste; si elle prend sur
son compte les autres obligations attachées à ces biens, telles que l'entretien des
hôpitaux, des ateliers de charité, des réparations des églises, des frais de
l'éducation publique, etc. ; si surtout elle .ne puise dans ces biens qu'au moment
d'une calamité générale, il me semble que toutes les intentions des fondateurs seront
remplies, et que
Ainsi, en récapitulant, je crois que la nation, principalement dans une détresse générale, peut, sans injustice, 1° disposer des biens des différentes communautés religieuses qu'elle croira devoir supprimer, en assurant à chacun desreli-ligieux vivants le moyen de subsister ; 2° faire tourner à son profit, dès le moment actuel, toujours en suivant l'esprit général des fondateurs, le revenu de tous les bénéfices sans fonctions, qui sont vacants, et s'assurer celui de tous les autres bénéfices de même nature, qui vaqueront ; 3° réduire dans une proportion quelconque les revenus actuels des titulaires, lorsqu'ils excéderont telle ou telle somme, en se chargeant d'une partie des obligations dont ces biens ont été frappés dans le principe.
Par toutes ces opérations, soit actuelle, soit futures, que je ne fais qu'indiquer ici, et où je ne puis voir aucune violation de propriété, puisqu'elles remplissent toutes les intentions des fondateurs ; par toutes ces opérations, dis-je, la nation pourrait, je pense, en assurant au clergé les deux tiers du revenu ecclésiastique actuel, sauf la réduction successive à une certaine somme fixe de ce revenu, disposer légitimement de la totalité des biens ecclésiastiques, fonds et dîmes. Le revenu total du clergé pouvant être estimé, à ce qu'on pense, à 150 millions (2), 80 en dîmes, et 90 en biens-fonds, ce serait 100 millions réductibles par des extinctions successives à 80 ou 85, qui seraient, en ce moment, assurés au clergé par un privilège spécial sur les premiers revenus de l'Etat, et dont la portion attribuée à chaque titulaire lui serait payée quartier par quartier, d'avance et sur les lieux. Je spécifie ces particularités et ce privilège spécial, parce que le culte étant l'objet du premier devoir, ses frais nécessaires doivent être les premiers acquittés ; et ses ministres étant, par des liens indissolubles, attachés à leur état, il ne faut pas qu'ils puissent jamais éprouver d'inquiétude sur la perception de leur revenu. Ces 100 millions, à raison de leur origine, donneraient, ou plutôt conserveraient à chacun des titulaires, à qui ils seraient proportionnellement distribués, les droits de citoyen dans les assemblées politiques.
Je ne puis me persuader qu'on trouve cette somme de 100 millions, qui un jour sera
réduite à 80 ou 85, trop forte, si l'on considère qu'il
On n'a pas compris dans l'évaluation du produit des biens-fonds du clergé les maisons et enclos qui forment l'habitation de quelques-uns de ses membres, et notamment des communautés religieuses qui seront supprimées ; mais, quoique le produit n'en ait pas pu être facilement évalué, elles ont cependant une valeur considérable. Il serait convenable, je pense, d'appliquer le prix de celles qui seraient dans le cas d'être vendues, en placements ou acquisitions de rentes publiques, qui serviraient à former, à la dotation actuelle de 100 millions, un supplément qui pourrait être jugé nécessaire, en raison de la quantité de ses membres actuels. A mesure de leur décès, ce supplément reviendrait à la nation, aussi bien que tout ce qui excéderait les 80 ou 85 millions, auxquels il sera arrêté que sera réduite un jour la dotation ecclésiastique.
Il est aussi une autre nature de biens, qui n'a pas été comprise dans l'évaluation du produit des biens du clergé et qui n'a pas dû l'être, parce que la jouissance n'a jamais fait partie de ses revenus : je veux parler du quart de réserve des bois ecclésiastiques. Le produit des coupes de ces réserves était destiné à subvenir aux frai? de reconstructions et réparations des maisons religieuses ou ecclésiastiques, ou était placé au profit du bénéfice, quand il n'y avait pas de réparations à faire. C'est ici, Messieurs, que l'honneur des particuliers ecclésiastiques, aussi bien que l'intérêt des créanciers de bonne foi, vous sollicitent à faire un acte de justice : il s'agirait d'établir, pour le nombre d'années que vous jugeriez convenable, un séquestre du produit de la vente de ces quarts de réserve, et l'appliquer à la liquidation des dettes des bénéfices et des bénéficiers, dans la proportion, pour les titulaires, de la diminution des revenus qu'ils auraient éprouvée, et d'après le règlement que votre prudence vous suggérera à cet effet.
Voici maintenant la manière dont je conçois que le plan que je viens d'indiquer s'exécuterait, et les avantages à jamais mémorables qui en résulteraient pour l'Etat.
On n'a pas perdu de vue que les dîmes ont été remises à la nation par le clergé. L'Assemblée en a, il est vrai, décrété l'abolition ; mais elle a décrété aussi qu'elles seraient acquittées quelque temps encore. Eh bien ! elles le seront encore quelque temps, mais au profit de la nation, mais avec la liberté de les convertir en prestation pécuniaire. Je dis encore quelque temps ; car, au moyen des opérations d'une caisse d'amortissement, dont le premier fonds sera très-considérable, comme il sera bientôt expliqué, on ne tardera pas à pouvoir les supprimer entièrement, ou sans rachat, ou du moins avec un rachat infiniment modéré.
A ces 80 millions de dîmes perçus pour la nation, seraient joints par elle 20 millions, pour compléter les 100 millions nécessaires au clergé. A mesure des décès d'un nombre indiqué de titu-
laires actuels, qui ne seront pas remplacés, celte charge de 20 millions décroîtra insensiblement.
En même temps, tous les biens-fonds du clergé seraient mis en vente (1). On peut les estimer, par approximation, à 70 millions de revenus, peut-être au delà.
On dira peut-être qu'il n'existe pas en France une somme de numéraire libre, accumulée en capitaux disponibles, suffisante pour représenter le prix de tous ces biens, et que la valeur des autres biens-fonds se trouverait avilie pour longtemps par la longue concurrence de cette multitude de nouveaux biens, jetés dans le commerce.
La réponse est simple. Puisque le produit de ces ventes serait destiné à rembourser les dettes publiques, le moyen le plus court, pour parvenir au même but, sera d'accorder sur-le-champ, aux créanciers de l'Etat, la faculté d'enchérir et d'acquérir eux-mêmes ces biens, et de donner en payement la quittance du capital de leur créance, estimés au denier 20 pour les rentes perpétuelles, et au denier 10 pour les rentes viagères ; de telle sorte que, pour payer le prix d'un bien dont l'enchère se serait élevée à 100,000 livres, l'adjudicataire pût, à son choix, délivrer 100,000 livres en argent, ou la quittance de remboursement d'une rente viagère de 10,000 livres, ou bien celle d'une rente perpétuelle de 5,000 livres, avec les arrérages du semestre courant. Alors personne, je pense, ne mettra en doute que les créanciers publics ne s'empressent de faire cette espèce d'échange; et cette concurrence d'acquéreurs nombreux, réunis avec tous les autres propriétaires d'un numéraire réel, portera indubitablement au denier 30 au moins le prix de ces biens. 70 millions de revenus donneront donc un capital de 2,100,000,000.
Pour diriger l'emploi de cette somme énorme, rappelons-nous l'état des finances. Le
déficit actuel de 61 millions peut être considéré comme effacé et comblé par les
économies qui sont dans nos fermes résolutions, ainsi que dans nos moyens; mais la
seule suppression des offices de judicature que vous avez décrétée, produira, de plus
que les 6 millions qui sont payés pour ces offices sous le titre de gages, une dépense
nouvelle au moins de 19 millions d'intérêts, s'il faut emprunter à 5 0/0 500 millions
qui seront, dit-on, nécessaires à leur remboursement : de plus la réduction à 6 sous
du prix du sel que
(Qu'on se rappelle que la dette publique s'élève à environ 224 millions, partie en rentes viagères, partie en perpétuelles.)
Le prix des biens-fonds ecclésiastiques montera, avons-nous dit, à 2,100,000,000. Sur cette somme, 500 millions seront employés à rembourser 50 millions de rentes viagères; de ces rentes que l'expérience, sur le produit tant exagéré des extinctions, et le calcul de ce qu'elles coûtent comparé avec les rentes perpétuelles, ont si évidemment démontré être infiniment plus onéreuses à l'Etat. Pour y parvenir, il sera statué d'abord que les biens-fonds ecclésiastiques de telle généralité, de celle de Paris par exemple, ne pourront être payés qu'en quittances de remboursement de rentes viagères, de la nature qui sera indiquée, ou en argent comptant avec lequel il serait ensuite effectué des remboursements forcés de ces rentes.
Le déficit de 64 millions sera donc réduit par-là à 14. Il sera ensuite appliqué près de 500 millions au rachat du montant des offices do judicature ; et comme on éteindra par-là 6 millions de gages que payait l'Etat, et que de plus on épargnera 19 millions d'intérêts qu'il faudrait ajouter à ces 6 millions de gages, pour obtenir le capital, lesquels 19 millions viennent d'être compris dans le déficit, il en résulte un bénéfice de 25 millions d'intérêts pour l'Etat. Ainsi, non-seulement le déficit qui n'était plus que de 14 millions sera comblé, mais il y aura un excédant de 11.
Les 1100 millions restants de la vente des fonds éteindraient naturellement 55 millions de rentes perpétuelles à 5 0/0; mais ils éteindront au moins 60 millions de la dette. Je dis au moins 60, parce que, dans la masse des remboursements qui seront faits, il se trouvera plusieurs créances qui coûtent aujourd'hui 10 0/0 d'intérêts, telles que les offices de finance, dont la suppression entrera, sans doute, pour quelque chose dans vos intentions, et pour beaucoup dans vos économies.
Vous n'aviez, Messieurs, que 64 millions de déficit à combler, savoir: 20 millions du revenu nouveau alloué au clergé, et un déficit de 44 millions provenant de vos opérations sur les gabelles et sur les offices de judicature. Vous aurez éteint et remboursé, par cette opération, 135 millions de rentes, tant perpétuelles que viagères, à la décharge de l'Etat : ce sera donc 71 millions d'excédant.
Voici l'usage qu'il me paraîtrait convenable de faire de cet excédant. On pourrait d'abord, avec 30 millions, éteindre à jamais le reste de l'impôt proscrit de la gabelle.
Il resterait environ 41 millions sur cette somme; 5 millions, et près de 400,000 livres seraient destinés annuellement au payement de l'intérêt de la dette actuelle du clergé; et les 35,600,000 livres restants formeraient le premier fonds d'une caisse d'amortissement, laquelle dirigée suivant un bon plan d'organisation qui
vous sera sûrement présenté par votre comité des finances, et se grossissant rapidement du produit des extinctions naturelles et de celui des rachats forcés des rentes de la dette publique, ainsi que de la diminution successive des 20 millions accordés au clergé, au delà du produit actuel de la dîme, et enfin de celle des pensions, servira très-facilement à adoucir dès à présent la prestation de la dîme pour les petits propriétaires, et à l'anéantir entièrement dans un très-petit nombre d'années pour tous.
Il est impossible de croire que les propriétaires dont les moins riches se trouveront tout de suite soulagés par l'anéantissement entier de l'impôt sur le sel, par les autres modifications que vous vous proposez de faire dans le régime des perceptions, et enfin par la portion des 35 millions de livres d'excédant de recette qu'il serait jugé à propos d'appliquer sur-le-champ à leur profit en diminution de la dîme, il est impossible de croire qu'ils se refusent à l'acquitter encore quelque temps, puisque, par ce moyen, ils en seront tous entièrement affranchis dans un fort petit nombre d'années, sans même être tenus au remplacement auquel pourtant ils doivent s'attendre, d'après le décret sur les dîmes.
En reprenant les diverses parties de ce plan qui ne présente rien de trop hypothétique, on voit qu'avec la totalité des biens et revenus du clergé, la nation pourra : 1° doter d'une manière suffisante le clergé; 2° éteindre 50 millions de rentes viagères;3° en éteindre 60 de perpétuelles; 4° détruire, par le moyen de ces extinctions, toute espèce de déficit, le reste de la gabelle, la vénalité des charges, et en exécuter le remboursement; 5° enfin, composer une caisse d'amortissement, telle que les décimables les moins aisés puissent incessamment être soulagés, et qu'au bout d'un très-petit nombre d'années, tous les décimables, sans exception, puissent être entièrement affranchis delà dîme.
Ajoutons, pour réunir tout ce que ce plan me paraît présenter d'utile à l'Etat, que la nouvelle quantité de biens-fonds rendue au commerce augmentera le revenu des contributions publiques, par la perception des droits qui subsistent encore au profit de l'IStat lors des mutations; qu'elle procurera aux provinces l'avantage d'y retenir un plus grand nombre de propriétaires intéressés à résider, pour y faire fructifier leur propriété nouvelle ;
Que les fermiers ne craignant plus d'être dépossédés de leurs baux, comme autrefois à la mort des titulaires des bénéfices, la culture profitera de cette sécurité ;
Qu'enfin l'Etat y gagnera, outre la destruction du déficit, de la gabelle et de la vénalité des charges de judicature, la réduction de la dette publique à une somme modérée, l'avantage d'être débarrassé des remboursements exigibles que les créanciers eux-mêmes redouteront lorsque la dette sera ainsi diminuée ; enfin l'établissement du crédit à un taux plus avantageux peut-être que celui qui existe chez aucune nation.
Dans l'excédant des 35,600,000 livres destinés à la caisse d'amortissement, on pourrait trouver de quoi payer les honoraires des nouveaux juges, qui s'élèveront à 10 ou 12 millions; mais alors on retarderait de quelques années l'entière et effective abolition de la dîme.
L'Assemblée jugera s'il y aurait quelque inconvénient à ce retard, ou s'il ne vaudrait pas mieux trouver ces nouveaux frais de judicature
dans les bénéfices immenses que peuvent procurer une meilleure administration des domaines restés dans les mains du Roi, et le rachat de ceux qui sont engagés.
D'après ces réflexions, voici quelques-uns des articles que je crois nécessaire de soumettre en ce moment à l'Assemblée, et qui doivent, je pense, faire partie de son arrêté.
Article 1er. Les rentes et biens-fonds du clergé, de
quelque nature qu'ils soient, seront remis à la nation.
Art. 2. La nation assure au clergé 100 millions de revenu, qui décroîtront jusqu'à 80 ou 85 paillions au plus, lorsque par la mort de certains des titulaires actuels, le clergé ne sera plus composé que des ministres les plus utiles.
Art. 3. Par l'énonciation de la somme numéraire ci-dessus, la nation entend assurer et attribuer au clergé une quantité de denrées évaluée à ladite somme de 100 millions, à raison du prix commun du blé, depuis dix ans ; et d'après cette intention, il sera fait, tous les dix ans, une nouvelle évaluation du prix commun du blé, pour servir de base proportionelle à la fixation du revenu numérique du clergé, et pour empêcher que le renchérissement du prix des denrées ne diminue de fait ce revenu.
Art. 4. Les 100 millions de revenus attribués au clergé dès à présent, et les 80 ou 85 millions auxquels ils seront réduits par la suite, seront affectés, par un privilège spécial, sous la garantie de la nation, sur les premiers revenus de l'Etat, comme formant sa première dette, et chaque part sera payée, avec la plus grande exactitude, sur les lieux, quartier par quartier, et d'avance.
Art. 5. Chaque titulaire actuel pourra conserver, jusqu'à sa mort, la jouissance de la maison qu'il habite.
Art. 6. Si par l'état détaillé des sommes nécessaires pour subvenir aux besoins des membres actuels du clergé, il paraissait qu'il fût indispensable d'excéder momentanément les 100 millions de revenu, cet excédant se prendrait sur le revenu du produit de la vente des maisons et enclos appartenant aux bénéfices ou communautés qui se trouveraient inhabités, et ce revenu se verserait dans le Trésor public, à mesure de l'extinction des besoins.
Art. 7. Il sera versé dans une caisse particulière le produit de la vente des quarts en réserve des bois ecclésiastiques, pour être employé au payement des dettes des bénéfices et des bénéfi-ciers, suivant un règlement qui statuera en même temps sur la forme et la proportion de ces liquidations.
Art. 8. Les dîmes qui, aux termes du décret du 11 août dernier, doivent être acquittées jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à un remplacement, continueront d'être payées dans chaque commune, non plus aux décimateurs, mais aux receveurs des impositions nationales ; elles pourront être converties en une prestation pécuniaire, suivant le taux déterminé par les assemblées provinciales,
Art. 9. Dès la seconde année, elles seront diminuées, mais en faveur seulement des propriétaires les moins aisés, désignés par les assemblées provinciales, et dans la proportion qui sera déterminée par l'Assemblée nationale en exercice.
Art. 10. Dès le moment où la caisse d'amortis-ment, qui va être organisée, annoncera un excé-
dant de revenu public, suffisant pour l'abolition entière de ce qui subsistera de la dîme (et ce terme ne peut être éloigné, si l'on considère que cette caisse sera établie avec un premier fonds annuel de plus de 35 millions, et qu'elle se grossira rapidement du produit des extinctions des rentes viagères, du produit très-considérable de l'intérêt composé d es rentes perpétuelles qu'el le remboursera, de la diminution successive des20 millions d'excédant de dotation accordés au clergé actuel, et enfin du produit des extinctions des pensions), dès cet instant, toute espèce de dîmes ecclésiastiques ou prestation perçue à leur place cessera entièrement et sans remplacement de la part des propriétaires, à moins que, pour accélérer le terme de l'anéantissement de cette redevance, on ne préfère, dès l'instant où l'excédant des revenus publics sera de plus des trois quarts du produit de la dîme, de faire la remise aux propriétaires des trois quarts de cette charge, sous la condition de racheter l'autre quart au denier 20 et au profit de la nation.
Art. 11. Pour la distribution des 100 millions, la réunion des communautés conservées, la suppression de celles qui seront jugées inutiles, la fixation des pensions à accorder aux membres de ces communautés, l'extinction des bénéfices sans fonctions, la réduction du nombre des autres par voie d'union, le prélèvement sur le revenu des titulaires ou pensionnaires actuels, les fonds à affecter à la retraite des anciens pasteurs, etc., il sera nommé une commission de trente-six membres, composée particulièrement d'ecclésiastiques, suivant les différentes classes de bénéfices ou biens ecclésiastiques possédés en ce moment par le clergé, à moins qu'on rie préfère une assemblée extraordinaire du clergé, convoquée pour ce seul objet dans la forme la plus régulière, et à qui vous fixeriez les limites, les bases 4et la durée de son travail.
Art. 12. La réduction du revenu du titulaire ne pourra se faire arbitrairement; elle sera toujours dans un rapport déterminé avec le revenu actuel, à partir d'une somme qui restera intacte. Cette réduction sera plus considérable, et croîtra dans une progression toujours plus forte, en raison de la valeur et de la moindre utilité du bénéfice. Il sera en même temps fixé un terme au delà duquel un revenu ecclésiastique, attribué à un même titulaire, ne pourra s'élever.
Art. 13. Aucune cure, dans tout le royaume, ne jouira d'un revenu moindre de 1,200 livres, non compris le presbytère et un jardin. Le casuel des villes ne sera pas entièrement supprimé, mais il sera déterminé par un règlement.
Art. 14. Il sera interdit, dès à présent, à toute communauté d'admettre personne à l'émission des vux, jusqu'à ce qu'il ait été décidé quelles sont ¦ celles des anciennes communautés qui subsisteront.
Art. 15. On ne pourra, dès à présent, faire aucune résignation ni permutation; et aucun autre bénéfice que les archevêchés, évêchés et les cures ne pourra être conféré jusqu'à une nouvelle disposition.
Art. 16. La nation sera saisie, dès aujourd'hui, -de tous les biens du clergé ; pourtant la nouvelle dotation du clergé n'aura lieu qu'à compter de...., époque à laquelle l'état de répartition sera définitivement arrêté par l'Assemblée nationale en exercice, d'après le rapport de la commission nommée à cet effet. Mais, jusqu'à
cette époque, le revenu actuel de chacun des membres du clergé et de chacune des communautés sera payé par la nation, sur le pied dont ils justifieront avoir joui; et il ne pourra être délégué, anticipé ni saisi à l'avance, sous quelque prétexte que ce soit (1).
Art. 17. A compter du jour qui sera fixé, les produits, profits et revenus des biens-fonds ecclésiastiques seront, à la poursuite et diligence des administrations provinciales, perçus au profit de l'Etat et versés dans la caisse nationale, sur le pied des baux actuels qui subsisteront jusqu'à la mise en possession des acquéreurs desdits biens.
Art. 18. Même avant que la répartition des 100 millions de dotation ecclésiastique soit faite et établie, la nation pourra faire vendre tels des rentes et biens-fonds du clergé, vacants ou non vacants, qu'elle jugera convenable, et à plus forte raison elle pourra les hypothéquer.
Art. 19. Les intérêts et remboursements de la dette actuelle du clergé seront acquittés dorénavant par ia nation.
Art. 20. Aussitôt après la publication du présent décret, les scellés seront mis, à la requête du procureur du Roi, et d'après l'ordonnance des juges royaux, sur tous les chantiers appartenant aux bénéfices et communautés.
Art. 21. Le clergé con tinuera de jouir à l'avenir, dans les assemblées politiques de la nation, du droit d'être électeur et éligible, et de toutes les autres facultés qui, dans l'état social, appartiennent aux qualités réunies de propriétaire et de citoyen.
Plusieurs autres articles sont sans doute nécessaires, et nous seront présentés par la commission que vous allez nommer. Voilà les premiers qui se sont offerts à ma réflexion ; voici maintenant ceux qui intéressent la vente des biens-fonds du cleryé.
Article 1er. La vente des biens-fonds du clergé se fera
dans des enchères publiques, sous l'inspection et direction des personnes nommées à
cet effet par les assemblées provinciales, et suivant les formes usitées en pareil
cas.
Art. 2. Les créanciers publics, propriétaires de créances sur l'Etat, seront admis à se rendre adjudicataires de ces biens, et à payer le montant de l'adjudication en quittances de remboursement du capital de leurs rentes soit perpétuelles, à raison du denier 20, soit viagères, avec les quittances des arrérages du dernier semestre dans lequel ils se rendront adjudicataires.
Art. 3. Il sera libre à tout particulier d'entrer en concurrence avec les créanciers publics, de se rendre adjudicataire, et de payer le montant de son adjudication en deniers comptants.
Art. 4. Il ne sera dû ni exigé, pour les premières ventes, aucuns droits de centième
denier, ni de lods et ventes pour ceux desdits biens qui se trouveraient dans la
mouvance des domaines royaux. Les frais de sentence d'adjudication et
Art. 5. Ceux des biens du clergé qui se trouveront situés dans les murs et dans l'arrondissement de la capitale, à une distance de vingt lieues de rayon, ainsi que dans les villes principales du royaume, telles que Lyon, Rouen, Strasbourg, Bordeaux, Marseille, Nantes, Lille, etc., et à une distance dè quatre lieues de rayon, ne pourront être payés qu'en argent comptant, ou en quittances de remboursement de rentes viagères sur l'Etat.
Art. 6. Les rentes viagères dont la quittance de remboursement sera admissible en payement, seront seulement celles créées depuis 1775, et acquises, soit à raison de 10 0/0 sur une tête, ou d'un moindre taux sur deux têtes, en rapportant pour celles-ci la quittance de remboursement collective des rentiers, ou ayaqf droit de jouir de la rente : les rentes viagères à 9 0/0 sur une tête seront aussi prises en payement, mais à raison du capital au denier 10 seulement de leur produit, ainsi que pour les rentes viagères sujettes à la retenue du dixième.
Art. 7. Les adjudicataires qui donneront en payement quittances du remboursement de rentes viagères, ne seront mis en possession qu'à l'expiration de trois mois après leur adjudication ; et si, dans cet intervalle, la personne sur la tête de laquelle la rente viagère aurait été constituée, venait à décéder, l'acquisition et l'adjudication seraient nulles.
Art. 8. Les titulaires d'offices ou propriétaires des finances d'offices dont l'Assemblée a décrété la suppression, seront considérés comme créanciers de l'Etat, et admis à donner en payement le montant des finances de leurs offices, avec la quittance de tous les gages qui pourraient leur être dus; à l'effet de quoi il sera, le plus incessamment possible, procédé à la liquidation et fixation desdites finances.
Art. 9. Là recette du prix de ces ventes, qui sera faite en deniers comptants, devra être versée dans la caisse nationale, pour eh être le montant employé au remboursement ou acquisition, au profit de l'Etat, des créances publiques, liquides et productives des intérêts les plus onéreui. Cet emploi sera toujours fait dans le trimestre du versement des deniers qui aura été fait à la caisse nationale ; l'accomplissement exact de cette dernière disposition sera l'un des objets de la responsabilité personnelle du ministre des finances.
Art. 10. L'ordre et la forme daijs lesquels se feront les ventes et enchères, [es publications préalables, les morcellenients et divisions de ces biens avant leur remise' en enchère, la mise en possession des acquéreurs, les payements en deniers, les terrnes et les facilités qqi pourront être accordées dans ce cas, les payements en quittances de remboursement de rentes perpétuelles ou viagères, les conditions sous lesquelles les rentes viagères pourront être reçues en acquit desdites adjudications, les formes dans lesquelles pourront se faire, pour accélérer ces opérations, des remboursements provisionnels de rentes per-
pétuelles, et le remboursement des créances ainsi remboursées, s'il y avait lieu, seront déterminés par une instruction réglementaire.
La motion de M. de Talleyrand est vivement applaudie.
L'Assemblée ordonne l'impression et la distribution à deux exemplaires par député.
lève la séance et l'Assemblée se réunit dans ses bureaux pour la nomination d'un président et de trois secrétaires.
Séance du
La séance a commencé par la lecture des adresses ci-après :
D'une adresse de félicitations et de dévouement du prévôt royal de Boisset en Carladès, au nom des officiers de la prévôté et de la municipalité dudit lieu ; d'une nouvelle adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Bour-mout, capitale de Bassigny en Barrois; d'une adresse des habitants des Pyrénées, contenant un acte solennel de confédération pour maintenir l'ordre et la tranquillité publique : ils présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement, et demandent son approbation; d'une adresse de félicitations et dévouement de la ville .de Puy-l'Evêque en Quercy, qui demande une iustice royale ; d'une délibération de l'assemblée générale des habitants de la ville de Saint-Malo, par laquelle ils ont arrêté une contribution volontaire et patriotique pour venir au secours de l'Etat près de périr; d'une délibération de félicitations et adhésion de la Vallée d'Aillant en Bourgogne, qui demande une justice royale -, d'une adresse de la ville de Sierck, généralité de Metz, contenant des réclamations contre le décret de l'Assemblée nationale relatif à l'impôt de la gabelle : elle offre de payer un impôt représentatif de ce que la gabelle produit au Trésor royal, et déclare que si son offre n'est pas acceptée, elle sera livrée aux plus grands malheurs ; et enfin d'une déclaration de la ville de Strasbourg, présentée par son député, laquelle rend hommage au patriotisme qui a guidé l'Assemblée nationale dans ses décrets du 4 août; et en annonçant qu'elle défendra, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, l'autorité légitime du Boi, auquel seul appartient le pouvoir exécutif suprême, et le droit de donner, par sa sanction, la force aux lois déterminées par le Corps législatif; et en renouvelant sa renonciation à tous privilèges et exemptions en matière de contributions aux charges publiques, à l'exception de ne plus supporter en leur entier celles dont l'objet serait l'intérêt commun de la province ou l'intérêt général du royaume, et au droit exclusif de chasse, elle exprime comme réserves formelles : 1° la conservation de la religion protestante dans son état actuel et dans ses propriétés, ainsi que l'égalité parfaite entre les deux religions, quant à l'exercice du culte et l'admission aux charges ; 2° le droit d'élection de son magistrat et de ses collègues, et le maintien de sa juridiction civile et criminelle; 3° la conservation de tous ses revenus, péages, pontonages, douane, droits territoriaux régaliens et féodaux dans ses possessions, commerce, navigation exclusive du Rhin, et au droit d'admettre librement, à son gré, à la participation de la commune; 4° elle s'oppose formellement au reculement des barrières, autant
qu'il comprendrait l'Alsace et son territoire particulier.
Un de MM. les secrétaires annonce quelques dons patriotiques qui seront mentionnés dans le registre destiné à cet usage.
Plusieurs membres demandent des congés pour raison de santé.
propose de décréter que les demandes de congé, pour cause de maladie, ne seront admissibles qu'autant qu'elles seront appuyées par un certificat de médecin.
L'Assemblée reprend son ordre du jour qui appelle la discussion sur les motions présentées dans la séance du matin concernant l'inviolabilité des membres de l'Assemblée nationale.
J'appuie les motions proposées et je demande que ceux qui les repoussent nous exposent leurs raisons.
(1). Je m'en charge et je me flatte de répondre avec une netteté qui, j'ose le dire, m'est assez ordinaire.
Je m'oppose à ce qu'il soit rendu un décret sur l'inviolabilité des députés, parce qu'il en existe déjà un. Je m'oppose à ce qu'il soit renouvelé, parce que le premier suffit, si la force publique vous soutient ; et que le second lui-même serait inutile, si la force publique est anéantie. xNe multipliez pas de vaines déclarations ; ravivez le pouvoir exécutif ; sachez le maintenir; étayez-le de tous les secours des bons citoyens : autrement la société tombe en dissolution et rien ne peut nous préserver des horreurs de l'anarchie. L'inviolabilité de notre caractère ne tient donc pas à nos décrets. J'entends beaucoup de gens qui parlent de cette inviolabilité comme si elle était la tête de Méduse qui doit tout pétrifier. Cependant tous les citoyens ont un droit égal à la protection de la loi; la liberté même dans sou acception la plus pure est l'inviolabilité de chaque individu : le privilège de la vôtre est donc relatif aux poursuites judiciaires et aux attentats du pouvoir exécutif. La loi ne vous doit rien de plus ; mais telle est la sainteté de votre caractère, que le plus indigne membre de cette Assemblée, s'il en était un qui pût mériter cette dénomination, le plus indigne lui-même serait tellement protégé, qu'on ne pourrait aller à lui que sur les cadavres de tous les gens de bien qui la composent. Bornons-nous donc à nos anciens décrets ; il y a bien plus de grandeur à les conserver qu'à les recréer. Que le pouvoir exécutif agisse ; s'il ne peut rien, si nos décrets sont nuls, la société est dissoute : il ne nous reste qu'à gémir sur elle.
, député de Sens. J'appuie la motion de M. Malouet, parce que les députés jouissent des privilèges des ambassadeurs; parce que, comme les ambassadeurs, ils représentent les nations ; parce que comme eux, ils auraient des vengeurs et que la capitale est responsable à toutes les provinces du dépôt qu'elles lui ont confié.
Il faut un
nouveau décret d'inviolabilité. Le premier était pour les opinions, celui-ci doit être pour les figures, car c'est pour leur figure que quelques membres sont insultés.
M. *** curé de...... raconte que ces jours derniers il a été attaqué par plusieurs brigands ; il s'est défendu avec un parapluie, en a renversé quatre et s'est sauvé. Il demande qu'il soit donné aux députés une marque distinctive.
Je répondrai au premier opinant que je ne savais point encore qu'il y eût dans cette Assemblée des ambassadeurs de ûourdan, des ambassadeurs du pays de Gex, etc.J'ajouteraiquece nouveau droit des gens me parait très-propre à causer de funestes divisions et que j'aime mieux croire que nous ne sommes ici que les représentants de la nation française et non pas des nations de la France. Messieurs, personne n'est inviolable pour les brigands.
Je dirai au second orateur que je ne connais aucun moyen de prévenir son objection, si ce n'est de trouver un décret par lequel on puisse changer les figures.
Je dirai au troisième opinant, que s'il n'y a point de danger pour les députés, les marques distinctives qu'il demande sont ridicules ; que s'il y a du danger, un signe extérieur ne fera que"désigner la victime, et que des gens qui ont peur ne doivent pas chercher à se faire reconnaître.
Enfin, je dis à tous ceux qui ne trouvent pas suffisant le premier décret d'inviolabilité, qu'ils en parlent sans le connaître ; que je les prie de le relire, et qu'il répond seul à tous les orateurs passés, présents et futurs.
On fait lecture du décret ; il est conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale déclare que la personne de chacun des députés est inviolable ; que tout particulier, toute corporation, tribunal, cour ou commission qui oseraient, pendant ou après la présente session, poursuivre, rechercher, arrêter ou faire arrêter, détenir ou faire déteuir un député pour raisons d'aucunes propositions, avis, opinions ou discours par lui faits aux Etats généraux, de même que toutes personnes qui prêteraient leur ministère à aucuns desdits attentats, de quelque part qu'ils fussent ordonnés, sont infâmes et traîtres envers la nation, et coupables de crime capital. L'Assemblée nationale arrête que, dans les cas susdits, elle prendra toutes les mesures nécessaires pour faire rechercher, poursuivre et punir ceux qui eu seront les auteurs, instigateurs ou exécuteurs. »
Ce décret-là me plaît fort ; mais il m'est très-indifférent, s'il n'a pour objet que de m'armer contre mes créanciers, parce que je n'ai point de créanciers ; sans doute nous sommes tous à peu près dans la même position.
Le décret est applicable à toute espèce d'inviolabilité ; il prononce clairement une peine, comme pour crime capital, contre tout particulier qui attaquerait et poursuivrait un député à raison de ses opinions.
Existe-t-il un danger ? existe-t-il des moyens de l'éviter ? J'examine ces deux points : d'abord on exagère le danger ; les moyens de l'éviter résident en nous ; ils con-
sistent dans la fermeté, dans la fraternité, dans le courage de cette Assemblée. Arrivons à Paris, marchons tous ensemble, paraissons ce que nous sommes, c'est-à-dire unis par la fraternité comme par les grands intérêts qui nous sont confiés en commun, et le respect que nous inspirerons sera notre sauvegarde la plus sûre, et établira l'inviolabilité la plus inattaquable.
On allait consulter le vu de l'Assemblée sur les motions, quand on a annoncé une députation de l'assemblée des représentants de la commune île Paris. Il a été décidé qu'elle serait admise, et que la délibération actuelle serait suspendue jusqu'au moment où cette députation aurait été entendue.
Les membres qui la formaient ayant été introduits à la barre, un d'eux, portant la parole, a dit :
« Nosseigneurs,
« L'assemblée générale des représentants de la commune de Paris croirait manquer à ses devoirs les plus sacrés si, dans les premiers moments du calme qui renaît, elle ne s'empressait pas de vous exprimer ses sentiments sur les mémorables événements que les jours passés ont vu se succéder avec tant de rapidité. Elle croirait y manquer encore si, dans la joie que lui cause la'résolution du Roi de se fixer dans la capitale, elle ne s'empressait pas de la partager avec vous, et de vous témoigner la vive satisfaction qu'a fait naître, dans son âme, le décret qui vous porte à suivre Sa Majesté.
« L'orage est loin de nous, cet orage qui menaçait d'écraser la capitale et la France entière ; il a paru comme un éclair, et s'est évanoui de même : grâces en soient rendues au Ciel, dont la main bienfaisante nous a si visiblement protégés; à vous, Nosseigneurs, dont les sages décrets ont apaisé les cris d'un peuple égaré ; à la bonté du Roi, qui a daigné condescendre à toutes ses demandes, et remplir tous ses vux; enfin, à l'activité des troupes nationales parisiennes, et de leur sage commandant, pour rétablir la tranquillité et sauver les victimes dont la mort était jurée.
« Tout paraît rentré dans l'ordre : jetons un voile sur les événements, sur les manuvres affreuses qui les avaient préparés; ne voyons que le bien qui en découle; jouissons-en, sans diminuer nos jouissances par 1 amertume des regrets.
« Le prince a comblé nos vux, et nous sentons déjà le bienfait de sa présence. L'abondance a reparu parmi nous, la paix l'accompagne : hâtez-vous, nous vous en conjurons ; hâtez-vous de vous réunir à ce Roi citoyen, dont vous vous êtes déclarés inséparables, et vous comblerez nos espérances ! Avec quelle ivresse les Parisiens ne contempleront-ils pas l'Assemblée qui balance les destinées de la France?
« Eh! quels avantages ne résulteront pas de votre présence? Par elle la nation se convaincra que l'harmonie la plus parfaite règne entre ses représentants et le Roi; elle se convaincra que la même harmonie subsiste entre le prince et sa bonne ville de Paris; qu'il ne l'a choisie pour son séjour, que parce qu'elle lui présente une plus nombreuse portion de ses enfants. Par là se détruiront ces bruits affreux que les ennemis du bien public répandent dans les provinces, avec
lesquels ils cherchent à exciter, à justifier de nouveaux désordres.
« Votre présence encore affermira le calme dans cette capitale, y préviendra le retour des insurrections.....Ah! n'en accusez pas la foule des bons citoyens de Paris. Quels Français sont plus qu'eux pénétrés de respect pour cette Assemblée? quels Français regrettent plus la violation faite au sanctuaire de la législature? Vous, ministres des autels, que la sainteté de votre caractère rendait inviolables, oubliez un moment de délire ; il ne reviendra plus : il n'est aucun de nous qui, pénétré de respect pour la religion dont vous êtes les organes, ne la défende en vos personnes; il n'en est aucun qui ne soit prêt à verser son sang pour assurer votre tranquillité et l'indépendance des délibérations de l'Assemblée.
« Elles seront libres, n'en doutez pas, Nosseigneurs, croyez-en les précautions dont la commune de Paris s'empressera de vous environner ; croyez en nos efforts, notre intérêt, pour écarter de vous les dangers; croyez en cette armée redoutable de citoyens autorisés par la loi à déployer toutes leurs forces contre les perturbateurs; croyez en le nouveau serment par lequel tous ces soldats citoyens s'engagent, en ce moment, à assurer l'inviolabilité de vos persoiines et la liberté de vos délibérations. Et toutes ces précautions ne deviennent-elles pas inutiles, quand on contemple l'opinion publique qui vous environne et vous défend mieux que toutes les armes; quand on considère ce peuple, qui, jouissant de tout ce qu'il a demandé, n'aura que des bénédictions à vous donner? 11 n'est pas, ce peuple, tel qu'on le peint toujours, prêt à déchirer même ses bienfaiteurs. Ce peuple est bon, il est juste ; mais il a souffert, mais il n'est pas instruit, mais il est égaré. Vos décrets ont allégé déjà ses souffrances ; vos lumières l'éclaireront; votre vigilance écartera ces moteurs secrets qui cherchaient à l'enflammer : ils disparaîtront d'ailleurs à l'aspect de l'administration active et concentrée qui s'organise maintenant. Quels puissants motif, pour vous inviter, Nosseigneurs, à promptement honorer la capitale de votre préférence ! Le vu d'un Roi chéri qui vous attend, l'honneur et la tranquillité d'une vilje qui vous bénit, la nécessité de raffermir l'union entre la capitale et les provinces, union sans laquelle il n'y a point de paix, point de prospérité, point de nation. »
L'orateur a laissé sur le bureau la délibération de la commune de Paris, qui autorisait la députation chargée de l'adresse, laquelle délibération était ainsi conçue :
« L'assemblée générale des représentants de la commune, instruite que, d'après le vu annoncé par l'Assemblée nationale qui s'est déclarée inséparable de la personne du Roi, cette auguste Assemblée est décidée à venir établir ses séances dans la capitale ; vivement pénétrée de la reconnaissance que lui inspire une résolution qui s'accorde avec un désir qu'elle formait depuis longtemps, a arrêté qu'il serait fait une adresse à l'Assemblée nationale, contenant l'hommage de ses respectueuses félicitations sur le parti qu'elle a cru devoir prendre, l'expression de la profonde soumission de tous les habitants de la ville de Paris pour ses décrets, la promesse inviolable de prendre tous les moyens d'assurer la tranquillité et la liberté de seâ délibérations, et de garantir l'inviolabilité de la personne de chacun de ses membres.
« En conséquence, l'assemblée générale des représentants de la commune a nommé MM. Brissot de Varville, du Vaucel, le comie de Moreton-Cha-brillan, le marquis de Saisseval, Molien, Ravault, Félix et Mulot, qu'elle a chargés de porter à l'Assemblée nationale, avec le présent arrêté,l'adresse qu'elle a votée unanimement pour elle, et une copie de celle qu'elle s'est proposé d'envoyer à toutes les provinces du royaume.
« Signé : Blondel, président ; Bertoliô et Vigée, secrétaires. »
a répondu :
Messieurs, l'Assemblée nationale ne doute point du zèle que mettront toujours les représentants de la commune de Paris, et tous les habitants de cette grande cité, à concourir au bien public et à la tranquillité générale. Elle reconnaît, à votre démarche, le patriotisme qui vous a toujours animés, et elle est sûre que vous mettrez tous vos soins à éloigner d'elle tout ce qui pourrait troubler sa liberté sur laquelle re~ pose la liberté publique.
L'Assemblée a ordonné l'impression de l'adresse de la commune de Paris, et de la délibération qui y était jointe, dont lecture avait aussi été faite ; èt comme cette délibération en rappelait une autre qui devait être adressée à toutes les municipalités du royaume, sur le désir qu'a témoigné l'Assemblée d'en entendre la lecture, les députés de la commune de Paris ont dit que leur empressement à venir annoncer les sentiments et le vu de la capitale, était cause qu'ils avaient oublié cette pièce qui serait remise à l'Assemblée.
a invité la députation de Paris à assister au reste de la séance.
Un des membres de cette députation a fait, au nom de M. Tingant, curé de Goulanges-la-Vineuse, un don de 740 livres.
L'Assemblée reprenant ensuite l'ordre de son travail, décide, sur la demande de la question préalable, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les motions qui étaient soumises à la discussion, lorsque la députation de Paris avait été annoncée.
renouvelle sa motion sur la marque distinctive.
pense qu'elle doitétre adoptée pour concourir au zèle et à la sagesse qui ont dicté les mesures de la commune de Paris.
adopte cet avis, et M. Carat le rejette par les mêmes raisons qui ont fait décider qii'il n'y avait plus à délibérer sur le décret demandé.
regarde l'adoption d'une marque distinctive comme contraire à la doctrine de l'inviolabilité.
Si nous prenons cette marque, et qu'un de nous soit insulté, je ne fais qu'une question : la porterons-nous encore ? la quitterons-nous?
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
a lait lecture d'uue lettre
de M. Anson, par laquelle ce député déclare qu'il se soumet à suspendre, à compter de 1790, la jouissance d'une pension d'environ 8,000 livres, qui lui avait été accordée pour récompense de 18 ans de travaux dans le département général des impositions du royaume, tant qu'il posséderait une charge ou commission utile ; il déclare en outre qu'il fait hommage à la patrie d'une somme de 12,000 livres, eii affirmant avec vérité que cette somme est au-dessus du quart de son revenu.
Ensuite on a lu une lettre des six commissaires chargés de reconnaître à Paris un local propre à tenir les séances de l'Assemblée ; et il a. été décrété qu'ils seraient autorisés à prendre, à cet égard, toutes les mesures qu'ils jugeraient les plus convenables.
a annoncé que le résultat du scrutin pour la nomination d'un nouveau président avait été en faveur de M. Fréteau, lequel, sur 571 voix, en avait réuni 325 ;que M. Emmery en avait eu 228, et que les 18 voix restantes avaient été perdues.
Un de MM. les secrétaires a fait la lecture de cinq lettres écrites par plusieurs religieux bénédictins, tant du prieuré de Saint-Leu que du collège de Gluny, place de Sorbonne, que de l'abbaye de Mosac, qiie du collège de Saint-Jérôme de Dôle en Franche-Gomté, que de l'abbaye de Bec-Hel-louin. Ces lettres approuvent et confirment l'offre consignée dans le procès-verbal du 28 septembre dernier, par laquelle les religieux bénédictins de Saint-Martin-des-Champs font hommage de tous leurs biens à la nation.
On a lu aussi la copie d'une lettre écrite par le comité municipal de Metz à MM. les députés du bailliage de cette ville, en date du 30 septembre 1789.
Cette lettre rend le témoignage le plus honorable à la sagesse, à la modération, au patriotisme « qui ont mérité à M. le marquis de Bouillé l'estime et la confiance publique, et qui, plus encore que l'ascendant de sa renommée militaire sur les troupes du Roi, ont été en grande partie la-cause delà conduite mémorable de la garnison de Metz, au milieu des rumeurs populaires et de l'insurrection de tant de garnisons. »
Par cette lettre, MM. les députés de Metz sont priés de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale la déclaration faite au comité municipal de Metz par M. le marquis de Bouillé, par laquelle il reconnaît tant pour lui que pour les officiers d'état-major de cette ville, qu'ils ont entendu s'engager personnellement, en faisant prêter le serment aux troupes, et qu'ils se tiennent obligés, par ce serment qu'ils n'auraient pas fait prêter, s'ils n'avaient pas eu dessein de s'y conformer.
Sur la lecture de cette délibération, M.l-avle a dit que personne n'étant au-dessus des lois, M. de Bouillé a dû prêter serment textuellement et verbalement. Le premier devoir est de se montrer obéissant à la loi, et les bons services de cet officier ne peuvent le dispenser de le remplir.
L'Assemblée a décrété que le Roi serait supplié, par M. le président, de donner des ordres pour que M. le marquis de Bouillé, et tous autres officiers supérieurs qui ne se seraient point conformés au décret du 10 août dernier, eussent à y obéir en prononçant textuellement la formule prescrite dans ce décret.
On a achevé la lecture des dons patriotiques inscrits dans le registre destiné à cet usage.
Surla demande faite par M. d'Arraing, député des communes de Soûle, d'un congé pour raison de santé, appuyé par le certificat d'un médecin , l'Assemblée a autorisé M. le président à faire expédier un passe-port à ce député.
a levé la séance en l'indiquant pour lundi prochain à neuf heures du matin.
à la séance de l'Assemblée nationale
Lettre de M. le comte de Saint-Priest à M. le président du comité des recherches à l'Assemblée nationale.
J'apprends, Monsieur, que l'Assemblée nationale a reçu une dénonciation de M. le comte de Mirabeau, qui, dit-on, a été faite en ces ternies : « Un ministre, appelé le comte de Saint-Priest,, a dit lundi à la phalange de ces femmes qui lui demandaient du pain : « Quand vous aviez un Roi vous aviez du pain; aujourd'hui, vous en avez douze cents, allez leur en demander. »
Je demande que Je comité des recherches soit tenu d'acquérir les preuves de ce fait.
On m'ajoute que cela devait être décrété ce soir, et renvoyé en effet au comité des recherches.
Je crois, Monsieur, devoir aller au-devant de ces enquêtes, en ayant l'honneur de vous déclarer authentiquement que le fait allégué par M. le comte de Mirabeau est "controuvé, et que je n'y ai pas fourni le plus léger prétexte. M. le comte de Mirabeau ne dit pas m'avoir entendu, et j'aime à croire qu'il a été trompé le premier. Je déclare, sur mon honneur qui m'est plus cher que ma vie, que je n'ai parlé qu'aux femmes qui sont entrées dans l'il-de-buf, le Roi m'ayant ordonné d'aller les entendre et de leur répondre. Je crois bien avoir eu cent témoins, et je doute qu'un seul réponde qu'il ait été mention de l'Assemblée nationale. Sur la plainte que ces cinq ou six femmes m'ont faite de manquer de pain, j'ai répondu que le Roi avait fait l'impossible pour procurer des grains au royaume et à la capitale; que, lorsque les récoltes étaient mauvaises, il était bien difficile de pourvoir à la subsistance du peuple; que l'on avait tiré des grains de tous les pays du monde; qu'enfin le détail de l'approvisionnement de Paris était depuis deux mois entre les mains de la ville, et que le Roi et les ministres y aidaient de leur mieux. Je ne me rappelle pas que cette conversation, dont j'ai sur-le-champ rendu compte au Roi, ait roulé sur autre chose; mais je suis sûr, je le répète, qu'il n'a pas été question de l'Assemblée nationale. Et d'abord, peut-on appeler une phalange de femmes les cinq ou six auxquelles j'ai parlé dans l'il-de-buf? Je croirais que ceux qui ont fait ce rapport d M. le comte de Mirabeau ont ignoré jusqu'au lieu de la scène. J'ajouterai que, sans avoir l'honneur d'être connu de lui, sans lui avoir parlé de ma vie, j'aurais espéré qu'il aurait cru moins légèrement sur mon compte un propos choisi dans ce qui s'est dit de plus trivial de-
puis quelques jours par les gens qui voulaient exciter le peuple contre l'Assemblée nationale; peut-être aussi ma conduite précédente aurait-elle dû me mettre à l'abri de cette imputation. J'ai passé beaucoup d'années au service de ma patrie, et travaillé pour son bonheur et pour sa gloire. Au reste, Monsieur, je sais qu'un citoyen doit être toujours disposé à répondre au tribunal du public. Je viens récemment de confondre une calomnie inventée contre moi à mon district de Saint-Philippe du Roule. On avait travesti une de mes lettres; mais l'original, ayant été produit, a parlé pour moi, et l'imposteur a été démasqué. Ici, je réclame ceux qui m'ont entendu dans l'il-de-buf ; et je crois, saos cependant en être bien assuré, que M. le prince de Poix et M. le duc de Liancourt étaient de ce nombre. J'offre de prouver Valibi pour toute autre conversation avec ces femmes.
Telle est, Monsieur, ma justification; elle est faite à la hâte, mais je sais le danger des premières impressions, et l'avantage qu'on peut en tirer.
J'ajouterai, Monsieur, que je suis pénétré de respect pour l'Assemblée nationale, et que je viens d'en donner une preuve en refusant de signer des arrêts du conseil, depuis la date de la sanction que le Roi a donnée aux droits de ! homme, ayant jugé que ces formes sont devenues interdites. Je ne dispute pas à M. le comte de Mirabeau ses talents, son éloquence, ses moyens ; mais je ne le crois pas meilleur citoven que moi.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : le comte de Saint-Priest.
Paris, le
présidence de m. fréteau.
Séance du
A l'ouverture de la séance, M. Fréteau, nommé président, prononce le discours suivant :
Messieurs, le choix que vous avez daigné faire de moi m'inspire une grande reconnaissance : cette nouvelle marque de vos bontés m'inspire aussi de grands devoirs; elle m'invite surtout à suivre les grands exemples de fermeté que vous donnez à toute la France, dans un moment où a une part, la naissance de la liberté est mal assuree; de l'autre, le crédit épuisé et le salut public n ont de ressource que dans la résolution et le courage des meilleurs citoyens.
Vous courez dans la capitale envelopper le Roi de votre amour, et l'éclairer de vos conseils ; que la modération et le calme continuent dans vos délibérations ; que l'esprit d'ordre et de justice présidé à vos décrets.
José, pour ma part, vous offrir l'hommage d un zèle toujours renaissant, un cur sensible aux impressions de l'amour du patriotisme, et
surtout cet ancien respect pour les droits de l'homme et du citoyen, qui a attaché toute mon existence à la chose publique, et ma gloire à la fortune des représentants de la nation. (On applaudit.)
On donne lecture des procès-verbaux des séances de samedi. Sur le prooès-verbal de la séance du matin, ou critique une expression impropre dont le rédacteur s'était servi pour désigner Yin-titulé de la loi. Un membre propose d'y substituer ces mots-ci : la formule de la promulgation de la loi.
Ce changement est adopté.
consulte l'intention de l'Assemblée sur l'heure précise de ses séances.
L'Assemblée les fixe invariablement à neuf heures du matin.
M. le duc de Villequier obtient un passe-port pour cause de colique inflammatoire.
M. le comte de Pardieu, nommé commandant de la milice nationale de Saint-Quentin, demande et obtient un.passe-port pour l'organiser.
M. le marquis Dupac de Badens, député de la noblesse de Garcassonne, demande pour des affaires très-majeures un passe-port d'un mois, sous l'engagement d'honneur de revenir dans le temps fixé.
L'Assemblée accorde ce passe-port.
M. Le Carpentier deGhailloué, députéd'Alençon, demande également un passe-port.
L'Assemblée,ayant reconnu les motifs légitimes, autorise M. le président à signer le passe-port demandé.
rappelle l'ordre du jour, sur la question de savoir si en tête de la loi, on ajoutera aux mots Roi des Français, ceux de Roi de j Navarre.
fait sentir la nécessité de décréter sur-le-champ la formule de la loi ; il dit que cet objet n'est pas de nature à occuper longtemps l'Assemblée, mais qu'il est nécessaire de faire paraître les nouvelles lois du royaume.
Beaucoup de membres appuient la motion de M. Target.
détourne l'attention de l'As-ssemblée en dénonçant un commissaire qui, peu effrayé de l'exemple terrible que la généralité de Paris a donné, a fait des rôles où il condamne les moins imposés à des gratifications envers des subdélégués, en faveur des secrétaires d'intendants, etc. M. de Malartic a eu la prudence de ne pas nommer cet intendant.
Ces observations n'ont pas de suite.
J'observe, avant qu'on passe à l'ordre du jour, que depuis la dénonciation que j'ai faite avant-hier dans cette Assemblée, il s'est répandu à Paris une lettre intitulée : Lettre de M. le comte de Saint-Priest au président du comité des recherches à l'Assemblée nationale. Je demande si quelqu'un de nos officiers a eu connaissance officielle de cette lettre.
Cette lettre a été portée au comilé, et remise ce matin sur le bureau.
Je demande à édifier l'Assemblée, dans une des prochaines séances, sur une dénonciation à laquelle je pré-
tends et entends donner toute la suite possible. Je passe à l'ordre du jour.
Dans une saison de craintes, de terreurs, il est important de montrer que la nation n'a jamais eu de si instantes, de si belles, de si abondantes ressources ; je demande donc qu'on décrète deux principes : premièrement, que la propriété des biens du clergé appartient à la nation, à la charge par elle de pourvoir à l'existence des membres de cet ordre; secondement, que la disposition de ces biens sera telle, qu'aucun curé ne pourra avoir moins de 1,200 livres avec le logement.
On n'a pas encore imprimé le mémoire de M. l'évêque d'Autun. 11 faut donc renvoyer à vendredi la délibération sur cet objet.
Il faut déclarer en même temps, et cette déclaration est conforme à mon cahier, que la propriété des domaines du Roi appartient à la nation. Je pense cependant que la motion de M. de Mirabeau peut être renvoyée à vendredi.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre signée de Polverel, syndic, député des Etats de Navarre ; elle est ainsi conçue (1) :
« Monsieur le président, la question qui doit être discutée ce matin est de la plus haute importance pour la France et pour la Navarre : si ce mémoire contient quelque assertion qui exige des preuves plus positives ou des développements ultérieurs, je serai aux ordres de l'Assemblée nationale et je lui donnerai soit de vive voix, soit par écrit, tous les éclaircissements qui sont en mon pouvoir.
«Si la députation de la Navarre s'était présenté à l'Assemblée nationale et qu'elle y eût été reçue, il est probable que la suppression sur le titre de Roi de Navarre n'aurait pas été matière à discussion, ou la députation se serait présentée avec des pouvoirs illimités et alors la Navarre se serait déclarée membre du royaume de France, et alors vous auriez pu, sans inconvénient, sup-primer Je titre de Roi de Navarre, puisque les avarrais auraient été compris sous la dénomination deFrançais ; ou vous auriez reçu la députation de Navarre avec ses pouvoirs limités et dans la forme que les Etats de Navarre lui avaient donnée : vous ne.vous y seriez déterminés que parce que vous auriez cru que la Navarre n'était pas membre du royaume de France ; et alors vous auriez su d'avance pourquoi il était nécessaire de conserver au Roi des Français le titre de Roi de Navarre.
« Le mal n'est pas irréparable pour la chose publique, puisque l'Assemblée nationale n'a encore rien décrété sur la question intéressante des deux royaumes.
« Nous espérons aussi qu'elle voudra bien ne pas précipiter son jugement sur la conduite qu'ont tenue à son égard les Etats de Navarre et leur députation.
« La députation est à Versailles depuis la fin de juillet. Elle n'a pas encore présenté ses pouvoirs à la vérification, et l'on a dit dans l'Assemblée nationale qu'elle était ici pour sonder le terrain. Le mot est vague, insignifiant,mais il présente des soupçons : la Navarre, ni ses députés ne peuvent
en laisser subsister aucun. Puisque nous ne sommes pas là pour nous défendre, nous osons espérer, Monsieur le Président, que l'Assemblée nationale daignera entendre avec quelque intérêt le compte que nous allons lui rendre de la conduite des Etats de Navarre et de leur députation.
« L'intérêt et le vu de la Navarre est d'être indissolublement unie à la France: ses Etats ont exprimé leur vu dans les pouvoirs qu'ils ont donnés à leurs députés. Ils l'ont motivé sur la faiblesse de la Navarre, sur le besoin qu'elle avait de l'appui d'une nation libre et puissante pour protéger sa liberté contre les entreprises de J'au-torité arbitraire.
« Ils ont donné une preuve non équivoque de la sincérité de ce vu. L'ordre de la succession à la couronne de Navarre appelait les femmes à défaut de mâles. Pour qu'aucun événement ne pût les séparer du royaume de France, ils ont fait ce que personne ne leur avait demandé et qu'eux seuls pouvaient faire ; ils ont adopté la loi salique pour l'ordre de la succession à la couronne de Navarre et ils ont chargé leur députation de présenter cet acte à l'Assemblée nationale de France.
« Mais la Navarre avait une bonne Constitution. Sa puissance législative résidait dans ses Etats généraux. Nul imjrôt ne pouvait être perçu ni exigé en Navarre, s'il n'avait été consenti par les Etats, et il était encore incertain si la France parviendrait à se donner une bonne Constitution.
« Les Etats de Navarre ne doutaient pas qu'au xviiie
siècle, l'élite de la nation la plus éclairée de l'univers ne pût faire pour la
liberté publique beaucoup mieux qu'on n'avait fait, dans le viiie, en Navarre et en France; mais il était permis de craindre avec M. Necker,
les ambitions, les vanités et les moyens de tout genre qui reposaient entre les mains
du gouvernement et qui lui donnaient le pouvoir de captiver les esprits par tant
d'intérêts divers.
« Dans cette incertitude, les Etats de Navarre ont cru ne devoir se confondre avec la France et renoncer à leur Constitution que lorsque la France pourrait leur offrir une Constitution aussi bonne que la leur; en attendant ils offraient et demandaient à l'Assemblée nationale de France un traité fédératif.
« Tel était notre mandat auprès de l'Assemblée nationale. Nous ne pouvions accepter voix déli-bérative, ni sur la Constitution, ni sur la législation, ni sur l'impôt, parce que les Etats avaient craint que s'ils nous eussent autorisés à délibérer sur ces objets dans l'Assemblée nationale, on n'en induisît qu'ils avaient renoncé à leur Constitution, à leur puissance législative, et à leur droit exclusif de s'imposer eux-mêmes.
« D'un autre côté, l'Assemblée nationale avait déclaré par son arrêté du 19 juin son droit exclusif d'ordonner sur l'impôt pour toutes les provinces du royaume, quelle que fût la formule de leur administration.
« Elle avait déclaré, par celui du 4 août, que les privilèges particuliers des provinces, des principautés, des villes, corps et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, étaient abolis sans retour et demeureraient confondus dans le droit commun des Français.
« Entin nous fûmes bientôt instruits des principes de l'Assemblée nationale sur la nullité des limites et des clauses impératives des mandats.
« Nous avions, dans la certitude morale, ou de n'être pas reçus à l'Assemblée nationale, ou de n'être reçus qu'à la charge de faire rectifier nos pouvoirs, ou que si nous étions reçus sans examen et sans contestation sur nos pouvoirs, on regarderait notre présence seule comme un acte d'adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, comme une renonciation de la Navarre à sa Constitution, à son indépendance et à ses privilèges.
« Dans la première supposition, il valait mieux ne pas nous présenter, que de nous présenter avec la certitude de n'être pas reçus.
« Dans la seconde, puisqu'il fallait toujours faire changer les pouvoirs et que ce changement ne pouvait se faire que par les Etats assemblés, il valait mieux conserver les droits de la Navarre intacts et laisser aux Etats la liberté absolue de donner de nouveaux pouvoirs sans limites, ou de laisser subsister les limites des anciens pouvoirs, que de nous exposer à contrarier le vu des Etats en les prévenant.
« Dans la troisième, nous ne pouvions nous résenter sans compromettre les droits de la avarre, sans paraître donner au nom de nos com mettants un consentement désavoué par notre mandat.
« Pour faire cesser cet état de perplexité, nous avons cru devoir supplier le Roi de consulter de nouveau le vu des Etats généraux de Navarre sur l'adhésion ou la non-adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. Nous avons obtenu une convocation extraordinaire des Etats.
« Mais de nouvelles combinaisons ont fait, à notre insu, révoquer l'ordre du Roi, et le ministre a dissous les Etats de Navarre trois jours après leur ouverture, saus leur avoir donné le temps de délibérer.
« Voilà, Monsieur le président, la conduite de nos commettants et la nôtre. La nôtre a été commandée par les Etats, celle des Etats par la prudence ; mais dans la nôtre et dans la leur, l'Assemblée nationale ne peut voir que loyauté et franchise et surtout le vu le plu s ardent d'être à jamais unis à la France devenue libre. Peut-être cette union serait-elle déjà consommée sans le parti inconcevable que le ministre a pris de dissoudre les Etats.
« Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre, etc.
« Signé : Polverel, syndic, député du royaume de Navarre. »
La lecture de cette lettre reçoit beaucoup d'applaudissements, elle est accompagnée d'un mémoire dont voici l'analyse :
Extrait du mémoire des États de Navarre.
Le titre de Roi des Français est sans doute le plus beau qu'un roi puisse porter; mais le titre de Roi de Navarre peut-il être retranché sans inconvénient?
La Navarre n'a jamais été mouvante de la France ; elle a été partagée injustement par l'Espagne et la maison d'Albret. Henri IV, Louis XIV ont protesté contre cette usurpation faite par Ferdinand le Catholique.
La nation française ne veut sans doute pas
que le Roi renonce à ses droits sur la Haute-Navarre.
Quelques écrivains de Suisse ont prétendu que la réunion s'était faite de plein droit de la Navarre à la France ; mais c'est mettre le droit public de la France à part du droit des gens.
Avant l'époque de l'avènement de Henri IV à la couronne, la réunion n'était pas encore connue. Henri IV était propriétaire de quelques duchés en France, et, par un édit, ces duchés ont été réunis au domaine de la couronne ; mais cette réunion ne peut avoir lieu pour des couronnes.
Il faut distinguer le droit civil du droit des gens : l'un ne lie que les citoyens, l'autre est le même pour toutes les nations. La Navarre n'a jamais été conquise, et la France n'a pu imposer son droit civil à la Navarre ; c'est pour cela que la couronne ne s'est faite que pour les duchés qui étaient en France.
Louis Xlll, dira-t-on, a prononcé cette réunion: mais les Etats généraux n'y ont jamais consenti. Un roi ne peut faire annexion de son royaume à un autre royaume, malgré la volonté de ses peuples.
Ferdinand le Catholique, tout conquérant qu'il était, a respecté ces principes. Il voulait unir la Haute-Navarre à la Castille ; la Haute-Navarre n'y a pas consenti ; et la Basse-Navarre, pour avoir été fidèle à ses princes légitimes, ne peut avoir une pire condition.
La Basse-Navarre a toujours protesté contre l'acte de Louis Xlll. Louis XIV a aussi reconnu l'indépendance des deux royaumes, en adressant à la Navarre une invitation de nommer ses députés aux Etats qui n'ont pas eu lieu.
Louis XVI avait ordonné de nommer des députés avec des pouvoirs généraux.
Les Etats généraux ont déclaré nulle et illégale cette forme de convocation.
Louis XVI a révoqué la forme de convocation, et a seulement invité la Navarre.
Louis XVl a donc reconnu les principes de la Constitution de la Navarre.
Mais si la Navarre a été toujours un royaume distinct, ce n'est pas au Roi de France, mais au Roi de Navarre, que ce royaume a été soumis.
Louis XVI, la Navarre, la France même ne peuvent vouloir ce divorce,
La Navarre n'a jamais été conquise, n'a jamais été réutiie légalement.
L'Assemblée nationale de France doit respecter la liberté du royaume de Navarre ; les décrets de l'Assemblée nationale de France, sa sagesse, les bases sur lesquelles elle les a posés, font entrevoir que le jour de la réunion n'est pas loin, où il n'y aura bientôt plus que des Français. Mais il n'est pas encore arrivé ; la Navarre n'a pas consenti à cette réunion, et l'Assemblée nationale de France doit respecter ce consentement.
Les réflexions développées dans ce mémoire paraissent faire impression sur les membres de l'Assemblée.
, député du Béarn. Louis XIII unit en 1615 le royaume de Béarn et de Navarre; cette union ne fut pas acceptée par le Béarn. On ne convoqua aux Etats de 1614, ni cette souveraineté, ni le royaume de Navarre. Le Béarn l'avait été pour ceux-ci, à l'instar des provinces, et obtint, ainsi que la Navarre, de faire sa députation dans ses Etats particuliers. Je n'examinerai pas
le fond de la question. Quelle que puisse en être la décision, mon pays dénierait la réunion aussi fortement que moi; mais je voudrais que l'Assemblée, sans changer l'ordre du jour, pût ne rien . préjuger sur cette question en ne supprimant pas le titre de souverain de Béarn pris par nos Rois, dans les lois qui nous sont envoyées.
cherche à établir, par des nouvelles considérations historiques, combien il est important que les rois ne touchent point aux titres qu'il ont une fois pris.
Tout prouve que la Navarre n'est ni un membre ni une dépendance du royaume de France et l'on ne peut lui opposer que les maximes modernes du fisc ; mais aujourd'hui que les bases de votre Constitution sont posées, quel peuple ne désirerait pas d'être Français? Dans ces circonstances je propose l'ajournement sur la question. En attendant, les Etats , généraux de Navarre délibéreront sans doute d'adhérer à vos décrets, et il n'y aura plus que des Français le long des Pyrénées.
Cet ajournement est mis aux voix et rejeté.
préseDte cet amendement :
« Réserver le titre de Roi de Navarre pour les actes diplomatiques. »
L'objet de cet amendement est étranger à la discussion présente, et ne peut être mis en délibération.
Ou la Navarre concourra à nos lois, et alors elle s'y soumettra; ou elle restera indépendante, et alors comment pourrait-elle influer sur la formule de nos lois? Convient-il, quand un peuple devient libre, quand il établit ses lois sur la liberté, que son roi possède une souveraineté qu'il régirait suivant des lois différentes ? 11. n'y a pas lieu à délibérer.
L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.
, député de Corse. Dans mon avis individuel, le titre de Roi des Français est suffisant; mais si l'on ajoute celui de Roi de Navarre, - je suis autorisé, et même obligé par mon cahier à demander qu'on dise aussi roi de Corse. La république de Gênes prétend conserver encore des droits sur cette île, et ce serait décider utilement une grande question.
Rien n'est plus, contraire à l'unité monarchique que la variété des v titres ; au lieu d'être une véritable fusion de parties homogènes, cet empire serait donc composé de parties diverses, qui ne tarderaient pas à être divisées? On a dit avec raison : si les Navar-rais ne font pas partie des Français, pourquoi s'occuper d'eux? pourquoi s'occupent-ils de nous? S'ils sont Français, ils sont obligés par nos lois comme nous-mêmes. L'unité monarchique, sans laquelle nous ne serons jamais que mal constitués, ' est un principe essentiel. Je demande que l'amendement du député de Corsé soit décidé pour éclairer sur cette question.
Si vous mettez Navarrais, il faudra mettre Corses; mettez l'un et l'autre, il faudra dire : Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle des Français, des Navar-
rais, des Corses, etc., etc., Roi des Français, des Navarrais, des Corses, etc., etc.
Il faut examiner d'abord si l'on ajoutera ou non quelque chose à Roi des Français, ensuite chacun proposera, au nom de sa province, les additions convenables.
Cette proposition est fortement appuyée; la priorité lui est accordée sur la demande de la question préalable, relativement aux amendements.
L'Assemblée décrète que rien ne sera ajouté à l'expression Roi des Français.
M. le duc d'Aiguillon, M. Guillotin, M. de Col-bert-Saignelay, évêque de Rodez et M. La Poule, qui étaient du nombre des commissaires envoyés à Paris pour y choisir Je lieu où l'Assemblée nationale sera tranférée, rendent compte de leurs travaux à ce sujet; ils annoncent que l'Assemblée pourrait s'établir incessamment et provisoirement à l'archevêché.
, archevêque de Paris, offre tout ce qui pourrait dans son palais convenir à l'Assemblée.
L'Assemblée décrète qu'elle rompra ses séances à Versailles après celle de jeudi matin, et qu'alors elle se réajournera au lundi suivant, à l'archevêché de Paris.
demande à être autorisé à faire transporter la caisse patriotique à Paris, avec telles escortes ou tels moyens qui seront jugés nécessaires pour qu'elle arrive sûrement à sa destination.
propose d'appliquer les fonds de cette caisse au payement des six derniers mois de 1788, des rentes sur l'hôtel-de-ville au-dessous de 50 livrés.
Cette motion n'est pas délibérée.
annonce que M. Marat, auteur d'un ouvrage périodique intitulé l'Ami du peuple, se plaint d'une violence exercée contre lui ; il demande si l'Assemblée veut qu'on lui rende compte ce soir de cet objet.
L'Assemblée se décide pour l'affirmative.
observe que la double motion de M. de Mirabeau a été ajournée à vendredi, et que ce jour il n'y aura pas de séance ; il propose de la remettre à demain matin.
Cette proposition est accueillie.
La séance est levée à trois heures et demie.
Séance du
La séance a été ouverte par la lecture du recensement du scrutin pour la nomination des trois secrétaires qui doivent remplacer les trois qui sont sortis d'exercice, aux termes du règlement. Ces trois secrétaires sont : M. le marquis de Ros-taing ; M. le chevalier Alexandre -de Lameth ; et M. Thibault, curé de Soupes, qui ont pris leur place.
, archiviste de VAssemblée natio-
nale, a été autorisé à faire transporter à Paris les papiers qui sont aux archives, en les accompagnant en personne dans la route; à les déposer dans son cabinet à Paris, et à faire préparer, de concert avec MM. les commissaires de l'Assemblée, le lieu où les archives doivent être établies pour y porter les papiers le plus tôt possible.
a fait part à l'Assemblée de plusieurs lettres,par lesquelles M.Iecomte d'Helm-stat, député de Sarreguemines, M. Delage, curé de Saint-Christolv, député de Bordeaux, et M. Du-pré de Balay, député des bailliages de Verdun et Clermont, prient l'Assemblée nationale de l'autoriser à leur faire délivrer un passe-port pour se retirer chez eux. M. le président a également fait part à l'Assemblée des motifs de leur demande. L'Assemblée les a jugés légitimes, et M. le président a été autorisé à sigaer les passe-ports demandés.
Un de MM. les députés, nommés pour présenter au Roi le décret sur la réformation provisoire de la procédure criminelle, a fait part à l'Assemblée de leur mission, et a ajouté qu'en présentant à la sanction du Roi ledit décret, ils avaient rappelé à Sa Majesté celui sur le prêt à intérêt qui lui avait été déjà présenté, et que Sa Majesté leur avait répondu qu'elle connaissait l'importance et l'urgence de ce décret ; qu'elle en prendrait connaissance, et qu'elle ferait connaître incessamment ses intentions.
a invité l'Assemblée de se réunir en bureaux demain,à huit heures et demie du matin, pour procéder, si fait n'a été, au renouvellement du comité des recherches.
Ensuite il a été fait lecture d'une adresse de l'assemblée générale des représentants de la commune de Paris à toutes les municipalités du royaume de France ; laquelle adresse avait été envoyée à M. le président pour en faire part à l'Assemblée.
On a été aux voix pour savoir si l'on commencerait l'ordre par la liste des nouveaux dons patriotiques, et il a été décrété que l'ordre du jour commencerait par la lecture de ladite liste.
En conséquence, un de MM. les trésoriers a fait lecture des nouveaux dons patriotiques détaillés dans un registre tenu à ces fins : l'Assemblée nationale y a répondu par des applaudissements réitérés.
Cette lecture étant faite, les députés du bailliage de Cambresis ont dit qu'étant instruits de l'offre faite sous le nom du sieur Renoux, par une lettre datée de Cambrai le 3 octobre, d'une somme de 300,000 livres, provenant de la vente d'une partie des biens de l'Aumône-Jonart, et d'une rente de 20,000 livres perçue par ledit sieur Renoux depuis six ans, ils avaient l'honneur de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale un désaveu formel du sieur Renoux, consigné dans une lettre par lui adressée à M. le marquis d'Estour-mel, l'un des députés, en date du 12 octobre, et dans une lettre de M. l'archevêque de Cambrai de même date et à la même adresse.
Ils ont ensuite fait lecture desdites lettres, ét ont demandé que le comité des recherches fût autorisé à faire toutes les recherches nécessaires pour connaître l'auteur de la lettre du 3 octobre, finissant par ces mots: « l'abbé Renoux, scelleur de l'archevêché, » et que cette lettre leur fût confiée « sous récépissé » pour être adressée par
eux au sieur de Neuville, prévôt de 1a. ville de Cambrai, avec injonction de la part de l'Assemblée nationale audit sieur de Neuville, de prendre toutes les informations nécessaires à l'effet de découvrir l'auteur de ladite lettre.
On a été aux voix sur cette motion, et il a été décrété que MM. les députés du bailliage du Cam-brésis étaient autorisés à retirer moyennant leur récépissé, la lettre du 3 octobre, finissant par ces mots: « l'abbé Renoux, scelleur de l'archevêché ».
L'ordre du jour appelle la discussion sur la, question des lettres de cachet et sur la liberté individuelle.
(1). Messieurs, nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites.
Tels sont, Messieurs, les propres expressicms contenues dans l'article 7 de notre déclaration des droits, et bien que la loi qui doit mettre notre liberté individuelle à l'abri de ternie atteinte ne soit pas encore portée, je l'avoue, j'avais pensé que tous les Français protégés, par l'opinion publique, par la position actuelle des choses, et votre volonté connue, étaient, dès à présent à l'abri des ordres arbitraires ; je croyais aussi que ceux qui en avaient souffert jouissaient en ce moment de leur liberté ; qu'enfin la France était à jamais délivrée de toutes les bastilles qui pendant si longtemps se sont offertes aux regards indignés du voyageur et ont déshonoré la surface du pays que nous habitons.
Je suis excusable, Messieurs, de m'étre rendu coupable de cette erreur, puisque je l'ai partagée avec vous-mêmes ; sans elle vous ne souffririez pas que des citoyens qui n'ont été ni publiquement accusés, ni légalement jugés, gémissent encore sous le despotisme ministériel, qu'ils en éprouvent la plus cruelle influence, lorsque le despotisme n'existe plus.
Et cependant, Messieurs, les prisons d'Etat, que le peuple n'a pas détruites, au mépris des intentions du Roi, du vu de tous nos commettants, des premières règles de la justice, renferment encore des citoyens innocents, ou qui doivent le paraître à nos yeux, jusqu'à ce qu'ils aient été jugés.
Nous ne pouvons laisser subsister un instant* de plus cet ordre de choses, sans devenir coupables des souffrances prolongées de ces infortunés. Ils ne poussent pas un soupir que nous ne devions nous reprocher ; ils ne versent pas une larme qui ne dépose contre nous.
Je sais que plusieurs de ces malheureux n'ont pas été directement sacrifiés aux vengeances ministérielles. Les châteaux éloignés de la capitale, étaient principalement remplis par les soins des agents subalternes de l'autorité, qui s'en servaient pour satisfaire leurs haines personnelles, ou peuplés de ceux que des intérêts de famille, ou des fautes de jeunesse faisaient traiter comme des criminels par des parents injustes ou cruels, qui profitaient de la facilité coupable du gouver-ment pour les soustraire à la société. Peut-être enfin peut-on y compter quelques coupables qu'on' a voulu dérober au supplice ; et si la lettre de cachet qui les en a sauvés, doit, à leur égard, être considérée comme une grâce, elle n'en est pas
moins un attentat contre la société à qui elle dérobe l'exemple, seul avantage que le public relire des châtiments infligés aux crimiuels. Le Koi, qui peut leur faire grâce lorsqu'ils sont condamnés, n'a sûrement pas et ne peut avoir le droit d'empêcher leur jugement.
Vous devez donc également ouvrir la porte des prisons d'Etat et au grand nombre d'innocents (tous ceux qui ne sont pas juridiquement con-dannés sont innocents aux yeux de la loi), et au petit nombre de criminels qu'elles peuvent renfermer ; mais devez-vous leur rendre à tous la liberté sans aucune précaution ? Je ne le pense pas ; je crois que vous jugerez dans votre sagesse qu'il est nécessaire de remettre dans une prison légale ceux qui seraient décrétés, afin qu'il soit sans délai, procédé à leur jugement par les juges que leur donne la loi ; et si le résultat de leur procès était de les condamner à une peine plus forte que la prison perpétuelle, vu le châtiment illégal auquel ils auraient été soumis, je crois qu'ils devraient être recommandés à la clémence du Roi, qui commuerait Ja peine prononcée contre eux par les tribunaux, en celle de la privation plus ou moins longue de leur liberté.
Je me tiens heureux, Messieurs, d'être dispensé de vous redire, en ce moment, les vérités si souvent et si utilement répétées, contre l'usage des lettres de cachet. Ces vérités si neuves encore, lors du célèbre ouvrage sur les prisons d'Etat, sont heureusement devenues triviales depuis sa publi cation.
C'est à elles que nous devrons l'abolition totale de cette absurde tyrannie, malgré les sophismes décrédités du despotisme, de la bassesse et de l'intérêt personnel. On ne nous parlera plus à contre-temps de l'honneur des familles, qui ne pouvait être conservé, disait-on, que par les ordres arbitraires. Cette phrase si rebattue ne servira plus de masque aux partisans secrets de l'esclavage, toutes les classes des citoyens repousseraient loin d'elles cet infâme privilège d'être jugées par le Roi, plutôt que par la loi. Ceux qui n'étaient que trompés, ne le sont plus; on abhorre généralement les lettres de cachet ; et le petit nombre d'hommes que l'intérêt personnel engage à en désirer secrètement la conservation est du moins réduit au silence.
Aussi, Messieurs, je n'ai jamais douté un moment de l'existence prochaine de la loi que vous porterez à cet égard; mais cette loi, qui doit tout prévoir, qui doit prévenir les moyens détournés qui pourraient reproduire le désordre ancien, ne saurait être rédigée avec trop de soin. Il est donc nécessaire que vous preniez d'avance un moyen de rendre justice à ceux qui gémissent encore sous l'oppression, au sein même de la liberté.
Sans doute nous avons tardé trop longtemps à prononcer leur délivrance; sans doute le jour de réunion des députés nationaux aurait dû voir briser leurs fers, et nous n'aurion3 pas dû attendre que le peuple se lit ouvrir, à main armée, quelques-uns de ces asiles du désespoir, pour en délivrer les pâles'habitants.
Pressé par le sentiment profond du devoir et par le vu de mes commettants, j'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée nationale de prendre l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que le premier des droits de l'homme en société consiste à ne pouvoir être privé de sa liberté, que dans les cas prévus par la loi, et avec les formes qu'elle a prescrites ;
« Considérant qu'elle ne remplirait qu'imparfaitement un des devoirs les plus impérieux, si elle se contentait d'empêcher à l'avenir les funestes effets des ordres arbitraires, et négligeait de rendre la liberté à ceux qui gémissent encore sous le poids de l'ancien despotisme ministériel,
« A décrété et décrète que tous ceux qui sont exilés et détenus par lettre de cachet, ou par un ordre quelconque des agents du pouvoir exécutif, seront incontinent mis en liberté :
« Qu'en conséquence, Sa Majesté sera suppliée de faire expédier, sans délai, des ordres aux gouverneurs ou commandants des diverses prisons d'Etat, afin qu'ils aient à délivrer les prisonniers confiés à leur garde, observant cependant que si quelques-uns d'entre eux étaient juridiquement accusés, ilsfussentrenvoyésdevant leurs juges naturels, pour leur procès leur étant fait, les pièces en être envoyées à M. le garde des sceaux, qui en ferait son rapport à Sa Majesté, laquelle serait suppliée de considérer, dans sa sagesse, le châtiment illégal auquel les coupables auraient été préalablement soumis, d'user en leur faveur du droit qu'elle a de faire grâce, et de commuer la peine qu'ils auraient encourue en celle d'une prison plus ou moins longue, selon la nature des délits.
« Et sera le présent décret porté au Roi par M. le président, et Sa Majesté suppliée de le faire proclamer, afficher et exécuter dans toute l'étendue du royaume. »
Plusieurs amendements sont successivement proposés.
(1). Messieurs, quand une nation est riche d'une déclaration des droits de Vhomme et du citoyen, les bastilles et les geôles royales sont inutiles; et les provinces, dont la surface est déshonorée par l'existence de ces donjons menaçants, ont le droit de les faire disparaître. C'est ce que mes commettants ont pensé lorsqu'ils ont écrit dans leur cahier l'article qui suit :
« Demander que le château de Lourdes, demeure ancienne des comtes de Rigorre, ne soit plus une prison d'Etat, ne serve plus d'effroi à la liberté publique et civile ; qu'en conséquence, les prisonniers qui y sont renfermés dans ce moment soient rendus à leurs familles et les accusés renvoyés devant leurs juges naturels. »
Ainsi, Messieurs, quand même l'humanité ne m'en aurait pas fait un devoir; quand même je n'aurais pas entendu la voix d'un de mes concitoyens, d'un vieux militaire qui gémit dans les prisons de Briscous (2), je dois à la province que j'ai l'honneur de représenter d'appuyer la motion que vient de faire M. de Castellane avec tant d'énergie et de sensibilité.
Au milieu des Pyrénées, image de la liberté, comme elles devraient en être l'asile, s'élève un fort que nos comtes élevèrent pour y établir leur séjour; nos pères s'en servirent pour se défendre des Sarrasins, et dans les guerres particulières;
le despotisme s'en est emparé pour y engloutir ses victimes ou celles de l'intrigue.
Mais si la capitale a par son courage détruit la Bastille, l'Assemblée nationale détruira sans doute par ses lois ces prisons illégales.
Ces forteresses, dont le pouvoir arbitraire se ressaisirait un jour si jamais il était tenté de reparaître, sont inutiles pour tous les citoyens indistinctement, pour les innocents parcê qu'ils sont innocents, pour les coupables parce qu'ils ne doivent être convaincus jugés et punis, que selon les lois.
Dira-t-on que la Tour de Londres présente une espèce de Bastille à côté du théâtre de la liberté anglaise ?
Je répondrai qu'en Angleterre, le parlement a une inspection égale sur les commandants et la garnison de la Tour, et que les prisonniers y sont assurés que leur procès sera fait publiquement avec des conseils et avec communication de tous les actes de la procédure comme tous les autres accusés.
On m'opposera peut-être avec plus de raison qu'il faut des prisons d'Etat dès qu'il peut exister des crimes d'Etat.
Oui, sans doute, il faut une prison d'Etat, mais ce ne doit être qu'une prison légale; ce ne doit être qu'une prison placée à côté du tribunal que vous devez créer pour juger les accusés de l'ex-majesté nationale et royale.
A quoi donc peuvent servir ces prisons lointaines placées sur les frontières du royaume, ou dans les mers, c'est-à-dire loin de tout tribunal, loin de tout magistrat qui devrait juger les infortunés qu'on y détient dans les fers ?
Les conserver, ces prisons d'Etat, n'est-ce pas annoncer à la nation des citoyens sans patrie, des sujets sans lois, des prisonniers sans accusateurs, des hommes punis sans jugement légal et souvent sans motif?
Si j'avais à parler à d'autres qu'aux législateurs qui ont tracé l'article 7 de nos libertés, c'est-à-dire de la déclaration des droits,-je vous rappellerais des lois émanées du trône, et je citerais à la puissance législative une loi royale dont les expressions touchantes sont un hommage rendu à l'humanité par la sagesse:
« Ces souffrances inconnues, ces peines obscures, du moment qu'elles ne contribuent pas au maintien de l'ordre par la publicité et par l'exemple, deviennent inutiles à notre justice. »
C'est ainsi que le Roi s'exprimait, dans sa déclaration du 30 août 1786, sur les prisons légales; c'est à l'Assemblée nationale d'en appliquer plus heureusement le principe aux Bastilles qui dégradent encore les provinces d'un royaume devenu libre.
En abolissant les prisons d'Etqt, par un décret solennel, après avoir rendu à la société et aux tribunaux les victimes nombreuses qu'elles recèlent, vous supprimerez comme une suite naturelle de la loi les commandements et les gouvernements que l'ancien régime rendait nécessaires et que la nouvelle législation rend trop odieux pour être conservés.
Ainsi, Messieurs, en appuyant la motion de M. de Gastellane, pour la liberté des citoyens détenus en vertu d'ordres arbitraires ou lettres de cachet, j'ajoute un amendement tendant à ce que les prisons d'Etat soient abolies, qu'elles soient dé-
truites ou converties en prisons légales, dans tous les lieux où elles pourront exister, sans danger pour la liberté publique et civile, et par voie de suite queles commandementsetgouvernementsde ces châteaux forts ou prisons d'Etat soient supprimés.
Je pense qu'il faut demander au pouvoir exécutif une liste des prisonniers et l'exposé des motifs de leur détention. Un comité sera chargé d'examiner ces motifs. Les.innocents seront élargis, les coupables seront détenus, et il sera laissé à ceux qui seront accusés de crimes capitaux le choix d'être jugés ou retenus dans leurs fers. Je demande si c'est par amour pour l'humanité qu'on voudrait rejeter dans la société ceux que le repos et le salut delà société a exigé d'en soustraire ? Je demande encore si c'est par amour pour l'humanité qu'on voudrait livrer au supplice ceux à qui l'humanité a voulu en éviter les horreurs?
répond que c'est par amour pour l'humanité qu'il a réclamé justice pour les coupables, parce que tout ce qui est injuste est inhumain.
L'ajournement de cette motion est demandé et adopté.
On propose de délibérer sur l'article de la motion de M. Deschamps, dont l'objet est de demander au pouvoir exécutif la liste des prisonniers et les motifs de leur emprisonnement.
J'observe que cette motion tend à consacrer les lettres de cachet. Elle est contradictoire à celle de M. de Gastellane : admettre celle de M. Deschamps, ce serait rejeter l'autre qui vient d'être ajournée.
On demande la division de celle de M. Deschamps. L'Assemblée décide qu'elle ne doit point être divisée. Gomme la première, efie est ajournée en entier.
La séance est levée à onze heures.
PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture du procès-verbal d'hier matin, celui du soir n'étant pas rédigé.
M. l'abbé Maury et M. de Bonnal, évêque de Glermont, demandent l'agrément de l'Assemblée pour s'absenter quelques jours. M. le président est autorisé à leur donner des passeports.
donne lecture du nom des membres du comité de la marine dont la nomination a été faite par les voies ordinaires. Ce sont :
MM.
Malouet.
De Cliampagny.
Le comte Le Vassor de La Touche
Le marquis de Vaudreuil.
Bégouen.
Paul Nairac.
MM.
Le marquis de la Poype-Vertri'eux.
La Ville-Leroux.
Alquier.
De Vialis.
Curt.
Le chevalier çle Loynes de La Goudraye.
donne lecture de la lettre suivante :
« D'après le discours de M. Necker, il n'est aucun citoyen qui ne s'empresse de sauver l'Etat. Je déclare que je donne une année de tout mon revenu.
« Signé : le comte de Corbière. »
M. l'abbé Demandre, curé de Donnelay, adresse à l'Assemblée nationale un mémoire sur une découverte très-intéressante pour les arts et très-utile pour les ports de mer et les villes de guerre.
L'auteur demande que sa découverte soit examinée par quatre commissaires.
est autorisé à en désigner six, qui sont :
MM.
De Vialis.
Bureaux de Puzy.
Malouet.
MM.
Le marquis de Vaudreuil.
De Phélines.
De Bousmard.
Ces commissaires rendront compte de leur examen à l'Assemblée nationale.
Un membre dénonce les abus qui se commettent dans la perception du contrôle, et fait une motion tendant à joindre tous les notaires députés au comité des domaines, et de donner aux juges royaux la connaissance de toutes les contestations sur cette matière.
La question est ajournée.
rappelle l'ordre du jour : la discussion des deux articles proposés hier par M. de Mirabeau sur la motion de M. l'évêque d'Autun, qui avait été ajournée à vendredi, mais indiquée pour aujourd'hui en dernier lieu.
demande,- dans un fort long discours, et qu'un membre observe être d'un style très-académique, la permission de lire ce soir des articles de la constitution d'un tribunal national.
On revient aux 'principes concernant la propriété des biens ecclésiastiques.
expose qu'il y a beaucoup d'autres projets qui rempliront les besoins publics; qu'il faut les examiner avant d'exproprier le clergé ; que c'est là un procès de propriété qu'il ne faut juger qu'à la dernière extrémité.
Cette opinion produit une agitation soudaine et de bruyants applaudissements parmi les membres du clergé; les uns veulent proposer d'autres objets de discussion, les autres éloigner la question, presque tous l'éluder.
Enfin il est décrété que l'on examinera la motion de M. le comte de Mirabeau.
Elle est ainsi conçue :
« Qu'il soit déclaré : 1° que tous les bieps du clergé sont la propriété de la nation, sauf à pourvoir d'une manière convenable à ia décence du culte et à ia subsistance des ministres des autels;
« 2° Que les appointements des curés ne seront pas au-dessous de 1,200 livres, non compris le logement. »
Les uns demandent à parler sur la motion de M. l'évêque d'Autun ; les autres sur la moLion de M. de Mirabeau.
M. de Montlosier obtient la parole.
La nation est-elle propriétaire? le clergé est-il propriétaire? qui est propriétaire des biens du clergé ? On n'est propriétaire que d'une chose donnée ou acquise ; les biens du clergé n'ont pas été donnés ni acquis par la nation, donc la nation n'en est pas propriétaire. Le clergé, comme corps moral, n'est pas propriétaire et ne peut l'être ; les biens dont il jouit n'ont pas été acquis par lui; ils n'ont pas mêine été donnés à ce corps moral, mais à des institutions particulières; le clergé n'est donc pas propriétaire. Qui sont donc les propriétaires de ces biens ? Ces propriétaires sont les institutions et établissements auxquels ils ont été donnés. La nation peut disposer de ces établissements ; elle peut disposer de leurs hiens, elle ne peut en disposer par le droit de propriété, mais seulement par droit de souveraineté, et en dédommageant les titulaires; ainsi les titulaires actuels ne peuvent pas être dépossédés, mais le corps moral peut l'être ; et je me résume. La nation peut-elle disposer des biens du clergé? Oui. La nation est-elle propriétaire? Non. Le clergé peut-il être dépossédé? Oui. Les titulaires peuvent-ils l'être? Non, à moins qu'ils ne soient indemnisés et dédommagés par la nation.
(1). Messieurs, une possession de treize siècles, une multitude de lois, une infinité d'actes, qui portent, sur le point de fait, que le clergé est propriétaire de ses biens, annoncent l'importance de la question proposée : les biens ecclésiastiques appartiennent-ils au clergé ou à la nation?
Le sens qu'on attribue dans cette proposition au mot clergé est susceptible de quelque explication. Si l'on entendait par le clergé chaque particulier qui en est membre, il ne faudrait pas hésiter à dire que le clergé n'est pas propriétaire. Si l'on appliquait cette dénomination à un corps qu'on supposerait formé de la réunion de toutes les personnes ecclésiastiques, la question deviendrait susceptible de difficulté. Mais toutes les incertitudes semblent disparaître, lorsque, s'ex-primant dans des termes plus précis,oi)dit: chaque établissement ecclésiastique, chaque évê-ché, chaque chapitre, chaque monastère est propriétaire des hiens dont il jouit. Ces établissements forment autant de corporations, de personnes morales dont la réunion compose ce qu'on appelle le clergé, et c'est dans ce sens que nous posons en thèse que le clergé est propriétaire de ses biens et que la nation ne l'est pas.
La démonstration de cette thèse dépend de trois points: la considération des principes, celle des faits, celle des objections!
Dans les principes ; en quoi consiste le droit de
propriété? Le clergé est-il susceptible de jouir du droit de propriété ?
Les jurisconsultes ont été fort embarrassés à définir le droit de propriété. Sans opposer leurs définitions les une3 aux autres, nous nous contentons de remarquer : 1° que ce droit est mal défini, droit d'user et d'abuser, si c'est ainsi qu'on doit traduire les mots latins jus utendi et abu-tendis parce que l'abus étant contraire à tout droit il est absurde de dire qu'un droit consiste dans la faculté d'abuser; 2° que la propriété entraîne différents droits, mais que leur réunion actuelle n'est pas nécessaire pour constituer ie propriétaire. Il peut être que le propriétaire n'ait pas la faculté de disposer librement : exemple, la femme en puissance de mari, le mineur ; ou qu'il doive faire un usage déterminé d'une partie de son revenu : exemple, celui qui a pris à rente, ou qui est donataire sous quelque usage.
Le véritable caractère de la propriété, ce sans quoi elle ne subsiste pas, ce avec quoi elle est incontestable, est la faculté d'exclure un tiers de la faculté de disposer d'une chose contre mon gré et ma volonté. Je peux être gêné dans la faculté d'aliéner, mais je suis propriétaire, si un autre ne peut pas aliéner ce que je possède. Je peux être gêné dans ma jouissance, mais je suis propriétaire si personne ne peut venir se mettre à ma place, m'expulser de mon fonds et acquitter lui-même une charge que j'acquitte.
Ce droit de propriété est un droit civil, fondé sur la loi, conservé par la loi. La distinction du mien et du tien est vide de sens et d'effet, s'il n'existe pas une loi, d'après laquelle je puisse revendiquer le mien et je sois obligé de laisser à un autre le sien.
Les établissements ecclésiastiques sont-ils ou ne sont-ils pas susceptibles de ce droit de propriété, tel qu'il vient d'être décrit? Qu'est- ce qu'un établissement ecclésiastique? Un corps reçu dans l'Etat, une personne morale, à laquelle l'Etat a communiqué les droits qui appartiennent à ces individus physiques que l'on nomme citoyens. Les corps légitimement admis dans l'Etat sont capables d'être propriétaires, par la même raison que les citoyens en sont capables; savoir, parce que toutes les personnes qui composent l'Etat, personnes morales, aussi bien que personnes physiques sont capables de tous les droits qui dérivent de la loi.
Ainsi, dans les principes, nul obstacle à ce que les établissements ecclésiastiques soient propriétaires de tous les biens qui y sont attachés.
Dans le fait le sont-ils? Voulez-vous décider la question par les titres?Lisez les chartes de donation-, les actes d'échange, les contrats d'acquisition ; partout l'établissement auquel le fonds est aujourd'hui attaché est désigné comme le donataire et l'acquéreur. Voulez-vous décider la question par les lois? les unes autorisent les églises à acquérir : donc elles ont pu acquérir légitimement; les autres leur défendent de multiplier leurs acquisitions autrement que sous certaines conditions : donc encore, en remplissant ces conditions, les églises peuvent devenir et deviennent propriétaires; d'autres enfin défendent de porter atteinte aux propriétés des églises (les ordonnances de Blois, de Melun) : donc les églises ont des propriétés.
11 vous reste à consulter la possession, et comment se refuser à ses conséquences? Depuis treize siècles les églises deFrance donnent à ferme, à cens, à baux emphytéotiques; elles bâtissent, elles cultivent, elles défendent leurs fonds et leurs
droits contre ceux qui les attaquent; elles obtiennent des jugements sur la propriété; elles font des aliénations en se conformant aux conditions qui sont imposées par les lois ; elles obtiennent la révocation des aliénations indûment faites. Chacun de ses actes est un acte de propriétaire; les églises qui les ont exercés tous sont donc propriétaires .
Le fait s'accorde avec le droit. Les églises peuvent être propriétaires; elles le sont. Considérons les objections que l'on oppose.
1° Les églises sont des établissements publics : il neleur a rienété donnéquepour l'Etat et à la décharge de l'Etat, lequel, cessant les donations faites aiix églises, aurait été tenu de l'entretien du culte et de ses ministres.
Je réponds que la destination d'un établissement ne change point la nature de ses droits. L'étendue de son utilité pour le bien public, loin j d'être un motif pour diminuer ses droits, est un motif au contraire de le traiter avec plus de faveur. Il ne peut donc pas être vrai qu'un établissement serait privé du droit précieux de la propriété, précisément à raison de ce que son existence importe au public.
J'ajoute que des raisonnements n'écartent pas des faits. Ce sont les titres d'acquisition qui font connaître le propriétaire. Lisez-les; ils déposent ' en faveur des églises.
Les dons qu'on leur a faits tournent à la libération de l'Etat : sans doute ; mais de ce qu'un don tourne à la décharge d'un tiers, en conclurez-vous que la propriété appartient à ce tiers et non au donataire? Un père est obligé de doter sa fille; un ami, un parent, veulent bien fournir la dot : ils font une donation à la fille au'moment de son mariage ; le père se trouve dispensé de la doter, il est déchargé de son obligation, devient-il propriétaire du don fait à sa fille? Non, sans doute. C'est la même réponse pour les dons faits aux églises.
Les donations faites aux églises sont grevées de charges publiques. Les ministres du cuite ne doivent prendre sur les revenus que leur juste nécessaire. Ils ne doivent être nourris aux dépens de l'église qu'à proportion de l'utilité dont ils sont pour elle; le surplus appartient aux pau- * vres, et combien de bénéficiers sont inutiles et oisifs! combien de pauvres sont abandonnés! combien d'hommes sont sacrifiés au luxe des ecclésiastiques trop opulents!
Vous dénoncez des abus : ils existent. Et j'ajoute à vos plaintes que plus on connaît la religion, plus on l'aime, plus on est sensible à ces abus qui deshonorent l'église. Nous sommes d'ac- cord sur les faits dont vous vous plaignez; mais nous différons sur les conséquences. Vous dites : Il faut détruire, et je dis : Il faut réformer. De ce que les ministres des églises ont abusé des biens appartenant aux églises, vous concluez qu'il faut priver les églises de leurs biens : je vous dis, moi, qu'il ne faut pas confondre l'innocent avec le coupable : l'Église qui a le droit de propriété, avec le ministre infidèle qui en a mal dispensé les revenus. Il existe des règles dans l'église sur l'usage des biens ecclésiastiques ; il existe des lois dans l'Etat sur la nécessité d'observer ces règles : mettez-les en vigueur; veillez à leur observation; continuez ce que vous avez déjà fait en défendant d'accumuler sur une même tête trop de revenus ecclésiastiques; mais ne punissez pas sur le propriétaire le crime qui lui est étranger.
Quelques établissementseux-mêmes sont-ils devenus inutiles? il y a des moyens légitimes de
les supprimer, d'unir leurs fonds à d'autres établissements, de les employer même à en doter de nouveaux. Ge que vous avez à faire dans des cas de ce genre a été prévu par les lois ecclésiastiques et civiles : elles ont autorisé les suppressions et les unions. Pourquoi ne pas recourir à ces moyens légitimes? pourquoi exposer la nation au reproche que tous les historiens font à,Charles Martel, d'avoir usurpé les biens de l'Eglise.
La solution de la question proposée doit donc être que les églises sont propriétaires des biens qui leur sont attachés, que la nation n'en est pas propriétaire ; mais en supposant que la question fût douteuse, il naît une nouvelle question importante : sommes-nous dans le moment opportun pour juger de la propriété des biens ecclésiastiques?
Nous n'avons encore rien statué sur l'état de la religion en France. La religion catholique y sera conservée sans doute comme la religion dé l'Etat : mais quel sera son culte extérieur, le nombre de ses ministres, la consistance des divers établissements qui en dépendent? Rien n'est encore ordonné à cet égard ; et avant de s'expliquer sur aucun de cea objets on propose de déclarer que l'Eglise n'a aucun bien qui lui appartienne. On veut mettre tout ce dont elle jouissait dans la main de la nation sur la simple parole que la nation fournira à tout ce qu'elle jugera nécessaire et décent. Ne doit-il pas naître quelque inquiétude sur la manière dont ce qui est nécessaire et décent sera déterminé? N'est-il pas à craindre quelque parcimonie de la part de ceux qui ne verront plus qu'une dette onéreuse à acquitter ? n'appréhendera-t-on pas d'aggraver les charges du peuple si l'on donne à la solennité du culte et à la conservation de certains établissements tout ce que la religion paraîtrait désirer? en un mot n'y a-t-il pas une différence totale entre la manière d'alimenter un établissement avec des fonds qui lui appartiennent, qui ont été destinés à le doter, qui sont affectés à son entretien, et celle de l'alimenter avec des tributs et des aumônes?
On espère tirer un grand avantage pour la libération de l'Etat de la disposition que l'Etat pourra faire des biens ecclésiastiques ; mais avant d'agir sur cette espérance, ne serait-il pas prudent de fixer les bases qui peuvent l'établir? Le comité ecclésiastique a demandé et obtenu la faculté de faire toutes les recherches capables d'établir la valeur des biens ecclésiastiques et le montant des charges auxquelles ils doivent fournir. La prudence ne voudrait-elle pas que cette opération fut consommée avant toute détermination? La subsistance des ministres, la dépense du culte forment l'objet, au moins, d'une créance privilégiée sur les biens ecclésiastiques ; il faut donc connaître le montant de la créance, avant de prendre aucun parti sur la disposition des biens qui y sont affectés.
Je conclus que la motion de M. de Mirabeau, quant à la question de la propriété des biens ecclésiastiques, doit être ajournée, si elle n'est pas rejetée dès à présent.
M. de Mirabeau a joint un second objet à sa motion ; il demande que, dès à présent, il soit décidé qu'aucun curé ne pourra avoir moins de 1,200 livres, indépendamment de son presbytère, comprenant son logement et un jardin. Le défaut de cette partie de sa motion est d'être insuffisante et incomplète. Beaucoup de curés doivent avoir plus de 1,200 livres. Au-dessous des curés
il faut des vicaires; au-dessus des curés il faut des évêques, dont le ministère n'est pas moins essentiel dans l'Eglise que celui des curés. Des chapitres de cathédrale sont nécessaires pour servir de conseils aux évêques et d'asile aux curés. La religion demande des maisons de pénitence et de retraite; l'Etat lui-même est intéressé à ce qu'il existe de grands établissements, où de^ personnes laborieuses, vivant en société, puir . .i se livrer à des ouvrages du genre de ceux que nous devons à la congrégation de Saint-Maur, qui nous a transmis et conservé les monuments précieux de notre histoire. C'est de tous ces objets qu'il faut s'occuper en même temps, lorsqu'on veut statuer sur les biens ecclésiastiques. Il faut connaître l'ensemble de leurs charges pour ne pas être trompé par un aperçu qui ne serait séduisant que parce qu'il serait faux.
Tel est l'abrégé de l'opinion que je donnai dans la séance du 13 octobre. La discussion qui a été faite de la même matière, ou plutôt de la première partie de la motion, dans les séances du 23 et du 24, me détermine à ajouter quelques observations.
La propriété des biens du clergé a été attaquée de deux manières : par une voie indirecte, en insistant sur les abus dont ceux qui les administrent se sont rendus coupables; par une voie directe, en posant des principes dont on a tiré des conséquences.
L'attaque indirecte, résultante des abus de l'administration, s'écarte par cette réponse qui est si raisonnable: réformez et ne'détruisez pas ; ramenez les administrateurs à leurs devoirs; laissez aux établissements leurs droits.
L'attaque directe a été plus formidable, parce qu'elle a été froide, tranquille et appuyée sur une forte dialectique. La discussion de M. Thouret a été la démonstration d'un géomètre qui conduit à l'évidence, pourvu que la vérité du premier principe, du principe générateur, soit reconnue. Voyons donc si ce principe est incontestable.
M. Thouret met une différence essentielle entre la personne morale qui jouit des droits du citoyen, et l'individu ou personne physique qui est le citoyen ; en ce que le citoyen a des droits avant la loi, au lieu que la personne morale, qui n'existe que par la loi, ne peut avoir des droits que par la loi. De là M. Thouret tire une première conséquence : la loi ne peut que conserver au citoyen ce qu'il ne tient pas d'elle. La loi qui a tout donné à la personne morale, à la corporation qui n'existe que par sa permission, peut tout lui ôter.
Seconde conséquence : supprimer un corps n'est pas un homicide, lui ôter ses biens n'est pas une spoliation. On a défendu aux corps d'acquérir ; on peut leur défendre de posséder.
Troisième conséquence : ce que la nation peut faire dans la thèse générale, elle le doit faire dans la position parliculière; parce que ce sera l'avantage de l'Etat que les corps ne possèdent plus de fonds; ce sera l'avantage des corps eux-mêmes.
La première proposition de M. Thouret est fausse, à raison de la généralité qu'il lui donne, et de l'application qu'il en fait à la propriété. L'individu n'a, sans la loi, que l'existence. La propriété ne peut avoir d'autre base que la loi. Où il n'y a point de loi, il n'y a que force, violence ; et une juste propriété ne peut être fondée ni sur la force ni sur la violence. Il faut donc qu'il existe une loi pour qu'il existe un droit de propriété. Les individus et les corporations sont,
cet égard, dans la même classe : et si la nation pouvait enlever également et par la même raison aux individus.
De l'exactitude des principes suit celle des conséquences. La loi ne peut pas tout ôter aux corps quoiqu'elle leur ait tout donné, parce que les opérations de la loi sont stables et permanentes. En admettant un corps, en lui donnant la participation aux droits civils, la loi lui donne un être qui lui devient propre, qui a ses caractères et ses attributs. Elle ne peut pas les anéantir arbitrairement, parce que l'idée de loi et l'idée d'arbitraire sont deux idées inconciliables.
Je ne dirai pas que la destruction d'un corps est un homicide, parce que l'étymologie du mot homicide ne permet pas (lue l'on eh fasse cette application ; mais je dirai qu'il y a la même injustice à priver sans cause juste un corps de son existence et de ses droits civils, qu'il y a à priver un individu de sa vie ou de ses droits sans une cause juste.
Encore une fois, de quoi s'agit-il ? De la propriété non des ministres ecclésiastiques, mais des établissements ecclésiastiques. De quoi les établissements ecclésiastiques sont-ils coupables, pour les priver de leurs propriétés? où est le titre d'accusation formé contre eux? où sont les actes de l'instruction? où ést le jugement qui les dévoue à la mort?
Vous avez défendu d'acquérir, donc vous pouvez, dites-vous, défendre de posséder. N'y a-t-il donc aucune différence entre ôter ce qui fournit la subsistance et ne pas permettre de s'enrichir? m'enlever ce que je tiens, oii mettre des bornes à ma cupidité? Défendre d'acquérir est une loi de police; ôter est un acte de violence.
Mais cette opération sera utile à l'Etat ; elle le sera aux corps eux-mêmes.
L'opération sera utile à l'Etat, mais sera-t-elle juste? Je ne crois pas que nous en soyons encore venus à un point de Corruption tel que nous nous permettions de dire ouvertement que l'utile et le juste sont des expressions synonymes.
On prétend que l'opération sera utile à l'Etat, parce qu'il lui est avantageux de multiplier les propriétés particulières qui animent l'industrie. Mais peut-il n'exister dans le royaume que des propriétaires ? ne faut-il pas qu'il y ait des terres à donner à ferme? n'est-il pas avantageux qu'il existe de grands propriétaires en état d'aider, dans le besoin, les gens de campagne de leur argent et de leurs avances.
L'opération sera utile aùk corps mêmes qu'elle ramènera à leurs devoirs, en leur ôtant tous les embarras que les richesses entraînent, en éloignant toutes les tentations que les richesses excitent.
Alors donc les corps seront de la plus grande utilité possible ; mais pour être d'une utilité quelconque il faut exister : et qui serait assez téméraire pour assurer que les corps et les établissements ecclésiastiques survivront seulement vingt années à la privation de leurs fonds ? Des particuliers de très-bonne foi, sans doute, leur donnent en développant leur opinion, les assurances les plus positives. La dette du culte et de la subsistance des ministres sera, disent-ils, une créance privilégiée, la première acquittée sur les caisses provinciales. On a promis de payer d'avance, d'abord tous les trois mois, ensuite tous les mois. Voilà de belles paroles ; mais le gage, où sera-t-il, quand les biens ecclésiastiques seront vendus et dispersés ? Est-il donc indifférent d'être créancier de l'Etat ou propriétaire de fonds ? Non,
personne ne le juge égal ; pas même M. l'évêque d'Autun, puisqu'il suppose dans sa motion que les créanciers de l'Etat abandonneront leurs contrats au denier 20 pour acquérir les terres au denier 30. Il vaut donc mieux tenir des fonds qu'une rente assignée sur l'Etat. Si cela est, laissez les fonds à ceux que Vous regardez au moins comme créanciers privilégiés: les ecclésiastiques ; et ne les leur enlevez pas pour les donner à des créanciers secondaires, ceux qui ont fait des affaires d'argent avec l'Etat.
Le préjudice que l'enlèvement des fonds causera aux établissements ecclésiastiques est évident : l'avantagé de ramener à leur devoir ceux qui les desservent serait grand sans doute ; mais ne peut-il donc résulter que de l'enlèvement des fonds ? Quoi! il n'y a ni précaution sage, ni loi rigoureuse, ni surveillance attentive qui soient capables de ramener les ecclésiastiques à leur devoir. Il n'est pas permis de juger d'une manière si odieuse des hommes et des concitoyens; et les maximes de l'équité naturelle ne permettent pas de se porter à des extrémités qui donnent la mort, avant d'avoir tenté de guérir des maux qui sont fort grands, mais qui ne sont pas incurables.
De là je conclus que, quand on admettrait les principes de M, Thouret, il n'y aurait pas lieu de les appliquer en ce moment : parce qu'il n'y a pas cause suffisante pour proitoncer contre les établissements ecclésiastiques la peine delà privation de leurs biens. Celui, dit-on, qui peut ôter l'être, peut, à plus forte raison, priver des biens. Non, on envoie un coupable à la mort; mais quand il n'a pas mérité de perdré la vie on ne le prive pas de ses droits. Supprimer tous les établissements ecclésiastiques serait un abus de pouvoir : ce serait un autre abus de les priver de leurs fonds; leur assignât-on, en remplacement, des rentes qui ne vaudront jamais leurs fonds, réformez, mais ne détruisez pas. L'acte de justice que vous avez fait, en donnant la vie à un corps, n'est pas un titre capable de couvrir l'injustice que vous feriez en lui ôtant, sans cause, ou l'existence ou les droits qui y sont attachés.
Depuis trois semaines je m'occupe à examiner les titres du clergé ; J'ai combattu les différentes objections pour et contre; j'ai examiné les droits sur lesquels se fonde leur propriété. Je suis même entré dans le détail des observations politiques applicables à cet objet ; et si l'Assemblée me le permet, je ferai imprimer, et je remettrai mardi prochain, à chaque député, un exemplaire de mon travail. Je demande donc que la question qui nous occupe soit ajournée à cette époque.
Les biens-fonds et les dîmes ont été donnés au clergé par le peuple et repris par lui dans des circonstances pressantes. Les mêmes circonstances reparaissant, la même chose doit arriver. La nation a pu les reprendre, elle le peut encore. Une faut pas examiner si nous sommes propriétaires ou non , il faut seulement reconnaître que notre devoir serait de renoncer à cette propriété, quand même elle serait établie. On doit remettre à un bienfaiteur ce qu'on a obtenu de sa générosité, quand ce bienfaiteur lui-même est dans une telle position qu'il ne peut exister sans la remise de son bienfait.
interrompt la discussion pour annoncer une lettre de M. le garde des sceaux portant :
« Que le Roi a sanctionné le décret concernant l'intérêt de l'argent et celui qui règle plusieurs points importants sur la procédure criminelle ;
« Qu'il va faire expédier ces deux lois, les faire sceller tout de suite et qu'il les enverra demain à l'Assemblée nationale.»
M. le garde des sceaux a visité lui-même le Chàtelet pour accélérer la préparation des locaux, et les adapter aux nouvelles formes, spécialement ¦ à l'admission du public.
11 annonce également qu'il a ressenti une vraie satisfaction en entrant dans la chambre de la question, en pensant que, grâce au zèle et à l'humanité de l'Assemblée nationale, elle n'aura plus lieu.
Il ajoute finalement que le Roi a pareillement sanctionné le décret de l'impôt patriotique.
donne lecture d'une lettre par laquelle M. de Gassini offre, comme don patriotique, un exemplaire de la carte générale de la France en 180 feuilles et un exemplaire de la carte réduite en 18 feuilles.
On applaudit au dévouement de ce citoyen et on l'autorise à assister à la séance.
MM. Decrétot, le comte Destutt de Tracy, le duc 4 de Mortemart, de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims, demandent et obtiennent des passeports ; les trois premiers pour une absence de quelques jours, et le dernier pour cause de maladie.
, député de la Haute-Marne, déclare que sa santé J'oblige à . donner sa démission : en conséquence, M. le Président est autorisé à lui délivrer un passe-port.
La discussion est reprise sur les biens ecclésiastiques.
(1). Messieurs, il est donc vrai que le patriotisme a son ivresse aussi, comme les autres passions; mais tel est l'avantage de celle-là qu'elle prend son origine dans la source la plus respectable, l'intention, et qu'à ce titre des éloges lui sont dus : il faut donc prodiguer à l'intention le tribut mérité; mais ne partageons ni l'illusion qui en est la suite, ni l'erreur injuste dans laquelle elle précipite: posons des principes, discutons-les de sang-froid; établissons des faits réels et prouvés, et vouons-nous surtout à dire la vérité.
S'il était démontré que les biens ecclésiastiques n'appartiennent point au clergé, et que la nation en est propriétaire, on nous aurait ravi, on nous ravirait encore une grande satisfaction, attachée à tous les sacrifices faits, et à faire, puisque l'abandon de ce qui n'est point à nous ne saurait être appelé un sacrifice. J'observerai seulement que dans les circonstances où on s'est attendu avec raison à nous voir concourir au bien général de la patrie, où nous avons librement et volontairement au milieu des assemblées élémentaires, prononcé des renonciations qui nous ont mérité le cri et l'expression de la reconnaissance, il n'était pas dans la pensée des Français alors de croire que notre bonne volonté et notre zèle fussent illusoires, et qu'ils eussent à s'appliquer sur des possessions et sur des propriétés dont il fut libre à la nation de dépouiller cette portion de citoyens qui, si elle n'avait pas sa subsistance
assignée sur des biens ecclésiastiques, aurait nécessairement à la réclamer sur la masse patrimoniale des autres biens.
J'observerai que telle que puisse être la source des dotations de toutes les églises du royaume, tels qu'en aient été jusqu'à ce jour le partage et la division, l'un et l'autre ont eu lieu sous l'empire des lois existantes, qu'il a même été créé urt code particulier,consenti, avoiié de la nation,pour régler les différents c[ue cette administration étendue devait nécessairement occasionner dans les variations de son régime, et des tribunaux pour les juger.
Mais enfin le temps est venu, dit-on, de déclarer et de consacrer en maxime que la nàtion étant l'unique et la vraie propriétaire des biens ecclésiastiques, elle peut en disposer à son gré.
11 est donc temps aussi, Messieurs, et vous devez nous le permettre, d'interroger votre raison avec toute la franchise de la vérité, et d'éclairer votre justice au flambeau de cette même raison : nous ne nous persuaderons jamais que des motifs aussi puissants, aussi sacrés, soient nuls ou d'un poids indifférent aux yeux de nos concitoyens représentants, ainsi que nous, de la nation française : je leur demande attention et justice, leur urbanité me répond de l'une, et leur équitable droiture doit m'assurer l'autre.
Je le répète, Messieurs, c'est avec des principes que je veux défendre notre cause, c'est avec des principes que je crois la faire triompher : il est indispensable de n'en pas marquer la série, parce que cette liaison sert de réponse aux conséquences qui n'en dérivent pas.
Qu'est-ce que fa propriété? C'est la relation morale et politique des hommes, aux choses qui leur appartiennent personnellement, c'est proprement la source de la propriété; mais la propriété est véritablement la possession d'une chose en propre et exclusivement : ainsi l'acte fondamental de la propriété est là possession ; et ce qui la caractérise essentiellement, c'est le droit d'exclure tout autre de la possession du même objet.
Une possession commune et indivise formé une copropriété par exclusion de tous ceux qui sont étrangers à la communauté et à l'indivision.
Dans l'origine et suivant les principes du droit naturel, le premier titre de propriété est la possession d'où naît le droit de premier occupant.
Avant la formation des sociétés, tout homme sans doute a eu droit de s'emparer dés terres et des productions que la nature a mises sous sa main : lorsqu'il s'en est émparé, il les a regardées et les a défendues comme son propre bien contre tout agresseur qui aurait voulu lés lui ravir par violence ou par la loi du plus fort, le premier de tous les despotismes : le propriétaire y oppose la résistance à l'oppression. De là l'état de guerre qui n'a pu cesser parmi les hommes isolés, comme aujourd'hui encore entre les nations séparées, que par des transactions et des traités de paix.
Mais l'exécution de ces traités est toujours trop mal assurée, lorsqu'ils ne sont pas revêtus d'une garantie commune, pourvue d'une force supérieure à celle des parties.
C'est pour sortir de cet état de guerre, et pour obtenir cette garantie tutélaire que les hommes dispersés se sont réunis en société, et qu'ils ont formé un corps de nation ou un état composé de plusieurs familles régies par le même gouvernement.
La forme de ce gouvernement convenue par tous les membres du corps de la nation, est ce
qu'on a appelé la Constitution de l'Etat. Gomme tous les ressorts ou puissances qui font mouvoir ou qui régissent la machine de l'Etat se réduisent à trois, connus sous le nom de pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, c'est la distribution de ces pouvoirs ou l'acte de leur partage qui détermine la Constitution particulière de chaque État ou la forme de son gouvernement : les principes convenus de cette distribution, les résultats de cet acte de partage, sont les règles constitutives ou les lois fondamentales de chaque Etat.
Tous les pouvoirs émanent du corps de la nation, et s'exercent en son nom ou au nom de ses représentants ; tous les actes de l'exercice de ces pouvoirs tiennent dans leur principe à la forme du gouvernement et à la Constitution qui organise ces pouvoirs ; mais les actes d'exercice de ces pouvoirs, les lois secondaires, criminelles et civiles, les ordonnances de police et les actes judiciaires ne sont point une partie immédiate de la Constitution, et ne lui appartiennent que comme des conséquences à un principe, dont plusieurs ne sont pas une suite nécessaire. Il résulte de ces premières notions que la forme du gouvernement qui remplit le mieux son objet, est celle où la sûreté des personnes et des propriétés est conservée plus entière.
Il est nécessaire sans doute que les citoyens fassent le sacrifice d'une portion de cette double sûreté pour mieux en assurer le reste ; ainsi les emprisonnements, les peines afflictives ordonnées par les lois criminelles, sont de justes atteintes à la sûreté personnelle, comme les servitudes résultant des lois et de l'administration civile, les taxes, les impôts sont des entreprises légitimes sur la propriété.
Mais le citoyen qui s'est soumis comme les autres à ces atteintes pour éviter un plus grand mal, ou pour se procurer un plus grand bien, a droit d'attendre que la société n'exigera de lui de tels sacrilices qu'à titre de nécessité, et suivant les règles de la justice ; autrement il aurait à se plaindre d'un traitement vexatoire, et il pourrait réclamer contre l'abus du pouvoir qu'il a lui-même confié à ses représentants; car toute la société est nécessairement partagée en deux classes : les représentants et les représentés.
Les représentés ont droit d'exiger de leurs représentants que la force publique quelconque, dont ceux-ci sont dépositaires, ne soumette aucun membre à des volontés arbitraires, et ne les rende pas victime de la loi du plus fort : c'est précisément pour se mettre à l'abri des hostilités de cette loi, et pour se garantir contre toute invasion arbitraire que la société s'est .formée : les associés y ont porté leurs personnes et leurs biens, non pour les mettre en communauté, mais pour vivre ei: jouir ensemble sous une protection commune; ils se sont réunis, non pour se dépouiller de leur liberté et de leurs propriétés, mais pour les assurer en faisant le moins de sacrilices possible de l'un et de l'autre.
Cette économie si juste est fondée sur les principes du droit naturel, antérieur et supérieur aux conventions du pacte social, qui ne peut y déroger : ce principe subsiste dans toutes les Constitutions, soit que la forme du gouvernement remette entre les mains d'un seul, de plusieurs, ou d'un grand jiombre de représentants, le droit d'agir au nom de la nation et d'exercer tous ses pouvoirs. Si le despotisme est plus manifeste, exercé par un seul, il n'est pas moins réel, et il est même bien plus redoutable encore dans les mains de la multitude.
Le vice du gouvernement despotique n'est pas précisément d'agir sans beaucoup de formes ; ce serait un grand avantage pour la prompte expédition si le gouvernement agissait toujours bien : son défaut est dans l'abus du pouvoir dégagé des formes, pour exiger des sujets ce qu'il n a pas le droit d'exiger ; ce genre d'entreprise est encore plus répréhensible dans les mains de la multitude, si elle en use pour vexer les membres de la société.
La loi donnée par un seul ou par plusieurs est essentiellement l'expression de la volonté générale ; le nombre des organes de cette volonté, peut sans doute former un préjugé favorable à la loi, mais n'en garantit pas infailliblement la justice.
Cette volonté générale se manifeste dans la décision par la pluralité; mais si cette décision est injuste et contraire aux droits de quelques membres de la nation ou même d'un seul citoyen, c'est un abus de pouvoir contre les règles primitives du pacte social : le citoyen lésé a droit de réclamer, comme n'ayant point donné ni pu donner le droit à la pluralité de l'opprimer, et de faire valoir contre lui le droit du plus fort.
C'est donc une erreur, à mon avis, de revêtir du sceau de la légitimité, et d'absoudre du vice de despotisme tout acte formé par le concours d'un nombre de représentants qui offre l'image du corps entier de la nation.
Une autre erreur et un vice manifeste du langage ont fait exagérer les droits de la nation sur la personne et sur la propriété de ses membres : on a pu dire dans un sens avec vérité que tous les membres d'une nation et tous les biens qu'ils possèdent dans son territoire, appartiennent à la nation, parce que tous ces biens existent sous la souveraineté de la nation ; mais il n'y a que des esclaves sous les empereurs, sous les rois, sous les républiques qui aient pu confondre les droits de la souveraineté avec ceux du domaine. C'est, sans contredit, le dernier degré et le plus grand caractère du despotisme, que d'attribuer au souverain la propriété immédiate ou suprême de la personne ou du bien de ses sujets. Un corps de nation est composé de possesseurs qu'elle protège par les lois ; mais lui attribuer à elle une possession particulière, c'est changer la nature de sa moralité, et tomber dans des contradictions perpétuelles.
En appliquant aujourd'hui la vérité de ces principes à la question du moment, et en examinant la difficulté très-nouvelle sur la propriété des biens du clergé, on doit commencer d'apercevoir déjà combien est exagérée, pour ne rien dire de plus, la prétention d'attribuer au corps de la nation la propriété de ces mêmes biens.
Permettez-moi donc à présent, Messieurs, de vous le demander : est-ce de bonne foi que vous êtes convaincus que les biens ecclésiastiques, de quelque nature qu'ils soient, ont été donnés au corps de la nation ? Il faut être vrai avec soi-même, et ne pas se faire illusion sur des vérités de fait : vous ne me nierez peut-être pas que ce qui forme aujourd'hui la totalité des biens ecclésiastiques ne soit le résultat d'une infinité de donations particulières et successives, qui toutes ont été faites dans des temps plus ou moins anciens, à telle portion d'ecclésiastiques existante ou devant exister par une fondation quelconque, à condition de telles charges indiquées au gré du donateur ou du fondateur ?
Or, cette portion du clergé existante ou devant exister à la suite du don qui lui a été fait, à quel
titre, sous quelle loi, et au nom de qui recevait-elle ce qui lui était donné, ce qui lui était librement et volontairement donné ?
Je n'entre point ici dans la recherche des temps où ces libéralités se sont exercées, et.des motifs qui les ont déterminées : l'essentiel est que le corps ou la portion du corps ait pu accepter sans votre intervention, et aux conditions qui lui étaient prescrites ou proposées,les biens dont le propriétaire se dépouillait librement pour en revêtir un autre propriétaire : or la nation, de quelque manière que vous veuilliez la faire représenter, a-t-elle jamais été désignée directement ou indirectement dans les dispositions énoncées des donateurs ou des fondateurs? Non certainement; les ecclésiastiques formaient alors ce qu'ils formeront encore jusqu'à ce que vous ayez dissous et anéanti l'essence de leur être, une partie intégrante du corps politique du royaume, l'une de celles qui constituent essentiellement la monarchie française ; elle recevait, elle possédait, elle vendait, elle acquérait même alors, parce que l'administration publique, qui doit-veiller à ce que l'avantage des uns ne soit pas au détriment des autres, 11'avait pas encore fixé les bornes établies depuis ; mais le clergé était propriétaire, mais en acquittant dans chaque partie les charges et les obligations attachées au don qu'il avait reçu ou acquis sous l'autorité et sous la garantie des lois, personne n'a jamais imaginé de contester à chaque église ou sa propriété, ou sa qualité de propriétaire ; elle jouissait, non comme un particulier qui peut sans formalité aliéner son bien,mais comme un corps qui transmet le fonds et conserve l'usufruit.
Qui étaient les fondateurs, et tous ceux qui ont légué des biens quelconques aux églises? 11 se trouve dans cette liste des particuliers de tous les rangs, des princes, des rois : ceux de la France en on t doté un très-grand nombre dans le roy aume, ont-ils jamais pensé à demander à la nation ou son consentement, ou son intervention? et jusqu'à ce jour la nation a-t-elle jamais réclamé elle-même que l'un ou l'autre fussent nécessaires pour consolider l'acceptation? Les mêmes ont fondé des collèges, des hôpitaux, des séminaires, des communautés utiles : direz-vous que vous êtes propriétaires des biens destinés à l'entretien de ces établissements ? Non : vous direz que" vous êtes faits pour veiller à ce que ces biens ne soient pas divertis à d'autres objets, et vous jouissez encore de l'avantage que vous ont procuré ceux qui, en consacrant une portion de leur fortune à ces sortes d'établissements, vous soulagent d'autant, puisque vous seriez obligés d'y pourvoir vous-mêmes s'ils n'existaient pas ; car les hôpitaux et les maisons d'institution publique sont une dette sacrée de l'Etat.
Quelle différence, je vous prie, mettez-vous entre la volonté et les intentions de ceux qui ont donné leurs biens pour la fondation de ces monuments d'utilité ou de charité publique, et la volonté et l'intention de ceux qui ont voulu créer un chapitre, un couvent, une abbaye, une cure même ? car il est une infinité de cures dans le royaume fondées et dotées ainsi.
Direz-vous que l'objet et le but des premiers étant plus utiles pour la chose publique, vous devez respecter l'un, et n'avoir pas égard aux autres ? Mais ce n'est pas ici l'objet dont vous êtes le juge, c'est l'intention de ceux qui se dépouillent et qui donnent ; c'est leur volonté, elle vous est également sacrée, surtout quant c'est sous la sauvegarde des mêmes lois, quand c'est
sous la même foi publique et l'acceptation médiate ou immédiate de vos ancêtres et des nôtres que ces fondations ont été faites ou reçues; vous ne pensez pas comme eux aujourd'hui, mais enêtes-vous moins tenus à respecter leur volonté? Et comment établirez-vous sérieusement ces grands et sublimes principes de liberté, si vous commencez par attaquer et détruire celle qui a créé autour de vous des monuments sacrés de tous les genres, mêlés d'abus si le voulez, parce que c'est le sort de toute institution humaine de dégénérer, mais marqués et consacrés aussi pour la plupart par des objets d'utilité publique, indépendante de l'avantage religieux qui présida au moins à leur institution ?
Qui sont les fondateurs encore ou ceux qui ont accru les biens du clergé? Ce sont et dans l'origine de la monarchie, et dans des siècles plus reculés, les ecclésiastiques eux-mêmes, riches personnellement, possesseurs de terres, de forêts et d'autres propriétés, qui, choisis pour gouverner des diocèses, ou pour régir des monastères, ont disposé de leur bien patrimonial, ou fait des acquisitions postérieures, dont ils ont doté à leur gré les églises, au gouvernement desquelles ils étaient appelés. Sous les règnes qui suivent immédiatement, celui de Glovis, et longtemps après Char-lemagne encore, ces exemples se rencontrent fréquemment :dira-t-on que l'intention de ces propriétaires incontestables était de livrer à l'arbitraire de la nation ce qu'ils offraient et ce qu'ils établissaient comme un don ? Dira-t-on que leur intention formelle, si bien spécifiée, si bien détaillée dans les actes conservateurs de ces titres, ne soient en même temps la preuve solennelle et irréfragable delà propriété transmise à des églises particulières, et non à la masse du clergé? 11 est telle de ces chartes qui exprime cette volonté d'une manière si positive, que dans le style du siècle, il est prononcé des anathèmes contre ceux qui voudraient, ou en changer les dispositions, ou transférer à d'autres la propriété et la jouissance des biens énoncés dans la dotation : je cite ce fait, dont j'ai en main dix preuves pour une, en faveur d'une thèse si aisée à soutenir, quand on veut dire et discuter de bonne foi, et je le cite encore pour désigner les titres des familles en grand nombre qui auront à réclamer des biens dont la destination ne sera plus conforme à la volonté de leurs aïeux.
Mais il est, Messieurs, une preuve et un titre de propriété, tirés de notre présence ici et de celle de nos prédécesseurs dans toutes les Assemblées nationales : en quelle qualité le clergé y a-t-il été constamment appelé, indépendamment de celle qui lui a jusqu'à ce jour conservé la prééminence ? Ce ne peut être assurément qu'en celle de citoyen propriétaire : les assemblées élémentaires nous ont-elles jamais considérés sous un autre aspect ? Et je demande avant l'année 1789,une seule époque où, au milieu des discussions fréquentes et de tout genre, qui ont par intervalle divisé les opinions sur les contributions à exiger du clergé, il soit montré qu'on ait contesté sérieusement aux différentes églises le titre de propriétaires.
La défense qui leur a été faite de pouvoir aliéner et qui date de loin, est elle-même une preuve évidente et confirmative de leur droit particulier : les échanges seuls avaient été permis d'église à église et encore était-ce avec la plus grande réserve, et pour des objets de peu valeur, tant le gouvernement respectait alors, et le bien isolé de chaque église et la volonté de ceux qui les
avaient érigées ou dotées ; tant on était éloigné de penser que les biens particuliers d'une église appartiennent au corps entier du clergé.
Je ne puis me refuser ici à une réflexion qui est dans la nature de la chose même, et qui conduirait à une conséquence fort dure pour tous les citoyens : quoi ! les fondateurs des églises ont donné leurs biens à la nation, et l'en ont rendue propriétaire ? Mais dans ce cas il est impossible qu'elle n'ait d'autres propriétés semblables. Lui en connaissons-nous dans l'Etat dont elle puisse ou dontelle veuille disposer ? Messieurs, la réponse à cette question, ou compromet tout ce qui n'est pas clergé, ou suppose que la nation n'a d'autres possessions à elle que les biens du clergé ; proposition absurde, et que personne, je crois, ne sera tenté de soutenir.
Répéterai-je ce qui a été dit et écrit, avec autant de vérité que l'évidence pour quiconque ne veut pas se faire illusion ? Les biens ecclésiastiques n'ont pas été donnés à la nation, donc ces biens ne lui appartiennent pas, donc elle ne peut les ravir aux possesseurs sans offenser la première et la plus juste des lois, la garantie que le législateur doit à tout citoyen propriétaire.
Pour pallier cette vérité éternelle, en morale et en politique, on nous a dit : qu'il fallait distinguer entre les citoyens et les corps politiques,que ces corps politiques n'existant pas par eux-mêmes ni pour eux, ils avaient été formés pour la société, et quils devaient cesser au moment qu'ils cessaient d'être utiles, etc.
C'est avec l'incohérence de ces idées, qui contiennent autant d'erreurs que de mots, qu'on veut heurter de front la raison et la justice. Je le prouve. Je demanderai d'abord à l'auteur de la distinction, qui établit une pareille différence entre les citoyens et les corps politiques, de quoi donc sont composés les corps politiques? est-ce d'une horde étrangère, ou d'une collection d'hommes nés et choisis dans la société? Mais si ces mêmes individus sont tirés du sein de la société, ils sont citoyens peut-être aussi, sans quoi il faudrait donc priver de cette qualité toutes les corporations particulières, et la taulti-tude de corps répandus dans la société auxquels vous donnez le nom de corps politiques ; s'ils sont citoyens, ils existent par eux-mêmes et pour eux-mêmes comme les autres, et comme eeux auxquels la société et la chose publique ont assigné, ou directement ou implicitement, des fonctions, et une manière d'être quelconque. Ils doivent cesser, vous ajoute-t-on, au moment où ils cessent d'être utiles. Remarquez, Messieurs, la singularité bizarre de cette conséquence : car on veut vous prouver que l'Etat est propriétaire des biens du clergé. C'est la motion qu'on a faite, c'est la thèse qu'on a posée; mais les motifs qu'on vous en donne sont tels, et déduits d'une telle manière, qu'ils entraînent celui qui vous les présente à conclure la destruction du clergé, à cause de son inutilité, mais nullement que ses biens ne lui appartiennent pas tant qu'il existe, ce qui était pourtant à démontrer, tant il est vrai que la vérité et la raison ont toujours leurs droits, et que lorsqu'on n'en emploie que les apparences, on soulève sans s'en apercevoir le voile dont on veut gazer ses véritables intentions.
Ici celle des auteurs de la motion va toujours en se manifestant de plus en plus, lorsqu'ils proposent ce raisonnement : personne, disent-ils, ne refusera sans doute à là nation le droit exercé jusqu'à ce jour par le gouvernement et les
tribunaux, de supprimer les corps politiques dont l'inutilité et le danger est reconnue, et de faire de leurs biens l'usage le plus utile à la société : or si la nation a ce droit de détruire, à plus forte raison a-t-elle celui d'appliquer la totalité de leurs biens, ou une partie à l'utilité qui est la loi suprême.
Il est facile d'abord de voir qu'en dépit des notions les plus claires et les plus constamment avouées, on veut assimiler le corps du clergé avec des associations particulières, isolées, et absolument différentes dans leur existence et dans leur origine même ; car en avouant, et en accordant que la nation a le droit de supprimer des corps politiques particuliers dans l'Etat, il ne s'ensuit nullement qu'elle ait celui de détruire un corps qui la déformerait elle-même s'il en était séparé, un membre essentiel de son propre corps à elle, une portion intégrante de son existence constitutionnelle : cette réunion et cet assemblage de citoyens qu'on veut confondre avec des associations particulières sous le nom de corps politiques, est si peu de nature à être ainsi classée, qu'elle a concouru et dû concourir jusqu'à ce jour aux opérations quelconques du corps national ; elle a tenu jusqu'à ce jour (et je ne sache pas que la nation ait prononcé le ccmtraire dans cette même session), elle a tenu, dis-je, le premier rang dans notre hiérarchie politique, puisque vous continuez de dire en nommant et en désignant les parties qui constituent l'Etat, le clergé, la noblesse et les communes.
Supposons même l'abolition et la destruction de toute prééminence, qui, peut-être, n'est pas tout à fait encore dans votre système politique ; mais cette opération qu'a-t-elle de commun avec la propriété ancienne de nos biens, reconnue et respectée de la même manière que celle de la noblesse et des communes? Il n'en reste pas moins prouvé que nous formons partie essentielle d'un tout, et que la force seule, mais non la justice, peut dissoudre ce qui a existé comme constitutif depuis tant de siècles ; il n'en reste pas moins démontré que d'après les principes éternels de la propriété, nous possédons ce qui nous a été légitimement et légalement donné, ou ce que nous avons légitimement acquis, et que pour disposer de ces possessions, il faut détruire le possesseur.
Et ici, Messieurs, se présente naturellement une réflexion qui peut ne pas frapper également tout le monde, mais qui n'en est pas moins profondément vraie : c'est qu'en privant le ministre des autels de sa propriété, et en le réduisant à un salaire quelconque pécuniaire, en le privant de cette jouissance si douce et si précieuse d'un champ à cultiver, vous le rendez dépendant, vous compromettez son ministère, vous minez insensiblement la dignité de ses fonctions, le besoin et l'avilissement se touche, et la destruction s'en suit : cette chute graduelle est immanquable, il ne faut pas être fort clairvoyant pour la prévoir et la prédire. Ceux qui veulent bien considérer cette conséquence comme une objection, m'entendent, ils déplorent les atteintes qu'on prépare à la religion, et ils ne me blâment ni de les craindre, ni de les combattre, ni de les annoncer ; ils sont comme moi bien éloignés de penser que le seul moyen de conserver le clergé, soit de le dépouiller de ses propriétés foncières, ils aperçoivent bien au contraire dans ce plan arithmétique sa destruction certaine.
D'autres sans moi, Messieurs, vous ont prouvé et vous prouveront encore, que quand même la propriété des biens-fonds ecclésiastiques ne serait pas dévolue au clergé, et qu'il serait libre à la nation d'en disposer pour la suite, on ne peut sans injustice, et sans les inconvénients les plus douloureux, en priver ceux qui se sont engagés, et qui en ont été pourvus sous le sceau de la foi publique, ceux qui, pour la plupart, ont abandonné sans réserve à leurs familles respec-tives jusqu'à leur pain patrimonial, sacrifices si communs de la part des ecclésiastiques, que parmi ceux-mêmes qui votent le plus chaudement contre le droit que je défends, il en est beaucoup qui doivent à ce dépouillement leurs vertus, leurs connaissances et leurs talents peut-être. Je doute que votre humanité puisse se refuser au tableau et au spectacle touchant de deux cent mille de vos frères et de vos concitoyens précipités, les uns dans l'indigence, les autres dans l'embarras et l'indigence tout à la fois; je ne me persuaderai jamais que les abus d'une répartition injuste èt l'opulence criminelle de quelques individus puissent justifier aux veux des nations et de la postérité, la violation de la foi publique vis-à-vis des autres. On vous a supputé avec vérité que le sort de près de deux millions de citoyens était, pour le moment, lié à celui de deux cent mille et on n'a point exagéré : car il est une classe d'ecclésiastiques sur lesquels il paraît qu'on n'étend pas des soins, et c'est la plus nombreuse peut-être, c'est celle des sujets non pourvus qui, liés par des engagements irrévocables, avaient droit d'espérer et de prétendre aux grâces et aux biens qu'on se, propose de supprimer : plusieurs sont au milieu de leur course à peu près, d'autres la commencent ; ils sont liés ou prêts à l'être, ils remplissent nos collèges, nos séminaires, où ils sont occupés sans être ni curés, ni vicaires, à exercer les devoirs sacrés de notre saint ministère ; cette classe, je le repète, est très-nombreuse et très-intéressante : voudra-t-on l'abandonner, et la priver d'un bien sur lequel elle a dû fonder l'espoir d'une existence honnête? voudra-t-on souiller des larmes du désespoir la proclamation de ce nouveau code dévoué à la liberté, et asseoir sur le malheur et les plaintes, les fondements d'une régénération destinée à consolider la félicité publique? Quant à moi, Messieurs, fidèle aux principes sur lesquels j'ai commencé d'établir mon opinion et mon devoir, je veux finir par l'étayer du sentiment d'un auteur qui ne doit pas vous être suspect, et qui fournit à la cause que je soutiens un argument invincible. Rousseau, dans son Contrat social, livre II, chapitre iv, s'exprime ainsi :
« La volonté générale doit partir de tous pour s'appliquer à tous, et elle perd sa rectitude naturelle lorsqu'elle tend à quelque objet individuel et déterminé parce qu'alors, jugeant de ce qui nous est étranger, nous n'avons aucun vrai principe d'équité qui nous guide.
« En effet, sitôt qu'il s'agit d'un fait ou d'un droit particulier, sur un point qui n'a point été réglé par une convention générale et antérieure,l'affaire devient contentieuse. C'est un procès où les par-ticuliers intéressés sont une des parties, et le public l'autre ; mais où je ne vois ni la loi qu'il faut suivre, ni le juge qui doit prononcer, il serait ridicule de vouloir alors s'en rapporter à une expresse décision de la volonté générale, qui ne peut-être que la conclusion d'une des parties, et qui par conséquent n'est pour l'autre qu'une
volonté étrangère, particulière, portée en cette occasion à l'injustice et sujette à l'erreur. Ainsi de même qu'une volonté particulière ne peut représenter la volonté générale, la volonté générale à son tour change de nature ayant un objet particulier, et ne peut, comme générale , prononcer ni sur un homme, ni sur un fait. Quand le peuple d'Athènes, par exemple, nommait ou cassait ses chefs, décernait des honneurs à l'un, imposait des peines à L'autre, et par une multitude de décrets particuliers exerçait indistinctement tous les actes du gouvernement, le peuple alors n'avait plus de volonté générale proprement dite, il n'agissait plus comme souverain, mais comme magistrat... On doit concevoir par là que ce qui généralise la volonté est moins le nombre des voix que Vintérêt commun qui les unit. »
D'après un principe si bien fondé en justice et exposé avec tant de profondeur, on ne peut nier que le clergé ne soit fondé à regarder comme sa partie adverse la pluralité, par l'influence de laquelle on voudrait disposer de ses propriétés pour faire vendre ses biens et en appliquer le produit au comblement du déficit: si cette pluralité est effectivement sa patrie, peut-elle être son juge? C'est à votre équité, Messieurs, que j'adresse cotte question importante; c'est pour satisfaire d'ailleurs à mes obligations, à ma conscience, à l'esprit et aux limites des pouvoirs qui m'ont été confiés, que je déclare tant en mon nom qu'en celui du clergé de la Basse-Alsace, et je crois pouvoir dire en celui de la majeure partie du clergé de France, qu'il m'est impossible de donner mon adhésion et mon consentement à tout acte tendant à léser la propriété des biens-fonds dont jouit le clergé, déclarant que la force majeure seule peut se l'attribuer. Mais je déclare en revanche que tous les sacrifices possibles dans les revenus, dans lesjouissances casuelles, doivent être faits pour venir au secours de l'Etat, et qu'il n'en est aucun de ce genre auquel le clergé ne doive et ne soit disposé à se porter.
En conséquence, au lieu du quart du revenu auquel on vient de taxer la contribution extraordinaire, je propose à tout le clergé, MM. les curés à simple portion congrue exceptés, de la porter à la moitié, aux trois quarts même s'il le faut. J'en fais hommage dès ce moment pour ce qui me concerne, et c'est la première fois que la médiocrité de ma fortune m aura occasionné des regrets.
Quelque étendue nu'on ait voulu donner à la question, je pense qu elle peut être réduite à celles-ci: Le clergé est-il propriétaire? La distribution des fonds assignés au service divin n'appartient-elle pas à la nation ? Le clergé n'est et ne peut être qu'une profession ; il existe pour le service et l'utilité de la nation. Les biens du clergé ont deux sources : la première les biens donnés par la nation, qui sont vraiment le salaire de leurs fonctions ; ensuite, ceux qui viennent des fondateurs, et, sans doute, il est aisé de montrer qu'ils appartiennent à la nation.
Les fondations sont dans les mains du clergé des dépôts pour un service public ; si c'est à la nation à soulager les pauvres, à payer le service public, il est certain que les biens donnés à la charge de la nation ne sont qu'un dépôt dans les mains des officiers chargés de ce service public. Le clergé existe par la nation, la nation pourrait le détruire; il résulte évidemment de ce principe que la nation peut retirer des mains du clergé des biens qui n'ont été affectés et donnés que pour elle ; autrefois les domaines étaient affectés à des offi-
ciers publics pour leur servir de gage et de salaire, il en est de même des bénéfices du clergé : les domaines appartiennent à la nation, comme les bénéfices donnés par elle pour le service public.
Si un citoyen joignait sa propriété au domaine pour soulager le peuple des impôts, sa propriété serait devenue celle de la nation ; de même les fondations faites en faveur du clergé sont des propriétés particulières, jointes dans la même vue à celles de la nation ; elles appartiennent aussi à la nation, la parité est absolue et parfaite.
11 est certain que ces fondations ont pour objet unique le soulagement des pauvres, le culte divin et l'entretien des ministres de ce culte ; mais il n'est pas moins certain que si la nation se charge de ces objets, elle rentre dans la propriété des biens qui y étaient destinés. On n'ignore pas que souvent cette propriété a été reconnue : dans des besoins extrêmes on a cru pouvoir faire vendre des biens ecclésiastiques ; sur de simples arrêts d'enregistrement des cours, le Roi a supprimé des monastères. Gomment la nation et l'Assemblée nationale ne pourraient-elles pas faire ce qu'a fait le Roi? 4
Deux circonstances rendent indispensables l'admission du principe, que les biens du clergé appartiennent à la nation. Ces deux circonstances sont la suppression des dîmes et l'entretien des utiles pasteurs qui, par cette suppression, n'ont plus rien ; leur situation doit être améliorée, et il est impossible de ne pas prendre leur subsistance sur le reste des fonds du clergé. La suppression des dîmes a entièrement dépouillé les uns et en partie les autres; l'égalité, détruite par cette grande opération, doit être rétablie. Le clergé n'en souffrira pas, la nation sera sauvée; elle évitera, par la vente des immeubles du clergé, le mal affreux de la banqueroute : le droit de la nation, la situation de l'Etat, la nécessité indispensable de pourvoir à la partie la plus intéressante du clergé, tout vous oblige à reconnaître que la nation est propriétaire des biens dont le clergé a joui jusqu'à présent.
J'adopte donc les deux principes de la motion de M. le comte de Mirabeau ; je demande seulement qu'il soit fait u-n changement dans la seconde partie, et qu'on dise que les curés ne pourront pas être fixés au-dessous de 1,200 livres, au lieu de dire que les curés ne pourront pas avoir moins de 1,200 livres.
(1). Messieurs (2), si la ruine absolue du clergé séculier et régulier avait été jurée d'avance dans cette Assemblée; si nous avions à lutter ici contre une force irrésistible de résolution, il ne nous resterait plus d'autre parti à prendre dans ce moment que la résignation et le silence; mais, si nous n'avons à combattre aujourd'hui qu'une seule force de raisonnement, c'est-à-dire, que des principes et des calculs, nous ne devons pas redouter la discus-
sion que M. l'évêque d'Autun vient d'ouvrir devant vous.
D'abord, Messieurs, c'est surtout dans ce moment de vertige, où la décadence des principes religieux a ébranlé les fondements de toute autorité ; où la multitude, égarée par des systèmes de gouvernement aussi pernicieux à la société qu'à la religion, semble attendre que, partageant ses travers, nous allions présenter en détail à la sanction royale les chapitres les plus démocratiques du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, citoyen et perturbateur de Genève ; c'est dans cette crise de l'impiété en délire, que nous pouvons rappeler avec confiance au Corps législatif cette vérité attestée par tous les anciens législateurs, que la religion est la seule base solide des lois. Vous avez rendu vous-mêmes, Messieurs, un hommage solennel à ce principe politique, lorsque vous avez décrété que vous n'écouteriez aucune proposition relative aux finances jusqu'à ce que tous les articles de !a Constitution fussent irrévocablement arrêtés.
Vos commettants vous avaient unanimement prescrit cet ordre de délibération. Les besoins impérieux de l'Etat ont pu exiger de votre patriotisme un regard momentané sur le Trésor public ; mais, après l'avoir vivifié par un tribut extraordinaire, vous étiez rentrés aussitôt dans votre route, lorsqu'un prélat, que vous aviez appelé à votre comité de Constitution, est venu interrompre tout à coup et sa mission et vos travaux, en vous proposant un plan général de finances.
^ Cependant, Messieurs, ce grand ouvrage de la Constitution, que les peuples attendent de votre sagesse, est à peine ébauché. Vous n'avez encore rien prononcé sur la religion de l'Etat, et déjà vos discussions se portent vers l'existence politique du clergé. La détermination du culte public ne devrait-elle donc pas précéder l'examen de la dotation, ou plutôt de la spoliation de ses-ministres? Je dirai plus, Messieurs, non-seulement la religion nationale devait être déclarée loi fondamentale de l'Etat, avant que le clergé fût traduit par le plus jeune de nos évêques à votre tribunal, pour justifier devant vous l'antique propriété de ses biens; mais encore ce premier principe de la Constitution était le fondement nécessaire de tous vos travaux. La religion est en effet la seule morale du peuple et, selon l'expression d'un Ancien (Cicéron), la première redevance de l'homme en société ; et quand vous avez mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de l'honneur français, vous n'avez pas oublié sans doute que la religion est elle-même la plus sûre sauvegarde des empires.
Nous avons unanimement applaudi, Messieurs, à votre juste et noble délibération qui a garanti la dette publique. Nous plaçons cette créance au rang des véritables propriétés. Nous reconnaissons hautement que les emprunts dont on a tant abusé, ont tenu lieu d'impôts au royaume. 11 est par conséquent de toute justice de confondre avec les autres propriétaires français, tous les capitaux dont la fortune a été consacrée aux dépenses de la guerre, ou aux autres besoins de l'Etat. Ce serait se dévouer soi-même à l'infamie, que de proposer aux représentants d'une nation juste et généreuse, une honteuse banqueroute : voilà, Messieurs, ma profession de foi sur la dette publique. Je vous en rends aujourd'hui les dépositaires, avec une franchise et une solennité qui ne permettront pas, sans doute, de calomnier mes intentions.
La dette de l'Etat est donc sacrée, comme toutes les autres propriétés. Nous sommes tous d'accord sur ce point de morale publique. Mais, si la banqueroute est infâme, l'usurpation ne l'est pas moins sans doute ; et la France n'est pas réduite encore à la déplorable extrémité de ne pouvoir éviter une banqueroute que par une confiscation, et de n'avoir, pour ainsi dire, à choisir qu'entre dès désastres publics.
Eh ! Messieurs, vous vous souvenez encore de l'impression de terreur que nous éprouvâmes tous au moment où le voile qui couvrait les finances, soulevé par la main de notables, nous permit d'entrevoir le déficit du Trésor national. Nous sommes tous partis de nos provinces , effrayés de la difficulté de le constater, de le combler et de le prévenir à jamais. A l'ouverture de nos séances, le premier ministre des finances nous annonça que le déficit annuel des dépenses fixes ne s'élevait pas au-dessus de 54 millions; que le Roi aurait pu y pourvoir par des améliorations ci. des économies, sans assembler la nation; et i^ue la restauration des finances serait consommée sans secousses et sans aucun bouleversement des fortunes. Je sens encore dans ce moment la joie patriotique et universelle qui des-dendit dans nos curs avec ces consolantes paroles. Quel esprit ennemi du bien public a pu éloigner de nous de si précieuses espérances ? Par quelle fatalité un mal si facile à réparer, rnenace-t-il aujourd'hui d'une mort, ou plutôt d'un anéantissement total, un corps qui était regardé comme le premier ordre de l'Etat; un corps que l'on menace de dépouiller de ses propriétés, les plus anciennes de la monarchie ; un corps composé de 150,000 Français, dont la fortune est liée à plus d'un million d'individus, et que l'on propose de dévouer patriotiquement à la régénération de l'Etat?
On oublie les moyens et les ressources que le Roi proposait à la nation assemblée. On nous présente un nouveau plan de délibération de l'Etat. En quoi consiste donc ce plan régénérateur? Rien n'est plus lumineux, Messieurs, et surtout plus moral. Il ne s'agit que de dépouiller le clergé de ses propriétés. Représentants intègres du peuple français, voici le grand secret que l'on vous révèle pour rétablir les finances.
Il s'agit simplement de mettre les bénéficiers à la place des capitalistes, et les capitalistes à la place des bénéficiers.
Ce déplacement réciproque ramènera l'ordre universel, comme autrelois dans les insurrections de ses peuples, les uns contre les autres, le roi de Perse Abbas pacifiait ses Etats en faisant transmigrer tous les habitants d'une province dans une autre, qui lui envoyait les siens en échange. Le grand uvre de l'agiotage est ici la seule opération de finance que l'on indique au patriotisme de l'Assemblée uationale ; c'est une confiscation que l'on substitue à une banqueroute, et par conséquent c'est la plus injuste et la plus désastreuse de toutes les banqueroutes que l'on veut faire légitimer par une loi.
L'étrange motion qui nous a été faite à cet égard est divisée en deux parties : savoir, le fond de la question sur la propriété des biens du clergé, et ensuite les calculs relatifs aux frais du culte, ainsi qu'à l'emploi de la vente de nos biens.
Quand l'ouvrage présenté par M. l'évêque d'Autun sera public; quand j'aurai pu examiner à loisir ses calculs dont je ne peux juger encore que d'après la lecture rapide qui nous en a été
laite, j'espère vous prouver, Messieurs, qu'ils portent sur de fausses bases, des omissions inconcevables, de chimériques suppositions. Mais, indépendamment du respect que vous devez aux propriétés, le respect que vous vous devez à vous-mêmes, vous persuadera sans doute, dès aujourd'hui, que vous ne pouvez rien statuer sur des biens dont vous ignorez encore la valeur; et qu'après avoir sagement demandé à toutes les provinces des informations précises sur les revenus du clergé, il faut d'abord attendre le résultat de vos perquisitions. Avant que ce tableau soit mis sous vos yeux, vous jugerez en lisant la motion de M. l'évêque d'Autun, si c'est en laissant en blanc des chapitres de plusieurs millions; si c'est en entassant des chiffres précis sur des hypothèses incertaines ou fausses; si c'est enfin, en proposant à une administration épuisée le fuxe des remboursements les plus ruineux, que l'on peut se flatter d'usurper la confiance d'une grande nation. Vous déciderez, par exemple, si c'est une sage opération de finance, dans un moment de crise et de détresse, que de rembourser 600 millions d'offices de judicature qui ne coûtent pas 6 millions d'intérêt annuel à l'Etat; ou, dans d'autres termes, vous examinerez, Messieurs, s'il est avantageux d'éteindre les dettes à 1 0/0 d'intérêt; d'ajouter à cette extinction vraiment économique 10 millions de dépenses annuelles pour le traitement des nouveaux officiers de justice, et de coûter ainsi 34 millions de plus au royaume, chaque année. Tous ces calculs seront incessamment éclaircis, et vous ne trouverez peut-être pas dans ce moment la France assez florissante pour la livrer à de tels réformateurs ; mais l'ordre du jour nous appelle à d'autres discussions.
J'observerai d'abord, Messieurs, qu'il est étrange que l'on ose décider épisodiquernent la suppression des corps religieux, ou du moins l'interdiction provisoire des vux, dans le dispositif d'un plan de finances que l'on présente au Corps législatif. Certes, une pareille question de droit public mérite une discussion morale et politique beaucoup plus approfondie; et ce n'est pas dans un bordereau fiscal que l'on peut en suspendre la décision. La conservation des religieux qui ont rendu à l'Etat le double service de défricher no champs et notre littérature, intéresse toutes nos provinces, et sous ce rapport elle intéresse les capitalistes de Paris, comme je le prouverai bientôt. Que l'on ne nous propose donc pas si légèrement, Messieurs, de sacrifier la prospérité des campagnes à ce grouffre dévorant de la capitale, qui engloutit déjà la plus riche portion de notre revenu territorial. Dans cette cité superbe, vous le savez, résident les plus grands propriétaires du royaume, et une multitude de capitalistes citoyeus qui ont fidèlement déposé dans le Trésor de l'Etat le fruit d'un honnête travail et d'une sévère économie. Si tous les créanciers du royaume avaient des titres si légitimes, la nation n'aurait point à se plaindre des extorsions de la capitale, et les provinces ne reprocheraient point la ruine de l'Etat aux usuriers de Paris ; mais ne confondons point des capitalistes irréprochables avec les avides agioteurs de la Bourse. Là, se rassemble de toutes les extrémités du royaume, et de toutes les contrées de l'Europe, une armée de prêteurs, de spéculateurs, d'intrigants en finances, toujours en activité entre Je Trésor royal et la nation, pour arrêter la circulation du numéraire par l'extension illimitée des effets publics. Là, un commerce
fondé sur l'usure, décourage et appauvrit le vrai commerce national, l'industrie productive du royaume, et condamne l'administration à l'inertie, tantôt en l'affaissant sous le poids du besoin, tantôt en déplaçant son activité! Ecoutez ces marchands de crédit qui trafiquent du destin de l'Etat, à la hausse ou à la baisse. Ils ne demandent pas si la récolte est abondante ; si le pauvre peuple peut élever le salaire de ses travaux à la hauteur du prix commun du pain ; si les propriétaires dispersés dans les provinces les vivifient par leurs dépenses ou par leurs libéralités. Non, ce n'est point là ce qui les intéresse. Ils s'informent uniquement de l'état de la bourse et de la valeur des effets. Voilà pour eux l'unique thermomètre de la prospérité générale. Ils ne savent pas que l'opulence de la capitale se mesure toujours sur la misère des provinces ; et que ce n'est point dans des portefeuilles arides que consiste la richesse nationale, mais que c'est dans les sillons arrosés de ses sueurs que le laboureur fait germer la grandeur de l'Etat.
Aussi, Messieurs, dans ce moment d'épreuve pour le véritable patriotisme, la conduite des propriétaires et des détenteurs du numéraire national, vient de nous présenter un contraste bien digne d'être observé dans l'Assemblée de la nation. Les propriétaires ont fait les plus grands sacrifices aux besoins de l'Etat, et ils en ont annoncé de plus généreux encore. Ils ont sanctionné d'abord la dette publique sans la connaître; ils n'ont écouté que la voix de l'honneur, qui ne s'informe pas du montant de ses créances pour les ratifier. Ils ont signalé et immortalisé leur patriotisme par la générosité inattendue des arrêtés du 4 du mois d'août dernier. Ils ont donné un effet rétroactif à l'abandon de leurs privilèges pécuniaires. Ils ont sacrifié sans hésiter leur vaisselle d'argent, l'argenterie des églises, le quart manifeste de leur revenu. Qu'ont fait pour l'État les dépositaires connus de tout le numéraire du royaume? Ce qu'ils ont fait ! rien, Messieurs, rien. Pour consolider la fortune publique, ils avaient d'abord annoncé une souscription volontaire de deux cents financiers ; mais, dès qu'ils ont vu que nous nous occupions de leur sort, ce projet patriotique, présenté par M. le duc d'Aiguillon, a été mis à l'écart et n'a plus reparu. Nous avons voté et ouvert un emprunt qu'il était de leur intérêt de remplir : au lieu de seconder nos efforts, ils ont fermé leurs coffres. Deux tentatives inutiles, malgré la garantie nationale, nous ont obligés de renoncer à la ressource des emprunts. On avait vu, après la bataille de Cul-loden, les républiques de Suisse et de Hollande régénérer par leurs fonds la banque d'Angleterre, pour prévenir une banqueroute qui eût englouti leur fortune. Mais ni le patriotisme, ni les calculs de nos opulents marchands d'argent,n'ont pu les amener à de si sages sacrifices; et ils ont intercepté, sans effroi, la circulation du numéraire dans tout le royaume. La conduite des agioteurs nous paraissait inexplicable, quand la motion de M. l'évêque d'Autun nous a tout à coup dévoilé leur dessein. La ruine du clergé était leur grande spéculation; ils attendaient cette riche proie qu'on leur préparait en silence. Déjà ils dévoraient en idée nos propriétés qu'ils se partageaient dans leurs projets de conquête ; ils attendaient que la vente des biens de l'Église fit monter au pair tous les effets publics, et augmentât subitement leur fortune d'un quart, tandis que nous offrions tous le quart de nos revenus. Cette régénération du papier au profit des agioteurs et
des étrangers, ce scandaleux triomphe de l'agiotage étaient le bienfait qu'ils briguaient auprès des représentants de la nation. Les juifs venaient à leur suite, avec leurs trésors, pour les échanger contre des acquisitions territoriales. Ils achèvent de démasquer la conspiration, en vous demandant, Messieurs, dans ce moment même, un état civil,afin de conquérir à la fois le titre de citoyen et les propriétés de l'Eglise. Nous n'étions occupés que du soin de consolider la fortune des propriétaires de papier, tandis qu'ils méditaient secrètement notre ruine. Ce grand complot a enfin éclaté, et je ne fais ici que vous en rappeler la marche ténébreuse. Secondez, Messieurs, une conjuration si patriotique. Livrez les ministres du culte, vos pasteurs, vos parents, vos compatriotes, à cette horcle d'agioteurs et d'étrangers. Bannissez de vos compagnes les bê-néficiers, les religieux qui y consomment leurs revenus, ou plutôt qui le partagent généreusement avec les pauvres. Concentrez à jamais dans la capitale toutes les propriétés de l'Eglise ; et retournez ensuite dans vos provinces pour y recueillir les bénédictions de vos citoyens.
Combien l'intérêt devient aveugle quand il est extrême ! Ces spéculateurs avides ne voient pas que la richesse publique n'a plus de base si l'on ruine ainsi le royaume, et que la banqueroute qu'ils ont tant d'intérêt d'éviter, serait l'inévitable résultat d'une si impolitique opération. En effet, appauvrissons le commerce, décourageons l'agriculture et l'industrie, en éloignant les propriétaires de leurs domaines, en transformant agioteurs en tenanciers; les provinces seront aussitôt ruinées, et avec elle la capitale, qui consomme tout et ne reproduit ripn ; et dès lors la banqueroute se fera malgré toutes nos garanties, malgré toutes nos usurpations, parce qu'il viendra enfin un moment où l'on ne pourra plus payer le papier qu'avec du papier, et où la chute du crédit suivra nécessairement la ruine du royaume.
Ce n'est pas seulement par une conséquence éloignée que l'avidité des agioteurs doit amener la banqueroute. La confiscation des biens du clergé hâterait et nécessiterait encore ce désastre public, qui déshonorerait à jamais la nation. L'Etat a besoin de 70 millions pour les engagements de l'année courante. La dépense extraordinaire de l'année prochaine s'élèvera encore au-dessus de cette somme ; et il est généralement avoué que les emprunts étant impossibles, la banqueroute serait déjà déclarée, si la subvention patriotique du quart des revenus n'assurait les payements du Trésor public. Or, pensez-vous, Messieurs, que ce don accablant fût payé par les provinces, si l'Assemblée nationale envahissait les propriétés du clergé ? Cet inique décret serait le signal qui fermerait aussitôt toutes les bourses du royaume ; et l'indignation qu'exciterait cette grande injustice en ferait tomber aussitôt le poids sur ses propres auteurs.
Mais pourquoi désespérerions-nous assez lâche-nient de l'Etat, pour croire que nous ne pouvons plus le sauver que par la confiscation des biens du clergé ? Une ancienne nation que l'on invitait à être juste envers ses ennemis répondit, avec un sentiment noble qui n'était au fond qu'un calcul sage, que rien n'est utile que ce qui est juste. Et nous, Messieurs, qui représentons la plus loyale des nations, nous nous abaisserions à cette morale rétrécie, qui mesure le droit sur l'intérêt ! Et par quel aveuglement ose-t-on
proposer ici de sauver l'Etat, en changeant seu-r lement de victimes ?
Quoi ! Messieurs, pour enrichir des agioteurs par un décret plus lucratif pour eux que toutes leurs usuraires combinaisons. Je parle en général des agioteurs. Je sais et j'avoue que plusieurs créanciers de l'Etat ont placé leurs fonds sur le Trésor public sans aucune manuvre, et c'est pour cela que je respecte leur créance ; mais enfin, pour enrichir des spéculateurs avides, * vous nous enleveriez des biens, qui, n'étant point héréditaires, sont le patrimoine successif et commun de toutes les familles, des biens que nous voulons nous conserver pour vos propres enfants, des biens dont les descendants de tous nos concitoyens sont les héritiers présomptifs, et dont les cinq sixièmes seront toujours nécessairement affectés à la classe des communes ?
? des biens que nous possédons, nous ont été garantis par toutes les lois du royaume, et la loi sacrée du dépôt nous oblige de les transmettre fidèlement à nos successeurs.
D'ailleurs, Messieurs, vous n'avez pas même encore constaté dans cette Assemblée la dette de l'Etat.Nous ne savons pas à quelle somme précise elle monte ; et avant d'avoir sondé la pro-a fondeur de nos maux, nous regarderions comme notre seul remède l'envahissement des propriétés du clergé, dont nous ne connaissons ni le produit, ni les charges ? Il n'est personne, sans doute, dans cette Assemblée qui ait la barbare immoralité de vouloir dépouiller les possesseurs actuels du revenu de leurs bénéfices. On n'oserait pas proposer une spoliation individuelle si révoltante. Rien n'est plus sacré, en genre de propriété, que - la jouissance de l'usufruit ; et quelle que doive être la destination ultérieure des biens de l'Eglise, les bénéficiers qui en sont pourvus aujourd'hui avec l'approbation de la loi, ne sauraient en être dépouillés avant leur mort, sans la plus déloyale et la plus atroce injustice. Or, si les titulaires jouissent pendant leur vie du produit de leurs bénéfices, qui leur est assuré par la loi, vous accableriez l'Etat d'une énorme surcharge d'impositions, en prenant sur vous la dépense du culte public, qui est absolument différent des foildations particulières auxquelles nous devons la plupart de nos propriétés.
Allons plus loin. Savez-vous quel sera le produit éventuel des bonifications, des économies, d'une égale répartition et d'une perception moins dispendieuse des impôts ? Non, vous ne le savez pas encore. Le régime des privilèges, des abonnements, de la fiscalité finit à peine, et, avant - d'avoir évalué vos ressources, vous auriez recours à la plus immorale de toutes les entreprises, à la dernière déprédation du dernier dilapidateur.
Si le Roi s'est ruiné par tant d'emprunts accumulés, s'il a hypothéqué nos biens à notre insu, par ces mêmes emprunts, qui n'ont jamais été enregistrés dans les parlements de nos provinces, et surlesquels nous n'avons assurément fait aucnn ^bénéfice d'agiotage, la raison, la justice, l'intérêt commun exigent que les restaurateurs des finances du Roi discutent et évaluent d'abord ses propres biens, par le retrait et la vente de ses domaines engagés. Cette opération, commandée par les circonstances, serait approuvée dans tout le royaume. La garantie de la dette nous est commune à tous. Si nous sommes les cautions du Roi, il est juste que nous supportions tous également le recours ; mais nous ne devons pas expédier notre responsabilité avant que les créanciers aient épuisé les biens du débiteur.
Ne peut-on pas d'ailleurs, sans dépouiller le clergé, sans écraser la classe indigente, établir des impôts sur le luxe, impôts vraiment productifs, vraiment moraux, qui sauveraient peut-être le Trésor public, ou marqueraient du moins un terme à ces prodigalités insensées qui scandalisent et dépravent la nation ? Poussés par le mouvement d'un juste patriotisme, nous venons d'abjurer entre vos mains tous nos anciens privilèges pécuniaires. Nous vous avons déclaré, pour la première fois, que nous voulions partager avec vous toutes les charges publiques ; et pour répondre à cet élan de fraternité sociale, de privilégiés que nous étions, on vous propose de nous retrancher du nombre des propriétaires ! Nous venons à votre secours, et vous mettez en question si vous nous dépouillerez de nos biens ! toutes vos provinces vous ont expressément chargés d'établir des impositions qui pussent atteindre les portefeuilles; et par un renverse-imprévu de ce vu national, on veut, au contraire, que ce soient ces mêmes portefeuilles d'où dégouttent les sueurs, les larmes et le sang du peuple, qui aillent atteindre et engloutir nos propriétés ! Citoyens, choisissez entre ces sangsues de l'Etat et nous, ou plutôt vous n'avez pas besoin de choisir. Nous ne demandons point de victimes. Nous voulons empêcher la banqueroute en faveur de ces mêmes propriétaires de papier, qui proposent contre nous bien pis qu'une banqueroute, en aspirant à nous chasser, par un larcin légal, de nos propriétés, pour s'y établir à notre place. Nous sacrifiez-vous à ce mot si nouveau et si scandaleux de notre langue, à l'agiotage, qui, après avoir honteusement trafiqué des besoins et des fautes de l'administration, veut aujourd'hui s'emparer du sanctuaire même, et s'approprier le patrimoine sacré des pauvres et du clergé ?
On ne nous parle dans celte Assemblée que du crédit public et de la nécessité de le rétablir. A entendre ces invocations continuelles, on croirait que ce crédit tant vanté est le véritable trésor et l'unique salut de l'Etat. J'avoue, Messieurs, que, grâce à l'impéritie des administrateurs, le crédit est, en effet, indispensable dans ce moment, pour opérer la régénération des finances; mais, quand le royaume sera sagement gouverné , le crédit ne sera plus que ce qu'il est en effet, un mal nécessaire, une vaste calamité , et le plus terrible fléau qui soit jamais tombé sur les peuples. C'est lui que j'accuse devant vous de tous nos malheurs. C'est lui qui a fomenté ces folles dissipations des cours, qui ont enfin tari toutes les sources de richesses publiques. C'est lui qui a fait entreprendre légèrement ces guerres qui sont si souvent et le plus grand des malheurs pour les peuples, et le plus grand des crimes pour les rois. C'est lui qui a entretenu ces armées innombrables, et qui ont tant aggravé le fléau de la guerre, dont elles ont perpétué l'image et la dépense au milieu de la paix, en donnant habituellement à l'Europe entière la forme d'un immense champ de bataille. C'est lui qui a engendré ces ténébreuses complications d'impôts, de dettes, d'anticipations, d'offices, d'arrérages, qui rendent aujourd'hui si difficile la simple connaissance des maux dont nous sommes menacés de périr. C'est lui, enfin, et lui seul qui a dévoré d'avance la subsistance des générations futures. Oui, Messieurs, lorsque François Ie* ouvrit, pour la première fois, un emprunt sur l'hôtel de ville de Paris, en 1521, il créa une nouvelle source de calamités pour le genre humain : il posa la première pierre de
cet édifice désastreux qui. en chancelant aujourd'hui, nous fait craindre d'être tous ensevelis sous ses débris. Le plus riche royaume de l'univers n'a pu résister que pendant deux siècles à ce système d'emprunt, sans fonds libres affectés aux intérêts, sans extinction de dettes plus onéreuses, sans ordre invariable de remboursements; système imaginé par un Roi dissipateur, développé par des Italiens concussionnaires, détesté et cité à la Chambre ardente de Sully, honteusement renouvelé sous les Médicis, flétri par deux infidélités à la foi sous le dernier règne, et porté de nos jours à un excès de démence qui a fait regarder le dernier terme de la ruine du royaume, comme la plus brillante époque de nos prospérités pécuniaires. Pour nous , Messieurs , qui sommes chargés d'expier les ravages de ce crédit ministériel, nous devons soupirer vers le moment où cette ressource n'étant plus nécessaire à la chose publique, elle sera proscrite par nos successeurs, comme le funeste et infaillible secret de ruiner la nation et de bouleverser l'Etat.
Le véritable moyen de rétablir ce crédit qu'on a si bien défini l'usage de la puissance d'autrui, et dont nous avons besoin pour réparer une partie des maux qu'il nous a faits, ne consiste point à mettre en vente des biens - fonds pour 2 milliards, comme le prétendent les appréciateurs de nos propriétés foncières. Ces adjudications simultanées, dans un moment où il y a déjà six mille terres en vente dans le royaume, ne pourraient qu'avilir la valeur des possessions territoriales, et présenteraient ainsi un double objet d'avidité aux spéculations des agioteurs. La manière la plus sûre de ressusciter le crédit, consiste à rétablir dans tous les départements l'ordre et l'économie, à mettre la rente de niveau avec la dépense, a proscrire les anticipations, à inspirer enfin une confiance universelle, en se montrant rigoureusement juste, car comment persuaderez-vous votre fidélité à payer la dette, si vous ne respectez pas » même les propriétés ?
Quand je dis les propriétés, Messieurs, je prends ce mot dans son acception la plus rigoureuse. En effet, la propriété est une, et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés garantissent les vôtres. Nous sommes attaqués aujourd'hui ; mais ne vous y trompez pas, si nous sommes dépouillés, vous le serez à votre tour : on vous "opposera votre propre immoralité, et la première calamité en matière de finances atteindra et dévorera vos héritages. Nous n'avons usurpé les possessions de personne. On ne nous en accuse pas. Nos biens nous appartiennent donc, parce que nous les avons acquis , ou parce qu'on nous les a donnés.
Nous les avons acquis du produit de nos économies ; nous produisons les titres de nos acquisitions. Nous les avons faites sous la protection et avec l'autorisation expresse des lois. L'Etat nous a défendu, en 1749, d'acquérir de nouveaux immeubles, et nous avons obéi ; mais l'édit de mainmorte n'a jamais eu d'effet rétroactif, et, loin de confisquer nos anciennes propriétés, il les a toutes consacrées. Vous venez de reconnaître vous-mêmes, Messieurs, ce droit de propriété des gens de mainmorte dans votre décret sur le prêt à terme fixe ; car vous les avez autorisés à placer ainsi leurs fonds ; et vous n'auriez pu appeler à ce privilège un religieux, lié par le voeu de pauvreté, ou une femme en puissance de mari. Or, vous n'avez pas voulu nous tendre un piège, sans doute ; vous n'aviez pas le projet de nous
dépouiller le lendemain de nos rentes constituées par votre autorisation expresse, quand vous nous avez nominativement admis à contracter ainsi avec nos concitoyens et à partager avec vous tous les droits des propriétaires rentiers.
On nous a donné nos biens. Les actes de fondation existent. Ce n'est point à la nation, qui n'est, comme le clergé lui-même, comme les hôpitaux, comme les communes, qu'un corps moral ; ce n'est pas même au culte public que ces dons ont été faits. Tout a été individuel entre le donateur qui a légué, et l'Eglise particulière qui a reçu. On ne connaît aucun don générique fait à l'Eglise. Les dotations d'un très-grand nombre de cures ne sont que des fondations inspirées par la piété de quelques paroissiens, et ne peuvent par conséquent retourner à la nation, parce qu'elles n'en viennent point. Quelle propriété serait sûre dans le royaume si les nôtres ne l'étaient pas ? La dîme elle-même ne nous a point été donnée par la nation. La variété de sa perception dépose évidemment contre l'unité de son origine. Il est démontré que le clergé en jouissait avant Clovis. Il est démontré qu'elle a été léguée par des dons particuliers dans plusieurs provinces, et que la plupart des dîmes sont des revendances féodales qui ont changé de nom.
On ne sait jamais l'histoire de France, Messieurs, quand on ne l'a étudiée que dans les historiens. C'est dans les titres originaux qu'il faut aller puiser la connaissance des faits sur lesquels est fondé notre droit public. Il est constant et avéré par ces premiers monuments de la législation française, que la nation en corps n'a jamais ni stipendié ni doté le culte public, et que l'Eglise n'a reçu que des donations particulières. Les lois les plus anciennes de la monarchie déterminent ou confirment la perception de la dîme ; mais elles supposent toutes la préexistence de ce droit. Ghar-lemagne,dans ses capitulaires, ne l'accorde qu'aux églises de ses domaines, et il déclare plusieurs fois qu'il n'impose point l'obligation de cette redevance à ses autres sujets. La dîme fut donc originairement une espèce de cens seigneurial, un don particulier des grands propriétaires qui avaient dans leur territoire le droit très-considérable alors d'ériger une paroisse, jus Templi. Us cédèrent une portion du terroir à leurs vassaux, en leur imposant à perpétuité cette contribution pour ne point rester seuls grevés de la dotation des cures, dont le principal décimateur ou donateur de la dîme retint le patronage; et ils partagèrent également la distination de ce tribut entre les ministres du culte, l'entretien des églises et Je soulagement des pauvres. Voilà textuellement la clause de nos plus anciens actes de fondation. Les pauvres sont par conséquent de véritables donataires du tiers de la dîme; et comme nul ne peut renoncer pour eux dans un abandon légal, il est évident qu'il faut les entendre pour les dépouiller. Dès la première race de nos Rois, on distingue dans notre droit public des dîmes allodiales, des dîmes seigneuriales et des dîmes ecclésiastiques;, mais on ne voit nulle part des dîmes nationales ou des dîmes royales. Ce don ne vient par conséquent ni des Rois ni de la nation ; et par la nature des contrats qui sont les seuls titres fondamentaux des propriétés, il doit être éternel, tant qu'il y aura en France un culte et des malheureux.
Nous sommes devenus propriétaires comme vous, Messieurs, par des dons, par des acquisitions, par des défrichements, et la loi nous a garanti nos propriétés comme elle a sanctionné les vôtres. Vous n'avez d'autre droit sur nos biens
que l'enclave du territoire, et si ce titre de propriété était admis il vous dépouillerait tous. Les biens du clergé appartiennent à la nation de la môme manière que chaque province lui appartient. Vous n'êtes pas plus autorisés à déléguer aux rentiers les propriétés de l'Eglise, que vous ne le seriez à leur adjuger le sol de la Champagne ou de la Bourgogne. Quand on dit que le territoire du royaume appartient à la nation, on dit seule-k ment qu'il ne peut appartenir qu'à des régnicoles, ou l'on ne s'entend plus.
Mais, dites-vous, c'est la nation, c'est le Roi qui a doté les églises, et la nation peut révoquer ces dons qui cessent d'être des propriétés, quand elle les réclame. La nation, Messieurs, possède tous les pouvoirs, et elle est obligée de les déléguer tous, pour se soustraire au despotisme de l'anarchie; mais les propriétés ne lui ont jamais appar-» tenu, et nous ne tenons d'elle aucun autre bienfait que sa protection.
D'ailleurs, Messieurs, si la nation a le droit de remonter à l'origine de la société, pour nous dépouiller de nos propriétés, que les lois ont reconnues et protégées pendant plus de quatorze siècles, ce nouveau principe métaphysique vous conduira directement à toutes les insurrections de t la loi agraire. Le peuple profitera du chaos pour demander à entrer en partage de ces biens, que la possession la plus immémoriale ne garantit pas de l'invasion. Il aura sur vous tous les droits que vous exercerez sur nous; il dira aussi qu'il est la nation, qu'on ne prescrit pas contre lui. Je suis loin d'interjeter un appel au peuple, et d'exciter des prétentions injustes et séditieuses qui anéantiraient le royaume; mais il doit être permis d'opposer à un principe injuste et incendiaire les factieuses conséquences que peut en tirer la cupidité, malgré votre patriotisme qui les désavoue. Nos Rois, ou les grands vassaux qu'ils représentent, n'ont pas donné à l'Eglise la vingtième portion de ses biens ; mais, s'ils ont donné, c'est une maxime reçue que leurs libéralités sont irrévocables. Oportet beneficium prin-cipis esse permansurum. C'est une autre maxime, que toute propriété est perpétuelle de sa nature ; et que si nos propriétés ont été légitimes depuis quatorze cents ans, elles doivent l'être à jamais : car une propriété est nécessairement inamovible, et il y a contradiction entre ces deux termes, propriété et amovibilité, Ce qui m'appartenait hier, doit incontestablement m'appartenir aujourd'hui, si je ne l'ai pas aliéné. Si nos Rois ont donné au clergé, c'est de leur domaine qu'ils ont tiré leurs largesses, car le territoire du royaume ne leur a jamais appartenu en propriété. S'ils ont donné à l'Eglise, ils l'ont gratifiée comme ils ont doté la noblesse, en lui accordant des fiefs ou des baux à cens. Ces bénéfices militaires, qui sont héréditaires aujourd'hui, seraient donc soumis au retrait absolu, comme les bénéfices ecclésiastiques. Si les nouveaux principes pouvaient prévaloir, la position de la noblesse serait absolu-.. ment la même que celle du clergé. Plus les fiefs seraient anciens dans les familles, plus la confiscation en serait assurée. Cette inquisition si effrayante ne respecterait ni prescription, ni titres d'échange, ni origine domaniale; elle spolierait la noblesse après avoir anéanti le clergé, et bouleverserait le royaume pour le régénérer.
Supposons toutefois, contre l'évidence, que le Roi ait doté toutes les églises de son royaume, en serait-il plus autorisé à les dépouiller dé ses dons? Que penseriez-vous, Messieurs, d'un seigneur de village, qui, après s'être totalement ruiné, assem-
blerait un jour ses créanciers, et leur déléguerait en liquidation tous les biens de la cure dotée par lui ou par ses auteurs? Une si étrange logique, un tel moyen de remboursement n'excitent en vous dans cet instant que le sourire du mépris. La comparaison est partout exacte, Messieurs, et si cet expédient vous paraît absurde quand il est isolé, je vous demande par quel prestige il deviendrait légitime à vos yeux, dès qu'il serait consacré tout à coup par cinquante mille exemples du même genre?
Il est cependant vrai, Messieurs, que les héritiers de nos fondateurs auraient
réellement le droit de rentrer dans la possession de nos biens, si l'acte de fondation
avait stipulé la clause de la réversibilité, en cas d'extinction de nos bénéfices ou
de nos monastères. Nous connaissons un très-grand nombre de titres où cette clause est
littéralement insérée ; et il est indubitable qu'elle aurait son effet, si la nation
en ouvrait le recours. Un exemple récent va vous en fournir la preuve. Emmanuel Ier, duc de Savoie, avait légué son hôtel de Savoie dans la
ville de Lyon aux religieux Célestins, et il avait réservé dans l'acte de donation à
ses héritiers le droit de rentrer en possession de cette maison, si les Célestins
l'abandonnaient. Au moment de la suppression de cet ordre, le roi de Sardaigne
revendiqua juridiquement l'hôtel de Savoie, et il gagna son procès contre le syndic du
diocèse de Lyon. Le clergé de France n'intervint point dans cette cause, mais M.
l'abbé dePérigord, évêque d'Autun, alors agent, sollicité par l'ascendant de ses seuls
principes, composa de son propre mouvement un long mémoire contre le duc de Savoie. Il
établit dans cet ouvrage, que j'ai entre les mains, le droit sacré de ta propriété de
l'Eglise, qu'il assimile en tout aux propriétés des autres citoyens; il l'élève même
au-dessus des propriétés civiles, à cause de son inaliénabilité ; il soutient que les
dons faits à l'Eglise sont à jamais irrévocables, quelles que soient les dispositions
des donateurs. Son zèle l'emportait sans doute au delà des bornes de la justice,
puisqu'il ne voulait alors voir aucun égard à une clause formelle de réversibilité;
mais la morale ne doit pas être versatile selon les circonstances, et il me suffit
d'observer dans ce moment que la doctrine hautement professée par M. l'abbé de
Périgord en 1784, forme un étrange contraste avec le principe que M. l'évêque d'Autun
vous a présenté dans cette tribune (l).
Ce n'est pas la cause du royaume. C'est uniquement l'intérêt de l'agiotage dont les spéculations se tournent vers les biens-fonds, que l'on essaie de défendre, en proposant de livrer les
possessions du clergé aux créanciers de l'Etat. D'abord les provinces de France où le clergé est le plus riche en propriétés, sont précisément celles qui ont été le plus récemment réunies à la couronne. Ce n'est donc pas la nation française qui a doté les églises de ces pays nouvellement conquis, puisqu'ils ne lui appartenaient point à l'époque où ces bénéfices furent fondés. Ces provinces, qui ont eu la sagesse de se prémunir dans leurs capitulations contre les commendes ecclésiastiques, se soumettront-elles sans réclamation à des commendataires agioteurs? Les nouveaux propriétaires ne résideraient point dans leurs domaines; ils ne connaîtraient que des fermes, des produits, des enchères, des exécutoires. Ils vexeraient et déplaceraient sans cesse les fermiers, comme des valets de livrée. S'ils venaient faire quelques apparitions dans le pays, ce serait pour le dévaster. Ils n'auraient ni la volonté, ni même ces moyens d'y perpétuer le bien qu'opère le régime ecclésiastique. La destruction d'un monastère anéantirait un village ou un bourg qui s'est formé autour de son enceinte; elle éloignerait, comme l'expérience le prouve, les marchands, les ouvriers, les cultivateurs même, et transformeraient bientôt nos campagnes en de vastes et arides déserts.
Mais portons plus loin nos regards. Messieurs , quand nous avons justement sanctionné la dette publique, nous avons pensé et dû penser que le fardeau en serait également et proportionnellement supporté par toutes les provinces du royaume. Or, cette répartition équitable deviendrait impossible, si les biens du clergé acquittaient seuls la créance de l'Etat. Il résulterait de ce système aussi immoral qu'antipatriotique, que la Flandre, le Gambresis, Je Bainaut et l'Artois, payeraient plus d'un milliard de la dette nationale, tandis que plusieurs grandes provinces n'en acquitteraient rien ou presque rien. Il en résulterait encore que nos provinces frontières seraient seules chargées des frais du culte pour les provinces de l'intérieur, où le clergé ne possède point de biens-fonds, et qu'un propriétaire flamand salarierait un curé du Berry, ou un évêque breton. Ges provinces ainsi écrasées consentiraient-elles à se rendre tributaires envers un pays éloigné, à se priver sans échange de leur numéraire, et à se soumettre enfin à une répartition si réyoltante? Est-ce donc au prix d'une guerre civile qu'il faut défendre les combinaisons des agioteurs ? Faut-il armer nos provinces les unes contre les autres, pour établir dans l'Assemblée nationale un nouveau change public, où l'on apporterait du papier et où l'on recevrait des biens-fonds, et où l'on mettrait en feu tout le royaume, pour rétablir l'ordre dans les finances.
La direction que l'on établirait d'abord pour administrer les propriétés du clergé en aurait bientôt absorbé le produit. 11 est généralement reconnu que plus une direction est considérable, plus elle devient ruineuse. Un fait assez récent atteste les inconvénients inséparables de ces régies fiscales. Quand les Jésuites furent supprimés, on exaltait partout leur opulence. A peine leurs
biens furent-ils entre les mains des séquestres» qu'ils devinrent insuffisants pour payer la pension indécemment modique qui leur avait été promise. Les propriétés de cette société célèbre ont disparu sans aucun profit pour l'Etat. Nous vous citons en preuve anticipée de vos mécomptes et de notre détresse, le déplorable exemple de ces instituteurs vraiment utiles qui, devenus recommandables à tant d'autres titres, intéressaient encore infiniment la natioh sous des rapports purement économiques. Le salaire d'un seul possesseur coûte quelquefois plus aujourd'hui, que la dotation d'un collège entier de Jésuites.
La dissipation infructueuse de leurs biens se renouvellerait dans la direction des propriétés du clergé. C'est une institution vraiment précieuse à l'Etat, que la dotation territoriale des ministres de la religion. Le culte public serait compromis, ou plutôt anéanti, s'il dépendait d'un salaire avilissant et incertain. Bientôt l'irréligion et l'avidité mettraient ces fonctions saintes au rabais, et solliciteraient le culte le moins dispendieux, pour parvenir plus sûrement à la proscription de tous les cultes. Une disette passagère, une interruption momentanée ou durable dans la perception des impôts, une banqueroute d'un collecteur, une guerre ruineuse, et cent autres causes de suspension des payements, réduiraient à l'aumône le corps entier de ce clergé salarié. Aucun citoyen ne voudrait plus embrasser un état si précaire, si incertain et si borné. Au premier coup de canon qui jetterait l'épouvante dans une province, tous les pasteurs inquiets pour leur subsistance prendraient la fuite. Toutes les paroisses des campagnes seraient abandonnées. Le peuple, sans secours et sans guides, sans frein, ne connaîtrait plus aucune loi ; et le royaume, livré au brigandage et à l'anarchie, apprendrait enfin par ses désastres cette grande vérité politique, trop oubliée aujourd'hui, que l'ordre public repose sur la religion et que les ministres du culte peuvent seuls répondre du peuple au gouvernement.
C'est par ses incalculables aumônes, que le clergé rend les peuples dociles à ses instructions. Comment pourrait-il les contenir, lorsqu'il n'aurait plus la faculté de les assister? La charité tient lieu au royaume d'un impôt vraiment immense. Depuis que l'Angleterre a usurpé les propriétés des monastères, quoiqu'elle ait respecté les possessions des évêchés, des chapitres, des universités, qui sont encore les plus riches de l'Europe, l'Angleterre a été obligée, depuis le règne d'Henri VIII, de suppléer aux aumônes du clergé, par un impôt particulier en faveur des pauvres; et cette imposition s'élève annuelle- ' ment à près de 60 millions, dans un royaume dont la population forme à peine le tiers de la nôtre. Comparez, Messieurs, calculez et prononcez.
La propriété est universellement reconnue comme le lien le plus puissant du patriotisme. Aussi, dans l'Europe entière, tous les gouvernements ont voulu que le clergé fût propriétaire, > pour l'intéresser davantage à être citoyen. Le clergé de France, qui seul a conservé au royaume l'ancienne forme de ses contributions, s'est toujours signalé par la générosité de ses dons qui ont été la ressource la plus féconde de l'Etat. M. l'é-vêque d'Autun ose présenter aujourd'hui à la nation, comme un motif de le dépouiller, l'amélioration assurée à ses biens, par la certitude qu'auront les fermiers de n'être point dépossédés à chaque mutation de titulaire. Quel prétexte à présenter au Corps législatif, pour lui extorquer
la plus énorme injustice! Qu'on daigne ouvrir r nos cahiers, et on y verra que nous*demandons nous-mêmes que nos baux soient exécutoires pour nos successeurs, quand ils n'auront pas été renouvelés avant l'époque ordinaire. Faut-il donc nous enlever nos propriétés pour assurer l'exécution de nos baux, tandis qu'une loi de quatre lignes, que nous sollicitons nous-mêmes, peut les assimiler aux vôtres?
p, Le même prélat, Messieurs, ajoute encore que l'Etat ayant le droit de prononcer sur l'existence des corps religieux, il est également autorisé à s'emparer de leurs propriétés. Cette conséquence n'est qu'un sophisme et une odieuse immoralité. Quand on supprime des maisons ou des corps religieux, ce n'est point à la nation, c'est à des établissements ecclésiastiques que l'on applique leur patrimoine, et toute extinction légale devient h ainsi une simple union. L'Assemblée nationale ne réservera pas au clergé régulier l'application de la féodalité : qui confisque le corps, confisque le bien; et si elle proscrit ces confiscations bar-' bares, dans le nouveau code criminel, en faveur des scélérats condamnés au dernier supplice, elle rougirait sans doute d'en appliquer la rigueur aux biens des ordres religieux, dont elle aurait 4 prononcé ou plutôt injustement préjugé la suppression.
Représentants augustes de la nation, citoyens députés par toutes nos provinces, notre cause est k la vôtre, et vous êtes intéressés à nous défendre contre cetté confédération de l'agiotage qui vous ruinerait en nous dépouillant. N'imitez pas ces princes que l'histoire accuse de n'avoir été que les rois de leur cour, et non pas de leur peuple.
* Ne bornez pas vos regards à uri seul point de la capitale. Embrassez le royaume entier dans vos combinaisons. Les dépenses qui nous ont épuisés seront réduites. Un déficit passager que l'on veut combler par des économies, et que l'on a la mauvaise foi de vous présenter comme l'état fixe du Trésor public, n'aveuglera ni votre raison, ni votre patriotisme. Vous n'avez rien à gagner, vous avez tout à perdre à ce système d'usurpation. Les provinces du royaume seraient traitées par les agioteurs qui auraient conquis nos biens, comme l'ont été jusqu'à présent vos colonies de l'Amérique; et des propriétaires éloignés ne voudraient connaître que des mercenaires et des es-, claves. On veut rejeter sur le clergé seul et sur un petit nombre de provinces l'énorme fardeau de la dette uationale. Vous rendrez-vous à jamais tributaires de ces hommes avides que nos désastres ont si scandaleusement enrichis, et qui cal-culent les calamités publiques, pour en composer leur fortune particulière? Les pauvres retomberaient sans secours à la charge des riches ; les riches seraient appauvris par notre anéantissement, si le clergé était immolé aux agioteurs. Nos familles, dont la plupart ne subsistent que de dons, vous paraîtront préférables, peut-être, à ces cosmpolites usuriers qui, du milieu de la capitale, font une guerre continuelle d'argent au gouvernement et à la nation. Eh! comment, aux approches d'une saison rigoureuse, dans un moment de détresse, de cherté et d'anarchie, a-t-on Ja barbare imprudence d'élever une question faite pour porter l'épouvante dans le cur de tous les membres du clergé, et pour tarir la source des aumônes qui vont devenir si nécessaires à l'ordre public?
L'action de la force publique est suspendue dans tout le royaume ; les lois intimidées se taisent devant la multitude des coupables ; le
peuple est armé, et l'autorité est désarmée ; tout le monde commande, et personne ne veut obéir; et notre jeune liberté, qui se méconnaît encore, n'est déjà que le despotisme de la licence la plus effrénée. Quelle police, quelle sûreté pouvons-nous attendre, s'il ne se forme parmi tous les bons citoyens une noble conjuration pour soulager cette multitude toujours croissante d'indigents qui n'ont été contenus pendant le dernier hiver que par les profusions les plus extraordinaires de ia charité ? Qui de nous osera voyager dans les campagnes, ou habiter nos cités sans effroi, si l'aumône ne forme plus une espèce d'assurance patriotique? Nous avons pourvu, du moins provisoirement, aux besoins des finances. Le calme est rétabli dans les avenues du Trésor national. Tous les payements sont garantis par nos tributs qui décernent au Roi, dès ce moment, une quatrième année de tous les revenus du royaume. Assurons Je même ordre pour l'avenir; mais ne souillons d'aucune usurpation ce grand acte de justice nationale. Ce n'est point en dépouillant le clergé de ses biens, qu'il faut l'appeler au secours de l'Etat. Ce n'est point en l'anéantissant, qu'il faut le faire contribuer aux charges publiques. Nous ne demandons pas la banqueroute quand nous réclamons la conservation du patrimoine de l'Eglise. Nous sommes disposés/nous sommes décidés à faire des sacrifices, et de grands sacrifices pour empêcher efficacement cette calamité. C'est à nous, sans doute, qu'appartient l'honneur de donner à la nation l'exemple du zèle et d'un respect religieux pour Ja dette publique. Les créanciers de l'Etat retrouveront en nous le même patriotisme qu'ils ont tant de fois éprouvé. Remontez à l'origine de la contribution que nous payons depuis le règne de Charles IX à l'hôtel de ville de Paris. Qui nous a imposé cette créance nationale? n'est-ce pas notre seul patriotisme? Le clergé de France se chargea, par le contrat de Poissy, de payer annuellement 1,600,000,000 livres (1) pour libérer l'Etat de toutes les rentes constituées sur les aides, sur les gabelles et sur les domaines du Roi. Ce noble engagement était d'abord fixé à un terme de dix années ; mais nous l'avons toujours renouvelé volontairement pour soulager les peuples, et nous l'acquittons encore aujourd'hui. Nous sommes prêts à réitérer et même à surpasser cet exemple de patriotisme dans ce moment d'alarmes , où la crise des finances ébranle le royaume jusque dans ses fondements. Mais défendez, consacrez nos propriétés, vous, Messieurs, qui êtes appelés à donner à l'Etat une Constitution digne de le régénérer à jamais. Vous voulez être libres ? eh bien ! souvenez-vous donc que sans propriété, il n'y a plus de liberté ; car la liberté n'est autre chose que la première des propriétés sociales, la propriété de foi.
(2). Messieurs, daignez, je vous prie, m'accorder votre attention, et me permettre de soumettre à votre jugement des questions sur lesquelles j'ai réfléchi depuis longtemps, dont la solution m'a paru très-difficile, et peut, si l'on s'égare, entraîner les conséquences les plus funestes. Je sais que les richesses de
l'Eglise ont été presque toujours la cause de la perte des ministres de la religion, et ont très-souvent occasionné celle de la religion chrétienne dans de grands empires. La Suède et l'Angleterre nous eu ont fourni des exemples flippants. Si les évèques de Suède n'eussent pas été si puissants, le grand Gustave n'eut jamais cherché à introduire le luthéranisme dans son royaume ; et tout le monde sait que ce ne fut que pour se soustraire à la puissance formidable des évôques, qu'il prit ce parti.
Personne n'ignore que notre religion toute sainte n'a pas besoin de cet appui pour se soutenir; que la pureté de sa morale, la simplicité de ses préceptes, à la portée de tout le monde, suffisent pour lui faire donner partout la préférence sur tous les autres cultes, lorsqu'elle sera connue et annoncée par des ministres qui prêcheront autant par leurs vertus que par leurs instructions, et qui pourront dire, comme le grand apôtre: Soyez mes imitateurs comme je le suis de notre divin Maître, Imitatores mei estote, sicut et ego Christi. Car, qui ignore que ce sont elles qui, dans tous les temps, lui ont porté les coups les plus funestes; que ce sont elles qui ont fait entrer dans le redoutable ministère des autels une foule de sujets sans autre vocation que l'espoir d'un riche bénéfice ; que ce sont les vices de ces ecclésiastiques qui, en déshonorant la religion, ont attiré sur elle, et sur les dignes ministres dont elle s'honore, toute la haine des peuples et les persécutions qu'ils souffrent dans ce moment ?
Je ne m'attacherai pas, Messieurs, à vous prouver que si vos lois, quelque sages qu'elles puissent être, n'ont pas la religion pour base, elles ne tendront jamais au but que doit se proposer tout législateur. Je présume trop de vos lumières pour n'être pas persuadé que, lorsqu'il en sera question, vous ordonnerez que la religion et ses ministres soient respectés, et, ce qui est encore plus intéressant, que vous prendrez tous les moyens nécessaires pour que ces ministres se rendent respectables par leurs lumières, et encore plus par leurs vertus.
Mais est-ce au clergé à faire à l'Etat l'abandon de ses biens? Est-il de l'intérêt de l'Etat de dépouiller le clergé de toute propriété quelconque, et de le salarier en argent? Ne serait-il pas plus à propos de laisser aux ministres nécessaires à la religion, et surtout aux pasteurs, des fonds d'un produit suffisant pour subvenir à leurs besoins et secourir les pauvres ?
Voilà, sans doute, trois questions bien intéressantes, et sur lesquelles je vous prie de me permettre de faire quelques' réflexions.
Tout le monde sait que nous ne sommes qu'usufruitiers des biens que nous possédons; que ces biens appartiennent au clergé en général, et non à chaque individu en particulier ; que la nation a sanctionné cette propriété dans des assemblées générales ou états généraux; que tous les béné-liciers quelconques, séculiers ou réguliers, n'ont droit d'en retenir que ce qui est nécessaire pour leur fournir une honnête subsistance, non pas telle que la cupidité pourrait la désirer, mais telle qu'elle est prescrite par les règles de la sagesse et de la modestie, et convenable à des ministres du Seigneur; que le surplus doit être employé à de bonnes oevres.
Tout le monde sait que si les bénéfices sont trop multipliés, ainsi que les maisons religieuses, que si les uns et les autres ne remplissent pas leurs obligations, la nation a le droit de suppri-
mer les bénéfices, de réunir les maisons, et d'ordonner l'emploi des revenus de la manière la plus utile à la religion et à la société, d'empêcher que l'Eglise n'acquiert de trop grands biens. C'est ainsi qu'on s'est conduit même dès les premiers siècles de l'Eglise ; et quelques membres du clergé s'étant plaints des réformes à cet égard, saint Jérôme leur répondit en disant : «Je ne blâme point les empereurs d'avoir porté de pareilles lois; elles sont sages; ils le devaient ; mais ce qui me fâche, c'est de voir que le clergé ait forcé les empereurs à les porter. »
Une vérité non moins constante encore, c'est que dans tous les temps de misère et de calamité, on a pris une partie des biens de l'Eglise pour subvenir aux besoins pressants de l'Etat. En dernier lieu, sous Charles IX, il en fut vendu une partie; et comme les circonstances présentes sont aussi affligeantes qu'elles aient pu l'être par le passé, je crois que la nation a le droit de prendre pour subvenir à ses besoins pressants, tout ce qui n'est pas nécessaire au culte divin, à l'entretien des ministres, et au soulagement des pauvres, auxquels ils sont spécialement destinés. Mais s'ensuit-il de là que nous, comme membres du clergé, nous devions les offrir et les donner? je ne crois pas que nous en ayons le droit, mais qu'à l'exemple de saint Ambroise, nous devons dire que nous ne les donnons pas, mais que nous les laissons prendre.
M. l'évêque d'Autun propose à l'Etat de s'emparer de tous les biens du clergé, et d'en salarier les membres. Je me suis souvent occupé de cette question, et je vous avoue franchement que j'y ai trouvé de grandes difficultés : je croirais qu'il serait peut-être plus à propos de donner, surtout aux pasteurs et aux maisons religieuses que vous voudrez conserver, des biens-fonds suffisants pour leur subsistance, que de leur donner de l'argent ; et voici mes raisons, que je vous prie de peser dans votre sagesse : vous trouverez toujours, dans la suppression des dîmes et la vente des maisons supprimées, de grandes ressources pour l'Etat. Si vous payez en argent les ministres, il faudra prélever cette somme sur la totalité des contribuables ; et tout le monde sait que, si le pauvre a déjà beaucoup de peine à payer l'impôt, il payera bien plus difficilement encore, lorsqu'il sera surchargé de l'impôt surajouté pour le service divin; et qu'on ne dise pas que cet impôt étant moindre que la dime, il aimera mieux le payer, que de payer la dîme. Non, Messieurs : ce serait se faire illusion. Celui qui ne recueille pas assez de blé pour se nourrir toute l'année, et qui est obligé de l'acheter, -donnera plus volontiers une gerbe qui vaut 30 sous, et qu'il recueille, que 15 sous qu'il n'a pas, et qu'il ne peut se procurer qu'à force de travail et d'économie. Il mangera la gerbe et, poursuivi par le collecteur, il payera en frais plus qu'il n'aura gagné en gardant sa gerbe.
Au reste, Messieurs, ce que j'en dis ne doit pas vous faire présumer que je regrette la dîme. Les, disputes, les inimitiés qu'occasionnait sans cesse ce genre de revenu, entre le pasteur et les paroissiens, m'a toujours fait désirer sa suppression et son changement en une dotation en biens-fonds, que je crois plus utile et plus avantageuse à l'Eglise et à TEtat.
Vous savez tous, Messieurs, qu'il n'est presque aucun curé dans le royaume, qui ne soit étranger à sa paroisse, y en ayant très-peu qui parviennent à cette place dans le lieu même de leur naissance ; que, quelque zélé que soit un curé de
campagne, les fonctions du saint ministère ne l'occupent presque point dans le cours de la semaine ; excepté le temps de Pâques, il n'a d'occupation que les dimanches et fêtes, et lorsqu'il a des malades. Vous savez aussi que dans le plus grand nombre de paroisses, il est le seul homme lettré, et le seul par conséquent qui ait assez de lumières pour faire des expériences dans l'agriculture, l'encourager par ses leçons et ses exemples, et se rendre ainsi utile à une classe de citoyens intéressants, qui se conduisent toujours plutôt par la routine que par la réflexion.
Vous savez aussi que l'oisiveté est la mère de tous les vices, et qu'il faut nécessairement de l'occupation à un homme, sans quoi il devient à charge à lui-même et à la société ; que le grand apôtre, qui doit être le modèle de tous les prêtres, s'occupait au travail des mains, dans les intervalles de liberté que lui laissait la prédication de l'Évangile, et qu'il nous a recommandé cet exercice comme indispensable. Omnia ostendi vobis, quoniam sic laborantes oportet suscipere infirmos, et meminisse verbi Domini, quod dixit : Beatius est magis dare, quam accipere. Que le très-grand nombre de curés qui n'ont pas de maisons de société dans leur voisinage sont presque toute l'année occupés à courir chez leurs voisins, ou à recevoir des visites ; ce qui souvent produit les plus mauvais effets, occasionne des jalousies, des haines, des calomnies contre des personnes qui, pour faire du bien dans leur état, devraient toujours être non-seulement pures, mais à l'abri de tout soupçon.
Les travaux du saint ministère ne pouvant donc occuper suffisamment un pasteur, l'étude ne lui fournissant pas non plus un moyen suffisant, et l'agriculture" ayant des attraits et un avantage connus de tout le monde, j'ai toujours cru qu'il serait de la plus grande utilité et pour l'Eglise, et pour l'Etat, que les pasteurs eussent au moins la majeure partie de leur dotation en biens-fonds ; car outre qu'elle les attacherait davantage au sol, qu'ils pourraient faire des recherches et des expériences utiles à l'agriculture, cela les mettrait
Elus en état de secourir les pauvres dans leurs esoins... Je m'explique : tout le monde sait que les pauvres de la campagne ont plus besoin de pain que d'argent ; et si le curé est obligé de l'acheter pour lui-même, il ne le donnera pas aussi facilement que s'il a recueilli le blé. Que s'il reçoit tout son revenu en argent, il sera plus tenté par l'avarice ; que si, au contraire, 11 recueille assez de blé pour pouvoir en vendre, il le donnera de préférence à ses paroissiens, et toujours à meilleur marché qu'ils ne pourraient l'avoir au marché le plus prochain.
Vous n'entendez sans doute pas, Messieurs, donner aux propriétaires la totalité des dîmes gratuitement. Je crois que vous avez voulu soulager les pauvres, et vous le deviez ; mais je crois qu'il serait de votre sagesse d'autoriser chaque communauté à emprunter les fonds nécessaires pour faire l'achat de ce bien, et l'attribuer à l'Eglise d'une manière irrévocable.
Mais, me direz-vous, où trouver la ressource dont nous avons besoin dans le moment? La voici : d'abord, dans la suppression actuelle de tous les bénéfices qu'on appelle vulgairement simples, et qui sont, selon moi, de vrais monstres dans l'ordre de la religion, puisqu'ils ne servent le plus souvent qu'à entretenir le luxe et la mollesse de ceux qui les possèdent, et non à l'édification de l'Eglise et au soulagement des pauvres ; et si l'Esprit Saint a eu raison de nous dire, qui
non laborat, nec manducet ; homo natus ad labo-rem, sicut avis ad volatum ; je demande s'il n'est pas du devoir de l'Eglise et de l'Etat de réformer au plus tôt de pareils abus ; d'ordonner que tous ceux qui possèdent de ces sortes de bénéfices ne jouiront désormais que de ce qui sera jugé nécessaire pour leur nourriture et entretien, tel, comme je l'ai déjà dit, qu'il est prescrit par les canons de l'Eglise ; que le surplus de leur revenu sera adjugé pour les besoins de l'Etat, et qu'il sera dôclaré que désormais il n'y aura plus ni abbayes ; i prieurés simples, chapelles, etc ; que les réguliers seront obligés de se réunir dans des maisons de leur ordre, non-seulement en nombre suffisant pour faire le service divin et observer leur règle, mais autant que la communauté pourra en nourrir vu son revenu et ce que pourra produire leur travail, à moins qu'ils ne s'attachent particulièrement à l'étude ou à l'enseignement; car je vous crois trop sages et trop prudents pour vouloir les séculariser : outre que vous ne pohvez pas les dégager des vux qu'ils ont faits, il ne serait ni de votre intérêt, ni de celui de la religion et des murs, de répandre dans la société des hommes tels que les religieux de l'ordre de Cluny, qui ont eu l'imprudence de vous donner ce qui ne leur appartenait pas, et d'y mettre pour condition la réserve d'une pension beaucoup supérieure à ce qui est dû à des êtres inutiles et même nuisibles à la société, et qu'on peut comparer à ces frelons gourmands et paresseux qui vont dévorer la substance de la sage et laborieuse abeille.
Conservez cependant les religieux utiles : il en est, tels que ceux de la congrégation de Saint-Maur, celle de France, les ordres mendiants qui ont rendu et rendent encore de très-grands services à l'Eglise: ils ont trop bien mérité d'elle et de la patrie pour ne pas leur rendre la justice qui leur est due. Rappelons chacun à son devoir; que tous les hommes deviennent citoyens, que personne n'oublie qu'il se doit tout entier à Dieu et à la patrie, qu'un égoïste est un être malfaisant qu'il faut détester, s'il ne veut employer ses talents et ses moyens d'une manière utile à la société.
Ne tardons pas, Messieurs, à remettre l'ordre partout le plus tôt possible ; c'est de là que dépend le salut de la religion et de l'Etat. J'ai appris avec le plus vif regret qu'il venait de se faire une nomination de trois abbayes, dont une a été donnée à un jeune homme de vingt-deux ans (lj, et cela tandis que de respectables ministres du Seigneur ont à peine de quoi vivre, après^ avçir bien mérité pendant cinquante-six ans de l'Eglise et de la patrie (2).
Je finis, et je conclus en demandant qu après avoir déclaré que les biens de l'Eglise qui excèdent ceux qui sont nécessaires à l'entretien des autels, des ministres et des pauvres, doivent être employés au soulagement de la nation, il soit d'abord décrété qu'il sera sur-le-champ suspendu à la nomi-
nation de tous les bénéfices simples, consisto-riaux et autres;
Qu'il sera donné par le comité ecclésiastique un plan de réunion de toutes les maisons régulières de chaque ordre, afin que les religieux soient réunis en nombre suffisant des revenus pour observer leur réglé dans sa rigueur ;
Qu'il, soit déclaré qu'ils seront tous soumis à l'ordinaire et non au Pape, parce qu'il ne doit y avoir personne d'exempt de la juridiction de l'évêque dans sort diocèse, ni de celle du curé dans sa paroisse ;
Qu'il sera ordonné qtie le président se retirera devers le Roi, pour le prier d'ordonner que tous les membres du Clergé séculier et régulier, quels qu'ils soient, qui ne sont pas attachés à Paris par leur place, soient obligés de se retirer sur-le-champ de la capitale, et se rendre chacuii dans leur diocèse.
Que tous ceux qui possèdent deux bénéfices, dont un est de la valeur de 2 à 3,000 livres, soient obligés, en conformité des lois de l'Eglise, de renoncer à l'un dès deux, à plus forte raison ceux qui, comme personne ne l'ignore, en ont plusieurs d'un revenu immense ;
Qu'il sera ordonné que la dotation des bénéfices nécessaires, tels que les évêchés, chapitres et cures, sera faite en grande partie en biens-fonds, autant que les localités pourront le permettre.
Si quelqu'un se plaint de la réforme que je propose et qu'on dise qu'on attaque la propriété, je le prie de répondre à ces quatre questions : Quis? Qui llii a donné ? Quid? Que lui a-t-on donné? Cui? A qui l'a-t-on donné? Quare ? Pourquoi lui a-t-on dOiiné ? S'il veut être de bonne foi, ma réponse est faite; et s'il remplit le but, je n'ai rien à dire ; s'il est de mauvaise foi, qu'il réponde, et je m'expliquerai.
Je considère d'abord d'où proviennent les propriétés appelées biens du clergé. Qui est-ce qui a donné, qui est-ce qui a reçu, qui est-ce qui possède? Je trouve des fondateurs qui instituent, des églises qui reçoivent, des ecclésiastiques qui possèdent sous la protection de la loi. Je trouve que le droit du donateur n'est point contesté ; qu'il a stipulé les conditions de sa donation avec une partie contractant l'engagement de les remplir ; que toutes ces transactions ont reçu le sceau de la loi, et qu'il en résulte diverses dotations assignées aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres.
Je trouve alors que ces biens sont une propriété nationale, en ce qu'ils appartiennent collectivement au culte et aux pauvres de la nation.
Mais chaque bénéficier n'en est pas moins possesseur légitime, en acquittant les charges et conditions de la fondation.
Or, la possession, la disposition des revenus, est la seule espèce de propriété qui puisse appartenir au sacerdoce, c'est la seule qu'il ait jamais réclamée.
Celle qui donne droit à l'aliénation, à la transmission du fonds par héritage ou autrement, ne saurait lui convenir, en ce qu'elle serait destructive des dotations de l'Eglise ; et parce qu'elle a des propriétés effectives, il fallait bien qu'elles fussent inaliénables ; pour qu'elles ne devinssent pas excessives, il fallait bien en limiter l'étendue; mais comme l'incapacité d'acquérir n'est pas celle de posséder, l'édit de 1749 ne peut influer sur la solution de la question présente, et j'avoue qu'il
me paraît extraordinaire qu'on emploie contre le clergé les titres même conservateurs de ses propriétés, ainsi que toutes lés raisons, tous les motifs qui en composent le caractère légal.
Un des préopinartts a dit que les corps étaient âptes à acquérir, à conserver des propriétés, mais qu'elles disparaissent avec leur existence; qu'ainsi le clergé, ne formant plus un ordre dans l'Etat, ne pouvait être aujourd'hui considéré comme propriétaire.
Mais il ne s'agit point ici de biens donnés à un corps. Les propriétés de l'Eglise sont subdivisées en autant de dotations distinctes que ses ministres ont de services à remplir : ainsi, lors même qu'il n'y aurait plus d'assemblée du Clergé, tant qu'il y aura des paroisses, des évêcbés, des monastères, chacun de ces établissements a une dotation propre qui petit être modifiée par la loi, mais non détruite autrement qu'en détruisant l'établissement.
C'est ici le lieu dé remarquer t[Ue plusieurs des préopinants établissent des principes contradictoires, en tirant néanmoins lés mêmes conséquences. Tantôt> en considérant le clergé eomirte un être moral, ort a dit: les corps n'ont aucun droit réel par leur tiâture, puisqu'ils n'ont pas même de iiature propre, ainsi le clergé ne saurait être propriétaire. Tantôt on le considère comme dissous, en qualité de corps, et on dit qu'il ne peut plus posséder aujourd'hui de la même manière qu'il possédait pendant son existence politique, qui lui donnait droit à la propriété.
Enfin, un troisième opihaiit a dit, dans une suite de faits, « que le clergé n'a jamais possédé comme corps ; que chaque fondation avait eu pour objet un établissement et un service particuliers,» et cette assertion est exacte. Mais je demande si l'on peut eii conclure qu'il soit juste et utile que cet établissement, ce service et ceux qui le remplissent, Soient dépouillés de leur dotation? Or, c'est la véritable et la seule question qu'il fallait présenter, car celle de la propriété pour les usufruitiers n'est point problématique. Le clergé possède, voilà le fait. Ses titres sont sous la protection, sous la garde et la disposition de la nation ; car elle dispose de tous les établissements publics, parlé droit qu'elle a sur sa propre législation et sur le culte mêliie qti'il lui plaît d'adopter ; mais la nation n'exërcë par elle-même ni ses droits de propriété, ni cëtix de souveraineté ; et de môme que ses représentants ne pourraient disposer de la couronne t|ui lui appartient, mais seulement régler l'exercice de l'autorité et des prérogatives royales, de même aussi ils ne pourraient, sans un mandat spécial, anéantir le culte public et les dotatioiis qui lui sont assignées, mais seulement en régler mieux l'emploi, en réformer les abus, et disposer pour les besoins publics de tout ce qui së trouverait excédant au service des autels et au soulagement dës pauvres.
Ainsi, Messieurs, l'aveu du principe que les biens du clergé sont une propriété nationale n'établit point les conséquences qu'on en voudrait tirer. Et comme il ne s'agit point ici d'établir uhe vaine théorie, mais une doctrine pratique sur les biens ecclésiastiques, c'est sur ce principe même qtie je fonde mon opinion et un plan d'opérations différent de celui qui vous est présenté.
Le premier aperçu de la motion de M. l'évêque d'Àutun m'a montré plus d'avantagés quë d'inconvénients; j'avoue que dans l'embarras où nous sommes, 1,800,000,000 disponibles au profit de
l'Etat m'ont séduit ; mais un examen plus réfléchi m'a fait voir, à côté d'une ressource fort exagérée, des inconvénients graves, des injustices inévitables ; et lorsque je me suis rappelé le jour mémorable où nous adjurâmes, au nom du Dieu de paix, les membres du clergé de s'unir à nous comme nos frères, de se cbiifier à notre foi, 'j'aifrémi du sentiment ddliloureux qu'ils pouvaient éprouver et transmettre à leurs succes-* seurs, en se voyant dépouillés de leurs biens par un décret auquel ils b'auraient pas consenti.
Que cette considération, Messieurs, dans les temps orageux où nous sommes, soit auprès dé vous de quelque poids. C'est précisément parce qu'on, entend dire d'un ton menaçant : il faut tprendre les biens du clergé, que nous devons être plus disposés à lés défendre, plus circonspects ^dans nos décisions. Ne souffrons pas qu'on impute quelque jour à la terreur, à la violence, des opérations qu'uue justice exacte peut légitimer, si nous leur en imprimons le caractère, et qui seront plus profitables à l'Etat si nous substituons la réforme à l'invasion et les calculs de l'expérience à des spéculations incertaines.
La nation, Messieurs, en nous donnant ses pouvoirs, nous a ordonné de lui conserver sa religion et son Roi ; il ne dépendrait pas plus de nous d'abolir le catholicisme en France que le gouvernement monarchique ; mais la nation peut, s'il lui plaît, détruire l'uu et l'autre, non par des 1 instructions partielles, mais par un vu unanime, légal, solennel, exprimé dans toutes les subdivisions territoriales du royaume. Alors les représentants, organes de cette vdlonté, peuvent la > mettre à exécution.
Cette volonté générale rie s'est point manifestée sur l'invasion dés biens du clergé ; devons-nous la supposer, la prévenir ? Pouvons-flous résister . à une volonté contraire de ne pas ébranler les fondements du culte public ? pouvons-nous tout ce que peut la nation, et plus qu'elle ne pourrait ?
Je m'arrête à cette dernière proposition, parce ptju'en y répondant je réponds à toutes les autres.
S'il plaisdit à la nation de détruire l'Église ca~ -tholique eh France, et d'y substituer une autre religion, en disposant des biens actuels du clergé, la nation, pour être juste, serait obligée d'aVoir égard aux intentions expresses des donateurs, 'comme on respecte en toute société celle du testateur; or, ce qui a été donné à l'Eglise est, par indivis et par substitution, donné aux pauvres ; ainsi, tant qu'il y aura eu France des hommes ^[ui ont faim et soif, les biens de l'Église leUr sont substitués par l'intention des testateurs, avant .d'être réversibles au domaine national; ainsi la nation, en détruisant même le clergé, et avant de ^s'emparer de ses biens pour toute autre destination, doit assurer dans tout son territoire, et par hypothèque spéciale sur ses biens, la subsistance «fies pauvres.
Je sais que ce moyen de défense de la part du èlergé, très-légitime dans le droit, peut être attaqué dans le fait. Tous les possesseurs de bénéfices ^ne sont pas également charitables, tous ne font pas scrupuleusement la part des pauvres.
Eh bien! Messieurs, faisons-la nous-mêmes. Les pauvres sont aussi nos créanciers dans l'ordre aioral comme dans l'état social et politique. Le premier germe de corruption, dans un grand jpeuple, c'est la misère : le plus grand ennemi de Ta liberté, des bonnes murs, c'est la rriisère ; et , le derniër termede l'avilisseitient, pour un homme libre, ajarês lé crime, c'est la mendicité. Ûétrui-
sons ce fléau qui nous dégrade, et qu'à la suite de toutes nos dissertations sur les droits de l'homme, une loi de secours pour l'homme souffrant soit un des articles religieux de notre Constitution.
Les biens du clergé nous en offrent les moyens en conservant la dîme, cjùi ne peut être abandonnée dans le plan même de M. l'évêque d'Autun, et qui cesserait d'être odieuse ,au peuple, lorsqu'il y verrait la perspective d'un soulagement certain dans sa détresse
Je né développerai point ici le plan de secours pour les pauvres, tel que je le conçois dans toute son étëiidue ; je remarquerai seulement qu'en réunissant sous Un même régime, dans chaque province, les aumônes volontaires à des fonds assignés sur la perception des dîtnës, on pourrait facilement soutenir l'industrie languissante, prévenir ou soulâger l'indigence dans tout le royaume.
Et quelle opération plus importante, Messieurs, peut solliciter notre zèlë ? Cet établissement de première nécessité ne marique-t-il pas à la nation? lés lois sur les propriétés remontent à la fondation des empires, et les lois en faveur de ceux qui ne possèdent rien sont encore à faire.
Je voudrais donc lier la cause des pauvres à celle des créanciers de l'Etat, qui auront une hypothèque encore plus assurée sur l'aisance générale du peuplé français que sur les biens-fonds du clergé, et je voudrais surtout que les sacrifices à faire par ce corps respectable fussent tellement compatibles avec la dignité et les droits de l'Église, que ses représentants pussent y consentir librement.
Ces sacrifices deviennent nécessaires pour satisfaire à toùs les besoins qui nous pressent, et je mets au premier rang de ces besoins le secours Urgent à donner à la multitude d'hommes qui manquent de subsistance.
Ces sacrificés sont indispensables sous un autre rapport : si la sévérité des réformes ne s'étendait que sur le clergé, ce serait un abus de puissance révoltant ; mais lorsque les premières places de l'administration et de l'armée seront réduites à des traiteinepts thodérés, lorsque les grâces non méritées, les emplois inutiles seront réformés, le clergé n'a point a se plaindre de subir la loi commune, loi salutaire, si nous voulons être libres.
Enfin, ces sacrifices sont justes; car au nombre des objections présentées contre le clergé, il en est d'une granue importance : c'est la compensation de l'impôt, dont il s'est affranchi pendant nombre d'années.
La liberté, Messieurs, est une plante précieuse qui devient un arbre robuste sur un sol fécondé par le travail et la vertu, mais qui languit et périt entre le luXe et la misère. Oui, certes, il faut réformer nos murs encore plus que nos lois, si nous voulons conserver cette grande conquête.
Mais s'il est possible, s'il est raisonnable de faire dès à présent dans l'erhploi des biens ecclésiastiques d'utiles réformes, de dédoubler les riches bénéfices accumulés sur une même tête, de supprimer les abbayes à mesure qu'elles vaqueront* de réduire le nombre des évêchés, des chapitres, des monastères, des prieurés, et de tous les bénéfices simples, l'aliénation générale des biens du clergé me paraît absolurnent impossible. J'estime qu'elle ne serait ni juste, ni utile.
Si l'opération est partielle et successive à mesure des extinctions ou des réunions, je n'entends pas comment elle remplirait le plan de M. l'évêque
d'Autun, comment pourraient s'effectuer le remplacement de la gabelle, le remboursement des offices de judicature, celui des anticipations, des payements arriérés qui exigent, pour nous mettre au courant, une somme de 400 millions. J'estime que toutes les ventes partielles et successives ne pourraient s'opérer en moins de trente années, en ne déplaçant pas violemment les titulaires et les usufruitiers actuels, et en observant de ne pas mettre à la fois en circulation une trop grande masse de biens-fonds, ce qui en avilirait le prix.
L'opération sera-t-elle générale et subite ? Je n'en conçois pas les moyens, à moins de congédier à la fois tous les bénéficiers, tous les religieux actuels, en leur assignant des pensions. Eh ! qui pourrait acheter? Comment payer une aussi grande quantité de biens-fonds? On recevra, dit-on, les porteurs de créances sur le Roi ; mais on ne fait pas attention qu'aussitôt que la dette publique sera consolidée, il n'y aura point de capitaux plus recherchés, parce qu'il n'y en aura pas de plus productifs; ainsi, peu de créanciers se présenteront comme adjudicataires.
Croit-on d'ailleurs que la liquidation des dettes de chaque corps ecclésiastique n'entraînera pas des incidents, des oppositions et des délais dans les adjudications, et que l'adoption d'un tel plan n'occasionnera pas très-promptement la dégradation de ces biens, par le découragement qu'éprouveraient les propriétaires, fermiers, exploitants actuels?
Si dans ce système il n'y avait ni difficulté, ni injustice, relativement au clergé, c'en serait une, Messieurs, que de faire disparaître le patrimoine des pauvres, avant de l'avoir remplacé d'une manière certaine.
Qu'il me soit permis de rappeler ici toute la rigueur des principes ; pouvons-nous anéantir cette substitution solennelle des biens de l'Eglise en faveur des pauvres ?
Pouvons-nous, sans être bien surs du vu national, supprimer généralement tous les monastères, tous les ordres religieux, même ceux qui se consacrent à l'éducation de la jeunesse, aux soins des malades, et ceux qui par d'utiles travaux ont bien mérité de 1 Eglise et de l'Etat? Pouvons-nous, politiquement et moralement, ôter tout espoir, tous moyens de retraite à ceux de nos concitoyens dont les principes religieux, ou les préjugés ou les malheurs, leur font envisager cet asile comme une consolation ?
Pouvons-nous et devons-nous réduire les évê-ques, les curés, à la qualité de pensionnaires? La dignité éminente des premiers, le ministère vénérable des pasteurs, n'exigent-ils pas de leur conserver, et à tous les ministres des autels, les droits et les signes distinctifs de citoyens, au nombre desquels est essentiellement la propriété ?
Je crois, Messieurs, être en droit de répondre négativement à toutes ces questions.
1° L'aliénation générale des biens du clergé est une des plus grandes innovations politiques, et je crois que nous n'avons ni des pouvoirs, ni des motifs suffisants pour l'opérer.
On vous a déjà représenté qu'une guerre malheureuse, une invasion de l'ennemi, pourrait mettre en péril la subsistance des ecclésiastiques, lorsqu'elle ne serait plus fondée sur des immeubles, et cette considération doit être d'un grand poids, relativement à l'Eglise, et relativement aux pauvres qui lui sont affiliés.
On objecte que l'état ecclésiastique est une profession qui doit être salariée comme celle de magistrat, de militaire ; mais on oublie que
ces deux classes de citoyens ont assez généralement d'autres moyens de subsistance; que les soldats réduits à leur paye n'en sauraient manquer tant qu'ils sont armés.
Mais quelle sera la ressource des ministres des autels, si le Trésor public est dans l'impuissance de satisfaire à tout autre engagement qu'à la solde de l'armée? et combien de chances malheureuses peuvent momentanément produire de tels embarras!
2° En vendant actuellement tous les biens du clergé, la nation se prive de la plus-value graduelle qu'ils acquerront par le laps de temps, et elle prépare, dans une proportion inverse, l'aug-, mentation de ses charges.
3° Je doute que l'universalité du peuple français^ approuve l'anéantissement de tous les monastè'res ' sans distinction. La réforme, la suppression des ordres inutiles, des couvents trop nombreux, est " nécessaire ; mais peut-être que chaque province et même chaque ville désirera conserver une ou deux maisons de retraite pour l'un et l'autre sexe.
4° Il est impossible que chaque diocèse ne conserve au moins un séminaire, un chapitre, et une maison de repos pour les curés et les vicaires* qui ne peuvent continuer leur service.
Si on ajoutait à toutes ces considérations celle» de l'augmentation nécessaire des portions congrues, et enfin, s'il vous paraît juste, comme je le pense, de ne déposséder aucun titulaire, non-seulement la vente générale des biens du clergé j devient actuellement impossible, mais même dans aucun temps il ne serait profitable d'en aliéner , au delà d'une somme déterminée, que j'estime éventuellement au cinquième ou au quart; et le remplacement de cette aliénation doit être rigou- ' reusement fait au profit des pauvres dans des temps plus heureux; car selon tous les principes de la justice, de la morale et du droit positif, les biens du clergé ne sont disponibles que pour le culte public ou pour les pauvres.
Si ces observations sont, comme je le crois, démontrées, il en résulte :
1° Que, quoique les biens du clergé soient une^ propriété nationale, le Corps législatif ne peut, sans un mandat spécial, convertir en. pension-, naire de l'Etat une classe de citoyens que la volonté intérieure et spéciale de la nation a rendus possesseurs de biends-fonds, à des charges et conditions déterminées.
2° Que l'emploi de ces biens peut être réglé par le Corps législatif, de telle manière qu'ils remplissent le mieux possible leur destination, qui est le culte public, l'entretien honorable de ses ministres et le soulagement des pauvres. *
3° Que si, par la meilleure distribution de ces biens et par une organisation mieux entendue du corps ecclésiastique, les ministres de l'Eglise peuvent être entretenus et les pauvres secourus, de ma-' nière qu'il y ait un excédant, le Corps législatif peut en disposer pour les besoins pressants d l'Etat.
Maintenant, Messieurs, la transition de ces ré-^ sultats à une opération définitive sur les biens du clergé est nécessairement un examen réfléchi des établissements ecclésiastiques actuellement subsistants, de ce qu'il est indispensable d'en. conserver, de ce qu'il est utile de réformer.
Il faut ensuite fixer les dépenses du culte et dg. l'entretien des ministres, proportionnellement a' leur dignité, à leur service, et relativement encore à l'intention qu'ont eue les fondateurs des divers bénéfices. Cette fixation déterminée doi être comparée aux biens effectifs du clergé, leu
produit en terres, rentes, maisons, et à leurs charges d'après des états authentiques.
Alor3, Messieurs, après un travail exact et un classement certain des rentes et des dépenses, des individus, des établissements conservés, après avoir assigné, dans de justes proportions, ce qu'il est convenable d'accorder aux grandes dignités et aux moindres ministères de l'Eglise, ce qui doit être réservé dans chaque canton pour l'assistance des pauvres ; alors seulement vous connaîtrez tout ce que vous pouvez destiner aux besoins de l'Etat; mais ils soot actuellement si pressants, que j'ai cru pouvoir, par des opérations provisoires, déterminer une somme de secours, soit pour les pauvres, soit pour les dépenses publiques.
En estimant à 160 millions, y compris les dîmes, le revenu du clergé, je pense que les réformes, suppressions et réductions possibles permettent de prélever une somme annuelle de 30 millions pour les pauvres, et une aliénation successive de 400 millions d'immeubles, qui serait, dès ce moment-ci, le gage d'une somme pareille de crédit ou d'assignation.
Cette ressource étant estimée suffisante, d'après K le rapport du comité des linances, pour éteindre toutes les anticipations et arrérages de payement, et la balance étant ainsi rétablie avec avantage entre la recette et la dépense, la vente des domaines libres et la surtaxe en plus-value de ceux engagés faciliteraient tous les plans d'amélioration dans le régime des impôts, et suffiraient en partie au remboursement des offices i de judicature.
Je résumerai donc dans les articles suivants les dispositions que je crois actuellement praticables, relativement aux biens du clergé.
J'observe que je n'entre dans aucun des détails qui doivent être l'objet du travail de la commission ecclésiastique, tels que l'augmentation indispensable des portions congrues; mais on concevra qu'elle ne peut s'effectuer actuellement que par des réductions sur les jouissances des grands bénéficiers.
La manière d'opérer ces réductions ne doit point être arbitraire ni violente ; il me semble que, sans déposséder aucuns titulaires, on peut établir des fixations précises de revenus pour toutes les classes du ministère ecclésiastique, et tout ce qui excéderait cette fixation sera payé en contributions, soit pour le Trésor public, soit pour toute autre destination.
Articles proposés.
Art. 1er. Les biens du clergé sont une propriété
nationale dont l'emploi sera réglé conformément à sa destination, qui est le service
des autels, l'entretien des ministres et le soulagement des pauvres.
Art. 2. Ces objets remplis, l'excédant sera consacré aux besoins de l'Etat, à la décharge de la classe la moins aisée des citoyens.
Art. 3. Pour connaître l'excédant des biens du clergé disponible et applicable aux besoins publics, il sera formé une commission ecclésiastique, à l'effet de déterminer le nombre d'évèchés, cures, chapitres, séminaires et monastères qui doivent être conservés, et pour régler la quantité .de biens-fonds, maisons et revenus qui doivent être assignés à chacun de ces établissements.
Art. 4. Tout ce qui ne sera pas jugé utile au service divin et à l'instruction des peuples sera supprimé, et les biens-fonds, rentes, mobiliers
¦EMENTAIRES. [13 octobre 1789.] 437
et immeubles desdits établissements seront remis à l'administration des provinces dans lesquelles ils sont situés.
Art. 5. En attendant l'effet des dispositions précédentes, et pour y concourir, il sera sursis à la nomination de toutes les abbayes, canonicats et bénéfices simples, dépendant dès collateurs particuliers, jusqu'à ce que le nombre des chapitres et celui des prébendes à conserver soit déterminé.
Art. 6. Il est aussi défendu à tous les ordres religieux des deux sexes de recevoir des novices, jusqu'à ce que chaque province ait fait connaître le nombre de monastères qu'elle désire conserver.
Art. 7. La conventualité de chaque monastère de l'un et de l'autre sexe sera fixée à douze pro-fès, et il sera procédé à la réunion de toutes les maisons d'un même ordre, qui n'auront pas le nombre de profès prescrit par le présent article; les maisons ainsi vacantes par réunion seront remises à l'administration des provinces.
Art. 8. Tous les bâtiments et terrains, autres que ceux d'habitation, non compris dans les biens ruraux des églises, monastères, hôpitaux et bénéfices quelconques seront, dès à présent, vendus par les administrations provinciales, et il sera tenu compte de leur produit, à raison de 5 0/0, à ceux desdits établissements qui seront conservés : le prix des immeubles ainsi vendus sera conservé dans la caisse nationale ; et lors de l'extinction des rentes consenties pour raison desdites aliénations, la somme en sera employée à la décharge des contribuables de la même province qui auront moins de 100 écus de rente.
Art. 9. Aucun autre bien vacant par l'effet des dispositions ci-dessus ne pourra être mis en vente jusqu'à ce qu'il ait été pourvu dans chaque province à la dotation suffisante de tous les établissements ecclésiastiques, à l'augmentation des portions congrues, et à la fondation, dans chaque ville et bourg, d'une caisse de charité pour le soulagement des pauvres.
Art. 10. Aussitôt qu'il aura été pourvu à toutes les dotations et fondations énoncées ci-dessus, les dîmes dont jouissent les différents bénéficiers cesseront de leur être payées, et continueront jusqu'à nouvel ordre à être perçues par les ad ministrations provinciales, et municipales en déduction des charges imposées aux classes les moins aisées des citoyens.
Art. 11. Il sera prélevé sur le produit des dîmes et des biens du clergé réunis aux administrations provinciales une somme annuelle de 26 millions pour faire face aux intérêts delà dette ancienne du clergé, et d'un nouveau crédit de 400 millions, lequel sera ouvert incessamment, avec hypothèque spéciale sur la totalité des biens ecclésiastiques.
Un membre demande que M. le président soit autorisé à écrire à la municipalité de Paris pour qu'elle donne des ordres aux barrières afin de laisser entrer librement les effets de MM. les députés. Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à quatre heures et demie.
Séance du
La séance commence par l'annonce de la nomination des officiers du comité militaire qui sont :
MM. le Vicomte de Panat, président.
Le marquis de Rostaing, vice-président.
Dubois de Crancé Emmery
secrétaires.
On fait lecture du procès-verbal de la séance de lundi soir.
Un de MM. les secrç taires fait lecture des adresses ci-après :
D'une délibération de la ville de Sisteron en Provence, par laquelle elle adhère sans restriction à tous les arrêtés de l'Assemblée nationale, et rectifie formellement la renonciation faite par les députés de la province à tous ses privilèges ; et dans le cas auquel la province s'opposerait à pette renonciation, la commune de Sisteron déclare qu'elle cherchera à se distraire du comté de Provence, et invitera toutes les communautés de la Vigqerie à se réunir à elle pour demander à être unies à la province de ûauphiné.
Des délibérations de la ville de Saint-Maxim in, de la communauté de Brignolle, de la ville de Castellane, de celle de Saint-Paul, chef de viguerie, de la communauté de Barjoles, de la ville d'Apt, de celle de Tarascon, de celle de Digne, de celle de Lambesc, de celle dePertuis, de celle de Seyne, de celle de Saint-Remy, de la communauté de Pignans, de celle des Mées, de celle de Trets, de celle de Valette, de celle deSaint-Gésaire, decellede la Verdière, de celle de Levens, de celle de Gassin, de celle de Bras, de celle de Fos-Amphoux, de celle de d'Albicso, de celle de Rqumoules,-de celle de Tborame-Basse, de celle de Saint-!ulien-le-Montfignier, de celle de Cassis, de celle de Lespennes, de celle d'Eyrague, de pelle de Levernégues, de celle de Cotignac, celle de Bégusse, 4e celle de Bausset, de celle de Barge-mont, de celle de Grimaud, de celle de Varages, de celle de Carcès, de celle de Bézaudun, de celle de Silionnet, t}e celle de Barles, de celle de Verdaches, de celle de Monclaf, de celle de Malvaux, de la ville de Vence, de la communauté de Pierrefeu, de celle de Neoules, de celle de Peyroules, de celle d'Allons, de la ville de Spnez, de J(a communauté Dubraye, de celle 4e Moriès, de celle de la Martre, de celle de Vergons, 4e celle de Venelles, de celle de Quinson, de celle de Ginasservis, de celle de Bonnes, de celle (le la Giotat, de celle d'Entrecasteaux, de ce(lp de Roquebrussanne, de celle de Lourmarin, 4e celle d'Estoubjon, de celle de Montagnac, de celle de Biot, de celle de Bourmont, de celle de Noves, de pelle dé Gfan's, de celle de Signes, de celle de C^nsenos, dé ceUe de Saint-Andiel, de celle de Vâllauris, de celle de Camdumy, de celle d'Artignosc, de celle 4e Saint-JNazaire,c(é celle de Mezoargues, decelle de Puyvert, de celle de Bau-dinard, de celle de Tavernes, de celle de Château-Renard, de celle d'Eynières, de celle 4e Maillanne, de celle d'Aubagne, de celle de la Cadière, de celle de Lançon, de celle de Rians, de celle de Pour-Cieux ;
Toutes lesdites villes et communautés de Provence ratifient la renonciation faite par les députés de leur province à ses droits et privilèges particuliers, et cependant se réservent d'obtenir une convocation générale du pays de Provence, immédiatement après que l'Assemblée nationale aura établi la Constitution du Royaume et celle des provinces, formé les tribunaux de justice, afin de délibérer suf l'adoption qu'elle devnj en faire, à raison des avantages qu'elles lui présenteront.
Des déclarations de lanoblessedes sénéchaussées de Draguignan et Castellane en Provence, par lesquelles elles approuvent le vu de leurs députés aux arrêtés de l'Assemblée nationale, aux arrêtés du 4 août ; d'une adresse de félicitations delà ville de Rieumes, des délibérations delà communauté de Colonzelle, de celle de Montregur, de celle de Salles, 4e celle deChantemerle, delà villedeGrignan en Provence, par lesquelles elles adhèrent purement et simplement aux arrêtés 4e l'Assemblée nationale du 4 août, notamment à celui relatif à l'a- bandon des privilèges des provinces, désirant ne faire qu'un corps avec le reste du Royaume ;
D'une adresse de félicitations des habitants de la ville de Rugles, lesquels instruisent l'Assemblée que le peuple ne connaît plus de subordination, et qu'on dirait que le despotisme le plus cruel ( est tombé dans les mains d'une multitude effrénée ; ' ils atten4ent de l'Assemblée un prompt remède à leurs maux ; d'une délibération de la ville du Buis en Dauphiné, qui adhère à celle prise par la ville de Romans au sujet du payement des impositions, et adhère encore à tous les arrêtés de l'Assemblée nationale;
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de l'Arbresle dans le' Lyonnais, qui demande une justice royale;
D'une adresse des habitants de la ville de Pau, ¦ capitale du Béarn, contenant félicitations, remerciement et adhésion la plus entière à tous les arrêtés de l'Assemblée nationale ;
D'une déli bération de la communauté de Recey, où elle exprime le respectueux dévouement dont elle est pénétrée envers le Roi et la nation. Elle « supplie l'Assemblée de la faire rentrer dans la jouissance d'un bpis considérable qu'elle a vendu aux Chartreux de Lugny à vil prix, offrant à ' l'Assemblée, pour l'extinction des dettes de l'Etat, la valeur de la coupe desdits bois ;
D'une adresse, de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Pithiviers en Beauce, qui demande une justice royale ;
D'une adresse des officiers municipaux de la ville de Gannat en Bourbonnais, contenant un arrêté du Ier octobre pour assurer la perception i des impôts, et maintenir l'ordre et la tranquillité publique. Ils prient l'Assemblée de le recevoir comme l'hommage du profond respect et du dévouement le plus absolu aux décrets de l'Assemblée nationale ; d'une délibération de la ville de Lons-le-Saunier en Franche-Comté, par laquelle elle adhère au décret de l'Assemblée nationale, qui soumet chaque citoyen à donner le quart de,, son revenu pour venir îiu secours de l'Etat, àcondition , et non autrement: 1° Que les arrêtés du 4 août, ou du moins les lois qui seront faites en conséquence, seront envoyées dans tops les tribunaux, pour y être publiées et enregistrées ;
2° Que la Constitution sera achevée et acceptée par le Roi, telle qu'elle lui aura été présentée;
3° Enfin, que la perception de la contribution^ du quart du revenu sera faite sans frais, les receveurs ordinaires des impositions devant à cet effet m fournir leur soumission ; sinon il sera permis aux municipalités 4'en faire elles-mêmes le recouvrement et le versement euj Trésor national ;
D'une adresse de la cpminunauté des habitants d'Epône, 4e félicitations à l'Assemblée nationale, et adhésion à tous les décrets qu'elle a rendus . jusqu'à présent. Ces habitants réclament les secours de l'Assemblée pour l'incendie de six maisons, arrivé le 16 septembre, et sa protection contre M. Hérault, seigneur du lieu, et son garde.
Et enfin, d'une adresse de la commiinauté de la ville de Bar-sur-Aube en Champagne, par laquelle les habitants déclarent qu'ils adhèrent aux décrets de l'Assemblée nationale, et à la contributîpp du quart de ses revenus.
M. Costel, député du clergé de Sens, et M. Martin, député de Béziers, ayant demandé des passe-ports, M. le Président a été autorisé à les leur accorder.
On a passé ensuite à la lecture des dons patriotiques qui seront inscrits dans le registre destiné à cet effet.
Plusieurs communautés d'Alsace adressent à l'Assemblée nationale une délibération qui est ainsi conçue:
« L'an mil sept cent quatre-vingt-neuf, le cinquième du mois d'octobre, nous, les syndics préposés et municipalités, ainsi que les citoyens notables en grand nombre des villes et communautés du bailliage de Benfeld, soussignés, nous sommes assemblés en l'église des R. P. récollets, à Ehly, où étant, l'un de nous nous aurait informés que le retard du payement des revenus publics, et le discrédit des finances du royaume menaçaient l'Etat des plus grands dangers, s'il n'y était promptement pourvu, et que cette considération a déterminé l'Assemblée nationale, par son décret du vingt-sixième septembre dernier, à accepter de confiance le plan proposé par le premier ministre des finances, qui consiste à faire payer, une fois chaque citoyen, le quart de ses revenus annuels, pour procurer à l'Etat le moyen de faire face à ses charges dans ce moment de crise.
« Nous avons pensé qu'il serait convenable, dans ces circonstances, de témoigner à l'Assemblée nationale, dont nous admirons depuis longtemps les travaux en silence, notre adhésion à tous ses décrets, et notre respectueuse reconnaissance pour tout le bien qu'elle a déjà fait à la nation; en conséquence nous avons unanimement décidé de prier M. Kaufman, l'un de nos députés, de présenter notre hommage à l'Assemblée nationale, de l'assurer de notre parfait et lihre consentement à tous les décrets qu'elle a rendus et rendra encore par la suite; particulièrement à ceux du 4 août dernier et jours suivants, par lesquels l'Alsace se trouve entièrement unie et incorporée à la France, en détruisant lespriviléges qui, spus certains rapports, nous faisaient encore regarder comme habitants d'une province étrangère. Nous le prions d'assurer l'Assemblée que nous noqs faisons gloire d'être Français, et de donner en toute occasion les preuves de notre sincère attachement à Ja nation que nous considérons comme la première du monde entier.
« Nous avons à l'instant unanimement prêté le serment de vivre et mourir Français, d'aimer la France, notre patrie commune, et de regarder tous les Français comme nos concitoyens et frères, membres d'une seule et même famille, et les traiter ainsi en toute occasion, de défendre leurs droits comme les nôtres, et leur bien-être comme le nôtre.
« Non-seulement nous approuvons et confirmons de tout notre pouvoir le décret de l'Assemblée nationale, du vingt-sixième septembre, concernant l'impôt du quart, mais désirons donner à la patrie toutes les marques de notre attachement, et du désir de contribuer au bien commun ; nous avons résolu de lui faire hommage d'une contribution volontaire, bien inférieure, à la vérité, à nos sentiments pour elle, mais proportionné à nos faibles moyens.
« Etant informés que l'Assemblée nationale avait
intention d'ordonner des rôles particuliers pour imposer les ci-devant exempts, pour les six derniers nqois de la présente année, et de faire tourner au profit des habitants le montant de ce rôle, en les diminuant d'autant dans les impôts ; nous avons unanimement et par acclamation générale, résolu d'offrir le montant du rôle à faire par lesdits exempts, en don patriotique à l'Etat et de paver néanmoins nos cotes entières dans les impots, sans diminution pour la présente année et sans vouloir profiter de la contribution des exempts pour les six derniers mois.
« Les préposés, syndics et municipalités des villes et communautés du bailliage de Benfeld avec l'agrément et consentement de tous les habitants, qu'ils ont préalablement pris, font l'offre et la soumission de payer incessamment, par contribution volontaire de leurs revenus et biens communaux, les sommes suivantes :
« Savoir : la ville de Benfeld, la somme de mille livres, eq effet royal, portant intérêt, ci. .... 1,000 livres.
« La ville de Rhinauoffre de ses revenus communaux, en don patriotique, la somme de douze cents livres, en témoignant ses regrets de ne pouvoir faire plus, à cause des dégâts que le Rhin lui cause cette année, ci............1,200
« La communauté de Stotzheim offre de ses revenus communaux une somme de six cents livres, ci. 600
« La cqmmunautéd'Ebersmtinster n'ayant pas suffisamment de revenus pour ses charges ordinaires,offre une somme de deux cents livres de la part des bourgeois du lieu, ci............. 200
« LacommunautédeFriesenheim offre de ses biens communaux une somme de trois ceqts livres, ci. . 300
« La communauté de Northausen offre de ses biens communaux une somme de mille livres, ci.....1,000
« La communauté de Kertzfeld offre de ses biens communaux une somme de six cents livres, ci........ 600
« La communauté de flilsen-heim offre de ses biens communaux une somme de quinze cents livres,ci...............1,500
« La communauté de Htittenheim offre de ses biens communaux une somme de mille livres, ci.....1,000
« La communauté de Matzenheim offre de ses biens communaux une somme de quatre cents livres, ci. 400
« La communauté de Herbsheim offre de ses biens communaux une pareille somme de quatre cents livres, ci............. 400
« La communauté de Sand offre de ses biens communaux une somme de quatre cents livres, ci..... 400
« Les bourgeois du bailliage de la ville de Mittilbergheim offrent trente livres, ci......... 30
« La communauté de Kogenheim offre de ses biens communaux une somme de six cents livres, pi. . . 600
« Les bourgeois du bailliage de la
A reporter..... 9,230 livres
Report......... 9,230 livres.
communauté deItterswiller offrent soixante livres, ci........ 60
« La communauté de Sermersheim offre de ses biens communaux une somme de sept cents livres, ci ..... 700
« La communauté de Rossfeld offre de ses biens communaux une somme de quatre cents livres, ci . 400
« La commuuauté de Bindern-hein offre de ses biens communaux une somme de cent livres, ci........ 100
Total........ 10,490 livres.
« Lesquelles offres patriotiques nous prions M. Kaufman de présenter et faire agréer par l'Assemblée nationale.
« Ainsi délibéré le jour et les jours suivants du mois et an que dessus, et a été le présent procès-verbal déposé au greffe du bailliage de Benfeld , signé à l'original , Hoffman , Xavier Hirstel, syndic avec paragraphe ; Jacob Stam-mel, Jean-Michel Sigrist, François-Joseph Walter, Ignace Walter, prévôt; Jean Ritter, M. Kieffer, Kauffman, prévôt deRhinau, avec paragraphe; Paul Oberlé, François-Antoine Schmitt, Jean-Georges Schmitt, Pierre Kieffer, syndic; François Joseph Herth, prévôt; François-Joseph Rohmer, André Fels, Pierre Herth, Georges Heimb, syndic; Sigismond Loos, Bechtel, syndic; Kretz, prévôt; Bechtel, syndic ; Sébastien Schmitt, Michel Juin, Lieber Vogl, Christophe Fritsch, syndic ; F. J. Andlaner, André Sohler, Mathias Millier, François Millier, Jean Ritter, Jean-Martin Ringeissen, et Stackler, avec paragraphe.
« Pour copie, Kaufman, député de l'Assemblée nationale. »
L'Assemblée ordonne l'impression de cette adresse, et autorise M. le président à témoigner à ces communautés les sentiments de sensibilité dont est animée l'Assemblée nationale.
Offre patriotique de M. Salmon, de 6,000 livres, à prendre sur un bénéfice du diocèse de Rodez. La fille de M. Destagnoles, âgée de douze ans, qui veut garder l'anonyme, donne sa montre. M. le président observe que la demoiselle lui a défendu de la nommer, mais qu'il croit pouvoir nommer son père.
annonce ensuite que la commune de Paris vient d'envoyer au comité des recherches un paquet qui contient des pièces d'un intérêt si pressant, qu'il serait important d'avoir ce soir même une décision à ce sujet.
Un nouveau comité des recherches qu'il s'agissait de nommer, ne l'étant pas encore, l'ancien comité est chargé d'examiner sur-le-champ ce paquet.
représentent la nécessité de supprimer le comité des subsistances ; ils appuient cette motion sur le peu d'utilité dont ce comité a été jusqu'à présent, et sur les entraves qui ont presque toujours arrêté les opérations.
exposent que, malgré les décrets multipliés de l'Assemblée nationale, malgré sa sollicitude continuelle pour la subsistance du peuple, les blés sortent toujours abondamment par les frontières ; qu'il résulte de cette
infraction aux décrets que la circulation dans l'intérieur est interrompue par la prudencesi naturelle qui détermine les provinces voisines des provinces frontières à ne pas livrer à ces dernières les blés que les provinces frontières ne consomment pas, et qui passent à l'étranger.
Les députés de presque toutes les provinces frontières rendent compte des lettres par lesquelles leurs commettants certifient les faits énoncés par les préopinants.
dénonce les agents du pouvoir exécutif qui sont chargés de surveiller l'exécution des décrets de l'Assemblée; il demande qu'il leur soit ordonné de les exécuter avec exactitude, et adopte la proposition de supprimer le comité de subsistances, comme le seul moyen d'ôter aux ministres les prétextes dont ils pourraient couvrir leur négligence.
Cette motion importante pour le peuple, et qui tient à l'existence politique du royaume et à celle de l'Assemblée, est très-peu controversée, et le comité des subsistances est supprimé.
Plusieurs membres proposent de renouveler par un décret les dispositions de l'Assemblée sur les subsistances.
représente que le dernier décret de l'Assemblée à ce sujet est des premiers jours de ce mois;iî pense qu'il faut se borner aujourd'hui à charger le président de suivre de jour à autre, vis-à-vis du pouvoir exécutif, l'exécution des décrets.
Cet avis est adopté.
rend compte, au nom du comité des recherches, de l'objet du message des représentants de la commune de Paris.
La commune de Paris, empressée à découvrir le fil d'un complot fait contre les citoyens, se trouve embarrassée dans ses recherches par le respect dû jusqu'à ce moment à des lieux dits privilégiés; elle ne croit pas devoir prendre un parti sans être autorisée par l'Assemblée nationale. Le comité pense que, lorsqu'il s'agit de la sûreté publique, il n'y a point de lieux privilégiés.
Les lieux privilégiés sont le scandale de la société.
Tous les lieux sont privilégiés ou aucun ne l'est, mais l'exercice des droits des citoyens doit céder au salut de l'État.
Un membre observe qu'il pourrait y avoir quelques lieux privilégiés en vertu de traités passés avec les puissances étrangères.
Cette observation ayant été retirée, la déclaration passe sans amendement.
Un membre du comité des subsistances fait lecture d'un projet d'adresse aux peuples.
L'Assemblée renvoie ce projet au comité de rédaction.
lève la séance, après avoir indiqué celle de demain, 14octobre, à neuf heures du matin.
PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU.
Séance du
consulte l'Assemblée sur plusieurs passe-ports demandés: ils sont accor-dés.
L'une de ces demandes était faite par M. le duc d'Orléans. Un billet de M. Saint-Priest au président annonce que les bureaux de ce ministre sont occupés à expédier à la hâte des instructions que M. le duc d'Orléans doit emporter en Angle-, terre pour y remplir une commission qui lui est confiée par le Roi. Le motif de la demande de M. le duc d'Orléans ainsi énoncé, le passe-port est accordé §an? difficulté.
, curé de Poitou, demande un passe-port pour un mois.
, député de la même province, demande que son suppléant le remplace, parce que la province a le plus grand intérét à être représentée.
L'Assemblée décide que l'absence du curé ne donnera pas lieu à l'admission d'un suppléant.
On lit une requête de M. Marat, arrêté comme auteur d'une diatribe indécente contre l'Assemblée nationale et M. Necker, et qui demande la liberté.
observe que la ville de Paris, qui a fait emprisonner l'auteur, suit cette affaire, et qu'il est inutile de s'occuper de cette requête.
L'Assemblée prononce un renvoi au comité des rapports.
rend compte d'une lettre écrite par deux Anglais qui se plaignent de ce que, dans un pays de liberté, il est impossible à des hommes libres de se transporter d'un lieu à ' un aulre, et même de savoir quels sont les motifs qui déterminent à leur refuser cette liberté.
L'Assemblée charge M. le président d'écrire aux représentants de la commune de Paris, pour qn'ils aient à laisser partir ces deux Anglais, s'il n'y a pas de raisons particulières pour les » retenir.
On allait passer à l'ordre du jour, lorsque
a observé que, quoiqu'il fût important de discuter le principe relatif à la propriété des biens du clergé, il devait paraître d'un intérêt bien plus pressant de s'occuper de l'établissement des municipalités.
L'Assemblée adopte celte opinion, et l'ordre du . jour est ainsi changé.
, après avoir représenté que la division par carrés, proposée par le comité de Constitution, est impraticable; après avoir établi l'inutilité et le peu de justesse de la base de l'étendue, propose un travail dans lequel les départements sont inégaux et relatifs aux localités. Il donne le détail de cette - division, qui ne change rien aux limites actuelles des provinces ; il divise chaque provinces en petites parties; chaque petite division sera véri-éepar les députés de cette division, puis par ceux decinq divisions réunies; une nouvelle vérification
se fera ensuite par les députés de vingt-cinq divisions, puis enfin par ceux de la province entière. Ainsi, dans un mois, vous pouvez avoir un premier cadastre plus parfait qu'il ne pourrait l'être après huit ans d'un travail ordinaire. M. Aubry demande qu'il soit nommé un comité pour faire la vérification du plan qu'il propose, et qu'un plan géographique sur lequel les divisions sont tracées soit imprimé.
Ce qu'il y a de plus instant, c'est d'établir les principes d'après lesquels les municipalités des villes et des campagnes se formeront; il faut donc examiner d'abord ceux des articles du comité de Constitution qui y ont rapport.
pense que le premier principe à décréter dans cette vue est celui qui établira les qualités nécessaires pour être électeur ou éli-gible dans les municipalités.
Il est impossible de séparer les municipalités du plan général. Pour savoir dans chaque canton combien il y aura de municipalités, il faut savoir auparavant combien il y aura de cantons. Je me réfère, d'après ce motif, à l'avis de M. Defermont.
établit la nécessité de former des municipalités, et propose un moyen très-prompt de déterminer le nombre des officiers municipaux; il faut pour cela connaître le nombre des habitants de chaque ville et village, et ce nombre est exactement déterminé par des états envoyés à M. Necker par tous les curés du royaume : il est très-possible de consulter sur-le-champ ces états.
M. l'abbé Gouttes représente aussi la nécessité de conserver l'unité des provinces; la sienne a des dettes considérables, supportées par la province entière; d'autres par des diocèses, des sénéchaussées, des communautés, et la division de cette province jettera dans le plus grand embarras pour la liquidation de ces dettes.
Si l'on veut organiser un état provisoire d'administration qui puisse se mettre en activité, il faut donc examiner d'abord si l'on adoptera telle ou telle division établie sur des principes géométriques et subordonnés aux considérations qui seraient communiquées par les députés de chaque province.
On ne pourrait sans doute établir les municipalités sans avoir déterminé les assemblées provinciales avec lesquelles elles correspondront ; il faut donc adopter d'abord une division générale quelconque.
pense qu'il ne faut statuer sur aucun point que nous n'ayons consulté nos commettants et reçu leur réponse.
Le premier soin doit être de statuer sur la manière dont les éléments seront formés : les circonstances rendent cette détermination indispensable. On ne peut prévenir de grands maux que par l'établissement d'un corps légal dans chaque ville. Il serait donc à propos de déclarer d'abord par un décret de principes, que les villes ont le droit de nommer leurs chefs elles-mêmes. Cet article une fois décidé, vous aurez fait la plus grande besogne.
appuie cette motion, en y mettant toutefois pour amendement qu'en attendant que l'Assemblée ait réglé l'organisation des assemblées municipales, chaque ville est autorisée à se former provisoirement une municipalité.
fait plusieurs observations sur les changements survenus depuis quelque temps dans l'ordre du jour. 11 développe les motifs qui rendraient nécessaire la discussion commencée hier, et qui devait être continuée aujourd'hui. Elle est essentiellement attachée à l'existence du crédit, et dès lors à celle de l'Assemblée et du royaume. Comment se peut-il qu'on statue maintenant sur les municipalités? Très-peu de membres pourraient opiner avec connaissance de cause. Ils ont à peine reçu les rapports du comité, et ils s'étaient préparés sur l'examen du principe exposé pour établir que le clergé n'est pas propriétaire. Est-il possible d'ailleurs de statuer séparément sur les municipalités? Tout se tient dans le plan proposé; les munipalités tiennent aux assemblées provinciales, celles-ci à notre Assemblée, notre Assemblée aux principes de la représentation nationale, qu'il s'agit de reconnaître et d'établir.
croit que le plan du comité de Constitution est impraticable dans l'exécution et faux dans les calculs linéaires;il en annonce un très-simple, très-court, et qui pourrait être décrété dans la matinée.
, après avoir réfuté les inculpations faites contre le plan proposé par le comité, pense qu'il faut ajourner à lundi la question présente.
appuie cette opinion. Ceux qui veulent, dit-il. rejeter ce plan et en présenter un autre, ou le discuter autrement qu'artiple par article, ne l'ont pas entendu.
Chaque ville, bourg et village doit avoir une municipalité. Le choix des officiers appartient aux habitants. Dans une ville de tel nombre d'habitants, il doit y avoir tant d'officiers municipaux, etc. Çes principes très-simples peuvent être décrétés sans contradiction, et formeraient une municipalité aussi parfaite qu'on puisse i'atte^ré d'une organisation provisoire-Ainsi la force publique renaîtrait, et le calme serait rétabli.
représente, au nom du comité de Constitution/combien il y aurait de danger à organiser isolément des municipalités qui pourraient se former en autant de petites républiques.
Il faut organiser les municipalités et en même temps les assemblées provinciales, afin que l'Assemblée nationale puisse consulter ces dernières pour former le plan' général.
M*** lit un article de son cahier qui exige la suppression des intendants : il la demande formellement, mais il observe que les municipalités se trouveraient alors sans aucunes correspondances supérieures.
M***. Pour discuter un plan, il faut ordinairement suivre l'ordre des idées; mais ne faut-il pas dans une délibération telle que celle-ci suivre l'ordre des besoins? La division de la France tra-
cée sur la carte avec du crayon est fort brillante, mais l'organisation provisoire des municipalités est exigée par des circonstances très-embarrassantes. Ne ressemblerions-nous pas, en nous écartant de cette marche, à des passagers qui discuteraient dans un Taisseau sur la construction du navire, tandis que le bâtiment s'entr'ouvrirait, et que tous les bras devraient être à la pompe.
On a demandé l'a? journement, personne ne s'y est opposé, et je crois dès lors inutile de donner des raisons pour faire valoir cette proposition.
Je rappelle qu'on m'avait indiqué, pour cette matinée, un travail sur les attroupements.
La loi sur cet objet est une opération préalable, même pour la formation des municipalités; car les rassemblements d'hommes pour l'élection des officiers municipaux peuvent avoir des effets dangereux, s'il n'existe un ordre et une discipline établie par une loi. Je demande que l'Assemblée décide si elle veut organiser provisoirement les municipalités, ajourner la question, ou s'occuper de la loi sur les attroupements.
L'Assemblée décrète l'ajournement à lundi.
Messieurs, la loi que je vais avoir l'honneur de vous proposer est imitée, mais non pas copiée, de pelle des Anglais. Ceux qui connaissent le riot-act en sentiront la différence. Je ne confie le pouvoir militaire qu'à des magistrats élus par le peuple; et dans la plus grande partie de l'Angleterre, dans toutes les villes qui n'ont pas des corporations, les magistrats sont nommés par le Roi. Je propose encore une autre précaution, bien adaptée à un gouvernement qui respecte le peuple et la liberté: c'est de donner aux mécontents attroupés un moyen légal de faire entendre leurs plaintes, et de demander le redressement de leurs griefs. Mais au lieu d'insister plus longtemps sur ce que j'ai mis dans ce projet de loi, je vais vous lire la loi même. On entend rarement un exorde, sans se rappeler le mot du Misanthrope à l'homme au sonnet : « Lisez toujours, nous verrons bien.
Projet de loi concernant les attroupements.
Du
« Louis, par la grâce de Dieu, etc.
« Considérant que les désordres excités en divers endroits du royaume, notamment dans la ville de Paris, par les coupables suggestions des ennemis du bien public, peuvent non-seulement avoir les suites les plus funestes pour la liberté et la sûreté des citoyens, mais encore qu'en répandant les plus justes alarmes parmi les provinces, ils pourraient compromettre l'union et la stabi-bilité de la monarchie;
« Considérant encore que la résolution prise par ( l'Assemblée nationale, de transférer ses séances dans la capitale, exige les précautions les plus exactes et Jes plus sages, à l'effet de maintenir autour d'elle le calme et la tranquillité, et de résister aux mouvements et aux entreprises des mal intentionnés pour ramener des désordres aussi affligeants et aussi propres à priver la nation des salutaires effets qu'elle a droit d'attendre des travaux de ses représentants ;
« Considérant enfin que l'ordre établi provisoirement dans la ville de Paris et dans la plupart des villes et communautés qui l'avoisinent, par le libre concours et le vu des citoyens, en as-
surant à chacun d'eux de justes moyens d'influence sur leurs municipalités respectives, doit suffisamment calmer les inquiétudes et les défiances auxquelles l'état précédent des choses pouvait donner lieu ; et qu'en conséquence, tous mouvements qui pourraient tendre à troubler 1$ tranquillité publique, ou à faire renaître la confusion et l'anarchie, ne sauraient être trop promp-tement et trop sévèrement réprimés ;
« A ces causes, de l'avis et par le voeu de l'Assemblée nationale de notre royaume, nous voulons et ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. Tous attroupements séditieux, c'est-à-dire
toutes assemblées illicites, avec ou sans armes tendant à commettre quelques autres
actes illégitimes contre la personne ou les propriétés d'un ou de plusieurs individus,
ou de quelque corps, corporation ou communauté, ou de troubler de quelqu'autre manière
la paix et la tranquillité publique, sont expressément défendus, à peine contre les
contrevenants d'être poursuivis et punis conformément à ce qui sera statué
ci-après.
« Art. 2. Dans le cas où, nonobstant la disposition des présentes, il se ferait quelque attroupement de ce genre, soit dans ladite ville et faubourgs de Paris, soit dans les environs, à la distance de moins de quinze lieues, il est expressément enjoint et ordonné aux officiers municipaux des lieux, dûment élus par les peuples, de s'employer de tout leur pouvoir, et même de faire agir au besoin la force militaire, tant la milice nationale que les troupes réglées, à l'effet de dissiper lesdits attroupements, et de rétablir la paix, la tranquillité et la sûreté.
Art. 3. La susdite force militaire ne pourra cependant être employée aux fins ci-dessus qu'à la réquisition et en présence de douze officiers mu-nipaux, pour le moins, lesquels commenceront par faire faire lecture, à haute et intelligible voix, de la présente loi nationale ; après quoi ils sommeront ceux qui sont ainsi attroupés de déclarer dans quel but ils se sont ainsi rassemblés, quelles demandes ils ont à former, et de charger sur-le-champ quelques-uns d'eux, dont le nombre ne pourra excéder celui de six, de rédiger leurs plaintes et réquisitions, et de les porter d'une manière paisible et légale, soit au porps municipal, soit aux ministres, magistrats, tribunaux, ou départements de l'administration, auxquels il appartient d'en connaître. Gela fait, les officiers municipaux ordonneront à tous ceux qui se trouveront présents à l'attroupement, sauf les députés qui auront été choisis, de se retirer paisiblement dans leurs domiciles respectifs, et feront sur-le-champ dresser procès-verbal de tout ce qu'ils auront fait en vertu des présentes, ainsi que des réponses qu'ils auront reçues, et de ce qui s'en sera suivi ; lequel procès-verbal ils signeront et feront signer au moins par trois témoins.
Art 4. Tous ceux qui, par yiplence ou par quelque excès que ce soit, troubleraient les officiers municipaux ou leurs assistants dans quelqu'une des fonctions qui leur sont prescrites par l'article précédent, seront sur-le-champ saisis et emprisonnés, et en cas de conviction ils seront punis de mort, comme coupables de rébellion envers la nation et le Roi. Dans lesdits cas de violence ou excès, les officiers municipaux seront non-seulement en droit, mais encore il leur est très-expressément enjoint et ordonné de faire agir la force militaire en la manière qui leur paraîtra la plus efficace pour repousser lesdites violences ou excès, pour dissiper lesdits attroupements, et pour saisir ceux qui paraîtront
en être les auteurs, ou y avoir concouru ; à peine, contre lesdits officiers municipaux, de répondre en leur propre et privé nom des désordres qui auront été commis et auxquels ils n'auront pas résisté de toutes leurs forces.
« Art. 5. Dans les cas où, après qu'il aura été satisfait aux formalités prescrites par l'article 3 ci-dessus, les séditieux ne voudraient pas nommer des députés; ou si, après en avoir nommé, ils ne voulaient pas se retirer, ou s'ils se rendaient en quelque autre lieu pour former de nouveaux attroupements, ou commettaient quelque violence ou autre acte illégal, non-seulement il sera permis, mais il est même très-expressément enjoint et ordonné aux susdits officiers municipaux, après qu'ils auront fait aux séditieux une seconde sommation de se retirer, en leur dénonçant les peines graves portées par le présent acte, de faire agir la force militaire de la manière qui leur paraîtra la plus efficace- à peine de répondre des suites de la négligence, de la manière énoncée eu l'article précédent.
Art. 6. Après la seconde sommation ci-dessus, toute assemblée dans les rues, quais, ponts, places ou promenades, depuis le nombre de trois jusqu'à dix personnes, si elles sont armées, et depuis dix jusqu'à vingt, si elles ne sont pas armées, devra être dissipée par toutes voies. Si peux qui s'en seront rendus coupables ne sqpt pas armés, ils seront punis par une amende à la discrétion du juge, et par un emprisonnement à la maison de correction, pour un terme qui n'excédera pas celui d'un an.
Art. 7. Après la susdite seconde sommation, toute assemblée dans les rues, quais, ponts, places ou promenades publiques, depuis le. nombre de dix personnes en sus, si elles sont armées, et depuis le nombre de vingt personnes en sus, si elles ne sont pas armées, devra être dissipée par toutes voies. Si ceux qui s'en seront rendus coupables ne sont pas armés, ils seront punis par une amende à la discrétion du juge, et par un emprisonnement à la maison de correction, pour un terme qui ne sera pas moindre de deux ans, et qui pourra être étendu jusqu'à dix ans, selon la gravité des cas.
Art. 8. Si ceux qui seront tombés dans quelqu'un des cas ci-dessus se trouvent armés, ou sont coupables de quelques violences ou excès contre les officiers municipaux, ©u contre les assistants, ils seront poursuivis comme coupables de rébellion envers le Roi et la nation, et, en cas de conviction, punis de mort.
Art. 9. En cas de violence ou d'excès contre les officiers municipaux ou ceux qui les assistent, et dans tous les cas où, suivant la loi ci-dessus, il est enjoint d'employer la force militaire, les officiers municipaux, non plus que les officiers et soldats qui leur auront prêté main-forte, ne pourront être exposés à aucune poursuite ou recherche quelconque, à raison des personnes qui se trouveraient avoir été tuées ou blessées, soit que le fait arrive volontairement ou par accident.
Art. 10. Attendu qu'il est également juste et nécessaire de sévir d'une manière particulière contre ceux qui, par leurs manuvres et machinations, auraient contribué à l'égarement des peuples, et aux malheurs qui en sont la suite, lors même que les attroupements séditieux auraient été dissipés par les isoips des officiers municipaux > et que le calme serait rétabli, il n'en sera pas moins informé contre Jes auteurs, promoteurs et instigateurs d'iceux , en
la forme ordinaire, et ceux qui seront atteints et convaincus desdits cas seront punis, s'il s'agit d'attroupements séditieux non armés, par une amende à la discrétion du juge, et par un emprisonnement à la maison de correction, pour un terme qui ne pourra être plus court que six ans, et qui pourra s'étendre jusqu'à douze ans, selon la gravité des cas ; et s'il s agit d'attroupements séditieux faits avec armes, ou accompagnés de violences, ils seront punis de mort comme rebelles envers le Roi et la nation.
Art. 11. Tous officiers ou soldats, tant des milices nationales que des troupes réglées, et qui, dans quelqu'un des cas susdits, refuseraient leur assistance aux officiers municipaux pour le rétablissement de la paix, de la tranquillité et de la sûreté publique, seront poursuivis comme rebelles envers le Roi et la nation, et punis comme tels. >
Après beaucoup d'applaudissements, on observe à M. le comte de Mirabeau que cette loi n'est pas pour tout le royaume; il répond qu'en effet elle serait parfaitement inique dans les lieux où les municipalités ne sont pas électives.
L'Assemblée ordonne l'impression du projet sur les attroupements et ajourne la discussion.
a ensuite fait connaître à l'Assemblée les noms des membres qui avaient été élus pour le comité des recherches. Le choix étant tombé sur les mêmes personnes qui composaient déjà ce comité, plusieurs observations ont été faites sur l'irrégularité de l'élection ; M. le Président ayant consulté l'Assemblée, il a été décidé qu'il serait procédé, ce soir, à une élection de nouveaux membres.
a également consulté l'Assemblée pour savoir si elle approuvait que les anciens membres du comité rendissent un compte ce soir. Cette proposition a été approuvée.
Une députation d'une portion du commerce de Paris ayant demandé à être admise à la barre, M. le Président a consulté le vu de l'Assemblée; la demande ayant été accordée, les députés se sont présentés' et ont offert un don patriotique de 2,400 livres.
leur dit: l'Assemblée nationale reconnaît l'attachement ordinaire des habitants de la capitale aux grands intérêts de la patrie ; elle est satisfaite du témoignage que vous lui en apportez, et vous invite à la séance.
On annonce un don patriotique de 300 livres fait par M. Dupan, français, domicilié à Saint-Pétersbourg.
Un député de la commune de Fontainebleau demande à être admis à la barre. 11 est introduit et donne lecture d'une requête pour demander à l'Assemblée une décision sur plusieurs questions relatives aux officiers municipaux de cette ville.
L'affaire est renvoyée au comité des rapports.
La séance est levée.
Séance du
MM. les députés de la Lorraine demandent que plusieurs envoyés juifs des provinces des Trois-Evêchés, d'Alsace et de Lorraine soient admis à la barre ; l'Assemblée les fait introduire.
, juif. Messeigneurs,
c'est au nom de l'Eternel, auteur de toute justice et de toute vérité; c'est au nom de Dieu qui, en donnant à chacun les mêmes droits, a prescrit à tous les mêmes devoirs ; c'est au nom de l'humanité outragée depuis tant de siècles par les traitements ignominieux qu'ont subis, dans presque toutes les contrées de la terre, les malheureux descendants du plus ancien de tous les peuples, que nous venons aujourd'hui vous conjurer de vouloir bien prendre en considération leur destinée déplorable.
Partout persécutés, partout avilis, et cependant toujours soumis, jamais rebelles ; objet, chez tous les peuples, d'indignation et de mépris, quand ils n'auraient dû l'être que de tolérance et de pitié, ces juifs, que nous représentons à vos pieds, se sont permis d'espérer qu'au milieu des travaux importants auxquels vous vous livrez, vous ne rejetterez pas leurs vux, vous ne dédaignerez pas leurs plaintes ; vous écouterez avec quelque intérêt les timides réclamations qu'ils osent former au sein de l'humiliation profonde dans laquelle ils sont ensevelis.
Nous n'abuserons pas de vos moments, Messeigneurs, pour vous entretenir de la nature et rie la justice de nos demandes; elles sont consignées dans les mémoires que nous avons eu l'honneur de mettre sous vos yeux.
. Puissions-nous vous devoir une existence moins douloureuse que celle à laquelle nous sommes condamnés î puisse le voile d'opprobre qui nous couvre depuis si longtemps se déchirer enfin sur nos têtes! que les hommes nous regardent comme leurs frères; que cette charité divine, qui vous est si particulièrement recommandée, s'étende aussi sur nous; qu'une réforme absolue s'opère dans les institutions ignominieuses auxquelles nous sommes asservis, et que cette réforme, jusqu'ici trop inutilement souhaitée, que nous sollicitons les larmes aux yeux, soit votre bienfait et votre ouvrage (1).
Les grands motifs que vous faites valoir à l'appui de vos demandes ne permettent pas à l'Assemblée nationale de les entendre sans intérêt ; elle prendra votre requête en considération, et se trouvera heureuse de rappeler vos frères à la tranquillité et au bonheur, et provisoirement vous pouvez en informer vos commettants.
L'Assemblée leur donne séance à la barre, et arrête que leur affaire sera traitée dans la présente session.
fait donner lecture de plusieurs lettres et adresses qui témoignent les craintes que plusieurs bailliages ont de voir l'Assemblée déserte par le grand nombre de membres qui demandent des passe-ports.
L'Assemblée a paru mécontente d'une adresse de Château-Thierry. Les uns voulaient qu'on la blâmât, les autres opinaient pour la renvoyer; on a été aux voix, et il a été déclaré qu'il n'y avait lieu à délibérer.
, membre du comité de vérification, lait le rapport des pouvoirs des députés de la
Martinique; les principes qui ont décidé l'Assemblée à admettre la députation de
Il consiste à admettre les députés de la Martinique au nombre de deux.
Cet avis est adopté par l'Assemblée.
MM. Arthur Dillon et Moreau de Saint-Méry, sont admis à prendre séance.
Un membre du comité des recherches rend compte de l'affaire de M. de Besenval.
Ce comité n'a pu se procurer aucune preuve contre cet officier général ; il lui a bien été remis des copies des deux lettres adressées par M. de Besenval, l'une au commandant, l'autre au lieutenant du Roi de la Bastille ; toutes deux, écrites pendant le siège de cette place, engagent ces officiers à tenir bon, et annoncent un secours prochain.
Mais le comité n'a jamais pu avoir les originaux de ces lettres. Il a reçu de M. de Montmorin une lettre qui renferme des réclamations de plusieurs cantons suisses, notamment de la république de Soleure, dont M. de Besenval n'a jamais cessé d'être le sujet, du régiment des gardes-suisses, qui demande que cet officier soit jugé par le tribunal militaire établi d'après les traités faits entre la France et la Suisse.
Ce rapporteur fait aussi lecture d'un mémoire justificatif de M. de Besenval, qui tend à prouver que les ordres donnés par le Roi et transmis par cet officier général n'avaient pour objet que les brigands qui désolaient la capitale.
Le comité pense que, dès qu'il n'existe aucune plainte, aucune accusation légale, aucune preuve concluante, on ne peut détenir plus longtemps M. de Besenval, et que le Roi doit être prié d'ordonner que cet officier général soit mis eu liberté.
observe que le comité des recherches, en proposant un pareil décret, a vraisemblablement oublié que c'est particulièrement à raison de l'affaire de M. de Besenval que l'Assemblée a arrêté la création d'un tribunal, qui sera établi pour juger les crimes de lèse-nation; il pense que le moment est venu où l'on doit s'occuper de la création de l'établissement de ce tribunal.
appuie l'avis du comité, et propose pour amendement que M. de Besenval soit mis en liberté sur sa parole d'honneur de se représenter quand il en sera requis. Si l'Assemblée, ajoute-t-il, exigeait une caution de ce serment, et qu'il fût permis à un de ses membres de se présenter pour la remplir, j'oserais m'offrir moi-même pour caution de M. de Besenval.
observe que la vie entière de M. de Besenval dépose en sa faveur, et que lui, qui a servi sous les ordres de cet officier généra], peut assurer qu'il n'a jamais vu en lui qu'un citoyen estimable et toujours fidèle à remplir ses devoirs de citoyen et de militaire citoyen.
rend un compte fidèle de tout ce qui s'est passé à l'époque où M. de Besenval a été arrêté, époque à laquelle il était lui-même président de la commune de Paris. Il assure que la lettre originale par laquelle il donne des ordres au gouverneur de la Bastille est entre les mains du président du district de Saint-Gervais; il existe encore à l'hôtel-de-ville, ajoute M. Moreau de Saint-Méry, un paquet mis sous le sceau de la ville et sous mon cachet ; il est pos-
sible que les pièces contenues dans ce paquet soient entièrement à la décharge de M. de Besenval ; il est possible aussi qu'elles donnent de nouveaux éclaircissements contre lui; je pense donc que l'Assemblée ne peut, sans une justification légale, rendre la liberté à un homme que la voix publique a désigné comme coupable.
propose que cette affaire soit renvoyée au Ghâtelet de Paris.
appuie ce renvoi, et veut que toutes les affaires du même genre soient aussi renvoyées au même tribunal, jusqu'au moment de la création de celui qui doit être établi par la Constitution pour juger les crimes de lèse-nation.
observe que ce renvoi, portant une attribution au Ghâtelet, ne peut s'effectuer que par un décret de l'Assemblée nationale sanctionné par le Roi ; il ajoute que le Châtelet doit s'adjoindre, pour le jugement de l'affaire de M. de Resen-val, un nombre de citoyens notables élus par les citoyens.
pense qu'on ne peut adopter ni l'avis du comité, ni celui de ceux qui demandent le renvoi au Châtelet. L'offre généreuse et presque chevaleresque de M. le duc de Liancourt pour un compagnon d'armes , sacré par le malheur, ne peut non plus être acceptée, parce que, dans Paris même où les élargissements sous caution sont admis, ils ne le sont jamais pour des crimes de lèse-nation. Il conclut à l'ajournement de cette affaire,jusqu'à ce que toutes les pièces de conviction pour ou contre M. de Resenval aient été soigneusement recueillies.
Après l'examen de la motion de M. Dupont et de quelques amendements qui y ont été et qui y sont encore proposés, l'Assemblée décide « que le Ghâtelet sera provisoirement autorisé à informer, décréter et instruire, jusqu'au jugement définitif exclusivement, conformément à la loi provisoire, rendue pour la réformation de la jurisprudence criminelle, contre tous les prévenus et accusés du crime de lèse-nation. »
La séance est levée à onze heures.
à la séance de l'Assemblée nationale du
Mémoire particulier pour la communauté des juifs établis à Metz, rédigé par Isaac Ber-Bing, l'un des membres de cette communauté (1). Depuis quelques années, les juifs de Metz implorent, par les vux timides, ce grand acte de législation tant désiré, qui rend à rapprocher les distances que les préjugés religieux ont mis entre les citoyens, et à répartir avec plus d'égalité entre eux les produits de cette industrie vivifiante, les avantages de la société, ainsi que ses charges.
Ils voyaient avec douleur, que des obstacles retardaient la marche bienfaisante du gouvernement; leur régénération déjà implicitement prononcée, est restée sans effet, par la force des
préjugés qui sont vraiment la source de tous leurs malheurs.
Le moihehtest enfin arrivé. Le bonheur public est le vu le plus ardent de notre auguste souverain. Les anciens abus vont disparaître, et la restauration générale est prête à éclore. Se pourrait-il que les juifs restassent seuls opprimés? seraient-ils condamnés à n'être que les témoins gémissants de la félicité universelle, et à rester seuls malheureux dans ce vaste royaume?
Déjà le tiers et la noblesse de la cité les appellent à devenir utiles. Ah ! que l'Oh iië croie pas qu'ils sont insensibles à ce cri de la raison et de l'humanité? l'effusion dé la reconnaissance, les larmes de la joie sont leur réponse ; oui, ils deviendront utiles, dès qu'on daignera briser les fers honteux qui les accablent.
Qu'on leur rende seulement les facultés du droit naturel, et bientôt l'opinion qui les a trop longtemps avilis, qui a tourné en mépris jusqu'à leur nom, va faire place aux sentiments que les citoyens se doivent entré eux.
La législation envers lës juifs fut presque toujours un jeu cruel de la finance et cette législation, à son tour, forma leur manière d'être, comme elle forme partout celle des nations.
Depuis l'antique catastrophe qui anéantit notre patrie et en dispersa les membres; les juifs restèrent sans appui, et se virent presque toujours les jouets du fisc et les victimes du fanatisme.
Epars sur le globe, étrangers partout, il n'ont plus été considérés que comme des aubains, ou comme des espèces de serfs, qu'on écrasait, tantôt par caprice, tantôt par intérêt.
Leur attachetaent à des dogmes désavoués par le Christianisme, les rendit odieux à quelques prêtres intolérants, qui allumèrent partout contre eux la haine des peuples. Lesv princes, dans Un tertips Où les finances n'étaient pas encore un art, mirent cettë haine à profit pour les opprimer sous le manteau dé la religion, les bannirent pour confisquer leur propriétés, leur vendirént ensuite la révocatioh de ce bannissement à prix d'or.
C'est du règne de Philippe le Bel, un des plus déprédateurs des rois, que date l'expulsion des juifs de France ; et la même main qui alluma les bûchers des Templiers; fut celle qui signa notre proscription.
Ces traitements atroces trop souvent renouvelés, ces persécutions habituelles pendant les siècles de barbarie, plièrent tellement le caractère de la nation, que ses membres rendus inquiets et tremblants par l'impression profonde d'une longue suite d'indignités, devinrent insensibles à tout ; ils oublièrent dans un long avilissement ce que les peuples florissants nomment point d'honneur.
Environnés d'ennemis et de délateurs, ils se méfièrent de tout; ne coniptant d'amis que parmi eux, les liens de famille et de nation leur devinrent plus chers, et la société, qui leur refusait tous ses avantages, perdit enfin ses attraits à leurs yeux. Le commerce fut le seul objet qui fixa leur attention; parce qu'il leur ménageait des ressources contre les injustices du gouvernement ; et, comme la théocratie est la seule consolation des maiheureuk sur la terre, leur attachement aUx usages les moins essentiels de la religion s'accrut dans la même proportion que leurs malheurs.
C'est ainsi que cette austérité de murs, cette rigide observance de la religion, se sont conservés par les effets mêmes qui semblaient devoir les détruire.
A ce telups d'ignorance succédèrent les siècles
de la philosophie; la progression des lumières adoucit enfin la férocité des peuples : ils ne persécutèrent plus pour dès opinions religieuses ; mais voyant végéter daûs leur sein des milliers d'individus méprisés, sans art, sans science et sans propriété, ils prirént les effets pour la cause, crurent que la nature les avait reprouvés, les laissèrent dans cet état pour ne pas s'opposer sans doute aux vux de la nature.
Encore de nos jours, malgré l'exemple frappant çjui montre la différence entre diverses colonies juives, leurs progrès proportionnels avec la tolérance, la sagesse et la bonté du gouvernement, des écrivains insipides ont osé dire qu'on s'occupait en vain de leur sort, qu'ils ne changeront pas.
Que l'on compare cependant le négociant juif d'Amérique, de Londres, d'Amsterdam et de Berlin, à ceux que l'opinion publique dédaigne parmi nous, et on sera persuadé que le juif devient patriote, à mesure que la patrie devient bienfaisante envers lui.
C'est ainsi que la douceur du gouvernement envers les juifs de Metz, et la protection qui y rend leur existence supportable, en ont fait une communauté légale, régie par un code de lois civiles revêtu de la sanction d'une longue suite de monarques, et qui a été souvent utile, et jamais onéreuse à la province.
Cette communauté est formée de membres originaires de la ville. Ils sont nés sujets du Roi; ils sont les descendants des quatre familles établies dans la cité, depuis des siecles. De tout temps ils refusèrentd'admettre, sans précaution, les étrangers qui désiraient s'incorporer avec eux par des mariages, et depuis des lettres patentes de 1718, ce motif ne peut plus servir à l'admission d'un étranger parmi eux.
De tout temps ils se sont signalés par leur fidélité envers nos rois : Henri IV en porte le témoignage flatteur dans les patentes où il leUr accorda sa protection.
Louis Xlil les renouvela en 1630, et rendit de même justice aux services importants que les juifs de Metz lui avaient rendus ; tous leurs successeurs ont cru devoir renouveler et étendre cette protection qu'on regarda alors comme un privilège.
Ces anciennes familles osent se glorifier de n'avoir jamais été souillées par un crime grave, que les fastes de la justice n'offrent point d'exemples qu'aucun de leurs membres ait été supplicié. Elles osent s'honorer de n'avoir presque jamais fait naître de banqueroutes frauduleuses ; que si elles n'ont pas toujours été exemptes des embarras inséparables d'une profession qui gît uniquement dans le commerce, du moins, ces malheurs ont été plus rares, à proportion, et moins fâcheux que partout ailleurs.
Circonscrits dans un quartier étroit de la cité, ils y ont l'exercice libre de leurs culte, usages et coutumes ; ils ont la répartition de leurs charges, une espèce de juridiction de leurs différends, et la police intérieure de leur corporation.
L'une et l'autre n'ont de force que par la religion et le respect humain.
Le public ne sait pas assez combien cette religion est austère dans ses principes, exigeante dans son ascétisme, et combien elle est scrupuleusement observée.
Il ignore que cette religion consiste moins en dogmes qu'en lois positives ou négatives. L'a-mour du prochain ; la charité envers tous les
arts et métiers, enfin toutes les professions et pauvres, sans distinction (1); la fidélité envers le Roi et la patrie en sont les préceptes les plus solennellement recommandés (2).
L'extrême frugalité dont les juifs font professions, les a jusqu'à présent préservés de la de-prédation du luxe; l'union conjugale est encore parmi eux inviolablement respectée; l'autorité des chefs de famille n'est pas encore dédaignee, et la vieillesse ne gémit pas parmi nous d'un mé-pris qui décèle l'oubli des devoirs les plus sa-crés.
La communauté des juifs de Metz de son côté, a fait jusqu'à présent tous ses efforts pour prévenir par des règlements intérieurs, sinon les abus, du moins les désordres du commerce. Elle r a généralement défendu de prêter aux enfants de famille, aux militaires qui vivent sous la loi de eurs parents, et aux militaires mineurs, dans tous les cas (3).
Outre les jeux de hasard, la plupart des jeux permis aux chrétiens leur sont défendus ; ils ont ' des règlements somptuaires et de police pour le maintien desquels ils n'ont d'autre autorité ^ qUe l'opinion, et cependant ils s'observent comme de soi-même.
Privés dés secours de l'agriculture, des arts, de toutes les charges civiles, quelques-uns tiennent y labanqueavec les négociants des autres royaumes; d'autres font le commerce d'étoffes, de chevaux A et de bijoux ; plusieurs se chargent de toutes sortes d'entreprises. Le reste qui, hélas, forme les deux tiers de la nation, languit sans autres res-sources que la petite friperie (4).
Ce n'est cependant qu'avec ces chétifs moyens que les juifs de Metz sont obligés d'acquitter les impositions énormes dont ils sont surchargés.
Réduits à environ 2,000 individus, ne formant presque pas le 18e de la population de la ville, ne possédant aucuns biens réels, et peut-être pas le centième des richesses représentatives des habitants de la ville, ils payent le sixième de la ca-pitation de la cité : 8,297 , puis 7,706 livres à titre d'industrie; 3,465 livres pour vingtième de leurs chétives habitations et 1,391 livres pour corvées.
De plus ils contribuent svec environ 350 juifs de la campagne au payement de 20,000 livres, à titre de droit de protection dont Louis XIV a fait ^ don à la maison de Brancas.
Ils payent une rétribution de 450 livres à l'hôpital" général , où jamais ils ne sont W admis. Ils payent 200 livres annuellement au vicaire delà paroisse, 500 livres pour le logement
des gens de guerre, et 200 livres au bailliage, sans compter cette espèce de tribut que la faiblesse porte à la force, comme un hommage, et qui s'est érigé en droit, sans compter les dépenses religieuses et civiles de leur corporation; enfin, leurs moyens sont si bornés, et leurs charges si considérables que leur existence tient vraiment du prodige ; c'est le chef-d'uvre de ce que peuvent l'industrie, l'activité et Ja frugalité réunies.
Tel est le peuple dont on a mis en problème, s'il est possible de le rendre utile. Peut-être eût-il mieux valu mettre en question comment, sous tant d'abus contraires à l'humanité et au bon ordre social, il a pu conserver son existence.
On n'ignore par le reproche banal que forme contre nous un vulgaire prévenu et qu'il prend pour prétexte de sa haine. Notre religion, dit-on, favorise, ordonne même l'usure ; elle est notre élément ; elle dévaste la ville et les campagnes; elle forme le caractère national et ce caractère est indélébile.
Ce reproche est le point de ralliement de tous ceux qu'une animosité particulière ou des préjugés enracinés ont indisposés contre nous.
On conçoit à peine que des chrétiens dont le système religieux est principalement fondé sur la Bible, puissent assurer qu'elle renferme un pré; cepte aussi antisocial; qu'elle érige l'usure en loi positive.
Ce n'est pas manquer aux devoirs de la religion, quand on ne lit pas l'Ancien Testament, ou qu'on ne le lit que superficiellemént; mais c'est manquer essentiellement au devoir de l'homme, quand on abuse d'une lecture superficielle pour inculper aussi gravement une nation entière et sa loi.
Il est faux et très-faux que la nôtre autorise les profits usuraires: elle a prouvé plus d'une fois qu'elle défend l'usure dans tous les cas envers tous les hommes (1), et l'opinion contraire doit être mise au nombre des paradoxes hasardés( par des écrivains plus avides de réputation que d'être exacts.
On se fût exprimé avec plus de justesse, si l'on eût dit que les lois du royaume, en considération du peu de ressource laissé aux juifs pour subsister, leur avaient permis qu'il prêtassent à un intérêt supérieur au taux ordinaire. Les lettres patentes de 1634 les autorisent à prêter à 12 0/0. Les lois générales de la nation sur l'intérêt légal parurent ensuite modifier celle-ci; mais dans la pratique, cette dérogation resta toujours dans une sorte d'incertitude.
Que deviendrait en effet un peuple à qui on a interdit la propriété territoriale, l'exercice des
charges civiles, tandis que, d'un autre côté, on l'a surchargé d'impôts et de taxes excessives? N'est-il pas obligé de tourner ses vues vers le commerce, de spéculer sans cesse sur l'argent? Et le commerce, comme toute autre matière, a ses abus; mais ces abus sont la suite d'une nécessité si impérieuse, que la loi même n'a pu s'empêcher de les respecter.
Nous pourrions observer ici que les abus mêmes sont très-souvent balancés par des avantages réels ; que tels citoyens chargés des entreprises au-dessus de leurs forces, s'applaudissent souvent de trouver chez les juifs des ressources que la méfiance de leurs concitoyens leur eût refusées.
Ceux-ci demandent des sûretés, et des sûretés plus claires que le jour, et l'habitude de calculer les probabilités, donne aux juifs une intrépidité rare qui leur fait tout entreprendre.
Mais sans nous prévaloir d'exemples particuliers, avouons au moins que ce serait le comble de l'injustice de présenter comme un caractère national, ce qui est partout l'abus habituel du commerce et le vice de quelques particuliers.
Qui osera dire que les folies de l'agiotage n'aient été infiniment plus dangereuses? Elibien! compte-t-on un seul juif parmi ceux qu'elles ont signalés? l'homme d'affairequiescompteun effet, le citoyen qui vend à crédit, cherchent également à faire*profiter leurs fonds; la différence entre eux et les juifs est en raison de ce que les affaires de ceux-ci sont généralement plus aventurées, leurs entreprises plus périlleuses, parce que ceux qui possèdent quelque numéraire sont tous gens d'affaires et marchands.
Mais abstraction faite de ce nombre qui est vraiment petit dans cette ville, fixez vos regards, si la répugnance de voir des malheureux vous le permet, sur tant d'individus absolument indigents, qu'une loi tyrannique éloigne des ateliers et des travaux de l'agriculture, que leur extrême pauvreté empêche de se faire une ressource du commerce; c'est dans les demeures de ces infortunés, dans le sein de leurs malheureuses familles, qu'il faut voir lutter la nature et la religion contre le désespoir.
Figurez-vous des pères de famille parcourant la ville depuis le matin jusqu'au soir, heurtant à toutes les portes pour recevoir et débiter les livrées de l'indigence; heureux encore si, avec l'insulte et le mépris, ils recueillaient un pain de douleur que la famine seule peut les déterminer à chercher ! Contents de pouvoir apaiser les plaintes de ces êtres innocents, qui, ne connaissent pas encore leur sort, ils retournent le soir dans leur retraite obscure, d'où ils sortent le lendemain sans autre consolation que d'avoir fait un pas de plus vers le tombeau. Et c'est ainsi qu'ils achèvent les jours de misère auxquels l'indifférence du gouvernement les a condamnés.
Ah ! si le souffle d'un Roi bienfaisant secondé par un ministre éclairé, a ranimé le génie presque expirant de la nation; quel baume vivifiant sera pour les juifs une législation douce qui lèvera cette barrière, qui effacera cette ligne de démarcation qui les sépare des citoyens?
La chaleur n'est pas plus soumise à la préférence de l'astre qui nous éclaire, que les hommes à 1'intlusnce des lois qui les régissent dans l'intervalle de deux générations ; les gouvernements rendent les hommes stupides et indolents par de mauvaises lois, sages et industrieux par de bonnes.
Pour changer notre déplorable position nous ne
demandons ni faveurs, ni privilèges, ni grâces ; nous implorons la bonté du souverain et la générosité de la nation pour qu'on fasse cesser l'oppression à notre égard et que la patrie ne nous traite plus en marâtre. Nous supplions qu'on nous accorde le retour au droit naturel, commun à tous les hommes qui ne s'en sont pas rendus indignes par des crimes.
Le premier et le plus important de tous, est la faculté d'exercer les arts et métiers.
Peut-être quelque jour la postérité aura peine à concevoir qu'on ait pu défendre à une classe entière d'hommes de vouer ses bras au service de la société, et de rendre à leurs compatriotes les secours journaliers qu'ils reçoivent d'eux.
Quel motif a pu dicter cette prohibition ? Ce n'est pas l'intérêt de la nation. Elle doit désirer d'accroître l'industrie commune, d'augmenter le produit de cette iudustrie et de multiplier autant qu'il est psssible les objets manufacturés. Ce n'est pas l'intérêt de la cité: comme la nation, elle doit désirer de voir naître plus d'émulation, plus de concurrence par le surcroît du nombre de ses artisans. Ce n'est pas l'intérêt de la nation juive: son premier vu est au contraire qu'on lui permette l'exercice des arts et métiers qui seront la ressource de tant de familles aujourd'hui si misérables.
On n'a pas assez approfondi d'ailleurs, quelle imposition ruineuse renferme cette interdiction. Les juifs aujourd'hui sont véritablement tributaires des ouvriers qui bâtissent, qui réparent leurs maisons, de ceux qui façonnent leurs vêtements. Ne pouvant travailler pour eux, il n'y a point d'échange qui puisse balancer ces dépenses. Ainsi les diverses corporations de la ville regardent celle des juifs comme adversaire. Celles-ci craignant la concurrence, appellent la religion dominante au secours de l'intérêt ; et telle a été l'indifférence du gouvernement pour briser nos fers, qu'il n'a pas encore osé surmonter leur répugnance affectée.
Aux termes de l'édit des non-catholiques, l'habitant de la Nigritie, celui de l'Indoustan, peuvent v être affiliés aux corps d'artisans, et le juif de Metz qui a acquis le droit d'indigenat par tant d'années d'habitation, ne le pourrait pas?
Ne craignons pas qu'au xvme siècle, parmi les représentants de la nation française, le préjugé ait encore assez d'empire pour faire redouter d'associer l'artisan juif à l'artisan chrétien. Si, cependant il est décidé que pendant la génération actuelle, les juifs doivent rester isolés et circou-» scrits dans leur enceinte, qu'il leur soit accordé au moins un emplacement convenable pour l'exercice des arts, et pour préparer la jeunesse à cette révolution salutaire qu'ils désirent avec tous les amis de l'humanité.
La communauté demandera la permission d'établir dans son sein des écoles des arts pour les pauvres, pour l'instruction desquels elle est^ prête à faire les plus grands sacrifices, pourvu que le gouvernement veuille les favoriser et encourager.
Mais telle est à présent la déplorable position de cette communauté, qu'il lui serait impossible de se soutenir dans une répartition plus équitable des impôts. Osons le dire enfin: dans son état actuel, elle est obligée de recourir annuellement à des emprunts pour lesquels elle hypothô~ que les propriétés de ses membres', afin de pouvoir couvrir le déficit qui se trouve entre sa recette et ses charges; et cependant il n'y a point de particulier qui ne soit cotisé selon sa
fortune, qu'il est obligé de déclarer sous la foi du serment, et d'eu payer à peu près 12 livres 10 sous pour 1,000 annuellement. C'est sans doute son devoir dans ce moment solennel de réclamer avec énergie la sauvegarde royale et l'équité de la nation contre ce droit de protection de 20,0U0 livres accordées comme don à la maison de Blacas, qui n'a aucun fondement légitime ni dans le droit des gens ni dans celui du royaume ; d'implorer la bonté de Sa Majesté contre les autres taxes imposées au seul nom de juif; et de lui dénoncer, ainsi qu'à l'auguste Assemblée, les exactions de quelques seigneurs avides de transformer en droit positif les dons offerts par la crainte, et d'étendre sur les juifs des évêchés le despotisme qui s'est établi dans les diverses parties de l'Alsace.
Le citoyen ne peut devoir à la patrie qu'un tribut proportionné à ses facultés ; les excéder, c'est l'opprimer injustement. Ne craignons pas de publier cette grande vérité que la nation entière admet, elle est trop généreuse pour refuser à la portion la plus indigente ce qu'elle sollicite pour elle-même. Si les privilèges qui dispensent une classe de citoyens des contributions communes sont des abus, les exceptions qui en surchargent une autre sont des concussions ; elles deviennent des barbaries, lorsqu'elles sont intolérables, et malheureusement telles sont les nôtres.
Il ne faut pas se persuader non plus qu'en dernière analyse les fruits de nos spéculations de commerce nous appartiennent. Nos rapports avec les autres citoyens sont plus passifs qu'actifs, et enfin tout va se réunir à la masse des richesses effectives de la nation.
Au vrai nous sommes plutôt les agents de la circulation que les propriétaires de l'or: aussi joignons-nous nos vux à ceux du tiers de la cité, pour que le prêt d'argent au taux du prince, sans aliénation des fonds, soit permis à tous les citoyens, même aux gens de mainmorte. C'est ce qui favorisera infiniment la circulation et ranimera le commerce presque expirant dans les évêchés.
A ces réclamations essentielles pour atteindre à l'utilité qu'on demande des juifs nous devons en joindre d'autres non moins importantes.
La principale est la faculté de posséder des fonds soit dans les villes, soit dans les campagnes.
Observons que du droit de répandre leur habitation partout, il ne doit pas résulter la dissolution de leur corps et une incorporation absolue avec les autres citoyens. 11 serait dangereux qu'une commotion rapide changeât tout d'un coup notre manière d'être et relâchât subitement tous les liens de notre police particulière. Ajoutons que notre administration intérieure ne saurait être anéantie sans mettre la communauté dans le cas de manquer aux engagements qu'elle »a contractés avec un grand nombre de citoyens qui lui ont conlié à titre de fonds perdus ce qu'ils ont pu amasser pour se procurer sur le " déclin de leurs jours le moyen d'être à l'abri d'une pauvreté absolue.
Quant à la possession des terres qui est le plus puissant motif qui porte les hommes à s'occuper de l'agriculture, qui les retient près de cette nourrice commune des humains, on conviendra sans ^ doute que la prohibition contre les juifs est impolitique et immorale.
Impolitique, parce qu'on diminue par là le nombre des enchérisseurs qui haussent le prix des fonds et en multiplient les mutations, et parce
que la terre produit toujours en proportion des bras qui la cultivent.
Immorale, parce que c'est ôter à l'homme une ressource de subsister, c'est le priver de la plus utile, de la plus innocente des professions à la-uelle la nature semble principalement l'avoir estiné.
Tels sont les abus imprescriptibles contre lesquels les juifs de Metz présentent leurs réclamations avec la confiance respectueuse que la justice et la vérité peuvent inspirer.
Il n'y a qu'un souverain juste, bienfaisant, magnanime, qui sache préférer de régner sur un peuple libre et heureux, que d'exercer son pouvoir sur des hommes faibles, avilis et gémissants ; il n'y a qu'une nation éclairée et généreuse qui sache proscrire vigoureusement les préjugés et les abus dès que l'humanité et la politique les sollicitent également.
Il est superflu d'observer ici que la régénération d'un peuple ne s'opère que comme le changement des modes, et on n'aura sans doute pas l'injustice d'espérer que la réforme absolue des juifs suive de près la loi qui leur aura accordé le retour au droit naturel. Il s'agit dans ce moment de planter un arbre, il faut laisser écouler des années avant qu'il vienne à la perfection et qu'on puisse en cueillir les fruits. Les opérations de la nature sont lentes, mais les effets en sont d'autant plus sûrs, et jamais le succès ne répond au but quand on veut forcer sa marche. Mais dans l'espace de temps marqué par elle pour ces sortes de révolutions, on verra succéder à ces hommes aujourd'hui méprisés et réputés inutiles à la société, une génération nouvelle, souple et industrieuse, cherchant la gloire des arts, en état de donner l'essor à son esprit, peut-être à son génie.
Ecrivains, esclaves des préjugés, qui croyez que les abus les plus meurtriers acquièrent un caractère respectable par leur ancienneté, votre influence ne saurait être redoutable dans cette auguste Assemblée, consacrée à la gloire de la nation et au bonheur des hommes.
Avec quelle effusion de cur la France entière n'a-t-elle pas accueilli les paroles à jamais mémorables de son auguste souverain : le bien est difficile à faire, a-t-il dit à ses sujets, mais je ne me lasserai jamais de le vouloir et de le rechercher.
Quel spectacle imposant pour l'Europe entière que la majesté royale, environnée de l'élite de la plus généreuse des nations, déclarant qu'elle est aussi disposée à entendre la vérité qu'à la protéger !
Quel changement salutaire, quelle révolution heureuse! Les Français n'ont-ils pas le droit d'espérer en la bienfaisance du patriotisme et de la sagesse réunis ?
Serait-ce donc une vaine illusion aux juifs de se dire : Et nous aussi, nous serons traités comme des hommes !
Goudchau-Mayer-Cahen , Louis Wolff, députés de la communauté.
Séance du
À l'ouverture de la séance, M. le président annonce qu'un enfant de dix ans demande à être introduit dans la salle pour offrir un don patriotique. Cet enfant lit un discours qui est vivement applaudi.
M. le Président lui répond que l'Assemblée reçoit avec plaisir son offrande, et qu'elle voit avec satisfaction les progrès de l'éducation que lui donnent ses parents.
M. le chevalier de Lameth fait lecture des procès-verbaux.
M. de Fontanges, archevêque de Toulouse, M. de Talaru, évêque de Coutances, M. le Clerc de Juigné, archevêque de Paris, demandent des passe-ports pour les trois jours accordés pour le déplacement de l'Assemblée.
M. Barbou, curé, député de Meaux, donne sa démission. , ,
M. le vidame de Vassé, député du Mans, demande à s'absenter pour raison de santé. ¦ Le congé est accordé.
représente qu'en sa qualité de procureur syndic de la province d'Anjou, il est requis d'aller remplir les fonctions de sa place, pour la confection des rôles du département.
Il est décrété que le premier devoir de tout député à l'Assemblée nationale est d'assister à ses séances.
s'occupe des élections nouvelles qui pourraient avoir lieu dans quelques bailliages; il remarque que depuis la constitution des Etats généraux en Assemblée nationale on a laissé subsister un vice de forme : la division en trois or-dies, qui se serait opposée à l'exercice du pouvoir constituant, si les adhésions et adresses de toutes les villes et provinces n'avaient couvert ce vice originel. L'orateur demande qu'à l'avenir l'on n'admette plus aucun député ou suppléant autres que ceux dont l'époque de l'élection sera antérieure au grand jour de la réunion des trois ordres.
Je crois devoirrelever l'erreur, base fondamentale de cette motion. On vous a dit, Messieurs, que les assemblées élémentaires avaient été irrégulières. Certainement il faut repousser cette assertion, sans cela notre Assemblée serait également irrégulière; tout ce que nous aurions fait serait nul, illégal; et l'on sent que le despotisme pourrait tirer un grand avantage de tant d'erreurs que nous aurions consacrées nous-mêmes.
Permettez-moi maintenant de vous faire quelques observations. Le pouvoir exécutif est sans force, l'Etat n'a plus de ressources que dans l'Assemblée nationale ; tous les passe-ports que l'on demande produiraient enfin la dissolution de cette Assemblée; et si elle était dissoute, l'Etat même serait bientôt dissous.
Eh ! Messieurs, pourquoi se retirer de cette As-
Il n'y a pas de sûreté à Paris 1 dit-on. On se trompe : il y a à Paris plus d'ordre, de police que partout ailleurs; l'anarchie se trouve dans tous les lieux, mais elle est peut-être moins violente dans la capitale.
En un mot, Messieurs, est-ce quand Je vaisseau est battu par les flots de la tempête, qu'il faut abandonner le gouvernail? est-ce quand il faut livrer bataille qu'on doit abandonner ses drapeaux?
Prenez-y garde, Messieurs, votre courageuse réforme a fait bien des mécontents; les uns, aigrissant les esprits, leur offrent la licence au lieu de la liberté; les autres soufflent le feu de la discorde. Les laisserons-nous triompher? C'est ici le moment du courage; faisons en sorte que l'on ne regrette pas les jours du despotisme; restons ici, ce n'est qu'ici qu'on peut sauver l'Etat.
Le préopinant a dit de très-bonnes choses ; mais ce n'est pas ainsi qu'on conduit des Français; qu'il soit donné des passe-ports à tous ceux qui en demandent; mais je demande aussi qu'on imprime la liste de ceux qui les auront obtenus, avec les motifs de leur absence.
Je demande la liberté indéfinie des passe-ports, mais à condition que huit jours après la première séance tenue à Paris, on fasse un appel nominal, et qu'on imprime la liste des absents pour l'envoyer dans les provinces.
On fait une autre motion tendant à ce que ce soient les commettants qui jugent la nécessité des passe-ports.
obverve qu'un député appartenant à la nation entière ne peut être dispensé par ceux qui l'ont nommé de l'engagement qu'il a contracté envers la patrie.
fait un amendement à la motion de M. le vicomte de Noailîes ; il demande qu'il soit sursis à la question de l'impression de la liste jusqu'au jour de l'appel nominal. Il le croit propre à maintenir l'esprit de concortle qui doit régner dans l'Assembléé. Beaucoup de membres, dit-il, peuvent revenir dans ce délai.
parle contre cet amendement; mais l'Assemblée l'adopte.
On s'occupe des suppléants. On propose de n'en recevoir, postérieurement à ce jour, que quand ils auront été nommés par les citoyens de tous les ordres sans distinction.
Après quelques amendements admis ou rejefés, il a été prononcé le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrètequ'il ne sera plus accordé de passe-ports que pour un temps bref et déterminé, et pour affaires urgentes. Quant aux liasse-ports illimités, pour cas de maladie, ils ne seront accordés à ceux qui les demandent, qu'après qu'ils auront été remplacés par leurs suppléants.
« Décrète également que les suppléants ne seront nommés à l'avenir que par tous les citoyens réunis ou légalement représentés, de telle sorte néan-
moins que ladite loi n'aura point d'effet rétroactif pour les suppléants déjà nommés.
« Décrète enfin que huit jours après la première séance de l'Assemblée nationale à Paris, il sera fait un appel nominal de tous les membres qui la composent. Sursis jusqu'à ce jour à délibérer sur l'impression de la liste des absents et son envoi dans les provinces.»
, évêque de Clermont, dit que des affaires urgentes et l'état de sa santé lui avaient fait demander un passe-port, qui lui a été accordé; mais en présence de la fréquence des demandes qui se sont produites, il déclare qu'il renonce à en faire usage et qu'il reste uni à l'Assemblée.
Cette déclaration est vivement applaudie.
J'ai reçu de M. le garde des sceaux une lettre et deux mémoires qui contiennent des objets importants. Dans l'un de ces mémoires, ce ministre expose les motifs qui l'avaient déterminé à convoquer la noblesse de Gué-ret, pour le remplacement de M. le marquis de Saint-Maixant, dépoté de cette sénéchaussée, absent pour cause de ipaladie. M. le garde des sceaux annonce qu'il a suspendu ces mesures, d'après les réclamations gui avaient été faites dans l'Assemblée.
dit : Il paraît inutile, puisque vous avez statué sur cet objet par le décret que vous venez de rendre, de vous occuper de cette justification.
Un des secrétaires fait lecture de la lettre et de l'autre mémoire. La lettre annonce qu'il vient de faire publier le décret sur Je Prêt $ intérêt, et qu'il a conféré avec la chambré des Vacations pour l'exécution des nouveaux articles sur la justice criminelle.
Le mémoire présente des observations sur les articles de la Constitution concernant le pouvoir judiciaire et la proposition des lois. Ces deux articles ont jeté du doute dans l'espril des ministres sur l'organisation, les attributions et la juridiction des conseils du Roi. M. le garde des sceaux demande que l'Assemblée nationale lève ces doutes, soit en statuant dès à présent, soit en laissant aux conseils l'exercice provisoire de leurs fonctions.
Les ministres rendent compte des différentes branches du conseil : ils donnent une définition du comité contentieux du Conseil d'Etat ; l'un est présidé par le garde des sceaux et composé des maîtres de requêtes, l'autre, présidé par le Roi, est composé de ceux auxquels le Roi accorde sa confiance. Les ministres observent que tout est en souffrance, qu'ils ne peuvent rendre la justice, etc.
( Voy. plus loin le mémoire des ministres, annexé à la séance de ce jour.)
demande qu'on délibère sur-le-champ.
Il ne nous faut pas déguiser que c'est le conseil du Roi qui a introduit le despotisme en France. Ce tribunal, composé presque toujours d'officiers qui ne sont ni magistrats, ni hommes publics, et qui, par circonstance, sont l'un et l'autre à la fois, a envahi tous les pouvoirs. Un homme était-il protégé? son adversaire était jugé au conseil et perdait sa cause. Réclamait-il ses juges naturels? c'est une affaire d'administration, cela ne se peut pas. Demandait-il
justice? c'est une affaire d'administration. Enfin, Messieurs, le Roi, qui ne peut rien jpger, a rendu des arrêts célèbres, arrêts du propre mouvement, arrêts illégaux et injustes, quil ne pouvait rendre. Je pense qu'il faut ajourner.
Je réponds à M. Ç$mus qu'il n'y a qu'à injppçlire au conseil topt arrêt (lu propre mouvement, toute évocation, et lui enjoindre de renvoyer le fpnd du procès.
appuie l'amendement de M. Martineau.
Je crois devoir relevey une très-grande inexactitude, et qpi n'est qu'un reste de l'habitude où le conseil était depuis sj longtemps de ne jamais dire la vérité. Le mémoire porte que les maîtres des requêtes'ont voix délibérative ; le fait est qu'ils n'ont tout $u plus que voix consultative.
D'autres membres demandent le renvoi du mémoire au comité de jndicaturg.
insiste fortement §gr ce qqe l'on rende au conseil toutp sa force pour ne pas .augmenter, dans ce moment, }é pouvoir des parlements.
lit les motions déposées sur le bureau.
La première est pour l'ajournement jusqu'à mardi, et que le mémoire des ministres soit renvoyé à un comité de quatre personnes.
La seconde, de M. Duport, dont l'esprit est que jusqu'à ce que l'organisation dn pouvoir judiciaire soit déterminée, ainsi que celle des municipalités, le conseil du Roi sera autorisé à continuer ses fonctions comme par le passé à l'exception des arrêts du propre mouvement, et ces arrêts portant évocation du Ipnd du prqpès, lesquels n'auront plus lieu à compter du jour du présent décret, et qu'il sera nommé un comité de quatre personnes pour examiner le mémoire.
Permettez-moi Jepjç observations :
1° Les députés nanront vraisemblablement pas le temps de se retirer dans les bureaux pour nommer les quatre membres; il est naturel qu'ils s'occupent de leur départ : il convient dope de ren voyer le mémoire an comité dos sept.
2° M. le garde des sceaux, dans sa lettre, s'ex plique sur la convocation de la noblesse de Gué-ret ; M. le président peut lui répondre en lui envoyant le décret pris au commenceront de la séance sur les suppléants.
Après quelques autres observations, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète qne jjjsqu'&ce qu'elle ait déterminé l'organisation du pouvoir judiciaire et celle des administrations provinciales, je conseil rfn Rpi est autorisé à continuer ses fonctions comme par le passé, à l'exception des arrêts du propre mouvement, et de epux portant évocation des affaires au fond, lesquels ne pourront plus avoir lieu à compter dé ce jonr ; décrète en outre qu'il sera pris aaos le comité de réformation des lois, quatre commissaires pour examiner le surplus du mémoire du garde de» sceaux, et en faire leur rapport ,'i l'Assemblée»
« Arrête en outre que M. le pré^ept sera Chargé d'envoyer dans le jour à M- te garde dés
sceaux Je décret qui a été rendu ce matin sur la forme de convocation des bailliages pour la nomination des suppléants. »
rend compte, au nom du comité des rapports, d'une demande formée par la commune de Fontainebleau.
Les habitants de cette ville représentent que les anciens officiers municipaux voulant conserver leurs fonctions, cette cité se trouvait dans une anarchie qui compromettait non-seulement leur sûreté, mais encore celle du palais du Roi. Le comité propose d'ordonner, conformément aux demandes des habitants de Fontainebleau, que la commune soit autorisée à se nommer des officiers municipaux, et à établir une milice nationale, avec défense aux anciens officiers civils ou militaires, de s'immiscer dans l'administration de cette ville.
L'Assemblée a décrété que « M. le président de l'Assemblée nationale sera chargé d'écrire à la commune de Fontainebleau, que, provisoirement et jusqu'à c.e que l'Assemblée nationale ait organisé les municipalités et milices nationales du royaume, les comités civil et de police doivent être élus, librement et au scrutin, par les communautés assemblées, et prendre seuls les arrêtés propres à maintenir l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale et la paix et la tranquillité publiques; que les milices nationales et leurs chefs doivent prêter la main à l'exécution de ces arrêtés, sans pouvoir les contrarier sous aucun rapport ; enfin, que les officiers, tant municipaux que militaires, élus dans cette forme, sont les seuls qui puissent légalement exercer ces fonctions, sans que, sous prétexte d'autorisation ministérielle, aucun citoyen puisse, contre le vu de la commune, se perpétuer ou s'immiscer dans ces mêmes fonctions.
L'ordre du jour appelle la discussion sur le projet de loi relatif aux attroupements.
lit un plan fait par le comité de Constitution, il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que la liberté honore et affermit les empires; que la licence les affaiblit et les dégrade ; qu'au lieu de donner le pouvoir de tout faire, la liberté consiste dans l'obéissance à la loi ; qu'il n'y a plus ni sûreté, ni liberté, ni propriété pour personne, lorsque ces biens ne sont plus assurés à tous les citoyens; que plus les peuples s'approchent de la licence, puis ils s'éloignent de la liberté ; qu'il est des cas où les moyens ordinaires peuvent devenir impuissants pour rétablir l'ordre général, qu'alors la force militaire est nécessaire ; que cependant il faut que ces moyens se concilient avec la paix, la liberté et l'indépendance ;
« A décrété et décrète :
« 1° Que tous attroupements séditieux, en armes ou sans armes, seront défendus, et dans le cas où la paix sera troublée par de tels attroupements, les officiers municipaux auront recours au pouvoir militaire ;
2° Sur cette demande, et non autrement faite au nom du Roi, les troupes réglées, maréchaussées, gardes nationales, seront tenues de déployer la force des armes;
« 3° Les troupes, maréchaussées, gardes nationales, requises par les officiers municipaux, marcheront commandées par leur chef et accompagnées de deux officiers municipaux;
« 4° Lecture sera faite de la présente loi au peu-
pie attroupé ; il lui sera fait trois sommations au nom de la nation, du Roi et de la loi, de se retirer sans délai ;
« 5a Dans le cas où, pendant ou après la lecture et les sommations, le peuple se porterait à des violences contre les officiers municipaux ou contre d'autres citoyens, la force des armes sera alors déployée contre les séditieux, sans que ces' officiers municipaux ou militaires soient respon-cables des événements ;
« 6° Dans le cas où le peuple se retirerait paisiblement, les chefs et instigateurs des attroupements pourront seuls être poursuivis et condamnés à trois ans de prison au moins, pour attroupements sans armes, et à la mort pour attroupements avec des armes;
« 7° Dans le cas où le peuple ne se retirerait pas, ceux que l'on arrêterait seraient punis d'un an de prison au moins pour attroupements sans armes, et de la mort pour attroupements avec des armes ;
« 8° Les chefs, officiers ou soldats qui fomenteraient des émeutes, ou qui refuseraient leur service sur la réquisition des officiers municipaux, seront déclarés rebelles à la nation, au Roi et à la loi, et punis de six ans de prison pour des émeutes sans armes, et de mort pour des émeutes avec des armes;
«9° Le droit de présenter des requêtes, adresses ou pétitions, appartient au peuple, qui, lorsqu'il sera attroupé, pourra nommer vingt députés pour rédiger et signer une requête, adresse ou pétition, que les officiers municipaux seront tenus de faire parvenir à qui il appartiendra. »
Il m'est impossible d'avoir une opinion sur le projet qui vient d'être lu. Je vais me borner à présenter quelques observations sur celui de M. le comte de Mirabeau.
Dans le préambule on a adopté une forme absolument opposée à celle que l'Assemblée a décrétée, et l'on a suivi très-scrupuleusement celle que vous avez proscrite. C'est toujours le Roi qui considère ; et cependant si l'Assemblée nationale a seule le droit de faire la loi, c'est à elle seule aussi qu'il appartient d'exposer les motifs de cette loi. Dans beaucoup d'articles se trouve le mot excès, dont la signification est très-vague et très-étendue : la peine de mort est prononcée contre les excès de même que contre les violences.
La loi ne doit être exécutée que dans la capitale et, à quinze lieues de Paris: nous ne devons pas 1 faireune loi qui paraisse n'exister que pour nous ; la réponse que M. le comte de Mirabeau a faite à une objection assez forte n'est pas absolument d'accord avec une disposition prise par l'Assemblée, qui a ordonné que le serment des troupes serait prêté devant les officiers municipaux, dans un temps où il y avait bien moins de municipalités élues qu'à présent. j
L'article 4 porte la peine de mort contre ceux qui troubleront les officiers municipaux dans les fonctions prescrites par l'article précédent. Celte disposition est bien sévère, pour ne pas dire bien inhumaine ; il y a beaucoup de manières de troubler, et la conviction de trouble pourrait souvent être très-arbitraire. Ne le fût-elle pas, la peine pourrait-elle paraître proportionnée au crime?
La peine de mort est encore la seule peine " prononcée dans plusieurs articles, et notamment dans l'article 8. Cette loi importante, par cette espèce de condamnation et par les maux qu'elle doit prévenir, mérite un examen très-ap-
profcmdi. Je demande l'ajournement de cette discussion.
J'adopte toutes ces observations, et je pense qu'en ajournant la question, on pourrait décréter sur-le-champ ce principe de Constitution : que le peuple .a le droit de s'assembler, mais en suivant les formes prescrites.
L'Assemblée décrète l'impression du projet de M. Target, et ordonne qu'ainsi que celui de M. le comte de Mirabeau, il sera remis au comité de Constitution.
fait une motion tendant à faire nommer un comité chargé de recevoir les adresses. Cette motion est ainsi conçue (1):
Messieurs, il me semble que plus que jamais il est nécessaire d'accélérer les opérations de 1 Assemblée. Jusqu'à présent vous avez marché au milieu des dangers vers le but auquel vous allez arriver pour le bonheur de la France. Les obstacles sans nombre que vous avez rencontrés ont pu ralentir votre marche, mais dans les circonstances actuelles, il est plus que jamais nécessaire de réunir tous nos efforts pour hâter l'instant de la félicité publique.
Bientôt une Constitution sage établira la liberté de Ja nation ; bientôt les villes par l'organisation de leurs municipalités, les provinces par celles de leurs assemblées administratives, seront sûres de leur tranquillité; bientôt l'établissement d'un régime nouveau dans les lois, dans les tribunaux, dans la manière de rendre la justice, va mettre l'innocent à l'abri des attentats du coupable; bientôt enfin l'ordre dans les finances et l'établissement du crédit public assureront à jamais la force de l'empire. Ces biens vont vous être dus, Messieurs, mais il faut presser le moment où la France vous comblera de bénédictions. Vous allez à Paris vous réunir au Roi, pour achever l'ouvrage important que vous dictent votre patriotisme et vos lumières. Rien ne doit vous détourner un instant de cet objet si désiré et cependant, au milieu d'un peuple satisfait de posséder l'Assemblée nationale dans les murs de la capitale, ne craignez-vous pas que l'empressement de tous les corps, de toutes les réunions de citoyens, de particuliers môme, ne vous enlèvent chaque jour des instants précieux?Ne craigmz-vous pas que leurs demandes, leurs plaintes, qu'ils viendront en foule vous adresser, ne vous dérobent un temps qui doit être consacré au bonheur de tout le royaume?
D'après ces considérations je crois que 1 Assemblée nationale devrait interdire de
recevoir à labarre toute députation quelconque des habitants de Paris si ce n'est
celle des représentants de la commuqede Paris. Il est cependant nécessaire
d'accueillir les demandes, les plaintes des citoyens, et cette loi de justice est trop
bien gravée dans vos curs, Messieurs, pour que je me permette de vous la répéter. Il
faut donc, ce me semble, que l'Assemblée nomme un comité de vingt membres, dont dix de
la députation de Paris, pour recevoir les adresses, les demandes, les plaintes et
toutes affaires quelconques des corps, communautés, réunions de citoyens et
particuliers de la capitale, excepté la commune dont les députations seront toujours
reçues à la barre de 1 Assemblée nationale. Si vous approuvez, Messieurs, et les
« L'Assemblée nationale, constamment occupée de ses travaux importants, et ne voulant perdre aucun instant pour achever l'uvre si désirée de la félicité publique, a décrété et décrète ce qui suit:
« Aucune députation quelconque, d aucun corps, communauté, réunion de citoyens, des habitants de la capitale, sous quelque titre que ce soit, ne sera désormais admise à la barre, excepté les députations des représentants de la commune de cette ville.
« Il sera nommé dans le sein de l'Assemblée un comité de vingt personnes, dçnt dix choisies parmi les membres de la députation de Paris. Ce comité sera chargé de recevoir les adresses, demandes, plaintes et toutes affaires quelconques qui pourraient être soumises aux représentants de la nation parles corps, communautés, réunions de citoyens, sous quelque titre que ce soit, et particuliers de la capitale.
« Le comité fera ensuite ses rapports à 1 Assemblée nationale. »
La motion de M. le duc d'Aiguillon est mise en discussion.
Je pense qu'il faut substituer le comité des rapports à la commission demandée.
On pourrait inférer de ce décret que les autres municipalités du royaume ne pourront députer à l'Assemblée; je suis certain cependant que beaucoup de villes, qui ont de3 choses importantes à communiquer, ont envoyé des députations qui sont déjà à Paris.
expose le danger d'une exception en faveur de la capitale.
Il y a déjà des députations envoyées par deux provinces entières: pourra-t-on les refuser?
L'Assemblée a renduun décret par lequel elle avait arrêté que, passé le 10 du mois d'août, aucune députation ne serait reçue à la barre; mais ce n'était que pour les députations de félicitation. Quand bien même l'objet de ce décret aurait été plus étendu, l'Assemblée a assez prouvé, par un usage contraire, qu elle n'entendaitpoint l'exécuter rigoureusement. Aussi je n'ai pas proposé une exception à ce décret en faveur de la ville de Paris; j'ai seulement voulu exclure les députations des corps et communautés, ou les agrégations de citoyens.
Le décret proposé par M. le duc d'Aiguillon est, après quelques amendements, adopté comme il suit:
« L'Assemblée nationale, constamment occupée de ses travaux importants, et ne voulant perdre aucun instant pour achever l'ouvrage si désiré de la félicité publique, décrète :
« Qu'il n'y aura de députation de Paris admise à la barre que celle des représentants de la commune de cette ville; et quant aux adresses, demandes, plaintes, qui pourraient être présentées à l'Assemblée nationale par des corps, communautés ou réunions de citoyens, sous quelque titre que ce soit, et particuliers de Paris, elles seront portées au comité des rapports, qui en rendra compte à l'Assemblée nationale. »
, membre du comité des rapports,
à fait un rapport sur l'affaire de M. de Mintier, évêque de Tréguier.
Il dit dans son mandement que le Roi est digne de porter le sceptre de Charlemàgne... « Il est donc vrai qtle le diadème est garni de pointes cruelles, qiii ensanglantent le trône des rois, et que, dans la crise excitée par deS libellistes fougueux, le trône est ébranlé....., que la vertu d'un évêque est d'opposer soii courage, comme saint Thomas de Cantorbéry aux nouveautés dange: reuses?... Qui jàhiais a mieux mérité que le Roi lës sacrifices des peuples 1 Que la monarchie française est différente d'elle-même !.....Les princes
fugitifs, le pouvoir militaire énervé, un système d'indépendance soutenu avec force, la vengeance aiguisant ses poignards.....la capitale a été souillée par des assassinats... Tels sont les ouvrages de ceux qui abusent de leurs talents ; conservons nos lois et réformons nos moeurs.
« Chaque Etat a ses habitants ; les monarchies surtout ne se soutiennent que par les principes anciens..........
« Les doléances pénétraient bientôt dans le cur de nos maîtres, les riches jouissaient de leur opulence, le superflu se répandait sur les pauvres, l'honnête plébéien jouissait du fruit de ses travaux; ces beaux jours ont disparu comme un songe. La religion est anéantie ; ses ministres sont réduits à la triste condition de commis appointés des brigands; on soulève les gens de campagne; on attaque les châteaux; tous ces maux prennent leur source dans ies libelles anonymes ; le scepticisme, l'égoïsme, voilà la, morale du jour. L'on veut que le disciple obstiné de Moïse, le sectaire de Mahomet, le voluptueUx athée vivent avec le chrétien.....»
Ce mandement est terminé par une invocation à la bienfaisance, et il ajoute : « N'est-il pas étonnant qu'il y ait des gens qui veulent circonscrire les droits du souverain? Réclamons nos anciennes lois.
« Il y a dés abus; mais pour les réformer faut-il faire couler le sang?
« Vous qui partagez nos, fonctions, ministres de Dieu, montez dans nos chaires, faites entendre les leçons de la soumission; dites aux peuples qu'ils s'abusent quand ils croient aux diminutions des impôts; dites qu'on les trompe quand on accuse les chefs du clefgé...
« Vénérables cultivateurs, n'est-cè pas à l'àc-çord de votre noblesse et de votre clergé que voUs devez votre félicité ?
« Ces systèmes d'égalité dans les rangs et la fortune ne sont que des chimères. On vous trompe, quand on vous promet d'arracher de vos pasteurs et de vos seigneurs leurs propriétés. »
Tel est l'extrait du mandement de M. l'évêque de Tréguier.
Vit-on jamais, dit le rapporteur, un écrit aussi incendiaire? Quoi! un prélat exhorte de monter dans la chaire de vérité pour y débiter de pareilles horreurs! Peut-il donc jusqu'à ce point s'oublier et déshonorer le caractère sacré d'un ministre de paix ? Dans un siècle moins éclairé, le fanatisme aiguiserait ses poignards, la discorde allumerait ses sinistres flambeaux* les secouerait sur la France, et, à la voix d'un prélat fanatique ou irritéj tout l'empire serait à feu et à sang. Mais heureusement la. raison domine et guide les Français ; ils mépriseront les cris d'un furieux qui aspire à la palme du martyre, qui croit avoir dit beaucoup quand il nous dit qu'jl opposera la fermeté de saint Thomas de Gantorbéry,
Prélat, lisez votre histoire, lisez avec les yeux de la raison, de l'humanité, et vous verrez si vous devez vous autoriser d'un pareil exemple ! Ce prélat que vous citez avait au moins un prétexte spécieux; ' mais vous, de quel droit, dans quel dessein criez-vous qu'on abuse les peuples, qu'on les trompe, que la religion est anéantie? De quel droit calomniez-vous les augustes réprésentanls de la nation? En est-il un parmi eux, je dis même parmi ceux qu'on appelle aristocrates, animé de pareils sentiments? J'aime à croire qu'il n'en existe aucun qui vous ressemble.
On fait quelques observations sur cette affaire ; mais elle est ajournée avant que le rapporteur ait terminé. . .
La discussion sera reprise mardi prochain.
Les gardes de la prévôté de l'hôtel, qui, pendant tout le cours des séances de l'Assemblée nationale à Versailles, ont été chargés de la garde des portes de la salle, ont demandé à continuer auprès d'elle leur service, lorsque les séances seraient transférées à Paris. Il a été arrêté que M. le président serait chargé de prendre, à cet égard, les mesures convenables, et de ies concerter avec le ministre ayant le département de Paris.
La garde nationale de Versailles a offert d escorter la caisse des dons patriotiques dans son transport à Paris. M. le président a été chargé de lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée sur cette offre, etdefaireses remerciements à la ville de Versailles.
Les commis du secrétariat ont demandé de se rendre à Paris ; l'Assemblée y a consenti. MM. Camus, Glezen, Emmery, Redon et Arnould, conjointement avec M. le président, les secrétaires de l'Assemblée nationale* ont été chargés de régler l'ordre du travail des commis, leur nombre, la division des bureaux et départements dans lesquels ils seront employés.
Le rapport de l'affaire de M. Marat aété ajourné à mardi prochain.
a demandé que les députés ne fussent plus distingués par aucun costume particulier, qu'il n'y eût plus de distinction de placés dans la salle des séances, ni de rang et préséance dans les cérémonies publiques : l'Assemblée a adopté cette proposition propre à établir et à conserver une précieuse confraternité.
Le comité des domaines a nommé pour président M. Parent de Chassy, et pour secrétaires MM. Rarrère de Vieuzac et Geoffroy.
a levé la séance en l'indiquant à lundi prochain, 19, à dix heures précises du matin, dans une salle de l'archevêché de Paris, préparée à cet effet. 11 a annoncé pour l'ordre du jour la discussion sur l'organisation des municipalités.
à la séance de VAssemblée ndtiônale du
Les ministres du Roi attachés, comme ils en font profession, aux principes de l'Assemblée nationale, et voulant se conformer à ses décrets dans les parties de l'administration que le Roi leur con-
fie, ont prié Sa Majesté de leur permettre d'exposer à l'Assemblée leurs doutes sur quelques articles de la Constitution qu'elle a décrétés.
L'article 19 lest ainsi conçu « Le pouvoir judiciaire ne pourra en aucun'cas être exercé ni par le Roi, ni par le Corps Législatif ; tnais la justice sera administrée, au nom du Roi, par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution, et selon les formes déterminées par la loi. » L'article 17 porté : « Le pouvoir exécutif ne peut faire aucunes lois, même provisoires, mais seulement des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l'observation. »
Ces deux articles tendent évidemment à écarter tout arbitraire de l'administration de la justice et à prévenir toutes les mesures qui seraient capables de nuire à la liberté publique ou individuelle. Les ministres du Roi, comme tous les bons citoyens, rendent un juste hommage à ces principes, et il sont bien éloignés de vouloir y contrevenir; mais il se présente des doutes importants, relativement aux diverses fonctions qu'exerce le conseil du Roi.
Dans la circonstance actuelle, et d'après les derniers règlements faits sur la police intérieure, ce conseil se divise en deux branches principales : le conseil privé ou des parties, et le Conseil d'Etat.
Le conseil privé ou des parties, n'a pour objet que le maintien des règles qui intéressent l'ordre judiciaire. Il est composé de messieurs les conseillers d'Etat, qui y ont séance et voix délibé-rative, et de messieurs les maîtres des requêtes qui y ont aussi voix délibérative et y font les rapports. On y porte les demandes en cassation des arrêts des cours, les règlements déjugés entre parties privées* le jugement des cédules évocatoires, etc. Les voix s'y recueillent, et la majorité fait l'arrêt. Ce conseil est ordinairement présidé par Mi le chancelier ou par M. le gardedes sceaux, en l'absence du Roi, qiii de fait ne s'y trouve presque jamais.
Le Conseil d'Etat est celui où le Roi délibère sur les intérêt du royaume, et de l'administration considérée sous tous les rapports. Sa Majesté y est toujours présente; elle y appelle ceux qu'elle veut bien honorer de sa confiance : il n'y a que les ministres qui y aient habituellement entrée.
Parmi les affaires qui s'y portent, un grand nombre sont décidées par des arrêts ; mais quoique revêtues de la même forme, elles sont néanmoins d'une nature très-différente. Les unes tiennent à l'ordre judiciaire, les autres au pouvoir exécutif, et d'autres enfin à l'un et à l'autre. Elles tiennent à l'ordre judiciaire, lorsqu'il s'agit de prononcer sur des demandes en cassation d'arrêts rendus par des cours, en matière d'impôts, ou lorsqu'il s'agit de statuersurdesappels d'ordonnances d'intendants, pour les objets contentieux que l'intérêt de l'administration, le désir d diminuer les frais et d'abréger les longueurs, et autres motifs d'utilité générale, leur ont jusqu'à présent fait attribuer.
Elles tiennent au pouvoir exécutif, quand elles ont pour objet des arrangements particuliers, ou desdispositions locales, tellesquedesnominations à des emplois et à des places, des autorisations à des communautés pour des ouvrages publics ; ou lorsqu'il s'agit encore de régler l'ordre d'une perception, d'en assurer le recouvrement, de prescrire la forme d'une comptabilité, etc.
Elles participent de l'une et de l'autre lorsque, intéressant la perception des impôts ou le ser-
vice public, les questions se trouvent en même temps liées à des intérêts privés : de ce nombre sont les difficultés qui peuvent naître sur l'ouverture et la confection des chemins de fer et des canaux, la marche, le logeaient et la fourniture des troupes^ etc.
Dans toutes les affaires susceptibles de contradiction» les requêtes et demandes sont envoyées directement aux ministres, chacun dans leur département, comme étant chargés d'en faire le rapport. Mais le Roi a cru qu'il était de sa sagesse, comme du bien de la justice, de soumettre ces affaires à l'examen d'un certaiii nombre de magistrats de son conseil» et Sa Majesté a formé deux comités à cet effet : l'un connu sous le nom de comité contentieux des finances, est chargé depuis 1777, de l'examen des requêtes et demandes adressées au ministre des finances, qui les y renvoie; l'autre établi récemment et appelé comité contentieux des départements, reçoit de messieurs les secrétaires d'état,les pièces,requêtes ou mémoires qui leur ont été remis. Sur l'examen de l'affaire, le comité arrête un avis à la plurâlité des suffrages : cet avis est renvoyé au ministre qui en fait le rapport au Conseil d'Etat; et quand, par sa nature, l'affaire paraît d'une importance majeure, elle est rapportée aux ministres réunis avec les magistrats du comité. Enfin, dans certains cas, le Roi veut bien appeler ces magistrats au Conseil d'Etat même, pour y discuter les difficultés, et motiver leur avis, et c'est à la suite de ces différents examens cJU'ihterviennent les arrêts.
A l'égard des objets qui ne concernent que le pouvoir exécutif, il est incontestable que le Rbi peut exercer ce pouvoit sbus toute autre forme que celle d'un arrêt du conseil; mais il faut que cette forme soit bien étàblie, il faut qu'elle soit' convenue, il faut qu'elle remplisse parfaitement le même objet auquel servaient les arrêts du conseil.
Quant à la partie judiciaire ou mixte confiée jusqu'à présent, soit au conseil privé, soit au Conseil d'Etat, il ne s'agit pas d'un simple changement de forme et de nom, il faut déterminer un ordre nouveau, décerner de nouveaux pouvoirs, fixer de nouvelles attributions.
L'existence du cohseii privé est fondée sur la nécessité d'un tribunal neutre et indépendant qui maintienne l'exécution rigoureuse des formes protectrices à la fois de la sûreté des personnes et des propriétés; qtii anéantisse le jugement par lequel elles auraient été violées ; qui conserve à chaque cour le droit de juridiction qui lui appartient ; qui prévienne leurs usurpations respectives, et qui les contienne toutes dans les lirai tes qui leur ont été fixées.
De si grands intérêts ne peuvent pas rester un instant suspendus. Les parties qui ont formé des demandes attendent des jugements : il eh est dont la fortune, la liberté, l'hottneur, la vie même dépendent du sort d'une Cassation, d'une révision prête à être rapportée. La lenteur et l'incertitude seraient pour elles une cause de souffrance, une occasion de ruine, et peut-être le principe d'un malheur irréparable.
D'un autre côté, l'ordre public et la perception des impôts sont dans un état de trouble et de stagnation qui chaque jour devient plus funeste ; partout on discute, on refuse, on s'oppose : il faut décider, il faut agir, il faut contraindre, et, sans doute,il est important que la forme sous laquelle l'action du pouvoir exécutif doit s'exercer, soit claire et positive, et qu'elle ne donne pas lieu à de nouveaux doutes et à de nouvelles résistances.
Sans doute l'établissement des administrations provinciales et l'organisation des municipalités rendront beaucoup plus rare le recours au conseil du Roi pour toutes les matières qui leur seront attribuées : de même l'institution d'un meilleur ordre judiciaire, la simplification des formes, et la réduction des frais, procureront sous un autre rapport le même avantage. Mais en attendant, et au milieu des circonstances qui nous pressent, ne conviendrait-il pas au bien de la justice et à celui de l'administration que les pouvoirs anciens et les anciennes formes fussent conservés, jusqu'à ce que l'ordre nouveau, constitué dans toutes ses parties, présentât un remplacement actuel et complet, capable de concilier à la fois la confiance et l'obéissance?
Ce moyen paraît nécessaire pour prévenir les dangers incalculables qui ne manqueraient pas de résulter bientôt de la suspension de toutes les affaires qui sont pendantes aux conseils du Roi, et de l'inaction du pouvoir exécutif dans presque toutes les parties de l'administration.
Telle est la question que les ministres du Roi soumettent à la considération de l'Assemblée nationale, en 1 invitant à vouloir bien s'en occuper sous les différents rapports, et en lui demandant avec instance de leur faire promptement connaître la marche et les formes qui devront être suivies provisoirement.
DISTRIBUTION
DU LOCAL DE L'ARCHEVÊCHÉ DE PARIS, DESTINÉ PROVISOIREMENT AUX SÉANCES ET TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, PAR LES SIX COMMISSAIRES QU'ELLE A CHOISIS ET REVÊTUS DE POUVOIRS A CET EFFET.
N° 1.
Vestibule de la chapelle.
Cette pièce, située à la gauche du grand escalier, forme le vestibule de la salle nationale, et renfermera commodément la buvette.
N° 2.
Grande chapelle de l'ordination.
Cette pièce, située ensuite de la précédente, est destinée aux séances de l'Assemblée nationale. Les députés pourront y entrer par une porte placée à son extrémité opposée.
Us occuperont toutes les banquettes à rez-de-chaussée.
Une tribune élevée règne au pourtour de la salle, et Ion y arrive par deux escaliers différents.
L escalier intérieur, placé dans le vestibule, conduit aux places réservées à MM. les suppléants a MM. les représentants de la commune de Paris et aux députés du commerce; l'autre escalier qui donne dans la première cour, mène aux places destinées au public.
N° 3.
Grande salle à manger.
Cette pièce, située à la droite du grand escalier est destinée à contenir six bureaux. Et comme l'impossibilité de trouver un emplacement de quoi contenir trente bureaux séparés dans un
local provisoire, a déterminé les commissaires à ne placer que dix bureaux, qui se relèveront trois fois chacun, à des heures différentes, la salle dont il s'agit est destinée à la réunion, en trois fois, de dix-huit bureaux, depuis le n° 1 jusques et y compris le n° 18.
N° 4.
Salle dite des bureaux.
Cette pièce, située ensuite de la précédente, est destinée à contenir quatre bureaux, et, par conséquent, à réunir en trois fois, douze bureaux, depuis le n° 19 jusques et y compris le n° 30.
N° 5.
Salle de la Croix.
Cette pièce, située ensuite de la précédente, sera consacrée aux travaux du comité de rapport. et du comité de rédaction, qui s'assemblent rarement dans le même instant.
N° 6.
Salon du Roi.
Cette pièce, qui communique avec la précédente et qui a une entrée particulière, est destinée aux séances du comité des finances et de ses divisions.
7.
Vestibule de la bibliothèque.
Cette pièce, placée ensuite de la précédente, est destinée au comité de judicature, et au comité de féodalité, à des jours différents.
N° 8.
Bibliothèque.
Première partie.
Cette pièce, située près de l'appartement de Monseigneur l'archevêque de Paris, a été divisée en deux parties.
La première contiendra le comité de commerce et de l agriculture, et le comité de constitution qui s'assemblent rarement dans le même instant.
N° 9.
Bibliothèque.
Seconde partie.
Cette pièce, qui fait suite à la précédente, contiendra le comité des domaines et le comité ecclésiastique, à des jours différents.
10, 11 et 12.
Appartement de M. de Bellegarde.
Ces trois pièces, situées dans une autre aile, et de plain-pied entre elles, sont affectées au comité des recherches, au comité militaire et au comité de la marine.
Nota.
Si le comité de vérification était dans le cas de 1 s'assembler, ses membres se réuniraient dans un bureau.
N° 13.
Officialité.
Cette pièce, située dans la première cour à droite, au rez-de-chaussée, contiendra une por- tion du secrétariat, savoir :
Le bureau des procès-verbaux, qui occupe sept commis;
Le bureau du contre-seing, qui occupe quatre commis ;
Le bureau du scrutin et des passe-ports, qui occupe deux commis.
N° 14.
Chambre du conseil.
Cette pièce, située ensuite de la précédente, contiendra une autre portion du secrétariat, savoir :
Le bureau des renvois, qui occupe quatre commis ;
Le bureau de la correspondance, qui occupe ¦ quatre commis.
N° 15.
Le chapitre.
Cette pièce, située dans le cloître à gauche, est destinée à contenir la dernière portion du secrétariat, savoir :
Derrière la balustrade, le bureau du comité des finances, qui occupe cinq commis;
Dans le reste de la salle, le bureau du comité de judicature, qui occupe un commis;
Celui du comité de commerce, qui emploie un commis ;
Celui du comité de rapport, qui occupe un commis ;
Celui des affaires diverses, qui emploie cinq commis ;
Enfin, deux commis surnuméraires.
Nota.
L'imprimeur aura une pièce attenante au vestibule de l'Assemblée nationale, pour être toujours à même d'y recevoir ses ordres.
Quant au trésor des dons patriotiques, il sera placé dans un endroit commode et sûr, déterminé » par MM. les commissaires, de concert avec MM. les trésoriers.
Les voitures entreront toujours par la porte de l'archevêché, à droite de l'église de Notre-Dame, et sortiront toujours par la porte du cloître.
La distribution du local ci-dessus, arrêtée par les six commissaires de l'Assemblée nationale, sera imprimée sans délai et un exemplaire en sera remis, lundi 19, avant la séance, à chacun de MM. les députés.
A Paris, ce 18 octobre 1789.
Signé : de Colbert-Seignelay, évêque de Kodez, Guillotin, le duc d'Aiguillon, la. Poule, le président le Pelletier de Saint-Fargeau , le marquis de Gouy-D'Arsv, commissaires.
Séance du
A dix heures du matin, l'Assemblée nationale se réunit à Paris dans la grande salle de l'archevêché, ainsi que cela avait été décidé le 15 du courant.
, ayant déclaré que la séance était ouverte,aannoncé une lettre de M. Brun de La-combe, sur les municipalités et les districts. Cette lettre est renvoyée au comité de Constitution. (Voy. plus loin le texte de ce document, annexé à la séance de ce jour.)
Je demanderai au Roi l'heure à laquelle il recevra la députation que l'Assemblée est dans l'intention de lui envoyer.
Pendant les trois jours que l'Assemblée nationale a été obligée de suspendre ses séances, il est arrivé plusieurs événements dont j'ai à Jui rendre compte.
Le vendredi 16 , un membre est venu me faire part d'une lettre par laquelle on lui annonçait que M. le vicomte de Caraman, major en second d'un régiment de chasseurs, a été arrêté le 13 à Alen-çon, avec un lieutenant et 60 dragons, sur l'ordre du comité municipal de cette ville. Ce comité a dù commencer l'instruction le 14, et a annoncé que le jugement définitif pourrait être rendu le 18.
Ne pouvant consulter l'Assemblée sur cet événement, et déterminé par l'urgence des circonstances, j'ai écrit au comité d'Alençon ; je lui ai représenté que nul ne peut s'attribuer arbitrairement le pouvoir judiciaire ; que c'est attenter à la loi que d'établir un semblable tribunal ; que le Châtelet de Paris avait été chargé, par un décret de l'Assemblée, d'instruire de semblables affaires avec la plus grande publicité, et que j'engageais le comité à surseoir jusqu'à ce que j'aie fait part de ces faits à l'Assemblée nationale.
Le dimanche, à minuit et demi, trois députés de Boulogne-sur-Mer m'ont appris que le peuple et, la municipalité de cette ville n'ont pas voulu laisser partir M. le duc d'Orléans, qui passait en Angleterre, et qu'ils ont été envoyés pour obtenir de M. de Montmorin, des représentants de la commune de Paris et de l'Assemblée nationale, l'attestation de la régularité et de l'authencité du passe-port de ce prince ; après m'être fuit représenter le titre de ces députés, je leur ai remis l'attestation qu'ils demandaient.
J'ai aussi été instruit par M. d'Esterhazy, commandant duHainault, que les subsistances nécessaires aux garnisons établies sur les frontières pour empêcher l'exportation des grains, ayant été interceptées par les paysans, les milices nationales et les troupes réglées ont été maltraitées par les habitants des campagnes. Ce fait rend plus pressante la loi sur les attroupements.
On fait lecture des dons patriotiques.
La ville de Montélimar en Dauphiné envoie 3,142 livres.
M. Bonnel de la Verdière, auditeur à la chambre des comptes de Bretagne , 100,000 livres formant le quart de ses propriétés.
Les religieuses ursulines de Mantes, 5,000 livres.
Les comédiens de Marseille, 2,600 livres.
M. de la Masse]lerie, 2,400 livres.
Les colons américains font passer à l'Assemblée la délibération suivante :
« L'assemblée des colons, délibérant sur la proposition qui lui a été faite par un de ses membres, a Unanimement arrêté que, pour donner une preuve de leur zèle et de leur dévouement, les colons américains votaient, et que MM. leurs députés demeuraient autorisés, en vertu des présentes, à offrir à l'Assemblée nationale, pour subvenir aux charges de l'Etat, la quatrième partie de tous leurs revenus, ce qui peut être un objet de 6millions, et en outre un cautionnement de la cinquième partie de leurs biens, pour liquider la dette nationale.
« Signé : dé Joly, président, RoLAND-AtJDlGËR, Poizat, secrétaires. »
On lit la lettre suivante de M. de Limon, contrôleur général des finances de M. le duc d'Orléans.
« Monseigneur le président, je viens présenter entre vos mains, à l'auguste et tutélaire Assemblée nationale, l'hommage de la ville_de Pont-l'Evêque, dont j'ai l'honneur d'être maire; l'expression de son respect* de sa vive reconnaissance pour les décrets mémorables déjà émanés de l'Assemblée, ses vux pour Je succès de la constitution de ses travaux, ainsi que mes pouvoirs , sont consignés dans la délibération en forme qu'elle a prise Je 5 août dernier; elle m'est arvenue dans le cours d'une tournée que je fais ans les possessions de monseigneur le duc d'Orléans, et j'en attendais la fin, pour avoir l'honneur de vous remettre moi-même, monseigneur,cette délibération, comme j'en avais d'abord le dessein, sous la crainte de différer trop longtemps un hommage que l'empressement des autres villes du royaume ferait paraître tardif ; mais sa date lui reste, et elle est précieuse puisque le 5 août est l'époque la plus glorieuse pour le patriotisme français.
« Quant à moi, monseigneur le président, à la distance où je me trouve de la capitale, et occupé uniquement des domaines de monseigneur le duc d'Orléans* que je parcours, je ne viens que d'apprendre, par les papiers publics, que l'Assemblée nationale a biçn voulu permettre à des particuliers de lui offrir des sacrifices patriotiques. Je m'empresse, monseigneur le président, de me mettre à leur suite.
« Dès le mois de mars dernier, j'ai renoncé gratuitement aux droits de corvée en nature et en argent, au droit de banalité des moulins, et aux droits de colombier qui m'appartenaient.: je n'ai plus rien à faire à cet égard. Mais j'ai une seigneurie qui s'étend sur huit paroisses. J'offre d'abandonner, sans rachat ni indemnité* à mes vassaux et censitaires, les droi ts de lods et ventes, de relief, et tous autres droits seigneuriaux, si les seigneurs suzerains, de qui je relève, veulent me traiter de même.
« Probablement de très-longtemps mes fiefs ne seront pas vendus, et leur sacrifice sera très-éloigné, au lieu que je renoncerai dès à présent au produit annuel de mes lods et ventes. En faisant remonter cette remise gratuite jusqu'au premierauneaude lachaîneféodale, il n'yauraitde sacrifice sans compensation que pour le domaine de la couronne; mais il serait léger, et mes censitaires jouiraient de la condition gratujle de la féodalité, condition sans laquelle ce bienfait ines-
timable sera peut-être nul pour eux. Il m'est dû des rentes seigneuriales : j'offre d'en recevoir le remboursement au denier 20 et d'en placer le produit à 4 0/0 Sur l'Etat.
« Enfin, rhonseigneur le président, à mon retour à Paris, je ferai porter mon argenterie à la Monnaie ; et également, à mon retour à Paris, et lorsque la Constitution aura garanli que les fonds publics ne pourront plus être détournés de leur destination, je verserai dans la caisse patriotique une somme qui excédera de beaucoup le centième denier de ma fortune et de mes facultés ; mais, dans la crise actuelle, lorsqu'il est à craindre que le génie du premier ministre des finances, ses grands talents et ses ressources ne puissent pas triompher entièrement des circonstances, et mettre la plus auguste Assemblée du monde à portée de faire tout le bien que le Roi désire et que la nation attend, chacun doit un tribut personnel à sa patrie, et c'est par des privations et des sacrifices réels de fortune, quoique la mienne soit très-modique, que je veux acquérir le droit de dire : et moi aussi je suis Français.
« Je suis avec un profond respect, monseigneur le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Geoffroy De Limons , «maire de la ville de Pont-l'EvëQû'è.»
Le comité des rapports est invité à s'assembler pour s'occuper d'un mémoire adressé par la milice nationale de Rouen. Cette ville paraît fort agitée. Cette affaire est très-importante, puisque de la tranquillité de cette ville dépend essentiellement la subsistance de la capitale du royaume.
La lecture du procès-verbal donne lieu à plusieurs observations. 11 est décidé que la rédaction de cet acte sera revue, et que désormais tous les officiers des buréaux examineront les procès-verbaux avant qu'ils soient lus à l'Assemblée.
Quelques représentations sur l'incommodité et le peu d'étendue de la salle de l'archevêché déterdaltiëht l'Assemblée à ordonner que les commissaires déjà nommés seront chargés de chercher Un local plus converlâble.
L'ordre du jour était la discussion du projet du comité dé Constitution sur les municipalitéé
ayant obtenu la parole, veut entrer dans quelques détails sur la situation actuelle de l'Assemblée. Il est invité à se renfermer exactement dans l'ordre du jour.
engage les députés de Dau-phiné à se retirer pour prendre connaissance de dépêches très-importantes arrivées de cette province.
Une députation de la commune de Paris est introduite.
M. Èailly, maire, accompagné deM. de Lafayette, porte la parole.
Messieurs, nous apportons à l'Assemblée nationale les hommages de la commune de Paris; nous venons renouveler à cette auguste Assemblée et l'expression d'un respect profond et l'assurance d'une soumission entière. Nous avons toujours désiré l'honneur que nous recevons aujourd'hui, celui de voir les représentants de la nation réunis dans Je sein de la capitale, et y délibérarit sur les grands intérêts de l'Etat.
Nous osons dire, Messieurs, que nous sommes dignes de cet honneur ; nous le sommes par le respect et la soumission dont nous venons vous
offrir l'assurance, mais nous le serons surtout par notre fidélité à maintenir la liberté de vos grandes et importantes délibérations. La ville de Paris n'a point d intérêt particulier; tout Français ne connaît dans ce moment que celui de la pairie. Nous demandons, comme toutes les provinces, que vous donniez à cet empire une Constitution durable qui maintienne sa prospérité, et qui fasse le bonheur de tous. Voilà notre intérêt, ce sont nos voeux.
S'il nous est permis de le rappeler ici, la ville de Paris s'est armée la première contre les ennemis de i'Etat, et en faisant ce premier acte de liberté, elle a fait disparaître les soldats dont l'Assemblée nationale et la capitale étaient environnées ; elle a assuré sa liberté en assuraut la vôtre. Sa gloire sera que la félicité de la France ait été opérée dans son sein. La Révolution qui a été commencée par le courage doit être achevée par la sagesse.
Votre sagesse, Messieurs, est de peser et de fixer la destinée de l'empire. Notre devoir, à nous, est de veiller pour vous, de vous entourer du repos et de la tranquillité. Tout citoyen sera soldat pour composer votre garde nationale 5 et la commune quç vous voyez devant vous, tous les habitants de celte capitale sont prêts à répandre jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour votre sûreté, pour l'inviolabilité de vos personnes et pour la liberté de vos délibérations. Si la capitale n'a pas encore joui de tout le calme que les bons citoyens désirent, c'est que les grandes agitations d'où la liberté doit éclore ne peuvent s'apaiser tout à coup. Le mouvement une fois imprimé ne cesse que par degrés, mais il est des circonstances heureuses qui accélèrent un repos nécessaire.
Nous pouvons dire à cette auguste Assemblée que le retour du Roi à Paris y a répandu le bonheur, que sa présence chérie y établit une paix durable. Il n'y a plus de mouvement que pour se porter autour de lui, et cette paix si désirable est aujourd'hui assurée par votre présence. La paix est le fruit de la sagesse ; si la paix n'existait point encore, elle naîtrait du respect que vous inspirez. Qu'apportez-vous ici? La durée de cet empire par les lois, sa prospérité par les lois, et le bonheur de tous par les lois.
En considérant le sénat imposant et vénérable auquel j'ai l'honneur de porter la parole, je crois voir les lois personnifiées et vivantes, ces lois simples et éternelles qui vont s'étendre dans toute la France et dans tout l'avenir, pour le bonheur universel. La paix sera dans tous les temps l'ouvrage de ces lois, la paix sera le fruit du respect et de l'amour. La loi et le Roi, voilà tout ce que nous devons respecter ; la loi et le Roi, voilà tout ce que nous devons aimer.
à la députation : Messieurs, l'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction vos respects, vos félicitations et vos vux. La majesté de ses séances, son zèle pour le rétablissement de l'ordre public et pour l'affermissement de la liberté, de la concorde et de la paix entre les ci-toyeus vont vous offrir de grands exemples ; elle attend aussi de vous, Messieurs, de grands secours.
La première ville d'un vaste empire eut toujours une influence immense sur sa destinée. Rome, vertueuse et libre, fut l'idole de l Italie et la terreur du monde; Paris, ramené par le génie de la liberté, par la voix de la raison, par l'intérêt même de sa conservation, à des moeurs plus pures et plus simples, à un régime d'administration plus
ferme, à des institutions et à des lois plus dignes de son respect, sera le modèle de la France et l'amour de l'univers.
Quels gages de cet espoir consolant ne nous offre pas, Messieurs, la composition du corps auguste que vous représentez !
Les talenls relevés par la modestie, la droiture unie au savoir, distinguent son chef ; la circonstance où vos suffrages nous ont repris ce bien que vos suffrages nous avaient donné, a diminué pour nous le sentiment de sa perte, mais n'a pu faire oublier la longue suite des services qu'il nous a rendus. Que la commune de Paris jouisse de son honorable conquête ; elle s'applaudit à juste titre d'en avoir fait sur nous une autre encore digne de notre secrète envie, c'est le héros dont le bras la défend. Ce héros est un sage que le seul intérêt de l'humanité appela dans les champs de la gloire, et qui, sous les drapeaux d'un guerrier à jamais illustre, sembla comme lui priser les leçons d'un nouveau Lycurgue autant et plus peut-être que les palmes des triomphes qui fondaient la liberté de Philadelphie.
Sous ces chefs patriotes on 3 vu la fermeté, le courage, la tranquille raison d'une commune fidèle à la loi et à son prince, au milieu même des orages qui l'agitaient, étonner la France, et soutenir l'espoir de ses habitants au fort de la tempête. ,
Achevez votre ouvrage, Messieurs ; que l exemple de vos guerriers resserre le lien de la discipline militaire, relâché par nos légions.
Que la sagesse et la vertu de vos administrateurs imposent un frein à la licence.
Que votre respect pour les lois, vos soins pour relever l'éclat du trône, rappellent à la confiance et à la paix un peuple égaré momentanément par l'artifice de ses dangereux amis, mais toujours bon, toujours équitable et dévoué surtout au monarque citoyen dont les bienfaits et les vertus sont empreints dans son cur.
L'Assemblée nationale vous verra avec plaisir à ses séances.
Messieurs, la première de nos séances dans la capitale 11'est-elle pas la plus convenable que nous puissions choisir pour remplir une obligation de justice, et je puis ajouter un devoir de sentiment?
Deux de nos collègues, vous le savez, ont été appelés par la voix publique à occuper les deux premiers emplois de Paris,_l'un dans le civil, l'autre dans le militaire, je hais le ton des éloges, et j'espère que nous approchons du temps où l'ori ne louera plus que par le simple exposé des faits. Ici les faits vous sont connus. Vous savez dans quelle situation, au milieu de quelles difficultés vraiment impossibles à décrire, se sont trouvés ces vertueux citoyens. La prudence ne permet pas de dévoiler toutes les circonstances délicates, toutes les crises périlleuses, tous les dangers personnels, toutes les menaces, toutes les peines de leur position dans une ville de sept cent mille habitants, tenus en fermentation continuelle à la suite d'une révolution qui a bouleversé tous les anciens rapports; dans un temps de troubles et de terreurs, où des mains invisibles faisaient disparaître l'abondance, et combattaient secrètement tous les soins, tous les efforts des chefs, pour nourrir l'immensité de ce peuple, obligé de conquérir, à force de patience, le morceau de pain qu'il avait déjà gagné par ses sueurs.
Quelle administration ! quelle époque oùillaut tout craindre et tout braver ; où le tumulte renaît
du tumulte; où l'on produit une émeute par les moyens qu'on prend pour la prévenir ; où il faut sans cesse de la mesure, et où la mesure paraît équivoque, timide, pusillanime ; où il faut déployer beaucoup de force, et où la force paraît tyrannie; où l'on est assiégé de mille conseils, et où il faut le prendre de soi-même ; où l'on est obligé de redouter jusqu'à des citoyens dont les intentions sont pures, mais que la défiance, l'inquiétude, l'exagération rendent presque aussi redoutables que des conspirateurs ; où l'on est réduit même, dans des occasions difficiles, à céder par sagesse, à conduire le désordre pour le retenir, à se charger d'un emploi glorieux, il est vrai, mais environné d'alarmes cruelles; où il faut encore, au milieu de si grandes difficultés, déployer un front serein, être toujours calme, mettre de lordre jusque dans les plus petits objets, n'offenser personne, guérir toutes les jalousies, servir sans cesse, et chercher à plaire comme si l'on ne servait point.
Je vous propose, Messieurs de voter des remer-cîments à ces citoyens, pour l'étendue de leurs travaux et leur infatigable vigilance. On pourrait dire, il est vrai, que c'est un honneur réversible à nous-mêmes, puisque ces citoyens sont nos collègues. Mais ne cherchons point à le dissimuler, nous sentirons un noble orgueil, si l'on cherche parmi nous les défenseurs de la patrie et les appuis de la liberté, si l'on récompense notre zèle, en nous donnant la noble préférence des postes les plus périlleux, des travaux et des sacrifices.
Ne craignons donc point de marquer no're reconnaissance à nos collègues, et donnons cet exemple à un certain nombre d'hommes qui,imbus de notions faussement républicaines, deviennent jaloux de l'autorité au moment même où ils l'ont confiée, et lorsqu'à un terme fixé ils peuvent la reprendre; qui ne se rassurent jamais ni par les précautions des lois, ni par les vertus des individus ; qui s'effraient sans cesse des fantômes de leur imagination; qui ne savent pas qu'on s'honore soi-même en respectant les chefs qu'on a choisis ; qui ne se doutent pas assez que le zèle de la liberté ne doit point ressembler à la jalousie des places et des personnes; qui accueillent trop aisément tous les faux bruits, toutes les calomnies, tous les reproches. Et voilà cependant comment l'autorité la plus légitime est énervée, dégradée, avilie; comment l'exécution des lois rencontre mille obstacles ; comment la défiance répand partout ses poisons ; comment, au lieu de présenter une société de citoyens qui élèvent ensemble l'édifice de la liberté, on ne ressemblerait plus qu'à des esclaves mutins qui viennent de rompre leurs fers, et qui s'en servent pour se battre et se déchirer mutuellement.
Je crois donc, Messieurs, que le sentiment d'équité qui nous porte à voter des remerciements à nos deuxcollègues est encore une invitation indirecte, mais efficace, une recommandation puissante à tous les bons citoyens de s'unir à nous pour faire respecter l'autorité légitime, pour la maintenir contre les clameurs de l'ignorance, de l'ingratitude ou de la sédition, pour faciliter les iravaux des chefs, leur inspection nécessaire, l'obéissance aux lois, la règle, la discipline, la modération, toutes ces vertus de la liberté. Je pense enfin que cet acte de remerciement prouvera aux habitants de la capitale que nous savons, dans les magistrats qu'ils ont élus, honorer leur ouvrage et les respecter dans leur choix. Nous unirons, dans ces remerciements, les braves milices, dont l'intrépide patriotisme a
dompté lu despotisme ministériel; les représentants de la commune et les comités de district, dont les travaux civiques ont rendu tant de services vraiment nationaux.
La proposition de M. de Mirabeau est unanimement adoptée.
Recevez, Messieurs, tous mes remerciements de l'honneur que vous me faites : il appartient plus à M. de Lafayette qu'à moi. Je n'ai pu faire encore aucun bien. Mes efforts ne sont pas sans récompense, puisque votre présence a ramené la paix.
Excusez, Messieurs, l'émotion que j'éprouve; elle est un gage certain de ma profonde reconnaissance. Il m'est bien glorieux d'avoir mérité l'estime de l'Assemblée nationale, sous les ordres du chef qui a dirigé mes travaux. Je saisis celte occasion de rendre à la garde nationale la justice qu'elle a toujours usé de sa force d'une manière digne des motifs qui lui ont fait prendre les armes...
La commune a aussi bien des droits à votre bienveillance: c'est à elle que sont dus les succès de nos travaux.
L'Assemblée vote des remerciements à la commune et à la garde nationale,
annonce que M. Huard, député de Rennes,est mort à Versailles. M. Varin, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est autorisé à prendre séance et voix délibéra-tive dans l'Assemblée nationale.
On reprend la discussion sur les municipalités.
offre de nouveaux détails sur le plan de division du rovaume qu'il avait déjà présenté, et expose des vues générales sur les espérances du peuple; il demande l'établissement de deux comités : l'un assisterait à la vérification de la division qu'il a faite, l'autre recevrait sur cet objet les observations des provinces.
représente la division du comité comme inutile, impraticable et dangereuse. Inutile : dans la division actuelle de la France, les bases de la populatiçn et de la contribution, sont déjà connues. A raison de la diverse fertilité du sol, celle de l'étendue serait destructive de l'égalité de représentation. Impraticable; il faudrait que la France fût plane et sa circonférence régulière ; ajoutez à cette considération les obstacles et les divisions naturelles, les fleuves, les montagnes; les productions, les climats, les usages: nulle harmonie, nulle tendance au même but. Dangereuse. chaque province croirait y perdre, elle se plaindrait, et nous pourrions seulement lui répondre: il fallait pour une juste symétrie que la France fût réduite en quatre-vingts carrés égaux. Ainsi, les plus fortes raisons font un devoir de rejeter le premier article et de conserver la division en provinces.
ne voit nul inconvénient dans l'article, si les provinces consentent aux légers changements proposés, et elles y consentiront si les assemblées primaires et élémentaires sont placées dans un lieu de marché ou de foire; il propose quelques articles en conséquence.
Le travail du comité séduit d'abord par une précision presque géométrique; mais il serait long et difficile à appliquer, et cependant la circonstance est pr ssaDte. Comment attaquer ou détruire? comment vaincre le sentiment qui attache l'habitant des provinces autant au nom de son soi qu'au sol même? On dira peut-être qu'il faut fondre les esprits; mais un tel essai sur le corps politique ne doit être tenté que quand il aura assez de santé et de force pour supporter cette opération. Je conclus à la conservation de la division pur provinces, et à l'organisation provisoire des municipalités.
La première question à traiter est celle de .-avoir si on acceptera oui ou non le plan du comité. On vous dit que le plan attaque les intérêts locaux, les habitudes, les liaisons des peuples; mais les Français ne sont-ils pas d'un ressort pour les tribunaux, d'un diocèse pour le spirituel? Pourquoi ne seraient-ils pas aussi d'un autre ressort pour l'administration ? Il faut considérer le royaume sous un autre point de vue, sous celui de la représentation. Je ne regarde pas comme une chimère la réunion des Français sous une même loi, et je trouve les circonstances bien favorables, puisque nous sommes après le despotisme et avant la Constitution.
Nous avons renoncé aux usages serviles, aux privilèges ennemis de tout bien ; l'anarchie est un passage effrayant, mais nécessaire, et c'est le seul moment où l'on peut arriver à un nouvel ordre de choses. Ce n'est pas dans des temps de calme qu'on prendrait des mesures uniformes. La paresse retient l'homme, et il préfère l'état médiocre au mieux possible. Je crois qu'il faut discuter le plan du comité, en distinguant les principes de l'application. Les premiers doivent être clairs et généraux, leur exécution doit être lente et sage, mais il ne faut pas la livrer à la volonté des provinces; il ne faut qu'un pouvoir législatif, comme il n'y en a qu'un exécutif. Je réduis mon avis à délibérer si l'on veut admettre le plan du comité à la discussion, article par article, ou si l'on veut travailler sur les autres plans.
Il faut préliminairement décréter les points suivants : premièrement, les provinces conserveront leurs limites anciennes; secondement, des assemblées élues remplaceront les assemblées actuellement administratives des provinces; troisièmement, les villes auront des municipalités libres, électives et annuelles ; quatrièmement, chaque province sera divisée en cantons, comme elle le jugera convenable, suivant ses dispositions locales et ses intérêts.
Si l'on établit le comité indiqué par M. Aubrv du Bochet, il doit être composé de membres pris dans chaque généralité.
Pour ramener la discussion à un point simple, il faut mettre en question si l'on admettra une nouvelle division? quelle sera cette division? comment elle sera déterminée?
Il est de la sagesse de l'Assemblée de borner son travail en ce moment à reconnaître les principes des élections des assemblées provinciales et des municipalités.
Il faut faire des
villages et des villes avant de faire des provinces. Le premier objet à décréter est donc celui-ci : à qui, dans les villes et villages, donnera-t-on le droit de suffrage? quelle sera la manière de l'employer ?
propose, avec d'autres développements, le même avis que M. de Clermont-Tonnerre.
consulte l'Assemblée en ces termes : Acceptera-t-on le plan proposé par le comité de Constitution pour le discuter, oui ou non? Il a été décrété « que le plan proposé par le comité de Constitution était adopié pour devenir la base du travail relatif à l'organisation des assemblées provinciales et municipales, et qu'en conséquence il serait soumis à la discussion exclusivement à tous autres ». Il a été décidé ensuite que les premiers objets soumis à la discussion seraient les règles d'éligibilité pour les assemblées administratives et pour les assemblées nationales.
obtient la parole. Il fait la motion suivante et demande que l'Assemblée en corps se transporte auprès du Roi (1) :
Messieurs,il a donc fallu un intervalle de 175 années pour préparer la ville de Paris au spectacle imposant d'une Assemblée nationale, qui, en exécution de ses propres décrets, vient tenir ses séances majestueuses au milieu de la capitale de l'empire.
Appelés par le Roi auprès de sa personne, si nous avons marqué le plus vif empre?sement de nous rendre à son invitation paternelle, nous aurons aussi la douceur d'être sans cesse à portée d'élever jusqu'à son trône les expressions de reconnaissance dont les peuples sont pénétrés pour le Restaurateur de la Liberté française.
Ce sentiment sera pour nous celui de tous les jours; mais aujourd'hui, quelle est, Messieurs, la première réflexion qui nous a frappés tous en nous voyant rassemblés en ce lieu ? D'admirer, sans doute, le cours des événements qui nous y ont conduits; de rendre grâce à la main invisible et toute-puissante qui semble avoir créé, maintenu, agité, déplacé, replacé VAssemblée nationale.
Miraculeux ascendant d'une bonne cause! non-seulement elle triomphe de tous les obstacles,mais elle les fait servir à ses progrès. Plus on a essayé de nous écarter de notre route, plus on a précipité nos pas vers le but : nos plus grands ennemis ont combattu pour nous; nous jouissons du fruit de leurs travaux, et la patrie recueille celui des nôtres.
Ils n'ont eu jusqu'ici, et n'auront jamais d'autre terme que la félicité publique.
C'est du bonheur de tous les citoyens que nous avons voulu, et que nous voulons
toujours nous occuper; aussi nous plaisons-nous à les initier à tous nos secrets. Sans
cesse entourés de tant d'objets chers à nos curs, nous nous garderons bien de leur
cacher les motifs de nos délibérations; en les rendant ainsi communes à tout ce qui
nous entoure, ne vous semble-t-il pas, Messieurs, être réunis, comme les premiers
Francs nos pères, dans ces fameux champs de mars, où tout un peuple délibérait sur les
intérêts simples de tout un peuple.
Ainsi, l'Assemblée nationale actuelle n'est que l'image fidèle des premières assemblées de la nation. Nous n'avons pas innové; nous n'avons que copié nos ancêtres ; et si nous avons eu un mérite, c'est de n'avoir pas hésité sur le choix, et de nous être attachés au bon modèle.
Félicitez-vous, Messieurs, de la route que vous avez prise, et ne dédaignez pas une jouissance que vous présente un passé bien récent.
Dans ce même lieu, dans ces mêmes murs, trois ordres, ou trois corporations différentes, réunies un instant,après des délibérations isolées, députaient vers le sanctuaire de la nation, il y a aujourd'hui cinq mois.
Eh bien ! je ne vois aujourd'hui dans cette même enceinte, que des Français, que des citoyens libres et égaux en droits! Quelle heureuse métamorphose ! les voilà donc anéanties à jamais, ces frivoles prétentions de rang, ces vaines idées de prééminence, ces contestations oiseuses qui pouvaient occuper nos serviles ancêtres, mais qui ne conviennent plus à la marche décidée d'un peuple qui s'affranchit sous les yeux d'un monarque qu'il aime. Nous ne prétendons tous qu'à la gloire de consolider la prospérité française ; et quand, pour atteindre ce but, nous avons tous, avec une équité généreuse, sacrifié la jouissance d'exemptions ou acquises par la valeur, ou données par la faveur, ou usurpées par le temps et l'ambition, il peut nous être permis de jeter un regard de complaisance sur la carrière que nous avons parcourue, et de nous applaudir, au bout de la lice, de nous trouver enfin à la véritable place d'un Corps législatif, à côté du trône, et au centre de l'empire.
Oui, Messieurs, c'est à ce point que tous les fils viennent se réunir ; et dans quelle erreur ne tomberait pas celui qui s'imaginerait que le chef d'un grand royaume, que VAssemblée nationale d'un grand Etat, que la capitale d'un grand empire, sont des êtres politiques existants par eux-mêmes? Non, jamais la raison ne reconnut cette existence isolée.
Un Roi n'est que la collection de tous les pouvoirs exécutifs.
Une Assemblée nationale n'estque la réunion de tous les pouvoirs législatifs.
Une capitale n'est que la coalition des intérêts de toutes les provinces.
Et de même que l'oq ne peut blesser le souverain, sans outrager chaque sujet qu'il protège;
De même que l'on ne peut se soustraire aux décrets de l'Assemblée nationale, sans violer les droits du peuple qu'elle représente ;
De même, l'on ne saurait dégrader une capitale, sans dégrader les provinces, puisque cette capitale n'existe que pour recueillir et faire circuler toutes les productions territoriales et industrielles de la république.
Cette propriété n'est pas spécialement inhérente à la capitale de la France. Dans tout Etat monarchique ou républicain, il faut un centre à tous les intérêts et à tous les pouvoirs. Athènes était celui de l'Attique ; Lacédemone, celui de la belliqueuse Laconie ; Rome, celui de la république conquérante du monde; Londres est le point central qui fait prospérer l'Angleterre; Paris, la capitale des arts, des richesses, des lumières, ne doit-il pas être aussi la capitale des lois? Tout le royaume correspond ici; tous les mouvements perturbateurs ou régulateurs partent d'ici, et se propagent insensiblement de province en province; VAssemblée nationale est faite pour dominer ces mouvements, pour les diriger dans leurs principes, pour les ramener tous à l'intérêt public.
Mais, qui lui donnera cette force prédominante et directe? Qui, Messieurs ? l'esprit national déployé avec vigueur; l'ordre inviolable établi dans nos délibérations ; l'éloquence des orateurs, qui commande l'attention; le silence des délibérants, qui encourage le talent; le respect des citoyens que nous admettons à la plus auguste Assemblée de l'univers : respect qui doit s'étendre de leur part jusque sur les débats qu'eutraîne nécessairement une discussion éclairée, lorsqu'elle est établie entre un grand nombre de personnes; respect qui sera justifié, si la sagesse imprime à nos décrets le caractère de l'immuabilité.
Enfin, Messieurs, si quelque chose peut ajouter à celte influence irrésistible que la patrie réclame de nous, c'est la liberté sacrée qui doit régner dans ce sanctuaire; c'est la libre manisfestation de toutes nos idées, sans que dans aucun cas les sénateurs de la nation puissent craindre, ni ce reproche usé d'aristocratie qui n'existe plus, ni ce reproche injuste de démocratie qui n'exista jamais, et, ce qui est plus puissant encore, c'est l'exemple des vertus patriotiques donné sans faste à chaque occasion ou de péril, ou de sacrifice, qui se présentera.
Dans les occasions de péril, nous avons déjà trouvé que nous étions les dignes représentants d'un peuple libre et valeureux. Dans les occasions de sacrifice, hésiterons-nous à montrer que nous sommes l'élite d'un peuple généreux et fidèle?
Le moment est venu defaire celte noble preuve. Je n'ai rien à vous apprendre sur la situation horrible de nos finances; je n'ai rien à ajouter sur les motifs qui vous ont fait adopter les plans d'un minisire intègre et vigilant ; je n'ai rien à vous suggérer sur les modifications que son plan exige, et sur la nécessité d'un dernier moyen qu'il n'ose vous proposer, et qu'il attend, sans doute, de votre sagesse ; je n'ai rien à observer sur les difficultés que la disette prétendue, ou l'indigence plus réelle, chercheront à opposer à la prompte exécution d'un plan si urgent, si nécessaire..... L'Assemblée nalionale indissolublement unie à son Roi, doit triompher de tous ces obstacles ; mais c'est contre l'intrigue infatigable, c'est contre l'intérêt murmurateur ou rebelle, que j'ose vous proposer, Messieurs, non de tracer une adresse, non de prononcer un décret, mais de donner un grand exemple.
Le quart du revenu est demandé à chacun par la loi que nous avons faite. C'est la nécessité la plus irrésistible qui nous a dicté cette loi rigoureuse. Justifions nos motifs, justifions ses rigueurs,
en nous y soumettant avant aucune des provinces du royaume.
Ici, aujourd'hui, aux yeux de la première cité de l'Europe, en présence des citoyens patriotes qui nous entendent, que chacun de nous dévoue à la patrie la part qu'elle exige, la portion qu'elle attend de notre amour ! Auteurs de la loi qui commande à tous, honorons-nous d'être ses premiers sujets; marchons à la tête des bons citoyens, non pour les dominer, non pour les devancer, mais pour les guider et les unir.
Une nouvelle époque commence pour la France. Si elle date de ce jour l'ère de sa régénération, c'est à nous de marquer aujourd'hui, par l'obéissance à la loi que nous avons faite, la translation du trône, et celle du Corps législatif.
Formons-nous en bureaux; que sur les listes des membres qui les composent, notre hommage patriotique vienne, en présence «Je la vérité et de notre conscience, se placer à côté de nos noms.
Que l'Assemblée nationale en corps, précédée de son président et de ses officiers, aille présenter respectueusement au Roi ce tribut digne de son cur ; et que la France apprenne que si la crainte d'une dissolution totale nous a déterminés à imposer des sacrifices, nous avons aussi été les premiers à nous immoler sur l'auiel de la patrie.
Pardonnez, Messieurs, si mon âme s'est emparée de ce premier mouvement. C'est aux vôtres de le conduire à bien. Depuis cinq mois, j'écoute les hommes de génie qui siègent parmi vous; le zèle m'a inspiré quelquefois; c'est lui seul qui vous parle en ce moment. Accordez de l'indulgence à son faible organe. Puissé-je la mériter en vous adressant avec effusion, ce qu'un citoyen d'Athènes disait à un grand orateur : je conseille la vertu, et c'est vous qui la commandez 1
Il est ensuite décidé que ce ne sera poiut une députation, mais l'Assemblée tout entière qui se rendra auprès du Roi pour Je complimenter.
lève la séance,
à la séance de l'Assemblée nationale du
Lettre a M. le président de VAssemblée nationale sur les avantages politiques à retirer d'un premier décret concernant les municipalités et les districts, par M. Brun de Lacombe.
Versailles, le
Monsieur le président,
Permettez que j'aie l'honneur de vous communiquer mes idées sur un moyen d'empêcher les ennemis du bien public d'abuser des décrets de l'Assemblée nationale, pour fomenter dans les provinces l'esprit de mécontentement et d'insurrection. Ce moyen paraît consister, dans le moment, à former"sur les municipalités un premier décret, dont les sages dispositions «ôtent tout prétexte aux détracteurs des réformes les plus sensées, et confirment les peuples dans la conviction, que quiconque travaille à leur inspirer de la défiance contre les décisions de votre auguste Assemblée, est un vrai perturbateur du repos public, et l'ennemi secret de la nation.
C'est dans cet esprit, Monsieur le président, que j'ai projeté les articles suivants du premier décret dont il s'agit. Vous verrez, par une simple lecture, qu'il sera facile à la sagesse de l'Assemblée de modifier les premiers, ou de les remplacer même entièrement, sans que les autres cessent d'offrir un calmant utile aux peuples et un préservatif efficace contre tous les efforts de la méchanceté intrigante.
Idée d'un premier décret de l'Assemblée nationale sur l'organisation des municipalités et sur la formation des districts.
Art. 1er. Les villes de plus de 800 feux seront divisées
en deux ou plusieurs quartiers, comprenant chacun au plus 800 feux.
Art. 2. Tout citoyen domicilié et contribuable, soit dans le lieu de son domicile, soit dans une autre commune, sera censé former un feu.
Art. 3. Les communes de 800 feux et au-dessus, ou chefs-lieux de district, auront le titre de villes, et leur premier officier public, celui de maire. Les communes de moins debOO feux, porteront la dénomination générale de communautés. Celles de 40 feux, ou au-dessus, le titre de villages; et les autres, celui de hameaux.
Art. 4. 11 y aura une municipalité dans toutes les communes et communautésdu royaume sauf à réunir les hameaux de moins de trente feux sous l'une des municipalités circonvoisines, et à n'établir qu'une municipalité au centre de plusieurs communautés, dont le circuit ne serait que de trois lieues, ou au-dessous, pourvu toutefois que la position des lieux permette aux habitants de consentir à ces réunions.
Art. 5. Toutes les municipalités auront un conseil qui sera composé, et de membres sortant de charge, et de candidats, en nombre égal à celui des officiers municipaux, et qui, après eux, auront réuni le plus de voix.
Art. 6. On élira, dansles quartiers de ville et dans les municipalités, au moins trois officiers publics,et au plus neuf; savoir: un syndic, un juge de paix, et un juré, pour 200 feux ou au-dessous ; deux syndics, deux juges de paix et deux jurés, pour 400 feux et au-dessous ; et trois syndics, trois juges de paix et trois jurés pour plus de 400 feux.
Art. 7. Dans les villes non divisées en quartiers, le nombre des olliciers municipaux, sera de neuf; dans celle de deux ou plusieurs quartiers, il y aura autant d'officiers municipaux que de quartiers et huit en sus.
Art. 8. Les officiers municipaux seront tous élus au scrutin, à la majorité dès suffrages, et renouvelés en entier de deux en deux ans.
Art. 9. Dans les villes de deux ou plusieurs quartiers, l'élection des officiers municipaux se fera dans une assemblée de ville, composée des officiers en exercice, et des représentants de chaque quartier, lesquels y seront envoyés en nombre proportionné àla population,tant delà ville que de chaque quartier en particulier. Si la ville n'a que deux quartiers, chacun enverra pour ses représentants la moitié de ses chefs de feu ; si elle en a trois, chacun enverra pour ses représentants le tiers de ses chefs de feu ; si elle en a quatre, chacun en enverra le quart, et ainsi de suite, dans cette double proportion, sans avoir égard à l'excédant du plus grand nombre de feux, qui sera exactement divisible par deux, ou trois ou quatre, etc.
Art. 10. Ces représentants seront élus, ainsi
que tous les officiers municipaux, dans des assemblées composées de tous les contribuables domiciliés, âgés au moinsdevingt-cinqans,Français ou régnicoles depuiscinq ans, et irréprochables aux yeux de la loi, et lesquels seront à la fois tous électeurs et tous éligibles, en vertu seulement de leur mérite.
Art. 11. Lorsque les communes et communautés auront élu leurs officiers municipaux, elles tiendront une assemblée de ville et de communauté, dans laquelle il sera arrêté, à la majorité des suffrages, de demander à faire partie du district, ou département, que le voisinage et la facilité des communications feront préférer. Le chef de chaque municipalité, s'adressera, pour cet effet, au maire de la ville chef-lieu dudit district, qui en délibérera avec sa municipalité, et enverra copie de la délibération en réponse, à qui de droit.
Art. 12. La règle qui devra diriger ces délibérations, concurremment avec celle tirée des raisons locales, c'est que les moindres districts devront comprendre au moins cinquante municipalités, et les plus forts en comprendre au plus cent ; observant surtout qu'un homme puisse dans un jour aller de sa commune au chef-lieu du district, et en revenir sans effort.
Art. 13. Les maires de chaque ville désignée par les demandes des communes pour être le chef-lieu d'un distric, enverront à l'Assemblée nationale un état du nombre des municipalités de leurs districts respectifs; et, après la réception de tous ces états particuliers, l'Assemblée nationale arrêtera un plan général de division de tout Je royaume en tant et tant de districts ou départements.
Art. 14. Dans le temps que les communes se prépareront ainsi à faire partie des arrondissements les plus convenables à leur position particulière, l'Assemblée nationale arrêtera : 1 un mode constitutionnel dereprésentation nationale; 2 un nouveau plan de finances destiné à extirper à jamais les gabelles, les aides, toutes les entraves de la circulation dans l'intérieur du royaume ; et tandis que ce plan sera ensuite mis à exécution, l'Assemblée nationale décrétera les règles d'administration provinciale qui- devront être suivies dans toutle royaume, et combinées de manière à concilier l'intérêt national avec l'intérêt et les besoins locaux de chaque ville et province ou canton particulier.
Mais en attendant, l'Assemblée nationale décrète que les divisions et subdivisions existantes pour l'administration de la justice et le recouvrement des impôts, subsisteront en entier, jusqu'à ce que l'extirpation radicale de l'hydre du fisc, et la réforme effective des tribunaux de justice, aient achevé d'apprendre aux peuples qu'ils peuvent, sans aucun inconvénient et avec un très-grand avantage, toucher aux susdites divisions et subdivisions...
J'ai l'honneur de vous observer, Monsieur le président, que la substance de ce décret est consignée dans une brochure où l'on trouve la suite de l'organisation générale des administrations provinciales, l'organisation des Assemblées nationales, et une idée du grand tribunal français, après l'établissement duquel la nation soupire depuis si longtemps et avec tant d'ardeur. 11 a été distribué à MM. les députés environ trois cents exemplaires de cette brochure, connue sous le litre de Réponse laconique relativement à la meilleure destination des biens ecclésiastiques et au perfectionnement de la nouvelle Constitution.
DISCOURS que HI. le marquis de Slllery devait prononcer à l'Assemblée nationale le
Messieurs, dans les circonstances orageuses où l'Assemblée nationale s'est trouvée depuis le commencement de ses séances, vous avez conservé le calme et la tranquillité qui doivent être inséparables de vos délibérations (2).
Les malheurs de la France étaient à leur dernier période, et l'ascendant de la puissance ministérielle était tellement enraciné, que même en convenant de la position dangereuse où l'Etat se trouvait, les fauteurs de l'autorité arbitraire s'opposaient aux moyens d'y remédier par la crainte de perdre une partie de leur influencé.
Votre courage, votre énergie, secondés du patriotisme de tous les citoyens de cette immense cité, ont jeté les fondements de cette liberté si universellement désirée, et encore si méconnue. Nous avons forcé les barrières qui eussent été insurmontables sans votre constance, et je crois dans ce moment remplir également les devoirs de citoyen, de sujet fidèle et de représentant de la nation, en vous mettant sous les yeux, les détails de nos malheurs passés, et des grandes destinées qui sont promises à cet empire. Mais il faut, pour le bonheur de la nation entière, abjurer, avant tout, toute prévention particulière, tout intérêt personnel. Que le seul amour de la patrie enflammant tous les curs, dicte les décrets des représentants de la nation ; et que le peuple qui nous entoure se persuade que dévoués entièrement à ses plus chers intérêts, nous sommes également inaccessibles à la séduction et à la crainte.
Jusqu'à présent, Messieurs, chaque fois que je suis monté dans cette tribune, j'ai eu une tâche pénible à remplir : il est douloureux pour un citoyen de n'avoir que des abus à dénoncer. Egalement éloigné de tout esprit de parti, j'ai toujours défendu la liberté, mais je dois également m'opposer à la licence. Un législateur doit dire la vérité aux souverains et aux peuples. J'ai l'espoir qu'un nouveau jour va luire sur la France, et que notre vertueux monarque, écoutant les conseils de sa nation fidèle, va devenir le point de ralliement de toutes les opinions. Ce n'est plus le moment de vouloir opposer à la cause commune un système différent ; l'impulsion est donnée, les plus grands obstacles sont vaincus.
Les chefs augustes de la nation ont prononcé eux-mêmes, que c'était avec plaisir et confiance qu'ils se trouvaient au milieu de nous ; et maintenant le plus saint de nos devoirs est de leur prouver qu'ils ne seront pas trompés dans leurs
. espérances, et que leur bonheur étant inséparable de celui des peuples, nous allons tous nous t réunir pour parvenir à ce but si désiré.
L'Assemblée nationale est maintenant au milieu delà capitale. Qu'aurait-elle à redouter? Rien, sans doute ! Honorée de la confiance de 24 mil- lions d'hommes, pourrait-elle douter un moment du respect qu'elle doit inspirer? Le lieu de notre Assemblée n'est-il pas le sanctuaire de la li-- berté? Et pourrait-on imaginer que les citovens qui nous entourent fussent les premiers à pôrier ?atteinte à cette liberté pour laquelle ils combattent ? Non, Messieurs ; l'Assemblée nationale est k un dépôt sacré qui, maintenant, est sous la garde des citoyens de Paris et garanti par toute la t France. Attentifs aux délibérations que nous allons prendre, ils jugeront que c'est par les dis-r eussions que la vérité se découvre. Lorsque des citoyens ont à délibérer du bonheur de leurs com-v patriotes, ne doivent-ils pas examiner les affaires sous tous les points de vue différents ? Et la sagesse de l'Assemblée peut-elle prononcer, avant d'avoir pesé dans une balance exacte les avantages ou les inconvénients de la loi qu'elle va proclamer? Pénétrés de ces grandes vérités, ils écouteront avec respect et silence nos décrets. Les signes d'applaudissements ou d'improbation kne peuvent avoir aucune influence sur le législateur qui parle pour le bonheur public et d'après sa conscience ; et c'est à nous, Messieurs, de 1 donner ici l'exemple du silence respectueux qui doit s'observer.
Dans ce moment, Messieurs, la destinée de la France est dans vos mains ; ranimons toutes nos » forces, tout notre courage. Au nom de la patrie, oublions nos discordes civiles ; que le même intérêt nous enflamme : un seul moment peut décider du sort de cet empire.
Vous êtes, Messieurs, les représentants de toute la France et vous devez vous considérer, dans ce moment, comme réunis au milieu d'une partie de vos commettants. En effet, nous ne devons pas regarder la ville de Paris comme une cité particulière, et son peuple nombreux,composé des habitants de toutes les provinces du royaume, forme, vpour ainsi dire, une Diète immense qui s'est volontairement soumise à nos sages délibérations. rEn même temps l'Assemblée nationale doit se déclarer protectrice de la capitale et s'occuper des ' moyens d'y rétablir l'ordre et de pourvoir à sa subsistance.
Daignez, Messieurs, jeter un coup d'il sur les événements qui se sont passés. Dans l'état malheureux où la France était réduite, la convocation de l'Assemblée nationale a, pour un moment, ponsolé tous les citoyens du royaume. Ils ont entrevu un avenir plus heureux. On leur avait ? promis la liberté, ils ont voulu en jouir. Les obstacles que nous avons éprouvés ont pu leur /aire croire qu'on voulait tromper leurs espérances , ils n'ont plus connu de bornes. Cette nation valeureuse et franche a déployé son antique caractère. Rien peut-il contenir l'impétuosité des Français, quand ils se croient offensés ? Et est-il ten même temps un peuple plus doux et plus humain, quand il s'aperçoit qu'on est véritablement ' occupé de son bonheur ? Sans doute que c'est un très-grand malheur que l'insurrection des peuples, Inais elle était inévitable. Ce n'est pas dans le court espace de quelques mois que l'on peut espérer de calmer une effervescence occasionnée par le souvenir de plus de huit cents ans de calamités ~£t de peines; mais au point d'instruction où la nation française est arrivée, je ne puis m'alarmer
sur les suites de cette Révolution. Pouvait-on se flatter d'anéantir tous les abus, et d'établir un nouvel ordre dans l'administration, sans une commotion violente dans tout le royaume ? Mais examinez avec attention que le peuple se calme presque au moment où il se soulève, et qu'il est impossible que la raison ne prenne sur lui l'empire que elle doit avoir. Je ne crains pas de le dire, il n'y a que ceux qui regrettent le gouvernement arbitraire qui doutent de la paix et de la tranquillité prochaine du royaume.
Au même instant où la capitale a pris les armes , vous avez vu les provinces se soulever. Cet ouragan furieux s'est manifesté sur tout l'empire, et les ravages en ont été plus ou moins funestes dans les différents cantons. Je le répète, Messieurs, Paris, par sa population, sa richesse, son commerce, ses consommations, a une telle relation avec toutes les provinces du royaume, que chaque fois qu'il éprouvera une secousse violente, le mouvement doit se propager à tous les rayons qui aboutissent à ce centre commun.
Calmons la capitale; que les lois reprennent leur vigueur; que les tribunaux remplissent leur auguste ministère ; que la sagesse des représentants de la nation s'occupe d'organiser la commune de Paris ! Occupons-nous des moyens d'assurer la subsistance à cette grande cité, et démontrons au peuple que nous ne pouvons espérer aucun de ces heureux changements, s'il ne rentre dans l'ordre et la tranquillité. Vous le verrez, Messieurs, car je ne puis douter un moment que la voix de la raison ne prenne l'empire qu'elle doit avoir sur une nation aussi douce et aussi éclairée. A peine Paris sera-t-il calme, que vous verrez la paix régner dans nos provinces. Une heureuse circulation des grains sera le fruit de la paix et de la concorde : si l'on est, dans ce moment, quelquefois inquiet sur les moyens de subsistance, il faut que les citoyens soient instruits, que la seule cause des embarras n'est que la suite inévitable des troubles et des dissensions qui désolent en ce moment le royaume. La France renferme dans son sein plus de grains qu'il n'en faut pour nourrir ses habitants pendant deux années.
L'Assemblée nationale a prononcé des décrets pour empêcher toute exportation en pays étranger et pour favoriser la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume. Ces lois sages doivent tranquilliser les peuples, et ils verront l'abondance renaître au moment où la paix sera rétablie.
Ah! je remplis dans ce moment le plus saint de mes devoirs ; je n'ai jamais douté un moment du bonheur de mon pays ; mais pour y parvenir il faut arracher le bandeau dont on a voulu couvrir les yeux des peuples ; il faut leur dire la vérité. Qu'ils daignent m'écouter : je vais les avertir des pièges qu'on leur tend et des malheurs qui en seraient la suite. Ce n'est plus l'instant où il faut redouter d'éclairer la nation; elle connaît heureusement ses droits, mais elle a besoin d'être guidée dans les moyens de les faire valoir.
Il n'est malheureusement que trop vrai que deux systèmes différents partagent en ce moment tous les esprits. L'universalité de la France a manifesté son opinion, et le parti contraire inutilement a cherché à persuader au pouvoir exécutif qu'un nouvel ordre de choses était un attentat à son autorité et entraînerait la subversion totale de l'empire. Les vaines tentatives que les ennemis du bien public ont faites jusqu'à présent, doivent enfin les persuader que les vrais citoyens, sans
cesse en garde contre leurs brigues et leurs manuvres obscures, dénonceront tous leurs projets sans les craindre. Ils veulent en vain persuader aux peuples qne la dissolution de l'empire sera la suite de la Révolution : sans doute on doit s'attendre aux plus grands malheurs si les peuples ne se persuadent pas de la nécessité de rentrer dans l'ordre et dans l'obéissance aux lois ; mais, s'ils se laissaient séduire par les perfides avis qu'on ne cesse de leur donner, ils retomberaient bientôt dans l'esclavage lo plus abject, et sous le fléau d'un despotisme irrité des obstacles qu'il a éprouvés. Ceux qui s'opposent à la liberté des peuples ne peuvent avoir aucune générosité dans le cur, et le moment de leur triomphe deviendrait celui de leurs vengeances et des proscriptions.
Devions-nous nous attendre aux malheurs qui désolent la France? Chacun de nous arrivait n'ayant pour objet que le bonheur public : ne pourrons-nous jamais découvrir la trame funeste de tous les intrigants qui bouleversent l'Etat ? Avons-nous trouvé des obstacles auprès du Roi quand nous lui avons j?arlé du bonheur des peuples? N'est-ce pas lui qui nous a conjurés lui-même de réformer les abus, et son cur paternel ne va-t-il pas au-devant de tous les sacrifices ?
Quel est le but que l'Assemblée nationale se propose en ce moment? Le bonheur de tout le peuple français. Pouvons-nous nous égarer avec celte grande perspective sous les yeux ? Qu'il médite avec attention tous les décrets que nous arrêtons : il y verra peut-être le bonheur de quelques individus négligés ; mais que he doit-on pas sacrifier à l'intérêt général ? Avons-nous le droit de balancer un moment entre le superfllu de quelques citoyens et l'absolu nécessaire d'un peuple immense, écrasé et surchargé depuis plusieurs siècles ? Non, sans doute. Pourquoi ne serions-nous pas arrivés à l'époque heureuse où la raison doit entin triompher des antiques erreurs? Et de vaines considérations particulières doivent-elles s'opposer au bonheur général ?
Si la nation veut réfléchir avec attention sur ces grandes vérités, si elle daigne écouter les avis que nous lui donnons en ce moment, qu'elle considère l'avenir heureux qui lui est destiné :
Les économies ordonnées et maintenues dans toutes les parties de l'administration ;
Les agents de l'autorité soumis à la responsabilité la plus entière ;
La justice rendue gratuitement dans tout le royaume, et les peuples délivrés de ce dédale de formes judiciaires, qui ne tendaient qu'à ruiner également les deux parties ;
La féodalité anéantie, les droits de la nation reconnus et les charges également réparties ;
La perception des contributions établie sans frais et par conséquent moins onéreuse pour les peuples;'
Tous ces impôts fatigants anéantis et convertis en une subvention égale et qui n'aura plus rien d'humiliant, puisque chaque citoyen sera également soumis suivant ses facultés.
La certitude que le Trésor de l'Etat sera administré par des mains pures et économes.
Tous ces heureux changements peuvent s'opérer en fort peu de temps, si les peuples nô veulent écouter que la raison et la prudence; mais si ces flatteuses espérances n'étaient qu'une illusion, qu'ils frémissent des dangers qui les environnent.
Les nations qui nous entourent portent un
oeil attentif sur nos divisions intestines (peut-être en sont-elles les premiers intrigateurs). Sans cesse en rivalité de l'excellence de notre territoire, de la richesse de nos manufactures, de la situation du royaume dominant également les deux mers, peut-être ont-elles déjà calculé sur les suites funestes de nos troubles.
Français, sortez de l'état d'aveuglement où vous êtes : vous avez fait un grand effort, mais _ votre situation est dans ce moment encore plus dangereuse qu'elle ne l'a jamais été. Si vous ne . voulez pas vous persuader de la nécessité de calmer l'effervescence qui vous agite ; si vous n'écoutez pas les sages avis qui vous sont donnés ; si les provinces cessaient de regarder Paris comme la métropole de l'empire ; si vous sépariez vos intérêts les uns des autres, bientôt une guerre cruelle et civile serait la suite des funestes conseils que vous avez reçus, et, fatigués par le malheur et le désespoir, vous ne trouveriez^ d'autre ressource que de vous jeter peut-être entre les bras du despotisme, qui est ordinairement la suite inévitable de l'anarchie et du désordre. ;J
Ecartons loin de nous ces funestes images. Nation généreuse! vous avez maintenant la liberté, si vous en savez jouir; mais calmez-vous : ne vous effrayez pas des contrariétés que vous pouvez^ encore éprouver; laissez paisiblement vos représentants éclairer là marche que vous devez prendre. Nous nè pouvons avoir un intérêt différent des vôtres, dans la route difficile que nous., avons à parcourir : nous pouvons nous égarer, mais au moins vous êtes certains de n'être jamais trahis ; et la franchise avec laquelle nous vous avertissons de vos dangers doit vous en être un sûr garant. 4
Vous ne pouvez prévenir tous ces malheurs que par le rétablissement de l'ordre, et vous ne pouvez l'espérer qu'autant que les différents pouvoirs, sagement distribués, concourront également à l'harmonie générale. Croyez-vous pouvoir y parvenir tant que l'anarchie subsistera? et?-n'êtes-vous pas'convaincus par l'expérience fatale de quelques mois, que l'Etat sera bouleversé, si vous ne vous hâtez d'engager le pouvoir exécutif' à reprendre toute 'l'autorité qu'il doit avoir? Votre bon Roi n'a-t-il pas juré de ne vous commander" qu'au nom de la loi, et pouvez-vous douter qu'il n'en soit plus le fidèle observateur?
Dans la position critique où vous vous trouvez^ une ferme résolution de votre part peut calmer tous les maUx dont la Frahce gémit maintenant. Tous les moyens sont àvous et la destinée de cet-empire est dans vos mains. Rentrez dans l'ordre.
Que les braves citoyennes de Paris restent en paix dans leUrs foyers ; qu'elles se livrent aux soins intéressants de leur ménage et de l'éducation de leurs enfants. Que les ouvriers reprennent leurs travaux et ne perdent plus un temps si précieux pour la subsistance de leur famille, en attroupements si dangereux pour la tranquillité, publique. Que les districts réfléchissent que dans la commune de Paris sont les dignes représentant^ qu'ils ont choisis eux-mêmes, qUe l'élection en a été libre, et qu'ils doivent les honorer de leur confiance.
Si chacun reprenait paisiblement ses occupa^ tions, y aurait-il rien à craindre dans la capitale ? n'est-elle pas maintenant soUs la garde de cette formidable milice nationale, créée, orga-^ nisée et disciplinée en deux mois, par la seule influence du brave chef que les citoyens ont eux*' mêmes choisi?
Méditez les heureux résultats de l'union, de la concorde et d'une confiance méritée. Pesez les robstacles qu'il a eu à surmonter et convenez que c'est à son sang-froid et à sa fermeté qu'il doit ses succès dans les circonstances orageuses où il s'est trouvé.
Les sauvages indomptés font retentir les airs de leurs cris de mort en allant à l'ennemi; et le Français intrépide sait braver la mort en silence.
Français, qu'avez-vous à désirer maintenant? L'auguste famille, qui depuis huit cents ans vous ?gouverne, est maintenant parmi vous; elle veille à votre sûreté et vous presse de tout son amour. 'Ah! qu'ils daignent entendre la voix d'un sujet fidèle. Je leur annonce d'avance les plus beaux "'jours de la gloire. Notre bon Roi va bientôt sentir le prix de commander aune nation libre et obser-, vatrice des lois. Vous l'avez toujours vu calme et tranquille au milieu d'événements auxquels il ^n'aurait jamais dû s'attendre. Il donne en ce moment aux souverains le plus grand exemple delà modération et de la sagesse. Français, serez-vous le dernier peuple de l'Europe qui reconnaisse ces ^grandes vérités ?
Et vous, ministres et grands du royaume qui, par vos charges et votre naissance, avez l'honneur ' d'entourer le trône, apprenez que les rois n'ont iplus besoin de flatteurs, puisqu'on peut leur faire ^entendre la vérité. Secondez les vues bienfaisantes de notre sage monarque ; méritez la confiance de la nation, mais n'oubliez jamais qu'elle ne souffrira plus qu'il soit trompé ou abusé.
Dignes représentants de la nation, c'est à vous maintenant à diriger les moyens de rétablir la paix et l'union dans tout le royaume. Vous y parviendrez difficilement, avant d'avoir organisé les municipalités. Hâtez-vous de consommer cet ouvrage. Les fonctions des officiers des municipalités sont de surveiller les intérêts des communes : il est donc essentiel pour la tranquillité du royaume que les bases fondamentales des lois sur lesquelles doit reposer la sûreté des com-jmunes émanent du même principe ; il est donc de votre devoir de vous occuper promptement de les prescrire.
S'il est nécessaire au bonheur commun que lo royaume, qui n'a qu'un Roi, n'ait, pour le régir, qu'une même jurisprudence, qu'une même monnaie, qu'une même mesure^ combien est-il encore plus essentiel pour la tranquillité publique, qu'il n'y ait qu'un même plan d'organisation pour les municipalités.
Ce sera de ce plan général que naîtra naturelle-. ment le respect dû au pouvoir exécutif ; et comme il y a maintenant dans l'Etat le citoyen soldat et je soldat citoyen, que le dernier ordre est à peine la quatre-centième partie de l'autre, le soldat citoyen sera toujours soumis à l'autorité et à la force d'un corps quatre cents fois plus considérable que lui.
D'ailleurs, les soldats eux-mêmes seront choisis dans les communes dont ils connaîtront les lois " et les devoirs; et du moment que chaque individu pourra croire que le. degré d'obéissance qu'il 'doit à celui qui le commande est soumis à l'intérêt commun et au bien général, la soumission deviendra entière, comme elle doit l'être, et le pouvoir exécutif sera respecté d'un bout du 'royaume à l'autre.
Dès que le plan d'organisation dicté par FAs-semblée nationale aura été agréé par la ville de Paris, non-seulement on y verra renaître l'ordre >et la tranquillité, maisbientôt toutes les villes du royaume suivront cet exemple, en adoptant les
mêmes principes; et vous terminerez ce grand ouvrage par l'établissement de vos assemblées provinciales, d'où doit dépendre la sûreté publique. Ne vous effrayez pas des nouveaux obstacles que vous pourrez rencontrer; opposez-y l'égide redoutable de vos vertus et de votre confiance. Cette Constitution si désirée sera le fruit de votre persévérance; et vos travaux seront couronnés en voyant la liberté triomphante.
Je propose l'arrêté suivant, sur lequel je supplie l'Assemblée nationale de vouloir bien délibérer sur-le-champ :
« Article 1er. L'Assemblée nationale ayant déjà décrété
dans un des articles constitutionnels que le pouvoir exécutif suprême résidait dans
les mains du Roi, Sa Majesté sera suppliée de faire usage du pouvoir qui lui
appartient, pour prévenir les exportations des grains hors du royaumes et pour
rétablir l'ordre et le calme dans l'intérieur des provinces.
« Art. 2. Que Sa Majesté sera suppliée d'accorder son crédit à la bonne ville de Paris, poui4 faire venir, tant de l'étranger que des provinces, les grains nécessaires pour l'approvisionnement de la ville pendant deux ans.
« Art. 3. Qu'il sera nommé un comité de douze membres de l'Assemblée nationale, qui se réuniront avec les ministres du Roi, et huit membres delà commune de Paris, ayant le maire de la ville et le commandant de la milice nationale à leur tête, pour travailler de concert à tous les moyens de rétablir l'ordre et la paix dans la capitale.
« Art. 4. Que l'Assemblée nationale s'occupera sans relâche du projet d'organisation des municipalités, et que ce sera le premier objet dont elle va s'occuper, comme le plus nécessaire pour donner au pouvoir exécutif la force qu'il doit avoir pour rétablir la tranquillité dans le royaume. »
Séance du
La séance est ouverte par la lecture des procès-verbaux des deux dernières séances.
Plusieurs observations sont faites sur le décret projeté dans l'avant-dernière séance concernant les fonctions du Conseil d'Etat du Roi, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait organisé le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif.
L'Assemblée nomme six commissaires pour la rédaction de ce décret :
MM.
Lanjuinais.
Le Chapelier.
Camus.
MM.
Target.
Anson.
Duport.
Le rapport achevé, les commissaires rentrent dans la salle.
propose le décret suivant qui est adopté en la forme accoutumée :
« L'Assemblée nationale a décrété que, jusqu'à
Dans le compte mentionné au procès-verbal de la séance d'hier, du rapport fait à l'Assemblée par M. le comte d'Esthérazy, de ce qui s'était passé dans la province où il commande, on a remarqué les dénominations de milices nationales et des troupes du Roi.
Quelques membres pensent que ces dénominations ne doivent pas subsister dans le procès-verbal.
, secrétaire, observe que les expressions contre lesquelles on s'est élevé sont celles qui ont été employées par M. le comte d'Esthérazy.
L'Assemblée décide que les expressions seront conservées au procès-verbal.
Conformément à la volonté de l'Assemblée, je me suis rendu chez le Roi pour lui demander le jour et l'heure où il voudrait recevoir l'Assemblée nationale. Sa Majesté a répondu qu'il la recevrait aujourd'hui à six heures et demie.
Des erreurs et des surprises nombreuses s'étant produites dans les rapports des dons patriotiques, 'Assemblée arrête que dorénavant la vérité de ces dons sera constatée par les trésoriers chargés de les recevoir, qu'ils seront ensuite inscrits sur le registre à ce destiné et qu'il en sera fait rapport à l'Assemblée.
Le comité de rapport a demandé qu'il lui fût permis de rendre compte à l'Assemblée d'affaires pressantes et de la dernière importance ; il a été décidé qu'il serait entendu demain à deux heures.
Les nouveaux membres du comité des recherches, élus au scrutin dans les bureaux, ont été proclamés dans l'ordre suivant :
MM.
Glezen.
Buzol.
Rewbell.
Salomon.
Le président le Berthon.
Le chevalier de Lameth.
MM.
Gouttes.
Boutteville-Dumetz.
Pétion de Villeneuve.
Emmery.
Goupil de Préfeln.
Chasset.
a consulté l'Assemblée sur la réponse qu'il devait faire au district des Filles Saint-Thomas, qui avait délibéré de lui décerner une garde d'honneur en sa qualité de président de l'Assemblée nationale. L'Assemblée a décidé que le district serait remercié par M. le président.
Il a été fait lecture de la réponse du comité d'Alençon à la lettre que M. le président lui avait écrite, au nom de l'Assemblée, relativement à la détention de M. le vicomte deCaraman, major en second du régiment des chasseurs de Picardie, commandant un détachement à Alençon ; suit la teneur de cette lettre:
« Nosseigneurs,
« Nous sommes trop pénétrés du respect le plus profond que nous devons à l'Assemblée nationale,i pour en différer un moment l'expression. Ne pouvant, par le départ instant de votre courrier, réunir tous les membres nécessaires pour opérer une réponse plus détaillée sur l'affaire de M. de Cara-' man, nous ne manquerons pas de vous l'adresser par le courrier de lundi prochain, et vous pouvez, compter sur notre attachement aux lois et aux décrets de l'Assemblée nationale.
« Nous sommes avec un profond respect, « Nosseigneurs,
« Vostrès-humblesettrès-obéissants serviteurs,,
« Les président et membres du comité permanent « d'Alençon,
« Signé : Demur, président, « Quilhet, d'Auteville, secrétaires?
« Alençon, ce
La discussion est ajournée jusqu'à l'arrivée des éclaircissements annoncés par le comité d'Alençon.
J'ai été instruit que les arrêtés du 4, dont le Roi a ordonné la publication,n'ont pas été envoyés dans plusieurs villes peu éloignées de la capitale. On y a seulement fait aflicher la Ion-4 gue lettre dans laquelle Sa Majesté a examiné et discuté les arrêtés lorsqu'elle a refusé de les accepter. J'ai cru devoir prévenir l'Assemblée de ce malentendu ou de cette négligence des bureaux de M. le garde des sceaux.
ajoute à cette observation que beaucoup de villes n'ont pas encore connaissance du décret sur les subsistances.
pense qu'il faut mander à ce sujet M . le garde des sceaux.
représente combien la conduite des* ministres est répréhensible. Les peuples attendent des lois : c'est d'elles seules que l'on peut espérer le retour du calme, et le retard de leur publication perpétue le désordre, et doit faire accuser* l'Assemblée d'inactivité et de lenteur. Il est aussi d'avis de mander le garde des sceaux, pour qu'il rende compte de sa conduite, et pour qu'il reçoive l'ordre de faire publier les arrêtés sans déblai.
La manière dont les lois doivent être sanctionnées et promulguées n'était pas encore arrêtée, et nécessairement n'était pas connue des ministres. Tout ce qu'on pouvait exiger d'eux se bornait à la publication par affiche : s'ils' n'ont pas rempli cette formalité, ils méritent les reproches de l'Assemblée; ils les méritent encoré s'ils ont, comme on l'a exposé il y a quelque temps, altéré le texte des décrets.
La forme de la sanction et de la promulgation est décidée. Que les ministres la connaissent ou ne la connaissent point, rien n'a pu les autoriser à altérer un décret, et à en transformer un autre en loi royale. Ils ne pou- raient d'ailleurs se borner à l'affiche des décrets,
puisqu'ils savent que la promulgation consiste essentiellement dans l'envoi aux tribunaux. Rien n'empêche donc qu'ils ne soient mandés pour rendre compte d'une conduite qui nuit infiniment à la nation.
Il semble qu'un très-petit nombre de minutes encore employées à cette discussion serait un temps gratuitement perdu. Les faits sont avérés : il faut se borner à demander aux ministres pourquoi les provinces ne sont pas remplies de vos arrêtés. Tout ce qui a reçu la sanction ou qui a été accepté doit être envoyé dans les tribunaux.
La grande question à discuter consiste à savoir si la transcription sur les registres ne heurtera pas les plans sur l'ordre judiciaire.
Je demande par amendement, et vu les circonstances particulières, que je ne crois pas prudent d'exposer, que l'Assemblée nomme dans son sein une commission pour s'informer des subsistances, et notamment de celles de la capitale.
Quelques membres ne voient pas la connexité de cet amendement avec la question et en demandent la division.
offre de prouver la connexité et consent cependant à la division.
Plusieurs observations sont encore proposées ; divers amendements sont présentés ; on discute sur l'admission des mots appelé, invité au lieu de mandé. Ce dernier est adopté, et une rédaction de M. Le Chapellier, après quelques changements, est admise en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que les arrêtés des 4 août et jours suivants, dont le Roiaordon-, né la publication, ainsi que tous les arrêtés et décrets qui ont été acceptés par Sa Majesté, soient sans aucune addition, changement, ni observations, envoyés aux tribunaux, municipalités et autres corps administratifs, pour y être transcrits sur leurs registres, sans modification ni délai, et être lus, publiés et affichés;
« Que le garde des sceaux soit mandé pour rendre compte des motifs du retard apporté à la publication et promulgation des différents décrets, ainsi que des additions, modifications et changements qui y ont été faits, et des raisons qui ont déterminé à faire publier les observations envoyées, au nom du Roi, sur les décrets du 4 août et jours suivants. »
dit que l'ordre du jour appelle la discussion sur les règles de la représentation ans les Assemblées municipales, provinciales et nationale.
, en examinant le projet du comité, attaque l'expression de citoyens actifs et de passifs. Tout citoyen est actif dans l'Etat, quand il s'agit de s'occuper des droits de tous les citoyens. Le comité, dit-il, a été embarrassé du grand nombre de votants aux assemblées primaires, il serait aisé de se débarrasser de cette extrême population, en ne considérant comme citoyens que les chefs de famille. La question de l'âge nécessaire pour être admis aux assemblées primaires déviendrait alors inutile ; tout homme marié serait reconnu chef de famille, et il serait citoyen,puisqu'il donnerait des hommes à l'Etat. Ainsi, es célibataires seraient exclus des assemblées primaires; ainsi...
L'opinant développe les avantages politiques de ce système.
Le comité présente cinq qualités nécessaires pour l'éligibilité.
Premièrement, être né Français ou devenu Français. Cet article n'est susceptible d'aucune discussion.
Secondement, majeur. L'âge de vingt-cinq ans auquel, la majorité est fixée par nos usages est trop éloigné pour qu'un citoyen exerce ses propres droits, il ne l'est point assez pour exercer ceux des autres. Je pense qu'il suffirait d'avoir vingt-cinq ans pour être admis aux assemblées primaires et trente pour les autres assemblées. D'ailleurs cette expression être majeur est vague, parce qu'il est possible que, par de nouvelles institutions, le terme de la majorité varie.
Troisièmement, être domicilié. Il devraitêtre permis à chaque citoyen d'avoir un domicile de choix, pourvu que ce domicile fût déclaré un an avant l'élection, et que le citoyen y payât l'imposition directe.
Quatrièmement, payer une imposition équivalente au prix de trois journées de travail. Le payement d'une imposition ne doit être exigé dans les assemblées primaires que comme preuve de cité ; la pauvreté est un titre, et quelle que soit l'imposition, elle doit être suffisante pour exercer les droits du citoyen.
Cinquièmement, n'être pas de condition servile. Cette disposilioh est trop sage pour être contestée.
Je proposerai d'ajouter, pour sixième article, que tout homme engagé à temps au service de la nation ne pourrait être admis au nombre des votants.
J'adopterais aussi le principe de M. de Montlosier, en ne l'appliquant toutefois qu'à l'éligibilité pour le Corps législatif.
Un député de Bretagne demande avec beaucoup d'instance que la présente discussion soit interrompue, pour que l'on entende le rapport sur le mandement de l'évêque de Tréguier, ajourné à cette séance.
rappelle à l'Assemblée qu'elle a consacré deux jours de la semaine aux finances, pour que le reste soit uniquement consacré à la Constitution, et pense qu'afin qu'un travail aussi important ne soit pas continuellement troublé, il faudrait en assigner un aux diverses affaires de la nature de celle de M. de Tréguier, que les malheurs des temps font affluer à chaque séance.
La motion de M. de Cler-mont-Tonnerre demande une sérieuse attention. Il s'agit de proscrire un usage salutaire quoiqu'il embarrasse les opérations de l'Assemblée. Il propose de remettre à un jour déterminé des demandes qui sont un besoin de chaque jour. Est-il permis, par exemple, de différer l'examen de l'affaire de Tréguier, quand le feude laguerre civile est allumé dans ce diocèse? Serait-il permis de ne pas s'occuper demain de l'état de la ville de Rouen, quand cette ville est dans le plus grand danger? Il me faut exprimer mes inquiétudes avec franchise : dans le même moment où le désordre règne dans les provinces, les trames d'une conspiration nous enveloppent, et je puis en découvrir les fils. Je demande si, lorsque cette réunion de circonstances légitime nos craintes, nous pouvons nous résoudre, sous prétexte de Constitution, à des délais qui peuvent amener le bouleversement de l'ordre public.
On réclame la continuation de l'ordre du jour, et la motion de M; de Glermont-Tonnerre est ajournée.
répond aux objections faites sur le rapport du comité. M. de Montlosier, dit-il, a réprouvé l'expression de citoyens actifs et passifs. Cette distinction est reconnue dans tous les gouvernements. Lë comité a expliqué qu'il entendait par citoyens passifs ceux qui n'ont pas les qualités d'éligibilité nécessaires; ceux qui ne peuvent exercer leurs droits, les femmes, les enfants, etc. Il a, par une contradiction manifeste, restreint lui-même le nombre des citoyens votants en excluant tout ce qui n'est pas chef de famille. Cette disposition serait évidemment injuste à l'égard des citoyens que leur fortune, leur position où leur caractère déterminerait au célibat.
La majorité variera sans doute, et dans mon opinion particulière je crois qu'elle devrait être fixée à Vingt et un ans. Le comité a seulement voulu que ceux-là seuls fussent appelés à exercer les droits des autres, qui peuvent exercer les leurs.
L'observation sur le domicile est prévue par uri article qui établit qu'on ne peut exercer en deux endroits les droits de citoyen actif. Cet article accorde implicitement le choix du domicile.
Le comité a cru devoir laisser incertaine la sixième disposition proposée. Lorsque la force civile et la force militaire seront réunies par la Constitution, il sera temps de s'en occuper. En Angleterre, on n'a pas réclamé la faculté de citoyens actifs pour les soldats.
représente les avantages que l'Assemblée trouverait à discuter séparément et successivement les qualités d'éligibilité.
Cette motion est adoptée.
La première qualité consiste à être né Français ou devenu Français. Cette dernière expression légitimerait les lettres de natu -ralité que vous n'avez sans doute pas intention de conserver -, elles ne donnent, en Angleterre, ni le droit d'élire, ni celui d'être élu. On doit se borner à dire : Il faut être né Français.
Si l'on adoptait cet avis, on exclurait lés enfants nés hors de France, des Français qui reviendraient dans leur patrie avec leur famille. Devenu Français est nécessaire à conserver. 11 est juste que la nation se réserve d'honorer du nom de Français l'homme qui, venu parmi nous jouir de la liberté que nous nous efforçons d'établir, aurait bien mérité de sa patrie adoptive par son attachement et par ses services.
Le comité n'a pas entendu consacrer les lettres de naturalité, mais laisser à l'Assemblée le moyen de fixer telle ou telle formalité pour être naturalisé.
Etre Français pourrait tout exprimer et concilier tous les avis.
L'Assemblée délibère, et décrète que la première qualité d'éligibilité est d'être né Français ou devenu Français.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
L'Assemblée nationale, précédée de ses huissiers, s'est rendue, à six heures et demie, au château des Tuileries, conformément à son arrêté du matin, et a été introduite, en la manière accoutumée, dans l'appartement du Roi.
étant à sa tête a dit :
« Sire,
« L'Assemblée nationale a promis de s'unir inséparablement à Votre Majesté. Appelée près de vous par son amour, elle vient vous offrir l'hommage de son respect et de son immuable affection.
« L'affection du peuple français pour son monarque semblait ne pouvoir s'accroître depuis ce jour mémorable, où sa voix vous proclama le restaurateur de la liberté : il lui restait, Sire, un titre plus touchant à vous donner, celui du meilleur ami de la nation.
« Henri IV l'obtint des habitants d'une ville fameuse dans laquelle il avait passé une partie de sa jeunesse; et les monuments de l'histoire nous apprennent qu'il signait de ces mots, votre meilleur ami, les lettres qu'il leur écrivait avec line affabilité incomparable. (Lettres de Henri IV aux Rochelois.)
« Ce titre, Sire, c'est la France entière qui vous le doit. On a vu Votre Majesté, ferme et tranquillê au milieu des orages, prendre pour elle seule la chance de tous les hasards, essayer d'y soustraire, par sa présence et ses soins, ses peuples attendris. On vous à vu, Sire, renoncer à vos plaisirs, à vos délassements, à vos goûts, pour venir, au milieu d'une multitude inquiète, annoncer le retour des jours de la paix, pour faire renaître l'espoir du calme, resserrer les nuds de la concorde et rallier les forces éparses de ce grand empire.
« Qu'il nous est doux, Sire, de recueillir les bénédictions dont vous environne un peuple immense pour vbus en offrir l'honorable tribut! Nous y joignons l'assurance d'un zèle toujours plus àdtif pour le maintien des lôis et la défense de Votrë autorité tutéiaire.
« Cès ëentithents sont une dette de notre reconnaissance envers Votre Majesté; ils peuvent seuls nous acquitter vis-à-vis de nos commettants, répondre à l'attente de l'Europe étonnée, et nous assurer les suffrages de la postérité. »
a répondu :
« Je suis satisfait de l'attachement que vous m'exprimez; j'y comptais, et j'en reçois les témoignages avec une grande sensibilité. »
Des acclamations répétées de : Vive le Roi ! vivç la Reine! ont confirmé l'expression des sentiments dont l'Assemblée venait, par l'organe de son président, d'offrir l'hommage à Sa Majesté;
L'Assemblée s'est ensuite rendue chez la Reine; et ayant été introduite dans l'appartement de Sa Majesté,
a dit
« Madame,
« Le premier désir de l'Assemblée nationale, à son arrivée dans la capitale, a été de présenter
au Roi le tribut de son respect et de son amour. Elle n'a pu se défendre de céder à une occasion si naturelle de vous offrir ses sentiments et ses vux. Recevez-les, Madame ; permettez-moi de vous les exprimer tels que nous les formons, vifs, empressés et sincères. Ce serait, Madame, avec une véritable satisfaction, que l'Assemblée nationale contemplerait un moment dans vos bras ce" illustre enfant, que les habitants de la capitale vorit désormais regarder comme leur citoyen, le rejeton de tant de princes tendrement chéris de leurs peuples, l'héritier de Louis IX, de Henri IV, de celui dont les vertus font la gloire de la France. Il ne jouira jamais, non plus que les auteurs de ses jours, d'autant de gloire et de prospérité que nous leur en souhaitons. »
a répondu :
« Je suis touchée au delà de toute expression des sentiments de l'Assemblée nationale. Si j'eusse été prévenue de son intention, je l'aurais reçue d'une manière plus digne d'elle. Voici mon fils. » ,
La Reine a pris M. le Dauphin dans ses bras, et l'a porté dans les diverses parties du salon de jeu où était l'Assemblée.
La réponse de la Reine a été suivie d'acclfima-tions réitérées de Vive la Reine I vive M. le Dauphin!
A son arrivée et à sa sortie, l'Assemblée nationale a été conduite et reconduite avec les honneurs accoutumés.
Séance du
La séance a été ouverte par la lectqre 4es procès-verbaux de la veille.
a fait part à l'Assemblée d'une lettre qu'il a reçue du comité d'Alençon, à l'occasion de l'affaire de M. le vicqmtp de Garaman, et du détachement de Picardie. Cette lettre, contenant envoi d'une délibération du comité d'Alençon, et d'un cahier d'informations faitep à l'occasion de cette affaire, est conçue en ces termes :
« Nosseigneurs,
« Nous avons déjà eu l'honneur de vous marquer que, par un événement malheureux, la
milice nationale a été forcée d'arrêter M. le vicomte de Garaman et le détachement de
Picardie, en garnison en cette ville ; mais l'arrêté que nous avons l'honneur de vous
adresser ci-joint vous attestera suffisamment que notre but n'a jamais été de les
juger. Nous nous sommes seulement crus obligés de rassembler les preuves et les
documents nécessaires pour éclaircir la vérité d'un fait qui a aigri les esprits, mais
qui, nous l'espérons, ne renouvellera pas parmi nous ces scènes d'horreur dont tout
bon Français doit détourner les yeux. Nous n'avons épargné aucune précau-
« Nous vous adressons une expédition de la procédure. Nous aurions désiré pouvoir vous présenter un tableau et un résultat de cette affaire ; mais avant cherché tous les moyens d'en accélérer là lin, nous n'avons eu que le temps de faire copier à la hâte, cahier par cahier, pièce par pièce, tous les différents actes qui composent cette procédure.
« Nous n'attendons que vos ordres pour savoir la manière de transférer M. de Garaqian, et ceux qui sont détenus avec lui, au lieu que vous croirez convenable. Nous vous prions de nous tracer la marche que nous devons suivre, et les précautions que nous devons prendre pour concilier dans ce transport la décence avec la sûreté.
« Nous sommes avec un profoqd respect, Nosseigneurs , vos très-humbles et très-obéissants serviteurs.
« Les membres du comité national d1 Alençon^
« Signé : Demur, président; busson dé lorme, QuilheÎ, secrétaires.
« D'Alençon,
Lecture faite de ladite lettre, les membres du cotnité des recherches ont été avertis de s'assembler à l'heure de midi pour s'occuper de cette affaire, et on a passé ensuite à la lecture des adresses ci-après :
Délibération de la ville de Moulins, pour assurer la perception des iiiipôts généralement quelconques, et maintenir la tranquillité pu-
bMémoire du clergé de la province de Hainaut, contenant des réclamations contre la motion qui vient d'être faite à l'Assemblée nationale, pour la vente des biens ecclésiastiques. Ge memoire est approuvé par les députés ordinaires des Etats du Hainaut, de Valenciehnes et des autres parties v réunies.
Adresse des officiers municipaux de la ville d'Avranches, contenant une délibération pour assurer l'exécution du décret de l'Assemblee nationale, du 26 septembre dernier, concernant les impositions. Ils la prient d'agréer cette délibération coûime une preuve de leur respect et de leur dévouement. , .
Délibération des citoyens de tous les états de la ville et communauté de Villeneuve-d'Agénois, par laquelle ils adhèrent, de la manière la plus formelle, au décret de l'Assemblée qui soumet tous les citoyens français à venir au secours de i Etat en péril par le sacrifice du quart de leurs revenus annuel. Ils s'engagent solennellement à payer, dans le terme prescrit, cette imposition extraordinaire.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville dePouilly-sur-Loire,qui demande une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de 1 Argen-tière en Vivarais.
Adresse du même genre de la commune de
Baud en Bretagne.
Adresse de la communauté de Saint-Sever en Gascogne, contenant félicitation, remerciements et adhésion aux arrêtés de l'Assemblée nationale, de la nuit du 4 au 5 août dernier, notamment à l'article 10, qui contient le sacrifice de tous les privilèges particuliers des provinces, et à l'ar-
ticle 27, qui proclame Louis XVI restaurateur de la liberté française.
Adresse de la ville de Bagnols en Languedoc, contenant félicitations,remerciements et adhésion. Elle supplie l'Assemblée de s'occuper, sans relâche, de l'organisation des assemblées provinciales et municipales, et des milices bourgeoises.
Adresse du même genre, de la communauté de Syan de la même province. Elle assure l'Assemblée que, quoique limitrophe du Roussillon, elle a payé exactement ses impositions,et que, d'après la formation de sa milice, elle n'a souffert aucun trouble, et que tout s'y passe dans le meilleur ordre possible.
Adresse des citoyens formant la milice nationale d'Uzés, contenant une délibération où ils adhèrent à tous les arrêtés de l'Assemblée, notamment à ceux relatifs aux impositions et au sacrifice de chaque citoyen du quart de ses revenus. Ils s'engagent, de la manière la plus formelle, d'acquitter leur contribution dès qu'ils seront instruits de la forme dans laquelle ils devront la faire, et déclarent que, pleins de confiance aux lumières et au courage de l'Assemblée, en la bienfaisance de notre auguste monarque, et au zèle actif du premier ministre des finances, ils sacrifieront jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour maintenir l'ordre, et procurer autant qu'il est en eux l'exécution des décrets nationaux.
Après la lecture desdites adresses, plusieurs députés des représentants de la commune de Paris, qui s'étaient déjà fait annonceront été introduits.
L'un d'eux a pris la parole, et a fait part à l'Assemblée d'un grand malheur arrivé à l'occasion d'un nommé François, boulanger, rue du Marché-Palu, district de Notre-Dame, qui a été amené devant eux sur les huit heures et demie du matin, par plusieurs femmes et hommes qui l'accusaient d'avoir caché dans sa boutique plusieurs pains. Il a également fait part à l'Assemblée du contenu en l'interrogatoire qu'ils avaient fait subir à ce boulanger, des bons témoignages que plusieurs bourgeois du district s'étaient empressés de rendre sur son compte, des sages précautions qu'ils avaient prises pour calmer le peuple qui se portait en foule sur la place de Grève, et qui demandait à grands cris que ce boulanger fût pendu, des violences et excès commis par le peuple sur plusieurs membres du comité de la police. Il a ajouté enfin que, malgré les précautions prises, les bons témoignages en faveur de l'accusé et son innocence, le peuple avait forcé les gardes nationales, enlevé et pendu ledit François, boulanger; que ce même peuple paraissait disposé à enlever et à pendre aussi deux autres boulangers détenus dans les prisons du Châtelet, et qu'il était instant que l'Assemblée nationale s'occupât des moyens les plus propres à assurer les subsistances nécessaires à la capitale et au royaume, et à décréter dès à présent, et sans se déplacer, une loi contre les attroupements, en observant à l'Assemblée que sans cette loi il n'était plus au pouvoir de la commune et de la garde nationale de Paris de contenir les attroupements qui devenaient tous les jours plus alarmants.
La députation s'est retirée après avoir déposé sur le bureau un extrait en due forme du procès-verbal qui avait été dressé à l'occasion de ce malheureux événement.
propose de prendre sur-le-champ un arrêté, par lequel il serait ordonné à
tous les districts et à la garde nationale d'employer tous leurs moyens et toutes leurs forces pour saisir les premiers fauteurs de ce délit, et de rédiger une loi martiale qui serait aujourd'hui même portée à la sanction.
J'observe que l'Assemblée s'éloignerait du terme de ses pouvoirs si elle faisait l'arrêté demandé par le préopinant. En se rappelant le fait énoncé du malheureux boulanger, il paraît certain que la crise actuelle ne provient pas d'une disette effective, et que la cause qui l'a produite doit être sévèrement recherchée. Il serait peut-être à propos que l'Assemblée ordonnât au comité des recherches de se concerter avec le comité de police delà commune pour découvrir les manuvres coupables qui occasionnent ces mouvements. L'Assemblée ne peut non plus se refuser à rendre une loi martiale, qui serait exécutée dans tout le royaume.
Divers membres réclament la priorité, les uns pour le projet présenté par M. le comte de Mirabeau, les autres pour celui de M. Target.
L'Assemblée décide que les deux motions seront réunies et qu'elles auront la priorité sur ies autres.
En conséquence, il est décrété :
1° Que le comité de Constitution se réunira sur-le-champ pour s'occuper de la rédaction d'un projet de loi contra les attroupements, qui puisse être décrété ce jour même, et présenté incontinent à la sanction royale; 2° qu'il sera enjoint au comité des recherches de faire toutes recherches et informations nécessaires pour découvrir les auteurs des troubles et manuvres qui peuvent avoir lieu contre la tranquillité publique et le salut de l'Etat; 3° qu'il sera pareillement enjoint au comité de police établi à l'hôtel-de-ville de Paris, de fournir au comité des recherches tous les renseignements qui pourront lui être parvenus ou lui parvenir sur cet objet ; 4° que le comité de Constitution proposera lundi prochain à l'Assemblée un plan pour l'établissement d'un tribunal chargé de juger les crimes de lèse-nation, et que provisoirement et jusqu'à ce que ce tribunal ait été établi par l'Assemblée nationale, le Châtelet de Paris est autorisé à juger en dernier ressort les prévenus et accusés ae crimes de lèse-nation, et que le présent décret qui lui donne cette commission sera aussi présenté à la sanction royale ; 5° que les ministres du Roi déclareront positivement quels sont les moyens et les ressources que l'Assemblée nationale peut leur fournir pour les mettre en état d'assurer les subsistances du royaume et notamment de la capitale, afin que l'Assemblée nationale ayant fait tout ce qui est à sa disposition sur ce sujet, puisse compter que les lois seront exécutées, ou rendre fes ministres et autres agents de l'autorité garant3 de leur inexécution.
Une nouvelle députation de la commune de Paris est introduite à la barre et demande qu'il plaise à l'Assemblée de hâter la rédaction de la loi qu'elle a sollicitée contre les attroupements, en ajoutant qu'il avait été reconnu qu'une accélération de deux heures pouvait être très-utile eu égard aux circonstances.
Cette nouvelle députation remet sur le bureau une délibération des représentants de la commune de Paris, conçue en ces termes :
« L'assemblée générale des représentants de la commune de Paris, délibérant sur la nécessité de s'opposer aux émeutes et attroupements dont elle
est instruite, et d'empêcher l'effet des moyens que les ennemis du bien public emploient pour troubler l'ordre et la tranquillité de la capitale, a arrêté que MM. le marquis de Saiseval, Mollieur, Cellier, d'Aval, Lefèvre et Anson se transporteraient sur-le-champ à l'Assemblée nationale, pour la supplier de vouloir bien à l'instant porter la loi contre les attroupements.
a Signé : Bailly, maire ; BLOiNDEL, président; ViGÉE, secrétaire. »
répond aux députés de la commune de Paris que l'Assemblée s'occupe de la loi contre les attroupements, et qu'elle ne lèvera pas la séance sans l'avoir décrétée.
Cette nouvelle députation s'étant retirée, M. le garde des sceaux s'est fait annoncer; il a été introduit d'après le vu de l'Assemblée.
, garde des sceaux, archevêque de Bordeaux. Messieurs, je viens vous offrir les éclaircissements que vous pouvez désirer, et qui sont relatifs aux fonctions qui m'ont été confiées par le lloi. Devenu dépositaire du sceau de la loi, sans avoir cessé d'être membre de celte Assemblée, ma première parole a été pour professer hautement la responsabilité des ministres ; et je verrai toujours avec satisfaction qu'il me soit permis de faire connaître les principes et les actes de mon administration, non-seulement à PAssembiée nationale, mais même à chacun de ses membres.
Si, malgré mon extrême attention à me conformer à vos décrets, il m'échappait quelque erreur, elle serait involontaire, et je m'empresserais de la rétracter.
Les éclaircissements que vous attendez de moi, Messieurs, ont pour objet divers décrets de cette Assemblée, ou plutôt la manière dont ils ont été sanctionnés ou publiés.
Et d'abord je prendrai la liberté de vous observer que les conditions désormais nécessaires pour constituer une loi, et pour la rendre exécutoire, n'ont été déterminées par vous que dans les articles de Constitution que vous avez décrétés, et que le Roi a acceptés purement et simplement à Versailles, le lundi 5 octobre.
C'est depuis cette époque, et d'après les dispositions décrétées par vous, que les ministres du Roi ont pu connaître la loi à laquelle ils étaient soumis. Depuis cette époque, vous n'avez présenté à la sanction du Roi que les décrets des 8 et 9 octobre, portant réformation de quelques points de la jurisprudence criminelle.
J'ai pris aussitôt les ordres du Roi; et en conséquence des lettres patentes, portant sanction de ce décret, ont dû être adressées à tous les tribunaux du royaume.
Je dis que ces lettres patentes ont dû être adressées aux tribunaux, parce que l'envoi aux tribunaux, et la publication quelconque des lois n'est pas une fonction de mon office, mais de MM. les secrétaires d'Etat. Mais, vous le savez, mon zèle n'a rien négligé pour qu'une loi aussi intéressante reçût partout une prompte et facile exécution.
Antérieurement à l'époque du 5 de ce mois, c'est-à-dire avant qu'une loi précise eût déterminé notre conduite, les ministres du Roi n'ont pu que suivre les mouvements de leur zèle, pour correspondre à vos intentions. Et vous-mêmes,
Messieurs, qui n'aviez pas encore exprimé, ni même délibéré les principes que vous avez depuis établis pour la confection et la sanction des lois, vous avez diversifié la forme de vos demandes. Tantôt vous avez demandé la sanction pure et simple; d'autres fois vous avez voté la promulgation; quelquefois la simple publication, et enfin l'acceptation. Il est des décrets dont vous avez spécialement demandé l'adresse aux tribunaux, d'autres, où cette condition n'est pas stipulée.
Les ministres du Roi, privés du précieux avantage de communiquer avec vous, n'ont pu que proposer au Roi, pour satisfaire à vos décrets, les mesures que leur indiquaient les formes antiques non encore abrogées.
C'est par cette raison que vos célèbres arrêtés des 4 août et jours suivants, ont été imprimés à l'imprimerie royale, avec l'ordre, signé du Roi, qui en ordonne l'impression et la publication, conformément à la réponse que Sa Majesté vous avait faite sur la demande de la promulgation de ces arrêtés.
Vous aviez vous-mêmes envoyé ces arrêtés dans toutes les provinces avant de les présenter à la sanction du Roi; vous avez depuis ordonné l'impression des observations que le Roi vous a communiquées; et il ne m'est pas connu que vous ayez jamais demandé au Roi d'adresser vos arrêtés, soit aux tribunaux, soit aux municipalités.
Cependant, je crois être sûr que MM. les secrétaires d'Etat en ont envoyé dans toutes les provinces avec profusion.
Il vous a été dit que la première réponse que le Roi vous a faite sur les arrêtés avait eu la même publicité. Il est vrai, Messieurs, qu'elle a été imprimée le jour même qu'elle vous a été rendue, et cette circonstance est commune à toutes les communications qui ont existé entre PAssembiée nationale et Sa Majesté. Cette publicité est la suite du caractère franc et loyal qui distingue le Roi, et je pourrais dire aussi, Messieurs, la suite de vos propres principes.
Les décrets concernant la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume ne pouvaient, suivant nous, être trop tôt connus dans le royaume : mon zèle m'a inspiré de les faire d'abord adresser à toutes les municipalités, aux commandants des troupes du Roi, à ceux des milices nationales, et à ceux des maréchaussées.
Cette adresse a été ordonnée par le Roi le 21 septembre dernier, et MM. les secrétaires d'Etat ont mis, sans doute, le plus grand empressement à se conformer aux intentions de Sa Majesté. Peu de jours après, une loi conforme à ces mêmes décrets, et qui ne contient pas d'autres dispositions, a été adressée à tous les tribunaux.
Je dois dire ici, Messieurs, qu'on ne trouve pas dans cette loi le dernier article de votre décret du 18 septembre, qui prescrit principalement l'envoi aux municipalités; et cette omission a eu deux motifs trènaturels.
Le premier est que l'envoi de ces décrets venait d'être fait par ordre du Roi, directement à toutes les municipalités; le second est que, dans les formes anciennes, les lois ne s'adressent qu'aux seuls tribunaux, et que la publicité, qui est la suite de leur enregistrement, suffit pour astreindre légalement tous les corps et les particuliers à l'observation des lois.
Je passe à l'article de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et aux points de Constitution que vous avez présentés au Roi en lui demandant son acceptation.
Il vous l'a accordée purement et simplement ainsi que vous l'avez désiré; et c'est tout ce qu'il nous était possible de proposer à Sa Majesté, puisque votre demande était bornée à cette acceptation.
Le décret sur la gabelle a été sanctionné purement et simplement et dans son entier ; mais le premier ministre des finances a cru devoir proposer d'y annexer un règlement dont l'objet est de prescrire les moyens d'exécution de votre décret. Par exemple, il fallait bien, après avoir ordonné que le sel serait désormais débité au poids et non à lia mesure, déterminer le temps indispensable pour garnir les greniers des ustensiles nécessaires à la pesée, et fixer l'époque où le sel devra être débité au poids.
C'est ainsi que dans le même règlement, le Roi se réserve de faire incessamment les dispositions convenables pour la suppression des commissions de Valence, SaUmur et Reims.
Cette suppression devait être opérée par des lettres patentes adressées aux cours des aides, et c'est ce qui a été exécuté.
Je crois. Messieurs, vous avoir donné les éclaircissements que vous attendiez de moi, et surtout vous avoir prouvé de plus en plus la pureté des sentiments des ministres du Roi.
Vous l'avez proclamé le restaurateur de la liberté française à l'instant même où vous daigniez le remercier du choix de ses nouveaux conseils. Il le sera, n*en doutez pas, Messieurs, pourvu qu'il ne rencontre pas après nous des ministres qui osent à la fois tromper le meilleur des rois, et ne pas respecter les droite sacrés des peuples.
L'Assemblée nationale prendra en considération les éclaircissements que vous venez de lui soumettre.
M. lé garde des sceaux se retire.
, membre du comité de Constitution, fait lecture du projet de loi contre les attroupements, tel qu'il vient d'être rédigé par le comité.
propose de mander tous les ministres pour leur ordonner d'empêcher, par les mesures les plus efficaces, les accaparements dans les provinces, les exportations, et de favoriser la circulation intérieure. Il pense qu'il faut aussi mander MM. Bailly et de Lafayette, et leur enjoindre de se servir de tous leurs moyens pour réprimer les désordres de la capitale.
La loi martiale demandée ne sera pas suffisante; les gens puissants trouveront moyeu d'y échapper. Saisissez ce moment prour créer un tribunal qui jugera les crimes de lèse-nation; mais il faut qu'il soit nouveau pour inspirer le respect nécessaire à la tranquillité de ses fonctions, qu'il soit pris dans votre sein, et composé d'un membre de Chaque généralité; il aura un président, deux procureurs généraux; jugera en dernier ressort, et ses arrêts seront signés par le Roi.
La motion de M. Barnave est susceptible d'un amendement. Il faut dire qu'il est enjoint au comité de police de se concerter avec le comité des recherches, et non au comité des recherches de se concerter avec le comité de police.
Quelque affligés que nous soyons de l'état de la capitale, nous de-
vons l'être aussi de notre position. On nous engage à veiller aux subsistances de Paris; nos seuls moyens consistent à rendre les décrets nécessaires. On a rendu le comité de subsistances inutile ; nos décrets n'ont pas été exécutés. Il serait dangereux que le peuple crût que nous pouvons exercer une surveillance qui est hors de nos fonctions; bientôt il nous rendrait responsables des événements. Faisons-lui connaître que nous avons rendu les décrets qui dépendaient de nous, et que c'est au pouvoir exécutif de veiller à leur exécution. J'adopte la motion de M. Barnave amendée par M. Gle-zen.
Il ne suffit pas d'effrayer le peuple par des lois sévères, il fautencorele calmer. Créons le tribunal demandé; annonçons qu'ainsi que ses ennemis, des citoyens seront punis. Des promesses vaines aigrissent le peuple; la loi martiale seule pourrait exciter une sédition. Ce tribunal augmentera nos forces et le zèle des bons Français à nous offrir les renseignements nécessaires à leur vengeance. Ju demande que le comité de Constitution présente lundi un projet sur la formation de ce tribunal.
propose, afin d'allier la tranquillité avec la liberté, et de prévenir la nécessité de ces mesures terribles, d'ajouter un autre article qu'il rédige ainsi :
« Au premier attroupement apparent il sera, par les officiers municipaux, demandé aux personnes attroupées la cause de leur réunion et le grief dont elles demandent le redressement; elles seront autorisées à nommer six personnes pour exposer leur réclamation et présenter leur pétition. Après cette nomination, les personnes attroupées seront tenues de se séparer sur-le-champ, et de se retirer paisiblement. »
Ne serait-il donc question dans cette discussion que d'un fait isolé, que d'une seule loi?.... Si nous n'embrassons pas à la fois toutes les mesures, c'en est fait de la liberté; les députés de la commune vous ont fait un récit affligeant; ils ont demandé du pain et des soldats. Ceux qui ont suivi la Révolution ont prévu le point où vous êtes : ils ont prévu que les subsistances manqueraient; qu'on vous montrerait au peuple comme sa seule ressource : ils ont prévu que des situations terribles engageraient à vous demander des mesures violentes, alin d'immoler à la fois, et vous et la liberté. On demande du pain et des soldats, c'est dire : le peuple attroupé veut du pain ; donnez-nous des soldats pour immoler le peuple. On vous dit que les soldats refusent de marcher... eh! peuvent-ils se jeter sur un peuple malheureux dont ils partagent le malheur? Ce ne sont donc pas des mesures violentes qu'il faut prendre, mais des décrets sages, pour découvrir la source de nos maux, pour déconcerter la conspiration qui peut-être dans le moment où je parle ne nous laisse plus d'autres ressources qu'un dévouement illustre. Il faut nommer un tribunal vraiment national.
Nous sommes tombés dans une grande erreur, en croyant que les représentants de la nation ne peuvent juger les crimes commis envers la nation. Ces crimes, au contraire, ne peuvent être jugés que par la nation, ou par ses représentants, ou par des membres pris dans votre sein. Qu'on, ne parle pas de Constitution quand tout se réunit pour l'écraser dans son berceau. Des mandements incendiaires sont publiés, les provinces s'agitent,
les gouverneurs favorisent l'exportation sur les frontières... Il faut entendre le comité des rapports; il faut entendre le comité des recherches, découvrir la conspiration, étouffer la conspiration. .. Alors nous ferons une Constitution digne de nous et de la nation qui l'attend.
Je demande que le préopinant donne les notions qu'il a sur la Constitution; sinon il est criminel envers le public et l'Assemblée.
On demande une loi martiale et un tribunal. Ces deux choses sont nécessaires; mais sont-elles les premières déterminations à prendre?
Je ne sais rien de plus effrayant que des motions occasionnées par la disette; tout se tait et tout doit se taire, tout succombe et doit succomber contre un peuple qui a faim ; que serait alors une loi martiale, si le peuple attroupé s'écrie : Il n'y a pas de pain chez le boulanger? Quel monstre lui répondra par des coups de fusil? Un tribunal national connaîtrait sans doute de l'état du moment et des délits qui l'ont occasionné ; mais il n'existe pas; mais il faut du temps pour l'établir ; mais le glaive irrésistible de la nécessité est prêt à fondre sur vos têtes. La première mesure n'est donc, ni une loi martiale, ni un tribunal. J'en connais une. Le pouvoir exécutif se prévaut de sa propre annihilation; demandons-lui qu'il dise de la manière la plus déterminée quels moyens, quelles ressources il lui faut pour assurer les subsistances de la capitale ; donnons-lui ces moyens, et qu'à l'instant il en soit responsable.
Le tribunal ne peut être composé de membres de cette Assemblée; vous l'avez décidé, vous ne pouvez le former à demeure que quand vous aurez créé tous les tribunaux. Ghargez provisoirement le Ch&telet de juger les crimes de lèse-nation, avec les adjoints qui lui ont été donnés. Ce tribunal à déjà toute la dignité de la vertu, toute la force que donne la confiance du peuple. La loi martiale, publiée dans les provinces, influera sur les subsistances. Faites sanctionner ce soir et cette loi et l'attribution au Châ-telet.
J'adopte la loi martiale et la proposition de M. de Mirabeau. Je ne pense pas que les crimes de lèse-nation puissent être jugés par le Châtelet, à raisori de son organisation. Le comité de Constitution rendra compte incessamment de son travail sur le tribunal demandé.
Avant de venger le peuple, il faut le faire subsister. Mandez tous les ministres pour qu'ils rendent compte de ce qu'ils ont fait pour prévenir la détresse de la capitale.
Voici, Messieurs, un fait relatif à l'opinion de M. Milscent. Informé des inquiétudes de tous les citoyens, je me suis rendu chez M. Neeker, et j'ai appris que le comité de police des représentants de la commune avait cessé toute communication avec le ministère.
met aux voix les articles. Voici le texte adopté :
« L'Assemblée nationale, considérant que la liberté affermit les empires, mais que la licence les détruit; que, loin d'être le droit de tout faire, la liberté n'existe que par l'obéissance aUx lois ;
que si, dans les temps calmes* cette obéissance est suffisamment assurée par l'autorité publique ordinaire, il peut survenir des époques difficiles, où les peuples, agités par des causes souvent criminelles, deviennent l'instrument d'intrigues qu'ils ignorent ; que ces temps de crise nécessitent momentanément des moyens extraordinaires pour maintenir la tranquillité publique et conserver les droits de tous, a décrété la présente loi martiale
« Art. 1er. Dans le cas où la tranquillité publique sera
en péril, les officiers municipaux des lieux seront tenus, en vertu du pouvoir qu'ils
ont reçu de la commune* de déclarer que la force militaire doit être déployée à
l'instant, pour rétablir l'ordre public, à peine d'en répondre personnellement.
« Art. 2. Gette déclaration se ferct en exposant à la principale fenêtre de la Maison-de-Ville, et en portant dans toutes les rues et carrefours un drapeau rouge ; et en même temps les officiers municipaux requerront les chefs des gardes nationales, des troupes réglées et des maréphaussées, de prêter main-forte.
« Art. 3. Au signal seul du drapeau, tous attroupements, avec ou sansarnies, deviendront criminels, et devront être dissipés par la force.
« Art. 4. Les gardes nationales, troupes réglées et maréchaussées requises par les officiers municipaux, seront tenues de marcher sur-le-champ, commandées par leurs officiers, précédées d'un drapeau rouge, et accompagnées d'un officier municipal au moins.
« Art. 5. 11 sera demandé par un des officiers municipaux aux personnes attroupées, quelle est la cause de leur réunion et le grief dont elles demandent le redressement; elles seront autorisées à nommer six d'entre elles pour exposer leur réclamation et présenter leur pétition, et tenues de se séparer sur-le-champ et de se retirer paisiblement.
« Art. 6. Faute par les personnes attroupées de se retirer en ce moment, il leur sera fait, à haute voix, par les officiers municipaux, ou l'un d'eux, trois sommations de se retirer tranquillement dans leurs domiciles. La première sommation sera exprimée en ces termes : Avis est donné que la loi martiale est proclamée, que tous attroupe-menU sont criminels ; on va faire feu : que les bons citoyens se retirent. A la deuxième et troisième sommation, il suffira de répéter ces mots : On va faire feu : que les bons citoyens se retirent. L'officier municipal annoncera à chaque sommation que c'est la première, la seconde ou la dernière.
« Art. 7. Dans le cas où, soit avant, soit pendant le prononcé des sommations, l'attroupement commettrait quelques violences ; et pareillement, dans le cas où, après les sommations faites, les personnes ne se Retireraient pas paisiblement, la force des armes sera à l'instant déployée contre les séditieux, sans que personne soit responsable des événements qui pourront en résulter.
«Art. 8. Dans le cas où le peuple attroupé, n'ayant fait aucune violence, se retirerait paisiblement, soit avant, soit immédiatement après la dernière sommation, les moteurs et instigateurs de la sédition, s'ils sont connus, pourront seuls être poursuivis extraordinairement, et condamnés, savoir : à une prison de trois ans, si l'attroupement n'était pas armé, et à la peine de mort, si l'attroupement était en armes. 11 ne sera fait aucune poursuite contre les autres.
« Art. 9. Dans le cas où le peuple attroupé ferait quelques violences, et ne se retirerait pas après la dernière sommation, ceux qui échapperont aux
coups de la force militaire, et qui pourront être arrêtés, seront punis d'un emprisonnement d'un an s'ils étaient sans armes, de trois ans s'ils étaient armés, et de la peine de mort s'ils étaient convaincus d'avoir commis des violences. Dans le cas du présent article, les moteurs et instigateurs de la sédition seront de même condamnés à mort.
« Art. 10. Tous chefs, officiers et soldats de la garde nationale, des troupes et des maréchaussées, qui exciteront ou fomenteront des attroupements, émeutes et séditions, seront déclarés rebelles à la nation, au Roi et à la loi, et punis de mort ; et ceux qui refuseront le service à la réquisition des officiers municipaux seront dégradés et punis de trois ans de prison.
«. Art. 11. Il sera dressé, par les officiers municipaux, procès-verbal, qui contiendra le récit des faits.
« Art. 12. Lorsque le calme sera rétabli, les officiers municipaux rendront un décret qui fera cesser la loi martiale, et le drapeau rouge sera retiré et remplacé, pendant huit jours, par un drapeau blanc. »
L'Assemblée charge M. le Président de présenter incessamment et dans le jour le présent décret à la sanction royale.
On passe ensuite à l'ordre du jour, touchant certains rapports déjà annoncés sur plusieurs affaires urgentes.
, membre du comité des rapports, fait part à l'Assemblée des troubles et émeutes ui ont eu lieu dans la ville de Rouen, ainsi que es précautions que la municipalité de cette ville a prises, et qui étaient soumises à l'Assemblée, pour prévenir de semblables troubles.
L'Assemblée ayant été aux voix sur le projet de décret proposé par le comité de rapport, décret# ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est important de pourvoir sans délai à la tranquillité de la ville de Rouen, que sa grande population, ses manufactures et son commerce exigent une prompte réunion de toutes les volontés au maintien de l'ordre et de la paix, et qu'il devient urgent d'assurer aux approvisionnements de la capitale la plus efficace protection à leur passage dans celte ville, a décrété et décrète, que. par provision et seulement jusqu'à ce qu'elle ait organisé par une loi les milices nationales du royaume, l'assemblée municipale et électorale de Rouen fera exécuter le plan d'organisation par elle arrêté le 2 octobre, présent mois, à l'exception de l'article 5, qui demeurera supprimé, à la condition néanmoins que les officiers, élus en conformité de ce plan, ne pourront continuer leurs commandements après l'organisation générale des milices nationales, s'ils ne sont élus de nouveau ; a décrété aussi que le comité des recherches sera tenu de faire sur les événements passés à Rouen toutes les informations propres à parvenir à eu connaître les auteurs. »
fait le rapport d'une autre affaire concernant les municipalités. La continuation de cette affaire est, d'après le vu de l'Assemblée, ajournée à la séance de demain, à deux heures de l'après-midi.
L'Assemblée également ajourne à la même séance et à la même heure, l'affaire du mandement de l'évêque de Tréguier.
La députation des gens de couleur des colonies
de France est aussi ajournée à la séance de de" main, sur les neuf heures et demie du matin.
lève la séance, et indique celle de demain à l'heure accoutumée.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du procès-verbal du 21 octobre.
a annoncé qu'il avait présenté à la sanction royale le décret relatif aux attroupements, et que le Roi lui avait donné hier sa sanction. Il a ajouté qu'il avait demandé la sanction sur le décret relatif à la juridiction souveraine que l'Assemblée venait d'accorder provisoirement au Ghâtelet pour juger les crimes de lèse-nation, et celui relatif à la municipalité de Rouen, et qu'il irait, ce soir, chercher la réponse sur la demande de la sanction à obtenir sur ces décrets.
a annoncé qu'un vieillard de cent vingt ans, natif de Mont-Jura, demandait la permission d'être introduit à la barre, pour remercier l'Assemblée de l'adoucissement du sort de ses habitants, qui ont été affranchis par les décrets de l'Assemblée nationale ; en conséquence l'Assemblée a consenti que ce vieillard fût admis à la séance de demain.
Une députation des citoyens, gens de couleur, propriétaires dans les colonies françaises, a été introduite à la barre, et a demandé à jouir de tous les avantages des citoyens.
, an nom de la députation, a donné lecture de l'adresse suivante:
« Nosseigneurs, les citoyens libres et propriétaires, de couleur, des îles "et colonies françaises, ont l'honneur de vous représenter :
« Qu'il existe encore, dans une des contrées de cet empire, une espèce d'hommes avilis et dégradés, une classe de citoyens voués au mépris, à toutes les humiliations de l'esclavage, en un mot, des Français qui gémissent sous le joug de l'oppression.
« Tel est le sort des infortunés colons américains, connus dans les îles sous le nom de mulâtres, quarterons, etc.
« Nés citoyens et libres, ils vivent étrangers dans leur propre patrie. Exclus de toutes les places, de toutes les dignités, de toutes les professions, on leur interdit jusqu'à l'exercice d'une partie des arts mécaniques ; soumis aux distinctions les plus avilissantes, ils trouvent l'esclavage au sein même de la liberté.
« Les Etats généraux ont été convoqués.
« Dans toute la France on s'est empressé de seconder les vues bienfaisantes du monarque : les citoyens de toutes les classes ont été appelés au grand uvre de la régénération publique; tous ont concouru à la formation des cahiers, et à la nomination des députés chargés de défendre leurs droits et de stipuler leurs intérêts.
« Le cri de la liberté a retenti dans l'autre hémisphère.
« Il aurait dû, sans doute, étouffer jusqu'au souvenir de ces distinctions outrageantes entre les citoyens d'une même contrée; il n'a fait qu'en développer de plus odieuses encore.
« Pour l'ambitieuse aristocratie, la liberté n'est que le droit de dominer, sans partage, sur les autres hommes.
« Les colons blancs ont agi conformément à ce principe, et tel est encore aujourd'hui le mobile constant de leur conduite.
« Ils se sont arrogé le droit de s'assembler et d'élire des représentants pour les colonies.
« Exclus de ces assemblées, les citoyens de couleur ont été privés de la faculté de s'occuper de leurs intérêts personnels, de délibérer sur les choses qui leur sont communes, et de porter à l'Assemblée nationale leurs vux, leurs plaintes et leurs réclamations.
« Dans cet étrange système, les citoyens de couleur se trouveraient représentés par les députés des colons blancs, quand il est constant, d'un côté, qu'ils n'ont point été appelés à leurs assemblées partielles, et qu'ils n'ont confié aucun pouvoir à ces députés, et que d'un autre côté, l'opposition d'intérêts malheureusement trop évidente rendrait une pareille représentation absurde et contradictoire.
« C'est à vous, Nosseigneurs, à peser ces considérations ; c'est à vous à rendre à des citoyens opprimés les droits dont on les a injustement dépouillés; c'est à vous d'achever glorieusement votre ouvrage, en assurant la liberté des citoyens français dans l'un et l'autre hémisphère.
« Instruits par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les colons de couleur ont senti ce qu'ils étaient ; ils se sont élevés à la dignité que vous leur aviez assignée; ils ont coiiou leurs droits, et ils en ont usé.
« Ils se sont réuois ; ils ont rédigé un cahier qui contient toutes leurs demandes ; ils y ont consigné des réclamations dont les bases sont établies dans le code que vous avez donné à l'univers ; ils en ont chargé leurs députés; et ils se bornent, en ce moment, à solliciter, dans cette auguste Assemblée, une représentation nécessaire pour être en état d'y faire valoir leurs droits, et surtout d'y défendre leurs intérêts contre les prétentions tyranniques des blancs.
« Pour demander cette représentation, les citoyens de couleur ont évidemment les mêmes titres que les blancs.
« Gomme eux, ils sont tous citoyens, libres et français; l'édit du mois de mars 1685 leur en accorde tous les droits, il leur en assure tous les privilèges ; il veut « que les affranchis (et à plus forte raison leurs descendants) méritent une liberté acquise ; que cette liberté produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle à tous les Français. » Gomme eux, ils sont propriétaires et cultivateurs ; comme eux, ils contribuent au soulagement de l'Etat, en payant les subsides, en supportant toutes les cnarges qui leur sont communes avec les blancs ; comme eux, ils ont déjà versé et ils sont prêts à verser leur sang pour la défense de la patrie ; comme eux enfin, et toujours avec moins d'encouragement et de moyens, ils ont multiplié les preuves de leur patriotisme.
« Tout récemment encore, malgré l'oppression sous laquelle ils gémissent, malgré les efforts combinés de leurs adversaires, les citoyens de couleur ont eu la générosité de députer auprès
des blancs, de leur proposer le pacte qu'ils viennent soumettre à votre justice, et ils ont eu la douleur de se voir repousser avec le mépris dont on les a toujours accablés.
« Par un dernier effort, et nous devons le publier, c'est de tous ceux qu'ils ont faits celui qui coûte le moins à leur cur, parce qu'ils brûlent du désir de travailler pour la cause commune ; les citoyens de couleur ont voté, et ils déposent ici, par nos mains, la soumission solennelle de subvenir aux charges de l'Etat pour le quart de leurs revenus ; ils déclarent avec vérité que ce quart forme un objet de 6 millions. Ils ont encore voté un cautionnement de la cinquantième partie de leurs biens pour l'acquit des dettes de l'Etat ; ils vous supplient d'en agréer l'hommage, et de leur indiquer incessamment les moyens de le réaliser.
« Loin de nous cependant toute idée, tout esprit d'intérêt personnel ; les citoyens de couleur n'entendent point faire ces offres pour entraîner votre jugement.
« Ils vous supplient, Nosseigneurs, de les oublier, pour ne vous attacher qu'à la rigueur des principes.
« Ils ne demandent aucune faveur.
« Ils réclament les droits de l'homme et du citoyen; ces droits imprescriptibles, fondés sur la nature et le contrat social ; ces droits que vous avez si solennellement reconnus et si authentiquement consacrés, lorsque vous avez établi pour base de la Constitution : « que tous c les hommes naissent et demeurent libres et « égaux en droits;
« Que la loi est l'expression de la volonté gé-« nérale; que tous les citoyens ont le droit de con-« courir personnellement, ou par leurs représen-« tants, à sa formation;
« Que chaque citoyen a le droit, par lui ou ses « représentants, de constater la nécessité de la « contribution publique, et de la consentir libre-« ment. »
« Prétendrait-on repousser ces maximes fondamentales, en opposant l'intérêt des blancs et celui des colonies? Serait-ce donc par les calculs d'un intérêt sordide, qu'on voudrait étouffer la voix de la nature ?
« N'y reconnaît-on pas le langage de l'ambition et de la cupidité, qui n'estiment la prospérité de l'Etat qu'à raison de leurs jouissances personnelles ?
« Mais ce n'est pas encore ici le lieu de se livrer à des discussions sérieuses sur le fond des droits des citoyens de couleur.
« Lorsque vous aurez admis leurs réclamations préliminaires, lorsqu'ils seront descendus dans l'arène pour combaltre leurs adversaires, ils démontreront facilement que l'intérêt légitime des blancs eux-mêmes se réunit à celui des colonies, pour assurer l'état et la liberté des citoyens de couleur, parce que le bonheur d'un Etat consiste dans la paix et l'harmonie des membres qui le composent, et qu'il ne peut y avoir de véritable paix et de bonne union entre la force qui opprime et la faiblesse qui cède, entre le maître qui commande et l'esclave qui obéit.
« Encore une fois, Nosseigneurs, les citoyens de couleur se bornent, dans ce moment, à réclamer un droit de représentation; ils le tiennent également de la nature et de la loi; ils espèrent, avec une entière confiance, recevoir, dans votre déci-
sion, la confirmation de titres aussi inviolables.
Signé : de Joly, président ; Fleury, DE Saint-Albert, RëgnIër, Dusoù-chet, de Saint-Rëâl, Ogé jeune, Hellot, Raimond, Porzat, secrétaires. »
a répondu : Aucune partie de la nation ne réclamera vainement ses droits auprès de l'Assemblée de ses représentants : ceux que l'intervalle des mers, ou les préjugés relatifs à la différence d'origine semblent placer plus loin de ses regards, en seront rapprochés par ces sentiments d'humanité qui caractérisent toutes ses délibérations, et qui animent tous ses efforts.
Laissez sur le bureau vos pièces et votre requêté: il en sera rendu compte à l'Assemblée nationale-
La séance est accordée à la députation des gens dé couleur.
fait ensuite une motion sur le départ de monseigneur le duc d'Orléans.
M. le baron de llenou. L'hornifte Vraiment attaché à l'intérêt général doit dire ce qu'il prévoit et ce qu'il craint. Le salut public est la suprême loi. J'ai demandé la parole avant l'ordre du jour pour remplir ce devoir.
M. le duc d'Orléans est veriU, il y a plus de huit jours, demander un passe-port poUr aller en Angle terre remplir une mission que le Roi lui avait confiée; mais ce prince, chargé dë stipuler pour le bailliage deCrépy et pour la France entière, pouvait-il se soustraire ainsi à ses fonctions ? Depuis son départ, on l'a accusé hautement d'avoir participé à des complots ; on a dit qu'il ne s'était éloigné que pour échapper à la surveillance du ministère public. S'il eût été instruit de ces bruits, il se serait présenté, il se serait justifié; un député à l'Assemblée nationale, chargé de faire le bien par la confiance, ne doit pas même être soupçonné. Leduc d'Orléans n'est pas seul inculpé : on accuse une partie de l'Assemblée de partager les projets et les intrigues qu'on lui prête, tandis que ces députés, fiers de la pureté de leur conscience, consacrent tous leurs vux, tout leur temps à la chose publique
Les habitants $e Boulogne-sur-Mer ont retenu ce prince; s'il est encore détenu, vous devez ordonner qu'il soit relâché ; mais n'est-il pas aussi de votre équité de le mettre à même de se justifier ? S'il est innocent, sa justification doit être éclatante; s'il est coupable, il doit être puni. Votre décision à cet égard ne serait point contradictoire avec le passe-port que vous avez accordé. Les bruits injurieux à M, le duc d'Orléans ne se sont répandus qu'après son départ,
On ne peut présenter nul motif plausible de rappeler M. le d uc d'Orléans. La notoriété publique et la connaissance particulière qui m'a été donnée par ce prince des motifs de son départ, doivent empêcher toutes dispositions à cet égard. M. le duc d'Orléans partait volontairement, chargé d'une mission importante et touché de la confiance que Sa Majesté lui avait témoignée. 11 n'y a nul lieu à délibérer sur la motion du préopinant.
Je suis aussi compromis dans les pamphlets relatifs au départ de M. le duc d'Orléans, et je demande que
le comité des recherches examine sévèrement ma conduite.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu de délibérer quânt à présent.
On passe à l'ordre du jour, qui a pour objet les conditions pour être éligible aux assemblées municipales.
La deuxième qualité proposée par le comité est d'être âgé de vingt-cinq ans accomplis.
Les circonstances présentes, les réformes qui seront faites dans l'éducation publique, peuvent 'faire espérer que bien avant l'âge de vingt-cinq ans les nommes seront capables de remplir des fonctions publiques, et je pense que la majorité devrait être fixée à vingt et un ans.
La majorité diffère dans plusieurs provinces ; il faut que le droit d'éligibilité soit uniforme. Une loi ne doit jamais varier par des circonstances accidentelles. On doit donc déterminer l'âge de majorité, et je pense qu'il peut être fixé à vingt-cinq ans.
L'Assemblée décrète la seconde qualité d'éligibilité comme il suit :
« Etre âgé de vingt-cinq ans. »
On passe à la troisième qualité :
« Etre domicilié dans le canton, au moins depuis un an. »
Le mot domicilié est trop indéterminé; il y a domicile de droit et domicile de fait ; il faut laisser l'alternativej et rédiger ainsi l'article, à moins d'être domicilié de fait ou de droit, et compris au rôle d'impositions personnelles dans le canton.
Il faut laisser la liberté du choix, et mettre simplement : d'avoir un domicile.
Il est important de rendre aux habitants des campagnes tous leurs droits, ou bien vous détruirez l'édifice qui vous a coûté tant de peines. Arrêtez donc qu'il faut avoir dans les campagnes un domicile de fait, au moins depuis un an pour y exercer les droits de citoyen actif.
J'applaudis à ces réflexions ; mais je crois qu'il est nécessaire de maintenir entre les villes et les campagnes une certaine fraternité. Les campagnes alimentent les villes ; les villes portent le numéraire dans les campagnes. Je propose en conséquence de rédiger ainsi l'article:
« Avoir déposé au registre de la municipalité, depuis un an, sa déclaration, qu'on est domicilié dans le canton, et y habiter au moins pendant quatre mois chaque année. »
expose à l'appui de la nécessité du domicile, que l'attachement au local et la connaissance du local sont indispensables pour exercer des droits dans le canton.
, J'ajoute que le contraire ne pourrait que favoriser trois espèces d'hommes peu dignes de faveur : les courtisans, les agioteurs et les financiers.
propose de retrancher le mot canton, et d'y substituer un terme getiérique.
Plusieurs amendements sont encore proposés.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur les amendements, et décrète la condition d'éligibilité en ces termes :
« La troisième qualité requise pour être éligible consiste à être domicilié de fait dans l'arrondissement des assemblées primaires, au moins depuis un an. »
Quatrième qualité d'éligibilité :« Payer une imposition directe de la valeur locale de trois journées de travail. »
attaque cet article ; il redoute l'aristocratie des riches, fait valoir les droits des pauvres, et pense que pour être électeur ou éligible dans une assemblée primaire, il suffit d'être bon citoyen, d'avoir un jugement sain et un cur français.
Voici une des plus importantes questions que vous ayez à décider. Il faut savoir à qui vous accorderez, à qui vous refuserez la qualité de citoyen.
Cet article compte pour quelque chose la fortune qui n'est rien dans l'ordre de la nature. Il est contraire à la déclaration des droits. Vous exigez une imposition personnelle, mais ces sortes d'impositions existeront-elles toujours ? Mais ne viendra-il pas un temps où les biens seuls seront imposés? Une législature, ou une combinaison économique pourrait donc changer les conditions que vous aurez exigées.
Vous déterminez à la valeur d'un marc d'argent la quotité de l'imposition pour être député à l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas suivre le même mode pour les autres assemblées? Indiquez donc pour les assemblées primaires une contribution équivalente à une ou deux onces d'argent.
Tous les citoyens, quels qu'ils soient, ont droit de prétendre à tous les degrés de représentation. Rien n'est plus conforme à votre déclaration des droits, devant laquelle tout privilège, toute distinction, toute exception doivent disparaître. La Constitution établit que la souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple. Chaque individu a donc droit de concourir à la loi par laquelle il est obligé, et à l'administration de la chose publique, qui est la sienne. Sinon, il n'est pas vrai que tous les hommes sont égaux en droits, que tout homme est citoyen. Si celui qui ne paye qu'une imposition équivalente à une journée de travail a moins de droit que celui qui paye la valeur de trois journées de travail, celui qui paye Celle dé dix journées a plus de droit que celui dont l'imposition équivaut seulement à la valeur de trois ; dès lors celui qui a 100,000 livres de rente a cent fois autant de droit que celui qui n'a que 1,000 livres de revenu. Il résulte de tous vos décrets que chaque citoyen a le droit de concourir à la loi, et dès lors celui d'être électeur ou éligible, sans distinction de fortune.
(de Nemours). Le comité de Constitution a commis une erreur en établissant des distinctions entre les qualités nécessaires pour être électeur ou éligible.
Pour être éligible, la seule question est de savoir si l'on paraît avoir des qualités suffisantes aux yeux des électeurs. Pour être électeur il faut avoir une propriété, il faut avoir un manoir. Les
affaires d'administration concernent les propriétés, les secours dus aux pauvres, etc. Nul n'y a intérêt que celui qui est propriétaire; les propriétaires seuls peuvent être électeurs. Ceux qui ji'ont pas de propriétés ne sont pas encore de }a société, mais la société est à eux.
La nécessité de payer une imposition détruirait en partie la clause de Ip, majorité, car les fils de famille majeurs ne payent pas d'impositions. La société ne doit pas être soumise aux propriétaires, ou bien on donnerait naissance à l'aristocratie des riches qui sont pioins nombreux que les pauvres. Comment d'ailleurs ceux-ci pourraient-ils se soumettre à des lois auxquelles ils n'auraient pas concouru? Je demande la suppression de cette quatrième qualité.
combat, au nom du comité, les diverses objections faites contre cette condition.
En n'exigeant aucune contribution, dit-il, on admettrait les mendiants aux assemblées primaires car ils ne payent pas de tribut à l'Etat 5 pourrait-on d'ailleurs penser qu'ils fussent à l'abri de la corruption ? L'exclusion des pauvres, dont on a tant parlé n'est qu'accidentelle ; elle deviendra un objet d'émulation pour les artisans, et ce sera encore le moindre avantage que l'administration puisse en retirer. Je ne puis admettre l'évaluation de l'imposition par une ou deux onces d'argent. Celle qui serait faite d'après un nombre de journées deviendrait plus exacte pour les divers pays du royaume, ou le prix desjournées varie avec la valeur des propriétés.
La rédaction du comité pour la quatrième condition est adoptée.
, membre du comité des rapports , fait le rapport du mandement de l'évêque de Tréguier, et des circonstances qui l'ont accompagné. Il lit les différentes pièces d'une information faite par toutes tes municipalités réunies du diocèse de Tréguier. Il en résulte que non-seulement ce prélat a excité le peuple à la sédition par son mandement, mais encore qu'il a concouru avec les nobles de son diocèse à faire déserter de la milice nationale un nombre considérable de jeunes citoyens, qui, séduits par de l'argent et par des promesses, se sont engagés à n'obéir qu'aux gentilshommes, et à les prendre pour leurs chefs. Le plus grand nombre dés témoins s'accordent à déposer que, députés vers M. l'évêque pour l'instruire des dispositions des jeunes gens en faveur de la noblesse, ce prélat a dit : « que si les municipalités du diocèse venaient défendre la milice de Tréguier, ce train ne durerait pas longtemps, qu'on ferait sonner le tocsin, et que les habitants des campagnes fondraient sur cette milice et l'écraseraient. »
Les municipalités du diocèse ont dénoncé ces faits à l'Assemblée national'e.
Le comité des rapports pense que le mandement est propre à exciter le soulèvement du diocèse, que cet écrit accuse le peuple français de ne plus aimer son Roi, qu'il calomnie les opérations de l'Assemblée, qu'il présente la division çles ordrep comme nécessaire au bonheur de l'Etat, etc.; qu'enfin son auteur a abusé des fonctions de paix qui lui sont confiées, pour exciter les peuples à la révolte. Il propose un projet de décret.
représente ce mandement comme une paraphrase exacte de la
ïeltre du Roi aux évêques, et pense qu'il doit exciter la reconnaissance des Français.
demande qu'avant de porter un décret, l'évêque de Tréguier soit mandé.
L'Assemblée décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport, décrète que M. le président écrira une lettre-circulaire aux municipalités du diocèse de Tréguier pour les inviter à la paix, les prémunir contre les insinuations que les ennemis du bien public répandent dans les provinces, et les rappeler à la confiance due au zèle et aux décrets de l'Assemblée nationale;
« Que M. le président se retirera auprès du Roi, pour lui faire connaître les troubles qui peuvent régner dans quelques parties de la Rretagne, et prier Sa Majesté de donner les ordres les plus précis aux agents du pouvoir exécutif dans les provinces, pour procurer l'ordre et la tranquillité publique, contre les projets de gens mal intentionnés.
« L'Assemblée nationale décrète également que le mandement de M. l'évêque de tréguier, ensemble les pièces et informations qui y sont jointes, seront remis au tribunal chargé provisoirement de juger les affaires qui ont pour objet des crimes de lèse-nation. »
a levé la séance, et l'a fixée à demain neuf heures du matin.
à la séance de VAssemblée nationale du
(1). Messieurs, j'avais proposé, il y a deux mois, de commencer notre travail par l'organisation des assemblées provinciales et des municipalités. Ma motion, qui a été imprimée et distribuée contient mes motifs à cet égard. L'Assemblée nationale a pensé différemment. Il faut, sans jeter d'inutiles regards sur le passé, partir du point où nous sommes, pour voir à ce qu'exigent les circonstances présentes et le temps qui doit les suivre.
Votre comité, Messieurs, vous a proposé un plan d'organisation des assemblées provinciales ; je ne m'explique point sur le mérite des combinaisons qu'il renferme, je le trouve impraticable et dangereux dans quelques circonstances.
On ne sentira que trop aisément les difficultés des 80 divisions. Il serait à désirer sans doute que la France entière soit partagée, sans avoir égard aux anciennes divisions qui maintiennent l'esprit des provinces, et fortifient contre l'esprit
Eublic les intérêts particuliers et locaux. Il serait eureux que les habitants de
l'empire oubliassent toutes ces dénominations qui les distinguent entre eux, pour ne
plus se rappeler que celles qui les unissent. En un mot, qu'au lieu de Bretons et de
Provençaux, il n'y ait plus que des Français.
On peut atteindre par des moyens plus simples à une partie des avantages que présente le plan qui est proposé. Pour rendre l'administration plus facile et la rapprocher davantage des peuples, il convient sans doute de diviser quelques provinces en plusieurs chefs-lieux d'administration. Il est des provinces où ces divisions sont indiquées par la différence du sol et de la culture; plusieurs le désirent déjà, et dans un comité composé de membres de chaque généralité, il sera aisé d'en convenir. Ce plan est simple à concevoir et simple à exécuter ; il prévient également et le retour à d'anciens privilèges et l'aristocratie des grands corps. L'on verra par la suite qu'il a l'avantage d'être réalisé dans toute la France, en peu de temps.
Je passe aux véritables inconvénients du plan proposé, et aux dangers dont il menace notre liberté politique. Je les réduis à trois principaux.
Le premier et le plus grand de tous, est d'avoir établi trois degrés d'élection, soit pour l'Assemblée nationale, soit pour les assemblées provinciales.
Dans tous nos calculs politiques, revenons souvent, Messieurs, à l'humanité et à la
morale. Elles sont aussi la base de toutes les combinaisons utiles à la société, que
le fondement de toutes les affections bien ordonnées. Rappelons-nous ici le grand
principe trop tôt oublié, que c'est pour le peuple, c'est-à-dire pour la classe la
Il serait à désirer qu'en France, le peuple pût choisir lui-même ses représentants, c'est-à-dire les hommes qui n'ont d'autres devoirs que de stipuler ses intérêts, d'autre mérite que de les défendre avec énergie.
On calomnie le peuple en lui refusant les qualités nécessaires pour choisir les hommes p. publics. Les talents et les vertus qui embellissent l'humanité ne peuvent au contraire se . développer, sans affecter le peuple; il est comme le terme auquel aboutissent la justice, la généro-k sité, l'humanité. Il est à portée d'apprécier ces rares qualités, non par des notions abstraites, mais par l'épreuve plus sûre de l'expérience et ' d'un sentiment personnel.
Il est pourtant comme impossible, je l'avoue, de faire concourir tous les hommes d'un pays au choix de leurs représentants, et dans les pays où la représentation immédiate est en usage, com-me en Angleterre et en Amérique, on a restreint, au moins en très-grande partie, aux seuls propriétaires, la faculté d'y concourir. Cette con-dition semble être une garantie de la bonté du choix. Nous ne sommes pas dans le cas de l'adopter pour nous, puisque l'on est généralement disposé à admettre un degré dans félection. Là les choix s'épurent, et les reproches que l'on fait aux élections tumultuaires n'ont plus lieu.
Mais vouloir établir trois degrés pour la représentation nationale ou administrative, c'esl, à mcm sens, dénaturer la Constitution qui va s'établir, en bannir tout l'esprit populaire, y substi-. tuer l'aristocratie des riches, favoriser les intrigues secrètes, les seules dangereuses, puisqu'elles ont pour base l'intérêt particulier. Les mandataires du peuple cessant d'être responsables de leurs choix au peuple, cessent aussi d'être mus par ces motifs d'espérance et de crainte qui les portent à le bien traiter, à être justes et bons, - généreux et humains. Et'pourtant, lorsqu'on considère que des hommes honnêtes et éclairés diffèrent entièrement dans leurs combinaisons politiques, on se sent quelquefois moins porté à ^ s'y attacher, on en détourne comme involontairement ses idées ; mais il est un point où les ames énergiques et sensibles se retrouvent, je veux dire la noble et sublime entreprise de res-k tituer au peuple ses droits, et d'améliorer le sort des campagnes. Les peuples y seront plus heureux, si les hommes riches, qui y vivent avec ¦ eux, y sont plus humains, plus justes, plus généreux, s'ils sont forcés de leur plaire et d'en être considérés. Ils seront forcés de leur plaire et d'en être considérés, si leur existence politique, les places qui permettent de figurer dans la société sont données par le peuple, et sont le prix des soins que l'on aura pris pour s'en faire aimer. Que notre Constitution, Messieurs, ait une base populaire, que ses principaux éléments soient calculés sur l'intérêt constant du peuple; p, assez tôt comme toutes les autres, elle tendra à favoriser les riches et les hommes puissants. Le peuple dans nos sociétés modernes n'a pas le temps de connaître ses droits, il s'en remet à des » riches du soin de les défendre, et il continue à travailler pour les faire vivre. Si nous n'avions fait que changer d'aristocratie, si je voyais s'évanouir ces espérances auxquelles j'ai sacrifié mon repos, mon état, ma fortune, plus encore peutêtre....
Le second défaut du plan ne me paraît devoir être relevé que parce que quelques bons esprits m ont semblé n'en être pas frappés. C'est à mon gré donner beaucoup de consistance à une plaisanterie, que d'obliger la nation entière d'élire nécessairement de nouveaux membres à chaque législature. Je ne parle pas ici des assemblées d administration, car tout le monde convient qu il est sans danger, qu'il est utile même quelles puissent se renouveler par tiers ou par moitié. Ainsi il n'est pas besoin de s'étendre sur cet article, je me borne à ce qui regarde les Assemblées législatives.
On s'exagère beaucoup le nombre d'hommes qui dorénavant se mettront sur les rangs pour être élus et jouir deux ans seulement de l'honorable mais pénible fonction de représentant. Avant tout, l'intérêt national exige qu'il se forme des hommes publics, de ces hommes disposés à sacrifier leur repos, leur fortune, leur réputation même; qui sachent rester indépendants au milieu des séductions, préférer l'intérêt général non-seulement au leur propre, mais à celui de leur province et de leur canton. La législature autrement sera formée d'hommes indifférents, qui verront le choix qu'on a fait d'eux comme un moment heureux de leur vie, où ils quittent leur pays pour se mêler aux grands intérêts de l'empire. Cet instant ne se liera dans leur esprit ni avec leurs travaux passés, ni avec leurs occupations futures. Etrangers à la suite des affaires, n'en connaissant pas l'origine, n'en devant pas suivre les conséquences, ils ne se sentiront pas responsables du destin de la France, après avoir exercé une si courte, si faible influence ; et que peut-on attendre d'hommes pour lesquels il n'y a point de récompenses, ni de motifs de bien agir, sur lesquels l'opinion n'a pas le temps d'asseoir un jugement sain et dont les actions n'ont ni liaison, ni moralité?
Dans une sage Constitution, le ministère est nécessairement uni (I). Quelle force
n'aura-t-il pas contre des nouveaux individus qui viendront sans cesse s'essayer
avec eux aune lutte aussi inégale que dangereuse sans être préparés à combattre,
sans être prémunis contre les dangers de la séduction et les détours de l'intrigue,
sans intérêt, sans motif de les approfondir, et privés de cette confiance que donne
une longue estime, l'habitude de la résistance et l'appui de l'opinion qui seules
peuvent faire entreprendre des travaux importants et s'opposer avec courage aux
entreprises du despotisme : le ministère commencera ses entreprises au moment où une
législature lui paraîtra favorable à ses projets par sa faiblesse, et il attendra
d'être délivré de ces hommes rares qu'on trouve disposés toujours à défendre les
droits des peuples, et qui n'ont d'autre ambition que celle de résister à
l'autorité. Ces hommes ne peuvent jamais être dangereux, puisque le peuple
Le plan de votre comité contre le vu de plusieurs de ses membres et l'intention de tous ^fortifie ainsi le ministère contre la nation. Il otea celle-ci ses meilleurs défenseurs, il la prive encore de la faculté d'exprimer un vu approbatil de la conduite de ses réprésentants, dans le cas du veto suspensif du monarque (1). Enfin, il tend à rabaisser la qualité de représentant, et en affaiblissant les motifs qui doivent la faire désirer, il détruit dans sa source l'esprit public. Ou je me trompe fort, ou si l'on est réélu alternativement, il s'établira entre tous les candidats une sorte d'arrangement et de convention tacite calculée d'après l'âge et les affaires personnelles, afin que chacun puisse à son tour, et une fois dans sa vie, être représentant, et l'on prendra des rangs comme pour une cérémonie.
La législation, fruit de cette combinaison, sera continuellement variable, disparate, changeante, incapable de donner à la nation un caractère grave et posé, et de lui imprimer ces habitudes profondes qui seules dénotent un véritable esprit national et le vrai sentiment de la liberté.
L'aristocratie des hommes puissants, que l on semble vouloir éviter par ce projet, n'est point a craindre lorsque la représentation sera égale et les élections fréquentes. Je vois au contraire avec plaisir des hommes considérables parmi les représentants de la nation, mais je veux que choisis par le peuple, ils en aient toujours les intérêts devant les veux et les droits dans le coeur.
Je ne dirai qu'un mot sur le troisième défaut que je reproche au plan du comité de Constitution. G est d'avoir attaché au pavement d'un impôt direct une des conditions de l'éligibilité. Je né répéterai pas ce que j'ai dit plus haut. Je pense que si la représentation était immédiate, il faudrait, pour être électeur, non-seulement payer un impôt direct, mais jouir d'une propriété. Cela n'est pas nécessaire lorsqu'il y a deux degrés dans l'élection. Cette observation me paraît d'une grande importance. En voici une à laquelle je ne vois point de réponse. On exige pour être électeur et éligible de payer un impôt direct. La capitation est un impôt direct, chaque législature pouvant changer le mode de l'impôt, créer ou détruire la capitation, peut par conséquent donner ou ôter à son gré à une partie des citoyens le droit d'élire des représentants. Il est pourtant évident que ce droit étant constitutionnel ne peut être changé par une simple législature, et que d'ailleurs Je droit politique le plus précieux, le seul qui appartienne vraiment au peuple, ne peut pas être remis aux hasards ou aux calculs des combinaisons économiques.
Au nombre des défauts du plan proposé, je n'ai point parlé de la difficulté, je dirais presque de l'impossibilité de le mettre à exécution. Il faut bien néanmoins s'y arrêter puisque inutilement le projet serait-il excellent, s'il ne pouvait pas être rempli. Je m'explique et je demande un moment d'attention.
Il faut établir promptement des assemblées provinciales; il faut dans les
distributions des cantons, des municipalités, se prêter à toutes les convenances qui
ne gênent point la marche générale des affaires et l'esprit national. Pour arriver
Le pouvoir exécutif serait chargé de ces dispositions provisoires, à peu près dans la forme par laquelle nous avons été nommés. Lorsque vous aurez, Messieurs, des assemblées provinciales, alors vos décrets pourront recevoir leùr exécution, et l'organisation des municipalités pourra non-seulement s'opérer, mais encore recevoir toute la perfection possible. Les règles principales d'après lesquelles elles doivent être formées, me paraisent Celles-Ci :
Il convient, je pense, d'établir 240 districts, lesquels seront répartis inégalement entre les assemblées provinciales qui seront formées, et ce à raison de la population seulement ; chaque district enverrait 3 députés à l'Assemblée nationale et 15 à l'assemblée provinciale. Au-dessous de chaque district, il y aurait autant de municipalités formées qu'il y aurait de citoyens votants environ, de telle sorte qu'aucune municipalité ne pût être de moins de 800, ni de plus de 1,600 votants. En supposant, ainsi que les auteurs du plan de la Constitution, environ 4,400,000 votants, cela ferait 1,000 par municipalité, l'envoi d'un individu sur 25, ferait dans chaque district environ 800 votants, nombre qui me paraît cçn-venable pour avoir une élection libre et populaire. Quant aux villes elles ne formeraient qu'une seule municipalité, quel que soit le nombre de leurs citoyens votants ; mais comme elles ne représentent jamais, relativement aux campagnes, qu'un seul et unique intérêt, il serait juste d'affaiblir un peq la proportion dans laquelle elles devraient fournir à la représentation du district.
J'omets les détails, parce que je n'ai pas le loisir de les développer, et parce que je ne veux m'occuper que de ce qui distingue ce projet de celui du comité. L'idée fondamentale, comme on le voit, la seule vraiment différentielle, est, qu'après avoir déterminé ici le nombre des assemblées provinciales, ainsi que le nombre des districts qu'elles doivent renfermer, suivant les tables exactes de population que le ministère a rassemblées depuis longtemps, je laisse tout le reste 1 faire aux provinces, en leur prescrivant seulemen les règles suivant lesquelles elles doivent se conduire. Parla, j'abrège infiniment le travail, avantage précieux en ce moment ; je ne crains poin de choquer des convenances topographiques ou mo raies ; enfin, j'use d'un moyen plus analogue à 1î disposition présente des esprits, qu'il faut subjuguer quand le salut public l'exige, mais auque il faut savoir subordonner des vues qui ne tiennent qu'à l'idée abstraite de la perfection.
Vous réglerez ensuite, Messieurs, et j'ose dire à votre aise, les fonctions diverses et les reta tions de toutes ces assemblées entre elles ; mais
vous ne pouvez trop vous hâter, déjà des moments précieux sont perdus.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du procès-y verbal de la séance d'hier, et par celle de diverses adresses de villes et de communautés qui adhèrent aux différents décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse de la compagnie des volontaires de Chinonen Touraine, qui présentent à l'Assemblée leur hommage respectueux, et un zèle toujours actif pour le maintien de l'ordre et de l'exécution de ses décrets ; de quelques religieux bénédictins Y de l'abbaye de Cluny, qui adhèrent aux offres ^ faites par plusieurs de leurs communautés d'abandonner à l'Etat lès biens qu'elles possèdent; des marches-communes de Poitou et de Bretagne, qui font en conséquence l'abandon des privilèges pécuniaires dont elles jouissent, mais supplient l'Assemblée de leur conserver leur existence indépendante du Poitou et de la Bretagne, offrant de se conformer avec respect à la forme d'administration qu'elle établira pour les assemblées provinciales et les municipalités; de la communauté de Beaumen en Périgord, contenant son adhésion aux décrets de l'Assemblée, des observations sur les inconvénients que lui présente le projet de l'ancien comité de Constitution sur un nouvel ordre judiciaire, la demande d'une justice royale et d'une brigade de maréchaussée ; de la communauté de Saint-Etienne Roqueversière de Valfrancesque, diocèse de Mende en Languedoc, contenant remerciement et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale ; et de la ville d'Issoire en Auvergne, où elle adhère avec empressement anx décrets de l'Assemblée, qui soumettent chaque citoyen à donner à l'Etat le quart de son revenu d'une année, et invitent les églises à porter à la y monnaie le superflu de leur argenterie. Elle annonce qu'elle a déjà nommé des commissaires ^ pour dresser le procès-verbal de l'argenterie qu'elle va envoyer à l'hôtel des monnaies de la ? ville de Paris. Elle demande une justice royale de second ordre.
fait un rapport sur l'organisation des bureaux de l'Assemblée.
L'Assemblée nationale occupait trente-huit commis; par esprit d'économie, M. Camus propose ' d'en retrancher onze. Chaque-commis est aux appointements de 200 livres par mois : il propose de réduire les plus utiles et les plus intelligents à 150 livres, et dé diminuer graduellement les appointements des autres, à raison de leurs talents et de leur intelligence. »? Ces dispositions éprouvent quelques critiqués.
On oppose la justice à l'économie, le bien du % ser vice à la parcimonie des réductions. Néanmoins le décret est adopté.
Les commis seront dans la dépendance de deux inspecteurs tirés du sein de
l'Assemblée, et qui seront nommés demain.
On lit une lettre du comité d'Alençon relative à l'affaire de M. le vicomte de Garaman. Elle est ainsi conçue ;
« Nosseigneurs,s'il est possible que l'empressement à remplir ses devoirs puisse jamais occasionner des regrets* nous osons dire que dans cet instant nous éprouvons la peine la plus sensible de n'avoir pas cru pouvoir différer à vous envoyer une procédure que les circonstances nous avaient forcés de faire horitre le vicomte de Caraman et les chasseurs de Picârdie. Uti événement malheureux ayant fait naître des inquiétudes sur le compte de cette troupe, l'alarme étant devenue générale, on a suivi peut-être trop promptement le parti d'une défiance mutuelle ; on a cru devoir approfondir des soupçons que les apparences changeaient eh réalité ; les précautions les plus sérieuses ont précédé les informations; mais des explications, que l'agitation des esprits n'a pu permettre qu'après un certain temps, nous avons passé à cette estime réciproque que nous devions toujours conserver ; il ne nous reste plus qu'un vu, et nous sommes persuadés que vous daignerez l'exaucer.
« Tous les jours il arrive que les amis les plus étroitement unis se trouvent malheureusement compromis, et plus on s'est estimé, plus les sentiments opposés succèdent promptement. Quand on croit avoir été dans l'erreur les uns vis-à-vis des autres, n'est-il pas naturel, lorsque la vérité paraît, de revoir ces sentiments antérieurs reprendre plus de foi-ce que jamais, et de n'éprouver que le désir de pouvoir effacer jusqu'à la moindre trace de désunion?
« Telle est la position de la ville d'Alençon et des chasseurs de Picardie. La réconciliation la plus touchante, les plus tendres effusions ne nous laissent plus d'autres impressions que celles de la plus tendre amitié et de la plus parfaite estime.
« Nous espérons que la France ne verra pas sans édification que nous regretterions amèrement qu'on pût connaître quels ont été les torts des uns et des autres^
« Faits pour maintenir cette paix ét cette concorde, les plus fermes appuis des lois qui occupent tous vos moments précieux, nous espérons que le paquet que nous vous avons envoyé, et qui contient la procédure, sera entièrement anéanti, el qu'il ne sera plus question que de faire connaître l'heureux accord qui règne parmi nous.
« Encore une fois, si quelques-uns de nous sont tombés dans l'erreur* si cette erreur est la cause de nos malheurs* nous désirons que le sujet en soit ignoré ; c'est la plus grande preuve que nous puissions donner de l'estime et de l'amitié réciproques qui doivent garantir pour toujours d'un événement aussi funeste. La ville comme la troupe se réunissant pour vous adresser cette prière, elle ne peut manquer d'être accueillie.
« Nous sommes, avec un très-profond respect, vos très-humbles et très obéissants serviteurs. Lesmembres composant le district d'Alençon, etc.»
Gette lettre sera imprimée, et M. le président est autorisé à écrire à la ville d'Alençon une lettre de félicitations.
rappelle là motion ajournée de M. de Castellane relativement aux prisonniers actuellement détenus par lettres de cachet, et représente que puisque l'Assemblée ne peut s'en occuper en ce moment, il serait à
propos de faire, en attendant, un travail préalable. Il propose en conséquence de nommer un comité de quatre personnes, qui se ferait remettre la liste des prisonniers détenus par lettre de caGhet, et rendrait compte à l'Assemblée des motifs de leur détention. La nomination de ce comité a été ordonnée.
On annonce un vieillard de cent vingt ans, né dans le Mont-Jura; il désire voir l'Assemblée qui a dégagé sa patrie des liens de la servitude.
demande qu'en raison du respect qu'a toujours inspiré la vieillesse, l'Assemblée se lève lorsque cet étonnant vieillard entrera
Cette proposition est accueillie avec transport.
Le vieillard est introduit ; l'Assemblée se lève ; il marche avec des béquilles, conduit et soutenu par sa famille; il s'assied dans un fauteuil vis-à-vis le bureau et se couvre. La salle retentit d'applaudissements.
Il remet son extrait baptistaire. Il est né à Saint-Sorlin, de Charles-Jacques et de Jeanne Bailly, le 10 octobre 1669.
Ce vieillard, que la nature a conservé pour être témoin de la régénération de la France et de la liberté de sa patrie, a constamment rempli ses devoirs de citoyen utile jusqu'à cent cinq ans. Le Roi lui a donné une pension de deux cents livres, mais pour que sa famille se souvienne de cette journée, votons parmi nous une contribution qui, quelque modique qu'en soit le produit, rendra plus tranquilles les jours de ce vieillard respectable à tant de titres, et deviendra pour sa famille un précieux héritage.
L'Assemblée charge MM. les trésoriers des dons patriotiques de recevoir cette contribution.
dit que M. Bourdon de la Crosnière, auteur d'un plan d'éducation nationale présenté à l'Assemblée, faisant entrer dans les eçons qu'il donne à la jeunesse le respect pour la vieillesse, demande à s'emparer de l'auguste vieillard qui sera servi dans l'école patriotique par les jeunes élèves de tous les rangs, et surtout par les enfants dont les pères ont été tués à l'attaque de la Bastille.
Faites pour ce vieillard ce que vous voudrez; mais laissez-le libre...
au vieillard. L'Assemblée craint que la longueur de la séance ne vous fatigue, et vous engagea vous retirer. Elle désire que vous jouissiez longtemps du spectacle de votre patrie devenue entièrement libre.
présente, au nom des officiers et des soldats du régiment de Lorraine, infanterie, un don patriotique de 8,377 livres.
Convaincu que la liberté doit être assurée par la tranquillité, et que la discipline et l'obéissance des troupes sont nécessaires au rétablissement de l'ordre, je ^opose de décréter « que tous les corps militaires doivent rentrer dans l'ordre, sans quoi ils encourront les peines portées par les ordonnances actuellement subsistantes, qui seront provisoirement exécutées, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué sur une nouvelle constitution militaire.»
Sur la proposition de M. Cottin, cette motion est renvoyée au comité militaire.
Ce jour étant destiné aux finances, M. le président propose de continuer la discussion ajournée de la motion de M. de Mirabeau sur les biens du clergé. Elle consiste à décréter ces deux principes : 1° qUe la propriété des biens ecclésiastiques appartient à la nation ; 2° que le traitement des curés doit être porté à 1,200 livres au moins, avec le logement.
propose de continuer la discussion sur les qualités d'éligibilité.
Quelque opinion que j'aie de la dialectique du préopinant, j'avoue qu'il est difficile, même pour lui, de prouver que le principe est la même chose que la conséquence. Je ne sais pas comment, dans un pareil terrain, on peut être sans cesse attaqué et renvoyé continuellement à la Constitution, comme si les finances y étaient étrangères; la science du pot au feu est pour une maison comme pour un empire.
On ne peut pas attaquer ma motion, car je n'ai parlé que d'un principe qui doit être lixé dans votre Constitution.
L'Assemblée décide que cet objet forme l'ordre du jour.
, évêque de Clermont. La religion est notre vrai trésor, et les biens de l'Eglise ne sont utiles que pour son éclat, sa propagation et sa perpétuité; mais je ne puis reconnaître qu'ils appartiennent à la nation. Ou il n'existe nulle propriété, ou la nôtre est inattaquable : exposer mon opinion à cet égard est un devoir de citoyen, parce que la vente de nos biens ne remédierait à rien, et augmenterait les impôts : c'est un devoir d'évêque, parce que cette opération serait funeste à la religion ; les peuples se dégageraient bientôt de l'impôt nécessaire pour le culte divin, bientôt il n'y aurait plus de ministres, plus de religion.
Je regarde comme indispensable de porter les portions congrues au taux le plus élevé.
M***. J'observe, de l'aveu même de l'abbé Maury, que le clergé n'est que dépositaire du bien des pauvres. Dans ce moment on veut lui retirer ce dépôt. Je demande si vous pouvez, messieurs les prêtres, vous préférer à toute la nation, qui veut être elle-même la dispensatrice de ses revenus.
Vous n'ignorez pas, Messieurs, que le trouble est dans les monastères ; de toutes arts vous avez reçu des réclamations ; tous les ommes qui ont écrit sur cette matière ont pris leur parti, et comme l'on accuse la nation de reprendre par force les biens qu'elle a donnés, il faut encore examiner cette quesion.
Je me demande d'abord : qu'est-ce que la propriété? C'est le droit de jouir pour soi; c'est le droit de vendre, d'aliéner, en un mot de disposer à son gré. Ces derniers caractères ne sont pas absolument les mêmes ; qirdans nos lois il existe des propriétaires qui ne peuvent vendre, mais ils jouissent pour eux. Il faut donc distinguer. Ceux qui ne jouissent pas pour eux ne sont que de simples administrateurs. Je réclame les différents canons qui déclarent qu'il u'appartient aux ecclésiastiques que ce qui leur est strictement nécessaire; le reste appartient aux pauvres.
Voilà, selon moi. la véritable définition de la I propriété ecclésiastique ; d'après cela, il reste à savoir si la nation, en se mettant à la place du ^ clergé, en faisant mieux acquitter les fondations, en soulageant mieux les pauvres, peut s'empa-^ rer des biens du clergé.
II existe dans la raison et dans le droit une distinction entre les biens particuliers et les biens publics. Les biens du clergé sont de la dernière classe. Les fondateurs, en donnant des biens à l'Eglise, ne l'ont fait que pour l'utilité delà nation. Il a fallu que la nation intervienne dans les donations.
Maintenant examinons s'il est utile que les biens du clergé restent dans l'administration ancienne.
L'on vous a parlé de l'intérêt des créanciers ; l'on vous a dit que c'est pour les payer que l'on prend les biens du clergé. Rien n'est plus faux; les créanciers sont en sûreté avec la célèbre déclaration que vous avez faite qu'il n'est pas permis de prononcer l'infâme mot de banqueroute. 7 Mais il faut soulager les pauvres, décharger les campagnes et rembourser les charges de judi-cature. Les principes que je développe, je ne vous les expose pas en magistrat, dès longtemps je me disposais à y renoncer, et je profite de ce moment pour vous offrir la finance de mon a office.
D'un côté, il faudra rembourser les offices, de > l'autre, payer les juges : ce qui formerait un objet de 50 millions dont il faudrait grever les peuples. Je sais que par votre comité de finances il vous sera présenté des réductions qui peut-être vous paraîtront injustes tant elles seront sévères, et ces réductions, peut-être ne seront-elles pas admises.
Je demande qu'il soit fait un amendement au second article, qui accorde 1,200 livres aux curés, sans comprendre l'habitation, j'ajoute le jardin ou l'enclos.
(1). Messieurs, le grand objet qui vous est proposé par la motion que nous agir tons, tient à un principe primitif et plus général, qui comprend tous les corps ou établissements appelés de mainmorte, et qui ne me paraît pas v avoir été assez développé.
Je prends la parole pour l'exposer tel que je le m conçois. J'en tirerai les conséquences, comme amendements de la motion, d'une part, pour en étendre l'objet, et d'autre part pour en restreindre quelques-uns des effets actuels.
En ce moment de régénération, les personnes, les choses, tout est soumis dans l'Etat à la nation . exerçant le plus grand de ses pouvoirs. Aucune institution vicieuse ne doitsurvivre, aucun moyen de prospérité publique ne doit échapper au mou-vement général qui reconstitue toutes les parties de l'empire.
Il faut distinguer entre les personnes, les particuliers ou individus réels, et les corps qui, les uns par rapport aux autres, et chacun relativement à l'Etat, forment des personnes morales et k fictives.
Les individus et les corps diffèrent essentielle-ment par la nature de leurs droits, et par l'étendue d'autorité que la loi peut exercer sur ces droits.
Les individus existant indépendamment de la
Les corps, au contraire, n'existent que par la loi ; par cette raison elle a sur tout ce qui les concerne, et jusque sur leur existence même, une autorité illimitée. Les corps n'ont aucuns droits réels par leur nature, puisqu'ils n'ont pas même de nature propre. Ils ne sont qu'une fiction, une conception abstraite de la loi, qui peut les faire comme il lui plaît, et qui, après les avoir faits, peut les modifier à son gré.
Ainsi la loi, après avoir créé les corps, peut les supprimer ; et il y en a cent exemples.
Ainsi la loi a pu communiquer aux corps la jouissance de tous les effets civils ; mais elle peut, et \e pouvoir constituant surtout a le droit d'examiner s'il est bon qu'ils conservent cette jouissance, ou du moins jusqu'à quel point il faut leur en laisser la participation.
Ainsi la loi, qui pouvait ne pas accorder aux corps la faculté de procéder des propriétés foncières, a pu, lorsqu'elle l'a trouvé nécessaire, leur défendre d'en acquérir ; l'édit célèbre de 1749 en est la preuve.
De même la loi peut prononcer aujourd'hui qu'aucun corps de mainmorte, soit laïque, soit ecclésiastique, ne peut rester propriétaire de fonds de terre ; car l'autorité qui a pu déclarer l'incapacité d'acquérir, peut, au même titre, déclarer l'inaptitude à posséder.
Le droit que l'Etat a de porter cette décision sur tous les corps qu'il a admis dans son sein n'est pas douteux, puisqu'il a dans tous les temps, et sous tous les rapports, une puissance absolue, non-seulement sur leur mode d'exister, mais encore sur leur existence. La même raison qui fait que la suppression d'un corps n'est pas un homicide, fait quela révocation delà faculté accordée aux corps de posséder des fonds de terre ne sera pas une spoliation.
Il ne reste donc qu'à examiner s'il est bon de décréter que tous les corps de mainmorte, sans distinction, ne seront plus à l'avenir capables de posséder des propriétés foncières. Or ce décret importe essentiellement à l'intérêt social sous deux points de vue.-1° relativement à l'avantage public que l'Etat doit retirer des fonds de terre ; 2° relativement à l'avantage public que l'Etat doit retirer des corps eux-mêmes.
La France ayant une immense population est intéressée à étendre, autant qu'il est possible, la distribution des propriétés particulières; afin de diminuer le nombre des individus qui, ne possédant rien, tiennent moins par cette raison à la chose publique, et sont dangereux dans les temps de calamité ou de fermentation. La faculté accordée aux corps de posséder des propriétés foncières contrarie cette première vue politique ; puisque les propriétés qu'ils détiennent sont enlevées aux familles et aux individus, et qu'entrées une fois dans leurs mains, elles cessent d'être dans le commerce et dans la distribution générale.
La France étant principalement agricole, doit tourner toutes ses vues vers l'accroissement des produits de son sol, la plus grande source de ses richesses. Il lui importe donc de donner à ses terresdes propriétaires réels, qui portent sur tous les points de sa surface ce zèle et cet attachement de la propriété que rien ne supplée, au lieu
de laisser de grandes et nombreuses possessions à des propriétaires fictifs, remplacés sans cesse par des usufruitiers, ennemis naturels de la propriété, ou par des administrateurs qui s'y intéressent peu.
Non-seulement l'Etat tirera un meilleur parti des fonds de terre, en révoquant la faculté impo-litiquement accordée aux corps de les posséder ; mais il rendra par ce moyen les corps eux-mêmes plus utiles au public.
Ce dernier mot est le seul décisif en tout ce qui concerne le régime des corps. Ils n'ont pu être introduits, et ils ne peuvent être conservés qu'à raison de leur utilité publique. Si nous examinons tous les établissements de ce genre, il n'y en a pas un qui n'ait eu pour motif, certain ou présumé, un service et des fonctions destinées à l'utilité générale. La faculté de posséder des biens-fonds ne leur a été accordée que comme un moyen productif des valeurs nécessaires pour payer le service, ou pour remplir les objets utiles de leur institution; cependant leur donation, en propriétés de cette espèce, est la principale cause qui diminue aujourd'hui l'étendue de leur utilité.
Parmi ces établissements, il y en a un grand nombre, tels que les hôpitaux, les séminaires, les collèges, les hôtels-de-ville, dont il est nécessaire de soutenir l'existence, et dont il serait même important d'étendre les ressources. Les moyens de la plupart sont insuffisants pour leurs besoins ; quelques-uns môme sont à charge au Trésor public. Gela vient de ce que leurs dépenses sont augmentées, pendant que leurs revenus fonciers n'ont pas reçu un accroissement proportionnel ; on ne doit plus même espérer que l'augmentation naturelle des produits territoriaux rétablisse jamais leurs recettes au niveau de leurs besoins. Le moyen non-seulement de leur subvenir, mais d'augmenter beaucoup l'efficacité de leurs services publics, est d'anéantir le droit qu'ils ont eu de posséder des biens-fonds, de convertir par la vente ceux dont ils jouissent en capitaux, et de substituer à leurs revenus fonciers l'intérêt de ces capitaux. Par là le produit de leur dotation pourrait se trouver doublé, si l'on vendait au denier 30 ; parce qu'à l'augmentation de revenu produite par l'intérêt du prix, il faut joindre l'économie d'administration qui résulterait de l'exemption des frais de régie, de procès, et d'entretien des bâtiments. La richesse qui convient aux corps de cette espèce n'est pas celle des capitaux morts, représentés par la valeur intrinsèque des terres ; c'est celle des produits libres et disponibles en emplois d'utilité publique.
Il y a une autre classe d'établissements que leur dotation en fonds de terre, ou trop abondante originairement, ou excessivement accrue en même temps que leur utilité publique a diminué, éloigne par l'abus des richesses de l'esprit de leur institution. Tels sont, dans le clergé, plusieurs ordres religieux, les prieurés et les abbayes dénaturées par la commende, et cette foule de bénéfices simples qui n'imposent aux titulaires aucune obligation utile, pas même celle de résider. L'excès du désordre, en ce genre, est de voir de gros revenus attachés à des titres vains, qui ne produisent aucun service.
A l'époque des fondations, la dotation fut déterminée par des motifs dont l'état actuel de la nation fait disparaître l'importance; elle fut proportionnée, dans le principe, aux avantages ecclésiastiques et civils dont les fondateurs se pro-
mettaient la durée ; sa valeur s'est augmentée sans cesse, et les avantages n'existent plus. Quand la révolution du temps, des moeurs, et des opinions a changé dans l'Eglise et dans l'Etat tout ce que les fondateurs avaient en vue, peut-on, de bonne foi, objecter le respect dû à leurs intentions ? Ne les viole-t-on pas réellement par la manière même dont on prétend les observer ? Que diraient les fondateurs morts il y a six ou sept siècles, eux dont la loyauté ne pouvait pas prévoir la subtile invention de nos commendes actuelles, s'ils voyaient leurs monastères dépouillés d'une grande partie de leurs revenus par des séculiers, et les titres d'abbé et de prieur conservés, pour l'enrichissement des commendataires, à des lieux où il n'existe plus ni religieux ni maison conventuelle t Nous ne serions pas dignes de notre mission si uous laissions plus longtemps une partie des biens-fonds du royaume détournés de leur destination naturelle et politique, pour l'entretien d'un si grand abus.
Quant aux bénéfices véritablement nécessaires , çour le service du culte, les seuls qui doivent être conservés, ceux qui sont dotés en biens-fonds ne peuvent pas davantage être maintenus dans ces propriétés. Le clergé doit, à cej; égard, subirlaloi commune àtous les corps. Sans anéantir les ecclésiastiques, la loi pourrait détruire le corps du clergé, en ce sens, qu'elle pourrait cesser de reconnaître les ecclésiastiques comme formant un corps. Le clergé a déjà cessé d'être 4 un corps politique : il dépend encore de la loi qu'il cesse d'être un corps civil ; mais, en continuant de le reconnaître comme corps, c'est par cela même que la modification de son existence et de ses droits est sans cesse sous l'empire absolu de laloi. Lorsque le clergé a subi l'interdiction d'acquérir des immeubles, il n'y a point eu là par rapport à lui de violation des droits natu- rels, comme il y en aurait dans une loi semblable qui aurait été portée contre les particuliers. De même, en lui défendant de continuer à posséder des biens-fonds, il n'y aura pas d'injustice et d'oppression, comme si on expropriait des particuliers.
A l'égard des individus ecclésiastiques actuellement titulaires des bénéfices, ils n'ont droit qu'à la jouissance, non à la propriété qui ne réside pas sur leurs têtes; ils n'ont pas même droit, par les titres de fondation et par les lois, à la jouissance du total revenu, mais seule- » ment à une portion suffisante pour leur honnête subsistance. Le reste est destiné à des emplois d'utilité publique, tels que l'entretien des églises et le soulagement des pauvres, dont la nation peut se charger directement.
Enfin, Messieurs, pour rassembler sous un même point de vue tous les objets analogues par la nature des choses, et par les principes, j'ajoute ^ que les biens improprement appelés les domaines du Roi ou de la couronne sont véritablement les biens de la nation, et que cette vérité est surtout incontestable lorsque la nation se charge de pourvoir par des subsides, non-seulement aux dépenses du service public et aux dettes du gouvernement, mais encore aux frais de la liste civile pour la personne du Roi et pour sa maison.
En mé résumant, je pense qu'un des actes de « régénération les plus efficaces que la nation puisse exercer par l'autorité du pouvoir constituant, est de retirer à elle tous les biens-fonds qui n'ont point de propriétaires réels, et de se mettre à portée par là de les faire rentrer successivement dans le patrimoine des familles, en attendant et consultant la faveur des circonstances.
J'observe que, quoique la nation soit elle-même un corps, elle peut conserver ces propriétés, tant qu'il lui sera plus avantageux de les retenir que de les aliéner ; parce que l'intérêt national étant au-dessus de toutes les règles particulières qui ne sont établies qu'en sa faveur, fait exception perpétuelle à ces règles qui ne peuvent pas être rétorquées contre lui. .
Je propose moins de décréter aujourd'hui la vente des biens-fonds retirés sur les corps, et celle des domaines, que de consacrer et d'assurer le principe par lequel tous ces biens seront désormais à la disposition de la nation. La jouissance peut être provisoirement conservée aux possesseurs actuels, jusqu'à ce que le moment opportun des aliénations arrive ; et l'administration des domaines serait utilement confiée pendant quelque temps aux assemblées provinciales.
Il n'entre nas dans mon objet actuel de développer par détail tous les avantages de cette opération. Il suffit de faire remarquer, qu'en sanctionnant une maxime de la plus saine politique, la nation se mettrait en état d'augmenter l'utilité publique des institutions les plus avantageuses, retrancherait les richesses excessives de celles qui le sont moins, et ferait tourner leur superflu, jusqu'à présent perdu pour la chose publique comme pour l'objet des fondations, au salut de l'Etat périclitant par la plus pressante calamité.
Le moyen d'assurer imperturbablement la solidité des remplacements dus aux corps dont les propriétés seraient aliénées est simple : le prix des ventes serait employé à l'extinction de la dette publique ; ce qui diminuerait d'autant la contribution de chaque province dans l'impôt dû à l'Etat. L'intérêt représentatif des propriétés vendues serait converti au profit de chaque corps en rentes sur la province. Celle-ci l'imposerait sur elle-même séparément, comme objet de dépense locale -, et le produit de cette contribution, ne se confondant jamais avec les deniers publics, serait versé dans une caisse provinciale particulière qui payerait sur les lieux, de quartier en quartier. L'acquittement de ces rentes serait garanti aux corps par les provinces, à qui leurs administrateurs en répondraient.
Je propose donc de décréter les points suivants :
« 1° Le clergé et tous les corps ou établissements de mainmorte sont, dès à présent, et seront perpétuellement incapables d'avoir la propriété d'aucuns biens-fonds ou autres immeubles.
« 2° Tous les biens de cette nature, dont le clergé et les autres corps de mainmorte ont la possession actuelle sont, de ce moment, à la disposition de la nation, et elle est chargée de pourvoir à l'acquit du service et aux charges des établissements, suivant la nature des différents corps, et le degré de leur utilité publique.
« 3° La nation peut disposer aussi des domaines de la couronne, soit en les hypothéquant, soit en les aliénant, à l'exception seulement des forêts qui ne seraient pas aliénées, s'il est jugé plus avantageux de les conserver; l'administration des biens domaniaux situés en chaque province sera confiée aux assemblées provinciales qui vont être établies.
« 4° Il sera avisé dans le cours de cette session aux moyens de tirer successivement de toutes ces propriétés, d'abord le parti le plus avantageux aux établissements dignes de la protection publique, et d'appliquer ensuite l'excédant de leur valeur au rétablissement des finances de l'Etat.
, évêque d'Vzès (1). Messieurs, c'est devant vous qu'on attaque le droit sacré de la propriété, et c'est déjà un avantage qu'on donne à ses défenseurs. La simple vérité s'enhardit devant de tels juges et pour une telle cause, et ose, forte de sa force et de votre justice, se présenter sans crainte pour repousser les efforts de l'éloquence et la séduction des idées nouvelles et commodes.
On pose en principe, Messieurs, que les biens du clergé ne sont pas à lui, mais à la
nation ; et de ce principe on tire deux conséquences, qui sont que la nation peut
dépouiller le corps du clergé de la possession générale des biens ecclésiastiques, et
qu'elle peut encore dépouiller chaque ecclésiastique de la jouissance particulière,
personnelle, usufruitière et à vie, à laquelle la juste possession de son bénéfice lui
donne droit. Certes, Messieurs, une assemblée de législateurs impassibles comme la loi
qui émane d'eux, voudra sûrement, avant d'admettre de pareils principes de
dépouillement, avoir profondément examiné si la puissance de les exercer n'a pas
aveuglé sur le droit qui pourrait les ccmsacrer ; et d'abord, Messieurs, examinons le
principe générateur de la doctrine qu'on voudrait vous faire adopter. On dit : les
biens du clergé lui ont été donnés pour les employer à la défense du culte, à
l'entretien des ministres de la religion et au souj lagement des pauvres. Tous ces
objets sont d'une utilité générale pour la nation, c'est donc à la nation qu'on les a
donnés; qu'elle fournisse à tous ces objets, et son devoir sera rempli. On dit encore
: le clergé n'est pas, ne peut pas être propriétaire des biens dont la nation lui a
laissé jusqu'à ce moment la régie. Qu'est le clergé? un corps dans la nation, une
collection d'individus ; et un être moral comme lui ne peut être propriétaire. Que de
réponses à faire à ces assertions ? On pourrait facilement les repousser par les
titres mêmes de possession, en disant que le don libre est un des principes les plus
purs de propriété, en prouvant que beaucoup de ces biens n'ont pas même été donnés,
mais conquis par le travail, le premier de tous les titres de propriété, et que
beaucoup aussi ont été achetés. On pourrait rappeler chaque fondation à l'intention du
fondateur, et prouver que ce n'était pas pour l'utilité commune et générale de la
nation que ces fondations étaient faites, mais pour s'assurer uu service local,
perpétuel et consolateur. On pourrait dire que dans tous les gouvernements un corps a
la faculté de posséder des propriétés foncières ; que tout corps, dans un Etat, v est
un être physique, un individu politique, et qu'enfin la nation, qu'on voudrait
déclarer propriétaire des biens ecclésiastiques, n'est elle-même qu'une collection
d'individus et la grande réunion de tous les citoyens classés suivant le besoin de
l'ordre social, en corps, communautés, états, professions; mais, Messieurs, en
étendant et accumulant les preuves contre le principe, je ne ferais qu'abuser de votre
patience. Vous l'avez jugé, sans doute, et vous pensez déjà que ce n'est pas
d'injustices particulières que la grande justice, la justice générale et nationale
peut se former ; je ne ferais d ailleurs qu'affaiblir la force de l'évidence, qui
écrase ce soi-disant principe, dans un écrit intitule : Observations sommaires sur les
biens ecclesiasti-ques, qui est dans les mains de tout le monde,
Mais, Messieurs, il est deux moyens de renverser un faux principe, et par sa fausseté même, et par celle de ses conséquences; et quelles sont-elles ces conséquences ? les voici : on peut dé-pcmiller le corps du clergé de la propriété de ses biens ; on peut dépouiller chaque ecclésiastique de la portion de ces biens dont il est propriétaire usufruitier, en vertu du titre particulier de son bénéfice. Suivons ces deux conséquences, et voyons si elles sont justes et utiles; et d'abord prenons la question générale. Je dis donc qu'il n'est ni juste ni utile à la nation de dépouiller le clergé de ses biens, et je crois que j'aurais tout prouvé, en prouvant que cela n'est pas juste; car il ne peut pas être utile à une nation d'être injuste. En effet, Messieurs, qui peut autoriser un corps politique àdemander à une portion du grand tout un sacrifice quelconque ? rien, que l'utilité générale; rien, que l'impossibilité de procurer le bien général sans ce sacrifice de l'intérêt particulier.
Or, Messieurs, je nie que l'utilité générale puisse s'y trouver, et celle qu'on y cherche peut se trouver ailleurs : quelle peut-elle être en effet? Sans doute on vous dira que ces biens seraient vendus au profit de l'Etat, et en acquitteraient les dettes; mais, Messieurs, ce sophisme de finance n'est pas fait pour vous séduire. On acquitterait des dettes, mais on en contracterait une autre; car je ne présume pas que les vues d'envahissement osent aller jusqu'à proposer de prendre, sans rendre un équivalent, sans fournir à toutes les dépenses que ces biens acquittent; et cette autre dette qu'on mettrait, Messieurs, à la place de celles qui seraient remboursées, deviendrait une charge perpétuelle ajoutée à l'impôt. S'il y avait un bénéfice procuré par la vente des biens ecclésiastiques, il serait nul pour les générations suivantes, et peut-être pour la nôtre, et la charge resterait à jamais. Sans doute un meilleur ordre de choses, surveillé par la nation elle-même, éloignera les causes de désordrequi ont été le principe d'une grande partie de la dette nationale; mais que d'événements cependant peuvent forcer une grande nation à contracter des dettes ! une uerre dispendieuse et malheureuse,des calamités, es disettes, des dissensions intestines,enfin toutes les maladies qui attaquent et énervent le corps politique. Et alors où seraient les ressources ? on n'aurait plus personne à dépouiller; on ne pourrait les chercher que dans de nouveaux sacrifices demandés aux propriétaires des fonds; mais ces fonds chargés déjà d'une masse d'impôts, chargés des dépenses qu'acquittaient les biens du clergé, ne pourraient plus se prêter à de nouveaux besoins. Le bien momentané, s'il avait existé, serait oublié, et il n'en resterait plus que le souvenir importun d'une injustice infructueuse pour le bonheur public. Je ne m'appesantirai pas, Messieurs, àréfuterlesfauxcalculsquiont été mis sous vos yeux avec toute la confiance de la persuasion et de l'ignorance des bases et des détails; ils seront contredits et soumis à cet examen arithmétique, qui est le désespoir de tous les spéculateurs. Je me permettra^seulement une observation simple, qui paraît avoir échappé à ceux qui calculaient nos dépouilles ; ils ont bien compté l'actif et même ils l'ont exagéré, mais ils se sont débarrassés du passif par une inconcevable distraction. Cependant, Messieurs, il n'est que trop lait pour être aperçu. La masse des dettes acquittées par nos biens est très-considérable. Celle
du corps entier du clergé est connue; mais celte des diocèses, des chapitres, des corps religieux des maisons particulières, de beaucoup de bénéfices, forme une seconde masse inconnue ; et toutes réunies, formeraient une triste soustraction au calcul qu'on s'est complu à vous faire. Mais, Messieurs, ce n'est pas assez de prouver que l'envahissement de nos biens, qu'on vous propose, ne serait d'aucune utilité aux générations suivantes; je crois démontré qu'il ne procurerait aucun avantage à la génération présente ; car enfin, tous les possesseurs actuels des bénéfices ont un droit acquis à leur jouissance usufruitière qu'il est impossible de leur ôter, à moins de recourir à ce droit, honteux à prononcer dans l'ordre social, le droit du plus fort. Il faudrait donc d'abord les laisser jouir, et attendre leur extinction, ou au moins leur donner un revenu égal à celui dont ils jouissent. Il faudrait encore pourvoir à la subsistance des religieux et religieuses supprimés; et, dans ce siècle d'humanité, dans ce siecle de lumière et de justice, car la lumière doit mener à la justice, vous ne voudriez pas, ou porter le trouble dans les familles en y renvoyant des individus obligés de réclamer leurs droits civils, ou les y repousser pour y être à la charge et à la merci de parents dont à peine ils seraient reconnus; et il ne vous échappera pas de remarquer, Messieurs, que celui dont l'existence était assurée à peu de frais dans la vie commune, aura besoin de beaucoup plus pour mener une vie . isolée et sous des habitudes nouvelles pour lui. Ces dépenses, il est vrai, n'auraient qu'un temps, mais elles s'étendraient sur la génération actuelle ; et dans ce moment, je m'attache à vous prouver que, même elle, ne retirerait aucun avantage de l'envahissement de nos biens. On vous a trompés d'ailleurs sur l'importance de la ressource. J en ai déjà indiqué plusieurs preuves ; une bien forte encore, c'est la fausse évaluation de nos fonds : avec raison on vous proposerait de les vendre; mais très à tort on porte à un prix trop haut celui de ces ventes : tout tendrait à le diminuer, et la quantité même des terres que cela mettrait en vente, et le nombre de celles qui y sont déjà dans le royaume, et qui montent, dit-on, à six mille, et enfin la diminution réelle qu'éprouvera le prix des terres, par les suppressions des droits féodaux et de tous privilèges tout cela, Messieurs, n'a pas été calculé, et je né puis concevoir une pareille erreur. Tel est l'aveuglement et la prévention de tout le système ; il ne laisse apercevoir que les rapports qui Je favorisent, et cache soigneusement tout ce qui pourrait lui nuire.
Je dis donc, Messieurs, que l'envahissement de nos biens ne serait ni juste, ni utile, ni pour la génération actuelle, ni pour les suivantes; je dis encore que l'utilité générale qu'on cherchait dans cette ressource peut se trouver ailleurs.
En effet, il est impossible de croire qu'une nation comme la nôtre, qu'un empire aussi vaste et aussi riche soit réduit à un tel dénué-ment, qu'il eût péri sans une seule, unique, insuffisante et passagère ressource.
Vous ne connaissez pas encore vos richesses, vous n'avez pas encore fouillé la mine abondante des justes réformes et d'une économique administration, et l'on s'empresse de vous dire que l'envahissement du patrimoine d'une partie de vos concitoyens est le seul moyen de parer à la banqueroute!
Il en est un autre, Messieurs, c'est le respect de la propriété, c'est l'union intime de l'intérêt
de la propriété à l'intérêt public. Que toutes les forces du gouvernement protègent et la liberté et la propriété, et bientôt chaque citoyen sentira " que les sacrifices ne sont que des garants de ses droits et de ses possessions, et il ne les calculera t plus, et l'Etat sera sauvé et la justice respectée ; car, sans justice publique, Messieurs, point de succès solides. Je conclus donc, que la première conséquence du faux principe qu'on veut établir sur nos biens est tout aussi fausse que le principe lui-même, et que, par conséquent, on ne peut dépouiller le corps du clergé de sa propriété foncière. Je dis encore qu'il ne serait ni plus juste ni plus utile de dépouiller chaque ecclésiastique de sa propriété usufruitière. Sur quel principe se fonde-t-on, quand on croit le pouvoir? On suppose toujours que les fonds ecclésiastiques appartiennent à la nation, et l'on dit que dans les mains de chaque titulaire, ils ne sont qu'une concession libre et momentanée.
Le principe est faux, et la conséquence l'est donc ; mais quand l'un et l'autre seraient vrais, 7 je dis qu'il ne serait pas juste encore de dépouiller les possesseurs actuels. Car enfin, Messieurs, vous le savez, dans toute possession le vice du titre est couvert par la bonne foi et le temps ; sans cela rien de certain dans l'exercice de la propriété. Or, depuis que le clergé possède des à biens en France, chaque bénéficier a toujours joui comme propriétaire usufruitier et incommu-table.
Nous avons donc dû croire tous que votre nomination à un bénéfice nous faisait de vrais propriétaires. Les parents qui s'épuisaient pour donner à leurs enfants une éducation analogue à l'état ecclésiastique, pouvaient donc croire recueillir un jour le fruit de leurs sacrifices, en les voyant appelés à partager le patrimoine des ministres des autels. Nous n'avons donc pas cru devoir être arrêtés par aucune crainte de dépouillement et de regrets futurs, quand renonçant, pour la plupart, à nos biens patrimoniaux, nous avons cherché dans cette satisfaction une seconde jouissance du nouveau patrimoine que nous avons trouvé dans notre état.
Mais, dira-t-on, on ne dépouille pas les ecclésiastiques; on leur retire un don qu'on pouvait . ne pas leur faire. Les biens dont ils jouissent, ils ne les tiennent pas comme les autres propriétaires, ou de leurs pères, ou du produit de leur industrie. Mais, Messieurs, sont-ce donc là les seuls justes titres de propriété? Nous ne les tenons pas de nos pères, il est vrai ; mais nous les tenons du don libre des fondateurs, qui ont placé au milieu de la nation une masse de biens qui est véritablement un patrimoine national, puisque v tous les citoyens qui se vouent aux devoirs qu'ils imposent sont appelés aies partager. Et déplus, - Messieurs, quel est l'état dans la société qui ne doive pas procurer au citoyen qui le remplit une existence suffisante et indépendante? Quoi! les ministres de la religion devraient-ils politiquement même être les seuls voués à l'incertitude et à la dépendance? Leur ministère exige cette con- sidération que les hommes n'accordent jamais à ceux dont le sort est dans leurs mains. Sans doute vils doivent la chercher dans leur exactitude à remplir leursdevoirs; mais, Messieurs, vous connaissez trop les hommes pour croire qu'ils l'obtiennent, s'ils ne sont pas libres de tout besoin, et si leur état même ne met pas dans leurs mains ce moyen puissant de la bienfaisance, si analogue à leurs devoirs et la plus douce consolation de leurs travaux. Enfin, nous possédons nos biens
comme tous les citoyens, sous la sauvegarde des lois et de la bonne foi publique. Les plus jeunes de nous les ont grevés, dans leurs mains, d'engagements nécessaires pour leurs établissements, et qu'ils ont calculés, avec justice, sur les produits d'une jouissance qu'ils ont dû croire certaine. Les plus âgés reposent tranquillement leurs vieux jours sur la certitude, ou d'un nécessaire bien acquis, ou d'une aisance, prix de leurs anciens travaux, et qu'ils se plaisent à partager avec ceux de leurs parents qui leur offrent un bonheur de plus, en leur offrant de vrais besoins à soulager, et l'occasion de rendre à leurs familles les dépenses qu'elles ont pu faire pour leur éducation. Je dois le dire, pour l'honneur de la partie la plus nombreuse du clergé, il n'est presque pas un seul curé du diocèse où la Providence m'a placé, qui n'ait honoré sa modeste habitation, en la rendant l'asile ou de la vieillesse d'un père, ou de l'infortune d'une mère, ou de l'indigence de quelqu'un de ses parents. Je crois, Messieurs, que personne ne refusera à la partie la plus riche du clergé la justice qui lui est due dans le môme genre, et j'interrogerais avec confiance ceux mêmes qui seraient les excitateurs les plus ardents de leur dépouillement. Nous sommes donc , Messieurs, vrais propriétaires usufruitiers ; nous possédons de bonne foi et de temps immémorial ; notre possession est sous la sauvegarde des lois et de la foi publique; nous avons grevé notre jouissance d'engagements justes, légaux, et qui doivent être respectés; enfin, nous sommes vos concitoyens, vos frères, et la même loi qui vous protège nous doit protection. Il serait donc de toute injustice de violer dans nos mains ce droit sacré de la propriété, seul fondement solide de toute société humaine, et pour la défense duquel, surtout, nous avons été envoyés ici par tous nos commettants. Mais, Messieurs, il serait souverainement injuste de nous dépouiller; cette injustice ne pourrait être d'aucune utilité à la chose publique, premièrement par son caractère même d'injustice, mais de plus par les dédommagements que sans doute on n'oserait pas ne pas donner à chaque possesseur actuel.
Cette dernière vérité, Messieurs, ne peut se prouver que par des calculs; mais aussi l'assertion contraire ne mérite aucune confiance que le calcul à la main. C'est là où l'on verrait s'évanouir tous les rêves des faiseurs de projets et tous les délires des imaginations destructives.
Je soutiens donc, Messieurs, qu'il ne serait ni juste ni utile de dépouiller les possesseurs actuels des biens ecclésiastiques; je soutiens qu'il ne serait ni juste ni utile d'envahir les biens du clergé, et j'en conclus qu'il n'est pas vrai que ces biens soient la propriété directe de la nation. Sans doute elle en est la première propriétaire comme de tous ceux de la patrie, mais tout son droit de propriété sur eux comme sur tous est de les protéger dans chaque propriétaire particulier, et d'en appeler aux besoins publics la partie nécessaire aux dépenses communes. Mais je me trompe, Messieurs : les biens ecclésiastiques sont, dans la main du clergé, la vraie propriété de tous les citoyens, puisque tous peuvent les partager en acquérant les qualités nécessaires à leur jouissance. Ce sont vos enfants, ce sont vos frères, ce sont vos parents, qui sont appelés à jouir de ce patrimoine commun, et, ce qui l'anoblit, c'est que l'humanité secourable et religieuse en rend les pauvres copartageants.
Je crois avoir rempli ma tâche, Messieurs,
mais cependant permettez-moi de repousser une objection trop répétée. On dit qu'il faut rendre nos biens au commerce en les ôtant* de nos mains ; mais, Messieurs, que veut dire cette assertion? Yeut-on multiplier les ventes, ou seulement les mutations de possesseurs? Quant aux ventes, que fait à la chose publique leur multiplication? Je n'y vois d'utilité que pour les notaires qui passent les actes, et pour les seigneurs qui percevaient des droits de lods et ventes, et rien pour la nation. Quant aux mutations, certainement elles sont moins fréquentes par les ventes que par les vacances ecclésiastiques : et considérez de plus, Messieurs, que les ventes ne font que transporter un bien de la main d'un riche dans la main d'un autre riche, au lieu que nos mutations vont chercher ceux qui ont besoin, et peuvent les aller chercher dans toutes les classes de citoyens. Cette prétendue nécessité de remettre nos biens dans le commerce est donc nulle et illusoire, et s'évanouit ainsi que tous les projets envahisseurs, devant le jour irrésistible de la vérité et de la justice. Mais, Messieurs, si nos biens sont à nous, si nous, nous sommes citoyens, qui peut avoir le droit de nous les ôter? La nation? La nation est l'agrégation de tous les citoyens eux-mêmes réunis par leur volonté commune, et dont tous les membres ont les mêmes droits. La justice la plus impartiale est la seule base de cette réunion, et si cette base est renvervée la réunion s'écroule. Dès lors plus d'ordre, plus d'ensemble plus de force publique. La barrière sacrée de la propriété une fois franchie, le serait bientôt encore ; et bientôt vous verriez au nom de la nation aussi, attaquer les propriétés foncières et héréditaires, et prononcer ce mot destructeur de toutes grandes sociétés, mais si flatteur pour le plus grand nombre, ce mot de loi agraire. Votre sagesse le repousserait sans doute, mais avec quel poids il parlerait en sa faveur, celui qui pourrait citer un aussi grand exemple ! J'ose l'espérer, on ne le citera pas. Sans doute, Messieurs, et c'est le dernier signai de détresse d'une nation, elle peut exiger, dans un besoin extrême, jusqu'au sacrifice d'une partie des fonds des propriétés; mais alors encore, la justice doit dicter ses demandes, l'impartialité doit tracer ses plans, et la plus juste proportion entre tous les propriétaires doit fixer le sacrifice de chacun au salut de la Ghose publique. Alors, Messieurs, nous gémirions, non sur nos biens, mais sur la patrie réduite à une assez cruelle extrémité.
Vous l'avez sans doute remarqué, Messieurs, je n'ai parlé que de la propriété de nos biens. Leur partage, leur meilleure distribution entre les ministres des autels est une question à part que je n'ai pas traitée, et sur laquelle sans doute tout le monde sera d'accord. Sans doute aussi on ne me fera pas l'injustice de conclure de ce que j'ai dit, que je pense que nos biens ne doivent pas être appelés au secours de la chose publique. Cette antique erreur, si elle a existé, ne peut plus se montrer. Nous devons, comme citoyens, et, dans les jours de la détresse, nous devons l'exemple des sacrifices à la patrie. Mais où les Êrendre, ces sacrifices? est-ce sur les fonds de nos iens ? Certes, ceux de nous qui croiraient pouvoir les offrir me paraîtraient bien hardis et me sembleraient en même temps bien économes de leurs jouissances personnelles. Ces fonds sont au clergé. Nous ne sommes pas ici le clergé délibérant, et nous n'avons pas mission. Mais ce qui est à nous, mais ce que nous pouvons offrir,
mais ce qui serait sans doute approuvé par tous nos commettants, c'est un sacrifice sur nos revenus qui-surpassât ceux de tous nos concitoyens, et c'est à quoi je cqpclus, et en outre qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la propriété de nos biens.
(1). Messieurs, le clergé est-il propriétaire des biens qu'il possède? Il suffit d'énoncer cette question pour en faire sentir l'importance.
Que le clergé possède plus ou moins d'immeubles; que ces immeubles soient grevés de charges plus ou moins considérables; qu'ils aient été été donnés purement et simplement, ou sous condition : rien n'est plus étranger à la question-
Le propriétaire des biens du clergé, quel qu'il puisse être, doit acquitter toutes les charges légitimes dont ils sont grevés ; les fondateurs et les créanciers ne peuvent donc avoir ici aucune espèce d'intérêt ; de quelque manière qu'on décide, leurs droits, s'ils en ont, doivent être sacrés.
Les calculs sur les possessions ecclésiastiques ne sont pas moins indifférents : quelque avantage qu'on pût trouver à envahir ces possessions, la nation ne pourrait en disposer sans injustice, si elle n'en est pas propriétaire; et si, au contraire, la propriété lui en appartient, il faut déclarer cette vérité, même quand on suppose-, rait que les possessions ecclésiastiques n'excèdent pas ce qui est rigoureusement nécessaire pour le culte divin.
Peu importe aussi, dans ce moment, l'usage que le clergé a pu faire de ses revenus; s'il en a mal usé, il faut réprimer l'abus ; mais cet abus ne fournirait pas un argument solide contre sa propriété, comme la sagesse de l'emploi ne suffirait pas pour la lui acquérir. Ecartons toutes ces considérations et une foule d'autres que les partisans et les adversaires de la propriété du clergé ont pu respectivement opposer; ce n'est pas par des considérations pareilles qu'une question de cette nature peut se décider.
Pour la traiter avec méthode, il faut, avant tout, bien déterminer ce qu'on entend par le mot propriété. Les lois le définissent par le droit d'user et d'abuser. On dit d'abuser, et ce n'est pas sans motif que la loi a employé cette expression ; c'est elle précisément qui distingue le simple possesseur du propriétaire. Le premier peut user, mais sans détruire, sans détériorer le fonds; il ne peut donc pas abuser : le propriétaire seul a le droit de se jouer de la chose.
Ce n'est pas que l'exercice du droit de propriété ne puisse quelquefois être momentanément suspendu dans la main du propriétaire, on a cité l'exemple du. mineur, qui ne peut pas dis-' poser, parce que pour disposer il faut consentir, et que pour consentir il faut des connaissances que la loi ne suppose pas avant un certain âge ; mais cette suspension accidentelle de l'exercice d'une partie des droits de la propriété ne prouve rien contre la définition qu'on a donnée : la propriété n'en est pas moins le droit d'user et d'abuser.
Le clergé a-t-il le droit d'user et d'abuser des biens qu'il possède?
Le clergé a acquis, il jouit, il aliène. Mais pour
Pourquoi le clergé n'a-t-il pas le droit de disposer? C'est dans la nature même des choses ' qu'il faut en chercher la raison.
Qu'est-ce que le clergé, c'est un être moral, - composé d'individus voués au culte divin. Mais une société peut exister sans aucune corporation articulière ; elle peut à son gré admettre ou rejeter ces êtres moraux ; elle peut leur permettre ou leur défendre de posséder des immeubles ; elle peut suspendre, modifier, révoquer ces permissions ; elle peut, en un mot, pour employer l'expression énergique d'un auteur mo-derne, elle peut, sans injustice et légalement, tuer la personne de la corporation ; elle peut donc, et à bien plus forte raison, en tuer les ac-! cessoires. Les corporations particulières ne sont i donc pas, en général, et à proprement parler, propriétaires, puisque la nation peut toujours, et peut seule disposer de leurs possessions.
Cette observation générale s'applique au clergé bien plus directement qu'à toute autre corporation ; s'il a fait un corps dans l'Etat, ce n'est pas dans l'intérêt particulier des membres qui le composent ; ce n'est pas même pour leur intérêt collectif : les ministres de la religion existent pour l'intérêt de l'Eglise et de l'Etat ; c'est par conséquent sur l'universalité des fidèles qu'a dû tomber la charge du salaire de ces ministres ; mais il n'est pas nécessaire qu'ils forment un corps particulier, et le soin du culte peut être confié à des individus qui n'auront entre eux d'autre rapport que celui d'un devoir commun.
Sans doute tant que la corporation existe, tant qu'elle existe avec l'a permission de posséder des immeubles, tant qu'il plaît à la nation d'en salarier ainsi les membres, il faut bien que la puissance publique protège ses possessions ; il faut qu'elle règle la manière dont cette corporation pourra acquérir, aliéner, et jouir ; mais ne nous abusons pas sur l'esprit et sur les motifs de ces règlements ; leur but a été de maintenir » contre toute invasion des possessions que l'Etat aurait été forcé de remplacer, de manière ou d'autre, si elles avaient disparu : de là cette foule de règlements sur l'effet.de la possession, pour ou contre les ecclésiastiques, et sur la manière dont ils doivent jouir ; de là ces défenses générales d'aliéner et d'hypothéquer leurs immeubles; mais loin que ces lois, citées avec tant d'affection de la part du clergé, établissent un véritable droit de propriété, elles prouvent au contraire qu'il n'est pas propriétaire, puisque ni le corps, ni les individus ne peuvent et n'ont pu dans aucun temps jouir et disposer librement de leurs immeubles.
L'idée d'une substitution perpétuelle des biens *¦ du clergé en faveur des titulaires de bénéfices qui pourront se succéder est, sans contredit, ¦ une idée fort ingénieuse, mais elle manque absolument de justesse. Qu'est-ce qu'un grevé de substitution ? C'est un donataire chargé de rendre à des personnes désignées : il est chargé de rendre, mais il n'en est pas moins un véritable donataire ; il est propriétaire par conséquent, et si bien propriétaire qu'il aliène valablement ; l'aliénation par lui faite peut seulement être ré-
voquée, s'il existe à son décès quelque personne appelée à la substitution.
Oserait-on dire qu'un titulaire de bénéfice est aussi propriétaire, et que les aliénations par lui faites ne sont pas nulles de plein droit? Il n'y a donc aucune espèce d'analogie entre le bénéficier et le grévé de substitution. Concluons : le clergé n'est pas propriétaire des biens qu'il possède ; tout le monde reconnaît que les titulaires ne sont pas propriétaires : le corps moral et intellectuel du clergé ne l'est pas davantage, car il n'a pas plus que les titulaires le droit de disposer ; il faut cependant bien que cette.propriété réside quelque part. A qui donc peut-elle appartenir, si ce n'est à la nation ?
Gette grande vérité n'a jamais été méconnue : sans recourir à des exemples étrangers, on pourrait s'étayer ici sur l'autorité du clergé lui-même ou de ses conseils les plus éclairés ; mais faut-il des autorités pour établir ce que la raison nous démontre? Lorsque les Etats du royaume ont demandé en différentes occasions que partie des biens du clergé fût employée à récompenser les loyaux serviteurs, à soulager d'autant le pauvre peuple de tailles, ou à racheter le domaine, ne supposaient-ils pas évidemment qu'à la nation seule appartenait la propriété des biens du clergé ?
Lorsque le clergé, pressé par ces demandes, se soumit, en 1561, à racheter les aides, les gabelles et les domaines engagés pour des sommes considérables, ne reconnaissail-il pas que la nation avait le droit de disposer de ses possessions ?
Lorsque dans vingt ordonnances des xiiie et xive siècles, nos Rois, en révoquant les anciennes donations
des domaines de la couronne, exceptaient très-expressément les donations par eux
faites à Dieu et à Sainte Eglise, n'est-il pas évident qu'ils supposaient à la
puissance publique le droit de disposer toujours de ces objets ?
Lors donc qu'on déclarera qu'à la nation appar-tien t la propriété des biens du clergé, on ne fera que rendre hommage à une vérité incontestable.
Parcourons au surplus les objections des partisans de la propriété du clergé ;
« Le clergé, ait-on, peut aliéner; donc il est propriétaire. »
Le clergé n'a jamais eu le droit d'aliéner ; cette faculté lui a toujours été interdite par les conseils et par les lois de l'Etat ; donc il n'est pas propriétaire.
« Le cierge, ajoute-t-on, a, payé des subsides; donc il est propriétaire. »
Tout usufruitier paye des subsides ; donc l'acquit des subsides ne prouve pas la propriété.
« Lorsque le clergé a été forcé d'aliéner pour ses subventions, il a été libre de mettre hors de ses mains celles de ses possessions qui lui ont paru les moins avantageuses ; donc il est propriétaire. »
Il était indifférent que l'aliénation tombât sur un immeuble plutôt que sur un autre, pourvu que la subvention fut payée.
« Que diriez-vous, s'écrie-t-on encore, d'un seigneur de paroisse qui, presse par .ses créanciers, les rassemblerait pour leur dire : Mes aïeux ont doté la cure de ma paroisse ; prenez-en les fonds et soyons quittes.»
Ce que nous dirions? nous disions que ce seigneur serait déraisonnable et injuste : déraisonnable, en ce qu'il voudrait disposer d'un bien qui ne lui appartient pas; injuste, en ce qu'il voudrait dépouiller un possesseur pour revêtir un étranger auquel le possesseur ne doit rien. En quoi donc la nation resseinblera-t-elle à ce Sei-
neur, quand, elle déclarera sa propriété sur les iens du clergé ?
« Mais quel fâcheux exemple, et qui sera désormais assuré de sa propriété, si le clergé ne l'est pas de la sienne ? »
On suppose ici ce qui est en question, c'est-à-dire que le clergé est propriétaire : il ne l'est pas ; cela est démontré : lorsque la nation reconnaîtra cette vérité, elle ne portera aucune atteinte aux droits des citoyens qui sont véritablement propriétaires.
« Mais ce n'est pas à la nation que les biens du clergé furent donnés ; c'est à un bénéfice, à une communauté : comment la nation se trouverait-elle propriétaire de ces biens ? »
On l'a déjà dit: un être moral ne peut pas être propriétaire, il n'existe et ne peut exister qu'autant et de la manière qu'il plaît à la nation; elle a toujours, qu'il soit permis de le dire, un droit de vie et de mort sur ces corps intellectuels et sur tout ce qui en dépend : ils ne sont créés que sous cette condition, et c'est ce que les donations de biens ecclésiastiques n'ont pas dû ignorer. On ne pourrait donc tirer en faveur du clergé aucune induction de la circonstance, que les donations auraient été faites à un titre particulier de bénéfice.
Mais rien ne prouve mieux l'embarras extrême du clergé que sa défense actuelle ; elle est absolument opposée aux principes qu'il a professés dans tous les temps. Empruntons ici le langage des canonistes les plus distingués (1) : « La piété est le principe des fondations; le culte divin en est la fin et le terme, le premier motif du fondateur est toujours de faire un sacrifice à Dieu.... C'est à l'Eglise qu'il adresse l'hommage qu'il veut rendre à la souveraine majesté ; c'est elle qui l'accepte en son nom..... Cette intention primitive est essentielle aux fondations, elle en est insé-parable ; et si les fondateurs spécifient les personnes qu'ils préfèrent pour remplir leurs vues religieuses c'est afin ae mieux satisfaire à cet objet principal. »
D'après ces maximes le clergé a toujours soutenu que les biens ecclésiastiques avaient été donnés à l'Eglise : à Dieu et à Sainte Eglise, pour employer les expressions d'ordonnances, et de chartes anciennes.
Ce principe a en effet été consacré par un grand nombre de décisions ; ce n'est donc pas, de l'aveu du clergé lui-même, à un établissement particulier, mais à l'Eglise que les donations ont été faites. Mais gardons-nous de confondre l'Eglise avec le clergé ; le clergé est, sans contredit, une partie, et une partie distinguée de l'Eglise ; mais il n'en est qu'une partie. Personne n ignore que l'Eglise est l'assemblée des fidèles; or, dans un Etat ou la loi n'a jamais reconnu que des fidèles, qu'on nous dise si l'assemblée des fidèles est, et peut être autre chose que la nation ? C'est donc à la nation qu'on été faites, dans les principes du clergé lui-même, les donations de biens ecclésiastiques ; c'est donc la nation qui en est propriétaire. Elle le sera, si l'on veut, sous les charges imposées par les fondateurs ; elle sera tenue de les faire acquitter comme le clergé lui-même, s'il avait une propriété : mais elle est certainement propriétaire, et il n'est plus possible de méconnaître cette précieuse vérité.
Faut-il rappeler actuellement que la puissance
Qui pourrait donc méconnaître dans la nation un droit de propriété que la saine raison réclame pour elle, et qu'elle a, pour ainsi dire, exercé chaque jour depuis que la monarchie existe ?
Le clergé n'est pas propriétaire, il n'est que dispensateur: s'il prend pour lui plus que le nécessaire, c'est selon les canons un véritable sacrilège. Mais la nation n'est pas propriétaire de tous les biens. Il en est qui ne lui ont pas été donnés, et dont elle ne pourrait pas disposer. Les uns appartiennent aux familles, ils doivent y revenir dans le cas où les fondations ne seraient pas exécutées; ils y reviennent encore quand les héritiers sont dans la détresse, puis-qu'alors ces héritiers sont les premiers pauvres du bénéfice. D'autres appartiennent aux paroisses ; d'autres encore aux provinces, et si, après que la vente en aurait été faite, par quelque événement extraordinaire, une province venait à cesser d'être française, où retrouverait-elle ses biens ? Cependant, malgré ces observations, le principe est toujours que la nation peut ramener les biens à leur véritable destination, et changer le mode de leur administration. 11 faudrait seulement verser les revenus dans les caisses des provinces, qui payeraient les dettes locales du clergé et aviseraient aux moyens de fournir leur quote-part pour le service divin.
, évéque d'Uzès (1). Messieurs, la voix puissante du devoir me ramène sur la grande question des propriétés ecclésiastiques. J'ose encore m'offrir à toutes les inductions qu'on voudra tirer de ma persévérance. Je n'ai qu'un mot à y répondre, je n'ai presque pas de biens-fonds ; et quand j'en aurais , Messieurs , j'aurais encore le courage de les défendre , parce que je crois fermement que c'est ma dette envers la justice et la vérité. Au reste, Messieurs, mon seul but aujourd'hui est de jeter un coup d'il rapide sur quelques-unes des objections faites contre la propriété du clergé.
Et d'abord, permettez-moi une observation générale. Vous avez remarqué, sans doute, que chacun des honorables membres qui a voulu attaquer le droit de propriété des biens ecclésiastiques a commencé par donner une définition, non de la propriété en général, mais de la sorte de propriété qu'il espérait prouver que nous n'avions pas ; et cependant, il en tirait la conséquence générale que nous n'étions pas propriétaires.
Tel, Messieurs, vous avez entendu l'un des opinants dire que la propriété est le
pouvoir d'user et d'abuser de sa chose. Certes, c'est bien abuser du talent de la
parole, que d'oser donner cette phrase pour une définition et la soutenir. Le droit
d'abuser est une des qualités de la
Passons à une autre définition. Selon l'honorable membre qui nous l'a présentée, la propriété est le droit de jouir pour soi, de pouvoir vendre, i aliéner et disposer; celui qui ne jouit qu'à charge de donner, n'est, selon lui, qu'administrateur. ? Cette définition, Messieurs, a deux parties distinctes, l'une positive, l'autre négative. La première est juste, quand elle prononce que la propriété est le droit de jouir pour soi ; quand elle ajoute que c'est celui de vendre, aliéner et disposer, elle ne l'est plus, puisqu'elle sort de sa généralité, et qu'elle donne, comme essentielles à la nature de la propriété, des qualités particulières de ce droit, sans lesquelles il peut exister * et existe réellement dans les mains des usufruitiers de tout genre. J'imagine qu'on ne dira plus que la propriété usufruitière n'est pas une vraie propriété, c'est elle, qu'avec justice, vous avez déclarée inviolable dans les mains des créanciers viagers de l'Etat; c'est par elle que la nation se trouve obérée et forcée de recourir à des ressources extrêmes ; c'est à elle, enfin, qu'on vous propose d'immoler la propriété du clergé. La seconde partie de la définition que j'examine refuse les . droits et le titre de propriétaire à celui qui ne jouit qu'à charge de donner, et le réduit au titre d'administrateur. Si je ne craignais d'abuser de vos moments, Messieurs, j'anéantirais cette opinion, sous tous les rapports qu'elle peut avoir avec les biens ecclésiastiques ; je ferais lire à l'honorable membre les actes des fondations et " donations, et il y verrait que la plupart sont absolues, et ne contiennent pas même, textuelle-N ment, cette intention pieuse et humaine de donner aux pauvres, qu'elles croyaient remplir suffisamment, en donnant aux consolateurs naturels de l'humanité souffrante ; je lui ferais voir d'ailleurs toutes les donations civiles grevées de charges, et qui ne transmettent pas moins le droit en-. tier de la propriété. Une condition imposée à ce droit ne peut le détruire ; son seul effet est de restrein-dre son étendue, et de circonscrire sa jouissance. Mais, Messieurs, quels sont les caractères de ce titre qu'on veut nous donner, de ce titre d'administrateur? En reconnaît-on un seul dans notre manière de posséder? Un honoraire déterminé nous est-il fixé sur le bénéfice qu'on suppose que nous ne devons qu'administrer? devons-nous des comptes à d'autres qu'à Dieu et à nos con-
sciences? Non, sans doute, et nous ne pouvons donc être confondus avec de simples administrateurs. Nos propriétés sont grevées de charges, comme tant d'autres ; elles sont plus obligatoires et plus respectables, il est vrai ; mais en les remplissant, nous sommes quittes, et nous possédons de plein droit. On ne peut donc conclure, de ce que des obligations sont imposées à nos propriétés, qu'elles cessent d'être de vraies propriétés, et que nous n'ayons sur elles qu'une obligation d'administrer, et non un droit de posséder.
Une autre attaque, Messieurs, bien imposante, bien essentielle à repousser, est celle qui développe* des opinions nouvelles sur les droits de propriété de tous les corps. Elle se présente avec des principes d'autant plus séduisants qu'ils sont généraux, et elle marche sous l'égide d'une logique inattaquable. Ce n'est donc que dans les principes eux-mêmes qu'on peut attaquer son opinion ; et j'oserais l'entreprendre s'ils n'avaient été déjà victorieusement repoussés. Je me permettrai seulement de lui faire remarquer une grande inattention ; il assimile, ce me semble, deux lois bien disparates. Il dit que la même autorité qui a pu, par la surveillance seule d'administration, arrêter les acquisitions d'un corps, peut aussi lui refuser le droit de posséder, et reculer l'effet de cet anathème politique jusqu'au droit reconnu et confirmé par la nation elle-même depuis l'origine de la monarchie. Messieurs, vous l'avez remarqué sans doute, l'honorable membre a avancé cette doctrine, et lui-même n'a pu en donner une seule preuve. En effet, quel rapport peut-il y avoir entre une simple loi d'administration qui défend à un corps d'étendre ses propriétés, et un acte de la souveraineté la plus absolue qui étendrait le despotisme, destructeur sur des siècles de propriété ? Nul rapport donc entre la loi de 1749 et celle qui frapperait d'une mort politique tous les corps que l'État renferme dans son sein.
Vous avez encore entendu dire, Messieurs, par un autre opinant, que la nation ayant déclaré qu'elle ne voulait plus, et que, par conséquent, ce corps ne pouvait plus posséder aucuns fonds. Mais, Messieurs, cette fausse conséquence ne vient que d'une confusion de mots. De ce que le clergé ne serait plus un ordre dans l'Etat, s'ensuivrait-il qu'il ne soit plus un corps? Est-ce comme ordre qu'il possédait ses biens ? Peut-on ainsi confondre et les droits politiques et les droits civils? Je crois, Messieurs, ne devoir pas étendre mes réponses sur cette objection : elle me paraît se répondre à elle-même. Quant aux calculs de l'honorable membre, j'en appelle aux preuves. Quant à l'assertion, que le régime d'administration du clergé entassait dettes sur dettes, et que bientôt elles auraient égalé les propriétés ecclésiastiques, je réponds que tous les remboursements des dettes du clergé ont des époques fixes, et tous devaient être effectués au commencement du siècle prochain. Je n'ose m'étendre, Messieurs, et vous voyez, sans doute, que j'indique seulement les réponses.
Je ne puis cependant me dispenser de répondre encore à un honorable membre qui a dit que la propriété des biens ecclésiastiques appartient à la nation : que cette opinion a paru être le fruit de la philosophie moderne; puis, il ajoute qu'elle est aussi ancienne que nos lois, et il s'engage à le prouver par les faits. Enfin, Messieurs, le premier qu'il cite est la nécessité de l'autorité souveraine pour l'aliénation de nos biens, et ce
fait est moderne; et ce fait prouve notre propriété, puisque le propriétaire seul peut aliéner* quelles que soient les formes auxquelles l'astreignent des règlements de simple administration. Si j'avais le temps, Messieurs, d'attaquer les autres faits, je les détruirais tous : je me bornerai à vous faire remarquer que tous énoncent des envahissements de cette autorité arbitraire, dont les actes ne devraient pas être cités dans cette Assemblée comme des titres contre l'imprescriptible propriété. Et quand il serait vrai, Messieurs, que dans quelques époques éparses dans les siècles précédents, elle reçut quelque atteinte dans les mains du clergé, oserait-on en conclure qu'il peut arriver un moment où l'injastice entière pourrait le consommer? non, sans doute : et bien moins encore pourrait-on placer ce moment à l'époque où tous les droits sont reconnus, où tous reçoivent une nouvelle force, et où la justice, la raison et, la vérité montent sur le trône de la nation. Enfin, Messieurs, ce même opinant veut aussi que les fondations aient été données à la nation. Ce sont des faits encore par où il prétend le prouver. Il dit que les titres de fondations ne donnent pas au clergé, ni à tel ou tel individu du clergé : non, sans doute, mais ils donnent â telle ou telle église. 11 énonce de soi-disant formules générales de fondations ; j'y répondrais par des actes positifs contraires. liait que la nation est toujours intervenue dans les fondations : sans doute, pour y mettre la garantie et le sceau de la loi, comme dans tous les actes civils. Il conclut enfin que les fondations n'ayant été faites ni pour les corps, ni pour les individus du clergé, elles ne leur appartiennent pas : non, sans doute, mais elles appartiennent aux églises. 11 conclut encore que, puisque les fondations imposent un service public et utile à la nation j elle en est propriétaire : je nie la conséquence. Tout son droit est renfermé dans celui de veiller à l'exécution des conditions imposées.
Enfin, Messieurs, me voici parvenu à ce motif si puissant sur tous les bons citoyens. La patrie est en danger; de grands maux l'accablent; de grandes ressources peuvent seules la sauver. Les biens ecclésiastiques le pourraient : la justice réfléchie en prononce la propriété; mais l'opinion ne voit que des possesseurs passagers. Les yeux de la patrie se tournent vers cette ressource, destinée* par sa nature, à être toujours celle de l'infortune et du besoin. Messieurs, si ce sont des sacrifices que nous demande la patrie, ah! sans doute, j'ose en répondre, elle ne nous trouvera pas sourds à sa voix* Nous donnerons de grands exemples. Que ses vrais besoins soient connus et vérifiés; qu'on nous mette à portée de calculer nos moyens, de mesurer nos efforts* et, je n'en doute pas, nous surpasserons ses espérances, et nous nous ferons gloire de devancer tous nos concitoyens. Mais, Messieurs, on nous parle de dépouillement; on nous parle d'anéantir dans nos mains ce dépôt que nous avons reçu de nos prédécesseurs et que nous devons transmettre à ceux qui nous succéderont; on voudrait nous enlever jusqu'à la satisfaction du sacrifice; et l'on s'étonne même de notre résistance! elle nous est commandée par le devoir; elle sera ferme et modérée, constante et paisible; et nous attendrons votre jugement avec confiance et résignation.
(1). Messieurs, nombre d'opi-
Si ce propriétaire faisait de cette propriété supposée l'usage auquel on la destine, il en résulterait que le riche emploierait à augmenter son opulence, la propriété du pauvre; puisqu'il n'est personne qui ne doive convenir qu'en acquittant la créance publique, on allège nécessairement l'Etat du payement de ses arrérages, que par conséquent l'on domine la masse des impôts.
Or, je le demande, qui paye les impôts, si ce n'est le propriétaire? qui recueillerait donc le fruit de cette opération? l'homme qui possède. Aux dépens de qui augmenterait-il son aisance ? aux dépens de celui qui, courbé sous le poids de la misère, pourrait ne pas voir tranquillement * évanouir la propriété destinée à l'alléger. Dira-t-on, pour répondre à une vérité aussi incontestable, que des impôts seront destinés au soulagement de l'indigent? Par quel moyen fera-t-on payer les impôts aux capitalistes, qui seuls auraient retiré le fruit d'une opération semblable à celle que vous a proposée dans sa motion l'auteur de celle relative aux biens du clergé? -Croyez-vous que ce propriétaire que vous surgrèveriez d'une manière inégale verrait avec applaudissement que cette surcharge lui arriverait par une opération résultante d'un décret qu'il pourrait bien trouver peu juste? Pourriez-vous dire, pour le colorer, qu'il sera aussi difficile de faire supporter une portion de la charge publique aux capitalistes, pour les impositions ^ nécessaires à l'acquittement de la créance publique, que pour celles que l'on imposerait à l'effet d'abolir la mendicité ? Je ne pense pas que Je spécieux de ce raisonnement, qui n'est qu'apparent, pùt le satisfaire, s'il réfléchissait un instant à la facilité que vous donnerait une caisse vraiment nationale, pour faire supporter aux capita-
listes créanciers de l'Etat, la charge des impôts.
Dans l'administration d'utl grand empire, toutes les opérations sont liées ; telle prise séparément, peut paraître sUblime à l'homme qui, laissant dans l'inaction les facultés de soh entendement, në lës porte pas sut* lé développement de ce vaste ensemble. Ce n'est cependant cjue de l'accord parfait qui doit Régner danë cétte imfàensë organisation que peut naîtrë la fortune publique.
Je crois et j'imagine que lë ciergé lui-même avouera qUe les représentants de la nation ont le droit incontestable ile surveillé!* le bien des corps, de régler le régime nécessaire à leur meilleure administration, de Axel1 le nombre des individus qui les doivent composer, et qui sont nécessaires aux fonctions publiqbës auxquelles ils sont destinés ; de réformer les abus qui se sont introduits sur cës deux objets, de fixer lës réunions que pourrait exiger le nouveau régime, Ja vente de la partie des immeubles qui ne seraient qu'oùéreux après ces réunions : je veux parler des maisons et enclos des monastères, prieurés, abbayes, collégiales, archevêchés et évêchés qui seraient supprimés.
Je conclus par la demande de la déclaration suivante :
Que la nation a la surveillance immédiate de l'administration des biens appartenant à tous les corps, agrégations et communautés ; qu'elle statuera eii conséquence sur les agents qUi seront préposés à leur surveillance, et sur les pouvoirs qui leur seront attribués sur les biens du ciergé; qu'elle a de même, et incontestablement, le droit de fixer le nombre des individus qui doivent composer le ciergé, et de décider de ce nombre pour l'avenir.
La nation statuera de même stir la destination et les fonctions des uns et des autres, selon l'objet de leur institution et de la plus grande utilité commune; sans porter atteinte aux droits incontestables du pauvre sur ces biens, dëstinés à soulager sa misère ; que dans cette répartition, la cure la moins dotée du royaume verra sa portion congrue portée au delà de 1,200 livres ; que sur le surplus de la motion, il ne peilt y avoir lieu à délibérer.
Le principe ne blesse ni la propriété, ni la justice, ni la religion. En recherchant dans les annales de l'histoire pour savoir comment et quand le ciergé a possédé, on ne voit que des bienfaits, quë des dons laits (DoUr l'utilité publique, et non des acquisitions particulières. A qui appartiennent donc ces biens? Ce n'est point au clergé qui ne les a point acqtiis , c{ui est un corps moral. Aux pauvres? L'Etat ne doit-il pas nourrir les pauvres? N'est-il pas lui-même dans la détresse ? Aux titulaires ? ils ne sont qu'usufruitiers. À qui donc? à la nation.
Les employer à secourir l'Etat, c'est fairë un acte de piété*, un acte de religion. L'intérêt national ne doit-il pas l'emporter sur l'intérêt d'un corps? Sera-t-il injuste de ramener le clergé à l'état de la primitive Eglise?
L'opinant propose un arrêté dans lequel il consacre le principe.
Je ne me propose pas de chercher si les biens ecclésiastiques appartiennent au clergé, mais je désirerais savoir s'il est de l'utilité de la nation de s'en emparer. Les discussions m'ont laissé incertain. Si l'on me prouve que, les dettes du clergé payées et le service divin acquitté, il reste de quoi secourir
l'Etat, je regarderai comme nécessaire le sacrifice des victimes. Mais, dans cette supposition même, pourquoi ôter au clergé la satisfaction de déployer ses vertus ? Ne dérobez pas à des Français le plaisir de se montrer à la fois miriistres des autels et citoyens généreux.
Je propose donc de faire rédiger un tableau exact des biens du clergé et des frais nécessaires au culte divin, afin que, la preuve étant acquise du soulagement que l'Etat peut éprouver en s'em-parant des fonds ecclésiastiques, l'Assemblée en décrète la suppression.
La sUite de la discussion sur les bietts ecclésiastiques est ajournée.
Les députés de la province d'Anjou sollicitent un moment d'audience dans la séance de demain pour une affaire de la plus grande importance.
Cette demande est accordée.
, au nom au comité des rapports : Le peuple de la ville de Gien ayant trouvé dans la grange du sieur Pouette 12 gerbes de blé mouillées par une inondation de la Loire, et dont les grains avaient germé, entraîne ce citoyen à l'hôtel-de-ville, et demande qu'il soit tenu de fournir 37*260 livres pour l'équipement de la milice nationale. Le peuple ne se retire qu'après que cette somme est réalisée ; mais le comité observe qu'elle n'a été déposée que par violence.
L'Assemblée, sur l'avis du. comité, ordonne que le pouvoir exécutif sera invité à réprimer de telles violences et à assurer la restitution des 37,260 livres. Décrète en outre que la municipalité de Gien sera prévenue du présent décret, et que le sieur Pouette sera mis sous la sauvegarde spéciale de la loi et de la nation.
, au nom du même comité, rend compte des craintes conçues par les officiers municipaux de Pezénas ; cette municipalité a dressé des rôles d'impositions et fait divers autres actes qui appartiennent à ces sortes de corps administratifs : elle craint qu'ils ne soient cassés par les cours souveraines , qui ne reconnaissent pas les municipalités librement élues, et pourraient ne considérer comme légales que celles qui sont encore établies d'après l'ancien régime.
L'Assemblée décrète provisoirement que, "vu les circonstances, les actes des municipalités et bureaux de police, composés de membres élus, ne pourront être cassés à raison d'incapacité des membres.
M. AnsOn a été nommé trésorier à la place de M. Leclerc de Juigné, archevêque de Paris, qui a remercié.
Un de MM. les députés de Bretagne a prévenu l'Assemblée que M. leGuillou de Kérineuf, l'un des députés de Quimper, était obligé de retourner chez lui pour affaires les plus instantes -, qu'il demandait à être remplacé par son suppléant; que le bailliage de Quimper en avait nommé deux qui avaient prêté serment, et avaient suivi toutes les séances dans les premiers temps de l'Assemblée, mais que le premier de ces suppléants était actuellement à 140 lieues de Paris, et que le second était présent; qu'il demandait, si c'était le vu de l'Assemblée, que ce dernier remplaçât M. de Kérineuf : l'Assemblée a renvoyé cette affaire au comité des vérifications.
a fait part à l'Assenablée que M. de Maisonneuve, curé de Saint-Etienne-de-Montluc, avait donné sa démission ; que son
suppléant était M. Méchin, curé de Bains, dont les pouvoirs étaient vérifiés. L'Assemblée l'a admis pour remplacer M. de Maisonneuve.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures et demie.
a la séance de VAssemblée nationale du
Nota. Nous insérons ici diverses opinions non prononcées sur les motions relatives à la propriété des biens ecclésiastiques. Ces opinions ont été distribuées à tous les députés et font partie des documents parlementaires de l'Assemblée nationale constituante.
(1). Messieurs (2), ce n'est qu'après de longues hésitations que je me détermine à m'expliquer sur la question importante qui vous occupe. Deux opinions se sont élevées, des raisons du plus grand poids, et des développements du plus grand intérêt, vous ont été présentés à l'appui de chacune d'elles ; ayant pris une marche qui n'est celle d'aucun des préopinants, je choquerai peut-être, en vous présentant mes idées, les partisans de l'une et de l'autre opinion ; mais il m'est impossible de ne pas voir avec mes yeux, de ne pas raisonner avec ma raison, et s'il est un moment où je puisse me servir avec confiance de ces instruments imparfaits, c'est celui où la perspicacité de l'Assemblée et la raison, dont vous devez être l'organe, sont sans cesse auprès de moi pour corriger mes aperçus et rectifier mes résultats.
J'entre en matière. Pour résoudre le problème qu vous occupe, je me fais d'abord deux questions. La nation peut-elle contester la propriété des biens du clergé ? Le clergé peut-il soutenir qu'il soit véritablement propriétaire ? A ces deux questions, je me suis répondu négativement. Je vais, Messieurs, vous soumettre mes motifs.
La nation peut-elle contester au clergé sa propriété ? Première question. Pour la résoudre, je me demande d'abord : Qu'est-ce que la nation ? Qu'est-ce que le clergé ?
La nation est la corporation des individus réunis en société ; ils ne se sont
réunis que pour la conservation des droits naturels. Cette conservation est la
première clause du contrat social, et aucune des clauses ultérieures ne peut y
porter atteinte C'est un principe vrai et fécond que celui qui établit que la loi ne
peut jamais créer ; elle ne fait que consacrer les véritables droits préexistants,
les vrais rapports naturels, et les rapports non moins vrais qui résultent de la
sécurité et du développement paisible des premiers. Toute loi qui va au delà, et qui
prétend créer, opprime, et n'est plus une loi. La loi est
Qu'est-ce que le clergé, quant à la nation ? C'est une corporation d'individus réunis par des opinions qui leur sont communes, destinés à des fonctions qui tiennent à ces opinions, jouissant d'une masse de biens-fonds, ou qui leur ont été donnés par les propriétaires naturels, ou qu'ils ont acquis avec les revenus des biens qui leur ont été donnés. Les donataires des premiers ne réclament point, les vendeurs des seconds ont été payés, le clergé ne trouble point l'ordre public, les individus qui composent cette corporation sont convenus d'une forme d'hérédité (1), contre laquelle personne ne réclame; j'avoue qu'il me paraît impossible que le corps social, ou la nation, conteste à la corporation cléricale la propriété de ses biens.
On peut faire et l'on a fait à ce système deux objections auxquelles je vais répondre, on dit d'abord : le clergé n'est qu'une corporation ; aucune corporation ne peut exister dans l'Etat, sans la volonté nationale ; donc les biens appartiennent évidemment à la nation, qui peut détruire la corporation qui les possède. Ce raisonnement n'est pas exact. Il est faux qu'aucune corporation ne puisse exister dans l'Etat sans la volonté nationale.il est vrai qu'aucune corporation ne peut acquérir ni exercer de droits politiques sans le consentement national ; mais il est tout aussi vrai qu'on ne peut, sans blesser les droits de l'homme, empêcher des citoyens de se réunir par une convention libre, de mettre leurs propriétés en commun et de s'assujettir à des conventions quelconques. C'est par une suite de ces principes que l'Assemblée nationale a pu détruire l'existence politique du clergé, qui était un ordre dans l'Etat, mais ne peut pas détruire son existence conventionnelle de corporation religieuse et volontaire.
La seconde objection est encore moins solide ; elle consiste à établir une
différence entre la propriété d'un corps et celle d'un individu. Je ne lui vois
aucun fondement. Une corporation n'est autre chose que plusieurs individus qui se
réunissent, se confondent et se donnent une existence commune. Dans cet état de
choses, aucun d'eux ne sacrifie ses droits naturels ; ce que chacun d'eux pouvait
séparément, ils le peuvent sans doute en commun, et le corps social n'a pas le droit
de s'y opposer. Ce principe me paraît ne souffrir qu'une exception, c'est celle des
corps politiques. Comme ils ne doivent leur existence
Je me résume en deux mots sur la première question. La nation est une corporation purement temporelle, et qui doit assurer aux hommes la jouissance de leurs droits. Le clergé est une association volontaire et spirituelle, elle a acquis v ses biens dans une forme légale ; son existence est fondée sur une opinion religieuse, dont la manifestation ne trouble point l'ordre public ; donc la nation ne peut, sans blesser les droits de l'homme, ni l'inquiéter pour ses opinions, ni lui contester la propriété de ses biens.
Je passe à ma seconde proposition.
Le clergé peut-il soutenir qu'il soit véritablement propriétaire ? J'avoue que la
non-propriété des biens du clergé me paraît comme dogme religieux, d'une évidence
incontestable. Nous entrons ici dans un nouvel ordre de choses. Si le clergé n'est
pas un établissement public quant à la nation, ou association temporelle, il l'est
évidemment quant à l'Eglise, ou association spirituelle. L'Eglise, ou la collection
des fidèles, a confié à des hommes choisis le soin de son culte public. Les fidèles
ensuite ont confié aux mêmes hommes l'administration des aumônes. La tradition et
l'Écriture fournissent mille preuves de cette assertion. Le premier dogme de 1
Evangile est cette pauvreté sainte qu'a professée le Fils de l'Homme ; il n'avait
pas môme où reposer sa tête. Le premier caractère de l'Eglise estde n'être pas de ce
monde. Si le clergé y a fait des conquêtes, dès lors les biens dont il s'est rendu
l'administrateur ont été purifiés par leur usage; consacrés au service du culte
divin et à l'usufruit des pauvres, ils n'ont été la propriété de personne que celle
des pauvres ; ils ont eu une destination, mais ils n'ont pas eu d'autres
propriétaires que les pauvres. C'est par une suite de ce principe que les biens du
clergé ont été déclarés inaliénables, et que longtemps ils se sont soustraits à
l'impôt. Le siècle eût rougi de vouloir reprendre des biens qu'une destination
sainte et purement spirituelle lui avait enlevés; le fisc n'eût osé porter ses mains
sacrilèges suides biens qui étaient dans le monde comme n'y étant pas. Ces principes
ont été de tout temps ceux de l'Eglise catholique, et jamais, avant ce siècle de
relâchement, aucun prêtre n'avait soutenu qu'il fût propriétaire de son bénéfice, m
que le clergé, ou que la collection de tous fût propriétaire de ce dont chacun
n'était qu'administrateur. C'est dans l'ordre de la religion qu'ont été pris tous
les motifs des donations faites au clergé. C'est àce tribunal quelesclauses en
doivent être examinées. Je le demande au plus temporel des ecclésiastiques, en es
t-i 1 un seul qui ose soutenir que
Ces raisonnements et ces faits démontrent invinciblement que le clergé, qui est un établissement public, dans l'ordre religieux, n'est point propriétairp de ses biens, qu'il n'est qu'administrateur; que le bénéfice de la régie se borne à sa nourriture et à son entretien strict, et que s'il est démon tré à la grande corporation spirituelle (1) qui l'a créé comme établissement public, que le but peut être atteint par d'autres moyens, que la donation est trop considérable pour son objet, elle peut sans doute résilier tous ces contrats faits avec un corps qui n'existe que par elle ; elle peut traiter son armée spirituelle, comme la nation suédoise peut incontestablement traiter l'armée temporelle ; elle peut enfin, ce que la nation ne peut pas, reprendre les biens du clergé, qui, à ses yeux, et quant à elle, ne peut s'en dire propriétaire.
Je crois avoir solidement établi mes deux principes : il me paraît démontré, d'une
part, que la
Je soutiens que le corps social est, de sa nature, étranger à la religion, qu'ainsi il ne peut adopter aucun culte, et n'en peut rejeter aucun, à moins que ce culte ne trouble l'ordre public, c'est-à-dire, qu'il ne nuise aux droits de l'homme et du citoyen, droits doiit l'assurance et la conservation constituent l'ordre public.
Cette proposition.peut se démontrer dans deux sens, sous le point de vue religieux, et dans l'ordre purement social.
Dans l'ordre religieux, rien de plus incontestable^ au moins pour la religion chrétienne : le Fils de V Homme n'est point venu pour commander, mais pour obéir ; il rend à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ; il ordonne d'obéir aux supérieurs, même quand ils oppriment ; et ces préceptes, qui sont à peu près tes seuls politiques que nous présentent les livres saints, sont subordonnés à des maximes purement religieuses ; il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes ; mon royaume n'est pas de ce monde ; si Von vous chasse d'un lieu, allez dans un autre, et secouez la poussière de vos pieds. Enfin, ce serait abuser de la patience de mes auditeurs, que de prouver que, dans l'ordre religieux, la religion est indépendante de l'ordre social, que les lois de l'un ne sont pas celles de l'autre, que les maximes de l'un ne sont pas celles de l'autre; qu'en un mot la religion est de tous les temps, de tous les lieux, de tous les gouvernements ; que son sanctuaire est dans la conscience de l'homme, et que la conscience est la seule faculté que l'homme ne puisse jamais sacrifier à une convention sociale. Si la religion se refuse à toute association, à tout rapport de suprématie ou de soumission avec le gouvernement politique, le pacte social de son côté ne peut admettre aucune chose religieuse.
Quel est en effetle but et la première clause du pacte social ? C'est le maintien des droits de l'homme. C'est pour maintenir le premier de ces droits, la liberté, que vous avez décidé, Messieurs, dans la déclaration des droits de f homme, article 5, que la loi ne peut défendre que les actions nuisibles à la société ; que tout ce qui n'est pas défendu par la loi, ne peut être empêché; que nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n'ordonne pas.
C'est pour le même motif, et pour la même fin, que vous avez décidé, article 10, que nul ne peut être inquiétédanô ses opinions, même religieuses,
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi, article que vous avez encore expliqué parle suivant, dans lequel vous dites que la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : or, que résulte-t-il de ces principes? L'application en est facile. L'homme a des relations avec son Créateur ; il se fait, ou il reçoit, telles ou telles idées sur ces relations ; on appelle ce système d'idées, religion. La religion de chacun est donc l'opinion que chacun a de ses relations avec Dieu. L'opinion de chaque homme étant libre, il peut prendre ou ne pas prendre telle ou telle religion ; il peut la garder ou la quitter. Si les opinions sont libre?, nul homme ne peut engager l'opinion d'autrui. Nul ne peut de même engager la sienne ; car, en vertu de sa liberté, il se résërve le droit de la quitter, s'il la juge mauvaise. L'opinion de la minorité ne peut donc jamais être assujettie à celle de la majorité; aucune opinion ne peut donc, sans que les droits de l'homme soient blessés, être commandée par le pacte social.
Ce qui est vrai de la religion, l'est aussi du Culte. Le culte est la profession que chacun fait avec ceux qui ont une même opinion religieuse. Les formes du culte sont le rit convenu entre ceux qui professent la même rèligion. Les actes du culte sont le devoir rigoureux de l'homme qui a l'opinion religieuse qui les prescrit. Ainsi le culte, les actes du culte, participent de la nature et de la liberté de l'opinion dont ils sont la suite nécessaire, donc ce qui est vrai de l'opinion, l'est aussi du culte et de ses actes. Il en est de même des dépenses qui sont une convention faite entre ceux qui professent le même culte, et qui, en vertu de la même liberté naturelle, ne peuvent être exigées de ceux qui ne professent pas le culte, et n'ont pas l'opinion religieuse, ni être interdites à ceux qui professent le culte, et ont l'opinion qui les nécessite.
Si tous ces principes sont vrais, si tous ces raisonnements sont juste, ou vous a, Messieurs, présenté les plus dangereux paradoxes, lorsqu'on vous a dit que le corps social pouvait détruire la religion, en prendre une autre, et par conséquent hériter des prêtres que l'on vous a présentés comme un corps politique et un établissement public ; qualités qui ne leur conviennent pas, et ne peuvent jamais leur convenir comme prêtres.
Il est temps, Messieurs, de dire toutes vérités, et l'une des premières est celle-ci. Un Etat n'a point de religion, parce que le premier droit de chaque homme est d'avoir la sienne, et de ne la soumettre à personne. Vous me pardonnerez, sans doute, cette digression nécessaire pour le principe, duquel j'ai tiré ceux dont j'ai conclu que les biens ecclésiastiques n'appartiennent ni à la nation, ni au clergé.
Mais à qui appartiennent-ils ? Ces biens, Messieurs, ont une destination, et n'ont point de propriétaires ; ils sont destinés, par une suite de la volonté des propriétaires anciens, à trois objets bien distincts ; à l'entretien du culte, à l'entretien des prêtres, au soulagement des pauvres. Les canons, selon lesquels ont été réglées les donations ecclésiastiques, ont faitcette division, etde cette division résulte une distinction bien simple dans la nature actuelle des biens dqnt il est question. Ce qui est destiné au culte est nien évidem-mentsous la direction, sous l'administration du clergé etde l'association politique : sur cette partie,
lès catholiques elle clergé peuvent sans doute offrir des économies ; ils peuvent diminuer le luxe, cette magnificence que l'Eglise elle-même désapprouve ; ils peuvent faire àla société temporelle le sacrifice volontaire des richesses inutiles, mais c'est de leurs mains qu'il faut qu'elle les reçoive ; c'est aii soulagement des malheureux contribuables qu'il faut que le sacrifice soit destiné. Sur la partie qui est destinée à l'entretien des minisires des autels, ils peuvent eilcdre s'exécuter; ils peuvent sur le tiers dotit les canons leur laissent la libre disposition, et que l'esprit religieux réduit au simple nécessaire, ils peuvent consentir de fortes contributions; ils peuvent, en revenant aux murs de la primitive Eglise, imiter l'économe de l'Evangile, et bien mériter de la patrie en lui offrant l'hommage de ce qu'ils ne peuvent pas garder; enfin, sur la partie destinée aux pauvres, ils sont, sans doute, immédiatement soumis Elu régime social ; la nation, garante de l'exécution dës contrats, peut et - doit la surveiller; elle psiit rectifier les formes d'administration, elle peut prendre les moyëris les plus efficaces pour que les pauvres jouissent véritablement du tiers des biens ecclésiastiques. Mais le droit de surveillance et d'administration n'est point un droit de propriété. Je vais plus loin: la nation, comme nation, n'est tli ne peut être propriétaire. C'est ici que s'appliquent merveilleusement les raisonnements et les principes de M. Thouret. Gomment n'a-t-il pas prévu les conséquences qu'on en devait tirer ? La nation est évidemment Un corps politique; un corps est un instrument pour parvenir à une fin ; le but de l'association politique est la conservation des propriétés individuelles; l'association est un instrument de bonheur. Les associés peuvent se séparer, ou changer leur pacte ; alors l'instrument est brisé ou modifié. Que devient alors la propriété? Gomment un corps national est-il propriétaire? La propriété d'une nation se combat et se détruit par toUs les arguments que M. Thouret a dirigés contre la propriété du corps clérical.
Que résulte-t-il de tout ce que je viens d'avancer ? Il en résulte évidemment, sélon moi, que la question de la propriété des biens du clergé est une question oiseuse; que le clergé n'en est pas propriétaire, que la nation n'en est pas propriétaire; que le clergé est administrateur ; que l'administration du tiers destiné aux pauvres peut être revendiquée par la nation ; que les prêtres peuvent et doivent, sur les deux autres parties, offrir de grands sacrifices ; mais que, quand même les prêtres seraient assez injuétes ou assez aveugles pour nous refuser ces sacrifices ; quand même, se renfermant dans la rigueur de leur droit, ils vous diraient : Nous payerons l'impôt selon nos facultés, et dans une juste proportion ; vous n'auriez, Messieurs, qu'à gémir sur la dureté de leur refus ; leurs scandaleuses richesses, au sein des maux publics, témoigneraient en faveur de votre irréfragable équité : l'Etat serait sauvé par d'autres moyens, par d'autres ressources, et l'on dirait enfin ce que vous méritez qu'on dise : Ils seront libres, car ils sont justes.
Je conclus à ce que le principe de la motion soit rejeté, et qu'il soit nommé un comité pour concerter les moyens d'assurer et de simplifier l'administration du tiers des biens ecclésiastiques, destiné aux pauvres, et recevoir les offres patriotiques et volontaires que le clergé fera sur les deux autres portions de ses biens.
(1). Messieurs (2), je n'ajouterai rieh aux raisonnements qui ont été faits par les préopinânts pour prouver que la propriété des biens de l'Eglise appartient à la nation; mais j'ajouterai quelque chose à leurs preuves, et je ne le ferai que parce qUe me déclarant en faveur de la motion, je crois devoir quelque cdihpte de mon avis et au public et à mes commettants.
On a d'abord très-bien établi que par rapport à la propriété des biëns, il n'en est pas des corps politiques ou moraux dans la société, comme des individus ; cëUx-ci possédaient, existaient avec tous leurs drdits naturels et imprescriptibles, ^avarit la loi, et. Ifes corps n'ont existé qUe par elle. La loi n'a rien donné aux individus, elle n'a fait que leur assurer ce qu'ils avaient : et ce qUils avaient alors n'était pas nécessairement, commë oh l'a avancé, lé fruit dé là violence ; car l'homme a toujours eu, et hë cessera d'avoir três-légitimemeril, et néanmoins sans aucune cohcés-sion de la loi, la propriété de ses droits naturels c'est-à-dire de sa. personne, de son industrie et dé sa liberté. C'est là une vérité cohstatée dans la déclaration des droits, et où les Corps moraux ne sont nullement compris ni bë devaient l'être, parce que, créés par la loi, ils ont tout reçu d'elle ; or, qui contestera à celui qui a créé, le droit d'ânéarttir?
Voilà donc une première distinction tjUi forme un argument sans répliqué, pour prouver que les corps politiques et moraux peuvent être dissous comme ils ont été formés ; et certainement qui n'existe aihsi que par la volonté d'autrui, ne peut se dire maître de ce qu'il possède, quand il ne l'est pas même de soh existence.
Mais ii y a plus, et c'est ici qUe je me permets trai d'ajouter aux raisons des préopinants. Ils ont distingué lés corps politiques des individus ; moi, je distinguerai le clergé d'entré tous les corps de l'Etat : ces derniers sont tels que la loi civile les a faits ; lé clergé était tout fait avant la loi civile. Mais comment l'était-il? Gomment Jésus-Christ l'a-t-il envoyé annoncer aux peuples, un royaume qui n'est pas de ce monde? l'envoya-t-il pour former un cdrps politique, un ordre civil et privilégié ? l'envoya-t-il avec dës biens, ou pour en acquérir ?
Qu'on réponde à cette première question ; car eux qui ont défendu jusqu'ici la propriété des biens ecclésiastiques eh faveur du clergé, en ont raisonné commë 011 raisonne, soit des autres corps, soit des individus par les titres et les règles ordinaires des possessions. Ce n'est pas que cela même leUr soit plus favorable ; mais le clergé ne peut pas seulement s'en prévaloir, parce que sa propre existence le renvoie sans cesse au premier titre de sa mission. Eh ! qu'ëst-il en effet, le clergé, aux termes de sa divine institution? Une classe d'hommes dohtlesfonëtidhsdans leur esprit comme dans leur objet, n'ont rien de naturel ni de côirimutï âvëc ce qui constitue les autres corps de la société. Les ecclésiastiques sont
des hommes dévoués par état au culte divin, et pour la gloire de Dieu et pour le salut des hommes, sans que ceux-ci soient engagés à rien envers eux, si ce n'est à leur entretien, en admettant leur doctrine et leurs services ; encore même les obligations des ecclésiastiques sont telles envers la religion, qu'ils doivent les remplir, lors même qu'ils ont le malheur de prêcher à des sourds ou à des ingrats.
Ce langage est sans doute un peu dur, meme ici un peu nouveau ; mais il ne sera pas étranger aux bons, aux véritables ecclésiastiques; il est, au surplus, très-nécessaire, car comment définir exactement l'état du clergé pour en connaître les droits et le pouvoir, sans remonter à son origine, à son premier établissement ? Jésus-Glirist en parlant à ses apôtres, leur dit qu'il n'en serait pas d'eux comme des princes du siècle, que le premier d'entre eux serait le dernier..... Il les envoya avec ses disciples prêcher, administrer aux autres gratuitement ce qu'ils avaient reçu gratuitement ; il borna leur récompense temporelle a leur simple nourriture, ce qui est de toute justice, parce que qui abandonne tout pour nous doit trouver en nous sa subsistance : dignus est operarius cibo suo. Ces paroles de notre Sauveur sont ici très-remarquables et présentent deux réflexions : la première, que ceux d'entre les ecclésiastiques qui ne travaillent pas d'un travail digne de leur état et de leur mission, ne méritent pas de vivre du bien de l'Eglise ; tels sont, j'oserai le dire, les titulaires sans fonctions, les com-mandataires, les religieux hors de leur état, et tous ces bénéficiers, ces prélats non résidants ou prébendés, dont les jouissances engendrent le népotisme, et toutes ces vocations humaines dont les fruits sont dignes de l'arbre qui les porte et de la main qui l'a planté.
La seconde réflexion est, que d'ôter des biens-fonds au clergé, pour y substituer l'argent nécessaire à son entretien, n'est pas l'avilir, le dégrader, comme l'a dit M. l'évêque de Tréguier ; mais c'est le rétablir dans son premier et véritable état. Non-seulement il n'est pas parlé de biens-fonds dans l'Evangile ni dans le reste du Nouveau-Testament , mais pas même des dîmes ; d'où les Saints-Pères ont conclu que cette ancienne contribution a été du nombre des coutumes et des lois judaïques que l'Evangile même avait abrogées : en la loi de grâce, dit saint Hilaire, Jésus-Christ a aboli le joug des dîmes.
Et en eff-ît, jusqu'à Constantin, il n'est parlé dans les anciens canons que d'oblations purement volontaires ; et ce qui aura bien de quoi vous étonner, Messieurs, c'est que les clercs qui avaient des biens patrimoniaux n'y participaient point ; preuve sensible que dans les premiers temps, dans les temps les plus purs et les plus ignorés de l'Eglise, on regardait les biens ecclésiastiques comme les biens des pauvres, puisque les clercs eux-mêmes n'en jouissaient qu'à titre de pauvres ! Les offrandes étaient alors bien abondantes. La conversion des empereurs à la foi ne servit qu'à leur augmentation ; mais elles ne furent bientôt plus si considérables ; elles n'allaient, pas à sa suffisance, et l'on eut recours à la dîme. L'histoire de son établissement est connue. Je lapasse pour attirer les regards sur sa destination ancienne et sur sa distribution actuelle, sans parler de son usage et de son emploi, qui n'est pas certainement celui que prescrivent soit les fondations, soit les canons. L'abus est tel à cet égard, qu'on trouve assez extraordinaire que les défenseurs de la propriété ecclé-
siastique nous aient rappelés au respect dû aux fondations, aux donsmêmes des fidèles, qui, comme on parlait autrefois, ont donné à Dieu et à Sainte Eglise.
Cette Église sainte est-elle le clergé? notre Eglise gallicane est-elle le clergé? n'est-elle pas toute la nation qui, zélée catholique depuis le premier de ses Rois, ne veut jamais cesser de l'être? Eh ! qui ne sait pas que les fiefs, en nous donnant une noblesse jusqu'alors inconnue (1), nous ont donné aussi un ordre du clergé, des ecclésiastiques seigneurs féodaux, qui ont figuré comme tels jusque dans les armées? Eh I qui ne sait pas que ce sont les fiefs qui, en, jetant le clergé dans toutes les affaires du siècle, lui en ont procuré les honneurs profanes. Le régime de ces fiefs qui tenait dans les fers une nation libre et la plus digne de l'être, a été aboli heureusement par l'Assemblée nationale. Les ecclésiastiques voudraient-ils donc le faire revivre et le perpétuer, ce régime bizarre, en réclamant des droits et des possessions que condamne leur propre caractère et qui n'ont été jusqu'ici qu'une tolérance de la part de la nation ?
Cette belle nation, comprimée et nécessairement dégénérée par les abus énormes et
multipliés de toutes les espèces de pouvoirs dans notre ancien et monstrueux
gouvernement, n'avait jamais été mise à portée de réclamer ses premiers droits à
l'égard de ces fiefs acquis à main armée, pas plus que ceux qu'elle avait sur la
législation qu'elle vient de recouvrer. Mais le temps est venu pour son entière
restitution , et quand elle ne devait pas user aussitôt des biens ecclésiastiques,
elle doit toujours s'en assurer le droit, ne fût-ce que pour en mieux régler l'emploi,
surtout en fa-
Les ecclésiastiques eux-mêmes nous disent que leurs biens sont le patrimoine des pauvres ; ils l'ont dit et répété dans cette tribune. Mais suffit-il de le dire? Gonvient-il même de ne le dire que dans son propre intérêt? Il faut donc que la nation vienne une bonne fois au secours des citoyens dont lavoixn'apu jusqu'ici se faire entendre pour obtenir du clergé ce qu'il lui doit, non par charité, comme l'ont dit quelques docteurs étrangers, mais par justice. On a fait des unions de bénéfices à des chapitres, à des collèges, à des - ordres militaires ; on a cherché à grossir les revenus d'archevêchés, d'évêchés, et tout cela pour > des gens qui, parce qu'ils étaient appelés nobles, devaient nécessairement avoir à chacun d'eux la portion de mille et de deux mille dignes sujets du Roi, flétris par leur naissance d'une exclusion aussi injuste qu'extravagante !
Etait-ce donc là l'intention des fondateurs? On , la supposait bien lestement : on
disait que les biens de l'Eglise-étant en leur majeure partie les , dons des rois, des
princes et des seigneurs, leur volonté avait été ou devait être, qu'on en fît part de
préférence à la pauvre noblesse, c'est-à-dire, à des aristocrates qui, sans manquer de
rien, n'avaient pas assez de fortune pour corrompre les murs par leur égoïsme, par
leur luxe, par leur* ambition! Cependant les dîmes dont on faisait le même usage,
n'étaient pas des biens de fondations ! Les évéques se permettaient aussi quantité k
de réductions dans l'acquit des services ; les parlements même changeaient souvent
l'objet des fondations ; et l'on contesterait à la nation, souveraine, législatrice et
maîtresse de tous les biens écclésiastiques (parmi lesquels on voudra bien comprendre
les biens des patronages spiritualisés, comme les biens de Malte (1), qui
échapperaient à
Les Romains, dont le gouvernement a, pour ainsi dire, fait le nôtre, avaient deux maximes : l'une que les biens de la,religion n'appartenaient à personne, res sacr, res nullius; l'autre, que ce qui n'appartenait à personne appartenait à la République ; d'où vient en France le droit du Roi sur tous les biens vacants. Il est aussi dans notre droit public que les biens de l'Eglise ne sont pas seulement sous la protection du Roi, comme sa discipline, ses canons, mais ils sont de plus, comme disent nos lois, sous la main du Roi; ce qui signifie que nul autre que lui ne peut en disposer; et cela se prouve par une distinction bien frappante dans notre pratique. Les juges royaux sont les seuls qui puissent entamer et faire saisir le temporel des églises, de leur autorité. Les juges des seigneurs ne le peuvent pas ; ils ne l'ont jamais fait.
Enfin, c'est une vérité consignée dans tous nos livres, que les droits et la puissance des souverains et des nations n'ont dû souffrir ni diminution ni dommage, par la religion qu'ils ont reçue dans leurs Etats. La nation française ne serait-elle pas lésée et beaucoup trop, si le clergé possédait tant de biens dans une entière indépendance?
Un des préopinants, défenseur zélé des possessions ecclésiastiques, a opposé que la
vente des biens de l'Eglise n'avait été demandée par aucun cahier : j'en connais
quelques-uns qui la demandent; mais le mien en particulier me charge
Voilà, Messieurs, les propres termes du cahier dont je suis porteur; ils servent et à démentir l'assertion qu'on s'est permise, et à justifier le principe de la Constitution pour lequel je me déclare. 11 paraît avoir été avoué par M. l'archevêque de Paris dans les termes qui vous sont connus, Messieurs, puisqu'ils sont dans votre procès-verbal ; ils n'avaient alors que les dîmes pour objet. Mais le clergé n'a mis lui-même aucune différence pour la propriété qu'il réclame, entre les_dîmes et les autres biens de l'Eglise. 11 a déploré aussi beaucoup, par l'organe du même préopinant, que la nation veuille la dépouiller de tous ses biens, pour en enrichir, dit-il, les sangsues de l'Etat, pour faire les capitalistes bé-néficiers, et les bénéflciers capitalistes.
Nous avons déjà observé que le clergé est mieux dans son état, quand il ne reçoit qu'un salaire en argent pour son entretien, victum et vestitum (Paul). Nous observerons ici à l'égard des capitalistes qui pourraient recevoir des biens ecclésiastiques en payement de leurs créances, que parmi les créanciers de l'Etat, il en est un très-grand nombre et le plus grand, à qui ne conviennent nullement les reproches d'usure et d'agiotage. Ceux même d'entre eux qui les méritent, ont bien moins de tort que les déprédateurs de nos finances qui nous ont fait recourir si souvent à ta voie funeste de l'emprunt. C'est pour n'y plus revenir qu'on veut cette fois guérir le mal par sa racine, couper la partie gangrenée pour sauver le reste du corps. C'est en efpt le parti le plus sage; c'est cplui que prend tout bon père de famille dont l'héritage est dévoré par le chancre des intérêts. 11 vend une partie de son bien pour conserver l'autre. C'est enfin pallier le mal et l'augmenter même, que d'en adoucir ou ménager les remèdes. Il n'importe à qui il est dû, si la dette est légitime. Loin de nous toute inquisition personnelle comme toute banqueroute! S'il nous est permis d'examiner les créances, les dettes trop avantageuses au prêteur, pour en empêcher de pareilles à l'avenir, pour retrancher même celles qui ne seraient qu'usurpées, il ne nous convient pas de faire le procès aux créanciers. Nous les avons mis tous sous la sauvegarde de la loyauté française, et nous voilà dès lors obligés à chacun d'eux et par une loi dont dépend l'honneur de la nation; je ne parle point de crédit ni n'en veux parler, parce que celui dont on a usé jusqu'ici, n'a servi, par les emprunts, qu'à notre ruine : il fallait tout simplement faire plus tôt ce que nous faisons aujourd'hui ; il fallait, sans tant de circuits ni de subtilités dans les spéculations et les raisonnements, renoncer à la bourse d'au-trui. La France est inépuisable dans ses ressources, et ses propres moyens auraient suffi, comme ils vont suffire infailliblement pour tout ce que l'on propose.
On fuyait ci-devant l'impôt, l'on n'osait en proférer le nom, et l'on accablait la nation de l'impôt le plus dur, qui est l'emprunt. Heureusement ce moyen même n'a plus été en notre pouvoir. La nation s'est repliée sur elle-même et n'aura besoin de personne. Déjà l'on a reconnu généralement que de tous les abus le plus grand et le plus inique était celui des exemptions ; on en doit la première dénonciation publique, je dois le dire, à un ministre qui, s'il avait mal administré, parla supérieurement bien sur cet abus dans la première assemblée des notables. 11 n'était pas possible, en effet, de faire un pas de plus, sans que le peuple ne succombât sous le poids des impositions, où les exempts privilégiés, tous plus riches les uns que les autres, tous favorisés de privilèges, de dons, de pensions, ne touchaient pas du bout de leur doigt, et ils en avaient tout le profit. C'est aussi ce qui me fait regarder l'imposition du quart des revenus comme le plus heureux et le plus convenable aux circonstances, où s'agissent de venir tous au secours de l'Etat, ce ne sont néanmoins que les citoyens aisés qui les premiers accourent ; par où l'on donne au peuple deux plaisirs à la fois, celui de ne rien payer d'un impôt mis uniquement sur ceux qui ont plus de 400 livres de rentes, et l'autre de voir ceux-là mêmes qui jusqu'à ce jour n'avaient fait que le pressurer, porter le plus gros poids de la charge. Cela même n'est pas nouveau en France et a été pratiqué souvent sous le nom d'impôt sur les aisés (Philipi, Summ. muner.,n° 45). Il est vrai que les mêmes, soumis désormais comme les autres aux charges publiques, seront encore favorisés d'une exemption nouvelle, de la dîme qu'ils payaient ci-devant et qu'ils ne payeront plus; mais on saura bien les atteindre comme gros tenanciers, par l'impôt direct auquel il faudra nécessairement donner la préférence et ce sera un moyen de plus pour rendre la vente des biens-fonds ecclésiastiques encore plus avantageuse à l'Etat, lequel, à titre de premier pauvre, aurait toujours eu le premier droit sur leurs revenus, si, par la qualité et la profession de ceux gui les possèdent, il n'avait pas les fonds mêmes à sa disposition.
Ainsi, me rangeant à l'avis de ceux qui soutiennent que 1a propriété et la disposition des biens ecclésiastiques appartiennent à la nation, j'estime aussi que l'on ne peut donner moins de douze cents livres à un curé; mais en ce sens que Ja moindre des paroisses aura un tel nombre d'habitants, ou sera d'une telle étendue, réglés par l'Assemblée nationale, afin qu'il ne soit pas donné la même somme à un curé qui n'aurait rien à faire, comme il y en a dans ce moment un très-grand nombre dans le royaume. Par la même raison, il faut graduer une somme plus forte, pour les curés qui auraient plus de paroissiens, à tant pour chaque centaine de feux de plus, estimés à quatre ou cinq personnes chacun.
Au surplus, il n'a pas été parlé dans cette motion de Ja portion congrue ou de la pension convenable aux vicaires des paroisses. Il paraît qu'elle est fixée dans l'opinion générale à la moitié de celle des cures. Cependant il est bon de considérer que les vicaires n'ayant plus, comme par le passé, de petit casuei, ni peut-être d'horaires de leurs messes, et ayant très-souvent besoin d'un ménage à eux, quand les curés ne veulent pas les nourrir à leur table, ce serait une injustice contraire certainement à l'intention de l'Assemblée, de ne leur donner strictement que
la moitié de la portion congrue des curés. Si leur état ne mérite pas tous les égaras dus à celui des curés, leurs fonctions, leurs services à l'égard des paroissiens sont les mêmes ; c'est aussi l'état vers lequel on doit désormais faire tourner l'éducation de tous les clercs dans les séminaires; parce que la nation ne voulant plus dans le clergé que des ministres utiles et si utiles qu'ils soient nécessaires, comme le sont les vicaires des paroisses, leur état trop avili jusqu'à ce jour, doit être à l'avenir protégé, de manière qu'il n'y en ait pas dans l'Eglise de plus honorable et de plus honoré pour les ecclésiastiques qui commencent à la servir. Il a été envoyé au comité ecclésiastique dont j'ai l'honneur d'être membre, des mémoires où l'on propose : 1° de rendre les vicaires des paroisses inamovibles, pour qu'ils ne soient plus comme tiraillés entre les évéques et les curés, qui se font depuis longtemps la guerre sur le droit d'en disposer chacun à leur gré; 2° de déterminer le nombre et l'établissement des vicaires dans les paroisses par des lois et des règles fixes, qui écartent l'arbitraire dont on s'est plaint à cet égard jusqu'à présent; 3° qu'on n'en envoie aucun dans les paroisses, au moins pour y faire toutes les fonctions pastorales, celle surtout de la confession, avant l'âge de trente ans, comme on ne nommerait aux cures que des prêtres ou vicaires âgés de trente-cinq ans, et reconnus dignes et capables par bonnes preuves; 4° qu'il y ait annuellement des synodes diocésains et où les vicaires mêmes assistent.
Mais ce sont des objets un peu étrangers à notre motion sur les biens ecclésiastiques; je l'adopte en son entier sous les amendements dont je viens de parler relativement au taux de la portion congrue des curés et des vicaires : me réservant de discuter les articles concernant les vicaires dans le comité ecclésiastique, d'où l'on n'a pu jusqu'ici faire sortir aucun projet de règlement pour en faire le rapport à l'Assemblée, parce que ce suprême sénat qui a dans les mains tous les pouvoirs constituants et législatifs, a fait succcéder aux décrets du mois d'août, des décrets nouveaux qui, sans fixer ultérieurement l'état des choses, l'ont tellement changé, qu'il n'est guère possible cle lui présenter un plan fixe sur aucune réforme en ces matières.
, curé de Rochefaillée (1). Messieurs l'Assemblée nationale, depuis qu'elle est en activité, s'est imposée la tâche glorieuse, mais pénible, 4'atteindre, pour les réformer, les abus de tout genre, qui, par le laps des années, l'impéritie ou l'infidélité des agents de l'administration, avaient jeté de profondes racines dans toutes les parties politiques de ce vaste empire, et semblaient encore, il n'y a guère, vouloir s'y éterniser pour en consommer la ruine.
Au milieu des travaux diffieiles auxquels vpus vous êtes livrés jusqu'à ce jour
avec un zèle si persévérant,vous n'avez pu, Messieurs, porter sur le clergé de ce
royaume, et sur les besoins de ses membres, qu'un coup d'oeil général qui,
embrassant dans leur ensemble toutes les parties cle l'administration temporelle de
l'Eglise, ne nous avait pas permis, faute de temps, ou d'instruction suffisante,
d'entamer sur ce point aucune opération de détail; bientôt cet objet important sera
soumis à votre sagesse, et c'est un devoir pour
La majesté du culte catholique doutant plus cher à la nation française, que son établissement dans les Gaules remonte à des temps bien antérieurs à rétablissement de cette monarchie, l'entretien des temples, la décoration des autels, le soulagement des pauvres, la subsistance enfin des ministres de l'Eglise, tels sont, Messieurs, les grands objets sur lesquels vous aurez successivement à prononcer.
Sans doute l'examen le plus approfondi, les vues les plus judicieuses, par conséquent les mieux appropriées au bien général, présideront au décret qui va régler de si grands intérêts, et j'aurais à me reprocher si je pensais qu'il fût nécessaire aujourd'hui de faire entendre en leur faveur la voix de la religion, d'invoquer dans cette cause les sentiments dé votre justice et de votre humanité.
L'ancienne administration du clergé vous a paru si vicieuse dans "je partage des biens ecclésiastiques, et jusqu'à un certain point dans leur emploi, qqe vous avez mieux aimé anéantir totalement ce régime défectueux, que de chercher à le réparer, en y appliquant les règles d'une réforme, dont il vous a paru n'être plus susceptible.
Je n'examinerai pas, Messieurs, jusqu'à quel point les cirponstances, et peut-être des passions particulières, ont amené cette étonnante révolution dans le régime administratif du clergé ; je ferai seulement preuve de ma soumission sincère aux (Jécrets de l'Assemblée nationale, en ne lui proposant sur l'emploi des biens ecclésiastiques que des vues à peu près conformes aux principes qu'elle a consacrés.
Mais il me semble que pour procéder avec méthode dans une matière qui présente de si grands détails, il est indispensable d'embrasser dans "un plan général toutes les parties du régime économique çlu clergé, de Jnen connaître d'abord, de fixer ayant tout, la masse totale de ses revenus et l'étendue de ses charges ; de descendre ensuite par degré, et d'appliquer à chacun des titulaires de bénéfices ou des établissements epclésiastiques des moyens de subsistance, honorables, suffisants et assurés.
Je commence par examiner les ressources que nous offrent les biens du clergé; je passerai bientôt aux dépenses que ses besoins exigent.
Avant le décret fameux du 4 du mois d'août dernier, le clergé jouissait du produit des dîmes du revenu dè ses propriétés territoriales et de la contribution du casuel, ce dernier article spécialement affecté aux pasteurs des paroisses; par un motif dont le principe ne saurait être assez loué, puisqu'il vous était inspiré par le désir de soulager les peuples, vous avez déclaré abolies les dîmes, et cette portion du casuel dont avaient joui jusqu'alors les cjjrés de la campagne; de manière qu'aujourd'hui ce n'est guère que dans le produit des propriétés territoriales du clergé, placées d'ailleurs dans la disposition de la nation par le décret du 2 novembre, qu'il faut essayer de trouver des ressources, pour fournir avec dignité aux dépenses du culte national, et à la subsistance de ses ministres.
Mais je n'ai pas de peine à me persuader, Messieurs, et je pense que vous serez bientôt convaincus vous-mêmes, que cette dernière por-tiou des revenus ecclésiastiques, quelle que soit l'évaluation que vous en fassiez, pourvu qu'elle ne passe pas les bornes dp toute vraisemblance,
sera de beaucoup, et peut-être plus que de moitié insuffisante pour remplir l'objet auquel vous l'avez destinée; qu'il est indispensable ou de rétablir les dîmes telles qu'elles ont été perçues jusqu'ici, ou d'en remplacer le produit par-une taxe pécuniaire et équivalente sur les peuples; je suis tellement convaincu de la nécessité de revenir à ce moyen, qu'il formera le premier article de nos ressources, dans le calcul des revenus ecclésiastiques que je vais avoir l'honneur de soumettre à votre examen.
Le Roi, dans saréponse à l'Assemblée nationale, le 18 septembre dernier, évalue le produit tolal des dîmes ecclésiastiques de 60 à 80 millions ; quelques membres de cette Assemblée, d'après des renseignements particuliers, et qui paraissent être d'un grand poids dans leur esprit, imaginent devoir le porter à 100 millions; je prends entre ces deux évaluations une moyenne proportionnelle, et je disque le produit des dîmes ecclésiastiques peut être de 80 millions.
Mais si l'on ajoute à cette somme l'augmentation à laquelle se soumettront infailliblement les fermiers des dîmes, si, ainsi qu'un membre de cette Assemblée vous l'a proposé, vous ne faites plus dépendre à l'avenir, du décès des titulaires, a résiliation des baux à ferme, si vous en prolongez la durée jusqu'à dix-huit années, au lieu de six ou de neuf, si enfin vous supprimez ces jouissances anticipées, ces dons d'usage non compris dans le prix des baux, et connus sous le non d'étrennes, dépôts de vin, il n'est pas douteux que, dans ce cas, les fermiers n'étant plus astreints d'une part, à des avances, souvent à pure perte par la mort imprévue des titulaires, de l'autre espérant de trouver, dans la durée fixe et plus prolongée de leurs baux, des compensations avantageuses, des chances de bénéfices plus fréquentes, se prêteront aisément à une augmentation sur le prix actuel des baux àferme des dîmes ecclésiastiques ; on peut l'évaluer en masse à 10 millions, ce qui porterait à 90 millions, le produit net de toutes les dîmes ecclésiastiques.
Les biens territoriaux du clergé forment le second article de ses revenus ; plusieurs ouvrages sur les finances en ont arbitré le produit à environ 60 millions; mais il s'élèvera certainement aussi à un taux plus considérable, quand les baux à ferme des propriétés ecclésiastiques se trouveront débarrassés de ces clauses onéreuses et décourageantes dont j'ai parlé plus haut, qui nuisent également aux progrès de l'agriculture, et aux véritables intérêts des propriétaires ; quand les fermiers, assurés surtout d'une jouissance plus longue, et non interrompue, pourront sans crainte de se voir frustrés de leurs peines et de leurs dépenses, se livrer à des défrichements, à des essais d'amélioration, dont ils ne seront pas les seuls à retirer de grands avantages ; alors le prix des baux ecclésiastiques augmentera d'une manière sensible, et peut-être il n'y a pas de l'exagération à fixer à un sixième ce produit d'accroissement, ce qui porterait la totalité du revenu des biens territoriaux du clergé à la somme de 70 millions.
Enfin si l'on ajoute à ces deux articles Je produit des revenus fixes de toutes les fabriques du royaume, des agrégations, confréries, celui du ca-suel dans les villes et que vous estimerez peut-être devoir conserver, ou remplacer d'une manière quelconque comme étant le seul moven de contribuer dans les villes aux dépenses du culte public, celui enfin provenant de la réfusion que
porteront à la masse les seigneurs propriétaires de dîmes inféodées, et tenus a ce titre au payement des portions congrues ; ces différents objets réunis pourraient s'élever à la somme de 20 millions, lesquels, ajoutés au produit des dîmes et des domaines ecclésiastiques, présenteraient pour masse totale de revenu la somme d'environ 180 millions.
Il faut maintenant, Messieurs, vous mettre sous les yeux l'état des charges dont les biens du clergé demeurent essentiellement grevés d'après le texte même de vos décrets ; je les diviserai pour plus grande clarté en deux sections ; la première comprendra les dépenses fixes et perpétuelles qui ont pour objet le culte, et la séconde celles qui par un décroissement graduel finiront par s'éteindre totalement un jour.
PREMIÈRE SECTION
DÉPENSES FIXES ET PERPÉTUELLES
Il faut placer dans cette classe les ministres essentiels delà religion,les cathédrales, les fabriques, les séminaires, les retraites pour lesanciens curés et vicaires, les reconstructions des églises et presbytères, etc., etc.
Des ministres essentiels de la religion.
Le régime juridictionnel de l'Église est composé, comme tout le monde sait, de ministres de différents grades ; les uns supérieurs, les autres subordonnés ; cette instruction qui date de Japlus haute antiquité forme la hiérarchie ecclésiastique, qu'il ne peut pas être dans la,volonté de l'Assemblée nationale de changer ou de détruire; les archevêques et évêques y tiennent après le pape le premier rang, ensuite viennent les curés qui ont sous eux des vicaires.
Des archevêques et évêques.
On compte dans le royaume cent trente archevêchés ou évêchés ; ce nombre a paru trop considérable à quelques membres de cette Assemblée ; en effet, si l'on considère que quelques diocèses ne renferment dans leur territoire que de trente à cinquante paroisses, que près de cent n'en contiennent pas au delà de trois cents, on concevra sans peine qu'une réduction modérée dans le nombre des archevêchés et évêchés pourrait s'effectuer sans apporter nul dommage à l'Eglise.
L'idée de n'attacher qu'un siège épiscopal à chaque département serait heureuse, si dans la nouvelle division du royaume décrétée par l'Assemblée nationale,' d'après le travail de son comité de Constitution, plusieurs départements ne présentaient pas une trop grande étendue pour ne former chacun qu'un seul diocèse ; j'estime que pour atteindre à une bonne administration ecclésiastique, la surveillance d'un évêque ne doit pas s'étendre au delà de quatre cents paroisses; il y aurait alors dans le royaume cent archevêchés ou évêchés ; la France pourrait être divisée en dix provinces ecclésiastiques, au lieu de dix-huit, le siège métropolitain au centre, et autour de lui neuf évêchés suffragants qui releveraient de sa juridiction.
Sans doute vous penserez qu'il est indispensable d'attacher à ces sièges des revenus pro-
portionnés à la modeste, mais pourtant néces-saire, représentation de ces premiers pasteurs des diocèses, et qui les mettent à même de soulager ' les pauvres dont ils doivent être essentiellement les bienfaiteurs; je ne crois pas devoir porter à r moins de 40,000 livres la dotation des archevê-ues, et de 30,000 celle des évêques, l'excédant es uns tournant à l'avantage des autres suivant la différence des localités et des charges plus ^ ou moins étendues de chacun; ainsi la dépense » pour ces deux articles s'élèverait donc savoir, pour :
10 archevêques, à la somme de.. 400,000 fr.
90 évêques..................... 2,700,000 »
Total... 3,100,000 fr.
Des curés.
La dotation des curés forme le second article v de la dépense relative au culte ; d'après les calculs les moins exagérés, leur nombre s'élève à plus de quarante-deux mille y compris les annexes ; aussi cet objet de dépense est-il le plus y considérable ; je ne crois pas qu'il soit possible de réduire le nombre des curés dans la même i proportion que celle que j'ai proposée pour les archevêques et évêques; les rapports mutuels j, des pasteurs avec leurs paroissiens sont bien plus fréquents que ceux des évêques à l'égard de leurs diocésains; les premiers sont de tous les jours, de tous les instants ; l'obscurité de la . nuit, la rigueur des saisons, le mauvais état des chemins, rien ne doit arrêter le zèle du pasteur vigilant, quand la piété de ses paroissiens, moribonds ou infirmes, réclame son secours ; ce serait encore, suivant moi, une bien grande faute, aux yeux de l'humanité comme de la religion, si, en assignant à chaque paroisse un territoire beaucoup plus étendu qu'il ne l'est aujourd'hui, on rendait par là plus difficiles et par conséquent moins fréquentes les pratiques d'une religion, qui, seule, soutient le courage du pauvre par l'es-poir d'un avenir plus heureux, et qui faitaujour-¦ d'bui presque l'unique consolation du malheureux habitant des campagnes.
D'après ces réflexions, Messieurs, qui me paraissent solides, parce qu'elles sont le fruit de plusieurs années' d'expérience, je demanderai quel autre motif, que celui d'une économie parcimonieuse, a pu porter un membre de cette Assemblée à vous proposer sérieusement dans un projet imprimé et distribué à chacun de nous, de réduire à huit mille le nombre des cures qui s'élève aujourd'hui à plus de quarante-deux mille ? Quand l'Assemblée nationale s'est déterminée à * entreprendre la réforme des abus qui ont pu se glisser dans l'administration temporelle du clergé, elle n'a consulté que son zèle pour la religion, pour le plus grand avantage des peuples, et sans r doute elle n'a pas eu pour arrière-pensée l'idée de soumettre à une opération financière, et à tous les calculs rigoureux de la fiscalité, des biens spécialement consacrés à la majesté du culte et à v la gloire de la religion.
D'ailleurs, Messieurs, les habitants des campagnes, car c'est d'eux spécialement dont il est question, verraient-ils avec indifférence, ou plutôt ne repousseraient-ils pas tous les moyens qui % pourront se concilier avec le respect dû à vos décrets, une disposition qui leur deviendrait si onéreuse, qui les placerait pour la plupart à une
distance de trois à quatre lieues de l'église de leur paroisse, les mettrait par conséquent dans une impossibilité réelle de remplir leurs devoirs de religion, et romprait ainsi d'un seul coup tous ces liens de culte, de consolation, de bienfaisance, qui les attachent aujourd'hui à leurs pasteurs.
Je ne pense pas cependant qu'il faille laisser subsister en entier cette inégalité frappante, que nous remarquons assez généralement dans l'étendue et dans la population des paroisses ; on peut sans doute la faire disparaître en partie par des réunions sagement combinées ; mais encore, dans ce cas, faut-il compter pour beaucoup les divers obstacles que présentent les localités : tels que le passage d'une rivière, des ravins profonds, des rochers à pic, des habitations trop éparses, qui rendent les communications beaucoup plus difficiles et semblent s'opposer à toute réunion. Je ne m'appesantis pas sur ces détails ; il est vraisemblable que vous en renverrez l'examen aux assemblées de départements et de districts, comme bien plus à portée de les connaître et de les apprécier.
Quoiqu'il en soit, de cette opération qui aurait pour objet (sauf les exceptions commandées par les circonstances) d'établir une sorte d'égalité entre toutes les paroisses, en combinant l'étendue du territoire avec la population ; il résulterait une diminution quelconque dans le nombre des cures par la réunion des unes avec les autres; on peut supposer que le nombre total s'élèverait alors à environ trente-deux mille au lieu de quarante-deux mille, et c'est d'après cette base qu'il faut calculer cette partie de la dépense du culte public ; on sent déjà qu'elle ne peut être qu'énorme.
Cependant, si l'on considère qu'il s'agit aujourd'hui d'assurer enfin à tous les curés du royaume un sort fixe, convenable, qui les mette pour toujours à l'abri du besoin ; que dans le plan que j'ai conçu, je les suppose assujettis, ainsi que tous les autres bénéficiers, à la contribution commune de l'impôt, c'est-à-dire à un dixième ou environ de leur revenu; que d'ailleurs un pasteur ne peut attirer sur sa personne la considération de ses paroissiens, si utile cependant pour exercer avec fruit son ministère, qu'en faisant par lui-même des aumônes abondantes, qu'en allant surtout au devant de l'indigence qui se cache, de ces pauvres honteux, dont le nombre s'accroît chaque jour, qui, accoutumés à rendre leu^pasteur dépositaire de leurs chagrins domestiques, ne se feront pas une peine de lui confier leur misère ; mais que rien au monde ne pourrait contraindre à la divulguer aux yeux d'un bureau de charité, dont les actes de bienfaisance acquièrent toujours à ses yeux une trop grande publicité ; peut-être ces considérations, Messieurs, me feront-elles pardonner, de porter la dotation des moindres cures, un peu au delà de la fixation que l'Assemblée nationale semble avoir indiquée dans son décret du 2 novembre dernier ; et comme je suppose enfin que, par une disposition digne de votre justice, et nécessaire d'ailleurs, pour entretenir l'émulation, vous établirez une différence dans la dotation des cures, en proportionnant le revenu de chacune à sa situation, à la nature et à l'étendue de ses charges ; j'ai pensé qu'il fallait former différentes classes de revenus, pour vous présenter, sur ce point, un résultat de dépense, à peu près vraisemblable ; je suppose donc qu'il n'y aura à l'avenir, que trente-deux milles cures, savoir :
15,000 à quinze cents livres de revenu, montent à..... 22,500,000 liv.
8,000 à seize cents livres......12,800,000 »
4,'000 à dix-huit cents livres. 7,200,000 »
2,000 à deux mille livres........4,000,000 »
1,000 à deux mille quatre cents livres..................................2,400,000 »
1,000 à trois mille livres........3,000,000 »
500 à quatre mille livres... 2,000,000 »
300 à cinq mille livres.....1,500,000 »
200 à six mille livres.......1,200,000 »
32,000 cures.
Total..... 56,600,000 liv.
Des viçaires.
Le nombre des vicaires est aujourd'hui inférieur, à peu près de moitié, à celui des curés. Si le service, plus pénible dans les villes, a exigé qu'il y fût établi un ou plusieurs vicaires, par une raison contraire, un grand nombre de curés à la campagne a pu se passer de ce surcroît de secours.
Mais j'ai toujours regardé comme un inconvénient très-grave, que les paroisses, même les moins nombreuses, n'aient été jusqu'ici desservies que par un seul prêtre ; une indisposition subite, survenue au pasteur, à la veille, le jour même des plus grandes solennités, une longue maladie, quelquefois une courte absence, ont souvent été la cause, ou qu'une communauté entière de paroissiens n'a pu satisfaire aux préceptes de l'Eglise, les jours de dimanche et de fête, ou que des individus ont été privés, en mourant, des derniers bienfaits de la religion.
Combien cette considération, Messieurs, ne devient-elle pas plus pressante, aujourd'hui qu'il s'agit, d'une part, demuUipier les charges pastorales, en donnant une plus grande étendue à toutes les paroisses qui en sont susceptibles, et que, de l'autre, la suppression que vous venez de prononcer de tous les corps religieux, va former, sous plus d'un rapport, quoi qu'en disent leurs détracteurs, un vide effrayant dans l'Eglise.
Ce vide, dont je désire bien sincèrement que la religion n'ait pas longtemps à gémir, ne peut être réparé qu'en multipliant, sans autre mesure que celle du besoin, le nombre de ces ministres utiles, appelés, par état, à partager les travaux et les sollicitudes 4es pasteurs. L'Assemblée nationale ne peut donc pas se dispenser d'établir un vicaire dans chaque paroisse, et d'en augmenter le nombre dans celles qui en sont déjà pourvues.
Je ne crains pas de dire que le service habituel du culte exige que le nombre des vicaires soit porté au moins à trente-trois mille. Leur dotation ne peut pas être au-dessous de 700 livres, pour le moindre vicariat dans la campagne : elle s'élèverait graduellement jusqu'à 1,200 livres dans les grandes villes, excepté cependant la capitale, où le haut prix de tous les objets de consommation exige qu'elle soit portée à 1,500 livres. Cette dépense, que j'ai calculée d'après les mêmes règles qui m?ont guidé dans l'article concernant les curés s'élèverait à peu près à la somme de 26,000,000 liv.
Des cathédrales.
Les chapitres des cathédrales tiennent esssen-tiellement à l'ancien régime de l'Eglise ; ils for-
ment le clergé de l'évêque, autrefois ils étaient son conseil, et il est à désirer qu'ils le deviennent encore, surtout quand ils seront composés de la manière que je "dirai bientôt ; d'ailleurs, si dans toutes les paroisses d'un diocèse, l'office catholique ne peut pas être céjébré avec la solennité qui convient à notre sainte religion, il me parait essentiel qu'il y ait dans chaque diocèse au moins une église principale, où, par la majesté du culte, par la pompe des cérémonies, par le nombre plus considérable des ministres, les fidèles soient rappelés plus efficacement à la piété, et se pénètrent de plus en plus du respect qu'ils doivent à nos saints mystères.
Les canonicats de cathédrales présentant en outre une retraite honorable aux pasteurs qui auraient blanchi sous le fardeau de leurs fonctions, on doit conserver religieusement ces établissements que tant de motifs réunis rendent intéressants et indispensables.
Il y aurait donc cent cathédrales, composées chacune de trente chanoines, ayant pour revenu la somme dp 3,000 livres, ce qui ferait 90,000 livres par chapitre de' cathédrale ; on ajouterait à cette somme celle de 10,000 livres, pour réparations d'église, entretien des ornements, vases sacrés, fournitures journalières et pour stipendier quelques jeunes ecclésiastiques qui chanteraient au choeur, et soulageraient les chanoines, que nous avons dit devoir être les anciens curés et vicaires du diocèse, parvenus par conséquent à l'âge de la décrépitude et des infirmités. Ainsi, les cent cathédrales à 100,000 livres de revenu chacune, seraient un objet de dépense de 10 millions.
Des pensions de retraite pour les anciens curés et vicaires.
Les intentions de justice et d'humanité que l'Assemblée nationale a manifestées hautement, en faveur de cette portion aussi nombreuse qu'utile des ministres de la religion, ne se trouveraient qu'imparfaitement remplies, si elles ne présentaient, pour toute perspective de retraite, aux anciens curés et vicaires, que l'espérance d'obtenir à la fin de leur carrière, un canonicat dans l'église cathédrale de leur diocèse. Le cours ordinaire de la nature ne permet pas de présumer qu'il puisse vaquer plus d'un canonicat par année commune, dans un chapitre composé de trente chanoines, même en les supposant tous sexagénaires, et au-dessus de cet âge; il est cependant certain que chaque année, il se trouvera dans tous les diocèses, composés, d'après ce projet, d'environ quatre cents paroisses, un plus grand nombre de curés et vicaires aspirants à des places de retraite, que leur âge ou leurs infirmités forceront à solliciter.
On pourrait, il me semble, suppléer à l'insuffisance des moyens indiqués ci-dessus, soit en assignant à chaque diocèse, une somme convenable, pour former des pensions de retraite aux pasteurs qui se trouveraient dans le cas de les obtenir, soit en conservant une ou deux collégiales par diocèse, dont les canonicats leur seraient spécialement affectés; sauf à adoucir, en considération de leur grand âge, la partie de l'office canonial qu'il leur serait trop pénible de remplir ; ce dernier moyen me paraît réunir plusieurs avantages dignes d'être pris en considération ; celui de ne pas isoler entièrement de toutes fonctions ecclésiastiques ces vénérables
pasteurs, pour qui n'être plus utile à l'Eglise, ^ serait une privation bien sensible; celui de leur faire trouver dans Ja société de leurs collègues les liens d'une douce confraternité; celui enfin, de conserver, pour l'édification publique, quel-^ ques-uns de ces monuments élevés à la religion par la piété de nos pères. Quelle que soit la détermination de l'Assemblée nationale, sur l'un ou l'autre de ces moyens, cet objet de dépense pour chaque diocèse, ne peut pas être moindre ^ de 25,000 livres, ce qui donne un total de 2 millions 500,000 livres.
Des séminaires.
L'AssembJée nationale, en décrétant la suppression des dîmes, s'est engagée expressément y à doter, d'une manière convenable, ces maisons d'éducation ecclésiastique, dont l'utilité, je l'imagine, ne sera contestée par personne ; il me paraît d'autant plus nécessaire d'effectuer au-v jourd'hui cette promesse, que le ministère des autels, ne devant plus présenter à l'avenir ni les mêmes moyens d avancement qu'autrefois, ni, s'il m'est permis de le dire, les mêmes motifs -v d'encouragement, fondés sur la considération publique; le nombre de ceux qui s'y destinent, déjà diminué d'une manière si alarmante, serait encore infiniment moindre, si la certitude d'ob-a tenir dans les séminaires une éducation absolument gratuite, ne devenait pas pour plusieurs un avantage déterminant. Cette dépense, y compris la nourriture, entretien des supérieurs, directeurs, réparations, etc., ne peut pas être au-dessous de 20,000 livres par séminaire, ce qui donne un total de 2 millions.
Des fabriques.
Ce n'est pas le moment d'examiner si les administrateurs des fabriques les plus richement dotées, telles que celles des grandes villes, de Paris, par exemple, et de quelques autres parois-^ ses, même de la campagne, verront avec indifférence détourner de sa destination naturelle, pour être appliquée aux fabriques les plus pauvres, une portion de ces biens que leur générosite et'celle de leurs ancêtres ont consacrée d'une manière spéciale à l'entretien, et si l'on veut à l'embellissement de l'église de la paroisse dont ils sont membres ; sans doute, Messieurs, la pro-mulgation dè vos décrets trouvera partout les esprits disposés à l'obéissance, et à étouffer des murmures qui, dans d'autres circonstances, il faut l'avouer, eussent paru très-légitimes ; j'observerài seulement que l'Assemblée nationale, en se chargeant dé pourvoir à cette dépense essentielle du culte, doit à sa justice et à toutes les convenances, de proportionner les secours aux besoins et, sous ce rapport, les différences relatives de y paroisse à paroisse, sont énormes : telle église peut être entretenue décemment au moyen d'une somme de 3 ou 400 livres, telle autre ne le serait pas avec 2,000 écus ; il est donc impossible de v suivre dans le détail toutes ces gradations, et de déterminer au j|4ste ce qu'il convient d'accorder à chaque paroisse pour remplir cet objet ; en fixant cette dépense à raison de 500 livres par fabrique, nous aurions une base commune qui donnerait pour les trente-deux mille paroisses du royaume, une dépense de 16 millions.
Des reconstructions d'églises et de presbytères.
Il reste maintenant, Messieurs, l'article des reconstructions et grosses réparations des églises et des presbytères. Suivant la jurisprudence actuelle , les communautés des paroisses sont chargées d'y pourvoir en ce gui les concerne ; mais cette dépense extraordinaire relative au culte public est devenue pour les peuples, dans les campagnes surtout, un impôt si onéreux, que l'Assemblée nationale, en les affranchissant pour toujours de toute contribution à cet égard, s'acquerra des droits immortels à la reconnaissance publique; dans ce cas elle assignerait à tous les diocèses une somme fixe et annuelle pour les réparations, reconstructions d'édifices sacrés, d'églises et de presbytères ; j'estime que cette dépense pourrait s'élever, dans chacun, à la somme de 30,000 livres; ce qui ferait poe dépense totale de 3 millions.
Il faut maintenant rapprocher tous les articles de la dépense fixe et perpétuelle relative au culte, et nous aurons, savoir : pour dix archevêques, une somme de..... 400,000 livres.
90 évêques............... 2,700,000
32,000 curés.............. 56,000,000
33,000 vicaires........... 26,000,000
100 cathédrales........... 10,000,000
Retraite pour les anciens curés, etc................ 2,500,000
Séminaires............... 2,000,000
Fabriques................ 16,000,000
Reconstruction d'églises, etc................... 3,000,000
Total......... 118,600,000 livres.
J'observe que je n'ai pas compris dans les articles mentionnés ci-dessus quelques autres objets essentiels, mais qui m'ont paru trop minutieux pour en faire une motion séparée, tels que des places d'aumôniers sur les vaisseaux, dans les régiments ; de prêtres habitués dans les grandes paroisses des villes, de chantres, clercs de sacristie et autres serviteurs d'église ; supposons que tous ces objets réunis ne nécessitent qu'une dépense d'un million quatre cent mille livres, nous aurons en dernier résultat une dépense totale de cent vingt millions, ci....................... 120,000,000 livres.
J'ai dit plus haut qu'il entrait dans mon plan d'assujettir à la contribution commune de l'impôt tous les titulaires de bénéfices, même tous les établissements ecclésiastiques qui tiennent au régime essentiel de l'Eglise ; c'est peut-être le moment de faire connaître mes motifs et d'évaluer le montant de cette contribution.
Vous avez attaché, Messieurs, à de certaines conditions l'éligibilité aux assemblées politiques; sans doute l'Assemblée nationale n'a pas l'intention d'exclure des fonctions honorables de l'administration civile, une classe entière de citoyens qui, par ses rapports religieux et par l'influence que donnent à ses membres, sur l'esprit des peuples, les fonctions d'un ministère respectable, demande au moins à ne pas être avilie par une
exception qui la retrancherait, pour ainsi dire, du corps de la société politique.
Sous un gouvernement arbitraire, l'impôt était une charge pesante, parce qu'aucune compensation n'en allégeait le fardeau; mais aujourd'hui que, par une disposition bien digne de votre sagesse, il va ouvrir à tous les Français la route des honneurs civiques; aujourd'hui que les plus hautes distinctions, vont devenir comme le patrimoine de tout citoyen qui, à raison de son revenu, portera chaque année dans le Trésor public le tribut déterminé par la loi, toute exemption, disons mieux, toute exception en matière d'impôt serait tout à la fois injuste et avilissante.
On peut présumer que les besoins de l'Etat exigeront qu'il soit imposé à peu près un dixième sur tous les revenus territoriaux du royaume ; la quote-part des ministres de la religion, et pour lesquels je réclamerai quand il sera temps une dotation en fonds de terre, conformément au vu de mes commettants, exprimé dans mon cahier, serait donc de 12 millions, ce qui réduirait définitivement, et toutes charges prélevées, à 108 millions, la dépense relative au culte public, ci.... ........ 108,000,000 livres.
DEUXIÈME SECTION
DÉPENSES EXTRAORDINAIRES ET A TERME.
Il faut placer dans cette classe : 1® les pensions à accorder aux titulaires actuels des archevêchés, évêchés et cures dont les titres viendraient à être supprimés par les réunions dont j'ai parlé plus haut ;
2° Les pensions à accorder aux abbés, prieurs, chanoines des collégiales, chanoinesses, abbesses, bénéficiers, religieux de l'un et de l'autre sexe, et généralement à tous les individus du clergé séculier et régulier, dont les bénéfices et communautés seraient éteints et supprimés;
3° Les intérêts de la dette et remboursements des capitaux dus par le clergé de France, clergé dit étranger, diocèses, abbayes, prieurés, chapitres, monastères, etc., qui ont été autorisés à emprunter en vertu des lettres patentes dûment enregistrées.
Des pensions aux archevêques, e'vêques et curés , etc.
La nécessité d'accorder des pensions à tous les titulaires de bénéfices, dont tous les titres viendraient à être supprimés, est trop évidente pour que je m'applique à la démontrer ; la plus légère observation sur ce point blesserait évidemment les sentiments de justice et la délicatesse dont tous les membres de l'Assemblée nationale sont animés. La seule question qui se présente ici, c'est de déterminer la quotité de la pension à laquelle chacun a droit de prétendre ; en principe de justice rigoureuse, ou elle devrait être équivalente au revenu actuel, ou il serait convenable de ne consommer les réunions dont il s'agit qu'après le décès des titulaires , c'est bien déjà une privation assez sensible que celle de se voir dépouillé d'un état dont on avait la possession , dans lequel la force de l'habitude, le charme de la jouissance faisaient trouver le bonheur, et je ne sais pas si dans certaines positions un dédommagement, quelque fort qu'il fût, pour-
rait être jamais pour la partie intéressée, une compensation suffisante ; mais comme il est dans le cur de tout bon citoyen de se prêter aux plus grands sacrifices, et de souffrir sans se plaindre que la rigueur des principes en ce genre le cède à l'empire des circonstances quand le bien général l'exige, j'estime qu'une pension qui s'élèverait aux deux tiers du revenu actuel, toutes charges déduites, serait pour les titulaires dont je parle, un traitement à peu près convenable.
Ainsi l'Assemblée nalionale aurait à pourvoir :
1° Au traitement de 30 archevêques ou évêques, dont je suppose les sièges supprimés et les pensions fixées à 25,000 livres les unes dans les autres; ce qui fait un total de.......... 750,000 livres.
2° De 10,000 curés à 900 liv. 9,000,000
Total....... 9,750,000 livres.
Des pensions à accorder aux abbés , prieurs , chanoines, religieux et religieuses, etc., etc.
Les observations que j'ai plutôt indiquées que développées dans l'article précédent s'appliquent également ici dans toute leur force ; pour ne pas me répéter, je dirai seulement, qu'il y a une telle disproportion de revenu, entre les différents béné-ficiers ou individus ecclésiastiques qui composent cette classe nombreuse, qu'il est absolument impossible d'établir un taux moyen qui puisse nous donner une idée exacte du montant de la dépense que nous cherchons à connaître ; depuis l'abbé commendataire qui jouit de 50,000 livres de rente, jusqu'à l'humble prébendier qui n'a pour tout revenu que 20 ou 30 livres, il y a tant de nuances, tant de degrés intermédiaires, qu'on ne peut se flatter d'arriver à un résultat, qu'à travers des calculs d'approximation nécessairement vagues, et dont il faut bien se garder, faute de connaissance de détails, de garantir l'exactitude; on sait seulement qu'il y a dans le royaume plus de 50,000 individus, à qui l'Assemblée nationale, pour être juste, doit un dédommagement convenable; ce n'est pas ici le lieu d'examiner si la suppression de tant d'établissements ecclésiastiques ne sera pas infiniment préjudiciable à la religion ; si en morale ainsi qu'en politique, cette grande question était bien digne d'occuper l'attention des représentants d'une grande nation chrétienne, et je pense que ce problème, si toutefois c'en est un, n'eût pas été difficile à résoudre.
Il s'agit uniquement aujourd'hui d'un calcul de finance, et de déterminer à quelle somme peut s'élever la dépense que cet article exige ; après avoir réclamé au nom de la justice et de l'humanité, une pension rigoureusement équivalente en faveur des titulaires de bénéfices tellement modiques qu'ils fournissent à peine le strict nécessaire à eux qui en sont pourvus, je ne craindrai pas de dire que la dépense totale de cet article s'élèvera au moins à 45 millions.
De la dette du clergé.
Quelles que soient les dispositions de l'Assemblée nationale, relativement aux biens ecclésiastiques, les . créanciers du clergé ont sur toute leur masse une hypothèque spéciale ; et il doit
être exactement pourvu à l'acquit des intérêts, ainsi que des capitaux dont ces biens se trouvent grevés par des emprunts, revêtus du sceau du souverain, et de toutes les formalités légales; l'état de cette dépense annuelle, qu'il est d'une bonne administration de chercher à éteindre le plus tôt possible, par des remboursements graduels de capitaux, consiste :
1° Dans les intérêts de la dette générale du clergé de France, montant à la somme d'environ...................... 6,000,000 livres.
2° Intérêts de la dette du clergé , dit étranger , et des diocèses particuliers..... .. 1,200,000
3° Intérêts des dettes particulières des évêchés, chapitres, monastères, en vertu d'emprunts autorisés par
lettres patentes............ 2,500,000
4° Caisse d'amortissement pour le remboursement des capitaux, à raison de six millions par année, ci..... 6,000,000
Total....... 15,700,000 livres.
Récapitulons maintenant tous les articles de la dépense extraordinaire et à terme ; nous aurons, savoir :
1° Pour pensions aux archevêques, évêques et curés, dont les bénéfices seraient supprimés, une somme de................. 9,825,000 livres.
2° Pour pensions aux abbés, prieurs, chanoines, religieux de l'un et de l'autre sexe, etc., une somme d'environ. 45,000,000
3° Pour intérêt des dettes générales et particulières du clergé de France, de celui dit étranger, des diocèses, évêques, chapitres, monastères, et en vertu de lettres patentes, une somme d'environ quinze millions sept cent mille livres, y compris six millions de remboursement annuel de capitaux, ci..... 15,700,000
Total...... 70,525,000 livres.
La dépense fixe et perpétuelle relative au culte public, s'élève à la somme de cent vingt millions, le dixième d'imposition non déduit, ci........................ 120,000,000 livres.
La dépense extraordinaire et à terme, monte à....... 70,525,000
Total...... 190,525,000 livres.
Mais nous avons supposé que le revenu total des biens ecclésiastiques est de..... 180,000,000
La dépense surpasserait donc la recette de la somme de........................ 10,525,000
Tel serait, Messieurs, dans le moment actuel, l'état de situation entre les ressources et les charges du clergé ; le résultat de ces calculs, que certainement je n'ai cherché ni à grossir, ni à diminuer, serait véritablement alarmant, en ce que
l'opération de l'Assemblée nationale sur les biens ecclésiastiques, bien loin d'offrir dans la détresse de nds finances une ressource certaine, deviendrait au contraire une nouvelle charge bien onéreuse pour le Trésor public ; mais je prie d'observer qu'une très-grande partie de la dépense totale aura bientôt un terme ; que chaque jour verra diminuer le nombre des ecclésiastiques pensionnaires de l'Etat auxquels la justice, l'humanité, la loyauté française, vous imposent aujourd'hui l'obligation d'accorder un traitement honorable ; que les 12 millions que j'ai supposés former le montant de la contribution, à laquelle je désire que le clergé, reconnu nécessaire, soit perpétuellement imposé, pourraient être employés momentanément, et suffiraient au delà pour rétablir la balance entre les ressources et les charges actuelles.
Je dirai donc que l'Assemblée nationale, surtout après avoir décrété au profit de l'Etat la vente des immeubles non productifs du clergé, jusqu'à concurrence de 400 millions, lesquels au denier 20, représentent un revenu de 20 millions, doit suspendre sur le reste toute opération fiscale ; qu'il faut dans ce moment se contenter de jouir de l'avenir, suivre la marche rapide des années, et se placer à ce terme, qui ne peut pas être bien éloigné, mais qui n'est après tout qu'un point imperceptible dans 1a durée des empires, où par la mort successive de tous les pensionnaires ecclésiastiques, par l'extinction totale de la dette du clergé, plus de 70 millions se trouveront disponibles dans la main de la nation, et pourront être employés à de grands objets d'utilité publique.
Mais, Messieurs, je n'ai rien dit des pauvres ; et l'on sent bien qu'étant appelé par mon état à connaître d'une manière plus particulière toute l'étendue de leurs besoins, c'est un devoir pour moi de rappeler en leur faveur les droits inaliénables que leur ont donnés sur les biens ecclésiastiques la munificence des fondateurs, et les lois positives de l'Eglise; ce n'est donc pas seulement au nom de l'humanité^ mais c'est à titre de justice, et comme propriétaire, que cette portion nombreuse et souffrante de la société, se présente aujourd'hui, pour réclamer la part qui lui revient dans l'application que vous vous proposez de faire des biens de l'Eglise, et dont, il faut l'avouer, le clergé n'avait que l'administration. Tout autre emploi des revenus ecclésiastiques (la dépense du culte largement prélevée) qui n'aurait pour objet d'utilité générale que la libération des dettes de l'Etat, que la suppression d'un impôt qui pèse proportionnellement sur toutes les classes de citoyen, par conséquent sur le riche ainsi que sur le pauvre, serait à mes yeux une violation du droit sacré de propriété fsans doute si l'Assemblée nationale, qui embrasse dans leur ensemble toutes les parties d'une vaste administration, pensait qu'il fût convenable aujourd'hui, pour le bien général, de détourner de sa véritable destination, la portion des biens ecclésiastiques qui appartient aux pauvres, elle s'empresserait de la remplacer d'ailleurs, par une compensation juste et équivalente .
Il faut avoir habité parmi eux, Messieurs, il faut avoir connu, comme nous, les besoins de tout genre qui les assiègent journellement pour ne pas trouver excessive, une somme, qui encore qu'elle soit très-considérable, ne sera qu'à peine suffisante quand elle sera répartie par petite portion dans l'universalité du royaume.
J'ai souvent entendu, dans cette Assemblée, louer
les principes qui ont dirigé dans la formation de ses lois une'nation célèbre, voisine de ia France ; voyez, Messsieurs, ce qu'elle a fait pour ses pauvres ; à quelle somme s'élève la taxe Qu'elle s'est imposée pour bannir de son île la misère et la mendicité ; sa population cependant, forme à peine le tiers de la nôtre ; la nation française si justement renommée dans l'univers pour la douceur de ses moeurs, pour sa sensibilité envers les malheureux, serait-elle donc à l'égard de ses pauvres moins généreuse, moins compatissante ?
Le premier acte d'une bienfaisance éclairée, que l'Assemblée nationale ait à exercer envers les pauvres (et quel est aujourd'hui le canton fortuné qui n'en soii pas couvert ?), c'est, suivant moi, de multiplier autour d'eux, pour les cas de maladie, des moyens faciles de guérison, des secours absolument gratuits. Combien la misère, l'ignorance, le prix des remèdes, toujours trop élevé pour Celui qui né peut y atteindre, n'ont-ils pas immolé de victimés, dans les campagnes surtout! Isolés de tout secours, placés loin des regards du çiche qui pourrait les assister, ne trouvant pas à leur proximité, comme le pauvre qui habite les villes, une ressource certaine dans les hôpitaux et autres établissements consacrés à recueillir l'humanité souffrante, combien de malheureux succombent chaque jour, emportés par une maladie qui, si elle eût été attaquée dans son principe, eût bientôt cédé elle-même àla force des remèdes, aux secours de l'art !
L'Assemblée nationale ne peut donc se dissimuler la nécessité d'assigner à tous les départements, des fonds suffisants pouf établir dans chaque canton, c'est-à-dire dans un arrondissement de dix à douze paroisses, un médecin et un chirurgien au moins, auxquels, après un examen préalable, il serait alloué un traitement annuel, à la charge par eux de visiter gratuitement tous les malades du canton, soUs l'inspection des bureaux de charité, des paroisses, qui leur rembourseraient en outre ie montant des remèdes qu'ils auraient fournis.
Un autre objet d'utilité publique, non moins essentiel, c'est l'éducation des enfants des pauvres. On doit sentir combien il est intéressant pour la religion, pour le maintien des murs publiques, pour l'accomplissement de tous les devoirs de la vie sociale, que l'Assemblée Veuille bien prendre en considération des établissements aussi utiles, et procurer à la classe obscure du peuple,. une instruction gratuite accommodée à sa situation, à son genre de vie, à ses habitudes, et dont les principes reposeraient sur les deux grandes bases de toute société, la religion et les murs.
Je propose donc que dans toutes les paroisses, même de la campage, il soit établi un maître et une maîtresse d'école, qui, après avoir justifié de leurs murs et capacité, seraient admis à enseigner gratuitement aux enfants sous l'inspection des municipalités et des pasteurs, les éléments dé la religion catholique, la lecture* l'écriture, les premières règles (Je l'arithmétique, etc.
Ëh ! combien, Messieurs, les besoins des pauvres se multiplient devant nous, à mesure que nous examinons plus attentivement ! Aux causes générales qui enfantent la misère, voyez combien de fléaux destructeurs, combien de calamités locales viennent se joindre, et concourent encore à là multiplier. Tantôt c'est un incendie qui consume tout un village, c'est une grêle affreuse ou un froid excessif qui vient tromper l'espoir du malheureux cultivateur, et le plonger tout à coup,
lui et sa famille, dans toutes les horreurs de la misère, dont il avait sU se garantir jusqu'alors par un travail assidu, -joint à l'économie la plus sévère ; tantôt des villes manufacturières qui renferment dans leur sein une multitude d'ouvriers industrieux, mais dont la subsistance dépend Uniquement des variations, de la mobilité d'un commerce, fondé tout entier sur ie luxé, voient aujourd'hui, plus souvent que jamais* le nombre des pauvres s'accroître par milliers, au moment de la cessation subite du travail, au point que les efforts les plus généreux de la part des citoyens aisés n'atteignent jamais au niveau des besoins.
Il est digne, Messieurs, d'une administration bienfaisante et paternelle, telle que celle que vous venez de créer pour la France, de se ménager des ressources pour sécher les larmes et pour adoucir l'infortune de tant de malheureux. Heureusement ces ressources seront un jour dans vos mains; vous les trouverez dans cette partie des biens du clergé, qui n'est point nécessaire à la décence du culte, à l'entretien de ses ministres. En appliquant ainsi une portion des revenus ecclésiastiques à des objets si intéressants pour l'humanité, vous ne ferez que lés rappeler à leur véritable destination ; vous serez à la fois justes et bienfaisants.
Je propose donc qu'il soit pris sur les revenus du clergé, à mesure qu'ils deviendront libres, des fonds suffisants pour établir des ateliers de travail dans chaque ville de département, et des bureaux de charité dans les villages, sous l'inspection des officiers municipaux et des curés, où les pauvres valides trouveraient de l'occupation, et les pauvres vieillards, lesinfirmes, les malades, des secours proportionnés à leurs besoins, et administrés avec discernement Une telle disposition qui tendrait, de concert avec l'autorité, à concentrer les pauvres dans leurs paroisses respectives, serait peut-être la solution de ce grand problème politique, que tant d'estimables auteurs ont cherché à résoudre, je veux dire, serait le moyen le plus efficace de détruire à jamais la mendicité, et surtout ce honteux vagabondage, si nuisible aux bonnes murs, et trop souvent alarmant pour la sûreté publique.
Au reste, Messieurs, quelles que soient les dispositions de l'Assemblée nationale sur tous ces objets, j'aurais toujours satisfait à un devoir bien pressant, en vous soumettant les réflexions dont je viens d'avoir l'honneur de vous faire part ; j'ose vous assurer, et je le dis hautement, qu'elles ne m'ont été inspirées par aucune considération étrangère au bien public.
S'il est une circonstance où ce qu'on appelle esprit de corps, où des vues particulières, l'intérêt personnel enfin, doivent s'abaisser, s'anéantir devant l'intérêt général, c'est dans ce moment où. pour considérer sur une base invariable l'édifice majestueux de cette Constitution autour de laquelle vous vouiez que tous les Français se rallient comme auteur du bonheur, tous les esprits, tous les curs doivent s'unir d'une même intention, d'une même volonté, pour achever, de concert, ce grand ouvrage de la génération présente, et qui fera un jour l'étonnement de la postérité.
Mais, Messieurs, aiii titre de Français dont je m'enorgueillis, il s'en joint un autre qui ne m'est pas moins précieux, celui de prêtre, de pasteur chrétien ; c'est en Cette qualité que tout retranchement dans la majesté du culte catholique, que toute innovation qui tiendrait à affaiblir dans
l'esprit des peuples le respect pour une religion * que nous devons tous nous faire gloire de professer, deviendrait pour moi une affliction bien sensible. Le clergé possédait des richesses, voiis les avez enviées ; elles sont aujourd'hui dans vos maihs ; puissiez-vôus, au prix de nos sacrifices, acheter le bonheur de tous nos concitoyens. Mais Messieurs, que la religion de nos pères soit toujours en honneur dans cet empire; que le culte P catholique, le seul national, ne perde rien de sa majesté ; que les pauvres, l'objet de nos sollicitudes, soient secourus ; que les intentions pieuses de ceux qui nous avaient donné leurs biens, soient remplies ; enfi ri que les ministres des autels trouvent dans l'exercice de leurs fonctions des moyens de subsistance honorables et suffisants ; le clergé n'aura rien perdu, et tous les membres,que le composent, sans eh excepter un seul, n'auront rien à regretter.
(1). Messieurs, v deux questions intéressantes, et d'autant plus intéressantes, que le salut ou la perte de l'Etat semble en dépendre, deux questions, dis-je, partagent la Chambre nationale et je ne crains pas de dire le public.
Première question.
Les biens que possède la main-morte ecclésiastique lui appartiennent-ils en propriété?
Seconde question.
Le sort de la religion est-il attaché à cette propriété?
Ces deux questions ont été traitées très-subti-^ lement, très-métaphysiquementde part et d'autre ; mais, suivant moi, elles n'ont point été traitées par les principes propres de la matière.
Pour que le sort de la religion soit attaché à la propriété des biens que possède la main morte ecclésiastique, il faut que ces biens fassent partie de la religion sous un rapport quelconque; car y s'ils ne font point partie de la religion sous un rapport quelconque, ils lui sont nécessairement étrangers. L'on ne pense pas que cette observation préliminaire soit susceptible d'un contredit rai-" sonnable.
Principes de ta religion.
Le code de la loi chrétienne c'est l'Évangile; prenons donc l'Evangile et lisons.
En vingt endroits le législateur déclare que son royaume n'est pas de ce monde.
En vingt endroits il prononce anathème contre les richesses, contre le luxe, contre la mollesse.
Il nous présente l'emblème du riche précipité dans la fournaise, du pauvre placé dans le sein d'Abraham.
Il nous déclare affirmativement qu'il est aussi difficile au riche d'entrer dans le royaume des cieux, qu'il est difficile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille.
Il ne promet la béatitude (et c'est l'Evangile d'hier) qu'à ceux qui souffriront la faim, la soif, la disette, les humiliations, etc, etc.
Si on lui demande le chemin du ciel et ce qu'il v faut faire pour y parvenir, il ne
dit pas: Ayez des
Il dit:Allez, vendez vos biens, distribuez-en le prix aux pauvres, et suivez-moi,
Au précepte le législateur a joint l'exemple. Il n'a possédé aucuns biens ; il ne s'est point mêlé des affaires du siècle, il n'a point intrigué dans les cours; il est né pauvre; il a vécu pauvre; il est mort pauvre.
La pauvreté, l'abnégation des richesses sont donc les bases fondamentales dejla religion chrétienne, ou l'Evangile est faux, il n'y a point de milieu.
Gommentconcevoir aussitôt, comment concevoir raisonnablement que le sort de cette religion soit attaché à des richesses don 11 e légisïate ur condamne si hautement la possession ?
Et quand on se rappelle la lin dé celui de ses apôtres qui s'est écarté de ces principes; quand on se rappelle que son attachement aux richesses l'a conduit à la potence, peut-on être tranquille sur le sort de ceux qui manifestent les mêmes penchants ?
Si l'esprit des richesses est diamétralement opposé à l'esprit de la religion chétienne, le sort de la religion chrétienne n'est donc pas attaché à la propriété, à la possession des richesses; cela parait conséquent.
Vainement nous répéterait-on le brocard: autres temps, autres murs.
Je répondrais, et je répondrais affirmativement que ce brocard n'est qu'une indécence, en fait de religion.
L'Evangile ne meurt pas, et ne peut mourir. S'il pouvait mourir, la religion mourrait avec lui, et les apologistes du relâchement, pour ne point dire de la subversion de la loi et du précepte, n'en seraient point plus avancés, puisque, la religion cessant, le prétexte cesserait avec elle.
Si la religion vit, la loi et le précepte vivent comme elle; ils sont inséparables; ils sont aussi inséparables, que l'effet l'est de la cause.
N'est-ce pas ce que nous attestent, Messieurs, n'est-ce pas ce que nous jurent les ministres des autels? En se consacrant à l'Etre suprême, ne jurent-ils point que sa succession sera leur partage?
La succession de Jésus-Christ, ce sont les pauvres. La portion la plus éminente de cette succession, c'est la pauvreté ! L'ambition des richesses mondaines est donc une renonciation formelle à cette succession; c'est un véritable parjure.
Concluons donc, sans craindre de nous égarer, que les richesses sont aussi étrangères à la religion, qu'elles sont contraires à son esprit et à son organe.
Concluons, qu'en retranchant ces richesses, loin de donner atteinte à la religion, on l'épure, on la rend à ses principes.
En voilà saris doute assez, peut-être même plus qu'il n'en faut, pour rassurer les âmes véritablement chrétiennes, sur le résultat de la seconde question. Je reviens à la première.
Le divin législateur avait donné le précepte et l'exemple de la pauvreté ; mais, en même temps, il avait recommandé l'aumône, comme le meilleur moyen de racheter ses péchés. Il avait dit qu'il fallait se faire des trésors que la rouille n'attaquait pas, et que les voleurs ne pouvaient enlever. C'était l'emblème des bonnes uvres, c'était l'abnégation des richesses et des biens temporels.
Les apôtres, ces premiers ministres de la reli-
gion, ces premiers évêques du monde chrétien, ont exactement suivi le précepte que leur avait donné le Sauveur. Ayant tout quitté pour le suivre, ils vivaient du travail de leurs mains, et des aumônes des fidèles. Le surplus de ces aumônes était répandu dans le sein de l'indigence.
Les Actes des apôtres nous attestent que les pauvres étaient les seuls biens que possédât cette primitive Eglise. C'étaient toutes ses richesses; ce sont les seules que le saint diacre Laurent met sous les yeux du préfet qui l'opprime.
Saint Gyprien, qui vivait dans le troisième siècle, nous apprend que, jusqu'alors, l'Eglise avait obéi au précepte de la pauvreté.
Il compare les aumône?, dont s'aidaient les ministres de son temps, aux dîmes qui faisaient subsister les lévites dans l'ancienne loi.
Preuve bien évidente que, dans le troisième siècle de l'Eglise, il n'est point encore question de dîmes.
Au contraire, il paraît que c'est la comparaison de cet ancien Père de l'Eglise, qui a fait naître l'idée de la substitution des dîmes judaïques aux aumônes qui commençaient à se refroidir.
Si j'avais à traiter cette partie, Messieurs, je vous démontrerais par des faits qui ne peuvent être révoqués en doute, je vous démontrerais par les autorités les plus respectables, telles que celles des savants bénédictins, des correcteurs romains, et autres de même genre, que les dîmes n'ont point un principe si légitime que celui qu'on leur suppose communément.
Je vous démontrerais qu'elles ont pour principe un prétendu sermon de saint Augustin (le sermon 219), une prétendue lettre de saint Jérôme au pape Damase, l'un et l'autre avérés faux par les auteurs que je viens de citer.
Je vous démontrerais que ce sont ces actes faux, que l'on appelait dans le temps, de pieuses fraudes, et que l'on nommerait autrement aujourd'hui; que ce sont ces actes, dis-je, qui ont servi de base au second concile de Tours, tenu en 567, lequel décide, contre la vérité, que la dîme est un droit divin; au second concile de Mâcon, tenu en 585, qui en ordonne le payement sous peine d'excommunication.
Je vous démontrerais que ce sont ces conciles qui ont déterminé les capitulaires des rois Clo-taire et Charlemagne, dont on vous a parlé avec tant d'emphase et de complaisance.
Je vous démontrerais enfin que ces premières fraudes ont formé une filiation d'erreurs, qui se sont perpétuées jusqu'au jour où le principe en a été découvert.
Mais cette discussion, quoique analogue à notre sujet, puisqu'il s'agit de la propriété des biens ecclésiastiques dont les dîmes font partie, cette discussion, dis-je, nous mènerait trop loin pour Je moment.
Je me contenterai d'observer que les dîmes, déclarées de droit divin par les conciles ci-dessus et par beaucoup d'autres, sont aujourd'hui reconnues de droit positif, et ne peuvent être autre chose.
J'observerai encore, ce qui est plus important, que si les dîmes ont pour principe la supposition, la surprise et l'erreur, le clergé n'a aucun remplacement à prétendre, par la raison sans réplique, que la supposition, la surprise et l'erreur forment autant d'abus qui réclament contre le vice d'origine et écartent toute idée de prescription.
Je reviens à mon sujet :
Je viens d'établir que les lois divines, ces lois
fondatrices de la religion, qu'enseigne l'ordre ecclésiastique et qu'il professe, condamnent toute idée de propriété légitime dans sa main.
Je viens d'établir que les apôtres et leurs successeurs, dans la primitive Eglise, ne vivaient que du travail de leurs mains, et des aumônes des fidèles.
Je viens d'établir enfin, que le surplus de ces aumônes était répandu dans le sein de l'indigence. Nous touchons aux établissements religieux.
De pieux cénobites se retirent dans les déserts pour se livrer aux rigueurs de la vie pénitente. Détachés de la société et des biens du siècle, réunis sous la discipline d'un supérieur, vivant comme les apôtres, en commun, du travail de leurs mains ; ennemis comme eux de tout superflu, et répandant comme eux ce superflu dans le sein de l'indigence, ils devinrent bientôt des exemples vivants de toutes les vertus chrétiennes.
Leur premier vu était celui de la pauvreté. Devait-on craindre que ce vu les comblât de richesses ?
Le divin Maître avait dit que l'aumône rachetait les péchés.
Il était simple que ceux qui voulaient racheter leurs péchés donnassent des biens à ces établissements, ou qu'ils en fondassent d'autres.
Il était également simple qu'ils donnassent de pareils biens aux pasteurs, aux ministres saints qui gouvernaient la primitive Eglise. Pourquoi ? parce qu'ils étaient assurés que ces biens ne seraient employés qu'au soulagement des pauvres ; dès que ceux à qui ils les donnaient ne pouvaient eux-mêmes s'en appliquer le bénéfice, sans trahir le vu de leur religion et leur serment.
Ainsi les pasteurs qui recevaient ces biens, les religieux qui les recevaient également, ne les recevaient pas pour eux-mêmes ; ils les recevaient pour les employer suivant les désirs et les intentions de ceux qui les donnaient.
Ils les recevaient comme dépositaires, comme administrateurs, comme économes.
Aussi saint Bernard n'hésite-t-il point à dire que tous ces biens sont le patrimoine des pauvres ; que ceux qui les possèdent n'en sont que les simples administrateurs, et que, s'ils excèdent les bornes de l'administration, s'ils prennent au-delà du plus exact nécessaire, ce sont des ravisseurs, des voleurs; sunt rapaces et latrones : ce sont ses termes.
Ce que dit saint Bernard n'est que l'écho de ce qu'ont dit tous les anciens Pères de l'Eglise, et nous rendons cette justice à l'ordre ecclésiastique, qu'il ne pense point encore autrement aujourd'hui.
Mais si l'ordre ecclésiastique ne pense point encore autrement aujourd'hui, il n'est donc point propriétaire des biens qui sont dans sa main ; car il est impossible d'allier la qualité de dépositaire, d'économe, d'administrateur d'un bien avec celle de propriétaire de ce même bien.
On nous parle de prescription.
C'est inutilement. Le dépositaire ne peut prescrire contre la foi du dépôt. On ne .prescrit point contre la religion, contre ses préceptes, contre la loi. On ne peut jamais changer la cause de sa possession. Un possesseur précaire ne peut jamais atteindre à la propriété.
On nous parle de substitution.
C'est encore inutilement. Le grevé de substitution n'est qu'un possesseur précaire. Il n'y a
que l'appelé à recueillir l'effet de la substitution r qui soit le véritable propriétaire.
On nous dit que les biens sont consacrés à Dieu.
Défaite puérile ! Si les biens sont consacrés à r Dieu, le clergé n'en est donc point propriétaire; car le clergé n'est point l'Etre suprême.
Se prétendra-t-il mandataire fondé de procuration ? Il faut qu'il justifie de ses pouvoirs. y Au fond l'Etre suprême, souverain maître, souverain seigneur de tout, donne et ne reçoit pas.
Il ne peut même recevoir, si tout lui appartient. Il ne peut donc avoir de propriété particulière.
Cet Etre exige un culte, des autels......oui. Quel culte exige-t-il?l'hommage des curs. Quels autels ? la pureté de ces mêmes curs. Ce sont là ? ses temples, ses sanctuaires. C'est où il se plaît le mieux.
Cessons donc de substituer des mots à la chose. Les biens ecclésiastiques appartiennent viscéra-* lement aux pauvres. Ce sont les véritables propriétaires. Ces biens doivent fournir à l'entretien des bâtiments et des ministres.
En se chargeant, par l'Etat, des pauvres, de l'entretien des bâtiments, et de celui des ministres, les vux des fondateurs seront remplis.
Mais ces ministres ne peuvent exiger qu'on leur conserve l'administration de ces biens, dès qu'ils conviennent qu'ils ont été mal administrés. C'est donc, dans la main de l'Etat que doit rentrer cette administration.
C'est la moindre peine que mérite le déposi-v taire infidèle.
(l). Messieurs, frappé de l'importance de la question que vous k agitez, effrayé de ses conséquences, je me fais un devoir de vous soumettre mes réflexions: elles sont courtes ; mais je les crois dignes de votre attention.
Je n'examinerai point si le clergé est, ou non, propriétaire des biens qu'il possède : cette question a été traitée avec toute la solennité qu'elle mérite. 11 m'a paru démontré jusqu'à l'évidence, que chaque église est propriétaire de ses biens et que les titulaires en sont les usufruitiers graduels et perpétuels. Cette vérité est consacrée depuis mille siècles, dans tous les monuments de notre histoire et de notre législation. L'Eglise a reçu en propriété, elle a reçu comme propriétaire ; elle réunit en sa faveur tous les actes qui constituent et caractérisent une véritable propriété. Les lois et les coutumes lui ont tellement reconnu la capacité de posséder, qu'elles lui ont conféré celle d'acquérir et de perdre par la possession. Il est ^ sans doute impossible de concevoir des propriétés mieux affermies et plus assurées ; elles ont le. sceau des lois, du temps et de la religion. Si de pareils titres ne forment pas une barrière indestructible contre l'invasion, il n'y a plus rien de Vsacré. Quelles sont donc les raisons que la nation oppose contre une réunion de forces et d'autorités si puissantes et si respectables ? un esprit de système et de novation ; des idées abstraites et métaphysiques; l'abus du raisonnement.
Que la nation ait prétendu avoir le droit de surveiller l'administration des biens
ecclésiastiques, d'en ramener l'emploi à sa première destination et de le
déterminer, chacun y aurait applau-
Quels sont les avantages présentés à la nation ? l'acquittement de sa dette ; une plus forte mise de biens-fonds dans le commerce, et dans la distribution générale une plus grande source de produits et de richesses ; mais tous ces biens existeront-ils ailleurs que dans l'imagination ? n'est-il pas à craindre que des maux réels et effrayants, qu'il est facile de prévoir n'en prennent la place? Les biens du clergé dans les mains delà nation seraient administrés ou vendus : l'administration présente trop de dangers et d'inconvénients, on ne peut pas y penser : la vente n'en n'offre pas moins. Elle se ferait au même temps, par masse, ou en différents temps par partie ; par masse, on sent la perte qu'on éprouverait ; par partie, l'inefficacité. Les biens se dissiperaient et la dette resterait. En supposant qu'elle disparaisse, la nation se trouverait grevée au même instant d'une autre plus onéreuse puisqu'elle serait perpétuelle ; car enfin il faut doter le clergé, il faut assurer à tous ses membres une honnête subsistance. Elle ne ferait donc que substituer des créanciers perpétuel s à des créanciers passagers, à des créanciers dont les créances s'éteignent, ou peuvent s'éteindre d'un moment à l'autre. Et quels seraient les acquéreurs de ces biens, d'après le projet présenté ? les créanciers de l'Etat et les capitalistes?mais ces créanciers sont pour la plupart des étrangers. Ce serait donc des étrangers qui viendraient envahir ces belles et immenses propriétés, qui en consommeraient les produits chez eux, ou qui, les mettant en revente, profiteraientsurl'Etat, et exporteraient un numéraire considérable. Une pareille spéculation n'est sûrement pas politiquement bonne. L'intérêt de la nation est d'attirer le numéraire, et de conserver celui qu'elle a ; les Etats les plus florissants, sont ceux où il y en a le plus.
Les portions de biens qui échapperaient aux étrangers passeraient aux capitalistes, qui, accoutumés à tirer de gros profits de leur argent, pressureraient les cultivateurs, jetteraient la désolation et le désespoir dans des familles, jusque-là heureuses et paisibles ; ainsi, les accroissements de produits et de richesses dans l'invasion des biens du clergé ne seraient bien évidemment que pour les usuriers de l'Etat, pour ces infâmes agioteurs qui viendraient vous donner pour comptant des contrats et des effets qu'ils se seraient procurés à 50 0/0 de bénéfice.
Quant à l'avantage résultant d'une plus grande division dans les biens, l'exemple est plus fort que tous les raisonnements. Dans les endroits, ou il y a de grosses fermes, les terres sont mieux cultivées, et les ressources plus abondantes ; on en trouve la preuve dans les provinces belges et
dans celles où il y a le plus de maisons religieuses ; la culture y est portée à sa dernière perfection ; l'aisance se montre partout ; les secours y préviennent la mendicité. L'on ne voit donc pas encore sous ce point de vue le bénéfice que la nation pourrait faire en s'adjugeant la propriété des biens du clergé ; on ne prévoit au contraire que des maux.
Le décret d'expropriation du cierge serait un véritable anathème, un arrêt de proscription contre les ministres des autels. Les dépouiller, c est les vouer au mépris ; c'est porter le coup le plus funeste à la religion ; c'est la détruire. 11 n'y en a plus lorsque les ministres cessent d'être respectés ; et ils cesseraient de l'être. Ce décret comblerait les désordres, qui ne se sont déjà que trop fait sentir dans toutes les parties du royaume. On n'aura pas sitôt prononcé que les biens du cierge appartiennent à la nation, qu'une nouvelle insurrection va naître. Dans la plupart des provinces, une grande fermentation agite toutes les têtes ; elle est prête à éclater ; le peuple qui ne voit que la lettre, qui lira que les biens du cierge appartiennent à la nation, croira que ces biens sont à lui et pour lui, ou on l'excitera à le croire : chaque individu s'emparera de ce qui sera à sa convenance ; les abbayes, couvents et monastères seront assiégés; leurs titres envahis, leurs droits perdus ; et leurs grandes et superbes forêts, qui forment une richesse précieuse dans 1 Etat, détruites et dévastées. Puisse l'exemple que vous avez encore sous les yeux vous inspirer plus de prévoyance, et les désastres publics qui ont suivi le décret du 4 août nous préserver de ceux-ci ! En d'autres lieux, au contraire, tout sera protégé; la force s'armera contre l'injustice; votre décret sera repoussé et votre autorité compromise ; déjà cette résistance vous est annoncée par les réclamations qui se sont fait entendre de plusieurs provinces. Vous n'aurez donc fait qu'accroître les malheurs de l'anarchie. Eh ! qui pourra les arrêter ; il ne reste plus ni force ni autorité publique, tout est anéanti ; on a eu l'art malheureux de détruire sans recréer ; tous les pouvoirs semblent paralysés ; la force militaire est nulle; les tribunaux sont sans activité, et les municipalités sans confiance. Il devient donc aussi impossible de prévoir le terme de toutes ces calamités, que de déterminer les avantages que retirera la nation de l'appropriation des biens du clergé.
Car comme nous l'avons déjà observé, soit qu'on vende ces biens, soit qu'on les mette en administration, on ne peut en espérer aucun secours présentement efficace pour l'Etat.
Si on les vend, ce ne peut-être qu'à vil prix, parce que le numéraire est rare» et que, dans ce moment, il se trouve quatre à cinq mille terres à vendre, ou parce qu'on les achètera sans confiance.
Une telle masse de biens, d'ailleurs, mise tout à coup dans le commerce, ne pourrait qu'opérer une révolution très-nuisible dans les propriétés.
Si on les administre, on connaît l'esprit de fiscalité, qui se glisse et s'insinue partout, et qui, malgré la plus sévère surveillance, en dévorera la plus forte partie. Que vont devenir les grands biens des jésuites ? Quel profit en a tiré l'Etat ? Il est encore grevé de pensions, et il ne reste de la destruction de ce corps fameux, qu'une perte sensible pour la religion et l'éducation publique. Les mêmes regrets ne tarderont pas à suivre la confiscation des biens du clergé. La religion, le plus puissant lieu de l'ordre social, et le plus sûr fondement des empires, persécutée dans ses mi-rYisfrps s'affaiblira et s'éteindra bientôt; les au-
mônes cesseront; les ressources journalières et inépuisables que les pauvres trouvaient dans les charités toujours abondantes des maisons religieuses, seront perdues. Il est de fait, quoi qu'en disent leurs calomniateurs, qu'elles nourrissaient plus d'un million de malheureux : l'Etat se trou- ^ vera donc encore grevée de cette nouvelle charge. Par conséquent et sous tous les rapports possibles, moraux et politiques, la proposition de déclarer la nation propriétaire des biens du clergé, ne doit pas être accueillie par le Corps législatif ; elle est subversive de tout principe de morale, d'ordre public, de justice et d'équité ; elle est surtout dangereuse dans la circonstance actuelle ; elle ferme toutes les ressources datis un moment où « tous les besoins se font sentir, aux approches d'une saison rigoureuse. Il faut, Messieurs, laisser au clergé ses biens, mais en surveiller l'administration, en régler et déterminer l'emploi; il faut taxer sa contribution présenté et future aux charges de l'Etat. Ce droit appartient à la nation ; et cette contribution doit être forte et prompte, parce que les besoins de l'Etat sont grands et ^ pressants. On ne douté point d'après les offres généreuses du clergé et les sacrifices qu'il a déclaré être prêt à faire, de son empressement à l'acquitter, il remplira un devoir ; la nation n'aura usé que de son droit ; sa dette sera assurée ; la M religion garantie ; la confiance renaîtra ; les^ dé- , sastrespublics cesseront; les ressources de l'Etat et des pauvres seront conservés.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du procès-verbal de la veille, et des adresses des différentes villes et communautés ci-après :
D'une délibération des habitants de la ville d'Albert, contenant félicitations, remercîments et adhésion à tous les arrêtés de l'Assemblée, et en 1 outre la formation d'un comité permanent, pour : maintenir l'ordre et la tranquillité publique ;
D'une adresse de la ville de Rocliefort, conte- nant une délibération de l'assemblée générale de la commune, par laquelle elle adhère, de la manière la plus formelle, aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui où elle accepte de contiance le plan du premier ministre^ des finances ; et ladite commune s'engage eu ^ conséquence à payer aux termes prescrits le quart de ses revenus*;
D'une adresse de félicitations et reconnaissance des officiers municipaux de la ville d'Abbeville ;
D'une adresse du comité des différents corps delà garnison de Strasbourg, où ils protestent qu'ils ne connaissent point d'autre devoir que* d'être soumis aux décrets de l'Assemblée nationale, d'obéir au Roi pour faire exécuter les -lois et de déployer toutes leurs forces contre les ennemis de la nation ; ,
D'une adresse du comité permanent de la ville de Montélimar en Dauphiné, contenant une délibération par laquelle il proscrit les écrits sédi-
lieux qui sont semés pour détruire ou affaiblir r la confiance due à l'Assemblée nationale, et lui , renouvelle sa reconnaissance et son adhésion à tous ses décrets ;
D'une adresse, des ofticiers municipaux et T comité de la ville de Saint-Etienne en Forez, où ils attestent à l'Assemblée qu'ils protègent de tout ieur pouvoir la perception des impôts et le recouvrement des droits ; où ils adhèrent au plan ^.du premier ministre des finances, et notamment à l'abandon par chaque citoyen du quart de son revenu ;
D'une adresse de félicitations, remercîments, ». dévouement et adhésion des officiers municipaux de Ghâteauneuf-d'Isère, Saint-Marcel, Plovier, ' Fauconnières, et du régiment national de Valenti-nois ;
D'une adresse du comité permanent de la ville rde Paimpol, où il adhère avec zèle au décret de l'Assemblée nationale, par lequel elle accepte de confiance le plan de M. Necker, pour venir au secours de l'Etat ; elle demande aussi une justice yroyale, une amirauté et une municipalité;
Enfin d'une adresse de la municipalité et du comité de la ville de Mons, où ils présentent à l'Assemblée leur dévouement respectueux, et la ^supplient de considérer que le rétablissement de Tordre et de la tranquillité publique, la percep-1 tion des impôts, et le désir général de tous les citoyens, ¦exigent qu'elle s'occupe sans relâche >de l'organisation des municipalités.
On a annoncé un plan d'éducation nationale, dont l'auteur, M, le Clerc, chevalier de l'ordre du Roi, fait hommage à l'Assemblée.
M. Bory a remis des mémoires sur l'administration de la marine et des colonies.
M. l'abbé d'Ëspagnac, un plan de banque. M. Loiseau, avocat au parlement, un mémoire ksur les Etats provinciaux, comparés avec les administrations provinciales. M. le président a été chargé de faire à tous ces citoyens des remerciements de la part de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée a décrété que les offres patriotiques dont la soumission était douteuse, seraient ^renvoyées au comité des rapports, et elle a autorisé MM. les trésoriers à accepter ou à rejeter ces offres, selon qu'elles seraient recevables ou non.
On lit une lettre de M. Laborde de Méréville, l'un des membres de l'Assemblée. Elle est ainsi conçue :
« En acceptant les fonctions honorables dont ^mes commettants m'ont chargé, j'ai pris la ferme résolution de consacrer tous mes efforts à la , liberté ; ma vie et ma fortune appartiennent à la patrie ; j'offre une somme de 50,000 livres qui ^seront portées ce matin au trésor des dons patriotiques, pour être employées aux dépenses que le comité des recherches sera forcé de faire pour découvrir les coupables.
« Signé : Laborde de méréville. »
annonce une députation de messieurs de Saint-Victor. Les chanoines réguliers de cette abbaye offrent leur argenterie.
M. le président leur répond que l'Assemblée nationale reçoit avec satistaction l'expression de leurs sentiments, et accepte le don patriotique qu'ils offrent.
On annonce une confrérie de Paris, qui vient offrir une vierge d'argent de 1,072 livres.
M. le duc de Gharost, au nom de la société
royale d'agriculture, a offert un Mémoire sur les abus qui s'opposent aux progrès de Vagriculture. Ce mémoire, qui sera distribué à tous les membres de l'Assemblée nationale, est renvoyé au comité d'agriculture et de commerce (1).
s'adressant à la députation : L'utilité de vos travaux est connue de toute la France, et la société d'agriculture ne pouvait choisir des membres dont les sentiments pour le bien public fussent plus marqués.
Plusieurs communautés et villages de la Tou-raine offrent de payer six mois d'impositions de cette année d'avance. Ces offres n'étant signées que de quelques citoyens ne sont pas acceptées.
Iluit personnes de Toulon proposent de faire un établissement d'éducation national.
Les héritiers légitimes de la succession Thiery offrent la presque totalité de cette succession si on leur rend la justice qui leur est due. Depuis longtemps cette succession est échue ; le fisc et quelques hommes puissants s'en sont emparés * les tribunaux ont été sourds aux justes représentations de l'agriculteur et du journalier qui réclamaient la succession de leur cousin Thiery.
Les députés extraordinaires de la province d'Anjou, qui avaient été annoncés la veille, ont été introduits, et l'un d'eux portant la parole a dit :
Nosseigneurs, la province d'Anjou, persuadée que la volonté générale, exprimée par les représentants de la nation, doit être pour elle la voix du ciel même, a juré d'obéir respectueusement à vos décrets, d'en maintenir l'exécution par tous les moyens qui sont en sa puissance, et nous sommes chargés de déposer ses serments solennels dans le sein de votre auguste Assemblée.
Mais, Nosseigneurs, si l'Anjou a reçu avec la plus vive reconnaissance tous les décrets émanés de votre sagesse pour le bonheur des peuples et la prospérité de l'empire, il est impossible de dissimuler que votre arrêté du 23 septembre dernier, qui rétablit provisoirement la gabelle a produit un effet contraire à vos intentions et à l'esprit qui l'a dicté.
Tous les citoyens éclairés ont senti qu'en décrétant le rétablissement provisoire de la gabelle vous avez été déterminés par des circonstances impérieuses, et par la difficulté de remplacer quant à présent, d'une manière efficace et générale, un impôt nécessaire pour alimenter le Trésor public, et assurer la dette nationale.
Mais le peuple, incapable d'atteindre à la hauteur de vos idées, et d'en mesurer l'ensemble et l'étendue, n'a vu, dans votre décret, que la conservation d'un régime oppressif, et qui lui est insupportable.
En vain lui a-t-on dit que vous veniez au secours des contribuables en adoucissant le régime des gabelles ; que vous en promettiez une délivrance prochaine ; que le prix du sel était diminué de moitié ; que vous aviez sévèrement défendu ces visites inquisitoriales et tyranniques qui alarmaient les campagnes, et jetaient la terreur parmi leurs hahitants ; que vous aviez aboli les peines atroces qui, en assimilant le contrebandier à l'assassin, le déterminaient à le devenir ;
En vain lui a-t-on dit que vous aviez supprimé ces tribunaux de sang où des agents du
Un cri terrible et universel de proscription s'est élevé contre la gabelle. Soixante mille habitants qui composent la garde nationale de l'Anjou se sont armés.
Les barrières ont été renversées, les pataches détruites, les bacs brûlés.
Il a été fait défenses aux directeurs et aux receveurs de faire aucunes fonctions. Les armes et les chevaux des employés ont été vendus à l'encan. Le prix leur en a été distribué, et il leur a été enjoint de sortir dans le délai de trois jours des villes, bourgs et villages de l'Anjou.
Toute perception d'impôt a été ensuite interrompue. Les collecteurs de la taille, les préposés au recouvrement des vingtièmes, ont cessé de recevoir les contributions des redevables, et les habitants des villes et des campagnes ont déclaré qu'ils ne payeraient aucune espèce d'impôt, tant qu'on voudrait les assujettir au régime même adouci de la gabelle.
Le comité général d'Angers, justement effrayé de cette explosion populaire, a vu avec douleur que la proscription de la gabelle allait entraîner celle des autres impôts de l'Anjou, qui s'élèvent à plus de 12 millions; que ce malheur serait extrême et irréparable dans un moment où les besoins de l'Etat nécessitent des secours extraordinaires.
11 a considéré que l'Anjou se préparait à donner un exemple d'insurrection contagieux pour les autres provinces, et qu'une étincelle pouvait occasionner un embrasement général.
Il a cru qu'il serait impolitique, et que ce serait compromettre le respect, l'autorité et l'influence de vos augustes décrets, que de les mettre en opposition avec la volonté générale et fortement prononcée de six cent mille habitants d'une province.
Il a pensé qu'il est des circonstances impérieuses où le vu universel, exprimé d'une manière terrible et menaçante, ne laisse aux administrateurs de la chose publique aucune incertitude sur le choix du parti qu'il convient de prendre ; que le seul qui pût concilier la dignité de votre décret avec les mesures prises par la province, était d'en réunir les habitants en assemblée provinciale, pour les faire aviser au moyen de remplacer, d'une manière avantageuse pour tous, le vide immense qu'occasionnerait au Trésor de l'Etat la destruction consommée de la gabelle.
Que l'article 2 de votre arrêté portant que le rétablissement provisoire de la gabelle aura lieu, jusqu'à ce que le remplacement en ait été concerté par les assemblées provinciales, il en résultait que l'Anjou, réuni en assemblée provinciale, pouvait proposer un remplacement,
Toutes les villes et paroisses de la province ont été convoquées par le comité. Si leurs représentants à l'assemblée générale qui a eu lieu ont fait éclater leur haine contre la gabelle; s'ils ont juré d'établir leur liberté sur ses ruines, ils ont en même temps manifesté leur amour pour la patrie en cherchant à lui procurer des secours par les plus grands sacrifices.
Il a été arrêté que l'impôt de la gabelle serait remplacé par une prestation pécuniaire, à raison de 60 livres le minot, prestation libre et dégagée de tous frais de perception, ce qui triple le pro-
duit net actuel, qui n'est qu'à raison de 30 livres le minot, sur lesquelles 30 livres il faut déduire les frais de perception qui en absorbent à peu près la moitié.
Nous offrons de payer par avance les trois pre-miers mois du rôle.
Nous offrons d'assurer, et déjà nous assurons la perception des traites et du tabac par les gardes nationales des villes et des campagnes. Nous avons cru que la masse des impôts, en passant s dans des mains pures, coulerait plus entière au Trésor public, et que des citoyens militaires ennobliraient, en l'exerçant, un emploi dégradé par l'opinion qui tarait les anciens percepteurs. *
Peut-être dira-t-on qu'en acceptant le rempla- , cernent patriotique que nous offrons, la digue opposée à la contrebande sera rompue en Anjou, et qu'il s'y formera un courant qui, en inondant . les provinces au delà, y rendra illusoire la per- * ception de l'impôt.
Il faut d'abord nous accorder que si les autres provinces suivent la même marche, l'objection y devient nulle : si elles s'y refusent, ce qu'on ne peut présumer, alors pourquoi ne reporterait-on pas sur elles ces barrières qu'elles seules nécessitent, et qu'il est devenu impossible physiquement d'éleversur nous? Une armée de trente mille hom-^ mes pourrait les rétablir, mais elles ne les con- { serverait pas.
Oui, Nosseigneurs, aujourd'hui que la circulation du sel est plus libre que celle du blé-, aujour-v d'hui que les gens de la campagne ont ouvert leur cur à cette aurore de liberté, le seul soulagement qui soit à leur portée, le seul capable de leur faire bénir la révolution que votre sagesse a opérée ; les en priver, ce serait leur inspirer la plus funeste défiaficei; prétendre rétablir -provisoirement les barrières et l'esclavage, ce serait prétendre livrer provisoirement notre mal- 4 heureuse province à toutes les horreurs d'une guerre civile.
C'est en vain que nous leur avons dit que le régime de la gabelle est infiniment adouci ; ils ne nous entendent pas ; ils voient les mêmes noms, les mêmes agents, les mêmes formes et la même épouvante. Le peuple n'est point en-^ core assez accoutumé aux adoucissements réels ; il prend celui-ci pour un piège. Le moindre retour vers une longue servitude est un sujet de désespoir pour les curs qu'elle a flétris. Le mal-'" heureux qui vient de briser ses fers, n'aperçoit pas, sans frémir, sa prison, ses geôliers et les débris des chaînes dont il est blessé. Enfin, adoucie ou non, la Labelle leur fait horreur; ils s'eiy croyaient délivrés, et tous les raisonnements possibles ne sauraient leur faire goûter l'allège- ment d'un impôt dont le nom seul les révolte.
Telle est, en effet, Nosseigneurs, la disposition# des Angevins, qu'ils ne pourraient voir sans frémir le rétablissement de la gabelle, sous quelque modification que ce pût être.
Cet horrible impôt pèse sur leur tête depuis des siècles ; et ce long espace de temps, loin de les""; façonner à la servitude, n'a fait que leur inspirer 4 plus d'aversion : elle est telle, qu'il n'est pas un habitant des villes et des campagnes qui ne soit prêt à sacrifier sa vie pour repousser la force qui* tenterait de rétablir un régime odieux, et des flots de sang inonderaient l'Anjou avant que la gabelle y pût renaître.
Or, quelle effrayante perspective pour cette*! bonne et sage province, que l'heureux naturel de ses habitants a préservée jusqu'ici de ces con- -vulsions meurtrières, de ces déchirements terri-
bles qui en ont ensanglanté tant d'autres, de se w voir menacée de la guerre la plus cruelle?
L'Anjou, Nosseigneurs, se glorifie d'avoir donné ' des témoignages de son dévouement et de son adhésion à vos décrets, en les exécutant et en les y maintenant avec le même courage et la même énergie qui les a dictés. Si daus ce moment, il vous adresse ses humbles remontrances relativement à votre arrêté du 23 septembre, ne . voyez que l'intention de vous exposer simplement les obstacles invincibles qui s'opposent à son exé-r cution.
Daignez permettre que notre zèle anticipe sur y le bonheur préparé à la France, en suivant les vux exprimés dans les cahiers, qui tous se réunissent pour demander l'abolition de la gabelle, si justement abhorrée. Nous nous serions fait un devoir d'attendre le résultat de vos opéra-; tions; mais cédant à la loi impérieuse de la nécessité, nous avons cru nous rendre plus utiles en ' adoptant un plan qui, sans nuire à l'intérêt général, nous préserve de tous les malheurs particu-y liers.
Lors donc que, par un rachat universellement consenti, la province d'Anjou se réunit aux provinces rédimées, pourrait-on lui refuser le droit x de rejeter de son sein jusqu'à la moindre trace r de la gabelle, dont la seule dénomination, rappelant de désastreux souvenirs, est pour tout le peuple un signal de scandale et d'effroi ?
a répondu : L'intérêt d'une grande province, fortement exprimé par des citoyens qui protestent de leur zèle et de leur soumission aux décrets de d'Assemblée nationale, la trouvera toujours disposée à peser, dans sa justice et dans sa sagesse, leurs réclamations. Les circonstances locales que vous avez développées dans votre pétition seront soumises à sa considération, et elle emploiera les moyens compatibles avec l'intérêt public, pour "ramener les peuples à la subordination et à l'ordre général dont ils ne peuvent s'écarter sans compromettre la sûreté du royaume. Laissez vos procès-verbaux et requêtes sur le bureau.
priele comitédes recherchesde , s'assembler ce matin pour s'occuper de la malheureuse affaire de Troyes. Il y a plus de quatre- vingts accusés, les prisons en sont remplies, il y en a jusqu'à vingt dans un cachot : les prisonniers sont à chaque moment exposés à perdre la vie.
observe qu'il convient de porter un décret pour renvoyer au pouvoir exécutif sur les mesures à prendre " pour conserver la vie aux prisonniers.
Les administrateurs des postes ont offert de remettre, franc de port, à tous les membres de l'Assemblée les paquets contenant des imprimés qui leur seraient adressés V des provinces.
L'Assemblée décide que les administrateurs des - postes seront remerciés par M. le président, mais elle ne croit pas devoir accepter leur offre.
a dit ensuite qu'il avait demandé au Roi : 1° la sanction sur le décret du 5 octobre, concernant la libre circulation des grains;
2° Sur l'arrêté du 15 octobre, qui détermine la nouvelle forme de nomination des suppléants.
Il a ajouté qu'il avait prié Sa Majesté de faire
adresser à tous les tribunaux les arrêtés du 4 août.
3° Qu'il avait demandé précédemment la sanction sur le décret contre les attroupements, qui avait été accordée verbalement mercredi au soir, et celle sur le décret gui autorise provisoirement le Châtelet de Paris à juger en dernier ressort les prévenus et accusés de crime de lèse-nation.
Celle-ci a été accordée hier au soir ; mais celle sur l'affaire de Rouen a été suspendue momentanément.
a fait lecture d'une lettre du Roi, dont la teneur suit :
« Je vais sanctionner et faire publier le décret qui autorise provisoirement le Gnâtelet de Paris à juger en dernier ressort les prévenus et accusés du crime de lèse-nation.
« J'ai donné ma sanction au décret d'une loi martiale ; elle va être adressée à tous les tribunaux ainsi qu'à toutes les municipalités. »
L'Assemblée ajourne à lundi prochain, deux heures après midi, la pétition de la députation de la province d'Anjou.
L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur les biens ecclésiastiques.
(de Nemours). La question est de savoir à quel degré le clergé est propriétaire. Je suis plus que personne obligé d'examiner cette question avec scrupule, car il y a vingt-cinq ans que je me suis dévoué, sous les plus grands maîtres, à l'étude des propriétés.
La société n'est composée que d'individus qui possèdent ou individuellement ou en corps.
Le clergé a été une grande corporation en France ; elle a été, sous la première et la seconde race de nos rois, le second ordre de l'Etat; elle ne devint le premier que sous la troisième race.
Cette corporation avaitdes propriétés; elle levait des décimes sur ses membres; elle avait des officiers, faisait des règlements ; elle s'assemblait; elle avait l'air d'une république dans l'empire ; elle n'a pas fait bon usage de son autorité.
Ce n'est pas la faute des individus, mais c'est l'esprit de corps que l'on opposait à l'esprit publie; au reste, dès qu'on entre dans une corporation. il faut l'aimer comme on aime sa famille : ce sont les plus grands hommes qui sont les plus imbus de l'esprit de corps. Tous les membres du clergé sont pleinement justifiés de l'abus qu'il a fait de son état de corps; mais le corps seul est coupable.
Cet esprit de corps est injuste, soit par rapport à la société, soit par rapport à lui-même.
Ce n'est que de l'année dernière que l'on sait que le clergé doit payer, et depuis 1600 il paye bien moins que la noblesse. Depuis cette époque, si le clergé eût payé, même sur le pied du second ordre, il y aurait dans vos finances une somme de 2,750 millions.
Vous verrez que l'on a tenu compte au clergé des intérêts des intérêts.
On ne touche pas à l'arche sainte impunément. (L'orateur est interrompu; plusieurs membres veulent le rappeler à l'ordre. Il continue.)
Par rapport au clergé lui-même, son état de corporation ne lui a pas été beaucoup plus favorable.
Le clergé n'a payé que par des emprunts; le clergé passé a engagé le clergé présent, et le
clergé présent, si l'on n'y apportait un terme, engagerait le clergé futur. Maintenant que sont devenus les biens du clergé ? Cette corporation possédait; aujourd'hui elle n'existe plus, elle ne possède donc plus.
La corporation détruite et les individus subsistant, il faut examiner les biens; que vont-ils devenir? cette question n'est pas difficile à résoudre. Quand on a détruit les jésuites, il n'y a pas eu de doute sur les propriétés; il y avait des créanciers, et il a fallu les payer.
Le clergé n'a pas de propriété ni sur la dîme, ni sur les biens-fonds.
Le clergé n'a pu être propriétaire des dîmes, parce qu'on ne peut être propriétaire d'un impôt. Le clergé ne peut être propritaire des biens-fonds, puisqu'il n'est qu'usufruitier.
Les biens appartiennent donc d'une manière jndivise à la société entière; mais sur ces biens, il est des dépenses à faire ; il faut prendre la dotation des curés, qui doit être augmentée, soit en raison des feux, soit en raison des hameaux plus ou moins écartés.
Relativement au clergé, vous ne ferez aucune injustice, en conservant les revenus à ceux qui en jouissaient, et quand vous ferez entre les membres de cette ancienne corporation un partage égal, soit pour les localités, soit pour des fonctions plus pénibles.
Mais je me résumerai, en disant que vous aurez accordé aux membres du clergé tout ce qui leur est dû, en assignant leurs droits sur les impôts, en déclarant qu'ils ne seront soumis à aucune imposition *, car donner et retenir est contradictoire. Les membres du clergé ne seront contribuables que pour les biens patrimoniaux, comme ils en sont convenus.
Je présenterai un projet de décret, lorsque l'Assemblée voudra décider cette grande question.
Déclarer que les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation, qui ne les demaqde pas, c'est faire une chose injuste.
Le clergé est propriétaire, il a reçu, il a acquis à deniers comptants et par échange, etc., et ces actes ne sont pas ceux d'un usufruitier, mais d'un propriétaire.
Jetez un coup d'oeil sur les circonstances des acquisitions depuis Constantin jusqu'à Clovis, depuis Clovis jusqu'à Louis XVI, vous y verrez que toutes les donations ont été confirmées par les rois. Si l'on dit que la nation peut supprimer les corps et s'emparer de leurs biens, il n'y a plu3 de propriété sacrée. Réformons les abus ; cette tâcheest digne des représentants de la nation. Que le clergé donne un état de ses biens ; s'il a du superflu, il en doit secourir l'empire; mais pour l'honneur du siècle, n'attaquons pas les propriétés, ne portons pas d'atteinte à une religion auguste.
Lorsque Clovis fonda l'empire français dans les Gaules, le clergé qui y était établi payait les impôts; Clovis ne voulut même pas s'en emparer, quoique conquérant, et il fonda lui-même des églises. Clotaire confirma ses donations ; Charles-Martel s'empara des biens de l'Eglise, et les distribua aux chefs de son armée : ceux-ci lui étaient plus utiles.
Le petit-fils de Charles Martel, Charlemagne, a reconnu la propriété de l'Eglise. Nous avons un capitulaire de Charles le Chauve qui atteste cette vérité.
Hugues le Grand a reconnu le même principe.
Henri III a ordonné que les fondations seraient respectées.
Le gouvernement a permis au clergé d'acquérir, et il encouragerait de le dépouiller ensuite !
Telle est, Messieurs, l'analyse des faits qui déposent en faveur du clergé. Mais la nation a-t-elle quelque droit sur ces propriétés? Elle a le droit de souveraineté; mais elle ne peut envahir les propriétés; elle doit respecter les propriétés d'un corps comme celles d'un individu.
Cependant je demande la suppression des abbayes commendataires, la suppression de tous les abus ecclésiastiques, la réforme du clergé du premier ordre; enfin l'on peut ramener le clergé à l'esprit primitif de l'Eglise.
jeune. Lorsque les partisans du clergé parlent en sa faveur, lorsque l'on parle contre lui, l'un et l'autre doivent être persuadés que, dans le fond de leur conscience, on rend hommage aux sentiments de ceux qui donnent leur opinion. Bannissons donc ce terme de spoliation qui n'aurait jamais dû être prononcé. La question que l'on agite, on l'attribue à la philosophie nouvelle, mais je prouverai qu'elle est très-ancienne. D'abord, posons des faits.
Premier fait. Le clergé ne peut aliéner sans l'autorité du souverain, qui est le représentant de la nation.
Second fait. Il ne peut assigner ses biens comme hypothèque; il ne peut emprunter sans l'autorité du souverain.
Troisième fait. Le souverain peut diviser ou réunir les biens du clergé, et en changer la destination.
Quatrième fait. Le souverain nomme aux évê-chés, abbayes, etc. La nation est donc le collâteur universel des bénéfices.
Cinquième fait. Dans la vacance des bénéfices, les revenus sont versés dans le Trésor public, et non dans celui du clergé.
Sixième fait. Une tradition sacrée, qui remonte au berceau du christianisme, énonce que les biens possédés par le clergé sont les biens.des pauvres.
Septième fait. Sous toutes les dynasties de nos rois, la nation, dans les besoins public?, tourna toujours ses regards sur les biens du clergé.
Ainsi chaque fait, chaque loi enlève, un à un,J au clergé, tous les caractères qui distinguent les propriétaires des usufruitiers. Ainsi, la nation n'a jamais regardé le clergé comme propriétaire ; elle a, au contraire, fait continuellement des actes de propriété sur les biens du clergé.
Les biens ecclésiastiques ont été donnés parles fondateurs à la nation, et non au clergé : ceci se prouve encore par des faits. ¦«
Premier fait. Les titres de fondation ne donnent pas au clergé de France.
Second fait. Les titres de fondation ne donnent jamais à tel ou tel individu du clergé.
Troisième fait. Les titres de fondation sont gé-néralement énoncés dans les termes suivants : « Je fonde telle chapelle pour le service public du canton, etc. Je donne telle somme pour qu'elle
soit employée en messes, en prières pour le repos de mon âme, etc. »
Quatrième fait. La nation est toujours intervenue daus les fondations. Gela est si vrai, que lorsque les fonds n'étaient pas suffisants pour acquitter le service, la nation obligeait les héritiers à ajouter à ces fonds.
Je conclus du premier et du second fait, que puisque les fondations n'ont été données ni au corps ni aux individus, elles n'appartiennent pas au clergé; du troisième et du quatrième, que puisque c'est à condition d'actes publics et nationaux que les fondations ont été faites, la nation est propriétaire des fondations; que puisqu'elle a permis, elle est propriétaire de ce qu'elle a pu accepter et refuser. .
Les expressions des chartes établissent que les fondateurs ont toujours pensé au culte public, à des établissements publics, et dès lors toujours à la nation. ,
Que le nombre des ministres soit trop grand, que les ministres paraissent trop riches, que la religion, et je prie qu'on n'envisage ici ma supposition que comme une forme de raisonnement, que la religion, dis-je, paraisse favoriser le dérèglement et détruire les moeurs... la nation n'au-ra-t-elle pas le droit d'abolir la religion, le culte et les ministres, et d'en appliquer les fonds aune religion plus morale, à la prédication de la morale elle-même?Ne pourra-t-elleni diminuer le nombre des ministres, ni diminuer leur richesse, ni changer la religion?
Je n'ajoute plus qu'une considération : il importe à la nature d'une constitution publique et d'une nation que les fonctionnaires ne soient payés que par la nation. S'ils sont propriétaires, ils peuvent être indépendants ; s'ils sont indépendants, ils attacheront cette indépendance à l'exercice de leurs fonctions. (On applaudit.)
On demande d'aller aux voix sur le principe de la propriété du clergé.
Plusieurs ecclésiastiques veulent répondre aux discours qui ont serré de plus près leur cause; il serait injuste de ne pas les entendre.
La question des fondations n'est pas assez discutée; je demande à édifier entièrement l'Assemblée sur cet objet. Une question aussi délicate ne pourrait jamais être traitée avec trop d'étendue et d'une manière trop complète.
annonce qu'on vient de lui remettre un mémoire des ministres du Roi sur la partie du décret du 21 de ce mois, qui les concerne.
Un de MM. les secrétaires donne la lecture de ce mémoire qui est ainsi conçu:
Mémoire des ministres du Roi
adressé à VAssemblée nationale, le24 octobre 1789(1).
Messieurs,
Les ministres du Roi, avant de s'expliquer sur la partie de votre arrêté du 21 de ce mois, qui les concerne, ont cru devoir la transcrire ici:
« Que les ministres du Roi déclareront positi-
On n'a pas besoin de le dire, ce n'est jamais que par les faveurs de la providence, que d'heureuses moissons, que la subsistance d'un royaume tel que la France peut être assurée. Les suppléments que fournissent les pays étrangers n'ont point de proportion avec les besoins journaliers ae vingt-six millions d'âmes ; ils n'en ont même aucune avec la consommation annuelle de la capitale, puisque cette consommation, aujourd'hui de plus de trois mille setiers par jour, et naguère de quatre mille, forme daus le cours d'une année une quantité immense. Cependant, les pays qui nous avoisinent ne nous offrent aucun secours ; l'Espagne et la Suisse ont des besoins continuels; lesEtatsd'Allemagnequi touchent à nos frontières, ont presque tous interdit l'exportation, et la Lorraine et le pays Messin y cherchent en vain des secours suffisants ; la Flandre autrichienne, réduite au simple nécessaire, est forcée d'adopter le même système. La liberté d'exportation qu'on avait espérée d'Angleterre n'a point encore eu lieu. Le roi de Prusse vient de défendre la sortie des grains de tous ses Etats ; les marchés de Hollande sont épuisés ; et l'on y attend avec impatience des secours du Nord, mais ils ne seront abondants qu'après l'hiver et à l'époque delà fonte des ^Itices»
Il devient donc plus nécessaire que jamais de s'opposer à toute espèce d'exportation de blés en France. Cette exportation y a été défendue sans aucune interruption dès les commencements du mois de septembre de l'année dernière, et vous avez eu d'autant plus de raison, Messieurs, de confirmer cette disposition, que la fraude avait été rendue plus facile depuis que les violences des faux-sauniers et des contrebandiers de tabac ont dispersé les employés placés aux frontières de plusieurs provinces, et qu'ils ont été enhardis dans beaucoup d'endroits par le concours des habitants des lieux mêmes. Les ordres les plus continuels et les plus actifs ont été donnés de la part du gouvernement, pour réparer l'effet de ces malheureux excès. On a établi des cordons de troupes pour suppléer à l'inspection des préposés aux douanes ; le zèle des municipalités a été partout excité, et des fermiers généraux ont été chargés de missions particulières pour concourir par eux-mêmes au rétablissement des barrières. Il est résulté de ces différentes précautions, que l'exportation est à peu près réprimée entièrement partout, et diverses lettres dignes de foi, qui seront mises sous vos yeux, attesteront cette vé-rité. ...
L'administration des subsistances pour la ville de Paris est remise en entier aux représentants de la commune; cette disposition est rétablie depuis l'époque des changements arrivés dans la municipalité de la capitale. Il était naturel qu'une administration si importante fût confiée aux représentants des citoyens de Paris, du moment que toutes les autres parties de l'administration de la ville étaient soumises à cet ordre de choses. Nous savons que la municipalité s'est livrée a cette gestion avec le plus grand zèle ; mais elle a dû nécessairement éprouver les avantages et les in-
convénients attachés à une administration collective, sorte de gestion qui assujettit à une multiplicité d'avis et d'opinions, en même temps qu'elle procure une grande diversité de moyens. L'assemblée municipale rendra sûrement la justice aux ministres du Roi, et à celui de la finance en particulier, que tous les genres d'assistance dont elle a montré le moindre désir lui ont été prodigués. Les crédits nécessaires ont été ouverts dans l'étranger, soit à ses députés, soit à ses correspondants ; il existe actuellement des ordres d'achats dans les lieux où l'on peut espérer des secours, et ces ordres ont été transmis directement par l'administration des finances, quand cette marche a paru préférable. On est prêt à vous donner à cet égard toutes les informations de détail que vous désirerez, et sûrement vous trouverez de la part de la municipalité le même empressement à vous satisfaire. Les ministres du Roi ont vu avec peine que vous avez détruit votre comité des subsistances, puisqu'il eût été précieux pour les représentants de la commune de Paris de recourir à ses lumières, et que les ministres du Roi auraient pu confier à ce comité, les détails de tous les sacrifices d'argent que fait le Roi pour seconder les efforts de la municipalité.
On a proposé de donner une prime aux boulangers, on a proposé de leur faire des avances. Le Roi a consenti à tous ces sacrifices. 11 y a eu une différence considérable entre les prix d'achat et les prix de vente:- le Roi l'a supportée, et tous les frais de voiture, d'escorte et de manutention sont encore retombés à la charge du Trésor royal. Ce Trésor n'est pas riche, vous le savez bien, Messieurs, et le numéraire effectit'surtout est d'une rareté extrême. Cependant, quand il faut des fonds dans quelque localité, les représentants delà commune s'adressent au gouvernement, et il met toujours ces sortes de demandes au rang de ses dépenses les plus pressées.
On a mis récemment sous les yeux du Roi l'état de tous les vaisseaux expédiés pour le compte de Sa Majesté, depuis la fin de l'année dernière avec la destination pour les deux ports seulement du Havre et de Rouen ; leur nombre se monte à 502, et les approvisionnements qu'ils ont apportés s'élèvent à plus de 23 millions. Paris eût donc été livré à la plus affreuse famine, sans les soins paternels de Sa Majesté; et si le ministre des finances consentait à vous instruire des moyens personnels dont il a fait usage pour procurer de si puissants secours au milieu du discrédit et de la pénurie des finances, vous verriez, Messieurs, que le caractère des hommes doit être mis au nombre des garanties les plus dignes d'attention.
On doit ranger parmi les facilités accordées aux représentants de la commune, l'autorité qui leur a été confiée par le Roi, dans toute l'étendue de la généralité de Paris relativement aux subsistances ; autorité réglée à l'instar de celle dont jouissaient autrefois les intendants de cette généralité et les lieutenants de police de la capitale. Le Roi, de plus, en déférant à la demande de la municipalité, a cru devoir réserver à l'approvisionnement particulier de la capitale, tous les grains recueillis autour de Paris, dans une étendue de 15 lieues de rayon.
Mais malgré ces divers encouragements les difficultés que rencontre l'administration de l'hôtel-de-ville sont infinies ; et quoiqu'elle puisse seule vous en donner une exacte information, il est connu du gouvernement que les obstacles apportés à la libre circulation contrarient à chaque
instant ses mesures, et presque toute la France est exposée aux mêmes traverses. Vous avez confirmé par deux décrets les lois qui ont ordonné depuis longtemps la pleine liberté de la circulation des grains, et vous êtes sûrement instruits de la résistance formelle qu'on oppose à ces décrets dans la plupart des provinces.
Les villes maritimes de Bretagne ne peuvent pas recevoir de l'intérieur de cette province l'approvisionnement qui leur est nécessaire; encore moins peut-on obtenir que le superflu de A de cette même province puisse servir au soulagement du reste du royaume.
Le Roussillon refuse" au Languedoc les secours dont il a besoin; le Haut-Languedoc prend de l'ombrage des secours que le reste de la province lui demande. Le Lyonnais n'obtient qu'avec des peines infinies de légers secours de la Bourgogne; le Dauphiné se cerne en conséquence. D'autres r provinces suivent le même exemple; et le Havre, Caudebec et Rouen ont retenu et retiennent encore une partie des approvisionnements achetés par le Roi, pour le secours de la ville de Paris. . On ne finirait point, Messieurs, si l'on entrait dans le détail des résistances qu'opposent non-seulement les provinces, mais encore les municipalités et souvent les plus petits villages à la libre circulation des grains. Les alarmes que la 4 mauvaise récolte de l'année dernière a occasionnées ont fait une impression si vive, que chacun crain t de n'avoir pas son approvisionnement de l'année, et refuse de secourir ses voisins ; et il 1 faut à chaque instant que l'administration, tantôt par des ordres, tantôt par des menaces, tantôt par les moyens de force qu'elle peut employer, tantôt par des encouragements pécuniaires, sou- vent par des représentations et quelquefois même par des prières, s'applique à lever des difficultés sans cesse renaissantes; et cependant elle ne manque jamais de faire sentir les malheureuses conséquences d'un défaut de respect pour les décrets de l'Assemblée nationale.
Vous manifestez le dessein, Messieurs, de procurer au gouvernement les moyens nouveaux qu'il vous demanderait ; mais vous paraissez vouloir exiger que les ministres soient ensuite responsables de l'inexécution des lois. Une telle condition ne nous semble pas juste : il faudrait assurer l'obéissance partout; et à partir du point où nous sommes, cette obéissance complète n'est pas l'ouvrage d'un moment. Toute la France est r en armes. Les chefs des milices n'ont point été nommés par le Roi et ils ne reçoivent point ses ordres directes. L'ancienne subordination des troupes est attaquée par des insinuations de tout m genre. Les tribunaux attentifs à ce qui se passe dans votre Assemblée, sont inquiets de vos dispositions prochaines et leur découragement se manifeste partout. La considération des magistrats, celle même attachée aux grandes places d'administration, s'affaiblit journellement; et cette autorité morale qui sert de supplément à la puissance réelle, est presque prête à s'éteindre. En même temps la juste liberté de la presse transfor- M mée dans une licence sans bornes, livre aux plus infâmes impostures la réputation de tous ceux qui se vouent aux affaires publiques ; et pour en rendre l'effet plus dangereux, on les répand avec 4 art dans les dernières classes du peuple, et on s'efforce de détruire en elles les sentiments d'estime et de respect qui leur servent encore- de liens.
Nous devons ajouter que par un très-grand malheur les décrets de l'Assemblée nationale, cette dernière sauvegarde de l'ordre et du retour
de la tranquillité, n'ont point encore acquis l'ascendant qu'ils obtiendront avec le temps ; on y défère avec empressement dans ce qui est profitable aux intérêts particuliers, mais on élude leur autorité quand il est question de sacrifices. Enfin l'intérieur des villes, les municipalités, les comités permanents, les districts, les troupes bourgeoises, les corps de volontaires, présentent en beaucoup d'endroits un spectacle de désunion, l et les amis de la patrie, les vrais citoyens de l'Etat, cherchent en vain où est la paix, où est la subordination qu'elle inspire, où est la concorde qui la promet ; partout un esprit dangereux d'indépendance se mêlant à l'amour vertueux de la liberté, offre un amas confus de craintes et d'espérances, dont le temps seul et vos généreux soins peuvent tirer un résultat favorable à notre bonheur.
Que pourriez-vous donc faire, Messieurs, en assez peu de temps, pour demander avec justice , que les ministres deviennent responsables de l'exécution des lois! Ah! si leur caution pouvait garantir le retour de l'ordre, ils n'hésiteraient pas à la donner au risque de tout ce qui pourrait leur être personnel. D'ailleurs, en aucune espèce d'administration publique, qui pourrait promettre autre chose que le dévouement entier de son zèle et de ses facultés ? On ne demande pas à un , général entouré de soldats, qui dans un espace circonscrit obéissent en silence à son commandement, on ne lui demande pas d'être caution du sort d'une bataille ; et à l'instant d'une disjonction générale qui s'étend d'un bout du royaume à l'autre, vous voudriez exiger des ministres du Roi qu'ils indiquassent les moyens à l'aide desquels ils se rendraient garants de l'exécution universelle des lois. Vous trouverez sûrement en y réfléchissant, Messieurs, qu'une telle obligation ne peut leur être imposée.
Les ministres du Roi vous déclarent donc, Messieurs, qu'ils ne contracteront point un pareil engagement et que si vous insistiez à l'exiger, si vous y insistiez avec le vu de la nation, ils céderaient leurs places aux hommes téméraires qui vous feraient de telles promesses. Mais les personnes qui sont sages et circonspectes dans y leurs engagements, ne sont pas celles dont on doit le moins attendre, et vous pouvez bien compter, Messieurs, que les ministres du Roi, fidèles à vos intentions, se serviront avec Je plus ^ grand zèle des moyens que vous déposerez entre les mains du Roi, et qui leur seront confiés par Sa Majesté.
Vous demandez aux ministres de déclarer b positivement quels doivent être ces moyens; mais vous avez connaissance comme eux de l'état des affaires générales et un tableau raccourci des circonstances présentes vient d'être mis sous vos } yeux. Le pouvoir exécutif affaibli, presque détruit, exige absolument de vos soins une régénération efficace : ce n'est pas seulement l'ordre public, la tranquilité des citoyens, la communication des subsistances qui vous en font une loi ; c'est encore le maintien de la liberté; car ce bien si pur, si précieux, est cependant le premier que les méchants sacrifient, quand leur intérêt les y appelle.
Ainsi c'est pour défendre cette liberté que vous avez besoin d'une puissance qui les réprime et qui leur résiste; mais une simple indication des moyens les plus propres à remplir ce but ne serait pas suffisante; car on ne peut se dispenser de considérer en même temps le rapport de chacun de ces moyens avec les principes fonda-
mentaux de la Constitution que. la nation désire établir d'une manière solide. Ainsi des questions si vastes, des questions qui vous occupent depuis plusieurs mois, ne peuvent pas être réduites à une simple déclaration ministérielle des moyens nécessaires pour assurer la libre circulation" des grains. Il faudrait être appelé à traiter ces objets avec vous, Messieurs, dans leur ensemble; il faudrait au moins pouvoir les discuter par voie de conférence, et les ministres du Roi accepteront toujours avec empressement les rapprochements de tout genre que vous désirerez avoir avec eux. Les sentiments généreux de Sa Majesté nous sont connus ; ainsi vous nous trouverez et comme ses ministres, et comme citoyens, également pénétrés de la nécessité d'assurer les fondements d'une Constitution libre et heureuse, et de la nécessité aussi de chercher à ramener dans le royaume l'ordre, la paix et la subordination. Ce sont ces deux intérêts éminents qu'il faut concilier, qu'il faut faire marcher de front, si l'on veut prévenirla subversion dont nous sommes menacés, et rendre les Français heureux et la France prospère. Il en est temps encore, on doit l'espérer; il ne faut qu'une intention véritable et commune, il ne faut qu'un abandon, qu'une suspension du moins des méfiances et des passions personnelles qui luttent contre le bien public. Ah! que de reproches nous seront faits, que de larmes nous verserons, si au lieu d'un siècle de lumières, la confiance généreuse de tout un peuple n'a pas produit ces heureux effets avec tant de moyens pour y réussir! C'est l'objet ardent de nos vux, c'est le terme chéri de nos souhaits, et vous nous trouverez réunis à vos sentiments de la manière la plus franche et la plus entière.
Il faut cependant un autre lien entre vous, Messieurs, et les ministres du Roi, et vous seuls pouvez le garantir; c'est celui d'une confiance fondée sur les sentiments d'estime qu'ils ont droit d'attendre de vous, comme de tous les Français que vous représentez. Et si d'autres personnes, avec plus de moyens et de ressources qu'eux pour captiver votre bienveillance, obtenaient par là des facilités particulières pour servir le Roi et l'Etat, n'hésitez pas à les indiquer, et nous irons au-devant d'elles, il faut aujourd'hui bien moins d'efforts, bien moins de vertu pour sacrifier les grandes places que pour les garder, et vous croiriez aisément à cette vérité, si vous connaissiez comme nous toutes les peines et toutes les angoisses qui accompagnent l'administration, et combien il faut de constance dans l'amour du bien, pour n'être pas découragé.
Signé : I'archevèque de Bordeaux, le maréchal de Beauvau, le comte de Montmorin, le comte de La Luzerne, Necker, le comte de Saint-Priest, 1'ancien archevêque dé Vienne, le comte de La Tour-du-Pin.
Un membre demande que le mémoire des ministres soit imprimé et distribué.
consulte l'Assemblée qu* décide qu'il n'y a pas lieu de délibérer.
invite les députés à se réunir dans leurs bureaux pour procéder à la nomination d'un nouveau Président et de trois secrétaires, ainsi que de deux inspecteurs du travail des commis du secrétariat.
propose de continuer pendant huit jours M. Fréteau dans la place de président.
Cette proposition est vivement accueillie par une grande partie de l'Assemblée.
remercie l'Assemblée de cette marque de confiance et de l'honneur qui lui est fait, mais il rappelle les termes du règlement et insiste pour que les bureaux procèdent sur-le-champ à la nomination de son successeur.
La séance est levée et celle de demain indiquée pour 9 heures du matin.
à la séance de VAssemblée nationale du
OBSERVATIONS de M. le duc de Uancourt sur la réclamation faite par la province d'Anjou, relativement au décret de l'Assemblée nationale du 23 septembre sur les gabelles (t).
Messieurs, les délibérations et les arrêtés pris par la province d'Anjou, le 6 octobre, sur la perception de l'impôtdu sel, peuvent être considérés sous deux rapports; et quoique le seul rapport des recettes et de l'influence que peut avoir cette conduite de l'Anjou, sur les recettes des autres provinces, semble être de la compétence du comité des douze en finances, auquel cette affaire est renvoyée, il est nécessaire de la présenter sous les différents aspects qui lui appartiennent.
Elle peut être considérée, et comme conduite politique de la province, et comme opération de linances.
Gomme conduite politique, elle présente encore deux faces.
Si l'Assemblée nationale la considère absolument, en elle-même, abstraction faite des différents motifs qui ont pu la déterminer, et avec la rigueur d'un juge sévère, sans doute elle trouvera qu'une convocation de toute une province faite, l'Assemblée nationale tenante, sans qu'elle ait été même consultée, est repréhensible; sans doute elle trouvera plus à reprendre encore à un arrêté fait par l'assemblée d'Anjou, qui non-seu-lement n'est point dicté par l'esprit de votre décret, mais qui est contraire à son intention et à sa lettre.
Mais si la sagesse de l'Assemblée nationale, cherchant à pénétrer les motifs de cette convocation et de cet arrêté, en apparence si condamnables, porte un regard attentif sur les circonstances qui les ont provoqués, il semble qu'elle en jugera autrement, et qu'elle pourra reconnaître, dans la conduite de la province d'Anjou, des vues que son amour de la paix et de l'ordre sera contraint d'approuver.
La suspension de l'impôt de la gabelle, que les troubles du mois de juillet avaient opérée dans tout le royaume: les approvisionnements considérables de sel faits dans toutes les provinces, ont persuadé au conseil du Roi que cet impôt ne pouvait plus se percevoir dans toute son étendue. La justice, la raison, l'humanité, réclamaient
depuis longtemps contre sa suppression totale; elle avait été prononcée il y a déjà deux ans par le Roi; elle était dans la résolution de l'Assemblée, mais il fallait remplacer un revenu de 59 millions, et ce remplacement devait être préparé. Sollicitée par le premier ministre des finances, l'Assemblée nationale a décrété une diminution de moitié sur cet impôt, auquel elle a ordonné une durée provisoire de six mois.
Les habitants de la province d'Anjou gémissant sous le régime de la gabelle, d'autant plus malheureusement que, plus voisins d'une province libre pour le sel, ils éprouvent plus de facilité de contrebande, par conséquent plus de tentations et par conséquent aussi plus de surveillance des commis et plus de condamnations, se sont persuadés sans raison, sans doute, mais avec une méfiance bien pardonnable pour des malheureux, que ce rétablissement des gabelles ne pouvait être borné à une durée de six mois ; ils y ont vu la perpétuité de ce système dont, encore une fois, leur localité les rendait plus positivement victimes que les habitants de beaucoup d'autres provinces : ils ont détruit les barrières, pris les armes, et déclaré avec l'insurrection et la violence que les circonstances actuelles facilitent sans cependant pouvoir les justifier, qu'ils ne payeraient plus de gabelle, qu'ils voulaient avoir le sel libre, et que, s'il fallait un secours à l'Etat, ils le donneraient en contributions, en impôt représentatif, mais jamais en impôt de sel.
Qu'avait à faire le comité permanent? Il ne pouvait sans moyen de force, s'opposer à la volonté si prononcée de toute la province, et il ne pouvait y consentir, car, en y consentant, il se rendait coupable, et vis-à-vis de l'Assemblée, et vis-à-vis du Roi de la violation du décret qui prolongeait pour six mois la durée de la gabelle; il faisait ce qui évidemment excédait son pouvoir : il n'a pu dans cette urgente et cruelle position, que s'empresser de convoquer l'assemblée des représentants de la province, pour connaître et le vu véritable de cette province afin de le faire parvenir à l'Assemblée nationale, et le parti salutaire qui pourrait être proposé, et l'on doit remarquer que celui des décrets de l'Assemblée nationale qui défend les assemblées de province n'était pas alors prononcé.
La convocation de l'Assemblée a persuadé plus encore de la disposition de la province; elle a convaincu que nul moyen ne pouvait rétablir les barrières, par conséquent la perception de la gabelle, et que toute tentative, sans succès à cet égard, faisait courir le danger imminent de maux beaucoup plus grands pour la recette du Trésor public, et peut-être pour la tranquilité du royaume. L'Assemblée, pressée de toutes parts pour faire droit aux réclamations de toute la province, a cru, qu'en donnant, par un arrêté, une forme légale à cette insurrection qu'aucun autre moyen ne pouvait éteindre, elle sauvait à la province, et peut-être au royaume, le danger menaçant d'un incendie, difficile peut-être à arrêter; elle assurait le calme et la tranquillité, et préservait le pouvoir exécutif du malheur trop certain de se voir comprenais, s'il voulait agir; elle a prononcé en conséquence l'arrêté destruc tif de la gabelle dans la province d'Anjou, aux co nditions formelles d'un remplacement en contributions personnelles; mais sentant l'illégalité de son décret que la situation des choses rendait nécessaire, l'assemblée d'Anjou a arrêté que les
séances ne seraient pas rompues, et qu'elle ne se jugerait séparée que lorsque la volonté de l'Assemblée nationale, qu'elle allait consulter, lui serait connue. Elle a député à l'Assemblée nationale deux de ses membres, et l'a suppliée de ratifier son arrêté.
Ce n'est donc pas un décret absolu qu'a prononcé l'assemblée d'Anjou, c'est un arrêté provisoire, en attendant qu'elle pût connaître les intentions des représentants de la nation, que le péril de la province n'avait pas permis de consulter avant de prononcer sur cette importante affaire; c'est une véritable pétition à laquelle l'Assemblée nationale est suppliée de faire droit, et qui peut d'autant moins être considérée autrement, que l'assemblée d'Anjou ne peut être regardée que comme une assemblée de contribuables, et non comme une assemblée politique.
Si l'Assemblée nationale considère cette, affaire sous le rapport de finances, elle reconnaîtra : 1° que la province d'Anjou proposant de payer le sel à 60 livres le minot, au lieu de 30, augmente la recette du Trésor public du double de ce que ses décrets avaient prononcé; 2° que cette province, limitrophe de la Bretagne, ne fait, eu obtenant cette faveur, courir aucun danger à la recette de l'impôt du sel pour les autres provinces, puisque les barrières qui assurent cette perception, placées en deçà de ses limites, ne laisseront pas passer avec plus de facilité le sel de l'Anjou au Maine et en Touraine qu'elles ne le laissaient pénétrer en Bretagne et eu Anjou ; 3° que les limites de la province d'Anjou très-peu plus étendue du côté où les barrières devront être posées aujourd'hui, que du côté de la Bretagne, augmenteront à peine les dépenses du fisc, par l'établissement d'un plus grand nombre de barrières, et augmenteront de beaucoup son revenu ; 4° enfin, que l'exemple de l'Anjou, applicable seulement aux provinces voisines de provinces franches, ne serait que d'un très-grand avantage s'il était successivement imité dans tout le royaume, et amènerait ainsi, de la manière la plus "complète, le remplacement général de la gabelle, tant désiré par l'Assemblée nationale, et dont elle n'osait pas se promettre la possibilité, ou au moins la prompte exécution.
D'après toutes ces réflexions, je conclus : 1° à ce que l'Assemblée nationale ne considérant l'arrêté du 6 octobre, de la province d'Anjou, que comme une pétition, elle le renvoie au pouvoir exécutif, pour, par lui, prononcer ce qu'il avisera ;
2° Qu'elle ordonne sur-le-champ la séparation prompte de cette assemblée, dans le terme de son décret du 26 octobre dernier ;
3° Que le président soit chargé de répondre aux députés d'Anjou, que si elle eût pu considérer l'arrêté de la province autrement que comme une pétition, elle aurait vu avec un grand mécontentement une transgression formelle à ses décrets, que toutes les parties du royaume doivent profondément et unanimement respecter, et que sans doute la province d'Anjou, si connue par son attachement aux lois et au Roi, n'a pas la volonté d'enfreindre ; mais que cet arrêté, considéré même comme une pétition, porte, dans ses expressions et dans son style, un caractère d'ordonnance que l'Assemblée nationale désapprouve, et qui n'ajoute qu'une forme disconvenante, mais absolument inutile à la demande qu'elle renferme.
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ A L'ASSEMBLÉE NATIONALE , LE
Sur les abus qui s'opposent aux progrès de l'agriculture et sur les encouragements qu'il est nécessaire d'accorder à ce premier des arts.
Dans un temps où l'Assemblée nationale s'occupe d'assurer la liberté individuelle, civile et politique, ainsi que la propriété des citoyens; où l'agriculture, délivrée des droits féodaux, des corvées royales et seigneuriales, laissera aux cultivateurs l'intégrité du temps qu'exigent les travaux des champs, la Société royale d'agriculture, devenue, par la protection d'un Roi citoyen à qui la nation vient de décerner le beau titre de restaurateur de la liberté française, le centre de toutes les connaissances et de tous les encouragements relatifs à l'économie rurale, doit porter à l'Assemblée nationale l'hommage respectueux des cultivateurs; elle doit être l'organe de leurs vux.
La législation rurale présente autant de vices que la législation civile et la législation criminelle : réformer ces deux dernières en négligeant la première, serait laisser imparfaite la restauration de la France ; et la régénération du royaume (la Société ose l'avancer, parce qu'elle doit le dire) a pour principale base la régénération de Ici cultiirB-.
La liberté, l'intérêt de la propriété, la facilité d'acquérir, les encouragements propres à accroître la reproduction territoriale, sources premières de la richesse nationale, tel a été le but des travaux de la Société et de ses correspondants de toutes les provinces. C'est sous ce point de vue qu'elle réclame avec confiance de l'Assemblée nationale, un décret contenant les principaux points du code rural et les plus instants à régler. La Société s'en rapporte, au surplus, à la sagesse des représentants de la nation, pour modifier, rectifier et perfectionner les projets qu'elle ne s'est permis de soumettre à l'Assemblée nationale, que par le désir de lui prouver son zèle pour la prospérité publique, que dans la vue de concourir à préparer ses déterminations, et à ménager ses instants précieux pour les objets importants qui lui restent encore à examiner. En conséquence, la Société royale d'agriculture propose, au nom des cultivateurs, de décréter les articles suivants :
SOMMAIRE ET RÉSULTAT
de chaque article.
Article 1er. Que tout propriétaire auraledroitde cultiver
son terrain de la manière qui lui conviendra, et d'employer sa propriété à la culture
des objets auxquels il donnera la préférence.
Art. 2. Que le droit de parcours sera aboli dans les cantons et provinces où il existe encore, et que chacun sera libre de clore sa propriété, de quelque étendue qu'elle soit, sans que personne puisse l'en empêcher.
Art. 3. Que personne ne pourra s'opposer au partage des communes, et que les assemblées provinciales seront chargées de le surveiller dans les lieux où il se réalisera, en ayant égard aux droits légitimes de chacun.
Art. 4. Que personne ne pourra s'opposer au dessèchement des marais ou terrains inondés, à la destruction des moulins ou étangs ; que la nature des travaux desdits moulins et étangs pourra seulement donner lieu à uneindemnité, laquelle sera déterminée par les assemblées provinciales ou municipales.
Art. 5. Que les terres du domaine, et toutes celles qui seront décidées appartenir à la nation, pourront être vendues et aliénées, soit à prix d'argent, soit en rentes rachetables, après toutefois que la valeur en aura été constatée par les assemblées provinciales.
Art. 6. Que les baux ruraux pourront être, dans tout le royaume, portés à dix-huit ans et au delà, sans donner lieu à aucun droit fiscal ou autre envers qui que ce soit, et que les baux des bénéfices ne pourront être pour un terme au dessous de dix-huit ans ; qu'en outre, dans le cas de changement de titulaire, les nouvaux seront tenus de maintenir les baux de leurs prédécesseurs, et qu'en aucun cas lesditsbénéficiers ne pourront faire de baux généraux.
Art. 7. Que, vu l'importance de multiplier les propriétaires cultivateurs, de faciliter la division des propriétés, les droits de franc-fief et d'échange perçus par le fisc, seront entièrement supprimés, et les autres droits d'échange seigneuriaux stipulés rachetables.
Art. 8. Que pour faciliter le commerce des terres et assurer les propriétés, il ne sera fait à l'avenir aucune substitution, ni exercé aucune espèce de retrait.
Art. 9. Que la forme actuelle des saisies réelles, dont l'effet est d'attaquer, de détériorer les propriétés et de les rendre souvent stériles pendant leur durée, sera supprimée et remplacée par toute autre qui n'aura pas le même danger.
Art. 10. Que l'administration et l'inspection des bois et forêts du domaine, du clergé, des communautés et des hôpitaux, seront confiées aux assemblées provinciales et municipales.
Art. 11. Que les entraves apportées jusqu'à présent par la législation, à la formation et à l'extension des prairies artificielles, seront détruites, et les plus grands encouragements donnés à cette branche de culture.
Art. 12. Que vu l'importance d'encourager la multiplication des abeilles, la production des cires indigènes, et de remédier aux importations de cires étrangères, les ruches seront déclarées insaisissables pour cause d'imposition.
Art. 13. Que vu l'importance du produit des vignes, les différents droits d'aides, en ce qu'ils tendent à violer les domiciles, à entraver le commercedes vins, seront entièrement supprimés.
Art. 14. Que la défense de cultiver le tabac et quelques plantes, à huile, étant contraire au principe de la liberté, la culture de ces piantes sera permise dans toutes les provinces du royaume, sauf à faire supporter une imposition particulière aux terres qui y seront employées.
Art. 15. Que le régime de la gabelle sera entièrement supprimé.
Art. 16. Que les assemblées générales s'occuperont des moyens de ramener les divers poids et mesures de toutes les provinces à l'uniformité désirée depuis si longtemps.
Art. 17. Que pour rendre plus facile le transport des denrées et le commerce intérieur du royaume, les assemblées provinciales destineront chaque année une somme pour l'entretien et la confection des chemins vicinaux.
Art. 18. Que le régime actuel des milices, enlevant des bras nécessaires à la culture et troublant les travaux des cultivateurs, sera changé.
Art. 19. Que la célébration de toutes les fêtes sera renvoyée au dimanche.
Art. 20. Que les dépôts de mendicité seront supprimés et remplacés par des ateliers publics, sous l'inspection des assemblées provinciales et municipales.
L'Assemblée nationale est suppliée de prendre, le plus tôt possible en considération les demandes qui lui sont faites par la Société royale d'agriculture ; en promulguant les décrets qu'elle jugera favorables à l'agriculture avant l'hiver prochain, elle mettrait les cultivateurs à même de se livrer l'année prochaine à des travaux qui concourraient à augmenter considérablement les produits territoriaux.
ENCOURAGEMENTS.
Article 1er. De l'utilité d'honorer les laboureurs et les
cultivateurs.
Art. 2. D'une caisse de prêt.
Art. 3. De l'utilité d'une Société d'agriculture pratique, et qui s'occuperait principalement :
1° De l'art vétérinaire ;
2° De la panification ;
3° De la manipulation des chanvres et des lins ;
4° De l'art des accouchements ;
5° Du chaulage des grains ;
6° De l'emploi de plantes perdues pour le commerce ;
7° Des plantes potagères ;
8° Du parcage des bêtes à laine, etc., etc., etc.
MÉMOIRE.
1° De la liberté de sa propriété.
La liberté de cultiver son terrain de la manière qu'il plaît à tout propriétaire, d'y semer et d'y planter telle graine ou telle plante qu'il voudra, est aussi essentielle aux progrès de l'agriculture, que la liberté civile et individuelle peut l'être à la société (1). Cette liberté une fois acquise, chacun peut clore sa propriété, la soustraire aux dégâts des malfaiteurs ou des animaux; chacun peut se livrer à des essais précieux pour l'économie rurale, que le droit de parcours interdit nécessairement partout où il existe.
Tant que la France a été en proie aux vexations de la féodalité, l'agriculture, le commerce et les arts ont été circonscrits dans certains endroits et comme anéantis dans d'autres.
Le laboureur ne commença à se livrer à l'exercice de ce premier des arts, que lorsque l'autorité royale put assez s'élever sur la destruction des grands vassaux, et qu'il fut permis aux malheureux serfs de devenir propriétaires de quelques arpents de terre qu'ils pouvaient transmettre à leurs enfants.
Le commerçant ne songea à colporter les den-
rées et les marchandises de province à province, que lorsqu'il put impunément quitter ou s'absenter de la glèbe seigneuriale sur laquelle il était né, etque les voyageurs, jusqu'alors soumis à des péages pour leurs personnes et pour leurs effets à l'entrée des territoires de fiefs, furent protégés par le souverain.
L'artiste, l'ouvrier, gémissant sous l'empire des lois féodales, se sont empressés d'abandonner leurs villages pour se réfugier dans les villes, où des immunités, des-prérogatives, la liberté enfin, leur assuraient qu'ils travailleraient pour eux et leurs enfants.
Dans tous les pays, chez tous les peuples, les progrès de l'agriculture et de l'industrie ont toujours été en proportion directe de la liberté des peuples.
Malheureusement cette vérité éternelle a toujours cédé aux raisonnements insidieux des agents fiscaux, qui, ayant toujours de l'argent à offrir, avaient toujours raison ; leur avidité insatiable et leur esprit fécond ont fait imaginer des privilèges exclusifs sur le sel, sur 1 eau, sur toutes les marchandises, avec une foule de règlements contradictoires et vexatoires, dont le peuple n'avait connaissance que par les amendes ou les peines corporelles auxquelles il était condamné.
Nous sommes donc arrivés à cette heureuse époque où la saine raison, l'équité et l'intérêt du peuple détermineront seuls les lois du royaume; avec la liberté d'écrire et de penser nous recouvrons donc notre liberté et celle de nos biens, inséparables l'une de l'autre.
L'exemple des pays les mieux cultivés, par conséquent des plus riches, prouve les avantages immenses qui résultent de la liberté de clore son terrain: des récoltes mieux soignées et plus abondantes sont les effets de ce droit si naturel. Le cultivateur propriétaire n'épargne ni soin, ni peine, ni industrie, lorsqu'il peut ou veut enrichir ou embellir à son gré sa propriété; il profite de tous les moyens que la nature et l'art peuvent suggérer pour l'améliorer; mais, lorsqu'elle est exposée aux dégâts, ou qu'il n'est que copropriétaire, il n'a plus cette activité qui le porte à s'affranchir de la routine ou des préjugés; il ne cultive que par nécessité ; ses travaux sont sans méthode ni principe; il abandonne ses récoltes aux hasards des saisons. Enfin la liberté de jouir de son héritage suivant sa volonté est si importante à l'agriculture, qu'il est impossible qu'elle fleurisse partout où cette liberté n'existe pas.
L'Assemblée nationale, en la proclamant, détruirait un des principaux abus qui s'opposent aux progrès de l'agriculture. Cette loi est déjà dictée par la raison, par l'évidence et surtout par les principes que l'Assemblée a manifestés. Elle est une suite nécessaire de l'organisation de toute société libre et bien établie.
La Société d'agriculture croit devoir se borner à rappeler ces vérités élémentaires qui n'ont pas besoin de développements.
2° Droit de parcours et de vaine pâture.
Ce droit consiste à faire paître ses bestiaux sur les héritages d'autrui, et à recevoir les bestiaux d'autrui sur son héritage. Cette sorte de réciprocité semblerait d'abord être l'effet d'un pacte commun, qui n'a été établi que pour l'intérêt général; mais il n'est que trop certain, au contraire, qu'il faut l'attribuer à la longue indifférence du gouvernement pour l'agriculture, à l'abandon de terrains immenses, condamnés
depuis des siècles à la stérilité, sur lesquels des temps plus heureux ont engagé successivement à conduire la charrue.
Les abus et les maux qui résultent de ce droit sont immenses: il empêche les propriétaires de clore leurs héritages; il s'oppose invinciblement à la formation des prairies artificielles, source abondante de richesses agricoles; il interdit toute possibilité de faire des semis de bois, d'élever ou d'acclimater des arbres exotiques et )récieux; enfin, il attaque et détruit la liberté de a propriété.
Par le laps de temps, par apathie pour la culture des terres qu'on abandonnait dès l'instant de leurs dépouilles, les droits de parcours ou vaine pâture ont été regardés néanmoins comme une propriété. Des coutumes les ont autorisés, et les parlements les ont aussi consacrés; malheureusement un abus n'ayant point de bornes, il s'est étendu non-seulement sur les terrains vagues, mais encore sur les terres, les prés et les bois : les riches ont été les plus intéréssés à sa conservation, par la facilité qu'ils avaient d'entretenir beaucoup de bestiaux, et toujours les tribunaux ont maintenu ce droit comme une propriété sacrée.
Il est reconnu aujourd'hui que les terres condamnées à rester en jachères peuvent être employées très-utilement à la culture, à semer du trèfle, des luzernes, des pois, etc. Le cultivateur pourrait, en améliorant ainsi sa terre, se procurer des ressources précieuses pour subvenir au payement de ses impositions;mais le droit de parcours et vaine pâture s'y oppose. 11 pourrait, lorsque la récolte des blés a été médiocre, ou tout à fait mauvaise, semer et planter sur ces mêmes terres, des choux, des carottes, des pommes de terre, et augmenter ainsi la masse des aliments nécessaires à sa famille et à ses bestiaux; le droit de parcours s'y oppose. Plus riche en fourrages, il pourrait élever un plus grand nombre de bestiaux, avoir des moutons et des brebis d'une race choisie, les conserver tels, les améliorer, les nourrir et les soigner d'après les procédés avoués et constatés par l'expérience ; le droit de parcours s'y oppose.
Mais aujourd'hui que la voix des cultivateurs ne s'adresse plus qu'à l'Assemblée nationale, elle sera certainement entendue et accueillie ; la raison l'équité, la loi de la propriété, sont des garants de ses succès. Que l'Assemblée daigne considérer et comparer les produits d'une terre soumise à une vaine pâture, et ceux d'une autre, dont la propriété est exclusivement toute l'année au propriétaire ; elle verra que quatre arpents cultivés rapportent plus que cinquante arpents en vaine pâlure, elle verra qu'une bonne culture admet les labours d'hiver et d'automne, et que cette méthode est impraticable,parce que le piétinement des bestiaux tasse la terre, et la rend quelquefois si compacte, qu'il est souvent impossible de l'amolir au printemps.
Ce droit est si excessif, si attentatoire à la propriété, que l'Assemblée nationale, en suivant ses principes, ne peut que le proscrire entièrement. Celte proscription existe déjà par le fait dan3 plusieurs provinces.
Un édit du mois de mars 1766 l'a aboli en Champagne, dans le Barrois et la Franche- Comté, et a permis aux propriétaires de clore leurs héritages. Il y a dix ans que le comté d'Auxerre jouit des mêmes avantages.
Le droit de parcours fait des ravages énormes dans les provinces où la culture des oliviers est
admise; aussi, depuis longtemps, en sollicitent-elles l'abolition. L'un des correspondants de la Société (1) lui apprend que ce droit ruine les plantations précieuses; que non-seulement les bestiaux de haute taille, mais encore les moutons et les chèvres rongent par le pied ces arbres, ou écourtent tellement les branches qu'ils peuvent atteindre, qu'il est impossible de tirer parti des jeunes oliviers qui croissent à côté des autres, ce qui réduit et force à ne pouvoir élever cet arbre que dans les pépinières, tandis que la nature en offre de plus beaux qui ne coûteraient ni argent ni peine. La culture de cet arbre est certainement trop précieuse à la France pour que l'administration ne lui donne pas tout le secours et toute la protection possible. Nous retirons pour des sommes considérables, des huiles de l'étranger: ce motif joint à la conservation de la propriété des citoyens, doit sans doute déterminer l'Assemblée à proscrire un droit qui ne peut subsister plus longtemps chez un peuple libre et éclairé.
Le droit de parcours et vaine pâture que nous venons de dénoncer, s'exerce encore d'une manière encore plus vexatoire dans quelques provinces, sous diverses dénominations. Dans la majeure partie du Toulois, plusieurs seigneurs, et surtout des abbés et religieux, ont le droit d'envoyer depuis le 23 avril jusqu'au 25 juin, époque où les prairies sont en pleine végétation, un certain nombre de bufs dans les prés de leurs vassaux, pendant tout le temps que le soleil est sur l'horizon. Le pâtre est obligé de les conduire un peu vite, et de les empêcher de se coucher.
Le nombre des bufs à envoyer sur ces superbes prairies, varie, et n'est pas même proportionné à leur étendue. Il paraît que le caprice du seigneur a seul fait la loi du droit et de la quantité. 11 suffît de dire que dans le village d'Ourches, on n'y en met que six, et quatre-vingt-huit dans celle du village de Sivry. qui n'a pas une étendue bien plus considérable.
Ainsi, un usage barbare détériore annuellement, depuis des siècles, les récoltes de riches prairies qu'arrose la Moselle. Il est inutile sans doute de développer les effets désastreux de cet usage; il suffit de l'indiquer pour le faire apprécier, et et prononcer sans examen sa proscription.
Ce même droit, sous la dénomination seule de banon, existe encore en Normandie : aux environs deGaen, près Louvigny, un seigneur, entre autres, a le droit d'envoyer depuis le 20 avril, jusqu'à ce que les foins soient coupés et enlevés, douze vaches et un taureau sur une prairie fertile; le conducteur, comme dans le Toulois, doit aussi marcher continuellement, et ne pas permettre que les animaux se reposent nulle part, de sorte que les propriétaires ne récoltent que ce que le troupeau féodal a épargné et foulé aux pieds.
Ces droits particuliers, et en général celui de parcours ou vaine pâture, sont donc intolérables dans un moment ou les représentants delà nation ont consacré pour principe fondamental de respecter et de faire respecter les propriétés : sans doute on ne considérera plus comme tel ce droit que les abus, l'esclavage et la tyrannie de la féodalité avaient imaginé. Ces titres trop longtemps respectés ne le seront plus chez un peuple libre et agricole.
3° Du partage des communes.
Les communes ou communaux sont des terrains ordinairement spacieux, possédés par les habi-
tants d'une ou plusieurs paroisses, soit à titre de propriété indivise, par possession immémoriale, soit par concession à titre onéreux de la part des seigneurs. Les unes sont des prairies sur lesquelles des propriétaires peuvent enlever l'herbe à la charge du droit de commune après la récolte; les autres sont des terrains vagues et incultes abandonnés toute l'année au pâturage.
Les terrains vagues et incultes tenus en communes, sont si étendus, qu'on ne peut sans éton-nement et sans douleur les voir depuis si longtemps condamnés à une stérilité perpétuelle, sans que le cri de la raison et des besoins impérieux, que les tableaux si fréquents de la misère dans toutes les provinces, et que l'exemple d'un royaume voisin agricole, aient pu ébranler un édifice aussi monstrueux qu'avait construit la féodalité.
Il ne sera pas difficile de démontrer combien l'agriculture et l'Etat souffrent de l'usage des communes. L'expérience prouve que les biens possédés en commun sont toujours négligés et dilapidés en commun. L'idée de la propriété, si active, si nécessaire, la base des sociétés, ne porte à donner aucun soin, à faire aucune dépense à ces sortes de biens; au contraire, chaque habitant ne considérant que son droit particulier, tâche d'en tirer le plus de profit possible; il usurpe ou dégrade quand il peut ; et toujours sa jouissance quelle qu'elle soit, qui devait être commune et proportionnelle, est inégale, souvent même nulle pour celui qui en aurait le plus de besoin ; car l'homme en effet qui en retire le plus d'avantage, est précisément celui qui y fait paître le plus de bestiaux. Or, le manouvrier, l'artisan qui y ont un droit égal, sont privés en tout ou en partie du produit de la commune : ainsi l'objet pour lequel les communes ont existé, celui de soulager les pauvres dénués de propriété territoriale, est éludé et même annulé. Souvent ces journaliers, trop indigents pour avoir un petit troupeau, une seule vache même, sont employés en impositions pour la taille et leur quote-part dans les frais de procès de communauté, ordinairement très-fréquents. On pourrait citer plusieurs exemples que des communautés ont été ruinées par des procès, et que des habitants n'ont eu d'autre ressource que dans l'émigration.
En comparant le faible produit des communes avec celui des terrains mis en culture, il sera facile de se persuader que l'existence des communes est un des abus principaux, contraire aux progrès de l'agriculture.
L'expérience nous apprend qu'un arpent de trèfle ou de luzerne, sur lequel on fait trois coupes, rapporte non-seulement plus de fourrage que l'arpent de pré ordinaire, mais même que quarante arpents en commune soumis au pâturage pendant toute l'année.
On ne saurait encore révoquer en doute qu'un manouvrier, propriétaire d'un arpent cultivé en luzerne, trouve plus de facilité pour élever et nourrir une ou deux vaches, que dans une commune où il ne peut jamais rien récolter pour l'hiver, quand même sa quote-part serait de six ou dix arpents.
Quelle ressource peut-on obtenir en effet d'un terrain, quelque fertile qu'il soit naturellement, lorsque pendant toute l'année il est foulé par les animaux, d'un terrain dont l'herbe, sans cesse coupée, sans cesse arrêtée dans le cours de sa végétation, finit par dépérir ?
Jamais on n'aperçoit dans ces communaux aucunes plantes légumineuses, qui seules fournis-
sent au bétail une nourriture solide et substantielle.
Une telle nourriture doit nécessairement tenir les bestiaux dans un état habituel de maigreur, abâtardir toutes les races, et ne fournir que de faibles secours. D'ailleurs, les engrais sont perdus dans le vague des pâturages communs.
Indépendamment de la modicité des produits, les communes deviennent le foyer des épizooties qui ravagent si souvent nos provinces. Il suffit qu'un animal soit atteint d'une maladie contagieuse, pour que tout le troupeau qui se touche, ou mange de la même herbe en soit bientôt infecté. 11 suffit même qu'un animal, par une constitution vicieuse, porte en lui le germe d'une maladie contagieuse, pour qu'en respirant de plus près les émanations pestilentielles des terrains bas et marécageux, ou en dévorant, pressé par la faim, des herbes que la crue des eaux stagnantes aura couvertes de limon infect, ce même germe se développe et devienne la cause d'une mortalité générale, qui n'eût jamais existé dans des pâturages que la culture aurait rendus plus salubres.
Objectera-t-on qu'il existe des communes dans des plaines saines et aérées où on n'a jamais éprouvé d'épizooties ? Mais, quelque salubre que soit une commune, elle ne peut jamais garantir du danger de la communication d'un animal affecté de maladie contagieuse ; danger d'autant plus grand, que la garde des bestiaux par un pâtre commun, en usage dans presque toutes les provinces, ordonnée même par des tribunaux, suppose nécessairement un rapprochement continuel de bestiaux qui sans cesse se renouvelle par le commerce.
La qualité de l'herbage tst encore une puissante considération pour faire cultiver. La nature, toujours libérale envers l'homme laborieux, dispense aussi ses bienfaits en raison de ses travaux et de ses soins ; elle lui donne des fruits exquis, des légumes excellents, s'il les cultive soigneusement; mais ils sont âpres et malfaisants, s'il les abandonne à eux-mêmes. Les présents de la nature sont donc en proportion de la culture plus ou moins soignée.
On pressent quelles doivent être les qualités des herbages que la nature produit sur un terrain condamné à une perpétuelle inculture. Des botanistes agriculteurs ont observé que dans les prairies ordinaires, les plantes utiles s'élevaient à quarante environ, et que les autres en plus grand nombre étaient ou préjudiciables ou nuisibles, surtout dans leur état de verdure. On a également observé dans les prés bas et marécageux que parmi les plantes qui les convrent, à peine s'en trouve-t-il cinq à six utiles, quinze à vingt que les animaux ne mangent que quand ils sont pressés par le besoin.
Faut-il s'étonner maintenant que les bestiaux qui n'ont d'autre pâturage que les communaux, soient continuellement dans un état de maigreur, ou exposés à des maladies contagieuses ? Mais si ces observations, quelque importantes qu'elles soient, n'entraînaient point la conviction, on ne pourra au moins se refuser au principe déjà cité, qu'il est impossible qu'un terrain perpétuellement inculte, toujours piétiné par les bestiaux, puisse jamais produire un herbage aussi salubre que les terrains cultivés.
Le partage des communes ouvrirait à l'agriculture une source immense de richesses. Cette vérité si évidente, démontrée par des faits authentiques, par la conduite des Anglais, eût passé
il y a peu de temps pour un système. Le parti puissant des protecteurs du régime féodal, pour qui tout était au mieux, n'aurait pas manqué de faire naître des obstacles insurmontables (1), que les cours étaient toujours disposées à accueillir; mais enlin la raison, l'intérêt public, ne parlent plus en vain, et c'est avec confiance que la Société propose de mettre en culture, de convertir en propriétés, des terrains incultes qui n'appartiennent à personne, parce qu'ils sont à tout le monde.
L'intérêt général et l'intérêt particulier sollicitent impérieusement ce partage. La masse des propriétés et le nombre des propriétaires augmentant, celle des cultures de toutes sortes de productions marchera d'un pas égal. Le propriétaire seul est actif et laborieux; un produit assuré est la récompense de ses travaux et de son industrie : animé par une jouissance exclusive à laquelle il ne croyait pouvoir jamais aspirer, il cultivera avec ardeur sa nouvelle propriété, il se livrera à des essais qui, en devenant pour lui des moyens d'aisance, enrichiront l'agriculture de productions nouvelles ou perfectionnées.
Citons donc des exemples à l'appui de ces vérités. L'Angleterre doit principalement l'état florissant de son agriculture au partage des communes ; comme en France, elles occupaient un espace immense, puisqu'on les évaluait à un tiers du sol ; la révolution qui rendit le peuple anglais libre, fut aussi celle qui le porta à demander le partage des communes. L'habitude, la routine, les derniers efforts de la féodalité, opposèrent, en beaucoup d'endroits, des obstacles ; mais l'exemple de ceux qui avaient partagé le sort heureux d'être devenus propriétaires, l'intérêt évident des seigneurs mêmes, ne tardèrent pas à éclairer la nation britannique, et chaque année le Parlement non-seulement autorisait le partage des communes, mais il permettait encore de clore ses propriétés. Le résultat d'une telle opération est facile à concevoir : le peuple anglais s'est livré tout entier à la culture ; ses champs sont couverts de bestiaux, le peuple y est aisé, et il jouit de son industrie, que le gouvernement protège sans cesse.
Un mémoire de M. le baron d'Hertzberg, du mois de janvier 1785, dans lequel il rend compte de la population et de l'amélioration des Etats prussiens, nous apprend que le feu roi de Prusse avait en couragé, par des prix, les défrichements et l'abolition des communes ; et qu'il a même exempté pendant quinze années de dîmes et autres impositions, ceux qui défrichaient des terrains incultes : ces partages de communes, ces défrichements se sont succédé chaque année, et le succès des intentions de ce roi philosophe ont même surpassé ses espérances.
Un édit du mois de juin 1769, et qui fut enregistré sans représentations au parlement de Metz a permis le partage des communes. Les avantages s'en prouvent par un exemple frappant que nous trouvons dans un livre dont l'auteur mérite à juste titre la reconnaissance publique (l'ami du cultivateur). Le petit bourg de Ghevillon près de Metz avait une commune stérile; les habitants ont obtenu la permission de la partager : ce lieu, qui
n'avait que vingt-cinq feux, en compte aujourd'hui soixante, et la quantité des bestiaux y est dans la même proportion.
M. le duc dePenthièvre avait, dans sa propriété de Lamballe, en Bretagne, des terrains immenses en vaine pâture ; il les a concédés à des particuliers; il y croît maintenant des moissons riches et variées.
Ajoutons un fait contraire que nous communique le même auteur. En 1744, la Champagne, où il y a beaucoup de communes, éprouva une cruelle épizootie : l'année suivante une maladie populaire y moissonna une grande quantité d'habitants des campagnes.
La diversité du monde constitutif des communes du royaume, prescrit nécessairement des moyens différents pour parvenir à ce partage : les unes sont possédées par indivis entre les habitants; les autres sont mixtes, en ce qu'elles sont divisées entre propriétaires partiels, mais à la charge d u droit de communes après les récoltes. Il y en a encore de différentes espèces qui varient en raison du régime plus ou moins excessif des seigneurs de fiefs: nous nous bornerons à exposer l'immense étendue de terrain qu'il y a en communes, de rappeler des exemples positifs prouvés par des effets comparés des lieux où il y a des communes, avec ceux où elles ont été partagées.
Le royaume est réputé contenir plus de 120 millions d'arpents. Les recherches faites en différents temps, et particulièrement sous le ministère du vertueux Turgot, prouvent qu'il y a au moins
8 millions d'arpents en communes et en friche, ce qui est la même chose. Fut-il jamais pour la France une conquête plus précieuse à faire, une conquête qui, bien loin de coûter des larmes, du sang et des ravages, ouvrirait de nouvelles sources de prospérité ?
S'il était possible de douter de la quantité immense de communes et de terrains en friche qui sont en France, MM. les députés du Roussil-lon, de la Guyenne, du Poitou, del'Aunis, du Li* mousin,. de la Marche, du Berry, de la Bretagne, de la Saintonge, delà Bourgogne, de la Champagne, du pays Messin, du Soissonnais, en assureraient l'exactitude.
Il y a des souverainetés moins grandes que les Landes de Bordeaux. Les communes seules du comté de Beaufort sont évaluées à 8,000 arpents. La généralité de Soissons, quoique à la proximité de Paris, dont l'immense population assure le débit des denrées, en conlient 12,000 ; la généralité de Paris même présente à elle seule plus de 50,000 arpents en communes ou vaine pâture. Trop d'ennemis l'assiégeaient : les corvées, les impositions arbitraires/les grands seigneurs, les grands bénéficiers, les lièvres, les lapins, les bêtes fauves, attaquaient de toutes parts ses récoltes et mêmes ses propriétés.
La société va mettre sous les yeux de l'Assemblée deux tableaux qui, autant que les raisonnements, porteront avec eux la conviction que les communes sont destructives de la propriété et de la population : ils sont pris dans le cours complet d'agriculture de M. l'abbé Rozier, son correspondant à Lyon.
TABLEAU des variations survenues dans le nombre et les facultés des ménages de, l'élection de Clermont en Beauvoisis, depuis 1728 jusqu'en 1768.
COMMUNAUTÉS AYANT DES COMMUNES.
dénombrement de 1728 dénombrement de 1768
Classes différentes. Leur nombre. Feux imposés. Feux trop pauvres. Feux imposés. Feux trop pauvres. Feux de plus. Feux de moins. Pauvres de plus. Pauvres de moins.
Augmentation en nombre de feux........ Restés au mênle nombre................ Diminués en nombre.. 28 2 25 2,478 201 2,145 145 » 120 2,717 179 1,977 285 20 147 370 » » » » 141 140 22 27 » » »
COMMUNAUTÉS SANS COMMUNES.
Augmentation en nombre de feux........ Restés au même nombre................ Diminués en nombre. 29 1 17 2,581 81 1,085 109 6 58 2,961 75 972 257 12 72 438 » » » » 79 58 6 li » 7) »
Total des communautés.......... 102
TABLEAU des variations survenues dans le nombre et les facultés des ménages de, l'élection de Clermont en
Beauvoisis, depuis 1728 jusqu'en 1768.
Ce tableau donne lieu à des observations importantes : la première, que sur cinquante-cinq communautés, qui possèdent des biens communs, vingt-huit sont augmentées en nombre de feux ;
tandis que sur quarante-sept, qui n'en possédaient pas, vingt-neuf sont devenues plus nombreuses.
La deuxième, que dans les paroisses où il y
avait des communes, le nombre des taillables trop pauvres a été de 140 sur 2,632 ; tandis que dans celles où il n'y en avait pas, le nombre est de 58, sur 2,780.
Ainsi, voilà des résultats établis sur des faits. Nous en ajouterons encore un plus particulier, qui offre un exemple frappant de l'inutilité des communes, et mêmes des obstacles qu'elles apportent à la population.
Trente-deux paroisses de l'élection de Soissons possédaient entre elles, en 1729, deux mille
quatre cent soixante-dix-neuf ménages ; aujourd'hui elles sont réduites à seize cent quatre-vingt-neuf : ce qui fait une diminution de 790 sur la totalité.
Les élections de Laon et de Guise offrent le tiers de leur surface dans un état inculte, sous le le titre de communes.
Le tableau ci-joint va prouver que les communes ne sont pas moins funestes à la subsistance des animaux qu'à celle des hommes.
ET A T de comparaison du nombre des habitants, artisans ou laboureurs, des arpents de terre en culture ou en communes, de 40 villages de l'élection de Clermont en Beauvoisis; savoir : de 20 paroisses sans communaux, de 20 autres en ayant, et aussi du nombre de leurs bestiaux.
COMMUNAUTES AYANT DES COMMUNES.
Journaliers oj artisans. Laboureurs. Nombre des chambres. Nombre total des habitants. Nombre des arpents de culture. Nombre des arpents de communes. Nombre de vaches aux fermiers. Idem, aux artisans et journaliers. Moutons aux fermiers. Idem, aux particuliers.
1,811 67 139 1,878 10,480 3,026 805 301 10,017 931
COMMUNAUTES SANS COMMUNES.
Journaliers ou artisans. Laboureurs. Nombre des chambres. Nombre total des habitants. Nombre des arpents de culture. Nombre des arpents de communes. Nombre de vaches aux fermiers. Idem, aux artisans et journaliers. Moutons aux fermiers. Idem, aux particuliers.
2,24 99 205 2,344 15,412 » 1,184 502 13,091 2,017
ET A T de comparaison du nombre des habitants, artisans ou laboureurs, des arpents de terre en culture ou en communes, de 40 villages de l'élection de Clermont en Beauvoisis; savoir : de 20 paroisses sans communaux, de 20 autres en ayant, et aussi du nombre de leurs bestiaux.
Les vingt villages sans communes devraient, en suivant la proportion d'une plus grande quantité d'arpents de terre (1906), être plus nombreux seulement de 376 ménages : ils en ont 466 de plus. Il en résulte donc que la population est plus favorable de 90 feux dans les villages qui n'ont pas de communes.
Le nombre des vaches et moutons est évidemment plus considérable dans les secondes que dans les premières, puisque les vaches sont dans la proportion d'une pour neuf arpents et demi pour les villages sans communes ; tandis que dans les autres villages, il ne monte qu'à une pour 13 arpents 1/25, tant cultures que communes.
La quantité de moutons, dans les premiers, est eu proportion d'un pour un arpent 1/47, lorsque dans la seconde on n'en nourrit qu'un pour un arpent 1/25, tant terres labourables que pâtures.
Dans les communautés sans communes, 2,500 artisans ou journaliers ont entre eux 542 vaches: ce qu'on peut évaluer en raison d'une sur cinq ménages; et dans les autres, 1811 particuliers n'en ont que 301, c'est-à-dire une sur six feux. Il est donc certain qu'un plus grand nombre de citoyens s'adonne à la culture d'une même quantité de terre dans les endroits où on ne trouve pas de communes.
De toutes parts, nous pourrions accumuler des faits qui prouvent jusqu'à l'évidence l'utilité du partage des communes; les grands propriétaires
pourront peut-être s'y opposer ; mais ils méconnaîtraient leurpropre intérêt.Le bonheur de l'Etat n'est pas qu'il y ait de grands tenanciers ; mais, au contraire, une grande quantité de tenanciers.
La société ne s'étendra pas davantage sur cet objet : quelque empressée qu'elle soit de présenter des moyens de partage, elle pense que l'Assemblée nationale, qui réunit dans son sein des re -présentants de toutes les provinces, en trouvera de plus efficaces. La variation des dispositions, des coutumes, la portera peut-être à décréter le partage des communes, en laissant aux assemblées provinciales les modes convenables pour l'opérer.
4° Des dessèchements.
Deux motifs puissants nous paraissent devoir porter l'Assemblée nationale à s'occuper de cet objet important : le premier, de détruire le principe des maladies continuelles qui affligent les malheureux habitants voisins des marais, principalement ceux qui sont situés au midi de la France; le second, de rendre à la culture des terrains immenses.
Ces travaux ne peuvent être entrepris par les habitants de la campagne, parce qu'il faut, d'une part, beaucoup de connaissances pour les plans de dessèchements et leur exécution, et de l'autre, des sommes considérables.
On ne peut douter de l'utilité et des avantages de pareilles entreprises, relativement à l'agriculture et à la prospérité du royaume. Les sommes employées à ces travaux circuleraient dans les mains des journaliers et des habitants de la campagne, leur donneraient les moyens d'avoir une sorte d'aisance, et de travailler eux-mêmes à dessécher un canton, pour se former ensuite de petites propriétés.
Nous ne pouvons citer à l'Assemblée nationale une autorité plus respectable et plus digne d'elle que les principes d'administration de Henri IV : « Entre les moyens licites, dit ce bon prince, que nous avons recherchés pour soulager et enrichir nos sujets depuis notre avènement à la couronne, ayant reconnu que le revenu de la terre était le plus utile et le plus assuré, comme étant celle qui produit les fruits et les matières propres pour toutes sortes de nourriture, d'ouvrages et de manufactures, qui sont au commerce des hommes. jSous avons, à cette occasion, désiré et fait chercher les moyens de dessécher un grand nombre de marais, desquels le fonds est bon et fertile, s'il était en état d'être cultivé. »
Il est de la dignité de l'Assemblée nationale et du restaurateur de la liberté française, de continuer et d'achever des travaux que Henri IV a indiqués comme favorables à la prospérité du royaume. De ces nouvelles terres, il en résultera des productions d'autant plus précieuses, que pendant une longue suite d'années le secours des fngrais sera inutile; que de nouveaux colons peupleraient ces marais, dont l'existence répand au loin i'infection, les maladies et la mort.
Il y a encore en France une grande quantité de terrains couverts par des eaux stagnantes ; et bien loin que cette quantité diminue, elle augmente tous les ans par l'établissement d'étangs et la construction de moulins sur les rivières. La retenue nécessaire des eaux pour former les biefs ou écluses, occasionne un épanqhement qui forme autant de marais malsains et presque nuls en produits. Il existe des endroits où un seul moulin est la cause d'un marais de mille arpents. Cet objet d'administration publique est plus essentiel qu'on ne pourrait jamais l'imaginer, et nous espérons que les assemblées provinciales pourront facilement dessécher des milliers d'arpents en détruisant quelques étangs dont le sol serait plus productif en culture, ou en substituant seulement quelques moulins à vent ou à feu à ceux qui sont sur les rivières.
Voici un exemple et une occasion de connaître ees effets et d'en juger :
Le terroir de Garentan, en Normandie, est depuis longtemps malsain ; des eaux stagnantes y couvrent une grande partie du pays : les habitants ont plusieurs fois offert au gouvernement de les faire écouler; mais les propriétaires des moulins qui ont appauvri, par des saignées, le cours du petit Vay, et qui ont occasionné cette stagnation, s'y sont constamment opposés. Les représentations et les offres des habitants n'ont pas été écoutés ; le produit d'un très-grand nombre d'arpents qu'on aurait pu rendre à la culture, et la santé de 200,000 âmes ont été sacrifiés au crédit et à l'intérêt malentendus de quelques seigneurs protégés.
Un prince étranger, le margrave de Baden, s'est comporté bien différemment : il a fait élever, il y a quelques années, un monument public à un paysan de Carl-Furehe, pour avoir opéré le dessèchement d'un marais.
L'utilité des dessèchements ne se borne pas à
l'agrandissement des terrains cultivés ; on peut se servir de ces mêmes eaux pour arroser des prairies que leur stagnation rend infertiles, ou d'un produit presque nul. Les avantages de l'irrigation sont incalculables. Le rapport d'un arpent de pré qu'un propriétaire peut arroser, lorsque la saison l'exige, donne au moins une récolte double ou triple de celle d'un autre, qui, dans la même exposition, ne pourrait pas l'être. Ces effets sont incontestables; cependant, presque i nulle part on ne s'occupe d'arroser les prairies. Une modique saignée, faite dans le cours d'une rivière, suffirait pour arroser une étendue considérable de terrain; mais le service d'un moulin, ou plutôt le droit exclusif de çe moulin, de jouir de toute l'eau, malgré sa surabondance, serait la cause d'un procès ruineux : ainsi, pour un moulin qui rapporte 3 à 400 livres de fermage, des paroisses perdent souvent pour 3 à 4,000 livres de fourrage. Cette évaluation n'est pas exagérée; et ce qui l'est encore moins, c'est qu'il n'y a point de cantons en France qui n'éprouvent, faute d'irrigation, la perte d'une pareille ou d'une plus grande somme. Les tribunaux ont toujours maintenu avec sévérité le cours des eaux, même lorsqu'il n'était interrompu que par un court espace, après lequel elles retombaient dans le même lit; et sous le prétexte du "bien public, de police générale, ils enlevaient à des paroisses des milliers de fourrages, sans compter les sommes dépensées en procédures, pour un moulin qui n'en eût pas souffert, et qui tout au plus, en d'autres circonstances, n'aurait cessé de tourner que quelques jours et à différentes époques.
L'administration publique doit venir au secours des municipalités. Il sera inutile d'avoir recours à la force ou à la chicane ; il suffira seulement de bien persuader les habitants que les parlements ne les condamneront plus ; ;pour cela, il suffira d'indemniser les propriétaires, beaucoup au delà même du produit du service journalier de leur moulin : l'idée du bien public, les effets de cette irrigation établiront partout une heureuse harmonie qui, en unissant par des liens plus communs les habitants, augmentera considérablement leur récolte, leurs bestiaux, leur aisance, et par conséquent leur bonheur.
Le dessèchement des marais offre des ressources vastes et précieuses. Il sera possible, dans beaucoup de provinces, d'ouvrir des canaux de navigation. La navigation de la Scarpe a fait ' dessécher dix mille arpents de marais.
Le Clain, qui baigne les murs de Poitiers, était autrefois navigable, et il n'a eessé de l'être que par les digues faites pour les moulins. Nous ne citerons que le canal de Briare, pour prouver jusqu'à quel point les dessèchements peuvent faciliter la confection des canaux de navigation.
Henri IV voulant procurer à sa bonne ville de Paris des ressources plus abondantes pour fournir à ses besoins ; désirant, surtout, que les pays qui avoisinent la Loire pussent trouver un débit plus assuré de leurs denrées, que le Bourbonnais, Je Nivernais, la Puisaye, qui, à défaut de routes et de communications, étaient forcés de consommer toutes les productions de leur sol, résolut d'ouvrir un canal qui pût réunir la Loire à la Seine. Cette résolution royale et paternelle " aurait dû lui faire ériger des monuments qui auraient attesté à la postérité un si grand bienfait. Il fallut, qui le croirait? que ce bon roi et son digne ministre protégeassent à main armée les travaux de ce canal.
Il serait inutile (Je s'attacher à développer les i grands effets qui sont résultés de la confection de ce canal ; on se bornera à dire que la Pui-Scfye (1), pays couvert de bois, était dévoré à un tel point par la misère et par la féodalité, qu'il n'y avait point la moindre trace de commerce, même mercantile. C'est à cette époque que ses habitants ont commencé à vendre leurs denrées, et les propriétaires leurs bois. Par ce canal, le plus fréquenté du royaume, il descend du Nivernais, du Bourbonnais, de l'Auvergne, du Berry, de ia Puisaye, du Gâtinais, une quantité considérable de vins, de fruits, de charbons de terre, de bois de charpente et de chauffage, des eaux-de-vie, des faïences, des verreries et des poteries.
Combien de provinces où il serait mille fois plus facile de construire de pareils Ganaux ! Les frais de la navigation de Ja rivière d'Authion, en " Anjou, se sont payés par le dessèchement de dix mille arpents de terres excellentes. Nous citerons encore le Berry, parce qu'il en a le plus de besoin, comme étant au centre du royaume, et r parce qu'en même temps il en $ plus de moyens.
Une infinité de rivières partagent cette province dans toute son étendue, il y en a qui se jettent dans la Loire, entre Orléans et Châteauneuf, qu'il serait très-facile de rendre navigables. Le Cher, l'Indre, étaient anciennement navigables pendant une grande étendue. La Creuse est encore une des rivières assez considérables ppur en tirer un parti assez avantageux. Si l'Etat eût dépensé pour Ja navigation de la Creuse, y qui egt sollicitée et démontrée possible depuis si longtemps , ce qu'il a dépensé pour la solde des commis employés sur ses bords pour la conservation de la gabelle et des traites, il y a longtemps que les pays qu'elle baigne seraient riches, parce qu'ils seraient cultivés, parce qu'ils conduiraient leurs marchandises, leurs denrées à Nantes ; au lieu que le tableau qu'ils représentent est celui d'un pays dévasté par la famine ou la guerre qu'amène toujours un tyran. Plusieurs paroisses comptent à peine dix hommes pour p cultiver la terre , parce que la misère ou le faux-saunage les ont enlevés à leurs foyers et à leurs . enfants.
Nous dirons, à l'appui de ces faits authentiques, que la Flaudre a été vivifiée par ses canaux; que l'Angleterre doit sa prospérité à ceux qu'elle a eu soin de former. L'endroit le plus éloigné d'une route ou d'un canal en Angleterre, est de deux lieues. La plus-value que les canaux de navigation donneront évidemment aux forêts , aux terrains vagues ou inondés, aux denrées, aux marchandises, aux manufactures, feront toujours trouver des capitalistes pour les entreprendre, si toutefois les assemblées provinciales ne préfèrent n'en faire des fonds, ce qui vaudrait infiniment mieux pour l'intérêt des . particuliers et des riverains, et serait plus con-^ venable à la dignité d'une nation riche et puissante. Puisse un jour l'administration de la - France se pénétrer de ces grandes vérités, que le royaume ne peut prospérer que par une bonne agriculture, et que- pour l'exciter , il faut nécessairement un transport libre et facile des denrées, afin d'en favoriser la circulation et assurer le débit qui est le terme comme le mobile de tous les travaux de l'économie rurale !
5° De l'inaliénabilité des biens domaniaux ecclésiastiques et de mainmorte,
De tous les commerces, le plus essentiel, pour une nation agricole, est celui des biens-fonds , lequel, pour fructifier, doit être libre et commun dans toutes ses parties. Le joug des coutumes et des institutions féodales, les chaînes incommensurables des lois fiscales n'ont cessé de contrarier ou de paralvser les grands effets de ce principe social et politique. Les seigneurs de fiefs et le clergé sont parvenus, surtout depuis le yne siècle, à se rendre propriétaires d'une quantité immense de biens territoriaux. Ils ont obtenu des immunités et des prérogatives qui affranchissaient partie de ces biens des contributions publiques, et les faisaient disparaître du commercé des terres,
Les grands portaient toute leur attention à étendre leurs fiefs; les révolutions de l'Etat les faisaient passer ensuite dans le domaine de la couronne, qu'une loi impolitique a frappé si abusivement d'inaliénabilité. Le clergé, toujours subsistant, achetait, et il était très-rare qu'il vendît aucune possession territoriale. Les biens de cet ordre sont devenus inaliénables par succession des temps, c'est-à-dire morts pour le commerce. Une loi de nos jours a défendu au clergé d'acquérir ; mais elle a été trop tardive. Les murs et les lumières ont éclairé enfin l'administration et surtout fixé l'opinion sur ses intérêts.
Il suffira , pour déterminer l'Assemblée nationale à examiner et peser dans sa sagesse d'aussi grands intérêts, de lui faire connaître toute l'étendue des biens territoriaux dits inaliénables, et de lui exposerles abus et les avantages qui en résulteraient pour la nation, eji les remplaçant dans le commercé.
Malgré la résistance que le clergé a opposée à la déclaration du roi de 1751, qui ordonnait que tous les bénéficier? seraient tenus de donner, dans six mois, une déclaration des biens et revenus de leur bénéfice, malgré l'inexécution de cette loi, on est parvenu néanmoins à savoir que le clergé possède une grande portion des biens territoriaux du royaume, et dans les meilleurs fonds.
Fut-il jamais, pour l'administration publique, un examen plus important, et pour l'Assemblée nationale un décret plus nécessaire que celui qui, révoquant l'inaliénabilité des biens du clergé , les mette dans le commerce social, en détruisant pour jamais un abus politique aussi absurde et aussi contraire aux principes de toute société ?
Lorsque l'Angleterre eut consacré, par sa constitution, la liberté et lapropriété des citoyens, elle avança à grands pas vers ia prospérité ; presque tous les biens du clergé rentrèrent dans le commerce et la circulation ; elle reprit cette partie du domaine national, réduisit le nombre des ecclésiastiques (1). Bientôt ces biens immenses furent partagés, devinrent dans une proportion sage des propriétés que le peuple anglais rendit plus précieuses par ses travaux et son industrie. L'Etat, déjà devenu riche en augmentant la masse
des propriétés, le devint encore bien davantage par la contribution nouvelle de tous ces biens , qui, dans les mains du clergé, étaient exempts. Une balance équitable rétablit l'ordre entre les charges et les revenus de l'Etat. L'affection du peuple à sa patrie en le rendant citoyen , propriétaire, agriculteur, après avoir été serf, esclave et misérable, le rendit encore brave et puissant daus ses foyers et dans toutes les contrées.
Tel est l'effet de la liberté et de la propriété, les deux pivots de toute société politique.
Des domaines de la couronne sont frappés de la même stérilité, des mêmes abus que les biens du clergé, parce que, pour les uns et pour les autres, l'esprit de propriété ne préside pas à leur entretien et à leur mise en valeur. Les biens domaniaux ne sont pas, sans doute, aussi étendus que ceux du clergé, mais ils n'en sollicitent pas moins le regard le pius attentif de l'administration nationale.
Lorsque nos rois faisaient servir les revenus de leur domaine à leur dépense, sous un ministre sage, ami de son maître, ces biens étaient régis assez fructueusement; mais, lorsque les dégradations et l'avidité des courtisans ont rendu insuffisants les biens domaniaux, lorsqu'on est parvenu à persuader nos rois que le vrai domaine de la couronne était tout le royaume, que leur dépense privée, celle de leur cour, celle des grands officiers de ia couronne, le service militaire, les pensions, les prodigalités, et enfin toutes les dépenses possibles devaient être payées avec les deniers publics; alors les biens domaniaux ont été livrés à une dilapidation funeste ; ils sont devenus des objets de spéculation de cour ; les favoris, les courtisans s'en sont fait donner la plus grande partie, sans donner un sou au trésor royal. C'est dans ces temps surtout que l'inaliénabilité a Dasséen sorte de loi ; les courtisans y étaient trop intéressés : en aliénant, on eût vendu ajuste prix, à cause de la concurrence; en n'aliénant nas, ils couraient la chance de jouir à perpétuité sans rien débourser.
Ce qui a pu échapper à cette invasion a été engagé à différents particuliers, à un prix ridicule par son exiguité. en comparaison du revenu du domaine; d'autres en ont joui pour un prix plus approximatif du vrai revenu ; mais la majeure partie s'est soustraite à payer des impositions sous le prétexte de biens domaniaux. L'absence funeste de l'idée de la propriété, celle toujours présente de l'inaliénabilité, a empêché les engagistes d'exercer leur industrie, d'améliorer des biens dont ils n'étaient que détenteurs précaires , et partout cette grande étendue de biens a été presque nulle pour les revenus publics.
Mais, si nous devons tant regretter que les biens domaniaux de nos rois aient été livrés à une telle dévastation, c'est surtout pour la partie des bois et forêts qu'il serait peut-être imprudent d'aliéner. Combien de milliers d'arpents couverts d'arbres antiques et superbes ont été coupés et ravagés, sans que jamais aucun de ces engagistes ait songé à en repianter ou semer un seul arpent! Dans presque toutes les provinces, nos rois, nos princes avaient des forêts, et partout la cognée a tout abattu : on paye encore des officiers de maîtrise où il n'y a plus que la place des bois ; peut-être même que sans les plaisirs de la chasse, les belles forêts de Compiègne et
de Fontainebleau seraient aujourd'hui des dé serts.
Si l'aliénation des biens du clergé et du domaine était permise, la plus heureuse révolution se préparerait pour la France. Des étrangers que les abus de l'autorité de notre administration avaient éloignés, ou empêchaient de venir en France, accourraient s'y former des propriétés. Fut-il un sol plus fortuné, un sol pius heureux 1 Et lequel pourra lui être préféré, lorsque notre liberté, celle de nos propriétés sera connue et J)ien assurée? Bientôt nos capitalistes mêmes, qui n'ont exercé leur industrie, leur génie que pour augmenter des richesses souvent imaginaires, ne trouvant plus de moyens de faire servir leurs fonds à l'agiotage, à des spéculations financières, les emploieront au commerce ou à acheter des fonds de terre ; devenant des hommes dignes de la-société, ils enrichiront l'Etat par les mêmes moyens qui avaient préparé sa ruine ; les mutations deviendront pour le Trésor public une branche de revenu qui soulagera d'autant les propriétés foncières ; les grandes possessions, que des bras mercenaires cultivaient par force ou sans industrie, seront divisées en petites portions que l'esprit de propriété rendra plus fertiles ; nous verrons disparaître cette hausse d'intérêt qui fut toujours le signal de la décadence des empires. L'agriculture seule deviendra le théâtre de tous les travaux de l'industrie, des spéculations. Les friches des engagistes deviendront des prairies, des bois, des jardins entre les mains des propriétaires. Une balance plus égale (1) de l'intérêt de l'argent avec les revenus "des terres, sera une ressource toujours assurée pour les cultivateurs qui voudront tenter des établissements, ou qui auront éprouvé des malheurs. Le commerce national et étranger facilitera les denrées. Les rapports entre les contribuables ne seront plus si étrangement disproportionnés. On verra, par une répartition plus égale, disparaître toutes les haines, tous les esprits de corps. L'égalité proportionnelle des charges resserrera les liens de la société.
6° De l'instabilité des baux ecclésiastiques, et de leur trop courte durée.
Les abus que renferment les baux à ferme sont innombrables, ils entravent de toutes parts les progrès de l'agriculture. Il était évidemment utile et essentiel aux propriétaires et à la classe des fermiers cultivateurs d'avoir des baux à long terme; les lois fiscales ont assujetti à des impôts onéreux ceux qui étaient faits au delà de neuf ans, et malgré la révocation de cette loi, les officiers fiscaux osent encore les percevoir dans quelques provinces. Des lois féodales dans plusieurs coutumes réputent encore aliénatoires les baux faits au delà de neuf ans.
L'Angleterre, que nous citons souvent, parce que l'agriculture y est favorisée, et le cultivateur protégé, a depuis longtemps adopté l'usage des baux à long terme; ils sont ordinairement de 18, 27, il y en a même de 99 ans. Le fermier se livre avec zèle à l'agriculture, il ne néglige
aucun des moyens qui peuvent fertiliser ses terres ; il n'hésite pas à faire des avances considérables, parce qu'il est sûr de les retirer et de bénéficier ; il entretient soigneusement les champs et les bâtiments; il se regarde en quelque sorte comme un propriétaire, et alors on peut juger de l'état de l'agriculture du peuple anglais, qui sait si bien connaître ses intérêts, et les concilier avec ceux de l'Etat. C'est avoir atteint, en effet, à une administration sublime, que de rendre tout un peuple cultivateur, aussi intéressé à la culture, à l'industrie économique, que les propriétaires mêmes.
En France, au contraire, les baux sont de 3, 6, ou 9 ans ; le synode de Cambrai a fixé à 6 ans les baux du clergé. 11 résulte d'une si courte limitation, que les fermiers se succèdent rapidement; heureux quand ils ne sont pas ruinés ! (1) que celui qui finit un bail, lorsqu'il ne peut obtenir de le renouveler, ne cultive que les terres qu'il a trouvées labourables, sans oser faire les frais d'aucun défrichement; que les trois dernières années il ne cultive qu'imparfaitement, pour n'être pas augmenté en raison des améliorations qu'il aurait faites, et qu'il ne voudrait pas abandonner à un autre, pour ne pas exciter la cupidité de ses voisins. Il résulte de cette conduite ordinaire d'aliéner, très-naturelle, que le fermier qui succède ne peut que retirer un revenu médiocre de terres ainsi négligées, de manière que pour l'un et pour l'autre, il n'y a de culture soignée, de vraie mise en valeur que pendant les trois années du milieu du bail. On sent combien l'agriculture souffre d'une telle administration, combien les terres sont épuisées par une succession de récoltes de même espèce.
Nous ne nous permettrons pas d'indiquer aucunes lois coercitives pour augmenter la durée des baux ; elles seraient comme elles ont été, le fléau de l'agriculture; mais un intérêt plus éclairé, joint à des encouragements, feront sans doute adopter un usage plus favorable aux propriétaires et aux cultivateurs, et l'administration publique Êeut seule donner une impulsion à l'adoption des aux à longs termes : 1° En détruisant toute espèce de droits fiscaux et féodaux pour les baux qui excèdent neuf années ; 2° En accordant des primes d'encouragement ou quelques diminutions d'impôts, à ceux qui adopteraient cet usage ; 3° En ne faisant que des baux à longs termes, pour tous les biens soumis à l'administration publique. Alors l'opinion générale une fois fixée, les opinions particulières seraient plus éclairées sur leurs intérêts ; l'exemple et les effets d'une meilleure culture feraient naître des imitateurs ; les mêmes motifs nous porteraient à imiter le peuple anglais, qui a perfectionné son agriculture, et rendu les cultivateurs laborieux et aisés.
Le respect dû à la propriété paraîtra d'abord être attaqué par un trop long bail ; d'autres verront peut-être leur propriété trop longtemps circonscrite par un bail de quinze à dix-huit ans, où même compromise par les malservations d'un fermier qui, ayant à jouir longtemps, pourrait abuser ; mais il sera très-facile de ne pas éprouver ces effets, en déclarant que tout fermier ou locataire qui négligerait de payer pendant deux années, serait déchu de plein droit de son bail,
sur la simple demande du propriétaire. Cette clause porterait à l'amélioration et à l'entretien, et le propriétaire serait toujours assuré que son bien augmenterait en valeur, comme nous allons le démontrer dans un instant.
Les maux et les abus qu'a éprouvé l'agriculture par la courte durée des baux, sont encore mille fois moindres pour ceux des propriétaires laïques que pour ceux des biens du clergé. Le degré du mal se mesure par la différence du propriétaire intéressé à bien cultiver, et d'un usufruitier intéressé seulement à jouir, à anticiper, et à retirer le plus d'argent possible sans faire aucune mise de fonds.
Les bénéficiers ecclésiastiques ont la liberté de résilier les baux des titulaires auxquels ils succèdent : cette liberté a fait plus de mal qu'une armée ennemie; elle a ruiné plus de fermiers que la fiscalité et la féodalité ; elle a forcé à laisser plus de terres en friche, qu'on n'en a jamais défriché ; elle a occasionné plus de procès qu'aucune autre partie de l'administration bénéficiale, et c'est beaucoup dire.
Nous céderons au désir d'entrer dans des détails explicatifs, pour rappeler quelques exemples capables de faire impression : 1° A Soissons, il y a deux abbayes, dont les terres sont exploitées par des fermiers. Dans l'espace de onze ans ils ont eu quatre baux consécutifs, pour cause de mort ou démission, avec augmentation successive et redevance de pot-de-vin à chaque renouvellement, c'est-à-dire environ 10,000 livres de perdues pour un fermier qui a été ruiné, et sans avoir enrichi les bénéficiers qui les ont reçues.
En 1786, l'abbé de Saint-P...... dans l'élection
de Meaux, renouvela son bail un an avant de mourir ; il se fit donner 20,000 livres de pot-devin, le nouveau titulaire a évincé le fermier.
Ainsi, une fatale liberté d'éviction ruine presque toujours un malheureux fermier ; les procès-verbaux de visite, de dégradation ou de réparation sont la source de répétitions ou de procès qui achèvent sa ruine ; il est forcé de se retirer avec ses bestiaux, ses harnais de labourages achetés à grands frais depuis un, deux ou trois ans, dans une maison ou dans une chambre, où la misère le force à devenir journalier ainsi que sa Camille.
L'Assemblée nationale ne peut trop s'empresser de réparer un abus aussi majeur : elle doit se hâter de prononcer que les ecclésiastiques ne pourront jamais, pour cause de mort ou de démission, évincer un fermieren jouissance en vertu d'un bail.
Ces seules dispositions donneraient une force nouvelle à notre agriculture ; l'opinion publique ne verrait plus avec peine tant de biens dans des mains oisives, et condamnés par un régime abusif et arbitraire à une sorte de stérilité, et aux dilapidations d'usufruitiers toujours pressés de jouir.
Les effets de la durée des baux sont authentiques, faciles à sentir, et susceptibles d'une démonstration évidente; l'intérêt du propriétaire ou du bénéficier, du cultivateur et de l'Etat la sollicitent également. N'est-il pas évident qu'un fermier qui sera assuré de prolonger sa jouissance pendant plusieurs années, fera des avances toujours nécessaires pour améliorer ; que toutes les terres dépendantes des fermiers ou bénéficiers seront mises en valeur, et portées à leur produit? il n'hésitera pas de former des prairies artificielles, parce qu'il sera sûr d'en jouir ; il ne sera plus arrêté dans ses travaux, dans son industrie, par
l'incertitude décourageante qu'il peut travailler pour un autre*
Il plantera des arbres fruitiers, parce qu'il espérera en jouir ; il sèmera des bois, parce qu'il sera sûr de conserver et dé perpétuer la bienveillance de son propriétaire ; il s'y obligera même, parce qu'il espérera qu'à des époques éloignées, lui ou ses enfants pourront trouver un chauffage gratuit, où ils dépensent de l'argent pour se le procurer,
Il apercevra dans l'avenir la probabilité, et même une certitudê de pouvoir élever et marier ses enfants, de les voir lui succéder ou le soulager dans sa vieillesse : perspective douce et consolante, qui l'encouragera aux travaux, qui lui fera chérir son propriétaire comme son bienfaiteur : des rapports d'intimité existeront pour l'un et l'autre, les ressources pécuniaires seront toujours réciproques, et la plus-value des biens-fonds, celle du prix des baux, seront toujours le résultat d'un tel usagé.
En affermant pour un long temps, le fermier n'hésitera pas à porter le prix d'un bail à une juste valeur ; il souscrira à plusieurs clauses et conditions avantageuses pour le bénéficier ; il entretiendra, avec le même soin qu'uu propriétaire, les bâtiments de la ferme, et les héritiers du titulaire ne se trouveront plus frustrés de sa succession, comme il arrive presque toujours, non-seulement par les dégradations réelles, mais encore par les abus de l'administration des économats, qui s'est arrogé une juridiction dans tout le royaume;
Des baux géiïerauaSi
Depuis longtemps il existe un autre genre d'abus bien plus nuisible encore, celui de faire un bail général d'une terré ou de tous les biens dépendants d'un bénéfice î ces baux ajoutent aux malheurs résultant de ceux de peu de durée, des vexations multipliées qui sont le fléau des campagnes. D'Un côté, les besoins du luxe inouï, et des dépendes toujours en disproportion avec ses revenus ; de l'autre, les avances de sommes considérables, que recherchent toujours les bénéficiera égoïstes par état, sont les causes principales de l'usage des baux généraux.
Il ne suffisait pas aux financiers de s'emparer àe toutes les branches du fisc, ils ont encore porté leur ambition sur l'industrie, le salaire des malheureux cultivateurs et métayers, Leur facilité à avancer des sommes considérables, ce que ne peuvent faire les fermiers, leur assure toujours la préférence, et leur argent devient le titre de leurs vexations artificieuses et criminelles. Us vont ou envoient des émissaires sur les lieux ; leur premier mot est de demander aux fermiers une augmentation exorbitante ; ils supposent et montrent même des soumissions qui n'existent pas, et maîtres en l'art de faire tomber dans le piège, ils ne donnent que vingt-quatre heures pour accorder une prétendus préférence.
Le fermier, effrayé de l'augmentation, fait des représentation s; mais elles viennent toutes échouer contre les prétendues soumissions. Il considère qu'il a fait des avances considérables qui seraient perdues, que ses granges sont pleines^ qu'il faut du temps pour faire battre ses grains, qu'il a du blé dans ses greniers ; que n'ayant pas même lè temps de chercher une autre ferme, il ne saura où resserrer ses grain g, ses effets, ses harnais, ni loger ses bestiaux, qu'en les vendant par circonstance forcée, il les vendra à une grande perte;
que sa famille, ses Valets, dont lè sort l'intéresse' vont se trouver sans occupation : il considère que ses blés sont beaux ; ii ne peut résister à la douce satisfaction de les moissonner lui-même ; il espère de ses travaux, de son industrie, de la Providence; il cède enfin à la nécessité; il consent à l'augmentation, et donne un pot-de-vin considérable à chacun de ceux qui viennent lui faire la loi,
Il est facile de prévoir les Conséquences funestes d'une telle régie. Le principal fermier sous-divise sur les autres sous-fermiers les vexations qu'ils a éprouvées lui-même ; les uns et les autres travaillent, et le résultat le plus ordinaire de tant de travaux si pénibles, est, ou la vente forcée de leur mobilier, faute de payement, ou l'Unique ressource d'avoir pu ie conserver, en ne travaillant que pour les finances. Telle est en abrégé la déprédation qui s'exerce annuellement sur une étendue de biens immenses, puisqu'il n'y a que les grands seigneurs et les bénéficiera qui ont des fermiers généraux.
7° proits d'échange et de franc-fief.
L'opinion Connue de l'Assemblée, celle écrite dans tous les cahiers des municipalités, même dans Geux des citoyens nobles et ecclésiastiques, nous dispensent d'entrer dans aucun développement des abus de ce droit fiscal.
Le droit de franc-fief, barbare dans son origine, cruel dans sa perception,est encore avilis» sanj pour un peuple libre. Il consiste, de la part des roturiers laïques à payer pour une terre de 100,000 livres :
1°.............................. 5,000 livres.
2° 10 sous par livre............ 2,500
Total...... 7,500 livres,
Et la même somme à toute mutation pour cause de vente, mort ou échange. Il s'oppose , seul au commerce des terres, à l'agriculture ; il est ett un mot une sorte de vexation de la part du fisc. Nous nous contenterons d'indiquer un exemple de ses effets, et il servira à faire sentir l'influence d'une telle loi pour les habitants du rovaUme,
MM. Feger et Grammond, banquiers à Bordeaux, ont été chargés en 1788, par des Hollandais, de leur acquérir en France pour 12 millions de terres : lorsqu'on leur à observé qu'ils seraient sujets aux droits de franc-fief qui, à raison dé 12 millions, présentait le sacrifice en pure perte de 790,000 livres, sans compter les retours ramifiés à l'infini à toute espèce de mutations ou échanges, ces étrangers ont levé l'ordre qu'ils avaient donné, et ont acheté des terres en Angleterre,
Des échanges.
Les droits féodaux et fiscaux qui sont établis sur les échanges, prouvent bien l'excès d'activité et d îosatiabilité des anciens seigneurs de fiefs et des financiers conservateurs du fisc, car il n'y a pas d'opération dans le cdmmerce rural plus indifférente pour un seigneur, et en même temps plus avantageuse pour l'agriculture.
Nous citerons un exemple encore, qui, plus que tous les raisonnements, prouvera et les effets de ces droits et la nécessité de les anéantir.
Un particulier échange dans la généralité d'Or-
léans, en janvier 1788, des bois en fief situés à deux lieues de chez lui, pour des moulins situés à vingt pas de son domicile. L'échange est fait sans aucun retour de deniers ; les objets sont évalués par experts et tiers experts à 26,000 livres. A peine un mois s'est écoulé qu'il reçoit avertissement de payer :
1° Le centième denier pour sa portion..................
2° Le centième denier pour celle qu'il a échangée......
Pour le tout.
850 livres.
3° Le droit de franc-tief modéré....................... 1,500
4° Le droit de quint et de requint .................... 6,240
Total...... 8,590 livres.
Plus, avec les frais d'acte..... 150
8,740 livres.
Les raisonnements sont superflus quand les faits parlent avec autant d'énergie*
8° Les substitutions et des retraits lignagers.
Si l'Assemblée nationale consacre le principe qu'il faut rendre le commerce des terres libre , il faut nécessairement qu'elle proscrive les substitutions et toute espèce de retraits, qui nuisent à la liberté des ventes et des mutations.
Il n'est pas dans la nature des sociétés de faire des lois administratives immuables et perpétuelles ; elles sont nécessairement subordonnées aux révolutions, aux changements des murs et des usages ; la meilleure loi pour un pays gouverné par un despote, ne peut pas être telle pour-un pays gouverné par des lois et par un roi qui règne par elles. Nous ne sommes plus ce que nous étions il y a cinq cents ans, trois cents ans, il y a même un an, et il est impossible que des lois, des coutumes faites et rédigées dans des temps gothiques et barbares, dont les unes ont été dictées par la force, les autres par la suite des lois féodales et fiscales, puissent convenir à l'administration d'un peuple éclairé, qui ne peut ni ne veut plus outrager la nature, blesser l'équité et attenter aux droits du citoyen.
Les substitutions et les retraits tendent évidemment à diminuer le nombre des propriétaires, lorsque les principes de la sociabilité, chez un peuple agricole , tendent au contraire à l'augmenter. . , , ,
Les substitutions et les retraits tendent a conserver dans leur intégrité, et même dans leur indivisibilité, des propriétés vastes, à concentrer des fortunes immenses dans les mêmes familles. Un gouvernement sage, au contraire, qui doit veiller pour le pauvre et le riche, tend à diviser les grandes propriétés, parce que l'expérience lui apprend qu'elles sont plus mal cultivées et impolitiques; il tend encore à faciliter les ventes, les échanges et les mutations, à donner au peuple l'occasion d'avoir des propriétés, à lui donner les moyens d'améliorer sa condition, lorsque ses travaux, son industrie lui auront fait faire des épargnes. La qualité de citoyen s'affermit par le titre de propriétaire.
Les substitutions, les retraits entravent le commerce des terres, diminuent nécessairement les valeurs foncières, occasionnent des procès, des haines, forcent le propriétaire qui a besoin de
vendre, à donner sa chose à un moindre prix, ou à la conserver dans un état de négligence ou d'inculture, suite naturelle de ses besoins.
Un gouvernement sage doit se rendre libre et briser tous les liens qui, jusqu'à ce jour, ont enchaîne ce grand principe; il doit, pour fixer le numéraire, veiller à ce que les biens-fonds soient les meilleures spéculations et les plus favorisées ; il doit par suite protéger le propriétaire qui a besoin, ou qui veut échanger ou vendre sa propriété, et ne pas souffrir que le fisc lui enlève un tiers de sa valeur.
Les substitutions attaquent la foi publique. Les substitués empruntent impunément, parce que leurs enfants n'y perdront rien. Les créanciers se reposent sur la probité ou sur la fortune des substitués, et ceux-ci les trompent ou les vo-lent. .
Un gouvernement sage doit arrêter une telle déprédation. Les murs et 1$ fortune publique l'ordonnent impêrieusémeut.
Les substitutions et les retraits féodaux circonscrivent, pour une Certaine ClâsSe de la société, des droits qui prédominent sur l'intérêt général, qui semblent être la continuation du pouvoir du riche sur le pauVre, qUi nuisent essentiellement à la perfectibilité de hotre administration, et surtout de notre législation.
Un gouvernement qui tend à sa prospérité, et qui ne peut y parvenir que par la réunion des intérêts communs, doit détruire tout ce qui s oppose à cette réunion. Toute exception ou acception de personnes doit cesser aujourd'hui- Les rangs, les dignités doivent céder à l'intérêt de la nation entière, qui seul doit être l'objet sacré et primitif de toutes les lois publiques.
D'ailleurs, des tyrans, des hommes barbares les ont instituées, ces lois. Là nation qui est sage et plus civilisée que sotis les règnes deS premières races, le Roi qui est père de Son peuple, peuvept et doivent abroger des lois dont les effets seraient toujours les stigmates de l'esclavage et de l'ignorance.
9° Des saisies réelles.
Ce décret judiciaire est peut-être de tous celui qui donne lieu à plus de vexations de la part des officiers des tribunaux; mais on peut assurer, sans crainte de se tromper, qu'il est aussi Celui qui a le plus affligé l'habitant des campagnes, et en général les propriétaires. Une dette, quelque modique qu'elle fût, donnait lieu à des frais immenses. Les exemples de saisies réelles qui ont coûté des sommes cent mille fois supérieures à la dette pour laquelle on avait saisi, ne sont pas rarés.
Les exemples dé saisies reellés, ou ventes forcées de terrèS dticô procureurs mêmes, dont les frais absorbaient les deux tiéfs du prix, sont encore communs.
Les exemples de terres vendues en suite de saisies réelles, et dont le prix n'a pas été pour les créanciers, mais toùt entier pour les officiers de justice, qu'Une loi prévoyante à établis les premiers prenants, sont encore très-communs.
Enfin, M. de Cliancey, l'un de nos correspondants, nous apprend qu'une veuve, possédant un bien de 3,000 livres, a été ruinée par une saisie réelle pour une perdrix qu'elle n'avait pas tuée, et par Une suite d'un cautionnement de 50 livres pour l'amende de ce délit de Chasse.
Tant de désordres, dont la masse paraîtrait
bien plus excessive encore, si on pouvait recueillir ceux que l'antre de la chicane recèle, avertissent FAssemblée nationale d'en arrêter le cours : les murs, l'intérêt public le sollicitent. Le tableau d'une terre ou d'une ferme en saisie réelle, présente celui d'une dévastation hostile, du séjour d'un fléau ; les terres, les prés sont en friche ou abandonnés à une vague pâture ; les bâtiments sont délabrés, les bois coupés et saccagés : l'intérêt des agents de la justice à prolonger les frais tant que la chose leur en assure la perception, prolonge nécessairement ce tableau de misère. La masse de tant de biens dans cet état, nécessite dans le Gode civil une réforme prompte qui puisse prévenir de tels désordres, et garantir le cultivateur des séductions et des pièges des praticiens dont la plupart ne vivent que par ces odieuses manuvres.
10° Bois et Forêts.
Toutes les sociétés d'agriculture, tous les citoyens amis du bien public, n'ont cessé depuis longtemps d'avertir le ministère que le rovaume tendait rapidement à une disette générale des bois de toute espèce : leurs représentations n'ont eu aucun succès ; elles n'ont peut-être pas même été lues, tant il a été difficile jusqu'à présent de fixer l'attention du grand nombre des ministres qui se sont uniquement occupés d'emprunts, de finances et de fiscalité !
Le haut prix de cet objet de consommation, comparé avec celui qui se payait il y a vingt ou trente ans, aurait dû suffire à une administration dont le bien public aurait dirigé les travaux, pour rechercher les causes d'un renchérissement qui a franchi si subitement les proportions lentes et graduelles des denrées avec le taux de l'argent.
L'excès du prix, bien loin de porter à conserver les bois, en a fait et fait couper davantage; le même tableau, les mêmes effets existent dans tout le royaume. Le prix du bois a quadruplé depuis quinze à vingt ans. Partout on coupe, et presque nulle part on ne plante. Bientôt les efforts et les soins de la nature, qui veille à la reproduction des arbres, ne pourra plus suffire à fa consommation des foyers et au service des constructions. Partout la soif insatiable d'un luxe inouï, les spéculations financières, les projets systématiques et de calcul, l'égoïsme, souvent aussi le poids accablant des impositions, ont fait abattre ces chênaies antiques, ces beaux monuments de la nature champêtre, destinés aux grandes charpentes ou aux besoins de la marine. Heureux encore si la culture des plantes céréales ou légumineuses se fut agrandie sur les couches nombreuses de terre végétale que Je temps avait accumulées sur leur surface ! Maisnon : les souches trop âgées pour reproduire, trop difficiles ou trop couteuses a arracher, ont éloigné toute idée de culture, et des déserts ont succédé à des lieux superbes que la nature avait embellis et que nos aïeux avaient en vénération.
Le luxe de la capitale est imité dans les provinces; la valeur exorbitante des bois de toute espece, porte les propriétaires, qui sont toujours presses de jouir, à couper et à détruire les bois On a fait partout des efforts et des travaux pour ouvrir des communications jusqu'alors inusitées; partout nous voyons ouvrir et pratiquer des ruisseaux flottables. L'administration se prête souvent à ces projets; elle a dépensé depuis trois ans près de 2 millions pour ouvrir un
canal dans le Nivernais, en perforant une montagne, et on assure que ce canal ne sera jamais d aucun secours; car, en prenant les bois à 3 livres la corde dans les cantons qui doivent y affluer, ils coûteraient beaucoup plus que le prix marchand à Paris.
Par une fatalité inconcevable, il semble que ces foyers se multiplient tous les jours, et à mesure que les dernières ressources augmentent. Jadis un foyer commun servait à toute une famille; aujourd'hui les valets ont leur foyer particulier. Il y a cinquante ans que les bords seuls de la Marne, de la Seine, de l'Yonne et de l'Oise suffisaient pour approvisionner Paris ; aujourd'hui les canaux de Briare, d'Orléans, auxquels se reunissent des milliers de ruisseaux ou rivières flottables, nouvellement construits ; la Loire, à laquelle se rendent divers ruisseaux nouvellement formés et à grands frais, dans le Haut-Berry le Bourbonnais, peuvent à peine fournir les chantiers, malgré les ressources que le petit peuple trouve dans la tourbe, et malgré la consommation du charbon de terre que les manufacturiers ont commencé à faire succéder au charbon de bois.
Il n'existe aucune province où cette disette ne se fasse sentir plus ou moins. Elle est extrême dans les provinces méridionales. Partout existe donc le besoin ou l'absolue nécessité de planter du bois, et surtout de veiller au régime du peu qui reste (1). Il faut donc encourager les propriétaires, les protéger, leur fournir même des fonds pour les exciter à semer ou planter des bois : il -faut donc s'emparer sur-le-champ de l'administration des forêts du Roi, et des gens de mainmorte ; il faut donc s'opposer aux entreprises des officiers des maîtrises, aux ravages de prétendus engagistes, que la crainte de ne pas jouir longtemps, porte à abattre, même clandestinement, et dans les temps où les arbres sont couverts de feuilles ; il faut donc interdire aux religieux et surtout aux abbés commendataires, toute coupe de leurs bois, et être sourd aux prétendus besoins de réparations d'églises ou de dégradations 1 (1 abbayes ; il faut donc examiner attentivement les provinces qui fournissent Paris à plus de 40 heues, surveiller et concilier l'intérêt, la liberté des propriétaires avec les besoins et la ressource de la consommation ; il faut donc enfin s occuper, sans aucun délai, du soin de repeupler les anciennes forêts, de semer et de planter les terrains vagues, qui, par la suite, pourront fournir a la consommation.
La Société peut, avec confiance, assurer l'Assemblée nationale qu'il y a peu de terrains inaccessibles a la culture de quelques espèces de bois, tels que le cfietie, le châtaignier, le hêtre, le pin, le sapin, le bouleau, l'aune, le peuplier, etc. (2).
La nature a placé, presque dans tous les cantons en friche, des arbres épars parvenus à une grosseur considérable, qui indiquent l'espèce qui conviendrait au sol. Il semble qu'une heureuse destinée les a conservés pour cette fin. Ces indications ne sauraient être fautives ; elles prémunissent contre toute espèce de système qui, dans l'ardeur de créer, voudrait s'obstiner à faire croître l'arbre le plus précieux où l'humble bouleau seul peut prospérer.
Il est toujours sage d'observer la nature, de l'étudier, et même de faire des essais avant de se livrer aux travaux en grand. L'expérience est le seul livre utile, le seul livre où doivent lire les cultivateurs et les administrateurs publics chargés de protéger l'agriculture.
On sera étonné d'apprendre que depuis plusieurs années, et dans beaucoup de provinces, on se sert de paille pour chauffer les fours, pour préparer les breuvages des animaux, et cuire les aliments : dernière ressource à l'agriculture, une partie de ses engrais sans laquelle elle ne peut que languir, ressource extrême qui présage l'abandon des cultures et la nécessité des émigrations. A peine peut-on trouver du bois pour faire les harnais du labourage.
Quelque importante que puisse être, pour les propriétaires fonciers, l'opération de semer ou de réparer les bois, quelque impérieuse qu'elle puisse être pour l'administration publique, le succès en est subordonné à un concours de circonstances qu'il est nécessaire de prévoir, de connaître ou d'éviter. Le propriétaire ou l'administration provinciale qui voudrait former en bois une commune considérable, pourrait, par exemple, manquer son but, en se déterminant d'abord a former une pépinière d'arbres forestiers, pour les planter ensuite sur un terrain inculte; car il est aisé de sentir qu'une plante prise dans une pépinière fertile, labourée et soignée, aurait de la peine à croître sur un sol qu'aucune culture n'aurait préparé. La manière de planter, toujours négligée quand une main servile la conduit, les frais de plantations, la sécheresse des saisons, toutes ces circonstances réunies ne feraient qu'éloigner ces utiles opérations.
Ces exemples de non-succès prolongeraient la cause et les effets de la disette, donneraient des armes à ceux qui, par habitude ou par caractère, frondent et censurent tous les projets, toutes les tentatives utiles qu'ils n'ont pas proposés ou discutés. L'habitude de l'insouciance, effet naturel de notre long asservissement au pouvoir arbitraire, ferait trouver des sectateurs qui bientôt persuaderaient que l'argent employé à former des bois et forêts est prodigué à des protégés ou abusivement distribué.
Parmi les différents moyens d'encouragements, nous en citerons un qui aurait le double avantage d'assurer la possibilité ou l'impossibilité du succès. Il consiste à proposer un prix, proportionné au travail et à son importance, à ceux qui, sur une vaste étendue de terrain en friche, parviendraient à y faire croître et à y faire connaître l'espèce qui conviendrait mieux au sol en publiant laméthode dont ils se seraient servis. Une récompense qui pourrait au moins indemniser des frais faits pour ces travaux, donnée avec solennité, aurait des effets incalculables pour le bien public. Par ce moyen l'administration ne hasarderait jamais une mise de fonds considérable, et elle serait assurée par le nombre de ceux qui concourraient à mériter le prix, ou plutôt à bien mériter de la patrie, que chaque
friche ou commune pourrait par la suite se couvrir d'arbres utiles. L'Angleterre décerna au duc de Bedfort une médaille nationale, avec cette inscription : Pour avoir semé du gland.
Le repeuplement des bois et forêts, la nécessité d'épargner ceux qui restent, doivent néanmoins avertir l'administration de multiplier et de favoriser les moyens qui peuvent suppléer aux bois. La nécessité, le besoin rendent industrieux. Depuis plusieurs années, à Paris, on se sert utilement de la tourbe, et partout où il y a des marais, il est possible d'y pratiquer des tourbières (1). 11 y a des mines fréquentes de charbon de terre, dont il est important de favoriser l'exploitation. Les fourneaux, les foyers des manufactures n'en consomment pas d'autres en Angleterre, d'où nous retirons des ouvrages de fer et d'acier qui l'emportent sur les nôtres par le prix et la perfection. Combien de provinces offriraient d'aussi précieuses ressources, autant pour l'objet des manufactures, que pour épargner la masse des bois, et soutenir les besoins de la consommation ? Bientôt les forges de feu seront abandonnées faute de bois. Déjà dans plusieurs provinces, et notamment dans le Berry, on est forcé d'extraire les racines des bruyères qu'on réduit en charbon pour soutenir le service des forges.
Les manufactures de faïence, de poterie et de verrerie sont dans un état languissant, parce que la consommation du bois augmentant nécessairement le prix des marchandises, celles de France ne peuvent plus soutenir la concurrence avec celle d'Angleterre, à qui cette même marchandise coûte moins que le bois seul coûte aux manufacturiers français.
11° Des prairies artificielles.
La culture des prairies artificielles est un thermomètre invariable et sûr pour juger l'état de l'agriculture, l'aisance ou la richesse d'un royaume agricole. Cette vérité précieuse ne pourrait être contredite, l'expérience en est partout constante. La Suisse, l'Angleterre, la Hollande et toutes les provinces ou cantons de France qui s'y adonnent, en sont une preuve authentique. Une plus grande quantité de fourrages assure la multiplication des bestiaux, d'où résulte nécessairement une masse plus considérable d'engrais qui sont la base essentielle de toute espèce de culture.
Si les connaissances relatives à l'économie rurale ont été si tardives, il faut l'attribuer certainement à la servitude féodale et fiscale au pouvoir arbitraire des délégués qui se réunissaient pour accabler le cultivateur français : pendant plusieurs siècles les laboureurs ont travaillé la terre sans émulation, sans courage et sans principes; ils ont observé que la terre s'appauvrissait par une longue suite de productions de même nature; alors ils ont laissé reposer, disaient-ils, les terres pour leur donner le temps de recouvrer les sucs nutritifs qu'elles avaient perdus.
De ces observations est résulté la pratique funeste du long repos des terres et celle des jachères, systèmes que la disette seule des engrais et l'impuis* sance des cultivateurs ont rendu continuellement nécessaire. Bientôt la routine les a érigés en principe d'agriculture les baux, les actes et la jurisprudence de tous les tribunaux ont consacré cette méthode vicieuse et absurde, comme une maxime qui importait au bien général.
Dans la suite des temps on a peu à peu reconnu les bienfaits d'une agriculture plus raisonnée. Les lumières, l'industrie active et favorisée du peuple anglais, des cultivateurs éclairés, des sociétés d'agriculture ont fait sentir aux propriétaires de terres les vices de leur culture et l'importance des prairies artificielles.
Il n'a fallu à la plupart qu'essayer pour s'en convaincre. L'exemple et l'expérience, ces deux guides si favorables à l'art agricole, ont insensiblement démontré les avantages immenses de ces sortes de prairies. Déjà, des provinces entières ont changé de face. Depuis dix à douze ans l'Alsace, la Flandre, la Normandie» le plus grand nombre des élections de la généralité de Paris, ont quadruplé la quantité de leurs fourrages, le nombre de leurs bestiaux, la masse des engrais et de leurs récoltes;
Les terres jadis destinées aux longs repos, c'est-à-dire à une vaine ou stérile pâture, celles même des jachères se sont couvertes successive-ment de trèfle, de luzerne, de sainfoin, etcM etc* Les produits ont été doubles et triples de ceux des prés naturels, et souvent des terres cultivées en grains (1). Ces diverses plantes fertilisent encore la terre, soit par leurs racines longues et profondes qui, en la divisant* vont chercher dans les couches inférieures la nourriture qui leur convient, soit parles débris nombreux de leurs feuilles et tige, soit ehfih par le mécanisme de leur végétation, qui, déposant à la surface du sol une sorte d'engrais météorique, lefécopde et le dispose à la production des céréales. Le défrichement de ces prairies artificielles donne des récoltes superbes et successives, souvent même sans le secours des engrais, après avoir donné des milliers de fourrages sur des terres que le système du repos et des jachères aurait condamnées à une sorte de nullité par le produit, et fiour lesquelles le cultivateur n'aurait cessé de payer des impositions.
Ce genre de culture ne dérange ni ne diminue l'ordre et la quantité des plantes céréâlës. Le cultivateur fermier, qli'uri bail trop court gêne, choisit le trèfle pour les terres qu'il né peut laisser qu'une, deux ou trois années en jachères, et sa terre n'en est que plus fertile et mieux disposée à recevoir toute autre production (2).
Le propriétaire laisse plusieurs années la luzerne et le sainfoin danâ son champ, parce que le produit augmenté dé pliiâ en plus les premières
années, et que la fertilité de sa terre est en proportion directe du long séjour de ces plantes.
Partout les meilleures pratiques, la culture des plantes utiles, trouvent des contradicteurs, des routines ou des préjugés à vaincre. On reproche aux fourrages des prairies artificielles des dangers, des défauts même de salubrité; d'autres soutiennent que leur terrain n'est propre à aucune sorte de prairies artificielles; d'autres enfin osent soutenir que l'usage des prairies artificielles fait diminuer la quantité des récoltes. La société n'a cessé de combattre des préjugés aussi absurdes par des expériences multipliées et authentiques, et les détails n'ont fait que confirmer et ajouter aux preuves de l'excellence et de l'utilité des prairies artificielles.
Elle s'est convaincue que la variété des plantes qui les forment pouvait s'assortir à celle des terrains. Le sainfoin indigène sur les montagnes vient très-bien sur les terres rudes et graveleuses; le trèfle sur les terrains durs et humides, même sur ceux qui sont sablonneux; la luzerne, les vesces croissent également bien sur toutes celles qui sont substantielles, que les labours peuvent atténuer et préparer.
Nous nous attacherons moins à développer les avantages de ces prairies qu'à représenter à l'Assemblée nationale qu'il y a de vastes provinces où cette culture si précieuse est inconnue ; d'autres, où elle l'est peu, et qu'une seule élection de la généralité de Paris en contient plus d'arpents que le Berry ou le Poitou (l). Des abus, la routine, les défauts de moyens s'opposeront encore longtemps à cette partie précieuse de l'économie rurale; l'Assemblée nationale s'empressera, sans doute, de l'indiquer aux assemblées provinciales, comme un des principaux objets qui doivent faire prospérer l'agriculture, et de les autoriser à employer des secours du Trésor public pour faciliter les cultivateurs que les impôts, les malheurs, la misère mettraient dans l'impuissance de s'y livrer ; en le faisant, elle ouvrira un trésor inépuisable, elle préviendra les assemblées provinciales contre l'entreprise si abusive des syndics de plusieurs cantons, qui augmentent de taille ceux qui cultivent des prairies artificielles, en les imposant comme possesseurs de prés naturels. L'aisance et les richesses des cultivateurs dépendent absolument de la multiplication des bestiaux ; l'Assemblée nationale sait quelle sorte de nourriture soutient, dans le temps présent et depuis si longtemps, l'habitant de la campagne. Un pain noir, malsain, inférieur à celui que consomment tant d'animaux de luxe, quelques laitages, rarement des légumes, sont les aliments ordinaires de ces citoyens qui travaillent si péniblement aux reproductions des denrées de première nécessité. Elle sait encore que le commerce seul des bestiaux répand quelque argent dans les villages et hameaux ; qu'en multipliant les fourrages, les bestiaux suivront exactement la même proportion ; que de cette multiplication découlera l'aisance des cultivateurs, la richesse des propriétaires et une plus grande population (2j)
L'Angleterre, la Flandre, la Suisse, la Norman-r die, la raison enfin prouvent avee évidence que les bestiaux sont la principale richesse de tout pays agricole, et que la France peut et doit jouir, par son soi et par son administration, d'un si ' grand bienfait.
12° Des abeilles.
Une des branches de t l'économie rurale, que l'administration pouvait rendre plus facilement florissante, est celie des abeilles, Il ne lui aurait fallu ni dépenses, ni privilèges, ni préposés. Un regard favorable, quelques encouragements, une défense sévère de les saisir ou brûler pour fait de taille ou d'impositions fiscales, aurait conservé à la France une richesse précieuse qui en est presque disparue, et pour laquelle elle s'estrendue tributaire de sommes considérables pour les cires qu'elle fait venir de l'étranger,
La première cause de l'abandon des abeilles fut l'usage du sucre, que d'abord les riches et r ensuite tous les consommateurs préférèrent au miel, qui, depuis si longtemps, faisait un des mets les plus recherchés de tous les peuples cultivateurs. Il servait et 6ert encore dans beaucoup de provinces et d'Etats, à faire une boisson saine et agréable Gonnue sous le nom d'hydromel.
Mais ce qui a achevé la destruction presque totale de ces insectes si précieux, ce sont les abus de la fiscalité. Lorsque ies préposés ne trouvaient pas dans le mobilier des contribuables la somme qu'ils demandaient, ils saisissaient les ruches de ces malheureux pour ajouter à la vente de leur mobilier; quelquefois même ils les faisaient brûler. La répartition arbitraire des impôts n'a pas moins contribué à cette dévastation. L'artisan ou le propriétaire villageois qui avaient un certain nombre de ruches, étaient imposés en proportion de ce nombre, souvent plus chèrement que pour un égal nombre d'arpents ou de boisseiées de terre. L'hiver, les accidents, les saisies, le feu détruisaient les ruches, et l'imposition restait. Que pouvait auprès des. intendants un malheureux paysan ? Il payait ou vendait ce qu'il pouvait avoir.
Ces abus, généralement exercés dans tout le royaume, ont dû nécessairement faire diminuer partout le nombre des abeilles. Nous citerons un | exemple de l'opinion du peuplé sur ses craintes relativement à l'imposition sur les ruches, tinministre (M. de Lavérdy), contrôleur général des finances, voulut encourager la culture dés abeilles, il envoya des lettres Circulaires dans les différentes élections, notamment en Normandie, pour anùoncer ce projet, et demanda en même temps l'état de celles qui existaient. Les habitants crurent entrevoir dans cette démarché ministérielle des recherches pour asseoir un nouvel j impôt : presque toutes les abeilles furent aussi-' tôt détruites. Que cé fait présente de réflexions a faire sur toutes les autres parties de l'adminisiration!
Un intérêt politique, l'intérêt de rendre au peuple des campagnes une branche de revenu qu'il leur estsi facile de se procurer et de conserver, doit porter l'Assemblée nationale à prendre l'un et l'autre en considération, il est certain que
nous tirons de l'étranger des cires pour des sommes considérables. L'état des importations faites en 1787 de matières du sol étranger, prouve que nous avons reçu pour 2,260,000 livres de cire jaune de la Barbarie, du Levant, de la Hollande, des villes hanséaliques et de la Russie, Voilà donc une somme considérable à Conquérir sur l'étranger, et qu'il est bien facile de fixer parmi nous* L'abeille, ce précieux insecte, ne prend rien sur nos subsistances, n'attaque aucune de nos récoltes. Il peut être soigné par les femmes et les villageois ; il peut servir en même temps d'occupation et de délassement aux propriétaires riches qui voudront observer les lois, et le gouvernement de ces intéressantes républiques, qui ont fait le délassement de tant de sages et de philosophes.
Il y a longtemps que l'emploi des cires, que le 1 uxe a él e vées à un si grand degré de con sommation, aurait dû porter l'administration à encourager l'éducation des abeilles ; mais cet objet, qui a paru si indifférent, paraîtra important et nécessaire à l'Assemblée nationale, parce qu'il tend à favoriser notre commerce et à rendre le peuple des campagnes plus aisé et plus industrieux, Nous ne doutons pas qu'en s'occupant du régime des impositions, elle déclarera les abeilles insaisissables pour aucune espèce de tribut royal* féodal ou fiscal, et qu'elle assignera une faible somme pour encourager et multiplier l'éducation d'un insecte si précieux à la société sous tous les rapports»
13° Des droits d'aides, de ta vigne et du commerce des vins.
Les provinces soumises aux droits d'aides payent un tribut au fisc si excessif sous tous les rapports, qu'il paraît impossible de le laisser subsister plus longtemps ; si d'un côté on veut établir dans tout le royaume un régime uniforme qui appelle toutes les provinces aux contributions publiques ; et si de l'autre on veut donner aux peuples la satisfaction de voir détruire un impôt odieux etvexatoire, dont lui seul supporte les trois quarts, et duquel il demande partout l'abolition.
Le régime des droits d'aides est une hydre que lès traitants seuls peuvent bien connaître. La compilation du génie fiscal contient plusieurs volumes. Mais il nous suffira d'observer que ces droits s'opposent à la liberté du commerce du vin, à la culture des vignes; qu'ils attaquent et violent les domiciles des citoyens; qu'ils entretiennent une guerre civile^ puisqu'une partie des citoyens est toujours armée contre l'autre pour la conservation de ces droits, et qu'ils consistent en quelque sorte à forcer à boire, et à punir pour avoir bu. Le droit des citoyens, aujourd'hui mieux senti, fait souvent résister à de telles vexations. La mort ou la prison sont les suites journalières de l'exercice de ces droits.
La France est, de totls les royaumes de l'Europe et du monde entier, le mieux situé pour faire le commerce; elle a des ports dans toutes les parties de Bon étendue, qui lui ouvrent des communications avec toutes les nations. On doit être étonné^ en considérant le contraste d'une télle position avec l'état actuel du commerce national, que les administrateurs publics, en avouant ses avantages, aient consenti à forger des chaînes qui l'entravent dans toutes les provinces, dans toutes les paroisses et dans tous les hameaux.
Un royaume agricole, dont le sol est ou pourrait être "fertile, doit sans cesse veiller à ce que ses productions territoriales aient un débit assuré; il doit très-activement protéger le commerce de ses productions. De cette protection découle une source intarissable de richesses. Le propriétaire se livre avec ardeur à la cul ture des denrées dont le prix lui présente un bénéfice assuré, et qui est toujours en raison directe de ses travaux et de ses soins. L'abondance des productions, loin d'arrêter le cours de son revenu, l'augmente souvent par les ressources de l'exportation.
Le journalier, le malheureux journalier, participe nécessairement à ces bienfaits, soit comme propriétaire, soit comme mercenaire; le sort de l'ouvrier cultivateur est toujours en proportion de celui du propriétaire cultivateur.
Les vins, en ne les considérant que sous les rapports de l'exportation, pourraient et devraient faire une bianche principale des revenus de l'Etat. Presque toutes les provinces en produisent : les unes d'excellents, les autres de moindre qualité; mais leur conversion en eau-de-vie ne les rend pas moins précieux, et cependant ce commerce est languissant, le nombre des vignes diminue, sans que la quantité des récoltes de blé augmente. Les vignerons sont presque partout misérables ; leur sort et celui des propriétaires est tel que les années d'abondance sont pour eux de mauvaises années : le fi se seul trouve un moyen d'augmenter et de tripler son revenu; il perçoit les mêmes droits sur les pièces de vin, quelque modique que puisse être leur prix. Tel est, au surplus, son cruel apanage : ce n'est que par la misère du peuple qu'il accroît ses richesses.
La France ne produit aucune denrée plus utilement exportable que ses vins ; elle en produit plus qu'aucun autre royaume; elle pourrait être l'entrepôt des vins de toutes les provinces du Nord et de l Amérique. Cette exportation n'expose l'Etat à aucune secousse ni à aucune révolution, comme le commerce des grains. Le peuple est loin d'atteindre au degré de faire du vin sa boisson ordinaire. L'exportation soutiendrait le prix de ceux qui se consommeraient à un prix modéré, qui, en faisant le bien du propriétaire et des vignerons, ne surchargerait pas les consommateurs.
L'Assemblée nationale doit donc s'empresser de protéger le commerce des vins, autant pour augmenter nos richesses foncières, que pour fonder notre commerce avec l'étranger sur des rapporis plus avantageux et mieux combinés. En exportant nos vins, nous pourrions bientôt établir le plus utile des commerces pour un peuple agricole, celui des échanges immédiats, en ce que nous pourrions nous procurer les marchandises étrangères par nos denrées, et non pas avec notre argent, ce qui, d'un côté, affaiblit la masse de notre numéraire, et brise, de l'autre, tout équilibre de profit avec les nations qui ont pour principe les échanges immédiats.
Dans les circonstances fâcheuses où se trouvent les finances de l'Etat, il est difficile, sans doute, d'opérer subitement des suppressions qui constituent une partie des revenus publics. Nous nous permettrons cependant une observation, que nous suggère la connaissance que nous pouvons avoir de la quantité immense des terrains jadis privilégiés en imposition et en droits fiscaux; nous croyons qu'une répartition commune présentera une recette qui approchera le niveau des dépenses qui seront déterminées. L'Assemblée nationale l'a déjà rendu si facile parla suppression
des dîmes, qui étaient un impôt presque égal à celui des aides, et auquel il ne manquait que les horreurs de la perception. Nous croyons encore qu'il n'y a pas de sacrifice que non-seulement les citoyens riches, mais encore et principalement le peuple, ne fassent pour rejeter sur les vignes la partie de cet impôt qui se verse net au Trésor public, et qui n'est pas la moitié de ce qu'il paye. L'impatiencedu peuple égale son espérance pour la destruction de cet impôt : on sait qu'il n'a d'autre délassement de ses travaux, de ses peines , et c'est principalement sur les ventes en détail que les droits d'aides sont exhorbitants, et lorsqu'il cherche à calmer ou oublier ses maux, il se voit entouré d'hommes qui le vexent, qui semblent n'exister que pour le persécuter, et forcer sa misère même à devenir sa principale contribution. Le jour que l'Assemblée nationale prononcera l'abolition des droits d'aides sera l'époque d'une fête dans tout le royaume.
14° Du tabac.
La liberté de cultiver et de semer telle plante qu'on voudra sur son terrain, paraissant être un droit acquis -à tout citoyen, un droit favorable à tout pays agricole, nous avons cru, pour démontrer la'justice de ce principe, qu'il serait utile pour là Frajice que la culture du tabac y fût libre.
Il paraîtra toujours étonnant qu'un gouvernement éclairé ait mis des entraves à la culture générale d'une plante que l'habitude a placée au rang de celles qui servent à ses besoins; et qu'on ait consenti à percevoir une imposition de plus de 50 millions, à en exporter annuellement de l'étranger au moins 12 à 15, pour prohiber une plante dont la culture aurait pu épargner cette exportation impolitique, et se combiner en même temps avec les revenus publics. Quelques développements, appuyés de faits, suffiront sans doute pour déterminer l'Assemblée nationale à détruire une régie vexatoire pour les peuples et qui n'a été utile qu'aux importants.
1° Il est incontestable, d'après l'expérience, que le sol de la France, en général, est propre à la culture du tabac; qu'il y a des provinces qui en produisent d'excellents, telles que la Bourgogne, la Franche-Comté, l'Alsace, le Dauphiné, le Languedoc, le Béarn (1). La culture en est même permise dans plusieurs cantons limitrophes des pays étrangers, malgré les efforts multipliés du fisc. Il est certain encore, que nulle part on n'a le talent de la manipulation comme en France. Un mémoire authentique, communiqué à la Société par un de ses correspondants, nous apprend que plusieurs paroisses, près de Pont-de-l'Arche, en Normandie, ayant obtenu, sous Louis XIV, la permission de cultiver du tabac, les habitants se livrèrent à ce nouveau genre de culture, et que leurs succès, tant pour Ja manipulation que pour la qualité du tabac, répondirent à leurs travaux. Le tabac de ce canton l'emportait en qualité sur celui qu'on tirait alors de l'étranger à un prix si excessif.
Les fermiers généraux, toujours actifs pour
leur intérêt, parvinrent, en 1722, à faire supprimer ce privilège par des moyens odieux (1).
Avant de parler de l'avantage que le Trésor public peut retirer de cet impôt, et des considérations politiques qui peuvent se concilier avec lui, nous exposerons les droits dont doivent jouir les citoyens libres d'un Etat agricole. Il me semble que toute plante utile au commerce, nécessaire même pour les besoins de la société, peut et doit être cultivée sur le sol de cette même société: les avantages en sont faciles à exprimer.
Cette nouvelle culture, d'ailleurs précieuse our la médecine et l'art vétérinaire, emploierait eaucoup de bras et même beaucoup de terrains incultes ; car le tabac n'est pas d'une végétation difficile- Le prix de la plante, les frais de culture, et de manipulation, répandraient dans les différentes classes des cultivateurs et des artisans un argent bien utile. Nous ne porterions pas chez les étrangers 12 à 15 millions au moins qui sont perdus pour nous, parce que, lorsque nous n'achetons pas nos tabacs directement de l'Angleterre ou de la Hollande, nous les tirons de l'Amérique, qui se sert de nos fonds pour payer ses dettes aux Anglais. Enfin, la France concentrerait chez elle une denrée précieuse par son débit et bientôt elle pourrait en faire commerce avec l'étranger.
Que de motifs nous portent à désirer cette nouvelle culture ! Le peuple, à qui il est devenu en quelque sorte nécessaire, pourrait s'en fournir à meilleur prix, et réserver pour ses premiers besoins l'excédant de l'argent qu'il emploie chaque année à acheter cette denrée, dont l'habitude est pour lui si impérieuse, qu'il la préfère à ses vêtements, et souvent à son pain.
2° Combien de fois les cours souveraines, et le conseil même du Roi, n'ont-ils pas retenti des plaintes et des cris du peuple contre le régime de cet impôt ! Tantôt on se plaignait de la mauvaise qualité et des corps étrangers que l'avidité des traitants subalternes faisait mêler dans le tabac même; tantôt les visites des soudoyés violaient les domiciles, en répandant impunément le sang des citoyens, trop souvent encore pour les délits qu'ils avaient supposés. Depuis quelque temps les fermiers généraux viennent de forcer les consommateurs à acheter les tabacs en poudre, en s'emparant de tous les moulins; ainsi, pour augmenter leur bénéfice sur leur fourniture exclusive, ils vendent l'eau, le sel, et les autres ingrédients qu'ils y font entrer, 3 livres 12 sous la livre (2): invention fiscale qui y surcharge cet impôt au moins d'un cinquième.
Que l'Assemblée nationale se fasse représenter le tableau des saisies (3). Elle y verra des vexa-
tions, des atrocités qui font frémir; des meurtres, des assassinats commis juridiquement pour quelques livres de tabac.
Qu'elle se fasse représenter surtout les procédures de ces tribunaux odieux et tyranniques, appelés commissions, elle reconnaîtra, au premier examen: l'influence des traitants, toujours juges dans leur propre cause ; elle s'indignera que des citoyens parlant ou agissant au nom de la justice, se soient portés à ruiner ou à déshonorer des citoyens qu'ils laissent languir dans les prisons, d'où l'argent seul pouvait les faire sortir ; elle s indignera que, sur une simple lettre des fermiers généraux, ce tribunal, décernant des prises de corps, fait enlever les citoyens dans leur domicile, et leur fait traverser comme à des criminels, quelquefois un espace de cent lieues, sans respect pour les tribunaux ordinaires (Le Bas-Berry est justiciable de la commission de Valence en Dauphiné). C'est en voyant le nombre des commis qui s'élève au moins, pour le tabac seulement, à 10,000, qu'elle ne balancera pas à rendre aux arts et à l'agriculture des bras qui leur appartiennent; qu'elle fera cesser cette guerre civile qui est au moins immorale, si elle n'est pas impolitique.
Ne serait-il pas possible d'imposer chaque arpent cultivé en tabac? Bientôt l'habitude de cette culture et de la manipulation, nous mettrait en état de nous passer de celui de l'étranger. Le gouvernement pourrait combiner les droits d'exportation de celui du dehors, avec la quantité nécessaire aux consommateurs. Il est impossible sans doute, de présenter le tableau du revenu de cette nouvelle imposition foncière; mais les besoins de la consommation faisant présumer nécessairement l'immensité de cette culture on peut assurer que cette branche d'imposition serait très-considérable.
D'ailleurs, l'Assemblée nationale remarquera que la culture de cette plante étant permise dans plusieurs provinces, il serait de la sagesse de détruire ces lignes de démarcation, qui sont la cause de tant de maux, et qui laisseraient imparfait son grand uvre, qui réunit toutes les provinces sous un même régime.
15° De la gabelle.
Cet impôt excite l'indignation dans toutes les provinces qui y sont soumises. Tous les cahiers en demandent l'abolition. L'assemblée des notables de 1787 en avaient jugé l'entière suppression nécessaire. Le Roi lui-même a manifesté ce désir à ses peuples. Un vu si général ne peut qu'être réalisé par l'Assemblée nationale ; et tous les citoyens attendent avec empressement ce décret si désiré, qui va rendre aux peuples une denrée que la nature leur avait partout prodiguée, et que le fisc leur vendait si chèrement. Des millions d'hommes, soudoyés pour soutenir ce régime aussi étrange que cruel, vont donc être rendus aux arts, à l'agriculture, à la
Datrie, qu'ils outrageaient par leurs fonctions hostiles et anticiviques! Le faux saunage ne sera donc plus l'école de tant de brigands qui troublaient la tranquillité publique, attaquaient la vie et la propriété des citoyens,.et devenaient eux-mêmes un second fléau, pire que la gabelle, pour les citovens domiciliés, qu'ils forçaient a leur donner asile et à leurs chevaux ! Heureux quand ceux-ci n'étaient pas doublement victimes, soit des traitants, lorsque les sels étaient surpris chez eux, soit en même temps des contrebandiers qui, se croyant trahis, incendiaient ou ravageaient encore leurs maisons ou les assassinaient! Que de crimes et de meurtres la gabelle a causés à la France ! Sa suppression ne peut etre modifiée ; les modifications feraient bientôt renaître les abus. La disproportion qui existe entre le prix du sel sur les bords de la mer, et celui auquel on pourrait le réduire, exciterait toujours le faux saunage et les inquisitions*, il nous semble qu'il faut l'anéantir entièrement, et 1 abandonner au commerce comme les autres productions.
Nous nous permettrons cependant une seule réflexion, sur la possibilité de supprimer les gabelles sans perdre la totalité de cette branche du revenu public. Il nous a paru possible que toutes les salines fussent prises au compte de l'admi-; nistration, en indemnisant, sans doute, ceux qui en sont propriétaires, et de délivrer le sel à un sou dans ces salines. Ce moyen présenterait les avantages de ne pas surcharger les provinces voisines des mers ; et à celles qui sont rédimées de la gabelle de pouvoir en donner aux bestiaux, ce qui augmenterait beaucoup les débits, et en même temps de ies vendre, dans tout le royaume, à un prix très-modéré, par les effets heureux de la concurrence du commerce.
16° De l'uniformité des poids et mesures.
Il y a longtemps que la variété des poids et mesures, dans les diverses provinces de France, excite des réclamations. L'intérêt du commerce et de l'agriculture en sollicite l'uniformité ; mais les efforts des amis de l'agriculture, des protecteurs du commerce, les divers projets de tant «de citoyens qui l'ont réclamée, ont échoué contre l'édifice, alors trop solide, de la féodalité et de la fiscalité, qui rendait nulles les demandes faites à ce sujet, soit dans les tribunaux, soit auprès dee ministres.
L'ancienneté des réclamations sur un tel abus se prouve par l'un de^ capitulaires de Charle-magne. Ge grand roi, digne d'administrer l'empire français, voulut l'égalité des poids et mesures dans ses Etats ; mais la féodalité devint trop puissante : son décret royal tomba bientôt en désuétude. Les seigneurs de fiefs s'arrogèreut ledroit de régir leurs domaines et d'imposer leurs vassaux, Leur volonté était presque toujours la mesure de leurs lois de police et de régie nient. De l'opposition et de la différence de ces volontés, il en résulte une telle dissemblance, qu'on pourrait presque compter les diverses mesures par les abbayes ou chapitres, châtellenies, marquisats ou barpnnies qui sont en France.
La différence des mesures arbitraires ne laisse pas douter que la féodalité n'ait quelquefois même augmenté les mesures, en raison de l'accroissement du numéraire au-dessus du prix originaire des redevances. La preuve s'en tire d'un arrêt rendu, en 1665, par le parlement de Pans, qui ordonna que toutes les mesures et tous ies
poids se raient étalonnés, et les matrices remises es-mains des juges et officiers commis par la police, aveo défense à toute personne d'en garder ou réserver aucune ; mais on pressent l'effet de cet arrêt, dont l'exécution fut laissée aux juges mêmes des seigneurs.
Nous pourrions citer plusieurs provinces, notamment la Touraine, où cette différence a été telle, que la quotité du devoir féodal, dans quelques endroits, s'est trouvée augmentée de près de moitié.
Cet abus mérite bien d'être réprimé. Déjà l'Assemblée nationale a vengé les malheureux cultivateurs, en supprimant les dîmes, qui, comme les mesures, ont varié dans leur quotité, et il est de la sagesse de l'aréopage français de s'occuper d'une réforme qui puisse se concilier avec l'intérêt des particuliers et l'intérêt général. La diversité nuit évidemment au commerce, qui, ne pouvant connaître tous les poids et mesures du royaume, est exposé à être dupe, ou à laisser sans commerce diverses branches d'industrie que l'uniformité des poids et mesures faciliterait. L'uniformité des poids et mesures serait, dans ses effets pour la France, ce que seront ceux d'une même législation, d'une même imposition et d'un même souverain.
17° De l'entretien des chemins vicinaux.
Nous ne nous attacherons pas à développer les avantages des grandes routes; ils sont trop connus et trop certains ; mais uniquement occupés de ce qui peut être utile spécialement à l'agriculture, nous aurons l'honneur d'observer à l'Assemblée nationale que l'entretien ou la confection des chemins vicinaux, est un objet qui égale au moins d'intérêt celui des grandes routes.
La liberté et la facilité des communications et des transports, l'économie des voitures, sont essentielles aux progrès du commerce et de l'agriculture, parce que le défaut de pouvoir les déplacer, ou les trop grands frais qu'il faudrait faire, font tomber les denrées à une telle vilité de prix, que leur culture est nécessairement languissante. Combien de villes et de bourgs qui seraient riches par les productions de leur sol, s'ils pouvaient échanger ou vendre celles qui sont surabondantes !
Jamais l'administration publique n'a porté ses regards sur les chemins vicinaux, qu'une bonne police et quelques secours auraient mis en état de servir. Combien d'endroits où il faut quatre bufs ou six chevaux pour conduire des denrées ou des récoltes, tandis qu'avec de meilleurs chemins on ferait plus d'ouvrage et on emploierait moins de chevaux !
Les diverses municipalités qui ne jouissent pas des avantages des grandes routes, doivent s'empresser de demander aux assemblées provinciales des secours, et faire tous leurs efforts pour y joindre une contribution particulière; elles augmenteront le prix de leurs denrées parce qu'elles les vendront d'autant plus chères qu'elles auront moins coûté pour les frais de transport, et ces frais ne pourront diminuer que par des chemins praticables et entretenus avec soin.
L'Assemblés nationale rendrait aux campagnes un service inappréciable, en destinant une partie des fonds publics à cet objet; elle dédommagerait en partie les cultivateurs des peines et des vexations qu'ils ont éprouvées pour les corvées en
nature. L'équité semble dicter ce décret, puis-qu'au moins la bourse des riches concourrait à ouvrir ou à réparer des chemins vicinaux pour ces malheureux paysans qui ont si longtemps, si injustement et si péniblement travaillé pour eux.
Les canaux, les rivières navigables sont également et même plus favorables au commerce et à l'agriculture; mais les frais de navigation et de péage sont si multipliés, si excessifs, qu'on préfère, dans beaucoup de provinces, les voitures de terre à celles des canaux, et notamment à Auxerre, à cause du péage de Joigny, etc., etc. Mais si l'Assemblée nationale supprimait les péages de servitude, ordonnait le remboursement des autres, elle rendrait un grand service au commerce de nos denrées, en ce que la communication par eau, en économisant le travail des bufs, des chevaux et des hommes, en rendrait un plus grand nombre à la culture.
18° Des milices.
Le royaume est tous les ans livré à une sorte de révolution intérieure, pour laquelle les ministres ont paru indifférents, parce qu'elle ne troublait que la tranquillité du peuple des campagnes. Chaque année, 160,000 hommes au moins sont rigoureusement appelés à former une milice composée de 10 à 12,000 ; la voie du sort désigne ceux qui doivent la composer.
Les représentations des citoyens, les supplications des cultivateurs auprès des intendants ne sont pas nouvelles, et nous nous félicitons d'avoir à dénoncer un abus aussi funeste à une assemblée de citoyens, qui tous ont vu les suites du tirage de cette effrayante loterie. Elle sait que l'annonce de la milice jette l'alarme et l'effroi parmi le peuple des campagnes ; que chaque père et mère tremblent que le sort ne leur enlève un fils qu'ils chérissent, et qui leur est nécessaire ; elle sait que cet état affreux d'incertitude se renouvelle tous les ans, et livre à des angoisses cruelles l'âme pure et sensible des laboureurs et de leurs femmes ; elle sait encore que l'artisan et le bourgeois se réfugient dans les villes, et que le fardeau du désespoir et du tirage pèse sur les seuls paysans que l'attachement fixe dans la maison paternelle ; elle sait que pour échapper à l'horreur de toutes ces inquiétudes, et aux malheurs de la réalité, les paysans font contracter à leurs enfants des mariages prématurés, dont les suites sont évidemment une énervation physique qui nuit à la population, à une bonne constitution, et souvent même qui excitent la division dans les familles, par la réunion de plusieurs ménages sous un même toit, dont les intérêts dès lors opposés nuisent à l'harmonie et à l'unité des moyens, qui seuls peuvent faire fructifier les travaux ; elle sait enfin, que tous les garçons appelés au tirage dépensent beaucoup d'argent pour aller au chef-lieu de la subdélégation avec leurs parents, qu'ils forment entre eux une contribution pour dédommager celui que le sort a désigné.
L'évaluation de cette somme équivaut à un impôt ; car on ne peut évaluer moindre le nombre de ceux qui tirent au sort, en y joignant les parents qui les accompagnent, qu'à 160,000; ainsi, en supposant 4 livres de dépense de voyage et 6 livres pour la consommation commune, il en résulte une somme de 1,600,000 livres, et qui est indépendante de celle qu'on ne peut calculer pour
la perte d'un temps qui aurait été employé aux travaux de l'agriculture.
La réunion de tant de jeunes gens fait encore des libertins, occasionne des querelles de paroisses, cause des meurtres, et excite à des recherches tumultueuses ceux qui sont cachés ou qui se croient exempts. Que de motifs doivent porter l'Assemblée nationale à l'abolition d'un tel usage, suite de la servitude personnelle, d'un usage qui enlève tous les ans des milliers de bras à l'agriculture, pour grossir dans les villes le nombre des laquais ou des artisans, que les variations du luxe exposent si souvent à la misère, et presque toujours à la perte des murs ; un usage enfin, qui doit être proscrit parce qu'il est seulement supporté par le peuple des campagnes, et que notre Constitution appelle enfin tous les citoyens aux charges de l'Etat ! INous ne nous permettrons de faire aucune observation sur le régime des milices provinciales, sur le moyen d'y suppléer. Des législateurs citoyens, un prince restaurateur de la liberté publique trouveront sans doute les moyens les plus convenables pour maintenir la sûreté de l'Etat, et délivrer d'un tel fléau les peuples des campagnes.
19° De la suppression des fêtes.
Dans l'origine des sociétés, le vu commun fut, après un certain nombre de jours de travail, d en réserver un pour offrir au créateur des prières, et en même temps pour se réunir et se délasser. Constantin est le premier chef qui établit en 321, qu'on chômerait les dimanches, et si nous en croyons Montesquieu, il ne rendit cette ordonnance que pour les villes, et non pour les campagnes ; dans la suite, il consentit même qu'on célébrât Je samedi et le vendredi dans les villes.
Les faveurs premières accordées au clergé, le portèrent à multiplier tellement le nombre des fêtes, que le tiers de l'année était chômé. Il fut heureusement servi par le peuple et par les circonstances ; les chefs de peuplades traitaient les habitants des campagnes comme des esclaves, et on sent avec quel transport ces fêtes étaient accueillies de la part de ce même peuple, qui portait dans les églises avec empressement, mais volontairement, les prémices de ses récoltes.
La cour de Rome favorisa de tout son crédit et de son autorité l'institution des fêtes ; elle dota ses enfants de privilèges, d'indulgences, de confréries qui furent tellement honorées, que les princes et les rois même s'empressaient de s'y associer, Alors sans doute, le clergé régnait en Italie et en France ; mais peu à peu, nos rois, fatigués des prétentions ultramontaines, aidés par les parlements, surtout par celui de Paris, l'administration du royaume en devint moins dépendante, et on osa diminuer le nombre des fêtes. L'allégement du pouvoir féodal augmenta le pouvoir de nos rois ; les peuples, devenus libres, devinrent aussi plus laborieux et cultivateurs, parce-qu'il leur était permis de travailler pour eux, ce qui leur fit d'autant plus désirer la suppression de tant de fêtes. Le gouvernement, les cours souveraines, nos rois même, supplièrent le clergé d'en diminuer le nombre; mais, quoique plusieurs prélats se soient empressés de les réduire, il en existe encore beaucoup trop, dont il importe de renvoyer la célébration au dimanche : les devoirs de la religion, l'ordre public, les murs, l'économie politique sollicitent cette réforme.
Les jours de fête, en effet, sont des occasions où le peuple, forcé d'être oisif, se livre toujours aux désordres qui en sont les suites nécessaires, c'est-à-dire, à toutes sortes d'excès de libertinage et à l'ivrognerie. Il consomme en un seul jour le gain d'une semaine entière. L'habitude du vice rend l'homme paresseux et misérable : sa femme, ses enfants, sont les victimes de son désordre. Une administration sage doit faire cesser les occasions d'un tel scandale pour les murs.
Quant à l'économie relative à l'agriculture, elle se prouve par un aperçu dont les effets ne peuvent ère révoqués en doute. Supposons qu'il y ait proportionnellement dans chaque diocèse vingt fêtes par an, tant de celles dont la célébration est générale, que de celles particulières, et certainement ce nombre est au-dessous de la vérité : il en résulte donc, que tous les ouvriers, laboureurs, marchands perdent le travail ou le salaire de vingt jours. Que l'on rapproche maintenant le aain et les travaux que chaque individu eût fait; qu'on ne suppose que quatre millions d'hommes salariés par autrui, ou par leur propre travail, c'est donc pour un seul jour de fête 4 millions, et pour vingt, 80 millions, à 20 sous par jour, ce qui parait faire la moyenne proportionnelle pour les ouvriers des villes, les artisans et les manouvriers dans les campagnes.
Quelque énorme que puisse paraître cette somme, il est certain qu'elle est bien plus considérable, qu'elle est même incalculable. Qui peut apprécier, en effet, les pertes qui résultent des récoltes qu'on aurait serrées en un jour de fête etqueles pluies ou la grêle du lendemain ont anéanties, avariées ou diminuées (1)? Qui peut calculer les effets du labourage des terres, des cultures des vignes, après ou avant une pluie ? Qui peut calculer, apprécier même le prix d'un jour de travail pendant les récoltes ?
Quant au commerce, faut-il s'étonner des avantages des marchandises des royaumes étrangers, où l'on ne connaît pas de fêtes, tandis que les ouvriers, les manufacturiers français sur trois cents jours de travail, en perdent vingt, qui, avec les lundis (2), plus nuisibles encore que les fêtes et les dimanches, font un tiers de l'année ? N'est-ce pas évidemment diminuer le commerce de sa production; et les travaux de l'industrie, perdent les effets précieux de la cpn-currence sans laquelle le commerce languit ? N'est-ce pas forcer les ouvriers à augmenter d'un tiers leur salaire, lorsqu'on pourrait au moins, en supprimant les fêtes, rendre meilleur le sort de l'ouvrier qui en paye plus cher les denrées ?
20° De la mendicité et du glanage.
C'est, un grand malheur pour l'Etat, pour les murs, et surtout pour l'agriculture, qu'il y ait des mendiants et des vagabonds; leur existence nuit à l'harmonie de la sociabilité ; elle est criminelle en quelque sorte, puisqu'ils usur-
pent le patrimoine des vrais pauvres, et elle rappelle sans cesse au gouvernement la nécessité d'en détruire ou diminuer les causes.
La mendicité naît de la misère ou du libertinage. Le vrai moyen de la détruire est donc de rendre le peuple heureux et de l'entretenir dans de bonnes murs. Il ne peut être heureux qu'en délivrant son industrie ou sa propriété de mille taxes qui lui en enlèvent les trois quarts; il ne peut avoir de bonnes murs que lorsqu'il verra tous les citoyens se rallier au nom de la patrie pour l'intérêt commun, pour blâmer ou punir les infractions aux lois sociales et à celles delà religion, ou décerner une couronne civique au citoyen de quelque rang qu'il soit, pour une action patriotique ou vertueuse.
Ce n'est pas par des ordonnances rigoureuses ni en séquestrant dans des dépôts publics qu'on détruira la mendicité; ces moyens seront toujours insuffisants et souvent plus dangereux que le mal : flétris par l'opinion publique, irrités dans leur misère, privés de leur liberté, les mendiants deviennent un fléau lorsqu'ils peuvent échapper, après avoir coûté des sommes immenses à l'Etat.
Ces vérités se prouvent par des exemples. La Suisse a moins de mendiants que l'Angleterre, l'Angleterre en a moins que la France, la France beaucoup moins que l'Espagne ; ce sont des faits reconnus et avoués par tous les voyageurs.
Lorsque le peuple cultivateur ne verra plus tant de terriens le mettre à contribution pour son pain, son sel, son vin, son domicile et sa personne, qu'il pourra enfin se donner une petite propriété, sans donner au fisc de la féodalité le quart ou la moitié delà somme même employée à son acquisition ; que la loi qui jusqu'à ce jour, ne protégeait que le riche ou l'intrigant, aura la même considération pour lui ; alors le sentiment de l'honneur lui commandera l'obéissance aux lois de la société. Malgré la sagesse de ces lois, malgré les bienfaits d'une nouvelle administration, il y aura toujours, dans une aussi nombreuse population, des individus nés malheureusement, qui se livreront à la mendicité et au vagabondage; alors,il fautsans doute que laloi qui le réprimera soit sévère, mais que ce ne soit plus pour les entasser dans des hôpitaux, dans des prisons, dans des dépôts où règne un air méphitique, où sont des libertins dépravés, et où se développe avec énergie la double contagion des murs corrompues, et des maladies épidémiques.
Le punition la plus naturelle à infliger aux mendiants vagabonds, c'est de les assujettir au travail. On pourrait les réunir pour les faire travailler dans chaque généralité à des ateliers publics ; soit à des défrichements ou à des dessèchements (1) vicinaux, soit à des canaux de navigation ou d'irrigation; leur bonne conduite serait leur protection pour les faire renvoyer dans leurs paroisses, après qu'ils auraient payé le" juste tribut à la société, pour les délits qu'ils auraient commis envers elle.
Du glanage.
Il y a deux sortes de glanage : l'un toléré par le gouvernement, institué par le clergé, celui des vicaires dans plusieurs diocèses ; le second, celui ^ des pauvres, mais qui leur est enlevé par des personnes qui ne sont ni pauvres ni invalides.
Le premier doit être supprimé, et pour l'hon-- neur et la dignité des prêtres que le haut clergé a réduits à cette existence humiliante, et pour les malheureux cultivateurs que ce même clergé si riche, si opulent, pressure depuis longtemps par toutes sortes de contributions. N'est-il pas honteux pour le sacerdoce, que des ecclésias-v tiques, appelés par état à l'étude de la morale et de la théologie, aux fonctions saintes de consoler les malheureux, soient réduits à aller dans ' les champs, ou dans les greniers de pauvres colons ou métayers, leurenlever une partie, quelquefois même partager leur subsistance? Tout étonne , dans cet usage, et avilit le haut clergé qui Ta ordonné, le gouvernement qui Ta toléré, les prêtres * qui s'y sont livrés, et surtout le peuple qui y a consenti. L'administration ne peut pas souffrir plus longtemps une telle discordance dans les k rapports des contributions publiques, et surtout elle doit effacer jusqu'au nom d'un tel usage.
Le glanage des pauvres, au contraire, est une institution sacrée, recommandée par toutes les ¦ lois de l'Eglise, autorisée dans tous les Etats ; mais, par une fatalité attachée aux institutions humaines, les abus les plus révoltants naissent presque toujours des meilleures lois. Dans toutes les provinces on se plaint des abus du glanage ; des femmes, des filles, des garçons, des hommes en état de travailler, souvent même en état de se passer de glaner, entrent dans les champs avant que les blés soient enlevés ou liés en gerbe ; le vrai pauvre ne peut presque rien espérer par une trop grande concurrence ; il en est souvent chassé ; les épis épars ne sont que les prétextes du gla-i; nage ; ils profitent de tous les moyens possibles pour s'approprier une partie de récolte, et toujours ils rentrent chez eux avec une charge de glanes, qui devient souvent dans leur domicile le prétexte d'en aller la nuit voler dans les champs, qu'ils mettent en forme de glanes. Qui vole le jour, peut bien être présumé voler la nuit. 11 n'est pas étonnant, dans les bourgs et villages, de voir des fainéants qui n'ont pas un arpent, vendre ou avoir plus de blé que beaucoup de ceux sur le terrain desquels ils ont glané.
Dans d'autres cantons, chaque moissonneur s'aflide avec un glaneur ou une glaneuse ; ce seul affidé peut glaner derrière lui ; on sent ce quidoit résulter d'une telle association. Le propriétaire est trompé, le pauvre est frustré de ce que la société lui réserve. 11 sera très-facile aux municipa--, lités d'inscrire ceux qui auront un vrai besoin de glaner, et de défendre à tout autre de le faire. Cet abus intéresse essentiellement la police géné-raie du royaume ; il attaque la propriété du cultivateur ; il est une école de mendicité, de brigandage et de libertinage; il porte à voler le bien des pauvres, qui sollicitent eux-mêmes un décret public à cet égard.
ENCOURAGEMENTS.
1° De Futilité d'honorer les laboureurs et les cultivateurs.
Quoique la Société soit persuadée que les progrès de l'agriculture dépendent essentiellement d'une bonne administration, elle croit cependant qu'ils peuvent être hâtés ou déterminés par des moyens qui ne tiennent ni à l'intérêt, ni au changement de régime. Le sentiment de l'honneur est un mobile qui dans tous les arts et dans toutes les professions fait faire des prodiges ; un sentiment contraire énerve les forces physiques, enchaîne les idées. L'amour de la gloire a fait seul nos héros, nos savants et nos artistes ; il peut faire de même de célèbres agriculteurs.
Le peuple chinois a consacré cette vérité, et en démontre l'utilité. Tous les ans l'empereur trace quelques sillons avec une charrue ; tous les ans les gouverneurs de ce vaste empire font la même cérémonie : le labourage est chez eux la fonction la plus honorable, et l'agriculture le plus florissant de tous les arts.
En France, au contraire, le laboureur est avili; il n'est admis dans aucune corporation de magistrature (1). Le bourgeois, dans les provinces, le dédaigne ou refuse de s'allier avec sa famille; entraîné par le torrent de l'opinion publique, il s'efforce de devenir aisé pour quitter son état et tâcher de devenir citadin en achetant quelque charge.
Il serait sage, il serait nécessaire même, d'honorer la profession du laboureur ; les moyens eri sont faciles, et ne coûteraient presque rien à l'administration. Dans chaque province on pourrait distribuer des prix à ceux qui auraient fait des essais ou des travaux favorables à l'agriculture. Il serait également digne de la bonté de Louis XVI pour son peuple d'instituer un ordre qu'il voulût bien porter, et auquel seraient admis tous les citoyens qui auraient rendu des services signalés et authentiques par leurs découvertes ou leurs travaux relatifs à l'agriculture. Il serait de la dignité de l'Assemblée nationale d'en demander l'institution, et que le jour de l'admission des candidats fût l'époque de la fête nationale; le nom de l'ordre serait, sans doute, celui du Roi même.
La Société ne développera pas les détails d'une telle institution, ni les effets immenses qui en résulteraient; mais elle peut assurer que cet ordre serait aussi heureux et plus honorable que tous ceux qui existent, et qui coûtent des sommes considérables.
Si une grande population est le signe d'un empire florissant, la France à ce titre tient un des premiers rangs; mais les effets de cette grande population sont réservés pour- les villes seules : les campagnes manquent de bras. C'est une vérité reconnue, et l'administration doit se hâter de rétablir un équilibre dont la subversion fait la ruine de l'agriculture. Les travaux des champs coûtent excessivement, par les gages qu'il faut donner aux valets, aux manouvriers; et il n'est pas rare de trouver des exemples que des fermiers payent autant en gages à leurs valets
qu'à leur propriétaire même. Cet objet sera pour les administrations provinciales un exemple très-important, qui intéresse autant la police publique, que le bien-être même des cultivateurs.
Louis XIV avait rendu une loi pour qu'on ne fît pas payer de taille à celui qui aurait douze enfants. L'Assemblée nationale et Louis XVI exempteront, sans doute, dans une proportion encourageante, ceux des laboureurs qui auront un égal nombre d'enfants.
Il est d'une bonne politique de favoriser et d'honorer les mariages. Les lois romaines décernaient des récompenses et des prérogatives aux pères de famille et infligeaient des peines aux célibataires, Le but et le motif de ces lois étaient d'encourager le travail et de conserver de bonnes murs. Nous nous sommes bien écartés de ces maximes ; car le célibat en France a été comblé d'honneurs et de richesses ; mais les erreurs n'ont qu'un temps, il faut espérer que le terme de celle-ci est arrivé.
2° D'une caisse de prêt.
Il n'est que trop certain que les propriétaires cultivateurs sont réduits à une sorte d'impossibilité de se livrer à des améliorations et même aux réparations nécessaires. Les impositions royales, les droits fiscaux et féodaux, la perception inégale, les taxes multipliées sur l'industrie se sont accumulés à un tel degré, a un tel excès, qu'il en est résulté un épuisement général, , . .
Il est encore certain que le trésor royal, tous les trésors particuliers, les emprunts, les banques, les projets, les loteries, les grandes entreprises n'ont cessé de tendre à faire affluer, meme des provinces les plus éloignées , la majeure partie du numéraire dans la capitale ; d'où il résulte une privation presque totale du numéraire pour les opérations les plus utiles ; une privation d'autant plus funeste dans ses effets que l'argent seul détermine à travailler ou à faire travailler, que les prix des denrées ne sont plus dans aucune proportion relative, que les travaux de la terre sont devenus et sont encçre les plus ingrats, les moins protégés et les moins fructueux de la société.
Les impositions royales, féodales ou fiscales, dont le poids accablant ne portait en quelque sorte que sur les propriétés foncières, par les exemptions immenses des privilégiés, ont dû nécessairement détourner tout propriétaire riche et aisé des travaux de la campagne, et le porter conséquemment à placer sa fortune dans les fonds publics, dont l'intérêt dépassait de moitié, souvent des deux tiers, le revenu des biens territoriaux.
Le luxe des villes, par une fatalité funeste, s'est propagé dans tout le royaume ; les habitants des villes, des bourgs et villages, le cultivateur même se sont fait des habitudes ou des besoins de ce que l'opulence et l'oisiveté ont inventé dans la capitale. Ce luxe est un fléau qui s'est réuni à tous les autres pour enlever aux provinces, aux campagnes, le peu de numéraire qui y restG.
Un tel régime devait à la longue occasionner une masse de dettes en même temps qu'une masse de misères ; les financiers seuls, les banquiers étrangers ont profité de nos fautes, de nos erreurs. Ils se sont emparés de notre numéraire ; ils ont même, à cet égard, le pouvoir de rétablir ou
d'éteindre le crédit public, et on ne pourra se délivrer de ce joug qu'en employant des moyens absolument indépendants d'eux ; des moyens, en un mot, qui soient tels que le peuple puisse, sans s'obérer encore, trouver des ressources pour se livrer aux travaux de l'agriculture et des arts qui en sont la suite, et l'Etat, sans user le peu de crédit qu'il pourrait se donner par des impôts rigoureux. Car nous sommes parvenus à ce point extrême que l'Etat, le peuple et surtout le propriétaire cultivateur sont dans une pénurie extrême d'argent. Il faut donc un crédit national qui devienne une source de nouveaux moyens et qui force les capitalistes à livrer à la circulation l'argent qu'ils cachent.
Une situation aussi déplorable des finances du royaume ne permettant pas à l'administration de désigner de longtemps des fonds pour les progrès de l'agriculture, la Société a pensé qu'il serait aujourd'hui possible plus que jamais de créer une banque rurale, où chaque propriétaire pourrait emprunter jusqu'à la concurrence du tiers ou de la moitié de sa propriété libre et franche de toutes dettes ou hypothèques, en payant, pendant l'espace de quarante, cinquante ou soixante années, les intérêts à 3 ou 4 0/0, au bout duquel il se trouverait entièrement libéré et du capital et des intérêts.
Les billets ou papiers de banque ne pourraient jamais avoir les dangers du système fatal de Law, dont le souvenir effraye encore, en ce qu'ils auraient une représentation vraiment réelle, vraiment sûre, £t indépendante de tous les événements ou de toutes les révolutions publiques. Ces billets auraient peut-être un crédit plus réel que les espèces monnayées, qui ne sont elles-mêmes que des signes de convention, puisqu'ils représenteraient des valeurs foncières, qui, des l'instant de la création de la banque, augmenteraient ces mêmes valeurs par les secours qu'ils donneraient aux cultivateurs.
La multiplication de ces billets ne serait jamais excessive, parce que le prêt ou crédit national ne s'élèverait qu'au tiers ou à la moitié de la valeur foncière : ces signes de banque s'éteindraient également à l'époque convenue, et seraient brûlés en présence des administrateurs publics.
Les propriétaires pourraient avec ces billets de banque, qui seraient reçus comme argent, se livrer à l'amélioration des terres ; ils pourraient défricher ou dessécher des marais , planter des bois, ils pourraient réparer même leurs biens, se livrer à des essais, à des travaux dont les effets ou le produit ne se font ressentir qu'à des époques éloignées, sans craindre les poursuites des créanciers avides, qui ne prêtent plus aujourd'hui que par obligation annuelle, ou par billets à court terme.
L'Etat deviendrait immensément riche par les intérêts qui seraient fournis au Trésor public, puisque dans l'espace de cinquante ans, il recevrait en réalité le montant de la somme qu'il aurait sanctionnée de son crédit, et encore les intérêts de cette même somme qui serait égale au capital ; intérêts qui seraient toujours payés, et évidemment plus sûrs que les revenus mêmes des impositions équitables. Dans l'espace de dix ans, l'Etat pourrait payer une partie de ses dettes, protéger le commerce' et l'agriculture, protéger toutes les frontières, et soutenir avec dignité l'éclat du Trône, la gloire de l'empire français.
L'argent sortirait bientôt des antres où il est enfoui : la diminution d'intérêt national forcerait
les capitalistes à donner leur argent au même taux : enfin, la Société croit que ce plan pourrait être de la plus grande utilité pour les cultivateurs. Peuaccoutumée aux opérations de finances, elle le propose comme un moyen de subvention dont elle n'a peut-être pas prévu les inconvénients ; mais elle est rassurée dès qu'il doit être soumis à l'Assemblée nationale.
Nota. Un particulier, riche de 3,000 livres de revenu foncier, emprunte sur son domaine, qu'il justifie libre de dettes, la somme de 30,000 livres, moitié de la valeur; il paye les intérêts à 4 0/0 tous les six mois, ce qui ne le gêne ni ne le grève, et enrichit l'Etat ; car, dans l'espace de cinquante ans, le Trésor public a reçu la somme de 1,200 livres chaque année : or, cinquante l'ois 1,200 livres font la somme de 60,000 livres, sur laquelle il faut déduire les frais de perception.
3° De l'utilité d'une Société d'agriculture pratique dans chaque département des provinces.
La communication libre et facile des découvertes, des procédés, ou des méthodes perfectionnées, est aussi favorable à l'agriculture, que la liberté de penser et d'écrire est utile aux progrès des arts et des sciences. Les laboureurs, les cultivateurs, les bourgeois propriétaires ne voyagent plus; ils cultivent et font cultiver comme ont cultivé leurs pères. La routine et les préjugés dominent partout sur leurs travaux. La misère ou le défaut d'aisance les réduisent aussi aux anciennes pratiques; ils n'osent ni ne peuvent faire des essais dont le succès serait douteux ou dispendieux. 11 est donc nécessaire que les arts ruraux, perfectionnés ou inventés, aillent les trouver ; il faut donc mettre sous leurs yeux la leçon si utile, si heureuse de l'exemple pratique des arts ou des méthodes proposées.
Il serait important d'établir dans chaque département ou arrondissement une Société de citoyens agriculteurs, surtout de ceux qui pratiquent, laquelle correspondrait avec celle du chef-lieu de la province, et celle de la province avec celle de Paris, qui est déjà, par ses travaux et son institution, en correspondance avec toutes les Sociétés d'agriculture et d'agriculteurs éclairés, tant dans le royaume que dans les pays étrangers. Par ce moyen, toutes les provinces s'éclaireraient mutuellement sur un art si nécessaire et qui est encore au berceau, mais qui doit promptement prospérer sur les ruines de la fiscalité et de la féodalité. Les systèmes et les erreurs qui les accréditent ne seraient plus dangereux, n'exposeraient plus les fortunes des particuliers ; l'opinion générale fixeraitbientôt le mérite des découvertes qui seraient indépendantes du sol ou du climat ; une heureuse émulation animerait les propriétaires; quelques prix distribués encourageraient les malheureux laboureurs, qui ont peine à croire au bonheur public ou à voir leur état honoré. La France serait bientôt la rivale de l'Angleterre pour l'agriculture. Ce royaume, il est vrai, n'a pas de Sociétés d'agriculture dans ses provinces, mais son état actuel est le résultat d'une révolution de près de cent années, et l'établissement proposé pourrait avancer d'un siècle la même prospérité.
§ I.
Ces Sociétés pourraient, par exemple, réunir auprès d'elles des artistes vétérinaires. Il n'y a pas de province qui n'éprouve chaque année des ma-
ladies localës ou des épizooties, qu'il serait facile de prévenir ou d'arrêter dans leurs progrès. Il ne faudrait pas, sans doute, borner l'étude de la médecine et de l'art vétérinaire aux chevaux seuls, ; comme on fait dans les écoles qui existent : les bufs, les vaches, les bêtes à Jaine sont plus essentiels encore à l'économie rurale; en un mot, les bestiaux sont la principale richesse du royaume. De leur conservation et de leur multiplication dépend la prospérité ou l'inertie de l'agriculture. De cette vérité incontestable résulte donc la nécessité de former des élèves pour la médecine vétérinaire.
§ II.
La panification est en général très-mauvaise dans les campagnes. Cet objet est trop essentiel pour ne pas fixer l'attention d'une Société, soit pour la construction des fours pour lesquels il faudrait moitié moins de bois, soit pour tous les autres objets accessoires qui ne peuvent être indifférents, puisqu'il s'agit du pauvre comme du riche. M. Necker a confié l'école de boulangerie de Paris à la Société royale d'agriculture de cette capitale.
§ III.
On ignore dans beaucoup de provinces la manipulation f^xpéditive des chanvres et des lins, l'art de les ouvrer et de les manufacturer. Cette ignorance nous rend tributaires de l'étranger pourjtles sommes considérables. Il serait très-facile à une Société d'agriculture de diriger ces travaux et de les multiplier en formant des élèves.
§ IV.
L'art des accouchements est meurtrier dans les campagnes; des milliers d'êtres sont sacrifiés par l'ignorance des sages-femmes. L'humanité sollicite une instruction et une surveillance publique sur cet objet.
§ V.
Le chaulage des grains est essentiellement nécessaire ; cependant il n'est pas généralement adopté, parce qu'on n'en connaît pas les bons effets, quoique depuis vingt ans on ne cesse de les publier. Une Société d'agriculture s'occuperait tres-utilement de répandre l'usage d'un si bon procédé pour éviter la carie des blés.
§ VI.
Il croît spontanément, ou par la culture, dans chaque province, une quantité immense de plantes, d arbres ou d'arbustes qui sont perdus pour l économie rurale, et qu'il serait possible de rendre commerçables en les préparant chacun selon leur destination.
§ VII
Les plantes potagères sont d'une ressource précieuse pour les cultivateurs; mais on ignore et la culture et l'usage d'un très-grand nombre. L'établissement d'un jardin public,, sous l'inspection d'une Société, serait de la plus grande importance : 1° pour la distribution des graines; 2 pour
l'instruction publique; 3° pour la perfection des instruments agraires. Les haies, les champs sont remplis d'arbres sauvages, parce qu'on ignore l'art de les greffer.
§ VIII.
Les maisons des paysans sont malsaines, froides et peu solides; on les couvre de chaume là où il serait possible et facile de fabriquer de la tuile ou de trouver de l'ardoise. Une Société pourrait apprendre à construire en pisé, ce qui serait pour les paysans un art inappréciable.
§ IX.
Combien de provinces où on entasse les brebis et les moutons toute l'année dans des étables, lorsqu'on pourrait les faire servir si utilement à l'engrais des terres en les faisant parquer! etc.
§ X.
On retire chaque année de l'étranger pour deux millions, et quelquefois plus, de beurre et de fromage. En éclairant les cultivateurs par une meilleure manipulation, les Sociétés pourraient rendre ce commerce plus actif, etc., etc.
4° Observations relatives au commerce des grains, des farines et du pain.
Quoique nous nous soyons imposé la loi de ne surcharger ce mémoire d'aucun précepte , d'aucun détail de pratique rurale, nous ne pouvons cependant nous dispenser de le terminer par l'aperçu des causes principales qui influent de la manière la plus directe sur l'abondance et la qualité des récoltes. Ce ne sont d'ailleurs que des vues générales concernant l'amélioration de l'aliment fondamental, et la diminution de son prix. Cette double considération ne saurait être indifférente à la Société, parce que l'augmentation réelle de la valeur des grains deviendra pour les laboureurs uu puissant motif de mieux cultiver leurs terres, et que c'est, par conséquent, concourir aux progrès de l'agriculture et à l'aisance des cultivateurs, que de s'occuper de tout ce qui a rapport à la meunerie et à la boulangerie, à ces deux arts de premier besoin qui sont le but et la fin des travaux du labourage.
On sait qu'il n'existe point de pays en Europe qui produise de meilleurs froments que la France. Le climat, le sol et les aspects leur concilient la netteté, la pesanteur et la finesse d'écorce qui en caractérisent la bonne qualité ; mais le défaut de soins, lors des semailles et des récoltes, les méthodes vicieuses de les battre, de les conserver, de les transporter, de les moudre et de les convertir en pain, font bientôt disparaître tous ces avantages; arrêtons-nous à quelques observations.
Des grains.
Les cultivateurs de beaucoup de cantons ne sont ni assez difficiles ni assez attentifs à l'opération la plus importante de l'agriculture, celle des semailles. Le choix qu'ils font du grain le plus lourd, le plus mûr, le mieux nourri, ne suffit pas encore pour remplir complètement cet objet.
Le blé, avec les apparences les plus saines, peut être moucheté imperceptiblement, et porter en soi le germe de la maladie du noir. Souvent ils négligent le sarclage, battent sur des aires malpropres, vannent et criblent à moitié, d'où il suit que les plus excellents grains.manquent de cet extérieur qui en rehausse la valeur marchande, et que tous ces défauts de soins se manifestent dans la farine, comme dans le pain qu'on en prépare.
Pour se garantir du noir, de cette maladie terrible qui diminue quelquefois, dans certains endroits, la récolte d'un tiers, en même temps qu'elle salit les grains échappés à la contagion de cette vraie peste des semences, la plupart des cultivateurs se bornent à éteindre un morceau de chaux dans l'eau, à en arroser un tas de semence qu'ils retournent, et mettent à sécher. Mais cette opération essentielle, pratiquée presque partout sans règle ni proportion, malgré les avis multipliés de la Société, est insuffisante pour s'opposer à la maladie, pour peu que la saison soit favorable à son développement.
S'il est reconnu qu'il y ait toujours un profit assuré à ne rien épargner sur le choix et sur la préparation des semences, on ne saurait douter non plus qu'il ne faille user de la plus grande économie, lorsqu'il s'agit de les répandre. Cependant, quoique d'excellents patriotes, affligés de ce qu'on perd annuellement une grande quantité du plus beau grain, n'aient cessé de prouver aux fermiers, par mille et mille expériences, que dans un champ semé épais, tous les grains germent et poussent à la fois, c[ue les racines, loin de s'étendre et de se ramifier, se rencontrent, s'entrelacent, se confondent et s'affament réciproquement ; qu'en réduisant la semence à moitié de ce qu'ils en emploient ordinairement, le produit surpassait d'un tiers ou d'un quart ; ils n'en continuent pas moins leur pratique vicieuse, en sorte que souvent la moisson ne répond ni aux dépenses qu'ils font ni aux peines qu'ils se donnent, tant est grand l'empire des préjugés et de la routine.
Les avantages de semer clair ne consistent pas seulement dans l'épargne de la semence et dans le bénéfice des récoltes; la pureté et la netteté des grains en sont encore les effets; les pièces de blé, moins en proie aux herbes étrangères, sont d'un sarclage plus facile ; on risque moins d'ébranler la bonne plante pour arracher la mauvaise; enfin, elles ne sont pas aussi susceptibles * de verser à l'approche des moissons.
S'il était possible d'établir dans les campagnes . une unité de vues, d'opinions et de travaux; si leurs habitants n'étaient pas aussi étrangers les uns aux autres; qu'il n'existât plus, enfin parmi eux qu'une seule et même famille disposée à concourir au. bien général, on viendrait sans doute à bout d'affaiblir les effets des maladies du grain, . des mauvaises herbes qui infestent nos champs, et des animaux destructeurs qui les ravagent.
Les précautions employées par les cultivateurs ¦ les plus soigneux pour "arrêter ces fléaux dans leur source ne sont que des opérations partielles, qui manquent leur effet quand elles ne sont pas exécutées en commun. A quoi sert, par exemple, l'attention d'un fermier à échardonner son champ et à écheniller son verger, si le voisin ne l'imite pas ? Ce n'est donc qu'en réunissant ses efforts qu'on parviendra à former une ligue contre ces ennemis qui, en ruinant les campagnes, entraînent encore après eux la disette et les maladies.
Ce qu'il importe le plus de persuader aux cultivateurs pour leur propre intérêt et pour le nôtre, c'est que ces fléaux ne naissent pas fortuitement, qu'ils ne sont ni l'ouvrage des brouillards, ni celui de quelque prestige; que l'influence des saisons et des localités contribue seulement à les rendre plus ou moins formidables; que la carie ou le noir, maladie particulière au froment, réside dans le froment et se propage par la voiede la contagion, etqu'ils ont dans leur foyer de quoi s'en préserver ; que la terre ne produit pas d'elle-même les mauvaises herbes qui lèvent au printemps; que ce sont les semailles, le fumier etle vent qui les répandent et les perpétuent; enfin, que les papillons qui ont déposé leurs ufs dans les champs, à la grange et au grenier, donnent naissance aux insectes, et que c'est à ces papillons qu'il faut déclarer la guerre si on veut en arrêter la source.
Telles sont les erreurs et les vérités qu'il serait utile de fuire connaître aux habitants des campagnes, en ne leur parlant que le langage familier de leur pratique, par l'organe de leurs pasteurs surtout, si à l'avenir leurs revenus sont ' en fonds de terres, et qu'ils puissent en consacrer quelques arpents à des essais sous les yeux de leurs paroissiens. Quelle voix plus propre à vaincre la séduction de la routine, à faire taire les préjugés, et à les préserver de ces hommes à secrets qui, profitant de l'enthousiasme des uns, et abusant de la crédulité des autres, sont plus capables de nuire à l'agriculture que de la favoriser ! Connaissance parfaite du sol, engrais abondants, labours profonds et répétés, préparation des semences et économie dans leur distribution , semailles précoces suffisamment enterrées et recouvertes : voilà les maximes fondamentales du premier de tous les arts.
Malgré l'obstination du cultivateur à se rendre aux expériences les plus frappantes, ne cessons de lui montrer dans ses fautes le principe des maux qu'il a éprouvés ; faisons en sorte qu'il ne puisse plus accuser que son aveuglement des torts dont il charge ordinairement les intempéries ou les localités ; qu'il soit enfin convaincu que l'abondance et la qualité des récoltes dépendent en partie de la perfection de chacune des opérations qui les précédent, et que le moindre oubli dans une seule se fait sentir sur la production.
Le défaut de sarclage, les aires malpropres, l'imperfection des cribles, rendent souvent les grains sales et impurs; ils ne coulent pas dans la main, et sont remplis de semences étrangères et de petites pierres, ce qui déprécie leur valeur dans le commerce et dans l'emploi; or, si les laboureurs soignaient mieux leurs grains, ils retireraient, en les vendant plus cher, au delà de ce que les frais et les déchets de criblage auraient pu leur coûter.
C'est à l'oubli des précautions de cribler et de rafraîchir les grains pendant leur séjour au grenier, de les cribler de nouveau quand ils arrivent à leur destination, qu'il faut attribuer l'altération de ces masses considérables de blé, dont les pertes réunies occasionnent la cherté, et souvent la famine.
C'est sans doute un abus de cultiver ensemble, et dans un champ d'une même veine de terre, le froment et le seigle, puisque l'un est plus tôt mûr que l'autre et que chacun exige une qualité différente de sol ; 011 a beau objecter que ces plantes, végétant ainsi concurremment, se prêtent des secours réciproques : jamais l'expérience en plein
champ n'a prouvé ce prétendu phénomène. G'est un autre abus de mélanger ces grains quand ils ont été récoltés séparément, pour les porter ensuite au marché, vu qu'alors il est impossible de juger quelle est leur proportion respective, et que, selon toute vraissemblance, le grain le moins cher est certainement celui qui y domine.
Un autre inconvénient encore de cette méthode, c'est qu'en envoyant au moulin les grains ainsi mélangés, il n'en résulte qu'une farine défectueuse et peu abondante. Leur nature, leur volume et leur forme étant différents, ils exigent aussi une mouture différente. 11 faut donc les moudre à part et conserver leur farine séparément, quand bien même on aurait l'intention d'en faire un pain mélangé, par la raison que l'une convient mieux à la préparation du levain et l'autre à celle de la pâte. Toutes ces considérations, que nous abrégeons, servent donc à prouver qu'il serait utile d'interdire le commerce des grains mélangés, parce qu'il n'est réellement avantageux qu'au vendeur, et que comme la pesanteur spécifique des grains est la marque la plus certaine pour juger de leur qualité, il serait nécessaire que leur commerce se fît au poids et à la mesure; ces deux moyens, employés toujours concurremment, procureraient beaucoup d'avantages et préviendraient une foule d'abus.
Sans vouloir suivre les traces des précautions employées pour se ménager des ressources contre les disettes, nous croyons que les grandes villes extrêmement peuplées pourraient se servir avec succès de l'entremise des boulangers, dont les achats et les magasins très-divisés pourraient fournir aux besoins et écarter les craintes. Ce parti serait d'autant plus sage qu'il n'est pas possible de mettre les provisions de ce genre en de meilleures mains : elles se feraient sans appareil et sans frais ; elles auraient pour surveillant l'homme dont la fortune et l'industrie seraient également intéressées à en tirer les plus grands avantages ; mais nous pensons aussi qu'il vaudrait beaucoup mieux que les provisions se fissent plutôt en farine qu'en blé : nous en expliquerons plus loin les raisons.
Qu'il nous soit permis de réclamer, au nom de la justice et du bien public, l'il vigilant des administrations chargées de veiller aux objets de subsistance; la nature peut, sans doute, donner des grains de médiocre qualité, mais rarement sont-ils capables de préjudicier à la santé lorsqu'ils ont été soignés par des procédés bien entendus. Cependant, si les négligences ou les méthodes vicieuses ont augmenté les défauts qu'ils avaient déjà au moment d'en faire la récolte, il ne faut pas se hâter de porter un arrêt de proscription que l'on n'ait consulté les ouvrages des physiciens patriotes qui ont traité avec le plus de clarté ces objets importants; il faut faire essaver en silence et sous ses yeux les moyens qu'ils indiquent, pour s'assurer par soi-même si les grains et les farines suspects peuvent servir encore de nourriture sans aucun inconvénient. Si enfin, après avoir réuni les lumières d'observateurs habiles, sans préjugés, parfaitement instruits du degré d'altération des grains, des causes multipliées qui les ont gâtés, et des effets qu'ils peuvent produire dans cet état ; si, après ces sages précautions, il reste encore de l'incertitude, on ne doit plus balancer à rejeter de la masse des subsistances de pareils grains; mais il ne faut pas les perdre de vue qu'ils n'aient acquis la forme sous laquelle ils
peuvent encore devenir une ressource quelconque pour la chose publique.
De la mouture.
C'est une des principales opérations de la fabrication du pain ; une fois manquée, il n'est guère possible de réparer le mal ; quelque bon procédé que le boulanger emploie dans ses manipulations subséquentes, la défectuosité de la mouture se manifestera toujours dans les qualités des résultats.
Les moutures vicieuses sont une des causes principales de la cherté du pain et toujours l'impôt le plus onéreux qu'on puisse mettre sur le peuple. Quelle épargne, si d'une extrémité à l'autre du royaume, on parvenait à retirer des grains tout ce qu'ils renferment de farine! On y parvient par 1a, mouture économique ; mais les expériences faites à l'école de boulangerie de Paris prouvent que chaque fois que le grain ou ses produits passent sous les meules, ils éprouvent toujours une altération plus ou moins sensible, et que loin d'augmenter le nombre des remoutures portées déjà à cinq, il faut les restreindre à trois ans au plus, dut-on retirer un peu moins de farine ; elles prouvent encore, que loin de conserver la mouture à la grosse, sous le prétexte qu'elle occasionne moins de déchet et de frais que la mouture économique, il faut nécessairement la proscrire, parce qu'elle donne des produits toujours incertains, mais assez constamment aux riches de la farine avec du son, et à la classe indigente beaucoup de son avec de la farine.
Pour prévenir cette disette locale, ces renchérissement subits, ces émeutes populaires que fait naître, presque chaque année, dans quelques cantons du royaume, la suspension des moutures pendant des mois entiers de temps calme, de sécheresse, de gelées et d'inondations, il faudrait établir un certain nombre de moulins indépendants de l'air et de l'eau : d'abord pour les villes très-peuplées, un moulin composé de plusieurs meules mues par une machine à feu; pour celles d'un ordre inférieur, des moulins à manège, et enfin des moulins à bras pour les campagnes, les hôpitaux, les maisons de force, etc., etc. Il serait même à désirer que ces derniers devinssent un objet d'ateliers de punition pour des hommes condamnés par la loi, et qu'il est bien danger reux d'abandonner à une inaction absolue durant le jour, parce qu'ils veillent la nuit.
Les moulins à eau, moins multipliés par ce moyen, ne nuiraient plus à l'arrosement des prairies ; le cours des rivières serait plus libre, et leur épanchement ne noierait plus des pays sains et fertiles, pour n'en former que des marais fangeux, stériles et nuls pour l'agriculture.
Les machines à feu appliquées aux moulins donneraient lieu à de grands établissements de mouture, parce qu'on ne serait pas commandé par le local. On pourrait travailler les grains dans la partie supérieure du bâtiment : un crible passé au-dessus de la trémie ferait arriver sous les meules le grain tout nettoyé, tout rafraîchi; la bluterie s'établirait dans la partie inférieure, et on adapterait des bluteaux en sens contraire, de manière que le criblage, la mouture et la bluterie marcheraient ensemble par la même force motrice^ On sait que le jeu bien combiné des machines est préférable à la main-d'uvre, toujours plus chère et qui n'exécute pas aussi bien.
C'est surtout dans les villes maritimes qu'il faudrait distinguer et favoriser ces grands établissements de mouture, parce que, quand on serait menacé d'une disette prochaine, ils mettraient à portée de recevoir des grains de l'étranger,de réparer par leur industrie la détérioration que la denrée aurait pu éprouver pendant son trajet, de leur enlever ce qui s'opposerait à la perfection des moutures, de leur restituer les qualités que les intempéries des saisons ou la négligence auraient pu affaiblir ; enfin , leur appliquer la chaleur de l'étuve quand il s'agirait d'arrêter leur dépérissement, de les rendre convenables à la nourriture, ou de prolonger la durée de leur conservation.
Ces établissements de mouture, formés dans les villes capitales de nos provinces, deviendraient pour les jeunes meuniers un cours d'instruction pratique. C'est là qu'ils apprendraient à bien monter les meules, à les piquer convenablement, à sasser parfaitement les gruaux ; enfin, ils acquerraient la preuve que la perfection d'un objet tient souvent à des soins peu dispendieux, dont on est amplement dééommagé par la valeur des marchandises qui en sont les résultats.
Il est malheureux, sans doute, que dans les cantons où Je prix de la mouture est prélevé d'avance sur le grain, on n'ait pas songé à le fixer sur la farine. Le meunier alors serait intéressé à mieux moudre, et il ne se servirait pas de toute l'impétuosité du moteur pour expédier autant de blé à la fois. Nous croyons qu'on pourrait prévenir une partie des fraudes qu'on leur impute, en fixant partout le prix de la mouture en argent, et non en nature; en les obligeant d'avoir des balances pour peser le blé qu'ils reçoivent, la farine et les sons qu'ils renvoient aux particuliers.
De la farine.
La question qui a pour objet les avantages du commerce des farines a été discutée sous tous les rapports dans un mémoire imprimé parmi ceux dé la Société royale d'agriculture, pour l'année 1785, trimestre d'automne. Nous nous dispenserions de revenir sur cette matière, laissant au temps à opérer la révolution que nous désirons, si elle n'était du petit nombre de ces vérités qu'on ne saurait trop souvent rappeler.
Il est certain qu'un des moyens de perfectionner promptement dans le royaume la meunerie et la boulangerie, c'est de substituer le commerce des farines à celui des grains. Il n'existe pas de contrée plus favorablement située pour en tirer un parti avantageux, soit par rapport à l'abon* dance et à la qualité de ses grains, soit relativement à la multitude de ses rivières et de ses canaux navigables.
Les boulangers qui seraient dans le cas d'acheter des grains et de les faire moudre sur-le-champ, ne perdraient jamais le fruit de leurs soins et de leur attente, parce que la farine, gardée selon les bons principes, n'expose à aucune dépense; qu'elle devient, avec le temps, sèche, moelleuse, d'un travail plus facile, et donne de meilleur pam, et en plus grande quantité que si elle était récente. Ces avantages suffiraient pour les dédommager de la mise de leurs fonds ; mais il faut convenir que la plupart d'entre .eux ne possèdent ni emplacement, ni fonds, ni crédit, ni intelligence, pour former de pareils approvisionnements.
C'est toujours sous la forme de la farine qu'il
faudrait exporter le superflu de nos récoltes, parce que cette exportation laisserait dans le royaume, d'abord le bénéfice de la main-d'uvre, ensuite des farines bises pour la nourriture du peuple, des issues pour l'engrais des bestiaux. Cette exportation n'ayant lieu que dans des barriques, elle multiplierait la main-d'uvre ^des tonneliers, et revivifierait les manufactures d'éta-mines à bluteaux : la charpente, les forges se ressentiraient aussi de l'accroissement de ce travail. Ces objets réunis augmenteraient le prix du se lier de 3 à 4 livres au profit de la France, qui serait longtemps en possession de ce nouveau genre de commerce avant que les étrangers fussent en état de lui disputer la concurrence.
L'expérience a déjà prouvé que le commerce des minots occasionnait une activité favorable à l'agriculture dans les provinces qui avoisinent les villes maritimes, et que l'abondance des grains ne suffit pas toujours pour rassurer sur les besoins de la consommation : la farine prête à être employée doit mériter la préférence. A la faveur du commerce des farines, l'administration aurait un moyen prompt de faire avorter sur-le-champ les spéculations avides des monopoleurs et des capi-tcili stes
En vain objecterait-on que les farines seraient d'un transport embarrassant, se conservant moins aisément que les grains, et qu'il est plus facile de les mélanger. Nous répondrons à la première objection que, depuis la découverte de l'Amérique , nous n'approvisionnons nos colonies qu'en farine ; à la seconde, que la farine a, comme le blé, des caractères frappants qui ne peuvent échapper aux organes exercés et qu'il existe des pierres de touche qui décèlent la présence des mélanges ; qu'enfin, la conservation des farines en sacs isolés, placés dans un grenier par rangées droites, n'exige ni dépenses, ni embarras, ni soins : qu'elles se bonifient en vieillissant, tandis que les grains abandonnés à l'air, suivant la méthode ordinaire, coûtent, en déchet et en frais de manutention, 4 0/0 du prix d'achat, sans avoir augmenté de qualité. Le commerce intérieur et extérieur des farines a donc l'avantage de réunir à l'intérêt public l'intérêt particulier; sous ce double rapport, il mérite les faveurs de l'Assemblée nationale.
Du pain.
Comme le bois est la partie la plus dispendieuse de la fabrication du pain, et qu'il coûte fort cher dans presque toutes les provinces, il faudrait s'occuper des moyens de l'économiser. La plupart des fours sont construits sans principes ; ils ont trop d'élévation à la voûte, une très-large entrée, et une porte qui ferme mal : d'où il résulte une consommation énorme, pour n'obtenir souvent qu'une cuisson imparfaite.
Pour diminuer la consommation du bois, devenu si rare par le luxe de nos cultivateurs, l'abus des défrichements et l'oubli des plantations, il serait utile d'abord d'engager les habitants de chaque village à faire construire un four commun, d'après un bon plan. Ce four, ne refroidissant jamais, cuirait infiniment mieux le pain, et ne consommerait pas autant de combustible. Il serait nécessaire ensuite, pour les mêmes motifs, de diminuer dans les villes le trop grand nombre de fours.
Une meilleure administration des forêts existantes, l'encouragement à de nouvelles planta-
tions, la nécessité d'élever et de conserver les espèces de bois destinées aux constructions de tout genre, ne doivent pas empêcher de recourir aux moyens les plus efficaces pour accélérer la recherche et l'exploitation des mines de charbon de terre. Il est d'ailleurs bien constaté par des expériences faites en différents endroits, et notamment à Paris sous les yeux de la Société, que le pain peut cuire sur un âtre chauffé immédiatement par le cliarbon de terre, sans contracter ni odeur ni goût.
S'il n'existait qu'une seule et même mouture dans tout le royaume et que ce fût la mouture économique, il serait facile de mettre toujours le prix du pain à sa juste valeur. Le blé fournit les trois quarts de son poids en farine ; savoir, huit neuvièmes de farine blanche, et l'autre neuvième de farine bise : le reste consiste en issues formées de remoulages, de recoupes et de son. Or, douze onces de farine absorbant huit onces d'eau au pétrissage, et n'en conservant que quatre au four, il resterait toujours une livre de pain pour une livre de blé. Alors il n'y aurait plus qu'à ajouter au prix courant des grains les frais accessoires; à distinguer ensuite ceux de fabrication et le bénéfice légitime, qui doivent être réglés sur les circonstances locales et l'étendue du travail des boulangers.
Mais ces bases données par la nature, et que l'art est venu à bout de saisir, varient infiniment à raison des récoltes et des expositions. Quoique l'on connaisse parfaitement bien aujourd'hui la dépense réelle qu'il en coûte pour transformer en pain un sac de blé d'un poids et d'une mesure connus, cette dépense peut encore différer relativement aux qualités, aux formes et au volume des pains que le boulanger fabrique, et au nombre des fournées qu'il cuit. N'est-il pas juste, en outre, de maintenir au prix le plus modique le pain que consomme l'ouvrier chargé de famille, l'homme dénué de tout secours, et de faire supporter une grande partie des frais de main-d'uvre à celui du riche, dont le pain, plus délicat, demande aussi plus de soins et plus de façon ?
C'est dans cet esprit de justice et d'humanité que se trouve rédigé un projet de tarif qu'a proposé M. Tillet, membre de la Société; tarif déjà adopté par Rochefort, Bar-le-Duc et Chartres. Nous croyons que les administrations provinciales ne pourraient mieux faire que de consulter ce savant pour mettre fin à toutes les discussions qui se renouvelleront sans cesse tant qu'on ne remontera point à la source des contestations, et aux moyens assurés d'établir des bases fixes pour écarter de la taxe du pain tout prétexte, tout arbitraire.
Comme le pain est, dans tous les temps, la moindre dépénse du riche, et la plus forte du pauvre, on ne saurait trop prendre garde qu il ne soit fait aucun tort à ce sujet. L'unique moyen pour y parvenir serait de vendre le pain au poids. L'acheteur, trouvant des balances chez le boulanger, pourrait toujours, quand il le voudrait, acquérir la certitude qu'il a le poids du pam qu'il paye ; et les boulangers, sans s écarter de l'usage où ils sont de faire des pains d'un certain volume, et de les maintenir, autant quil est pos sible, dans les poids différents où ils les vendent, suppléeraient en pain ce qu'il y aurait de moins. Nous le répétons, le peuple serait soulagé par la vente du pain au poids. Cet usage est adopte dans beaucoup de villes du royaume. Nous n en-
trevoyons aucun obstacle qui puisse empêcher qu'il ne devienne général.
Il serait également à désirer qu'il fût possible de diminuer le nombre des boulangers, trop multipliés dans les villes. La plupart vivent à peine du travail de leur état, et n'ont qu'une connaissance très-imparfaite des grains et des moutures. Ne pouvant s'approvisionner sur les lieux des récoltes, ni tirer de la première main, ils vont, au jour le jour, acheter la farine qu'ils emploient souvent au sortir des meules : d'où résultent une douzaine de livres de pain de moins par sac, un travail plus difficile, un produit plus cher et moins parfait que si la farine avait reposé.
Qui se ressent principalement du défaut d'aisance des boulangers ? Le peuple. Combien de fois cependant, accessibles à tous les sentiments qu'inspire la misère publique, ne fournissent-ils pas à crédit aux pauvres ouvriers, pendant des mois entiers, le pain qu'ils n'ont pas encore gagné! Gomment ces boulangers pourront-ils avoir en avance des provisions, et supporter les sacritices dans les moments de crise où il est prudent quelquefois de maintenir la diminution du prix du pain au delà des bornes prescrites par le tarif, si leur travail, borné à une ou deux journées, les indemnise à peine de leurs frais?
Nous ajouterons, en terminant ces observations, qu'il serait ridicule de supposer que si les boulangers étaient en moins grand nombre, et qu'ils fussent chargés seuls des approvisionnements, ils feraient payer le paiu arbitrairement. Ge commerce sera toujours sous la sauvegarde des lois ; et les magistrats, qui en sont les dépositaires, instruits par les essais, veilleront à ce que cette denrée de premier besoin soit de bonne qualité, toujours dans une relation intime avec le prix des grains et des farines. Toutes les facilités accordées aux boulangers dans leur commerce tourneront au profit du peuple. Ainsi, intéresser à leur sort la bienfaisance éclairée, c'est former des vux pour le soulagement de la classe indigente.
Fait et arrêté dans une assemblée générale et extraordinaire, tenue au Louvre, le 26 septembre 1789.
Signé : le marquis de Bullion, directeur; Par-mentier, vice-directeur; Béthune; duc de Gharost ; de La Bergerie ; l'abbé Lefebvre, agent général ; Broussonnet, secrétaire ;perpétuel.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture du procès-verbal.
annonce que le résultat du scrutin pour la nomination d'un président n'a pas donné de résultat et qu'aucun membre n'a réuni la majorité réglementaire.
L'Assemblée décide qu'elle procédera à un nouveau scrutin à deux heures et demie et qu'en attendant M. Fréteau continuera à présider.
annonce que les trois membres qui ont été élus secrétaires sont MM. Target, Thouret et Barnave.
Un membre a fait l'observation que dans le procès-verbal du 18 octobre qui a été imprimé, il n'était pas fait mention du décret relatif à la sanction royale, qui porte que la loi était sanctionnée. M. le garde des sceaux en enverra à l'Assemblée nationale une expédition signée et scellée, pour être déposée dans ses archives ; en conséquence l'Assemblée a ordonné que cette disposition serait insérée dans le procès-verbal de ce jour, et qu'elle serait remise par M. le président sous les yeux du Roi.
a fait lecture d'une adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-Marcellin en Dauphiné, au sujet d'une convocation extraordinaire ordonnée par la commission intermédiaire de cette province. Cette municipalité demande dans cette circonstance la conduite qu'elle doit tenir, ne désirant que le vu et les ordres de l'Assemblée nationale.
a vu le Roi et témoigné à Sa Majesté que, si cette assemblée avait pour objet autre chose que la répartition des impôts ou des mesures relatives à la contribution patriotique, les conséquences pourraient en être fâcheuses.
La discussion est ouverte sur l'adresse de la ville de Saint-Marcellin et sur la convocation extraordinaire des Etats du Dauphiné.
La convocation des Etats ne peut être relative aux impôts, puisque le doublement est aussi convoqué, et que cette convocation ne doit se faire que pour la nomination des députés aux assemblées de la nation ; ainsi, elle a pour objet la révocation des députés actuels, ou du moins des opérations infiniment importantes.
Il faut d'abord savoir si c'est avec le consentement du Roi que les Etats du Dauphiné sont convoqués; et si ce consentement n'a pas été donné, on doit demander aux ministres quelles mesures ils prendront pour empêcher cette convocation.
Une lettre devienne m'apprend qu'on assemble les trois ordres du Dauphiné, pour s'occuper de la translation de l'Assemblée, et qu'on annonce l'improbation de quelques décrets. Je vous engage à user de toute votre puissance et de tout votre courage pour réprimer des entreprises aussi dangereuses.
Le parti proposé par M. Duport ne remédierait pas au mal. Si les ministres disent qu'ils ont permis, l'Assemblée ne pourra pas approuver cette permission; mais quefera-t-elle? Il vaut mieux répondre à la municipalité de Saint-Marcellic que l'Assemblée nationale n'est pas instruite de cette convocation, et qu'elle la désapprouvera si elle a un autre objet que les impositions.
Le moyen le plus sûr est de rendre un décret qui suspende l'assemblée jusqu'à ce que la commission intermédiaire ait donné les motifs de la convocation.
On calomnie la province du Dauphiné, en lui supposant des projets qui puissent inspirer quelques craintes ; mais elle a assez
prouvé son patriotisme, pour être à l'abri de tout soupçon. Un des membres de cette Assemblée, qui a reçu longtemps des marques flatteuses de votre estime (M. Mounier), est maintenant dans la capitale de cette province ; il rendra incessamment compte des motifs de son départ, et ne tardera pas à revenir parmi vous (1).
La députation du Dauphiné a écrit elle-même pour faire suspendre l'effet de la convocation.
Il existe un principe certain applicable à toutes les circonstances : c'est de ne rien faire sans être bien instruit. Nous ne le sommes pas suffisamment ; il n'y a pas lieu à délibérer.
Nous sommes assez instruits du fait intéressant qui nous occupe, puisqu'il est public et notoire. Nous le sommes du principe que nulle convocation ne peut être légale, juste, légitime, tant que nous n'aurons pas établi les formes des assemblées des provinces. Ce principe doit être ajouté au décret conforme à la proposition de M. Duport.
J'adopte entièrement cet avis ; mais je pense que, par estime pour cette province, le premier auteur de notre liberté, on peut écrire une lettre à la commission intermédiaire.
La province du Dauphiné n'est pas la seule qui s'assemble ; la noblesse de Bretagne se réunit à Saint-Malo, celle du Languedoc à Toulouse. Dans cette dernière ville, quatre-vingt-dix nobles et quatre-vingts parlementaires ont été convoqués le 10 octobre ; ils ont engagé les autres ordres à se rassembler pour rendre à la religion son utile influence, à la justice sa force active, au Roi son autorité légitime, osons le dire, sa liberté , et pour s'opposer à l'abolition des droits et franchises de la province et des villes.
Ces expressions, tirées de la déclaration imprimée de la noblesse du Languedoc, et tous les faits réunis rendent très-instant un décret selon les vues de M. Duport et de M. de Mirabeau.
est de même avis, et observe que les convocations qui se font par ordre dans différentes provinces sont contraires aux décrets de l'Assemblée, et notamment à celui du 15 de ce mois, concernant la nomination des suppléants.
Le Dauphiné n'est coupable d'aucune infraction au décret du 15, puisque la convocation n'a été faite que le 12. Eh! d'aiMeurs, pourquoi ravir à une province le droit de s'assembler, quand on souffre soixante districts qui croisent sans cesse les 'opérations de l'Assemblée, quand on paraît ignorer qu'il en est un qui s'est permis de protester contre la loi martiale ?
J'adopte l'avis de M. Duport et l'amendement de M. de Mirabeau ; mais il a échappé
aux préopinants une conséquence bien naturelle des faits qui sont ici discutés : c'est
la nécessité, toujours plus pressante, de s'occuper entièrement de la Constitution.
Les provinces ont cru difficilement à la liberté de la translation du Roi et de l'Assemblée, sollicitée par quinze mille hommes et un train d'artillerie : ce ne sont pas des décrets qu'il faut envoyer contre elles pour les empêcher de s'assembler." Pour donner l'assurance de notre liberté, que notre président écrive, écrivons tous amiablement, et surtout faisons respecter nos décrets dans le lieu de notre résidence.
et d'autres députés disent qu'ils ont reçu des lettres de félicitations sur l'établissement de l'Assemblée dans la capitale. Leurs provinces pensent qu'elle est plus libre au milieu des bons Parisiens, qu'elle ne pouvait l'être dans l'antique séjour du despotisme ministériel.
La convocation des diverses provinces est irrégulière ; l'irrégularité est notoire. 11 y a donc lieu à délibérer sur cette irrégularité, il n'est pas question des motifs des convocations ; il ne s'agit ni d'accuser ni de justifier. Quand le décret porte le mot empêcher, il ne dit que ce qu'il doit dire ; le pouvoir exécutif ne peut-il pas enjoindre, permettre, défendre? Ne dirait-on pas que nous avons déjà vomi des bataillons et des décrets contre ces provinces? On propose d'écrire amiablement; il le faut, et une adresse dans ces vues avait déjà été demandée; mais agissons pour empêcher des convocations irrégulières, qui lanceraient de nouveaux désordres dans le royaume.
(1). Messieurs, en entendant proposer de condamner comme irrégulière la convocation des Etats du Dauphiné et de leur doublement, il est de mon devoir de vous faire connaître l'état de cette province.
La province de Dauphiné s'est signalée par sa résistance aux actes du despotisme ministériel, en 1788. C'est l'époque à laquelle elle s'est donné elle-même librement sa constitution. Elle régénéra ses anciens Etats qu'elle chargea de la répartition des impôts et de l'administration générale de la province. Elle ordonna en même temps que le nombre des membres en serait doublé pour députer aux Etats généraux. C'est par les Etats de la province et leur doublement réunis que nous sommes effectivement députés, et vous avez con-tradictoirement reconnu la régularité de cette députation. Nos décrets sur l'abolition de la distinction politique des ordres, relativement à la nomination des suppléants, ne sont vraisemblablement point encore promulgués par le Roi, dans cette province. C'est dans cette situation des choses que les Etats et leur doublement ont été convoqués.
La députation elle-même a pensé que cette convocation pourrait avoir des
inconvénients dans le moment actuel, eu égard aux opinions diverses qu'on pourrait se
former d'après les dernières circonstances, et qu'il fallait attendre que cette
opinion fût éclairée par le temps et la succession des événements propres à rassurer
égale-
Mais cette convocation n'est pas dans le cas d'être déférée à l'Assemblée nationale. La constitution;du Dauphiné subsiste jusqu'à ce qu'un autre régime convenable lui soit substitué. Ses Etats ont à répartir les impositions de 1/90. Le doublement a à nommer des suppléants. Il n'y a eu que sept suppléants nommés dans cette province, réduits à six par la démission d'un député avant l'ouverture de l'Assemblée, et il est notoire qu'il manque actuellement à la députation sept de ses membres. Nous avons pu désirer la suspension ou la révocation actuelle de la convocation des Etats et de leur doublement, dans la crainte de les voir induire à erreur par les récits divers des circonstances qui ont précédé ; mais il ne s'ensuit pas que cette convocation doive être déférée à l'Assemblée. Je conclus donc à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à délibérer.
(Un honorable membre ayant opposé à l'opinant que la députation elle-même avait écrit à la commission intermédiaire que cette convocation était irrégulière, et que l'opinant était du nombre des signataires de cette lettre, l'opinant a repris, et dit :)
1° Je suis surpris de voir la lettre écrite à la commission intermédiaire, imprimée, n'étant pas de ma connaissance que la députation ait pris aucune délibération à ce sujet. Je me plains donc de cette publicité et je ne crois pas qu'on puisse légalement faire usage d'une lettre qui ne devrait être qu'entre les mains de ceux à qui elle est adressée.
2° J'observe que, si le fond ou l'objet de cette lettre a été convenu par la députation réunie, la rédaction a souffert des débats qui n'ont point été terminés. Le rédacteur a fait signer sa rédaction par les divers membres séparément, sans la faire collectivement approuver. Il est résulté de là que les signataires ont cru justement avoir la liberté de faire des corrections ou des amendements individuels, avant de donner leur signature, je suis certain, entre autres, d'avoir changé moi-même ces termes : la convocation est irrégulière, en ceux-ci: pourrait être critiquée, afin de n'exprimer qu'un simple doute, ou moins que cela, une simple possibilité; et j'ajoute que j'aurais porté plus loin les amendements, si l'état d'une minute déjà revêtue de signatures m'en eût laissé la faculté. Ainsi, à moins que ma propre correction ait été changée, à mon insu, l'imprimé de la lettre n'est pas conforme à l'original, et l'on ne peut pas en opposer.
Les Etats du Dauphiné sont convoqués par ordre ; première irrégularité. Ils le sont sans le consentement du Roi, tandis que le règlement même de ces Etats exige ce consentement; seconde irrégularité. La convocation n'a d'autre objet que les impôts et la nomination des suppléants ; je vois le contraire dans une lettre écrite par la députation de cette province , et signée par le préopinant.
On délibère, et la question préalable est rejetée.
La division du décret proposé est demandée , accordée, et la première partie, relative seulement au principe , ainsi décrétée :
« L'Assemblée nationale décrète que nulle convocation ou assemblée par ordres, ne pourra avoir lieu dans le royaume, comme contraire à un décret de l'Assemblée, et que celui du 15 oc-
tobre, qui ordonne que toutes les assemblées de bailliages et sénéchaussées se feront par individu et non par ordre, sera envoyé par Je pouvoir exécutif, ainsi que le présent décret, à toutes les provinces, bailliages, sénéchaussées, municipalités et autres corps administratifs du royaume. »
Plusieurs membres demandent l'ajournement de la seconde partie qui prononce sur les convocations des Etats des provinces.
(1). L'ajournement proposé est un véritable danger qui tend à détruire la motion : il ne doit point y avoir d'assemblées provinciales quand l'Assemblée nationale est formée et que chaque province y a des représentants. La proposition contraire tendrait évidemment à détruire ou à bouleverser le royaume. Ajourner la motion c'est tolérer que les provinces s'assemblent; c'est les autoriser à faire des réunions dont le résultat ne peut être que dangereux avant la Constitution achevée. Quel intérêt pressant peuvent avoir les provinces? Les impôts peuvent être répartis par des commissions intermédiaires. C'est aux municipalités à recevoir les déclarations et le produit des contributions patriotiques, et non pas aux provinces à y délibérer. Ce ne sont donc que les mauvais citoyens qui voudraient mettre le trouble dans le royaume qui sont intéressés à protéger ces convocations irrégulières. On parle du droit de pétition ; mais ce n'est pas quand chaque municipalité, chaque corporation peut en faire, qu'on a besoin d'assembler les provinces; il ne faut pas fléchir sur le principe, surtout quand l'Assemblée nationale est en activité.
Ainsi, puisque la proposition a été faite, il faut la décider d'après le principe et interdire à toutes les provinces le droit de s'assembler jusqu'à ce que le mode de représentation et de convocation soit établi.
On doit attendre la séparation des assemblées du patriotisme de ces assemblées, mais on ne peut l'exiger par un décret. Celle qui, représentant la totalité de la nation, a été créée pour créer la liberté , ne peut empêcher quelque portion de cette totalité de se réunir , pourvu que la forme qu'aura adoptée cette portion et ses opérations ne contrarient pas les décrets de l'Assemblée nationale. Dans cette observation j'expose le principe, mais je n'entends pas admettre l'ajournement.
a demandé qu'on ne souffrît plus l'établissement des districts, ils ne sontpoinlt assemblées administratives ; ils existent pour procurer une correspondance active entre les citoyens, et exécuter quelques points de police : on ne peut toucher à leur existence; mais je demande la permission de dénoncer au tribunal qui doit en connaître, celui de Saint-Martin-des-Champs, ainsi que l'arrêté par lequel il ose défendre l'exécution de la loi martiale portée à l'Assemblée.
Le préopinant réclame la liberté des assemblées particulières ; mais il faut
distinguer parmi elles les assemblées politiques:
On a dernièrement, lors d'une loi importante (la loi martiale), réclamé pour le peuple le droit de pétition; c'est ce droit que les assemblées de provinces veulent exercer. Quand les représentants sont assemblés, les corps sont plus en mesure de faire valoir leurs droits, les représentants sont plus en mesure de les connaître. Ce n'est pas dans un siècle de lumière et de liberté qu'en verra réussir le système d'oppression contraire à ces principes.
Les Etats du Dauphiné sont convoqués pour s'occuper des intérêts particuliers de la province ; ils le sont suivant les formes que vous avez approuvées par un décret, lorsqu'il a été question de juger de la dêputation nommée par une assemblée qui existait avec ces formes.
Peut-on redouter les habitants d'une province qui a donné le signal de la liberté? peut-on craindre qu'ils portent atteinte à une liberté qu'ils ont aimée les premiers , et quand elle était dangereuse?
Je vais répondre aux faibles réflexions des deux préopinants .
M. de Gazalès a fort bien dit qu'on devait reconnaître au peuple un droit de pétition. Ce droit n'est point un droit politique. Les pétitions se font sans convocation d'assemblée. On a dit : la pétition de telle corporation, de telle jurande, et non des Etats de Bretagne, de Provence ; et je ne crois pas que les corporations, les jurandes, aient le droit d'organiser à leur guise une assemblée politique.
M. de Virieu est bien plus faible encore ; il parle d'un décret nullement applicable , et qui n'a jugé qu'une question provisoire de représentation.
Tous deux sont hors de la question, qui se réduit à ceci : autorisera-t-on les provinces à se convoquer avec des formes non réfléchies, et sans aucun rapport avec la nouvelle allure que leurs représentants doivent donner à la monarchie ? Et d'ailleurs est-il vrai qu'une province ait pu s'assembler sans le concours du pouvoir exécutif, sans consulter l'Assemblée nationale ? Non, sans doute, et le pouvoir exécutif est en ce moment occupé à réprimer la démarche du Dauphiné. Quand je pense que nous avons passé une matinée à savoir si nous enverrons notre président vers le Roi, relativement à un objet de la plus dangereuse conséquence, je ne puis que demander que nous allions sur-le-champ aux voix.
consulte l'Assemblée, et le second décret est ainsi rendu :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il soit sursis à toute convocation de provinces et d'Etats, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait déterminé, avec l'acceptation du Roi, le mode de convocation dont elle s'occupe présentement ; décrète en outre que M. le président se retirera par-devers le Roi, à l'effet de demander à Sa Majesté si c'est avec son consentement qu'aucune commission intermédiaire a convoqué les Etats de sa pro-
vince ; et dans le cas où ils auraient été convoqués sans la permission du Roi, Sa Majesté sera suppliée de prendre les mesures les plus promptes pour en prévenir le rassemblement;
« Décrète en outre que copie de la présente clëlibéra-tios sera envoyée par le pouvoir exécutif sur-le-champ aux commissions intermédiaires, ainsi qu'aux bailliages, sénéchaussées, municipalités et autres corps administratifs ;
« Arrête que le présent décret, ainsi que le précédent et celui sur la nomination des suppléants, seront sur-le-champ présentés à l'acceptation du Roi. »
On allait reprendre la suite de l'ordre du jour lorsque l'Assemblee a été troublée par la chute d'une travée de la galerie réservée au public.
Cet événement imprévu n'a produit aucune suite fâcheuse.
L'Assemblée a décidé que les galeries seraient interdites aux étrangers jusqu'à ce que tous les moyens de sûreté eussent été pris. Les commissaires précédemment désignés pour le choix d'un local feront à bref délai leur rapport. (Voy. ci-après, annexé à la séance de ce jour, le compte rendu des commissaires.)
Je fais la motion positive d'une adresse aux provinces sur les décrets précédents.
Cette motion est sur-le-champ adoptée.
Je propose de décréter que, toute affaire cessante, l'Assemblée ne s'occupera que des municipalités.
observe qu'il y a déjà deux décrets sur cet objet, et qu'on ne peut y revenir encore.
L'Assemblée se sépare pour procéder au nouveau scrutin pour l'élection du président, remis à la lin de cette séance.
à la séance de VAssemblée nationale du
COMPTE RENDU
à l'Assemblée nationale par les six commissaires qu'elle a nommés et revêtus de
pouvoirs, pour choisir un local, les
Messieurs, les commissaires que vous aviez choisis n'ont pas eu plutôt reçu les nouveaux ordres qu'il vous a plu de leur donner, qu'ils ont été revoir plusieurs salles déjà mesurées, et visiter un grand nombre d'emplacements, ils croient pouvoir dire tous les emplacements qui semblaient susceptibles de contenir l'Assemblée nationale.
Avant de vous rendre compte de leurs recherches, il est essentiel qu'ils fixent votre attention sur les dimensions de la salle où nous sommes en ce moment.
Elle a 41 pieds de largeur, et 99 pieds de longueur; ces deux dimensions ont été augmentées, quant à la contenance, par la reconstruction des tribunes qui existaient déjà, et que l'on a reposées presque sans frais. Ces tribunes ayant chacune près de 6 pieds de largeur, il se trouve que dans l'état actuel, cette salle peut être considérée comme ayant effectivement 47 pieds de large, sur 110 pieds de long.
Nous nous sommes transportés au Panthéon, situé rue de Rohan. La salle a 42 pieds de large sur 49 pieds de long ; c'est-à-dire 5 pieds de moins de largeur, et 61 pieds de moins de longueur.
Nous avons été au Wauxhal d'été, situé rue de Bondv. Cet emplacement n'a que 27 pieds sur 48; c'est une ellipse comme Je précédent. Mais comme il est entoure d'une galerie qui augmente ses dimensions, on peut évaluer son petit diamètre à 41 pieds,, et le grand à 62; c'est-à-dire 6 pieds de moins de largeur et 48 pieds de moins de longueur que cette salle-ci.
On a cru devoir retourner au Salon des Tableaux au Louvre. Cette pièce, fort élevée, serait peu propre à la voix. Elle a 48 pieds sur 75; c'est-à-dire, un pied de plus de largeur, et 35 pieds de moins de longueur.
Le Val-de-Grâce, Messieurs, est plus grand; il a sous le dôme 52 pieds de diamètre, tandis que nous avons, pour ainsi dire, dans la salle où nous sommes deux carrés de même étendue.
Le dôme de l'Assomption est plus vaste; il a 70 pieds de diamètre, grandeur absolument insuffisante, d'autant qu'il n'y a aux environs aucune pièce susceptible de contenir vos bureaux.
Les Invalides ont 2 pieds de plus, c^est-à-dire 72 pieds de diamètre. Ces dimensions sont encore insuffisantes, à moins que l'on n'occupât les cha-pellesqui forment la croix; mais elles sont extrêmement renfoncées, et il y aurait une partie de l'Assemblée qui n'apercevrait jamais l'autre ; ce qui obligerait, pour la moindre décision, d'avoir recours à l'appel nominal.
Nous devons ajouter que cet édifice a 174 pieds de hauteur; ce qui rendrait physiquement impossible de le chauffer, et de s'y faire entendre.
Il y a une observation générale à faire sur ces trois derniers emplacements : c'est que si l'on voulait diminuer la hauteur des dômes par de faux plafonds de toiles tendues au niveau des corniches, le jour serait absolument intercepté, et la hauteur encore immense; aux Invalides, par exemple, elle serait de 124 pieds sous corniche.
Nous nous sommes transportés en Sorbonne, où l'on nous avait indiqué plusieurs vastes emplacements.
La salle des classes, ou de Théologie, a 42 pieds sur 63; c'est-à-dire 5 pieds de moins en largeur, et 47 pieds de moins en longeur que celle-ci.
La salle des Thèses a 33 pieds sur 72 ; c'est-à-dire 14 pieds de large de moins, et 38 pieds de long de moins.
L'église a 33 pieds sur 84. Nous ne parlons que de la nef, parce que le chur, qui contient le mausolée, n'est susceptible d'aucune distribution.
Outre l'insuffisance des dimensions de cette nef, elle a l'inconvénient des dômes, pour l'élévation, le froid et. le jour.
La bibliothèque a 121 pieds de longueur, mais elle n'a que 28 pieds de large; c'est-à-dire 19 pieds de moins de largeur que cette salle-ci. L'impossibilité de s'y établir nous épargne la démonstration
des embarras coûteux qu'il y aurait pour transporter ailleurs la Bibliothèque de Sorbonne.
Le même inconvénient se rencontrerait, si l'on voulait occuper la Bibliothèque du Roi, dont les planchers, d'ailleurs, ne sont pas assez solides aujourd'hui pour soutenir un poids additionnel et considérable.
Vos commissaires, Messieurs, ont été aux Théatins. Cette église n'a que 30 pieds de largeur utile sur 117 de longueur ; les croix réduisent cet emplacement à cette dimension insuffisante.
Véglise des Augustins est séparée en deux parties par un jubé de construction ; ainsi nous ne parlons que de la nef; elle a 90 pieds de long, sur 40 de large; c'est-à-dire 20 pieds de moins de longueur et 7 de moins de largeur.
Nous n'avons eu garde d'oublier l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Elle présenterait dés ressources pourvos bureaux. Le réfectoire a 121 pieds de longueur, mais il n'en a que 29 de large; ce qui rend tout établissement impossible en cet endroit.
La bibliothèque de cette abbaye est d'une moindre contenance, quoique infiniment plus longue. Elle a 170 pieds de longueur, mais sa largeur n'est que de 25 pieds; c'est-à-dire un peu plus que la moitié de celle-ci.
Nous avons visité l'Oratoire. Cette église, y compris le chur, n'a que 96 pieds de longueur, et 30 de largeur; c'est-à-dire 14 pieds de moins en longueur, et 17 de moins en largeur que la salle où nous sommes. Il n'y aurait pas de quoi établir des bureaux.
Sainte-Geneviève nécessiterait la construction d'un mur considérable. Cette église, et toute autre delà capitale,présenterait, comme les précédentes, les inconvénients très-réels de la hauteur, du froid, de l'écho. Ce serait abuser de vos moments que de vous arrêter plus longtemps sur ce point.
Nous n'avons pas voulu, Messieurs, négliger d'examiner les salles de spectacle.
L'Opéra n'a que 40 pieds 1/2 sur 40 pieds.
Le Théâtre-Français en a 40 sur 43. Ce sont les deux plus grandes salles de Paris; ainsi, nous ne parlerons pas des petits spectacles, puisque les plus grands ne peuvent nous contenir. Ils présentent d'ailleurs un inconvénient incalculable, celui de ne point recevoir de jour, et de uous obliger d'y travailler uniquement aux bougies.
Nous ne nous étendrons pas, Messieurs, sur cinq emplacements, d'une très-vaste étendue, mais que nous avons pensé ne pouvoir vous convenir sous aucun rapport.
Le premier est la grande salle du Palais ; elle a 204 pieds de longueur sur 75 de largeur; mais elle est coupée en deux, dans sa longueur, par un rang de piliers de 6 pieds 3 pouces d'épaisseur, qui empêcheraient une partie de l'Assemblée de voir l'autre.
Le second est la Halle aux blés qui a 120 pieds de diamètre, mais qui malheureusement aussi a 120 pieds de hauteur; il y aurait sûrement de grands inconvénients à affecter ce local à une autre destination dans les circonstances actuelles.
Le troisième est la Halle aux draps; le rez-de-chaussée est divisé en plusieurs magasins. La salle, située au premier étage, a 48 pieds de large sur 348 de long; mais ce n'est qu'un cerceau de voûte dans lequel il ne serait pas possible de pratiquer aucune galerie pour les suppléants, ni pour le public : cette salle, au surplus, comme la précédente, est située au milieu du marché le plus fréquenté de Paris.
Le quatrième est le Cirque du Palais-Royal, qui a 62 pieds de large sur 338 de long.
Enfin, la Galerie du Louvre, qui a 1,333 pieds de longueur, et qui n'en a que 30 de large, sans portes ni fenêtres.
Mais nous ne pouvons passer sous silence les Ecoles de chirurgie, situées rue des Cordeliers : ' plusieurs honorables membres de cette Assemblée nous avaient assuré qu'elles contenaient . 1,800 places, et cette assertion seule nous a déterminés à examiner cet édifice avec la plus scrupuleuse attention.
Cette salle, célèbre pour sa construction, est une portion demi-circulaire, construite en amphithéâtre, et garnie de treize rangs de gradins , décroissant progressivement depuis le rang le plus élevé, qui a 98 pieds de développement, jusqu'au rang inférieur qui en a 24. Nous avons ; mesuré nous-mêmes, le jîied à la main, tous ces gradins; et le résultat très-exact de cette opération nous a donné un développement total de 792 pieds et demi ; de manière qu'en ne supputant ies places qu'à raison de 18 pouces chacune, il est impossible de placer dans ce local plus de 1 528 personnes. Malgré ce motif d'empêchement, nous avons voulu voir les salles attenantes. L'une a 30 pieds sur 33, la plus grande de toutes a 60 pieds sur 18.
Après vous avoir exposé, Messieurs, toutes les mesures linéaires des emplacements que nous avons visités, nous croyons devoir, pour répandre plus de clarté sur notre travail, vous offrir une table de la contenance de ces mêmes emplacements, dont nous avons carré la superficie, en allant des moins grands aux plus étendus.
Ainsi, en n'évaluant ni la Halle aux blés, ni la Halle aux draps, ni la grande salle du Palais, ni la galerie du Louvre, ni le cirque du Palais-Royal, nous trouvons :
Que le Panthéon a . . (pieds carrés). 1,505
La salle de chirurgie. . . . . . . . 1,563
La salle de l'Opéra. . . . . . . . . 1,600
Celle de la Comédie-Française. . . . 1,720
Le Wauxhal d'été. . . . . . . . . . 2,028
Le Val-de-Grâce. . . . . . . . . . . 2,028
La salle des thèses en Sorbonne. . . 2,376
La classe de Théologie. . . . . . . 2,646
L'égli?e de Sorbonne. . . . . . . . 2,772
L'Oratoire. . . . . . . . . . . . . 2,880
La bibliothèque de Saint-Germain. . 3,250
La bibliothèque de la Sorbonne. . . 3,388
Le réfectoire de Saint-Germain-des-Prés 3,500
Les Théatins. . . . . . . . . . . . 3,510
Le salon des Tableaux. . . . . . . . 3,600
L'Assomption. . . . . . . . . . . . 3,780
Les Invalides. . . . . . . . . . . . 3,888
Les Augustins. . . . . . . . . . . . 3,920
La chapelle de l'archevêché où nous sommes. . . . . . . . . . . 4,059
Sans compter les tribunes, qui contiennent encore 180 places de députés et 200 places pour MM. les suppléants, les représentants de la commune de Paris et le public.
D'après le compte que nous venons, Messieurs, d'avoir l'honneur de vous rendre, des dimensions exactes des vingt-quatre plus grands emplacements de Paris, nous avons pensé que vous ap]Drouveriez le parti que nous avons pris, de faire d'abord abattre la tribune qui bordait les fenêtres de cette salle, et qui interceptait le jour et l'air. En même temps, pour rendre le local moins incommode, nous avons destiné les deux tribunes latérales à MM. Jes députés exclusivement, et nous avons partagé la troisième tribune en deux parties, dont
l'une est réservée à MM. les suppléants, h MM. les représentants de la commune de Paris, à MM. les députés du commerce et d'agriculture, et l'autre partie au public.
Signé : De colbert-seignelay, évéque de Rodez; Guillotjn; le duc d'Aiguillon ; La Poule ; le président Le Pelletier de Saint-Fargeau ; Je marquis de Gouy-d'Arsy, commissaires.
Exposé de la conduite de M. Mounicr dans VAssemblée nationale, et motifs de son retour en Dauphiné (1).
Des factieux ont cru devoiç, pour le succès de leurs projets, répandre contre moi, dans le peuple, les plus noires calomnies. Les témoignages d'estime et de confiance dont j'ai été honoré par ma province, m'imposent la loi de me justifier publiquement. Je dois faire connaître à mes commettants l'état actuel des grands intérêts dont ils m'ont confié la défense, et les motifs qui ont nécessité mon retour en Dauphiné.
Je vais donc être obligé de parler de moi ; mais je prie de considérer que j'y suis forcé par les circonstances; que, d'ailleurs, les détails qui me sont personnels sont liés aux événements les plus importants, et que, lorsqu'on est en butte aux calomnies les plus atroces, il est permis de s'enorgueillir de tout le bien qu'on a voulu faire.
Beaucoup de mes concitoyens penseront peut-être que j'aurais du sacrifier à la patrie l'intérêt de ma réputation et rester dans le silence. Je n'aurais pas hésité à faire ce sacrifice, si je n'avais entrevu d'autre avantage que le mien propre, dans la publication de la vérité; mais je suis persuadé qu'elle est toujours utile, qu'on ne peut la déguiser à ceux dont on est le mandataire, sans trahir leur confiance. Examinant ensuite plus particulièrement quel effet elle pourrait produire dans les circonstances actuelles, j'ai cru qu'elle pourrait déconcerter ou du moins rendre plus timides et plus circonspects ies factieux et les intrigants; faire naître des réflexions sérieuses dans l'esprit de ceux qui, de bonne foi, favorisent, par de fausses opinions, la licence et l'anarchie; et enfin, qu'elle pourrait faire adopter les mesures les plus efficaces pour assurer la liberté des suffrages.
Je n'écris point pour exciter la division des provinces; et ce n'est pas de celui qui, le premier peut-être en France, a soutenu l'utilité de leur réunion et le danger de leurs privilèges particuliers, qu'on doit craindre une pareille tentative, Il faudrait avoir perdu tout espoir de sauver la monarchie, pour s'exposer à tous les inconvénients qui, dans la situation actuelle de l'Europe, résultent des petits Etats.
Je n'écris point pour contribuer au retour des anciens abus ; je suis incapable de concevoir un projet aussi criminel; et ce n'est pas celui qui, dans le temps même -de la servitude, a donné tant de preuves de son amour pour la liberté, qu'on pourrait soupçonner de vouloir se rendre l'apôtre du despotisme, lorsque la liberté est devenue l'objet du plus ardent désir de tous les citoyens.
Je n'écris pas non plus pour censurer les résolutions de l'Assemblée nationale ; je rends hommage aux dispositions bienfaisantes qu'on doit à ses travaux, telles que l'uniformité des peines,
l'égalité de tous les hommes devant la loi, l'admission de tous les citoyens à tous les emplois sans distinction de naissance, la responsabilité des ministres, la faculté de racheter les redevances féodales, plusieurs droits importants de la nation consacrés, plusieurs maximes protectrices de la liberté promulguées, et surtout l'abolition de la division des ordres.
J'écris, comme je crois l'avoir toujours fait, pour la vérité et pour la liberté.
Comme ce n'est point l'histoire de la présente session de l'Assemblée nationale que je veux entreprendre, mais seulement l'exposé de ma conduite, je ne rappellerai point, dans ce mémoire, les services importants rendus à la patrie par plusieurs députés à qui leurs vertus et leurs talents ont si justement mérité la reconnaissance publique.
Si des détails qu'on va lire, on pouvait conjecturer que, dans quelques circonstances, les suffrages n'ont pas été entièrement libres, je dois déclarer solennellement qu'un pareil soupçon serait très-injuste, dans le cas où l'on voudrait le porter sur les dispositions dont je viens de parler. Il ne sera plus possible d'en anéantir l'effet salutaire; et tous les bons citoyens doivent se réunir pour en assurer le succès.
Comme j'ai toujours cru que le soin le plus important devait être d'assurer, par une Constitution, la liberté publique, et qu'il était dangereux de trop entreprendre, je n'ai jamais eu le désir de présenter des motions ; la Constitution seule a été l'objet constant de mes méditations et de mes travaux; je n'ai jamais parlé sur d'autres sujets que lorsque j'ai cru devoir le faire pour la défense des principes, ou du moins de ce qui paraissait tel à mes yeux. 11 n'est donc pas surprenant que, ne rendant pas un compte exact de tous les arrêtés de l'Assemblée et de toutes mes opinions, et ayant pour but principal de faire connaître celles qui m'ont suscité des calomnies, mes récits ne s'appliquent pas toujours aux dispositions les plus généralement approuvées.
Je ne dirai rien du temps employé à préparer la réunion des représentants dans une seule Assemblée; tous mes discours, !;tous mes efforts tendirent vers ce but important. Je tâchai de donner des preuves de mon zèle dans les conférences sur la véritication des pouvoirs. On n'avait point encore de prétexte pour censurer mes opinions; on commença cependant, dès lors, à répandre contre moi les calomnies les plus absurdes. J'en connus bientôt les motifs, quand j'en entendis répéter du même genre contre tous ceux qui obtenaient successivement quelque influence. Je vis que les calomniateurs voulaient établir une sorte d'ostracisme; j'eus d'ailleurs occasion d'être convaincu qu'une partie de ces calomnies était dirigée par des sentiments de jalousie contre ma province.
On ne saurait dissimuler que la réunion de tous les députés était exigée par le vu de la nation; qu'on ne pouvait y résister sans une extrême imprudence. Il était facile, dès les premiers jours, de prévoir l'inutilité et les funestes suites des efforts de ceux qui voulaient maintenir la délibération par ordre séparé. Elles furent annoncées dans l'assemblée des membres de la noblesse, par plusieurs gentilshommes. Si l'on eût écouté ces prédictions, la réunion n'aurait pas été si tardive; et alors les esprits n'eussent pas été si disposés à l'aigreur et à la prévention.
Un des grands sujets de haine contre moi fut l'avis que je suutins lorsque les membres des
communes adoptèrent une qualification et se mirent en activité. M, l'abbé Sieyès avait proposé de se constituer sous le titre des seuls représentants vérifiés et connus. Cette proposition avait été approuvée, dans une assemblée particulière, par un assez grand nombre de députés, qui ont toujours été en usage de se réunir dans un club. Tous ceux qui la combattaient étaient écoutés assez défavorablement. Je fus de ce nombre, et je soutins qu'une telle opinion subordonnait tout à une question de forme; que les membres du clergé et de la noblesse pourraient aussi prétendre qu'ils étaient représentants ; qu'ils étaient vérifiés, et qu'ils étaient connus.
Je fis une proposition dont je ne rougirai jamais; elle était conforme à la prudence, et la prudence ne nuisait point à l'effet qu'elle devait produire. Je pense qu'aucune n'était plus directement calquée sur les principes ; en voici le contenu : « La majorité des députés, délibérant en l'absence de la minorité des députés dûment invités, arrête que les délibérations seront prises par tête et non par ordre, et qu'on ne reconnaîtra jamais aux membres du clergé et de la noblesse le droit de délibérer séparément. »
Nous étions la majorité des députés. Ainsi, une vérité de fait s'y trouvait renfermée puisque des ecclésiastiques s'étaient déjà réunis aux communes. Cette qualification convenait à toutes les circonstances, jusqu'au moment de la réunion entière, et ne diminuait pas l'autorité de l'Assemblée ; car, lorsqu'il est décidé qu'une délibération doit être prise dans une seule assemblée, la majorité a certainement le droit de délibérer en l'absence de la minorité. D'ailleurs, comment aurait-on pu concevoir le moindre doute sur mes intentions, puisque je consacrais expressément la délibération par tête ?
M. Legrand _ ayant proposé de se constituer Assemblée nationale, M. Sieyès adopta sa proposition, la refondit dans sa rédaction précédente, dans laquelle il ajouta uue phrase sur la nécessité de la réunion de tous les députés. On voulut aussitôt aller aux voix. Plusieurs personnes soutinrent que la motion de M. Legrand n'avait pas été discutée. La séance fut très-orageuse. Les spectateurs, dans les galeries, ne furent ni muets ni impartiaux. On se sépara sans rien terminer.
Le lendemain, 17 juin, on recueillit les voix, en . appelant chaque député. La plupart de ceux qui la veille avaient soutenu mon opinion l'abandonnèrent subitement. Quant à moi, qui n'avais . pu, dans un si court intervalle, en apercevoir les inconvénients, je persistai, et je fis une réponse négative. .
Ce fut ce, jour-là que commencèrent les plus funestes mesures contre la liberté des suffrages. On prit la liste de tous ceux qui avaient rejeté la rédaction de M. Sieyès (1); on fit circuler cette liste dans Paris ; tous ceux qui s'y trouvaient nommés furent représentés comme des traîtres. 4
La rédaction de M. Sieyès pouvait être, sans doute, préférable à la mienne ; mais on doit au
moins reconnaître que celle-ci excluait également la délibération par ordre séparé. Je pensais alors qu'en conservant la même autorité aux délibérations de l'Assemblée, elle serait plus propre à rappeler l'existence de la minorité absente, à inspirer le désir de procurer sa réunion par des moyens justes et modérés. La réunion de la noblesse ne s'en serait pas moins effectuée ; car la majorité du clergé et la minorité des gentilshommes avaient déjà plusieurs fois été sur le point de se rendre dans la salle commune ; et leur réunion devait nécessairement entraîner celle de tous les membres.
Je dois cependant observer que je n'ai jamais cru la motion de M. Legrand contraire aux principes ; puisque les députés ne devaient pas être séparés, ceux qui demandaient la réunion étaient certainement en droit de constituer l Assemblée , nationale.
J'avais voulu dire la même chose en ménageant l'expression. Je pense que lorsque le danger est inévitable il faut savoir le braver ; mais qu'il est inutile de le faire naître soi-même.
Cette qualification une fois adoptée, je sentis 1 que pour en prévenir les conséquences, la plus grande fermeté, la plus grande harmonie devenaient nécessaires. Les protecteurs de la délibération par ordre environnaient alors le Trône. On ne pouvait pas douter de leurs efforts pour combattre le projet de l'Assemblée ; il fallait se mettre en état de défense. Je savais qu'on avait préparé une motion pour déclarer nuls les impôts existants, et les accorder de nouveau jusqu'à la fin des séances seulement. Cette mesure était propre à nous donner de grandes forces. J'insistai sur la nécessité de s'en occuper sans délai ; et pour qu'on ne perdît pas un temps précieux à nommer des officiers, je proposai de continuer, par provision, ceux qui jusqu'alors avaient été employés, d'après le choix des commissaires du bureau.
Les partisans de la délibération par ordre parvinrent à surprendre la religion du Roi, à convertir les Etats généraux en lit de justice; ils lui firent craindre, pour sou autorité et pour la félicité publique, les plus funestes conséquences, s'il ne maintenait pas la division des ordres. Les mo'yens qu'ils firent employer pour conserver son pouvoir furent sur le point de l'anéantir. Je ne retracerai pas ici l'indécence avec laquelle furent traités les représentants de la nation ; on sait que . sous le prétexte de préparer les salles, on les investit de gens armés, et que les députés furent obligés de se réfugier dans la salle du Jeu-de-Pawne.
J'ai toujours eu pour système, qu'il faut opposer une résistance égale à l'oppression, sauf à rentrer dans les bornes de la modération lorsqu'on n'est plus menacé par l'autorité arbitraire. Je reconnais au Roi le droit de dissoudre les assem-- blées de représentants en prononçant aussitôt une convocation nouvelle. Mais comme rien de ce qui empêche un peuple de reprendre ses droits ne peut être légitime, je crus, avec raison, que le Roi ne pouvait renvoyer les députés actuels avant l'établissement de la Constitution. Les mesures violentes auxquelles on avait recours semblaient cependant annoncer, dé la part du ministère, le dessein de porter les actes d'autorité jusqu'à la dissolution. Il était prudent de rendre impossible l'exécution d'un pareil projet. L'Assemblée ayant été obligée de se rendre dans la salie du Jeii-de-Paume, je proposai le serment de ne pas se séparer avant que la Constitution fût établie.
Ou sait que dans la séance royale, le Roi avait annoncé plusieurs dispositions bienfaisantes, mais dans des formes qui ne convenaient point à la liberté. D'ailleurs, on avait déclaré constitutionnelle la délibération par ordre, et en approuvant la délibération par tête pour les objets de détail, on l'ex-cluaitpourla Constitution, c'est-à-dire qu'on voulait établir celle-ci sur la division des ordres. Ma profession de foi politique sera éternellement la même. Je ne verrai jamais dans une pareille Constitution que l'oppression du peuple, le maintien de tous les abus, un levain de haine et de discorde entre tous les citoyens, et la nécessité du choix entre l'esclavage et l'anarchie. Je fus donc au nombre de ceux qui, lorsque le Roi fut sorti de la salle, s'élevèrent contre la forme et les dispositions de ses ordonnances.
Depuis lors, pour empêcher le public d'entrer dans la salle, on l'avait environnée de troupes qui interrogeaient tous les députés à leur passage pour s'assurer de leur qualité. Ainsi, une Assemblée destinée à établir la liberté publique, ne parvenait au lieu de ses séances qu'à travers une haie de gens armés, et ne pouvait disposer de la garde de ses portes. Je m'en plaignis hautement : je soutins que l'Assemblée devait avoir la police intérieure et placer aux portes des hommes à ses ordres ; je fus le premier à demander qu'on exigeât la rétraite des troupes postées près du lieu de nos délibérations.
L'autorité s'avilit lorsqu'elle fait de vains efforts pour attaquer la liberté : tous les liens s'affaiblissent, et l'anarchie ne trouve point d'obstacles. La séance du 23 juin est certainement une des principales causes qui ont préparé l'anarchie dont la France est aujourd'hui dechirée (1). Combien ils sont coupables ceux qui ont voulu profiter delà disposition des esprits pour fomenter les troubles déjà assez favorisés par le malheur des circonstances, et qui ont suscité, dans toute l'étendue du royaume, les plus affreux désordres.
Il n'entre pas dans mon plan de donner des détails sur la réunion de la majorité du clergé et d'une partie de la noblesse. La minorité du clergé et la majorité de la noblesse s'étant ensuite réunies en vertu d'une lettre du Roi, il se forma une agrégation de deux parties dont l'une considérait la réunion comme constante et définitive, et l'autre comme pouvant cesser suivant les circonstances, conformément à la déclaration du Roi.
Je ne cessais de réclamer l'attention de l'Assemblée sur la Constitution. On résolut enfin, dans la séance du 6 juillet, d'indiquer un ordre de travail, et de choisir, pour le préparer, un commissaire dans chaque bureau; je fus nommé par le mien.
Le nombre des troupes s'augmentait d'une manière très-alarmante, aux environs de Paris et de Versailles. Le projet était, sans doute, de se prémunir contre les troubles que pouvait occasionner le renvoi de M. Necker, et de faire exécuter la déclaration lue dans la séance royale. Je votai pour l'adresse au Roi proposée par M. de Mirabeau; elle était absolument nécessaire; car l'Assemblée ne devait pas garder le silence sur l'appareil de guerre dont elle était environnée. Après la lecture de l'adresse, je fis le rapport dont
j'avais été chargé par le comité, pour déterminer l'ordre de travail. Ce rapport avait été unanimement approuvé par les commissaires; j'y parlais de la nécessité de laisser au Roi toute la puissance nécessaire pour assurer le bonheur de la nation; j'y rappelais l'existence de plusieurs lois fondamentales de la monarchie; je disais : « Nous n'oublierons pas que les Français ne sont point un peuple nouveau, sorti récemment du fond des forêts pour former une association, mais une grande société de 24 millions d'hommes qui veut resserrer les liens qui unissent toutes ses parties, qui veut régénérer le royaume, pour qui les principes de la véritable monarchie seront toujours exercés. Nous n'oublierons pas que nous sommes comptables à la nation de tous nos instants, de toutes nos pensées ; que nous devons un respect et une fidélité inviolables à l'autorité royale, et que nous sommes chargés de la maintenir en opposant des obstacles invincibles au pouvoir arbitraire ».
Le comité avait pensé « que la déclaration des droits devait précéder la Constitution et lui servir de préambule , et qu'il ne fallait pas la faire paraître séparément ; que des idées abstraites et philosophiques, si elles n'étaient accompagnées des conséquences, permettraient d'en supposer d'autres que celles qui seraient admises par l'Assemblée ; qu'en n'adoptant pas définitivement la déclaration des droits jusqu'au moment où l'on aurait achevé l'examen de tous les articles de la Constitution, on aurait l'avantage de combiner plus exactement tout ce qui doit entrer dans l'exposé des principes et être accepté comme conséquence. »
Je proposai ensuite de la part des commissaires la direction des Iravaux. Ils avaient cru qu'il serait dangereux de confier à un comité le soin de rédiger un plan de Constitution et de le faire juger ensuite dans quelques séances ; qu'il ne fallait point mettre au hasard des délibérations précipitées le sort d'une grande nation ; qu'il serait plus prudent de faire discuter les différentes parties de la Constitution dans tous les bureaux à la fois ; d'établir un bureau de correspondance pour comparer les opinions qui paraîtraient prévaloir dans les différents bureaux, pour tâcher, par ce moyen, de préparer une certaine uniformité de principes, et de tenir chaque semaine trois séances générales où l'on discuterait en public les objets qui auraient déjà été soumis à une discussion dans les bureaux. Les commissaires avaient encore pensé que les articles de la Constitution devaient avoir la liaison la plus intime, et qu'on ne pouvait en arrêter un seul avant d'avoir bien mûrement réfléchi sur tous; que le dernier article pouvait faire naître des réflexions sur le premier, qui exigeraient qu'on y apportât des changements et des modifications.
Ce'rapport fut applaudi (1). Les idées de justice et de modération qu'il renfermait parurent, en ce moment, convenir à tous les esprits, ou du moins, au plus grand nombre; on fut même surpris de cet accord momentané dans les opinions.
Dans la soirée du 11 juillet, le renvoi de M. Necker avait été arrêté. MM. de Montmorin, de la Luzerne et de Saint-Priest avaient partagé sa disgrâce. Cette nouvelle ne fut connue que le lendemain, jour auquel l'Assemblée n'était pas séante. Ceux qui avaient obtenu le renvoi de ces ministres n'ignoraient pas combien le peuple en concevrait d'alarmes. Il avaient commis cette extrême imprudence, en prévoyant, pour ainsi dire, toutes les suites funestes qu'elle pourrait avoir ; ils s'étaient mis en état de guerre ; ils s'étaient emparés de tous les postes pour intercepter la communication entre Versailles et Paris , et ils étaient déterminés à calmer les explosions du mécontentement par la force militaire. Le peuple s'était déjà révolté dans plusieurs quartiers de Paris le dimanche 12 juillet; mais le lundi matin, l'autorité était encore dans la plus ferme contenance : il pouvait être dangereux de la braver. Il me paraissait indispensable de déconcerter les projets de ceux qui avaient remplacé les ministres disgraciés ; et je crus qu'il était de mon devoir de m'exposer à leurs ressentiments. A l'ouverture de la séance du 13 juillet, je dénonçai le succès de leurs intrigues. Dans ma motion, qui fut ensuite imprimée, j'employai des expressions qui n'indiquaient certainement pas des sentiments de crainte et de faiblesse. Toujours fidèle aux principes, je reconnus que le Roi avait le droit de changer ses ministres ; mais je soutins que, pour prévenir les plus grands maiheurs, et pour arrêter les projets des ennemis de la liberté publique, il était indispensable de présenter une adresse au Roi, dans laquelle on demanderait le rappel des ministres disgraciés, et dans laquelle il serait déclaré que l'Assemblée nationale ne pouvait avoir aucune confiance en ceux qui leur avaient succédé, ou qui étaient restés en place.
Craignant l'exaltation que pourraient produire les circonstances, je représentai qu'il ne fallait pas oublier, un seul moment, la Constitution ; que c'était cet important objet que les ennemis du bien public voulaient empêcher. « 11 fallait agir de sang-froid, délibérer avec une prudente lenteur, ne jamais oublier que le plus grand fléau qui pût affliger un peuple, était d'avoir une Constitution incertaine, facile à changer, et qui devint la source de l'anarchie. »
J'ajoutai : « N'oublions jamais que l'autorité royale est essentielle au bonheur de nos concitoyens. A quelque point que puissent en abuser aujourd'hui ceux qui ont surpris la religion du Roi, n'oublions jamais que nous aimons la monarchie pour la France, et non la France pour la monarchie. «
Ma proposition, quoique appuyée par un discours très-éloquent de M. de LaÙy-Tollendal, ne fut pas adoptée. Instruite des nouveaux malheurs qui venaient d'arriver à Paris, l'Assemblée résolut de députer au Roi pour demander le renvoi des troupes et l'établissement des gardes bour- -geoises. il fut ensuite pris un arrêté, sur la (in du jour, qui exprimait les regrets de l'Assemblée en faveur des anciens ministres, et qui déclarait les nouveaux responsables de tous les événements.
Le 14 juillet, un des membres proposa de former un comité de huit personnes pour préparer un plan de Constitution ; c'était détruire l'ordre de travail proposé par le précédent comité. Je m'y opposai de tous mes efforts ; je croyais voir beaucoup d'inconvénients à confier exclusivement à huit personnes le soin de préparer la Constitution. Je craignais que, pendant leurs travaux, l'Assemblée, pour ne pas rester oisive, ne
se livrât au cours irrégulier des motions; qu'on ne perdît un temps précieux, dans l'espoir de l'épargner; que les circonstances devenantde plus en plus pressantes, lassé d'avoir attendu le projet du comité, on ne finît par adopter, sans un assez grand examen, des décisions importantes, et u'on ne fût privé des lumières de la plupart des éputés. 11 me semblait, au contraire , qu'en faisant travailler tous les bureaux à la fois, en établissant un comité de correspondance formé d'un membre de chaque bureau, pour profiter de toutes les réflexions, comparer les avis, les communiquer, recevoir tous les projets, on pourrait préparer un plan de Constitution qui ne serait étranger à aucun des membres, qui serait fait avec plus de raison et de maturité. Je fus secondé par un bien petit nombre : la formation d'un comité de huit personnes fut préférée et je fus nommé l'un des huit commissaires.
Dans la séance du soir, on apprit la suite de l'insurrection du peuple de Paris, la prise de l'hôtel des Invalides, le siège de la Bastille ; le lendemain, 15 juillet, fut le jour où le Roi vint au milieu de l'Assemblée nationale, annoncer l'éloignement des troupes et le retour de la paix. Je fus du nombre cte ceux qu'on chargea d'en porter la nouvelle à Paris ; et^comme j'ai toujours pensé qu'ont peut repousser légitimement l'oppression par la force, je ne résistai point à un sentiment de joie, en contemplant dans la capitale le triomphe de la liberté et la destruction de la Bastille, cet affreux monument du despotisme. Je tâchai d'exprimer l'impression que j'avais reçue dans un récit dont l'Assemblée ordonna la publication.
Combien cette joie eût été mêlée d'amertume si j'eusse alors pu prévoir que les paroles de paix seraient vaines ; que des proscriptions et des assassinats déshonoreraient cette révolution ; que toutes les anciennes lois, toutes les institutions protectrices de la sûreté publique, seraient subitement renversées, avant qu'on les eût suppléées par des lois nouvelles, et que Paris deviendrait une république, ayant une armée complète à ses ordres, disposant â son gré du produit des impositions, et de tout ce qui précédemment était régi par le gouvernement (si toutefois on peut donner le nom de république à la plus violente anarchie) et que la plupart des villes du royaume, armées par le zèle patriotique, finiraient par imiter l'exemple de la capitale ! Quels regrets doivent éprouver ceux qui par leurs intrigues et leur obstination ont provoqué la fureur du peuple, lui ont donné le goût d'une indépendance illimitée, lui ont fait connaître ses forces, et lui ont appris à en abuser !
La motion que j'avais faite, le 13 juillet, pour demander le rappel des anciens ministres, et con-séquemment le renvoi de leurs successeurs, fut renouvelée, le 16 juillet, par MM. de Mirabeau et Barnave, le lendemain du jour où le Roi était venu s'abandonner avec confiance aux conseils de l'Assemblée nationale, lis n'appuyèrent point leur opinion sur la force des circonstances ; mais ils soutinrent l'un et l'autre que l'Assemblée nationale était en droit d'influer sur le choix des ministres. Comme je croyais dangereux de laisser sans réponse une pareille assertion, j'entrepris de la combattre ; je représentai qu'il n'y aurait plus de limite à la réunion de tous les pouvoirs dans les mains des membres de l'Assemblée, c'est-à-dire à l'établissement du despotisme en leur faveur, s'ils s'emparaient du pouvoir exécutif ; et que ce serait réellement s'en emparer que d'influer sur le choix des ministres ; qu'un Roi qui
ne serait pas libre dans ce choix n'aurait plus qu'un vain titre; que, d'ailleurs, on ouvrirait par ce moyen une grande source de corruption, en favorisant dans l'Assemblé des brigues continuelles pour faire vaquer des places, et pour les remplir. J'ajoutai que les ministres étaient responsables de toutes les infractions commises envers les lois, l'Assemblée nationale pouvant faire punir leurs crimes ; il serait bien plus nuisible qu'il ne serait utile au bien public, de gêner la confiance du prince et d'empêcher ses ministres de le conseiller, suivant leur conscience, toutes les fois qu'ils n'attaqueraient pas la Constitution ; d'autant plus, disais-je encore, qu'on ne déclare un ministre coupable qu'après des preuves certaines ; tandis qu'on pourrait se permettre bien légèrement de le faire renvoyer, et même de le diffamer. Je citai l'usage de l'Angleterre, où une cabale, ennemie de M. Pitt, avait demandé son renvoi, et menacé de le déclarer infâme ; cabale qui n'avait pu être enchaînée que par la dissolution même du Parlement. Je soutins que la proposition du renvoi des nouveaux ministres devait être motivée par les circonstances et par la demande du Roi, qui avait invité à lui donner des conseils.
M. de Mirabeau traita cette doctrine d'impie et de détestable; et comme je me plaignis de l'extrême chaleur de ses expressions , il voulut bien les aduucir par une interprétation. Je ne répéterai pas ici tout ce qui me fut répliqué par lui et par M. Barnave.
Quand ces débats furent terminés, un député de Bretagne fut d'avis qu'on dénonçât et qu'on poursuivît les nouveaux ministres comme coupables : il avait écouté la discussion avec une si grande inadvertance, qu'il s'avança, mes Observations sur les Etats généraux dans les mains, parcourut les citations que cet ouvrage renferme sur divers ministres attaqués par les derniers Etats généraux ; et comme si j'avais eu l'absurde inconséquence de combattre la responsabilité des ministres, tandis que j'en avais fait un de mes principaux motifs, il crut pouvoir me mettre en contradiction.
Plusieurs gazetiers, soit parce qu'ils n'avaient pu comprendre le sens des débats sur cette question, soit parce qu'ils m'ont toujours honoré de leur défaveur, rendirent compte de cette séance d'une manière bien perfide; celui, surtout, qu'on nomme le Courrier de Versailles, se Sermit à ce sujet le récit le plus faux et les ré-exions les plus injurieuses; je voulus me disculper, et j'écrivis dans ce dessein au rédacteur du Point du Jour ; c'est la seule fois que j'ai eu la bonhomie de me défendre contre la méchanceté des folliculaires. Ayant vu depuis qu'il aurait fallu consacrer tous mes instants à me justifier, je les ai laissés mentir, censurer, calomnier tout à leur aise, et à la grande satisfaction de ceux qui les ont achetés (l).
On ne sera pas surpris des longs détails dans lesquels je viens d'entrer, quand on se rappellera toutes les calomnies que m'a procurées cette doctrine que je crois vraie. Cependant, il était impossible d'attaquer de bonne foi mes intentions, puisque j'étais le premier qui avais demandé le retour des anciens ministres, et proposé de déclarer que l'Assemblée n'aurait jamais de confiance dans leurs successeurs.
Le même jour, les nouveaux ministres furent renvoyés et le rappel de M. Necker fut décidé. Le lendemaid 17, le Boi, instruit que sa présence était vivement désirée à Paris, et qu'une députa-lion était en marche pour l'inviter à s'y rendre, résolut, dans l'espoir de rétablir la paix, de s'exposer à tous les dangers, au milieu d'une foule immense, qui était armée sans règle et sans précaution ; car la milice parisienne n'était pas encore organisée. Toute la Franceconnaîtledévouement avec lequel il se conduisit dans la capitale; on sait qu'il lui fut dit que Paris avait conquis son Roi, et qu'on lui présenta les nouvelles cocardes. Le bruit se répandit bientôt que le Roi courait risque d'être retenu: je partageai les alarmes de tous les bons citoyens, et quand je fus instruit de son retour et des témoignages d'amour qu'il avait reçus, je crus que le calme allait renaître.
Je ne prévoyais pas que des scélérats emploieraient l'argent et tous les ressorts de l'intrigue, pour profiter des circonstances, et propager dans toute l'étendue du royaume le pillage, l'assassinat* le renversement de l'ordre public et la défection des troupes : on fut bientôt instruit du succès de leurs efforts.
Le comte de Lally-Tollendal, ce zélé citoyen, qui possède la véritable éloquence de la vertu, peignit avec les couleurs les plus fortes tous les dangers de l'anarchie. Dans la séance du 20 juillet, il proposa dé1 publier une proclamation, pour condamner hautement, au nom de l'Assemblée nationale, tous les désordres auxquels une multitude insensée se livrait, dans toutes les parties de la France. Chaque jour, on recevait le détail de nouvelles horreurs ; les villes, les campagnes, les particuliers adressaient, de toute part des ré-clarations à l'Assemblée nationale; on fut même bientôt obligé d'établir un comité de rapports.
Il n'y avait qu'un moyen bien simple de pro-
téger l'ordre et la paix publique autant qu'il était au pouvoir de l'Assemblée ; ce moyen eût consisté à déclarer promptement que toutes les lois-anciennes devaient continuer à être en vigueur et les tribunaux en activité, et à prier le Roi de les faire respecter par toutes les forces dont il est le dépositaire. Alors, on eût pu s'occuper sans relâche de la Constitution, et renvoyer constamment au Roi et aux tribunaux toutes les plaintes particulières; mais la proclamation de M. de Lally fut vivement attaquée; on osa prétendre qu'en adoptant celte proclamation, l'Assemblée compromettait son autorité. Parmi ceux qui se distinguèrent en soutenant un pareil système, on remarqua M. de Mirabeau, qui assura que le bruit d'une proclamation avait déjà soulevé les espri ts, qu'elle aurai t les plus grands dangers, et qu'il fallait se borner à seconder une nouvelle organisation de la municipalité de Paris, en envoyant dans les districts un certain nombre de députés qui s'en occuperaient avec eux (1).
Ce fut pendant les débats sur cette proclamation, qu'on apprit les horribles assassinats commis sur MM. Berthier et Foulon.
Quand l'Assemblée fut instruite des affreux détails de ces exécutions (2), quelques membres s'efforcèrent de calmer l'indignation qu'elles in-piraient; et l'un d'eux, croyant probablement que les victimes immolées ne suffiraient pas pour satisfaire le ressentiment de la multitude, proposa l'établissement d'un tribunal pour juger les personnes qui avaient été arrêtées, et celles qui seraient dénoncées par le peuple comme coupables. Cet avis trouva des défenseurs ; plusieurs proposèrent même, et d'après le vu de quelques districts de Paris, l'établissement d'un grand juré dans la capitale, pour juger les crimes d'Etat.
On apprit encore qu'on faisait circuler dans le peuple de Paris une liste de proscription dans laquelle se trouvaient compris plusieurs députés.
On sent bien que je dus soutenir, avec toute la force dont je suis capable, la proclamation proposée par M. de Lally, et démontrer combien il était contraire à tous les principes de créer des lois et des tribunaux pour des faits antérieurs, de confier la poursuite et le jugement des crimes d'Etat à une seule ville. Je soutins que la poursuite de pareils crimes n'appartenait qu'aux représentants de la nation, et que c'était prostituer la sublime institution des jurés, que de la faire -servir à la fureur populaire. Je demandai si un
tribunal qui jugerait des hommes accusés par une multitude altérée de sang, toujours prête, dans son ignorance stupide, à tourner en certitudes les plus absurdes calomnies, aurait la liberté de protéger l'innocence; et si une pareille commission ne formerait pas un tribunal de sang aux ordres des factieux, et mille fois plus redoutable que les satellites des tyrans les plus abhorrés.
Une députation des électeurs de Paris vint solliciter l'érection d'un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation ; cependant il fut décidé qu'il ne serait établi de tribunal de ce genre que par la Constitution. La proclamation de M. de Lally fut admise, dans la séance du 24 juillet, après avoir été modifiée, de manière qu'après l'exposé des motifs, elle ne contenait plus qu'une invitation à la paix, au respect pour les lois, et la promesse d'établir un tribunal par la Consti-tution.
Le comité de Constitution, dont j'étais membre, avait tenu, depuis son établissement, un petit nombre d'assemblées / Une très-grande différence dans les principes de ceux qui le composaient mettait obstacle à la promptitude des travaux, L'Assemblée nationale qui, ainsi que je l'avais prévu, n'avait pu s'occuper de cet important objet pendant la préparation du comité, témoignait quelque impatience. J'avais un travail complet sur la Constitution; mais j'aurais cru manquer aux égards que je devais au comité, en le donnant avant de l'avoir soumis à son examen. Je lui communiquai d'abord uû projet de déclaration des droits, où se trouvaient compris la plupart des articles de celle de M. de la Fayette. Le comité ne voulut point prononcer entre mon projet et celui de M. l'abbé Sieyès. Il fut arrêté qu'ils seraient lus tous les deux daus la séance du 27 juillet. Pour donner de l'occupation à l'Assemblée, le comité m'invita à joindre à ce projet l'exposé des prérogatives royales. M. l'archevêque de Bordeaux, membre du comité, eut soin de prévenir qu'on perfectionnerait dans la suite la rédaction des articles. Un grand nombre de personnes, très-étrangères jusqu'à ce jour aux matières politiques, furent effrayées de l'énon-ciation de ces prérogatives; et' parce que les droits de la nation n'étaient pas traités dans ce chapitre, elles les crurent abandonnés, et ce fut un nouveau prétexte pour me calomnier et pour dire hautement que je voulais rétablir le despotisme.
Dans la séance du 30 juillet, on fit part de l'emprisonnement de M. de Besenval, de son élargissement obtenu par M. Necker, dans l'assemblée des représentants de la commune de Paris, et dans celle des électeurs de la même ville. On connut, en même temps, la résistance de plusieurs districts qui avaient forcé l'Hôtel-de-Ville, dans la crainte d'une insurrection populaire, à rétracter l'ordre qu'il avait donné précédemment d'élargir M. de Besenval. Une députation de Paris vint rendre compte de toutes ces circonstances* On proposa encore, pour calmer le peuple, d'autoriser l'emprisonnement de M. de Besenval, et de promettre de le faire juger. Je n'ai jamais connu M. de Besenval: mais je voulus défendre les principes de la liberté individuelle sans laquelle la liberté politique n'est qu'une absurde et dangereuse chimère. Je demandai où était l'ac-cusation (le M. de Besenval, où était l'information, et en vertu de. quel ordre la milice de Ville-no x s'était permis d'arrêter un officier des troupes du Roi, ayant une permission de Sa Majesté pour
se rendre en Suisse. Je soutins, de plus, qu'aucun homme ne pouvait être valablement constitué prisonnier qu'en vertu de la loi, que la loi ne permettait pas d'emprisonner sans accusation et sans information, à moins que le coupable ne fût pris en llagrant délit ou à la clameur publique, c'est-à-dire à l'instant même ou le délit venait d'être commis et où les témoins poursuivaient le coupable. J'observai que c'était de cette manière seulement qu'il fallait entendre les mots clameur publique, qu'il ne convenait qu'à des tyrans subalternes de leur donner une autre interprétation, et que si l'on appelait clameur publique un bruit populaire, un simple soupçon, aucun individu ne pouvait compter sur sa liberté. Je fus interrompu par des huées, dans le cours de mes réflexions. Je répondis avec fermeté: « Je ne désire pas les applaudissements, je ne crains pas les marques d'improbation, et je ne cherche pas à obtenir la faveur de la ville de Paris (1). » jDour me réfuter, on fit remarquer que je n'avais dit que des lieux communs. Ces lieux communs en faveur de la liberté individuelle furent encore un sujet de calomnie.
Un règlement pour la police de l'Assemblée avait décidé qu'il n'y aurait que deux assemblées générales par semaine, et que les autres jours seraient employés à la discussion dans les bureaux.
Cette précaution paraissait d'autant plus essen* tielle, que l'on n'avait point admis la méthode de demander l'opinion de chaque membre en particulier. Deux ou trois jours d'épreuve en avaient fait redouter la longueur. Si l'on eût persisté cependaut à faire Un tour général d'opinions avant de voter, ainsi que je l'avais demandé instamment plusieurs fois, chacun aurait fini par contracter l'habitude de ne jamais répéter ce qu'on aurait dit avant lui, et souvent on se serait borné à ajouter à l'avis d'un autre une simple réflexion ; souvent même on se serait contenté d'observer qu'on n'avait plus rien à dire ; mais on avait préféré réserver la parole à ceux qui se feraient inscrire. Il en est résulté de très-grands inconvé-niens ; les mêmes personnes ont presque toujours rempli la tribune, et ces personnes étaient en petit nombre. Elles se faisaient presque toujours inscrire deux ou trois fois d'avance. 11 fallait être acoutumé à parler en public pour pouvoir se déterminer à se faire placer sur la liste des parleurs et pour monter à la tribune aux harangues.
Beaucoup de députés, trés-éclairês, mais qui ne savaient pas improviser de longs discours, n'osaient point réclamer la parole pour une obser-
vation claire et simple, qui cependant eût été essentielle. Le règlement avait apporté quelques remèdes à ces inconvénients en déclarant qu'une motion serait toujours renvoyée au lendemain, à moins que l'Assemblée ne l'eût jugée assez pressante pour être aussitôt décidée, et que les articles de législation et de Constitution doivent être discutés pendant trois jours. Les bureaux offraient surtout une grande ressource. C'était là que, dégagés de tout ce qui excite la vanité, n'ayant plus les applaudissements des spectateurs à désirer, les moyens d'impression à craindre, n'ayant point de discours à prononcer pour les faire insérer dans les gazettes, on préparait avec l'attention la plus scrupuleuse les diverses questions qui devaient être traitées dans l'Assemblée, et que beaucoup d'hommes modestes opposaient la froide raison et l'expérience à la chaleur des idées prétendues philosophiques. Mais ces derniers moyens, propres à corriger les vices de la méthode adoptée, furent bientôt détruits. Beaucoup de motions ne furent point renvoyées, beaucoup de questions importantes n'ont pas été soumises à la discussion de trois jours ; et enfin, lelendemain dujour où le règlement fut admis, on soutint que l'enthousiasme patriotique s'affaiblissait dans les bureaux ; on demanda qu'il y eût une assemblée générale tous les matins ; bientôt il y en eut deux par jour, et les bureaux devinrent inutiles.
J'ai beaucoup à me reprocher de n'avoir pas résisté avec énergie aux moyens mis en usage pour anéantir les bureaux.
A la fin de la séance du samedi 1er août, on se réunit, dans les bureaux, pour nommer un président. La pluralité des suffrages fut décidée en faveur de M. Thourel ; sa modération lui avait suscité beaucoup de calomniateurs ; on avait eu soin de répandre à son sujet, dans le Palais-Royal, les mensonges les plus ridicules. Dès qu'on sut que M. Thouret avait eu la majorité, avant même la séparation desbureaux, les clameurs les plus violentes s'élevèrent ; on prétendait que sa nomination était un triomphe de l'aristocratie, que rien ne devait faire tolérer. Le lendemain, le Palais-Royal, qui était déjà le foyer habituel de la fermentation et de l'anarchie, se permit d'exprimer son mécontentement, les menaces furent sans nombre ; on redoutait, pour la séance du lundi, la scission la plus orageuse. Mais M. Thouret préféra de sacrifier la justice qu'il avait droit d'attendre afin de contribuer, par un généreux dévouement, au maintien de la paix. Dans un discours très-noble qu'il prononça, il dit : « C'est en sentant tout le prix de l'honneur que vous m'avez déféré et qui ne pourrait m'être ravi, que j'ai le courage de me refuser à sa jouissance, quand sous d'autres rapports i'J eût été peut-être excusable dépenser que le courage était d'accepter. » Je crois, en effet, qu'il n'eût pas été moins courageux et qu'il eût été plus utile que M. Thouret eût résisté à ses ennemis et les eût bravés. Mais je crois, surtout, qu'on aurait dû se plaindre de l'outrage commis envers l'Assemblée par les clameurs et les menaces qu'avait occasionnées cette nomination, et le silence que je gardai en cette occasion est encore un des torts que je me reproche. On accepta la démission de M. Thouret, et l'on encouragea, par ce moyen, les auteurs des menaces et des calomnies, qui jugèrent qu'ils avaient] de grands succès à espérer, en répandant le sentiment de la terreur.
Dans la séance du 6 août, pendant qu'on
revisait la rédaction des articles faits si précipitamment dans la nuit du 4, je réfléchis que, si le rachat des droits seigneuriaux était juste et utile, il pouvait être injuste d'abolir, sans indemnité, les droits et devoirs féodaux et censuels, qui représentent les droits de mainmorte et la servitude personnelle. Cette rédaction me paraissait propre à susciter des procès sans nombre, et attenter au droit de propriété que mon mandat m'ordonnait de défendre. Des clameurs en grand nombre s'opposèrent à ce que je fusse entendu. Je dis alors à M. le président que, pour pouvoir me justifier auprès de mes commettants, il me suffisait de prou ver que j'avais fait tous les efforts qui étaient en mon pouvoir. Je demandai donc ou que l'Assemblée m'entendît, où qu'elle déclarât qu'elle ne voulait pas m'entendre. La majorité me permit de parler. Je commençai par exprimer la satisfaction que me faisait éprouver le rachat des droits seigneuriaux; mais 'j'observai que « pour travailler solidement au bonheur d'une nation, il ne fallait jamais s'écarter des règles de la justice ; que, jusqu'à ce jour, la prescription avait été, pour le repos des sociétés, un moyen légitime d'acquérir ; que s'il m'était dû des redevances foncières depuis plus d'un siècle, quelle qu'en eût été l'origine, elles étaient devenues le patrimoine de ma famille ; que dans les successions et les acquisitions, la valeur des immeubles chargés de redevances avait été calculée, distraction faite de ces redevances; que, la servitude personnelle ayant été presque générale en Europe, et les serfs ayant été attachés à la culture d'un sol qui souvent appartenait en entier au seigneur, beaucoup d'affranchissements avaient été prononcés, en les remplaçant par des droits censuels, et qu'il n'y aurait aucun inconvénient à prononcer que toutes les redevances dues par les terres seraient rachetables ; sans quoi, on s'exposait à ruiner beaucoup de familles. » Mon observation n'eut alors aucun succès. Un député, auteur de la rédaction de l'article, me répondit que ce qui avait été juste une fois l'était toujours. En abusant d'un pareil principe, il aurait pu dire qu'on doit ôter à une famille les biens dont elle jouit depuis deux cents ans, si l'on prouve que les personnes qui les ont vendus les avaient usurpés plusieurs siècles auparavant. On a droit d'espérer que cet article sera rectifié, quand on fera les lois de détail. Quoi qu'il en soit, j'eus, à cette époque, la satisfaction de remplir mon devoir. Plusieurs de mes co-députés ont reconnu publiquement que ma réclamation était juste (1); mais mes ennemis me manquèrent pas de dire que je m'intéressais aux seigneurs ; comme s'il existait une classe de citoyens envers 1.. juelle on dût se dispenser d'être juste.
Dans la séance du 7 août, M. Necker invita l'Assemblée à autoriser un emprunt de 30 millions, qu'il jugeait indispensable. Un des membres, cédant peut-être trop aveuglément à un mouvement de zèle, dit que pour donner au Roi une preuve de patriotisme, il fallait voter à l'instant, en présence de ses ministres, l'emprunt de 30 millions. Un autre député, après le départ des ministres, le tança vivement et s'écria : Je demanderai la proscription de ce vil esclave. Cette menace fut remarquée par un grand nombre de personnes ; et je crois que, pour la liberté et la décence de l'Assemblée, j'aurais certainement dû m'en plaindre.
Dans la séance du 9 août, on proposait de nommer un comité pour surveiller l'emploi de l'emprunt, et d'établir une caisse nationale. Je soutins que la surveillance d'un comité serait un partage du pouvoir exécutif, et nuirait à la responsabilité des ministres ; qu'on ne pouvait pas préjuger aussi légèrement la grande question de savoir s'il faut établir une caisse nationale, que lorsqu'on voudrait examiner attentivement cette importante question, on verrait, peut-être, qu'en établissant deux trésors, on pourrait engager le prince à séparer ses intérêts de ceux de la nation, et à se former un trésor particulier, tandis que le Trésor royal n'est autre chose que le Trésor national, dont le Roi n'est que le dépositaire, et dont les ministres sont responsables; que cette responsabilité assurait mieux l'emploi des deniers que s'ils étaient dans les mains d'une Assemblée, puisque ne pouvant être attaquée comme responsable, et ayant le trésor à sa disposition, elle pourrait changer la première destination des sommes par une résolution précipitée, tandis que les ministres seraient coupables s'ils ne se conformaient pas à cette destination, et qu'ils ne pour-» raient en être dispensés que par le concours de l'autorité du Roi et de celle des représentants. Cette fois mes observations ne furent pas utiles ; ce qui n'empêcha pas de remarquer que cette doctrine était encore royaliste.
Le 10 août l'Assemblée nationale fit un décret pour protéger la tranquillité publique; les incendies et les ravages commis dans les mêmes temps, et sollicités de la même manière, c'est-à-dire par de faux avis et de fausses ordonnances du Roi, en firent sentir la nécessité. Dans le projet de ce décret, il était dit que les troupes ne prendraient les armes contre les citoyens qu'à la réquisition de l'Assemblée nationale et des municipalités.
Ainsi, un jour on proposait de mettre une caisse au pouvoir de l'Assemblée, et quelques jours après de soumettre l'armée à ses réquisitions. Je proposai deux formules de serment, l'une pour les officiers, et l'autre poulies soldats. Je soutins que l'Assemblée nationale devait préparer les lois, et non commander des troupes. Ces formules furent adoptées, avec un amendement pour exiger la présence des officiers municipaux. J'observe qu'on ne peut considérer ces formules que comme provisoires, jusqu'à ce qu'on ait fait des lois précises pour régler les circonstances dans lesquelles on peut requérir l'emploi des troupes.
Pendant le temps consacré à délibérer sur la rédaction des articles arrêtés dans la nuit du 4 août, je m'étais absenté quelques jours pour écrire mes Considérations sur le gouvernement et principalement sur celui qui convient à la France. Cet ouvrage excita de plus en plus contre moi la colère du parti démocratique ; je crois cependant les principes qu'il renferme très-favorables à la liberté ; je crois même que c'est avec ces seuls principes qu'on peut l'établir et la rendre durable dans un grand empire. Des Anglais, des Améri-t cains, des Genevois, des Français qui ont. passé leur vie dans les malédictions politiques, en ont porté ce jugement ; mais une tourbe frénétique de démocrates qui parlent liberté depuis quelques mois a décidé sommairement que ces principes ramèneraient la servitude; ils ne veulent honorer du nom de liberté que l'intervention perpétuelle dans les affaires publiques d'une multitude ignorante qu'ils savent diriger suivant leurs intérêts.
Le rédacteur d'un journal qui n'a jamais voulu prostituer sa plume pour servir la tyrannie des
démagogues (1), en annonçant mon ouvrage, dit que cet écrit était digne d'être sérieusement médité, et qu'il en parlerait plus en détail la semaine suivante. La faction démocratique (2) crut, d'après ces expressions, qu'il pourrait en parler avec éloge. Quatre émissaires du Palais-Royal allèrent à lui le"pistolet à la main, de la part d'un grand nombre de patriotes (c'est ainsi qu'ils qualifiaient l'association tyrannique à laquelle ils étaient attachés) ; ils déclarèrent au rédacteur que son journal serait supprimé, qu'il serait même puni de mort, s'il avait la hardiesse d'accréditer les principes consignés dans mon ouvrage.
Dans la séance du 20 août, on arrêta plusieurs articles de la déclaration du droit, tels qu'ils avaient été insérés dans le projet de M. de La Fayette. Mais M. de La Fayette, malgré son zèle ardent pour la liberté, n'avait pas dit : Les hommes naissent et demeurent égaux en droits ; il avait dit seulement : Les hommes naissent égaux en droits; il avait à l'instant rappelé les distinctions sociales fondées sur l'utilité commune. Je m'opposai vainement à l'addition du mot demeurent; il faut croire qu'on a voulu parler des droits naturels; mais alors il eût été prudent de l'expliquer ; car si l'on entend par le mot droit la définition donnée par les publicistes, suivant laquelle un droit est la faculté de réclamer ce qui est dû, les droits sont différents selon les fonctions et les emplois; et j'ai déjà entendu plusieurs fois des hommes ignorants concevoir des prétentions bien extravagantes d'après Végalité des droits, telle qu'elle est exprimée dans la déclaration. Beaucoup de personnes jugèrent mon observation contraire à la liberté.
Dans la séance du 21, on consacra plusieurs principes tirés de mon projet sur la déclaration des droits et qui sont certainement bien contraires à un système de servitude. Le même jour, mes opinions excitèrent de grands murmures, parce que je soutins qu'il était imprudent de dire que tous les citoyens devaient être admis à tous les emplois sans aucune distinction ; mais qu'il fallait les déclarer admissibles, sans aucune distinction de naissance, suivant leur capacité. Je disais que lorsqu'on établirait des assemblées provinciales, on jugerait peut-être dangereux de confier l'administration des propriétés à ceux qui n'en posséderaient point; qu'en abolissant la vénalité des charges, il serait peut-être utile que les fonctions publiques ne fussent confiées qu'à des personnes ayant un revenu en propriété, afin que la responsabilité ne fût pas vaine, et qu'ils pussent supporter les dommages-intérêts auxquels ils pourraient être soumis pour des abus d'autorité. J'observai que,la déclaration desldroits devant être le guide constant de la législation , il fallait craindre de la mettre en contradiction avec les lois fondamentales ou particulières; car, de ce que les citoyens seraient admissibles sans aucune distinction, on pourrait en conclure qu'on ne doit faire aucune distinction entre les propriétaires et ceux qui ne le sont pas; tandis que le mot de capacité était assez vague pour ne pas compromettre cette importante question. On me
répondit que mes intentions étaient bien connues et que d'après mes Considérations sur le gouvernement, je voulais établir l'aristocratie des richesses (1). Je réussis cependant à faire admettre le mot capacité ; mais à l'instant des clameurs s'élevèrent; on prétendit que le président avait mal présenté la question ; on demanda à grands cris de prendre les voix par rappel des noms. Pour calmer le tumulte, on proposa de dire : sans autre distinction que celle des vertus et des talents, ce qui détruisit l'effet du mot capacité, et l'on criait autour de moi : « Hier, on a décidé que nous étions tous égaux, et aujourd'hui il voudrait rétablir l'inégalité. »
Quand la déclaration des droits fut terminée , je proposai dans la séance du 28 août, au nom du comité de Constitution, six articles sur la nature du gouvernement français. Depuis quelques jours, les esprits commençaient à s'agiter sur la fameuse question de la sanction royale. Des brochures bien propres à égarer la multitude, à flatter sa passion, avaient déjà séduit l'opinion du peuple de Paris, par des déclamations sur un sujet que la plupart des citoyens ne sont en état ni de traiter, ni d'entendre. Ceux qui, dans l'Assemblée, avaient des idées exagérées de liberté, témoignaient beaucoup d'éloignement contre une prérogative royale aussi essentielle au bonheur et à la liberté de la nation. A la lecture des six articles que j'avais proposés, on s'empressa de présenter une autre rédaction, qui anéantissait la sanction royale. Plusieurs députés, pour la défendre, voulurent citer leurs cahiers. A l'instant, plusieurs personnes qui, dans d'autres circonstances, avaient montré le plus grand respect pour leurs mandats et pour la volonté de leurs commettants, soutinrent que les cahiers ne pou^ vaient être, sur ce sujet, d'aucune considération, et qu'on ne devait pas les citer ; d'autres observèrent que les cahiers, en recommandant la sanction royale, n'avaient pas décidé si elle produirait un empêchement absolu, ou suspensif. Je répondis qu'on ne pouvait borner la prérogative royale au droit de suspendre ; que ce serait clairement contredire nos mandats, dont la grande majorité prononçait que les lois seraient faites avec le consentement, avec la sanction, avec l'autorité, avec le concours du Roi; que le mot sanction était synonyme des juots décret, consentement, approbation, confirmation; qu'en ne laissant au monarque que le droit de suspendre, il en résultait qu'après un délai, la loi passerait sans Y autorité, le consentement, le concours, la sanction du Roi, et conséquemment d'une manière contraire à nos mandats ; car un acte forcé ne peut mériter aucun de cës nopis.
Les ennemis de la sanction royale, ou les partisans du veto suspensif, craignaient que la majorité de l'Assemblée ne leur fût contraire. Ils savaient, d'après mes Considérations sur les gouvernements, combien j'attachais d'importance à la sanction royale. Plusieurs députés résolurent d'obtenir de moi le sacrifice de ce principe, ou, en le sacrifiant eux-mêmes, de m'engager, par reconnaissance, à leur accorder quelque compensation ils rue conduisirent chez un zélé partisan de la liberté, qui désirait une coalition entre eux et moi, afin que la liberté éprouvât moins d'obstacles, pt qpi vouait seulement être présent à
nos conférences, sans prendre part à la décision. Pour tenter de les convaincre, ou pour m'éclairer moi-même, j'acceptai ces conférences. On déclama fortement contre les prétendus inconvénients du droit illimité qu'aurait le Roi d'empêcher une loi nouvelle, et l'on m'assura que si ce droit était reconnu par l'Assemblée, il y aurait guerre civile. Ces conférences, deux fois renouvelées, n'eurent aucun succès ; elles furent recommencées chez un Américain, connu par ses lumières et ses vertus, qui avait tout à la fois l'expérience et la théorie des institutions propres à maintenir la liberté. Il porta, en faveur de mes principes, un jugement favorable. Lorsqu'ils eurent éprouvé que tous leurs efforts pour me faire abandonner mon opinion étaient inutiles, il me déclarèrent enfin qu'ils mettaient peu d'importance à la question de la sanction royale, quoiqu'ils l'eussent présentée, quelques jours auparavant, comme un sujet de guerre civile ; ils offrirent de voter pour la sanction illimitée, et de voter également pour deux Chambres, mais sous la condition que je ne soutiendrais pas, en faveur du Roi, le droit de dissoudre l'Assemblée des représentants : que je ne réclamerais pour la première Chambre qu'un veto suspensif, et que je ne m'opposerais pas à une loi fondamentale qui établirait des conventions nationales à des époques fixes, ou sur la réquisition de l'Assemblée des représentants, ou sur celles des provinces pour revoir la Constitution, et y faire tous les changements qui seraient jugés nécessaires. Us entendaient par Convention nationale, des assemblées dans lesquelles on aurait transporté tous les droits de la nation ; qui auraient réuni tous les pouvoirs, et conséquemment auraient anéanti, par leur seule présence, l'autorité du monarque et de la législature ordinaire ; qui auraient pu disposer arbitrairement de tous les genres d'autorité, bouleverser à leur gré la Constitution, rétablir le despotisme ou l'anarchie. Enfin, on voulait, en quelque sorte, laisser à une seule Assemblée, qui aurait porté le nom de Convention nationale, la «dictature suprême et exposer le royaumeàunretour périodique de factions et de tumulte.
Je témoignai ma surprise de ce qu'on voulait m'engager à traiter sur les intérêts du royaume comme si nous en étions les maîtres absolus ; j'observai qu'en ne laissant que le veto suspensif à une première Chambre, si elle était composée de membres éligibies, il serait difficile de pouvoir la former de personnes dignes de la confiance publique, puisque alors tous les citoyens préféreraient être nommés représentants, et que la Chambre, juge des crimes d'Etat devait avoir une très-grande dignité, etconséquemmentqueson autorité ne devait pas être moindre que celle de l'autre Chambre. Enfin, j'ajoutai que lorsque je croyais un principe vrai, j'étais obligé de le défendre, et que je ne pouvais pas en disposer, puisque la vérité appartenait à tous les citoyens.
Le samedi 29 août, je revis, à Versailles, les mêmes personnes avec qui j'avais eu des conférences à Paris. On me présenta un projet de convention à signer ; et, sur mon refus, on m'assura qu'on ferait tous les efforts possibles pour borner la prérogative du Roi, en matière de législation, à un simple veto suspensif ; qu'on allait se rendre dans un comité nombreux, afin de préparer les esprits ; qu'on éclairerait l'opinion publique, et que le soir même on irait à Paris dire hautement ce qu'on pensait sur la sanction royale. On alla en effet à Paris. Je dois croire
qu'on n'avait d'autre but que de diriger l'opinion publique, dans l'espoir que son influence concilierait beaucoup de suffrages au veto suspensif, et qu'il n'entrait point dans le projet de ceux qui s'exprimaient ainsi d'inspirer la crainte aux partisans de la sanction royale, L'opinion de la multitude dans la ville de Paris se trouva plus . fortement décidée pour leur système qu'ils ne le voulaient sans doute, car le lendemain dimanche, 30 août, des attroupements se formèrent au Palais-Royal contre le veto. C'est ce mot, que le peuple n'a jamais compris, qui a contribué à lui inspirer de l'effroi ; c'est par cela même qu'il ne l'entendait point, qu'il était facile de le lui représenter comme le retour du despotisme, Je fus dénoncé comme traître à la patrie. Les anciens services que j'avais rendus à la liberté me faisaient juger bien plus coupable, et des scélérats, soudoyés pour me livrer à la haine du peuple, disaient à une foule d'ignorants, qui n'avaient jamais lu les actes des assemblées du Dauphiné et mes différents ouvrages, que j'abandonnais tous mes anciens principes ; que je les contredisais même expressément, pour prêcher * l'esclavage et ]a ruine du peuple. Cependant, je soutenais toujours, avec le même zèle, les principes adoptés par ma province, ceux qui m'avaient guidé depuis le mois de juillet 178.8 , et le mandat qui m'avait été donné par mes commettants.
On représenta la défense de la sanction royale comme un dernier effort dé l'aristocratie, à laquelle je m'étais récemment dévoué, On dit que la vie de M. de Mirabeau était en danger -, « que les aristocrates avaient juré sa perte, et qu'il fallait lui donner des gardes ». On fit à l'instant une liste de proscription, sur laquelle j'avais l'honneur d'être nommé le premier. Ou résolut de venir à Versailles, au nombre de 15,000, pour punir ceux qu'on appelait aristocrates, enlever le Roi, la Reine et le Dauphin.
M. de la Fayette réussit, par sa fermeté, à empêcher cette insurrection. Le lundi 31 août, l'Assemblée nationale fut instruite de ce qui s'était passé la veille ; on l^f plusieurs lettres menaçantes, adressées au président et aux secrétaires, par la société patriotique du Palais-Royal. Je demandai la parole, et je représentai « que les résolutions criminelles du Palais-Royal n'étaient pas l'unique mobile de la proposition que j'allais soumettre à l'Assemblée; que je profitais de cette circonstance pour fixer son attention sur l'affreuse anarchie qu'on cherchait à propager dans tout le royaume ; qu'à la même époque on avait répandu de faux avis dans toutes les provinces, pour faire ameuter le peuple, et le conduire ensuite à des dévastations ; que des sommes d'argent considérables avaient été distribuées dans i un grand nombre de régiments, pour favoriser leur défection; que tout annonçait lès complots l d'hommes assez coupables pour exciter les desordres, et se préparer,à l'abri de l'anarchie, les moyens > d'élever leur fortune sur les ruines de la propriété 1 publique. J'ajoutai que, dans les grands périls de l'Etat, il fallait recourir à des remèdes extraordinaires : je demandai qu'on promit une récompense de 500,000 livres à ceux qui donneraient des preuves de tout complot contre la liberté du Roi et la sûreté de l'Assemblée, et la grâce des coupables qui dénonceraient leurs complices.
Les menaces du Palais-Royal paraissaient avoir répandu tout à la fois l'indignation et la terreur. Beaucoup de journaux vendus à la faction démocratique ont publié que l'effet de ces menaces
avait été très-salutaire, c'est-à-dire qu'elles avaient grandement influé sur la décision la plus importante. Je ne sais si j'étais dans l'erreur ; mais il me semble qu'il eût été sage d'adopter quelques mesures efficaces pour empêcher le retour d'un aussi noir attentat ; car il était affreux, sans doute, qu'une partie des habitants de la capitale se crût permis de dicter des lois à l'Assemblée nationale, d'outrager et de proscrire plusieurs de ses membres, et de menacer la sûreté du Roi. C'était, tout à la t'ois, crime de lèse-nation, de lèse-majesté, Cétait une conjuration contre la liberté publique, Il fallait invoquer toute la rigueur des lois, exciter la vigilance des tribunaux de la capitale. Il eût fallu, je crois, adopter de plus ma proposition, qui aurait pu décourager beaucoup de factieux, répandre parmi eux la défiance, et faciliter la découverte des plus horribles trames.
L'objection faite par quelques journaux : que c'était exciter les délations , était certainement bien futile ; car une délation qui tend à sauver l'Etat est une action honorable qu'on ne saurait trop récompenser. Il n'y a de délations criminelles que celles qui sont faites aux tyrans contre les défenseurs de la vérité et de la liberté. Cependant l'Assemblée décida qu'il n'y avait pas lieu à délibérer, et voici quel motif on lui présenta. Quelques personnes lui dirent qu'on n'avait pas été intimidé par une armée, qu'on ne devait pas l'être par le Palais~Royal ; qu'il fallait ne pas interrompre les travaux de la Constitution, et mépriser de vaines menaces. Il est essentiel d'observer que ceux qui parlèrent de mépriser ces menaces étaient protecteurs déclarés du veto suspensif, et conséquemment n'avaient pas à les redouter. Si l'on eût laissé le temps de leur répondre, il eût été facile de démontrer que les exemples qu'ils citaient étaient directement contraires à ce qu'ils voulaient conclure, puisque l'on n'avait pas gardé le silence sur la présence de l'armée, qu'on avait demandé son éloigne-ment, et que, lorsqu'on est menacé par des scélérats, le courage ne consiste pas à feindre d'ignorer leurs projets (si l'on était effrayé, on n'agirait pas autrement) ; et sans doute on ne pourrait pas dire qu il y aurait de la lâcheté à les braver, à les attaquer, les arrêter ^t les faire punir.
M. de Lally-Tollendal lut ensuite son excellent discours sur l'organisation du Corps législatif ; il fut interrompu plusieurs fois par des murmures et plusieurs personnes qui, probablement, ne se piquaient pas d'être instruites dans le droit public de l'Europe, s'écrièrent qu'on voulait leur donner le Sénat de Venise. Je lus, de la part de la majorité du comité ( l), un projet d'organisation du Corps législatif. Je puis dire que j'y avais donné quelque soin, et, s'il était défectueux, j'ose au moins avancer que tout peuple qui eura un Corps législatif organisé de cette manière, ne sera pas un peuple esclave. Notre rapport n'a jamais été lu que cette fois dans l'Assemblée; on ne l'a jugé digne d'aucun examen ; il n'a jamais été mis en discussion, et les folliculaires se sont hâtés de le déchirer à l'envi avant qu'il fût imprimé.
Au milieu même de l'Assemblée, dans le cours de cette séance, les huissiers me remirent plusieurs lettres anonymes, qui leur avaient été
confiées par des inconnus, dans lesquelles j'étais menacé d'être assassiné ou empoisonné. Rentré chez moi, j'en reçus encore, remplies des invectives les plus grossières et des menaces les plus atroces. Depuis cette époque, jusqu'à mon départ, il ne s'est presque point passé de jour où je n'en aie reçu du même genre.
Je dois même dire que ce n'est pas mon opinion sur la sanction royale qui a commencé à me susciter des menaces. A l'époque où j'avais défendu la proclamation de M. de Lally, plusieurs lettres m'avaient annoncé la fatale lanterne ; et la classe pauvre des habitants de Versailles, bien plus facile à séduire par ses besoins et par sou ignorance, m'avait déjà donné plusieurs marques de haine, parce qu'on lui avait dit que j'étais un aristocrate, et qu'avec ce seul mot, sans aucun besoin de preuve, on allumait la fureur du peuple ; mais depuis l'insurrection du Palais-Royal, et la proposition que j'avais faite d'accorder une récompense à ceux qui dénonceraient les complots, la haine qu'on avait inspirée contre moi s'accrut sensiblement.
Plusieurs personnes connues dans l'Assemblée parles preuves qu'elles avaient autrefois données de leur attachement aux anciens usages et au système véritablement aristocratique, soit qu'elles eussent perdu l'espérance de les défendre avec succès, soit que des réflexions nouvelles leur eussent fait changer d'opinion, s'étaient ralliées à mes principes, comme à ceux qu'elles trouvaient les plus justes et les plus modérés. Quels que fussent leurs motifs, on sent bien que je ne pouvais abandonner une vérité parce qu'il plaisait aux personnes qui n'avaient pas la faveur populaire de la soutenir. Lorsqu'elles parlaient, elles étaient écoutées avec humeur et impatience, quoique tout député dût pouvoir expliquer librement son opinion ; et l'on a eu soin de discréditer les miennes en faisant remarquer au peuple que plusieurs de ces personnes suivaient la même doctrine.
Le 1er et le 2 septembre furent employés à des
discussions sur la sanction royale. M. de Mirabeau qui, le 17, avait eu occasion de
dire plusieurs phrases énergiques sur les avantages de cette sanction, se déclara
fortement en faveur du droit de refus illimité (1), qui dérive de la nécessité du
consentement.
Le mardi 1er septembre, la même personne chez laquelle
avaient commencé mes conférences sur la sanction royale, à qui son zèle pour la
liberté, ses vertus, ses talents et sa position actuelle, ont donné une grande
influence dans la révolution, conçut les plus vives alarmes de ce que je n'avais pu me
concerter avec les partisans du veto suspensif. Redoutant les maux qui, suivant eux,
ne manqueraient pas d'arriver s'ils venaient à ne pas triompher; redoutant,
d'ailleurs, les intrigues qu'on employait auprès des habi-bitants de Paris, elle
m'écrivit qu'il était indispensable de faire la coalition proposée, et de céder sur
quelques articles; elle alla même, par zèle patriotique, jusqu'à me dire que je serais
responsable du sang qui allait couler.
Je ne crus pas qu'en persistant à parler suivant ma conscience, je fusse responsable des malheurs qu'auraient pu occasionner les coupables intrigues de quelques démagogues. J'ai appris depuis lors que des renseignements à peu près semblables à ceux que j'avais reçus avaient été envoyés aux ministres, et qu'on leur avait prédit les plus sinistres événements dans le cas où l'Assemblée accéderait au Roi le veto illimité.
Après avoir entendu beaucoup de discours sur la question de la sanction royale, l'Assemblée décida qu'on discuterait en même temps la question desavoir si l'Assemblée serait permanente, et si elle serait formée par deux Chambres ou par une seule.
Plusieurs des ministres, instruits des menaces du Palais-Royal, des délibérations de quelques districts de Paris, qui voulurent donner leur avis sur la question de la sanction royale, craignant que, si le droit négatif illimité était accordé au Hoi, on ne parvînt à augmenter les troubles du royaume et à mettre la famille royale en danger, et peu frappés d'ailleurs des inconvénients du veto suspensif, eurent soin de dire qu'il leur paraissait aussi avantageux à l'autorité royale. Je combattis fortement ce système dans des conversations particulières. Ils dirent ensuite à beaucoup de députés que*, ^i l'on n'était pas assuré d'une grande majorité, g-l était beaucoup plus prudent de voter pour le veto suspensif ; et comme cet acte de prudence fut recommandé à un grand nombre de personnes, on sent qu'il rendait la majorité impossible.
Le 5 septembre, je prononçai, au nom du comité de Constitution, les motifs du projet qu'il avait présenté; ils étaient principalement relatifs à la sanction royale. Je fus souvent troublé dans mon discours, et toujours les murmures partaient du même côté de la salle. Je fus obligé de dire que je ne recevais des ordres que de l'Assemblée, et non pas de quelques individus; et que si ce que je disais pouvait leur déplaire, ils n'avaient
qu'à s'adresser à moi. Des applaudissements m'encouragèrent, et l'on écouta patiemment la prédiction des maux dont nous serions les vic-f times si on favorisait la réunion de tous les pouvoirs dans l'Assemblée des représentants, et l'expression de mes regrets dans le cas où, par des systèmes philosophiques, on préparerait à la France une longue et funeste anarchie, au lieu du bonheur qu'elle attendait de nous (1).
Le dimanche 6 septembre, la même personne qui m'avait fait pressentir tous les dangers qui ^ résulteraient de mon obstination dans mes principes m'écrivit pour m'annoncer que les esprits étaient plus calmes, et que, d'après les précautions qui venaient d'être prises, on ne devait plus avoir d'inquiétude sur la tranquillité publique. On m'a assuré que les mêmes motifs de sécurité avaient été donnés aux ministres ; mais les premières impressions de terreur, sur la sûreté du i Roi, ne purent être détruites, et ils crurent devoir r observer les mêmes raisons de prudence, r Dans la séance du lundi matin, on prit la résolution d'aller aux voix, et de fermer la discussion sur les questions de la permanence des deux Chambres et de la sanction royale. Plusieurs personnes qui étaient inscrites ne purent obtenir la permission de parler, et j'étais de ce nombre. Je me proposais de présenter quelques !> réflexions sur les deux Chambres. ' Le mercredi 9 septembre, on décida que l'Assemblée nationale serait permanente, sans expliquer si l'on entendait par permanence des sessions annuelles pendant un temps déterminé, ou dont la durée dépendrait de la volonté de l'Assemblée; ensuite on résolut de passer à la question des deux Chambres. On sait quels orages excitèrent les réclamations de ceux qui voulaient encore discuter ; leurs efforts furent inutiles.
Dans la séance du 10, il fut décidé que l'Assemblée nationale continuerait, dans les autres sessions, à être formée par une seule Chambre. Geux qui regrettaient l'ancien régime, et qui désiraient que celui qui serait adopté ne pût être durable, ne laissèrentApas ignorer à plusieurs personnes que c'était lejaotif qui les déterminait en faveur d'une seule~'8nambre. On fit connaître leur intention ; mais la décision passa néanmoins » à une très-grande majorité ; et quand ce fut le tour de donner ma voix, je remarquai vainement «lue la question n'avait pas été suffisamment discutée.
Dans la séance du 17, on reçut une lettre de M. Necker, par laquelle il adressait à l'Assemblée un rapport qu'il avait fait au conseil du Roi sur la sanction royale; je fus du nombre de ceux qui s'opposèrent à la lecture du rapport. Je k soutins qu'il y aurait de grands inconvénients à écouter, sur une question agitée dans l'Assemblée au moment où l'on va recueillir les suffrages, les rapports faits dans le conseil du Roi par les ministres ; qu'on pourrait consentir à en-
tendre de pareils rapports sur des objets d'administration, ou sur des questions étrangères à l'autorité du prince; mais que sur les prérogatives de la couronne, les opinions des ministres ne pouvaient être d'aucune considération , « qu'elles sont évidemment suspectes, soit qu'ils parlent pour abandonner ces prérogatives, soit qu'ils veuillent les réclamer. »
La première question sur laquelle on proposait de délibérer, était de savoir si le consentement du Roi était nécessaire pour la Constitution. On allait prendre les voix, sur cette question, sans la discuter, lorsque je répétai ce que déjà j'avais eu occasion de professer solennellement. Je dis qu'il fallait en effet distinguer la sanction, pour les simples actes législatifs, de la ratification nécessaire pour la Constitution ; que le Roi ne pourrait rejeter la Constitution comme il pourrait rejeter une" simple loi, mais que la ratification n'était pas moins indispensable, et qu'il avait le droit d'examiner librement la Constitution qui lui serait présentée, et de demander des changements; car, envoyés par nos commettants pour empêcher l'autorité royale de dégénérer en despotisme, nous ne pouvions en disposer arbitrairement ; que cette autorité était antérieure à notre délégation; que si les changements demandés par le monarque étaient nuisibles à la liberté, l'Assemblée était en droit d'en appeler à ses commettants, et qu'il aurait aussi la faculté d'appeler à la nation, si l'on persistait dans des dispositions trop contraires à son autorité ou aux intentions nationales, puisque les fonctionsdesdéputés, n'étant- encore déterminées par aucune loi, ne pouvaient l'être que par la volonté de leurs commettants; que l'Assemblée n'ayant pas, sans doute, le dessein d'attaquer l'autorité légitime du Roi, si nécessaire au bonheur de la France, elle ne devait pas supposer qu'il refuserait d'accepter la Constitution ; qu'ainsi, il était inutile de délibérer sur cette matière.
Mon opinion fut suivie de quelques murmures. J'observai que je ne les prenais point pour une réfutation, et que j'étais prêt à répondre, eu présence du public, à toutes les objections qui ourraient être faites contre ces principes, ver-alement ou par écrit. Personne n'entreprit de les réfuter; ils furent appuyés par un autre membre, et l'on adopta mon avis, qui était de ne point délibérer. On recueillit ensuite les suffrages, sur la question de savoir si le refus serait suspensif ou indéfini. Le droit négatif indéfini avait, comme on le sait, contre lui le nom qu'on lui avait donné, et qu'on était parvenu à rendre en horreur au peuple, c'est-à-dire le nom de veto absolu ; il avait contre lui les délibérations de plusieurs districts de Paris, les motions fougueuses du Palais-Royal, les décisions des villes de Rennes et de Dinan qui avaient déclaré ses partisans traîtres à la patrie, et surtout la prudence de la plupart des ministres du Roi. Dans l'appel des voix on huait le mot indéfini; on accueillait avec bienveillance et applaudissements le mot suspensif; je votai pour l'indéfini.
Le samedi matin, 12 septembre, MM. de Lally-Tollendal, Bergasse et moi, nous écrivîmes au président que nous ne croyions pas pouvoir continuer nos fonctions dans le comité de Constitution. M. de Clermont-Tonnerre, à la lecture de notre lettre, donna aussitôt sa démission ; MM. l'e-vêque d'Autun, l'abbé Sieyès et Chapelier imitèrent son exemple, mais ils furent réélus dans le nouveau comité. Notre démarche a trouvé des censeurs ; voici quels furent nos motifs : l'Assem-
bée, en admettant un refus suspensif et une seule Chambre, avait décidé que nous nous étions trompés sur les bases de nos travaux pour l'organisation du Corps législatif; ils avaient même paru si défectueux, d'après une seule lecture que nous en avions faite, qu'on n'en avait examiné ni l'ensemble ni les détails, et qu'on ne les a jamais soumis à la discussion. Nous ne devions pas plus longtemps préparer des plans inutiles ; et il était juste de nous faire remplacer par des commissaires qui pouvaient obtenir plus de confiance.
On sait qu'au moment où l'on allait décider pendant combien de temps durerait l'effet suspensif du veto du Roi, on voulut que les arrêtés du 4 août fussent présentés à la sanction royale. Dans la séance du 17 septembre, après que la discussion sur la renonciation de l'Espagne (traitée avec tant de chaleur par quelques personnes) eut été terminée, on reçut une lettre du Roi qui contenait ses réflexions sur les arrêtés du 4 août, et dans laquelle il déclarait qu'il modifierait ses opinions, qu'il y renoncerait même sans peine, si les observations de VAssemblée nationale l'y engageaient, puisqu'il ne s'éloignerait jamais qu'à regret de sa rrianière de voir et de penser.
Par cette lettre, le Roi approuvait tous les principes consacrés par les arrêtés du 4 août. Il reconnaissait le rachat des droits seigneuriaux, la suppression des colombiers, du droit de chasse, celle de la vénalité des offices, du droit casuel des curés, des privilèges en matière de subsides, des privilèges des provinces, l'admission de tous les citoyens à toutes sortes d'emplois, la nécessité des obstacles mis à la pluralité des bénéfices. Il se bornait à représenter qu'il faudrait peut-être placer au rang des charges de l'Etat un dédommagement pour certaines redevances personnelles qui ne dégradaient pas la dignité de l'homme. Il promettait d'approuver la suppression des justices seigneuriales, quand il connaîtrait la sagesse des mesures prises pour les suppléer, Il témoignait combien il désirait que l'abolition des dîmes pût être remplacée par une imposition au profit de l'Etat et a, la charge des riches propriétaires de terres, en exemptant les cultivateurs les moins aisés, afin que les pauvres et les non-propriétaires profitassent de cette libéralité, et qu'on n'accrût pas inutilement les biens des riches, puisque leurs terres n'avaient été acquises qu'en retranchant la valeur des dîmes. Enfin, le Roi promettait de négocier auprès de la cour de Rome pour la suppression des annates, 11 terminait par une remarque sur la nécessité d'une communication franche et ouverte avec l'Assemblée, et sur son espoir d'être toujours d'accord avec elle.
On s'éleva vainement contre les observations de Sa Majesté : on soutint que l'Assemblée était un corps constituant; que les arrêtés du 4 étaient des articles de Constitution et n'avaient pas besoin de la sanction du Roi (1), et qu'on pourrait prendre ces observations en considération lorsqu'on s'occuperait des lois de détail.
Quand le Roi donne sa sanction, elle doit être pure et simple; quand il la refuse, la majesté du trône ne permet pas de lui en demander les motifs ; mais avant de s'expliquer définitivement, il . a certainement le droit de communiquer ses réflexions. Comment concevoir, en effet, que celui qui peut suspendre l'exécution d'un projet de loi, pour en prévenir les fâcheuses conséquences, ne puisse pas en indiquer les inconvénients? Le roi d'Angleterre peut faire connaître ses observations par ses ministres, dont l'un siège de droit dans la Chambre des pairs, et dont les autres sont presque toujours membres de la Chambre des communes, quand ils ne le sont pas de la Chambre liaute. Nous avions proposé, dans l'ancien comité de Constitution, d'autoriser des conférences entre l'Assemblée et les ministres : ces précautions n'étant pas adoptées, il y avait une nécessité plus évidente d'examiner les observations du Roi.
Mais, disait-on, les arrêtés du 4 août, étant i constitutionnels, n'avaient nul besoin de la sanction royale; une simple promulgation était demandée.
On n'avait pas toujours pensé que le Roi dût être indifférent aux dispositions de la Constitution, puisque, dans l'adresse sur l'éloignement des troupes, on avait dit au Roi que les députés étaient appelés pour fixer, de concert avec lui, j la Constitution... pour consacrer avec lui les droits éminents de la royauté. Et comment supposer que le chef auguste de la nation puisse être le seul dans la monarchie à qui l'on interdise la libre communication de ses pensées, quand il les croit utiles au bonheur de ses sujets?
Lorsque j'avais prouvé que le Roi avait le droit t d'examiner la Constitution et de demander des changements, on n'avait pas mêrm entrepris de f me réfuter. D'ailleurs, aucun des arrêtés du 4 août n'était véritablement constitutionnel; mais, fallùt-il considérer comme telles la sup^ pression de la vénalité des offices, celles desjus-» tices seigneuriales et du régime féodal, le Roi déclarait expressément les approuver. Les difficultés qu'il exposait, telles que la justice d'une indemnité, à la charge de l'Etat, pour certains droits, L d'un remplacement de la dîme par une imposé f lion à la charge des propriétaires, on ne dira pas, sans doute, qu'elles intéressaient la Constitution : ces difficultés mêmes, il les donnait à juger, et promettait de renoncer à ses opinions, si les observations de l'Assemblée nationale l'y engageaient.
Je pensais donc que l'Assemblée, avant (Je rede-L mander au Roi la sanction pure et simple, ou son r consentement, devait examiner attentivement [ ses observations, afin de voir si elle pouvait y dé-I férer ou s'il fallait persister dans toutes les dispo-t sitions précédentes sans aucune modification. Je i voulais prendre la parole, et je m'étais fait inscrire ; mais on demanda subitement les voix, et M. Malouet, qui était également inscrit, ayant voulu réclamer contre cette précipitation, des cris L tumultueux le réduisirent au silence. Il fut donc ' décidé que M. le président supplierait le Roi d'ordonner incessamment la promulgation des arrêtés du 4 août, sauf à prendre en considération les observations du Roi lors des lois de détail.
Ainsi, l'on reconnut que le Roi avait pu com-muniquer ses observations ; mais dans une seule séance, et d'après une simple lecture, on prit la résolution d'en différer l'examen, et cependant de faire promulguer les arrêtés auxquels elles étaient relatives. J'ai quelque peine à concevoir comment pourra être utile cet examen renvoyé après la promulgation. Pour en donuer un exemple, après avoir publié que la dîme est abolie sans rachat, comment pourra-t^on prendre en consi» dération un rachat au profit de l'Etat, à la charge des riches propriétaire&i|^en est de même de plusieurs autres articlesTIes changements indiqués par leRoinepeuventplusavoirlieu,à moins qu'on ne veuille contredire plusieurs articles promulgués. Ainsi le refus suspensif -qu'on avait reconnu au Roi quelques jours auparavant fut converti, par les arrêtés du 4 août, en simple droit d'en ordonner la promulgation; et le Roi les fit publier (1).
Faits relatifs à la dernière insurrection.
Les faits que je vais maintenant présenter à mes commettants seront d'une plus grande im-
portance. G'est ici que va commencer la chaîne des événements qui ont produit la dernière crise.
Malgré l'emprisonnement de l'un des principaux factieux du Palais-Royal, malgré les proclamations et la vigilance de la commune et le zèle actif de M- de la Fayette, des avis alarmants étaient souvent envoyés de Paris : tantôt on apprenait qu'on avait le dessein de venir enlever le Roi; tantôt que la milice soldée par la ville de Paris voulait venir à Versailles pour avoir lagarde du Roi.
Dans cet état d'anarchie, où tout devenait facile, excepté le bien, le Roi n'avait pour sa sûreté que des forces très-insuffisantes. La plus horrible licence avait éclaté sous ses yeux, et sous ceux des représentants de la nation (1). Le ministre, qui jugeait nécessaire de faire venir à Versailles un régiment d'infanterie, consulta la municipalité ; celle-ci consulta à son tour le comité militaire de la garde bourgeoise, Le comité militaire demanda un renfort de troupes réglées ; la municipalité consentit alors à l'entrée d'un régiment qui prêterait serment et serait sous les ordres du commandant de la milice citoyenne. Gette nouvelle répandit une grande tristesse parmi quelques personnes. Mille hornmes de troupes cependant ne paraissaient pas devoir inspirer beaucoup de crainte pour la tranquillité publique du royaume et l'indépendance de l'Assemblée nationale.
Geux qui redoutaient le plus l'anarchie, et qui croyaient que la liberté des suffrages avait besoin du calme de la tranquillité publique, étaient bien loin de redouter l'arrivée d'un régiment.
Dans la séance du 21 septembre, M. le comte de Mirabeau soutint que « le pouvoir exécutif avait le droit d'augmenter la force armée dans tels lieux ou dans tels moments où des informations particulières et des circonstances urgentes lui semblaient réclamer cette mesure, mais qu'il devait aussitôt en instruire le Corps législatif (2), » Il demanda que la lettre du ministre et le réquisitoire du commandant de la garde de Versailles fussent communiqués à l'Assemblée nationale : cette proposition, soutenue par quelques membres, ne fut pas admise.
Dans la séance du 22, en attendant le travail du nouveau comité, on s'occupa d'une partie du plan dont j'avais fait lecture au nom de l'ancien comité ; on y prit plusieurs articles sur les principes de la monarchie. Un changement adopté sur un des articles tendait à faire considérer Je Roi comme partie du Corps législatif, principe que l'ancien comité avait inséré dans le plan d'organisation de ce corps : ceux qui ne reconnaissaient pas ce principe voyaient avec peine qu'il eût été consacré, et la séance se termina d'une manière très-orageuse.
Dans la séancedu23, un députéproposade déclarer que le pouvoir législatif réside dans les mains de la nation; M. le comte de Mirabeau, voyant que cet article était rejeté par un grand nombre de personnes, s'écria, avec son énergie ordinaire, qu'il déclarait trqUres à l'Etat tous ceu,gc qui s'oppose-
raient à la proposition de M. Bouche. Sans redouter la qualification donnée par M. de Mirabeau, je montai à la tribune, et je dis : que la déclaration des droits avait déjà consacré cette grande vérité: que le principe de toute souveraineté appartient à la nation ; que, dans ce sens, non-seulement le pouvoir législatif appartenait à la nation, mais encore tous les autres pouvoirs ; que la nation, ne pouvant pas les exercer, était obligée de les déléguer tous ; que, cette délégation faite, il fallait reconnaître entre les mains de qui ils résidaient ; qu'il était évident que le pouvoir législatif résidait dans la réunion des représentants de la nation, avec le concours du monarque. On fut frappé de cette observation ; on na voulut plus déclarer que le pouvoir législatif résidait dans les mains de la nation; mais un des membres proposa de déclarer que le pouvoir législatif résidé dans l'Assemblée nationale, qui Vexerce ainsi qu'il suit. Cette addition fut acceptée par acclamation, sans discussion quelconque. Elle présente un grand inconvénient: c'est d'obscurcir la disposition d'un article précédent ; c'est de jeter de l'incertitude sur un principe bien certain, celui que le Roi, comme chef de la nation, et par la nécessité de la sanction, est portion intégrante du Corps législatif. Il ne faut, pour donner de fausses idées, que quelques mots scientifiques et mystérieux qu'on a mal interprétés; et le jour où l'on séparera entièrement, dans l'esprit des Français, l'autorité royale du Corps législatif, et où on ne la considérera simplement que comme pouvoir exécutif', on s'accoutumera bientôt à croire que le chef et le représentant perpétuel de la nation n'est que l'agent des volontés des autres représentants (1).
Dans la séance du 27 septembre, l'Assemblée nationale déclara accepter, de confiance, le plan proposé par le premier ministre des finances, pour la contribution du quart des revenus.
Les affaires pressantes qui avaient occupé la séance du samedi 27 n'avaient pas permis de nommer, le soir, un nouveau président ; cette nomination fut renvoyée au lundi matin 29 septembre; et comme il fallut serendreune heure plus tôt que celle de la séance, un grand nombre de députés furent absents, et surtout une très-grande partie des membres du clergé et delà noblesse: sur 600 votants, j'eus 365 voix ; et mes bons amis les folliculaires ne manquèrent pas de dire que j'avais été nommé parle clergé et la noblesse, et d'annoncer ma nomination comme l'ouvrage de l'aristocratie (2).
Dès qu'on apprit ma nomination, on dit qu'on me préparait une chute glorieuse ; plusieurs
témoins vinrent me certifier cette prédiction. Une autre personne dit même à l'ancien président, M. de Tonnerre : Ne vous éloignez pas; il n'en aura pas pour longtemps.
Si je n'eusse pas accepté, j'aurais paru céder aux menaces de mes ennemis. Cette réflexion me détermina ; et je puis dire que j'ai présidé avec assez de fermeté et d'impartialité, pour forcer l'approbation de ceux mêmes qui avaient paru les plus mécontents de ma nomination. Le règlement défendait au président de discuter ; il ne peut parler que pour fixer l'ordre et le sens des questions. Ainsi, pendant ma présidence, je n'ai pu être que l'organe passif des volontés de l'Assemblée.
Quoique le plan de M. Necker eût déjà été admis de confiance, ce ministre étant venu le 1er octobre proposer un décret conforme à sou plan, on pensa qu'avant de l'adopter définitivement, il fallait que le Roi acceptât les articles de Constitution qui se trouvaient rédigés, et la déclaration des droits. Ainsi, cette fois on ne croyait pas que la promulgation pût suffire.
Plusieurs députés observêrent?que, les besoins publics étant très-pressants, si l'on différait d'adopter le plan proposé par M. Necker, jusqu'après l'acceptation du Roi, cette acceptation ne serait pas libre ; que, d'ailleurs, le Roi, n'ayant pas sous les yeux tous les articles de la Constitution, ne pourrait les juger exactement, puisqu'il n'en connaîtrait pas l'ensemble, et que lui demander l'acceptation dans de pareilles circonstances, serait décider, sans examen, qu'il n'aurait pas le droit de proposer des changements. Ces réflexions ne purent empêcher la décision de l'Assemblée, qui me chargea de présenter au Roi les articles déjà rédigés.
Ce même jour, jeudi 1er octobre, a produit un petit événement qui a eu quelques jours après une grande influence. Je dois en rendre compte ; mais pour en bien apprécier toutes les conséquences, je dois remonter à quelques détails antérieurs.
J'ai déjà dit que l'arrivée du régiment de Flandre paraissait avoir causé de vives alarmes aux partisans de l'anarchie. On avait tâché d'indisposer le peuple contjg^e régiment ; les plaintes et les murmures éclataient-à ce sujet de toutes parts, et l'on entendait dire à haute voix dans les rues de Versailles, qu'il était honteux pour ses habitants de permettre l'entrée de la ville à des étrangers. Paris crut même avoir le droit de se plaindre de cet accroissement de forces militaires.
Le jour de l'arrivée du régiment se passa cependant sans aucun trouble ; les membres de la municipalité, beaucoup de gardes du corps, et les officiers de la milice bourgeoise de Versailles, étaient allés à sa rencontre ; il prêta serment en présence d'une foule immense de spectateurs ; mais on entendait à diverses distances, dans cette foule, des expressions de mécontentement, et une censure très-amère de la conduite de la municipalité.
Ceux qui désapprouvaient l'arrivée du régiment de Flandre résolurent bientôt d'employer tous les moyens pour y occasionner la même défection qui a eu lieu parmi les soldats de tant d'autres régiments. Des courtisanes furent mandées en grand nombre; des inconnus offrirent des sommes d'argent plusieurs soldats commençaient à s'ébranler et à arborer la cocarde de couleur, qui était pour eux le signe de la désertion ou d'une insubordination prochaine: les bons citoyens en concevaient de vives inquiétudes, et les gardes du corps surtout en étaient alarmés.
Les gardes du corps, instruits chaque jour de nouvelles menaces contre la sûreté du Roi et de la famille royale, obligés de passer presque toutes f les nuits prêts à monter à cheval, avaient résolu de le défendre avec le plus grand courage ; ils désiraient pouvoir conserver au Roi d'autres défenseurs, et comptaient sur l'appui du régiment de Flandre. Les gardes du corps n'étaient pas, comme on a voulu le faire croire, les ennemis i, de la liberté. Ils avaient donné des preuves de leur patriotisme le jour de la séance royale. On ^ les avait vus offrir une garde d'honneur à l'Assemblée nationale, lors de la première députation à Paris. Ce qui surtout contribuait à leur inspirer le désir de donner au Roi de nouvelles preuves r de leur zèle, c'était le reproche que leur faisaient plusieurs personnes d'avoir profité des circonstances pour demander au Roi des changements dans leur discipline. Espérant attacher le régiment de Flandre et la milice bourgeoise de f Versailles à la personne du Roi, ils donnèrent un repas, le 1er octobre, dans la salle des spectacles du château, aux officiers de ce régiment et à ceux de la milice bourgeoise. Sur la fin de ' ce repas, les grenadiers de ce régiment et une partie des chasseurs entrèrent dans la salle. On but à la santé du Roi et de la famille royale, et, dans un moment de joie et d'enthousiasme, on ib répéta des assurances de dévouement et de fidélité pour la personne du Roi, qui vint avec la Reine et le Dauphin. Leur présence échauffa de plus en plus toutes les têtes.
On ne saurait dissimuler qu'un pareil festin était déjà une grande imprudence; c'est, pour ainsi dire, insulter à la misère du peuple, que de donner des fêles dans des instants de cala-^ mité ; mais cette imprudence ne fut pas la seule, ' on eut celle de faire jouer l'air : 0 Richard ! 6 mon Roi ! l'univers t'abandonne. On parodia la pièce, en montant dans la loge du Roi, en l'accompagnant jusqu'à son appartement. Tous ces actes d'ivresse militaire provenaient sans doute du désir de montrer au Roi combien on ferait d'efforts pour le défendre, s'il était attaqué : car quelle apparence que 600 gardes du corps et un régiment eussent pu concevoir le projet insensé de nous remettre sous le joug du despotisme ? ?-Mais on aurait dû prévoir combien il était facile, dans les circonstances, de donner à cette conduite de fâcheuses interprétations , et d'alarmer la multitude, sur qui les impressions de terreur k et de défiance produisent toujours un si grand effet.
Il est encore très-vrai que, dans l'espoir de rallier les soldats à leur drapeau, et de les empêcher d'adopter une couleur qui devenait pour *eux un signe de désertion, on criâtVive la cocarde blanche ! On sait que cette cjfiïeur a toujours été celle des troupes françaises. Des rubans, des mouchoirs, furent employés à faire des cocardes : mais d'après les réalignements les plus exacts, je crois pouvoir assurer qu'on ne foula point aux pieds la cocarde p^isienne, ainsi qu'on l'a répandu dans le public, êt qu'on ne se permit ?aucune imprécation contre l'Assemblée nationale. Si quelques particuliers avaient eu cette folle témérité, il est certain qu'il serait impossible de l'attribuer aux gardes du corps, puisqu'elle n'aurait pas eu lieu publiquement, et qu'elle n'aurait pas été entendue par la plupart des personnes ~ui étaient alors présentes. Il est impossible aussi
citoyenne, et qu'on avait admis un très-grand nombre de spectateurs de tout rang.
Les détails de cette fête causèrent encore de grands murmures : tous les citoyens s'accordèrent à en blâmer l'imprudence; mais tous ne supposaient .pas aux personnes qui l'avaient donnée des intentions criminelles. Ceux qui pourraient croire qu'elle était répréhensible auraient dû engager l'Assemblée nationale à en porter ses plaintes au Roi, et à le prier de donner les ordres nécessaires pour que des scènes de ce genre ne pussent être renouvelées. Cette précaution eût suffi sans doute pour en détourner toutes les conséquences qu'on paraissait redouter. Si quelques propos indiscrets avaient été tenus, on pouvait demander que les chefs fussent chargés de les punir ; mais les ennemis de la paix publique voulurent tirer un plus grand parti de cet événement.
Aucun membre de l'Assemblée ne parla du festin militaire dans les séances des 1er, 2 et 3 octobre.
Le 2 octobre, j'eus l'honneur de me rendre auprès du Roi, et de lui présenter les articles décrétés de la déclaration des droits et de la Constitution; Sa Majesté répondit qu'elle ferait connaître le plus promptement possible ses intentions à l'Assemblée nationale. Il est très-important de remarquer ici que les intentions de Sa Majesté n'ont été connues que le lundi suivant, 5 octobre, sur les dix heures du matin.
On ne tarda pas à apprendre que le festin des gardes du corps occasionnait de grands murmures dans Paris ; qu'il avait été représenté au peuple comme très-criminel, et que, pour faire paraître les gardes du corps plus coupables, on avait imaginé plusieurs faussetés propres à exciter son indignation.
La séance du lundi, 5 octobre, commença par la lecture de la réponse du Roi: on sait que, par cette réponse, le Roi accordait son accession aux articles constitutionnels, mais à une condition positive : que le pouvoir exécutif aurait son entier effet entre ses mains. Il ajoutait que, s'il donnait son accession à ces divers articles, ce n'était pas qu'ils lui présentassent tous, indistinctement, l'idée ae la perfection ; mais qu'il était lomable en lui d'avoir égard au vu présent des députés de la nation, et aux circonstances alarmantes qui invitaient à vouloir, par-dessus tout, le prompt rétablissement de la paix, de l'ordre et de la confiance. Enfin, il reconnaissait que la déclaration des droits contenait de très-bonnes maximes, mais qu'étant susceptibles d'interprétations différentes, il était inutile de les approuver avant de connaître les lois qui devaient les expliquer.
Cette réponse parut satisfaire une partie des députés ; mais elle occasionna les plus vives réclamations de la part des autres. Ce fut dans le cours de cette discussion seulement que, pour la première fois, on censura le festin des gardes du corps, c'est-à-dire ce qui s'était passé quatre jours auparavant. Un député ayant annoncé que, dans ce festin, on avait entendu plusieurs discours outrageants contre l'Assemblée nationale, quelqu'un lui demanda s'il voulait faire une dénonciation. M. de Mirabeau dit aussitôt : « Quand on aura reconnu que, dans l'Etat, excepté le Roi seul, tout est sujet, je dénoncerai moi-même. » 11 était facile de comprendre le sens des paroles de M. de Mirabeau. Parmi la plupart des personnes qui étaient dans les galeries, cette dénonciation eût bientôt été considérée comme un fait incontestable; car on sait combien il est facile de convertir
auprès du peuple les soupçons en réalité. Et quelle eût été la funeste conséquence d'une pareille dénonciation, dans ce jour fatal, où les Parisiens accouraient en foule à Versailles pour exercer des actes de vén^e&iice! Je répondis, comme président, que je ne consentirais pas à laisser interrompre l'ordre du jour, et qu'aucun membre ne devait se permettre une seule réflexion étrangère à la réponse du Roi. Par cet acte de prudence, j'ai peut-être évité une bien affreuse catastrophe. tl. ...
Entre onze heures et midi. Un député vint me dire que 40,000 hommes arrivaient de Paris* et qu'il fallait presser la délibération. Je répondis qu'aucun motif ne pouvait m'engager à précipiter une délibération aussi importante. Bientôt cette nouvelle se répandit dans la salle.
Sur les trois heures et demie, on décida que le président se rendrait chez le Roi avec une dépu^ tation, pour le prier de donner une acceptation pure et simple.
J'étais sur le point de lever la seance, lorsqu on vint me dire que des femmes, arrivées de Paris, s'étaient présentées plusieurs fois à la porte de la salle, qu'elles demandaient â être entendues à la barre, et qu'elles voulaient Contraindre les sentinelles à les laisser entrer. J'instruisis l'Assemblée de leur demande. Il fut résolu de leur permettre l'entrée de la salle. Elles se présentèrent en grand nombre, ayant deux hommes à leur tête ; l'un d'eux exposa que « le matin on n'avait pas trouvé de pain chez les boulangers; que dans un moment de désespoir, lui qui avait été soldat aux gardes-françaises, était allé Sonner le tocsin ; qu'on l'avait arrêté ; qu'on avait voulu le pendre, et qu'il devait la vie aux dames qui l'accompagnaient. » Il ajouta « qu'ils étaient venus à Versailles pour demander du pain, et en même temps pour faire punir les gardes du corps qui avaient insulté la cocarde patriotique ; qu'ils étaient de bons patriotes ; qu ils avaient arraché toutes les cocardes noires qui s'étaient présentées à leurs yeux, dans Paris et sur la route. » Ensuite 11 en sortit une de sa poche, en disant qu'il voulait avoir le plaisir de la déchirer aux yeux de l'Assemblée ; ce qu'il lit aussitôt. Son compagnon ajouta : « Nous forcerons tout le monde à prendre la cocarde patriotique. » Ces expressions excitèrent quelques murmures de mécontentement. 11 reprit : « Quoi que vous en disiez, nows sommes tous frèreê. » Je repondis qu'aucun membre de l'Assemblée ne voulait nier que tous les hommes né dussent se considérer comme des frères ; que les murmures provenaient de ce qu'il avait menacé de forcer à prendre la cocarde; qu'il n'avait le droit de forcer personne^ et qu'il devait parler avec respect à l'Assemblee nationale. Il dit ensuite : « Les aristocrates veulent nous faire périr de faim : on a envoyé aujourd'hui à un meunier un billet de 200 livres, en l'invitant à ne pas moudre, et en lui promettant de lui envoyer la même somme chaque semaine. » L'Assemblée fît un cri d'indignation ; et de toutes les parties de la salle, on lui dit : nommez. Je l'invitai à faire connaître le coupable, en l'assurant qu'on procurerait une justice éclatante. Les deux harangUeurs hésitèrent; ils finirent par raconter qu'ayant rencontré des dames dans une voiture, ils les avaient forcées de descendre, et que pour obtenir la liberté de continuer leur route, ellès leur avaient appris qu'un curé avait dénoncé ce crime à l'Assemblée nationale (1);
puis, ils ajoutèrent J « On dit que c'est M. l'arche-« vêque de Paris. » Chacun s'empressa de leur répondre que M. l'archevêque était incapable d'une pareille atrocité (1)*
Toute la troupe, parlant à la fois, demanda du pain pour la Ville de Paris.
Je leur dis que l'Assemblée voyait avec douleur la disette qui affligeait la capitale, et qui provenait des obstacles mis à la circulation des grains; qu'elle n'avait rien négligé pour faciliter, par ses décrets, les approvisionnements de la ville de Paris ; que le Roi avait fait tous ses efforts pour assurer l'exécution de ces décrets; qu'on chercherait de nouveaux moyens pour faire cesser la disette ; que leur séjour à Versailles ne la ferait point cesser ; qu'il fallait laisser l'Assemblée s'occuper, avec liberté, de ces soins importants, et que je les exhortais à se retirer en paix, sans commettre aucune violence.
Ma réponse ne parut point les satisfaire, et ils disaient : Cela ne suffit pas, sans s'expliquer davantage.
Un membre de l'Assemblée dit qu'il fallait[en-voyerunedéputation chez le Roi, pour lui faire connaître la position malheureuse de la ville de Paris. Cette proposition fut adoptée. M. J'évêque de Langres, ancien président, prit le fauteuil. Je me mis en marche àlatêtede cettedéputation. Aussitôt les femmes m'environnèrent, en me déclarant qu'elles voulaient m'accompagrter chez le Roi. J'eus beaucoup de peine à obtenir, à force d'instances, qu'elfes n'entreraient chez le Roi qu'au nombre de six, ce qui n'empêcha point un grand nombre d'entre elles de former notre cortège.
Nous étions â pied, dans la boue, avec une forte pluie. Je dois décrire lé spectacle qui s'offrit à mes yeux, en sortant de la salle. Une foule considérable d'habitants de Versailles bordait, de chaque côté, l'avenue qui conduit au château. Les femmes de Paris formaient divers attroupements, entremêlés d'un certain nombre d'hommes, couverts de haillons pour la plupart, le regard féroce, le geste menaçant, poussant d'affreux hurlements. Ils étaient armés de quelques fusils, de vieilles piques, de haches, de bâtons ferrés, ou de grandes gaules, ayant à l'extrémité des lames d'épée, ou des lames de couteau. De pe ils détachements de gardes du corps faisaient des patrouilles, et passaient, au grand galop, à travers les cris et les huées. J'appris, en même temps, que deux ou trois canons, amenés par les femmes de Paris et les hommes qui les avaient accompagnées, étaient placés sur l'avenue de Paris, et que ceux qui les environnaient arrêtaient les passants, leur demandant . Etes-vous de la nation? et pour récompense de leur réponse affirmative, leur faisais» garder les canons avec eux.
Une partielles hommes armés de piques, de haches et de bâtons, s'approchent dé nous pour escorter la députation. L'étrange et nombreux cortège dont les députtedHaient assaillis estpris pour un attroupement ; aSs gardes du corps courent au
travers ; ncms nous dispersons dans la boue, et l'on sent bien quel accès de rage durent éprouver nos compagnons, qui pensaient qu'avec nous ils avaient plus de droit de se présenter. Nous nous rallions et nous allons ainsi versle château. Nous trouvons rangés sur la place les gardes du corps, le détachement de dragons, le régiment de Flandre, les gardes suisses, les invalides et la milice bourgeoise de Versailles. Nous sommes reconnus, reçus avec honneur. Nous traversons les lignes ; et l'on eut beaucoup de peine à empêcher la foule qui t nous suivait de s'introduire avec nous. Au lieu de six femmes à qui j'avais promis l'entrée du château, il fallut en admettre douze.
J'eus l'honneur de les présenter au Roi, de lui exposer l'affreuse situation de la capitale, les plaintes de ces femmes, l'assurance que nous leur avions donnée de faire tous nos efforts, de concert avec Sa Majesté, pour favoriser les ;approvi-^ sionnements de la ville de Paris, l'exhortation que ' nous leur avions faite de se retirer en paix et de ne commettre aucune violence ; et je suppliai le Roi de procurer des secours à la ville de Paris, si ces secours étaient en son pouvoir. Le Roi répondit avec sensibilité. Il déplora le malheur des circonstances; elles parurent émues.
Je priai ensuite Sa Majesté de vouloir bien m'in-diquer une heure pour recevoir, avant la lin du jour, s'il était possible, une autre députation. Le Roi m'indiqua neuf heures. Pendaut qu'il conversait avec un des membres de son conseil, je lis connaître à plusieurs de ses ministres la délibération de l'Assemblée qui me chargeait de demander au Roi son autorisation pure et simple des articles de la Constitution et de la déclaration des droits. Je leur représentai que dans cet état de trouble qui pouvait, à chaque minute, devenir plus alarmant, ils devaient éviter au Roi les embarras d'une nouvelle députation ; qu'étant chargé, comme président, d'obtenir incessamment l'acceptation pure et simple, il m'était impossible d'en différer la demande; qu'il serait infiniment dangereux d'hésiter; que le moindre délai serait pris pour un refus et pourrait allumer la fureur des Parisiens, qu'on ne manquerait pas d'en instruire. Je leur dis que, si le Roi m'accordait cette acceptation, on l'annoncerait au peuple comme un grand bienfait, ce qui pourrait diminuer l'effervescence. Le Roi fut instruit de ma demande. Il passa dans une autre pièce avec son conseil, et je fus invité à ne pas m'éloigner encore.
Je restai dans l'appartement du Roi depuis cinq heures et demie'du soir jusqu'à environ dix heures. Les nouveaux détails qu'on apprenait à chaque instant occupaient le conseil et retardaient l'ac-^ceptation que j'attendais avec impatience, dans 1 espoir de la faire servir au rétablissement du calme (1).
Pendant que j'attendais, il fut question de faire partir la Reine et le Dauphin, pour les mettre à 1 abri de tout danger. On lit venir les voitures; elles furent arrêtées par les habitants de Versatiles ; mais quand 011 n'aurait pas mis obstacle à leur passage, ces préparatifs eussent été in utiles : car elle eut le courage de déclarer qu'elle préférait mourir aux pieds du Roi, et qu'elle ne le quitterait jamais. Si elle eût consenti à partir, il eût été facile de trouver des voitures plus près du château, et de les soustraire aux regards du peuple.
Entre six et sept heures du soir, les gardes du corps eurent ordre de se retirer: on crut que leur retraite calmerait le peuple. Une partie de la milice de Versailles lit feu sur l'extrémité de la colonne : plusieurs hommes et plusieurs chevaux lurent blessés. En sortant de leurs écuries, ils essuyèrent encore plusieurs coups de feu.
A huit heures on ordonna aux gardes du corps de remonter à cheval et de revenir au château. Cet ordre ne fut exécuté que par un certain nombre d'entre eux ; on les plaça près de la grille de là cour royale. Les autres ne s'y rendirent pas, parce que dans un moment de trouble et de confusion, l'ordre ne leur parvint pas assez prompte-ment, et qu'on faisait feu sur tous ceux qui se présentaient dans les rues. Plusieurs furent tués ou blessés dans cette circonstance (1).
Entre neuf et dix heures, un aide de camp de M. de La Fayette vint annoncer son arrivée prochaine à la tête de la milice parisienne. On sut que M. de La Fayette avait fait d'inutiles efforts pour faire changer de résolution à la milice, et qu'il avait retardé, le plus qu'il avait été possible, le moment du départ.
Je ne dirai point quelle impression j'éprouvai en apprenant ces détails, quand je réfléchissais comment avait commencé cette bizarre insurrection. Des femmes, dont on a prodigieusement exagéré Je nombre ! Quelques vils brigands venus à leur suite ! Us outrageaient, ils menaçaient, ils avaient deux canons, quelques fusils,'quelques pistolets, de mauvaises armes. Il était si facile de les repousser vers le pont de Sèvres, et de s'y poster avantageusement! On devait bien prévoir que des hommes de cette espèce n'avaient pas été envoyés pour demander du pain, et qu'ils n'étaient pas venus de Paris dans l'intention de passer tranquillement quelques heures à Versailles. D'ailleurs, comment né répondit-on pas à leurs premiers actes d'hostilité ? Et ces soldats auxquels on défendait de faire feu, il fallait bien qu'ils devinssent les amis des assaillants, pour n'en être pas égorgés.
Et les malheureux gardes du corps dont on enchaînait le courage, ignorait-on que depuis peu de jours on les avait rendus l'objet de la haine publique, qu'on avait juré leur perte, et qu'on allait les livrer à la fureur de leurs ennemis?
Pourquoi ne pas dénoncer officiellement à l'Assemblée nationale les dangers dont on était menacé ? Pourquoi ne pas lui demander son intervention, et l'inviter à décider si la milice de Paris avait le droit de venir dans la ville de Ver-
sailles dicter des lois au monarque, les armes à la main?
Je frémissais de n'etre pas a mon poste ; 1 armée parisienne s'avançait ; j'appréhendais les plus grands malheurs. Je pensais que l'Assemblée nationale pourrait contribuer à les empêcher : je devais y être; je craignais d'être accusé de lâcheté. "Je fis prévenir vingt fois que j'allais me retirer si l'on ne me donnait pas l'acceptation ; toujours nouvelles instances pour attendre.
Ënlin, je fus appelé près du Roi; il prononça l'acceptation pure et simple. Je le suppliai de me la donner par écrit. Il l'écrivit et la remit dans mes mains. Il avait entendu les coups de feu. Qu'on juge de son émotion; qu'on juge de la mienne. Le cur déchiré, je sortis pour retourner à mes fonctions.
Je revins avec plusieurs députés qui m'avaient attendu. Je crus qu'en rentrant dans la salle, je retrouverais l'Assemblée, bien persuadé aue jamais aucune circonstance n'avait exigé plus impérieusement sa présence et ses délibérations. Quelle fut ma surprise de voir la salle remplie de femmes parisiennes et de leurs compagnons ? Mon arrivée parut leur causer une grande satisfaction : elles me dirent qu'elles m'avaient attendu avec beaucoup d'impatience. L'une d'elles, qui s'était emparée du fauteuil du président, voulut bien me céder la place. Je cherchai vainement des yeux les députés ; j'en aperçus seulement quel: ques-uns qui étaient reetés par curiosité, et qui m'apprirent qu'en mon absence on avait porté un décret sur les grains, mais que la foule qui s'était introduite dans la salle avait bientôt causé du tumulte ; que le peuple, délibérant avec les député?, les interrompait par des cris, et enfin qu'il avait fini par vouloir que l'Assemblée diminuât considérablement le prix du pain, cle la viande et des chandelles; qu'alors l'Assemblée s'était retirée.
Je fis prier MM. les officiers municipaux de faire battre la caisse dans toutes les rues de Versailles pour avertir MM. les députés de se rendre à l'Assemblée.
Pendant cet intervalle, j'annonçai au peuple l'acceptation, faite par le Roi, des articles de Constitution. La foule applaudit et se pressa autour de moi pour en avoir des copies. On me demandait de toutes parts si cela était bien avantageux ; d'autres disaient : cela fera-t-il avoir du pain aux pauvres gens de Paris ?
Comme plusieurs personnes se plaignaient de n'avoir rien mangé de tout le jour, je lis chercher du pain chez tous les boulangers de Versailles ; et, sans que j'en eusse donné l'ordre, on livra des cervelas, du vin, des liqueurs. Le repas se lit dans la
Dans le cours de ce repas, un officier de la milice de Paris vint me dire, de la part de M. delà Fayette, que celui-ci arriverait incessamment et se présenterait dans l'Assemblée. Je priai M. de Gouy-d'Arsy d'aller à sa rencontre et de lui faire connaître l'acceptation donnée par le Roi afin qu'il en instruisît les troupes.
En attendant l'arrivée de M. de la Fayette, les femmes qui m'environnaient conversaieut avec moi : plusieurs m'exprimaient leurs regrets de ce que j'avais défendu ce vilain veto (ce sont leurs expressions), et me disaient de bien prendre garde àla lanterne. Je répondis qu'on les trompait ; qu'elles n'étaient pas en état de juger les opinions des députés ; que je devais suivre ma conscience, et que je préférerais exposer ma vie, plutôt que de trahir la vérité. Elles voulurent bien approuver
ma réponse, et me donner beaucoup de témoignages d'intérêt.
M. de la Fayette arriva : il était alors près de minuit ; il me dit que je pouvais être rassuré sur * les suites de cet événement; que plusieurs fois il avait fait jurer à ses troupes de rester fidèles au Roi et à l'Assemblée nationale, de leur obéir, de ne faire et de ne souffrir aucune violence (1).
Je demandai à M. de la Fayette quel était donc l'objet d'une pareille visite, et ce que voulait son armée. 11 me répéta que, quel qu'eût été le motif qui avait déterminé sa marche, puisqu'elle avait . promis d'obéir au Roi et à l'Assemblée nationale, elle n'imposerait aucune loi; que, cependant, pour contribuer à calmer le mécontentement du peuple, il serait peut-être utile d'éloigner le régiment de Flandre, et de faire dire par le Roi quelques mots en faveur de la cocarde patriotique.
M. de la Fayette me quitta ensuite pour aller chez le Roi. Aussitôt qu'il fut sorti, on vint me -dire que Sa Majesté désirait que je me rendisse 1 au château avec le plus grand nombre de députés que je pourrais rencontrer.
Les députés, qui avaient été avertis parle bruit des tambours, étaient successivement revenus en assez grand nombre. Je leur fis part des désirs du Roi. Nous nous rendîmes au château à travers la milice parisienne. Le Roi nous dit : « J'avais désiré être environné des représentants de la 4 nation, et pouvoir profiter de leurs conseils au moment où je recevrais M. delà Fayette ; mais il est venu avant vous, et il ne me reste plus rien à vous dire, sinon que je n'ai point eu l'intention de partir, et que je ne m'éloignerai jamais de l'Assemblée nationale. » Pour comprendre cette réponse, il faut savoir qu'on venait de répandre danslepeuple, unedemi-heureavant]l'arrivée de la milice de Paris, que le Roi, effrayé de son appro-che, était disposé à partir pour Metz. Je conclus encore de cette réponse, que M. de la Fayette avait donné au Roi de grands motifs de sécurité, puisque Sa Majesté, qui d'abord avait voulu nous demander des conseils, n'en demandait plus, après avoir entendu le chef de la milice parisienne.
Nous revînmes dans la salle pour continuer notre séance, afin de pouvoir surveiller les événements. Les personnes qui remplissaient la salle furent invitées à se placer dans les galeries, mais ^ il n'y eut pas assez de place, et beaucoup restèrent sur les bancs des députés.
Pour ne pas rester dans l'inaction on discuta les lois criminelles. Tout à coup la discussion fut . interrompue par ces cris répétés : du pain, du pain ! pas tant de longs discours / On réussit cependant à obtenir le silence (2).
Sur les trois heures du matin, je fus averti que M. de la Fayette désirait me parler dans une des 4 salles voisines. Ne pouvant quitter l'Assem-
blée, je priai deux députés de se rendre auprès de lui, pour me communiquer ensuite ce qu'il voudrait me faire savoir. Ils vinrent me dire que Y M. de La Fayette, sachant que j'étais excessivement fatigué, et que j'exerçais mes fonctions de président depuis neuf heures et demie du matin de la veille, m'engageait à lever la séance pour . aller me reposer ; qu'il était inutile de la prolonger davantage ; qu'il répondait de tout ; qu'il avait r placé tous les postes de manière à être assuré que le bon ordre serait maintenu ; que la milice était ^ dans les meilleures intentions, et qu'il était lui-^ meme si certain de la tranquillité générale, qu'il se retirait pour prendre du repos.
Je levai la séance, et je la renvoyai à onze heures du matin. Je fus avec M. de La Fayette, et je * lui dis : Si vous avez la moindre crainte sur ce qui peut se passer, il en est temps encore, je vais prier les députés qui sortent, de rentrer à l'instant. M. de La Fayette me répéta ce qu'on m'avait v dit en son nom ; et je rentrai chez moi (1).
Calmé par la sécurité de M. de La Fayette je m'endormis et je ne fus réveillé qu'entre 8' et 9 heures. On m'apporta un billet d'un député, s conçu en ces termes : Au nom de Dieu, sauvez mon frère, que le peuple va égorger. Au même instant plusieurs députés entrèrent chez moi. Quels furent mon étonnementet mon indignation fk je fus instruit de ce qui s'était passé, et de ce qui se passait encore !
Dès le point du jour, d'affreux hurlements avaient été le signal des forcenés. On avait entendu de toutes parts ces mots terribles : Tuez les gardes du corpsy point de quartier. Les brigands, courant à l'hôtel des gardes, en égorgent plusieurs qu'ils y rencontrent; ceux qui voulaient fuir étaient poursuivis dans les rues, comme on * fait la chasse aux bêtes féroces. On en conduit douze ou quinze près de la grille, parmi lesquels plusieurs sont massacrés, et les autres sont retenus pendant qu'on dispute sur le genre de leur supplice.
Dans le même temps une foule furieuse était entrée dans les cours en présence de la milice de Paris, qui aurait pu si facilement lui résister. Deux gardes du corps qui étaient placés en sentinelle, l'un près de la grille, l'autre sous la voûte v avaient été tués. On avait même traîné l'un d'eux v sous les fenêtres du Roi pour lui abattre la tête d'un coup de hache. La foule était ensuite accourue sur le grand escalier, avait pénétré dans les salles, avait prononcé les plus horribles menaces contre " les personnes les plus augustes, et tué ou blessé, dans les salles, plusieurs gardes du corps. La sentinelle qui résiste à la porte de l'appartement de la reine, avec le courage le plus héroïque, est ?coupée par morceaux, ainsi que celle de l'antichambre du Roi. La reine est forcée de fuir à demi nue et de se réfugier chez le Roi (2).
Jusqu'où fût allé l'excès du crime, si M. de La rayette, averti trop tard de ces assassinats, n'eût harangué la milice, et ne se fût offert lui-même pour victime ! Son généreux dévouement obtint Je succès qu'il méritait. Les anciens grenadiers des gardes françaises se présentèrent à l'il-de-buf, pour défendre le Roi, qu'ils croyaient en danger, et sauver les gardes du corps. Ils en prirent, en effet, un grand nombre sous leur protection ; mais les assassins furent toujours respectes. Deux têtes des gardes du corps furent publiquement promenées dans Versailles (1) et un monstre armé d'une hache, portant une'longue barbe et un bonnet d'une hauteur extraordinaire montrait avec ostentation son visage et ses bras' couverts de sang humain.
Je n'entrerai pas ici dans le détail de plusieurs scenes d horreur dignes des plus atroces cannibales. biles s étaient passées sous les yeux de la milice nationale, qui ne fit jamais aucune tentative pour arrêter ou pour punir les scélérats (2).
Cependant, on avait demandé à grands cris que le Roi vînt fixer son séjour dans la capitale. 11 parut sur son balcon; il promit de partir pour Fans avec sa fatmlle, à condition qu'on épargnerait la vie de ses gardes. Les brigands firent grâce, et l'on cria: Vive le Roi! Vivent les qardes du corps ! et ceux qui s'étaient barricadés dans I intérieur du chateau vinrent jeter leurs bandoulières au peuple,en signe de soumission.
MM. de Blacons et de Se'rent vinrent m'avertir 'e ki\0^ désirait que tous les membres de Assemblée se rendissent auprès de lui, afin de profiter de leurs consens. Ils me direut que, ne doutant pas de mon consentement, ils avaient incite tous les députés qu'ils avaient rencontrés, a se rendre au salon d'Hercule; ils ajoutèrent qu ayant vu entrer des députés dans la salle, ils allaient les en prévenir. Ils revinrent un moment après sur leurs pas, et me dirent qu'ayant trouvé dans la salle un assez grand nombre de députés ils les avaient priés, en mon nom, de se rendre au chateau ; que M. de Mirabeau avait répondu : Le président ne peut pas nous faire aller chez le Moi sans délibération. Les galeries s'étaient même expliquées sur ce sujet, et avaient déclaré qu'on ne devait pas sortir de la salle : j'y fus aussitôt. II n'était pas encore onze heures ; c'est-à-dire que le moment indiqué pour la séance n'était pas encore arrivé ; et beaucoup de députés étaient au salon d Hercule.
Je fis part des intentions du Roi : un député me demanda si elles étaient par écrit. Je fus obligé d'attester MM. de Sérent et de Blacons. Et quand le Roi n'aurait pas témoigné ce désir, ma proposition en devait-elle moins être adoptée ?
M. de Mirabeau se leva et dit : qu'il était contre notre dignité de nous rendre chez le Roi ; qu'on ne pouvait délibérer dans le palais des rois -, que nos délibérations seraient suspectes, et qu'il suffirait d'envoyer une députation de trente-six personnes. . .
Le règlement me défendait de parler; mais je ne pus résister au sentiment que j'éprouvais : je priais l'Assemblée de m'excuser si je me croyais autorisé, par les circonstances, à enfreindre une règle de police. Je soutins qu'il ne pouvait jamais être contraire à la dignité de l'Assemblée d'aller chez le chef de la nation ; que, d'ailleurs, je ne concevais pas comment on pariait de dignité en ce moment ; que ce n'était pas dans un pareil jour qu'on pouvait soupçonner l'autorité royale d'avoir influé sur les délibérations ; que le Roi, dans la plus cruelle situation, avait besoin de nos conseils ; qu'on voulait le conduire à Paris, qu'il n'y avait pas un moment à perdre pour lui faire connaître sur ce point l'opinion de l'Assemblée ; qu'une députation ne saurait le conseiller, attendu qu'elle perdrait un temps précieux à parcourir la distance qui se trouvait entre la salle et le château, et à prendre les ordres de l'Assemblée. J'ajoutai que notre dignité consistait à remplir notre devoir; que je considérais comme un devoir sacré, en cet instant de danger, d'être auprès du monarque, et que nous aurions des reproches éternels à nous faire si nous négligions de le remplir.
Personne ne me réfuta ; je crus que tous les membres sentaient la justice de ces réflexions. Je fis délibérer, et la majorité fut pour rester dans |a
Quelqu'un dit aussitôt : ? Le bruit se répand que le Roi va se rendre ici. » On nomme deux députés, MM. Target et le vicomte de Mirabeau, pour prendre auprès du Roi, sur ce fait, des instructions positives. Pendant ce temps, on préparait la liste de trente-six députés qui devaient tenir lieu, au Roi, de la présence de l'Assemblée.
MM. Target et le vicomte de Mirabeau, étant revenus, dirent que le Roi n'avait point eu le dessein de se rendre dans l'Assemblée^ et qu'il avait promis de se rendre à Paris avec sa famille. On ne fit aucune réflexion sur les caractères de cette promesse et sur la nature des circonstances. M. le comte de Mirabeau proposa de ne pas se séparer du Roi. M. Barnave appuya cet avis, et demanda qu'on fît une déclaration précise, portant que le Roi et l'Assemblée seraient inséparables pendant la session actuelle. Ellefutadoptée et la députation des trente-six membres n'eut plus de conseil à donner, mais un décret à présenter au Roi. On nomma ensuite une autre députation, pour accompagner le Roi à Paris.
La délibération sur la contribution patriotique et l'adresse aux commettants, suspendues jusqu'à l'acceptation pure et simple du Roi, se trouvaient alors sans obstacles; elle fut reprise. M. de Mirabeau proposa même de faire une nouvelle adresse aux provinces sur les circonstances présentes, pour leur annoncer que le vaisseau de la chose publique allait s'élancer plus rapidement que jamais. Je répondis que cette proposition n'était pas dans l'ordre du jour.
Pendant qu'on délibérait sur la contribution patriotique, la famille royale passa devant la
salle, escortée par la milice, par les femmes de Paris, et leurs compagnons. Ceux des gardes du corps qui avaient obtenu leur grâce étaient à pied, vêtus des habits de la milice parisienne, ayant sur la tête des bonnets de grenadiers. Les femmes tenaient des branches d'arbre ornées de rubans. Les deux têtes, portées sur des piques, précédaient à peu de distance, environnées de femmes qui les contemplaient avec une joie féroce, et dansaient en les regardant. En signe de triomphe, la milice de Paris, comme après le gain d'une victoire, déchargeait ses armes et l'on entendit pendant longtemps le feu de la mous-queterie et de l'artillerie des vainqueurs.
Les habitants de Versailles étaient assez étonnés de cette marche triomphale. Ils commençaient à découvrir qu'après avoir combattu pour les Parisiens, ils pourraient payer tous les frais de la guerre. On leur disait encore, il est vrai : Soyez tranquilles, il reviendra.
Avoir refusé d'aller auprès du Roi, et cela sous le prétexte de conserver sa propre dignité, dans le moment où la demeure du prince vient d'être souillée par les plus horribles forfaits; avoir gardé le silence sur tant de crimes ; laissé partir le Roi accompagné des meurtriers de ses serviteurs, et d'une milice égarée par des factieux, qui a levé l'étendard de la révolte, qui a forcé son chef à la conduire dans le séjour du Roi et de l'Assemblée nationale avec tout l'appareil de la guerre ; qui a vu sous ses yeux se commettre tant d'attentats; qui a vu porter les têtes sanglantes autour d'elle, et qui, les armes à la main, a vécu en paix avec les brigands ; n'avoir rien tenté pour faire rentrer les révoltés dans le devoir, pour conserver la liberté du monarque ! Ah! sans doute, si les membres eussent été présents lorsque j'avais proposé de se rendre auprès de Sa Majesté, surtout s'ils eussent été libres..... Ces affreuses idées me poursuivaient sans cesse. J'eusse voulu m'éloigner d'un lieu qui retraçait à mon souvenir les plus affreuses images : mais j'étais encore président. Combien il me tardait de ne plus l'être !
Le soir, je présidai encore. M. de Mirabeau renouvela la proposition de son adresse aux provinces. On dit qu'il n'y avait pas lieu dans ce moment à délibérer.
J'étais horriblement fatigué et de corps et d'esprit. Je passai la nuit la plus cruelle. Le lendemain, 7 octobre, je vins encore présider. La séance fut longue et très-pénible pour moi: les questions agitées n'étaient pas cependant bien importantes ; mais les discussions étaient tumultueuses. L'état de ma santé rendait mes efforts, pour maintenir le calme, plus infructueux et plus pénibles ; tous ceux qui se trouvèrent placés près de moi durent apercevoir mon extrême agitation, et combien le repos m'était nécessaire, surtout celui de l'âme.
Le jeudi, 8 octobre, heureusement pour moi, de violentes douleurs de poitrine et une extinction de voix me mirent dans l'impossibilité de présider. J'écrivis à MM. les secrétaires pour les prier de faire agréer mes excuses à l'Assemblée, et de lui dire que le zèle et la fermeté avec lesquels j'avais voulu maintenir l'ordre, et faire observer le règlement, avaient nui à ma poitrine, et que par la séance de la veille, ma voix, qui était déjà trés-allérée auparavant, était absolument éteinte. Je priais l'Assemblée de me faire remplacer. Je le fus par M. Le Chapelier, en qualité d'ancien président.
Comme j'éprouvais déjà un vif désir de retour-
ner dans ma province, j'eus la précaution de prier un de MM. les secrétaires de me procurer un passe-port : j'en fis également demander un à la W municipalité de Versailles. Ils me furent accordés.
Je reçus ensuite un billet de M. de La Fayette, dans lequel il paraissait craindre que l'Assemblée ne prît de l'ombrage de ce que plusieurs députés avaient été arrêtés aux barrières ; je demandai quelques explications à l'officier qui était chargé de me le remettre. J'appris de lui qu'on croyait y avoir découvert, ce jour-là, une conjuration qui avait eu pour objet de conduire le Roi à Metz, et que, pour compléter cette découverte, on avait empêché qu'on pût sortir de Paris. Il était alors onze heures du matin ou environ. Je parle ici de cette circonstance peu intéressante en elle-même, afin de bien déterminer le premier instant où j'ai entendu parler de cette prétendue conjuration.
On me fit encore savoir qu'on craignait, pour la nuit suivante, une attaque de brigands qui se proposaient d'incendier le château et de massacrer les proscrits. Ces avis étaient donnés par des personnes à portée d'avoir des instructions exactes ; et l'on avait, en conséquence, doublé les gardes et les patrouilles. Je passai cette nuit à la campagne.
Le vendredi, 9 octobre, j'appris que l'Assemblée, effrayée du grand nombre de passe-ports demandés, venait de déclarer qu'on n'en accorderait plus que pour des motifs qu'elle aurait elle-même appréciés, et qu'elle avait pris la résolution définitive de se rendre à Paris. Je sentis que si je voulais partir, je n'avais point de temps à perdre; que bientôt les vexations recommenceraient sur K les grandes routes, et qu'alors il me serait plus difficile de revenir en ûauphiné. Il fallait d'autant plus me hâter que, pour ne pas fournir un nouveau prétexte aux calomniateurs, je devais voyager sous mon nom.
Je fis les réflexions suivantes :
Si, restant dans l'Assemblée, j'eusse attendu le retour de ma santé pour demander la parole, quelle apparence que j'eusse pu, au milieu de Paris, m'expliquer librement sur l'assassinat des gardes du corps, sur les crimes des hommes fé-v roces qui ont violé la majesté de la nation en la personne de son chef, et qui n'ont pas craint d'inonder son palais du sang de ses plus fidèles serviteurs ; que j'eusse pu intimider les auteurs de cette insurrection, les empêcher de porter plus loin le succès de leurs trames odieuses, en fixant l'attention de tous les bons citoyens du royaume sur les derniers événements ? n'aurais-je pas été . interrompu dès les premiers mots ? n'aurais-je pas * été massacré, pour ainsi dire, à la clameur publique? car j'aurais offensé tant de passions, blessé tant d'intérêts I et la loi martiale n'était pas encore promulguée.
C'est un devoir, il est vrai, de braver tous les périls pour servir sa patrie ; mais il faut qu'il n'existe point de moyens plus utiles, et qu'on ait encore un espoir de succès. Si je voulais publier ? mes pensées, les mêmes obstacle et les mêmes inconvénients se présentaient. Aucun imprimeur n'eût osé me seconder. S'il eût eu cette témérité, la circulation fût devenue impossible. Les exemplaires eussent été aussitôt enlevés; car les hommes qui réfléchissent savent bien ce qu'il faut entendre par notre moderne liberté de la presse ; ils savent bien qu'elle donne la faculté de calomnier, d'outrager impunément les citoyens qu'on veut perdre dans l'opinion publique ; de
flatter, de tromper la multitude; de lui persuader que tout doit céder à ses caprices, et qu'elle ne doit point suivre d'autre loi que celle de sa suprême volonté. Cette liberté de la presse permet d'offenser, dans d'infâmes libelles, les bonnes murs, l'autel et le trône, et de répandre les principes les plus faux et les plus dangereux ; mais elle ne permet pas de dire la vérité lorsqu'elle peut déplaire aux démagogues* déconcerter leurs vues, et porter atteinte à leurs intérêts.
Je n'entrevoyais pas même alors la possibilité d'instruire mes commettants, et de faire parvenir jusqu'à euji la vérité à travers tant de mensonges qu'on avait eu soin d'envoyer dans les provinces. Sous le régime despotique, on soupçonnait les agents de l'autorité de porter la scélératesse jusqu'à trahir la confiance publique en violant le secret des lettres. On n'avait point, à cet égard, des preuves certaines : mais, sous le règne de l'anarchie, rien n'est sacré ; la vertu seule est forcée de devenir circonspecte, et le crime orgueilleux de son importunité ne veut pas s'abaisser jusqu'à des ménagements. On sait que des députés ont reçu des lettres ouvertes, sur lesquelles était inscrit le nom du district qui, dans la profondeur de sa sagesse, et en vertu de sa puissance absolue, avait cru devoir les décacheter et les lire. Qui peut même affirmer qu'on n'eût pas entrepris de qualifier de crime de lèse-nation une vérité faite pour déplaire à des Parisiens, et de le faire juger pour un tribunal parisien, par des assesseurs parisiens, et sur les réclamations des représentants de la commune (1) ?
Si, restant dans l'Assemblée, je gardais le silence, quel affreux supplice que d'entendre accorder à des crimes la récompense de la vertu, célébrer comme des actions héroïques tous les attentats commis les 5 et 6 octobre ; appeler courage les plus lâches assassinats ; le plus insupportable despotisme; et en colorant ainsi les plus horribles forfaits, encourager leurs auteurs à ieé renouveler, et le peuple à se laisser égarer de nouveau, quand ils voudront encore le faire servir d'instrument à leurs projets funestes !
Combien de circonstances me faisaient croire qu'ils ne borneraient pas là leurs criminelles intrigues ! des têtes si précieuses pour le repos de l'Etat étaient au milieu de la licence et de l'anarchie. Je croyais ne rien pouvoir pour leur sûreté, ne rien pouvoir pour l'avantage de mes concitoyens, en restant à Versailles ou à Paris. Tout ce que j'avais vu, tout ce que j'avais entendu, avait tellement ébranlé mon imagination, qu'elle s'exagérait peut-être les dangers auxquels allait être exposée la patrie. Il me semblait
qu'à une certaine distance je serais plus utile ; qu'en disant la vérité, je contribuerais peut-être à prévenir les maux dont nous étions menacés, à exciter le zèle des bons citoyens, à contenir l'activité des méchants, à donner à ceux qui, dans la capitale, veillent sur la sûreté du Roi, et sur l'indépendance des suffrages, de nouvaux moyens de force, quand ils sauraient que la vérité avait fixé les regards des citoyens, de toutes les parties de l'empire, sur les complots des factieux.
Le serment que j'avais prêté le 20 juin dans la salle du jeu de paume, se présenta cependant à mon souvenir; mais je crus fermement pouvoir m'éloigner sans l'enfreindre. Alors, l'Assemblée était menacée d'une dissolution par l'autorité royale. Nous jurâmes de ne pas nous séparer et de nous rassembler partout où les circonstances l'exigeraient, jusqu'à ce que la Constitution fût établie; c'est-à-dire que nous promettions de ne jamais consentir à une dissolution, et de nous réunir, malgré les ordres ministériels, partout où il serait nécessaire de se rendre pour délibérer librement. Mais je n'avais pas juré de délibérer, quand je ne crois pas être libre; je n'avais pas juré de consentir à soumettre mes opinions à la volonté de la multitude, à parler contre ma conscience, ou à taire la vérité. Si même je donnais ma démission, j'étais dégagé de toutes les obligations que j'avais contractées comme député, et j'étais remplacé par un suppléant. Beaucoup de députés qui avaient prêté le même serment que moi, avaient depuis lors donné leur démission par écrit, pour raison de santé ou pour leurs affaires particulières personne ne les avait désapprouvés ; et certainement il ne pouvait pas exister de motifs plus pressants que ceux qui intéressent la conscience et la liberté. Si je ne donnais pas ma démission, je ne me séparais point définitivement et je m'éloignais seulement pendant le temps nécessaire pour instruire mes commettants, et jusqu'au jour où je serais rassuré sur les justes alarmes que j'avais conçues, et où j'aurais lieu de compter sur la liberté des suffrages la plus entière.
D'ailleurs, qu'on nomme, si l'on veut, faiblesse de caractère le sentiment qui me dominait : mais, après tant d'atrocités, il m'était impossible de ne pas m'éloigner pour respirer un autre air ; j'en éprouvais le besoin le plus impérieux ; il me semblait que je cédais tout à la fois à un devoir et à une impulsion invincible.
Je partis donc le 10 octobre de Versailles, et je pris la route du Dauphiné ; je ne désirais pas être reconnu, mais je ne cherchais point à me cacher. J'ai passé vingt-quatre heures à Lyon, où j'ai vu plusieurs personnes (1).
Arrivé dans ma province, j'ai dit la vérité à tous ceux de mes commettants que j'ai eu l'honneur de voir (2). Mais il était important, pour
ma réputation, pour l'intérêt même de mes con-citovens, de rendre public l'exposé de ma conduite dans l'Assemblée nationale, et les motifs de mon retour en Dauphiné. Si j'ai tardé jusqu'à ce jour de les faire paraître, c'est que, pour pouvoir rédiger rapidement, il faut jouir de la tranquillité de l'âme.
Maintenant on peut me juger sur ce que j'ai dit, sur ce que j'ai écrit, depuis que j'ai eu l'honneur d'être nommé l'un des représentants de ma province.
Observations sur les principes que fai soutenus dans VAssemblée nationale.
J'ai pu me tromper dans les principes que j'ai soutenus : mais si j'étais dans l'erreur, quel motif aurais-je donné de croire qu'elle était volontaire ?
Quand mes ennemis m'ont fait accuser dans des libelles périodiques, de trahir les intérêts du peuple, ils ne m'en ont pas soupçonné capable : mais il était de leur intérêt de le persuader. Ils savaient que je soutenais mes opinions avec courage ; que je ne pouvais cesser de les défendre que lorsque j'étais convaincu de leur fausseté, et que je ne les sacrifierais jamais ni aux promesses, ni'aux menaces ; mais ils savaient aussi que, pour rendre cette fermeté inutile, il fallait que mes opinions devinssent odieuses ; ils savaient que la plus absurde calomnie, répandue par des émissaires ou consignée dans de petits pamphlets distribués à bas prix, suffisait pour exciter la haine populaire ; que l'homme qu'on accuse auprès de la multitude est toujours jugé sans preuve, et qu'elle ne croit que difficilement sa justification.
J'ai toujours ardemment désiré la liberté publique. Sous le joug du despotisme, elle était l'objet constantde mes méditations, de mes études et de mes plus chères espérances. Dans toutes les fonctions que j'ai remplies jusqu'à ce jour, je crois avoir prouvé ma haine contre l'abus du pouvoir et l'oppression des faibles et des indigents.
J'ai profité du premier moment favorable pour contribuer à l'affranchissement de ma patrie. Et quand je n'aurais pas trouvé au fond de mon cur le plus ardent amour pour le bien public, comment aurais-je pu rester témoin indifférent de l'enthousiasme patriotique qui animait les généreux Dauphinois ? Je n'ai point borné mes efforts à la liberté du Dauphiné : et je n'ai cessé, depuis quinze mois, de représenter les inconvénients des privilèges des provinces, les avantages de l'unité du corps politique, et la nécessité de substituer l'esprit public au dangereux esprit de corps (1).
Comment aurais-je donc pu abandonner subitement la cause de la liberté ? Comment aurais-je voulu combattre moi-même les principes que j'avais soutenus l'année précédente, et qui s'étaient propagés si rapidement ? Après avoir bravé le despotisme, dans le temps où je ne pouvais lui résister qu'en exposant ma tête, comment aurais-je choisi le temps de sa destruction pour me déclarer en sa faveur ?
On m'a reproché de favoriser l'aristocratie (1). Je ne me serais jamais attendu à ce reproche, j'avoue franchement ma surprise ; car j'aurais f cru que nul homme en France ne pouvait se flatter d'avoir plus contribué que moi à la destruction de l'aristocratie.
Je n'ai jamais pu concevoir la possibilité de devenir, et surtout de rester libre dans un Etat où les citoyens seraient tellement divisés qu'ils r formeraient trois peuples ennemis, occupés, dans des assemblées différentes, de leurs préjugés et ? de leurs intérêts particuliers, et toujours prêts à immoler, par haine et par rivalité, la liberté publique, je soutins, dans le mois de septembre 1781, la nécessité de réunir constamment tous les membres des Etats du Dauphiné en une seule assemblée. Ces Etats furent formés sur un nouveau plan, non pas tel qu'il pourrait convenir après l'établissement d'une Constitution générale pour le royaume, mais tel que la situation de la r province et la prudence pourraient alors l'indiquer.
La réunion de tous les députés dans les Etats généraux du royaume ne me parut pas moins indispensable ; et ce fut moi qui proposai et qui rédigeai la lettre écrite au Roi par la province, dans le mois de novembre 1788, pour demander la double représentation des communes, et la déli-bération par tête, et pour démontrer que la séparation des ordres n'était fondée ni sur des motifs de bien public, ni sur des lois, ni sur des usages contraires.
Dans mes Observations sur les Etats généraux, après avoir rassemblé tous les exemples des maux produits par les anciennes formes, je fis de nouveaux efforts en faveur de la délibération par K tête, et j'exprimai le désir de voir bientôt régler la représentation des citoyens sur d'autres bases que celle de la division des ordres. Il me semblait qu'après d'aussi vives attaques contre l'aristocratie, on pourrait difficilement me considérer comme son défenseur. Aurais-je mérité ce titre, parce que j'ai voulu être juste envers mes concitoyens de toutes les classes (2), parce que je n'ai pas cru qu'un citoyen noble fût indigne de l'estime et de la considération publique, lorsqu'en sacrifiant d'anciens préjugés, il ne ttpmbait pas dans l'excès contraire, et ne cherchait pas à racheter ses sacrifices, en mendiant les applaudissements de la multitude ?
Je défie publiquement mes adversaires de trou-, ver entre les systèmes que je soutenais en 1788, et ceux que j'ai soutenus depuis lors, la moindre contradiction.
J'ai défendu l'autorité royale, il est vrai ; mais i qu'on parcoure, avec l'attention la plus scrupu-* leuse, tout ce que j'ai écrit au sujet de la révolution présente, on y verra que dans le temps même où j'ai résisté, avec le plus de force, aux attentats du despotisme, je ne me Suis jamais écarté du respect et de la fidélité que je devais au Trône ;
que je n'ai jamais avancé un seul principe propre à briser les liens qui unissent les intérêts du monarque à ceux du peuple, et qu'en voulant contribuer à rendre aux Français la jouissance de leurs droits, j'aurais voulu en même temps établir la splendeur et la gloire du Trône sur la prospérité publique. Je n'ai jamais négligé de prouver combien il est nécessaire, dans un grand empire, de laisser, pour le bonheur du peuple, une grande autorité dans les mains du Roi, et que le gouvernement monarchique est préférable à toute autre forme de gouvernement.
En soutenant les prérogatives de la Couronne, je remplissais les intentions de mes commettants ; ils avaient dit, étant assemblés à Vizille : « C'est dans les États généraux du royaume que vos sujets du Dauphiné s'empresseront de donner à leurs compatriotes l'exemple de l'amour et de la fidélité. » La lettre écrite sur les Etats généraux, dans le mois de novembre, par l'assemblée générale de la province de Dauphiné, tenue à Romans, se terminait ainsi : « Nc>n, sire, ils n'oublieront pas qu'ils sont Français; et ce titre leur rappellera que notre nation associa toujours sa gloire à celle du monarque, mit son bonheur à chérir ses rois, et n'épargna jamais ni son sang ni son bien, pour maintenir la dignité du Trône.
Serait-ce en soutenant que le Roi devait avoir le droit négatif illimité en matière de législation, et que le Corps législatif devait être fortifié à l'avenir par le Roi et par les deux Chambres, que j'aurais trahi l'intérêt du peuple? Mais ces opinions n'étaient pas nouvelles; je les avais soutenues précédemment, et mon mandat portait que les députés du Dauphiné devaient procurer une constitution qui ne permît pas que la loi pût être faite sans l'autorité uu prince et le consentement des représentants de la nation. II ne prononçait rien sur le point de savoir par qui devaient être préparées les lois ; il se bornait à exiger le consentement des représentants, qui aurait eu également lieu, soit qu'ils eussent formé la rédaction des lois, soit qu'ils les eussent acceptées : mais enfin le mandat était clair et précis sur la nécessité du concours de l'autorité du Roi.
J'ai cru que, sans désobéir à mes commettants, je ne pouvais pas donner mon suffrage pour le veto suspensif. En effet, si je n'avais reconnu au Roi que la simple faculté de suspendre, j'aurais reconnu, par cela même, qu'après un délai déterminé, les lois pouvaient être faites sans son autorité ; car une signature forcée n'est pas un acte d'autorité, mais bien plutôt un acte d'obéissance. J'aurais donc enfreint mon mandat, suivant lequel mes commettants n'auraient point voulu admettre une loi qui eût été faite sans Vautorité du prince. Je pensais que jusqu'au moment où la Constitution aurait réglé les fonctions des députés, ils n'existaient comme tels qu'en vertu du mandat libre et volontaire de leurs commettants, et qu'ils ne pouvaient contredire leur volonté sans trahir leur confiance, et usurper une autorité arbitraire.
Quant à la question des deux Chambres, la province de Dauphiné n'en avait point parlé dans son mandat; mais elle avait cependant entrevu l'utilité d'une semblable organisation. Les Etats, dans leur délibération du 9 décembre 1788, avaient eu soin de prouver qu'on ne pouvait pas confondre notre division des ordres et la Chambre des pairs d'Angleterre, et d'en faire remarquer la différence à l'avantage de la pairie britannique. Enfin, ils avaient dit qu'il n'appartenait, quau
Roi et aux représentants de la nation d'établir de nouveaux moyens pour assurer la sagesse des délibérations.
Dans mes Observations sur les Etats généraux, j'avais eu je soin de distinguer les moyens propres â établir la Constitution, de ceux qui étaient prçpres à la maintenir. J'avais pensé que pour faciliter la réforme des abus, et anéantir la séparation des ordres, il était nécessaire de délibérer en une seule assemblée ; mais que, par la Constitution, il était indispensable de former deux Chambres.
« Quand la Constitution est formée, disais-je, que la liberté publique et individuelle est protégée par des lois fondamentales, c'est alors que la sagesse commande la balance des pouvoirs. Mettez sans crainte des obstacles aux nouvelles ois; rendez les innovations lentes et difficiles, exigez le consentement du monarque et de deux Chambres: il vaut bien mieux manquer une bonne loi, que de laisser des moyens d'en introduire une mauvaise. Une proposition utile, trop légèrement rejetée, pourra, dans quelque temps, être renouvelée avec plus de succès. Et quel est l'homme qui ait réfléchi sur les gouvernements propres à faire le bonheur d'un grand peuple, et qui ne se soit passionné pour la monarchie et les trois pouvoirs (1) ? »
Et comment pourrais-je regretter d'avoir défendu le droit négatif du Roi? L'utilité d'un pareil droit a été reconnue par Jean-Jacques Ilousseau, l'oracle de tous les partisans de la démocratie, l'un des hommes de ce siècle qui ont le plus aimé la liberté, qui était d'ailleurs si difficile en institutions politiques! Dans ses Lettres
écrites de la montagne, sur le gouvernement de Genève, il se plaint de ce que les magistrats n'ont aucun égard pour les demandes des représentants, lorsqu'ils se plaignent des infractions commises envers les lois ; il ne désapprouve point le droit négatif d'après lequel le conseil général ne peut passer d'autres lois que celles que les magistrats ont approuvées et proposées (1). 11 reconnaît que VAngleterre est le modèle de la juste balance des pouvoirs respectifs. Après avoir parlé du droit négatif de l'Angleterre, il dit que si les magistrats de Genève n'en réclament qu'un pareil, il conseille de ne pas le leur contester.
Et remarquez cependant qu'à Genève le conseil général est formé par tous les citoyens; et que là on aurait pu dire, avec raison, qu'on opposait la volonté des magistrats à celle de la nation entière. Mais Jean-Jacques Rousseau était convaincu que lorsqu'un peuple a une Constitution libre, ce n'est pas par le refus de quelques lois qu'on peut parvenir à le rendre esclave, mais bien plutôt par la trop grande facilité d'en introduire de nouvelles ; car alors on l'entoure de pièges, et l'on parvient à l'enchaîner.
Mais, de tous les ouvrages de Rousseau, nos modernes politiques ne méditent que le Contrat social; c'est là seulement qu'ils puisent leur doctrine. Ils ne considèrent pas que, dans le Contrat social, cet auteur a recherché, sur les gouvernements, une perfection chimérique, et qu'il n'a pas cru que ses principes fussent applicables à une étendue de deux lieues carrées ; car on sait qu'il y combat l'institution des représentants ; qu'il soutient qu'un peuple représenté cesse d'être libre ; que c'est un mal d'unir plusieurs pilles en une seule cité; qu'il ne faut point objecter l'abus des grands Etats à celui qui n'en veut que de petits,
Enfin, dans le Contrat social, on trouve plusieurs aveux bien précis sur l'impossibilité d'en pratiquer la théorie : Rousseau dit que « la grande affaire du peuple, chez les Grecs, était sa liberté, et que des esclaves faisaient ses travaux. Quoi! la liberté ne se maintient qu'à l'appui de la servitude? Peut-être les deux excès se touchent. » Il observe qu'il n'entend pas, pour cela, qu'il faille avoir des esclaves, mais qu'il dit seulement « la raison pourquoi tes peuples modernes qui se croient libres, ont des représentants (l). Il ajoute que « il sera désormais impossible au souverain (le peuplé) de conserver parmi nous l'exercice de ses droits, si la cité n'est très-petite. »
Mais les partisans de la démocratie ne veulent pas faire toutes ces distinctions ; ils trouvent plus simple et plus commode d'exciter l'orgueil de la multitude, en abusant des mots volonté générale, ' souverain et nation (2). Il est même essentiel de
remarquer l'avantage singulier de leur position ; ils obtiennent, en flattant la multitude, les louanges qu'elle décerne pour l'ordinaire a,u patriotisme. Ils prennent tout à la fois le parti le plus prudent et le plus honorable (si l'on entend par honorable, celui qui produit les applaudissements les plus nombreux) ; et sans courir aucun danger, ils acquièrent une réputation de courage, et flétrissent le vrai courage du nom de lâcheté.
Malgré toutes les déclamations contre la sanction royale et les deux Chambres, il m'est impossible de* taire les regrets que j'ai ressentis, quand j'ai vu déterminer pour l'avenir une seule Assemblée, et borner la sanction au droit de suspendre.
Ces regrets me sont dictés par l'amour de la liberté. Elle périt avec les lois, dit Rousseau; mais ne seront-elles pas impuissantes, si l'autorité royale, chargée de les faire observer, n'inspire pas assez de respect, et ne peut forcer à la soumission ; si ses prérogatives ne sont pas à l'abri de toute atteinte, et si nous devons être toujours exposés à des innovations fréquentes, dictées par l'enthousiasme ou la surprise, ou par l'intrigue de quelque faction, dont une seule Chambre pourra difficilement se garantir ?
Combien je désirerais pouvoir me persuader que j'étais dans l'erreur ! M. Bergasse vient de publier des réflexions que je crois sans réplique; les plus grands publicistes de l'Europe prêchent la même doctrine.
Il est vrai qu'elle n'est pas adoptée par la plupart de nos journalistes et de nos littérateurs modernes ; mais il y a si peu de connexité entre la politiqu et la simple littérature 1 D'ailleurs les littérateurs sont si souvent conduits par le désir de la célébrité ! il est assez naturel qu'ils cherchent à flatter les passions de leurs juges, et il est bien surprenant que l'on croie en élat de diriger les affaires publiques, des hommes à qui l'on ne voudrait pas confier les affaires de sa maison.
L'Assemblée nationale peut considérer de nouveau ces grandes questions : on ne juge bien des lois constitutionnelles qu'après en avoir saisi l'ensemble et combiné les divers rapports. Le règlement porte, il est vrai, qu'on ne pourra soumettre à une nouvelle discussion , pendant la session présente, les décisions qui ont été portées. Une pareille disposition ne serait utile que pour les législatures ordinaires, mais elle a déjà été plusieurs fois enfreinte. Et, d'ailleurs, pour un point de forme, craindrait on de peser trop mûrement des questions qui doivent régler le sort de plusieurs générations?
On sentira peut-être que le Roi est le représentant perpétuel du peuple ; qu'il doit être chargé de défendre les droits de ses sujets, et de garantir l'autorité dont il est dépositaire contre les erreurs et les entreprises des représentants élus ; que pour conserver la liberté, il faut empecher tout à la fois le monarque et les représentants d'exercer une autorité arbitraire ; que le Roi ne formant aucune loi, et ses agents étant responsables, il ne peut abuser de sa puissance ; mais que les représentants pourraient abuser de la leur, si jamais il leur était permis d'exécuter leurs résolutions sans le consentement du Roi ; que celui-ci
n'aurait aucun intérêt à refuser son consentement aux lois utiles, et qui ne porteraient aucune atteinte à ses prérogatives consignées dans la Constitution ; qu'au surplus, il vaut infiniment mieux manquer cent bonnes lois, que d'en faciliter une mauvaise ; que le droit de suspendre ne met pas obstacle aux usurpations des représentants sur les droits de la couronne (1) ; qu'il avilit le Trône en désignant le terme auquel le monarque est forcé de leur obéir ; que le pouvoir de faire des lois étant le véritable pouvoir souverain, si le concours du prince n'était pas toujours nécessaire, il serait dans la dépendance, et ne partagerait jamais dans l'esprit du peuple, la reconnaissance qu'inspire une bonne loi, puisqu'on saurait qu'il n'était pas en son pouvoir de l'empêcher ; qu'en lui laissant le droit de sanctionner ou de refuser librement les projets de loi, il serait alors considéré comme partie intégrante du Corps législatif; que son pouvoir serait à l'abri de toute invasion, qu'il conserverait l'indépendance et la majesté qui doivent appartenir au chef de la nation.
Quelques réflexions sur certaines circonstances courraient donner une idée de ce que devient 'autorité royale, lorsqu'on ne lui laisse que le droit d'exécuter. Alors on réduit le prince à n'être que le premier agent du pouvoir législatif; on n'a plus un gouvernement monarchique, mais une aristocratie élective, qui, exerçant une autorité sans limites, peut en user arbitrairement ; et l'on devrait savoir qu'un roi humilié doit, tôt ou tard, devenir l'ennemi de la liberté publique (3).
On sentira sans doute aussi, qu'en laissant a une seule Assemblée le soin de faire des lois, il n'est plus d'obstacle à l'enthousiasme, à l'erreur des décisions. Comment résisterait-elle aux déclamations de quelques orateurs fougueux, à l'influence de quelques démagogues qui gouverneraient la multitude, et dont on redouterait la vengeance? Gomment empêcher la violence du choc entre le pouvoir du monarque et celui des représentants?
Comment protéger l'autorité royale, qui, dans un Etat litre, peut etre attaquée par des armes si puissantes? Comment garantir les représentants de la séduction que porraient employer des ministres adroits, ou un roi qui reviendrait le front ceint des laurier de la victoire?
Vainement on voudrait assurer la sagesse des délibérations par des réglement; il est absulument impossible d'assujettir une Assemblée à des réglements; elle les enfreindra toutes les fois qu'elle le jugera convenable. Aprés avoir résolu de discuter pendant plusieurs jours, mille prétextes s'offriront pour décider plusieurs questions importantes dans quelques heures. On n'aura pas même besoin de prétextes : il suffira de vouloir. ll en est des corps comme des individus; les lois qu'on leur destine ne seront jamais observées, si l'on en confie l'exécution à ceux mêmes dont elles peuvent enchainer la volonté.
On ne croit pas qu'une contestation entre des particuliers soit suffisamment examinée par un seul tribunal; le jusgement est soumis à plusieurs révisions. Sous l'ancien régime, des remontrances réitérées, des délais, des obstacles sans nombre de la part de toutes les cours supérieures de justice, faisaient souvent apercevoir dans les nouveaux édits les plus fune tes dispositions; et l'on voudrait aujourd'hui qu'une seule Assemblée pùt à l'avenir faire toutes les lois, et bouleverser dans une séance le code entier, si un pareil chengement pouvait être à son gré !
Quant à la nécessité de placer les deux Chambres dans une position différente, et de ne pas leur donner une composition uniforme, je n'ajoute rien à ce qu'en ont dit MM.Lally-Tollendal et Bergasse, et a ce que j'en ai dit moi-même dans mes Considérations sur les gouvernements.
Il n'est qu une circonstance où l'on soit forcé de confier le sort d'un peuple aux délibérations d'une seule Assemblée; c'est lorsqu'il veut établir sa liberté par des lois fondamentales, et qu'il n'a point encoure d'Assemblée nationale organisée: car il faut bien que ses députés s'assemblent de la manère la plus simple, afin de déterminer pour l'avenir cette organisation. Si ses représentants ont la sagesse de borner leurs travaux à poser les bases essentielles de la liberté, surtout s'ils organisent promptement le Corps législatif; si ceux qui ont le plus d'influence n'ont d'autre guide que l'amour du bien public; si des événements, qu'il a été impossible de prévoir, n'aigrissent par les exprits, ne les disposent pas au désir de la vengeance, députés s'assemblent de iSSS^m Slr?p1-'afîn de déterminer pour onMa LffûE organisation. Si ses représentants Iûd kn sagesse de borner leurs travaux à poser les bases essentielles de la liberté, surtout s'ils organisent promptement le Corps législatif - si ceux qui ont le plus d'influence n'ont d'autre guide que 1 amour du bien public ; si des événements, qu il a été impossible de prévoir, n'aigris-K laPvpnaS espnts',ne .les disposent pas au désir du neS ? exc.ltent Pas le ressentiment du peuple, et ne favorisent pas l'anarchie ; alors seulement ils éviteront les inconvénients qui peurésulter d une seule Assemblée.
Si l'on persiste à ne former qu'une seule Chambre, j ose predire que la responsabilité des ministres sera vame, ou qu'on établira contre eux un ^ n.al tyrannique que complétera l'avilissement du Irène. Si Ion confie le soin d'accuser les ministres et les personnes constituées dans les hautes dignités, pour les crimes commis dans leurs fonctions, a des procureurs du Roi sur ies plaintes des particuliers, ils seront sans cesse dénonces et poursuivis (1). Si l'on institue un
tribunal pour les juger, lorsque l'Assemblée nationale accusera,il résistera difficilement aune aussi grande influence ; étant presque toujours oisif, son inaction le rendra bientôt incapable d exercer ses fonctions, et le privera de la con-«ance publique, à moins qu'on ne lui laisse la possibilité de tenir fréquemment les ministres sous le joug de 1 accusation. Si l'on donne cette auto-rite a I un d es tribunaux ordinaires, à tous les inconvénients qu'on vient de remarquer, on joindra celui de mettre dans les mains des juges la puissance la plus dangereuse, d'assurer l'impunité de leurs prévarications, et de leur subordonner ceux qui sont laits pour surveiller leur conduite bi Ion choisit les juges parmi les membres de 1 Assemblée nationale, alors les personnes mêmes qui auront approuvé l'accusation auront le droit de prononcer; elles seront juges et parties; elles auront ies mêmes passions, les mêmes intérêts que les accusateurs (1).
Partout où l'on voudra juger les crimes d'Etat sur d autres principes que ceux qui dirigent les impeachments en Angleterre et en Amérique, on établira une affreuse inquisition, et l'on détruira le gouvernement, qui n'aura plus pour agents que des esclaves soumis aux premiers intrigants qui sauront se procurer quelque influence sur le peuple, ou dans l'Assemblée des représentants.
On ne manquera pas de dire que ces réflexions ne sont qu'une suite de mon enthousiasme pour la constitution d'Angleterre. Oui, je persiste à croire qu il est impossible d'établir la liberté chez un grand peuple, sans adopter les bases de cette constitution, dont il est facile d'éviter certains vices de détail. Jean-Jacques Rousseau dit : qu'il ny a dans un Etat qu'un bon gouvernement possible, suivant le temps et les rapports. Or, dans 1 Etat actuel de l'Europe, chez toutes les grandes nations, où les rapports sont les mêmes, tous exigent les bases de la constitution anglaise (2)
Je terminerai cette dissertation sur les principes que j'ai défendus dans l'Assemblée nationale, par une réflexion assez remarquable.
Au commencement de cette année, mon zèle était désapprouvé par ceux qui étaient intéressés, en France, au maintien des anciens abus. On calomniait mes intentions ; on m'attaquait dans des libelles ; on me représentait comme un incendiaire, un ardent novateur.
Aujourd'hui, avec les mêmes opinions qui me
conciliaient précédemment la faveur du peuple, je suis détesté par le parti démocratique.
Eh bien, je suis précisément placé dans la posi-pt tion où je voulais être pour être assuré de la bonté de mes opinions ; car la vérité est toujours entre les deux extrêmes. Ce qui me rassure encore davantage, c'est de voir parmi ceux qui m'accusent de soutenir des systèmes contraires aux intérêts du peuple, tant d'hommes qui étaient . autrefois les vils agents du despotisme, les dignes soutiens de la cour pléniêre, ou qui étaient à y genoux devant l'aristocratie dans le temps où il était dangereux de la braver, ou qui avaient eux-mêmes, envers les inférieurs, la morgue la plus insolente. Il est vrai que, sous un point de vue, ils n'ont pas changé de parti, puisqu'ils ont toujours eu soin de s'attacher à celui qu'ils ont jugé le plus fort.
Il m'eût été bien facile de conserver, dans cette révolution, l'influence que les circonstances * m'avaient donnée, si j'eusse voulu avoir ce que nos politiques modernes appellent « de l'adresse», c'est-à-dire, céder aux événements, consulter toujours les passions du plus grand nombre, et présenter des opinions qui pussent lui plaire ; mais je n'ai jamais été guidé par le désir de faire parler de moi. J'ai déjà vu tant de funestes effets de l'amour de la célébrité, que personne n'est plus j en garde que moi contre cette passion ; et si j'avais pu ambitionner la gloire, je n'en aurais pas connu de plus belle que celle d'avoir mérité la haine des factieux, des partisans de l'anarchie, et des ennemis de la liberté.
OBSERVATIONS sur les motifs de mon départ.
Je dois répondre à ceux qui ont blâmé mon retour en Dauphiné, en développer les motifs pour les gens de bonne foi, et laisser ensuite les autres censurer tout à leur aise.
Dans tous les papiers publics, mon départ a été indiqué comme la suite des menaces qui m'ont été faites, et des dangers que j'ai courus. Amis et ennemis, tous m'ont signalé comme ayant quitté mon poste pour me mettre en sûreté.
Il est très-vrai que, depuis près de trois mois, j'avais reçu une multitude de lettres anonymes, _ remplies d'injures et de menaces. Il est très-vrai qu'on cherchait à m'inspirer de la terreur, en m'adressant de faux avis, qui tantôt étaient donnés par écrit, et tantôt m'étaient transmis par des inconnus. Il est très-vrai qu'on m'avait fait passer, auprès d'une partie du peuple de Versailles, pour un député dévoué aux intérêts du clergé et de la noblesse ; que j'ai vu et que j'ai , entendu plusieurs fois des attroupements se for-? mer sous mes fenêtres, et parler à haute voix de la lanterne, ou de me couper la tête ; que le lundi soir 5 octobre, des brigands sont venus me demander à mon logement, en disant qu'ils voulaient emporter ma tête, et qu'ils réussiraient bien à me rencontrer. Il est très-vrai que plusieurs personnes se tenaient près de là pour indiquer ma demeure, et me désignaient comme un ^ traître ; mais il est faux que j'aie quitté Versailles, le samedi matin 10 octobre, par un sentiment de terreur.
Accoutumé depuis longtemps aux menaces et aux dangers, je peux dire que je m'étais dévoué ; et je crois avoir parlé plusieurs fois, dans l'Assemblée nationale, de manière à ne pas laisser croire qu'il fût facile de m'épouvanter.
Ceux qui m'environnaient pendant les derniers r jours de ma présidence ont pu apercevoir les
sentiments d'indignation que j'éprouvais, mais je ne crois pas qu'aucun d'eux puisse dire que j'aie eu des sentiments de crainte personnelle ; ils ont même pu entendre quelques conférences particulières dans lesquelles je ne jouais point le rôle d'un homme intimidé. On doit se rappeler comment j'ai rempli mes fonctions de président le mercredi 7 octobre, dernier jour où j'ai paru à l'Assemblée : j'avais une profonde tristesse, j'étais dans la plus grande agitation ; mais les motifs de mon inquiétude n'étaient pas équivoques, et l'on ne dut pas me trouver la faiblesse et l'humilité d'un poltron. Les termes dans lesquels était conçue ma démission de la présidence, donnée le jeudi 8 octobre, ne portaient pas non plus le caractère de la frayeur.
Le sentiment qui me guidait pouvait être exagéré ; mon imagination pouvait être frappée d'une terreur trop vive pour de plus grands intérêts que les miens propres. Mais, il est inutile de le cacher, je croyais que c'était se dévouer très'-inutilement que de dire la vérité dans Versailles ou dans Paris ; je croyais qu'il était criminel de se taire, puisqu'en" parlant on pouvait prévenir de grands maux. C'est dans ce sens, c'est en croyant le silence une sorte de complicité, qu'annonçant mon départ en présence de plusieurs personnes, j'ai dit : Je ne veux être ni coupable ni complice.
Que ceux qui seraient tentés de désapprouver ma conduite veuillent bien examiner avec impartialité les circonstances dans lesquelles je me trouvais et les motifs dont j'étais animé. Depuis longtemps j'éprouvais les plus vives alarmes, j'avais lieu de craindre les plus funestes projets. Les désordres encouragés, au même instant, dans la plupart des provinces ; la proscription de plusieurs hommes vertueux, la désertion et l'insubordination achetées dans plusieurs régiments ; l'enlèvement du Roi, de la Reine et du Dauphin, p'usieurs fois projeté à Paris ; la cour dans les alarmes continuelles à Versailles ; l'arrivée du régiment de Flandre présentée compie un malheur public ; une foule d'infâmes brochures vendues publiquement jusqu'à la porte de l'Assemblée nationale, dans lesquelles la majesté royale était indignement outragée ; tous les efforts employés pour exciter la curiosité du peuple par les plus absurdes et les plus infâmes écrits, qui tous avaient également pour but de livrer à l'exécration publique des personnes augustes, et de faire naître des soupçons... comme si l'on eût voulu écarter certains obstacles...
C'est dans cette situation des choses, que, sous le prétexte de la rareté du pain, d'une orgie des gardes du corps, des femmes et des brigands courent à Versailles, où la milice parisienne les suit les armes à la main ; que des gardes du corps sont égorgés sous les yeux du monarque et jusque dans son palais ; que la reine est obligée de s'enfuir de sa chambre pour se soustraire à la fureur des scélérats, et que le Roi est forcé de se rendre à Paris avec sa famille.
J'apprends ensuite que le pain, excessivement rare la veille, devient très-abondant le jour même où le Roi arrive dans la capitale (l). Ainsi, disais-je, on fait croire au peuple qu'il dépend de la famille royale de lui donner du pain... Oui, il faut que les auteurs de tant de maux apprennent bientôt que mes commettants sont instruits
de la vérité : ils seront alors forcés de renoncer à leurs complots ; et les bons citoyens de Paris, pour dissiper les alarmes des provinces, redoubleront de zèle, et veilleront 3, la sûreté du Roi et de sa famille ; sûreté dont ils sont responsables.
Les relations infidèles que je voyais se multiplier; les obstacles mis au départ des députés par le refus des passe-ports délibéré le 9 octobre ; tout tendait à me convaincre, de plus en plus, de la nécessité de retourner dans ma province. Et mon serment, qu'on juge s'il pouvait me faire hésiter, dès que le silence me paraissai-t un crime! Je ne pouvais pas avoir juré d'être criminel ; je ne pouvais pas avoir juré de n'être pas libre ; c'était une obligation sacrée, pour moi, de faire connaître à mes commettants la véritable position du Roi. La fidélité au prince est une des premières vertus dans les monarchies.
Combien de motifs pour craindre, de plus, que l'Assemblée nationale ne fût pas libre à Paris ! N'avais-je pas vu à Versailles les galeries applaudir, désapprouver, juger les discours et les décisions? N'avais-je pas remarqué plusieurs fois l'effet des prpscriptions et des menaces ? Etait-il naturel de croire qu'on aurait plus de liberté dans la ville de Paris, au milieu de ceux qui n'avaient pas respecté l'asile du monarque? Ne devais-je pas craindre qu'il ne fût impossible à la municipalité et aux chefs militaires d'assurer l'indépendance des suffrages ? N'avait-on pas fait déjà des proclamations et des défenses, après les menaces du Palais-Royal? Avait-on pu parvenir à empêcher, le 5 octobre, que l'hôtel de ville ne fût forcé, et que la milice ne fît violence à son général ?
Dût-on m'accuser d'un excès d'amour-propre, il m'est Impossible de ne pas croire que mon départ a déjà produit quelque utilité; il a causé beaucoup d'inquiétude aux factieux : j'en juge parla rageaveclaquelle ilsm'ont fait déchirer dans cette foule de journaux dont les auteurs sont accourus en foule, au moment de la révolution, comme certains oiseaux de proie à la suite des batailles (1).
Tant que les auteurs et les complices de l'insurrection du 5 octobre et les assassins des gardes du corps seront assurés de l'impunité, et qu'ils verront représenter leur conduite comme digne d'éloge, comment compter sur le maintien delà tranquillité publique? J'ignore même si, au milieu de Paris, il sera possible de prononcer la suppression du nouveau régime adopté par cette ville, de faire disparaître ces districts qui favorisent si puissamment Taparchie, et qui non-seulement veulent tous gouverner la capitale, niais encore le royaume entier; car ils délibèrent souvent sur les questions agitées dans l'Assepibiée nationale (2).
Je demande surtout si l'on pourra parvenir à licencier cette armée aux ordres de la capitale, au moyen de laquelle elle peut enchaîner la liberté du royaume, comme elle vient, sur le plus frivole prétexte, d'attenter à celle du Roi. Je demande aux partisans de l'unité du corps politique, surtout à ceux del unité du pouvoir exécutif, s'il devrait être permis à une municipalité de solder un corps considérable de troupes ; si toutes les forces militaire ne devraient pas avoir le Roi pour chef suprême ; si elles devraient poqvoir marcher en corps sans son consentement; si des hommes armés, bourgeois ou soldats, devraient pouvoir agir contre le dernier citoyen sans la réquisition des officiers civils, en exécution de la loi, et s'ils ne se rendent pas coupables de rebellion à force ouverte lorsque, de leur propre autorité, ils veulent se faire obéir par la terreur qu'inspirent leurs armes. Les personnes qui paraissent croire que de pareils droits appartiennent aux municipalités et aux milices bourgeoises croient probablement aussi que toutes les villes du royaume peuvent se faire la guerre, qu'elles peuvent se réserver la souveraineté, et que les vexations commises les armes à la main seront toujours réprimées.
On ne manquera point de comparer mes récits avec les relations données par le plus grand nombre des papiers publics ; mais ceux qui savent réfléchir ont dû reconnaître l'infidélité de ces relations. Elles n'ont pas manqué de dire que les gardes du corps ont fait feu les premiers, qu'ils ont tué plusieurs personnes, et que leur imprudence a excité la fureur du peuple.
On a bien jugé qu'il serait difficile d'en imposer sur des faits qui ont eu tant de témoins ; on a pensé, d'ailleurs, qu'en admettant même cette supposition, la milice parisienne ne serait pas moins coupable de s'être transportée en armes à Versailles ; que les femmes et les brigands qui les accompagnaient pouvaient être légitimement repoussés ; car lorsqu'un ennemi vient nous attaquer dans nos foyers, nous ne sommes pas obligés d'attendre qu'il" ait porté les premiers coups.
Il était bien plus adroit de colorer cette insurrection par de faux prétextes. En conséquence, on n'a rien négligé pour la représenter aux provinces comme le dernier coup porté à l'aristocratie, on a continué d'exagérer les imprudences commises dans le festin des gardes du corps.
Mais comment persuader que, pour des propos de table, il était nécessaire de faire marcher une arméej de massacrer les gardes du corps, et de conduire le Roi à Paris ? Un incident survenu lé jeudi 8 octobre, c'est-à-dire le quatrième jour après celui de l'insurrection, est venu merveilleusement tirer de cet embarras. On arrêta plusieurs personnes ayant, dît-on, des listes où étaient inscrits un grand nombre de gentilshommes. Tout à coup le bruit se répand qu'on a découvert une conjuration pour conduire le Roi à Metz (on varie sur le nombre, dépuis 1,200 jusqu'à 15,000); qu'on a trouvé des habits uniformes : comipe si des conjurés pouvaient être assez insensés pour se trahir par des soins aussi frivoles ? On varie aussi sur la couleur de ces habits, on lui fait parcourir toutes les nuances.
Ceux qui veulent excuser l'insurrection du 5 octobre s'emparent fréquemment de cette prétendue conjuration découverte le 8 octobre ; on m la mêle dans tous les récits avec les détails de tous les attentats commis à Versailles; on confond toutes les époques. Quelques gazetiers sont cesendant assez naïfs pour les distinguer et pour ire que le peuple de Paris avait le don de lire dans l'avenir, et qu'il avait été sauvé par son instinct.
Une foule de lettres particulières appuient les papiers publics. On indique comme chef de la y conjuration, tantôt des municipalités de Normandie, tantôt un militaire distingué, et qu'on n'avait pas soupçonné jusqu'à présent de vouloir nuire aux intérêts du peuple (1).
Je ne connais pas assez les prétendues découvertes faites le 8 octobre, pour pouvoir affirmer ou pour pouvoir nier si, depuis le retour de M. Necker, il a existé une conjuration dont l'objet fut de conduire le Roi à Metz. D'après les contradictions sans nombre dont cette nouvelle a été accompagnée, je suis cependant très-porté à croire qu'elle est absolument chimérique.
Au surplus, il faudrait savoir dans quelles circonstances on se serait proposé d'accompagner le Roi à Metz. Depuis longtemps on était menacé d'une insurrection pour enlever le Roi et le ^ conduire dans la capitale. Si, dans cette crainte, des gentilshommes s'étaient ligués pour défendre sa liberté, dans le cas où on voudrait le forcer à se rendre à Paris, je demande si une pareille ligue eût été criminelle. Un prince qu'on attaque dans son palais a certainement le droit de se réfugier ailleurs.
Ah ! sans doute, les prétendus conjurés eussent été bien coupables s'ils eussent voulu conduire k le Roi à Metz dans l'espoir de rétablir le despotisme. Mais est-il vraisemblable qu'ils aient pu concevoir un pareil projet? Où était l'armée qui devait en favoriser l'exécution? Où étaient les villes disposées à recevoir paisiblement le joug de l'esclavage?
Mais, encore une fois, quel rapport pouvait exister entre une prétendue conjuration découverte le 8 octqbre, et l'insurrection faite trois jours auparavant ? La réalité même de cette conjuration, quel qu'en eût été l'objet, n'aurait pas rendu légitime la marche de la milice de Paris ; car on pouvait dénoncer le projet à l'Assemblée pationale et demander la punition de ses auteurs.
Les personnes qui se sont présentées à l'Assemblée nationale le 5 octobre n'ont parlé que de la cherté du pain et du repas des gardes du corps ; aucune des femmes, aucun des brigands venus à leur suite, aucun homme de la milice de Paris n'a exprimé d'autre sujet de plainte.
Quelques gazetiers ont encore eu soin de faire entendre que la réponse donnée par le Roi sur les articles de la Constitution était entrée dans les motifs de l'insurrection du 5 octobre. Cette fausseté est manifeste. La réponse du Roi ne contenait rien qui pût causer une insurrection ; de plus, la réponse du Roi n'a été communiquée à l'Assemblée qu'à dix heures du matin. L'hôtel f de ville de Paris était alors assiégé, et l'émeute était commencée depuis la veille.
Enfin, que n'a-t-on pas dit sur les causes de
l'insurrection du 5 octobre? On est allé jusqu'à prétendre qu'elle était le fruit des intrigues e l'aristocratie, qui a voulu effrayer le Roi et le forcer à partir pour Metz. 11 faut avouer que l'aristocratie aurait été tout à la fois bien adroite et bien insensée dans ses mesures. Elle aurait donc prêché le respect pour la cocarde parisienne : elle aurait emprunté le masque de la démocratie, excité l'indignation contre ceux qui étaient les plus intéressés à la soutenir (car on sait que, les 5 et 6 octobre, le peuple parlait d'exterminer la noblesse et le clergé, et poursuivait surtout les ecclésiastiques); elle aurait inspiré le désir de la vengeance contre les gardes du corps, tout dévoué à la rage populaire, excepté les chefs et les flatteurs du peuple. Ainsi, les intrigues de l'aristocratie auraient eu pour but de se faire égorger par la démocratie ! Au surplus, si le Roi eût été obligé de s'enfuir, on aurait pu trouver beaucoup de Français qui auraient associé, dans les efforts de leur'courage, la liberté et le Roi. Mais, comment l'aristocratie pourrait-elle se flatter , aujourd'hui, de rallier sous ses étendards le plus grand nombre des citoyens ?
Il n'est pas difficile (Je connaître les véritables motifs de ceux qui ont excité l'insurrection du 5 octobre. Mais, de quelque pâture qu'ils soient, il n'est pas moins vrai que cette insurrection était coupable.
Mais, a-t-on dit : Le Roi et la famille royale sont à Paris, En tirant le rideau sur les déplorables détails de l'événement QUI LEg Y A CONDUITS, il demeure cependant un résultat certain, c'est que le Roi, maître d'aller à Paris, ou de se transférer dans un autre lieu, s'est déterminé par son propre choix et de l'avis de la majorité de son conseil.
Si l'on a voulu faire entendre, par ces expressions, que c'est par un consentement libre que le Roi est venu à Paris, je n'hésite pas moi-même à dire précisément le contraire : je soutiens qu'il reste pour résultat certain que le Roi n'était pas libre ; je le soutien^ avec toute la force que donne la conviction de la vérité, et je défie que personne ose entreprendre de réfuter le raisonne-menl que voici : Le Roi ne pouvait être libre de ne pas aller à Paris, qu'en s'enfuyant secrètement, et en s'exppsant à tous les inconvénients d'une fuite ; mais un roi qu'on oblige à choisir entre la fui te ou le séjour de Paris, est-41 libre ? Od doit convenir que c'est former bien rigoureusement la liberté, que de la réduire à une pareille alternative : et je demaude si le Roi était libre de rester dans sa demeure ordinaire, c'est-à-dire à Versailles (i) ?
Tous les membres présents, avant même leur entrée dans la salle, savaient qu'on voulait conduire le Roi à Paris, et qu'il lui serait impossible de résister. Au moment où l'on proposa de se déclarer inséparables, on fut instruit de la promesse qu'il avait faite. D'ailleurs, l'engagement de ne pas §e ^ séparer du Roi ne tendait à conserver ni la liberté du Roi, ni celle
S'il eût voulu librement transporter son séjour à Paris, je demande s'il aurait choisi pour le moment de son départ celui où la populace de Paris venait de massacrer ses gardes, où la milice de Paris était venue vers le lieu de son séjour comme on marche vers une place qu'on veut assiéger; s'il eût consenti à se mettre à la suite de cette milice, et à se laisser précéder , à peu de distance, de deux tètes de ses gardes; si, étant libre, il eût ordonné à ses fidèles gardes de s'éloigner de lui, et résolu d'attendre patiemment sur la conservation de sa maison militaire, la volonté des districts de Paris, qui, attendu la grande liberté du Roi , délibèrent gravement sur la question de savoir s'il doit reprendre ses gardes.
On a dit encore que le Roi et toutes lespersonnes de sa famille ont été respectées. Je n'aurai garde de répéter ici certaines expressions qu'on entendit proférer par des brigands ; mais je ne savais pas qu'on pût concilier avec le respect dû au monarque les massacres commis dans son palais, et les périls auxquels la reine a été obligée de se soustraire par sa fuite.
Ceux qui se sont exprimés de cette manière ont cru céder au bien de l'Etat ; chacun le sert par les moyens qu'il juge les plus convenables. Quant à moi. j'ai cru que, pour le servir, il fallait faire connaître la vérité aux provinces.
Je suis bien éloigné de vouloir la dissolution de l'Assemblée nationale ; je désire qu'elle soit libre; que les menaces, les listes de proscriptions ne se renouvellent pas, que chaque membre qui a des réflexions à proposer soit écouté avec les égards que se doivent respectivement les hommes chargés de prononcer sur le sort de l'Etat ; et que la crainte de déplaire à une multitude dirigée par des factieux ne puisse plus influer sur les délibérations.
Mais si chacun eût imité votre exemple, ne manquera-t-on pas de dire, l'Assemblée nationale serait dissoute.
Je n'ai qu'un mot à répondre ; et il ne sera pas obscur pour ceux qui voudront l'entendre. Si j'eusse cru que chacnn était disposé à suivre mon exemple, je n'aurais pas eu besoin de revenir vers mes commettants ; car il y avait une autre résolution à prendre que celle de partir; et d'ailleurs, il était si facile de se rassembler dans un autre lieu !
Je déclare que, dans une révolution, je crois pouvoir être utile tant qu'il ne faut que de la fermeté et des intentions pures ; mais que je deviens incapable, lorsqu'il faut y joindre I'indifférence sur le crime.
Soit que je retourne à l'Assemblée nationale, ou que j'en reste éloigné, je ferai toujours les vux les plus ardents pour qu'elle nous rende libres. Puissent les bases adoptées juscru'à ce jour, donner un fondement solide à la liberté 1 Puisse le degré d'autorité qu'on se propose de laisser au monarque, suffire pour assurer l'exécution des lois et le repos public ! Puissent tous les Français s'empresser de sauver l'Etat du naufrage, et prévenir, par des contributions
patriotiques, la dissolution dont il est menacé !
Combien il faudra de zèle pour résister à tant de factieux qui, sans se proposer le même but, emploient les mêmes moyens, et conduisent le royaume à sa perte par la réunion de leurs efforts ! La faction des ambitieux qui veulent accroître les désordres, dans l'espoir de trouver des moyens et des occasions favorables, celle des démocrates égarés par de fausses idées sur la liberté ; et enfin , celle des partisans du despotisme et des anciens abus qui se flattent de nous voir bientôt regretter la servitude.
Parisiens 1 vous avez rendu de grands services à la cause de la liberté ; mais depuis le jour où le Roi est venu au milieu de vous , vous auriez dû quitter les armes, ne conserver d'autres forces militaires qu celles qui étaient indispensables pour défendre l'empire des lois. Vous auriez dû, surtout, tenir la paix que votre prince vous avait demandée et que vous aviez promise. Tout ce que vous aviez fait depuis lors, bien loin d'être favorable à la liberté, en a retardé l'établissement. Il ne fallait pas agir comme si vous seuls y aviez des droits; il fallait surtout ne pas oublier que les premiers efforts pour la liberté étaient venus des provinces.
Et vous, Dauphinois ! vous qui avez eu le courage de donner de si grands exemples, c'est encore en vous qu'espèrent tous les vrais amis de la liberté; vous qui les premiers l'avez désirée, qui les premiers avez fait des efforts pour l'obtenir, vous n'y renoncerez jamais ; et même si une malheureuse destinée ne permettait pas aux Etats généraux de prendre les résolutions salutaires que vous avez droit d'en attendre (1), la liberté ne serait pas perdue. Vous serez toujours convaincus qu'un grand peuple ne peut pas être libre sans respecter les principes du gouvernement monarchique. Vous n'écouterez pas ces hommes vils qui, pour calomnier la liberté, affectent de la confondre avec la licence. Jamais il ne sera possible de vous replacer sous le joug du despotisme, ni sous le joug avilissant dé l'aristocratie. Par haine pour l'anarchie, par amour pour la liberté, vous résisterez à l'esprit de discorde que les émissaires des factieux sont parvenus à répandre au milieu de vous.
Lorsque j'ai pris la résolution de revenir en Dauphiné et celle de publier ce mémoire, je me suis attendu aux nouvelles injures des journalistes, à de nouvelles calomnies. Les qualifications que pourraient renfermer certaines délibérations ne me causent aucune inquiétude ; j'en connais les moteurs ; les personnes qui les signent sont trompées. D'ailleurs, ceux qui m'ont nommé sont les seuls qui puissent prononcer sur ma conduite. La vérité va me susciter de nouvelles persécutions , peut-être même....... Mais que m'importe ce que, dans un temps de trouble, des factieux irrités pourraient faire décider contre moi? S'ils trouvaient des juges capables de leur obéir, ces juges ne pourraient plus être les arbitres de l'honneur.
D'ailleurs, les personnes dont j'ambitionne les suffrages apprécient les hommes d'après leurs propres lumières, et non d'après les décisions des autres. Aucune puissance sur la terre ne saurait les empêcher d'estimer celui qu'elles ont jugé digne d'estime.
Signé: mounier.
Séance du
Il a été fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, et de diverses adresses des villes et communautés, portant adhésion aux différents » décrets de l'Assemblée nationale, dont la teneur suit:
Délibération du curé et habitants du bourg de Grandela en Brie, où, pénétrés de respect pour l'Assemblée nationale, soumis et adhérant à tous ses décrets qui obtiendront la sanction royale, ils s'engagent de payer avec empressement les impôts qu'elle décrétera. Us offrent à l'Assemblée deux de leurs cloches, dont ils feront verser le montant dans la caisse patriotique, si mieux elle n'aime les recevoir en nature, pour en faire convertir le métal en monnaie.
Adresses des députés, électeurs et autres notables habitants de la province de Boussillon, con-tenant félicitations,remerciements et adhésion aux , décrets de l'Assemblée nationale.
Adresses d'adhésion aux arrêtés de l'Assemblée v nationale, pour les villes d'Ambert, Besse, Brioude, Issoire, Montaigu en Combrailles, Nonette, Olliergues, Saint-Amand le Cher, Salers, Thiers, Vodable, et par les bourgs d'Antoin, Apchon, Aubusson, Augerolles, Authézat, Besse en Ghan-deze, Gebazat, Ghanonat, Chambon, Colamines-le-Bourg, Colamines-le-Puy, Gompains, Gondaten Ferrières, Gondittes, Montpeyroux, Espinchal, , Granderolles, l'Etang et Village, la Ghabasse, Madriat, Manlieu, Marret, Mozerat, Mémont, Me-zel, Montrodat, Murols, Olenet, Oreines, Piche-rande, Beignal, Sailhems, Saint-Anastaze, Saint-Barthélemy, Aydat, Saint-Genest, Ghampespé, Saint-Julien-sur-Aydat, Saint-Nectaire, Saint-Tours, Saint-Victor, Sayat, Sermentison, Tréjioux, Trijat, Valbeleix, Vozeilles, et Villemonteix en Auvergne.
Toutes ces adresses expriment le désir de voir établir à Glermont-Ferrand le tribunal souverain de la province.
Les villes d'Ambert, I}esse, Brioude, Issoire, Mauriac, Montaigu, Saint-Amand, Lecheire, Salers, Thiers et les communes des bourgs d'Ap-chon et Gondat-en-Ferrières demandent chacune l'établissement d'un tribunal royal dans leurs murs.
rend compte des ordres qu'il a donnés pour raccommoder la tribune, dont la chute a blessé hier plusieurs députés. Elle est actuellement rétablie avec toute la solidité possible; mais le scellement des barres de fer qui la soutiennent est encore trop frais pour qu'aujourd'hui ces places soient occupées.
est allé voir les députés blessés. M. Soustelle l'est très-légèrement; M. Viard, un curé de l'Anjou et M. de Montcalm ont reçu des blessures plus considérables, mais qui n'auront pas de suite.
L'Assemblée témoigne le désir que deux de ses membres soient spécialement chargés de
vi-
désigne M. de Colbert-de-Sei-gnelay, évêque de Rodez, et M. Salle, médecin, député de Nancy.
, après avoir annoncé que M. de Marsanne, député de Romans, a été assailli à Montélimar par le peuple, et que la milice nationale l'a mis hors de toute atteinte, est chargé d'écrire à ce sujet à la municipalité de cette ville.
Les arrêtés d'hier ont été présentés à la sanction ; le Roi a répondu qu'il s'en occuperait incessamment. Sa Majesté a dit que la permission de convoquer les états du Dauphiné lui avait en effet été demandée, mais qu'il n'avait pas eu l'intention de l'accorder sans consulter l'Assemblée.
Le décret concernant la nomination des suppléants est accepté.
Le scrutin fait hier, pour l'élection d'un président, n'a encore accordé la majorité absolue à personne. M. Ernmery et M. Gamus, ayant constamment obtenu le plus grand nombre de voix, seront seuls admis au troisième scrutin, auquel on procédera après la séance.
Plusieurs personnes demandent à parler sur des objets étrangers à l'ordre du jour. Il est arrêté que cet ordre, concernant les municipalités, ne sera point interverti, et qu'on passera à la discussion des conditions de Véligibilité.
, propose, afin d'accélérer les délibérations, d'arrêter que l'article sera combattu d'abord par un membre de l'Assemblée, qu'un membre du comité de Constitution lui répondra ensuite et qu'enfin l'Assemblée prononcera en allant aux voix.
Ge moyen est sans doute convenable pour mettre dans les débats plus d'ordre et de célérité; mais je pense qu'on pourrait remplir ces deux objets en s'écartant du projet présenté par le comité, et je vais proposer un plan plus convenable, plus facile à discuter, et dont l'exécution pourrait être beaucoup plus prompte.
On observe à M. Bouche que l'ordre du jour a pour objet unique l'examen de la cinquième con dition d'éligibilité, et qu'il a été décrété qu'on suivrait pour la discussion le plan du comité.
Le comité propose cette qualité : « N'être pas dans une condition servile. » Dans une des séances précédentes, on a proposé de dire : « N'être pas dans un état de domesticité. »
Ces deux expressions demandent quelque interprétation. Par domestiques, on entend les . commensaux, tels que les instituteurs, secrétaires, bibliothécaires, etc., et par serviteur, celui qui vaque à des uvres serviles. Gelui-ci ne peut être élu ; mais cette exclusion ne doit pas s'étendre aux commensaux, etc. Cependant beaucoup de raisons politiques doivent déterminer à exclure les agents directs du pouvoir exécutif. Les Anglais nous en offrent l'exemple, et nous devons comme eux ne placer jamais un homme entre son devoir et le bien public. Les ministres surtout ne peuvent être élus, ou, s'ils le sont, ils ne doivent avoir que voix consultative dans les Assemblées nationales.
On observe à M. Pétion qu'il ne s'agit ici que
des assemblées primaires. Là partie de sa rhotion relative à ce dernier objet est ajournée.
présente une exclusion nouvelle pour les électeurs et les éli-gibles.
On l'engage à se renfermer dans la question, qui n'a pour objet que l'éligibilité.
Il développe, sous un autre point de vue, la distinction entre domesticité et état servile.
(1). Messieurs, l'état de serviteur à gages comprend, d'une manière plus expresse et plus concise, la classe des individus qui doivent être exclus de la représentation politique, parce que les serviteurs à gages n'ont pas une volonté propre, libre et indépendante, telle qu'elle est nécessaire pour l'exercice du droit de .cité.
Le nom de domestique, plus rapproché de l'expression vulgaire, est un mot vague dont l'acception est trop étendue. Domesticité et domestique comprennent* en effet, dans l'idiome des lois, une foule de citoyens respectables que votre intention n'est pas de priver de l'exercice des droits politiques. Les domestiques sont ceux qui vivent dans la même maison et mangent à la même table sans être serviteurs.
Aussi les diverses ordonnances du royaume, entre autres celles qui ont trait aux preuves civiles et aux procédures criminelles* donnent une grande latitude au mot domestiquei Chez le Roi, ce mot comprend une infinité de personnes distinguées qui ont des charges ou des emplois considérables ; chez les autres citoyens, il comprend une foule de personnes dignes d'égards, telles que des instituteurs, des secrétaires, etc. Il faut donc employer d'autres expressions que celles de domesticité et restreindre la condition sous un rapport plus exact. 11 faut que l'exclusion de la loi trappe expressément sur les serviteurs à gages, ce qui comprendra les individus attachés aux personnes des citoyens, aux valets de service, aux valets laboureurs et aux valets vignerons.
Mais il faut bien distinguer de cette classe les fermiers particuliers et les colons partiaires. Ces hommes utiles et nécessaires, qui exercent le premier des arts, ne peuvent pas être compris parmi ces hommes dépendants, dont la volonté n'est pas libre ; il serait aussi injuste qu'impolitique de décourager ainsi les campagnes, on ne saurait répandre trop d'émulation parmi les agriculteurs. Le Dauphiné avait élevé cette question dans un temps où des privilèges odieux existaient encore, mais depuis qu'il n'y a plus ni privilèges, ni privilégiés, les fermiers sont plus libres et ces agriculteurs méritent plus d'égards ; je propose donc d'exprimer ainsi la cinquième condition, de n'être pas alors serviteur a gages.
Dans ma province on exclut les vignerons, les colons, les métayers, et sans doute cette injustice ne peut être consacrée; ils doivent être admis à toutes les assemblées ; ils doivent élire et être élus, pourvu qu'ils ne soient aux gages de personne.
n'adopte point l'opinion de M. Barrère ; dans plusieurs provinces beaucoup
d'habitants des cam-
M. l'abbé *** propose de rédiger ainsi : « Dans un état de domesticité servile. »
Les ordonnances royales excluent de plusieurs fonctions civiles les serviteurs et domestiques indéfiniment. Les uns et les autres doivent être éloignés des assemblées primaires.
Pour concilier les diverses opinions, on pourrait dire : « N'être pas serviteur, domestique à gages, sans domicile personnel. » La rédaction conforme à la proposition de M. Barrère est adoptée comme il suit : « N'être pas dans un état de domesticité, c'est-à-dire serviteur à gages. »
Avant que vous finissiez l'examen des caractères à exiger pour être électeur ou éligible, je vais vous proposer une loi qui, si vous l'adoptez, honorera la nation. (11 s'élève quelques murmures.)
Si la loi que je vous propose est faite pour relever la morale nationale, c'est moi qui aurai raison, et ceux qui murmurent auront eu tort. Je reprends.
Avant que vous finissiez l'examen des conditions d'éligibilité, je vais, Messieurs, vous en proposer une qui, si vous l'adoptez, honorera la nation. Tirée des lois d'une petite république non moins recommandable par ses murs et par la rigidité de ses principes, que florissante par son commerce et par la liberté dont elle jouissait avant que l'injustice de nos ministres la Ini eût ravie, elle peut singulièrement s'adapter à un Etat comme la France, à un Etat qui, aux avantages immenses de la masse, de l'étendue et de la population, va réunir les avantages plus grands encore de ces divisions et de ces sous-divisions, qui le rendront aussi facile à bien gouverner que les républiques mêmes dont le territoire est le plus borné.
Je veux parler de cette institution de Genève, que le président de Montesquieu appelle avec tant de raison une belle loi, quoiqu'il paraisse ne l'avoir connue qu'en partie ; de cette institution qui éloigne de tous les droits politiques, de tous les conseils, le citoyen qui a fait faillite, ou qui vit insolvable, et qui exclut de toutes les magistratures, et même de l'entrée dans le grand conseil, les enfants de ceux qui sont morts insolvables, à moins qu'ils n'acquittent leur portion virile des dettes de leur père.
Cette loi, dit Montesquieu, est très-bonne. Elle a cet effet qu'elle donne de la confiance pour les magistrats y elle en donne pour la cité même. La foi particulière y a encore la force de la foi publique.
Ce n'est point ici, Messieurs, une simple loi de commerce, une loi fiscale,une loi d'argent; c'est une loi politique et fondamentale, une loi morale, une loi qui* plus que toute autre, a peut-être contribué* je ne dis pas à la réputation, mais à la vraie prospérité de l'Etat qui l'a adoptée, à cette pureté de principes, à cette union dans les familles, à ces sacrifices si communs entre les parents, entre les amis, qui le fendent si recom-
mandable aux yeux de tous ceux qui savent penser.
Une institution du même genre, mais plus sévère (1), établie dans la principauté de Neufchâ-tel en Suisse, a créé les Bourgs les plus riants et les plus peuplés, sur des montagnes arides et couvertes de neiges durant près de six mois. Elle y développe des ressources incroyables pour le commerce et pour les arts, et dans ces retraites que la nature semblait n'avoir réservées qu'aux bêtes ennemies de l'homme, l'il du voyageur contemple une population étonnante d'hommes aisés, sobres et laborieux, gage àsstlfé de la sagesse des lois.
Dans l'état présent de la France, dans la nécessité où nous sommes de remonter chez nous tous les principes sociaux, de nous donner des moeurs publiques, de ranimer la confiance, de vivifier l'industrie, d'unir par de sages liens la partie consommatrice à la partie productive, c'est-à-dire à la partie vraiment intéressante de la natiûii, des lois pareilles sont, non-seulement utiles, mais indispensables.
Assez longtemps une éducation vicieuse ou négligée a dénaturé en nous les notions du juste et de l'injuste, a relâché les liens qui unissent le fils à son père, nous a accoutumés à ne rien respecter de ce qui est respectable ; assez longtemps une administration, dirai-je corrompue ou corruptrice ? a couvert de son indulgence des écarts qu'elle faisait naître pour qu'on n'aperçût pas les siens propres. Retournons à ce qui est droit, à ce qui est honnête. Ouvrons aux générations qui vont suivre une carrière nouvelle de sagesse dans la conduite, d'union dans les familles, de respect pour la foi donnée.
vainement, Messieurs, vous avez aboli les privilèges et les ordres, si vous laissez subsister cette prérogative de fait qui dispense l'homme d'un certain rang de payer ses dettes ou celles de son père ; qui fait languir le commerce, et qui trop souvent dévoue l'industrie laborieuse de l'artisan et du boutiquier à soutenir le luxe effréné de ce que nous appelons si improprement l'homme comme il faut.
Laissons à cette nation voisine dont la Constitution nous offre tant de vues sages dont nous craignons de profiter, cette loi injuste, reste honteux de la féodalité, qui met à l'abri de toutes poursuites pour dettes le citoyen que la nation appelle à la représenter dans son parlement. Profitons de l'exemple des Anglais, mais sachons éviter leurs erreurs ; et au lieu de récompenser le désordre dans la conduite, éloignons de toute place dans les assemblées, tant nationales que provinciales et municipales, le citoyen qui, par une mauvaise administration de ses propres affaires, se montrera peu capable de bien gérer celles du public.
C'est dans ce but que je vous propose les articles suivants :
Art. 1er. Aucun failli, banqueroutier ou débiteur
insolvable, ne pourra être élu ou rester membre d'aucun conseil ou comité municipal,
non plus que des assemblées provinciales, ou de l'Assemblée nationale, ni exercer
aucune charge de judicature ou municipale quelconque.
Art. 2. Il en sera de même de ceux qui n'auront pas acquitté dans le terme de trois
ans leur portion virile des dettes de leur père mort insolvable, c'est-à-dire la
portion de ses dettes
Art. 3. Ceux qui, étant dans quelqu'un des cas ci-dessus, auront fait cesser la cause d'exclusion en satisfaisant leur créancier, ou en acquittant leur portion virile des dettes de leur père, pourront, par une élection nouvelle, rentrer dans les places dont ils auront été exclus.
Ce projet de loi est reçu avec une grande faveur. C'est en interrompant les applaudissements que M. de La Rochefoucauld obtient la parole.
J'ai vu moi-même les heureux effets que cette loi a produits à Genève ; mais elle me paraît contenir une disposition trop rigoureuse à l'égard des enfants des pères banqueroutiers. Sans doute c'est un beau sentiment de la part d'un fils d'acquitter les dettes de son père ; mais il faut laisser à la vertu à conseiller ce qui est honnête : les lois doivent se borner à prescrire ce qui est juste. Il ne faut pas étendre la punition sur les enfants déjà trop malheureux des torts de leur père ; les fautes sont personnelles; les enfants ne peuvent être punis de celles de leurs pères. La justice rigoureuse et la morale la plus pure font une loi de ce principe. Je ne puis donc adopter une rédaction qui consacrerait cette absurde responsabilité, et je demande à cet égard la division de la proposition du préopinant.
Nous décréterons sans doute, et nous nous conformerons en cela à l'opinion publique, que l'infamie d'un père condamné au supplice ne s'étendra point à ses enfants ; et nous pourrions vouloir qu'ils partageassent un malheur, plus souvent l'effet des circonstances que de l'inconduite !
La division est décidée. La première partie de l'article se trouve rédigée ainsi :
« Aucun failli, banqueroutier ou débiteur insolvable, ne pourra être éligible ni électeur qu'il n'ait préalablement satisfait aux condamnations contre lui prononcées.»
propose d'ajouter les interdits et repris de justice.
Et ceux qui ont obtenu des lettres de surséance et de répit.
Le mot repris de justice est trop vague. On s'exprimerait d'une manière plus exacte en disant : ceux contre lesquels il aurait été prononcé des peines afflictives et infamantes, et ceux qui n'ont obtenu qu'un hors de cour.
L'Assemblée ne laissera pas sans doute subsister les lettres de surséance, et par ce fait l'amendement de M. Faydel serait inutile.
On propose ce sous-amendement : « même les débiteurs dans l'état actuel de surséance. »
Cet amendement est mis aux voix, et la majorité paraît douteuse.
attaque ce sous-amendement.
le défend.
Je pense qu'il ne faut pas souiller notre Constitution du nom d'un abus aussi odieux.
Une nouvelle épreuve ne produit encore qu'un résultat douteux.
On demande l'appel nominal, en observant qu'il servira à l'exécution du décret du 15 de ce mois, et constatera le nombre des membres absents.
propose de poser ainsi la question : Y aura-t-il à l'avenir des lettres de surséance ?
On remarque que le règlement réprouve toutes motions incidentes et nouvelles.
L'Assemblée adopte cette manière de poser la question.
Je pense qu'elle doit être rédigée ainsi :
« Aucun arrêt du conseil ne pourra accorder à l'avenir des lettres de surséance, et l'effet de celles déjà accordées cessera à compter de ce jour. »
, qui était absent pendant la discussion, arrive dans ce moment, et plaide pour la Caisse d'escompte. Il dit que ce décret serait dangereux s'il était rétroactif, qu'il attaquerait cette Caisse, dont le mouvement est encore nécessaire au crédit public. Il demande que le décret soit suspendu, ou n'ait point d'effet rétroactif.
Je demande l'ajournement de toute motion concernant les arrêts de surséance, ou particuliers ou publics. Pourquoi voulez-vous souiller votre Constitution du mot de surséance, qui doit être aboli ? Quel rapport a celte question avec le principe que vous voulez consacrer?
Enfin, l'on va aux voix; la question sur la surséance est ajournée. La motion principale est décrétée en ces termes :
« Aucun failli, banqueroutier ou débiteur insolvable, ne pourra être, devenir, ni rester membre d'aucun conseil ou comité municipal, non plus que des assemblées provinciales, ou de l'Assemblée nationale, ni exercer aucune charge publique municipale. »
fait part d'un nouveau inémoire des ministres, et d'une lettre de M. le garde des sceaux, conçue à peu près en ces termes :
« Voici encore un mémoire que l'amour du bien public et le désir de s'entendre avec l'Assemblée nationale ont dicté aux ministres du Roi ; nous espérons que vous voudrez bien en donner lecture à l'Assemblée. J'ai l'honneur d'être, etc. »
consulte le vu de l'Assemblée pour savoir si elle veut entendre le mémoire des ministres.
L'Assemblée répond unanimement pour l'affirmative, et M. Alexandre de Lameth,un de MM. les secrétaires, en fait lecture.
MÉMOIRE ADRESSÉ PAR LES MINISTRES DU ROI à VAssemblée nationale, le 27 septembre 1789 (1).
Les ministres du Roi ont exposé à l'Assemblée
Plusieurs îles florissantes et de vastes possessions continentales appartiennent à la France, dans les trois autres parties de l'univers.
Leur climat, leurs productions, l'état civil et jusqu'à l'espèce physique du plus grand nombre des hommes qui peuplent et cultivent nos colonies, les rendent absolument dissemblables de la métropole.
Leur organisation intérieure, les lois qui les régissent, le genre de leurs besoins, leurs rapports commerciaux, soit avec les nations étrangères, soit avec les négociants du royaume; l'administration de leur police, celle de leurs finances, le mode et la nature des impositions qu'elles supportent, établissent encore des disparités frappantes entre elles et les provinces européennes de la France.
La plupart de ces différences tiennent à la nature même et à l'essence des choses ; rien ne peut les changer, toutes les nations de l'Europe l'ont senti ; toutes regardent leurs possessions éloignées comme des Etats distincts et dépendant de la métropole ; toutes ont été contraintes à leur donner d'autres lois que celles de la mère patrie, même en cherchant à les y assimiler autant qu'il serait possible par les formes du gouvernement et par les formes de l'analogie.
Ces considérations ont fait présumer au Roi que l'Aspemblée nationale s'occuperait séparément d'une portion de la monarchie aussi importante et aussi dissemblable de ses autres parties ; il avait résolu qu'il n'y serait fait ni toléré d'innovation en aucune matière jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût spécialement décrété le régime et les lois qui seront jugés convenir à ces contrées. Telle a été la réponse que le ministre de la marine a faite par ses ordres le 11 août dernier à plusieurs des demandes qu'avaient présentées MM. les députés de Saint-Domingue.
Depuis cette époque l'Assemblée nationale a rendu beaucoup de décrets, et ils ont été envoyés ou vont l'être dans toutes les provinces du royaume : doivent-ils être transmis et exécutés de meme dans les colonies, quoique l'Assemblée nationale ne l'ait point requis?
On croit nécessaire de faire observer à l'Assemblée nationale que plusieurs de ses décisions qui tendent à assurer le bonheur et la liberté des Français ne seraient pas sans danger, qu'elles produiraient peut-être une révolution subite et funeste dans des pays où les dix onzièmes des humains en cessant d'être esclaves resteraient dénués de toutes propriétés et de tout moyen de subsistances ; que l'exécution de divers autres décrets serait dans l'état présent des choses absolument impraticable, parce qu'il n'existe aux colonies aucune municipalité ou corporation : les citoyens qui s'y trouvent disséminés sur des habitations non-seulement séparées, mais assez éloignées les unes des autres, ne pourraient même qu'en fort peu de lieux se réunir pour tenir des assemblées permanentes, et vaquer aux détails journaliers d une administration municipale.
Il est une foule d'autres réflexions qui tiennent pour ainsi dire à la localité et qu'on pourrait également soumettre à l'Assemblée nationale. Elle est priée de peser dans sa sagesse cette ques-
tion delà plus haute importance et de faire connaître quelles ont été ses intentions.
2° Des contrées séparées de la métropole par de grandes distances, exigent encore plus que les provinces du royaume qu'il soit pourvu aux objets d'utilité publique et urgents par des règlements provisoires. Le Roi a reconnu depuis longtemps qu'il ne pouvait exercer par lui-même ce pouvoir ; des lois anciennes et revêtues de toutes les formes judiciaires l'ont conféré aux v deux administrateurs.
Dans quelque main qu'on crût devoir le placer désormais, il importe qu'il réside au sein de la colonie même ; et il serait du plus grand danger que l'exercice en restât un seul instant entièrement suspendu.
Entre beaucoup de raisons qui pourraient être alléguées à l'appui de cette assertion, on se bornera à exposer quelques-unes de celles qui p sont les plus puissantes, et qui dérivent de la disparité même des colonies aux provinces du royaume.
Des fléaux imprévus et dont en France on se forme à peine une idée (des tremblements de terre, des ouragans) ravagent trop fréquemment et en peu d'instants ces riches contrées ; elles ont été plus d'une fois menacées de la guerre et même ..attaquées par l'ennemi avant qu'on fût instruit en Europe de leur danger. 11 paraît indispensable que des remèdes prompts puissent toujours être apportés à des maux urgents ; qu'il existe des moyens d'établir l'ordre en ces moments critiques, d'appeler les secours nécessaires, de subvenir aux besoins, ou de pourvoir à la sûreté des citoyens et des esclaves. 11 serait funeste aux colonies et à la métropole elle-même, que qui que 'ce soit ne fût autorisé à rendre sur-le-champ les règlements provisoires que nécessitent de telles circonstances.
3° Quant à l'ordre judiciaire, les appels des jugements du tribunal terrier supprimé en 1787, et ceux des ordonnances rendues par les administrateurs devaient être portés au conseil du Roi ; beaucoup de causes de ce genre y sont pendantes en ce moment, mais on pense que les décrets de l'Assemblée nationale autorisent provisoirement le conseil de Sa Majesté à connaître de ces affaires contentieuses.
Un membre propose de renvoyer le mémoire des ministres au comité du commerce où seront admis les députés des colonies.
Cette motion est adoptée.
a demandé la ^parole pour rendre compte d'un fait qui avait donné lieu à M. deGlermont-Tonnerre de dénoncer le district de Saint-Martin-des-Champs. Cet honorable membre a dit :
Vendredi dernier un particulier du district de Saint-Martin fit la motion expresse de protester contre la loi martiale; un autre proposa, comme amendement, de quitter l'habit uuiforme de garde ?national, sous peine d'être salué parles fenêtres.
La motion et l'amendement échauffèrent les têtes ; il fut impossible aux bons citoyens de lutter contre l'ascendant et l'impression qu'ils firent dans les premiers moments ; il fut d'autant moins facile aux officiers du district de résister, que les propos, les gestes et les menaces annonçaient qu'on n'avait pas encore bien pesé la sagesse et la nécessité de la loi martiale. Tout ee ' que purent gagner le président et les secrétaires fut de sommer l'auteur de la motion et de l'amen-
dement de les signer, ou d'improuver un tel acte en ne le signant pas.
Je suis chargé, de la part des bons citoyens de ce district, de vous dire que le bataillon de ce district envoya après cette belle protestation vers M. le commandant, pour lui promettre de soutenir les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment la loi martiale, jusqu'à la dernière goutte de sang.
D'où je conclus, a dit M. Moreau de Saint-Méry, que la loi martiale ne déplaît qu'à ceux qui la craignent.
Les auteurs de la motion et de l'amendement incendiaires ont été emprisonnés.
Le district de Saint-Jacques du Haut-Pas donne une adhésion formelle: les deux districts de la cité montrent un pareil dévouement.
L'Assemblée se retire dans les bureaux pour nommer un président.
Séance du
, ancien président, ouvre la séance, et dit que du relevé du troisième scrutin fait hier, et dont, suivant le règlement, les suffrages ne pouvaient se partager qu'entre MM. Emmery et Camus, il résultait que M. Camus ayant eu la pluralité de six voix, il le proclamait président de l'Assemblée nationale.
, avant de se retirer, a dit :
Permettez, Messieurs, qu'avant de quitter le oste honorable auquel votre confiance et vos ontés m'ont appelé, et que ces mêmes bontés m'ont rendu si facile et si précieux, je vous renouvelle l'expression demavive reconnaissance; elle n'a d'égal, Messieurs, que mon dévouement à votre gloire et à vos intérêts, qui se lient plus que jamais à l'intérêt et à la gloire de l'Etat, et mon zèle pour le prompt résultat de vos nobles travaux; travaux importants, Messieurs, dont le succès et la conclusion sont si vivement sollicités et par le besoin instant des peuples qui vous ont confié leurs destinées, et par le désir d'un Roi citoyen, qui est pressé de goûter le fruit de ses sentiments et de ses généreux sacrifices, et par l'impatience de tout ce que vous avez de plus cher, de vos femmes, de vos enfants, de vos frères, dont le repos, l'existence et la vie tiennent à l'accélération de vos décrets sur les municipalités, et sur les autres institutions qui peuvent seules ramener la paix publique.
, président, a dit ensuite :
Les marques signalées de confiance dont vous n'avez cessé de m'honorer avaient comblé
mes désirs, et porté mon bonheur au delà de mes espérances. Je ne devais plus avoir
d'ambition ; je n'en avais plus : vous m'élevez aujourd'hui, Messieurs, à une dignité
éminente. Les paroles me manquent pour exprimer tous les sentiments qui pénètrent mon
âme ; il ne m'en reste que pour vous présenter l'hommage de mon profond respect et de
ma soumission à vos ordres, pour solliciter
L'Assemblée a décrété qu'il serait fait des remerciements à M. Fréteau de Saint-Just.
a lu un billet de M. Paris, inspecteur de l'hôtel des Menus-Plaisirs du Roi, qni certifie que les tribunes de la salte des séances de l'Assemblée nationale, à l'archevêché, sont rétablies très-solidement, et que le public peut y être admis.
M. Colbert de Seignelay, et M. Salle, que l'Assemblée avait priés de visiter les membres qui ont été blessés, ont dit qu'un des membres, M. Viard, souffrait toujours beaucoup, et que les autres étaient aussi bien que leur situation le permettait.
Un des MM. les secrétaires a fait lecture du procès-verbal de la veille, et des adresses de vingt-sept communautés, portant remerciement et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale et mentionnés ci-après; savoir:
Adresse et délibération de l'lsle-en-Dodon en Comminges, contenant l'expression de félicitations et de respects, et ses plaintes contre les vexations qu'elle éprouve depuis vingt ans le la part des agents du domaine.
Procès-verbal de l'assemblée des électeurs unis du bailliage de Château-Thierry, contenant remerciements à l'Assemblée pour son décret relativement aux passe-ports à donner à MM. les députés; de très-instantes supplications pour qu'elle s'occupe sans interruption de l'organisation des municipalités et assemblées provinciales; enfin une assurance formelle de contribuer, tant par leurs exhortations que par leur exemple, à faire effectuer dans l'étendue du bailliage le payement de toutes les impositions que l'Assemblée nationale aura décrétées.
Délibération de l'assemblée générale des habitants de Genlis et Vichy, où se sont trouvés les échevins et députés de vingt-sept communautés, tant du bailliage de Dijon que de celui d'Auxonne, contenant remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. Cependant ces communautés ont arrêté qu'elles ne donneraient le quart de leurs revenus à l'Etat que lorsque la constitution du royaume sera achevée et promulguée d'une manière légale, pure et simple, ainsi que les décrets du 4 août dernier et des jours suivants.
Délibération de l'assemblée des représentants de la commune de Montpellier, par laquelle ils adhèrent à tous les décrets de l'Assemblée nationale et surtout à celui relatif à la contribution du quart du revenu.
Adresse d'adhésion de la ville d'Ussel en Limousin, qui demande une justice royale.
Adresse de la ville de Hagetmau, en la sénéchaussée de Saint-Sever, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux arrêtés de l'Assemblée des 4 août dernier et jours suivants, notamment à l'article 10, qui contient le sacrifice de tous privilèges particuliers des provinces, villes et communautés; à l'article 17, qui proclame Louis XVlrestaurateurdelaliberté française.
Délibération et adresse du même genre, de la ville de Sainte-Marie en Béarn.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des habitants du hameau de Pouilly, paroisse de Fontenay en Nivernais. Ils se plaignent de l'envahissement de leurs bois communaux, contenant 158 arpents, fait par leurs seigueurs, et en demandent la restitution.
Adresse de la ville de Saint-Genest de Ridevol en Rouergue, où elle présente à l'Assemblée un nouvel hommage de respect et d'admiration, demande un bailliage national et une juridiction' consulaire; se plaint de ce que, dans la convocation des députés à l'Assemblée nationale, le nombre de ses électeurs ait été réduit à quatre, et en réclame un plus grand nombre pour l'avenir.
Plusieurs membres ont demande la parole hors de l'ordre du jour ; je propose que désormais les objets de ces sortes de demandes ne soient traités qu'à deux heures.
Cette proposition est adoptée.
La seconde partie de la motion de M. de Mirabeau, qui se trouve à l'ordre du jour, consiste à décider si les enfants des faillis seront exclus de l'éligibilité.
Il serait injuste de prononcer l'exclusion contre les enfants qui n'auraient rien reçu de leur père mort en faillite, et si l'article était rédigé comme je vais le proposer, on éviterait cette injustice.
Il en est de même des enfants qui, s'étant rendus héritiers de leur père failli, n'en auraient pas acquitté les dettes à concurrence de leur portion virile; et de ceux qui, ayant reçu des dons de leur père failli, les conserveraient au préjudice des créanciers.
Celte rédaction consacre le principe incontestable que les fautes ne sont pas personnelles. La disposition qu'elle présente estconforme aux sentiments de tous les juriconsultes, qui regardent le débiteur avec lequel les créanciers ont traité comme non libéré au for intérieur, s'il revient à meilleure fortune.
La loi, pour être plus complète, doit s'étendre aux enfants des faillis qui héritent en vertu d'une substitution.
Les murs publiques gagneront sûrement à la loi proposée par M. de Mirabeau. La piété filiale est une des vertus les plus utiles à la société, et un citoyen manquerait essentiellement à cette vertu, s'il ne se croyait pas obligé de payer les dettes que son père a contractées. Lorsque nos murs étaient plus pures, on regardait comme un déshonneur de renoncer à la succession d'un père, à celle d'un époux. Vous consacrerez donc les principes de la plus saine morale, en adoptant la motion de M. de Mirabeau, et en présentant cette espèce de responsabilité comme un devoir de l'honneur et de la nature.
Je demande cependant que l'Assemblée ajourne celte question, pour ne pas s'écarter de la Constitution.
L'article est presque entièrement discuté, et l'ajourner ce serait perdre le temps qui y a été employé. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'y renfermer une disposition relative aux substitutions, qui seront probablement abolies.
L'ajournement est rejeté.
La question sur les substitutions est ajournée.
fait la motion
suivante (1) : Messieurs, s'il est des circonstances qui doivent fixer l'attention de l'Assemblés nationale, relativement aux exceptions pour pouvoir " être électeur ou éiigible dans les assemblées, soit municipales, soit primaires, de district, provinciales et nationales, c'est sans doute celles qui sont essentiellement liées à l'honneur national. Or, Messieurs, il importe infiniment que le choix des électeurs et des éligibles soit épuré de manière à captiver la confiance entière des peuples ; que tous les hommes qui seront choisis jouissent de i'estime publique, et qu'ils ne puissent pas même être soupçonnés.
Il importe également au bien général que des hommes qui n'auraient pas su gouverner leurs propres affaires ne puissent pas être chargés de celles de la nation. En effet, quel degré de confiance pourraient-ils lui inspirer; et sans la confiance des peuples, quels heureux résultats doit-on attendre des assemblées?
Je propose donc à l'Assemblée de décréter :
1° Qu'aucune personne entachée par un jugement, et contre laquelle il aurait été prononcé quelques peines afflictives ou corporelles, ou qui se trouverait dans les liens d'un décret, ne pourrait en aucun cas être électeur ni éiigible dans aucune des assemblées, soit municipales, soit primaires, de district, provinciales ou nationales;
2° Que toute personne juridiquement interdite serait exclue du droit d'être électeur et éiigible dans ces assemblées.
Il ne m'est pas nécessaire, Messieurs, d'entrer dans de grands détails pour prouver la nécessité de ce décret : l'honneur m'a fait une loi de vous le proposer; et comme il est l'apanage de tous les membres qui composent cette augusteAssemblée, » je me persuade aisément que je ne rencontrerai pas de contradicteurs.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
On reprend la discussion de la proposition de M. de Mirabeau.
Je demande la parole, en cas qu'on n'ajourne pas la discussion agitée.
L'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à l'ajournement.
En combattant la proposition de M. de Mirabeau, je ne conteste point , tout ce
qu'elle peut avoir de moralité; mais si cette loi convient à Genève, qui pourrait être
comparée à une grande maison de banque, elle ne convient pas à un grand empire comme
le nôtre. Cette loi est une loi de commerce, une loi d'argent, qui ne peut regarder
que les négociants, mais qui n'a pas en vue l'agriculteur, qui doit être l'objet
principal d'une nation agricole; l'article milite contre les droits de l'homme.
N'est-ce pas en effet un principe constitutionnel, que nul ne peut être puni des
fautes d'autrui ? Les fautes ne sont-elles paspersonnelles? Ce serait donc de la plus
grande injustice de faire rejaillir sur les enfants le déshonneur d'un père
banqueroutier. D'ailleurs, n'avez-vous pas admis pour principe que tout ce que la loi
ne défend pas est permis, et que la loi ne peut punir ce qu'elle ne défend pas? Or,
Messieurs, vous iriez directement contre ce principe: l'enfant ne peut donc être
coupable; car, de deux choses l'une : ou la loi l'oblige de payer, ou non. Dans le
premier cas, c'est qu'il y
Je conclus au rejet du second article du projet de M. le comte de Mirabeau.
(M. le comte de Mirabeau arrive dans la salle au moment où la discussion allait être fermée. Il demande, obtient difficilement, mais obtient enfin la parole.)
Messieurs, la vérité ne doit pas porter la peine de mou arrivée tardive à l'Assemblée. J'apprends qu'on a travesti le sens de l'article que j'ai proposé; on a parlé de l'exclusion des enfants comme d'une peine infamante, tandis qu'elle n'est point une flétrissure, mais une simple précaution très-sage et très-politique; on prétend qu'elle est contraire au droit public et au droit des hommes, et l'on convient cependant qu'elle est morale et pufe dans ses motifs. Certes, je ne saurais comprendre comment une loi morale est contraire au droit public et à celui des hommes.
La morale est une pour les grands Etats comme pour les petits, pour les commerçants comme pour les agriculteurs. Il importe au commerce qu'un père pervers ne laisse pas, par des arrangements frauduleux, une fortune considérable à ses enfants. 11 importe aux murs qu'il se forme un grand esprit de famille, une solidarité de la foi publique et de la foi privée. Il importe à la société que la réputation des pères puisse devenir celle des enfants. C'est une loi de famille, a-t-on dit ; et à quoi devons-nous donc aspirer, qu'à faire une grande famille 1
Trente mille personnes sont unies de foi, d'intérêt et de prospérité, à Genève; les liens moraux ne sont-ils pas de nature à embrasser également une société plus nombreuse? Les vues morales ne doivent-elles pas toujours diriger le législateur? La loi que je vous propose est une loi politique; elle a plus de latitude qu'une loi purement civile, et il est convenable d'exiger, pour la représentation politique, quelque chose de plus que cette probité vulgaire qui suffit pour échapper aux tribunaux. Je demande l'acceptation pure et simple de l'article que j'ai proposé.
Cet article peut paraître convenable dans le cas où les enfants des faillis recueilleraient la succession de leur père ; mais dans le cas contraire, il est souverainement injuste de les priver de leurs droits politiques, il serait peut-être à propos de rejeter l'article quant à présent, sauf à le reprendre dans un autre temps.
Je crois qu'il est juste d'adopter ce sous-amendement, sauf les enfants dotés avant la faillite.
On propose plusieurs rédactions de l'article.
Il est tellement délicat à rédiger, qu'il faudrait se borner à en décréter le fond, et renvoyer la rédaction au comité de Constitution.
Cette proposition est adoptée, et l'article convenu au fond, comme il suit:
« L'exclusion aura lieu contre les enfants et autres personnes qui retiendront les biens d'un failli, à quelque titre que ce soit, sauf les enfants dotés avant la faillite. »
propose de déterminer de combien de temps la dotation doit avoir précédé la faillite. ,
L'Assemblée décide qu'il n y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur cette proposition.
Le fond de la troisième partie de la motion de M. de Mirabeau est également renvoyé au comité de rédaction, après avoir été décrété en ces termes
« Ceux qui auront fait cesser les clauses d'exclusion portées aux articles ci-dessus rentreront dans leurs droits. »
Il ne suffit pas de faire de. bonnes lois, il faut encore en préparer les moyens d'exécution. 11 s'agit donc de décider par qui et en quelle forme les clauses d'exclusion seront proposées et jugées. J'en fais expressément la motion.
L'Assemblée reconnaît qu'il ny a pas lieu a délibérer quant à présent.
La partie suivante de la motion exclut les personnes interdites et reprises de justice, après l'âge de vingt-cinq ans.
Elle donne lieu à quelque discussion ; 1 Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article proposé.
Je crois C[u'il est injuste d'exclure un homme parce qu'il serait dans les liens d'un décret d'ajournement personnel. Notre code, tout entaché, tout vicieux qu'il est, peut encore subsister quelque temps. Avant que vous ayez remédié aux énormes abus dont il est rempli, il peut arriver qu'un homme vertueux et capable soit dans les liens d'un ajournement personnel, et ce par la défectuosité de notre code. Je demande, par exemple, si vous jugeriez l'auteur du Contrat social indigne de siéger avec vous parce qu'il aurait été décrété d'ajournement personnel par le parlement de Paris.
Pendant que vous vous occupez des conditions à exiger pour être électeur ou éligible, je vous propose de consacrer une idée qui m'a paru très-simple et très-noble, et que je trouve indiquée dans un écrit publié récemment par un de nos collègues (1). Il propose d'attribuer aux assemblées primaires la fonction d'inscrire solennellement les hommes qui auront atteint l'âge de vingt et un ans sur le tableau des citoyens, et c'est ce qu'il appelle l'inscription civique.
Ce n'est point le moment d'entrer dans cette question vaste et profonde d'une
éducation civique, réclamée aujourd'hui par tous les hommes éclairés, et dont nous
devons l'exemple à l'Europe. Il suffit à mon but de vous rappeler qu'il est important
de montrer à la jeunesse les rapports qu'elle soutient avec la patrie, de se saisir de
bonne heure des mouvements du cur humain pour les diriger au bien général, et
d'attacher aux premières affections de l'homme les anneaux de celte chaîne qui doit
lier toute son existence à l'obéissance des lois et aux devoirs du citoyen. Je n'ai
besoin que d'énoncer cette vérité. La patrie, en revêtant d'un caractère de solennité
l'adoption de ses enfants, imprime plus profondément dans leur cur le prix de ses
bienfaits et la force de leurs obligations.
Si vous consacrez !e projet que je vous propose, vous pourrez vous en servir dans le Gode pénal, en déterminant qu'une des peines les plus graves pour les fautes de la jeunesse sera la suspension de son droit à l'inscription civique, et l'humiliation d'un retard pour deux, trois ou même cinq années. Une peine de cette nature est heureusement assortie aux erreurs de cet âge, plutôt frivole que corrompu, qu'il ne faut ni flétrir comme on l'a fait trop longtemps, par des punitions arbitraires, ni laisser sans frein, comme il arrive aussi quand les lois sont trop rigoureuses. Qu'on imagine combien, dans l'âge de l'émulation, la terreur d'une exclusion publique agirait avec énergie, et comment elle ferait de l'éducation le premier intérêt des familles. Si la punition qui résulterait de ce retard paraissait un jour trop sévère, ce serait une grande preuve de la bonté de notre constitution politique; vous auriez rendu l'état de citoyen si honorable, qu'il serait devenu la première des ambitions.
Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'il sera nécessaire de donner à cette adoption de la patrie la plus grande solennité; mais je le dirai: voilà les fêtes qui conviennent désormais à un peuple libre; voilà les cérémonies patriotiques, et par conséquent religieuses, qui doivent rappeler aux hommes, d'une manière éclatante, leurs droits et leurs devoirs. Tout y parlera d'égalité; toutes les distinctions s'effaceront devant le caractère de citoyen: on ne verra que les lois et la patrie. Je désirerais que ce serment, rendu plus augustepar un grand concours de témoins, fût le seul auquel un citoyen français pût être appelé: il embrasse tout; et en demander un autre, c'est supposer un parjure.
Je propose donc le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète qu'après l'organisation des municipalités, les assemblées primaires seront chargées de former un tableau des 4 citoyens, et d'y inscrire à un jour marqué, par ordre d'âge, tous les citoyens qui auront atteint l'âge de vingt et un ans, après leur avoir fait prêter le serment de fidélité aux lois de l'Etat et au Roi. Et nul ne pourra être ni électeur, ni éligible dans les assemblées primaires, qu'il n'ait été inscrit sur ce tableau. »
Cette proposition est adoptée pour ainsi dire par acclamation.
propose de discuter l'article 10, à cause de son analogie avec ceux qui ont déjà été décrétés.
Voici cet article :
« Pour être éligible à l'assemblée communale, ainsi qu'à celle du département, il faudra réunir aux. conditions d'électeur, c'est-à-dire à celles de citoyen actif, cellede payer unecontribution directe plus forte. Cette contribution se montera au moins à la valeur locale de dix journées de travail. »
(de Nemours). La seule qualité nécessaire pour être éligible doit être celle-ci : paraître aux électeurs propre à faire leurs affaires. « Eh! pourrait-on leur dire, vous croyez à M. un tel toutes les qualités, tous les talents qui peuvent mériter votre confiance ; il ne les a pas, parce que sa contribution directe ne s'élève pas au prix de dix journées de travail. » Je pense, et j'ai toujours pensé, que la capacité devait suffire, et que, pour être élu, il ne fallait qu'être choisi.
pense que, l'élu appartenant, non aux électeurs, mais à la nation entière, la nation peut imposer telle condition qu'elle jugera convenable.
Il regrette que l'on n'ait pas exigé la qualité de propriétaire, et réclame ce principe pour base de toute représentation.
Un membre observe que, l'établissement des assemblées communales n'étant pas décrété, ce mot ne doit pas être employé dans l'article.
On peut le remplacer par celui-ci: assemblées intermédiaires.
Il faut dès lors ôter l'expression assemblée primaire de tous les articles où elle se trouve.
Il est impossible qu'il n'y ait pas d'assemblées primaires: ces mots désignent es premières assemblées, quelle que soit leur composition.
L'article est décrété, sauf la rédaction, et avec le changement de l'expression assemblées commu-k nale et de département, en celle-ci : assemblées intermédiaires.
On interrompt ici la discussion, conformément à la décision prise au commencement de la séance.
annonce que des députés du district de Saint-Martin-des-Champs demandent à x être reçus pour faire connaître l'arrêté relatif à la > loi martiale, et dénoncé dans une des précédentes séances.
Le décret par lequel il a été statué qu'on ne recevrait que les députations de la commune est rappelé, et l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur une dérogation à ce décret.
Sur la représentation faite par M. le président, que des passe-ports ont été accordés à des per-» sonnes étrangères aux députés, l'Assemblée proscrit cet usage.
M. l'abbé Thibault, curé de Souppes, offre, de la part de M. de Limon, contrôleur des finances de M. le duc d'Orléans, 182 marcs d'argent, et annonce que ce particulier fera jgratuitement remise des rentes foncières que lui doivent ses vassaux, et renoncera à tous ses droits féodaux, si les seigneurs suzerains se soumettent à la même renon-r ciation.
expose que la municipalité de.....n'a pas encore reçu le décret sur les subsistances ; il demande quel a donc été l'effet de la délibération par laquelle il a été arrêté que le Roi serait prié d'en ordonner l'envoi.
, ancien président. J'ai porté cette délibération au Roi, qui a promis de faire connaître ses intentions.
L'Assemblée autorise M. le président à se retirer vers le Roi pour solliciter de nouveau l'exécution de ce décret.
, député d'Anjou, rappelle les faits qui nécessitent la suppression de la gabelle dans sa province, et présente un projet de remplacement de cet impôt.
L'Assemblée ordonne que ce projet sera remis au comité des finances, qui se réunira aux députés d'Anjou pour se concerter avec M. Necker à ce sujet.
rend compte, au nom du comité des rapports, de lettres écrites par deux religieux et une religieuse, pour demander que l'Assemblée s'explique sur l'émission des vux ; il propose de défendre les vux monastiques perpétuels.
demande l'ajournement du fond, et présente le décret suivant :
« Oui le rapport.....l'Assemblée ajourne la question sur l'émission des vux, et cependant, et par provision, décrète que l'émission des vux sera suspendue dans les monastères de l'un et de l'autre sexe. »
Plusieurs ecclésiastiques représentent quela suspension provisoire juge la question, et réclament l'exécution du règlement qui exige trois jours de discussion pour les matières importantes.
Le décret proposé par M. Target est adopté.
M. le maire de Paris est introduit; il rend compte d'un événement arrivé ce malin à Ver-non.
Le sieur Planter, habitant de cette ville, chargé des approvisionnements de Paris, a été saisi par le peuple, qui a voulu le pendre. La corde a cassé deux fois ; ce citoyen n'est pas mort, et l'on s'efforce en ce moment à le soustraire aux fureurs de la populace. Des troupes vont être envoyées à son secours ; mais elles ne peuvent arriver qu'à cinq heures. Une lettre de l'Assemblée pourrait rétablir le calme et sauver le sieur Planter. Il ne s'agit pas seulement de garantir la vie de ce citoyen, il faut encore ordonner une punition exemplaire pour réprimer des fureurs qui s'étendent sur tous les approvisionneurs.
L'Assemblée autorise le juge de Vernon à informer, et décrète que le président écrira à cette ville sur-le-champ, et qu'il se concertera avec le pouvoir exécutif pour l'exécution des lois.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal.
monte à la tribune pour faire, comme il le dit lui-même, quelques réclamations sur le décret d'hier ; il prétend que le clergé aurait dû faire quelques protestations,et il demande que l'on y insère les siennes sous le titre d'observations.
observe que jamais on n'a fait mention, dans le procès-verbal, des réclamations faites par quelques membres contre les décrets de l'As-semblée.
Cette légère contestation s'est terminée par la question préalable.
rappelle l'ordre du jour.
Un membre du comité de Constitution a proposé d'exiger une contribution égale à la valeur d'un marc d'argent pour être éligible en qualité de représentant aux Assemblées nationales.
La discussion est ouverte sur cet article.
J'ai été longtemps dans le doute sur la question de savoir si un représentant doit payer une contribution directe.
D'un côté je me disais que tout citoyen doit partager les droits de cité; de l'autre, lorsque le peuple est antique et corrompu, j'ai cru remarquer quelque nécessité dans l'exception proposée par votre comité de Constitution.
Cependant elle me paraît aller trop loin ; elle ne devrait se borner qu'à la qualité d'électeur. L'on vous a l'ait une distinction que je crois très-vraie; il faut, comme l'a remarqué M.Dupont, distinguer l'électeur et l'éligible; et dès que vous avez jugé que l'électeur peut être admis, il l'est par la nation entière ; mais l'éligible ne l'est que par ceux des électeurs dont il a la confiance.
Maintenant, dès que vous avez épuré vos assemblées primaires, dès que vous avez déterminé ceux qui peuvent être électeurs, dès que vous les avez jugés capables de faire un bon choix, je vous demande si vous devez mettre des entraves à ce choix, si vous devez, en quelque sorte, leur retirer la confiance que vous leur avez accordée; tout homme qui a des talents, et qui n'a pas de fortune, doit être éligible si les électeurs le jugent capable.
L'on parle sans cesse de corruption ; mais ce ne sont pas ces hommes-là qui sont les plus corruptibles.
Et d'abord, croyez-vous qu'un membre de l'Assemblée nationale puisse être facilement corrompu, lorsqu'il n'est dans l'Assemblée que pour un instant, et lorsqu'il sera surveillé par tous ceux qui l'environneront ?
Je me résume, et je dis qu'il suffit de remplir touies les conditions pour être électeur, et que l'électeur doit être libre dans son choix ; je dis qu'on doit laisser à la confiance le choix de la vertu.
En admettant l'article, on exclurait un grand nombre de citoyens, et surtout d'ecclésiastiques.
Un membre. Il faut ajouter à l'article, et les propriétaires de biens-fonds de terre.
L'article doit excepter les {Ils de famille dont les pères payent l'imposition.
Le comité de Constitution a pensé qu'à la lin de la session présente vous por-
teriez une loi qui émanciperait les fils de famille. Au reste, je ne vois personnellement nul inconvénient à admettre l'amendement du préopinant.
Celui qui exige une propriété territoriale n'est,w conforme ni à l'esprit de vos précédents décrets, ni à la justice. Les Anglais suivent à la vérité cet usage, mais eux-mêmes s'en plaignent. Le comité pense avoir fait tout ce qu'il fallait faire, en demandant une contribution d'un marc d'argent. Cette imposition indique asssez d'aisance, parce , que la malignité ne suppose pas les législateurs plus ou moins susceptibles de corruption. 4
En dernière analyse, tous les impôts portant sur les propriétaires des terres, serait-il juste d'appeler ceux qui ne possèdent rien à fixer ce que doivent payer ceux qui possèdent ?
Le négociant est citoyen du monde entier, et peut transporter sa propriété partout où ii trouve la paix et le bonheur. Le propriétaire est attaché à la glèbe, il ne peut vivre que là, il doit donc posséder tous les moyens de soutenir, de défendre et de rendre heureuse son existence. Je demande, d'après ces réflexions, que l'on exige une propriété foncière de 1,200 livres. En Angleterre, pour arriver à la chambre des communes, elle i doit être de 7,200 livres.
(1). Rien ne serait plus impolitique que le décret par lequel on vous propose d'exiger une propriété de 1,200 livres de revenu pour être éligible ; ce serait accréditer ces r calomnies absurdes qu'on sème de toutes parts contre vous, en disant que vous cherchez à établir une aristocratie nouvelle sur les débris de toutes les autres.
Vous êtes placés entre des extrêmes. N'admet-tez-vous que des propriétaires ? Vous blessez les droits des autres citoyens également intéressés à la formation des lois. Admettez-vous les hommes sans propriété ? Vous livrez l'Etat et les impôts à des hommes moins attachés à leur patrie. Enfin, si vous exigez une forte contribution, comme celle du marc d'argent, vous éloignez de l'Assemblée nationale les deux tiers des habitants du royaume. Que deviendront les artistes, les gens de lettres, les personnes utiles vouées à l'instruction, et eette classe si précieuse, si nécessaire des agricïilteurs qu'il ne faut jamais perdre , de vue dans la Constitution d'une nation agricole ? N'est-ce pas leur substituer évidemment l'aristo- -cratie des riches ?
Le marc d'argent est une contribution variable, à raison de l'augmentation qui surviendra dans le numéraire ; celte base est trop mobile. Le marc / d'argent sera une contribution excessive pour l'avenir, puisque d'après vos réformes les impôts diminueront considérablement, et le législateur doit embrasser l'avenir. Vous avez déjà fixé pour les assemblées primaires et communales la con- " tribution directe en une valeur de journées de travail. Ce calcul se prête à toutes les localités et se plie aux variations du prix des subsistances dans toutes les parties du royaume ; ii faut donc fixer aussi de la même manière la contribution directe pour être éligible à l'Assemblée nationale, et je la porte à la valeur locale de trente journées de travail.
Les dix-neuf vingtièmes de la ,
J'adopte l'amendement relatif aux lils de fa-y mille.
La condition de la propriété doit être ainsi exprimée : et posséder une ¦propriété territoriale quelconque.
propose de substituer au marc d'argent 600 livres pesant de blé.
Substituez la confiance au marc d'argent.
On se dispose à délibérer.
Je demande la priorité pour l'amendement de M. Prieur, parce que, selon moi, il est seul au principe.
L'Assemblée rejette cet amendement.
Celui de M. Pison du Galland est mis aux voix:
« Outre la contribution équivalant à un marc d'argent, avoir une propriété foncière quelconque. »
Cet amendement est adopté.
, au président. Vous venez de faire faire une mauvaise loi, par la manière de poser la question.
Beaucoup de membres réclament contre le décret. La parole leur est refusée.
On propose divers amendements sur la qualité de la propriété.
L'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à délibérer.
Sur l'amendement de M. Ramel-Nogaret, on demande la question préalable, et il est arrêté qu'il n'y a lieu à délibérer.
On se dispose à passer à un autre article.
MM. Pétion de Villeneuve, Garat, le comte de Mirabeau, l'abbé Grégoire, montent à la tribune pour réclamer contre la manière dont les questions avaient été posées, et pour observer qu'on n'a pas délibéré sur tous les amendements et sur la motion principale, composée de l'article du comité et des amendements admis.
Après un temps assez long, employé à des réclamations tumultueuses, l'Assemblée se décide à passer à un autre article.
Je ne reviens pas sur les décrets, mais j'observe qu'il est important, si l'on veut éviter le tumulte qui vient de se faire, de ne refuser la parole à aucun des membres qui pensent qu'une question a été mal posée : c'est le seul moyen d'arriver à des délibérations sages, paisibles et régulières.
Vous devez être ustes, puisque vous êtes législateurs ; vous devez être éclairés, et le choix de la nation atteste vos lumières.
La moitié du royaume est régie par le droit écrit : là les fils de famille n'ont ni domaines, ni r propriété. La loi romaine avait sagement déclaré
que, dans les fonctions publiques, le fils de famille était père de famille ou réputé tel. Quand vous exigez pour la représentation nationale une propriété, une imposition d'un marc d'argent, vous le privez de la première des magistratures ; vous obligez la moitié du royaume à aller,chercher des représentants dans les provinces coutu-mières. Je demande si, lorsqu'on a proposé en faveur des fils de famille une exception juste, si lorsqu'il s'agit de délibérer sur leur sort, vous, législateurs, vous pouvez ne pas délibérer. Il est avéré, et le tumulte a fait que tous les membres qui m'entourent ont cru, en se levant pour la question préalable, que cette exception était admise. Ceci doit nous faire connaître les avantages des délibérations tumultueuses, en nous en montrant les succès.
En réclamant en faveur des fils de famille, on fait un acte de justice : je remplis un devoir en m'élevant contre un prétendu décret qui blesse ma province, où le numéraire est très-rare; je remplis encore un devoir en observant qu'en exigeant une propriété, ou vous préjugez la question de la propriété des biens du clergé, ou vous excluez les ecclésiastiques de la représentation nationale. Je réclame donc contre un décret qui n'est pas même rendu.
L'article du comité de Constitution n'a pas été mis aux voix avec les amendements ; on n'a donc pas délibéré sur la question principale : il fallait donc, lorsqu'on croyait avoir délibéré au fond, que je prisse la parole pour faire observer cette irrégularité ; plusieurs questions importantes étaient proposées comme amendements ; il pouvait être utile de présenter quelques réflexions, et je croyais que tout membre en avait le droit.
Je me borne à présent à demander que le décret entier soit lu.
L'Assemblée décide que le décret a été régulièrement porté comme il suit:
« Pour être éligible à l'Assemblée nationale, il faudra payer une contribution directe équivalant à un marc d'argent, et avoir une propriété quelconque. »
On fait lecture de l'amendement de M. Barrère rédigé en article séparé :
« Seront exceptés du présent article les fils de famille dont les pères possèdent une propriété foncière quelconque, et payent la contribution prescrite. » .
La discussion est ouverte sur cet article.
L'Assemblée a certainement décidé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.
Je ne conçois pas la chaleur avec laquelle on soutient cet article : il s'ensuivrait qu'un père de famille qui payerait l'imposition exigée, et qui aurait dix enfants non mâles, ne fournirait qu'un éligible, tandis que ne payant pas davantage, s'il avait cinq fils, il en fournirait six : et d'ailleurs ne pourra-t-il pas, quand il voudra, donner à son fils les qualités d'éligibilité en lui transmettant une propriété ?
jeune. Par votre décret, V0U3 excluez toute une province, la mienne. Dans ce pays de labour, les fils aînés sont seuls propriétaires, et les pères de famille sont si peu riches qu'il n'y en a peut-être pas cinq qui payent une imposition de 50 livres.
Je réclame les droits des fils de famille, comme ceux de ma province.
Faire une exception en faveur des fils de famille, c'est une exception sans motif; car les fils qui, en pays de droit écrit, ne possèdent rien, sont dans le même cas que les citoyens sans propriété. Dès lors que vous avez confirmé votre décret, cette exception serait odieuse et injurieuse à une grande partie des habitants du royaume.
Les fils de famille peuvent, selon la loi romaine, acquérir dans certains cas, et alors ils deviendront éligibles. Si un père, payant 50 livres d'impositions, pouvait donner cette qualité à cinq enfants, il s'ensuivrait qu'une somme de 10 livres rendrait un fils de famille éligible, tandis que la loi refuserait cette qualité à un citoyen imposé à 48 livres.
Je propose cet amendement : « Un père de famille pourra rendre éligibles autant d'enfants que son imposition comprendra de fois la valeur d'un marc d'argent. »
On demande encore la question préalable sur l'objet de la discussion.
Il n'est pas de la dignité et de l'honneur de l'Assemblée de dire qu'il n'y a pas à délibérer quand, après l'avoir dit, elle a rouvert la discussion.
M. Ramel Nogaret. On doit ou exclure ou admettre les fils de famille.
Il n'y a de véritable dignité que dans la justice, d'honneur qu'à être juste. Quand on dit qu'il faut exclure ou admettre, on dit une grande vérité. Des législateurs doivent répondre à une importante question, et accorder ou refuser un droit réclamé. Ils ne peuvent pas ne point délibérer sur ce droit, sans donner lieu à une infinité de contestations dans les assemblées électives ; les fils de famille diraient : c Les législateurs n'ont pas prononcé, à cause de l'évidence de notre droit. » Leur répondrait-on : « Ils n'ont pas délibéré, donc ils ont rejeté votre droit. »
M. de Mirabeau fait ensuite des observations sur les clameurs qui se sont élevées dans l'Assemblée, et sur leur résultat insignifiant.
C'est en réclamant contre l'aristocratie que vous avez préparé la régénération, et votre décret consacre l'aristocratie de l'argent : vous n'avez pas pu mettre la richesse au-dessus de la justice : on ne peut capituler avec le principe, quand de ce principe il doit naître des hommes.
Je demande l'ajournement d'une délibération nouvelle sur les décrets, parce que le désordre de la discussion présente donne lieu à celui de la délibération.
aîné. Vous avez dans le tumulte rendu un décret qui établit l'aristocratie des riches; on demande que vous épuriez ce décret dans le calme, et je citerai dans la présente session vingt exemples de cette pratique salutaire.
L'Assemblée décide que « toutes choses restant en état sont remises à lundi prochain. »
rend compte à l'Assemblée qu'eu exécution de son décret du jour d'hier, il a
écrit à la commune de Vernon, et qu'il s'est transporté auprès du Roi; que le Roi a déjà fait marcher des troupes pour rétablir la tranquillité à Vernon; qu'un détachement de gardes nationales de Paris est parti pour la même ville; que les décrets sur les subsistances et sur la loi martiale, ainsi que le décret d'hier, relatif aux troubles de Vernon, vont y être envoyés; que, suivant une lettre arrivée ce matin, le sieur Planter a échappé aux fureurs du peuple; que les ordres sont donnés pour la punition des coupables; que les arrêtés des 4 août et jours suivants vont être adressés aux tribunaux, et s'impriment d'ailleurs à l'imprimerie royale; qu'enfin, le Roi va prendre en considération le décret du 28 octobre, relatif aux vux monastiques, et fera parvenir incessamment sa réponse à l'Assemblée nationale.
M. le président a rendu compte ensuite de la demande que faisaient deux membres de l'Assemblée, de passe-ports pour des voyages momentanés, et les passe-ports leur ont été accordés.
MM. Golinet, curé de Ville-sur-Iron ; Varelles, curé de Marolles; Dutillei, êvêqae d'Orange, donnent leur démission de députés. L'Assemblée reçoit ces démissions, à la condition, toutefois, que les députés démissionnaires se feront remplacer par des suppléants.
indique pour l'ordre du jour de demain la suite de la discussion des motions relatives aux biens du clergé.
Trois représentants de la commune de Paris sont admis dans l'Assemblée: l'un d'eux rend compte de l'état où se trouve l'affaire de Vernon. Leur récit confirme ce qui a déjà été annoncé par M. le président. Ils ajoutent que la commune de Vernon a déclaré désapprouver formellement les violences faites au sieur Planter ; qu'elle a réclamé un secours de la garde nationale parisienne et promis d'employer tous ses soins pour le rélablissement de l'ordre et pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale; qu'elle a annoncé enfin un convoi de farines pour Paris.
répond en ces termes :
L'Assemblée nationale est satisfaite de la vigi-lence de la commune de Paris ; ce sont des titres qu'elle ne cesse d'acquérir à la reconnaissance de tous les bons citoyens. L'Assemblée prendra en considération les objets que vous lui proposez. Il ne paraît pas que pour le moment il y ait rien à changer aux mesures qui ont été arrêtées.
Quelques citoyennes du district de Saint-Mar-tin-des-Champs ont demandé à être introduites dans l'Assemblée, pour y présenter, au nom de toutes les autres, une offrande patriotique de bijoux. Elles ont été admises, et ont déposé cette offrande sur le bureau. Le sieur Jbssier, président du district, a porté la parole pour elles, et déclaré, au non du district, qu*j tous les citoyens qui le composent sont pénétrés de respect pour les décrets de l'Assemblée nationale, et en particuliers pour celui qui établit la loi martiale. Il a promis de leur part une ponctuelle obéissance.
a répondu :
Vos concitoyennes ont les premières donné l'exemple, mesdames, d'une contribution patriotique qui pouvait seule sauver le royaume. Vos noms méritent d'être inscrits à la suite des leurs. L'Assemblée nationale ne peut douter du patriotisme de citoyens qui ont pour femmes et pour mères celles qui sacrifient à l'Etat leurs possessions les plus agréables.
Les citoyennes qui ont présenté cette offrande ont été admises à l'honneur d'assister à la séance de l'Assemblée, et il a été arrêté que leurs noms seraient inscrits dans le procès-verbal ; les voici :
Ce sont les dames Girardin, Macosse, Jacob, Glavée, Ghéron et Bordeaux.
L'un des trésoriers des dons patriotiques a déclaré à l'Assemblée que les huissiers à cheval du Châtelet de Paris offrent à la patrie 51 marcs d'argenterie et 5,400 livres en billets sur le gouvernement ; que les huissiers à verge offrent un contrat de 50 livres de rente, une somme de 1,150 liv. 6 d., une écritoire et une sonnette d'argent, et qu'ils proposent en outre leurs services à l'Assemblée. L'Assemblée a arrêté qu'ils seraient remerciés.
a annoncé le don d'un contrat tontine de 300 livres par un vieillard qui n'est pas nommé.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
Séance du
La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la séance de la veille, et de diverses adresses de villes et communautés, portant adhésion aux différents décrets de l'Assemblée nationale, et dont la teneur suit:
D'une délibération et adresse de la ville de Saint-Sever en Guyenne, où, en faisant de nouveaux remerciements à l'Assemblée nationale de ses glorieux travaux, elle adhère à tous ses décrets, et notamment à celui du 6 du présent mois, concernant la contribution patiiotique du quart dés revenus de chaque citoyen;
D'une délibération et adresse, du même genre, des représentants de la commune de Besançon ;
D'une adresse de félicitations, remerciement et adhésion de la ville de Duras en Agénois. Le comité permanent et le régiment national s'engagent à travailler sans relâche et de concert à maintenir le bon ordre, et à assurer la tranquillité publique et la perception des impôts;
D'une délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Saint-Claude en Franche-Comté, par laquelle ils adhèrent de la manière la plus formelle au décret concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen, et réclament la sanction pure et simple, et la promulgation des arrêtés des 4 août etj jours suivants, notamment de celui qui abolit sans indemnité les mainmortes, tant réelles que personnelles;
D'une délibération de la communauté de Bali-ros en Béarn, contenant l'adhésion la plus entière aux arrêtés des 4 août et jours suivants, notamment à celui qui abolit les privilèges parti-
culiers des provinces, et plusieurs observations sur la justice criminelle ;
D'une adresse des officiers municipaux et conseil permanent de la ville de Lamballe en Bretagne. Ils présentent à l'Assemblée rhommage de leur respectueuse reconnaissance sur ce que, environnée d'obstacles et de dangers, elle est parvenue à rétablir l'homme dans sa dignité. Ils l'assurent qu'il n'est point de véritables Français qui puissent résister aux sollicitations touchantes qu'elle leur a adressées pour faire des sacrifices dont le prix doit être le salut de tous, la gloire et la prospérité d'une nation puissante. Ils la conjurent de poursuivre la glorieuse entreprise dont l'exécution lui réserve le bonheur d'un peuple innombrable, et de rappeler ceux que de vaines alarmes ont dispersés dans leurs demeures; que séante dans une cité superbe, dont l'heureuse influence assure aujourd'hui la liberté française, elle ne peut que mépriser les coups de l'envie qui s'élèvent contre son ouvrage; mais que si, par les plus terribles coups, ses ennemis portaient jusque dans son sein l'abattement et le désespoir, elle daigne tourner ses regards sur tous le braves citoyens, sur une jeunesse vaillante et nombreuse, prêts à verser leur sang pour sa défense et l'exécution de ses décrets. Pour mettre le comble à tous leurs vux, ils la supplient encore de créer dès à présent, ou du moins, après l'établissement de la Constitution, un comité de législation civile, qui donne à la loi cette uniformité, cette simplicité qui lui impriment son véritable caractère.
Et enfin, d'une adresse de quatre religieux bénédictins de la communauté du prieuré de Saint-Nicolas d'Acy, proche Senlis, qui, à l'exemple de leurs confrères de Saint-Martin-des-Champs, offrent à l'Etat les biens et revenus dont ils jouissent, pleins de confiance que l'Assemblée leur adjugera la pension viagère demandée par ces derniers.
Le procès-verbal portait que la question agitée dans la dernière séance avait été renvoyée à la séance de mardi. Un membre de l'Assemblée a représenté que, quoique le lundi fût un jour de fête, il était possible de s'assembler après le service divin, et que la nécessité d'achever prompte-ment la Constitution ne permettait pas de perdre un jour.
L'Assemblée a décidé que la discussion de la veille serait reprise lundi.
M. Barbou, curé d'Isle-les-Villenoy, député de Meaux, et M. Moyon, recteur de Saint-André-des-Eaux, député de Nantes, ayant donné leur démission, M. de Buallem, abbé de Saint-Faron, et M. Binot, principal du collège d'Ancenis, leurs suppléants, dontles [pouvoirs avaient été précédemment vérifiés, sont admis à les remplacer.
, député de ta noblesse de Moulins, dit que M. le comte deDouzon, député nommé par la noblesse de ce bailliage, a donné sa démission pour cause de maladie ; il propose, de concert avec ses co-députés, qu'il soit remplacé par M. Begnard, premier suppléant nommé par les communes.
L'Assemblée agrée cette proposition et l'applaudit vivement.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur les motions relatives à la propriété des biens du clergé.
Plusieurs membres parlent successivement sur cette question dans l'ordre suivant :
(1). Messieurs, la propriété dej biens dont quelques citoyens, quelques corporations sont investis sous le nom de clergé, a déjà fait la matière de discussions profondes et intéressantes.
Cependant, j'ose croire que la question est encore entière. Un long abus des mots et des choses nous domine malgré nous, et jette sur les vérités les plus simples une obscurité qui les dérobe aux esprits les plus justes et les plus pénétrants.
Ce que nous appelons le clergé ne forma point dans l'origine, n'a dû jamais former un ordre particulier, une corporation dans l'Etat.
Une église n'a jamais été, n'a dû jamais être qu'une assemblée de citoyens réunis par la même croyance, liés par un culte commun, et supportant en commun les dépenses du culte public.
A leur tête, un magistrat de leur choix, ne formant qu'un avec eux, consacré au plus Paint des ministères, revêtu d'un caractère auguste, investi d'une mission divine.
Entre le magistrat d'une église et le magistrat d'une autre église, point de lien politique, point d'autre relation civile que celle de citoyen.
Chaque église, chaque section de citoyens unis par la même foi, unis par un même culte, habitant dans le territoire d'une même église, ont eu à soutenir une dépense commune, et durent former pour cette dépense des revenus communs.
Sous l'empire d'une religion qui met le devoir d'aimer les hommes à côté du devoir d'aimer Dieu, ces revenus communs furent encore, furent surtout le patrimoine de ces individus déshérités que l'indigence et les maladies condamnent à la pitié de leurs semblables.
Des offrandes volontaires fournirent d'abord à la décence du culte, à l'entretien des ministres, à cette dette sacrée que la religion et la nature imposent également à l'homme riche en faveur de l'homme qui est dans le besoin et dans l'infortune.
Mais des offrandes volontaires ne présentaient qu'une ressource précaire et incertaine, qui pouvait fuir avec le zèle qui l'avait enfantée.
De là des contributions régulières, de là la dotation des églises, de là une portion du revenu des citoyens consacrée à ces dépenses sous le nom de dîmes.
Dè ces fonds administrés en commun, une sage économie forma et agrandit le patrimoine des églises et des pauvres.
Au sein de chaque église, des hommes, des femmes se vouèrent au service de l'église et de l'indigence.
De là l'origine de ses sociétés religieuses, qui appartinrent et durent appartenir à l'église dans le territoire de laquelle elle s'étaient formées.
Elles travaillèrent pour elle, elles acquirent pour elle ; leurs biens, attachés à la masse commune, durent s'y réunir et s'y confondre du moment où leur agrégation serait dissoute.
Dans des temps postérieurs, les terreurs de l'avenir, l'horreur delà corruption générale, l'effroi du despotisme, précipitèrent des chrétiens dans les déserts.
Là, des travaux communs leur créèrent des propriétés. Leurs déserts mêmes devinrent
leurs propriétés, par le droit primitif d'occupation, par le droit plus sacré de la
culture. Autour d'eux et par eux s'étendirent la population, l'industrie et le
bonheur.
Leurs biens ne furent qu'une portion de son patrimoine, consacrée comme ce patrimoine au culte des autels et au soulagement de l'humanité.
L'oubli des principes détacha ces établissements de l'Eglise mère, qui les avait vus naître, les affranchit du magistrat spirituel dans le territoire duquel ils étaient placés, créa au pontife de Rome un nouvel ordre de sujets, une sorte de féodalité qui énerva ladiscipline, dénatura les idées, changea les rapports religieux et politiques, et devint un des grands fléaux de l'Europe.
Au milieu de notre antique anarchie, dans ces temps où il n'y avait ni Trône ni nation, nos rois, pour recréer l'autorité souveraine, empruntèrent les droits de la suzeraineté, et par ce frêle lien ils rattachèrent à leur couronne toutes les petites puissances qui s'étaient formées des débris de la puissance publique. Ils y rattachèrent surtout les églises et leurs propriétés.
Mais, au milieu de tous les citoyens esclaves, il ne se montrait d'hommes libres que des seigneurs de fiefs, des pasteurs, des prêtres, des religieux.
Les pasteurs, administrateurs nés des propriétés ecclésiastiques, en furent investis par le pouvoir souverain; et représentants des propriétaires, l'abus et l'ignorance les transformèrent en propriétaires réels.
Ce fut à ce titre de représentants d'une propriété qui n'était pas la leur qu'ils s'assirent dans nos premiers Etats généraux.
Là, ils consentirent sur cette propriété des impôts qui pesaient uniformément sur toutes les propriétés.
Nos Etats généraux cessèrent; mais dans le silence de la nation opprimée, les représentants des propriétés ecclésiastiques surent se faire entendre, et, convoqués pour l'intérêt de la religion, ils s'unirent pour des intérêts temporels, formèrent un corps politique avoué par le souverain, mirent des propriétés éparseset isolées sous la protection d'une association générale, et fixèrent ou du moins prétendirent fixer dans cette association le domaine de ces biens, dont ils n'étaient tout au plus que les défenseurs et les gardiens.
La nation se tut, et le souverain eut intérêt à ne rien approfondir.
Contre une autorité qui doutait d'elle-même, tout se défendait, ou par des raisons ou par des préjugés. Le prince craignait qu'on ne sondât ses droits, et n'osait mesurer les droits des autres.
Ainsi la noblesse jouit encore d'une exemption abusive, quand elle eut cessé de jouir d'une exemption légitime.
Ainsi le clergé, fort de sa réunion, invoquait comme siens des titres qui étaient ceux des églises, et le monarque avouait ces titres qu'il n'aurait pu attaquer qu'en réveillant les titres de tous.
Je n'accuserai point un abus qui a cessé : le clergé, même en abusant, veillait encore pour les principes de nûtre Constitution, et en réclamant des droits qui ne lui appartenaient pas, il nous avertissaitdes nôtres.
Mais sor tons des erreurs de l'ignorance, des fictions de la monarchie absolue, et rentrons dans la vérité des principes.
Ce que nous avons appelé le clergé n'est point, n'a jamais été propriétaire des biens dont étaient investis les membres qui le composaient.
Les citoyens dont la réunion formait ce que nous appelions autrefois le clergé n'ont jamais
été, n'ont jamais pu être les propriétaires des biens attachés à leurs bénéfices.
Ces biens sont la propriété commune, indivise, des citoyens qui, réunis dans la même croyance, exerçant le même culte, forment une église.
Sous cet aspect, ces biens sont une propriété publique, mais ils ne sont pas une propriété nationale. Ils appartiennent à un diocèse, ils n'appartiennent point à une provinee, ils appartiennent encore moins à la collection des provinces.
La nation ne peut exercer sur ces biens que sa puissance législative.
En vertu de cette puissance, elle peut prescrire les règles de leur administration, mais elle ne peut pas les administrer ni les faire administrer pour elle. Elle peut déterminer la mesure de la subsistance des pasteurs et des ministres; elle peut déterminer la mesure de la dépense que le culte public exige ; elle peut déterminer en faveur des pauvres l'emploi du patrimoine des pauvres.
Ainsi, au lieu de ces charités stériles et partielles qui ne soulagent que la misère d'un jour, elle attachera ces revenus à des institutions fécondes qui empêcheront la misère de naître. Elle les attachera à des manufactures publiques, à des travaux publics. Le travail, dans tous les genres, est le patrimoine du pauvre. Paire naître le travail et le payer est une dette publique, et les biens des églises sont une portion de la richesse des pauvres, consacrée à la subsistance des pauvres.
La nation pourra ordonner, elle ordonnera sans doute que, d'une partie de ces revenus, on achète des propriétés au citoyen indigent et laborieux ; nous verrons, au lieu de ces vaines couronnes de roses, distribuer des terres à la vertu. Ainsi, nos campagnes s'enrichiront d'une population nouvelle qui, créée par les murs, se conservera par les murs ; et la religion aura guéri une des grandes plaies que le despotisme, le luxe et toutes les passions malfaisantes aient faites à l'humanité.
La nation pourra, par des lois salutaires, augmenter ces revenus, créer encore une sorte de propriété pour cette foule de citoyens qui ne peuvent en acquérir.
Et certes, Messieurs, il faudra bien que vous les prépariez, que vous les établissiez, ces lois importantes. L'intérêt public vous le commande, et vos propres décrets vous en imposent la né-cessité.
En prononçant le remboursement des rentes seigneuriales, le remboursement des rentes foncières, vous les avez proscrites. Le malheureux qui n'a pas de propriété, n'a plus de moyens d'acquérir une propriété.
Ce n'est plus qu'en autorisant, qu'en nécessitant des baux à longues années, que vous pourrez corriger l'influence de vos décrets, et fixer celte population fugitive qui s'évanouit dans nos campagnes. La nation peut supprimer, la nation supprimera les bénéfices inutiles. Elle le peut. Personne n'oserait lui en contester le droit. Elle le doit, parce qu'ils1 sont souvent la proie de l'intrigue ; parce que, jadis, instruments de l'autorité absolue, ils peuvent redevenir encore, dans les mains d'une autorité limitée, des instruments de corruption et de servitude.
La nation peut dénaturer les revenus ecclésiastiques : elle peut ordonner qu'ils soient remplacés par d'autres revenus ; mais la nation ne peut les supprimer.
La nation ne peut pas, de la contribution par-
ticulière des églises, faire une contribution nationale. Ainsi, Messieurs, vous avez sagement décrété que la dîme serait remplacée; vous ne l'avez pas supprimée, vous n'avez pas pu la supprimer. La dîme est la propriété des églises, telles que je les ai définies. De pareilles agrégations ne peuvent être dissoutes.
Nécessairement vous aurez des citoyens.
Nécessairement les citoyens auront un culte public, une morale publique. Sans culte public, sans morale publique, vous seriez bientôt les sauvages des forêts.
Nécessairement, parmi vos citoyens, il y aura des citoyens pauvres et malheureux.
Nécessairement, pour soulager l'indigence et le malheur, il faudra une contribution publique.
Vous n'avez pas converti la dîme en un impôt national; vous n'auriez pas pu l'y convertir.
Eu effet, du moment où vous l'auriez prononcé, il aurait fallu qu'elle en prit le caractère et la forme; il aurait fallu qu'elle fût partout égale, partout proportionnelle ; que tous les biens y fussent assujettis.
Ce serait alors, mais seulement alors, que vous auriez pu la considérer comme une propriété confuse entre toutes les provinces, parce qu'elle eût été la contribution commune et uniforme de toutes les provinces.
Si, dans le remplacement, vous suivez la mesure actuelle et locale de cette contribution, il faut que le remplacement soit irrévocablement affecté à chaque église, à chaque paroisse. Ni les églises, ni les paroisses, ni les provinces ne consentiront à une contribution inégale, et au partage égal d'une inégale contribution.
Tout ce qui appartient à mon église est aussi une portion de ma propriété individuelle. Vous ne pouvez l'altérer sans altérer ma proppiété : vous ne pouvez la communiquer à d'autres églises, sans priver le territoire de la mienne des moyens de prospérité qui lui sont assurés.
Les revenus des bénéfices, les revenus des monastères supprimés rentreront, par le fait même de la suppression, dans le patrimoine des églises au territoire desquelles ils appartiennent.
Je les réclame, Messieurs, au nom de mes commettants, et au nom de l'église dout je suis membre.
Au nom de mes commettants et de mon église, je réclame la résidence des titulaires des bénéfices simples existants, dans le lieu même où ces bénéfices sont situés.
C'est là qu'ils doivent l'exemple des vertus ; là qu'ils doivent la consommation des revenus assignés à leur subsistance; là, enfin, qu'ils doivent au pauvre tout ce qui n'appartient pas à la décence du culte et à l'entretien des ministres.
La nation peut défendre aux églises de posséder des biens-fonds : mais elle ne peut pas fixer un prix à ces biens-fonds, sous peine de violer la propriété des églises.
Elle ne peut pas, sous la même peine, ordonner que le produit de ces biens soit versé dans le Trésor public.
Elle ne peut pas assigner à ces biens des acquéreurs de son choix.
Les églises forcées de vendre ne doivent recevoir de loi que de leur intérêt, et ne doivent de préférence à personne.
Donc les auteurs de la motion de M... (1) ont
Mais les créanciers de l'Etat.....les créanciers de l'Etat sont les nôtres. Si nous les investissons du patrimoine des pauvres, les pauvres redeviendront à leur tour nos créanciers, et nous n'aurons fait que déplacer des gages et des dettes.
Sans doute les propriétés des églises sont aussi le gage de la dette publique, mais elles ne le sont que comme les nôtres et pas plus que les nôtres. Elles ne doivent aux dépenses publiques qu'une contribution égale et proportionnelle à celle des autres propriétés, et nous sommes injustes envers les pauvres si nous rejetons sur leur patrimoine une partie du fardeau' que nous devons supporter.
Cependant le cri de la patrie se fait entendre et ce cri est irrésistible. Une grande calamité pèse sur tous les citoyens, mais elle pèse encore plus sur le pauvre. Il faut donc pour l'intérêt même du pauvre sacrifier une partie des revenus que la religion lui avait destinés. Le commerce, le retour de la confiance, le retour de la paix et de la sécurité, lui rendront avec usure le prix d'un sacrifice momentané, et tous les citoyens par des secours plus abondants leur payeront l'intérêt des sommes qu'ils airont prêtées à la chose publique.
Je pense donc, Messieurs, que chaque église, comprise dans (es limites de ce qu'on appelait autrefois le clergé de France, doit payer sa portion de la dette du clergé ;
Que chaque église doit payer la dépense de son culte public, la dépense de ses ministres actuels, et l'éducation de ceux qui se destinent à le devenir ;
Que le patrimoine des églises doit être encore affecté aux travaux de charité dans les limites de leur territoire, aux encouragements des manufactures locales ;
A l'achat, dans les temps de calamité, des grains nécessaires pour la subsistance des
pauvres ;
A la dotation des hôpitaux, tant que nos murs et nos calamités rendront nos hôpitaux nécessaires ;
A l'éducation publique. Et j'observerai, Messieurs, que pour avoir une éducation nationale, \ pour donner aux citoyens des connaissances utiles et des vertus, il en coûtera beaucoup moins qu'il n'en coûte aujourd'hui pour avoir une éducation partielle, vague, insignifiante, pour donner aux citoyens de vaines connaissances, des goûts frivoles", des préjugés et des vices.
Enfin, j'ose espérer (et j'en ai pour garant le zèle de tous les citoyens, j'en ai surtout pour garant le zèle des pasteurs, administrateurs nés et premiers gardiens du pairimoine des églises), j'ose espérer que toutes les églises consentiront à affecter pendant vingt ans aux besoins de l'Etat un revenu annuel de 20 millions. Je fixe le terme de vingt années, parce que, dans vingt ans, vous devez être la nation la plus riche, la plus heureuse de l'univers, ou vous aurez cessé d'être une nation ;
Ce revenu, les églises le trouveront dans une meilleure administration de leurs biens;
Dans la vente de leurs biens morts, de leurs fonds stériles, dans la réunion des évêchés et des paroisses;
Dans la suppression actuelles des corporations inutiles ;
Dans la suppression successive des abbayes et des bénéfices simples.
J'ai dit la suppression successive et j'ai dû le dire.
Tout titulaire jouit en vertu d'un contrat public, et ce contrat fait sa propriété. Si nous voulons être libres, soyons justes; soyons-le, s'il le faut, jusqu'à la faiblesse.
Que les titulaires qui n'auront pas le courage d'être citoyens jouissent tant qu'ils vivront des abus que vous avez proscrits, et que les lois de l'Eglise avaient proscrits avant vous.
Qu'aucun Français enfin n'ait à gémir d'être libre.
Craignons, craignons surtout de soulever les paroisses contre les paroisses, les églises coutre les églises, les provinces contre les provinces, le royaume entier contre lui-même, et, tandis que nous courons à la liberté et au bonheur, de n'arriver qu'à la dissolution.
(1). Messieurs, les biens du clergé appartiennent-ils à la nation? dans quel sens
lui appartiennent-ils? est-il libre à la nation de vendre ces mêmes biens pour
acquitter la dette nationale ? ses représentants feront-ils une chose juste en
décidant ces diverses questions dans le sens adopté par M. l'évêque d'Autun? C'est ce
qui a été longuement et savamment discuté dans cette Assemblée et surtout dans
plusieurs ouvrages qui nous ont été présentés sur cet objet (2)". Je ne traiterai
point cette question du juste ou de l'injuste; je me bornerai au calcul de l'avantage
ou de la perte : car est-il nécessaire, en faisant une opération de ce genre, de la
faire lucrative?
Plusieurs membres. A la question! ce n'est pas là la question (il se fait un grarïd tumulte sur un grand nombres de bancs).
, élevant fortement la voix. Il me paraît que la logique des poumons est aussi nécessaire dans cette Assemblée " que la logique du raisonnement.
Je dis que c'est tendre un piège que de vouloir v . isoler le principe de ses conséquences.
Ne peut-on pas, en conservant à chacun son état, ses propriétés, trouver des moyens pour faire contribuer les biens du clergé à l'acquit de la dette nationale, sans se priver pour l'avenir de cette précieuse ressource ; et ces moyens ne seraient-ils pas plus prompts, plus directs, plus efficaces, que le système de M. l'évêque d'Autun?
C'est sur l'examen de ces deux questions que je me borne, Messieurs, à demander votre attention (1).
Est-il d'une bonne, d'une sage politique de vendre les biens du clergé pour acquitter la dette nationale?
Tout Français forme le vu de voir acquitter celte dette; mais qui a jamais prétendu que cette même dette, fruit des guerres et du faste de Louis XIV, de la mauvaise administration des finances sous les règnes suivants, dût être acquittée sur-le-champ par la génération actuelle? Qui oserait violer les règles de l'équité jusqu'à soutenir que, pour nous libérer de cet énorme fardeau, il faut que chaque citoyen consente à la vente de ses biens, meubles et immeubles, à proportion de sa propriété? Qui ignore que; pour opérer le ^ bien, il faut une sage mesure, et dans le temps et dans le mode de l'opération ? Qui ne sait que, pour vouloir précipiter la guérison d'une grande maladie, on tue souvent le malade ?
Cette vente des biens du clergé est tout à fait contre les règles d'une bonne poliique : les exemples anciens et modernes établissent cette vérité incontestable.
Il ne suffit pas de dire qu'au moyen de cette vente, l'Etat se libérera d'une grande partie des effets royaux qu'on donnera pour comptant, et y pour prix de l'achat des biens du clergé, si cette libération présente des inconvénients plus considérables que la dette qu'on veut acquitter : or c'est ce qu'il ne me sera pas difficile, Messieurs, de vous démontrer.
Ces inconvénients sont : 1° que cette vente des > biens du clergé ruinera les
provinces, en détruisant l'agriculture, arrêtera la circulation et fera v passer les
biens-fonds dans la main des capitalis-
2° Que, supposant cette libération opérée par cette vente, il restera des charges indipensa-bles à remplir, plus fortes que celle qui viendra d'être acquittée ;
3° Que cette vente privera à jamais l'Etat d'un gage assuré, et d'une ressource toujours infaillible dans les temps de détresse; ressource dont on a fait si souvent usage, qu'on peut sans invraisemblance assurer qu'on sera encore forcé d'y recourir.
J'ai dit que cette vente ruinerait les provinces, détruirait l'agriculture et arrêterait la circulation : je vais le prouver.
Qui sont ceux qui se présenteront pour acquérir les biens du clergé, qui pourront même hausser les enchères ? Ce seront, n'en do utez pas, Messieurs, les porteurs des effets royaux si excessivement multipliés. Qui sont les porteurs des effets royaux? Ce sont des habitants de cette capitale, des Hollandais, des Génevois, des Impériaux, en un mot des étrangers à nos provinces, qui trouveront fort doux d'acquérir de bonnes et solides propriétés en échange d'effets discrédités. Que vont devenir nos provinces? Ce que devient tout pays où le consommateur n'est pas le propriétaire. Dans peu, la consommation cessant, plus de circulation,-l'agriculteur, privé du débit de ses denrées, négligera un sol autrefois fécond par son industrie, mais dont la fécondité lui deviendra inutile.
Quelle désolation ne porterait donc pas dans les provinces ce décret de la vente des biens du clergé !
Les provinces se contenteront-elles de s'abandonner à la désolation et au désespoir ? Croyez-vous que leurs habitants; accoutumés aux bontés des anciens propriétaires, verront paisiblement passer leurs propriétés dans des mains étrangères? Pensez-vous qu'un système aussi destructeur que celui présenté par M. l'évêque d'Autun puisse être accueilli dans ces mêmes provinces? Attendez-vous, Messieurs, à des réclamations de toutes parts ; j'en ai la preuve certaine, Et qui vous répondra que dans ce moment, où les esprits sont agités d'une effervescence universelle, on se contente de s'en tenir aux réclamations ? Ne donnons pas au peuple l'apparence du droit de pouvoir nous résister. Soyons justes, nous le trouverons soumis.
Ajoutez, Messieurs, à cette puissante considération, celle tirée des avantages sans nombre que procurent les corps ecclésiastiques aux provinces dans lesquelles ils résident, les aumônes abondantes, les fermages modérés, les aisances qu'ils fournissent aux cultivateurs, les travaux qu'ils procurent aux ouvriers, les établissements honnêtes qu'ils facilitent aux familles nombreuses. Anéantissez ces corps ecclésiastiques ; faites passer leurs propriétés dans les mains d'étrangers et non-résidants : avant un an, la misère la plus affreuse succédera à l'aisance; aux monuments respectables que la piété de nos ancêtres a consacrés au culte divin, à l'hospitalité, succéderont des monceaux de décombres, et le voyageur étonné demandera si des Goths, des Vandales, ont dévasté ces belles provinces.
Il ne vous échappera pas non plus que cette vente nécessitera indispensablement un gaspillage affreux, des frais immenses, une perte incalculable sur les effets mobiliers, tels que bibliothèques, manuscrits, etc. Quelle perte pour la littérature !
J'ajoute que cette vente serait de la plus grande
injustice. Elle s'opérerait, dit-on, pour libérer partie de la dette nationale; mais cette dette doit s'acquitter par la nation, prise cumulativement à raison de son étendue et de sa propriété : or, cette proportion serait immanquablement violée, et je connais, Messieurs, une des plus petites provinces du royaume, dont les propriétés sont presque toutes ecclésiastiques, et qui, par cette raison, contribuerait à l'acquit de la dette nationale cent fois plus qu'elle ne ledoit à raison desou étendue et de ses propriétés, calcul fait des détériorations que je crois inséparables du système que je combats.
Vous ne perdrez pas de vue, Messieurs, les collèges, les hôpitaux, et tant d'autres établissements utiles : leurs biens vendus, quelle ressource leur reste-t-il dans des temps de calamités ?
J'ai dit en second lieu que, cette vente des biens ecclésiastiques consommée, il restera des charges indispensables à remplir, plus considérables que celles résultant de la dette nationale.
Je n'abuserai pas, Messieurs, de votre bienveil lance à m'écouter, pour entrer dans la discussion du calcul de ces charges : il suffit de dire que les calculs les plus modérés démontrent que le produit actuel des biens ecclésiastiques serait insuffisant de plusieurs millions pour satisfaire aux charges que supportent les biens du clergé. Vous ne voudriez sûrement pas, Messieurs, en spoliant le clergé, condamner les individus à j)érir de misère : ce sont nos frères, nos concitoyens. Combien parmi nous ne doivent-ils pas leur éducation, leur état, la possibilité de se soutenir dans les emplois militaires et dans les emplois civils, aux bontés de ces mêmes ecclésiastiques qu'on voudrait aujourd'hui dépouiller I
Celte vente priverait pour toujours l'Etat d'une ressource à laquelle il a eu si souvent recours dans des temps de calamités, dans le cas d'une guerre soudaine, qui exige dans l'instant des sommes considérables d'argent, que ne peut fournir la marche lente et graduelle d'un impôt ; avec l'hypothèque des biens du clergé, le gouvernement trouve sans peine les secours pécuniaires dont il a besoin ; le clergé lui-même se charge de les fournir. Vendez les biens du clergé, que vous reste-t-il ?
Je n'ai point trop avancé, Messieurs, quand je vous ai dit que des exemples anciens et modernes démontraient que cette vente des biens du clergé est contraire aux règles d'une bonne et sage politique.
Qui de Vous ne connaît ce qui se passa en Angleterre sous Henri VIII ? 11 appropria à la nation les biens du clergé, et un an après, la nation dut recourir à de nouveaux emprunts ; c'est ce qui faisait dire à François Ier : f Mon frère a tué la poule qui lui pondait des ufs d'or. »
Mais voyons ce qui s'est passé en France et ce qui se passe chez nos voisins. La nation française est-elle devenue plus riche depuis l'expulsion des jésuites, des célestins ? Que sont devenus leurs biens, quel usage en a-t-onfait ?
Il semble que la Providence (car enfin, Messieurs il y en a une) marque du sceau de la réprobation toute opération qui n'est pas fondée sur l'équité.
Examinons l'exemple tout récent que nous donne l'Empereur dans les Pays-Bas autrichiens ; il n'a pas anéanti tout, mais seulement une partie du clergé, dans cette province renommée autrefois par sa richesse et sa population. Elle présente un tableau malheureusement trop vrai de la désolation et de l'indigence.
Le second objet que je me suis proposé de discuter est de savoir si on ne peut, en conservant à chacun son état et ses propriétés, trouver des moyens pour faire contribuer les biens du clergé à l'acquit de la dette nationale, sans se priver à l'avenir de cette précieuse ressource, perdue à jamais dans le système destructeur de M. l'évêque d'Autun.
Vous désirez, Messieurs, et votre désir est juste, que les richesses du clergé, peut-être infiniment exagérées, viennent actuellement aider à la libération de la dette nationale. Eh bien ! Messieurs, ne vous écartez pas des règles d'équité qui doivent dicter vos décrets : rejetez le parti proposé par M. l'évêque d'Autun ; assurez au clergé ses propriétés, l'inviolabilité de ses biens : je vous assure que dans peu, ce même clergé qu'on veut anéantir, fera pour la libération de la dette nationale des sacrifices qui surpasseront l'attente de la nation.
Cette promesse de ma part est-elle téméraire ? Je vous le demande, représentants du clergé qui m'écoutez ; n'êtes-vous pas disposas à donner sur-le-champ les preuves les plus décisives de votre généreux patriotisme ? Il me semble vous voir chacun dans vos provinces concourir avec une sainte émulation au soulagement d'une patrie qui de son côté vous protège et vous défend contre des novateurs aussi impolitiques qu'injustes.
Mais il ne suffit pas, Messieurs, que le clergé donne dans ce moment des preuves de son généreux patriotisme : la puissance législative doit veiller à ce que les biens du clergé soient employés d'une manière utile à la patrie.
Je m'en rapporte à la sagesse de l'Assemblée nationale pour atteindre ce but si désirable.
Elle prendra sans doute les mesures convenables pour qu'à l'avenir (car l'injustice qui dépouille un titulaire est révoltante pour toute âme honnête) on n'accumule plus sur la tête de la même personne des abbayes, des dignités, des bénéfices.
Plusieurs communautés régulières demandent, dit-on, elles-mêmes leur suppression.
La réponse est péremptoire : Volenti et consen-tienti non sit injuria. Qu'on supprime ces religieux qui sollicitent leur suppression, mais qu'on les regarde comme des hommes qui, foulant aux pieds leurs vux, cherchent une liberté dont ils ne tarderont pas à abuser.
Qu'on ne confonde pas avec ce petit nombre de religieux la quantité innombrable de religieux et de religieuses qui, dans leur solitude, implorent la miséricorde divine pour être conservés dans leur état.
D'après .ces,' considérations je me résume et je demande :
1° Que le système de M. l'évêque d'Autun soit rejeté comme attentatoire aux propriétés, inadmissible en bonne politique, contraire à toutes les règles de l'équité dans la répartition des contributions à l'acquit de la dette nationale et capable d'exciter les révolutions les plus dangereuses dans les provinces ;
2° Que les vues soumises à la sagesse de l'Assemblée nationale sur la nomination des béné-ficiers, l'usage de leurs revenus, les moyens d'établir la régularité dans les monastères, la réunion des prieurés et prévôtés aux maisons principales, soient renvoyés à l'examen du comité des affaires ecclésiastiques ; et je conclus finalement à ce que le comité fasse droit sur la demande qu'on dit
être faite par quelques communautés de leur suppression, en réservant aux individus une pension quelconque, et en appliquant les revenus de ces mêmes communautés à des objets que l'Assemblée nationale, jugera dans sa sagesse, être les plus utiles.
Le préopinant a commencé par vous dire qu'il ne traitait pas la question du juste ou de l'injuste, parcequ'il veut éviter un piège; en ce cas, Messieurs, je suis un grand dresseur de pièges.
demande acte de la déclaration de M. le comte de Mirabeau.
J'ai l'honneur de vous déclarer, pour le reste de ma vie entière, que j'examinerai toujours si le principe est juste ou injuste. La première nécessité imposée aux représentants de la nation est d'examiner si la proposi tion est juste ou injuste, sans examiner le déluge des inconvénients que l'on nous fait entrevoir.
Je vais me jeter dans le fond de la question.
Messieurs, lorsqu'une grande nation est assemblée, et qu'elle examine une question qui intéresse une grande partie de ses membres, une classe entière delà société, et une classe infiniment respectable ; lorsque cette question parait tenir tout à la fois aux règles inviolables de la propriété, au culte public,' à l'ordre politique et aux premiers fondements de l'ordre social, il importe de la traiter avec une religieuse lenteur, de la discuter avec une scrupuleuse sagesse, de la considérer surtout, pour s'exempter même du soupçon d'erreur, sous ses rapports les plus étendus.
La question de la propriété des biens du clergé est certainement de ce nombre ; une foule de membres l'ont déjà discutée avec une solennité digne de son importance. Je ne crois pas cependant qu'elle soit encore épuisée.
Les uns ne l'ont considérée que relativement à l'intérêt public ; mais ce motif, quelque grand qu'il puisse être, ne suffirait pas pour décréter que les biens du clergé appartiennent à la nation si l'on devait par là violer les propriétés d'une grande partie de ses membres. On vous a dit qu'il n'y a d'utile que ce qui est juste, et certainement nous admettons tous ce principe.
Les autres ont parlé de l'influence qu'aurait sur le crédit public le décret qui vous a été proposé, de l'immense hypothèque qu'il offrirait aux créanciers de l'Etat, de la confiance qu'il ressusciterait dans un moment où elle semble se dérober chaque jour à nos espérances ; mais gardez-vous encore, Messieurs, de penser que ce motif fût suffisant, si la déclaration que l'on vous propose n'était destinée qu'à sanctionner une usurpation. Le véritable crédit n'est que le résultat de tous les genres de confiance, et nulle confiance ne pourrait être durable là ou la violation d'une seule, mais d'une immense propriété menacerait par cela seul toutes les autres. Plutôt que de sauver l'empire par un tel moyen, j'aimerais mieux, quels que soient les dangers qui nous environnen t, me confier uniquement à cette Providence éternelle qui veille sur les peuples et sur les rois. Aussi n'est-ce pas uniquement sous ce point de vue que je vais envisager la même question.
Ceux-ci ne l'ont traitée que dans ses rapports avec les corps politiques, que la loi seule fait naître, que la loi seule détruit, et qui, liés par
cela même à toutes les vicissitudes de la législation, ne peuvent avoir des propriétés assurées lorsque leur existence même ne l'est pas. Mais cette considération laisse encore incertain le point de savoir si, même en dissolvant le corps du clergé pour le réduire à ses premiers éléments, pour n'en former qu'une collection d'individus et de citoyens, les biens de l'Eglise ne peuvent pas être regardés comme des propriétés particulières.
Ceux-là ont discuté plus directement la question de la propriété; mais en observant que celui qui possède à ce titre aie droit de disposer et de transmettre, tandis qu'aucun ecclésiastique ne peut vendre ; que le clergé, même en corps, ne peut aliéner; et que si des individus possèdent des richesses, nul d'entre eux, du moins dans l'ordre des lois, n'a le droit d'en hériter, ils n'ont peut-être pas senti que le principe qui met toutes les propriétés sous la sauvegarde de la foi publique doit s'étendre à tout ce dont un citoyen a le droit de jouir, et que, sous ce rapport, la possession est aussi un droit, et la jouissance une propriété sociale.
Enfin, d'autres ont discuté la même question en distinguant différentes classes de biens ecclésiastiques ; ils ont tâché de montrer qu'il n'est aucune espèce de ces biens à laquelle le nom de propriété puisse convenir. Mais ils n'ont peut-être pas assez examiné si les fondations ne devaient pas continuer d'exister, par cela seul que ce sont des fondations, et qu'en suivant les règles de nos lois civiles leurs auteurs ont pu librement disposer de leur fortune et faire des lois dans l'avenir.
C'est, Messieurs, sous ce dernier rapport que je traiterai la même question. On vous a déjà cité sur cette matière l'opinion d'un des plus grands hommes d'Etat qu'aient produits les temps modernes. Je ne puis ni l'approuver entièrement, ni la combattre ; mais je crois devoir commencer par la rappeler.
Il n'y a aucun doute, disait-il, sur le droit incontestable qu'ont le gouvernement dans l'ordre civil, le gouvernement et l'Eglise dans l'ordre de la religion, de disposer des fondations anciennes, d'en diriger les fonds à de nouveaux objets, ou mieux encore de les supprimer tout à fait.
L'utilité publique est la loi suprême, et ne doit être balancée ni par un respect superstitieux pour ce qu'on appelle intention des fondateurs, comme si des particuliers ignorants et bornés avaient eu le droit d'enchaîner à leur volonté capricieuse les générations qui n'étaient point encore, ni par la crainte de blesser les droits prétendus de certains corps, comme si les corps particuliers avaient quelques droits vis-à-vis de l'Etat. Les citoyens ont des droits, et des droits sacrés, pour le corps même de la société : ils existent indépendamment d'elle, ils en sont les éléments nécessaires, et ils n'y entrent que pour se mettre avec tous les droits sous la protection de ces mêmes lois auxquelles ils sacrifient leur liberté. Mais les corps particuliers n'existent point ni par eux-mêmes ni pour eux : ils ont été formés par la société, et ils doivent cesser d'être au moment où ils cessent d'être utiles. Concluons qu'aucun ouvrage des hommes n'est fait pour l'immortalité. Puisque les fondations, toujours multipliées par la vanité, absorberaient à la longue tous les fonds et toutes les propriétés particulières, il faut bien qu'on puisse à la fin les détruire. Si tous les hommes qui ont vécu avaient eu un tombeau, il aurait bien fallu,pour trouver des terres à cultiver,
renverser ces monuments stériles, et remuer les cendres des morts pour nourrir les vivants.
Pour moi, Messieurs, je distingue trois sortes de fondations: celles qui ont été faites par nos rois, celles qui sont l'ouvrage des corps et des agrégations politiques, et celles des simples particuliers»
Les fondations de nos rois n'ont pu être faites qu'uu nom de la nation ; démembrement du domaine de l'Eiat, ou emploi du revenu public et des impôts payés parles peuples, voilà par quelle espèce de biens ils s'acquittèrent d'un grand devoir ; et certainement la plus grande partie des biens de l'Eglise n'a point eu d'autre origine. Or, outre que les rois ne sont que les organes des peuples, outre que les nations sont héréditaires des rois, qu'elles peuvent reprendre tout ce que ceux-ci ont aliéné, et qu'elles ne sont aucunement liées par ces augustes mandataires de leurs pouvoirs, il est de plus évident que les rois n'ont point doté les églises dans le même sens qu'ils ont enrichi la noblesse, et qu'ils n'ont voulu pourvoir qu'à une dépense publique. Gomme chrétiens et chefs de l'Etat, ils doivent l'exemple de la piété ; mais c'est comme rois, sans doute, que leur piété a été si libérale.
On a déjà dit que la nation avait le droit de reprendre ies domaines de la couronne, par cela seul que, dans le principe, ces biens ne furent consacrés qu'aux dépenses communes de la royauté. Pourquoi donc la nation ne pourrait-elle pas se déclarer propriétaire de ses propres biens, donnés en son nom pour le service de l'Eglise ? Les rois ont des vertus privées; mais leur justice et leurs bienfaits appartiennent uniquement à la nation.
Ce que je viens de dire des fondations des rois, je puis le dire égalementde celles qui furent l'ouvrage des agrégations politiques. C'est de leur réunion que la nation se trouve formée, et elles sont solidaires entre elles, puisque chacune doit en partie ce que la nation doit en corps. Or, s'il est vrai que l'Etat doit à chacun de ses membres les dépenses du culte, s'il est vrai que la religion soit au nombre des besoins qui appartiennent a la société entière, et qui ne sont que les résultats de chacune de ses parties en particulier, les monuments de la piété des corps de l'Etat ne peuvent plus dès lors être regardés que comme une partie de la dépense publique.
Qu'ontfaitles agrégations politiques, lorsqu'elles ont bâti des temples, lorsqu'elles ont fondé des églises? Elles n'ont payé que leur portion d'une dette commune ; elles n'ont acquitté que leur contingent d'une charge nationale ; leur piété a dû devancer un plan plus uniforme de contribution, mais elle n'a pu priver la nation du droit de l'établir. Toutes les fondations de ce genre sont donc aussi, comme celles de nos rois, le véritable ouvrage, c'est-à-dire la véritable propriété de l'Etat.
Quant aux biens qui dérivent des fondations faites par de simples particuliers, il est également facile de démontrer qu'en se les appropriant, sous la condition inviolable d'en remplir les charges, la nation ne porte aucune atteinte au droit de propriété ni à la volonté des fondateurs, telle qu'il faut la supposer dansjl'ordre des lois.
En effet, Messieurs, qu'est-ce que la propriété, en général? C'est le droit que tous ont donné à un seul de posséder exclusivement une chose à laquelle, dans l'état naturel, tous avaient un droit égal ; et d'après cette définition générale, qu'est-
ce qu'une propriété particulière ? C'est un bien acquis eu vertu des lois.
Je reviens sur ce principe, parce qu'un honorable membre qui a parlé, il y a quelques jours, sur la même question, ne l'a peut-être pas posée aussi exactement que les autres vérités dont il a si habilement développé les principes et les conséquences. Oui, Messieurs, c'est la loi seule qui constitue la propriété, parce qu'il n'y a que la volonté publique qui puisse opérer la renonciation de tous, et donner un titre comme un garant à la jouissance d'un seul.
Si l'on se place hors de la loi, que découvre-t-on ?
Ou tous possèdent et dès lors, rien n'étant propre à un seul, il n'y a point de propriété.
Ou il y a usurpation, et l'usurpation n'est pas un titre.
Ou la possession n'est que physique et matérielle, sil'onpeut s'exprimer ainsi; et dans ce cas, aucune loi ne garantissant aucune possession, on ne saurait la considérer comme une propriété civile.
Telles sont, Messieurs, les fondations ecclésiastiques. Aucune loi nationale n'a constitué leclergé un corps permanent dans l'Etat. Aucune loi n'a privé la nation du droit d'examiner s'il convient que les ministres de la religion forment une agrégation politique, existant par elle-même, capable d'acquérir et de posséder.
Or, de là naissent encore deux conséquences. La première, c'est que le clergé, en acceptant ces fondations, a dû. s'attendre que la nation pourrait un jour détruire cette existence commune et politique, sans laquelle il ne peut rien posséder. La seconde, c'est que tout fondateur a dû prévoir également qu'il ne pouvait nuire au droit de la nation ; que le clergé pourrait cesser d'être un jour dans l'Etat ; que la collection des officiers du culte n'aurait plus alors ni propriété distincte, ni administration séparée, et qu'ainsi aucune loi ne garantissait la perpétuité des fondations dans la forme précise où elles étaient établies.
Prenez garde, Messieurs, que si vous n'admet-, tiez pas ces principes, tous vos décrets sur les biens de la noblesse, sur la contribution proportionnelle et sur l'abolition de ses privilèges, ne seraient plus que de vaines lois. Lorsque vous avez cru que vos décrets sur ces importantes questions ne portaient point atteinte au droit de propriété, vous avez été fondés sur ce que ce nom ne convenait point à des prérogatives et à des exemptions quela loi n'avait point sanctionnées, ou que l'intérêt"" public était forcé de détruire. Or, les mêmes principes ne s'appliquent-ils pas aux fondations particulières de l'Eglise?
Si vous pensez que les fondateurs, c'est-à-dire de simples citoyens, en donnant leurs biens au clergé, et le clergé, en les recevant, ont pu créer un corps dans l'Etat, lui donner la capacité d'acquérir, priver la nation du droit de le dissoudre, la forcer d'admettre dans son sein, comme propriétaire, un grand corps à qui tant de sources de crédit donnent déjà tant de puissance, alors respectez la propriété du clergé : le décret que je vous propose y porterait atteinte.
Mais si, malgré les fondations particulières, la nation est restée dans tous ses droits ; si vous pouvez déclarer que le clergé n'est pas un ordre, que le clergé n'est pas un corps, que le clergé, dans une nation bien organisée, ne doit pas être propriétaire, il suit de là que sa possession n'était que précaire et momentanée ; que ses Mens n'ont jamais été une véritable propriété; qu'en ies
acceptant des fondateurs, c'est pour la religion, les pauvres et le service des autels, qu'il les a reçus, et que l'intention de ceux qui ont donné des biens à l'Eglise ne sera pas trompée, puisqu'ils ont dû prévoir que l'administration de ces biens v passerait en d'autres mains, si la nation rentrait dans ses droits.
Je pourrais considérer la propriété des biens ecclésiastiques sous une foule d'autres rapports, si la question n'était pas déjà suffisamment éclair-cie.
Je pourrais dire que l'ecclésiastique n'est pas même usufruitier, mais simplement dispensateur. ? J'ajouterais, si on pouvait prescrire contre les nations,que les possesseurs delà plus grande partie des biens de l'Eglise ayant été depuis un temps immémorial à la disposition du roi, la nation n'a cessé de conserver par son chef les droits qu'elle a toujours eus sur la propriété de ces mêmes biens.
Je dirais encore que si les biens de l'Eglise sont consacrés au culte public, les temples et les autels appartiennent à la société, et non point à leurs ministres ; que s'ils sont destinés aux pauvres, les pauvres et leurs maux appartiennent à l'Etat; que s'ils sont employés à la subsistance des prêtres, toutes les classes de la société peuvent offrir des ministres au sacerdoce.
Je remarquerais que tous les membres du clergé sont des officiers de l'Etat ; que le service > des autels est une fonction publique, et que la religion appartenant à tous, il faut par cela seul que ses ministres soient à la solde de la nation, comme le magistrat qui juge au nom de la loi, comme le soldat qui défend, au nom de tous, les propriétés communes.
Je conclurais de ce principe que si le clergé n'avait point de revenu, l'Etat serait obligé d'y . suppléer ; or certainement un bien qui ne sert qu'à payer nos dettes est à nous.
Je conclurais encore que le clergé n'a pu acquérir des biens qu'à la charge de l'Etat, puis-qu'en les donnant, les fondateurs ont fait ce qu'à leur place, ce qu'à leur défaut la nation aurait dû faire.
Je dirais que si les réflexions que je viens de présenter conviennent parfaitement aux biens donnés par des fondateurs, elles doivent s'appliquer à plus forte raison aux biens acquis par les - ecclésiastiqnes eux-mêmes, par le produit des biens de l'Eglise, le mandataire ne pouvant acquérir que pour son mandant, et la violation de la volonté des fondateurs ne pouvant pas donner des droits plus réels que cette volonté même.
Je ferais observer que, quoique le sacerdoce parmi nous ne soit point uni à l'empire, la religion doit cependant se confondre avec lui; s'il prospère par elle, il est prêt à la défendre. Eh ! que deviendrait la religion, si l'Etat venait à succomber? Les grandes calamités d'un peuple seraient-elles donc étrangères à ces ministres de paix et de charité, qui demandent tous les jours à l'Etre suprême de bénir un peuple fidèle? Le clergé conserverait-il ses biens, si l'Etat ne pouvait plus défendre ceux des autres citoyens? Respecterait-on ses prétendues propriétés, si » toutes les autres devaient être violées ?
Je dirais : Jamais le corps de marine ne s'est approprié les vaisseaux que les peuples ont fait construire pour la défense de l'Etat; jamais, dans nos murs actuelles, une armée ne partagera entre les soldats les pays qu'elle aura conquis. Serait-il vrai, du clergé seul, que des conquêtes faites par sa piété sur celle des fidèles doivent lui
appartenir et rester inviolables, au lieu de faire partie du domaine indivisible de l'Etat?
Enfiu, si je voulais envisager une aussi grande question sous tous les rapports qui la lient à la nouvelle Constitution du royaume, aux principes de la morale, à ceux de l'économie politique, j'examinerais d'abord s'il convient au nouvel ordre de choses que nous venons d'établir, que le gouvernement, distributeur des toutes les richesses ecclésiastiques par la nomination des titulaires, conserve par cela seul des moyens infinis d'action, de corruption et d'influence.
Je demanderais si,pour l'intérêt même de la religion et de la morale publique, ces deux bienfaitrices du genre humain, il n'importe pas qu'une distribution plus égale des biens de l'Eglise s'oppose désormais au luxe de ceux qui ne sont pas les dispensateurs des biens des pauvres, à la licence de ceux que la religion et la société présentent aux peuples comme un exemple toujours vivant de la pureté des murs.
Je dirais à ceux qui s'obstineraient à regarder comme une institution utile à la société celle d'un clergé propriétaire, de vouloir bien examiner si, dans des pays voisins du nôtre, les officiers du culte sont moins respectés pour n'être pas propriétaires ; s'ils obtiennent et s'ils méritent moins de confiance ; si leurs murs sont moins pures, leurs lumières moins étendues, leur influence sur le peuple moins active, je dirais presque moins bienfaisante et salutaire.
Ce n'est point, on le sent bien, ni notre religion sainte, ni nos divins préceptes que je cherche à comparer avec des erreurs ; je ne parle que des hommes; je ne considère les officiers du culte que dans leurs rapports avec la société civile ; et certes, lorsque je m'exprime ainsi devant l'élite du clergé de France, devant ces pasteurs citoyens qui nous ont secondés par tant d'efforts, qui nous ont édifiés par tant de sacrifices, je suis bien assuré que nulle fausse interprétation ne pervertira mes intentions ni mes sentiments.
Je reviens maintenant sur mes pas. Qu'ai-je prouvé, Messieurs, par les détails dans lesquels je suis entré ?
Mon objet n'a point été de montrer que le clergé dût être dépouillé de ses biens!, ni que d'autres citoyens, ni que des acquéreurs dussent être mis à sa place.
Je n'ai pas non plus entendu soutenir que les créanciers de l'Etat dussent être payés par les biens du clergé, puisqu'il n'y a pas de dette plus sacrée que les frais du culte, l'entretien des temples et les aumônes des pauvres.
Je n'ai pas voulu dire non plus qu'il fallût priver les ecclésiastiques de l'administration des biens et des revenus dont le produit doit leur être assuré. Eh! quel intérêt aurions-nous à substituer les agents du fisc à des économes fidèles, et à des mains toujours pures des mains si souvent suspectes?
Qa'ai-je donc, Messieurs, voulu montrer? Une seule chose : c'est qu'il est, et qu'il doit être de principe, que toute nation est seule et véritable propriétaire des biens de son clergé. Je ne vous ai demandé que de consacrer ce principe, parce que ce sont les erreurs où les vérités qui perdent ou qui sauvent les nations. Mais en même temps, afin que personne ne pût douter de la générosité de la nation française envers la portion la plus nécessaire et la plus respectée de ses membres, j'ai demandé qu'il fût décrété qu'aucun curé, mêmeceux des campagnes, n'aurait moins de 1,200 livres.
Ce discours est vivement applaudi.
Je viens réfuter les objections que l'on a opposées à nos principes. J'ai besoin, Messieurs, d'être soutenu par un sentiment profond de mes devoirs pour rentrer dans la lice. Je me vois encore environné de ces mêmes génies qui demandent un décret dont je m'efforce de vous démontrer l'injustice. Mais au delà de cette enceinte qui renferme tant de citoyens illustres, j'aperçois la France, l'Europe et la postérité, qui jugeront vos jugements.
Je ne me défends pas du peu de faveur que j'aurai, à défendre dans la capitale la cause des provinces.
J'ai eu l'honneur de vous exposer mon opinion sur la propriété des biens ecclésiastiques ; j'ignorais les moyens de nos adversaires, mais je m'attacherai à celui qui m'a été désigné par vos suffrages. Vous le savez, Messieurs, plus on a d'esprit plus on s'égare, et j'espère que M. Thouret en fournira un exemple mémorable.
J'avouerai d'abord que je n'ai pas été peu étonné du système que l'on a employé pour soutenir une pareille cause. Où en serait la société, s'il ne fallait consulter que toutes ces idées chimériques et gigantesques de la métaphysique? Où en serions-nous, s'il fallait croire à une mort violente sans homicide, et à une expropriation sans envahissement?
M. Thouret, jurisconsulte estimable, a dû se méfier des conséquences raisonnées qu'il a tirées d'un principe peu raisonnable. Le principe que je combats n'est pas nouveau pour nous.
La question présente remonte fort loin : je vais esquisser sa généalogie.
A Rome, des publicistes obligeants voulurent soutenir que tous les biens des Romains appartenaient à César : ce principe destructeur du genre humain fut rejeté avec horreur. Le chancelier Duprat reproduisit ce système en ne l'appliquant qu'au clergé, pour l'appliquer ensuite à toutes les propriétés, et ce système fut réprouvé de toute la France. M. de Paulmy le reproduisit encore, et Louis XV le proscrivit et l'appela un système de Machiavel. 11 vint alors se réfugier dans l'Encyclopédie : c'est de là que M. Thouret l'a tiré, de même que M. de Mirabeau le sien, sur les fondations. Voyez ce mot, § 6.
Ainsi je puis éviter ici toute personnalité, et j'aime mieux répondre à un paragraphe de l'Encyclopédie qu'à M. Thouret. En lisant sa motion, j'ai cherché quel était le véritable propriétaire des biens ecclésiastiques. M. Thouret ne se décide pas, il élude le mot ; il évite une discussion périlleuse; c'est une prise de possession qu'il propose à l'Etat, sans aucun prétexte d'investiture.
La loi nous autorise depuis quatorze cents ans à posséder et à acquérir des biens que la nation voudrait aujourd'hui envahir comme par déshérence. Où sont ses titres?
M. Thouret distingue les individus et les corps : c'est une subtilité. Une propriété antérieure à la loi est une chimère : il n en existe que par la loi. Rousseau définit la propriété, le droit au premier occupant par le travail. Il a fallu que la loi intervînt; car personne ne sème s'il n'a là certitude de recueillir.
Il n'est pas exact de dire que la nation a créé les corps : elle a reçu les ministres dans son sein ; nous possédions nos biens avant la conquête de Clovis.
Les individus, dit-il, existent sans la loi; les corps ne subsistent que par elle : quelle brillante métaphysique 1 Mais jusqu'ici le clergé n'existait-il pas par la volonté des peuples? n'était-il pas
reconnu par toutes les lois de l'Etat? Et d'ailleurs les individus eux-mêmes peuvent-ils avoir des propriétés sans lois? Dites-moi quelles sont les propriétés antérieures aux conventions sociales? Est-ce le droit du premier occupant? Eh bien! le clergé vous oppose ce droit. Pouvez-vous lui en-lever des biens qu'il possédait avant que vous existassiez ?
La nation n'a d'autre droit que celui du plus fort : les hostilités de la force seraienl-elles donc des décrets de la loi ? La nation a, dit-on, le droit de détruire un corps; mais pouvons-nous changer la religion? Avons-nous reçu des pouvoirs suffisants de nos commettants? Nous sommes un pouvoir constituant, régénérateur, et non destructeur. M. Thouret dit que détruire un corps, ce n'est pas un homicide ; avec des ligures on détourné la véritable acception des mots ; si l'existence est la vie morale des corps, la leur ôter c'est bien être homicide.
Malheur à une nation où les propriétaires n'auraient que ces patentes antérieures à la loi pour défendre leurs propriétés ; en trois syllogismes on les envahirait.
L'auteur d'Emile, pour donner une définition de la propriété à son élève, a cité la loi : personne n'aurait cultivé la terre s'il n'eût été sûr de recueillir. La propriété est le rapport des choses et des personnes ; elle est un premier rempart pour Je travail; au delà tout est chimérique. Interrogez l'homme du peuple, lui que la philosophie devrait -interroger plus souvent : il répondra que personne ne peut chasser l'homme qui est dans sa maison, et le cultivateur qui laboure son champ.
Nous possédions la plupart de nos biens avant Clovis, et il serait peut-être facile de prouver qu'alors le clergé était beaucoup plus riche qu'il n'est aujourd'hui.
Depuis ce temps nos propriétés ont été, comme les vôtres, sous la sauvegarde delà loi. Nos biens, dit-on, sont soumis à des formalités; mais toutes les administrations ont des entraves, les contrats, les rentes, les substitutions : s'ensuit-il que le Corps législatif puisse envahir toutes les propriétés, puisque c'est le Corps législatif qui règle les formalités qui portent sur nos biens comme sur les biens particuliers?
L'on vous a dit que vous étiez forts, et que le clergé était faible. Si vous êtes forts, c'est pour nous protéger, et non pour envahir les biens -ecclésiastiques,
Le clergé, dit-on, ne peut acquérir ni aliéner. Lui a-t-on disputé sa propriété lorsqu'il a payé la rançon de François 1er, payé les dettes de Charles IX? Ne nous aura-t-il été permis de posséder pendant quatorze cents ans, que pour nous déposséder en un seul jour? Si cela était, il ne faudrait pas dire que nous sortons des forêts de la Germanie, mais il faudrait répondre aux auteurs de ces maximes anti-sociales qu'ils veulent nous y ramener.
La suppression des biens ecclésiastiques ne peut être prononcée que par le despotisme en délire. Youdrait-on nous les prendre comme des épaves, ou bien par droit de confiscation? C'est l'idée la plus immorale; car il n'a jamais été permis de succéder à un corps à qui l'on donnait la mort. C'est ainsi que Crébillon faisait parler Rhadamiste: Ah! peut-on hériter de ceux qu'on assassine?
L'édit de 1749 n'a pas défendu d'acquérir, mais d'acquérir sans le consentement du souverain ; il permet de placer sur le Roi, et c'est une propriété. D'ailleurs, le clergé n'a pas toujours eu besoin de cette autorisation. Au delà du seizième siècle, on
n'aperçoit point de formes. L'édit de 1749 lui-même n'a pas prononcé l'inaptitude du clergé à ^être propriétaire ; il n'a voulu qu'arrêter l'accaparement des propriétés.
On dit qu'il importe de multiplier les mutations; est-il des propriétés qui changent plus rapidement de main? Tous les vingt ans il y a mutation. On prétend favoriser l'agriculture; est-il des terres mieux cultivées que les nôtres? On assure qu'on augmenterait, qu'on doublerait les revenus des hôpitaux, des collèges, etc., en vendant leurs biens au denier 30. Eh I qui voudra acheter si vous mettez pour 2 milliards de biens ?en circulation? Les capitalistes trouvent plus de profit au mouvement de leurs fonds que dans l'acquisition des terres.
Comparez les provinces où l'Eglise possède des biens, vous verrez quelles sont les plus riches ; comparez celles où les ecclésiastiques ont peu de , propriétés, vous verrez que la terre s'ouvre à regret pour récompenser les bras languissants de ^peux qui la cultivent sans amour.
Le prix croissant du pain, l'augmentation du numéraire, la banque nationale, tout apprend ' aux corps qu'ils ne pourraient subsister s'ils n'avaient qu'un revenu pécuniaire.
M. Necker, avec une adresse particulière, a proposé en 1780 une loi qui permettait aux hôpitaux de vendre leurs biens, et d'en placer sur le Roi \e produit, qu'il payerait annuellement, soit en grain, soit en argent. Ce projet était un peu plus favorable que celui de M. d'Autun ; malgré tout, aucun hôpital n'a vendu, et les bons citoyens ont applaudi à leur zèle.
M. le comte de Mirabeau vous a proposé de consacrer le principe, sans s'occuper des conséquences. Je m'honore d'avoir à combattre un tel adversaire; mais je ne lui répondrai que quand »J'Assemblée nationale sera devenue une école de métaphysiciens. Il ne veut pas qu'on discute les conséquences; mais si elles sont funestes, dangereuses, il faut donc laisser de côté le principe. Au surplus, M. le comte de Mirabeau, dans son système, rempli de paralogismes, dit que les fondations ont été faites par le culte. Non, jamais le clergé n'a été salarié, et toutes les fondations ont été particulières; vous ne pouvez pas plus vous "-en emparer que le parlement d'Angleterre ne peut s'emparer de l'électorat de Hanovre. ~ Le préopinant a déclaré qu'il n'y avait aucune loi qui autorisât les fondations. Qu'il lise les ca-pitulaires : Quidquid ecclesia possidet, in illius ditione maneat res possessa, etc., etc.
S'il y a trop de bénéfices simples, comme je le reconnais, il faut y remédier; pour remédier aux ^abus d'un corps, il n'est pas nécessaire de l'étouffer. Il existe des monastères sans religieux; mais en les a fait retirer pour doter des hôpitaux.
Pourquoi dépouiller les curés qui ont plus de 1,200 livres? pourquoi dépouiller les ecclésiastiques que vous appelez riches, et qui n'étaient que les distributeurs de ces richesses, qui assistaient les pauvres, les orphelins, qui faisaient ^des avances aux laboureurs? La France vous demande d'améliorer le sort des curés congruistes, et non d'appauvrir ceux qui jouissent légalement fl'une dotation plus opulente.
Au surplus, il faut respecter les fondations. M. de Mirabeau dit oui; je réponds que le culte n'a jamais été payé par la nation. 11 n'y a pas de fondations publiques, mais des fondations particulières. Les fiefs sont des donations des rois; si l'on peut s'emparer des biens du clergé sous ce prétexte, pourquoi respecterait-on les fiefs ? S'il
y a trop de bénéfices simples, il faut en diminuer le nombre; mais cette réduction partielle n'est pas une raison pour opérer une destruction totale. Le talent de régénérer ne sera-t-il donc que l'art malheureux de détruire? Vous l'avez dit vous-mêmes avec amertume, vous êtes environnés de ruines, et vous voulez augmenter les décombres qui couvrent le sol où vous deviez bâtir. Tout est en fermentation dans le royaume, nos provinces
sont assemblées..... Kst-ce en faisant sans cesse des victimes que vous voulez opérer le bien public? Déjà vous êtes réduits à empêcher les citoyens de s'assembler..... (Violents murmures.)
Le plus terrible despotisme est celui qui prend le masque de la liberté.
J'ai brigué l'avantage de répondre à M. l'abbé Maury, parce qu'il m'a fait l'honneur de me distinguer particulièrement; il m'a accusé, dans sa très-antipatriotique et très-pompeuse péroraison, d'avoir arrangé des phrases; je ne m'attribue pas ce mérite; l'honneur en reste, aux yeux des connaisseurs, à M. l'abbé Maury. Il m'accuse d'avoir employé des idées métaphysiques; mais en peut-on employer d'autres sur le clergé, sur des corps qui, par une fiction, partagent les droits des individus ?
M. l'abbé Maury m'a-t-il réfuté? Je ne le pense pas. Si je suivais le plan qu'il a tracé, nous serions toujours hors de la question; il a posé en question ce qui lui incombait à prouver.
J'ai soutenu que la nation avait le droit de décréter que la propriété des biens du clergé appartient à l'Etat, qu'il était utile que ce décret fût porté. Qu'a dit M. l'abbé Maury contre ce droit ? Que la nation n'a pas le droit de violer la propriété : cela est imposant, mais ce n'est qu'un sophisme. Il prétend que je n'ai pas prononcé positivement contre la propriété du clergé; je me suis expliqué, et je m'explique nettement : le corps du clergé n'est pas propriétaire.
J'ai distingué les corps et les individus; c'est là ce que M. Maury appelle de la métaphysique; mais je ne sais si les corps moraux qui n'ont qu'une existence idéale, peuvent être définis par d'autres mots que ceux qui leur sont propres..... Ces corps n'existent pas par eux, mais par la loi, et la loi doit mesurer l'étendue dans laquelle elle leur donnera la communication des droits des individus. Tous les corps ne sont que des instruments fabriqués par la loi pour faire le plus grand bien possible. Que fait l'ouvrier, lorsque son instrument ne lui convient plus ? il le brise ou le modifie. Je n'en dirai pas davantage, parce que M. l'abbé Maury a rempli son discours d'idées incohérentes et nullement relatives à cette question.
Je ne suis entré dans aucun détail sur l'emploi des biens du clergé ; je ne l'ai pas dû. La motion ne porte que sur le principe, et il est instant qu'il soit décrété.
L'heure de 2 heures étant arrivée, l'Assemblée suspend la discussion pour s'occuper selon l'usage d'affaires urgentes.
MM. le baron de Landenberg-Wagenbourg, le marquis de Lancosne et Bordeaux, députés, demandent des congés pour un temps très-court et limité.
Les congés sont accordés.
M. Camus, président, étant incommodé, cède le fauteuil à M. Fréteau, ancien président.
, membre du comité des rapports, rend compte à l'Assemblée d'une requête pré-
sentée par la commune et le corps municipal de la ville de Nevers, par laquelle ils dénoncent un membre de la municipalité de cette ville, accusé de malversations dans l'administration des subsistances, dont il était chargé, et demandent qu'il en soit fait une prompte et sévère justice. M. De-fermon fait lecture d'un projet d'arrêté, proposé par le comité des rapports, tendant à traduire l'accusé par devant le Ghâtelet, et à inviter le corps municipal de Nevers à continuer ses soins pour le maintien de la tranquillité publique.
aîné. Il ne faut pas prodiguer les titres d'accusation ; ce n'est là qu'un vol et les tribunaux ordinaires sont compétents ; il suffit donc de renvoyer au pouvoir exécutif, qui donnera les ordres nécessaires pour faire juger l'accusé.
J'appuie l'amendement de M. Ga-rat, comme étant conforme aux principes de la justice.
consulte l'Assemblée et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport d'une dénonciation à elle adressée par la commune et le corps municipal de la ville de Nevers contre un membre de la municipalité de cette ville, accusé de malversations dans l'administration des subsistances, dont il était chargé, a renvoyé l'affaire au pouvoir exécutif, pour en déférer le jugement au tribunal qui doit en connaître. »
fait la motion suivante concernant l'instruction publique et l'éducation nationale (1) :
Messieurs, l'Assemblée nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif; la liberté de la nation consiste à n'obéir qu'aux lois qui lui sont données par les citoyens qu'elle a choisis elle-même ; mais c'est surtout à cet empire qui vient de la persuasion, que l'Assemblée doit aspirer. Des idées nouvelles ne sont pas toujours facilement saisies par un peuple accoutumé aux procédés du gouvernement absolu ; ou s'il vient à les détester autant qu'ils le méritent, il est à craindre qu'il n'évite pas toujours l'excès contraire. Quel est le préservatif de ces dangers qui bordent la route que nous avons à parcourir? L'instruction ! C'est la législation des esprits ; elle xait descendre sur le peuple la sagesse de ses représentants; elle éclaire quand la loi commande; elle plie les murs; elle accommode les idées aux besoins de la révolution; elle donne aux décrets qu'il faut observer, la puissance des pensées que l'esprit humain produit de lui-même et qu'il embrasse comme son propre ouvrage; enfin, dans le temps des intrigues, des fausses rumeurs, des séductions accumulées, des maximes pernicieuses, c'est l'instruction qui doit venir au secours de la vérité outragée et ramener la paix : elle renverse également les projets des esclaves et des despotes. Le moment est donc venu où notre premier devoir est d'instruire.
Il ne faut point ici de hautes conceptions ni de principes métaphysiques. Nous avons
besoin du ton simple et familier de la vérité qui persuade en se montrant et qui se
rend visible à tous les yeux. Les représentants de la nation n'ont pas de plus beau
ministère à remplir, puisqu'il est le
Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale arrête que le comité de rédaction fera choix de cinq de ses membres, lesquels seront chargés de rédiger sur chacun des décrets importants de l'Assemblée, de soumettre à son jugement, de faire ensuite imprimer à un très-grand nombre d'exemplaires, publier et distribuer, dans tout le royaume, des instructions simples, précises et familières, dans lesquelles les principes seront mis à la portée de tous, et la^ sagesse des décrets rendue sensible.
« L'Assemblée arrête également que les mêmes| commissaires prépareront un plan d'éducation nationale et d'instruction publique, et qu'ils en communiqueront avec les membres du comité de Constitution, pour porter ensemble ce travail au degré de perfection dont il est susceptible. »
J'observerai sur cette mo-1 tion qu'il est infiniment dangereux de faire soi-même le commentaire de sa loi, et que les commentaires attaquent toujours et détruisent souvent les lois.
aîné. Je l'avoue, les commentaires des commentateurs étrangers à la loi sont destructeurs de la loi; ou ils ne la connaissent pasf ou ils cherchent à égarer plutôt qu'à instruire. Mais lorsque les commentateurs sont les législateurs eux-mêmes, peut-on conserver ces craintes? Instruire les peuples et les conduire à l'obéissance par la raison, c'est leur rendre le plus grand de tous les services.
Je demande que, la motion soit divisée et que l'Assemblée statue sur la partie qui concerne le plan d'éducation nationale.
La motion est aussi inutile que dangereuse. Il n'y a pas lieu d'y donner suite.
consulte l'Assemblée, qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.
, l'un des secrétaires, a présenté un extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale, du 29 octobre, revêtu du1 sceau de l'Assemblée, renfermant la mention d'une adresse du clergé de Dax, qui contient des protestations contre le décret de l'Assemblée nationale du 11 août, quoique dans le procès-verbal qui a été lu, il ne soit rien dit de cette adresse.
M. de Rostaing a dit l'avoir reçu des mains d'un des commis du secrétariat : celui-ci ayant été appelé, il a été reconnu que l'erreur avait été occasionnée parce que la notice des adresses qui devait être lue à la séance du 29 octobre était restée parmi les papiers de cette séance, quoique la lecture n'en ait pas été faite.
« L'Assemblée a ordonné la suppression du fauf extrait, et cependant que les commis ne pourront donner communication ou copie des procès-verbaux, décrets ou papiers, sans un ordre des secrétaires de l'Assemblée nationale, et que sorc imprimeur n'imprimera aucun acte émané d'elle, sans en avoir reçu l'ordre du président ou des! secrétaires. »
lève la séance, après avoir
indiqué celle de demain pour neuf heures et demie du matin.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du pro-leès-verbal de celle du jour précédent ; cette lecture a été suivie de celle de plusieurs adresses de villes et municipalités du royaume, portant remrrciements et félicitations à l'Assemblée nationale, et adhésion à ses décrets ;
D'une adresse des officiers de la sénéchaussée des Lannes, séant à Saint-Sever-Cap, contenant 'une délibération du 25 septembre dernier, par jaquelle ils s'engagent à distribuer la justice gratuitement ;
D'une délibération de la communauté de Saint-André de Valborgne en Cévennes, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant 1a, contribution patriotique du quart des k revenus de chaque citoyen ;
D'une délibération des officiers du bailliage et -ét siège présidial de Vesoul en Franche-Comté, où ils adhèrent de même audit décret concernant la contribution patriotique ;
D'une délibération du .même genre du siège prévôtal de ladite ville ;
D'une délibération de la ville de Saint-Marcellin .en Dauphiné, où elle renouvelle son vu d'adhésion sans réserve à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et arrête que son député aux Etats de la province, et celui du doublement, attendront que leur convocation soit confirmée par un décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le souverain, avant de se rendre à l'assemblée extraordinairement convoquée à Romans le deux du mois prochain ;
D'une adresse et délibération de la ville de Joinville en Champagne, contenant félicitations, 11 remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée, notamment à celui qui invite tous les ^habitants du royaume à la contribution patriotique du quart de leur revenu ; y joint un arrêté du comité permanent pour arrêter les fraudes des droits sur le sel et le tabac, et un mémoire tendant à obtenir une juridiction royale au lieu de la justice seigneuriale qui se trouve supprimée
D'une délibération du même genre de la ville ^.de Fumay. Les habitants déclarent qu'ils regarderont toujours comme un devoir inaltérable de sacrifier jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la liberté de la nation, et de l'autorité légitime d'un Roi qu'ils adorent comme le plus beau présent que la Divinité ait jamais pu leur faire. La municipalité offre, * comme don patriotique, la somme de 1,200 livres qu'elle avait obtenue du gouvernement pour le soulagement des malheureuses familles que la rigueur du froid avait affligées ;
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville d'Eu, qui demande
une
D'une délibération de la ville de Donzy en Nivernais, par laquelle, en persistant dans celle du 6 du mois dernier, où elle souscrit à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, elle ratifie spécialement le décret du 6 du présent mois, concernant la contribution patriotique, et renonce au remboursement promis aux contribuants.
Et enfin, des délibérations du comité de Saint-Péray en Vivarais, contenant plusieurs observations sur les décrets de l'Assemblée nationale, relativement à sa permanence, à la sanction royale, et à la contribution du quart des revenus.
M. le président a annoncé que M. Sabathier, conseiller-administrateur d'une municipalité de Bourgogne, a fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage intitulé : Vues consolantes et impartiales; que M. Fenouillot de Falbaire a présenté un mémoire concernant les finances, qui va être distribué dans les bureaux ; et que M. Prieur, graveur, a fait don d'une estampe allégorique sur le rétablissement de la paix.
annonce que M. Sancy père, député de Chalon-sur-Saône, demande à être remplacé par son fils, élu pour suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés. L'Assemblée admet M. Sancy fils, à la place de son père.
, s'apercevant que l'extinction de sa voix le met hors d'état de remplir ses fonctions dans le cours de la séance, se fait remplacer au fauteuil par M. Fréteau, ex-président. .
PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU.
On lit une lettre de M. le maréchal de Castries à l'Assemblée nationale, ainsi conçue :
« Messieurs, la dignité dont je suis revêtu, le ministère que j'ai exercé, et dont je suis prêt à rendre compte, le respect que j'ai pour les décrets de l'Assemblée, exigent de moi que je vous prévienne que je suis forcé de m'éloigner pendant quelque temps. Madame la maréchale de Castries désire consulter M. Tissot. Nous allons à Lausanne, et je serai prêt de revenir pour donner à l'Assemblée tous les renseignements nécessaires dans mon administration, et qui pourront être utiles à la nation et au Roi.
« Signé : le maréchal DE CASTRIES. »
demande que les membres aient la permission de se couvrir la tête, permission nécessaire aux vieillards et à ceux qui ont contracté cette habitude. L'observation de M. de Foucault est trouvée juste et accueillie.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur les notions relatives à la propriété des biens ecclésiastiques.
M. le duc de La Rochefoucauld demande la parole sur l'ordre du jour.
(1). Mes-
Je ne dirai rien sur le principe de la propriété des biens du clergé qui me paraît avoir été suffisamment traité ; mais j'attirerai votre attention sur un autre principe collatéral à celui-là, et sur lequel les préopinants me semblent ne s'être pas assez expliqués. Un grand ministre, dont le nom prononcé hier avec respect a été très-indécemment relevé, M. Turgot, de qui je me ferai toujours gloire d'avoir été le disciple et l'ami, bien convaincu que la nation peut disposer des biens de tous les corps qui n'existent que par sa volonté, M. Turgot, Messieurs, était également convaincu que la jouissance usufruitière appartenait aux titulaires actuels et que Je droit public du royaume et surtout la bonne foi la leur assuraient, à la déduction seulement des charges tant publiques que particulières dont ces sortes de biens peuvent être tenus. Un Etat de qui la France aurait dû plutôt être le modèle que l'imitatrice, la Pologne, qui vient cette année même de prononcer un décret semblable à celui qu'on vous propose, a conservé les droits des titulaires actuels.
Je n'examine point le plan des finances proposé par M. de Talleyrand, évêque d'Autun; lorsqu'il sera soumis à la discussion, j'aurai mon avis, et peut-être penserai-je que la vente des biens ecclésiastiques ne doit être faite qu'à mesure des extinctions, et qu'en économie politique comme en finance, cette opération faite successivement sera préférable à une vente totale et simultanée des biens du domaine et des biens ecclésiastiques ; mais aujourd'hui je dois me borner à vous proposer de décréter le principe de la propriété des biens du clergé, et à solliciter votre sagesse et surtout votre justice pour le principe du droit des titulaires actuels. J'ai donc l'honneur de vous proposer la motion suivante :
Que l'Assemblée nationale statuera aujourd'hui sans désemparer sur l'objet de la discussion actuelle.
Et j'adopte la motion telle qu'elle vous a été présentée par M. Thouret, en vous proposant d'y ajouter :
1° Que le traitement des curés, outre le logement et le jardin, sera au moins de 1,200 livres évaluées en grains sur le prix moyen depuis 10 ans;
2° Que le taux numérique de ce traitement augmentera par la suite à proportion de l'augmentation du prix des grains ;
3° Qu'à l'égard des évêques et autres bénéfi-ciers, si la vente des biens ecclésiastiques était ordonnée avant l'extinction des titulaires actuels,il sera fixé à ces titulaires un traitement honorable et proportionné, tant à l'importance de leurs fonctions qu'à la valeur de leurs bénéfices ;
4° Que tous les ordres religieux seront incessamment supprimés ;
5° Que les religieux et religieuses recevront une pension convenable et proportionnée aux facultés de l'ordre et qu'il sera assigné des maisons où ceux et celles qui voudront continuer à vivre en commun pourront se réunir;
6° Qu'aussitôt ce décret rendu, l'Assemblée or-
donnera que les scellés soient apposés sur tous les chartriers ecclésiastiques.
, évêque d'Uzès, rejette cette proposition, en observant que l'Assemblée ne peut pas savoir si dans la suite on ne présentera pas la question sous de nouveaux points de vue qui pourraient rendre nécessaire une plus longue discussion.
s'opposent à cette opinion.
Sur l'observation faite par un des secrétaires, que cinquante personnes ont demandé la parole, je pense qu'il serait convenable d'autoriser le clergé à choisir des défenseurs auxquels un nombre égal de membres répondraient.
rejette cette motion, parce que la question que l'on discute n'intéresse pas seulement le clergé, mais toute la nation.
On demande la division de la motion de M. le duc de La Rochefoucauld.
consulte l'Assemblée sur la première proposition seulement tendant à rendre un décret, dans la séance de ce jour, sur la question des biens ecclésiastiques.
L'Assemblée décide que le décret sur la propriété des biens ecclésiastiques sera rendu aujourd'hui.
La discussion est ouverte sur les diverses motions précédemment faites sur cette question.
, curé de Chérignè (1). Je ne conçois pas qu'une propriété puisse appartenir à un corps, encore moins au grand corps de la nation. Le souverain ne peut posséder des biens, mais il peut présider à leur usage et en régler la destination. Ce n'est donc pas comme propriétaire, c'est comme souverain que la nation disposera des biens du clergé. Leur emploi est un objet très-urgent, car les décimateurs chargés des portions congrues ont déclaré qu'au premier de janvier prochain ils n'en payeraient plus aucune; il faut donc prendre des précautions pour cette époque.
Je propose de décréter les articles suivants :
Art. 1er. La nation, à raison du droit de souveraineté,
peut et doit faire l'application des biens ecclésiastiques de la manière la plus
avantageuse à la société.
Art. 2. La dépense nécessaire pour l'entretien décent du culte public, et pour la
dotation honnête des ministres, est une dette nationale privilégiée dont l'Assemblée
assurera l'acquittement pour le 1er janvier prochain.
Art. 3. La nation, en qualité de souverain, peut et doit supprimer tous les établissements religieux inutiles; ainsi l'Assemblée ordonnera provisoirement :
1° Qu'il ne sera point nommé aux bénéfices simples qui vaqueront par la suite, et que ces sortes de bénéfices seront supprimées à la première vacance;
2° Que le Roi sera supplié de ne plus nommer aux abbayes et aux prieurés en commende,
et de différer la nomination aux églises cathédrales,
3° Qu'on donnera une pension viagère aux chanoines actuels des églises collégiales ; que les chapitres seront supprimés, sans excepter les chapitres nobles dont, l'institution est aussi opposée aux principes de l'égalité sociale que contraire à l'esprit de l'Evangile.
4° Que les chapitres des cathédrales seront réformés pour les ramener à leur institution primitive, ou supprimés;
5° Que l'Assemblée nationale chargera son comité de constitution de lui présenter, sans délai, aux séances des vendredi et samedi, ses réflexions sur cette question : Le clergé régulier n'étant pas nécessaire pour le ministère, sera-t-il supprimé sans exception, ou bien quelques congrégations seront-elles conservées et appliquées à quelques objets d'utilité publique?
6° Qu'il sera fait dans toutes les églises cathédrales et collégiales, ainsi que dans tous les monastères, un inventaire exact de l'argenterie des églises et de la vaisselle à l'usage des maisons religieuses, et que cet inventaire sera envoyé à l'Assemblée nationale.
, archevêque d"Aix (1). Messieurs, les biens des églises appartenaient à ceux qui les ont donnés ; ils pouvaient les donner, ils pouvaient les retenir. Ils en avaient la liberté, par le droit naturel, quand elle n'était point interdite par la loi. Cette liberté même, assurée par la loi, formait une partie de leur propriété. La propriété des églises est celle des citoyens qui les ont dotées. C'est la même loi qui protégeait la libre disposition de leurs biens dans l'usage de leur vie et daus le cours du commerce, et qui protégeait la disposition qu'ils en ont faite en faveur des églises. On ne peut pas enfreindre la loi qui maintient le don, sans enfreindre la loi qui maintenait la faculté de donner.
Les acquisitions faites par les églises semblent ajouter un droit de plus à leur propriété. Les églises ont acquis à titre onéreux, sous la protection des lois, une grande partie de ce qu'elles possèdent. Voudrait-on leur ravir ce qu'elles ont acquis, comme ce qu'elles ont reçu?
Les biens donnés aux églises, les biens acquis par les églises étaient soumis à des charges et des services. Us dépendaient de plusieurs propriétaires ou suzerains : ils ne pouvaient pas être donnés, vendus, acquis sans leur approbation. Toutes les anciennes chartes rapportent les preuves et les formules de leurs consentements successifs et graduels. Tantôt les services étaient conservés, et chaque église les acquittait selçn les lois ou les coutumes ; tantôt ils étaient abolis, et leur abolition était stipulée, et la confirmation de toutes les parties intéressées donnait à ces stipulations la force et la perpétuité.
Ce sont ces contrats, émanés de toutes les classes de citoyens, qu'il faut annuler pour envahir les biens des églises.
Observez qu'il faut reconnaître ces contrats, ou qu'il faut les contester.
Pouvez-vous contester leur existence? 11 faut renverser tous les monuments de
l'histoire de France et de celle de l'Europe, pour les révoquer en doute.
Pouvez-vous nier qu'ils n'aient été reconnus pendant tant de siècles comme valides, perpétuels et irrévocables?
Vous ne pouvez pas les détruire, sans détruire toutes les lois qui leur ont donné leur sanction. Vous ne pouvez pas reconnaîtra que ces lois sont irrévocables, quand vous les révoquez; qu'elles sont perpétuelles, quand vous les abrogez ; qu'elles sont valides, enfin, quand vous les annulez.
La plus grande partie des possessions des églises provient de la cession des biens des chefs des églises et des monastères. C'étaient les plus puissantes familles qui donnaient des religieux aux églises et des chefs aux églises. Ces hommes,dévoués au cloître et au gouvernement des diocèses, consacraient à la religion leurs biens comme leur liberté. C'est là la plus grande partie des biens des églises de France. Comment peut-on ravir à leurs successeurs les droits qu'ils leur ont transmis? 11 n'y a rien là qui manque à l'intégrité du contrat. Ce n'est pas l'effet d'une pénitence tardive et des terreurs de la mort. C'est la disposition d'une vie entière et non l'acte d'un moment. C'est sous la protection des lois que les cessions ont été faites et consommées. Et c'est après cinq, après huit et douze siècles qu'on veut réclamer contre des lois constamment exécutées.
Il est des possessions de l'Eglise dont l'origine remonte, par des titres incontestables, avant l'établissement même de la monarchie. Les divi sions de métropoles et des diocèses d'une partie de la France furent connues sous l'empire des Romains, et les chefs des églises, admis dans les municipalités des Gaules, jouissaient des pouvoirs civils et politiques, et de tous les droits de propriété que les lois pouvaient donner aux corps établis, ainsi qu'aux citoyens.
Que devient la première de toutes les lois, sans laquelle toutes les autres ne sont rien, la prescription? Il n'y a pas dans les lois de toutes les nations policées, il n'y a pas dans celles de la France une seule loi sur les propriétés qui ne suppose la prescription. Cette loi, qui prévient ou qui répare tous les maux inséparables de l'oubli des traditions et de la perte des titres, est rappelée dans toutes les ordonnances, édits et déclarations qui concernent les propriétés.
Quelle est la possession qui puisse invoquer cette prescription dix ou douze fois centenaire, qui semblait mettre les antiques possessions des églises à l'abri de toute atteinte?
Les titres des biens des églises ne sont pas seulement ceux des donations et des contrats.
Des terres incultes, inhabitées, données à l'Eglise, ont été défrichées par des possesseurs laborieux. Ils ont appelé des habitants. Ils les ont nourris, entretenus. Ils les ont mis à l'abri des guerres et des vexations. Ils ont ouvert des routes au commerce. Us ont donné l'exemple aux propriétaires de biens-fonds. Us ont enrichi, fécondé la France entière, et la valeur progressive de leurs possessions, et de toutes les possessions, est le monument éternel de leurs travaux ou de leurs soins. .
Ces accroissements de culture et de prospérité sont des possessions qui leur appartiennent au premier de tous les titres, et ces possessions, qui ne furent ni données, ni vendues, sont l'ouvrage de leurs mains et comme un présent qu ils ont fait à l'Eglise et que la nation ne peut pas lui disputer.
Vous respectez le droit de celui qui peut établir parmi vous une nouvelle manufacture, et vous ne voulez pas reconnaître les droits de ceux qui ont établi, pour le bonheur de vos pères et pour le vôtre, la plus riche des manufactures, celle d'une terre cultivée et féconde.
Ce n'est pas tout. Ils ont donné ces terres mêmes qu'ils avaient cultivées. Ils les ont distribuées, sans réserves ni droits, parmi les habitants des campagnes. La plupart des terres possédées sans redevances dan3 le voisinage des monastères sont un don de la religion et de la charité. On les distingue des possessions plus éloignées qui supportent toutes les anciennes charges de la féodalité.
Tous les titres se réunissent pour protéger et pour maintenir les possessions des églises, ceux des donations, ceux des acquisitions, ceux des plus antiques possessions, l'inviolable loi de la prescription, le droit du travail et de l'industrie, et le droit plus saint et plus respectable eucore de la bienfaisance et de la charité.
Vous demandez notre consentement, comme' celui de tous les citoyens, pour établir un impôt sur nos biens, et vous ne le demandez pas pour les vendre et les aliéner. L'impôt est l'emploi d'une partie de la propriété. Nous devon-s avoir les mêmes droits sur notre propriété tout entière que sur une partie de notre propriété. Quelle est la classe de citoyens dont on puisse aliéner les possessions, sans l'offre et le consentement des possesseurs? Il ne suffirait pas d'obtenir un consentement présumé parla voie d'une représentation nationale, pour disposer des mêmes fonds sur lesquels on établit une imposition. Nous réclamons les droits de toutes les classes de citoyens.
Vos députés avaient dit, en votre nom, que toutes les possessions et les propriétés du clergé seraient inviolables et sacrées.
Il est impossible qu'une Assemblée nationale, plus forte et plus éclairée par la réunion de tous les représentants de la nation, oublie ses engagements,ses promesses et tous les principes qu'elle regardait comme fondés sur les premières notions de la justice et sur la législation entière du royaume.
On dit que la propriété des biens ecclésiastiques n'est pas une vraie propriété :
Premièrement, parce qu'elle n'emporte pas la liberté d'aliéner, et qu'elle se borne à la simple jouissance d'un usufruit ;
Secondement, parce que l'Eglise forme un corps moral, incapable de posséder.
Les substitutions ne laissent pas la liberté d'aliéner, et les substitutions sont des propriétés. Vous pouvez détruire les substitutions pour l'avenir. Vous ne pouvez pas ravir les biens à ceux auxquels ils sont substitués. Vous pouvez détruire les substitutions, quand elles ne sont pas perpétuelles ou graduelles. Voilà les moyens légitimes qui vous sont donnés pour exécuter les idées justes, et faire des choses utiles. Appliquez ces principes aux substitutions des biens ecclésiastiques, et vous jugerez de la nature de leurs propriétés, ainsi que des moyens sages d'y mettre des bornes.
Les églises de France n'ont point aujourd'hui la liberté d'aliéner ; elles avaient la liberté d'aliéner dans les mêmes temps qui sont l'époque de leurs donations et de leurs acquisitions. On n'a pas voulu laisser à la discrétion des titulaires le dangereux pouvoir de dissiper les biens des églises. C'est pour les conserver qu'une loi pro-
tectrice a fait perdre aux titulaires la faculté de les aliéner. On ne peut pas invoquer, pour détruire les possessions ecclésiastiques, les lois établies pour les conserver.
L'usufruit des titulaires des bénéfices a pour objet leur entretien personnel et leurs services. -Leur entretien personnel est un objet semblable à celui de tous les usufruits. Les possessions usufruitières des citoyens de tous les Etats ne forment pas un autre genre de propriété. Vous ne pouvez pas disposer des possessions des citoyens, quand elles ne sont qu'un usufruit.
Nous respectons, comme une propriété, l'usufruit des rentes viagères, qui ne sont créées que pour une génération, et qui doivent s'éteindre avec elle, et nous ne regarderions pas comme une propriété des rentes foncières transmises à la succession des titulaires, dans toutes les générations ! Qu'importe, enfin, que ce soit la propriété d'un homme ou d'une succession d'hommes? Les propriétés héréditaires ou transmissibles se composent elles-mêmes des propriétés successives de chaque génération ; et si la possession . d'une seule génération n'est pas inviolable, celle de toutes les générations ne peut pas l'être.
L'usufruit est l'élément de toute propriété : ce serait révoquer toutes les propriétés en doute, que de ne pas regarder les jouissances habituelles et usufruitières de chaque génération comme une propriété. L'usufruit même des titulaires est la propriété perpétuelle de chaque église. C'est un usufruit dans les mains des titulaires ; c'est une propriété dans les mains de chaque église, et chaque église réclame sa propriété. Ce n'est donc pas une raison de dire qu'une église n'a pas une vraie propriété, parce que celle des titulaires des bénéfices n'est qu'un usufruit.
Il reste à savoir si l'Eglise, ou chaque église, qui n'est et ne peut être qu'un corps moral, est capable de posséder.
Il faut considérer que la propriété de chaque église n'est que la succession des usufruits de chaque titulaire : c'est la même question, considérée sous une autre dénomination. On ne peut pas nier que chaque titulaire ne puisse être usufruitier, on ne peut donc pas nier que chaque église ne puisse avoir une propriété qui n'est elle-même que la succession des usufruits des bénéficiers.
Pourquoi chaque église ne pourrait-elle pas posséder, comme un hôpital, un collège, un établissement public, comme les communautés, les provinces et comme la nation ? La nation elle-même n'est qu'un corps moral. Elle ne peut pas posséder, s'il est vrai qu'un corps moral ne puisse pas avoir de propriété. Elle ne peut pas disposer des biens des églises, s'il est vrai qu'elle ne puisse pas posséder. Elle ne peut pas exercer sa propriété sur les églises, quand elle ne peut pas en avoir une.
La plus grande propriété, dans toutes les nations, est celle de la puissance publique ; et c'est par des classes et des collections de citoyens que s'exerce la puissance publique.
Il faut le dire, c'est par des relations morales que se forme l'existence de tous les corps, et que s'entretient celle même des familles. Ce sont des relations morales qui sont l'objet de tous les sentiments, et le principe de tous les droits établis ; et les lois sont les nuds qui resserrent ces liens nécessaires des sociétés et des propriétés des citoyens.
La propriété des églises doit, sans doute, avoir des bornes, comme les pouvoirs exercés par tous les corps,celles que leur marque l'utilité publique.
Leurs propriétés sont chargées d'un service indispensable ; ce n'est pas pour la libre disposition et le seul entretien personnel des ministres de la religion que leurs biens leur furent donnés. Peut-on croire que leurs droits soient affaiblis par l'utilité des objets sur lequels ils doivent s'exercer? Et leur propriété doit-elle être moins respectée, par les raisons mêmes qui la rendent plus respectable? Supposez que la propriété n'apDartient pas aux titulaires ; supposez qu'elle n'appartient pas même aux églises ; nous la réclamons pour les objets et les services auxquels elle est affectée.
On ne songe qu'aux revenus des bénéfices. On oublie le titre des bénéficiers.
C'est leur titre qui fait leur propriété ; c'est à leurs services, c'est aux devoirs de leur ministère que sont attachées leurs possessions. Les lois civiles et canoniques ont uni les possessions au titre et le titulaire à l'Eglise. Il faut détruire des liens consacrés par la religion et confirmés par r la loi pour changer l'état des titulaires et la disposition des revenus. On ne peut pas séparer le titre et la propriété; on ne peut pas ravir la propriété sans détruire le titre ; ii n'est personne, sans doute, parmi nous qui veuille ôter à l'Eglise le pouvoir de conférer les titres canoniques, d'établir les services spirituels, et d'exercer sa juridiction dans l'ordre des lois de la religion. Faut-il regarder l'Eglise comme étrangère et non * reçue dans l'Etat ? Faut-il attribuera la puissance civile cette suprématie que toutes les décisions regardent comme une autre religion et comme un schisme ? Un décret qui dispose des biens des églises s'arrête aux effets et ne remonte pas aux principes. Ces principes sont dans les lois qui ne sont point révoquées, et qui subsistent dans toute leur force; ce sont les lois mêmes de v l'Eglise et de l'Etat. C'est l'union de la puissance civile et de la juridiction ecclésiastique qui forme le titre des bénéfices. On ne peut pas annuler, sans leur concours, leurs formes communes et leurs unanimes dispositions.
Que deviendraient les droits des patrons, dont les bénéficiers ont reçu leur titre, et que toutes les lois ont respectés ; quand les lois ont cru pouvoir négliger ou forcer le consentement des titulaires, celui des communautés ecclésiastiques, pour procéder à des suppressions, des aliénations et des unions utiles à l'Eglise et à l'Etat, elles ont toujours cru devoir laisser aux patrons laïques leur inviolable liberté. On ne peut pas détruire, sans les consulter, des possessions indépendantes de leur nomination. Ou ne peut pas aliéner les biens des églises, sans détruire les droits ou sans " obtenir le consentement des-patrons.
Que deviendront les droits plus sacrés des fon-v dateurs, dont les bénéficiers sont les véritables mandataires ? De quel droit, à quel titre peut-on ordonner que leurs intentions ne seront pas remplies?^ ont chargé les titulaires d'un service auquel leurs biens sont affectés. Ce service est celui de la religion, vous la respectez et vousne ? voulez pas la détruire, et vous sentez à quel point ii est nécessaire de conserver la religion dans . l'esprit des peuples. Vous ôteriez une base à la morale. Quelle est la base que vous pourriez y substituer? Nulle voix ne parle au cur de l'homme malheureux et solitaire, comme celle qui ne vient ni des rois, ni des juges, ni des riches, ni de nul de ses semblables, celle qui pénètre son asile dans les moments de son désespoir ou de son repos, et dans les tristes intervalles
de ses travaux et de son sommeil. C'est là, c'est dans le fond de son cur que les lois des humains ont besoin d'un autre appui que celui de toutes les puissances humaines. A Dieu ne plaise que je croie pouvoir exposer en un moment toutes les raisons qui rendent chaque jour plus sensible l'utilité delà religion. La puissance civile a besoin sans cesse d'y recourir elle-même dans les grandes calamités; et le Roi n'a pas trouvé de frein plus puissant pour réprimer les mouvements populaires, que celui des leçons et des maximes toujours respectées de la religion. Quand on reconnaît que le maintien de la religion est utile et nécessaire aux Ktats, on doit reconnaître le droit des fondateurs qui donnent leur propre bien pour un objet utile et nécessaire à l'Etat, et nous ne pouvons pas le violer, quand nous sommes forcés de le reconnaître.
Il est même des donations qui effacent plus sensiblement le caractère de la propriété des fondateurs, celles qui stipulent la reversion dans le cas de changements prévus. C'est en vertu d'une clause semblable que le roi de Sardaigne a repris des biens donnés à l'Eglise par ses ancêtres. Et si les familles de tous les fondateurs étaient connues, elles auraient sans doute des droits à réclamer sur les dispositions de leurs biens, contraires à leurs intentions; on ne peut suppléer aa consentement des fondateurs que par celui des églises auxquelles ils ont transmis tous leurs droits.
Si l'intention des fondateurs n'est pas remplie comme elle doit l'être ; si les abus ont détourné l'emploi des biens consacrés ; ah! sans doute, il faut réformer les abus : réformer n'est pas détruire. Nous concourons aux intentions des fondateurs parla réforme des abus. Nous violons les intentions des fondateurs par l'usurpation des biens.
Quelles que soient ces raisons, on dira peut-être qu'elles peuvent servir à diriger les dispositions des biens de l'Eglise, et non à nous interdire le droit d'en disposer.
Car enfin l'Eglise ne peut pas posséder sans l'autorité de la nation ; c'est la nation dont elle tient la faculté de posséder. La nation peut retirer son autorisation : la nation peut refuser à l'Eglise la faculté qu'elle lui donne.
Voilà le vrai principe. Ce n'est pas la nation qui donne les biens aux églises ; ce n'est pas à la nation, c'est aux églises que les biens ont été donnés. Mais c'est de la nation que chaque église tient la faculté de posséder, nous sommes loin de fonder les titres des églises sur les seules volontés des patrons et des fondateurs, des citoyens ou des rois. Nous en affaiblirions l'autorité, si nous ne remontions pas à sa source. Les rois sont les représentants héréditaires de la nation : les rois et les citoyens sont soumis aux lois de la nation. C'est en vertu des lois qu'ils ont donné des droits aux églises; c'est l'autorité des lois, c'est celle de la nation qui confirmait tous les pouvoirs et tous les droits des églises, et qui les mit à l'abri de toute atteinte. Oui, nous possédons au titre le plus respectable, celui de la volonté de la nation depuis l'établissement de la monarchie. Rien ne manque à nos possessions de tout ce qui peut en légitimer la propriété. Les possessions patrimoniales ne sont pas fondées sur d autres lois que les nôtres, parce qu'il est impossible de séparer aucun titre de propriété de la loi qui le protège, et parce que la loi ne peut pas avoir une plus grande force que celle de la volonté de la nation.
La nation a donné la faculté de posséder à l'Eglise.
Elle peut la lui retirer.
Il faut expliquer le sens des mots.
Elle peut interdire à l'Eglise le droit d'acquérir de nouvelles possessions : elle exerce ainsi le retrait de la faculté qu'elle avait donnée. L'édit de 1749 a rempli le voeu de la nation, et ne lui laisse plus rien à craindre pour l'avenir.
Mais elle ne peut pas donner un effet rétroactif à son interdiction; elle ne peut pas déclarer aujourd'hui qu'elle n'avait point accordé la faculté de posséder aux églises. Sa déclaration serait démentie par l'état même des possessions ecclésiastiques, comme par tous les monuments de l'histoire.
Si les églises étaient habiles à posséder en vertu de toutes les lois nationales, leurs possessions sont légitimes ; elles sont sous la protection de la justice et de la foi publique, et nulle force humaine ne peut légitimer l'infraction de la justice et de la foi publique.
Pouvons-nous révoquer tous les titres, toutes les chartes, tous les contrats privés ou publics déposés dans les archives de chaque église et dans celles de la nation? Pouvons-nous révoquer tous les édits, ordonnances et déclarations qui forment le droit public du royaume, comme celui de l'Eglise de France? Pouvons-nous révoquer douze siècles de possession ? Et qu'est-ce qu'une révocation qui devient elle-même la preuve de la légitimité, de toutes les possessions qu'elle tend à détruire?
Si quelque homme puissant avait envahi les possessions de ses vassaux par les mômes principes qui menacent les possessions des églises, que dirait l'Assemblée nationale de l'usurpation de l'homme puissant, et de la réclamation de ses vassaux ?
Tel serait le langage de l'usurpateur: Ces biens m'appartiennent: le fonds est à moi : ils furent donnés pour des services qui ne sont plus remplis, et que je ne dois ni ne veux exiger : c'étaient les servitudes d'un temps de barbarie; oublions-les pour jamais. Je détruis et je romps moi-même tous les biens de la féodalité: mes vassaux rentrent dans leur liberté ; je rentre dans mon domaine. C'est de mes pères qu'ils tenaient ce qu'ils possèdent : une légère redevance était Je gage de la protection; c'était un bienfait bien plus qu'un service. Ils ne veulent plus acquitter la redevance; ils ne doivent plus posséder la terre. Je leur retire ce que mes pères leur avaient donné.
Son langage ne doit pas être le vôtre, et nos titres sont bien supérieurs à ceux de ses vassaux, et nous ne refuserons pas d'acquitter les services qui forment notre éternelle redevance.
Si quelque autre puissance, si celle du gouvernement avait voulu nous ravir nos possessions, quelle aurait été notre espérance? Nous aurions dit : C'est à la nation à nous défendre. Nous serions venus plaider devant vous avec confiance la cause des lois, celle des possessions de nos commettants et celle des propriétés de tous les citoyens. Nous aurions mis notre force dans l'appui de la puissance législative, que nous n'avons pas à distinguer de celle des lois. Nous aurions dit : Des hommes que la nation a choisis pour faire les lois ont dépouillé les préjugés, les erreurs et les haines. Ils sont sans passions, comme les lois mêmes. Us considèrent quelle est l'étendue de leurs pouvoirs. Ils ne pourraient pas en mesurer l'étendue, s'ils ne voulaient pas en connaître les bornes. Ils veulent faire des lois utiles, et ils
n'ignorent pas que les lois ne sont pas utiles quand les moyens ne sont pas justes; l'injustice est l'injure faite au droit et à la loi. Gomment la loi peut-elle s'offenser elle-même? La justice et la vérité reposent dans son sanctuaire,et l'Assemblée, qui fait les lois,ne peut admettreni souffrir la violation des lois.
De quel droit pourrions-nous abandonner nous-mêmes les intérêts de nos églises et les droits de nos commettants? Est-ce ainsi que nous pouvons abuser de leurs pouvoirs? Est-ce que leurs intentions ne sont pas clairement énoncées dans nos mandats ? Pouvons-nous exercer des pouvoirs que nous n'avons pas? Lisez vos propres cahiers, vous verrez combien ils sont loin de cetle étonnante et subite révolution. Avons-nous des pouvoirs contraires à toutes les volontés connues de ceux qui nous ont donné des pouvoirs?
Nous éprouverons des réclamations qui peuvent partager la nation; et s'il est vrai qu'elles soient celles de la justice, qui doivent la persuader; si la nation persuadée révoque dans la suite des lois que nous aurons portées, quels seront les sages représentants de la nation qui n'auront pas su s'en défendre ? Il est des moments où le courage est dans la sagesse et dans la modération. Est-il dans notre pensée, est-il dans notre pouvoir d'interdire les réclamations des parties intéressées? Souvenons-nous que nous avons fait la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le premier droit du citoyen est de réclamer les lois qui forment son état et sa possession. Et c'est parce que notre puissance semble n'avoir point de bornes, que chaque citoyen a le droit et l'intérêt de découvrir et de marquer les bornes que nous prescrivent la raison et la loi.
Nous n'avons pas seulement défendu les droits des églises. Nous avons plaidé la cause même des lois. Et nous ne pensons pas qu'il soit de l'intérêt de la nation de renverser tous les principes qui sont la force des lois.
Il est certain que l'Etat ne peut pas s'emparer des biens des églises sans trahir les intentions des fondateurs, déposées sous le sceau de la foi publique, sans détruire des droits acquis et reconnus de tous les temps, des propriétés antérieures à la monarchie, et sans annuler toutes les lois des donations et des acquisitions, la loi même de la prescription sans laquelle il n'y a point de propriété.
Quelles peuvent en être les suites? Les voici :
Les citoyens apprendront quel est le sort des utiles dispositions faites aux dépens des familles. Ce n'est pas sans peine et sans effort qu'on dérobe une partie de son patrimoine à ses parents, à ses enfants, pour en faire l'héritage de la patrie. 11 paraît qu'aujourd'hui les regards de la charité se tournent vers les asiles de l'indigence. La religion donne les mêmes conseils que l'humanité. Ses ministres se plaisent à remplir dans des rapports chaque jour plus étendus et par des soins peut-être mieux dirigés les devoirs attachés à leur ministère. Us répandent sur les maisons de charité cette partie de leurs aumônes dont une destination publique révèle le secret. Ils savent montrer aux hommes doux et généreux les objets sur lesquels doit s'étendre l'exercice de leurs vertus. Plusieurs hôpitaux accablés sous le poids de leurs dettes, ne se sont soutenus que par les dons des bons citoyens. Quand ils verront nos propriétés ravies et nos temples abandonnés, ils se demanderont dans leur surprise quel est le monument qui puisse échapper à sa destruction. On sait que les hôpitaux,
comme toutes les autres administrations publiques, ont leurs abus et même leurs vices. Ils n'en seront pas moins nécessaires aussi longtemps que les soins de la charité n'iront pas rechercher les besoins au lieu de les attendre, et ne répandront pas les secours dans l'intérieur des maisons et dans le sein des familles. Les secours, mémo alors, seront nécessaires aux libres et pieuses associations chargées du soin des infirmes et des malades; et qui sait si les fonds donnés aux hôpitaux ne disparaîtront pas avec eux? Il ne faut qu'une spéculation d'un moment pour enlever aux établissements les plus solides des revenus et des biens qui seront appelés ceux de la nation. Quel est l'établissement public qui puisse avoir une administration bien ordonnée, quand il peut craindre que chaque moment ne soit celui de sa chute, quand il ne peut plus se reposer, ni sur la sainteté des donations, ni sur la validité des contrats, ni sur la protection des lois?
Nous attaquons aujourd'hui les donations faites aux églises. Nous attaquerons les donations faites aux communautés, à tous les corps établis. Nous ne respecterons pas les donations faites à des collatéraux, à des étrangers aux dépens des héritiers naturels. Nous jugerons les motifs. Nous remonterons aux principes. On nous a déjà proposé d'abolir les testaments. Nous dirons : Les testaments sont des actes illégitimes qui transmettent la propriété des moissons qui ne sont pas encore, des moissons que le testateur, injuste usurpateur de l'avenir, ne doit ni semer ni recueillir. Nous ferons d'un mot, d'un seul mot une révolution subite dans les lois delà moitié de la France. A quelles conséquences ne peuvent point s'étendre des principes que ne tempère point la connaissance des murs et des lois? On sait quelle doit être l'influence des principes du droit naturel sur la législation. Mais on doit savoir aussi quelles sont les modifications indispensables que les plus sages lois reçoivent de l'influence des usages et des lois établies. Si nous pouvons rétracter les donations faites à l'Eglise dans toute la franchise de la propriété, il n'y a point de donations qui soient à l'abri de notre nouvelle législation. Et si nous pouvons donner un effet rétroactif à la révocation des lois, il n'y a point de citoyen qui puisse se reposer en paix sur les titres de sa propriété.
Pourquoi les acquisitions, les échanges, les ventes et les achats des particuliers sont-ils respectés quand ils ne sont plus ? Parce que les uns ont eu la faculté de vendre, et les autres celle d'acheter; parce que leur contrat mutuel é'ait libre et volontaire, et parce que la loi, toujours présente, peut donner à des actes qui semblent des volontés d'un moment une existence durable et perpétuelle.
Si les contrats n'avaient qu'un terme court, une époque rapprochée, s'ils ne duraient pas plus que les hommes qui les signent, si chaque partie se réservait le pouvoir de les résilier, ou si les deux parties, contractant une obligation à vie, mettaient une entière confiance dans leur volonté mutuelle, il n'y aurait pas besoin de revêtir les contrats de toutes les formalités dispendieuses des lois.
Ce sont des lois immuables qui forment la sanction des contrats ; c'est parce que les générations disparaissent, c'est parce que les hommes étendent leurs pensées par delà le terme de l'âge humain, qu'ils confient à des lois toujours vivantes la disposition de leurs volontés.
Si nous pouvons ébranler la validité, la perpé-
tuité des contrats qui sont les fondements de tous les droits transmis et de toutes les possessions acquises, nous suspendons le cours du commerce. Nous arrêtons la circulation des biens et des richesses. Nous détruisons tous les rapports des besoins mutuels des hommes et tous les biens de la société.
Croyons-nous pouvoir distinguer les biens de l'Eglise de ceux des citoyens? Ge sont les mêmes lois qui protègent les uns comme les autres. Ge sont les mêmes lois, et nous les violons. Et qu'importe qu'elles soient violées sur un point plutôt que sur un autre? L'infraction est la même. La loi était générale; elle cesse de l'être; elle peut multiplier ses exceptions, quand elle en admet une.
On a dit que les biens des églises étaient semblables aux anciens bénéfices chargés d'un service, et donnés au nom de la nation. On peut dire, on dira dans la suite que les terres données en fief ne sont que d'anciens bénéfices chargés d'un service, et donnés au nom de la nation comme les biens des églises. On dira que la nation peut les reprendre comme les terres données à l'Eglise, et la même comparaison peut servir également pour envahir les biens des églises et les fiefs.
Il n'est pas à craindre, dira-t-on, que les propriétaires s'accordent pour attaquer les propriétés patrimoniales. Ainsi nous n'établissons plus le fondement des propriétés sur les lois, mais sur les intérêts, et nous oublions qu'il est le ressort actif et puissant des intérêts momentanés contre les intérêts habituels des nations et l'impartiale équité des lois.
L'établissement de l'impôt était une violation, et la plus funeste violation des propriétés, quand il n'était point consenti par les propriétaires.
Depuis combien de temps ce principe est-il reconnu une loi fondamentale de l'Etat? Nous ne songeons pas assez à quel point nous devons rendre grâces aux vertus du premier de nos princes qui rend ses droits à la nation. Nous ne comptons pas encore deux années écoulées depuis qu'un roi de France a reconnu la loi fondamentale d'un peuple libre.
Pensez-vous, si jamais les non-propriétaires des biens-fonds dominent dans une Assemblée nationale, que les droits de propriétaires de terre ne puissent pas être violés?
Ces droits, diront les ministres de la religion, ces droits étaient les nôtres, ils nous étaient communs avec nos concitoyens. Nous n'en voulions pointd'autres. Nous abjurions avec empressement tous les privilèges qui pouvaient tendre à nous séparer de la nation. Ge n'est pas seulement dans cette Assemblée que nous avons établi la maxime fondamentale de l'égalité des contributions. Lisez nos cahiers, les cahiers de toutes les assemblées d'élection. Il n'y a pas de mandats plus fortement prononcés que ceux qui concernent l'égalité des contributions de tous nos biens aux charges publiques. Nous ne pensions pas qu'on nous ravirait nos biens quand nous voulions les imposer, et qu'au lieu de confirmer le principe de l'égalité des contributions et de la nécessité du consentement, on nous réduirait à donner le premier exemple de de l'infraction de la loi des propriétés, qui réclame le consentement des propriétaires.
On dirait que nous voulons séparer notre génération de toutes celles qui l'ont précédée, comme une nation de toutes les autres nations. Nous renversons tous les droits acquis ; nous ne reconnais-
sons plusles antiques possessions; nous semblons détacher le moment fugitif de notre faible et passagère existence, de tous ses rapports avec les temps qui ne sont plus. Le passé n'a plus rien de commun avec le présent. Le présent ne peut plus influer sur l'avenir. Ce que nous faisons, ce que nous ne faisons pas, est égal pour ceux qui viendront après nous. Ils suivront nos exemples, et ne suivront pas nos lois. Ils regretteront nos décrets; qui sont les droits que nous pouvions acquérir sur la postérité, comme nous regrettons les droits des églises acquis et reconnus de tous les temps.
Vous croyez pouvoir satisfaire aux besoins de l'Etat en vous emparant des biens des églises, et telle est l'estimable erreur qui vous séduit. On peut avoir des vertus personnelles et des erreurs funestes. Une opération n'est point utile quand elle n'est pas juste. Une injustice n'est pas une ressource pour les Etats. On nuit plus à l'administration par Je sentiment que produit l'injustice, qu'on ne peut la servir par une opération intéressée dont l'effet a ses bornes. Il n'y a point de vertu publique sans justice; et c'est la vertu publique qui donne la confiance et le crédit.
Un crédit national ne se compose pas, comme le Trésor de l'Etat, d'espèces d'or et d'argent. Ces richesses, subordonnées aux craintes etaux espérances de tous ceux qui les possèdent, ne se livrent qu'au cours libre de la confiance ; et la confiance a pour base non-seulement une valeur réelle, mais la justice et les lois.
Si le crédit n'existe pas, nous entasserons vainement tous les biens des églises dans une caisse nationale, ils ne suffiront pas aux besoins. Il faudra recourir à des impôts, à des taxes pour acquitter les dettes de l'Etat.
Oh ! si dans ces grands changements nous voulons concilier les principes qui nous dirigent avec les lois établies; si nous prononçons des suppressions utiles, sans ravir des propriétés ; si par des opérations progressives, nous pouvons assurer et préparer des ressources à l'Etat ; si ces ressources mêmes, subordonnées d'abord aux lois de justice, s'accroissent successivement selon la mesure de l'utilité publique, nous remplirons avec le temps les mêmes objets. Nous aurons respecté les possessions. Nous pourrons obtenir le libre consentement des propriétaires; et la nation, reconnaissant cette empreinte de sagesse dans les lois mêmes qui dirigent une grande révolution, ne pourra plus se défendre d'une confiance sans bornes, et de ce crédit illimité qui ne laisse plus à craindre, ni la violation des engagements de l'Etat ni l'excès des charges publiques.
J'ai pensé, je pense encore qu'on peut acquitter les dettes de l'Etat par des retranchements dans la dépense, par les réformes dans'la perception, par l'indispensable conversion des impôts, par l'égalité totale, et sans exception, des contributions des citoyens de toutes les classes, par les secours extraordinaires que le clergé peut offrir à l'Etat et par une opération sans risque et sans danger, fondée sur un crédit sans bornes.
Respectons les principes des propriétés. Voilà la première loi pour défendre les propriétés de tous les citoyens de l'excès des impôts, comme des violations des lois.
Sait-on quelles sont les charges auxquelle il faudrait assujettir la nation?
On a mis sous vos yeux les résultats d'une suite de recherches faites avec exactitude et fidélité. Nous ne voulons point dissimuler l'étendue de nos possessions, et il est de votre intérêt d'en con-
naître les bornes. La dignité de notre ministère s'accorde avec la sévérité de vos dispositions.
Il résulte de ces recherches que la charge de la nation serait immense et que les biens du clergé seraient bien loin d'v suffire.
Vous aviez cru abolir les dîmes, sans en considérer les charges.
Vous aviez craint une compensation équivalente, et vous étiez loin de soupçonner une surcharge excessive ; une plus égale répartition vous avait fait espérer des avantages, et vous aviez ignoré quelles devraient être les suites indispensables des suppressions qui vous semblaient les plus utiles.
Vous aviez porté vos regards sur les possessions des maisons religieuses, et vous n'aviez pas considéré que la dispersion de ceux qui les habitent vous imposait pendant longtemps de nouvelles charges auxquelles leurs revenus ne pourraient plus suffire. On ne songe pas assez combien la vie commune épargne de dépenses, en multipliant les ressources. Les grands bâtiments construits avec solidité résistent, par un entretien continuel et peu coûteux, à la ruine du temps. L'économie se répand sur tous les objets; les maisons les moins riches et les mieux ordonnées ajoutent au nécessaire un superflu de tous les genres qui ne coûte rien, et qui formerait le luxe et l'abondance dans une vie privée. L'entretien facile et commode des hommes réunis n'a nulle proportion avec ce qu'il en coûte pour suffire au besoin des hommes dispersés. Vous ne pouvez pas administrer les biens ecclésiastiques et détruire les maisons religieuses sans charger la nation pen-dont longtemps d'un surcroît considérable de contributions.
Vous aviez fondé vos espérances sur les ventes et les aliénations des biens-fonds des églises.
Vous savez que des aliénations successives peuvent être utiles : elles peuvent établir une proportion avantageuse entre le besoin de vendre et celui d'acheter ; et c'est alors que les objets acquièrent toute leur valeur, et que le prix des ventes répond aux spéculations qui peuvent les diriger.
Mais si toutes les terres de l'Eglise sont mises à l'encan, comme les humiliants projets d'une confiscation nationale, quel sera l'effet de ces ventes accumulées? Les papiers publics sont chargés, depuis quelques années, d'une liste de cinq ou six mille terres à vendre. Que sera-ce si tout à coup les biens de chaque église entrent dans la combinaison de ces affiches multipliées? Vous ferez tort à tous les propriétaires que le besoin de leurs affaires met dans la nécessité de vendre. Ils partageront les dommages de cette même concurrence qui doit nuire à l'aliénation des biens ecclésiastiques, et leur ruine sera la déplorable suite de la ruine du clergé.
Tous les intérêts se liennent dans une nation par des rapports indestructibles qu'on n'aperçoit pas dans le cours habituel des choses, et qui deviennent sensibles par les changements. Il n'était pas possible qu'un corps considérable pût exister dans la nation sans avoir des rapports avec la nation entière. Il n'est pas possible de faire une révolution subite dans l'état de ses biens, sans altérer cette balance générale dont les mouvements changent l'état de toutes les propriétés des citoyens.
Peut-on espérer que les biens de l'Eglise auront la préférence dans le nombre des biens exposés à la vente, quand l'aliénation forcée peut écarter la concurrence ?
Vous savez quelles sont dans tous les temps les formalités scrupuleuses qui peuvent seules légitimer l'acquisition des biens de l'Eglise, et donner confiance à ceux qui les acquièrent. On craint la réclamation des successeurs qui sont toujours admis à justifier la lésion faite à l'Eglise.
Combien plus auront à craindre ceux qui voudraient acquérir des biens dont l'aliénation forcée semble condamner l'acquisition?
Il faudra qu'un long temps s'écoule avant que la confiance publique, constamment^établie, environne de son rempart les droits incertains et précaires des nouveaux possesseurs.
Les créanciers de l'Etat ne voudront pas risquer eux-mêmes le sort de leurs créances, dont l'intérêt est assuré pour des acquisitions incertaines. Us aimeront mieux encore acquérir des terres, dont les titres ne seraient point contestés. Les terres du clergé, dépouillées de leurs droits et vendues comme les domaines, perdront une partie de leur prix, et les créances de l'Etat reprendront toute leur valeur par l'effet même des opérations de l'Assemblée nationale.
Ainsi s'évanouissent ces spéculations annoncées sur les produits immenses de l'aliénation des biens ecclésiastiques. Le temps est un des éléments nécessaires de toutes les grandes opérations. Une subite et violente révolution semble d'abord n'avoir point de bornes. Mais les choses résistent par elles-mêmes encore plus que les hommes, et les seules opérations sans bornes sont l'ouvrage de la sagesse et du temps.
Si les recherches qu'on a faites sur la valeur et sur l'emploi des biens du clergé vous sont suspectes, il faut les examiner vous-mêmes. Il faut connaître ce que vous pouvez faire; vous ne pouvez pas charger la nation d'une dette immense qu'elle ne peut acquitter.
Nous n'avons pas mis en ligne de compte tous les frais et tous les abus de la régie des biens en séquestre. Les recettes multipliées, les agences subalternes, les formalités de justice, les intérêts toujours habiles à perpétuer les délais, les obstacles et les dépenses enlèveront une partie des biens remis aux soins d'une administration publique. C'est un principe qu'une administration publique ne doit pas s'associer à tous les soins corrupteurs des fermes et des régies. Nous n'avons pas encore l'exemple d'un séquestre considérable qui n'ait pas emporté dans une propriété démesurée une grande partie des fonds vendus ou revenus affermés. Voyez ce qne sont devenus les créanciers d'une congrégation dont leurs poursuites ont opéré la dissolution : ils ont vu leurs droits et leur action se briser contre les innombrables formalités d'un séquestre établi sous la protection des lois. Des séquestres, chargés de liquider les dettes de quelques familles, ont été prolongés pendant plus d'un siècle. Il n'y a point de corruption semblable à celle qui semble attachée à la nature d'un séquestre, et il ne sera pas dans le pouvoir de l'Assemblée nationale ou des assemblées provinciales d'en prévenir les abus.
Ainsi les revenus diminueront sans cesse et les charges seront les mêmes; nos terres passeront dans des mains qui n'en rempliront point les services. Une contribution nouvelle et générale sera la taxe de la religion. La religion ne semblera plus qu'une taxe sur le peuple, et la nation sera toujours plus imposée pour (les charges dont les bons citoyens de tous les siècles ^semblaient avoir voulu la soulager par leurs utiles fondations.
Il se présente une réflexion bien naturelle et
bien sensible. Si quand la nation gémit sous l'excès des impôts, les plus riches citoyens formaient tout à coup, dans leur opulence, une noble conjuration pour l'affranchir d'une surcharge de 130 ou 150 millions, avec quelle reconnaissance mêlée d'étonnement, la nation entière recevrait leurs bienfaits, et recommanderait leur souvenir à la postérité 1 C'est ce qu'ont fait nos pères, et nous blâmons leur mémoire, et nous dissipons leurs dons, et nous voulons anéantir tous les monuments de leur pieuse libéralité.
Avons-nous pensé quelle est la situation douloureuse à laquelle nous réduirions une multitude de ministres utiles et de pasteurs respectables? Les habitudes de leur vie, des engagements cpn-tractés, des ressources accoutumées, des charités qui font le sort des familles infortunées, de longs jours consumés dans le service des autels, des pauvres et des malades, doivent sans doute mettre vos frères, vos concitoyens et vos pasteurs à l'abri d'une austère et subite révolution. Par quelle fatalité leur ruine serait-elle le seul moyen d'opérer le bien qui nous reste à faire? Peut-on eroire que la Providence ne laisse aux hommes courageux et aux bons citoyens d'autre moyen d'être utiles que celui d'être impitoyables?
Faut-il, quand on peut assurer les progrès du bien par des opérations sages et paisibles, faut-ii immoler des citoyens estimables, engagés dans un état protégé par les lois, à des changements qu'ils n'ont pas pu prévoir et que les lois même avaient proscrits ? Si chaque génération adoptait successivement ces méthodes cruelles , si chaque classe de citoyens était la victime de réformes dures et sévères, il n'y aurait point de repos et de bonheur dans le présent ni dans l'avenir, et chaque citoyen, plus malheureux, s'interrogeant lui-même dans le tourment de ses pensées, aurait le droit de demander quelle est la différence des réformes et des abus.
C'est dans les grandes révolutions qu'il faut rechercher toutes les ressources de l'humanité. Nous devons sentir combien nos décrets peuvent épargner ou coûter de regrets et d'infortunes. Parcourez les paroisses ; entendez les plaintes de l'artisan, du laboureur et du journalier. C'est Je tribut de l'exacteur qu'ils ont peine à payer. C'est l'inquisition de nos lois fiscales qui pénètre dans l'obscurité de leur réduit, et ce sont les aumônes de leurs pasteurs qui les mettent à l'abri de la saisie, de l'emprisonnement ou de la fuite.
Quel est notre objet ? Ne voyons-nous pas qu'un père de famille qui ferait, à fortune égale, le même bien que fait un pasteur dans sa négligence, serait estimé par sa bienfaisance et par sa charité ? Pourquoi veut-on arracher du milieu de la nation un état qui, par sa nature, est un centre de services publics et d'occupations salutaires ?
Il s'agit peut-être de faire le malheur d'un million d'hommes dont la destinée est unie par les rapports de famille, et surtout par le lien des besoins, au sort de 80,000 ecclésiastiques qui seront privés de leur état.
Que faites-vous ? Vous êtes frappés de quelques inconvénients émanés des abus et non des lois, et dont vos sages précautions peuvent faire disparaître les causes et les effets, et vous oubliez cette partie plus intéressante de l'influence que l'état de chaque citoyen et l'habitude de sa vie doivent avoir sur ses dispositions. Les vertus des hommes concourent mieux à la prospérité des empires que des principes et des calculs sans observation et sans expérience. Que faites-vous ?
Quelle aveugle persécution tend à retrancher une partie des biens qui nous attachent à la patrie ? Vous ne pouvez pas vous dissimuler quelle est l'intime et constante union qui se forme entre l'intérêt général de l'Etat et celui des propriétés. Ce sont les propriétaires dont les dépenses et les entreprises journalières multiplient les travaux autour d'eux, et deviennent les revenus de l'indigence. Je ne sais quel invincible attachement semble avoir uni l'homme avec la terre. Il est des espérances et des consolations inséparables du sentiment de la propriété. Il est de satisfaisantes pensées d'amélioration, de repos et de sécurité qui semblent se lever du sein des possessions territoriales. Et la patrie devient plus chère au paisible possesseur des biens-fonds, parce qu'elle est la protectrice de la paix dont il jouit au milieu de ses champs, plus ou moins étendus, dont il recueille les moissons. Nous devons encourager ces sentiments qui sont les principes des devoirs de la plus utile partie des citoyens envers l'Etat. La religion consacre tous les fondements de la morale et leur prête une force supérieure à celle des sentiments naturels et des lois humaines. Vous voulez, avec raison, que notre voix s'élève pour inspirer aux citoyens ces sentiments précieux qui font leur honneur et qui sont la force de la nation ; et vous ne voulez pas que nous puissions les partager nous-mêmes. Ceux qui veulent nous dépouiller de nos possessions veulent aussi nous rendre étrangers à tous les intérêts communs. Ils s'écrieront bientôt, en suivant les conséquences de leurs principes, que nous sommes sans possessions et sans propriétés dans l'Etat, qu'on ne peut pas nous associer à l'administration dont nous ne partageons point les charges. Déjà depuis longtemps nous savions entendre ces murmures jaloux qui nous faisaient sentir quel était le triste résultat de tous nos privilèges. Nous les avons abandonnés pour partager également et les intérêts et les droits de tous les citoyens, et vous ne nous laissez pas le plus précieux de tous nos droits, celui de partager leurs intérêts et de contribuer à leur bonheur. Vous nous ôtez nos propriétés, et vous nous offrez un salaire en un impôt sur la nation. Ne soyez pas étonnés si nous réclamons tous nos titres pour épagner un impôt à la nation. Ce n'est pas elle qui doit employer pour nous une partie, de ses propriétés, quand nous pouvons employer les nôtres pour la secourir. Nous devons sentir, plus que jamais, l'avantage que nous donnent nos possessions d'être utiles à la patrie.
Pourquoi voulez-vous détruire ce que vous pouvez conserver avec utilité ? S'il était vrai que nous voulussions remplir nous-mêmes tous les objets utiles dont le sentiment juste peut diriger vos délibérations, ah 1 sans doute, nous rendrions le plus noble hommage à vos intentions, en écartantlesmoyens durs et rigoureux qui peuvent en faire méconnaître les principes et dénaturer les effets.
Combien il est plus juste et plus facile de rendre nos possessions utiles à l'Etat, et d'épargner à la nation les impôts qui doivent être la suite de la dispendieuse régie et de l'insuffisante aliénation des biens du clergé !
Nos propositions, sans troubler l'ordre établi par les lois, n'en laisseront point subsister les abus, et ne porteront point la crainte et le tour-men t dans les familles des titulaires et dans les asiles de l'indigence, privés de toutes leurs ressources. Nous remplirons avec toutes les règles scrupu-
leuses de la justice et tous les soins de l'humanité des arrangements qui répondront à vos vues, et vous n'aurez pas à regretter d'avoir préféré des moyens doux et paisibles, à la dure nécessité des injustices et des destructions.
Nous parlerons avec la même franchise des devoirs du clergé que des intérêts de la nation. La voix d'un évêque doit être celle d'un administrateur et d'un citoyen, fit tel est le premier effet de la liberté publique, qu'elle fait d'abord tomber toutes les chaînes d'un intérêt personnel et d'un esprit de corps.
Quels que soient les services que le clergé puisse rendre à l'Etat, il n'acquitte jamais ce qu'il lui doit. La protection de l'Etat est constante; la reconnaissance du clergé ne doit point avoir de bornes.
Il suffit peut-être, dans le cours desévénements ordinaires, que le clergé, soumis aux impositions communes, neremplisse que par des contributions volontaires et privées le tribut honorable qu'il doit à la classe indigente de la société. Mais certes le public a le droit de réclamer les secours les plus étendus dans les temps de calamité. Les guerres, les épidémies, les ravages des saisons, les besoins extraordinaires de l'Etat, sont comme des épreuves toujours assurées d'un ministère de charité.
Il est une voix qui parle au cur de tous les hommes, celle de la nécessité. Il est une seconde religion pour tous les citoyens, celle de la patrie. il ne faut pas nous le dissimuler : l'Etat est en péril; les impositions, dans plus d'une province, ont été suspendues et tous les droits interceptés. Ce qu'on appelait le crédit de l'Etat n'existe plus ; un crédit prêta naître, celui de la nation, n'existe pas encore; les emprunts ne peuvent point se remplir, il n'est plus possible de recourir aux anticipations, et 1 Assemblée nationale ne peut, ni manquer aux engagements de l'Etat, ni surcharger les peuples de nouvelles impositions.
C'est dans ces circonstances que la nation entière tourne ses regards vers le clergé. Il semble que le clergé doive combler l'abîme, en s'y jetant lui-même ; on pense que ses biens, destinés à l'entretien du culte et des ministres de la religion , peuvent offrir un excédant immense et superflu, comme un fonds réservé pour satisfaire à tous les besoins de l'Etat. On compare l'excès des charges et le défaut des ressources. Les délais des opérations à faire laissent subsister les incertitudes et multiplient les embarras ; et les craintes sans cesse renaissantes justifient des plans de destruction qu'une raison plus tranquille aurait rejetés comme contraires aux principes de la justice et de la propriété. Telles sont les dispositions du public et les sentiments du clergé, qui, se partageant sur les moyens doivent concourir à l'intérét prédominant qui doit faire oublier tous les autres, celui de sauver l'Etat de sa propre ruine. 11 faut que le clergé donne tout ce qu'il peut donner , il faut que l'Assemblée nationale mieux instruite puisse juger elle-même de ce qu'il peut donner. Le même sentiment qui nous porte à faire tout ce que nous pouvons doit renouveler nos efforts, quand nous croirons pouvoir encore davantage.
Souvenons-nous des exemples que nous ont laissés nos prédécesseurs. Où sont ces dons précieux de la piété des fidèles ? où sont ces ornements de nos temples, et ces richesses qui formaient l'antique trésor de nos églises ? que sont devenus ces biens si souvent prodigués, tantôt pour racheter la liberté d'un roi que son cou-
rage égare au milieu de ses ennemis, tantôt pour défendre l'indépendance de la couronne et de l'Etat ? La nation retrouve dans les annales de chaque siècle les monuments du zèle des minis-très de la religion. Est-il un plus convenable usage des biens que nous avons reçus, que de défendre les biens de ceux qui nous les ont donnés ? Les noms des familles des fondateurs se perdent dans l'éloignement ; mais leurs générations ignorées subsistent encore, et font partie de cette nation à laquelle nous dévouons nos secours. C'est par l'emploi de nos biens aux besoins de la nation que nous pouvons leur rendre, sans les connaître, ce que nous avons reçu d'eux. Les droits du clergé sont ses devoirs, et ses intérêts sont ceux des peuples. Gomment pourrions-nous réclamer nos propriétés, sans offrir nos revenus ? Comment voudrions-nous disposer de nos biens, si ce n'était pas pour le service de la religion et de la patrie ?
A quoi sert d'agiter des questions pénibles et difficiles auxquelles il nous convient de répondre par nos sentiments bien plus encore que par nos raisons ? Nous ne devons combattre que par une juste rivalité des propositions qui semblent avantageuses à l'Etat. Si ces propositions sont plus onéreuses qu'utiles, et si leur exécution surchargée d'embarras et d'inconvénients est presque impossible, c'est à nous à savoir comment nous pouvons rendre à l'Etat des services plus inté-ressants qui ne lui coûtent rien. Il faut aplanir pour ainsi dire toutes les difficultés pour satisfaire, s'il est possible, à tous les besoins. Il faut qu'il soit plus utile à la nation de respecter et de maintenir les propriétés des églises, que de régir ou d'aliéner leurs possessions.
Il est des devoirs qui sont subordonnés à d'autres devoirs. Le clergé doit remplir d'abord les services pour lesquels il est établi. Le clergé ne peut manquer à des obligations auxquelles la nation ne pourrait manquer elle-même.
La religion est la loi de l'Etat, parce qu'elle est le bien du peuple, et son culte et son enseignement exigent des établissements indispensables auxquels les biens des églises sont consacrés.
Il est dans l'opinion publique que les biens du clergé doivent être répartis dans une proportion convenable et suffisante à l'entretien des ministres essentiels et nécessaires à la religion.
L'opinion publique, quand elle est habituelle et constante, est le jugement de tous les hommes raisonnables.
Il est, certain qu'il n'est pas d'un Etat bien ordonné d'établir ou de conserver des titres qui donnent de grands revenus et qui ne donnent pas de fonctions.
Il est certain qu'une partie de ces revenus pro- vient des dîmes, et que les dîmes sont affectées par leur nature et furent employées dans leur origine aux services des paroisses.
Il ne nous appartient pas de condamner ceux qui les possèdent, quand ils en font un convenable usage.
Mais il s'agit ici de parler des établissements et non des hommes. Et c'est le sort de la vertu de rendre jusqu'aux abus respectables, comme c'est celui des vices d'abuser de ses plus saintes instructions.
On ne pourra jamais persuader, dans le moment d'une grande révolution qui doit enfanter une Constitution nationale, qu'il est bon de conserver des places sans fonctions.
Il serait possible d'envisager quelque utilité publique dans des récompenses réservées pour ceux
qui remplissent des places plus importantes, ou qui rendent de plus grands services, et pour ceux qui sont placés, par l'âge et les infirmités, de renoncer à leurs places.
Mais ces proportions ont leurs bornes, et leurs bornes doivent être circonscrites par l'utilité de leur objet.
Quand on serait moins frappé des abus, on ne pourrait pas se dissimuler encore que la plus grande partie des bénéfices libres devient indispensable pour faire une dotation suffisante aux places utiles.
Le clergé même sentira l'inévitable nécessité de réduire le nombre des places et des établissements utiles, selon la population des villes et des campagnes. Il convient aux intérêts mêmes de la juridiction ecclésiastique d'ordonner et d'exécuter les réductions convenables par les formes canoniques.
Il est également juste que les maisons et les communautés fondées remplissent l'objet des fondations par lesquelles et pour lesquelles elles sont établies. Et nous sommes bien persuadés que les bons religieux s'empresseront de se réunir dans un nombre propre à renouveler la discipline et la règle, et qu'ils voudront consacrer leurs travaux et leurs soins au progrès de l'éducation nationale, comme à l'enseignement de la religion.
Il est dans la disposition du clergé de renoncer à son administration temporelle. Les biens dépendant des bénéfices doivent être soumis, sans distinction, à toutes les charges de l'Etat, des provinces et des communautés. On ne peut pas condamner les titulaires à la double dépense d'un régime sans nécessité. Il n'est pas possible de conserver les receveurs des décimes, quand les décimesjne subsisteront plus, et lorsque les con« tributions du clergé seront confondues dans l'ordre des impositions communes. Et le clergé n'aura point à regretter son administration particulière, quand il aura l'avantage de resserrer tous les liens qui doivent l'unir à la nation.
C'est par ces progrès de réforme, c'est par une répartition juste dans l'utile emploi de ses biens, que le clergé peut suffire à ses charges, et qu'il lui sera possible encore d'offrir des secours à l'Etat.
La première dette du clergé est celle des curés à portion congrue. Il ne s'agit pas seulement de leurs intérêts personnels. Il s'agit de conserver la dignité du culte et l'utilité du ministère. Leur situation, digne des regards de la nation, avait depuis longtemps occupé tous les soins du clergé. JNos désirs n'ont été remplis qu'en partie, et nous avons connu les obstacles sans pouvoir les surmonter. Les longues et dispendieuses formalités, les oppositions sans terme ont suspendu les unions sans lesquelles les donations convenables ne pouvaient pas être remplies. Il faut acquitter cettef charge indispensable, quels qu'en puissent être les moyens. Il n'est ni juste, ni possible de faire éprouver de plus longs délais à des pasteurs dont les besoins ne se distinguent pas de ceux de leurs paroisses.
Il serait à désirer qu'on pût fixer la portion congrue à quinze cents livres. Le luxe des villes couvre à vos yeux les secrets de l'indigence, et les vertus, toujours plus utiles dans l'opulence, offrent des secours qui manquent à la misère publique, toujours plus sensible dans les campagnes. C'est dans les paroisses de campagne que les pauvres n'ont d'autres ressources que celles du ministère de la religion.
On ne peut pas donner moins de 600 livres aux vicaires.
On ne peut pas refuser à des prêtres vieillis dans l'exercice du ministère, ou devenus infirmes, les ressources dont ils ont besoin dans leur retraite et dans leur repos.
On ne peut pas former des pasteurs capables de remplir les soins des paroisses, sans l'établissement et l'entretien des séminaires.
On ne peut pas faire cesser et disparaître le culte de la religion dans les églises cathédrales.
Il faut entretenir, par des réparations annuelles, les édifices nécessaires à l'exercice du culte public.
Il faut pourvoir à la dotation des sièges épis-copaux.
Ces différents objets, réduits dans une plus juste proportion, forment une charge de 120 millions. Et cette charge doit s'accroître encore par l'inégalité nécessaire des biens affectés dans les différentes provinces aux places utiles.
Il reste encore à maintenir les établissements et communautés qui doivent subsister et qui peuvent suffire à leur destination.
Les revenus du clergé n'étaient estimés qu'à 130 millions dans un ouvrage qui doit être regardé comme le résultat des recherches de l'administration générale.
Il importe également, pour l'intérêt de l'Etat et du clergé, d'éviter les suppositions sans preuve et les calculs exagérés.
On ne peut pas du moins porter les revenus du clergé à plus de 150 millions. Il est démontré par là même, que ses revenus doivent être épuisés par la seule dotation des places nécessaires et des établissements conservés.
C'est sur ces revenus des fonds affectés à l'entretien du culte et des ministres, que doivent se lever les impositions de l'Etat, des provinces et des communautés. 11 en résulte une diminution inévitable et juste des revenus du clergé.
Il faut prendre sur ce qui lui reste les secours extraordinaires qu'il peut offrir à l'Etat.
Il est à désirer que ces secours extraordinaires puissent être employés aux besoins les plus pressants de l'Etat, et que la proportion de ces besoins soit aussi la mesure des secours du clergé.
Vous avez jugé par la mémoire du premier ministre des finances, et par le rapport de votre comité, des moyens par lesquels la balance pouvait être rétablie à l'avenir entre la recette et la dépense.
llest possible que ces moyens, considérés dans leur détail, soient susceptibles de quelques changements, et qu'ils se perfectionnent par vos réflexions ; mais il n'est pas douteux qu'il en résulte une espérance presque assurée d'une juste et convenable proportion entre les charges et les revenus. Ce n'est pas sans doute encore ce que la nation peut et doit attendre de vos soins.
Il y a trois opérations importantes à faire :
La première était de déterminer le rapport des revenus avec les intérêts des dettes et les dépenses de chaque année;
La seconde est de pourvoir au payement des remboursements à terme et des sommes exigibles ;
La troisième est celle de l'extinction successive de la dette publique.
Cette dernière opération ne peut se faire que par l'emploi mieux combiné d'un crédit national, ou par un accroissement d'imposition.
Il faut regarder une plus forte imposition comme impossible, puisqu'on a compris, dans
les produits de la recette, les impositions nouvelles à prendre sur les biens des privilégiés, et que ces impositions entrent dans la balance de la recette avec la dépense.
Il reste à se servir du crédit de la nation, et ce crédit ne peut lui-même être le résultat que des deux premières opérations.
Si la recette n'égale pas la dépense de chaque année, il n'y aura point de crédit. Il n'y aura point encore de crédit, si chaque année est surchargée de remboursements à terme qu'on est forcé de suspendre, et de dettes exigibles qu'on ne peut pas acquitter.
Ces dettes exigibles et ces remboursements à terme montent à la somme de 435 millions.
C'est de l'acquit de cette charge extraordinaire que doit dépendre le maintien de la proportion une fois établie entre la recette et la dépense, et le succès de toutes les opérations de crédit qui doivent pourvoir au remboursement de la dette publique.
C'est de là que dépend la destinée de l'Etat.
C'est pour remplir une partie de cette charge extraordinaire que tous les citoyens sont appelés à venir au secours de l'Etat.
Quel sera le produit de cette contribution universelle que le besoin sollicite, que la loi ne fixe point, et dont aucune autorité n'a droit de régler la proportion? Croyons-nous pouvoir mesurer l'étendue du zèle pour la patrie, ou lui donner les mêmes bornes qu'à la levée d'un impôt?
Il est certain que nous ne pouvons pas calculer les effets d'une opération qui n'a nul rapport avec toutes les autres impositions. Il semble, d'un côté, qu'elle les réunit toutes, puisqu'elle se lèye sur les propriétés de tous les genres; il semble, de l'autre, qu'une appréciation nécessairement arbitraire, et souvent susceptible de doutes, peut opérer des diminutions dont les causes ne seront pas connues.
Si l'on prend un moyen terme entre les calculs les plus restreints, et les plus étendus, on peut compter sur une recette de 140 ou 150 millions.
Il est possible qu'il manque encore une somme de 300 millions pour rétablir l'Etat sur ses fondements et pour lui donner cette consistance qui doit fixer la balance des charges et des revenus, et servir de base à la libération progressive de la dette publique.
Quelles que soient les extensions ou les limites de la taxe patriotique, il est nécessaire d'y suppléer, et tel est le service important que le clergé, s'il est possible, doit rendre à l'Etat ; et tel doit être enfin le juste et convenable objet de l'ambition de l'Etat et du clergé.
Le comité des finances avait proposé d'appeler le clergé à la concurrence d'un revenu de 10 ou 12 millions, applicable au supplément des anticipations. Il ne s'agit pas de déterminer encore comment et par quels moyens on peut établir la taxe du clergé, et donner son exécution à la garantie des biens ecclésiastiques.
Les moyens doivent être en proportion avec les revenus et les charges, et nous croyons pouvoir proposer des opérations qui peuvent concilier un si grand intérêt avec les charges de la religion et les revenus de clergé. Il faut rendre les biens de l'Eglise utiles pour l'intérêt de l'avenir comme pour les besoins du moment, et laisser au clergé le pouvoir d'acquitter dans tous les temps ce qu'il doit à la religion et à la patrie.
Mon avis est:
Premièrement, que la propriété des biens ecclésiastiques appartient aux églises auxquelles
ils ont été donnés, et qui les ont acquis sous la ^ protection des lois et selon toutes les formes lé-w gales ; et l'usufruit aux titulaires des bénéfices, avec la faculté d'en exercer les droits et l'obligation d'en remplir les charges; P Deuxièmement, que cet usufruit et cette propriété restent éternellement grevés des dépenses du culte, de l'entretien des ministres de la religion, du soulagement des pauvres et de la contribution proportionnelle aux charges publi-s ques;
Troisièmement, que les suppressions, unions, aliénations des biens des églises, ne peuvent se faire que par le concours des formes civiles et * des formes canoniques ;
Quatrièmement, que les titulaires des bénéfices ne peuvent être destitués de leurs bénéfices que par démission, ou forfaiture jugée, te Cinquièmement, qu'il ne faut pas laisser subsister à l'avenir les titres sans fonctions, et qu'il faut régler l'emploi le plus utile des bénétices simples vacants, et de ceux qui viendront à va->r quer ;
Sixièmement, qu'il faut réduire dans les formes canoniques et légales les places et les établissements utiles, selon la population des villes et des campagnes ;
Septièmement, queles maisons et communautés fondées seront réduites, en sorte que le nombre de ceux qui les composent puisse suffire à remplir % leur destination, et les objets utiles auxquels leurs soins doivent êire employés ;
Huitièmement, que les contributions du clergé ne seront plus levées parla voie d'une administration particulière et séparée, et qu'elles seront ^ soumises à l'administration de l'Etat des provinces et des municipalités, comme celles de tous les citoyens ;
Neuvièmement, qu'il sera nommé sans délai, > par l'Assemblée nationale, une commission mêlée des membres du clergé, laquelle sera chargée de lui rendre compte de l'état au vrai des biens et des revenus du clergé ; de la proportion dans laquelle ils doivent.être répartis entre les ministres essentiels de la religion; des moyens justes et légitimes d'exécuter cette proportion, et des se-^ cours présents et progressifs que l'Etat des biens ecclésiastiques peut procurer à la nation.
M. l'archevêque d'Aix a rempli son discours de sensibilité et d'art; il a prodigué des épisodes heureux; il a été plus séduisant que profond, et toujours il a oublié le principe ; les trois parties sont sans cesse confondues ; la question n'est jamais présentée.
On a donné une origine bien pure aux propriétés ecclésiastiques; mais comment ne pas se rappeler à quel point on a abusé de l'ignorance des b peuples ; quelle ressource on a trouvée dans la superstition? Gomment ne se point souvenir de ces dons immenses faits avec des clauses odieuses, de ces testaments qui n'étaient valables que s'ils ^ renfermaient des legs pieux, etc.? Ainsi, les fon-dations blessent en même temps la charité et la religion. Gomment d'ailleurs mettre dans les prières des intérêts personnels? Les prêtres sont institués . pour prier pour tous, ils renouvellent un holo-r causte sacré fait en faveur de tous. Lorsque leurs vux demandent au ciel, par de pieuses expiations, la diminution des souffrances des riches, ils abandonnent donc les pauvres à des douleurs éternelles? Si ces prières particulières sont plus méritoires, vous ne pouvez les refuser à aucun fidèle; si elles ne le sont pas davantage, vous les
devez à tous : je ne connais point de réponse à ce dilemme, et j'en conclus que toutes fondations pour des prières particulières sont des dons déguisés, surpris et acceptés par le clergé. Hors des fondations de cette espèce, il n'en reste plus qui n'aient été faites en faveur des pauvres et pour l'entretien des églises et des ministres. Sans cesse on a confondu le patrimoine des pauvres et des établissements publics avec celui destiné à l'entretien ; ce dernier seul, d'après le vu des fondateurs et l'esprit des canons, forme le droit des ecclésiastiques; il résulte incontestablement de celte vue, que les fondations ont été faites à la décharge de l'Etat, qui, sans elles, devrait entretenir et solder les ministres. On a dit avec justice que les corps ecclésiastiques appartiennent ài l'Etat, que la nation peut les modifier et les détruire. Ge principe n'a point encore été attaqué; on a, au contraire, augmenté sa force en reconnaissant que la nation, comme souveraine, peut réduire et supprimer des communautées religieuses. On est donc au moins convenu que la société peut disposer en partie des biens du clergé; elle ne peut en aucune manière disposer des biens des particuliers: donc les biens ecclésiastiques ne sont pas de même nature que ceux des particuliers. Le clergé dit qu'il ne sera plus citoyen ; mais ses membres n'auront-ils pas leur patrimoine de famille? mais ne seront-ils pas citoyens comme tous les fonctionnaires publics? Eh! pourquoi croyez-vous que l'existence de votre corps tient aux fonds de terre que votre corps prétend posséder? Mais les corps militaires, mais la magistrature....... Cette dotation est politiquement ou utile ou nuisible aux corporations. Si elle est utile, payez donc le militaire et la magistrature en fonds de terre..... L'existence du clergé ne tient donc pas essentiellement à la dotation en fonds de terre. Ce sont les immenses richesses des ecclésiastiques qui ont perdu leurs murs..... (Ici l'on interrompt l'opinant, et l'on crie à l'ordre).
Je ne puis mettre à l'ordre un orateur lorsqu'il dit des choses qui sont imprimées partout.
, évêqued'Uzès. Jedemandesic'est une épigramme que M. le président a voulu faire.
J'ai lu ce mstin même les propres paroles du préopinant dans un auteur généralement estimé du clergé.
continue: Cette Assemblée doit entendre la vérité: j'en ai dit une qui a vingt fois été répétée avec édification. Jésus-Chris.....
(L'orateur, de nouveau interrompu, se résume et ajoute :)
Dans mon opinion particulière, on ne peut vendre en ce moment tous les biens du clergé sans s'exposer à une convulsion violenie et inévitable; mais, en suspendant cette vente, il est des suppressions indispensables.... Agissons comme le temps, avec une sage et circonspecte lenteur, et nous ferons une opération utile et durable.
, évêque de Nîmes (1). Les pères de l'Eglise ont dit : «La piété a engendré
Je répondrai d'abord, à l'objection sur les pne-res: la bienfaisance de l'Eglise ne lui permet pas de séparer les fidèles des fidèles ; une prière particulière est faite pour tous, et s'étend à tous.
Ce sera principalement sous le point de vue le plus intéressant pour nous tous, sous celui des droits essentiels et imprescriptibles des pauvres sur les biens des églises, que je me propose de traiter l'importante question de leur propriété. A ce titre, j'ose solliciter, pour quelques moments, votre bienveillante attention.
Les biens ecclésiastiques appartiennent à chaque église particulière pour la portion qui lui en a été donnée; ils n'appartiennent à la nation, au souverain, que comme protecteur, ordonnateur suprême, en cette qualité, chargé de veiller à leur conservation et à ce qu'ils soient employés à leur destination -, ils appartiennent aux ecclésiastiques comme administrateurs nés de ces biens, par la volonté des donateurs, chargés d'en faire l'usage sacré, fixe, invariable, pour lequel ils ont été donnés; ils ne sont ni à la nation, ni aux ecclésiastiques comme leur propriété, comme ayant le pouvoir d'en changer, d'en intervertir arbitrairement la destination.
Rien de plus utile, rien de plus/espectable que cette destination, par le triple objet qu'elle présente: les dépenses relatives à la décence, disons même à la dignité du culte divin, dans toute l'étendue de ce vaste empire ; la subsistance honorable des ministres du culte et de la religion ; et le soulagement des pauvres.
Et remarquez-le, Messieurs, loin que les biens ecclésiastiques puissent être la propriété de la nation, ce seraient, au contraire, ces trois grands objets de dépense qui deviendraient uoe dette onéreuse pour elle, si l'Eglise et ses ministres n'avaient pas, sous l'inspection et non sous la propriété de la nation, des biens destinés à y pourvoir: craignez donc les justes reproches de votre postérité, si vous laissant aller à la funeste facilité de vous emparer de ces biens pour payer la dette de l'Etat, vous rejetez sur vos enfants une éternelle et énorme dépense, dont, par la pieuse libéralité de vos pères, vous n'avez jamais supporté le poids jusqu'à ce jour.
Les biens ecclésiastiques sont les dîmes ou les fonds patrimoniaux et les contrats.
Les dîmes dont vous avez décrété l'abolition, sauf leur remplacement, ne portent pas le caractère d'une concession nationale, car la prestation n'en est pas uniforme, de province à province, de communauté à communauté. Ce sont autant de concessions particulières qui, multipliée» à l'infini par la piété des fidèles, acquirent la sanction et le sceau de la loi, par un consentement tacite dans le principe, clairement et solennellement exprimé depuis dans les capitulaires, perpétués dans une possession de plus de dix siècles, qui forment des titres et une prescription qu'aucuue autre nature de biens ne peut invoquer.
Les autres biens ecclésiastiques proviennent, ou des uons faits aux églises, ou du travail, des défrichements, des sages économies des ordres religieux ; car vous ne t'ignorez pas, Messieurs, de la provient une grande partie de ces richesses du clergé si enviées. La nation ou le souverain qui n'est intervenu dans tous ces dons primitifs, que pour sanctionner l'engagement mutuel du
donateur et du donataire, qui, dans aucun acte, n'a dit: je reçois, j'accepte; mais qui a dit: j'approuve, je confirme le don fait à telle église, ne peut, tant que cette église subsiste, la dépouiller du don duquel il a promis de la faire jouir; il ne peut avoir ni exercer d'autre droit sur ce don, que celui de veiller à ce qu'il soit employé à sa véritable destination.
Et peut-être en général cette utile et sainte destination des biens ecclésiastiques a-t-elle été plus fidèlement remplie que la malignité ne se plaît à le croire.
Malgré quelques abus révoltants que nous serons les premiers à vous dénoncer, dont nous sommes tous chargés de vous demander la réforme ; malgré cette multitude de bénéfices sans office, inutiles et par là même nuisible à l'Eglise et à l'Etat ; nous osons le dire avec confiance, si vous détournez les yeux du scandale de ces ecclésiastiques indignes de leur état, dont la capitule surtout est inondée, cette capitale même et toutes nos provinces, dans une foule d'anciens établissements de piété et de charité dus à la bienfaisance de nos prédécesseurs, attestent l'utile emploi de leurs revenus, comme des bienfaits plus récents annoncent celui que de nos jours en font un grand nombre des membres du clergé.
Mais enfin si nous étions assez malheureux pour en abuser, pour ne pas en douner aux autels et aux pauvres la juste part qui leur appartient, sans doute, Messieurs, le souverain et la nation, chargés d'en surveiller l'emploi, auraient le droit incontestable de nous y rappeler et de nous faire rougir de notre coupable conduite, ils auraient le droit rigoureux de nous dire : voilà votre portion, vous ne prendrez rien au delà pour vous-mêmes.
Mais, Messieurs, comment le clergé, administrateur né de tous ces biens par la volonté du donateur, pourrait-il consentir à se voir dépouiller de cette honorable et importante administration, lorsqu'il a le noble orgueil de croire qu'il ne s'en est pas montré indigne ?
Entraîné tout à coup par une prétendue vérité, inconnue à tous les dotateurs et bienfaiteurs de l'Eglise, découverte à la fin du dix-huitième siècle, comment pourrait-il surtout, oubliant les misères des peuples qu'il a journellement sous les yeux, croire que le patrimoine éternel des pauvres peut devenir le patrimoine arbitraire de la nation, qu'elle peut l'aliéner à son gré, en tout ou en partie, et en payer la dette contractée parles riches, et due par eux pour le soutien de l'Etat ?
Ah ! Messieurs, gardons-nous de couvrir la nation de cet opprobre, gardons-nous de croire qu'elle veuille jamais offrir à ses créanciers une hypothèque que rejetteraient toutes les âmes sensibles et bienfaisantes, tandis que tant de généreux Français, par les offres les plus patriotiques, dévouent à la libération de l'Etat une partie de leur fortune; croyons qu'une nation qui possède de tels citoyens ne recourra jamais à de dures et injustes ressources.
Messieurs, je suis chargé par mes commettants de vous faire une demande que j'eus l'honneur de vous annoncer dans la nuit du 4 au 5 août, comme propre à illustrer davantage celte nuit et à prouver à cette portion des peuples la plus nombreuse, la plus intéressante par ses besoins, combien vous vous occupez de les soulager.
J'aurai l'honneur, lorsqu'il en sera temps, de vous rappeler cette supplique importante ; mais je regrette, pour le triomphe de la nuit des sacrifices, qu'elle n'ait pas été mentionnée dans le procès-verbal, puisqu'elle a été faite. Cette de-
mande parfaitement juste, parfaitement naturelle, y est « que tout ouvrier, manoeuvre, artisan ou journalier, n ayant point de propriété, point d'industrie, ou n'en ayant qu'une si faible qu'il n'ait ni garçon, ni compagnon pour l'aider dans son travail, soit exempt de toute espèce de contribution, soit réelle, soit personnelle ».
Et ces infortunés pour lesquels nous sommes chargés de vous demander l'exemption de toute espèce de contribution, nous pourrions ne pas nous opposer à les voir condamnés à une contribution aussi forte que celle de payer les dettes de l'Etat, du seul bien que la Providence leur avait réservé dans le patrimoine de l'Eglise!
En vain dira-t-on que tous les propriétaires pauvres profiteront de cette manière d'éteindre la dette de l'Etat ; j'en conviens, mais les propriétaires riches en profiteront dans une bien plus énorme proportion ; mais tous les pauvres non propriétaires, et c'est le plus grand nombre, y perdront tout, absolument tout, et il serait vrai de dire que c'est du fonds des aumônes aux-quels ils avaient un droit exclusif que vous prendrez de quoi payer les dettes de l'Etat.
En vain dira-t-on encore que la nation pourvoira d'ailleurs au soulagement des pauvres. Sans doute, Messieurs, vous le direz, vous le voudrez même, et qui pourrait vous soupçonner de ne pas le vouloir ?
Mais les moyens que vous prendrez, mais les fonds que vous assignerez pour subvenir aux besoins des pauvres, seront-ils pour eux une hypothèque aussi sûre que ces possessions territoriales de l'Eglise qui, dans leur paroisse même, £ous leurs yeux, formaient leur patrimoine ina-Uénable et leur ressource assurée? Dans les calamités générales et particulières ils y recouraient, ils avaient droit d'y recourir, lors même que la ^ justice et la charité du titulaire n'allaient pas au-devant de leurs touchants besoins. Mais lorsque ces possessions seront passées en des mains qui ne leur devront plus rien, lorsque des sommes fixes y seront substituées sans aucune proposition aux vrais besoins, trop fortes dans une année heureuse, trop faibles dans une année de - calamité, ou peut-être totalement supprimées dans ces années de détresse où l'Etat, éprouvant lui-même une pénurie totale, sera hors d'état de remplir ses engagements, alors, Messieurs ( et » cette situation déplorable est celle du moment où je parle; elle peut se trouver dans les meilleurs gouvernements, quoique beaucoup plus rarement sans doute ; mais enfin elle peut s'y re-trouver par mille causes au-dessus de toute la prudence humaine, et ces moments désastreux pour tous les citoyens le sont encore mille fois plus pour les pauvres, ce sont les moments de ^ leurs plus grands besoins) ; alors, Messieurs, quelles seraient leurs ressources, si les biens de l'Eglise, dont une portion considérable sç verse encore aujourd'hui dans leur sein, venaient à leur être enlevés; si leurs prêtres n'étaient plus »que d'humbles slipendiaires, au lieu d'être, comme ils l'ont été jusqu'à ce jour, les économies honorables du patrimoine commun de l'autel, des prêtres et des pauvres? Eh! leurs plaintes douloureuses, les plaintes des pauvres, sont des malédictions terribles ; leurs justes plaintes n'iraient-elles pas à perpétuité s'attacher aux noms des auteurs d'un si funeste changement ?
Non, Messieurs, vous ne le voudrez pas, et ceux qui ont mis la dette sacrée de l'Etat sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté fran-
çaise y placeront de même, sans doute, le patrimoine encore plus sacré des pauvres.
Vous ne dégraderez pas aux yeux de la nation les ministres des autels vos concitoyens, vos amis, vos frères, vos pasteurs ; vous ne les dépouillerez point de l'honorable fonction dont ils jouissent depuis tant de siècles, d'être, sous vos yeux et sous votre inspection, les premiers et les plus infatigables économes des trésors du sanctuaire et des pauvres.
Il fautuneressource à l'Etat, eh bien, c'est sur la portion de ces biens destinée, employée peut-être, nous l'avouons, avec un peu trop de profusion à notre propre subsistance, que nous sommes prêts à vous l'offrir. Nous nous réduirons au strict nécessaire de bienséance,nous vous en rendrons juges vous-mêmes, et ces sacrifices offerts à la nation en deviendront pour nous une jouissance plus douce que jamais. Attendez, exigez de nous tous les abandons personnels, mais n'en attendez, n'en exigez aucuns qui compromettent les intérêts des pauvres ou la dignité des autels.
De quelle profonde douleur n'avons-nous donc pas été pénétrés, lorsque nous avons entendu d'honorables membres, en proposant d'enlever au clergé, je ne dis pas la propriété qu'il n'a pas, mais la gestion, l'administration qui lui appartient essentiellement des biens donnés aux églises, seules propriétaires, par un ménagement presque offensant, croire rassurer les titulaires actuels en les rassurant contre la crainte de voir diminuer leurs jouissances personnelles?
Ah ! qu'ils nous connaissent mieux, qu'ils reprennent, ou plutôt que la nation, à qui nous l'offrons avec tout lempressement du patriotisme, accepte de nos biens tout ce qui ne nous en sera pas strictement nécessaire, qu'il ne nous en reste que Ja plus médiocre portion, mais que le soin des pauvres et des autels nous reste en entier, qu'on laisse leur patrimoine intact. On peut nou3 en dépouiller sans doute, nous n'aurons que la patience et la résignation religieuses à y opposer; mais jamais, non jamais, j'en atteste tous les membres de ce corps respectable, jamais nous n'y donnerons notre consentement. 11 ne nous est pas permis de vous le donner, disons-nous, comme saint Ambroise, dans une circonstance de ce genre; mais, disons-nous encore avec lui, comme il le disait à l'empereur, ce ne serait ni juste à vous, ni avantageux de le vouloir.
Je conclus à ce que la propriété des biens ecclésiastiques soit déclarée appartenir à chaque église particulière pour la portion qui lui a été donnée; leur administration et toute jouissance libre aux titulaires de ces différentes églises; leur souverain domaine et suprême surveillance, à la nation et au Roi, pour y faire tous les changements que le temps etlescirconstances peuvent nécessiter sans jamais en intervertir arbitrairement la sainte et utile destination ;
A ce que tous les bénéfices sans office, ou dont le service sera jugé trop peu considérable demeurent supprimés à la mort de leurs titulaires actuels ; à ce que toutes les maisons religieuses où la conventualité n'est pas observée soient pareillement supprimées; toutes celles qui seront conservées, rendues aussi utiles à l'Etat qu'elles sont susceptibles de l'être;
A ce qu'à l'aide des économies résultant des suppressions, des retranchements, des sacrifices personnels que le patriotisme de tous les membres du clergé les portera à faire pour le salut de l'Etat, il soit, dans l'espace de deux mois et d'ici au 1er janvier prochain, présenté un plan à
l'Assemblée nationale, par son comité ecclêsias-ticrue renforcé d'autant de membres du cierge qu'il 'sera nécessaire, pour qu'il soit mi-partie d'ecclésiastiques et de laïques ; que parce plan, après avoir pourvu à une portion congrue de 1,200 livres au moins pour MM. es curés, indépendamment de leur maison et du jardm, et de 600 livres pour MM. les vicaires, il soit assure a l'Etat sur les biens du clergé, outre leur contu-bution proportionnelle à toutes les charges de l'Etat, comme les biens des autres citoyens, une somme aussi considérable que pourra le permettre la connaissance exacte acquise par votre comité, tant des revenus du clergé que de ses charges, ladite somme restant spécialement hypothéquée au payement de la dette publique, jusqu a son entière extinction ;
Que de plus, dans chaque archipretre ou doyenné, il sera formé une caisse de religion pour fournir à tout ce qui concerne le culte divin et le soulagement des pauvres du canton ; que l administration immédiate des fonds desdjtes caisses sera confiée aux curés dudit archipretré ou doyenné sous l'inspection des synodes diocésains, auxquels ils en rendront compte, et des conciles provinciaux, qui, d'après les connaissances locales, régleront les principes qui dirigeront l'emploi des fonds desdites caisses et les sommes que chaque bénéficier sera tenu d y verser annuellement.
Le clergé possède depuis mille ans : cette propriété respectable est citée au tribunal de la nation. Des titres sont demandés, et l'on n'en présente aucuns pcmr attaquer ces titres. Nos commettants, au contraire, ont témoigné le respect le plus profond pour les propriétés ; pourquoi ce respect serait-il violé/ Il est des objets sur lesquels il faut appeler la vénération des peuples; vouloir lever le voile dea possessions du clergé, c'est livrer à 1 inquiétude tous les citoyens propriétaires.
Je suppose d'abord que 1 Assemblée nationale no veut ni créer des droits, ni envahir \ elle demande à qui appartient cette masse immense de propriétés ; c'est à quoi se réduit la question, nui devient une question de fait et ne peut etre iugée que par des titres. Je n'en connais que de deux espèces : titres originaires et possession
Le clergé a-t-il des titres originaires t Un a donné au clergé parce qu'on éiait propriétaire. Mais, dit-on, les fondations les plus importâmes viennent des rois..*. Alors le domaine était inaliénable ; presque toutes les propriétés ont a même source, et ne seraient point a labri de celte objection. Pouvait-on recevoir? On le peut quand on peut acquérir, et les lois n avaient pas défendu d'acquérir. On a donne au cierge entièrement ; tous les actes portent: « pour faire ce qu on voudra ». Les clauses sont telles, quon ne peut rentrer dans les fonds donnés : ainsi, nous possédons plus entièrement que les particuliers, ainsi, on a pu donner; ainsi, nous avons pu recevoir.
La possession. Peut-on mettre en question si un corps est propriétaire, quand il a pu aliener ses fonds, les grever d'hypothèques, quand il a été soumis à l'impôt, quand il a été appele aux assemblées de la nation comme propriétaire ? Nous n'étions pas propriétaires.... Mais ces banquiers qui sont venus nous donner leur argent à un si bas intérêt, mais nos rentiers ne nous regardaient-ils pas comme tels? Quand on vous demande: Possédez-vous cette terre? tous vos voisins disent que cette terre est à vous. Quand
on nous l'ait la meme question, tout l empire lait la même réponse. N'avez-vous pas des parents, des amis, dont vous avez cru la subsistance assurée avec une dotation ecclésiastique t
Dans cette Assemblée, l'objection la plus foi te qui ait été faite est celle de M. Thouret.Les corps, dit-il,n'existent que parla loi. Le particulier qui se présente devant la loi demande tout ce que la loi ne prohibe pas ; la loi ne defend pas les fondations, on a donc pu en faire, le cierge a donc . pu en recevoir. Avons-nous ete crées pai la loi, ou sommes-nous le résultat des facultés garantie nar la loi ? Je voudrais qu on me citât une seule loi qui eût établi les grands corps ecclésiastiques.... Jamais peuple n a été plus essentiellement libre de disposer de sa chose que les Francs, et l'on demande par quelle loi il ont pu nous donner ! Ils étaient les maîtres de leur^pro priété, ils ne devaient à l'Etat que de le.défendie. L'Etat dit-on, a souvent aliéné des fonds du clergé : jamais. Je délie de citer une aliénation. IM le comte de Mirabeau annonce qu il se réserve de répondre à ce défi.) Gomme on repondra, continue l'orateur, je dois poser 1 état de la question : quand nos biens ont été aliénés pour 1 Etat, ils l'ont été de notre consentement, c est par nous que l'aliénation s'est faite.
L'Etat, a-t-on dit, peut supprimer tous les établissements ecclésiastiques : il ne le peut, et même il ne le doit que quand ces ecclésiastiques sont nuisibles; mais c'est une moralité qui s'écarte du point de la question. Si 1 on nous dit : Yous êtes inutiles ; nous dirons : Rendez-nous utiles; si on ne le peut, il faut nous sup-
ProTprétend que les biens du clergé ne sont que le salaire des fonctions publiques qu il remplit. Les dîmes avaient cette origine; mais les biens-fonds. .. Je demande quelle fonction publique a instituée le seigneur qui a formé un établissement pieux dans sa terre ; cet établissement est pour son utilité particulière; les fonds qui y^ sont attachés appartiennent particulièrement a cet établissement.
A qui donc la propriété des fonds ? Ils ont été donnés pour faire telle et telle chose à tel temps; ils appartiennent à celui qui fera. Pour detruire ce raisonnement, il faut montrer la loi qui a empêché de donner à condition de faire.
On suppose que si la nation a donné, elle peut reprendre. Cette observation est un peu sau\age... On cite la magistrature, le militaire; mais les individus qui composent ces corps respectables ne sont pas inséparablement liés à ces corps, hn t quoi ! on nous liera pour jamais, et la nation ne serait pas liée! et la nation pourrait rompre ce contrat bizarre sans changer notre positionl Vos pères n'ont rien donné sans retour ; on dirait aux enfants : Liez-vous et vous subsisterez ; et on leup enlèverait leur subsistance !.... .
M. Dupont a dit que si le clergé avait pave comme la noblesse depuis 1706, ii Y auraitde plus dans la caisse de l Etat 2,700,000,000. Peut" M on faire cette observation dans une Assemblée ou l'on a consacré le principe que nul n'était tenu aux impôts qu'il n'avait pas librement consentis? L'empereur turc, lorsqu'il prit 1 île de Landie, avait un vizir qui établit par des raisonnements profonds que cette île devait payer toutes les impositions qu'elle aurait payées si elle avait de-pendu de l'empire depuis le même temps que les _ autres îles de l'Archipel. M. Dupont a d ailleurs oublié tous les dons faits par le cierge en IbJl, 1693, 1695, etc.
M. l'abbé de Montesquiou termine son discours pardes observations sur les doubles emplois, etc., et sur toutes les causes qui doivent rendre infidèles les calculs ou aperçus faits sur la valeur des biens du clergé.
On crie de toutes parts : Aux voix! aux voix!
propose un ajournement fixé à lundi. Il en donne pour raisons la réponse qu'il doit faire au défi de M. l'abbé de Montesquiou ; la demande des provinces belgiques dont les députés veulent parler sur la question, et qu'on ne peut refuser d'entendre ; et la difficulté d'opiner la nuit, même par appel nominal. Le oui et le non, dit-il, apportent-ils avec eux la figure de ceux qui opinent?
annonce qu'il doit parler pour sa province, et demande acte du refus qu'on ferait de l'entendre.
Beaucoup de membres s'élèvent pour exprimer le même voeu.
(1). Messieurs, dans la séance du soir du 4 août, j'ai eu l'honneur de vous annoncer que la noblesse entière, tant celle entrant aux Etats que celle qui n'y est point admise, m'avait choisi pour son représentant; que les trois ordres de la province du Gambrésis ont été soumis dans tous les temps à une contribution égale entre eux, et que j'étais convaincu qu'ils ne pouvaient qu'acquiesciér de nouveau aux vues de justice de l'Assemblée nationale.
C'est cette justice, Messieurs, dont je réclame, dans ce moment, l'effet pour cette province.
Son clergé, ainsi que celui des autres provinces belgiques (2), n'a jamais fait partie du clergé de France.
Les lettres patentes du 21 mai 1777, accordées à la demande du corps administratif des états de ia province, ont remis les gens de mainmorte, du pays et comté du Gambrésis, dans l'état où ils étaient lors de l'expédition des lettres patentes du 9 juillet 1738, qui interdisent au clergé de Flandre et de Hainaut 1a faculté de faire des acquisitions. "
Le parlement de Flandre, auquel ressortit le Gambrésis, est en possession d'y fixer la quotité des portions congrues.
Votre sagesse vous a fait décréter, Messieurs, qu'aucune province ne pourrait s'assembler jusqu'à ce que vous ayez réglé le mode de convocation dans lequel elles s'assembleront.
La sagesse qui dirigeait les délibérations de la noblesse du Gambrésis l'a portée à charger son député de demander (son cahier n'ayant jamais été impératif) que les pensions sur les abbayes, a la mutation des abbés réguliers, soient, par préférence, appliquées aux ecclésiastiques de la province et que, dans aucun cas, la commende ne puisse y être introduite, même en faveur des cardinaux.
Cette demande me parait contraster avec le principe qu'on vous propose de décréter sur la propriété des biens du clergé.
Le Gambrésis a le plus grand intérêt à ce que
Je fais donc la motion expresse au nom du Gambrésis (je crois pouvoir dire au nom de toutes ies provinces belgiques), que le jugement de la question soit renvoyé après l'organisation des assemblées provinciales, dont il est de la plus grande importance de s'occuper sans délai, pour que les provinces belgiques puissent former un vu que leurs députés s'empresseront de transmettre à l'Assemblée nationale.
propose, à cause de l'heure avancée, de continuer la suite de la discussion à lundi prochain, à onze heures du matin.
Cette proposition est adoptée et la séance est levée.
Séance du
annonce que M. Delettre, curé de Berny-Rivière, député de Soi s sons, donne sa démission.
dit ensuite qu'il a reçu la lettre suivante, dont il donne lecture :
De Saint-Germain-en-Laye, le
« Monsieur le président,
« Voulez-vous bien avoir la bonté de prévenir l'Assemblée que je me démets de l'emploi qui m'avait été confié de député aux Etats libres et généraux de la France.
« Je suis avec respect, monsieur le présiden t, votre, etc.
« Signé : Lally-Tollendal (2). »
J'invite le comité des recherches à s'assembler sur-le-champ pour des affaires urgentes.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur les motions relatives à la propriété des biens ecclesiastiques.
demande si l'intention de l'Assemblée est que les députés des provinces belgiques soient particulièrement entendus.
Il est décidé par uu décret qu'ils le seront.
Je ne viens point ici développer des maximes particulières à ma province, mais des maximes nationales. La nation n'est pas propriétaire, le clergé ne lest pas non plus.
Le premier principe, en fait de propriété, est que celui qui n'est pas possesseur
prouve sa propriété ; or, la nation ne possède pas : donc elle doit prouver et
produire ses titres. On a dit : Le clergé n'est pas propriétaire ; donc c'est la
nation.
La propriété est le droit d'user et d'abuser. Or, la nation n'a jamais usé des biens du clergé; elle n'a donc pas le droit d'en abuser; elle a imposé les biens du clergé. On n'impose jamais sa propriété. On a dit : La nation a jusqu'ici salarié les ministres avec des fonds de terre; elle peut user d'un autre mode. Gela n'est pas exact. La nation n'a pas salarié les ministres; elle les a trouvés suffisamment dotés, et ne leur donne rien. La dîme était un salaire: vous l'avez supprimée ; le reste n'en est pas un : il est le fruit des libéralités particulières. On a dit ; Des particuliers ont doté les ministres à la décharge de la nation. Je suppose que je suis débiteur d'une somme de 300 livres; un tiers la paye pour moi, puis-je prétendre que ces 300 livres sont à moi?
La nation, sous aucuns rapports, n'est donc propriétaire des biens du clergé.
Le clergé n'est pas non plus propriétaire. Le clergé, comme tous les corps, ne peut avoir qu'une existence précaire; il n'a donc droit qu'à une jouissance. La propriété est le droit d'user et d'abuser. Si un corps pouvait abuser il se détruirait lui-même. Tout corps moral a donc une incapacité d'aliéner inhérente à son existence. Le clergé n'a pas même le droit de consommer ses revenus comme il lui plaît. Il est assujetti à en faire un emploi déterminé.
A qui appartiennent donc les biens du clergé? Quel en est le propriétaire ; Personne ? ils sont res sacr, res religios, res nullius.
Les biens confisqués sur les criminels condamnés par les lois sont destinés à enrichir le fisc; ils ont été consacrés afin que le gouvernement ne devînt pas trop puissant. Toute donation faite à
l'Eglise est faite Domino Deo, non alteri.....
Si je voulais vous mettre sous les yeux les actes par lesquels nos pères ont confié à notre protection les dons qu'ils faisaient à l'Eglise, vous verriez quel intérêt ils y attachaient; ils vouaient à l'anathème quiconque toucherait à ces dons. S'agit-il de la destination? Elle est indiquée par la fondation. C'est un contrat, on ne peut violer les clauses. La destination des biens est le culte qui consiste dans la prière, l'aumône et l'entretien du ministre. Mais à qui confierez-vous le soin de veiller à cette destination ?
Les provinces helgiques ont la moitié de leurs terres entre les mains des ecclésiastiques; en décidant que la propriété est à la nation, vous nuiriez infailliblement à ces provinces, puisque vous changeriez nécessairement la destination de ces biens. En effet, si vous décrétez la vente, il est évident qu'un très petit nombre de propriétaires indigènes acquerra ces propriétés, qui passeront dans des mains étrangères. Si vous ne les vendez
Las, et que vous les déléguiez aux créanciers de Etat, les provinces belgiques feront une perle plus grande encore. Le créancier indifférent ne retirera que son revenu, pour le consommer ailleurs, tandis que si des étrangers avaient acquis, nous conserverions l'espérance de les attirer parmi nous, par le charme certain que la terre a pour celui qui la possède. Cette réclamation n'est pas celle d'un privilège, mais du droit naturel qui prescrit que le revenu soit consommé à l'endroit d'où il sort. Les provinces belgiques renferment très-peu d'abbayes en commende; et, si vous les privez de cette consommation, vous les livrez à la plus grande pénurie.
Je demande que la question soit ajournée jus-
qu'à ce que les assemblées provinciales aient donné leur avis.
La question de savoir si les biens de l'Eglise appartiennent à la nation est suffisamment discutée. J'ajouterai seulement des observations qui n'ont pas été faites. L'Evangile prescrit aux successeurs des apôtres le détachement des biens temporels, et les lois de l'Eglise établissent que les fidèles consacrés à Dieu ne doivent rien posséder en propre. Le clergé ne serait donc propriétaire que contre son institution ; la loi devrait donc faire cesser cet abus. Les fondateurs ne pouvaient donner qu'à ceux qui pouvaient recevoir ; on invoque inutilement le droit des fondateurs.
On doit cependant distinguer les donations faites aux curés par les communautés des lieux où les cures sont établies. Je fais de cette distinction l'objet précis d'un amendement.
(Ici l'orateur tire de sa poche un gros volume dont la vue excite de l'agitation parmi les membres du clergé.)
Ce livre que je tiens en main contient les institutions ecclésiastiques. Voici une maxime fondamentale que je tire du chapitre.....
« Les ecclésiastiques ne peuvent rien posséder en propre. »
Rappelons donc le clergé à ses premières institutions ; rappelons-nous le chef de l'Eglise donnant l'exemple de la pauvreté et de l'humilité; l'égoïsme et l'intérêt ont perverti l'esprit et l'intention des fondateurs ; le clergé, à son gré, s'était attribué le droit de fondre ensemble plusieurs fondations, d'en supprimer, etc.
Passant aux intérêts civils, nous sentirons les inconvénients qu'il y' aurait à laisser entre les mains de ces grandes familles stériles, qui ne se soutiennent qu'au détriment de la génération présente, des biens immenses, condamnés par l'esprit ecclésiastique à une éternelle stagnation.
Je crois devoir aussi réfuter l'objection de M. l'archevêque d'Aix et de l'abbé de Montes-quiou, qui ont prétendu que le clergé était propriétaire, parce que le clergé avait reçu des donations de citoyens aptes à les faire.
Il est certain qu'un propriétaire peut donner; mais, dans une donation, il faut que le donateur et le donataire soient aptes, l'un à donner, l'autre à recevoir. Or, le clergé, par son institution, ne pouvait recevoir, puisqu'il devait par état, en suivant l'exemple des chefs suprêmes de la religion, renoncer à l'éclat des richesses et s'enorgueillir, non de ses biens, mais de sa pauvreté. Le clergé, en possédant des biens-fonds, a donc interverti l'ordre des choses, foulé aux pieds sa première institution, qui lui défendait de posséder des richesses. Donc il ne pouvait, sous quelque prétexte que ce soit, s'approprier des terres, et encore moins abuser de la crédulité des fidèles pour les spolier, non en faveur des églises, mais constamment en faveur de leurs individus. De là, et c'est moi qui tire cette conséquence conforme aux principes de justice, de vérité, dont je ne m'écarte jamais, au moins de gaîté de cur ; de là ces abus, ces scandales, ces infamies, qui auraient renversé notre divine religion, si elle n'eut été assise sur les immuables bases que lui a posées Jéhova. Non, je ne vois pas de preuves plus frappantes de la solidité et de la divinité de la chrétienté que le libertinage du clergé, et l'abus incommensurable qu'il a fait du texte même de l'Evangile, tantôt pour asservir les peuples et les
rois sous le joug du despotisme ecclésiastique, tantôt pour faire briller à leurs yeux le glaive flamboyant de la puissance temporelle et spirituelle. De là, depuis l'usurpation de Pépin, qui se servit de l'ambition des prêtres pour affermir son usurpation, nos rois ont dépendu plus ou moins de l'orgueil des prêtres et de leurs chets qui, se couvrant du voile de serviteurs des serviteurs, ont été les plus orgueilleux des humains, et ont poussé le fanatisme de l'orgueil jusqu a déposer les têtes couronnées et les fustiger a la porte de nos temples. Le pauvre Louis le Débonnaire en a été un exemple frappant.
, curé de Saint-Aubin. Je vais parler conformément à ma conscience, je ne dirai rien d'outré. Je suivrai, à quelque chose près, les principes de M. de Beaumetz. Ni la nation, ni le clergé ne sont propriétaires; la nation, comme souveraine, a la grande main sur les biens ecclésiastiques; elle en est la gardienne ; c'est à elle à pourvoir à ce que les fonds du clergé soient sagement administrés; mais elle ne peut s'en attribuer la possession : ces fonds sont tels que nul ne peut s'en arroger la propriété ; mais cette possession sans propriétaire est sacrée,Domino Deo.
Ainsi la propriété n'est à personne, l'usufruit est au clergé, la serveillance à la nation .
Je conclus à ce que l'on réduise les chapitres, que l'on supprime les abbayes en commende entièrement et sans réserve, mais je demande grâce pour quelques communautés; en élaguant l'arbre de la religion jusqu'à sa dernière branche, on pourrait faire mourir le tronc.
Je dis hardiment au préopinant que ses craintes sont paniques ; la religion a de fermes soutiens et des soutiens inébranlables dans le clergé u'ile et laborieux ; et cette classe du clergé n'est ni les moines, ni les abbés, ni les prélats. J'en excepte quelques-uns qui, dans un siècle éclairé, ont secoué le joug des préjugés ; mais les autres, et malheureusement c'est le plus grand nombre, sont de ces fastueux sulpiciens à qui la grande Cateau (le docteur Lefèvre, surnommé ainsi par dérision, mais dont le nom doit être consacré à l'immortalité) disait hautement en pleine Sorbonne : In angulis sordes,et ex sordi-bus nascuntur episcopi.
Ce grand homme, si son âge lui permettait encore d'exercer la théologie, ne tiendrait plus le même langage. La sagesse de l'Assemblée nationale a détruit aujourd'hui ce préjugé qui faisait élever à l'épiscopat des prêtres qui n'avaient d'autre mérite que celui d'appartenir à de grandes maisons, et qui n'obtenaient la divine hiérarchie d'être les serviteurs des serviteurs que pour écraser dans leur insolente ignorance les personnes de mérite du bas clergé, terme honteux consacré jusqu'aujourd'hui : époque fameuse où le clergé sera ce qu'il doit être, où la religion reprendra ses droits ; où le curé de village, s'il est un homme de mérite, s'il a des murs pures, parviendra à l'épiscopat....
Je prends la parole pour déclarer que l'effroi des provinces belgiques n'est pas tel qu'on a voulu le présenter. Le cahier d'Avesnes, dont je suis porteur, en est une preuve, puisque le Haïnaut me charge par ses instructions de demander la vente des biens du clergé. Je m'oppose à l'ajournement.
, curé de Saint-Pol. Mon cahier
m'impose la loi de m'élever contre cette vente, et c'est pour y obéir que je prends la parole.
La propriété des biens ecclésiastiques n'appartient ni au clergé, ni à la nation. Le clergé n'est qu'administrateur; il ne doit compte qu'à Dieu de son administration. La nation n'a que la surveillance ; elle doit réprimer les abus, détruire ce qui nuit, mais conserver ce qui est utile.
, curé de Saint-Loup, au nom de plusieurs députés du Gotentin, s'exprime en ces termes (1) :
Messieurs, la propriété des biens que l'on appelle biens ecclésiastiques, n'appartient ni à la nation, ni aù clergé: elle appartient à la chose à laquelle ils ont été destinés; et cette chose est:
1° L'entretien du culte;
2° Le soulagement des pauvres.
Les ecclésiastique en sont et en doivent demeu; rer les administrateurs et les dispensateurs, ainsi qu'ils ont été constitués par la volonté des donateurs de ces biens; mais ils doivent rendre compte de cette administration à la nation, qui a le droit de la surveiller et de la diriger.
Les fondateurs ont eu en vue d'entretenir l'exercice de la prière et le soin des pauvres. En donnant aux ecclésiastiques, ils ont fait entre leurs mains un dépôt au profit d'un tiers.
Les ecclésiastiques, en ajoutant aux biens qui leur ont été donnés des biens acquis par leur travail, leurs soins et leur économie, ont acquis au bénéfice de la chose remise à leur administration. Ils ont fait valoir en serviteurs fidèles le talent qui leur avait été confié.
Les ecclésiastiques n'ont jamais eu droit d'user, pour leur commodité personnelle, de ces biens, au delà de ce qu'on entend par ces mots : victum et vestitum.Ils ont toujours dûremettre le surplus à sa véritable destination.
S'ils ne remplissaient pas en cela leur devoir, il serait juste qu'ils eussent dès ce monde un juge au-dessus d'eux qui les y contraignît.
Ge juge est la nation. Les représentants de la nation sont ses mandataires pour faire rendre le compte.
S'il en était autrement, qui procurerait les réformes d'abus et les redressements de griefs ?
Ge ne serait certainement pas ceux qui en devaient être l'objet, ni les pauvres, qui n'ont point de procureurs particuliers pour réclamer ce qui leur est dû.
La nation n'a donc pas le droit d'aliéner à son profit les biens ecclésiastiques ; mais non-seulement elle a le droit, mais môme le devoir de ses représentants est de veiller à ce qu'ils soient employés à leur véritable destination.
La nation a donc le droit d'en ordonner une répartition juste qui sera :
1° De donner à chaque ministre du culte un victum et vestitum convenable sous les différents rapports de la société dans l'état actuel et de l'essence de l'état apostolique : première partie de l'entretien du culte;
2° D'en attribuer une partie à l'entretien des bâtiments, ornements et autres objets matériels : seconde partie de l'entretien du cuite;
3° De pourvoir à ce que tout le surplus après que ces biens auront acquitté en gros
avec tous les autres biens du royaume indistinctement la taxe proportionnelle de
contributions qu'ils
Sous ce rapport, il est incontestable que ces biens sont sacrés et inaliénables; qu'ils sont la propriété, non de la nation, mais d'une portion de la nation, sous la garantie et la tutelle de la nation entière. Et cette portion de la nation ce ne sont point les ecclésiastiques, ni les riches propriétaires de toutes les religion s nui la composent ; mais ce sont les fidèles catholiques, quant au culte, dont l'exercice gratuit leur est dû, et les pauvres de toutes les sectes, quant aux soulagements que l'humanité réclame.
On propose donc cette motion :
1° La propriété des biens ecclésiastiques appartient à la chose à laquelle ils ont été destinés, et cette chose est l'entretien du culte et le soulagement des pauvres. Ils sont inaliénables (1).
2° Les ecclésiastiques doivent en être et demeurer les administrateurs, sous la surveillance et la tutelle des représentants de la nation.
3° Le devoir des représentants de la nation est de régler la distribution de ces biens tellement qu'une partie soit affectée à l'entretien décent des ministres, une autre à l'entretien des bâtiments et autres objets matériels du culte, et le surplus à des établissements utiles au soulagement du peuple.
4° Ces hiens doivent contribuer aux charges de l'Etat, de la même manière que s'ils étaient encore possédés par les citoyens qui les ont donnés aux églises.
5° Lorsque tous les biens des particuliers sont taxés à un degré tel qu'une plus forte taxe nuirait à leur existence, il est raisonnable de demander à ces biens publics, dans les moments de besoin extraordinaire, une plus forte contribution momentanée, parce que c'est pourvoir utilement au soulagement des pauvres, que de prévenir leur multiplication, effet nécessaire des tributs excessifs.
(2). Messieurs, plusieurs orateurs ont agité de grandes questions sur les propriétés de la couronne, du clergé et de tous les établissements de mainmorte.
Je me permettrai d'examiner leurs principes, de discuter les conséquences qu'ils en tirent, d'en présenter les avantages ou désavantages, afin de parvenir à des résultats quelconques. Cette discussion est d'autant plus nécessaire, qu'il ne s'est pas encore présenté de question d'une plus grande importance, et dont la décision est telle qu'elle aura une influence majeure, tant sur les opinions religieuses que sur Je droit public du royaume. On a posé pour principe que la nation était propriétaire de tous les biens du domaine et du clergé. Si ce principe était admis, elle doit l'être de toutes les autres propriétés ; il ne peut y avoir d'exception à un principe. Je rejette donc celui des préopinanls comme destructif du pacte social et les conséquences qui en découlent.
Une nation est souveraine et n'est pas pro-
Une nation est un corps fictif, un être moral. Un être moral n'a et ne peut avoir de propriété. Une nation est la réunion d'hommes gouvernés par la loi : la loi est l'expression de leurs volontés. La nation constituée souveraine fait exécuter la loi; et jamais des hommes réunis pour se donner des lois n'ont dit ni voulu dire que leur assemblée, appelée depuis nation, eût le droit de disposer des propriétés particulières : la nation est donc constituée pour les conserver, et non pour en disposer.
Tel est son droit de souveraineté, d'où dérivent toutes les lois qui tendent à la garantie des personnes et des biens.
D'après ce principe, je vais examiner d'abord les propriétés appelées domaines du Roi, ou de la couronne, et je passerai ensuite à ceux du clergé, et des gens de mainmorte.
Domaine du Roi.
On a posé pour vérité incontestable, que les domaines du Roi ou de la couronne étaient les biens de la nation; surtout depuis que, par des subsides, la nation se charge de pourvoir non-seulement aux dépenses du service public et aux dettes du gouvernement, mais encore aux frais de la liste civile pour la personne du Roi et pour sa maison.
Je pense qu'il est aisé de prouver qu'il y a plus de spécieux que de vérité dans cette prétendue propriété.
Il ne s'agit que de remonter à l'origine des choses, que je fixe à la dynastie régnante.
Hugues Gapet est arrivé au trône avec des domaines très-considérables. Ces domaines, tantôt augmentés, tantôt diminués, et en quelque état qu'ils soient aujourd'hui, ne peuvent pas tous indistinctement appartenir à la nation ; ils ont passé de mâle en mâle par une substitution perpétuelle, et sont le patrimoine de la maison régnante, comme une terre est le patrimoine d'une famille.
Les rois sont toujours mineurs : la substitution est graduelle et perpétuelle. JN'existe-t-il pas dans le royaume quelques familles qui en ont de pareilles ? Ainsi je base l'inaliénabilité du domaine, non sur le droit de la couronne, mais sur le droit d'une propriété substituée dans la race masculine des Capétiens. Les domaines sont donc improprement appelés de la couronne, ils sont domaines des rois; ce sont des biens patrimoniaux: les descendants de Hugues Capet en sont propriétaires, indépendamment de la souveraineté.
Si la nation les aliénait, elle renverserait de fond en comble tous les principes qui assurent l'inviolabilité de la propriété.
On croit fortifier ce système en l'étayant de ce que la nation se charge des dépenses du service public, des dettes du gouvernement et des frais de la liste civile.
Il est facile d'effacer ces trois objections.
1° Les dépenses du service public.
Les rois, n'étant que les dépositaires delà force publique, ne pourraient être tenus aux dépenses qu'entraîne la garantie des personnes et des biens qu'en raison de leurs intérêts personnels. Leurs propriétés n'y seraient donc assujetties que par une contribution proportionnelle à leur valeur.
2° Les dettes du gouvernement.
Elles sont présumées n'avoir été contractées que r pour la chose publique, c'est-à-dire pour les frais de la guerre, et pour ceux que nécessitent une grande administration et un vaste empire : tels que des arsenaux de terre et de mer, des ponts, y des grands chemins, et des établissements de tous genres, dont une nation puissante ne peut se passer.
3° Les frais de la liste civile.
Cet article est personnel au Roi et à la famille royale ; mais il fait naître aussi la question de la Y valeur des domaines. Ou ces domaines suffisent, ou ils ne suffisent pas pour l'acquit des frais de la dépense personnelle du Roi. S'ils sont suffisants, et ils le seraient si, en vertu de la substi-r tution perpétuelle et du principe de l'aliénabilité consacré par les anciens Etats généraux du royaume, la nation décrétait que le Roi y rentrera enremboursant le prix des aliénations; si, dis-je, le revenu des domaines suffit à la dépense persônnelle du Roi, pourquoi le souverain n'en jouirait-il pas comme tous les usufruitiers substitués? Dans le cas d'insuffisance, pourquoi vendre ces mêmes domaines? Quel bénéfice y ferait le trésor public?
" Pourquoi grever les peuples par une augmentation plus Considérable d'un subside perpétuel?
Mais des raisons politiques et d'utilité publique ne s'opposent-elles pas à cette aliénation? ?. Les domaines du Roi consistent, pour la majeure partie, en forêts de haute futaie. Le reste, en terre, est à peine du revenu annuel de 160,000 livres, suivant M. Necker.
Ces forêts sont une ressource précieuse pour la marine. C'est de là qu'on tire presque tous les bois de construction et même de charpente. Pour les aliéner, il faudra les diviser, ou, si on les vend entières, des compagnies pourront seules en faire l'acquisition. Dans l'un et l'autre cas, ces forêts seront exploitées, et la plupart réduites en taillis.En vain voudra-t-on prescrire des conditions conservatoires aux acheteurs : ce serait les écarter, parce que toute spéculation dans ce genre n'a pour but qu'une vente prompte et rapide qui puisse faire rentrer les capitaux. Ainsi le résultat de l'aliénation des domaines du Roi sera de priver le royaume de la ressource des bois de construction indispensables pour l'architecture navale et civile.
Les raisons les plus fortes d'utilité publique et de justice s'opposent donc à l'aliénation des domaines du Roi; l'administration doit en être confiée aux assemblées provinciales.
Je pourrais citer les assemblées soleunelles, dont la première est de 1279, les Etats généraux tenus à Paris en 1401, qui ont déclaré que le domaine royal ne pourrait être aliéné à perpétuité. Je passe sous silence les ordonnances, édits, Etats généraux de 1358, 1366, 1380, 1402, 1483, 1517, 1519, 1521, 1529, 1539, 1543, 1559, 1566, 1667, 1717, qui tous ont confirmé ce principe, au point qu'il fait partie de notre droit public. Nos rois, à leur sacre, en renouvellent et consacrent l'observance; Louis XVI, à son sacre, en a confirmé les dispositions : la nation peut-elle le délier de son serment?
Ce serment est obligatoire pour l'un et pour l'antre ; la prévoyance prescrit à l'Assemblée de maintenir les décrets des précédents Etats généraux; il serait impolitique de les anéantir; ce se-
rait exposer les siens au danger d'éprouver un jour le même sort. Une nation que l'on accoutumerait à des changements fréquents de principes finirait par les recevoir avec indifférence.
Après avoir prouvé, je pense, que les domaines du Roi, du moins les anciens, appartenaient à la maison régnante et non à la nation, il me reste à parler des propriétés du clergé et de ce qu'on appelle gens de mainmorte.
Ces propriétés sont mises en question : leur aliénation et leur vente sont proposées.
On est parti de ce principe : que toute corporation religieuse existant dans un Etat n'existait que du consentement de la nation ; que cette nation, étant maîtresse de la supprimer et de disposer d'une manière quelconque de ses jouissances, pourrait conséquemment disposer de ses fonds ; donc la propriété des biens de cette corporation appartient à la nation.
En adoptant et en étendant ce principe, la nation est propriétaire des biens du clergé; ses membres n'en sont que les administrateurs ; je dis simplement les administrateurs, et non les usufruitiers, puisque de leur vivant on agite et on propose la vente des fonds.
Ainsi, dans le système moderne, la nation est constituée propriétaire de tous les biens du clergé. Je ne crains pas de répéter qu'un être moral n'a pas de propriétés, et que c'est confondre les idées de créer en droit positif ce qui est en droit négatif.
Quel est donc le propriétaire des biens du clergé? ce sont les pauvres et le culte divin.
Quel est le but, quels sont les motifs des donations, des fondations et des dotations? L'entretien des temples, les pensions des ministres des autels, la nourriture des pauvres. Ces établissements sont à perpétuité, et la plupart sans clause de réversion dans le cas même que ces établissements fussent détruits. Les principes des donateurs ou des acquéreurs ont donc été d'assurer à jamais le patrimoine des pauvres et la dépense du culte public.
A l'égard des établissements avec clause de réversion dans le cas de leur
suppression, il est hors de doute que les ayants cause des fondateurs n'aient le droit
d'en revendiquer les fonds. Un exemple récent en fournit la preuve. Le roi de
Sardaigne a réclamé, en 1784, l'hôtel de Savoie dans la ville de Lyon, légué aux
célestins par Emmanuel Ier, duc cle Savoie, qui avait
réservé par l'acte de donation à ses héritiers le droit de rentrer dans la propriété
de cet hôtel, si les célestins l'abandonnaient. Lors de la suppression des célestins,
le roi de Sardaigne revendiqua juridiquement l'hôtel de Savoie, qui lui fut adjugé
nonobstant l'opposition du syndic du diocèse de Lyon.
La nation n'est donc pas propriétaire. Il ne s'ensuit pas qu'une nation n'ait pas le droit de supprimer une corporation religieuse, et ce droit a été exercé ; mais la conséquence n'est pas qu'elle ait le droit de disposer des fonds pour un usage contraire à la volonté des donateurs.
On ne manquera pas de demander : que deviendraient les biens de toutes les corporations religieuses, si la nation voulait les supprimer? L'emploi en est facile et conforme aux vues primitives de leur destination : le culte public et le soulagement des pauvres.
Ainsi, la nation peut ordonner une répartition plus égale entre les ministres des autels, et réformer des établissements publics, tels que des maisons d'éducation nationale, et des hospices de bienfaisance ou de justice. Ce n'est pas là disposer des fonds, c'est disposer des revenus.
On a fort bien défini le droit de la propriété par son usage : user, abuser ; mais je pense aussi qu'on a abusé de la définition, quand, en l'appliquant au clergé, on a tiré la conséquence qu'il n'était pas propriétaire de ses biens. Sans doute les ecclésiastiques ne sont que des usufruitiers, et, sous ce rapport, ils ne peuvent qu'user des biens de leurs bénéfices; ils n'en peuvent abuser, puisque la vente leur en est interdite.
D'après cette définition de la propriété appliquée au clergé, considéré comme corps moral, une nation qui ne peut être considérée que sous le même rapport n'est donc pas propriétaire, elle ne peut qu'user et jouir, mais elle ne peut abuser, puisqu'il y a impossibilité morale et physique qu'elle aliène jamais hors de son sein la masse collective de ses propriétés.
La propriété ne réside donc pas exclusivement dans la seule faculté de pouvoir aliéner ; elle réside spécialement dans une possession non interrompue et fondée sur le principe de l'union politique qui a garanti les droits respectifs de toutes ses parties. C'est dans ce sens que les cor-porations laïques de toute espèce, les communes des villes, les pères de famille enchaînés par des coutumes locales, et généralement toutes les personnes à qui la loi refuse le droit d'aliéner, ne sont pas moins propriétaires et ne peuvent être dépouillées que par l'infraction du contrat social.
Ce principe doit être adapté au clergé : il est propriétaire. JS'a-t-il pas le droit d'emprunter, et tout emprunt n'est-il pas une aliénation déguisée? Le clergé pouvait vendre autrefois : une sage prévoyance lui en a ôté le droit ; et ce n'est que depuis" 1749 qu'il a perdu celui d'acquérir, quoique depuis, le gouvernement lui ait restitué la faculté de placer sur le Trésor royal et sur les maisons fondées.
Les caractères de la propriété sont de pouvoir affermer, discuter, transiger, vendre, aliéner, échanger, inféoder, emprunter, acquérir. Or, le clergé a exercé tous ces droits. Il exerce encore tous ceux relatifs à l'administration ; et, quoiqu'il ne puisse vendre ni aliéner, non-seulement l'édit de 1749 n'a point prononcé d'incapacité , mais au contraire le législateur lui en a conservé la faculté, avec la seule formalité des lettres patentes. Sa propriété est donc réelle, puisqu'elle en a tous les caractères primitifs et tous les droits constitutifs.
On a dit que le clergé n'était qu'un corps fictif, qu'un être moral, et que, sous ce rapport, il ne pouvait être propriétaire; mais une nation est-elle autre chose qu'un être fictif, qu'un corps moral? L'un et l'autre sont composés d'individus.
On a dit encore que les ecclésiastiques ne sont pas dans un état de nature; qu'un ecclésiastique n'est pas un individu réel ; que c'est un être fictif, un être idéal, et qu'il n'a de droits civils que ceux dont la nation lui donne communication. J'avoue que de pareilles distinctions sont tellement sophistiques qu'il faut en demander l'explication à M. Thouret. Si les individus qui appartiennent à des corps moraux sont ainsi définis, et que cette définition soit appliquée, comme elle peut l'être, au corps de la magistrature, au corps d'une armée, un magistrat, un militaire, seront étonnés de n'être pas dans un état de nature, de n'être pas des individus réels, de ne plus se trouver que des êtres fictifs, que des êtres idéaux. Il m'est permis de douter que M. Thouret les persuade, et même qu'il persuade personne.
En vain dit-on que les membres du clergé ne composent qu'une classe stérile. Il ne faut pas considérer les individus, c'est leur destination ; et, sous ce point de vue, le clergé doit être regardé comme propriétaire des biens qui, jusqu'à ce jour, lui ont appartenu. Je n'invoque pas une possession de plus de quatorze siècles, quoiqu'elle soit d'un grand poids ; je n'invoque pas cette possession sanctionnée par nombre de tenues d'Etats généraux : je m'en tiens au principe. Le clergé possède, c'est un corps toujours subsistant : il est propriétaire collectivement, usufruitier individuellement. La nation, par son droit de souveraineté, a l'administration suprême des biens ecclésiastiques, comme un tuteur a l'administration des biens de son pupille ; mais le clergé n'en est pas moins propriétaire réel et incommutable, comme ce dernier.
Le clergé n'a usurpé les possessions de personne ; tes siennes lui appartiennent à titre de donation ou d'acquisition. Ce n'est point la nation qui a donné ; ce n'est point la nation qui a reçu : ce sont des propriétaires, et les donataires ont accepté pour subvenir aux dépenses des ministres du culte, de l'entretien des autels, et du soulagement des pauvres. Voilà les trois propriétaires, et dont les titres ont pour base la religion, la morale et l'humanité.
Ces propriétaires, toujours subsistants, sont toujours mineurs. Et comment dépouiller les pauvres sans les entendre ? Comment vendre leur patrimoine ? Les pauvres sont nos frères, sont nos concitoyens, ils font partie du peuple, de ce peuple qui nous a réunis pour améliorer son sort, pour assurer son bonheur, et nous ferions des malheureux ! Non, Messieurs : l'Assemblée ne rendra pas, au nom de la nation, un décret aussi immoral. En vain me parle-t-on d'une taxe pour les pauvres : leur soulagement est plus assuré par la charité active des pasteurs qui, rapprochés d'eux, connaissent leurs besoins. Ces pasteurs savent à quelles conditions ils jouissent de leurs biens ; ils n'ignorent pas que les pauvres en sont les co-propriétaires. La nation ne peut y avoir d'autres droits que ceux d'enclave, de souveraineté, de la même manière qu'elle peut en exercer dans les provinces. Qui peut répondre, Messieurs, que les provinces, que les paroisses ne forment opposition à l'exécution de votre décret; que chacune d'elles ne veuille conserver pour les frais du culte, pour le soulagement de ses pauvres, ces mômes propriétés, au lieu de les voir passer dans les mains de capitalistes, souvent étrangers au royaume, et à coup sûr étrangers à la province ou à la paroisse?
La propriété du clergé est antérieure à la conquête des Gaules : lorsque Clovis s'en empara, il trouva le clergé doté, et sa richesse était peut-être supérieure à celle qu'on exagère tant aujourd'hui. Le droit prétendu de la nation sur les propriétés ecclésiastiques ne peut exister avant celui de conquête, puisque la nation, comme nation française, n'existait pas avant cette époque.
On connaît la fameuse pétition du peuple français à l'empereur Charlemagne : son peuple demandait que les évêques ne vinssent plus à la guerre, qu'ils restassent dans leurs diocèses, non qu'il voulût enlever les biens du clergé, mais pour en confirmer la propriété, et suppliait l'empereur de la sanctionner.
Cette pétition nous a conservé la formule de la donation, qui porte que son objet est destiné à perpétuité à la dépense du culte divin, à l'utilité
de l'Eglise, et à la nourriture des pauvres et des clercs, et non à un autre, nonalteri.
Le peuple français assemblé par convention nationale reconnut et ratifia de nouveau, dans trois sessions successives, les propriétés du clergé (1), et l'on voudrait au nom de la nation, attaquer une pareille propriété! Comment! la nation, qui n'a pas donné, à qui l'on n'a pas donné, qui depuis quatorze siècles reconnaît cette propriété, qui a demandé et non ordonné des secours qu'elle a déclaré recevoir du libre et pur consentement du clergé; comment! l'Assemblée, qui n'est pas une convention nationale, décréterait au nom de la nation et contre les anciennes sessions convoquée» ad hoc, que la nation est propriétaire des biens du clergé! Un pareil décretserait illusoire : une déclaration d'un fait qui n'est pas vrai, ne donne pas des droits ; le l'ait peut suivre la déclaration, mai-s le droit ne suivrait ni l'un ni l'autre. Le principe de cetté prétendue propriété nationale e?:t renfermé dans un cercle si vicieux de sophismes et de paradoxes, que la discussion ne peut soutenir les regards de la justice et du raisonnement.
Il me reste à examiner, si l'Assemblée prononçait contre mon opinion, quel intérêt aurait la nation à la vente des biens du clergé. C'est de la balance des avantages et des désavantages qui peuvent en résulter, que je vais tirer de nouveaux arguments pour lui en conserver la propriété.
L'Assemblée nationale a décrété la suppression des dîmes ecclésiastiques. Elle a eu en vue de soulager les peuples, et de vivifier l'agriculture.
Les dîmes ne peuvent pas être considérées comme les autres propriétés foncières du clergé. Les dîmes n'étaient qu'une prestation libre dans le principe, consacrée par les temps. La nation pouvait donc faire cesser cette prestation. Elle a usé dans la rigueur du principe de son droit; mais elle n'a pas celui de s'emparer des propriétés foncières, parce que ces propriétés n'étant pas un impôt ne grèvent personne.
Les biens-fonds du clergé sont estimés par M. l'évêque d'Autun à 70 millions de
revenu ; je crois ce revenu fort supérieur ; mais enfin, quel
Je pense que la motion de ce prélat ne peut être admise, et si jamais elle est discutée, il me serait aisé d'en montrer les dangers, comme les erreurs de calcul, et l'immoralité.
L'objet de cette motion est :
1° De continuer la perception de la dîme, et en cela c'est éluder l'exécution du décret.
J'observe que cette perception serait onéreuse et souvent vexatoire, en la confiant aux agents du fisc ;
2° De vendre les biens-fonds du clergé du produit de 70 millions, estimés au denier 31), 2 milliards.
J'observe qu'en joignant ces 2,100 millions des biens du clergé à un capital de 600 millions qui représente constamment les fonds à vendre, il en résultera une baisse si considérable dans le prix général des fonds, qu'au lieu du denier 30, on serait heureux d'en trouver le denier 20;
3° De rembourser, soit en argent, soit par la cession des biens, partie des rentes viagères et partie des rentes constituées, et enfin les charges de judicature.
J'observe d'abord qu'il faut supposer que les rentiers viagers à qui l'on destine en remboursement un capital de 500 millions, pour extinction de 50 millions de rentes viagères, se réduiront volontairement du denier 10 au denier 30, ce qui n'est pas à présumer. Si on les croit aussi disposés à un pareil sacrifice, n'est-il pas plus simple de transformer les rentes viagères en rentes perpétuelles au denier 20? L'Etat y gagnerait, sur la totalité des rentes viagères montant à 105 millions, 52,500,000 livres, et en employant cette moitié bénéficiée en amortissement, ces capitaux seraient remboursés dans la quinzième année.
Il en est de même des rentes perpétuelles, payées sur le pied du denier 20 sans retenue. Les propriétaires de ces rentes, acquéreurs des biens du clergé sur le pied supposé du denier 30, devenus propriétaires fonciers, et soumis comme tels aux subsides de toute espèce, verraient l'intérêt de leur capital réduit à 2 1/2 0/0.
Le résultat de pareilles ventes serait de faire passer le patrimoine des pauvres dans les mains des capitalistes, des banquiers, des financiers.
A l'égard du remboursement des offices de judicature, ce n'est pas sérieusement que M. l'évêque d'Autun le propose du produit de la vente des biens du clergé, On ne peut croire qu'il veuille en faire une opération de finance dont le résultat est tel que pour 6 millions d'intérêts au capital de 5 à 600, l'Etat perdrait 20 à 24 millions d'intérêts annuels, indépendamment de 10 à 12 millions d'honoraires, ce qui augmenterait la surcharge des peuples de 30 à 36 millions.
4° De grever les peuples d'une prestation annuelle de 20 millions, afin que, joints aux 80, produit estimé de la dîme, la dépense du clergé protée à 100 millions soit acquittée.
Je demande de quelle utilité il serait pour l'Etat de vendre d'une part les biens du clergé, et de l'autre de grever les peuples de 50 millions? ,
On répond qu'il faut que les dettes de I Etat soient payées. Sans doute il le faut, mais il faut aussi que les propriétés soient respectées, que les pauvres soient nourris; et commentle seront ils quand leur patrimoine aura été vendu? il faut donc se borner à corriger les abus, et nonobstant la suppression de la dîme, j'estime que les autres
biens du clergé seront plus que suffisants pour l'entretien des temples, le service des autels, les maisons d'éducation nationale et les hospices de charité. La vente de ces biens consommée, la perception de la dîme cessée, il faudrait remplacer par un impôt sur les peuples un revenu de 80 à 100 millions pour les frais du culte divin. Cet impôt pourrait rendre ses ministres odieux, ou du moins fort à charge. Une calamité générale, une guerre désastreuse compromettraient leur subsistance, le subside qui y serait destiné serait employé aux besoins du moment : le nombre en serait diminué, on s'habituerait à s'en passer, et bientôt sans ministres, la religion ne serait plus respectée.
Ces puissantes considérations ramènent donc à sanctionner de nouveau la propriété réelle des biens du clergé, sauf à prononcer sur une répartition proportionnelle aux fonctions relatives de ses membres.
L'Assemblée ne doit jamais perdre de vue qu'elle n'est pas une convention nationale; qu'elle n'est que le pouvoir constitué et non le pouvoir constituant; et, en effet, comment pourrait-elle s'attribuer le pouvoir constituant, puisque les députés qui la composent ont été envoyés par les provinces avec des cahiers, des mandats, des pouvoirs la plupart formels? Aucun bailliage, aucune sénéchaussée n'a dit à ces députés : Nous nous en rapportons entièrement à vous ; vous êtes libres et maîtres de prononcer dans votre sagesse sur les lois fondamentales du royaume, sur les propriétés des corps politiques qui forment l'union de l'Etat, en un mot de transiger, établir, supprimer et créer, comme si la France était un peuple nouveau et n'avait aucunes lois. Les bailliages, au contraire, ont limité les pouvoirs de leurs députés à telles et telles clauses, sous peine de désaveu. La limitation d'une clause quelconque exclut l'idée de pouvoir constituant. L'Assemblée est donc conditionnelle et non conventionnelle : elle ne peut donc rendre des décrets contraires aux ordres de ses commettants, qui ont prescrit à leurs députés la conservation des lois fondamentales du royaume et le respect absolu des propriétés.
Le clergé doit payer comme les autres citoyens sans aucune distinction; son administration particulière doit cesser. Eh bien! que l'Assemblée le fasse payer ; qu'elle lui demande au nom de la nation un secours extraordinaire de 50,de 100 millions, et plus s'il le faut ; qu'elle l'impose fortement pendant un certain nombre d'années ; qu'elle corrige les abus; qu'elle ordonne une répartition plus égale entre les ministres des autels : mais qu'elle garantisse et confirme de nouveau la propriété de ses biens, comme Je gage des dépenses du culte divin et du soulagement des pauvres : que l'Assemblée ne perde pas de vue six millions de propriétaires dans les personnes des pauvres, auxquels elle ne pourrait enlever le patrimoine sans autant de danger que d'injustice.
J'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée nationale d'arrêter les points suivants :
1° Le clergé séculier et régulier et tous les corps et établissements de mainmorte continueront à jouir en toute propriété administrative des biens-fonds qu'ils possèdent aujourd'hui, sauf les restrictions, réductions, modifications et suppressions, tant pour les personnes que pour les choses qui vont être dites ci-après.
Le clergé sera assujetti au même mode d'administration et d'imposition que tous les autres
citoyens du royaume, sans aucune espèce de distinction.
2° Les dîmes ecclésiastiques et de gens de mainmorte, dont la suppression a été décrétée le 11 août dernier, et la perception néanmoins continuée jusqu'à leur remplacement, cesseront d'être acquittées par les peuples, dès qu'il aura été pourvu aux dotations et établissements jugés nécessaires, tant pour les frais du culte divin que pour ceux d'utilité publique.
3° La nationusant.de son droit de souveraineté se réserve de prononcer sur la répartition de toutes les propriétés foncières du clergé ainsi que sur les suppressions ou changements de diocèses; en conséquence de fixer le nombre des évêchés, cathédrales, chapitres, collégiales et séminaires qu'elle croira utile de conserver, soit qu'elle adopte la division de la France en quatre-vingts départements qui pourraient former quatre-vingts archevêchés ou évêchés, soit qu'elle conserve la division des provinces telle qu'elle existe aujourd'hui.
4° Chaque évêché, chaque cure et chaque établissement public ayant pour objet l'entretien du culte et le soulagement des pauvres seront dotés en biens-fonds d'un revenu calculé d'après les localités et les charges qui leur seront imposées.
5° Les maisons religieuses de l'un et de l'autre sexe, dont la suppression n'aura pas été ordonnée, seront réunies de manière à ce qu'il y ait dans chacune d'elles un nombre suffisant de religieux ou de religieuses pour le service divin, et pour remplir les fonctions de leur institut et celles dont l'emploi pourrait leur être confié
6° Les ordres mendiants seront supprimés, si on ne juge plus utile de les rétablir ; l'ordre des capucins, mérite par son zèle et ses services multipliés, une distinction particulière. Néanmoins, les consciences devant être libres, et chacun ayant la faculté de vivre sous un mode que la loi avait approuvé, les religieux de ces ordres seront les maîtres de se réunir en certain nombre, pour y vivre en communauté, ou de se faire séculariser. Les maisons et terrains abandonnés seront vendus pour le produit être appliqué à la pension alimentaire de ces religieux.
Après l'extinction de ces ordres, le produit successif de la vente de leurs biens sera employé à former aux curés et vicaires de chaque paroisse un domaine suffisant pour leur entretien, déterminé en raison des dépenses, des charges et des lieux.
7° Les ordres religieux, qui seront conservés et dont le nombre des maisons sera diminué, seront employés à l'éducation nationale de l'un et de l'autre sexe.
Les fonds et les revenus des maisons supprimées, et ceux des maisons réduites, seront employés à doter les évêchés qui en auraient besoin, ainsi que les cures, chacun dans leur arrondissement autant qu'il sera possible, et s'il y a un excédant, il sera employé à des établissements d'écoles gratuites de tous" les arts et métiers.
8° L'émission des voeux n'aura lieu qu'àvingt-cinq ans révolus, et les voeux ne seront plus que simples.
9° Les menses des abbayes et des prieurés commendataires seront réunies aux menses claustrales.
10° Les suppressions, réunions et changements ne pourront être effectués quant aux évêques, aux abbés et prieurs commendataires, qu'après leur mort, à moins que les revenus de leurs bénéfices ne fussent remplacés ; et pour y parvenir
plus promptement, le Roi sera supplié de ne ï nommer à aucun évêché ou abbaye qui pourraient venir à vaquer, jusqu'à ce que le nouveau plan ait été présenté à la sanction de Sa Majesté.
(1). Messieurs, élu par une des provinces belges pour un de ses députés aux Etats généraux, je dois veiller aux intérêts de mes commettants : occupé du plus y grand bien de tous, je désire que tous concourent également à ce but, et je dois mon opinion sur ce qui me paraîtrait une injuste distribution de charges pour la province qui m'a honoré de son choix.
Tel serait, pour les provinces belges, l'effet du projet d'envahissement des biens du clergé(2).
Je n'entrerai point dans l'examen de la question de la propriété ; je n'envisagerai l'objet que sous l'aspect de la justice distributive, et de l'intérêt des propriétaires et cultivateurs journaliers des provinces belges.
Est-il juste que ces provinces acquittent 300 millions, plus ou moins, de la dette publique, tandis que des provinces aussi considérables ne contribueraient qu'à la plus petite partie de cette dette ?
L'exposé seul de cette question la décide en faveur des provinces beiges.
Je passe à l'intérêt des possesseurs, cultivateurs, fermiers, journaliers, et par conséquent à ' celui de ces provinces et du royaume, puisqu'elles en font une partie considérable et qu'elles en augmentent la richesse, le commerce et la prospérité.
La transmission des biens du clergé en d'autres mains tarirait, pour les provinces belges, les sources de la production, enlèverait aux pauvres les secours abondants, ruinerait l'industrie . et le commerce ; c'est ce que je vais tâcher de démontrer.
Si on demande quelles sont dans une province les sources de richesse et de bonheur, la réponse est facile.
Une province est riche lorsqu'elle a un sol fertile, bien cultivé^ des moissons abondantes et - une population proportionnée à son étendue.
Elle est heureuse lorsque ses richesses ne sont appliquées qu'à ses besoins, à ses jouissances ; elle est heureuse et riche lorsque ses propriétés foncières sont bien administrées par des possesseurs qui n'étendent pas au dehors leurs dépenses et leurs fantaisies, qui répandent dans le sein même de la province le numéraire échangé contre les fruits de leurs terres ;
Par des possesseurs pour lesquels la bienfaisance, la charité éclairée sont une habitude autant qu'un devoir ; qui, par l'esprit même qui les anime, ne sont pas portés à tourmenter les campagnes, pour en forcer les revenus, en disputant même aux cultivateurs, l'absolu néces-saire ;
Par des possesseurs enfin pour lesquels, dans v leur éloignement extrême de tout luxe
de choses
Un pareil tableau paraîtrait chimérique; car comment supposer un grand nombre de riches propriétaires sans luxe? Gomment supposer des richesses sans jouissances? Gomment supposer l'utilité sans cesse préférée à l'agrément ?
Eh bien! ce tableau est cependant l'histoire exacte des provinces belges, qui trouvent dans 'les biens ecclésiastiques qu'elles renferment les sources de richesses et de bonheur qu'on vient de développer; et il est incontestablement prouvé qu'entre toutes les provinces de l'Europe, les plus riches et les plus heureuses sont les provinces belges, tant autrichiennes que françaises.
Pourquoi ?
Une très-grande partie du territoire de ces provinces appartient au clergé, aux hôpitaux et collèges; les fermiers de ces terres, tranquilles sur la durée de leurs baux, sur le prix très-modéré, presque invariable de leur fermage, s'accoutument à regarder cette terre louée comme une propriété ; ils n'épargnent rien pour la culture et la fertilité du sol qu'ils occupent: ils en recueillent des richesses pour leurs familles nombreuses ; et cette abondance à laquelle leurs maîtres semblent les inviter, ils la répandent eux-mêmes sur tous ceux qui les environnent et qui partagent leurs travaux.
Le plus grand nombre de ces possesseurs, les religieux, les chapitrés, consomment leurs richesses sur la terre même qui les produit: ils n'ont aucune idée de ces objets de luxe et de curiosité qu'on va chercher au loin et qui transportent le numéraire d'un pays dans un autre. Leurs revenus, bien supérieurs à leurs besoins, sont en partie employés à construire ou entretenir d'immenses bâtiments, et en partie aux frais de l'éducation publique, et toujours aux secours éclairés versés sur les indigents.
Cette source de richesses et de bonheur, dont plusieurs siècles attestent les preuves et semblaient avoir affermi les bases, va se tarir, si l'Assemblée nationale, d'après le décret qu'elle a rendu le 2 novembre, dispose de ces biens, soit pour le payement de la dette nationale, soit pour tout autre usage commun à tout le royaume.
Pour affecter ces biens à la nation, il faudra expulser les possesseurs actuels, soit en vendant ces biens, soit eu les livrant à des administrateurs.
Il paraît que tous les esprits raisonnables sont pénétrés de l'inconvénient, et même, il faut le dire, de l'extrême difficulté et du danger de vendre dans le moment actuel les biens du clergé.
Cette vérité paraîtra incontestable en réfléchissant que la vente ne serait avantageuse aux vendeurs que par la concurrence des acheteurs ; et il ne faut pas croire, lorsqu'il y a déjà un aussi grand nombre de terres à vendre, que les biens du clergé, dont l'achat présentera toujours quelques incertitudes, soient aussi recherchés qu'on le suppose; les capitalistes, accoutumés à jouir des biens qui ne demandent aucun soin, ne seront pas empressés de faire des acquisitions ; leur nombre sera en disproportion avec celui des vendeurs, et dès lors, la valeur des biens sera considérablement diminuée, et le bas prix seul sera un motif déterminant pour les acheteurs.
Enfin les évaluations de ces biens seront fauti-
ves, ils seront vendus lentement et seront dégradés avant que la vente n'en soit opérée.
M. l'abbé Maury a dit : Les propriétaires ne résideront pas, ils exploiteront par des fermiers, ils consommeront tout dans la capitale.
M. de Mirabeau a répondu : Et les prélats, que font-ils? Sont-ils plus assidus dans leurs résidences ?
Cette réponse n'est pas juste, puisqu'il n'y a pas et ne peut pas y avoir de commende dans les provinces belges.
Il s'agit au contraire d'abbayes régulières, de chapitres, de maisons conventuelles, de religieux qui les habitent, qui consomment sur les lieux, qui ne portent pas leurs désirs et leurs besoins au delà de leur territoire, qu'ils améliorent sans cesse ; ils répandent enfin l'aisance autour d'eux, et par les mains de leurs fermiers, dont ils ne jalousent pas les bénéfices. Les nouveaux propriétaires, les administrateurs intéressés feront précisément le contraire; la consommation en un mot ne sera plus locale, en supposant même, ce qui n'est pas possible, des propriétaires résidants, parce qu'un propriétaire, quel qu'il soit, ne bornera pas ses besoins aux productions de sa ferme, et ses fantaisies aux uvres grossières des. artisans de son village ; et on peut aflirmer que, dans les provinces belges, anéantir une abbaye, c'est anéantir un et plusieurs villages, et appauvrir tout le canton qui les environne.
Une partie de la noblesse pourrait gagner à cette vente, en faisant des acquisitions de biens qui sont à sa portée ; mais dans quelques mains que passent les propriétés du clergé, on peut dire que cette transmission sera un coup mortel porté aux communes et à leurs nombreuses lamilles. Les provinces en outre se trouveraient entièrement privées du produit des biens situés en pays étrangers; le clergé de la Flandre possède des biens considérables dans le Pays-Bas, dont il consomme les revenus dans le pavs (1); ces biens seront vendus, et c'est une valeur perdue pour la France ; et les peuples seront privés d'un numéraire considérable qui se répand chez eux, sert d'échange à leurs denrées et anime leur culture.
Qu'on observe, au surplus, que ce désastre sera le résultat d'une cruelle injustice; surtout si c'est pour payer les créanciers de l'Etat. Qu'on accumule dans le Trésor national le prix ou le produit des biens ecclésiastiques que renferment les provinces belges; car n'est-il pas de la plus étroite équité que la dette nationale doit être acquittée proportionnellement par tous? Et quelle proportion pourrait-il exister entre toutes les provinces si elles donnaient pour cette libération générale tous les biens ecclésiastiques qu'elles ossèdent sans aucune proportion? Les provinces elges seraient appauvries, ruinées, quand la privation serait à peine sensible, et même nulle, peut-être même avantageuse pour d'autres provinces, pour des localités différentes.
Il faut observer encore qu'indépendamment de la violation des traités et des capitulations, cette injustice serait d'autant plus grande que le clergé belge a toujours été soumis aux contributions publiques, dont le clergé de France a été jusqu'à présent affranchi.
Ces importantes considérations doivent faire présumer que les provinces belges
s'opposeraient
Cette résistance est du droit naturel ; elle est conforme aux principes de la justice et à ceux qui, dans toutes les nations, assurent la propriété. Substituer par force aux possesseurs actuels des propriétaires d'un autre genre, c'est anéantir tous les avantages dont jouissent ces province;;; et ce ne sont pas des privilèges odieux, des dérogations au droit commun, ce sont des avantages que le royaume entier partage et qui constituent la force d'une des parties intégrantes du tout. Rien ne peut obliger une province à s'épuiser, à perdre son numéraire, à sacrifier toutes ses facultés pour libérer ou enrichir les autres provinces.
A l'appui de ce que je viens d'établir, je citerai le sentiment des administrateurs de la Flandre. Depuis qu'elle est sous la domination française, ils ont tous fait, lors des vacances d'abbayes, les plus fortes représentations pour écarter les com-mendes, et pour engager le ministre à ne pas établir de trop fortes charges en pensions sur ces abbayes; ils ont pensé avec raison et constamment que la prospérité de ces provinces n'était due qu'à ce genre de possesseurs, qui fécondaient la terre par leurs avances et consommaient utilement sur les lieux.
Qu'on ne dise pas que les provinces doivent se considérer comme les parties indivisibles d'un même tout; qu'une province ne peut pas réclamer des avantages locaux en particulier; que l'empire français enfin n'est plus qu'une grande machine, une grande terre, dont toutes les richesses doivent également se confondre.
On aura, raison, si l'on entend que la France entière doit être soumise à la même puissance, aux mêmes lois et aux mêmes impositions proportionnellement réparties ; mais si l'on veut forcer cette vérité et l'appliquer à une distribution de possessions lerritoriales, cette vérité devient alors une raillerie qui peut fournir des conséquences tout aussi justes et tout aussi ridicules.
Tous les Français ne sont-il pas enfants d'une même famille, enfants bien inégalement traités par la nature et la fortune? Proposerait-on de remettre en masse tous les biens de la famille, pour en faire une répartition plus égale ?
Mais à présent je vais plus loin et je dirai: l'expérience des temps et des hommes nous prouve assez que ce qu'on appelle des principes ne sont pas des vérités de tous les temps, que toutes les institutions humaines sont toujours soumises à des révolutions, seulement plus ou moins éloignées. N'est-il pas possible que le système d'unité et de fusion entre toutes les parties de la monarchie soit suivi d'un système tout opposé, et peut-être non moins favorable aux peuples9 celui par exemple, de plusieurs petits Etats administrés chacun séparément et différemment, d'après le génie de ses habitants, et cependant réunis sous un gouvernement général pour se prêter mutuellement des secours: dans ce cas les provinces de Flandre et de Hainaut, chacune divisées par moitié, sous deux dominations différentes, ne penseront- elles pas à se réunir comme elles l'ont été, et ne serait-ce pas y établir un obstacle que de priver certaines parties de ces provinces de leurs richesses ecclésiastique quand les autres les conservent?
Je conclus donc par dire que, si les biens ecclésiastiques des provinces belges sont vendus,
le produit en doit appartenir à ces mêmes provinces, pour être appliqué à des établissements et avantages publics sur les lieux, et jamais, dans aucun cas, n'être employé comme hypothèques pour la créance de l'Etat
» Mais si ces biens, dira-t-on, ne sont pas vendus, ntpeuvent-il pas être administrés par des assemblées provinciales pour le plus grand bien de la province? Tout ce que j'ai établi en faveur du clergé s'applique également à cette question, y puisque j'ai prouvé que la prospérité de la province dérivait de l'administration des religieux possesseurs : l'expérience apprend que ces possesseurs seuls administrent leurs biens de la ma-r nière la plus utile, et que l'intérêt est le plus sûr garant des efforts qu'on fait pour le maintien et l'augmentation des produits d'une possession. Il est facile de combiner les plus beaux plans d'administration et de gestion ; mais ils échoueront tous, quand on les comparera à la simplicité des moyens d'un possesseur : toute surveillance serait inférieure, et ne pourrait être comparée aux soins éclairés et animés d'un possesseur modéré. Les dépenses de l'administration de ces biens, la multitude des agents, l'infidélité des uns, l'im-péritie des autres, absorberont les produits ; les dépenses accroîtront et le revenu tarira ; et cette portion du peuple indigent, secourue mutuellement, et par des dons en argent et par des avances en denrées, sera abandonnée à la rigueur des saisons: et les greniers fondés sur l'abondance et l'économie cesseront d'exister, et le peuple sera privé d'une ressource assurée dans un temps de disette.
Ce n'est pas la cause du clergé que je soutiens : ^c'est celle du peuple, celle de la province qui m'a choisi ; c'est celle de la justice: il n'y a d'utile que ce qui est juste; et en considérant l'union de touies les parties dans l'ordre politique, c'est i celle du royaume.
Je m'étonne d'avoir entendu rapporter avec tant de confiance, au milieu de cette Assemblée, ces expressions: nos adversaires, nos biens..... Je m'étonne d'avoir vu quelques-uns de nos collègues se réunir, faire cause "commune, se défendre comme un particulier indépendant de nous qui serait traduit à notre tribunal, et je sens combien il est important d'achever de détruire ces idées de corps et d'ordre qui renaissent sans cesse.
La nation peut-elle déclarer les gens de mainmorte inhabiles à posséder des biens ? Voilà la question,
On a souvent divagué dans la discussion ; je réponds par deux propositions:
Premièrement, les gens de mainmorte, respectivement à la uation, n'ont jamais eu de pro-t priété.
Tous les établissements, depuis le plus révéré jusqu'au moins respectable, ont reçu leur existence de la nation pour le plus grand bien de l'Etat. Ils ont été chargés d'une mission quelconque ; des moyens d'exécution leur ont été confiés ; ils ont dû administrer avec ces moyens, mais ils ne sont pas devenus propriétaires de ces moyens. Le clergé est un de ces établissements.
Secondement, le clergé n'a donc jamais été propriétaire, mais seulement administrateur.
Je ne puis, en effet, reconnaître la propriété dans l'usufruitier, dans celui qui n'a pas même la totalité de la jouissance de cet usufruit : je n'y vois que l'administrateur. Eût-il été propriétaire, le clergé le serait-il encore? Cette corpo-
ration, cet ordre, n'a-t-il pas cessé d'exister? Je ne le vois plus que parmi les superbes débris d'^ne immense révolution, il est devenu le patrimoine de l'histoire.
La nation est-elle propriétaire?
Pour qui les églises retentissent-elles de prières? Pour la nation. A qui a-t-on donné? Aux individus? Vous ne le pensez pas ; au culte ? Vous avez raison; mais le culte à qui appartient-il? A la nation. Dans des besoins pressants on a pris une partie de votre revenu ; et vous dites que c'est de votre consentement ! Quel droit auriez-vous eu de faire ces dons d'un revenu qui ne vous appartenait pas en entier? Le Roi en a disposé pour la nation, parce que la nation élait propriétaire, parce que le salut du peuple est la première loi.
Quand on a dit que la nation était propriétaire, vous avez répondu qu'il était dangereux qu'elle le fût ; et c'est le sort des grandes vérités d'ctre contestées. Celle-ci a été défendue par les raisonnements, par les faits, par des autorités respectables. On a rappelé le sentiment de M. Tur-got : citer ce ministre, c'est attester la vertu même. Vous avez parlé des droits des fondateurs, mais les fondations existent-elles autrement que parla loi? mais les fondateurs ont-ils pu enchaîner la loi?...
Hàtons-nous de décréter le principe, une foule d'intérêts l'exigent la Constitution le réclame : elle n'est pas faite, s'il n'est consacré.
Vous avez voulu détruire les ordres, parce que leur destruction était nécessaire au salut de l'Elat : si le clergé conserve ses biens, l'ordre du clergé n'est pas encore détruit. Vous lui laissez nécessairement la faculté de s'assembler, vous consacrez sou indépendance, vous préparez la désorganisation du corps politique que vous êtes chargés d'organiser. On dira que vous empêcherez ces assemblées ; vous ne le pourrez pas, car vous avez supprimé les dîmes. Les curés ne sont pas dotés; pour remplacer ces dotations, il faudra des répartitions; pour faire ces répartitions, il faudra des assemblées..... Que les individus qui
composent le clergé ne soient donc à l'avenir que des citoyens. 11 me semble que si j'avais l'honneur d'être ministre des autels, j'aimerais mieux recevoir de la nation que d'une assemblée de prélats et d'abbés.....
Le clergé offre des dons ; mais de quel droit, mais à quel titre ? 11 les prendra sur le patrimoine du culte, sur le patrimoine des pauvres.......Redoutez ce piège ; il veut sortir de sa cendre pour se reconstituer en ordre : ces dons sont plus dangereux que notre détresse.
On nous parle des pauvres ; mais ne dirait-on pas qu'ils sont une caste dans l'Etat, comme le clergé? Doit-on laisser le soin de leur subsistance aux ecclésiastiques? Que peut un bénéficier? Une stérile et dangereuse charité, propre à entretenir l'oisiveté. La nation, au contraire, établira dans ces maisons de prière et de repos des ateliers utiles à l'Etat, où l'infortuné trouvera la subsistance avec le travail... 11 n'y aura plus de pauvres que ceux qui voudront l'être.
Je conclus à ce qu'on décrète le principe conformément aux vues de M. Thcuret, avec l'amendement que la dotation annuelle de 1,200 livres donnée aux curés sera payée en grains, etc.
On demande d'aller aux voix.
L'excellent esprit de M. Le Chapelier a prévu tout ce que je me proposais de dire. Je voulais cependant répondre au défi de M. l'abbé de Montesquiou.
Vous allez décider une grande question. Elle intéresse la religion et l'Etat ; la nation et l'Europe sont attentives, et nous nous sommes arrêtés jusqu'à présent à de frivoles, à de puériles objections.
C'est moi, Messieurs, qui ai eu 1 honneur de vous proposer de déclarer que la nation est propriétaire des Mens du clergé.
Ce n'est point un nouveau droit que j'ai voulu faire acquérir à la nation; j'ai seulement voulu constater celui qu'elle a, qu'elle a toujours eu, qu'elle aura toujours ; et j'ai désiré que cette justice lui lût rendue, parce que ce sont les prin: cipes qui sauvent les peuples, et les erreurs qui les détruisent.
Supposez qu'au lieu de la motion que j'ai faite, je vous eusse demandé de déclarer que les individus sont les seuls éléments d'une société quelconque, personne n'aurait combattu ce principe.
Si je vous avais proposé de décider que des sociétés particulières, placées dans la société générale, rompent l'unité de ses principes et l'équilibre de ses forces, personne n'aurait méconnu cette grande vérité.
Si je vous avais dit de consacrer ce principe : que les grands corps politiques sont dangereux dans un Etat, par la force qui résulte de leur coalition, par la résistance qui naît de leurs intérêts, il n'est aucun de vous pour qui ce danger n'eût été sensible.
Si je vous avais transportés à l'époque de la société naissante, et que je vous eusse demandé s'il était prudent de laisser établir des corps, de regarder ces agrégations comme autant d'individus dans la société, de leur communiquer les actions civiles, et de leur permettre de devenir propriétaires à l'instar des citoyens, qui de vous n'aurait pas reconnu qu'une pareille organisation ne pouvait être que vicieuse?
Si, vous peignant ensuite le clergé tel qu'il est, avec ses forces et ses richesses, avec son luxe et sa morale, avec son crédit et sa puissance, je vous avais dit : Croyez-vous que si le clergé n'était pas propriétaire, la religion fût moins sainte, la moralité publique moins pure, et les murs du clergé moins sévères?
Pensez-vous que le respect du peuple pour les ministres des autels fût moins religieux ou que sa conliance en eux fût moins ébranlée, s'il n'était plus forcé de comparer leur opulence avec sa misère, leur superflu avec ses besoins, et ses travaux avec la rapidité de leur fortune ?
Vous imaginez-vous qu'il soit impossible de supposer le clergé respectable, stipendié par l'Etat comme sa magistrature, son gouvernement, son armée, et même comme ses rois, ayant des revenus et non des propriétés, dégagé du soin des affaires terrestres, mais assuré d'une existence aussi décente que doivent le comporter ses honorables fonctions?
Si j'avais continué de vous dire : Ne voyez-vous pas que les trois quarts du clergé ne sont réellement que stipendiés des autres membres du même corps, et qu'autant vaut-il qu'ils le soient de l'Etat? ne voyez-vous pas que toutes les grandes places du clergé sont à la nomination royale, et qu'il est indifférent pour celui qui en est l'objet que cette nomination donne un revenu fixe, ou des possessions territoriales? il n'est certainement aucun de ces principes que vous n'eussiez adopté.
Enfin, Messieurs, si je vous avais dit : Le clergé convient qu'il n'y a que le tiers de ses revenus qui lui appartienne-, qu'un tiers doit être consaeré à l'entretien des temples, et un autre tiers au sou-
lagementdes pauvres : établissez donc trois caisses de revenu de ces biens; déclarez que le tiers qui sera destiné aux ministres des autels sera chargé f de toutes les dettes du clergé, et supportera encore une portion proportionnelle des impôts ;
Si je vous avais dit : Les ministres des autels ne doivent pas même avoir le tiers des revenus de l'Eglise, parce que les besoins publics auxquels ces biens étaient destinés sont beaucoup moindres que dans le temps où les fondations ont été faites, et que tandis que ces besoins ont diminué i par l'effet inévitable de la perfection sociale, les biens se sont accrus par l'effet non moins inévitable du temps ;
Si j'avais ajouté qu'il ne faut pas comprendre . dans le tiers des biens destinés aux ministres des autels les domaines que les ecclésiastiques ont acquis du produit des autres biens, parce que ce produit ne leur appartenait point, d'après leurs propres principes ; qu'ils n'auraient rien épargné * s'ils s'étaient contentés du simple nécessaire que leur accordent les canons de l'Jiglise, et que c'est à la nation, protectrice des pauvres et du culte, à surveiller si les fondations ont été remplies ;
Si j'avais dévoilé comment le clergé, depuis plus d'un siècle, a grevé les biens de l'Eglise d'une dette immense, en empruntant au lieu d'imposer, en ne payant que les intérêts de sa contribution-, annuelle, au lieu de payer cette contribution sur ses revenus, à l'instar de tous les autres citoyens, et que j'eusse demandé qu'il fût forcé d'aliéner sur le tiers qui lui appartient, jusqu'à la concur- k rence de ses dettes;
Si je vous avais dit : Que le clergé soit propriétaire ou qu'il ne le soit pas, il n'en est pas moins indispensable de distinguer ses possessions légi-^ times de ses usurpations évidentes; une foule de bénéfices existent sans service, un grand nombre de fondations ne sont pas remplies; voilà donc encore des biens immenses qu'il faut retrancher ( du tiers qui doit rester au clergé. Vous avez déclaré qu'une foule de droits seigneuriaux n'étaient que des usurpations, et d'après ce principe vous les avez supprimés sans indemnité. N'y aura-t-il d'inviolable que les usurpations de l'Eglise?
Si j'avais encore observé que beaucoup d'abbayes ne sont que de création royale; que beau-coup de sécularisations d'ordres religieux ne permettent plus d'exécuter la volonté des premiers fondateurs, pour laquelle on voudrait aujourd'hui nous inspirer tant de respect; que plusieurs corps ecclésiastiques ont été détruits du consentement du clergé ; qu'il est très-facile, sans nuire au service des églises, de diminuer le nombre des évê-ques ; que les. richesses ecclésiastiques sont trop inégalement distribuées pour que la nation puisse souffrir plus longtemps la pauvreté et la chau-mière d'un utile pasteur à côté du luxe et des ' palais d'un membre de l'Eglise souvent inutile, h n'est aucune de ces réflexions qui ne vous eût paru digne d'attention et susceptible de quelque loi. ,
Eh bien! Messieurs, ce n'est rien de tout cela que je vous ai dit. Au lieu d'entrer dans ce dé-\ dale de difficultés, je vous ai proposé un parti plus convenable et plus simple. Déclarez, vous ai-je dit, que les biens de l'Eglise appartiennent à la nation; ce seul principe conduira à mille réformes utiles, et par cela seul tous les obstacles sont surmontés.
Mais non : s'il en faut en croire quelques membres du clergé, le principe que je vous propose de4 déclarer n'est qu'une erreur.
Le clergé, que j'avais cru jusqu'ici n'être qu un
simple dispensateur, qu'un simple dépositaire, ne doit pas seulement jouir des biens de l'Eglise, il doit encore en avoir la propriété; et la religion, la morale et l'Etat seront ébranlés si l'on touche r à ses immenses richesses.
Permettez donc, Messieurs, que je vous rappelle l. encore quelques principes, et que je réponde à quelques objections.
La nation a certainement le droit d'établir ou v de ne pas établir des corps; je demande d'abord que l'on admette ou que l'on nie ce principe.
Si on le nie, je prouverai que les corps ne peuvent pas être des éléments de l'ordre social, puisqu'ils n'existent point dans l'instant où la société se forme, puisqu'ils n'ont que l'existence morale ue leur donne la loi, puisqu'ils sont son ouvrage, et que la question de savoir s'il faut permettre des sociétés particulières dans la société générale, ne peut certainement être décidée que par la société entière, lorsqu'elle se trouve déjà formée. Admettre d'autres principes, ce serait admettre des effets sans cause.
M. l'abbé Maury prétend que les corps peuvent s'établir sans le concours de la loi, et par la seule volonté des individus auxquels il plaît de former une agrégation politique.
Mais'il est facile de lui répondre que ce n'est point la réunion matérielle des individus qui forme une agrégation politique; qu'il faut pour A cela qu'une telle agrégation soit regardée comme un individu dans la société générale; qu'elle ait une personnalité distincte de celle de chacun de ^ ses membres, et qu'elle participe aux effets civils; or, il est évident que de pareils droits intéressant k la société entière ne peuvent émaner que de sa puissance; et, à moins de supposer que quelques individus peuvent faire des lois, il est absurde de soutenir qu'ils puissent établir des corps, ou que les corps puissent se former d'eux-mêmes.
Ayant une fois prouvé, Messieurs, que la société a le droit d'établir ou de ne pas établir des corps, je dis qu'elle a également le droit de décider si les corps qu'elle admet doivent être propriétaires ou ~ ne l'être pas.
La nation a ce droit, parce que, si les corps n'existent qu'en vertu de la loi, c'est à la loi à modifier leur existence; parce que la faculté d'être propriétaire est au nombre des effets civils, et qu'il dépend de la société de ne point accorder ; tous les effets civils à des agrégations qui ne sont que son ouvrage; parce qu'enfin la question de v savoir s'il convient d'établir des corps est entièrement différente du point de déterminer s'il con-?. vient que ces corps soient propriétaires.
M. l'abbé Maury prétend qu'aucun corps ne peut , exister sans propriété. Je me bornerai à lui demander quels sont les domaines de la magistrature etde l'armée; je lui dirai: Quelle était donc la propriété du clergé dans la primitive Eglise: Quels étaient les domaines des membres des premiers conciles? On peut supposer un état social sans propriétés, même individuelles, tel que celui de Lacédéinone, pendant la législature de Lycurgue. Pourquoi donc ne pourrait-on pas supposer un corps quelconque, et surtout un corps de clergé, sans propriété?
Après avoir prouvé, Messieurs , que la nation " a le droit d'établir ou de ne pas établir des corps; ; que c'est encore à elle à décider si ces corps doivent être propriétaires ou ne pas l'être, je dis que, partout où de pareils corps existent, la nation a le droit de les détruire, comme elle a eu celui de les établir, et je demande encore qu'on admette ou que l'on nie ce principe.
Je dirai à ceux qui voudraient le contester, qu'il
n'est aucun acte législatif qu'une nation ne puisse révoquer; qu'elle peut changer, quand il lui plaît, ses lois, sa constitution, son organisation et son mécanisme; la même puissance qui a créé peut détruire, et tout ce qui n'est que l'effet d'une volonté générale doit cesser dès que cette volonté vient à changer.
Je dirai ensuite que l'Assemblée actuelle n'étant pas seulement législative, mais constituante, elle a, par cela seul, tous les droits que pouvaient exercer les premiers individus qui formèrent la nation française. Or, supposons pour un moment qu'il fût question d'établir parmi nous le premier principe de l'ordre social: qui pourrait nous contester le droit de créer des corps ou de les empêcher de naître, d'accorder à des corps des propriétés particulières, ou de les déclarer incapables d'en acquérir? Nous avons donc aujourd'hui le même droit, à moins de supposer que notre pouvoir constituant soit limité, et certes nous avons déjà fait assez de changements dans l'ancien ordre de choses pour que la proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre ne puisse pas être regardée comme au-dessus de votre puissance.
Je crois donc, Messieurs, avoir prouvé que c'est à la nation à établir des corps, que c'est à elle à les déclarer propriétaires, et qu'elle ne peut jamais être privée du droit de les détruire.
Or, de là je conclus que, si les corps peuvent être détruits, les propriétés du corps peuvent l'être. Je demande encore, Messieurs, que l'on admette ou que Ion nie cette conséquence.
Je dirai à ceux qui voudraient la nier, que l'effet doit cesser avec la cause, que le principal emporte l'accessoire; qu'il est impossible de supposer des propriétés sans maîtres, et des droits à ceux qui n'existent plus.
Appliquons maintenant ces principes au clergé.
Certainement, ou tous les principes que j'ai établis sont faux, ou la nation a le droit de décider que le clergé ne doit plus exister comme agrégation politique ; elle a ce droit, à moins qu'on ne prétende qu'une nation est liée ou par la volonté de quelques-uns de ses membres, ou par ses propres lois, ou par son ancienne constitution ; or comme rien de tout celane peut enchaîner une nation, elle peut donc exercer le droit que je viens d'admettre.
Supposons maintenant qu'elle l'exerce, je demande ce que deviendront alors les biens du clergé? Retourneront-ils aux fondateurs? Seront-ils possédés par chaque église particulière ? Seront-ils partagés entre tous les ecclésiastiques, ou la nation en sera-t-elle propriétaire?
Je dis d'abord qu'il est impossible que les biens retournent aux fondateurs, soit parce qu'il est très-peu de fondations qui portent la clause de réversibilité, soit parce que ces biens ont une des-stination qu'il ne faut pas cesser de remplir , et qu'ils sont irrévocablement donnés, non point au clergé, mais à l'Eglise, mais au service des autels, mais à l'entretien des temples, mais à la portion indigente de la société.
Je dis ensuite qu'ils ne peuvent pas appartenir à chaque église en particulier, parce qu'une église, une paroisse, un chapitre, un évêché sont encore des corps moraux qui ne peuvent avoir la faculté de posséder que par l'effet de la loi ; et de là je conclus que M. l'abbé Maury tombe dans une véritable pétition de principe/lorsqu'il prétend que si les fondateurs n'on pas pu donner irrévocablement à l'Eglise, en générai, ils ont pu donner irrévocablement à chaque église.
Il n'est pas moins évident, Messieurs, que le
clergé n'existant plus comme corps politique, les ecclésiastiques n'auraient pas le droit de se partager ses immenses dépouilles. L'absurdité d'une telle prétention se fait sentir d'elle-même.
Tous les biens de l'Eglise n'ont pas des titulaires; les titulaires mêmes ne sont que détenteurs, et il faut nécessairement que des biens qui ont une destination générale aient une administration commune.
Il ne reste donc, Messieurs, que la nation à qui la propriété des biens du clergé puisse appartenir; c'est là le résultat auquel conduisent tous les principes.
Mais ce n'est point assez d'avoir prouvé que les biens de l'Eglise appartiendraient à la nation , si le clergé venait à être détruit comme corps politique ; il suit également des détails dans lesquels je viens d'entrer, que la nation est propriétaire, par cela seul qu'en laissant subsister le clergé comme corps, nous le déclarerions incapablé de posséder. Ici reviennent tous les principes que j'ai établis. La capacité de posséder à titre de propriétaire est un droit que la loi peut accorder ou refuser à un corps politique, et qu'elle peut faire cesser après l'avoir accordé, car il n'est aucun acte de la législation que la société ne puisse pas revoquer. Vous ne ferez donc autre chose, Messieurs, que décider que le clergé ne doit pas être propriétaire, lorsque vous déclarerez que c'est la nation qui doit l'être.
Mais ce n'est pas assez, il reste encore une difficulté à résoudre. Ne sera-ce que de l'époque de votre loi que la nation sera propriétaire, ou l'aura-t-elle toujours été? Est-ce une loi que nous allons faire, ou un principe que nous allons déclarer ? Faut-il, comme dit M. l'abbé Maury, tuer le corps du clergé pour s'emparer de ses domaines? Ou bien est-il vrai que l'Eglise n'a jamais eu que l'administration, que le dépôt de ces mêmes biens? Cette question, Messieurs, qu'on n'a peut-être pas suffisamment traitée dans les précédentes séances, est encore facile à résoudre par la seule application des principes que j'ai établis.
En effet, Messieurs, si tout corps peut être détruit, s'il peut être déclaré incapable de posséder, il s'ensuit que ses propriétés ne sont qu'incertaines, momentanées et conditionnelles ; il s'ensuit que les possesseurs des biens dont l'existence est ainsi précaire, ne peuvent pas êtreregardéscomme des propriétaires incommutables, et qu'il faut par conséquent supposer pour ces biens un maître plus réel, plus durable et plus absolu.
Ainsi, Messieurs, s'agit-il d'un corps dont les biens, s'il vient à être détruit, peuvent retourner à chacun de ses maîtres? Dans ce cas, on peut dire à chaque instant, même lorsqu'un tel corps existe, que les individus qui le composent sont réellement propriétaires de ses biens.
S'agit-il, au contraire, d'un corps dont les biens ont une destination publique, qui doit survivre à sa destruction, et dont les propriétés ne peuvent retourner dans aucun cas aux membres qui le composent? On peut dire alors, à chaque instant, d'un pareil corps, que les véritables propriétaires de ses biens sont ceux à qui ils sont principalement destinés.
Dans le premier cas, la loi qui a permis à un corps d'être propriétaire, ne lui a donné ce pouvoir que pour l'exercer au nom de ses membres. Dans le second cas, la loi n'a accordé cette faculté que pour l'exercer au nom de la nation.
En effet, Messieurs, ne vous y trompez pas : c'est pour la nation entière que le clergé a recueilli ses richesses ; c'est pour elle que la loi
lui a permis de recevoir des donations ; puisque, sans les libéralités des fidèles, la société aurait été forcée elle-même de donner au clergé des revenus, dont ces propriétés, acquises de son consentement, n'ont été que le remplacement momentané. Et c'est pour cela que les propriétés do l'Eglise n'ont jamais eu le caractère de pro- ; priété particulière.
M. l'abbé Maury fait encore une objection sur ce point. « Une société, dit-il, ne peut avoir que l'empire et la souveraineté sur les biens de ses membres, et non point le domaine sur les mêrnes biens. On opposa, continue-t-il, cette^ distinction à des empereurs romains, à qui de lâches jurisconsultes voulaient attribuer une propriété immédiate : et une grande pensée sauva le genre humain d'une grande calamité. Le même système, dit-il encore, a été renouvelé par le chancelier Duprat, par M. de Paulmy, et plus récemment; par M. de Puységur ; mais il a constamment été rejeté comme tyrannique. »
Il est facile de répondre à M. l'abbé Maury, qu'il ne s'agit point ici du droit du prince, mais du droit de la nation ; qu'il est très-vrai que le prince n'a sur les biens de ses sujets, ni domaine, ni empire ; mais qu'il n'est pas moins certain que la nation française jouit d'un droit de propriété sur une fouie de biens qui, sans qu'elle les possède ostensiblement, sont destinés à ses besoins et administrés en son nom : et pour le prouver sans réplique, je n'ai besoin que de demander à M. l'abbé Maury si la nation n'a pas la propriété du domaine de l'Etat, qu'on appelle si improprement le domaine de la couronne? si elle ne le possède pas à l'instar des propriétés particulières? si ce n'est pas en son nom que le prince en a joui jusqu'à présent? enfin, s'il ne serait pas en son pouvoir de l'aliéner, d'en retirer le prix, et de l'appliquer au payement de la dette ?
Il est donc vrai qu'outre" la souveraineté, la nation en corps peut avoir des propriétés particulières : il ne s'agit donc plus que de savoir si c'est au nom de la nation que l'Eglise jouit de^l ses biens, comme c'est pour la nation que le Roi possède ses domaines.
Or, pour décider cette question, il suffit de comparer les propriétés de l'Eglise avec toutes les autres propriétés qui nous sont connues.
Je distingue cinq sortes de propriétés : les propriétés particulières, qui sont de deux espèces, selon qu'elles appartiennent à de simples individus ou à des corps autres que l'Eglise.
Les fiefs de la noblesse, qui sont également des propriétés particulières, mais qu'il est à propos de considérer séparément pour répondre à quelques objections de M. l'abbé Maury ; les domaines de l'Etat et les biens de l'Eglise.'
Si je considère les propriétés des individus dans leur nature, dans leurs effets, et relativement à la sanction de la loi, je découvre :
1° Que chaque individu possède en vertu du droit de posséder qu'il a donné aux autres, et que tous ont donné à un seul ; or, ce premier caractère ne convient point aux propriétés de l'Eglise, ni aux propriétés d'aucun corps ;
2° Que le droit sur lequel les propriétés particulières sont fondées est, pour ainsi dire, coexistant avec rétablissement des sociétés, puisqu'il prend sa source dans la faculté qu'a tout individu de participer aux avantages qu'auront tous les autres membres avec lesquels il va former une agrégation politique : or, ce second caractère ne convient pas non plus aux biens du clergé ni d'aucun corps; n'ayant été établis
qu'après que la société a été formée, ils ne peuvent avoir aucun droit coexistant avec elle, et qui en quelque sorte fait partie du pacte social;
3° Qu'il ne faut point de lois distinctes pour assurer le domaine des propriétés particulières ; car, à moins d'ordonner dès le principe une communauté de possessions, l'établissement et la garantie des biens propres aux individus sont une suite nécessaire de la fondation même de la société : or, ce troisième caractère est encore étranger aux biens du clergé et d'un corps quelconque. Il est évident qu'à "leur égard la capacité d'acquérir ne pourrait être que l'ouvrage de la législature et de la loi.
Enfin, je découvre que chaque individu jouit de son bien, non à titre d'engagement, puisqu'il peut l'aliéner; non comme dépositaire, puisqu'il peut le dissiper ; non comme usufruitier, puisqu'il peut le détruire ; mais én maître absolu, mais comme il peut disposer de sa volonté, de son bras, de sa pensée. Or, aucun de ces caractères ne convient encore au clergé : il ne peut aliéner ses biens, il n'a pas le droit de les transmettre; il n'en est que le dispensateur plutôt que le véritable usufruitier.
Lorsque les propriétés particulières appartiennent, non point à des individus, mais à des corps non politiques, une partie des caractères dont je viens de parler cesse alors de leur convenir, mais elles en conservent encore assez pour les distinguer des biens de l'Eglise.
Les propriétés des corps ne peuvent pas être fondées sur ce droit qu'apporte tout homme qui entre dans une société, d'avoir des possessions exclusives, s'il permet, et si tous permettent d'en posséder ; car les corps ne sont pas comme les individus, les premiers éléments delà société; ils n'en précèdent pas l'existence, ils ne peuvent pas avoir des droits dans l'instant même qu'elle est formée.
Il est encore vrai que les propriétés particulières des corps non politiques ne dépendent pas -de la primitive organisation donnée à l'état social ; qu'elles ne dépendent pas de l'établissement des autres propriétés ; qu'elles n'en sont pas la suite nécessaire, et qu'elles ne peuvent être l'ouvrage que d'une loi particulière.
Mais, à cela près, de pareils corps possèdent avec la même puissance, avec le même domaine que de simples individus. Ils peuvent aliéner; ils disposent des fruits ; ils transmettent les fonds; ils agissent en maîtres : or, le clergé n'a ni les fruits ni les fonds de ses domaines. Il ne peut prendre que sa dépense personnelle sur les biens de l'Eglise ; il arrive même très-rarement que le titulaire qui possède ait le droit de choisir le dispensateur qui devra le remplacer.
Si des propriétés particulières dont je viens de parler je passe à celles de la noblesse, qui sont connues sous le nom de fiefs, il est facile de montrer qu'elles ont tous les caractères des propriétés des simples individus. Si on considère les fiefs comme ayant été acquis par ceux qui les possèdent, ce sont là de véritables propriétés individuelles qui méritent toute la protection de la loi. Si on regarde les fiefs comme ayant été formés dans l'instant même de la première conquête du sol du royaume, ils ont dès lors la même origine que tous les alleux et que toutes les propriétés. Si l'on suppose au contraire qu'ils ont été donnés ou établis par le Roi, une foule de caractères les distinguent encore sous le rapport des biens de l'Eglise ; les fiefs n'ont pas été donnés à là noblesse pour remplir une destination
publique ; ils n'ont pas été donnés à titre d'engagement ni à titre de dépôt- Ceux qui les ont reçus n'ont pas été regardés comme les simples dispensateurs de leur produit; ils les ont obtenus comme une récompense ou comme un salaire ; ils en sont devenus les véritables maîtres; ils ont pu les transmettre à leurs descendants. Or, je demande si l'on peut dire la même chose des biens de l'Eglise ; ils n'ont pas été donnés à des individus, mais à un corps; non pour les transmettre, mais pour les administrer; non à titre de salaire, mais comme un dépôt ; non pour l'utilité particulière de ceux qui devaient les posséder, mais pour remplir une destination publique et pour fournir à des dépenses qui auraient été à la charge même de la nation. Les biens de l'Eglise n'ont donc rien de commun avec ceux de la noblesse; l'intérêt personnel, l'intérêt qui cherche à accroître ses forces et à se donner des auxiliaires, cherche en vain à prouver que des propriétés si différentes ont la même origine et doivent craindre le même sort. La noblesse ne sera point effrayée par ces vaines menaces, et tout intérêt personnel disparaîtra devant la suprême loi de l'Etat.
Il ne reste donc plus, Messieurs, qu'à examiner ce que c'est que le domaine de la couronne, et à le comparer avec les biens de l'Eglise. Ce do-maine> est une grande propriété nationale. Les rois n'en sont ni les maîtres, ni les possesseurs, ni même les détenteurs ; c'est le gouvernement qui l'administre au nom de la nation; ses produits sont destinés au service public , ils remplacent une partie des impôts ; et l'Etat sous ce rapport en a tout à la fois la propriété et la jouissance.
Or, ne retrouve-t-on pas évidemment la même origine, la même destination, les mêmes effets dans les possessions de l'Eglise? Ses* biens, comme le domaine de la couronne, sont une grande ressource nationale. Les ecclésiastiques n'en sont ni les maîtres, ni même les usufruitiers; leur produit est destiné à un service public ; il tient Jieu des impôts qu'il aurait fallu établir pour le service des autels, pour l'entretien de leurs ministres ; il existe donc pour la décharge de la nation.
Voilà, Messieurs, deux sortes de biens entièrement semblables, et dont l'un appartient certainement à l'Etat ; voilà deux sortes de biens qui n'ont rien de commun ni avec les propriétés des individus, ni avec les propriétés individuelles des corps non politiques, ni avec les fiefs de la noblesse: or, delà je tire plusieurs conséquences.
La première, qu'il n'est pas plus incompatible que la nation soit propriétaire des biens de l'Eglise, qu'il ne l'est qu'elle soit propriétaire des domaines de la couronne.
La seconde, que c'est pour son intérêt personnel, et, pour ainsi dire, en son nom, que la nation a permis au clergé d'accepter les dons des fidèles.
La troisième, que si le clergé cesse de posséder ces biens, la nation peut seule avoir le droit de les administrer, puisque leur destination est uniquement consacrée à l'utilité publique ; or, comme je l'ai déjà démontré, celui-là seul qui doit jouir des biens d'un corps lorsque ce corps est détruit, est censé en être le maître absolu et incommutable, même dans le temps que le corps existe ; le possesseur ne peut avoir qu'un titre précaire et absolument subordonné à la loi.
Enfin, Messieurs, dans les observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter dans les pré-
édentes séances, j'ai établi la propriété de la nation sur les biens de l'Eglise, en considérant ces biens sous un autre point de vue.
Je vous ai dit: le clergé ne peut avoir acquis ses biens que de quatre manières différentes ; il les tient de nos rois, des agrégations politiques, c'est-à-dire des corps et communautés, ou des particuliers, ou de lui-même.
S'il les tient de nos rois, tout ce que le prince a donné pour remplir une destination publique est censé donné par la nation qui, sans la munificence de nos rois, aurait été forcée de doter elle-même les églises ou leurs ministres. La nation est donc propriétaire sous le premier rapport ; elle peut reprendre des biens qui lui appartenaient, qui n'ont été donnés que par son chef, en son nom et pour elle.
Si l'Eglise tient ses biens des agrégations politiques, ces agrégations n'ont fait en cela que payer leur contingent d'une dette publique et solidaire entre toutes les communautés et tous les individus du royaume ; elles n'ont fait que devancer et rendre inutile un impôt général qu'il aurait été indispensable d'établir. Sous ce nouveau rapport, la nation est donc encore propriétaire des biens de l'Eglise.
Si elle les tient de ta libéralité des individus, ceux-ci n'ont pas dû ignorer qu'aucun corps politique ne pouvait être incommutablement propriétaire; ils ont dû savoir que la nation pouvait déclarer un tel corps incapable de posséder ; et puisqu'ils ont donné des biens pour une destination publique, ils ont dû s'attendre que ce serait la nation qui les administrerait elle-même, lorsqu'elle jugerait à propos de faire une telle loi. il suit de là, que leur véritable intention, celle du moins qu'il faut leur supposer dans l'ordre des lois, ne peut pas être trompée, quoique la nation se déclare propriétaire.
Enfin, si l'Eglise tient ses biens d'elle-même et des acquisitions que ses revenus lui ont permis de former, il est évident que si de telles acquisitions sont contraires à la volonté des donateurs, elles n'ont procuré aucun nouveau droit à l'Eglise, et que si les donateurs sont censés les avoir approuvés, il faut dès lors appliquer à ces biens tout ce que j'ai dit de ceux que l'Eglise a reçus directement des fondateurs.
Vous avez dû être étonnés, Messieurs, de la manière dont M. l'abbé Maury a cru répondre à ces principes. D'un côté, a-t-il dit, je n'ai parlé que des fondations, et l'Eglise possède des biens à d'autres titres ; d'un autre côté, tous les biens donnés à l'Eglise n'ont pas été destinés au culte, ni par conséquent à l'utilité publique ; en troisième lieu, aucun fondateur n'a traité avec l'Eglise en général, mais seulement avec chaque église en particulier.
Il est facile, Messieurs, de répondre à ces trois objections. J'ai nécessairement parlé de tous les biens de l'Eglise, lorsque j'ai parlé de ceux qu'elle avait reçus de nos rois, des agrégations politiques et des simples particuliers ; car ces donations, ces fondations, ces legs, ces héritages, ne peuvent avoir d'autre source.
D'un autre côté, les biens donnés à l'Eglise, à quelque titre que ce soit, n'ont pu avoir que ces cinq objets : le service du culte, l'entretien des temples, le soulagement des pauvres, la subsistance des prêtres, et les prières particulières pour les familles des fondateurs. Certainement les quatre premiers objets ne tiennent qu'à une destination publique. Je pourrais dire du cinquième, qu'il est facile de croire que dans les siècles d'i -
gnorance, la plupart des fondateurs ont confondu le véritable culte avec les objets religieux qui ont été le motif de leurs fondations, et qui ont déterminé leurs libéralités; mais il suffira de répondre que les fondations particulières ne seront pas moins remplies, soit que le clergé soit propriétaire, soit qu'il ne le soit pas ; et d'ailleurs, les membres du clergé n'ignorent point que toutes les prières de l'Eglise, lors même qu'elles ont une destination particulière, tournent encore à l'utilité commune de tous les fidèles.
Il me suffira de faire observer, sur la troisième objection, que les principes que j'ai établis restent les mêmes, soit que les fondateurs aient traité avec le clergé en général, ou avec chaque église en particulier. Ce n'est jamais en faveur d'un ecclésiastique que les fondations ont été faites. Si c'est en faveur d'une église, chaque église est un corps moral, et dès lors les fondations ne sont pas individuelles, comme on voudrait le prétendre ; l'on sait d'ailleurs que le christianisme ne s'est pas établi tout à la fois dans tout le royaume, et ce n'est qu'en dotant chaque église en particulier qu'on a pu fonder le corps entier de l'Eglise.
A présent, Messieurs, que me reste-t-il à discuter? Quelles objections me reste-il à résoudre?
M. l'abbé Maury prétend que le clergé de France existait avant la conquête du royaume; si cela est ainsi, nous permettons au clergé de conserver les domaines qu'il possédait avant cette conquête. Ou plutôt, Messieurs, puisqu'une nation a même le droit de changer son premier pacte social, quelle puissance pourrait l'empêcher de changer l'organisation du clergé, quand même elle l'aurait trouvé formé, tel qu'il est aujourd'hui, au milieu des Gaules idolâtres ?
M. l'abbé Maury dit encore qu'il existe des lois dans les capitulaires de Charlemagne
qui décident que les propriétés du clergé doivent être conservées. Je n'examinerai
point si le mot pro-prietas, qui se trouve dans les lois, est synonyme de dominium, et
signifie jouissance ou domaine.^ Je ne m'attacherai pas non plus à vérifier si les
lois ont été faites simplement par le monarque avec le conseil de ses leudes, ou si
elles ont été proclamées dans les champs-d-emars. Je négligerai toutes ces preuves,
les plus faibles de toutes, précisément parce que l'on prouverait tout avec elles, et
qu'à un monument de prétendu droit public, il est presque toujours un monument
contradictoire à opposer (1). Mais je répondrai à M. l'abbé Maury que ces lois
particulières n'assuraient la propriété du clergé que vis-à-vis les individus, tout
comme il existe des lois qui
M. l'abbé Maury nous dit encore que le clergé ' possède comme tous les autres individus; qu'il n'est aucune propriété sociale qui ne soit plus ou h moins modifiée; que si l'édit de 1749 a défendu au clergé d'acquérir, il est plusieurs lois qui renferme la même prohibition pour d'autres classes de citoyens ; en(in, que si le clergé n'a pas le droit d'aliéner, ce n'est là qu'un nouveau moyen qu'il a de conserver.
Je me dispenserai de répondre à ces sophismes, parce que M. l'abbé Maury lui-même ne peut pas v les regarder comme de sérieuses objections. Certainement, si l'obligation de ne pouvoir pas aliéner est un moyen de plus de conserver, ce ' n'est pas du moins un moyen de montrer que l'on peut disposer d'une chose en maître. M. l'abbé Maury croirait-il prouver bien évidemment que le Roi est propriétaire des domaines de la couronne, parce que le Roi n'a pas le pouvoir de les aliéner ?
Je ne m'arrêterai point, Messieurs, à répondre à ceux qui ont attaqué la motion que j'ai faite * d'après les suites qu'elle peut avoir ; je ferai seulement sur cela deux observations qui me paraissent importantes.
La première, qu'il ne s'agit pas précisément de prendre les biens du clergé pour payer la dette de l'Etat, ainsi qu'on n'a cessé de le faire entendre. On peut déclarer le principe de la propriété de la nation, sans que le clergé cesse d'être l'ad-ministrateur de ses biens ; ce ne sont point des trésors qu'il faut à l'Etat, c'est un gage et une hypothèque, c'est du crédit et de la confiance.
La seconde, c'est qu'il n'est aucun membre du clergé dont la'fortune ne soit de beaucoup augmentée par l'effet d'une répartition plus égale, à l'exception de ceux qui ont dix fois plus qu'il ne leur faut, et qui ne doivent redouter aucun sacri-lice, puisque, même après les réductions les plus A fortes, ils auront dix fois plus encore qu'il ne leur faudra.
C'est assez, Messieurs ; je ne me suis proposé, en prenant la parole, que de ramener la question à son véritable objet, et je crois avoir rempli ce but.
M. l'abbé Maury se plaindra sans doute encore de ce que j'ai employé de la
métaphysique ; pour moi, je lui demanderai comment l'on pent, sans métaphysique,
définir la propriété de l'empire, le domaine ; fixer les rapports de l'état naturel à
l'état de société ; déterminer ce que c'est qu'un corps moral ; ' distinguer les
propriétés des individus de celles des corps, et les droits civils des droits
politiques. Lorsqu'on n'a que des termes abstraits à mettre en uvre, lorsque l'objet
d'une discussion est métaphysique, il faut bien l'être soi-même, ou se trouver hors de
son sujet ; mais j'ai tort de faire ces observations à M. l'abbé Maury ; il nous a
déjà montré deux fois dans cette "cause comment l'on peut répondre à des objections
métaphysiques sans métaphysique.
demande qu'on aille aux voix sur le principe avant de s'occuper des diverses exceptions.
Divers membres demandent à développer des amendements.
D'autres membres insistent pour aller aux voix.
, obtient enfin la parole pour développer un amendement (1).
Messieurs, j'entre dans la discussion qui vous occupe sans égard à aucune des circonstances qui nous environnent.
J'examinerai non-seulement ce qui est utile, mais encore ce qui est juste ; car une Assemblée législative ne possède pas comme les conquérants, par le droit du plus fort. Ses principes sont ceux de la plus austère équité; et si, dans des temps malheureux, le salut du peuple en exige la violation, ce ne sont pas des principes, mais la nécessité impérieuse qu'il suffit d'exposer.
Nous ne sommes point réduits, Messieurs, à cette nécessité funeste: des combinaisons sages et mesurées, des plans sévères mais équitables peuvent concilier les droits et les intérêts de l'Eglise avec les droits et les besoins de l'Etat. C'est dans l'espoir d'y parvenir que j'ai pris la parole, et je crois avoir trouvé la vérité en la cherchant de bonne foi, en ne compliquant point la question, en laissant à leur place les faits et les principes.
Je considère d'abord d'où proviennent les propriétés appelées biens du clergé, qui est-ce qui a donné, qui est-ce qui a reçu, qui est-ce qui possède. Je trouve des fondateurs qui instituent, des Eglises qui reçoivent, des ecclésiastiques qui possèdent sous la protection de la loi. Je trouve que le droit du donateur n'est point contesté, qu'il a stipulé les conditions de sa donation avec une partie contractant l'engagement de les remplir ; que toutes ces transactions ont reçu le sceau de la loi, et qu'il en résulte diverses dotations assignées aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres.
Je trouve alors que ces biens sont une propriété nationale, en ce qu'ils appartiennent collectivement au culte et aux pauvres de la nation.
Mais chaque bénéficier n'en est pas moins possesseur légitime, en acquittant les charges et conditions de la fondation.
Or la possession, la disposition des revenus, est la seule espèce de propriété qui puisse appartenir au sacerdoce, c'est la seule qu'il ait jamais réclamée. Celle qui donne droit à l'aliénation, à la transmission du fonds pour héritage ou autrement, ne saurait lui convenir, en ce qu'elle serait destructive des dotations de l'Eglise ; et parce qu'elle a des propriétés effectives, il fallait bien qu'elles fussent inaliénables ; pour qu'elles ne devinssent pas excessives, il fallait bien en limiter l'étendue ; mais comme l'incapacité d'acquérir n'est pas celle de posséder, l'édit de 1749 ne peut influer sur la solution de la question présente; et j'avoue qu'il me paraît extraordinaire qu'on emploie contre le clergé les titres même conservateurs de ses propriétés, ainsi que toutes les raisons, tous les motifs qui en composent le caractère légal.
Un des préopinants a dit que les corps étaient
Mais il ne s'agit point ici de biens donnés à un corps : les propriétés de l'Eglise sont subdivisées en autant de dotations distinctes que ses ministres ont de services à remplir. Ainsi, lors même qu'il n'y aurait plus d'assemblée du clergé, tant qu'il y aura des paroisses, des évêchés, des monastères, chacun de ces établissements aune dotation propre, qui peut être modifiée par la loi, mais non détruite autrement qu'en détruisant l'établissement.
C'est ici le lieu de remarquer que plusieurs des préopinants établissent des principes contradictoires, en tirant néanmoins les mêmes conséquences. Tantôt, en considérant le clergé comme un être moral, on a dit : Les corps n'ont aucun droit réel par leur nature, puisqu'ils n'ont pas même de nature propre ; ainsi le clergé ne saurait être propriétaire. Tantôt ou le considère comme dissous en qualité de corps, et on dit qu'il ne peut plus posséder aujourd'hui de la même manière qu'il possédait pendant son existence politique, qui lui donnait droit à la propriété. Enfin un troisième opinant a dit, dans une suite de faits, que le clergé n'a jamais possédé comme corps ; que chaque fondation avait eu pour objet un établissement et un service particulier, et cette assertion est exacte. Mais je demande si l'on peut en conclure qu'il soit juste et utile que cet établissement, ce service et ceux qui le remplissent soient dépouillés de leur dotation? Or c'est la véritable et la seule question qu'il fallait présenter, car celle de la propriété pour les usufruitiers n'est point problématique. Le clergé possède: voilà le fait. Ses titres sont sous la protection, sous la garde et Ja disposition de la nation, car elle dispose de tous les établissements publics, par le droit qu'elle a sur sa propre législation, et sur le culte même qu'il lui plaît d'adopter; mais la nation n'exerce par elle-même ni ses droits de propriété, ni ceux de souveraineté ; et de même que ses représentants ne pourraient disposer de la couronne qui lui appartient, mais seulement régler l'exercice de l'autorité et des prérogatives royales; de même aussi ils ne pourraient sans un mandat spécial anéantir le culte public et les dotationsqui lui sontassignées, mais seulement en régler mieux l'emploi, en réformer les abus, et disposer pour les besoins publics de tout ce qui se trouverait excédant au service des autels et au soulagement des pauvres.
Ainsi, Messieurs, l'aveu dû principe que les biens du clergé sont une propriété nationale, n établit point les conséquences qu'on en voudrait tirer. Et comme il ne s'agit point ici d'établir une vaine théorie, mais une doctrine pratique sur les biens ecclésiastiques, c'est sur ce principe même 3-1r£.-' onde mon opinion, et un plan d'opérations différent de celui qui vous est présenté.
Le premier aperçu de la motion de M. l'évêque dAulun ma montré plus d'avantages que d'inconvénients: j'avoue que dans l'embarras où nous sommes, 1,800 millions disponibles au profit de l'Etat m'ont séduit; mais un examen plus réfléchi m'a fait voir à côté d'une ressource fort exagérée, des inconvénients graves, des injustices inévitables ; et lorsque je me suis rappelé le jour mémorable où nous adjurâmes, au nom du Dieu de paix, les membres du clergé de s'unir a nous comme nos frères, de se confier à notre
foi, j'ai frémi du sentiment douloureux qu'ils pouvaient éprouver et transmettre à leurs successeurs en se voyant dépouiller de leurs biens par un décret auquel ils n'auraient pas consenti.
Que cette considération, Messieurs, dans les temps orageux où nous sommes, soit auprès de vous de quelque poids. C'est précisément parce qu'on entend dire d'un ton menaçant : il faut , prendre les biens du clergé, que nous devons être plus disposés à les défendre, plus circonspects dans nos décisions. Ne souffrons pas qu'on impute quelque jour à la terreur, à la violence, des opérations qu'une justice exacte peut légitimer, si nous leur en imprimons le caractère, et qui seront plus profitables à l'Etat, si nous substituons la réforme à l'invasion et les calculs de l'expérience à des spéculations incertaines.
La nation, Messieurs, en nous donnant ses pouvoirs, nous a ordonné de lui conserver sa religion et son Roi ; il ne dépendrait pas plus de nous d'abolir le catholicisme en France, que le gouvernement monarchique; mais la nation peut, s'il lui plaît, détruire l'un et l'autre, non par des insurrections partielles, mais par un vu unanime, légal, solennel, exprimé dans tou tes les subdivisions territoriales du royaume. Alors les représentants, organes de cette volonté, peuvent la mettre à exécution.
Cette volonté générale ne s'est point manifestée sur l'invasion des biens du clergé : devons-nous la supposer, la prévenir? Pouvons-nous résister à une volonté contraire, de ne pas ébranler les fondements du culte public? Pouvons-nous tout ce que peut la nation et plus qu'elle ne pourrait?
Je m'arrête à cette dernière proposition, parce qu'en y répondant, je réponds à toutes les autres.
S'il plaisait à la nation de détruire l'Eglise catholique en France, et d'y substituer une autre religion, en disposant des biens actuels du clergé, la nation, pour être juste, serait obligée d'avoir égard aux intentions expresses des donateurs, comme on respecte en toute société celle du tes- ^ tateur; or, ce qui a été donné à l'Eglise est, par indivis et par substitution donné aux pauvres : aussi, tant qu'il y aura en France des hommes qui ont faim et soif, les biens de l'Eglise leur sont substitués par l'intention des testateurs, avant d'être réversibles au domaine national; ainsi la nation en détruisant môme le clergé, et avant de s'emparer de ses biens pour toute autre destination doit assurer dans tout son territoire, et par hypothèque spéciale sur ses biens, la subsistance des pauvres.
Je sais que ce moyen de défense de la part du clergé, très-légitime d^ns le droit, peut être attaqué dans le fait. Tous les possesseurs de bénéfices ne sont pas également charitables, tous ne font pas scrupuleusement la part des pauvres. Eh bien ! Messieurs, faisons-la nous-mêmes. Les ' pauvres sont aussi nos créanciers dans l'ordre moral comme dans l'état social et politique; le premier germe de corruption dans un grand peuple, c'est la misère ; le plus grand ennemi de la liberté, des bonnes murs, c'est la misère ; et le dernier terme de l'avilissement pour un homme libre, après le crime, c'est la mendicité. Détruisons ce fléau qui nous dégrade, et qu'à la suite de toutes nos dissertations sur les droits de l'homme, une loi de secours pour l'homme souffrant soit un des articles religieux de notre Constitution.
Les biens du clergé nous en offrent les moyens, en conservant la dîme qui ne peut être aban-
donnée dans le plan même de M. l'évêque d'Autun, N et qui cesserait d'être odieuse au peuple, lorsqu'il y verrait la perspective d'un soulagement certain dans sa détresse.
Je ne développerai point ici le plan de secours r pour les pauvres, tel que je le conçois dans toute son étendue ; je remarquerai seulement qu'en _ réunissant sous un même régime, clans chaque province, les aumônes volontaires à des fonds assignés sur la perception des dîmes, on pour-v rail facilement soutenir l'industrie languissante, prévenir ou soulager l'indigence dans tout le royaume.
Et quelle opération plus importante, Messieurs, peut solliciter notre zèle? Cet établissement, de première nécessité, ne manque-t-il pas à la nation? Les lois sur les propriétés remontent à la fondation des empires, et les lois en faveur de ceux qui ne possèdent rien sont encore à faire.
Je voudrais donc lier la cause des pauvres à celle des créanciers de l'Etat, qui auront une hypothèque encore plus assurée sur l'aisancer générale du peuple français que sur les biens-fonds du clergé, et je voudrais surtout que les , sacrifices à faire par ce corps respectable, fussent tellement compatibles avec la dignité et les droits de l'Eglise, que ces représentants pussent y consentir librement.
Ces sacrifices deviennent nécessaires pour satisfaire à tous les besoins qui nous pressent, et je mets au premier rang de ces besoins le secours urgent à donner à la multitude d'hommes qui manquent de travail et de subsistance.
Ces sacrifices sont indispensables sous un autre rapport. Si la sévérité des réformes ne s'étendait que sur le clergé, ce serait un abus de puissance révoltant; mais lorsque les premières places de l'administration et de l'armée seront réduites à des traitements modérés, lorsque les grâces non méritées, les emplois inutiles seront réformés, le clergé n'a point à se plaindre de subir la loi commune; loi salutaire si nous voulons être libres.
Enfin, ces sacrifices sont justes, car au nombre des objections présentées contre le clergé, il en est une d'une grande importance, c'est la compensation de l'impôt, dont il s'est affranchi pendaut nombre d'années.
La liberté, Messieurs, est une plante précieuse qui devient un arbre robuste, sur un sol fécondé par le travail et la vertu, mais qui languit et périt entre le luxe et la misère. Oui certes, il faut réformer nos murs, encore plus que nos lois, si nous voulons conserver cette grande con-t quête.
Mais s'il est possible, s'il est raisonnable de faire dès à présent dans l'emploi des biens ecclésiastiques d'utiles réformes, de dédoubler les riches bénéfices accumulés sur unemême tête, de supprimer les abbayes à mesure qu'elles vaqueront, de réduire le nombre des évêchés, des chapitres, des monastères, des prieurés et de tous les bénéfices simples, l'aliénation générale des biens du clergé y me paraît absolument impossible. J'estime qu'elle neseraitni juste, ni utile. Si l'opération est partielle et nécessaire à mesure des extinctions ou des réunions, je n'entends pas comment elle remplirait le plan de M. l'évêque d'Autun, comment pourrait s'effectuer le remplacement de la gabelle, le remboursement des offices de judicature, celui* des anticipations, des payements arriérés qui exigent, pour nous mettre au courant une somme y de 400 millions. J'estime que toutes les ventes partielles nécessaires ne pourraient s'opérer en moins de trente années, en ne déplaçant pas vio-
lemment les titulaires et les usufruitiers actuels, et en observant de ne pas mettre à la fois en circulation une trop grande masse de biens-fonds, ce qui en avilirait le prix.
L'opération sera-t-elle générale et subite? Je n'en conçois pas les moyens, à moins de congédier à la fois tous les bénéficiers, tous les religieux actuels, en leur assignant des pensions. Eh! qui pourrait acheter? Gomment payer une aussi grande quantité de biens-fonds? On recevra, dit-on, les porteurs de créances sur le Roi ; mais on ne fait pas attention qu'aussitôt que la dette publique sera consolidée, il n'y aura point de capitaux plus recherchés, parce qu'il n'y en aura pas de plus productifs ; ainsi, peu de créanciers se présenteront comme adjudicataires. Croit-on, d'ailleurs, que la liquidation des dettes de chaque corps ecclésiastique n'entraînera pas des incidents, des oppositions et des délais dans les adjudications, et que l'adoption d'un tel plan n'occasionnera pas très-promptement la dégradation de ces biens, par le découragement qu'éprouveraient les propriétaires, fermiers, explorateurs actuels.
Si dans ce système il n'y avait ni difficulté, ni injustice relativement au clergé, c'en serait une, Messieurs, que de faire disparaître le patrimoine des pauvres, avant de l'avoir remplacé d'une manière certaine.
Qu'il me soit permis de rappeler ici toute la rigueur des principes; pouvons-nous anéantir cette substitution solennelle des biens de l'Eglise en faveur des pauvres ? Pouvons-nous, sans être bien sûrs du vu national, supprimer généralement tous les monastères, tous les ordres religieux, même ceux qui se consacrent à l'éducation de la jeunesse, au soin des malades, et ceux qui, par d'utiles travaux, ont bien mérité de l'Eglise et de l'Etat? Pouvons-nous politiquement et moralement ôter tout espoir, tous moyens de retraite à ceux de nos concitoyens dont les principes religieux, ou les préjugés, ou les malheurs leur font envisager cet asile comme une co nsolation ? Pouvons-nous et devons-nous réduire les évêques, les curés, à la qualité de pensionnaires? La dignité éminentedes premiers, le ministère vénérable des pasteurs n'exigent-ils pas de leur conserver, et à tous les ministres des autels, les droits et les signes distinctifs de citoyen, au nombre desquels est essentiellement la propriété ?
Je crois, Messieurs, être en droit de répondre négativement à toutes ces questions.
1° L'aliénation générale des biens du clergé est une des plus grandes innovations politiques, et je crois que nous n'avons ni des pouvoirs, ni des motifs suffisants pour l'opérer. On vous a déjà représenté qu'une guerre malheureuse, une invasion de l'ennemi pourrait mettre en péril la subsistance des ecclésiastiques, lorsqu'elle ne serait plus fondée sur des immeubles, et cette considération doit être d'un grand poids relative: ment à l'Eglise, et relativement aux pauvres qui lui sont affiliés.
On objecte que l'état ecclésiastique est une profession qui doit être salariée comme celle de magistrat, de militaire ; mais on oublie que ces deux classes de citoyens ont généralement d autres moyens de subsistance ; que les soldats, réduits à leur paye, n'en sauraient manquer tant qu'ils sont armés. Mais quelle sera la ressource des ministres des autels, si le trésor public est dans l'impuissance de satisfaire à tout autre en-
gageraient qu'à la solde de l'armée ; et combien de choses malheureuses peuvent momentanément produire de tels embarras !
2° En vendant actuellement tous les biens du clergé, la nation se prive de la plus-value graduelle qu'ils acquerront par le laps de temps, et elle prépare, dans une proportion inverse, l'augmentation de ses charges.
3° Je doute que l'universalité du peuple français approuve l'anéantissement de tous les monastères sans distinction. La réforme, la suppression des ordres inutiles, des couvents trop nombreux, est nécessaire, mais peut-être que chaque province, et même chaque ville, désirera conserver une ou deux maisons de retraite pour l'un et l'autre sexe.
4° Il est impossible que chaque diocèse ne conserve au moins un séminaire, un chapitrent une maison de repos pour les curés et les vicaires qui ne peuvent continuer leur service.
Si on ajoutait à toutes ces considérations celle de l'augmentation nécessaire des portions congrues, et enfin, s'il vous parait juste, comme je le pense, de ne déposséder aucun titulaire, non-seulement la vente des biens du clergé devient actuellement impossible, mais même dans aucun temps il ne serait profitable d'en aliéner au delà d'une somme déterminée que j'estime éventuellement au cinquième ou au quart, et le remplacement de celte aliénation doit être rigoureusement fait au profit des pauvres, dans des temps plus heureux ; car, selon tous les principes de la justice, de la morale et du droit positif, les biens du clergé ne sont disponibles que pour le culte public ou pour les pauvres.
Si ces observations sont, comme je le crois, démontrées, il en résulte:
1° Que, quoique les biens du clergé soient une propriété nationale, le Corps législatif ne peut, sans mandat spécial, convertir en pensionnaires de l'Etat une classe de citoyens que la volonté antérieure et spéciale de la nation a rendus possesseurs de biens-fonds, à des charges et conditions déterminées.
2° Que l'emploi de ces biens peut être réglé par le Corps législatif, de telle manière qu'ils remplissent le mieux possible leur destination, qui est le culte public, l'entretien honorable de ses ministres et le soulagement des pauvres.
3° Que, si par la meilleure distribution de ces biens et par une organisation mieux entendue du corps ecclésiastique, les ministres de l'Eglise peuvent être entretenus, et les pauvres secourus de manière qu'il y ait un excédant, le Corps législa-tif peut en disposer pour les besoins pressants de l'Etat.
Maintenant, Messieurs, la transition de ces résultats à une opération définitive sur les biens du clergé, est nécessairement un examen réfléchi des établissements ecclésiastiques actuellement subsistants, de ce qu'il est indispensable d'en conserver, de ce qu'il est utile de réformer.
Il faut ensuite fixer les dépenses du culte et de 1 entretien des ministres, proportionnellement a leur dignité, à leur service, et relativement encore à l'intention qu'ont eue les fondateurs des divers bénéfices. Cette fixation déterminée doit être cçmparée aux biens effectifs du clergé, leur produit en terres, rentes, maisons, et à leurs charges d'après des états authentiques. Alors, Messieurs, après un travail exact et un classement certain des rentes et des dépenses, des individus , des établissements conservés, après avoir assigné dans de justes proportions ce
qu'il est convenable d'accorder aux grandes dignités et aux moindres ministères de l'Eglise, ce qui doit être réservé dans chaque canton pour l'assistance des pauvres ; alors seulement vous connaîtrez tout ce que vous pouvez destiner aux besoins de l'Etat ; mais ils sont actuellement si pressants , que j'ai cru pouvoir, par des opérations provisoires, déterminer une somme de secours, soit pour les pauvres, soit pour les dépenses publiques.
En estimant à 160 millions, y compris les dîmes, le revenu du clergé, je pense que les réformes, suppressions et réductions possibles permettent de prélever une somme annuelle de 30 millions pour les pauvres, et une aliénation successive de 400 millions d'immeubles qui serait, dès ce moment-ci, le gage d'une somme pareille de crédit ou d'assignations.
Cette ressource étant estimée suffisante d'après le rapport du comité des finances, pour éteindre toutes les anticipations et arrérages du payement et la balance étant ainsi rétablie avec avantage entre la recette et la dépense, la vente des domaines libres et la surtaxe en plus-value de ceux engagés, faciliterait tous les plans d'amélioration dans le régime des impôts et suffirait en partie au remboursement des offices de judicature.
Je résumerai donc dans les articles suivants les dispositions que je crois actuellement praticables relativement aux biens du clergé.
J'observe que je n'entre dans aucun des détails qui doivent être l'objet du travail de la commission ecclésiastique, tels que l'augmentation indispensable des portions congrues ; mais on concevra qu'elle ne peut s'effectuer actuellement que par des réductions sur les jouissances des grands bénéficiers.
La manière d'opérer ces réductions ne doit point être arbitraire ni violente ; il me semble que sans déposséder aucuns titulaires, on peut établir des fixations précises de revenus pour toutes les classes du ministère ecclésiastique et tout ce qui excéderait cette fixation, sera pavé en contribution, soit pour le Trésor public, soit pour toute autre destination.
Articles proposés.
Article 1er. Les biens du clergé sont une propriété
nationale dont l'emploi sera réglé conformément à sa destination , qui est le service
des autels, l'entretien des ministres, et le soulagement des pauvres.
Art. 2. Ces objets remplis, l'excédant sera consacré aux besoins de l'Etat, à la décharge de la classe la moins aisée des citoyens.
Art. 3. Pour connaître l'excédant des biens du clergé disponible et applicable aux besoins publics, il sera formé une commission ecclésiastique , à l'effet de déterminer le nombre d'évê-chés, cures, chapitres, séminaires et monastères qui doivent être conservés, et pour régler la quantité de biens-fonds, maisons et revenus qui doivent être assignés à chacun de ces établissements.
Art. 4. Tout ce qui ne sera pas jugé utile au service divin , et à l'instruction des peuples, sera supprimé, et les biens-fonds, rentes, mobiliers et immeubles desdits établissements, seront remis à l'administration des provinces dans lesquelles ils sont situés.
Art. 5. En attendant l'effet des dispositions » précédentes et pour y concourir, il sera sursis à la nomination de toutes les abbayes, canoni-cats, et bénéfices simples, dépendant des col-lateurs particuliers, jusqu'à ce que le nombre des chapitres et celui des prébendes à conserver soit déterminé.
Art. 6. Il est aussi défendu à tous les ordres religieux des deux sexes, de recevoir des no- vices jusqu'à ce que chaque province ait fait connaître le nombre des monastères qu'elle désire conserver.
Art. 7. La conventualité de chaque monastère de l'un et de l'autre sexe, sera fixée à douze profès, et il sera procédé à la réunion de toutes . les maisons d'un même ordre, qui n'auront pas le nombre de profès prescrit par le présent article : les maisons ainsi vacantes par réunion, seront remises à l'administration des provinces.
Art. 8. Tous les bâtiments et terrains autres que ceux d'habitation, non compris dans les biens ruraux des églises, monastères , hôpitaux et bénéfices quelconques seront, dès à présent, vil sera tenu compte de leur produit à raison de 5 0/0, à ceux desdits établissements qui sont con servés : le prix des immeubles ainsi vendus sera versé dans la caisse nationale ; et lors de l'extinction des rentes consenties pour raison desdites aliénations, la somme en sera employée 4 à la décharge des contribuables de la même province qui auront moins de 100 écus de rente.
Art. 9. Aucun autre bien vacant par l'effet des k, dispositions ci-dessus, ne pourra être mis en vente jusqu'à ce qu'il ait été pourvu dans chaque province à la dotation suffisante de tous les établissements ecclésiastiques, à l'augmentation des portions congrueset à la fondation dans chaque ville et bourg, d'une caisse de charité pour le soulagement des pauvres.
Art. 10. Aussitôt qu'il aura été pourvu à toutes ^ les dotations et fondations énoncées ci-dessus , les dîmes dont jouissent les différents bénéficiers, cesseront de leur être payées, et continueront jusqu'à nouvel ordre, à être perçues par les administrations provinciales et municipales, en déduction des charges imposées aux classes les moins aisées des citoyens.
Arl. 11. Il sera prélevé sur le produit des dîmes et des biens du clergé qui seront réunis aux administrations provinciales, une somme annuelle ae 26 millions, pour faire face aux intérêts de la
? dette ancienne du clergé, et d'un nouveau crédit de 400 millions, lequel sera ouvert incessamment avec hypothèque spéciale sur la totalité des biens ecclésiastiques.
Art. 12. Ledit emprunt s'effectuera par l'émission de 400 millions de billets du clergé, portant intérêt à 5 0/0. lesquels seront donnés et reçus en payement, même pour les contributions et v seront admis par préférence en payement lors de l'adjudication des biens ecclésiastiqueset des biens domaniaux qui seront mis en vente.
Telles sont les dispositions que je crois praticables sur les hiens du clergé. Mais quelle que soit, Messieurs, votre décision à cet égard, je vous y demande la permission de vous rappeler ma motion du 19 août pour un établissement national en faveur des pauvres, et je vous prie de trouver bon que je la propose à la discussion.
Un grand nombre de voix : La clôture!
réclame la priorité pour sa motion, qui a été présentée la première ; il la lit, et y fait successivement des corrections.
Plusieurs membres demandent, les uns l'appel nominal ; d'autres, la division de la motion ; d'autres, l'ajournement ; d'autres enfin, îa question préalable.
L'Assemblée arrête qu'on procédera sur-le-champ à l'appel nominal.
lit sa motion, en y réunissant quelques-uns des principaux amendements proposés dans le cours des débats.
On demande l'appel nominal sur cette rédaction. L'Assemblée décide qu'il aura lieu.
fait connaître le résultat de l'appel nominal :
Pour l'adoption....... 568 voix.
Pour le rejet .......... 346 voix.
Voix nulles............ 40
dit, qu'en conséquence, l'Assemblée nationale a rendu le décret suivant :
« 1° Que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir, d'une manière convenable, aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'après les instructions des provinces.
« 2° Que dans les dispositions à faire pour subvenir à l'entretien des ministres de fa religion, il ne pourra être assuré à la dotation d'aucune cure moins de 1,200 livres par année, non compris le logement et les jardins en dépendant. »
a annoncé, immédiatement après, que la séance était levée, et l'a renvoyée à demain mardi 3 novembre, heure ordinaire.
à la séance de l'Assemblée nationale du
OPINION DE M. DE TALLEYRAND, évèque d'autun(1), SUR LA QUESTION DES BIENS ECCLÉSIASTIQUES (2).
Messieurs, je suis presque seul de mon état qui soutienne ici des principes qui paraissent opposés à ses intérêts. Si je monte à cette tribune, ce n'est pas sans ressentir toutes les difficultés de ma position. Comme ecclésiastique, je fais hommage au clergé de la sorte de peine que j'éprouve ; mais comme citoyen, j'aurai le courage qui convient à la vérité.
Insensible à des interprétations qui ne m'atteignent pas et que je m'abstiens même de qualifier, je ne répondrai ni aux paroles, ni aux écrits de quelques personnes trop dominées par
leur intérêt: il me faudrait parler de moi, descendre un moment des grands objets qui vous occupent et oublier la dignité de cette Assemblée.
Depuis le jour où la grande question des biens ecclésiastiques a été agitée parmi nous, sans doute tout a été dit de part et d'autre ; et néanmoins il est peut-être, au moment de la décision, plus que jamais indispensable de bien circonscrire l'étal de la question.
Avant tout, je conjure les membres de letat auquel j'ai l'honneur d'appartenir, de ne pas perdre de vue notre position actuelle : le clergé n'est plus un ordre ; il n'a plus une administration particulière ; il a perdu ses dîmes qui formaient au moins la moitié des ses revenus, et ce serait s'abuser que de penser qu'elles lui seront rendues. 11 est donc, sous le rapport de cette partie considérable de ses anciennes possessions, entièrement dépendant de la volonté nationale, qui s'est engagée, il est vrai, à fournir un remplacement, mais non pas un équivalent ; car c'est ainsi que les décrets de l'Assemblée se sont littéralement expliqués. Dans cet ordre de choses tout nouveau, et qu'il me semble qu'on oublie beaucoup trop, il ne reste aujourd'hui au clergé que ses biens-fonds, et c'est après y avoir bien réfléchi, que j'ai pensé, que je pense encore qu'il lui importerait d'en faire Je sacrifice même dans la seule vue d'améliorer son sort. Ne faudrait-il pas en effet, dans toute supposition, par une conséquence inévitable de la destination de tout bien ecclésiastique, que les bénéficiers, qui jouissent en ce moment des biens-fonds, vinssent au secours de ceux qui se trouvent dotés en dîmes, ou dont la dotation est absolument insuffisante ? Dès lors, il m'est impossible de voir en quoi consisteraient les avantages de cette propriété si ardemment invoquée. Que serait-ce, en effet, qu'uu droit de propriété du clergé qui ne pourrait empêcher que par une volonté distincte de la sienne, les revenus ecclésiastiques d'un canton en fussent versés dans un autre, pour y remplacer les dîmes, subvenir aux frais du culte et de la dotation des ministres de la religion ? La nation, propriétaire de ces biens, fera-t-elle autre chose ?
Mais résolvons la question en elle-même. Quel est le vrai propriétaire de ces biens ? Le clergé, en général ? Non, car rien, absolument rien n'a été donné au corps du clergé, qui, en conséquence, n'a jamais pu faire seul un acte véritable de propriétaire. Les corporations particulières du clergé? Non ; comment pourraient-elles être propriétaires de leurs biens, puisqu'elles ne le sont pas même de leur existence ? Le titulaire particulier ? Non ; puisque le bénéfice n'a été donné dans l'origine ni à lui, ni pour lui, et qu'actuellement il peut être supprimé sans lui et malgré lui. Le fondateur ? non ; car hors le cas d'une clause expresse de réversion, il a toujours été reconnu que le don fait par lui était irrévocable. Le diocèse ou canton dans lequel est situé l'établissement ecclésiastique ? Non ; car si, toutes choses égales, il est convenable que le bienfait reste là où il a été d'abord placé, une telle convenance ne peut constituer dans toute supposition un droit rigoureux : ce bienfait peut tellement se dénaturer qu'il y devienne inutile, disproportionné, déplacé. Dès lors il devient naturellement une portion libre de la fortune publique, applicable là ou ailleurs à l'intérêt général ; car ce n'est, ce ne peut être qu'à cette condition que la nation a ratifié une donation quelconque.
A qui donc est la propriété véritable de ces
biens ? La réponse ne peut plus être douteuse, à la nation ; mais ici, il est nécessaire de bien s'entendre. Est-ce à la nation en ce sens, que, sans aucun égard pour leur destination primitive, la nation, par une supposition chimérique, puisse en disposer de toutes manières et, à l'instar des individus propriétaires, en user ou en abuser à son gré? Non, sans doute ; car ces biens ont été chargés d'une obligation par le donateur, et il faut que par eux ou par un équivalent quelconque, cette obligation, tant qu'elle est jugée juste et légitime, soit remplie. Mais est-elle à la nation, en ce sens que la nation, s'obligeant à faire acquitter les charges des établissements nécessaires ou utiles; à pourvoir dignement à l'acquit du service divin, suivant le véritable esprit des donateurs ; à faire remplir même les fondations particulières, lorsqu'elles ne présenteront aucun inconvénient; elle puisse employer l'excédant au delà de ces frais à des objets d'utilité générale ? La question posée ainsi ne présente plus d'embarras: oui, sans doute, elle est à la nation, et les raisons se présentent en foule pour le démontrer.
1° La plus grande partie de ces biens a été donnée évidemment à la décharge de la nation, c'est-à-dire, pour des fonctions que la nation eût été tenue de faire acquitter : or ce qui a été donné pour la nation est nécessairement donné à la nation.
2° Ces biens ont été presque tous donnés pour le service public : ils l'ont été, non pour l'intérêt des individus, mais pour l'intérêt public : or, ce qui est donné pour l'intérêt public peut-il n'être pas donné à la nation? La nation peut-elle cesser un instant d'être juge suprême sur ce qui constitue cet intérêt?
3° Ces biens ont été donnés à l'Eglise. Or, comme on l'a remarqué déjà, l'Eglise n'est pas le seul clergé, qui n'en est que la partie enseignante. L'Eglise est l'assemblée des fidèles, et l'assemblée des fidèles dans un pays catholique est-elle autre chose que la nation ?
4° Ces biens ont été destinés particulièrement aux pauvres : or, ce qui n'est pas donné à tel pauvre en particulier, mais qui est destiné à perpétuité aux pauvres, peut-il n'être pas donné à la nation qui peut seule combiner les vrais moyens de soulagement pour tous les pauvres ?
5° La nation peut certainement par rapport aux biens ecclésiastiques ce que pouvaient par rapport à ces biens, dans l'ancien ordre de choses, le roi et le supérieur ecclésiastique le plus souvent étranger à la possession de ces biens. Or, on sait qu'avec le concours de ces deux volontés, l'on a pu dans tous les temps éteindre, unir, désunir, supprimer, hypothéquer des bénéfices, et même les aliéner pour secourir l'Etat. La nation peut donc aussi user de tous ces droits, et comme dans la réunion de ces droits, se trouve toute la propriété qui est réclamée en ce moment sur les biens ecclésiastiques en faveur de la nation, il suit qu'elle est propriétaire dans toute l'acception que ce mot peut présenter pour elle.
Mais les titres, mais les possessions?... Eh 1 bien 1 ces titres et cette possession assurent un droit véritable à un titulaire quelconque; cela ne peut être contesté et n'a rien de commun avec le principe que je défends. Ce n'est pas encore tout. Ces litres, cette possession donnent tous les droits de la propriété à une église particulière contre une autre église qui voudrait la dépouiller; mais toutes ces églises particulières appartenant à la nation, un pareil droit ne peut
jamais être invoqué contre elle, puisque éternelle-r ment elle conserve le droit de les modifier, de les reconstituer ou même de les supprimer entièrement.
Telles sont, Messieurs, les raisons qui m'ont déterminé à croire que les biens ecclésiastiques sont une propriété nationale. Si ces raisons que M rien, non rien n'a pu affaiblir un instant dans mon esprit, si ces raisons indépendantes de toutes v circonstances, vous paraissent de quelque poids, combien ne deviennent-elles pas plus pressantes, plus décisives dans l'ensemble des conjonctures actuelles ? Regardons autour de nous : la fortune publique est chancelante; sa chute prochaine menace toutes les fortunes, et dans ce désastre universel, qui aurait plus à craindre que le clergé? J Dès longtemps l'on compare avec l'indigence publique l'opulence particulière de plusieurs y d'entre nous ; faisons cesser , en un instant, ces fatiguants murmures dont s'indigne nécessairement notre patriotisme ; livrons sans réserve à la nation et nos personnes et nos fortunes : elle ne l'oubliera jamais.
Ne disons pas que le clergé, par cela seul qu'il ¦v ne sera plus propriétaire, en deviendra moins digne de la considération publique. Non : pour i être payé par la nation, le clergé n'en sera pas moins révéré des peuples ; car les chefs des tribunaux, les ministres, les rois même reçoivent des salaires et n'en sont pas moins honorés. Non ; 1 il ne leur sera point odieux ; car ce n'est pas de la main de chacun des citoyens que le ministre v des églises ira chercher soft tribut, mais dans le Trésor public, comme tous les autres mandataires ^ du gouvernemeut.
Eh ! ne voyez-vous pas sans cesse le peuple consentir à oublier que les fonctionnaires quelconques sont à ses gages et joindre à ses tributs généreux l'hommage personnel du respect pour des hommes dont les fonctions contrarient souvent ses passions et quelquefois même ses intérêts ? Comment donc voudra-t-oû persuader que ce peuple plus juste qu'on ne pense, et qu'éter-nellement on calomnie, déshéritera de sa reconnaissante estime ceux qui ne devront, qui ne * voudront, qui ne pourront que lui inspirer la vertu, verser dans son sein les consolations de la charité et de la morale, et remplir dans tous les instants, auprès de lui, les fonctions les plus paternelles ?
Ne disons plus qu'à cette question se trouve ^ liée la cause de la religion ; disons plutôt ce que nous savons tous, disons que le plus grand acte , religieux qui puisse nous honorer, c'est de hâter l'époque où un meilleur ordre de choses fera disparaître des abus corrupteurs, préviendra cette multitude de crimes connus, de délits obscurs, fruit des grandes calamités publiques. Disons que le plus bel hommage à la religion, c'est de contribuer à la formation d'un ordre social, qui fasse naître et protège les vertus que la religion commande et récompense, et qui rappelle sans cesse à l'homme, dans la perfection de la société, le bienfaiteur de la nature. Les peuples ramenés à la religion par le sentiment du bonheur ne se rappelleront point sans reconnaissance les sacrifices que les ministres de la religion auront faits à la félicité générale. Tout le demande. L'opinion publique proclame partout la loi de la justice unie à celle de la nécessité. Quelques moments de plus et nous perdons dans une lutte inégale et dégradante l'honneur d'une généreuse résignation. Aller au-devant de la nécessité, c'est paraître ne point la craindre, ou, pour s'énoncer
d'une manière plus digne de vous, c'est ne point la craindre en effet. Ce n'est pas être traîné vers l'autel de la patrie, c'est y porter une offrande volontaire. Que sert d'en différer le moment? Combien de troubles, combien de malheurs eussent été prévenus, si }es sacrifices consommés ici depuis trois mois eussent été plus tôt un don du patriotisme ? montrons, Messieurs, que nous voulons être citoyens, n'être quecitoyens, que nous voulons véritablement nous rallier à l'unité nationale, ce vu de la France entière. C'est là ce qui fera dire que le clergé a justifié, par la grandeur de ses sacrifices, 1 honneur qu'il eut autrefois d'être appelé le premier ordre de l'Etat. Enfin, Messieurs, c'est en cessant d'être un corps, éternel objet d'envie, que le clergé va devenir un assemblage de citoyens, objet d'une éternelle reconnaissance.
Je conclus donc à ce que le principe sur la propriété des biens ecclésiastiques soit consacré en ce moment et pour prévenir toute équivoque à ce qu'il soit en conséquence décrété par l'Assemblée nationale, que la nation est le vrai propriétaire de ces biens, en ce sens, qu'elle peut en disposer pour le plus grand bien public, à la charge par elle de conserver à chaque titulaire ce qui lui appartient réellement, et de faire acquitter dorénavant, de la manière qu'elle jugera la plus digne, les obligations véritables dont ces biens se trouvent chagrés,
Lettre de M. le Gomte de Lally-Tollendal a ses commettants.
De Neufchâtel le
Messieurs, j'ai l'honneur de vous communiquer la lettre par laquelle j'ai annoncé, samedi dernier, à M. le Président de l'Assemblée nationale, ma démission de l'emploi que vous m'avez confié. Depuis longtemps je luttais contre l'état déplorable de ma santé ; mais j'ai vu les événements du 5 et du 6, je les ai vus ! j'ai vu l'Assemblée nationale impuissante pour prévenir, pour arrêter, pour punir ces attentats ; j'ai vu la faction qui avait semé la terreur et les crimes, pour forcer le Roi à fuir, enchaînant encore les opinions, trouvant moyen de rejeter ses complots sur les innocents qui devaient en être victimes, et créant de fausses conjurations pour en cacher une véritable : la vertu abusée ou intimidée ; les bons citoyens réduits à l'inutilité, parce qu'on rejettait ou qu'on abandonnait leurs avis; et même au silence, parce qu'on étouffait leur voix. Je me suis dit, qu'il était telle position où ces bons citoyens ne pouvaient plus servir la cause publique que par leur retraite ; que l'éloignement des gens modérés, et cependant marquants, j'ose le dire, par leur fidélité aux bons principes, pouvait forcer les autres à la modération, par l'idée qu'eux seuls désormais seraient responsables de tout; et qu'enfin, s'il était des vérités nécessaires à faire entendre, il fallait aller chercher l'endroit d'où on pût les dire. J'ai hâté une démission que ma santé m'eût obligé de donner quelques jours plus tard, et je n'ai point voulu alléguer de raisons étrangères au sentiment qui me dominait. Plaise à Dieu qu'un meilleur ordre de choses s'établisse! que le séjour du Roi dans sa capitale tourne au désir des bons et contre les espérances des méchants I Que la bonté de ce Roi, sa probité, sa patience, son courageux abandon, ses chagrins dévorants, que le spectacle de sa famille auguste
et désolée, attendrissent tous les curs ! Que ce peuple, dont on a vanté si longtemps la douceur, la loyauté, la fidélité, soit ramené à ses anciens sentiments comme à ses anciennes vertus! Qu'il reconnaisse que cet amour de ses rois, dont on a voulu le faire rougir aujourd'hui, était un des traits les plus nobles de son caractère, comme un des plus sûrs fondements de son bonheur! Qu'il voie tout ce que lui ont causé de tourments ceux qui ont voulu corrompre son naturel et forcer ses penchants! Que les abus disparaissent, car ils étaient nombreux, mais que les sentiments se perpétuent, car ils étaient bons ! Que le nom de la nation soit sacré ; mais que celui du monarque ne soit pas dégradé ! Qu'il se forme enfin entre le Roi et le peuple une nouvelle, une éternelle union, dans laquelle tous deux reconnaissent pour leur sûreté, pour leur félicité réciproques, l'un qu'il doit commander à des sujets libres et heureux, l'autre, qu'il doit être gouverné par un prince puissant et respecté ! Puissé-je apprendre bientôt ce retour à l'ordre et à la paix ! Je le paierais du plus pur de mon sang. J'en jouirai sans aucun mélange de regrets personnels ; car lorsqu'il sera une fois arrivé, lorsqu'une fois mes concitoyens et mon Roi seront heureux, qu'importe par qui ils le seront devenus? je me répéterai ce que je viens de dire, que si je pouvais encore quelque chose pour le salut public, c'était par ma retraite, et que dans tous les cas, l'état où je suis, ma santé altérée, mon cur flétri, l'épuisement de mes forces physiques et morales ne m'eussent pas permis d'y concourir par ma présence. Je sens cependant, Messieurs, qu'il faut encore pouvoir, à quelque prix que ce soit, remplir envers vous une obligation sacrée ; que je vous dois le compte exact de ma conduite depuis l'instant de mon entrée aux Etats généraux, jusqu'à celui de nia sortie. C'est un devoir dont je vais m'occuper aussi promptement que me le permettront mes souffrances et l'attente de mes papiers. Vous connaîtrez ce que. j'ai fait et ce que j'ai dit, souvent même ce que j'ai pensé; et j'ose espérer que l'estime dont vous m'aviez honoré, n'en sera pas altérée; que je ne vous paraîtrai, dans aucun temps, avoir manqué ni de zèle, ni de fermeté, ni de patriotisme.
Je suis avec un profond respect, Messieurs, votre, etc.
Signé : Lally-Tollendal.
Séance du
La séance a été ouverte parlalecturedu procès-verbal de la séance de samedi, et par celle de diverses adresses de villes et communautés, dont la teneur suit :
D'une adresse et délibération de la municipalité et de la commune de la ville d'Aspet au pays de Gomminges, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et à la délibération de lavilledeMilhaud en Rouergue, concernant la perception des impôts et le maintien de l'ordre et de la tranquillité
publique ; laquelle demande d'être autorisée à élire librement ses officiers municipaux, et la conservation de six chapellenies de nomination royale, fondées en l'église paroisiale ;
D'une adresse et délibération de Romans en Dauphiné,où elle désapprouve la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire, comme contraire à la constitution du Dauphiné, qui donne au Roi seul le droit de convoquer les Etats ; que néanmoins, si les membres des Etats et du doublement se rendent en cette ville au jour indiqué par la commission intermédiaire, tous les citoyens s'empresseront de les recevoir, mais qu'elle défend à ses députés de paraître à cette assemblée. La ville nomme, au contraire, quatorze autres députés pour se rendre dans la salle de ladite assemblée, à l'effet de déclarer qu'elle s'oppose à toute infraction à la constitution de la province, comme aussi à toute résolution qui pourrait tendre à révoquer et même à modifier les pouvoirs donnés aux députés de la province à l'Assemblée nationale, comme aussi à contrarier les décrets de ladite Assemblée, tous les citoyens délibérant, pour donner des preuves de leur patriotisme, de payer, dans les termes prescrits, le quart de leur revenu d'une année ;
D'une adresse et délibération de la ville de Vienne en Dauphiné, dans le même esprit que celle de Romans : elle proteste de la manière la plus formelle contre la convocation faite par la commission intermédiaire, comme illégale, inutile et dangereuse, et contre tout ce qui pourrait être arrêté au nom de la province, contre le mandat donné à ses députés, et les opérations de l'Assemblée nationale, elle la supplie instamment d'autoriser les bailliages, sénéchaussées et autres justices royales, de juger en dernier ressort toutes les matières sommaires, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à'une nouvelle formation des tribunaux ;
D'une adresse et délibération de la ville de Tain, de la même province, contenant la même protestation, et l'adhésion la plus parfaite et la plus dévouée aux décrets de l'Assemblée nationale ;
D'une délibération de la ville de Saint-Rome de de Tarn, diocèse de Vabres en Rouergue, contenant adhésion aux arrêtés de l'Assemblée nationale, et à la délibération de la ville de Milhaud, relativement à la. perception des impôts et au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique ;
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communautés de Ghâteauneuf, Saint-Maurice, Tancon, de Saint LMartin deLixy,de Coublanc, deGhassigny, de Saint-Igny etdeFleury en Bourgogne, qui demandent l'établissement d'un siège royal dans le bourg dudit Cliâteau-neuf ;
D'une adresse du même genre de la ville de Montivilliers en Caux ; les habitants ont fait le serment de soutenir l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale au péril de leurs fortunes et de leurs vies ;
D'une délibération de l'assemblée générale de la municipalité et des communes réunies de la ville de Saint-Malo, qui annonce qu'ensuite de voies conciliatoires, le clergé et la noblesse de cette ville ont déclaré qu'ils adhèrent purement, simplement et sans aucune réserve, aux décrets de l'Assemblée nationale, qu'ils reconnaissent pour légalement constituée, et qu'ils révoquent sans restriction tous engagements, toutes protes-
tations contraires à cette adhésion, nommément ceux faits à Rennes et à Saint-Brieuc, connus sous la dénomination de serment, lesquels demeurent pour toujours annulés. Ces déclarations sont à la suite de la délibération, qui porte une défense expresse à qui que ce puisse être de troubler aucun des membres des classes ci-devant privilégiées, dans la jouissance de tous les droits et prérogatives attachés à la qualité de citoyen. Le conseil permanent de la ville assure à l'Assemblée, que tous les habitants sont pénétrés, de la plus grande confiance pour ses décrets, mais qu'ils attendent avec la plus vive impatience, et comme le plus grand des bienfaits, qu'ils puissent en recevoir l'organisation prompte des assemblées provinciales et des municipalités ;
D'une délibération de la communauté d'Annot, chef de viguerie en Provence, contenant félicita-tioqs, remerciements, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. Elle approuve et ratifie en conséquence la renonciation faitepar les députés de la province à ses droits et privilèges particuliers ;
D'une délibération de la communauté d'Allan en Provence, dans laquelle elle exprime avec énergie les sentiments de respect, de confiance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale ;
Des délibérations du comité permanent et des habitants de tous les états de juridiction de la ville de Pujols en Agénois, contenant l'adhésion la plus entière au décret de l'Assemblée nationale concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen ;
D'une adresse des officiers municipaux et habitants du bourg de Saint-Seine-l'Abbaye en Bourgogne, où ils adhèrent avec confiance aux décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et néanmoins ils réclament la conservation, de l'ordre des bénédictins de Saint-Maur qui, dans tous les temps, s'est rendu utile à la religion età l'Etat. Ils représentent que la suppression de l'abbaye, dont leur bourg porte le nom, entraînerait inévitablement la ruine entière du pays;
D'une adresse des religieux bénédictins de la maison de Longueville,' dite Saint-Martin-des-Glands en Lorraine allemande, où, à l'exemple de leurs confrères de l'abbaye de Saint-Martm-des-Ghamps, ils offrent àla nation tous les biens-fonds et rentes de leur mense conventuelle, en la suppliant de leur accorder, avec la liberté, une subsistance honnête, proportionnée à leur âge et à leurs besoins ;
D'une délibération des habitants de la ville de La Tour-d'Auvergne, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée et demande d'une justice royale.
La ville de Pézenas en Languedoc, dénonce à l'Assemblée, comme tendant à semer le trouble dans le royaume, une délibération du soi-disant ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, ainsi conçue (1) :
« L'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, assemblée en vertu des ordres du Roi et de la délibération du 25 septembre dernier ; profondément touché des malheurs de l'Etat et de la nouvelle funeste des attentats commis contre la personne du Roi, n'a pas cru dans ce moment qu'il lui fût permis de s'occuper d'aucun autre objet, avant d avoir de nouveau cherché à se réunir avec les autres ordres, pour
prendre ensemble un parti ferme et prudent, qui tende à rétablir à la fois le calme dans la monarchie et le respect dû au monarque le plus chéri et le plus malheureux.
« Mais comme il est certain que toute espèce de division ou de méfiance entre les ordres nuirait à ce grand ensemble qui seul peut ramener la paix; etque l'ordre delà noblesse calomnié dans ses démarches et ses intentions ne peut douter que des émissaires soudoyés n'emplment journellement les moyens les plus insidieux pour le rendre suspect à tous les citoyens, l'Assemblée désirant, préalablement à toute discussion, démentir publiquement ces imputations offensantes a unanimement arrêté de rendre publique une déclaration de ses sentiments et de ses principes, dictée par l'équité et confirmée par l'honneur, elle doit éloigner pour jamais jusqu'à l'ombre de la méfiance.
« L'ordre de la noblesse déclare donc sur son honneur qu'il renouvelle à tous les citoyens sa renonciation expresse à tout privilège pécuniaire.
« Qu'il consent à soumettre tous ses biens à l'égale répartition de l'impôt et des charges publiques.
« Qu'il verra avec la plus grande satisfaction les citoyens de toutes les classes admis aux emplois ecclésiastiques, civils et militaires.
« Réunis sur des points que l'on supposait faussement être le motif caché des démarches de la noblesse, les autres ne peuvent présenter même le prétexte de là division.
« L'objet le plus important sans doute, est de mettre tout en usage pour rendre à la religion son utile influence, aux lois leur force et leur activité, au monarque enfin son autorité légitime et osons le dire sa liberté. Pour cet objet sacré, il n'existe point de distinction d'état ; c'est notre père commun et tous les bons Français sont pères.
« Dans le nombre des points à traiter de concert, il faut compter Vopposition la plus formelle à la division géométrique du royaume en général et de la provime de Languedoc en particulier.
« En persistant à demanderai! Roi une nouvelle organisation pour les Etats de cette province, il est important d'éviter le piège tendu par les ennemis du bien public.
« En conservant le Languedoc dans son intégrité, il faut aussi s'opposer fortement à l'abolition des droits et franchises de cette province et des villes qu'elle renferme.
« Tels sont en partie les motifs qui doivent hâter la réunion désirée d'une grande famille, dont tous les membres, trop longtemps divisés, pour s'aimer n'ont qu'à se voir, pour s'unir n'ont qu'à s'entendre.
Arrêté de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, du même jour 16 octobre 1789.
« L'Assemblée a nommé quatre commissaires, à l'effet de communiquer à l'ordre du clergé la déclaration ci-dessus.
« Elle a envoyé un pareil nombre de députés à MM. les officiers municipaux, pour leur faire part de la même déclaration et leur demander une assemblée de l'ordre du tiers-état dans la forme qu'ils jugeront la plus convenable.
« Collationné sur le procès-verbal et certifié véritable.
« Signé : de Latresne, secrétaire. »
, secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; mais après quelques observations, il est décidé qu'il sera relu à la prochaine séance.
annonce que MM. Anson et Salomon ont été nommés par l'Assemblée dans ses bureaux pour inspecter le travail des commis.
M. Ûelabat, prieur de Saint-Léger, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis en qualité de député de Soissons.en remplacement de M. Delet-tre, démissionnaire.
M. le marquis de Beauharnais, suppléant de Paris don î les pouvoirs ont été également vérifiés, est admis à remplacer M. le comte de Lally-Tol-lendal démissionnaire.
M. Cayla de La Garde, général de Saint-Lazare, suppléant de Paris, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis en remplacementdeM. Yeytard, curé de Saint-Gervais, démissionnaire.
M. Cochon de Lapparent, suppléant des communes du Poitou, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis en remplacement de M. d'Abbaye, démissionnaire.
M. Bernard, syndic du chapitre de VYissem-bourg, député des dix villes jadis impériales d'Alsace, donne sa démission et demande un passeport pour retourner dans sa province à raison de sa santé, sans attendre l'arrivée de son suppléant; sa demande est accordée.
communique à l'Assemblée deux lettres. L'une est de M. de Nicolaï, premier président de la Cour des comptes, contenant des observations relatives aux finances ; cette lettre est renvoyée au comité des financés. L'autre, de M. le comte de Cassini, représente que les ingénieurs occupés à lever différentes cartes de Bretagne, ont été inquiétés dans leur travail ; il demande qu'ils soient autorisés par l'Assemblée nationale à le continuer. Cette autorisation est accordée.
L'ordre du jour était de suivre la délibération sur les conditions de Ve'ligibilité ajournée jeudi dernier, toutes choses étant demeurées en état.
demande la parole sur un objet qui n'est pas exactementàl'ordre du jour, mais qui paraît y avoir quelque rapport.
En ce moment, dit-il, toutes les anciennes municipalités sont prêtes a se renouveler : lorsqu'il est question de les détruire, vous devez empêcher ce renouvellement ; c'est dans cette vue que je propose la motion suivante :
« Décréter que les municipalités actuelles subsisteront jusqu'à ce que la nouvelle organisation soit arrêtée ; que cependant les échevins qui doivent sortir de place, sortiront et seront remplacés par cinq personnes pour les villes où il y a trois échevins, et par trois personnes pour les villages. Ces nouveaux officiers municipaux seront élus librement au scrutin. »
offre de la part des officiers, bas officiers et soldats du régiment de Beaujolais, une somme de 13,000 livres.
est chargé d'écrire à ce régiment pour lui témoigner la sensibilité de l'Assemblée.
Après des débats fort tumultueux sur la question de savoir à quel point devait être reprise la la délibération de jeudi dernier, l'Assemblée regarde comme régulièrement et définitivement
rendus tous les décrets qui y ont été portés.
représente que, puisqu'il s'agit de reprendre la discussion sur le plan du comité, ii est indispensable de mettre à la délibération un article présenté il y a peu de jours, et relatif à l'éligibilité des ministres et agents du pouvoir exécutif.
Cet article est ajourné.
demande qu'on s'occupe à l'instant de l'organisation des municipalités. Trois pouvoirs, dit-il, régnent dans chaque ville : la municipalité ancienne, le comité permanent et la garde nationale. Tout annonce l'anarchie et réclame vos soins et votre activité. En créant un corps, on doit d'abord établir ses éléments ; les municipalités sont les éléments du corps politique.
J'opine pour que, selon un ancien décret, vous discutiez le projet de division du royaume proposé par le comité de Constitution et non l'organisation des assemblées municipales qui doit être une suite de ce projet.
Après de légères discussions, l'Assemblée adopte cet avis.
On fait lecture des articles du plan relatif à la division générale du royaume.
M. Thouret, membre du comité de Constitution, lit un discours où il développe les motifs qui ont déterminé le comité dans ses propositions.
(l). Messieurs, voire comité en se livrant au travail dont vous l'avez chargé, en a reconnu toute l'importance ; et il est impossible que vous n'en voyez pas pénétrés vous-mêmes, au moment où vous allez consommer ce grand ouvrage par vos décrets.
Les objets traités dans les deux parties du rapport du comité, sont essentiellement la Constitution. C'est beaucoup, sans doute, d'avoir établi la permanence du Corps législatif, et d'avoir dé- > cidé comment les lois seront faites à l'avenir : mais cela ne fait pas à beaucoup près la Constitution. Les membres du Corps législatif seront des représentants de la nation; pour avoir des représentants, il faut les élire. Les administrations provinciales et municipales seront de même composées de députés élus. Il faut donc parvenir à distribuer la représentation avec égalité, d'abord entre les différentes parties du royaume, ensuite 1 entre les différentes parties de chaque province, et fixer l'ordre des élections : il faut d'ailleurs déterminer avec précision le rang que les diverses classes d'administrations tiendront dans l'ordre des pouvoirs publics, la nature et l'étendue de leur autorité ; ou rien ne sera véritablement fait pour la Constitution.
Ceci posé, il est facile de reconnaître quelles dispositions d'esprit il faut apporter au traitement de ces importantes matières.
Etablir la constitution d'un grand empire, est une des plus hautes entreprises dont l'intelligence humaine puisse s'occuper. Il n'y faut donc pas employer des idées trop vulgaires, aussi nuisibles au succès de cette uvre sublime, qu'incompatibles avec sa dignité.
Etablir la Constitution, c'est, pour nous, reconstruire et régénérer l'Etat. Il ne
faut donc pas qu'une pusillanimité routinière nous tienne as-
Etablir la Constitution, est une uvre infiniment épineuse en ce moment d'anarchie, parce que la méditation grave et lente qu'elle exige, parait inconciliable avec les besoins pressants quisollicitent de toutes parts des remèdes prompts. Mais les difficultés ne doivent pas vaincre notre courage; les besoins locaux et du moment ne doivent pas détruire le bonheur général et permanent qui est attaché à faire une bonne Constitution. Les besoins particuliers sont une raison décisive pour accélérer sans distraction le travail des décrets constitutionnels, mais n'en peuvent être une d'en brusquer la composition. Ne vaudrait-il pas mieux ne pas faire cette Constitution tant désirée, que de la faire défectueuse, insuffisante et incomplète?
Etablir la Constitution, c'est travailler pour les siècles, et élever un édifice auquel il est très-désirable qu'on ne voit pas nécessité de retoucher souvent. Il serait donc également malfaisant et inconsidéré, soit de précipiter ce qui doit être combiné avec maturité, soit de manquer à semer au moment opportun tous les germes de la prospérité publique, même ceux qui doivent être lents à se développer et à fructifier.
Etablir la Constitution, c'est porter au nom de la nation, en vertu du plus puissant de ses pouvoirs qui n'existe qu'en elle, et non dans aucune de ses parties, la loi suprême qui lie et subordonne les différentes parties de l'Etat au tout. L'intérêt de ce tout, c'est à dire de la nation en corps, peut seul déterminer les lois constitutionnelles ; et rien de ce qui tiendrait aux systèmes, aux préjugés, aux habitudes, aux prétentions locales, ne peut entrer dans la balance. Si nous nous regardions moins comme les représentants de la nation, que comme les stipulants de la ville, du bailliage ou de la province d'où nous sommes envoyés ; si, égarés par cette fausse opinion de notre caractère, parlant beaucoup de notre pays et fort peu du royaume, nous mettions des affections provinciales en parallèle avec l'intérêt national; j'ose le demander, serions-nous dignes d'avoir été choisis pour les régénérateurs de l'Etat? Et si de tels sentiments pouvaient exister parmi nous, s'y montrer, et parvenir à être accueillis , comment oserions-nous penser à faire une Constitution? Rappelons-nous ce que nous pensions unanimement avant la confusion et la destruction des trois ordres. La Constitution nous paraissait, avec raison, impossible; mais que devrions-nous attendre, si les provinces venant à remplacer les ordres, décuplaient les oppositions et les traverses? Rappelons-nous encore ce que nous pensions des mandats impératifs, lorsqu'on s'en faisait des titres contre notre réunion. « Un bailliage, une province, disions-nous, simples membres, et parties sujettes de la nation, ne peuvent lui dicter des lois, faire prévaloir leurs opinions particulières, ni empêcher le bien général, par ce qu'elles croient être de leur intérêt particulier. Il n'y a point de repré-
sentants de bailliage et de province, il n'y a que des représentants de la nation. » Si ces vérités sont indubitables, c'est surtout en matière de Constitution, dont les premières maximes sont celles de l'union politique de tous les membres de l'Etat en un seul corps, et de la subordination de toutes les parties, au grand tout national.
C'est, Messieurs, d'après les considérations que je viens d'exposer, et en recueillant toutes les impressions qu'elles doivent naturellement faire sur vos esprits, que vous apprécierez sainement les raisons qui se présentent pour et contre le pian de votre comité.
Je les applique spécialement à la partie fondamentale de ce plan, qui concerne la nouvelle division territoriale du royaume.
C'est moins en niant les avantages politiques de cette division, qu'en y supposant des inconvénients, qu'on l'a combattue jusqu'ici. De tous les genres d'attaque, celui-ci est le plus aisé, parce qu'il n'y a aucun plan dans une matière aussi difficultueuse contre lequel on ne puisse faire quelques objections ; mais il est aussi le moins concluant, parce que le vrai point de décision n'est pas que le plan soit exempt de toute espèce d'inconvénients, mais qu'ils soient moindres que ses avantages, ou moindres que les défectuosités actuelles.
Depuis longtemps les publicistes et les bons administrateurs désirent une meilleure division territoriale du royaume ; parce que toutes celles qui existent sont excessivement inégales, et qu'il n'y en a aucune qui soit régulière, raisonnable, et'commode, soit à l'administrateur, soit à toutes les parties du territoire administré.
Il y a d'ailleurs une confusion de divisions Irès-embarrassante, puisqu'il n'y a pas un seul genre de pouvoir ou d'autorité qui n'en ait une particulière ; en sorte que le même lieu pourrait appartenir à autant de districts divers qu'il y a de différentes espèces de pouvoirs publics. Tout le monde sent combien dans un vaste empire, il importe pour l'uniformité de l'administration, pour la bonne surveillance des administrateurs, pour la facilité des gouvernés* d'avoir des divisions de territoire à peu près égales, et d'une étendue calculée sur celle qui convient au meilleur exercice des différents pouvoirs.
L'époque la plus convenable pour poser ce fondement d'une foule d'améliorations futures, est celle, où la puissance nationale déployant toute son énergie, reconstitue l'Etat, et où la désorganisation de l'ancien gouvernement fait sentir le pressant besoin, en même temps qu'elle a produit l'attente d'un nouvel ordre de choses, et a disposé les esprits à le recevoir. Si le moment actuel n'est pas mis à profit, si la nouvelle division territoriale n'est pas liée à la nécessité d'admettre la Constitution dont elle fera partie, et dont on ne peut plus se passer, il faut y renoncer pour jamais. Sur quel prétexte en reproduirait-on la proposition, après que la nation elle-même aurait ratifié de nouveau les anciennes divisions en les établissant pour bases constitutionnelles des nouveaux districts de représentation et d'administration ?
Je sais bien qu'on paraît craindre qu'en ce moment où les hommes sont, comme malgré eux, entraînés vers leurs anciennes liaisons, parce que le gouvernement, dit-on, n'a pas la force de les rallier à lui, on ne risquât à augmenter la confusion, en voulant rompre les unités provinciales.
lais, 1° il est assez naturel que, dans ce mo-
ment du passage à la liberté, et du relâchement des anciens pouvoirs, les citoyens aient vu dans leurs anciennes relations le moyen de mieux supporter la commotion passagère qui les agite. Cette affection produite par les circonstances doit cesser avec elles, et cédera, n'en doutons pas, au sentiment universel de douceur et de sécurité que l'établissement de la Constitution répandra dan^ toute la France. 2° On s'est replié sur les anciennes liaisons, parce que le gouvernement n'a pas la force de rallier à lui; mais c'est la nation qui va tout rallier à elle par la Constitution. Qui ne sentira pas que l'attachement à la grande union nationale vaut mille fois mieux que l'état de corporation partielle qui sera désavoué pur la Constitution? 3° Enfin ces affections d'unité provinciale qu'on croit si dangereux de blesser ; ne sont pas même offensées par le plan du comité ; puisque aucune province n'est détruite, ni véritablement démembrée, et qu'elle ne cesse pas d:être province, et la province de même nom qu'auparavant, pour avoir des districts nouveaux de représentation ou d'administration.
Le comité présente quatre-vingt divisions nouvelles, parce que sous ces deux rapports, l'étendue de trois cent vingt-quatre lieues carrées, dont chaque division est composée, paraît la plus avantageuse. Elle donne lieu d'ailleurs à de bonnes subdivisions intérieures, puisque chacune fournil neuf districts de commune, qui se fractionnent encore chacun en neuf cantons : distribution heureuse, sur laquelle on pourra, avec le temps, établir le mécanisme facile de toutes les parties du régime intérieur de chaque administration.
Une surface de trois cent vingt-quatre lieues, offre une étendue moyenne, qui convient à des districts d'élection directe, qui convient encore plus à des districts d'administration, et qui pourra convenir par la suite pour réunir dans les mêmes divisions l'exercice des autres pouvoirs publics. Ne désespérons pas que le jour viendra, où l'esprit national étant mieux formé, tous les Français réunis en une seule famille, n'ayant qu'une seule loi, et un seul mode de gouvernement, abjureront tous les préjugés de l'esprit de corporation particulière et locale, La Constitution doit prévoir, provoquer et faciliter ce bon mouvement, qui rendra la nation française la première et la plus heureuse nation du monde.
Mais c'est des départements administratifs surtout, qu'il importe essentiellement de borner l'étendue. Cette précaution est nécessaire politiquement, et d'ailleurs l'intérêt de chaque territoire administré l'exige.
La position n'est plus la même qu'elle était avant la révolution actuelle. Lorsque la toute puissance était par le fait dans les mains des ministres, et lorsque les provinces isolées avaient des droits et des intérêts particuliers à défendre contre le despotisme, chacune désirait avec raison d'avoir son corps particulier d'administration, et de l'établir au plus haut degré de puissance et de force qu'il était possible; mais toutes les provinces sont maintenant associées en droits et en intérêts, et la liberté publique est assurée par la permanence du Corps législatif. 11 ne s'agit plus aujourd'hui que de conserver l'esprit, et d'assurer les effets de la Constitution actuelle. Craignons donc d'établir des corps administratifs, assez forts pour entreprendre de résister au chef du pouvoir exécutif, et qui puissent se croire assez puissants pour manquer impunément de soumission à la législature. Les membres de ces corps seront déjà très-forts parleur caractère de députés
élus par le peuple : n'ajoutons pas à cette force d'opinion la force réelle de leurs masses.
Considérons ensuite que l'intérêt des gouvernés se joint ici à la nécessité politique. Cet intérêt consiste à ce que le district de chaque administration soit mesuré, de manière qu'elle puisse suffire à tous les objets de surveillance publique, et à la prompte expédition des affaires particu- J lières. En administration, c'est aux effets réels et à l'efficacité de l'exécution qu'il faut principalement s'attacher ; parce qu'une administration n'est bonne qu'autant qu'elle administre réellement. Or elle ne remplit bien cet objet que lorsqu'elle est présente, pour ainsi dire, à tous les points de son territoire, et qu'elle peut expédier avec autant de célérité que d'attention toutes les affaires des particuliers. Cette exactitude sans laquelle le bien no se fait pas, ou ne se fait qu'à demi, serait impossible à des administrations qui auraient un trop grand territoire. C'est donc aux citoyens mêmes qu'il importe de multiplier les administrations pour resserrer les districts.
Il semble au premier coup d'il qu'il n'y a pas d'objections qui puissent balancer tant d'avantages; et l'examen des principales difficultés qui ont été faites, confirme cette vérité.
Première objection. Vous changez, nous dit-on, les anciennes divisions des provinces ; vous les anéantissez en confondant leurs territoires. Quand cela serait, quel inconvénient en résulterait-il que celui qu'un préjugé fécond en maux politiques suppose et exagère? Puisque le gouvernement est devenu national et représentatif, puisque tous les citoyens y concourent, puisque les lois, les impôts et les règles d'administration vont être les mêmes dans toutes les parties du royaume; qu'importe à quelle division de son territoire onsoit attaché, les avantages politiques et civils étant parfaitement égaux dans toutes? il serait bien désirable, sans doute, que l'Assemblée put faire ce mal imaginaire qu'on reproche au plan du comité, pour acquérir le bien réel et inappréciable de détruire l'esprit de province, qui n'est dans l'Etat qu'un esprit individuel, ennemi du véritable esprit national. Si ton influence nous domine ici, je répète que nous ne ferons pas, ou, ce qui est pire peut-être, que nous ferons mal la Constitution ; mais il faut calmer d'un seul mot ces alarmes conçues trop légèrement à l'idée des provinces confondues ou morcelées. La nouvelle division, dont le comité « n'aj'amais entendu que l'exécution serait rigoureusement géométrique, peut se faire presque partout, en observant les convenances locales, et surtout en respectant les limites des provinces. Si quelques-unes de leurs frontières présentent des irrégularités, dont le redressement serait désirable pour la perfection du pian , je ne crains pas de dire que ce redressement serait avanla- , geux aux lieux mêmes surlesquels il s'opérerait. Chaque province, perdant quelque chose d'un côté, gagnerait de l'autre à peu près également. Enfin, aux frontières respectives des provinces, les murs, les habitudes, les relations d'affaires et de commerce, n'apportent aucun obstacle à la transposition des districts administratifs; parce que les paroisses qui se touchent aux extrémités de deux provinces ont beaucoup plus d'affinité entre elles, sous tous les rapports physiques et moraux, qu'avec les paroisses du centre ou de la frontière opposée de leur propre province.
Seconde objection. Le plan du comité divise au moins les provinces dans leur intérieur, et il
les affaiblit en les désunissant. La division d'une y province en plusieurs districts de représentation et d'administration, ne la désunit pas plus que les autres divisions en diocèses, en généralités, en bailliages, en élections, entre lesquels son ter-K ritoire est partagé. Je peux citer la Normandie pour exemple : elle a eu depuis très-longtemps >- trois administrations ; elle est divisée en trois généralités, formant trois ressorts d'intendance; y e e a trois districts d'assemblées provinciales: elle n'en subsiste pas moins sous son nom, et en un seul corps de province, elle aurait, dans le plan proposé, quatre administrations, et ne cesserait pas pour cela d'être la Normandie. Ainsi, 1 inconvénient supposé n'a point de réalité. v J ajoute que c'est l'avantage des grandes provinces d'obtenir plusieurs corps administratifs parce qu un seul ne suffirait pas aux nombreux dé-y tails de leur gouvernement, et parce que c'est le moyen de partager entre plusieurs villes l'avantage détre chefs-lieux d'administration, qui, sans cela resterait, avec toute l'influence qui y est attachée, aux seules capitales. Je rappelle enfin ce que j'ai dit plus haut, du dau-w ger politique d'établir dans notre Constitution actuelle des administrations assez puissantes pour inquiéter, soit le pouvoir exécutif, soit la législature ellermême.
troisième objection. La division proposée est impraticable par les obstacles physiqius qu'elle rencontrera, et par la résistance de l'opinion; il faudrait d ailleurs, pour Vexécuter un temps très-y long qui nous manque.
Réponse. 1° Si quelqu'un a pu croire que la di vi-H sion s exécuterai t par carrés géométriques parfaits, qui feraient de la surface du royaume un échiquier; il a dû regarder que les montagnes, les fleuves, les villes existantes, ne permettraient pas en effet de tirer de l'est à l'ouest de la rrance, et du nord au midi, des lignes parfaitement droites. Mais puisque l'exécution n'est pas cela, et que les sinuosités nécessaires que le local ou la convenance économique occasionne sont observées, et n'empêchent pas la division, cette première partie de l'objection s'évanouit. Il me semble qu'on ne peut pas résister à l'évidence répandue sur ce point par l'ouvrage intitulé Observations sur le plan du comité, ouvrage essentiel à méditer sur cette matière, et auquel je (jpg1 ^as vu (IU'011 encore entrepris de répondre.
2° Quant á la résistance d'opinion, c'est d'après' 1 idée qu on s est faite de provinces morcelées, con-v fondues, anéanties, c'est sans connaissance de la nécessite politique et des avantages locaux de la restriction des districts, c'est sans la conviction bien acquise que la division adminis-( trative existait déjà en quelques provinces, et pouvait exister partout sans détruire ni le nom ni l'unité de province, qu'on a supposé ici que les commettants frappés défavorablement, comme quelques députés l'ont été à la première proposi-> tion du plan, se refuseraient à l'admettre. Mais quand ce plan sera présenté aux provinces sous son vrai point de vue, quand elles le recevront émané de vous, et faisant partie de la Constitution générale et uniforme du royaume, quand enfin elles seront à portée d'en apprécier sainement ..les motifs et les effets, ne désespérons pas del'em-pire si puissant de la raison, du patriotisme et de l'intérêt réel de chaque territoire. Le comité a déjà vu des députés de plusieurs provinces prévenus contre le projet par les objections vulgaires qui ont été faites au premier instant, déposer lre Série, T. IX.
leurs préventions lorsqu'ils ont examiné sur la carte le tracé provisoire des divisions de leurs provinces, et conçu d'après leurs connaissances locales la facilité de les perfectionner définitivement. Il en sera de même partout. Au surplus, il ne faut jamais s'effrayer d'entendre fronder d'abord ce qui s'écarte des habitudes anciennes, et des idées communes. Enfin, si les préjugés d'une, de deux ou de trois provinces, devaient l'emporter sur le bien général et démontré de tout le royaume, si les parties ne devaient pas céder raisonnablement au tout, ou si la nation en corps n'avait aucune autorité sur ses membres ; si ceux, enfin, qui concourent par leurs députés à faire les décrets constitutionnels, pouvaient ensuite refuser de s'y soumettre, il n'y a point ici d'association politique, point de Corps législatif, point de régénération à espérer, point de Constitution à faire; disons le mot, nous ne serions point une Assemblée nationale, parce que nous n'aurions pas voulu l'être, et parce qu'après en avoir conquis le titre, contents du mot, nous n'aurions pas voulu prendre l'esprit de la chose, ni en remplir les obligations.
3° A l'égard de l'objection relative à la longueur du temps qu'exigerait l'exécution de la division proposée, le comité a été convaincu qu'il en faudrait un plus long peut-être que la durée de la session actuelle, pour arrêter définitivement l'état de chaque division ; mais il a vu aussi s'que pour tendre le plan provisoirement applicable à la première formation des Assemblées administratives, qui seules pourront servir à le perfectionner, il ne faudra pas, à beaucoup près, un temps aussi long. Supposons- qu'en conservant les divisions actuelles, vous vous borniez à établir une seule administration en chaque province, certainement vous n'auriez d'acquis que le chef lieu : car tous les citoyens actifs ne pourraient pas se rassembler pour nommer directement les administrateurs ; et les électeurs députés par les paroisses et communautés, ne pourraient pas davantage se réunir. Il faudrait donc former des arrondissements, tant pour les districts d'élection, que pour ceux des administrations subordonnées. Ces arrondissements n'existent point et les divisions judiciaires ne peuvent pas en servir. Les ressorts des bailliages sont si inégaux, et leurs forces politiques respectives si peu connues, qu'en appliquant ces divisions aux élections et à l'administration, la représentation provinciale se trouverait très-défectueuse et très-injustement répartie. Maintenant que, d'après le plan du comité et le travail fait sur la carte, les chefs-lieux de chacun des 80 départements soient indiqués, ainsi que la démarcation approximative des trente six lieues de leur territoire; que, dans chaque département, les chefs-lieux des neuf communes soient annoncés de même, avec le secours des députés de chaque province ; que les officiers municipaux du chef-lieu de chaque commune soient chargés de tracer provisoirement leurs arrondissements ; cela va suffire pour la formation des premières assemblées, et ce mouvement, qui n'est pas moins nécessaire eu rejetant le plan du comité, qu'en l'admettant, ne prendra pas plus de temps que la distribution intérieure des provinces dans les anciennes divisions.
Je finis, Messieurs, par résoudre une difficulté élevée relativement aux provinces d'Etats, et fondée sur l'embarras de terminer après leur division administrative, les affaires communes résultant de leur administration actuelle. Vous
examinerez d'abord, s'il ne serait pas juste que la nation se chargeât de la partie de leurs dettes contractées au profit du gouvernement ; et quant à la liquidation de ce qui resterait de leurs affaires communes, il y serait pourvu de la manière qui suit. Chacune des nouvelles administrations d'une même province nommerait trois ou quatre députés de son sein, qui se réuniraient, pour former un comité général, au lieu de la séance des Etats actuels. Ce comité, composé de représentants de toutes les parties de la province, serait chargé de la liquidation des affaires communes, et ne s'anéantirait que lorsqu'elles seraient terminées, ou lorsque la division aurait pu s'en faire entre les nouveaux départements. Jusque-là les provinces d'états conservant pour cette partie l'unité de leur administration, ne se trouveraient pas trop brusquement réduites à l'état de désunion absolue ; et pendant la durée de cette position mitoyenne, l'esprit public se fortifierait, l'expérience des avantages des administrations divisées^ s'acquerrait, l'opinion éclairée et rectifiée finirait bientôt par accélérer la suppression du comité général.
J'opine, pour ces raisons, à l'admission de la nouvelle division du royaume en quatre-vingts départements de représentation et d'administration, proposée par le comité.
L'Assemblée ordonne que le discours de M.Thou-ret sera imprimé, et qu'il sera distribué à trois exemplaires à chaque député, pour qu'il puisse être médité et communiqué aux provinces respectives.
nconte à la tribune et prononce une opinion que la faiblesse de la voix de l'orateur ne permet pas d'entendre (1).
Messieurs, pendant le courant de la séance du 3 novembre, j'avais obtenu la parole sur la nouvelle division de la France, proposée par le comité de constitution, et j'ai eu à parler sur cet objet après M. Thouret, et immédiatement avant M. de Mirabeau, position assez peu avantageuse pour un homme, dont la voix est faible et d'ailleurs peu connue dans l'Assemblée.
En me déclarant contre l'opinion du comité sur la division générale du royaume, j'avais établi succinctement, mais moins éloquemment que ne l'a fait immédiatement après moi M. de Mirabeau, que la division superficielle de la France, proposée par le comité de constitution, était extrêmement défectueuse et ne donnait de base solide, ni pour la représentation nationale, ni pour la répartition du royaume en départements, communes et municipalités.
D'après quoi, renonçant au partage de la France par carrés, et n'ayant aucun égard à l'étendue superficielle des divisions, j'avais proposé qu'on partageât la France, en raison de sa population, seule base sûre et équitable. Et,supposant l'exactitude du calcul du comité sur la population de la France , qu'il porte à vingt-six millions d'âmes, et qu'il réduit à quatre millions quatre cent mille citoyens actifs, je proposais de diviser le royaume en sept cent-vingt grandis communes d'une population à peu près égale, et qui aurait donné six a sept mille cituyens actifs par chaque commune.
Dans cette hypothèse, considérant les communes
Cette première opération faite, on aurait réuni, en assemblée provinciale ou administration supérieure, toutes les communes qui se seraient trouvées comprises dans les anciennes limites des provinces; et si quelques-unes d'entre elles avaient senti les inconvénients d'une administration trop étendue, elles auraient pu se partager en plusieurs assemblées administratives principales et indépendantes, qui pourtant auraient pu conserver des liens de confraternité, autant qu'elles l'auraient jugé utile à l'intérêt commun de la province entière (l).
De même, si quelques enclaves des provinces limitrophes et mal arrondies avaient gêné l'activité de leurs assemblées administratives supérieures, elles auraient pu convenir d'échanges, d'additions ou de retranchements des communes qui se seraient trouvées placées à leur convenance réciproque. Ces mutations auraient été d'autant plus faciles que, par le régime uniforme que l'Assemblée nationale se propose d'établir dans tout le royaume les communes (à quelques exceptions près) verront qu'il est assez indifférent à leurs véritables intérêts d'appartenir à tel département plutôt qu'à tel autre. Par ce moyen on n'eût point frondé les préjugés des provinces; et cependant on serait parvenu, avec le temps, aux mêmes fins, l'uniformité du régime et un partage plus égal des départements.
Un autre avantage de cette hypothèse aurait été d'éviter cette multiplicité d'élections graduelles qui éloignent si fort les derniers élus delà connaissance des premiers commettants qu'ils ne peuvent avoir de véritable confiance en leurs représentants à l'Assemblée nationale et l'on aurait réformé une méthode qui prête beaucoup à l'intrigue et à la cabale. Dans le plan que je proposais, toutes les communes étant égales en population et aussi à peu près égales en contribution (puisque cette seconde base suit ordinairement la première), chaque commune aurait choisi immédiatement son représentant à l'Assemblée nationale, ainsi que ses délégués à l'assemblée d'administration provinciale.
Le reproche d'instabilité qu'ont fait plusieurs membres du comité à tous les systèmes
qui ont pour base la population, est injuste et mal fondé. D'abord il est commun à
toutes les hypothèses, même à celle du comité qui fonde sa seconde base sur la
population, et sa troisième sur la
Puis cette base est-elle aussi mobile qu'on paraît le craindre ? Al'exception des villes et des pays de grandes manufactures, le changement de population ne peut être sensible que par le laps des siècles et cet accident est essentiel à toutes les choses humaines. Les provinces agricoles ne sont point sujettes à ces variations, et certainement elles forment la plus grande partie du royaume. Enlin, on n'imaginera aucun système, qui n'offre quelques inconvénients et celui de l'instabilité de la population sera toujours commun à tous.
Quant aux grandes villes, on pourrait établir une règle particulière pour la constitution de leurs communes et municipalités. Celles dont la population seraient au-dessous de quarante mille âmes (ce qui ne donne que six a sept mille citoyens actifs) suivraient la règle générale. Mais celles dont la population surpasserait le nombre de quarante mille âmes (et le nombre de ces dernières est assez petit en France), ne fourniraient qu'une seule commune qui, suivant qu'elle serait double, triple, etc., des communes ordinaires, auraient le double, le triple, etc. de représentants à l'Assemblée nationale et de délégués aux assemblées administratives. Ces grandes villes divises raient leurs quartiers en autant de municipalité-ou districts qu'elles le jugeraient convenableàleur administration intérieure. Dans tous le reste elles suivraient les règles générales.
Dans l'hypothèse que j'ai proposée j'ai toujours supposé la France divisée en sept cent vingt communes, nombre qui avait été imaginé par le comité, et qui convenait aux combinaisons des trois bases qu'il avait données. Mais en abandonnant cette base tripartite, rien n'empêcherait d'adopter un autre nombre de divisions élémentaires.
Par exemple le nombre des citoyens actifs étant de 4,400,000, si l'on choisissait le nombre rond de 5,000 pour former les communes, au lieu de 720,000 il y en aurait alors 880,000 dans tout le royaume, û'autresnombresdonneraientd'autres combinaisonsdont la répartition en fractions décimales présenterait des calculs aussi avantageux que ceux du nombre de neuf ainsi que de ses éléments et de ses composés. Dans le choix d'un des nombres il y aura toujours beaucoup d'arbitraire; mais sans sortir du nombre qui paraît avoir été agréé à l'Assemblée, d'après le choix de son comité", jeproposerais en dernière analyse :
Que, sans avoir égard à son étendue superficielle, la France soit divisée, à raison de sa population en sept cent vingt communes, qui seront de six à sept mille citoyens actifs, et que, pour centre de chaque commune, l'on choisisse le lieu le plus propre à son arrondissement, suivant les localités;
Que chaque commune soit divisée en dix-huit municipalités de trois à quatre cents votants chacune;
Que chaque province, conservant ses anciennes limites, réunisse, en une ou plusieurs assemblées administratives supérieures, toutes les communes de son ressort ;
Que les députés à l'Assemblée nationale ainsi que les délégués pour les assemblées administratives supérieures soient élus dans chaque commune par les délégués des municipalités;
Que dans ce qui n'est point contraire au présent projet, on suive toutes les règles proposées par le comité de Constitution.
M. le comte de Mirabeau obtient la parole et
présente un plan de. division du royaume et un règlement pour son organisation.
(1). Messieurs, j'admets une partie des principes du comité de constitution sur l'établissement de la représentation personnelle, et sur la nouvelle organisation du royaume. Certainement il faut changer la division actuelle par provinces, parce qu'après avoir aboli les prétentions et les privilèges, il serait imprudent de laisser une administration qui pourrait offrir des moyens de les réclamer et de les reprendre.
Il le faut encore,parce qu'après avoir détruit l'aristocratie, il ne convient pas de conserver de trop grands départements. L'administration y serait, par cela même, nécessairement concentrée en très-peu de mains, et toute notre administration concentrée devient bientôt aristocratique.
Il le faut encore, parce que nos mandats nous font une loi d'établir des municipalités, de créer des administrations provinciales, de remplacer l'ordre judiciaire actuel par un autre, et que l'ancienne division par provinces présente des obstacles sans nombre à cette foule de changements.
Mais, en suivant le principe du comité de constitution, en vous offrant même de nouveaux motifs de l'adopter, je suis bien éloigné d'en approuver toutes les conséquences.
Je voudrais une division matérielle et de fait, propre aux localités, aux circonstances, et non point une division mathématique, presque idéale, et dont l'exécution paraît impraticable.
Je voudrais une division dont l'objet ne fût pas seulement d'établir une représentation proportionnelle, mais de rapprocher l'administration des hommes et des choses, et d'y admettre un plus grand concours de citoyens, ce qui augmenterait sur-le-champ les lumières et les soins, c'est-à-dire la véritable force et la véritable puissance.
Enlin je demande une division qui ne paraisse pas, en quelque sorte, une trop grande nouveauté; qui, si j'ose le dire, permette de composer avec les préjugés, et même avec les erreurs, qui soit également désirée par toutes les provinces, et fondée sur des rapports déjà connus ; qui surtout laisse au peuple le droit d'appeler aux affaires publiques tous les citoyens éclairés qu'il jugera dignes de sa confiance.
D'après ces principes, j'ai à vous proposer un pian très-simple dans la théorie, et plus simple encore dans l'exécution. Mais je dois d'abord vous faire quelques observatious sur le plan qui vous a été présenté.
On vous propose 80 départements, 720 communes, et 6,480 cantons. Pour moi, je ne
voudrais ni cantons, ni communes. Au lieu de 80 départements, je voudrais en former
120. En augmentant ainsi le nombre des grandes divisions, il ne serait plus nécessaire
d'avoir des communes, que je regarde comme un intermédiaire inutile. On communiquerait
directement des villes et des villages au chef-lieu de département, et de chaque
département au pouvoir exécutif et à l'Assemblée nationale. 11 me semble qu'il y
aurait alors plus d'unité, plus d'ensemble ; que la machine serait moins compliquée;
que ses mouvements seraient tout à la fois plus réguliers et plus
On vous propose d'abord d'établir 80 départements, de prendre Paris pour centre, de s'étendre de là jusqu'aux frontières du royaume, et de donner à peu près à chaque département, 324 lieues de superficie.
Je ne saurais approuver cette division sous aucun de ses rapports.
Quatre-vingt départements pourraient suffire si on établissait 720 communes ; mais, si l'on rejette cette seconde et cette immense sous-division comme embarrassante et comme inutile, le nombre des départements doit être, par cela seul, augmenté, soit pour rapprocher de plus en plus les représentants des représentés, ce qui doit être le but principal de toute administration, soit pour que les gouvernements, tels qu'ils sont maintenant divisés, ne soient pas seulement coupés en deux, ce qui laisserait subsister des masses encore trop considérables, et ne remplirait plus l'objet d'une nouvelle division ; soit parce qu'en multipliant les départements, l'on pourra accorder à un plus grand nombre de villes l'avantage d'être chef-lieu, et ouvrir à un plus grand nombre de citoyens la carrière des affaires publiques. Il est inutile de prouver que ces avantages infiniment précieux doivent l'emporter sur le léger inconvénient d'avoir quelques bureaux et quelques agents de plus pour correspondre avec un plus grand nombre de départements. Le but de la société n'est pas que l'administration soit facile, mais qu'elle soit juste et éclairée.
La forme de division que l'on voudrait suivre n'est pas moins vicieuse. En l'étendant de Paris jusqu'aux frontières, et en formant des divisions à peu près égales en étendue, il arriverait souvent qu'un département serait formé des démembrements de plusieurs provinces ; et je pense que cet inconvénient est des plus graves. Je sais bien qu'on ne couperait ni des maisons ni des clochers; mais on diviserait ce qui est encore plus inséparable, on trancherait tous les liens que resserrent depuis si longtemps, les murs, les habitudes, les coutumes, les productions et le langage.
Dans ce démembrement universel chacun croirait perdre une partie de son existence; et s'il faut en juger par les rapports qui nous viennent des provinces, l'opinion publique n'a point encore assez préparé ce grand changement pour oser le tenter avec succès.
L'égalité d'étendue territoriale que l'on voudrait donner aux 80 départements, en les composant chacun à peu près de 324 lieues de superficie, me parait encore une fausse base.
Si par ce moyen l'on a voulu rendre les départements égaux, on a choisi précisément la mesure la plus propre à former une inégalité monstrueuse. La même étendue peut être couverte de forêts et de cités ; la même superficie présente tantôt des landes stériles, tantôt des champs fertiles ; ici des montagnes inhabitées, là une population malheureusement trop entassée; et il n'est pas vrai que, dans plusieurs étendues égales, de 324 lieues, les villes, les hameaux et les déserts se compensent.
Si c'est pour les hommes et non pour le sol, si c'est pour administrer et non pour défricher qu'il convient de former des départements, c'est une mesure absolument différente qu'il faut prendre. L'égalité d'importance, l'égalité de poids dans la balance commune, si je puis m'exprimer ainsi, voilà ce qui doit servir de base à la distinction des départements ; or, à cet égard, l'étendue n'est rien,
et la population est tout. Elle est tout, parce qu'elle est le signe le plus évident ou des subsistances qui représentent le sol, ou des richesses mobilières et de l'industrie qui le remplacent, ou des impôts dont le produit, entre des populations égales, ne peut pas être bien différent.
Si de cette partie du plan du comité, je passe à l'établissement de 720 communes, je découvre encore des inconvénients sans nombre.
On veut former des communes de six lieues carrées, ou de trente-six lieues de superficie; fixer un chef-lieu à chaque commune ; donner neuf communes à chaque département, neuf cantons à chaque commune, une assemblée primaire à chaque canton, et composer chaque commune d'environ vingt-sept députés, en supposant que tout les cantons aient six cents citoyens actifs et nomment un député sur deux cents.
J'observe d'abord que tous les inconvénients que j'ai déjà remarqués sur la mesure de l'étendue territoriale, prise pour base de la division des départements, se font encore mieux sentir dans la division des communes, parce qu'il est évident que, sur une moindre surface, toutes les causes d'inégalités qui peuvent se trouver entre deux masses égales de territoire, doivent moins facilement se compenser. On trouverait certainement dans le royaume plusieurs divisions de six lieues carrées qui ne présenteraient aucune habitation, aucune trace d'hommes ; on en trouverait qui n'aurait qu'un seul village, d'autres que deux ou trois, d'autres qu'une seule ville beaucoup trop grande pour une commune : comment donc pourrait-on parvenir, je ne dis pas à rendre égaux de pareils districts, mais à les établir, mais à les créer ?
Même en supposant que le sol du royaume fût à peu près également peuplé, quelle difficulté ne trouverait-on pas, soit pour choisir des chefs-lieux entre des villages égaux et rivaux l'un de l'autre, soit pour forcer des villages à se réunir à telle commune plutôt qu'à telle autre, soit pour obliger les communautés à renoncer à leur administration, soit pour former cette division géométrique de six cents citoyens par canton, de neuf cantons par commune, et de neuf communes par département ? N'est-on pas déjà assez embarrassé pour former 80 divisions à peu près égales, sans chercher à rendre ce travail insurmontable, comme il le serait certainement, s'il fallait trouver encore 720 autres divisions pour les communes, et 6,480 pour les assemblées primaires ?
L'on n'a trouvé d'autre moyen de vaincre ces difficultés que de renvoyer la division à des assemblées locales ; mais la prudence permet-elle d'adopter ce moyen? Toute votre sagesse n'échouerait-elle pas inévitablement contre les contradictions, contre les oppositions sans nombre que vous verriez naître? le bouleversement que produiraient ces 720 assemblées préalables, formerait bientôt, de tout le royaume, un véria-ble cahos.
D'ailleurs, Messieurs, quelle peut-être l'utilité de cette immense complication d'assemblées que l'on exige pour la représentation proportionnelle ? Les véritables mandants ne sont-ils pas dans les villes et villages? Les premières agrégations politiques ne peuvent-elles pas députer d'une manière directe à l'Assemblée des départements, comme les départements à l'Assemblée nationale. Dès lors, qu'est-il besoin d'intermédiaire ? qu'est-il besoin de communes et de cantons ? Ou dirait que nous rejetons volontairement la simplicité
des moyens que nous offre l'état réel de la société, pour nous environner de difficultés qui ne sont que notre ouvrage.
Les mêmes obstacles se reproduisent, s'il s'agit de former 6,480 cantons, de deux lieues carrées. Sur vingt, sur cent divisions pareilles, prises au hasard, dans le royaume, on n'en trouverait pas la moitié qui pût former un canton, dans le sens qu'on attache à cet mot, c'est-à-dire, qui pût donner lieu à une assemblée primaire de six cents citoyens actifs. Presque partout il faudrait doubler et tripler l'étendue de quatre lieues carrées; presque partout il faudrait réunir plusieurs villages, souvent éloignés les uns des autres , et composer ainsi la même assemblée d'éléments entièrement inégaux. Je loue, j'admire même le courage de ceux que tant de difficultés n'arrêtent point ; pour moi, j'avoue sincèrement qu'elles me paraissent invincibles.
Je sens, Messieurs, soit qu'on approuve, soit qu'on rejette l'établissement des communes, qu'il est impossible d'accorder à chaque village, a chaque communauté d'habitants, une députation particulière à l'assemblée de département. Le nombre des membres qui formeront ces assemblées borne celui des députations. Le nombre des députations une fois fixé, celui des électeurs qui pourront nommer un député, doit être également déterminé par la loi ; et, comme il est impossible que chaque agrégation politique ait ce nombre d'électeurs, c'est, sans doute, ce motif quia porté le comité à diviser le royaume en cantons et en assemblées primaires; mais vous verrez bientôt, Messieurs,qu'il se présentera un moyen beaucoup plus facile.
En augmentant le nombre des départements, on augmente, par cela même, celui des députations. Les députations étant plus nombreuses, la masse des électeurs pour chaque député devient beaucoup moindre. Une plus grande quantité, ou plutôt la presque universalité des communautés peut alors y concourir directement, etun moyen très-naturel se présente, pour que celles qui n'auraient pas le nombre suffisant d'electeurs puissent participer à la même élection, sans se réunir et sans se déplacer; c'est d'accorder un député commun, nommé par des électeurs séparés, aux commu-nauté£ qui ont besoin de réunir leurs suffrages pour avoir droit à une députation.
Jusqu'ici, Messieurs, je ne vous ai présenté que des difficultés contre le plan du comité de constitution, et j'aurais bien voulu pouvoir m'en dispenser, par le respect que m'inspirent les intentions et les lumières des honorables membres qui le composent. Je ne puis cependant vous dissimuler une objection encore plus grave : j'avais pensé, j'avais espéré du moins, que la division aue l'on formerait du royaume, pour opérer une représentation proportionnelle, serait propr e, tout à la fois, à l'établissement d'un système uniforme, soit pour la perception des impôts, soit pour le remplacement de l'ordre judiciaire, soit pour l'administration publique. C'est principalement à réunir ces différents rapports que je me suis attaché dans le planque je vais soumettre à votre examen. Je ne parlerai,dânscemoment nidesimpôts, nide l'ordre judiciaire; mais je considérerai les assemblées de département sous le double rapport d'assemblées d'administration et d'assemblées d'élection. Il me semble que ces deux points de vue doivent être regardés comme inséparables.
La théorie du plan que je propose consiste à faire une division qui remplisse les trois conditions suivantes :
1° Que les provinces actuelles soient distribuées en départements, de manière que la totalité du royaume en renferme cent vingt;
2° Que chaque département soit placé dans une ville principale, et que son arrondissement soit tel qu'il puisse facilement se prêter à un système uniforme d'administration pour tout le royaume;
3° Que l'étendue du département et sa position géographique permettent aux députés des villes et des villages qui ,en feront partie de se rendre facilement au chef-lieu, et qu'ainsi l'on n'ait besoin que de deux assemblées, soit pour l'administration, soit pour la représentation proportionnelle , savoir : des assemblées de chaque ville et chaque village, et des assemblées de département.
L'exécution de ce plan n'est pas moins simple que sa théorie.
Ce n'est pas le royaume que je veux faire diviser, mais les provinces; et cela seul fait déjà disparaître une grande partie des difficultés.
D'un autre côté, ce n'est point par des surfaces égales, qu'il s'agira de procéder à cette division ; car ce n'est point d'une manière égale que la nature a produit la population, laquelle, à son tour, accumule les richesses.
Je demande seulement que ceux qui savent que leur province est dans ce moment un quarantième du royaume, la divisent en trois départements , pour qu'elle n'en soit plus à l'avenir que le cent vingtième; et j'ajoute que cette division doit avoir principalement pour base des distinctions déjà connues, des rapports déjà existans, et par-dessus tout, l'intérêt des petites agrégations que l'on voudra fondre dans une seule.
Cette division exige deux opérations, distinctes l'une de l'autre.
La première consiste à déterminer en combien de sections telle et telle province doit être divisée; la seconde, à fixer l'étendue et les limites de chaque section.
La première opération ne peut être faite que par un comité que l'on composera d'un député de chaque province. Elle aura pour base des données assez connues; l'étendue géographique, la quantité de population, la quatité d'impositions, la fertilité du sol, la qualité des productions, les ressources de l'industrie. Ainsi, le travail du comité se bornera à établir la règle de proportion suivante: si telle province doit être divisée en tant de sections, en combien de sections faudra-t-il diviser telle autre province, d'après cette donnéegénérale, qu'il s'agit d'avoir environ cent vingt départements ?
Le seconde opération ne peut pas être faite par le même comité ; elle exige, au contraire, que l'Assemblée se divise en autant de comités qu'il y a de provinces, et qu'elle ne place dansciiaque comité que les députés de la même province. On sent qu'il sera facile à des personnes qui connaissent la population, les impositions, les ressources et la position géographique de leur pays, de le diviser en autant de sections que le premier comité aura déterminées ; de se prêter à toutes les convenances, à toutes les localités, et d'offrir des divisions partout utiles et partout désirées.
Le travail de chacun de ces comités consistera donc à fixer les chef-lieux des différents départements de leur province, à déterminer les villes et les villages qui en feront partie, à faire cette distribution de manière que les départements soient égaux, autant que l'on pourra, non point eu étendue territoriale, ce qui serait impossible, ce qui serait même contradictoire, mais en va-
leur foncière, en population, en importance; en fin à établir une division qui facilite l'établissement uniforme, tant pour l'ordre judiciaire que pour la perception des impôts.
Le résultat d'un pareille division est facile à prévoir; les départements ne seront formés que parles citoyens de la même province, qui déjà la connaissent, qui déjà sont liés par mille rapports. Le même langage, les mêmes murs, les mêmes intérêts ne cesseront pas de les attacher les uns aux autres; dessectionsconnuesdans chaque province, et nécessitées par leur administration secondaire, seront converties en départements, soit que le nombre des citoyens y soit assez considérable, soit qu'il faille en réiinir plusieurs, pour n'en former plus qu'une seule. Par là l'innovation sera, j'ose le dire, moins tranchante et le rapprochement plus facile; l'attente des ennemis du bien public seratrompée, et la dislocation des provinces, impérieusement exigée par un nouvel ordre de choses, n'excitera plus aucune commotion.
Je crois devoir ajouter, Messieurs, pour justifier en quelque sorte mes idées, que j'ai puisé dans l'administration de la province qui m'a fait l'honneur de me députer, et dont le régime intérieur, vanl.é par plusieurs publicistes, est certainement un des mieux organisés que je connaisse.
La Provence a une administration provinciale, ou de prétendus Etats, qui n'ont en quelque sorte que trois fonctions à remplir : voter les impôts, les répartir entre les villes et les villages, et régler quelques détails d'administration.
La répartition des impôts est d'autant plus facile dans cette province, quelle a été divisée en différents feux, mesure conventionnelle, qui exprime une valeur quelconque; et cette valeur appliquée à chaque ville, à chaque village, a été déterminée, tout à la fois, d'après l'étendue et Ja fertilité de son territoire, d'après le nombre de ses habitants, leur position locale, leur industrie, leurs ressources et les charges auxquelles ils sont soumis. Cette opération des Ktats se borne donc à dire : Si l'on divise la province en tant de feux, combien telle ville doit-elle avoir de feux, par rapport à telle autre? Et ensuite si la province doit payer telle somme, combien doit-on payer par feux? Le travail de l'administration pourrait n'être là qu'une simple règle d'arithmétique : mais, calculer est précisément ce que les hommes, même les plus éclairés, savent ie moins.
Outre ses Etats, la Provence a tout à la fois des municipalités dans chaque ville et dans chaque village, et des assemblées par district, qu'on appelle vigueries, et qui comprennent une certaine étendue de pays.
Les fonctions des municipalités consistent principalement à choisir et à établir des impositions suffisantes pour produire la somme qu'exige la quotité de leur afFouagement, opération très-simple, qui rend ea quelque sorte l'impôt volontaire, par le choix de ceux qui doivent le supporter. Et qui doute que le seul moyen de parvenir à une égale répartition ne soit de l'opérer de cette manière; non de loin, non par grandes masses, non sur de vagues aperçus, mais de proche en proche, mais par ceux qui, connaissant tous la fortune de leurs voisins et de leurs égaux, ne peuvent pas se tromper, et n'ont plus à craindre ni l'arithmétique ministérielle, ni la balance inégale des commis et des valets des intendants?
Les fonctions des assemblées des districts et des igueries consistent à régler quelques dépenses 'es, dont les Etats ne s'occupent point, et à d'après l'affouagement respectif de chaque
communauté, l'imposition que les dépenses exigent. Le corps entier aide ainsi chacun de ses membres; et chaque partie du tout exerçant des fonctions qu'aucun autre ne pourrait aussi bien remplir, si l'administration entière n'en est pas plus éclairée pour cela, ce n'est pa^ à la constitution de la Provence, mais aux abus qui la déparent, qu'il faut l'imputer.
Ces abus sont universellement connus.
D'un côté, presque aucune municipalité n'est élective, et ce vice est commun à tout le royaume.
D'un autre côté, les vigueries ou districts sont tellement inégaux, qu'un seul forme presque le quart de la province, et que plusieurs n'en sont pas la quarantième partie.
Enfin, chaque village et chaque ville envoient un nombre égal de députés à l'assemblée du district, et chacun de ces districts n'envoyant qu'un seul député aux Etats, il est difficile, sans parler dune foule d'autres vices, que ces assemblées soient plus mal organisées.
Mais je suppose maintenant, pour mieux faire juger de mes principes, en prenant une seule province pour exemple, que toutes les communautés de la Provence eussent une municipalité légale, fondée sur ces deux bases invariables : éligibilité de tous les officiers publics, et concours de tous les citoyens à l'élection; que la Provence entière ne fût divisée qu'en trois districts ou départements; que l'administration fût concentrée dans ces trois assemblées; que les Etats fussent supprimés, et que les assemblées de chaque département fussent fermés d'un nombre proportionnel de députés envoyés par chaque ville ou par chaque village : n'est-il pas évident qu'une pareille division pourrait servir de base tout à la lois à la représentation personnelle, à l'administration des impôts et à l'ordre judiciaire, et qu'en appliquant le même principe à chaque province, nous trouverions partout facilement cette division qui nous a été présentée, pour ainsi dire, comme un problème, et que nous cherchons à résoudre avec tant d'effort ?
Il ne me reste, Messieurs, qu'à vous présenter un projet d'arrêtés relatifs aux principes que je viens d'établir, et à la forme des'divisions que |e vous propose d'adopter; mais je vous prie de ne pas perdre de vue une observation que je crois importante, c'est qu'il ne faut pas se borner à faire des arrêtés pour fixer la représentation nationale. Des arrêtés feront connaître les principes et les bases d'une division; mais il est indispensable de s'occuper ensuite d'un règlement général qui exprime toutes les divisions et tous les cas, auquel soit annexé le tableau du royaume, et d'après lequel les assemblées d'administration et la seconde législature puissent se former, sans confusion et sans obstacle, dans l'instant même que vous croirez convenable de déterminer. Si des principes suffisent à quelques hommes, il faut toute la précision et tous les détails d'un règlement pour l'universalité des citoyens.
Art. 1er. La France sera divisée en cent vingt
départements égaux, autant qu'il sera possible, en population et en importance.
L'égalité de population suppose environ trente-six mille citoyens actifs, et deux cent
mille individus. La ville de Paris, sortant à cet égard des règles ordinaires, ne fera
qu'un département.
Art. 2. Quoique l'ancienne division par provinces ne doive plus subsister à l'avenir, l'arrondissement de chaque département sera déterminé de manière qu'il ne comprenne pas des habitants
de différentes provinces, à moins qu'il ne s'agisse de quelque fraction considérable.
Art. 3. On distinguera dans chaque département deux sortes d'assemblées ; l'assemblée d'administration et l'assemblée d'élection pour larepré-K sentation nationale. Ces deux sortes d'assemblées seront inégales en nombre, d'après les dispositions des articles suivants.
Art. 4. L'assemblée d'administration de chaque » département sera formée des députés de chaque ville et de chaque village compris dans ce département, savoir : d'un député sur cinq cents citoyens actifs; de deux sur mille, et ainsi de suite dans la même proportion. Si tous les départements pouvaient être égaux en population, chaque assemblée 'd'administration serait d'environ soixante-douze députés.
Art. 5. On doit entendre par citoyens actifs celui, etc. (Ici je me réfère aux articles proposés par le comité.)
Art. 6. Les nombres rompus seront réglés de cette manière : deux cent cinquante et sept cent cinquante équivaudront à cinq cents. Sept cent cinquante-un à mille, et ainsi de suite.
Art. 7. Les villes et les villages qui n'auront pas le nombre de cinq ceits citoyens actifs, réu niront leurs suffrages à ceux d'une autre ville ou d'un autre village les plus voisins, pour former le nombre de cinq cents citoyens, et nommeront un député commun sans se déplacer, ce qui se i fera de cette manière. On procédera simultanément dans chaque ville ou village à l'élection du député ; après quoi, les officiers municipaux se rendront respectivement dans le lieu le plus nombreux avec les procès-verbaux d'élection, et déclareront, d'après le calcul des suffrages, quel aura été le député commun.
Art. 8. Les villes et les villages auront aulant d'assemblées primaires qu'elles auront de fois cinq cents citoyens actifs, en suivant la règle qui a été prescrite sur les nombres rompus dans l'article. 6.
Art. 9. Les assemblées d'élection pour chaque département seront formées d'un député sur cent citoyens actifs de chaque ville et de chaque village compris dans le département, de deux députés sur deux cents, de trois sur trois cents, et ainsi de suite. Si tous les départements étaient égaux en population, chaque assemblée serait d'environ trois cent soixante députés.
Art. 10. Les villages qui n'auront pas cent t citoyens actifs, se réuniront à d'autres villages les plus voisins qui n'auront pas non plus ce nombre de citoyens; et l'élection d'un député commun sera faite dans la forme prescrite par l'article 7.
Art. 11. Lesvnombres rompus seront réglés de cette manière : cinquante et cent quarante-neuf équivaudront à cent cinquante ; et deux cent quarante-neuf équivaudront à deux cents, et ainsi de suite.
Art. 12. Les assemblées des villes et des villages ne pourront pas être de plus de cinq cents citoyens : s'il s'en trouve un plus grand nombre, on suivra la règle prescrite par l'article 8.
Art. 13. L'Assemblée nationale sera formée de 720 députés, et par conséquent de dix députés par département, en supposant que tous les département fussent parfaitement égaux.
Art. 14. L'assemblée d'élection de chaque ^ département nommera trois députés à raison de sa qualité de département; ce qui forme 360 députés. La même assemblée aura ensuite autant de députés qu'elle réunira de troiscents soixantiè-
mes de la population totale du royaume; ce qui suppose un député sur environ douze mille citoyens actifs.
Art. 15. Les nombres rompus seront réglés de la manière suivante: six mille un, et dix-sept mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, équivaudront à douze mille.
Art. 16. Attendu que la population des villes et des villages n'est pas encore parfaitementconnue, il se tiendra d'abord une première assemblée d'administration dans chaque département, laquelle sera composée, non-seulement d'un député de chaque ville et de chaque village sur cinq cents citoyens actifs, mais d'un député de tous les villages qui n'auront pas ce nombre de citoyens. Les députés porteront un relevé très-exact des citoyens actifs de leur communauté, et sur ce tableau, l'Assemblée fixera le nombre de députés que chaque communauté aura le droit d'envoyer à la prochaine Assemblée. Elle déterminera en même temps quels seront les villages et les villes qui n'auront qu'un député commun, et qui seront dans le cas de réunir leurs suffrages.
Il est inutile, Messieurs, que je fasse aucune observation sur ces différents arrêtés. Ils sunt fondés sur des principes aussi simples que leurs résultats.
Les 120 départements seraient chacun de 36,000 citoyens actifs, c'est-à-dire, d'pnviron 200,000 âmes. Cette population est sans doute assez nombreuse pour exiger une administration séparée.
Les assemblées de département qui ne seraient composées que de soixante-douze citoyens lorsqu'il ne s'agirait que de simples objets d'administration, seraient formées d'environ trois cents soixante députés lorsqu'il faudrait s'occuper d un objet aussi important que la nomination de la législature. C'est alors qu'il convient, si l'on ne veut pas se tromper, de mutipl er les organes de la volonté publique. Un droit plus sacré, un droit, en quelque sorte, plus incessible, exige un concours plus individuel : or, d'après mon système, la totalité du royaume aurait environ quarante-trois mille électeurs définitifs et sans intermédiaires.
D'un autre côté, vous ne sauriez sans doute regarder comme une chose indifférente d'établir une députation aussi directe qu'il est possible. Le droit de choisir son représentant par soi-même diffère si essentiellement du droit de deléguer ce choix à un autre, qu'il importe de supprimer toutes les filières qui permettent de détourner le choix des premiers mandants, fournissent par cela même mille moyens de corruption, et détruisent toute confiance.
Enfin, Messieurs, si j'accorde la moitié de la députation à la seulequalité de département, c'est qu'il est presque impossibleque les départements, s'ils sont faits avec quelque soin, n'aient pas entre eux une certaine égalité d'importance; y eût-il quelque inégalité, elle serait suffisamment corrigée en réglant l'autre moitié de la députation d'après la population proportionnelle de chaque département. Et si je n'ai aucun égard à la différence des impositions, c'est que,dût-on espéreren connaître parfaitement les rapports (ce que je crois impossible pendant quelques années), l'égalité rigoureuse de population, jointe à l'égalité présumée d'importance, ne permet pas de supposer entre deux départements une différence sensible dans le produit des impôts.
Un grand nombre de membres demandent l'im-
pression et la distribution du pian proposé par M. le comte de Mirabeau.
consulte l'Assemblée, qui ordonne l'impression et la distribution.
A deux heures, la discussion est interrompue suivant l'usage, et renvoyée au lendemain.
M. le chevalier Alexandre de Lameth demande la parole pour faire une motion importante dans les circonstances actuelles, et propose à l'Assemblée de prononcer que tous les parlements du royaume resteront en vacance, et que les chambres des vacations continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué à cet égard.
Ce n'est pas pour un objet étranger aux importantes et pressantes questions que vous agitez maintenant, Messieurs, que j'ai osé réclamer en ce moment votre attention ; je suis pénétré, au contraire, de l'instante nécessité de la diriger tout entière vers les moyens de mettre en exécution la Constitution que votre sagesse prépare à la France, et de donner au pouvoir exécutif toute l'énergie dont il a besoin pour maintenir cetle Constitution, et assurer par elle la liberté et le bonheur de la nation.
Je pense comme vous, Messieurs, qu'il n'est pas de moyen plus sûr ni plus efficace pour arriver à ce but que d'organiser le plus tôt possible les assemblées municipales et provinciales, et c'est dans cette vue que j'ai cru devoir vous proposer d'écarter tous les obstacles qui pourraient nuire à leur établissement. Vous n'avez pas oublié, Messieurs , quelles difficultés éprouvèrent dès leur naissance ces sages institutions, de la part de plusieurs parlements du royaume.
Vous n'ignorez pas quelles sont en ce moment les dispositions de quelques-unes de ces cours; de quel il elles voient l'établissement de la Constitution, quels regrets elles manifestent de voir s'évanouir de si longues jouissances et de si hautes prétentions. De quel danger ne serait-il donc pas de leur laisser reprendre en ce moment une activité qu'elles pourraient opposer à l'établissement des assemblées administratives ! Il n'est personne parmi vous, Messieurs, qui n'ait senti la nécessité d'établir un nouvel ordre judiciaire, et qui n'ait approuvé, parmi les dispositions qui vous étaient présentées par notre premier comité de Constitution, celles qui substituent à ces grands corps politiques des tribunaux plus près du peuple et bornés à la seule administration de la justice.
Ce n'est pas, Messieurs, que je veuille anticiper sur l'ordre de vos travaux, et vous proposer de prononcer d'une manière absolue sur le sort des parlements; mais je pense qu'il est une mesure importante à prendre à leur égard, et que vous ne sauriez arrêter trop tôt, puisqu'il ne reste précisément que le temps nécessaire pour son exécution : c'est de retenir ces cours en vacances, et de laisser aux chambres des vacations le soin de pourvoir aux objets les plus pressants de l'administration de la justice.
Je n'ai point oublié, Messieurs, les importants services que nous ont rendus les parlements. Je sais que si, dans l'origine, la puissance royale leur a dû son agrandissement, on les a vus depuis, dans plus d'une occasion, lui prescrire des limites, et souvent combattre avec énergie, et presque toujours avec succès, les efforts du despotisme ministériel; je sais qu'on les a vus, lorsque l'autorité l'emportait, soutenir avec fermeté des persécutions obtenues par leur courage ; je sais que, dans ces derniers temps surtout, ils ont repoussé avec
force les coupables projets qui devaient anéantir entièrement notre liberté. Mais la reconnaissance, qui, dans les hommes privés, peut aller jusqu'à sacrifier ses intérêts, ne saurait autoriser les représentants de la nation à compromettre ceux qui leur sont confiés; et nous ne pouvons nous le dissimuler, Messieurs, tant que les parlements conserveront leur ancienne existence, les amis de la liberté ne seront pas sans crainte, et ses ennemis sans espérance.
La Constitution ne sera pas solidement établie tant qu'il existera auprès des Assemblées nationales des corps rivaux de sa puissance, accoutumés longtemps à se regarder comme les représentants de la nation, si redoutables par l'influence du pouvoir judiciaire; des corps dont la savante tactique a su tourner tous les événements à l'accroissement de leur puissance, qui sans cesse seraient occupés à épier nos démarches, à aggraver nos fautes, à profiter de nos négligences, et attendre le moment favorable pour s'élever sur nos débris.
Non, Messieurs, il n'est pas à craindre que la même Assemblée qui a fixé les droits du trône, qui a prononcé la destruction des ordres, qui ne laissera aux nobles d'autres privilèges que la mémoire des services de leurs ancêtres, et aux ecclésiastiques que la considération attachée à leurs honorables fonctions ; que l'Assemblée qui a fondé la liberté sur l'égalité civile et politique, et sur la destruction des aristocraties de toute espèce, puisse jamais consentir à laisser subsister des corps, jadis utiles, mais aujourd'hui incompatibles avec la Constitution.
Au reste, Messieurs, en renvoyant la question au fond au moment où vous statuerez définitivement sur le pouvoir judiciaire, je me borne en cet instant à vous proposer un arrêté qui ordonne que les parlements resteront en vacances.
( l). Lorsqu'il n'y avait point de nation, ou lorsque les anciens ordres rassemblés s'avilissaient au point de faire des doléances, au lieu de s'unir en un corps de citoyens pour dicter * des lois, la puissance absolue aurait tout englouti et la servitude aurait établi son séjour éternel dans le plus beau pays du monde, si une entreprise heureuse des parlements n'avait pas conservé les droits de la nation en paraissant les usurper.....Cet état de choses fut un bien en ce qu'il apprit à l'autorité qu'elle ne pouvait pas tout ; c'était un mal, en ce que, diminuant les abus, il éloignait , les vrais remèdes.
Les parlements, il ne faut pas l'oublier, ont déclaré leur incompétence sur les
impôts, et ils ont demandé la convocation des Etats généraux; peut-être n'est-il pas
donné aux corps moins éclairés et plus formalistes que les nations, de s'élever
au-dessus des préjugés... Ils n'ont pas vu que la puissance législative appartient aux
citoyens; que les ordres sont des intérêts particuliers qui divisent ( l'empire, et
qu'au lieu des Etats généraux de 1614, il fallait ce que nous avons, une Assemblée
nationale ; le temps est arrivé, la révolution est faite, la nation a repris ses
droits pour toujours. L'Assemblée nationale sera permanente; il n'y aura plus de lois
que celles qu'elle aura faites ; l'obéissance la plus prompte leur est due ; les
délais, qui lurent une ressource, seraient aujourd'hui des crimes; il y avait des
espèces de tribuns, il n'y a
L'existence de nos tribunaux est donc entièrement dénaturée, ou elle est plutôt rentrée dans sa vraie nature, en s'éloignant des habitudes que le despotisme seul avait pu justifier.
fait ressortir ensuite les malheurs attachés à l'étendue immense des ressorts et parle des citoyens pauvres forcés d'aller chercher à 120 lieues de leur maison ou de leur chaumière une justice lente et ruineuse, il termine en disant :
La paix est fille de la justice et la justice ne peut être à 100 lieues de celui qui souffre et qui n'a aucun moyen de les franchir.
Aucun magistrat ne peut s'affliger des pertes que lui causera le bien public. Des magistrats respectables honorent ces compagnies, ils seront l'honneur des tribunaux que vous établirez ; mais il ne faut pas laisser l'intérêt personnel s'animer dans ce foyer de l'esprit de corps qui consume jusqu'aux bonnes intentions. J'appuie la motion de M. Alexandre de Lameth.
Le parlement d'Aix a repris ses fondions depuis le 1er octobre; je demande donc qu'il soit décrété que les cours souveraines qui seraient rentrées reprendront l'état de vacances.
Je reviens d'un bureau où j'étais occupé pour le service de l'Assemblée. J'apprends qu'il se discute une question nouvelle, et avant d'avoir pu réunir toutes mes idées, une réflexion me frappe d'abord. Il est impossible que les chambres des vacations étant très-peu nombreuses, puissent juger tous les criminels dont les prisons sont remplies. Je demande qu'on ajourne à jeudi.
Cet ajournement équivaut, par le fait, à l'ajournement après la rentrée. Le temps nécessaire pour sanctionner le décret, et les distances que les courriers auront à parcourir, feraient que les parlements, avant de connaître légalement ce décret, seraient déjà en activité.
S'il est vrai que l'esprit de corps et d'intérêt qu'ils ne peuvent dépouiller ne peut s'allier avec l'esprit public ; s'il est vrai que leur puissance doive compromettre la liberté nécessaire pour l'établissement des municipalités, la motion présente a un rapport très-direct avec l'ordre du jour. Gomme corps, à tous égards l'assemblée du corps constituant a le droit de les détruire. Gomme tribunaux, vous ne pouvez les encadrer dans la Constitution que vous devez faire,
La nation n'a pas concouru à l'élection de leurs membres; tous sont arrivés à la magistrature par l'hérédité et la vénalité ; tous sont d'anciens privilégiés que je ne crois pas encore parfaitement convertis. Les corps antiques se font une religion de leurs maximes; ils sont toujours attachés à ce qu'ils appellent leurs droits et leur honneur.
Rien ne peut donc vous empêcher de prendre aujourd'hui une disposition provisoire, prudente pour vous et convenable pour eux-mêmes. On peut, si cela paraît nécessaire, augmenter la compétence des chambres de vacations.
, évêque d'Oléron, député du pays de Soûle. Messieurs, je suis chargé par mes commettants de vous demander la conservation du parlement de Pau, des droits et privilèges de ce tribunal. Les magistrats qui le composent ont la confiance des peuples de leur ressort et je demande une exception en sa faveur.
(1). Messieurs, je n'examinerai point au fond la question importante de la conservation ou de la suppression des parlements; le temps où vous devrez la résoudre n'est pas encore arrivé ; peut-être lorsque vous vous occuperez de l'ordre judiciaire, trouverez-vous que l'existence de ces grands corps, autrefois utiles, ne s'accordera plus avec les principes de la nouvelle Constitution dont vous tracez le plan. Us ont rendu sans doute, à la nation de grands services, dont elle ne perdra pas le souvenir ; et si vous aviez besoin qu'on vous les retraçât, je serais plus empressé qu'un autre à vous rappeler que dans les temps d'ignorance, où la cour de Rome avait subjugué l'Europe presque entière, le parlement de Paris a constamment défendu la France de ses funestes entreprises ; que les parlements ont travaillé avec zèle à la destruction du gouvernement, féodal, dont vous venez de proscrire les restes ; que ce sont eux qui, en 1771 et en 1778 (je puis, Messieurs, vous parler de leurs généreux efforts dans ces époques modernes, où j'avais l'honneur de partager leurs travaux), ce sont eux qui ont opposé au despotisme ministériel une barrière invincible, et que nous leur devons l'impulsion heureuse de la révolution actuelle.
Mais utiles daqs un temps où la nation privée du droit de s'assembler n'avait pas ses défenseurs naturels, devez-vous les conserver à présent que de véritables représentants élus par l'universalité des citoyens, qu'une Assemblée nationale permanente vous assurent une bonne législation et une administration fondée sur de bons principes; tout ce qui est superflu en fait de Constitution et d'économie politique devient inutile et dangereux; les parlements n'auront plus de fonctions législatives et sans doute le soin de distribuer plus également la justice et de la sapprocher des justiciables, ne laissera pas subsister ces immenses ressorts contre lesquels tant de réclamations se sont élevées; vous supprimerez donc véritablement ces grands corps de magistrature, mais en prononçant leur destruction vous rendrez une justice méritée aux membres qui les composent, et sans doute leurs citoyens s'empresseront de les porter par leurs suffrages aux places que le nouvel ordre judiciaire établira.
Je me renfermerai donc, Messieurs, dans la question actuelle, et comme il me paraît impossible que ce nouvel ordre judiciaire succède immédiatement à l'ancien, et que cet intervalle indispensable me paraît avoir moins d'inconvénients dans un moment où le cours de la justice a communément peu d'activivé, qu'il n'en n'aurait dans six semaines ou deux mois, j'adopte la motion de M. de Lameth, de proroger les vacances avec les amendements proposés par les préopinants.
Le parlement de Pau est un
Je propose, par amendement, de renforcer les chambres des vacations, en leur adjoignant un nombre de magistrats égal à celui qui les compose.
Je pense qu'il n'y a lieu à délibérer sur cet amendement : 1° parce qu'il détruit la motion; 2° parce qu'il est inutile, les cours n'entrant dans une activité réelle qu'après les lois.
consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a lieu à délibérer.
La motion principale est ensuite mise aux voix et décrétée dans les termes suivants ;
« L'Assemblée nationale décrète : 1° qu'en attendant l'époque peu éloignée où elle s'occupera de la nouvelle organisation du pouvoir judiciaire, tous les parlements continueront de rester en vacances et que ceux qui seraient rentrés, reprendront l'état des vacances; que les chambres des vacations continueront ou reprendront leurs fonctions, et connaîtront de toutes causes, instances et procès, nonobstant tous les règlements à ce contraires, jusqu'à ce qu'il ait été'autremeut statué à cet égard ;
« 2° Que le président se retirera par devers le Roi pour lui demander sa sanction sur ce décret et le supplier de faire expédier toutes lettres et ordres à ce nécessaire. »
annonce ensuite que M. le maire de Pans à la tête d'une dépulation des représentants de la commune de cette ville demande a être admis à la barre.
Le maire et la députation sont introduits.
M. le maire, portant la parole, prononce le discours dont la teneur suit :
, maire de Paris (1). Messieurs, les soixante administrateurs qui composent le conseil de ville, nous envoient vers vous pour vous supplier de décréter un règlement provisoire, sans lequel il leur est impossible de remplir les fonctions qui leur ont été confiées par leurs commettants.
L'Assemblée générale des représentants de la commune s'en était d'abord occupée elle-même, et se proposait de vous soumettre le projet qu'elle aurait cru devoir adopter ; mais pressée sans doute de tracer le plan de la municipalité, principal objet de son mandat, elle a laissé au conseil de l'administration le soin d'exécuter les leurs, par les moyens qui lui paraîtraient les plus convenables. C'est, Messieurs, ce qui nous amène devant vous.
Dans ce moment de trouble et d'orage, la police a paru d'abord mériter de fixer la principale attention du conseil de ville, parce que l'ordre public, la sûreté générale et celle des individus, tiennent plus particulièrement à l'exercice de celte branche si importante de l'administration municipale.
Sans l'attribution qu'ils attendent de votre sagesse, les membres du conseil chargés
de ce département, ne se croiraient pas suffisamment
La responsabilité à laquelle ils se sont soumis exige impérieusement une règle, puisqu'il est impossible de répondre de l'usage d'un pouvoir indéfini et arbitraire. Ce n'est donc qu'à cette condition qu'ils ont pu se charger de la pénible et délicate commission dont ils ont été honorés parle choix de leurs concitoyens.
Nous espérons que l'Assemblée nationale verra avec plaisir dans ce projet, des dispositions conformes à l'esprit qui doit animer les représentants et les magistrats municipaux d'un peuple. Ce discours a été suivi de la lecture de l'arrêté ris par les représentants de la commune de aris, et du projet de règlement provisoire qu'ils sollicitent l'Assemblée de revêtir de son autorité, et de faire sanctionner par le Roi.
fait à la députation la réponse qui suit :
« L'Assemblée nationale connaît toute l'importance du maintien de la police de la ville de Paris; elle prendra sans délai dans la plus sérieuse considération, le projet que vous lui présentez ; remettez-le sur le bureau. »
Ce plan a été renvoyé au comité de constitution pour en rendre compte jeudi prochain à l'Assemblée.
La députation se retire.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures et demie du matin.
à la séance de VAssemblée nationale du
Réflexions sur la nouvelle division du royaume et sur les privilèges et les assemblées des provinces d'Etats, par M. Rahaud de 1 Saint-Etienne (1), membre du comité de constitution (imprimées par ordre de l'Assemblée nationale).
Le comité de constitution, en proposant une division de tout le royaume en 80 parties à peu près égales, a eu pour but d'établir, dans un empire qui doit être un, l'égalité d'influence qui appartient essentiellement à chaque individu. Il a pensé que c'était se conformer aux principes de disposer tellement chacune des parties du tout, qu'elles fussent, autant qu'il était possible, égales entre elles. 11 a cru que la grande unité ne pouvait être simple qu'autant qu'elle serait composée d'unités pareilles; que la forme générale ne pouvait être vigoureuse et ferme, qu'autant que les forces particulières dont elle serait composée auraient une tendance et une action égales; et qu'enfin, le mouvement général du corps politique serait d'autant moins retardé que les mouvements particuliers dont il se compose
seraient uniformes et réglés, si on le peut dire 1 r ainsi sur la marche et la cadence communes.
En effet, il en est du mouvement au moral comme au physique. C'est l'égalité des forces distribuées dans les divers corps d'une armée qui r la fait mouvoir simultanément à la volonté d'un seul homme. L'objet du législateur, qui distribue ^ les forces de chaque individu, doit être d'abord de les lui conserver aussi entières que la nature les lui a données et ensuite de les faire tendre, le plus sûrement et le plus également qu'il est pos-sible, à la conservation et à l'avantage de la société.
Dans un petit Etat, chaque homme est une partie égale du tout; il vaut tout ce qu'il est ; il a sa force tout entière ; il l'emploie sans en rien perdre pour lui ni pour la société : d'où il suit que la force générale n'est complète que lorsque r les forces particulières sont également distri-, buées et employées. Mais, dans un vaste empire, où les individus actifs sont en si grand nombre qu'ils embarrasseraient la machine politique si tous y mettaient la main à la fois, fût-ce même avec beaucoup d'accord, le législateur doit penser à composer la force générale d'un nombre déterminé de forces particulières; chacune de celles-ci doit être composée à son tour d'un certain nombre de forces égales; et celles-ci composées enfin de la force entière de chaque individu. Ainsi, tout homme devient partie intégrante et active de la société, il emploie tout ce qu'il a de moyens ; et, par un retour néoessaire, il gagne dans le bénéfice de l'association, avec une égalité tout aussi parfaite que celle par laquelle il y avait contribué.
Cette égalité de forces et par conséquent d'a-» vantages, conservée d'abord à chaque individu, et par conséquent à chaque association d'un certain nombre d'individus, paraîtra certainement propre à former et à entretenir l'esprit public, ce feu sacré de la société, qu'il est de la religion politique de ne laisser jamais éteindre.
Le comité a donc cru que, sans avoir égard aux divisions bizarres et inégales du royaume, il pouvait en adopter une nouvelle et que, puisqu'on lui demandait non ce qui est, car on ne lui aurait rien demandé, mais ce qui doit êtreil devait présenter un plan aussi parfait qu'il lui était possible de le concevoir; et, en fait de distribution de forces et de moyens, la perfection est dans l'égalité.
Cependant, il n'y avait plus dès lors de raison pour lui de préférer telle division de territoire à telle autre ; il a dû chercher une division de superficie, telle que l'administration qui serait 0, chargée d'en surveiller les intérêts, pût le faire avec promptitude et facilité. 11 fallait ensuite que les subdivisions d'un département ou administration provinciale ne fussent pas trop multipliées; trop de degrés entre la communauté de village et l'Assemblée nationale auraient embarrassé la marche des affaires ou l'auraient du moins re-tardée.
Par le premier de ces motifs, le comité a dû ^ calculer de quoi est capable une assemblée d'hommes qu'il devait se garder de former trop nombreuse, et jusqu'où peuvent s'étendre la force et l'activité habituelles d'une telle assemblée pour qu'ii n'y ait jamais aucune opération en retard.
Par le second de ces motifs,il a dû proportionner l'étendue d'une administration provinciale ou de département aux degrés dont, sans embarras, il fallait composer sa subdivision, depuis le dépar-
tement jusqu'à la municipalité. Et, en sens inverse, il a dû calculer de quelle étendue de terrain une municipalité devait être composée, et par combien de degrés il fallait monter jusqu'au département.
Si le département avait été trop étendu, il aurait fallu multiplier les degrés de sa subdivision; s'il avait été trop resserré, il aurait fallu les réduire à un trop petit nombre; et il a paru au comité que le nombre de 81 départements était le plus proportionné à la surface du royaume, à la force physique des assemblées de département, de district et de canton, et à la force relative de ces trois subdivisions ; et que le nombre de neuf et celui de trois, dont la grande division est susceptible jusque dans le plus bas degré, donnait aux opérations une facilité et à l'esprit une clarté qui permettait de saisir l'ensemble et le détail de l'organisation générale.
En conséquence, le comité a procédé à la division du royaume en 80 parties à peu près égales, et il en a fait dresser une carte : ce projet de carte susceptible de recevoir toutes les observations de MM. les députés acquerra sa perfection d'après leurs remarques- Eux-mêmes indiqueront la subdivision de chaque département en neuf districts, et, il y a tout lieu d'espérer que, lorsque cette division sera portée dans les provinces et présentée aux peuples, lorsque ceux-ci verront qu'on y a ménagé leurs intérêts et leurs habitudes, qu'on y a respecté les localités, les bornes naturelles, celles des frontières, et toutes ces communes, gênantes quelquefois, mais dont l'habitude adoucit les difficultés, ils adopteront avec plaisir un plan qu'on a fait pour eux, et dont ils apercevront bientôt les avantages.
Déjà, les premières objections qui avaient été faites au plan du comité ont disparu : il en reste une plus importante et l'on peut dire d'une plus dangereuse conséquence; elle est politique, elle mérite le plus sérieux examen, et je vais y donner quelques moments de discussion.
Il est dans le royaume plusieurs provinces, connues sous le nom de pays d'états, qui s'administrent par un régime particulier, plus ou moins conservé ou dénaturé. Leur privilège essentiel est de consentir et de répartir elles-mêmes leurs subsides, et elles ont rapporté ce privilège en se réunissant à la couronne de France. Personne n'ignore cependant que le despotisme fiscal avait pénétré dans ces provinces ; que chez plusieurs, les grands s'y étaient emparés de l'administration, comme d'un domaine attaché à la grandeur ; que le consentement aux subsides était devenu ridicule et illusoire ; et qu'elles étaient d'autant plus mal régies, qu'elles avaient plus de droit à l'être mieux.
Cependant cette ombre de liberté, qui ne consistait plus qu'en ressouvenirs, présentait aux peuples foulés je ne sais quel espoir de restauration. Les hommes oublient moins aisément leurs droits politiques que leurs droits naturels, et tandis qu'ils ne songent point à revendiquer ceux que la nature avait gravés dans tous les coeurs, ils se rappellent toujours ceux qui jadis furent écrits sur des parchemins : tant l'homme est fait pour être guidé par des choses sensibles, tant il importe aux législateurs de graver sur des monuments durables les lois qu'ils destinent à une longue durée! Aussi, dans ces moments de régénération où les Français ont enfin songé à reprendre leurs droits, les provinces d'états ont
fait entendre les premières les mots sacrés de liberté et d'égalité.
Maintenant il peut s'élever une difficulté de la part de quelques-unes de ces provinces contre le plan du comité de constitution. Quelques personnes, quelques députés même, croient que la division du royaume en quatre-vingts parties égales est un attentat aux privilèges de ces provinces ; qu'un de ces privilèges est de rester en corps de provinces ; qu'ils manqueraient de foi à leurs commettants s'ils consentaient aune division qui, d'une provisce, en ferait quatre ou cinq ; et que, partis pour être les représentants du Languedoc ou de la Bretagne, il ne leur est pas permis de consentir à un démembrement qui ne peut être consenti que par la Bretagne et le Languedoc. Ils ajouteut, et ce n'est qu'une difficulté et non pas une objection, que les provinces d'états ontdes dettes communes et des travaux communs, ce qui prouve bien que leurs parties ont été unies par les mêmes intérêts, mais non pas que ces provinces doivent rester toujours séparées du tout, par une circonscription bornée d'intérêts.
Ce soupçon d'infidélité dans un mandataire qui, envoyé par sa province, paraîtrait en sacrifier les droits, est peut-être le plus grand obstacle que puisse rencontrer le plan du comité de constitution. La délicatesse et la fidélité sont les premiers devoirs des députés ; et tel est le scrupule qui accompagne leur commission, que, bien que chacun d'eux se regarde comme représentant de la nation entière, et que l'Assemblée nationale les ait déclarés tels, il leur reste toujours, ou l'impression qu'ils ont été envoyés par tel ou tel pays, ou la crainte que leurs commettants ne les jugent infidèles.
C'est donc à ceux-ci mêmes que doivent être présentées les réflexions qui peuvent servir à les ramener à des intérêts plus grands, plus vastes et mieux entendus que ceux qui les bornaient à des frontières resserrées. Les privilèges des provinces ont eu pour elle de grands avantages. Lorsque les citoyens gémissaient sous le pouvoir arbitraire, quand les impositions, inégalement réparties, dépendaient, en chaque province, du caprice d'un seul homme, le droit antique de consentir l'impôt et de le répartir, était une barrière au despotisme ministériel et fiscal. Cette barrière avait été brisée ; le fisc avait tout envahi, et la corruption qu'il avait portée dans les provinces d'états, était d'autant plus profonde qu'il avait dûemployer plus d'astuce. Mais les peuples avaient un droit, et ce mot pouvait leur ménager un motif d'insurrection dans des temps favorables.
Cependant ils doivent observer que ce droit ne leur était utile que parce que les autres provinces ne l'avaient pas. Un privilège n'en est plus un lorsque tous les autres y participent, et si l'Assemblée nationale établissait un ordre de choses tel que tous les Français, sans exception, eussent le droit de constater l'impôt et de le répartir, le privilège particulier de telle ou telle province irait se réunir au grand privilège commun, auquel toutes les provinces participeraient.
Or, c'est ce que l'Assemblée nationale vient d'établir en décrétant sa permanence, et en consacrant le droit qu'a la nation entière d'établir et de répartir l'impôt. Ainsi les provinces d'états ne jouissent plus seules de ce privilège; il appartient à tous les Français. Ainsi leur privilège ne se perd point; il est au contraire conservé ; il est fortifié de tout ce qu'y apportent l'union des autres provinces et la cohésion invincible de toutes les parties du royaume.
J'ajoute même que ce privilège est non-seulement accru, mais encore qu'il est agrandi. Ce n'est plus un privilège, c'est un droit : ce n'est plus la lutte inutile d'une province contre la force du monarque, aidé de tout ce que le despotisme trouvait de moyens dans les impôts des provinces non privilégiées, c'est une résistance générale: ce n'est plus le droit d'octroyer l'impôt, c'est celui de Vétablir; et cette différence est incommensurable.
Que ces provinces privilégiées se rappellent aujourd'hui leur antique situation, lorsque bornées au droit de consentir l'impôt, il ne leur restait aucun moyen de le refuser; lorsque le monarque le demandait dans une forme assez arbitraire ; lorsque les hommes du Roi se faisaient un mérite auprès de lui d'empêcher toute résistance, tout refus, tout examen, et que les faveurs de la cour étaient leur récompense ; lorsque les hommes du peuple, feignant de prendre en main sa défense par des discours étudiés et préparés à Versailles, finissaient par consentir à tout en son nom ; et que les provinces humiliées, en invoquant leur liberté,ne faisaient que reconnaître expressément leur esclavage.
Qu'elles considèrent maintenant l'heureux effet d'un nouvel ordre de choses, où ce ne seront plus des provinces qui feront la ridicule cérémonie d'octroyer l'impôt par des représentants imaginaires, mais où les vrais représentants du royaume entier établiront l'impôt donL ils auront vérifié la nécessité. De quoi servirait-il à ces provinces de se tenir séparées de la totalité? Serait-ce pour être moins imposées? Mais elles auront bien moins de force dans cet état d'isolément, que dans leur intime union à toutes les parties du royaume. Serait-ce la gloire de garder le titre fastueux de provinces à privilèges? Mais ce titre n'est plus qu'une illusion quand tout le royaume est privilégié,c'est-à-dire lorsque personne ne l'est plus, et que le droit exclusif des uns n'est plus un titre à la privation et à l'exclusion des autres. La gloire d'une province va s'allier à celle du royaume entier, et le despotisme ministériel aura bien moins de prise sur les représentants de 26 millions d'hommes, que sur ceux de 2 millions
C'est ce que surent bien comprendre les députés des provinces d'Etats lorsque dans la célèbre nuit du 4 août, dans la nuit mémorable des sacrifices, ils vinrent associer aux sacrifices des droits qui opprimaient les hommes, ceux des privilèges qui garantissent imparfaitement leur liberté: ils sentirent que ces sacrifices des provinces étaient un véritable gain ; qu'elles l'échangeaient contre un meilleur régime; qu'à dire la vérité, c'était bien donner bien peu de chose que de se dépouiller d'un droit que l'on avait perdu; et que celui d'établir l'impôt, non en corps de province, mais en corps de royaume, était d'un prix inestimable.
Les députés du Dauphiné (1) rappelèrent ce que leur province avait fait à Vizille sur cet objet, lorsqu'elle avait reconnu qu'il était plus grand et plus utile d'être Français que Dauphinois,et l'invitation qu'elle avait adressée à tous les autres pays d'Etats de vouloir l'imiter.
Ceux de Bretagne, regrettant d'être liés par des mandats impératifs, avouaient que ces mandats n'étaient que l'effet d'une crainte jalouse, qui céderait bientôt au bonheur de confondre des
droits révérés et antiques avec des droits plus r solides et plus sacrés au moment où se formerait l'acte destiné à défendre les droits de tous les citoyens.
Ceux de Provence annoncèrent que lorsque leurs commettants leur avaient prescrit impérieusement de ne pas renoncer aux privilèges de leur province, ils ne prévoyaient pas, sans doute, l'heureuse réunion de tous les ordres, et qu'ils allaient écrire à leurs commettants, pour les engager à envoyer sur-le-champ leur adhé-y sion.
Ceux du Languedoc s'empressèrent de déclarer à l'Assemblée nationale que, dans tous les temps, leurs commettants se conformeront à ses décrets, et souscriront aux établissements généraux que sa sagesse leur inspirera, pour l'administration des provinces, s'estimant heureux de se lier par ces sacrifices à la prospérité générale de l'empire.
Ceux de Bourgogne, de Béarn, des pays de Bigorre et de Foix, ou plutôt tous les députés à l'envi firent les mêmes sacrifices; une foule d'à-4 dhésions, venues de toutes les provinces, les ont avoués, et cette vérité se trouve établie dans tout i l'Empire, ciue le sacrifice partiel de chacun est devenu le bienfait de tous.
> Le régime nouveau, décrété par l'Assemblée nationale, remplace donc avantageusement cinq ou six régimes imparfaits. Il n'y a plus diverses nations dans le royaume; il n'y a que des Français; et de même que Louis XIV disait un jour, d'un simple pacte de famille : Il n'y a plus de Pyrénées, nous pourrons dire du pacte solennel qu'ont juré douze cents représentants de la nation : Il n'y a plus de provinces.
Disons maintenant aux peuples, aux peuples qui doivent être si jaloux d'un bienfait qui leur compose une force nouvelle, aux peuples qui doivent surveiller tous les efforts ouïes détours qu'on pourrait employer pour le leur ravir : quel est le but de ces assemblées de province qu'on vous annonce , ou plutôt dont ou vous menace? Que vous donneraient-elles de plus que ce que vient de faire pour vous l'Assemblée nationale ? Un droit particulier? Mais il est bien au-des-sous d'un droit commun et général. Le moyen de vous restreindre dans une enceinte bornée? Mais c'est le moyen de vous affaiblir. Le droit absurde de traiter vos affaires tout seuls? Mais ce qui « était un avantage sous le règne du despotisme devient un inconvénient sous celui de la liberté ; , et rester seuls, c'est rester faibles. Le moyen de préparer une insurrection contre le despotisme ^ que vous pourriez redouter encore? Mais l'insurrection d'un royaume entier, privilégié comme vous et avec vous, serait bien plus redoutable. Le royaume est tout Bretagne, tout Provence, tout Languedoc. Vous n'avez pas pris le régime des autres provinces; elles ont pris le vôtre infiniment perfectionné. Vous ne vous êtes pas dépouillés pour elles ; vous vous êtes enrichis d'elles. Vous n'avez pas perdu ; vous avez gagné. Voyez de combien de précautions est entourée ia vaste société que vous venez de contracter. Il n'y a plus de distinction d'ordres ; tous les citoyens, sans exception, sont admis à s'occuper de la chose publique. Vous ne serez pas représentés seulement par des hommes de votre province, mais par ceux de tout l'empire. Vos droits sont leurs droits, votre cause est la leur. Ils veilleront i> à ce que vous ne soyez point foulés : vous leur donnerez le même secours ; et d'un bout du
royaume à l'autre, ,tous les associés se prêteront la main.
Ces réflexions dont les peuples des provinces d'Etats sentiront la force, les engageront à chérir les sacrifices que leurs représentants ont faits en leur nom. Mais j'ai une autre observation à leur présenter : c'est que nulle province n'a le droit de se convoquer elle-même dans le temps où elle a donné à ses représentants le droit de stipuler pour elle, dans le temps où l'Assemblée nationale est siégeante, et qu'elle s'occupe de ses intérêts ; c'est que nulle province ne peut se convoquer que selon des formes quelconques ; mais qu'elle ne peut pas se donner elle-même ces formes, parce que ce serait dire qu'elle est indépendante. Erreur funeste à ces provinces, piège dangereux qui leur serait tendu, puisqu'en s'isolant ainsi d'avance et se séparant du corps de l'empire, elles s'ôteraient elles-mêmes les moyens de la grande réunion.
L'Assemblée nationale s'occupe en cet instant de l'organisation du royaume ; elle prépare les formes légales et uniformes qui devront être suivies partout ; elle sait que les peuples les attendent avec impatience ; elle gémit des obstacles que des circonstances impérieuses souvent, artificieuses quelquefois, mettent sur son chemin. Mais si les peuples ont déjà vu quels fruits ils pourraient recueillir de ses travaux, s'ils veulent contraindre encore quelque temps le caractère français, et cette impatience que les ennemis seuls du bien public peuvent considérer avec plaisir, s'ils daignent associer leur courage paisible au courage patient de leurs représentants ; c'est alors que des formes sages, et communes à tous, les inviteront à des assemblées de citoyens destinés à concourir selon ses principes au rétablissement de l'ordre public.
On dira aux peuples que tous les citoyens ont le droit de s'assembler pour s'occuper de leurs intérêts, que c'est gêner ce droit que d'empêcher les assemblées des provinces 1 C'est un piège. On voudrait peut-être que toutes les provinces fissent insurrection à la fois ; on verrait avec un secret plaisir vingt grandes assemblées dans l'empire ; on espérerait que l'inévitable diversité d'opinions y causerait le désordre, et que les provinces étant divisées entre elles et déchirées dans leur propre sein, les abus ne pourraient plus être réformés. Peuples, vous serez plus sages ; vos droits nous seront sacrés ; vous avez celui de vous assembler, mais selon des formes légales ; et ce tumulte auquel on vous invite, n'est qu'un moyen de vous écarter delà liberté, eu ôtant à l'Assemblée nationale celui de réformer les abus.
On tâchera, on tâche de vous diviser dans le sein de vos villes, sous vingt prétextes divers. C'est un piège. Observez qui sont ceux qui cherchent à vous échauffer les uns contre les autres, examinez leurs motifs, étudiez leurs intérêts; car jamais ceux qui ont animé le peuple, ne l'ont fait pour le peuple même, ils ne l'ont fait que pour eux.
J'espère cependant que ces nouveaux efforts contre le bien public seront encore inutiles. Il semble que le génie tutélaire de la France, veille au succès de ses destinées, et qu'il ne laisse aux obstacles qu'il rencontre que Je temps de se montrer, de nous effrayer, et de s'évanouir. Ou, pour parler d'une manière plus juste, les peuples ne peuvent plus rebrousser vers aucune espèce de servitude, le zèle pour la liberté anime tous les curs, l'esprit public s'est montré au milieu même
des désordres, et dans cette désorganisation entière de toutes les parties de l'Etat, où nulle portion ne semble subsister de son antique échaffau-dage, l'amour du bien public reste seul pour le soutenir. Que tous les citoyens chérissent la chose publique et qu'ils y veillent, qu'ils songent que la chose publique est la leur, qu'ils se disposent à de généreux sacrifices, et nous ne sommes pas perdus ;
Séance du
MM. les secrétaires ont fait lecture des procès-verbaux de la veille et de la surveille, ainsi que de plusieurs adresses de différentes villes et communautés, portant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale :
D'une adresse du sieur Vaukempen de Boulard, , procureur du Roi, des eaux et forêts du département de Saint-Omer, qui supplie l'Assemblée nationale d'agréer son offte, de faire gratuitement la perception de la contribution patriotique du quart des revenus dans la paroisse d'Ebbleglem, où il réside, et dans cinq autres paroisses voisines ;
D'une délibération des citoyens de toutes les classes de la paroisse et juridiction de Sainte-Li-vrade en Guyenne, par laquelle ils adhèrent avec empressement au décret de l'Assemblée nationale concernant la contribution patriotique du quart des revenus;
D'une délibération du conseil permanent de la ville d'Agde en Languedoc, qui tend à engager tous les citoyens à faire offrande à la nation de leur vaisselle, argenterie et bijoux d'or et d'argent;
D'une adresse des membres du comité municipal de la ville de Lignv en Barrois, contenant félicitations, remerciements, et adhésion la plus dévouée aux décrets de l'Assemblée nationale;
D'une délibération du corps des marchands fabricants gantiers de la ville de Grenoble, par laquelle ils adhèrent, sans restriction, à tous les arrêtés et décrets de l'Assemblée nationale, et se soumettent de verser dans la caisse nationale la somme de 2,000 livres, du moment où la Constitution sera achevée et acceptée par Sa Majesté, s'opposent formellement à toute assemblée des Etats de la province qui aurait pour but le rappel des députés de l'Assemblée nationale, ou de contrarier les décrets de l'Assemblée, qu'à cet effet, ils révoquent tous les pouvoirs que les députés en doublement prétendraient avoir conservés ;
D'une délibération de la communauté de Glaix, élection de Grenoble, contenant la même adhésion aux décrets de l'Assemblée, et les mêmes oppositions et protestations relativement à la convocations des Etats de la province et du doublement, faite par la commission intermédiaire, comme illégale et dangereuse sous tous les rapports;
D'une délibération du même genre de la ville de Saint-Vallier en Dauphiné : pour manifester leur patriotisme, les délibérants se sont soumis
personnellement à payer, dans les délais déterminés, la contribution du quart de leurs revenus, en conformité du décret de l'Assemblée nationale, et lorsque tous ses décrets auront été sanctionnés et promulgués.
a dit que M. le comte de Gomer, député de Sarreguemines, malade à Dieuze, lieu de son domicile, demandait qu'il lui fût nommé un suppléant, ne pouvant continuer ses fonctions ; l'Assemblée y a consenti.
M. Lasalle, député de Metz, demandé pour 1 quinze joups par ses commettants, pour des affaires importantes, a obtenu un passe-port.
M. Allard, député de la province d'Anjou, a aussi demandé un passe-port pour quinze jours ; il lui a été accordé.
M. Thiébault, député de Metz, a donné sa démission, et a demandé à se retirer aussitôt que son suppléant sera arrivé ; l'Assemblée y a consenti.
a dit que, conformément aux ordres de l'Assemblée, il s'est rendu hier chez le Roi, qu'il a présenté à Sa Majesté les décrets sur la suppression des vux monastiques, sur les biens ecclésiastiques et sur les parlements; que le Roi lui avait répondu que le décret sur la suspension de l'émission des vux dans les monastères de l'un et de l'autre sexe, était sanctionné ; que celui concernant la destination des biens ecclésiastiques allait être publié ; qu'enfin celui qui prolonge les vacances des parlements, est sanctionné, et va être envoyé sur-le-champ, par des courriers extraordinaires, à tous les tribunaux qui exigent, par leur distance, qu'on prenne ce moyen.
a dit qu'il avait insisté pour qu'il fût envoyé des courriers extraordinaires à tous les parlements.
a observé que le décret sur les biens ecclésiastiques devait être accepté et non " simplement publié.
demande que le décret relatif à la nomination des suppléants des députés, qui a été publié, soit également sanctionné.
voulait que les formules d'ac-'ceptation,de promulgatian et de sanction,fussent faites et apposées aux décrets par le comité de constitution, pour être signées par le Roi, afin qu'il n'y eût plus de contestation sur ce poiut ;
S'il appartient incontestablement à l'Assemblée de faire des formules, c'est au pouvoir exécutif à les appliquer suivant les demandes du Corps législatif. Le décret du 5 octobre a déjà fixé le principe de Xacceptation royale pour tous les actes constitutionnels : il faut ainsi fixer invariablement les formules et présenter à l'acceptation les décrets sur les biens ecclésiastiques et la nominaiton des suppléants.
demande que tous les décrets de l'Assemblée nationale soient remis au comité de rédaction pour être rédigés en forme de loi, et ensuite présentés au Roi.
L'Assemblée décrète que le comité de constitution sera chargé d'apporter à la séance de de-
main tous les décrets qui n'ont pas encore été présentés à l'acceptation et que M, le président se retirera par devers le Roi pour le prier de les i accepter.
annonce un mémoire de M. le garde des sceaux, dont il sera donné lecture f à deux Heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le plan du comité de constitution concernant la division du royaume en départements.
(l). Messieurs, vous sentez tous l'indispensable nécessité de faire une nouvelle division du royaume : parmi toutes celles qui existent, vous n'en trouveriez pas une que le désir du bonheur ou de l'avantage des peuples ait inspirée à son auteur. Le hasard, d'anciens régimes abolis depuis longtemps, des préjugés, l'intérêt personnel de quelques individus puis-K sauts, des réunions successives de différentes provinces, le fisc, ont tracé tes différentes lignes qui partagent l'empire français en tant et de si bizarres manières. 11 faut au jourd'hui, Messieurs, k une division nouvelle qui n'ait aucun des inconvénients des anciennes, faite dans un moment où tous les préjugés se taisent, ordonnée par des hommes qui sont placés à une trop grande hauteur pour que les considérations personnelles puissent jamais les atteindre, indépendante de toutes vues fiscales, destinée à faciliter les rapports réciproques entre administrateurs et admi nistrés (rapprochement nécessaire pour tous, puisque, dans un Etat libre, tous les citoyens changent alternativement de rôles), elle ne "doit être assujettie qu'aux lois naturelles, aux bornes physiques que rien ne peut surmonter. Elle doit surtout produire cet inappréciable avantage de fondre l'esprit local et particulier en un esprit national et public ; elle doit faire, de tous les habitants de cet empire, des Français; eux qui, jusqu'aujourd'hui n'ont été que des Provençaux, des iNormands, des Parisiens, des Lorraitls. La division proposée par le comité de constitution me paraît renfermer tous ces avantages, et je n'y vois aucun des inconvénients que M. de Mirabeau y a remarqués. 11 me semble même que M. Thou-4- ret avait répondu d'avance à 1 a plus grande partie de ses objections. Je me bornerai, Messieurs, à quelques observations rapides que vous pèserez dans votre sagesse.
On vous a dit, Messieurs, que les esprits n'étaient pas encore préparés, n'étaient pas assez disposés pour une si grande opération. On vous a fait craindre de la résistance de la part des provinces ou de quelques provinces.
Messieurs, tout ce que vous avez fait jusqu'aujourd'hui, ces grandes et mémorables opérations, qui seront le bonheur de la France et l'étonne-ment de la postérité, ont pour base unique l'es-prit public et supposent l'abnégation entière de tout esprit particulier.
Il ne faut pas nous y tromper : si nous n'avons pas créé d'esprit public, tout
l'édifice que nous avons élevé avec tant d'efforts s'écroulera par les fondements et
nous écrasera de ses ruines; si, au contraire, cet esprit public existe, vous pouvez
tout entreprendre, tout faire, tout consommer pour la régénération totale de l'empire
; vous ne rencontrerez aucun obstacle qui ne soit facile à
Messieurs, ce ne sont pas les résolutions fortes que vous devez appréhender ; c'est la pusillanimité, voilée sous le nom de circonspection ou de prudence. La faiblesse perd les empires, la force les régénère ; et, soyez assurés que si l'opération que vous propose le comité éprouve quelques obstacles, ils viendront uniquement des grandes villes qui voudront perpétuer l'aristocratie terrible qu'elles exercent sur les campagnes et les petites villes. Ces dernières recevront avec joie le projet de votre comité, parce que ceux qui les habitent désirent par-dessus tout que l'administration soit rapprochée d'eux et soit faite pour eux.
On vous a dit encore, Messieurs, que la division du comité était impraticable, qu'elle ne respectait aucune limite, etc.
Ceux qui ont fait cette objection n'avaient pas sans doute jeté les yeux sur la carte qu'a présentée le comité; ils auraient vu qu'il a eu le plus grand égard pour les limites naturelles, et qu'il n'a que trop respecté, peut-être, ces limites idéales qui séparent les provinces ; il n'a pas proposé, il n'a pas songé à proposer une division géométriquement exacte; il vous a dit quel était son plan ; il a proposé un projet de division et il en a soumis l'examen aux députés des différentes provinces. J'ai examiné avec le plus grand soin celle qui m'est connue, celle que je représente ; et sur le compte que j'en ai rendu à mes commettants, ils sont loin, bien loin de désapprouver le projet.
En adoptant dans toute son étendue la division du comité pour l'administration du
royaume, je pense, comme M. de Mirabeau, qu'il faut rejeter les sous-divisions qu'il
propose pour les élec-
Il n'en est pas de même des sept cent-vingt subdivisions que le comité appelle communes. Je trouve dans ce plan un double avantage: 1° il facilite les relations des campagnes au chefs-lieux ; il évite les déplacements des habitants des villages qui ont un centre rapproché d'eux. J'insiste fortement sur cette idée dont l'expérience m'a fait sentir tous les avantages. La province à l'administration de laquelle j'ai été appelé à coopérer est partagée en douze districts qui correspondent à l'assemblée provinciale, et, quoique cette division soit excessivement mal faite, les malheureux habitants qui trouvent à deux, trois et quatre lieues de chez eux, des lumières, des conseils, un appui et des moyens de correspondance épargnent les frais énormes et fréquemment renouvelés qu'occasionneraient les voyages dans les capitales des provinces. Ceux qui, comme moi, ont habité longtemps la campagne, ceux qui connaissent et les malheurs et les besoins des gens qui y sont fixés ; ceux dont tout le bonheur est de soulager quelquefois leurs besoins, sentiront toute l'importance de cette observation. Je ne connais pas de plan plus propre à vivifier les villages et les petites villes ; et le défaut de sous-division en concentrant toute administration dans les grandes villes, tue l'agriculture et ceux qui s'y donnent et augmente encore l'affreuse et redoutable immensité des villes qui, comme des polypes, usent le royaume et l'épuisent.
2° Ce plan qui agrandit aussi les municipalités, qui les désigne sous le nom de can tons, anéantit les sous-divisions trop multipliées, cette foule de municipalités mal régies, mal composées, et dans lesquelles de trop petits intérêts occupent de petits esprits; et, faut-il le dire encore? ces municipalités sont toutes trop faibles pour résister à l'oppression tyrannique des villes, des administrateurs : armez-les de leur union, elles en seront plus lortes. Vous diminuez les sous-divisions, et vous facilitez les relations avec le pouvoir exécutif, vous facilitez tous les rapports ; et au lieu de quarante-quatre mille municipalités , vous n'en n'avez plus que six mille huit cent quarante, qui correspondent avec sept cent vingt communes, celles-ci avec quatre-vingts administrations, et ces dernières avec le pouvoir exécutif.
J'apercevais d'ailleurs dans l'ensemble de ce plan le germe d'une uniformité extrêmement imposante.
L'empire pourrait être partagé entre quatre-vingt tribunaux de justice auxquels je ne voudrais donner ni le nom de parlements, ni celui de cours, pour ne pas laisser des souvenirs qui donneraient des regrets et exciteraient des désirs ;
Quatre-vingts évêchés pour l'administration ecclésiastique ;
Peut-être un jour, au moins faut-il l'espérer, quatre-vi jgts écoles nationales ;
Dans les sept cent vingt communes, autant de chefs-lieux de recette de subsides, autant de premiers tribunaux de justice; et tout ce qui attire les gens de la campagne à la ville se trouvant réuni, ils ne seront plus forcés d'aller chercher, là un bailliage, ici un subdélégué d'intendant, ailleurs un grenier à sel, plus loin un officiel ou grand vicaire ; ils ne perdront plus en courses inutiles des jours extrêmement précieux. La terre souffre trop de leurs déplacements, on nedoitjpas s'étonner que souvent elle soit infertile; ainsi, Messieurs, tout concourt à vous faire adopter le projet de votre comité; j'ose vous supplier de ne pas différer de l'admettre ; les esprits sont disposés, ils sont préparés à toutes les révolutions, et permettez-moi de vous le dire, l'Assemblée qui, dans deux jours, a détruit les deux corporations les plus redoutables à la liberté publique, ne doit craindre aujourd'hui aucun obstacle.
Je suis entièrement de l'avis de M. de Mirabeau : ce ne sont pas des arrêtés qu'il vous faut prendre, c'est le plan entier qu'il faut créer. 11 ne faut pas laisser aux provinces le soin de faire des sous-divisions, il faut tout faire ici; et, si. vous le voulez, moins de quinze jpurs sont nécessaires à cette opération que les circonstances rendent infiniment pressantes, l'organisation du pouvoir judiciaire suivra de près ; et les ennemis du bien public, les ennemis de la patrie trompés dans leurs espérances , verront, avec désespoir que l'ordre s'établit de toutes parts, et que jamais plus grande ni plus belle révolution n'a coûté si peu d'efforts.
Je me résume donc, Messieurs, et j'adopte le plan du comité dans toutes ses parties, je demande seulement qu'on y apporte un changement relatif à la forme des élections, et que tous les cantons du royaume y concourent immédiatement.
Je suis chargé par la province du Languedoc de demander que, dans Je cas où elle serait divisée en plusieurs parties, elle fût autorisée à réunir ces divisions en une seule assemblée, suivant l'ancien régime.
(1). Je déclare que, si le plan du comité de constitution est adopté, mes commettants s'en rapporteront à cette division. Il v a longtemps que le Languedoc gémit sous l'aristocratie la plus affreuse.
fait une déclaration semblable.
Le plan du comité présente plutôt une théorie satisfaisante qu'une pratique aisée.....Les différences de population dans une étendue égale rendront nécessairement des divisions inégales en importance..... Le génie des peuples, les grandes villes formant des tous particuliers, les diversités d'intérêts de habitations commerçants et des villages agricoles , etc., rendront ces divisions difficiles et dangereuses.
Combien, par exemple, la province que je re-
Le comité de constitution a présenté un plan digne de la plus grande con-?, fiance; mais peut-être a-t-il trop cherché à corriger par le génie ce que les usages et l'habitude ont consacré.
La nécessité de l'unité monarchique a déterminé ^ avec raison à diviser le royaume en quatre-vingts départements. Adoptez cette division, je pense qu'elle pourrait s'étendre ou se restreindre un peu, qu'il est indispensable d'entendre les observations des provinces, et de ne pas tenir absolument au nombre des départements, parce qu'il doit être subordonné aux circonstances locales.
Les divisions en sept cent vingt communes sont trop grandes pour des municipalités, et trop petites pour des districts d'administration.
Il se présente encore deux défauts. Première-^ ment, trois degrés d'élection : il faut que les élections soient plus immédiates, et que les électeurs choisis par le peuple nomment directement les représentants à l'Assemblée nationale. Se-condement, un grand nombre de députés est nommé par un trop petit nombre d'électeurs. En effet, le comité fait choisir neuf représentants par quatre-vingt-un électeurs, et il en résulte que si neuf de ceux-ci étaient sûrs de cinq ou six voix, et qu'ils s'entendissent entre eux, ils ^ seraient tous choisis.
Je propose les articles suivants sur le travail du comité de constitution :
1° le royaume sera divisé en quatre-vingts parties environ, d'après les représentations des dé-7 putés des provinces, pour établir dans chacun île ces départements une administration provinciale;
2° Chacun de ces départements sera divisé en ?> trois districts, ou quatre au plus ; et dans chacun de ces districts, il sera établi une assemblée t administrative, subordonnée à l'administration provinciale ;
3° Il sera déterminé par l'Assemblée nationale une étendue de terrain et une masse de population requises pour former une municipalité ; et après avoir fixé les autres principes de leur organisation, leur établissement sera renvoyé aux administrations provinciales ;
4° Les députés à l'Assemblée nationale seront " élus dans les chefs-lieux des districts par des électeurs nommés immédiatement par le peuple, dans chaque municipalité, de manière qu'aucune assemblée d'électeurs ne puisse être composée de moins de 300 votants, et nommer plus de quatre députés à l'Assemblée nationale ;
Je me propose de prouver la prééminence du plan du comité sur ceux qui ont été présentés, et d'examiner quelques objections. » Le comité a voulu éviter deux dangers. Premièrement celui qui résulterait de l'esprit et des inté-
rêts particuliers des provinces, qui voudraient, aux dépens des vues générales, conserver leurs convenances. Secondement, celui de la multiplicité des municipalités.
On rejette la base territoriale pour se borner à celles de population et d'impositions; mais le nombre des départements varierait, parce que ces deux bases sont variables. La base territoriale est plus fixe, et offre une division sans efforts et sans convulsions.
On demande pourquoi deux cent soixante dix ressorts, municipalités ou communes, qui ne donnent pas de municipalités à toutes les villes et villages; mais les uns et les autres auront des agences ou bureaux de municipalité; mais tout ce qui est purement d'administration sera renvoyé aux assemblées administratives, et les municipalités, considérées comme de grandes familles, seront uniquement occupées de leur administration.
On a reproché que les divisions étaient purement géométriques. Eu jetant les yeux sur la carte où elles sont consacrées, on verra que le comité a eu égard aux localités, aux frontières des provinces, etc. Dans mon opinion particulière, je crois que le nombre des départements peut être augmenté.
On paraît blâmer les trois degrés d'élection ; mais c'est afin que les élections soient épurées que le comité a proposé d'établir des assemblées intermédiaires.
La division en cent vingt départements présentera plus d'inconvénients que celle en quatre-vingts. Il ne sera pas facile de diviser le royaume en cent vingtièmes de population et de contribution; cette opération exigera un temps considérable, et donnera peut-être lieu à des discussions entre les provinces. J'ai de plus indiqué le danger de l'extrême variabilité de ses bases.
On a proposé d'augmenter le nombre des électeurs, et de supprimer l'intermédiaire des élections. Je crois ces observations justes, et j'adopte le plan du comité avec ces deux modifications.
Je regarde le plan du comité comme impraticable, dangereux et inutile. Impraticable, à raison des localités; dangereux, à cause de l'inégalité qu'il introduirait dans les divisions; inutile, parce que la base seule de population éviterait ces inconvénients. L'étendue du ressort des assemblées provinciales étant déterminée d'après cette base, il serait formé des districts de cent mille âmes qui fourniraien t à peine chacun cent vingt citoyens actifs. Les élections se feraient alors avec facilité; chaque district élirait pour l'assemblée provinciale et pour l'Assemblée nationale; et tout le monde concourant à cette nomination, les délégants ne se plaindraient pas des délégués.
M. de Biauzat insiste fortement sur la conservation des municipalités inférieures; il demande qu'il én soit créé dans tous les lieux où l'on a établi une collecte.
La suite de la discussion est renvoyée à demain.
Je vais donner lecture à l'Assemblée d'une lettre de M. le garde des sceaux que je viens de recevoir, et dont la teneur suit :
« Le Boi a sanctionné le décret qui proroge ou rétablit les chambres de vacations dans les divers parlements du royaume, avec ampliation de pouvoirs et pour que les ordres parviennent plus tôt à leur destination, le Roi a recommandé d'envoyer des courriers principalement aux parlements les plus distants de la capitale.
« Le Roi a accepté le décret qui concerne les biens ecclésiastiques et la dotation des cures, et a ordonné de le faire publier dans tout son royaume; il sera envoyé aux tribunaux et aux municipalités.
« Signé : L'Archevêque de Bordeaux -(Champion de Cicé). »
, membre du comité de vérification des pouvoirs, a fait le rapport des difficultés élevées sur la députation de la noblesse de l'Ile de Corse. Le comité a proposé de décréter qu'il n'y avait pas lieu de réformer l'élection, du député noble de l'île de Corse, mais de permettre au sieur Guibega d'assister à ses séances dans la tribune des suppléants, sans qu'il puisse néanmoins être considéré comme suppléant.
On a demandé la division.
a pris les voix, la division a été accordée ; les deux parties de la proposition du comité ont été mises successivement aux voix, et elles ont été adoptées par l'Assemblée.
Il existe en Normandie un usage établi sans doute par des magistrats mauvais payeurs; mes commettants, très-intéressés à ce qu'il soit réformé, me chargent de demander que l'Assemblée nationale décrète que désormais les intérêts des sommes dues seront payés après la condamnation du débiteur, à compter du jour de la demande en justice.
Cette proposition est ajournée.
M. ***, député du Havre, présente premièrement 4,940 livres de la part des officiers et capitaines de navire de ce port; secondement 34,000 livres en argenterie et bijoux de la part des habitants, et l'engagement de payer comptant, au 1er avril prochain, la contribution patriotique. Il rend compte ensuite d'une circonstance qui donne des inquiétudes à cette ville.
Une milice nationale y était établie; une compagnie de volontaires, indépendante de ce Corps, paraît vouloir s'y former une seconde fois, après s'être déjà détruite elle-même. On Craint qu'il n'existe entre ces deux corps une mésintelligence qui pourrait produire des effets très-fâcheux, et la ville du Havre demande que l'Assemblée nationale empêche cet établissement.
M. *** fait la même observation pour la ville de Meaux.
Plusieurs membres proposent d'étendre à tout le royaume le décret qui doit être rendu à ce sujet.
Dans l'état âctiiel de la France, et dans l'ignorance où nous sommes des circonstances de l'élection des volontaires des différentes villes, nous devons nous borner à prononcer pour le Havre.
Cet avis est adopté, et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera sursis à l'exécution de l'établissement d'aucun corps de volontaires au Havre, autre que la garde nationale bourgeoise qui y existe, jusqu'à ce qu'elle ait organisé toutes les municipalités et milices nationales du royaume. »
fait lecture d'une lettre de M. le garde des sceaux, accompagnant l'envoi de la note dont voici l'objet :
Ce ministre est consulté par un grand nombre e magistrats sur l'exécution des décrets relatifs
à l'exportation et à la circulation des grains. La liberté, entièrement rendue aux vendeurs, paraît autoriser la vente des grains dans les greniers; cependant il était ordonné^ par des règlements qui ne sont pas révoqués, que quiconque aurait des blés en magasin, serait tenu de les porter au marché. D'après cette espèce d'opposition entre les décrets et les règlements, les magistrats ne savent quel parti ils doivent prendre.
M. le garde des sceaux n'a pas voulu leur répondre sans s'informer des intentions de l'Assemblée. Il pense toutefois que les circonstances qui ont décidé à faire ces règlements, étant les mêmes, peuvent déterminer à les conserver.
Le comité des recherchés est chargé de beaucoup de pièces relatives aux subsistances; il en rendra incessamment un compte qui peut éclairer l'Assemblée sur l'objet du mémoire du ministre, .le propose de renvoyer cette note au comité des recherches, et d'ajourner à jeudi.
est chargé par sa province de demander que les débiteurs des rentes en grains soient autorisés, pour cette année seulement, à payer ces rentes en argent.
M. *** propose de supprimer avec indemnité tous les droits perçus sur les grains dans les marchés.
L'Assemblée ajourne toutes ces motions à vendredi, et les renvoie au comité des recherches.
, évéque de Çlermont, dénonce un livre intitulé : Catéchisme du genre humain, qui a été adressé à tous les députés, comme rempli de blasphèmes contre la religion. Le prélat en cite quelques passages: «Qu'entendez-vous par les religions ? j'entends ce qui a été établi par les plus forts et les plus rusés pour commander par la force au nom d'une idole qu'ils se sont créée. Qu'est-ce que le lien conjugal? C'est la propriété que l'homme a de la femme. » L'auteur trouve cette propriété; aussi injuste que celle d,js terres, et ne voit d'autre moyen de détruire cette injustice que le partage des terres et la communauté des femmes.
Dans une pièce de vers qui termine le volume, et qui est intitulé : Extrait des minutes du Vatican, l'auteur attaque les trois personnes de la Trinité. Il les introduit sur la scène comme des êtres insensés, et les charge de ridicules.
M. l'évêque de Clermont demande que ce livre soit remis au comité des recherches, qui s'occupera d'en connaître l'auteur et l'imprimeur, et qu'il soit ordonné au procureur du roi du Châtelet de faire sur cet objet ce que son devoir lui prescrit.
Ce livre ne nous est pas assez connu pour statuer en ce moment sur la dénonciation. Je propose de le renvoyer au comité a es rapports, en se conformant ainsi à ce qui a été fait au sujet de M. l'évêque de Tréguier, qui, sous un autre sens, était plus dangereux encore.
L'Assemblée adopte cette opinion.
M *** rend compte, au nom du comité des rapports, d'une demande de M. de Renaud, gentilhomme lyonnais.
Le comité permanent de Yalenciennes et celui du Pont-de-Beauvoisih ont arrêté, l'un une grande quantité d'argenterie qui passait à Bruxelles pour M. le comte de Duras; l'autre, 400 marcs qui étaient envoyés à M. de Renaud en Savoie. Ce gentilhomme demande que cette saisie-arrêt soit levée.
Une nation n'a pas le droit d empêcher un propriétaire de transporter son argenterie qui est un mobilier qui suit la personne.
Dans les circonstances actuclles, il faut distinguer les ouvrages envoyés par les artistes et Ceux emportés par les particuliers. Le comité des recherches a reçu des dénonciations de plusieurs envois d'or et d'argent Chez l'étranger, el. des particuliers réfugiés ne peuvent pas ainsi nuire à leur patrie.
aîné, se fonde sur la déclaration des droits pour autoriser le transport à l'étranger de l'argenterie qui a été arrêtée.
, se fondant sur les circonstances particulières, différentes des intérêts commerciaux et de la déclaration des droits de l'homme, demande le renvoi de Cette affaire au comité des recherches.
Cette motion est adoptée.
M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures et demie du matin.
à la séance de VAssemblée nationale du 4 novembre 1789.
MOTION DE M. le marquis de Châteaiineuf Raudon, député du Gévàudan, SUR LA DIVISION DU ROYAUME (1).
Messieurs, votre opinion, sans doute déjà fixée sur la grande et importante question de diviser le royaume et les provinces en plus ou moins de départements, me dispensera de passer trop d'instants à discuter les différents moyens que les honorables préopinants ont suffisamment développés, pour vous démontrer la nécessité de Je diviser sur des bases de localité, de population et des proportions plus justes et plus relatives aux changements heureux que viennent d'opérer votre énergie et votre courageux patriotisme : mais je crois que pour y parvenir, il est des préalables nécessaires sans lesquels votre détermination à opérer et jeter les fondements de cette juste répartition de l'empire français, deviendrait infructueuse, s'ils n'étaient pas remplis.
Cinq plans vous sont donc proposés pour cette juste et nécessaire répartition ; savoir :
1° Celui de votre comité, en 80 ou 8i départements, composés chacun de 720 communes, et de 6,480 cantons.
2° Celui de M. Aubry du Bochet, en 200 et tant de départements.
3° Un autre encore de lui, en 110 départements.
4° Celui de M. le comte de Mirabeau, en 120 départements.
5° Celui de M. Pison du Galand, en 30 départements.
Un des plus ingénieux sans doute, est celui de votre comité de constitution, qui a cherché à en établir les principales bases sur l'égalité de
l'influence qui est essentielle à chaque individu : mais je suis lâché qu'il se soit entièrement enfermé dans la seule et irrévocable opinion, soit des 80 départements, soit en établissant un intermédiaire entre les assemblées primaires de cantons et celles des départements; parce que je trouve :
1° Que par cet intermédiaire, les véritables représentés seront trop loin de leurs représentants et que le peuple n'aura point un intérêt assez direct à l'administration publique;
2° Que par le nombre de ces 80 divisions, le département fera encore une trop grande masse pour pouvoir obtenir l'avantage désiré, el favoriser quantité de villes ou de pays déjà administratifs par eux-mêmes, comme le Gévàudan, le Vivarais et le Velay, pays immenses par le séjour de leurs montagnes, et qui tant par cette première raison, que par leurs localités particulières, ont lieu de prétendre à faire chacun un département, tandis que, par le nombre de 80 proposé par le comité, ces trois pays que leurs "montagnes reudent immenses, surtout le Gévaudan, qui comprend la plus grande partie des Céven-nes, n'en font que deux, et que ce dernier encore y parait entièrement morcelé.
Celui de M. Pison du Galand, en 30 départements seulement, a le même inconvénient de -laisser les masses trop grandes.
Celui de M. Aubry du Bochet, en 200 et tant (quoique bien plus subdivisé), ne me paraît cependant pas toucher encore au terme moyen nécessaire, tant sous les rapports politiques et économiques, qu'ecclésiastiques et judiciaires, parce que les principes de l'Assemblée étant de diminuer le nombre d'évêchés maintenant existants, et devant nécessairement en établir un dans chaque département, cette diminution ne serait pas exécutée au point où il me paraît qu'elle doit l'être : d'un autre côté, comme je pense aussi qu'il faut une cour de justice supérieure dans chaque département, elles seraient aussi trop multipliées par ce nombre de 200 et tant. Ainsi ce plan ne paraît pas devoir s'adapter aux principes de l'Assemblée ; mais son dernier plan, réduit à 110 départements, aurait plus d'avantage, en ce qu'il se rapproche davantage de Celui de M. Mirabeau, qui est celui que, par la nature de mes principes, j'adopterai de préférence, parce que les 120 départements me paraissent beaucoup plus analogues aux principes généraux, et aux avantages" que beaucoup de villes et dé pays ont lieu d'attendre par leur position locale, que d'ailleurs l'intérêt du peuple est plus direct satis intermédiaire entre les assemblées primaires et lès assemblées^de départements; que, de plus, dans chacun desdits départements, il pourra s'établir sans inconvénient un seul diocèse et une cour supérieure.
Cependant, je ne vois pas encore l'Assemblée assez pénétrée de la force de tous les différents raisonnements que ces honorables auteurs de projets oht éiablis, pour espérer de lui voir prendre une détermination assez prompte, et Cependant nécessaire pour arriver au travail des assemblées provinciales et dés municipalités qui sont attendues avec une si vive impatience dans "tout le royaume, parce qu'elle trouvera toujours un obstâcfe Insurmontable à cette division, tant qu'elle ne se sera pas expliquée sur les dettes des provinces, dont votre comité Vous a fait pressentir la possibilité de tes dëcréter communes entre tout le royaume.
Au seul mot de divisiôn dii royaume, et dès
provinces, une infinité de personnes, conduites par cette difficulté insurmontable de leurs dettes et de leur difficulté à se répartir, oubliant les principes déjà établis dans nette Assemblée, et ne pouvant par conséquent pas se soumettre aveuglément aux raisonnements irréplicables de votre comité, pour la nécessité de celte division, se sont récriées, et l'ont trouvée singulièrement chimérique et impraticable, sous l'aspect des rapports économiques, pécuniaires et commerçants qui lient la masse d'une province entre elle et assujettit toutes ses parties, soit à des avantages communs, soit à des dettes solidaires.
En effet, Messieurs, sous un te) aspect, cette division qui, dans tous ses rapports, est indispensable, devient aussi impossible si vous ne décrétez pas d'abord que toutes les dettes de chaque province, faites tant pour le compte du Roi que pour la confection des grandes routes et l'utilité générale de toutes, feront masse commune avec les dettes et les charges de l'Etat, pour être réparties également dans le royaume.
En vain, Messieurs, vous récrierez-vous contre cette motion expresse que je fais, et croirez-vous injuste de voir participer quelques-unes de nos provinces à des dettes qu'elles n'auraient pas ordonnées; mais plus ou moins cependant toutes les vôtres en ont fait à proportion de leur crédit, soit pour le compte du gouvernement, soit pour leurs grandes routes, utiles à la circulation et au commerce du royaume, ou ne sont pas venues directement au secours de l'Etat dans les circonstances épineuses de l'ancienne administration. Ainsi, ayant déjà décrété et mis les dettes de l'Etat sous la sauvegarde de la nation ; ayant établi la fraternité entre toutes les provinces," par l'extinction de leurs privilèges ; voulant détruire la grande masse de leurs monstrueux corps, qui est réellement nuisible à chacune d'elle, mais dont elles seraient cependant obligées de supporter encore les funestes inconvénients, si ma motion n'était pas agréée , ou autrement la division ne produirait pas l'effet désiré ; ne conviendrez-vous pas qu'il est donc nécessaire de commencer par confondre dans la grande masse du royaume les intérêts pécuniaires de chaque province en particulier ? Autrement vous auriez toujours le vice des grands corps administratifs, que l'intérêt pécuniaire, indivisible, obligera de laisser subsister.
Sans ce préalable, Messieurs, qui n'a pas d'inconvénient, depuis que vous avez décrété :
1° Que les créanciers de l'Etat seraient sous la sauvegarde de la nation ;
2° Que les biens du clergé, sans distinguer leur localité, seraient à la disposition de la nation entière ;
3° Que l'aliénation des domaines, ainsi sans doute que vous le jugerez à propos, sera décrétée ; gardons-nous de nous abuser; nous ne parviendrons pas à détruire ces grands corps de provinces, si nuisibles au bonheur de la France; et leurs représentants, obligés d'être nécessairement contraires à leur division, par la difficulté de prévoir l'égale répartition entre elles, de la niasse de leurs dettes et de leurs avantages, à proportion de l'utilité qu'ellles en auront retirées, n'auront plus de raison de pouvoir s'opposer utilement à la division des grandes administrations ; car, à proprement parler, on ne peut pas appeler ces divisions, celles du royaume ni des provinces, puisque les provinces n'en auront pas moins leur même dénomination et leurs mêmes limites; leurs murs, ieurs habitudes n'en seront
pas moins conservées, par conséquent cette opération ne peut être envisagée que comme de grandes administrations reconnues vicieuses et trop étendues, divisées en plusieurs parties, de manière qu'elles seront plus faciles à régir, et surtout du laboureur et de l'habitant des campagnes, trop longtemps éloignés d'elles.
Si donc les dettes des provinces devenaient communes, et que les plans des grandes routes du royaume, utiles pour la circulation générale et pour le commerce, fussent décrétés devoir être déterminés dans l'Assemblée nationale permanente, pour être compris dans la masse des charges qu'elle imposerait à chaque législature ; en vain alors les bailliages et sénéchaussées de la province du Languedoc, par exemple, ne sauraient nullement se refuser à une division quelconque, surtout les sénéchaussées et bailliages des pays du Vivarais, du Velay et du Gévaudan, faisant partie considérable de cette province : ce dernier surtout que j'ai l'honneur de représenter, parce que, éloigné du centre de cette province, d'un climat bien différent, d'une stérilité bien plus grande, au lieu d'être imposé au dix-huitième comme dans l'administration de cette province, dont cependant il ne faisait qu'une trentième partie, ne sera vraisemblablement jamais imposé au delà de sa proportion d'étendue et de moyens, quand il le sera par l'Assemblée nationale; parce que depuis le xve siècle que le gouvernement crut devoir réunir l'administration particulière de ce pays à celle de la province du Languedoc, il a toujours contribué, dans cette fausse base, aux grandes routes de la province, sans avoir pu obtenir, dans son centre, de passage ni d'ouverture de ses montagnes, si ce n'est à ses frais particuliers ; routes qui cependant eussent été plus courtes, plus économiques, plus utiles pour la circulation, pour le commerce et pour les voyageurs, que toutes celles qui ont été faites par des intérêts particuliers ou spéculatifs d'agents administratifs.
Ainsi, ce malheureux pays, naturellement circonscrit par les bornes majestueuses que la nature lui a données dans l'élévation de ses montagnes, trop longtemps sacrifié aux autres pays et diocèses de la province du Languedoc, situés sous déplus doux climats, à qui cependant nos montagnes sont de la plus grande utilité, tant pour leur fournir des grains, des huiles de noix, des châtaignes, des bestiaux gras pour la boucherie, des mules, des chevaux et des étoffes de serge, que pour la nourriture de leurs propres bestiaux mêmes, que les chaleurs excessives de leur climat ne sauraient y laisser subsister pendant l'été ; ainsi, dis-je, ce malheureux pays, après avoir été oublié en chemin par l'administration vicieuse de cette grande province, à qui cependant il était si utile, venait-il enfin depuis deux ans d'obtenir quelque regard de justice, par le projet de deux grandes routes du royaume qui doivent le traverser, et qui même sont déjà commencées ; mais ce ne sera cependant pas une raison pour lui de tenir à cette grande administration, parce que ces routes étant arrêtées, commencées et prouvées être extrêmement utiles pour différentes parties du royaume, seront de même sans doute continuées, par le résultat de la combinaison politique des grandes routes du royaume, que l'Assemblée nationale trouvera dans sagesse.
Ainsi, les Gevaudannois ne peuvent que gagner à voir toutes les parties de la France unies dans une même famille et n'auront plus besoin de l'intermédiaire dù titre de Languedociens pour être
Français. J'adhère donc d'abord, sans restriction, en leur nom, à la division de l'administration de la province duLanguedoc, si vous l'adoptez préalablement pour tout le royaume, malgré l'opinion contraire imprimée de mes co-députés des communes; mais aussi j'ai l'honneur de vous proposer de décréter que toutes les dettes de chaque province, laites tant pour le gouvernement, que pour l'ouverture des grandes routes, et de l'utilité commune des provinces, seront, dès à présent, tant pour le passé que pour l'avenir, communes à toute la nation; et que, quant aux intérêts indivisibles, il y sera pourvu paria nation elle-même, de la manière qu elle avisera, pour tourner à son profit commun.
Je n'adhère pas à la motion de M. le comte de Vaudreuil, député de la sénéchaussée de Gastel-naudary, en corps de 84 députés de la province, comme plusieurs honorables membres de cette province ont cru devoir l'annoncer (1) ; mais comme représentant de la nation française, qui désire, pour perfectionner l'ouvrage que vous entreprenez, qu'après les établissements des différents départements, ou des diverses administrations du royaume, toutes celles résultantes de chaque province aient la réserve, après la formation de leurs nouvelles divisions, deux mois avant la première législation, de se réunir dans un lieu désigné, mais par le moyen d'un ou de deux députés seulement par département, ponr se résumer sur les différents points de leur division, concilier les divers intérêts que chacune d'elles ne pourrait diviser, par des raisons morales ou physiques de localité. Je me résume donc, et j'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant :
L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
1° Que pour faciliter et opérer plus prompte-ment la division indispensable des grandes administrations des provinces du royaume trop longtemps éloignées des vrais contribuables, les dettes de toutes les provinces du royaume, faites tant pour le compta du gouvernement que pour celui de l'administration générale de chacune d'elles, seront confondues les unes avec les autres, pour faire masse commune avec celles de l'Etat ;
2° Que toutes acquisitions, toutes charges, tous établissements et tout revenu quelconque perçu au profit de la totalité de chaque province, sero'nt dorénavant régis et administrés ou aliénés au profit de la nation entière, de la manière qu'elle l'avisera ;
3° Que tous les administrateurs actuels de chaque province feront incessamcnt passer le relevé de leurs dettes à l'Assemblée nationale, pour être comprises dans la masse générale de celles de la nation ;
4° Que dorénavant toutes les grandes routes projetées par l'administration générale de chaque province, seront suivies sans aucun changement et réparties à l'avenir sur tout le royaume.
Ce décret passé, Messieurs, je ne crois pas qu'il y eût quelque opposant à la division proposée en plus ou moins de départements ; du moins le crois-je susceptible de lever les obstacles des dettes, des chemins, des acquisitions et des établissements particuliers qui lient chaque partie d'une grande province entre elles et qui forcent ceux qui désirent le plus leur division, de ne pas y accéder. Par ce moyen, plus de prétexte pour s'opposer à une division si essentielle.
Ce décret passé, alors si les plans paraissent à l'Assemblée assez suffisamment discutés pour balancer celui du comité de constitution, je demanderai la priorité pour celui de M. de Mirabeau, parce qu'il me semble réunir le plus d'avantages pour être mis aux voix avec celui du comité. Si enfin l'Assemblée ne se croit pas en état d'aller aux voix sur cette importante question, je demande que M. de Mirabeau et les auteurs des différents plans soient adjoints au comité de constitution, pour concilier leurs vues les unes avec les autres, être pris par lui en considération, pour être incessament portés à la décision de l'Assemblée, sans cela nous ne terminerions peut-être jamais utilement.
Ce décret passé, je ne vois plus d'opposition pour marcher à grands pas au terme heureux de la recréation de cet empire. Il a fallu franchir bien des obstacles pour parvenir à détruire ces détestables et antiques fondements, mais en vain, Messieurs, croiriez-vous en avoir fait assez et en refaire encore, si vous ne préveniez pas par votre sagesse, et n'écartiez pas promptement les difficultés immenses que rencontreront toujours dans l'intérieur des provinces les répartitions de leurs dettes communes, et encore plus l'impossibilité de répartir, entre toutes les divisions d'une même administration de province, les avantages qui lui étaient connus et ne pourront plus le lui être. Rassurons donc, Messieurs, à cet égard nos commettants, déjà si étonnés de nos élans, de nos efforts et de notre courage, qu'ils doutent encore si notre ouvrage sera assez généralement parfait, pour obtenir le succès certain qu'ils désirent si ardemment.
Au nom du zèle pur qui vous anime tous, ne dédaignez donc pas de fixer un instant votre attention sur les divisions intestines qui résulteraient indispensablement pour chaque province à pays d'états que vous voulez diviser, relativement à la quotité des répartitions des dettes communes de ces provinces, dans chacune de ses parties. Bientôt chacune d'elles se dirait : Notre association politique, commerçante et économique est détruite; nous n'avons plus rien de commun à cet égard ; ce n'est point nous qui avons contracté ces dettes immenses et solidaires; ce ne sont pas nos vrais représentants ; ce n'ont été que de vains fantômes d'Etat ; ce n'ont été que de chimériques administrateurs nés, qui, la plupart du temps ont malversé nos fonds et nos caisses, et dont la providence nous a fait justice. D'autres vous diraient encore: Nous étions injustement répartis dans la masse administrative de la province, nous étions imposés au dix-huitième, tandis que nous ne devions l'être qu'au trentième ; depuis un temps immémorial nous contribuons à payer des dettes et à faire des dépenses, aux avantages desquelles nous n'avons pas participé. Enfin toutes, ou la plupart, fondées sur des raisonnements pareils, s'écrieraient et s'écrient même déjà: Justice nous est rendue, nous retrouvons les droits sacrés des hommes libres et des Français réunis en une seule et même famille, imposés proportionnellement à leurs moyens ; les laboureurs, ces braves et précieux nourriciers de l'Etat, se disent déjà tous entre eux : Nous avions gémi sous l'oppression des charges que nos fortunes particulières suffisaient à peine pour remplir, nous en sommes délivrés ; nous avons un département sous nos yeux, des assemblées de canton et de district, nous jouirons enfin directement, par nos représentants, des bienfaits et des vertus du monarque chéri qui nous gouverne, et dont
nous ne jouissions auparavant que par des intermédiaires inabordables, de l'arbitraire et du despotisme affreux desquels son courage paternel vient de nous délivrer.
Plus de privilège abusif ni pécuniaire dans le royaume, plus de ces corps à mainmorte dont les grands biens superflus, et au delà de ce qui sera nécessaire pour la vie aisée de ceux qu'on laissera subsister pour le culte divin, pour lesoin des hôpitaux et des établissements utiles, seront aliénés sans distinguer les localités de leur siège, pour payer les dettes communes de la nation : tous les maux et fléaux passés du royaume, étant pour ainsi dire confondus dans un seul et même trésor national, les charges en seront réparties également sur tous les Français à raison de leurs facultés. Ainsi tous les Français, dans toute la surface de cet empire, en même temps qu'ils connaîtront et se soumettront aux nouvelles lois qu'ils se seront données, sauront aussi sur quelles bases pécuniaires ils payeront leurs charges ; car s'il en était autrement, la nouvelle imposition des anciennes provinces et pays d'états, devra nécessairement être bien inférieure à celle de toutes les autres, à raison de leurs charges, et ne pourront jamais subvenir aussi facilement et aussi également que toutes les autres, aux besoins extraordinaires de l'Etat. Je désire donc, Messieurs, pour l'utilité commune et pour mieux perfectionner ce que vous avez fait, comme pour travailler plushardimentencore à ce que vous avez à faire, que vous décrétiez les qualre articles que j'ai l'honneur de vous proposer et que je dépose sur le bureau; autrement je ne pourrai jamais me défendre de la crainte de voir l'intérêt pécuniaire renverser le précieux édifice que vous établissez, et assurément il ne manquera pas de mécontents pour y travailler.
J'ai l'honneur d'ajouter de plus, Messieurs, au nom de mes commettants et de tous mes concitoyens que si, contre l'opinion d'une partie des quatre-vingt-quatre députés de la province qui prétendaient infructueusement rester unis, j'ai assuré au contraire, malgré l'opinion de mes co-députés, les communes, que ces commettants et les leurs suivraient sans restriction la décision de l'Assemblée, comme ils le feront encore, malgré quelques délibérations contraires qui leur ont été sollicitées, mais auxquelles les deux tiers du pays ne veulent point adhérer ; j'en appelle encore' à votre justice pour décider favorablement sur le sort du Gévaudan, pays formé par la nature pour faire un département à lui seul, et auquel il semble qu'un reste de domination de ce qui a toujours fixé l'unique administration de la province, c'est-à-dire les villes de son centre voudraient lui en ôter l'avantage, en ne se prêtant point assez aux moyens de le lui faciliter.
Vous savez, Messieurs, que le comité avait destiné, dans son plan, six départements au Languedoc, et que dans cette répartition, le Gévaudan se trouvait uni ou avec une partie du Vivarais, ou avec Je Velay, tandis que ce pays a presque à lui seul le territoire suffisant pour former le sien ; que le comité en avait tellement senti la nécessité, qu'il en avait ajouté, dans son aperçu un septième.
Mais le décret de l'Assemblée ayant décidé que ces départements se feraient par la réunion des députés de chaque province, il se trouve que ceux des parties centrales ont commencé par déterminer les leurs, et ne se sont point embarrassés de ceux des trois pays du Vivarais, du Velay et du Gévaudan, qui, cependant, tant par leur nature physique
et, morale, que par leur plus grande proximité de la capitale, prise pour base de la division, eussent dû commencer par être déterminés. Cependant il s'y en forme un septième qui, bien loin de rectifier la première erreur, et de donner à chaque pays le sien séparé, tel que la nature et leur antique administration particulière le leur prescrit, semble, au contraire, augmenter l'injustice de préférence accordée à la partie de la province la plus éloignée.
A mon avis ces trois pays doivent nécessairement être d'accord entre eux, et convenir des objets réciproques que, pour l'utilité et la convenance respective, ils pourraient se céder : le Velay, dans sa position actuelle, étant le plus petit, ayant par conséquent besoin de beaucoup plus, demande quelque partie du Gévaudan, que celui-ci, quoique satisfait de sa contenance actuelle, lui céderait, si d'un autre côté, le départementale Nîmes lui donnait ce qu'il a de trop, pour remplacer ce que des sentiments de fraternité lui font consentir à céder; le comité y consent, mais Nîmes n'agit pas aussi fraternellement : en conséquence, j'ai l'honneur de réclamer votre justice, en cas que la décision en soit portée à l'Assemblée, pour que les départements tant de Nîmes que de Montpellier, ainsi que tous les autres de la province, dont l'analogie est à peu prés la même, en soient réduits à leur jaste contenance, ou ne soient formés qu'après ceux des trois pays du Gévaudan, du Vivarais et du Velay, qui toujoursayaot été distincts de l'analogie physique et morale du reste de la province, et ayant même une diffé-renceentre chacund'eux, doivent nécessairement, dans ce nouvel ordre de choses, conserver plus que jamais les avantages de leur ancienne et Unique administration, que vers le quinzième siècle, une politique spéculative du gouvernement rendit subordonnée à celle delà province du Languedoc.
Je demande encore, qu'en cas que mon projet de décret pour confondre toutes les dettes des provinces, de quelque nature qu'elles soient, dans la masse commune de celles du royaume, ne fût pas accueilli par l'Assemblée, les trois pays, surtout le Gévaudan, plus disgracié de la nature et plus dénué de ressources que les autres, ne soient tenus de prendre leur portion distributive de celles de la province du Languedoc qu'au prorata, tant de leur ancienne étendue, et non de la quotité ancienne de leur imposition, que de leurs facultés, et des avantages qu'ils auront pu retirer des dépenses particulièresdelaprovince,à l'exception cependant des dettes faites pour le compte du gouvernement, qu'ils ont à cesser de payer fraternellement, à raison de leur étendue, population et ressources actuelles.
Séance du
Il a été fait lecture du procès-verbal d'hier.
On a lu ensuite différentes adresses :
L'une de la commission intermédiaire du Dau-phiné, qui annonce que l'assemblée indiquée à Romans pour le 2 novembre est remise au 14 dé-
cenibre, et n'aura pour objet que le choix des membres de remplacement à l'Assemblée nationale et la répartition des impôts;
L'autre, de la commune de Cosne, qui fait part de l'élection d'un commandant de la garde nationale ;
La troisième, de la milice nationale de Selon-gey en Bourgogne, qui promet de protéger la libre circulation des grains et l'exécution des décrets de l'Assemblée *
La quatrième, de la commune de Saint-Dié, qui contient hommage et adhésion, et qui demande 400 fusils ;
La cinquième, de plusieurs maisons de religieux bénédictins de la province de Franche-Comté, dont l'une, celle de Saint-Vannes, offre d'abandonner tous ses biens à la nation, sous la condition d'une pension convenable aux religieux.
Un membre du comité de constitution a fait lecture, conformément à l'arrêté du jour d'hier, des articles de Constitution décrétés depuis le 5 octobre, pour qu'ils soient présentés à l'acceptation du Roi.
L'Assemblée a arrêté que dans le décret du 8 et du 10 octobre, concernant la promulgation, il sera ajouté que la copie littérale du décret sera insérée sans addition ni observation.
L'Assemblée a reconnu que c'est par omission que le procès-verbal du 8 octobre n'a pas fait mention du décret pris à la date de ce jour, en ces termes : Les signature, contreseing et sceau seront uniformes pour tout le royaume, et en conséquence il a été décidé qu'il serait rétabli.
Le décret pris le même jour, 8 octobre, oublié dans le procès-verbal, et rapporté dans celui du 26 octobre suivant, au sujet de l'expédition des lois sanctionnées à déposer aux archives, a été joint aux articles de Constitution qui vont être présentés à l'acceptation royale.
Un membre du comité de constitution a fait lecture de la rédaction ordonnée le 10 octobre, relativement à l'intitulé des décrets sanctionnés et à l'époque à laquelle ils doivent être mis à exécution. Cette rédaction a été approuvée, et les articles suivants seront présentés à l'acceptation avec les articles ci-devant décrétés.
« Les décrets sanctionnés par le Roi porteront le nom et l'intitulé de lois; elles seront scellées et expédiées aussitôt après que le consentement du Roi aura été apposé au décret.
« Elles seront adressées à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités.
« La transcription sur les registres, lecture, publication et affiches, seront faites sans délai, aussitôt que les lois seront parvenues aux tribunaux, corps administratifs et municipalités, et elles seront mises à exécution dans le ressort de chaque tribunal, à compter du jour où ces formalités y auront été remplies. »
a ensuite fait lecture d'une lettre de M. le garde des sceaux, par laquelle il demande des éclaircissenents sur la forme de l'envoi des lois, et exprime le plus vif désir pour l'établissement de la plus intime confiance entre l'Assemblée nationale et le pouvoir exécutif. L'Assemblée a jugé que les articles qui vont être présentés à l'acceptation du Roi, satisfaisaient à toutes les questions du ministère.
, secrétaire, a rendu compte d'une
autre lettre de M. le garde des sceaux, dans laquelle, écrivant aux officiers d'un bailliage, il paraît douter si, pour la nomination régulière des suppléants, il suffit de réunir ensemble les électeurs du clergé, de la noblesse et des communes.
dit : Comme il ne reste plus d'ordres, vous voulez qu'il n'en reste pas trace dans la nomination des suppléants; or la réunion des différents électeurs laisse exister en apparence les trois ordres réunis. Il faut que, s'il y a un suppléant à nommer, les citoyens réunis sans distinction, nomment des électeurs, autrement c'est procéder en ordres réunis.
Vous devez donc statuer qu'il n'y a plus en France aucune distinction d'ordres, et qu'au cas de nomination de suppléants ou de députés, tous les citoyens éligibles, suivant le règlement du 24 janvier dernier, nommeront individuellement leurs représentants.
rappelle le bel exemple donné par la noblesse de Moulins qui a accepté un suppléant des communes pour remplacer M. le comte de Douzon, démissionnaire. 11 trouve que la lettre du garde des sceaux est conforme au décret du 15 octobre, mais, comme il y aurait danger à rassembler les électeurs des trois ordres, il pense qu'il faut suivre provisoirement pour la session actuelle le règlement du 24 janvier dernier.
appuie les considérations développées par M. Target. On laisserait autrement, dit-il, une règle de proportion entre les différents ordres. Or, on sait que les communes n'ont pas eu une représentation suffisante relativement aux ci-devant privilégiés.
L'Assemblée charge M. Target de présenter un projet de décret.
insiste vivement pour qu'on insère dans le décret qu'il n'y a d" éligibles que les citoyens actifs,
réfute cette opinion en disant que le décret sur les qualités nécessaires, pour être citoyen actif, étaient trop contraires aux véritables principes de la justice et de la représentation en exigeant un marc d'argent et en excluant les fils de famille pour qu'il fût possible de le mettre à exécution.
La proposition de M. Sallé de Choux mise aux voix a été rejetée.
se plaint du despotisme que les lieutenants-généraux des bailliages ont exercé dans les élections. Il propose que les électeurs soient autorisés à choisir leur président et autres officiers.
Cet amendement est adopté.
présente un amendement ayant pour objet d'exprimer que l'élection des suppléants n'aura lieu que dans le cas de mort ou de démission des députés.
Les voix prises, cet amendement est également adopté.
, secrétaire, donne lecture du projet de décret avec les amendements adoptés par l'Assemblée. ¦
Le décret mis aux voix est adopté en ces termes :
« Il n'y a plus en France de distinction d'ordres : en conséquence, lorsque, dans un des bailliages qui n'ont point nommé de suppléants, il s'agira d'en élire à cause de la mort ou de la démission des députés à l'Assemblée nationale actuelle, tous les citoyens qui, aux termes du règlement du 24 janvier, et autres subséquents, ont le droit de voter aux assemblées élémentaires, seront rassemblés, de quelque état et condition qu'ils soient, pour faire ensemble la nomination médiate ou immédiate de leurs représentants, soit en qualité de députés, soit en qualité de suppléants. Les électeurs auront la liberté d'élire leur président et autres officiers, Le présent décret sera porté sur-le-champ par M. le Président à l'acceptation royale. »
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division du royaume en départements.
: J'ai présenté, il y a quelque temps, le plan d'une division du royaume en 203 parties. J'adopte celle qu'a proposée M. le comte de Mirabeau, et je l'ai exécutée sur la carte (1).
Je demande : 1° que l'Assemblée nomme un comité de cinq personnes pour vérifier tous les plans de cette espèce ;
2° Qu'il y soit adjoint des gens éclairés, et que ce comité soit appelé comité de cadastre ;
3° Que la discussion soit ajournée après cette vérification.
, Messieurs, votre comité de constitution vous a présenté les bases d'une division nationale, d'une représentation personnelle, et le plan d'une administration patriotique.
Un système, aussi ingénieux que profond, vous a tracé la marche que vous devez suivre pour faire participer tous les habitants de ce vaste empire à la formation des lois auxquelles ils veulent obéir, et pour fixer, par des règlements uniformes, la division du royaume, et l'organisation des corps politiques, dépositaires de la confiance publique, et chargés de faire valoir les intérêts des peuples.
En rendant au travail de votre comité le juste tribut d éloges et de reconnaissance qui lui est dû, qu'il me soit permis de contredire ses principes par des faits, et d'opposer la pratique à la théorie.
J'entreprends de vous prouver que le plan de division, de représentation et d'organisation quou vous a proposé, ne repose pas sur des hases solides et constitutionnelles.
Pour procéder avec méthode, j'établis d'abord des principes qui me paraissent incontestables.
Une représentation est imparfaite, lorsque tous les citoyens actifs ne peuvent pas être représentés. Premier principe.
Une représentation est inadmissible, lors-quelle ne protège et ne défend pas également les droits de tous les citoyens. Second principe.
Une combinaison politique est impraticable, lorsqu'elle forme des divisions égales
qui donnent des résultats inégaux, lorsqu'elle établit des corps politiques uniformes,
qui ne présentent aucune uniformité dans la nature de leurs fonc-
Enfin, l'organisation d'un corps politique est vicieuse, lorsque, sous quelque point de vue qu'on l'envisage, elle ne peut garantir la sûreté ni la tranquillité publique. Quatrième principe.
En faisant l'application de ces quatre principes au plan de votre comité de constitution, j'espère pouvoir vous démontrer que le génie a quelquefois besoin des lumières de l'expérience.
Je dis d'abord que le projet de représentation de votre comité est imparfait, parce que tous les citoyens actifs ne peuvent pas, d'après ce plan, être représentés.
Votre comité vous propose de partager la France en 81 départements, chaque département en 9 communes, chaque commune en 9 cantons, et chaque cantons en assemblées primaires. Je pourrais d'abord observer que les ressorts de cette combinaison politique sont tellement compliqués, qu'il serait bien difficile d'en diriger le mouvement: mais j'abandonne tous les raisonnements, pour m'appuyer uniquement sur les faits.
L'article 6 du plan proposé par le comité porte que, dans chaque canton, il y aura au moins une assemblée primaire. L'article 8 dit que chaque assemblée primaire sera au moins de 450 votants. Enfin, l'article 11 dit que chaque assemblée primaire députera un membre sur 200 votants.
Les membres du comité de constitution ne connaissent sûrement pas les provinces de l'intérieur du royaume ; ils ne savent pas que, dans Plusieurs cantons des provinces du Berry, de 1 Orléanais, du Poitou, etc., dans un espace de 2 lieues sur 2 lieues, non-seulement on ne trouverait pas 420 votants pour composer une assemblée primaire, mais qu'on ne pourrait pas même reunir 200 votants. D'après cela, si la population d un canton ne s'élève pas à 200 votants qu'exige la loi de la représentation, alors un canton tout entier ne pourra pas envoyer un représentant à 1 assemblée communale. Alors, si le nombre des citoyens actifs d'un canton n'est que de 180 votants, il y aura 180 citoyens actifs qui ne seront pas représentés.
Mais je vais encore plus loin. Dans les provinces que je viens de citer, il y a très-peu d'habitants des campagnes qui soient propriétaires ; ils sont presque tous ou métayers ou locataires. Je viens de vous prouver que, d'après le plan qui vous est proposé, les colons d'un canton pauvre et desert, dont la population ne s'éleverait pas à 200 votants, ne seraient pas représentés. Je vais vous prouver que les propriétaires ne le seraient pas davantage.
L'article 4 du projet de votre comité porte que pour etre citoyen actif, il faut être domicilié dans le canton, et qu'il faut en outre payer une contribution directe de la valeur de trois journées. La majeure partie des propriétaires habite les villes, et tire tout son revenu des campagnes. Ces propriétaires ne pourront pas exercer le droit de citoyen actif dans les campagnes, parce qu'ils n'y sont pas domiciliés ; ils ne pourront l'exercer dans les villes, parce qu'ils n'y payeront aucune imposition directe, puisque la capitation est actuellement cumulée avec la taille : ainsi, d'après Ie Pj.*- Pr0P0sè, ni les colons, ni les propriétaires de différents cantons des campagnes ne seront point représentés, et ne pourront jouir du droit précieux de citoyen actif.
J'ai donc eu raison de dire que le projet de représentation de votre comité est imparfait, parce
que tous les citoyens actifs ne peuvent pas, ' d'après ce plan, être représentés.
Mais je suppose qu'avec des amendements on r puisse parer à cet inconvénient majeur ; je dis que le projet de représentation est encore inadmissible, parce qu'il ne protège et ne défend pas également tous les citoyens de l'empire : second ~-e principe que j'ai avancé.
Les articles 13, 14 et 15 du plan de votre comité portent que chaque assemblée communale enverra à l'assemblée de département trois députés, ^ à raison du territoire, et qu'elle enverra en outre autant de députés qu'elle aura de vingt-septièmes portions de la totalité de la population du département, et encore autant de députés qu'elle aura de vingt-septièmes portions delà totalité de la contribution du département.
J'observe en passant que la machine, au lieu de se simplifier, va toujours en se compliquant; ce qui est déjà un premier inconvénient.
Mes concitoyens des campagnes me pardonneront encore si je dis qu'ils auront de la peine à concevoir et à observer cette combinaison, plus ingénieuse que praticable.
Quoi qu'il en soit, il résultera de cette combinaison, que les communes les plus peuplées, et par conséquent les plus fortes en contribution, fourniront plus de représentants à l'assenablée du département, et, par une conséquence nécessaire, chaque commune sera inégalement représentée.
Or, je soutiens que si on divise chaque dépar-h tement en 9 communes, comme on vous Je propose, il est injuste et impolitique que chaque commune ne soit pas également représentée, quelles que soient sa population et sa contribu-A tion ; je vais le démontrer.
Lorsque les intérêts confiés à différents représentants sont en opposition, il est de justice rigou-jeuse que chaque représentation ait une force égale; et qu'elle puisse opposer une résistance égale; s'il en était autrement, les parties les moins représentées seraient facilement et néces-sairement opprimées par celles dont la représentation serait plus forte.
Une des fonctions les plus importantes des assemblées de département sera de répartir les s impositions entre les 9 communes : il y aura donc entre elles une opposition d'intérêt; mais il ne faut pas que du choc de ces intérêts il résulte des oppresseurs et un opprimé : il est de toute justice que chacun de ces intérêts opposés soit également balancé, également défendu, également protégé par la Constitution, afin de maintenir l'équilibre, et qu'une partie ne soit pas écrasée par ^ l'autre. Ce serait donc mettre le plus faible à la merci du plus fort, que d'établir l'inégalité de la représentation de chaque commune à l'assemblée de département.
Ce principe de justice, Messieurs, est consacré par l'exemple des nations étrangères, qui sont les Iilus jalouses de la liberté et de l'égalité. La Hol-ande, la Suisse, l'Angleterre et tous les pays où l'administration est confiée à des représentants, n'admettent aucune différence entre le nombre des représentants, quoique la masse des intérêts qu'ils ont à défendre soit différente.
Ce que je viens de dire de l'inégalité de représentation des assemblées communales aux assemblées de département, je pourrais le dire avec autant de justice, de l'inégalité de représentation des assemblées de département à l'Assemblée nationale.
Ce n'est donc pas sans raison que j'ai dit que
le projet de représentation de votre comité était inadmissible, parce qu'il ne protège et ne défend pas également les droits et les intérêts de tous les citoyens de l'empire.
J'ai avancé un troisième principe, en disant qu'une combinaison politique est impraticable, lorsqu'elle forme des divisions égales qui donnent des résultats inégaux, lorsqu'elle établit des corps politiques uniformes qui ne présentent aucune uniformité dans la nature de leurs fonctions et l'importance de leur utilité.
L'article premier du plan proposé porte que la France sera divisée en parties égales, chacune de 324 lieues carrées.
J'avoue, Messieurs, que je ne suis point du lout de l'avis de ceux qui veulent rompre tout à coup les affections et les habitudes nationales, qui croient pouvoir commander au génie, aux usages et aux coutumes des peuples, et les faire plier, à leur gré, sous le joug de leurs volontés particulières ; qui précipitent la loi, au lieu de la préparer ; et qui, dans leur marche rapide, finissent souvent par venir se briser contre l'opinion publique qu'ils n'ont pas assez respectée. Mais j'abandonne tous les raisonnements pour me borner à des faits.
Que penseriez-vous, Messieurs, d'un législateur qui, pour former un tribunal, ne consulterait pas même le nombre des justiciables qui devraient y ressortir ; qui, séduit par le charme de l'uniformité, établirait, par exemple, autant de juges à Pau qu'il en établirait à Paris ?
Voilà cependant l'inconvénient dans lequel est tombé votre comité de constitution, par l'égalité de divisions et par l'uniformité des corps administratifs qu'il vous a proposé d'établir. Je vais rendre cette assertion plus sensible par un exemple.
La population de la lieue carrée du Berry est à celle de la lieue carrée de Flandre, à peu près comme de 3 à 1.
Ce n'est pas tout : la province de Berry, d'après le plan géographique proposé, se trouve divisée en deux départements, à peu près égaux en surface mais très-inégaux en population. La population du département de Berry, qui sera le moins peuplé, sera, à la population de la Flandre, à peu près comme de 5 à 1, de manière que, si le département de Berry contient deux cent mille âmes, le département de Flandre, égal en superficie, contiendra un million d'âmes. Ainsi, de l'égalité de division ou de surface de ces deux départements, il résultera une inégalité de population de huit cent mille âmes. Maintenant, Messieurs, on vous propose d'établir, dans chacun de ces départements, un conseil provincial, qui soit composé d'un égal nombre d'administrateurs.
J'observe d'abord que le nombre des administrateurs doit nécessairement dépendre de l'étendue, de la nature et de l'utilité de leurs fonctions. Plus un pays est habité, plus les rapports se multiplient, plus il faut exercer de surveillance et d'inspection ; le travail de l'administration s'accroît en raison du nombre de ceux qui doivent être administrés. Il n'est donc pas raisonnable qu'un département de deux cent mille individus ait une administration aussi nombreuse que celle d'un département d'un million d'individus.
A cette considération puissante il s'en joint une autre très-importante. Si on adoptait le plan du comité de constitution, les assemblées de département étant uniformes, les frais d'administra-
tion seraient les mêmes. Il faudrait également payer pendant un mois le séjour des 54 députés de chaque département; il faudrait également entretenir une commission intermédiaire, avoir à ses ordres un ingénieur, payer à peu près les mêmes frais de bureau, louer un emplacement aussi vaste pour tenir les assemblées, pour renfermer les archives : tous ces frais, répartis sur une population d'un million d'âmes, seraient peu de chose pour chaque contribuable -, mais toutes ces dépenses, supportées seulement par un département de deux cent mille âmes, formeraient une dépense extrêmement onéreuse pour les peuples.
D'où il suit évidemment que la combinaison politique de votre comité est inadmissible, puisqu'elle forme des divisions égales, qui donnent des résultats très-inégaux, et qu'elle établit des corps uniformes qui ne présentent aucune uniformité dans leurs fonctions et leur utilité.
Il me reste à prouver que l'organisation d'un corps politique est imparfaite, lorsque sous quelque point de vue qu'on la considère, elle ne peut garantir la sûreté et la tranquillité publique.
Je crois avoir démontré par les faits et les détails dont je viens de rendre compte, que le plan qu'on a'proposé pour organiser les assemblées primaires, communales et provinciales, est incomplet, et sujet à bien des inconvénients. Pour embrasser l'a totalité du plan, il me reste à faire voir que l'organisation des municipalités qu'on veut vous faire adopter, est impolitique et inadmissible.
Je dois d'abord observer que la forme et la consistance qu'on doit donner aux assemblées municipales, dépendent nécessairement de l'influence qu'elles auront dans le corps politique, et de l'étendue des fonctions qu'on voudra leur attribuer;!] me semble donc que votre comité aurait dû d'abord déterminer d'une manière claire et précise, quelles sont les parties d'adminisira-tion que l'on doit confier aux municipalités, avant de proposer l'organisation qu'on veut leur donner.
Il serait imprudent de construire un édifice avant d'avoir examiné l'emploi qu'on eu veut faire ; de même, avant de fixer la composition et le régime d'un corps, il aurait fallu déterminer l'usage auquel il était destiné.
Les membres de l'Assemblée nationale ne peuvent fixer leur opinion sur la manière de modifier et de composer les assemblées municipales, que lorsqu'on les aura mis à même de connaître et d'approfondir le degré de pouvoir et d'autorité qu'on veut accorder aux officiers municipaux.
Un autre objet qui n'est pas moins digne de toute votre attention, parce qu'il tient à l'ordre et à la tranquillité publique, c'eût été d'examiner sous quelle inspection et dans quelle dépendance vous voulez mettre les municipalités.
Il me semble que pour donner aux municipalités le degré d'utilité dont elles sont susceptibles, il faudrait que ces corps fussent réguliers dans leur marche, uniformes dans leurs mouvements, toujours contenus dans les bornes qui leur seront fixées par la Constitution, toujours surveillés dans l'exercice des pouvoirs qui leur seront confiés ; il faudrait surtout, que les officiers municipaux, dépositaires de la confiance et de l'autorité publique, fussent responsables de l'usage ou de l'abus qu'ils pourraient faire des fonctions auxquelles ils seront appelés.
Je vous avoue, Messieurs, qu'il me paraît difficile de remplir les conditions importantes d'une
bonne organisation, si vous adoptez le plan de municipalités, qui vous a été présenté par votre comité de conslitution.
Les municipalités qu'on vous propose d'établir seront ou dans la dépendance du Corps législatif, ou subordonnées au pouvoir exécutif, ou enfin elles seront absolument indépendantes. Il n'y a pas de milieu.
Si les municipalités sont indépendantes, c'est-à-dire, si elles ne sont soumises à aucune inspection, à aucune surveillance, si elles ne doivent compte à personne de leur gestion, alors, Messieurs, vous établissez autant de républiques indépendantes, qu'il y aura de municipalités dans le royaume; vous manquez le but essentiel que tout législateur doit se proposer, qui est de diriger toutes les branches d'une grande administration vers un centre d'unité ; vos municipalités seront l'image impolitique des districts des grandes villes, qui diffèrent entre eux en principe et en action ; s'il s'élève des contestations entre deux municipalités voisines et rivales, pour les subsistances, pour les contributions, pour les pâturages, etc., etc., il n'y aura plus que la force et les armes qui pourront vider les querelles, et terminer les discussions ; de là une source intarissable de désordre et de confusion.
Si les municipalités sont dans la dépendance du Corps législatif, c'est-à-dire s'il s'établit une relation directe entre le Corps législatif et les municipalités ; si, chargées de faire exéeufer les décrets de l'Assemblée nationale, elles reçoivent directement ses ordres ou ses décisions; enfin si le Corps législatif dirige leurs mouvements, ou influe seulement sur leurs opérations, alors, Messieurs, vous vous écartez des principes constitutionnels que vous avez consacrés ; vous cumulez le pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif; et, de cette confusion des deux pouvoirs, source empoisonnée du despotisme ministériel, naîtront bientôt le désordre, l'anarchie et le même despotisme que nous voulions proscrire pour jamais.
Enfin, si les municipalités sont subordonnées au pouvoir exécutif, je vous demande, Messieurs, d'après le plan d'organisation qu'on vous propose, quelle espèce d'inspection et de surveillance le pouvoir exécutif pourra exercer sur des corps réunis en grande masse, pour parler le langage de votre comité, dépositaires d'une autorité redoutable et par le nombre, et par la force d'une milice nationale ; des corps contre lesquels, dans le cas d'insurrection ou de refus de payer l'impôt, la force militaire ne pourra pas même agir, puisqu'elle est impuissante sans l'attache des officiers municipaux. Comment, avec de pareilles municipalités, pouvez-vous espérer de voir jamais renaître cet ordre, cette symétrie qui font la beauté d'un édifice national, et qui doivent en éterniser la durée I
Mais si, sous quelque point de vue quon envisage le plan de municipalités qu'on vous a proposé, il présente des inconvients et des difficultés insurmontables, il s'ensuit nécessairement que ce plan est impraticable, inconstitutionnel et plus propre à perpétuer le trouble et la confusion, qu'à rétablir le calme, la paix et la tranquillité dont nous avons si grand besoin.
Il y a mieux, Messieurs : c'est que votre comité de constitution ne paraît pas même être d'accord avec ses principes, car, pour détruire les liaisons, les habitudes, les affections des habitants d'une même province, qui sont cependant des mobiles bien puissants et bien précieux à conserver, votre comité, au lieu de se rappro-
cher de l'ancienne division du royaume par généralités, qui paraissait la plus simple et la mieux adaptée au génie et au goût des peuples qu'un légistateur doit consulter, votre comité, dis-je, a coupé la France comme un morceau de drap, en 81 pièces, pouren faire81 départements; par conséquent, il a diminué l'influence des corps administratifs ; au contraire, il augmente la consistance, il accroît la force des municipalités qu'il veut rendre indépendantes; mais il. ne fait pas attention que, de cette combinaison erronée, il résulte deux inconvénienls majeurs: le premier, c'est que si les corps municipaux opposent trop de résistance à l'action des corps administratifs et du pouvoir exécutif, il n'y a plus dans l'Empire de subordination, et par conséquent plus d'ensemble, plus d'accord et plus d'unité ; le second, c'est que s'il venait à s'établir une coalition entre le pouvoir exécutif et quelques-unes de ces municipalités redoutables, coalition qui pourrait très-promptement être l'ouvrage d'une intrigue ou d'un changement dans l'opinion publique; alors l'existence même du Corps législatif se"trouverait compromise ; et l'édifice élevé à la liberté, serait bientôt renversé et anéanti.
La puissance, la prospérité du corps politique dépendent du concert et de l'ensemble des parties qui la composent; elles s'entraident, se soutiennent et se balancent par leur propre poids; mais l'Etat chancelle et se dissout au moment où l'équilibre est détruit.
La force et les armesqu'on met entre les mains de tous les citoyens, sont plutôt, Messieurs, le signal de la licence, que le rempart de la liberté.
Une Constitution sage, qni a pour base les règles immuables de la justice; un patriotisme éclairé, qui réunit les coeurs, les intérêts et les volontés ; une surveillance attentive, qui réprime les abus ; une prudente économie, qui pourvoit à tous les besoins ; un concert unanime, qui assure la stabilité des opérations ; voilà, Messieurs, les véritables garants du bonheur des peuples et de la liberté publique.
Je ne me permettrai plus qu'une réflexion. En matière d'administration, je pense qu'il faut plus consulter la pratique quela théorie. L'expérience est l'école du sage et le guide du législateur éclairé. Ce principe posé :
La province dont j'ai l'honneur d'être représentant, a été appelée la première à goûter les douceurs d'un gouvernement patriotique. L'administration provinciale du Berry n'a pas pu faire tout le bien qu'elle aurait désiré. Elle a souvent été arrêtée dans sa marche par les formes compliquées auxquelles elle était assujettie. Le premier inconvénient qui a frappé les membres de l'administration, a été, pour parler le langage de M. le comte de Mirabeau, Xaristocratie municipale. Dans quelques cantons de la province, les paroisses des villes s'étendaient fort au loin dans les campagnes. Cette partie des campagnes était tyranniquement subjuguée par les villes, surtout dans la répartition de l'impôt et dans la contribution aux charges publiques. L'administration provinciale n'a pu parvenir à soustraire les campagnes à l'inquisition et aux vexations municipales, qu'en mettant une ligne de démarcation entre les villes et les campagnes, et en établissant deux collectes distinctes et séparées.
Votre comité de constitution vous propose, par son plan, de consacrer complètement l'abus que l'administration provinciale à détruit dans la province de Berry.
Les assemblées municipales, réunies en grande masse, seront établies, d'après le plan proposé, dans la ville la plus considérable de l'arrondissement de la commune. Pour peu qu'on ait connaissance des provinces pauvres et désertes de l'intérieur du royaume, et de l'espèce de ses habitants, il est aisé de concevoir que le conseil municipal sera toujours composé des propriétaires les plus aisés ; la portion la plus pauvre sera subjuguée, et bientôt victiméepar la plus riche. L'ascendant des villes se manifestera avec les efforts les plus destructeurs et les plus tyranni-ques pour les campagnes ; et lasses enfin d'un joug accablant, les campagnes provoqueront à leur tour un nouvel ordre de choses.
Cette considération, Messieurs, mérite toufe votre attention.
Je me résume et je dis que, quelque ingénieux que soit l'ensemble du plan de votre comité de constitution, quoiqu'il renferme les notions les plus profondes de la science des gouvernements, et qu'on puisse y puiser les connaissances les plus utiles pour l'organisation des corps politiques, il présente néanmoins, dans les détails, des inconvénients frappants sur la division de la France, sur la représentation nationale, et sur l'organisation des corps administratifs.
Avant de lier mes idées à un plan général de représentation et d'administration, il est nécessaire d'examiner rapidement les bases sur lesquelles doivent reposer la représentation nationale et l'administration intérieure du royaume.
Lorsque je vous ai fait part, à la séance de jeudi dernier, de mes observations, je n'avais ni entendu ni lu le plan de M. le comte de Mirabeau. Quoique mes principes soient presque d'accord avec les siens sur la représentation personnelle, j'avoue cependant que j'ai été frappé de deux inconvénients à la lecture de son projet.
Je trouve d'abord que les départements qu'il propose d'établir, sont trop faibles en population.
L'ordre public et l'intérêt national semblent exiger que les divisions du royaume, que vous allez conserver par une loi constitutionnelle, puissent circonscrire dans un même arrondissement les diverses espèces de pouvoir, de manière que les peuples d'un même département soient soumis au même régime ecclésiastique, administratif et judiciaire.
Un département qui ne contiendrait que trente six mille citoyens actifs, comme le propose M. de Mirabeau, formerait un diocèse d'une trop petite étendue ; il semble que l'il attentif d'un premier pasteur vigilant peut se porter sur un troupeau plus nombreux.
En multipliant le nombre de départements, on augmente considérablement les frais d'administration, qui deviendraient nécessairement une charge onéreuse pour les peuples. On diminue la surveillance du gouvernement en la fixant sur un trop grand nombre d'objets.
Enfin, si, d'après un système politique et uniforme, on voulait établir une cour de justice dans chaque département, il semble que le nombre de justiciables neseraitpas proportionné à la dignité et à l'importance d'un tribunal suprême. Les affaires forment les hommes. On ne peut espérer d'avoir des juges éclairés, des défenseurs instruits, qu'autant qu'ils pourront réunir les connaissances aux lumières de l'expérience et à l'habitude du travail. D'ailleurs, plus on multipliera les tribunaux, plus il eu coûtera à la nation pour les honoraires des juges.
Cette objection s'appliquerait encore mieux au plan du comité de constitution^ raison des différences énormes de population qu'il introduit.
La seconde observation que j'ai faite sur le plan de M. de Mirabeau, c'est que les assemblées primaires me paraissent trop compliquées: il me semble qu'il est tombé dans l'inconvénient qu'il reproche au plan du comité : c'est de rassembler plusieurs villages, éloignés les uns des autres, pour composer ainsi, d'éléments inégaux, une assemblée de cinq cents citoyens ; ce qui serait difficile et embarrassant dans les pays déserts et in-culles.
Maintenant, Messieurs, pour bien juger des bases sur lesquelles la représentation doit être appuyée, il faut la considérer par rapport au droit inhérent àchaque individu, et relativement à l'intérêt que chaque portion de l'Empire peut avoir à la représentation.
La déclaration des droits a consacré un principe inaltérable, que tous les hommes naissent et de-égaux en droits. Certainement, le droit de représentation est un des droits les plus précieux, puisque tout individu à le même intérêt à la formation de la loi sous l'empire de laquelle il doit exister.
Ainsi, le citoyen pour qui et par qui la loi est faite, a le droit d'y concourir par son suffrage médiat ou immédiat.
Ainsi la réprésentation doit avoir pour unique objet le droit inhérent à l'homme, et non pas la valeur ou l'étendue du sol qu'il habite.
Si l'on examine l'intérêt que chaque division du royaume peut avoir à la représentation nationale, il semble, an premier coup d'il, que plus un département contribue à l'entretien de la chose publique, plus il doit avoir d'influence sur la législation ; mais on ne fait pas attention que plus un pays est fertile, plus il a'de richesses, plus ses habitants ont de jouissances et plus ils sont redevables à la puissance qui les défend, et à la force publique qui garantit leurs propriétés ; le tribut qu'ils payent à la patrie est proportionné à l'avantage qu'ils en retirent, et à la protection qu'ils en reçoivent ; la contribution qu'ils acquittent est de leur part un devoir de justice rigoureuse. Mais un devoir ne constitue pas un droit exclusif. Il n'est donc pas vrai de dire que plus un département contribue à la chose publique, plus il doit avoir d'influence sur la législation. La représentation nationale ne peut donc pas avoir pour base la contribution.
Quand il s'agit de défendre la patrie, chaque homme est soldat, et doit payer de sa personne ; de même, lorsqu'il s'agit de représenter la nation, tout homme est citoyen, et a le droit de faire compter son suffrage. C'est donc par le nombre des citoyens qu'il faut calculer la représentation nationale. La population est donc la véritable base de la représentation.
Je ne m'étendrai pas davantage sur cette vérité incontestable, qui a été si clairement, si parfaitement démontrée par M. de Mirabeau.
J'ajouterai seulement que, pour porter la représentation nationale au degré de perfection dont elle peut être susceptible, il faut qu'elle soit rapprochée autant qu'il est possible de tous les citoyens qui ont droit d'y concourir, et que les délégués de la nation soient choisis par des électeurs nommés immédiatement parle peuple. Il faut que la représentation soit telle que ceux qui seront élus ne puissent porter à l'Assemblée nationale aucune affection particulière, aucun intérêt local qui détournent leurs regards du seul et unique
objet qui doit les fixer, le bien général de l'Eta et la prospérité publique. Enfin, il faut que sous tous les rapports ils puissent se considérer, non comme les députés d'une province, mais comme les représentants et les législateurs de la nation.
Tels sont, Messieurs, les principaux caractères qui me paraissent convenir à une véritable représentation nationale.
Il me reste à établir, en peu de mots, les bases d'une bonne administration.
Il me semble, Messieurs, qu'au lieu de se perdre dans des conceptions ingénieuses et analytiques, il faut consulter les murs et le génie simple des peuples auxquels on veut donner des lois; je pense qu'en bravant les erreurs on doit ménager les affections, et même les préjugés. Il me semble que l'administration la plus simple sera toujours la plus parfaite, parce qu'elle sera la plus utile à l'intérêt public. Les corps administratifs doivent être tellement constitués, qu'une régénération politique garantisse la liberté nationale, que leur marche assure la diversité de leurs mouvements, qu'une correspondance facile soit le garant d'une prompte exécution, que leur activité ne soit point ralentie, qu'elle soit sans cesse éclairée, jamais arbitraire, et toujours subordonnée; enfin, il faut que l'action partie du centre se porte sans effort vers toutes les extrémités, et qu'une réaction sagement combinée se fasse sentir, sans aucun choc, des extrémités jusqu'au centre.
Telle est l'idée que je me suis formée d'une bonne administration.
Je sens maintenant, Messieurs, qu'il est plus aisé de tracer les règles que d'en faire l'application, d'indiquer les difficultés que de les résoudre, et je n'oserais vous présenter mon opinion personnelle, si je n'étais encouragé par votre indulgence.
Plan de division politique de représentation nationale et d) organisation administrative (1).
Art. 1er. La France sera partagée en soixante-dix
divisions inégales en superficie, mais égales, autant qu'il sera possible, en
population; ce qui suppose environ trois cent soixante mille individus par division,
et environ soixante mille citoyens actifs.
Art. 2. Chaque division ou département aura une assemblée provinciale, qui sera divisée en dix arrondissements ou districts qui seront inégaux en surface, mais égaux en population, autant qu'il sera possible; ce qui suppose, relativement à la population totale du département, soixante mille individus, et soixante mille citoyens actifs par districts. Dans la division des départements, on se rapprochera, le plus qu'il sera possible, de l'arrondissement actuel des généralités.
Art. 3. Chaque district n'aura d'autre division que celle des villes et des paroisses de campagne qui seront dans sa circonscription.
Art. 4. L'Assemblée nationale sera composée de sept cents membres. Chaque division du royaume ou département enverra à l'Assemblée dix députés; et attendu qu'il y a soixante-dix départements, il en résultera le nombre de sept cents députés.
Art. 5. L'assemblée provinciale sera composée
Art. 6. Chaque assemblée de district, qui ne sera qu'une assemblée d'élection, sera composée des députés des villes et des paroisses de campagne, qui seront compris dans sa circonscription ; il y aura dans chaque district un procureur syndic.
Art. 7. Pour former l'assemblée de district, chaque ville et chaque paroisse de campagne s'assembleront d'abord séparément, et nommeront un député sur cinquante citoyens actifs, pour envoyer à l'assemblée de district.
La population de chaque district étant de soixante mille individus et de dix mille citoyens actifs, il s'ensuivra que l'assemblée de district sera à peu près composée de deux cents citoyens actifs.
Art. 8. Une paroisse qui ne réunirait pas cinquante citoyens actifs, enverra toujours un député à l'assemblée de district. Une paroisse qui réunirait plus de cinquante citoyens actifs, ne pourra élire deux députés que lorsque le nombre de ses électeurs s'élèvera à cent; elle nommera trois députés pour cent cinquante citoyens actifs, quatre pour deux cents, ainsi de suite.
Art. 9. Une ville dont la population s'élèverait à soixante mille individus, qui forment à peu près la population d'un district, formerait seule un district, si la population s'élevait à cent vingt mille âmes, elle formerait deux districts, ainsi de suite.
La ville de Paris, sortant de la règle ordinaire, formera seule un département.
Art. 10. Tous les députés qui auront été nommés par les villes ou paroisses comprises dans chaque district, se rendront, au jour indiqué par la convocation, au chef-lieu du district.
Art. 11. Tous les députés se réuniront par devant le premier officier municipal du chef-lieu du district. Ils nommeront un président, un secrétaire et quatre scrutateurs; après quoi ils nommeront, par la voie du scrutin, un député de leur district pour les représenter à l'Assemblée nationale. Ils nommeront ensuite, dans la même forme, un suppléant, après quoi, toujours dans la même forme, ils procéderont à la nomination de trois députés de leur district à l'assemblée provinciale; enfin, ils éliront le procureur syndic de leur district (l).
Art. 12. L'assemblée provinciale s'assemblera tous les ans ; ses séances dureront un mois; elle sera renouvelée par moitié tous les deux ans ; elle élira son président et son procureur général syndic, à la clôture de chaque séance. Le procureur général syndic pourra être continué, mais toujours en vertu d'une nouvelle élection. Avant de se séparer, elle nommera dix de ses membres, pour composer la commission intermédiaire avec le procureur général syndic, qui n'aura jamais que voix consultative.
Art. 13. Les paroisses de campagne étant très-inégales en superficie et en
population, on les arrondira de manière qu'il y ait dans chaque pa-
Art. 14. Chaque ville, chaque paroisse de campagne, auront chacune une municipalité distincte et séparée. Les officiers municipaux seront élus par tous les citoyens actifs de chaque ville ou paroisse, et renouvelés par moitié tous les ans. Le nombre des officiers municipaux sera dans la proportion fixée par les articles 47 et 48 du plan du comité de constitution.
Art. 15. Les municipalités des villes ou des paroisses de campagne seront indépendantes les unes des autres.
Art. 16. L'assemblée provinciale déterminera la portion de contribution que chaque ville ou paroisse de campagne devra supporter, mais chaque municipalité fera ensuite séparément la distribution de ce que chaque contribuable devra payer.
Art. 17. Le procureur syndic de chaque district sera élu tous les deux ans, et ne pourra être continué qu'en vertu d'une nouvelle élection. Il remplira, dans l'étendue de son district, les fonctions du ministère public en fait d'administration seulement; il aura des rapports continuels avec toutes les municipalités, il leur fera passer les ordres, les instructions, les lettres et paquets de la commission intermédiaire ; il entretiendra avec ladite commission une correspondance directe, il lui fera parvenir tous les renseignements dont elle pourrait avoir besoin; il dirigera, sous les yeux des municipalités les travaux publics, les routes qui pourront traverser son district ; enfin il se concertera avec chaque municipalité sur tous les objets qui pourront intéresser l'avantage particulier de chaque paroisse, et le bien général du district.
Art. 18. Lorsqu'une affaire intéressera deux ou plusieurs paroisses, les syndics se réuniront dans le lieu qui leur sera le plus commode, pour en conférer ensemble en présence du procureur syndic qui n'aura jamais que voix consultative.
Art. 19. Toutes les contestations qui s'élèveront entre deux municipalités voisines, seront portées, par voie de conciliation, devant l'assemblée provinciale ou la commission intermédiaire, qui prononcera un jugement qui sera exécuté provisoirement, sauf l'appel au tribunal qui sera établi par la loi.
Art. 20. Les officiers municipaux seront tenus de rendre compte de leur gestion à l'assemblée des citoyens actifs qui se réunira pour nommer leurs successeurs.
Art. 21. Les procureurs syndics des districts seront tenus de rendre compte de leur conduite et de leur gestion aux assemblées d'élection de leur district et à l'assemblée provinciale.
Art. 22. Les membres qui composeront la commission intermédiaire de l'assemblée provinciale, ne pourront y avoir voix délibérative que lorsqu'ils lui auront rendu compte de leur gestion et de leur administration.
Art. 23. Les assemblées provinciales seront dans l'ordre et la dépendance du pouvoir exécutif, mais tous les membres de l'administration provinciale seront collectivement ou individuellement responsables de leur conduite au Corps législatif, ainsi que les ministres et autres agents du pouvoir exécutif.
Art. 24. Tous administrateurs, tous officiers municipaux qui auront commis quelques abus dans l'exercice de leurs fonctions ou qui se se» ront rendus coupables de quelque faute grave qui intéressera l'ordre public, ou qui seront accusés de quelque crime delèse-natioc, seront dénoncés et renvoyés au tribunal suprême que l'Assemblée nationale aura établi pour connaître de ces sortes de délits.
Qu'il me soit permis, Messieurs, en finissant, de vous rappeler combien il importe* pour le maintien de l'ordre, du bonheur et de la tranquillité publique, que vous vous occupiez, sans relâche, de cette Constitution qui est le but essentiel de vos travaux, comme elle est le but le plus ardent des peuples.
Jusqu'ici, les dépositaires de l'autorité, sans méthode et sans plan, ont méconnu les lois sde l'ordre et de la justice ; ils se sont fait des principes aussi variables que les circonstances ; ils ont pris pour règle de leur conduite l'intérêt du moment ; et par une suite de prestiges et d'erreurs, ils ont brisé les ressorts du corps politique, et l'ont conduit sur le bord du précipice.
Appelés à régénérer toutes les partieë de cet empire, hâtons-nous, Messieurs, d'établir sur des bases inébranlables cette heureuse Constitution, qui doit rendre à la France son lustre, sa vigueur et son énergie; empressons-nous de faire goûter aux peuples les douceurs de cette heureuse liberté après laquelle ils soupirent; ne la laissons pas échapper de nos moins. Souvenous-iious que les révolutions des empires commencent toujours par le bris de la liberté et de l'égalité, et qu'elles finissent souvent par l'anarchie ou par la servitude.
On demande et l'Assemblée ordonne l'impression et la distribution du discours de M. Bengy de Puyvallée.
(1). Messieurs, il s'agit d'établir les bases de la représentation personnelle de tous les citoyens du royaume, aux Assemblées des villes, des provinces, et de la nation elle-même ; assemblées auxquelles tous les Français ont droit d'être appelés, mais dans lesquelles un petit nombre seul a droit de représenter la multitude.
Votre comité de constitution vous a présenté un plan qui embrasse sous un seul point de vue toutes les parties de ce vaste empire; qui n'en fait qu'un tout homogène; qui faisant disparaître les inégalités morales, civiles et politiques qui distinguent encore les différentes provinces de France, successivement conquises, échangées, données ou réunies, les soumettra toutes à un seul et même régime} à une seule et même administration principale, à laquelle toutes les administrations particulières seront subordonnées-.
Ce plan est grand; il est majestueux; Puisque la France ne doit plus offrir ces
disparités monstrueusesqui plaçaient dansuti grandroyaume une foule d'Etats
particuliers qui se régissaient par des principes différents, tant d'administration
que de législation ; puisque les provinces privilégiées sont appelées à un ordre de
choses qui en assurant leur liberté, garantit leurs véritables franchises, elles ne
doivent plus connaître, sans doute, ces distinctions qui établissent entre elles et
les provinces d'élection des rivalités odieu-
Il faut donc aujourd'hui un ordre général d'administration en France : il faut un seul plan de gouvernement. Toutes les provinces en Renient la nécessité; tous leurs représentants en ont conçu le projet : la difficulté est de le réaliser ; et il faut en convenir, cette difficulté est grande. Elle n'est pas encore, elle ne sera pas tout à l'heure résolue, et si vous me permettez de vous le dire, Messieurs, je ne crois pas qu'elle puisse l'être irrévocablement dans le cours de la législation actuelle,
Votre comité de constitution vous a tracé un mode d'exécution du nouveau plan projeté. D'autres idées vous ont été présentées à cet égard par plusieurs honorables membres de cette Assemblée. Leur objet est de simplifier, autant qu'il est possible, la forme à observer dans les assemblées des représentants de la nation, tant pour ce qui concerne l'administration, que pour ce qui concerne la députation à l'Assemblée nationale et les élections graduelles qui doivent la précéder.
Sans doute, Messieurs, vous adopterez celui des plans qui vous ont été ou qui vous seront encore proposés, qui vous paraîtra le plus simple et de l'exécution la plus facile. En politique, comme en mécanique* c'est la simplicité qui est le chef-d'uvre de l'art. Cependant s'il est bien iniportant de ne pas multiplier dans le royaume les assemblées élémentaires qui produiraient dans toutes ses partieset dans le même temps, un mouvement trop général, il est peut-être également intéressant de ne pas réduire tellement les assemblées intermédiaires, qu'elles produisent l'effet, ou de ne pas offrir une représentation parfaite, ou de faire naître des obstacles dans la réunion des éléments de l'Assemblée nationale.
Si les projets qui vous ont été soumis, Messieurs, conservaient dans chaque province, non pas un régime particulier, qui nedoit plus y exister,mais une administration principale par rapport aux différentes parties de cette province, et subordonnée à l'administration générale du royaume, il paraîtrait facile d'établir un plan de division simple et convenable à tous les intérêts.
Trois assemblées pourraient partager chaque province. Les premières assemblées seraient celles des municipalités établies dans les bourgs et dans les villes et formées par l'élection libre des citoyens actifs des paroisses de leur arrondissement.
Les secondes assemblées seraient des assemblées de district composées des députés de plusieurs municipalités réunies par département.
Le nombre des districts serait proportionné à l'étendue, à k population et aux richesses ou à la contribution des provinces. Chacune de ces assemblées du second ordre aurait la partie d'administration relative à son territoire.
Enfin la troisième assemblée dans chaque province serait l'assemblée provinciale, à laquelle seraient subordonnées les assemblées de district comme elle serait subordonnée elle-même à l'Assemblée nationale.
Les députés à l'assemblée provinciale comme ceux qui seraient envoyés à l'Assemblée nationale seraient nommés par lès assemblées des districts, soit dans leur sein, soit dans le nombre des autres citoyens éligiblesde leurs dêpârtemehts.
Voilà, Messieurs, fibinmetît j'ai pensé que pourrait .être composée l'administration de chaque prbviuce* Si les différents plans qui vous ont été proposés ne m'apprenaient que Von veut changer la division actuelle du royaume par provinces,
changement que l'on prétend être réclamé par les publicistes et par les bons administrateurs et que l'on regarde comme nécessaire pour assurer la liberté de la nation et prévenir le retour des privilèges particuliers qui ont été sacritiés à l'intérêt général.
Si j'étais pénétré, Messieurs, de la nécessité de cette division et si je croyais comme les honorables membres qui l'ont proposée, que le salut de la nation, que la conservation de sa liberté, que sa prospérité sont attachés à ce nouvel ordre de choses, je ne balancerais pas à en demander l'exécution ; je la provoquerais de toutes mes for ces; je ne le céderais en zèle à aucun de vous, Messieurs, et déjà j'aurais sollicité de mes commettants leur adhésion formelle à un changement que les représentants de la France n'auraient préparé que pour son bonheur.
Mais précisément, Messieurs, c'est que je suis persuadé qu'un nouveau. partage du royaume ne peut y produire que du trouble et qu'il sera réellement le mal des provinces qui jusqu'ici ont eu unet administration particulière! Dans cette persuasion il est de mon devoir de vous exposer mes motifs d'opposition au projet du comité. De quelque manière que vous les jugiez, j'aurai acquitté ma dette, d'abord envers vous à qui je suis comptable, non pas de l'opinion d'autrui, mais de la mienne et ensuite envers mes commettants de qui je suis obligé de défendre les intérêts toutes les fois que je les crois blessés sauf à voUs à redresser mes erreurs et à décider dans votre sagesse ce que vous croyez Vraiment utile pour ceux mêmes que je représente.
Le plan projeté d'une nouvelle division du royaume peut convenir peut-être aux provinces qui n'ont jafflais eh d'administrations particulières otl qui^ n'ont obtenu cet avantage précieux que depuis que le plus juste des rois a rendu à ses peuples l'exercice d'Un droit naturel dont les avait dépouillé le pouvoir arbitraire, celui de partager librement avec l'Etat, lé produit de leurs revenus OU de leur industrie.
Trop longtemps écrasées sOUs le régime oppresseur de la fiscalité, livrées aii despotisme et souvent aux càprices d'uh commissaire plus souverain dans le département que le monarque lui-même, les provinces d'élection restituées à leur première liberté, consentiront probablement sans difficulté à un plan nouveau d'administration et aux divisions proposées, quelque multipliées qu'elles soient. Il leur est indifférent d'avoir plusieurs administrations principales ou de n'en avoir qu'une seule; c'est toujours elles qui, dans le nouvel ordre de choses, exerceront envers elles-mêmes Cette partie importante du pouvoir exécutif qui, pour le bonheur de la Dation,- échappe aujourd'hui des mains des intendants. Ainsi, que le ressort de leur administration soit borné ou qu'il soit étendu, c'est la même chose pour ces provinces; elles peuvent désirer même n'être pas chargées d'une administration trop vaste ; elles feront toujours bien ce qu'elles feront librement pour leurs intérêts; et parce qu'elles le feront plus facilement lorsque leur administration sera peu compliquée, il n'y a pas lieu dè croire qu'elles troubleront jamais le partage quelconque qui sera établi ; elles le troubleront encore d'autant' Moins qu'elles y auront elles-mêmes concouru.
Mais en sera-t-il de même des provinces d'Etats qui ont toujours eu, qui ont toujours conservé le droit d'avoir une administration particulière, relativement au royaume et générale pour toutes
les parties de ces provinces ? Adopteront-elles une division qui, en morcelant leur administration politique, la dénaturerait au point, non pas seulement de changer le nom de cette administration, mais d'en substituer quatre, cinq, sept ou huit à une seule ?
La province de Bretagne, dont j'ai l'honneur d'être un des représentants, consentira très-certainement au nouvel ordre politique et civil que l'Assemblée nationale établira pour la prospérité du royaume; mais, très-probablement aussi, cette province ne consentira que très-difficilement à perdre ses Etats, plus anciens dans l'Armorique que l'établissement des Frahcs dans les Gaules, et à partager leur administration en cinq, sept ou huit administrations supérieures, également principales.
A ces mots d'Etats et d'Etats de Bretagne, je vous prie* Messieurs, de ne pas croire que je réclame pour la conservation des assemblées bretonnes, qui depuis deux siècles étaient devenues le fléau de cette province.
Des assemblées préteudues politiques dans lesquelles la noblesse entrait individuellement pour dominer sur deUx millions d'hommes représentés pâr quarante-deux députés qu'ils n'avaient pas même la liberté de choisir, étaient des assemblées non pas administratives, mais oppressives, non pas protectrices, mais destructives de la libét-té des peuples : les Bretons ont attaqué l'administration de leurs Etats, et ce colosse, élevé par le despotisme de l'aristocratie, est tombé en pièces ; il ne se relèvera jamais.
Mais, si je suis loin de redemander des Etats d'une constitution aussi vicieuse, je n'entends pas dire qu'il n'en faut plus en Bretagne; qu'une administration provinciale y serait dangereuse ; qu'il faut anéantir cette unité de régime, pour lui substituer une multitude de régimes particuliers et indépendants de toute autre surveillance que de celle de l'Assemblée nationale.
Indépendamment de cette longue habitude où est la Bretagne d'avoir une administration commune à toutes ses parties, et à laquelle elle ne renoncera pas tout d'un coup sans y avoir4 été préparée par le temps, par l'expérience, par les effets nécessaires de sa nouvelle situation respectivement à la France, cette province a de grands besoins qui exigent de grandes ressources, et ces ressources n'existeront plus dans un état de division qui isolera chaque partie détachée du tout, qui rendra les divers départements de cette grande corporation ainsi morcelée, étrangers les uns aux autres.
La Bretagne a des dettes immenses : si elles sont réparties entre les cinq ou sept départements qu'on voudra lui donner, il y en aura plusieurs qui ne pourront pas acquitter leur contribution sans une gêne effroyable : il faudra donc que l'Etat s'en charge, et peut-être que l'intérêt de la province, que celui de ses créanciers s'opposeront à cette libération apparente dont on voudrait se servir ensuite pour étayer une sUrtaxe dans les contributions de cette province à la masse générale des impôts, ou pour la grever d'un impôt qu'elle ne doit pas connaître.
La Bretagne a des travaux publies considérables à supporter, auxquels l'expose sa situation sur la mer ; des quais et ports, dëé fronts et chaussées; sa navigation intérieure, son commerce, les encouragements qu'il demande, les débouchés nécessaires, les grands chemins, tous ces objets également importants demandent une administration générale : divisez la provinee en
cinq ou six départements ; les uns seront en état de fournir aux dépenses qui leur seront relatives; les autres n'en auront pas la faculté, et dès qu'ils seront étrangers les uns aux autres, aucun de ces départements ne voudra venir au secours d'un autre département; ainsi une partie de la même province sera dans une situation florissante pendant qu'une autre sera dans un état de négligence et d'abandon : une administration commune prévient un pareil désordre, elle porte partout ses regards ; et lorsqu'elle est également juste, toutes les parties du territoire qu'elle régit sont également traitées, également favorisées : les besoins sont satisfaits là où ils existent réellement ; le canton qui réclame est assuré de trouver des secours qu'il ne se fût jamais procurés, s'il eût été livré à ses propres ressources.
Enfin, Messieurs, lorsque vous aurez établi l'impôt et réglé sa répartition, sans doute que vous laisserez à chaque province le soin d'en faire l'assiette et la levée, suivant ce qui conviendra le mieux à ses intérêts, à son genre de production ou d'industrie? Et comment se ferait dans la Bretagne une assiette uniforme? comment se ferait une perception régulière ? à qui les contribuables porteraient ils leurs plaintes, avec la confiance de trouver dans leurs juges, même poids, même mesure ?
Des administrations séparées et respectivement principales, comme respectivement indépendantes, introduiraient dans la même province une confusion de règles et de principes qui établiraient entre les contribuables une inégalité de traitements souverainement injuste, et entre les administrations elles-mêmes des rivalités dangereuses pour l'ordre public de la province.
J'ajouterai pour dernier trait à ce tableau que je ne fais encore que crayonner, que si la France veut exposer les provinces qui jusqu'à présent ont pu opposer une résistance courageuse aux entreprises des agents du pouvoir exécutif, à perdre peu à peu cette force qui a si utilement servi la nation elle-même, il n'y a qu'à morceler les provinces d'états, et surtout la Bretagne ; bientôt chaque département deviendra successivement la proie d'un pouvoir qui aura toujours assez d'étendue pour gêner les administrations, et assez de moyens pour les vexer quand il voudra.
L'Assemblée nationale subsistera. Oui, Messieurs; mais ce Corps législatif entrera-t-il dans tous les détails d'une administration devenue minutieuse par la multiplicité extrême des corps administratifs? Qu'il donne aux provinces de l'énergie, ou qu'il conserve du moins à celles qui en ont cette force politique, cette ressource puissante qui a préparé le bonheur de la France, et à qui peut-être elle en devra la condamnation.
J'ai entendu dire qu'il y a lieu de craindre d'établir des corps administratifs assez forts pour entreprendre de résister au chef du pouvoir exécutif, et qui puissent se croire assez puissants pour manquer impunément de soumission au Corps législatif.
Cette crainte est chimérique, Messieurs ; quelque considérable que puisse être une administration de province, elle ne sera jamais en état, quand elle oserait le tenter, de résister à l'autorité légitime du pouvoir exécutif, et de se soustraire aux volontés de la nation entière.
Un autre a dit, Messieurs, qu'après avoir aboli les prétentions et les privilèges des provinces, il serait imprudent de laisser subsister une administration qui pourrait offrir des moyens de les réclamer et de les reprendre.
Mais en quoi consistaient les privilèges de quelques provinces, et entre autres de celle de Bretagne? Dans la délibération sur les lois et sur l'impôt : voilà quels étaient les principaux privilèges de cette province, si l'on peut qualifier de privilèges ce qui était droit et franchise naturelle, ce que la nation recouvre elle-même aujourd'hui, et ce que la Bretagne n'a abandonné que parce qu'elle exercera, de concert avec la nation, ces droits essentiels à tout peuple libre.
Ils sont donc abandonnés ces prétendus privilèges. Oui, Messieurs, la Bretagne est soumise à vos sages décrets, et sa soumission ne peut jamais être ni altérée, ni affaiblie par l'effet d'une administration absolument étrangère à l'exercice de ses anciens droits.
Mais enfin, l'esprit de province n'est-il pas nuisible? Oui, quand il s'exerce sur des prétentions particulières ; et, encore une fois, il n'existe plus de prétentions de cette espèce ; l'esprit de province est aujourd'hui l'esprit national, puisqu'il n'existe plus de véritable autorité que dans la nation, et que je ne réclame pour ma province qu'une administration subordonnée à la nation, et sous la surveillance continuelle et immédiate de l'assemblée permanente qui la représentera.
Je demande donc pour la Bretagne, en tous cas, au nom de mes commettants, que les administrations de département qui y seront établies assortissent à une administration supérieure et principale, dont l'Assemblée voudra bien régler l'organisation d'une manière convenable, laquelle administration correspondra immédiatement avec l'Assemblée nationale.
Lesancien-nes divisions du royaume seront-elles changées? Telle est la première question. Je réponds pour l'affirmative, parce qu'il est sans contredit très-avantageux de rompre les habitudes des provinces, et de détruire de grands corps qui deviennent dangereux parce qu'ils sont inutiles quand il n'y a plus d'oppression ministérielle à redouter.
M. de Mirabeau a proposé 120 divisions, et dans chacune une assemblée provinciale, et autant de municipalités que de paroisses ; il demande la suppression des corps administratifs intermédiaires. Je ne puis d'abord adopter cette suppression. Il y aurait si loin de la municipalité à l'assemblée provinciale, qu'il faudrait établir des individus pour intermédiaires ; mais ces correspondants seraient anssi nuisibles que les subdélégués des intendants.
En admettant donc des corps intermédiaires, les divisions de M. de Mirabeau deviennent trop resserrées. J'adopte en conséquence la division du comité ; mais je me réfère à l'amendement de M. Barnave. Mais, en considérant les assemblées de divers degrés sous le rapport de la représentation, je reconnais la nécessité de rapprocher les représentés des représentants, et j'adopte avec M. Barnave la suppression des intermédiaires. J'ajouterai seulement qu'il est nécessaire de fixer à deux ou trois jours après la nomination des électeurs l'élection des députés. Cette précaution me paraît un moyen sûr de déjouer les intrigues.
adopte le plan du comité, et propose, pour faire la division en deux jours, de réunir les députés des généralités, et de les engager à diviser leurs provinces en parties équivalant à une soixantième du royaume, et au plus à un quatre-vingtième.
présente des observations sur les dettes des provinces, des diocèses et des municipalités ; il désirerait que le comité fût allé au-devant des moyens de remédier à l'embarras que ces dettes occasionneront dans les divisions et sous-divisions.
Il ne faut pas attacher assez d'importance à l'égalité des divisions, pour oublier tous les obstacles qui résulteront des localités. On ne s'est point occupé d'une considération qui mériterait cependant quelque examen. Dans l'étendue d'un département, il y aura des assemblées administratives dont lesfrais seront considérables. Il se peut que la population de cette division soit très-peu nombreuse; alors chaque individu se trouvera chargé d'une imposition locale immense.
Il me paraît convenable, ajoute-t-il, de laisser les généralités faire leur arrondissement. De cette manière, les divisions en départements ne donnent lieu à aucune réclamation.
(1). Messieurs, en rendant justice au plan qui vous a été préseolé par votre comité de constitution, pour l'organisation municipale du royaume, en admirant môme les principes politiques sur lesquels ce mécanisme est édifié, en reconnaissant enfin la sagesse des motifs qui ont déterminé votre comité, je ne puis me dissimuler les inconvénients qu'il présente dans son exécution ; et la discussion très-lumineuse à laquelle il a donné lieu m'a confirmé dans l'opinion que j'en avais conçue à la première lecture.
Je ne viens point, Messieurs, défendre l'antique constitution des provinces de pays d'états. Les vices de leur administration sont connus des honorables membres de ces provinces qui, presque toutes, réclament des changements et des réformes, et vous dénoncent des abus dont ces établissements politiques sont entachés.
Réunir en un seul et même esprit d'administration tous les citoyens de ce vaste Empire, et détruire les intérêts particuliers, pour faire naître le seul intérêt public, c'est, sans contredit, l'idée la plus patriotique, bien digne des représentants de la nation ; et les circonstances où nous nous trouvons facilitent cette heureuse révolution ; mais elle peut aisément s'opérer sans admettre, dans tout son ensémble, le plan de division proposé par votre comité. J'y trouve des inconvénients majeurs; qu'il me soit permis, Messieurs, de vous faire observer ceux qui ne vous ont pas été exposés, en adhérant à toutes les sages réflexions que les préopinants vous ont détaillées dans la discussion du plan soumis à votre délibération.
S'il m'est permis de dire mon avis particulier, j'observerai que je ne conçois pas pourquoi la nécessité urgente d'organiser promptemenl toutes les municipalités du royaume, pour ramener l'ordre et la tranquillité, ne vous a pas déterminés, Messieurs, à commencer ce grand ouvrage par la formation des municipalités, au lieu de la faire précéder par la division du royaume en différents départements.
Puisque nous avons depuis si longtemps adopté la figure emblématique d'un édifice
immense et majestueux, pour définir le grand ouvrage de notre Constitution, j'oserai
vous faire observer, Messieurs, que pour élever ce vaste édifice, il eût fallu
commencer par rassembler les matériaux
Quant aux principes de la représentation primaire, communale et nationale, je ne puis que rendre hommage aux sages idées de votre comité de constitution. Je crois cependant, dans mon avis particulier, ne devoir pas admettre la distribution des départements et des assemblées communales qui vous est proposée.
Je pense que, sans démembrer, comme le propose votre comité, toutes les provinces du royaume, dont la nature a fixé les limites, il suffit de former dans chaque province dont l'administration est trop étendue dans le mode actuel, un plus grand nombre de départements ou administrations provinciales supérieures, conformément à la population et à l'étendue territoriale de chaque province. Déjà votre comité de constitution, abandonnant sa première division géométrique du royaume en départements, vous a offert de consulter les députés des provinces sur cette distribution. Ainsi, laissons à chaque dépu-tation réunie de chaque province le soin de proposer à l'Assemblée nationale, n'ayant égard qu'autant qu'il sera possible au plan géométrique de votre comité, la division en départements qu'ils jugeront convenable et avantageuse à leur province. Et l'on avouera que c'est entrer dans les vues de votre comité de constitution, que de procéder ainsi.
J'ai de la peine à concevoir encore pourquoi votre comité ne vous propose, Messieurs, que 720 administrations communales dans lesquelles seules il y aura des municipalités, et pourquoi il n'établit dans toutes les autres villes, bourgs et villages du royaume que des bureaux d'administration communale.
Comme administrateurs, ces bureaux sans doute doivent être subalternés à l'administration communale, chef-lieu du ressort; mais quanta la police intérieure des villes, bourgs et villages, il faut des officiers municipaux dans chacun, qui aient les mêmes pouvoirs et la même action que ceux des 720 villes municipales. Il faut des chefs partout où il y a des citoyens réunis, pour maintenir l'ordre et la police.
Le pian de votre comité de constitution, qui ne vous présente que 720 villes municipales, prive au moins les deux tiers des villes du royaume et
tous les autres lieux habités, de cbefs absolument nécessaires et essentiels au bon ordre, à la tranquillité et au bonheur des citoyens, qui sans eux seraient, au moins dans beaucoup de circonstances, livrés momentanément à une anarchie dangereuse.
Après avoir osé. Messieurs, exposer mon opinion sur quelques points principaux du plan de votre comité, qu'il me soit permis de soumettre à votre sagesse un seul objet particulier à la ville de Marseille, dont j'ai l'honneur d'être le représentant, et qui peut également intéresser plusieurs villes de commerce de premier ordre.
Un de nos honorables membres, M. Delandine, vous a exposé hier ses considérations sur les grandes villes de commerce, en vous priant d'observer combien il est difficile et même impossible de réunir, d'amalgamer, de fondre en un même esprit d'administration les grandes vues spéculatives des villes de commerce avec les intérêts locaux et privés des pays agricoles. Il a réclame que le Forez ne fût pas réuni à l'administration de Lyon, et vous a fait sentir combien cette réunion pourrait être désavantageuse. J'adopte pleinement l'opinion de M. Delandine ; et, par des motifs différents, je conclus, comme lui, à ce que les grandes villes de commerce, telles que Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Rouen, aient particulièrement, à l'instar de la ville de Paris, une administration supérieure et non subalternée à aucun chef-lieu de département de l'intérieur des provinces où elles sont situées.
Il est impossible d'espérer jamais que les opérations des grandes villes de commerce et leurs intérêts puissent être dirigés et mis en action par l'administration supérieure des villes et pays agricoles, auxquels on veut les subalterner. De deux choses l'une, Messieurs, ou l'administration supérieure sera composée d'un plus grand nombre de citoyens actifs des villes de commerce, et alors l'intérêt du commerce dominera l'intérêt de l'agriculture, ou les citoyens actifs agricoles seront en plus grand nombre que les commerçants ; et. dans ce cas, le commerce sera mal représenté et sacrifié. Gardons-nous, Messieurs, de mettre les hommes et les intérêts en opposition.
Il estune observation essentielle, que je ne dois pas vous dissimuler. C'est qu'il importe à la prospérité du commerce que l'administration des grandes villes commerçantes ait une correspondance prompte et directe avec le pouvoir exécutif et les ministres. Les opérations les plus essentielles à leurs intérêts exigent une célérité qui n'admet pas dans les villes très-importantes une administration subalternée ; et il serait très-impolitique de les obliger à suivre les différents degrés d'administration auxquels votre comité de constitution veut les soumettre pour arriver, par eux, aux agents supérieurs du gouvernement.
La population tres-considerable, et par conse-auent la police de ces grandes villes de commerce, ne réclament pas moins en leur faveur la nécessité de cette correspondance directe et sans intermédiaire avec le gouvernement, que l'intérêt et la prospérité de leur commerce.
En accordant, Messieurs, à ces principales villes de commerce une administration supérieure, et non une subalternée, vous les soumettrez à tous les principes d'organisation que vous adopterez pour toutes les administrations supérieures ; et lorsque j'ose ici plaider en faveur des grandes villes de commerce du royaume, qu'il me soit permis de
vous faire observer, Messieurs, que Marseille, par l'étendue et l'importance de ses spéculations, et par sa position qui la met dans le cas de réunir dans son sein le commerce de l'univers entier, au très-grand avantage de l'Etat, exige plus qu'aucune autre ville cette administration supérieure dont elle a toujours joui, et que je réclame pour elle. Elle se soumettra certainement avec respect et confiance au mode de représentation, et aux règles d'administration que vous croirez devoir fixer. Quoiqu'elle obtienne une administration supérieure et non subalternée, dont on veut la priver, ou la déposséder, elle n'en aura pas moins l'esprit public et national, et les sentiments de patriotisme qui l'ont toujours distinguée et qui doivent réunir tous les Français.
Je conclus donc, Messieurs, si vous me le permettez, et je demande : l°que l'Assemblée nationale commence, avant tout, à déterminer laforme et les principes d'organisation de toutes les municipalités dans toutes les villes, bourgs et villages du royaume;
2° Que toutes les députations de chaque province se rassemblent, pour former dans leurspro-vinces la réunion des municipalités subalternes et primaires, qui doivent établir les assemblees communales inférieures et les assemblées provinciales supérieures, et pour fixer le nombre de ces assemblées provinciales supérieures qu'elles croiront nécessaire en raison de l'étendue et de la population de leurs provinces, et en suivant la situation et la totalité de leur territoire;
3° Enfin, que les grandes villes de commerce, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Rouen, obtiennent des administrations supérieures et non subalternées, aux mêmes titres et pouvoirs que les administrations provinciales supérieures, en réunissant à leur ressort le territoire de leur banlieue, dans les limites qui forment aujourd'hui leur enceinte.
J'appuierai, Messieurs, cette troisième partie de ma motion d'une considération de la plus grande importance.
Ces villes ont toutes contracté des dettes considérables qu'elles seules et leur banlieue doivent acquitter. 11 ne serait ni juste ni praticable de faire participer à l'acquit de ces dettes anciennes les territoires intérieurs des provinces, que votre comité de constitution réunit, dans sem plan, à l'administration communale ou provinciale de ces grandes villes. Elles ont en outre des charges particulières, nécessitées même par les intérêts du commerce, et qui seront toujours étrangères et indifférentes aux administrations territoriales. L'acquittement de ces dettes anciennes, et la continuité nécessaire de ces charges particulières des villes de commerce, rendent leur réunion à l'administration des villes de l'intérieur des pro* vinces impossible et impolitique, et réclament fortement une administration supérieure et non subalternée en faveur des grandes villes de com-IÏ16FC6 »
Votre sagesse, Messieurs, pèsera ces réflexions ; c'est avec confiance, respect et soumission que j'ose ici vous les présenter,
présente quelques considérations sur la division de la Provence (1).
(1). Il m'est impossible d'apercevoir le rapport qu'il y a entre des lieues carrées et des députés.On ne voit point, par exemple, pourquoi le lac de Genève, s'il était compris dans une des provinces de France, serait privé de représentants qui lui appartiendraient^ autant de titres qu'aux landes de Bordeaux et de Bretagne. Vainement a-t-on voulu corriger les inconvénients qui résultent de cette forme vicieuse, par les autres députations accordées à la population et à la contribution. Ces palliatifs ne servent qu'à montrer qu'en s'écartant des principes on est obligé de multiplier les ressorts et de compliquer les mouvements. Cependant à qui appartient le droit de se faire représenter, si ce n'est à des hommes et non aux champs et aux richesses? Autrement si les provinces ont le droit d'envoyer plus de députés en raison de leur contribution, il s'ensuivrait que les particuliers qui payent le plus devraient avoir le plus d'influence sur le choix des députés, ce qui serait injuste et ce qui devient cependant la conséquence du système proposé par le comité de constitution ; d'ailleurs, par votre déclaration, tous les citoyens sont égaux en droits; or, le plus beau de tous est d'avoir des représèntants, et le comité semble dire qu'il faut avoir des richesses pour être représenté.
J'opine donc pour que les bras soient représentés,et non les écus, et pour que la population soit la seule règle ^ qui fixe le nombre des représentants envoyés à l'Assemblée nationale par chaque canton et département.
(2). La base territoriale est fausse ; un pays est couvert de moissons, un autre de bruyères; ici les hommes sont entassés dans des villes ; à côté les campagnes sont désertes; des habitations nombreuses couvrent une province; des forêts, des sables, des marais couvrent la surface d'une autre ; ainsi par les différences qui se trouvent dans les qualités du terrain, dans les degrés de fertilité et dans la nature de ses productions, la mesure territoriale est trop inégale, trop injuste pour être adoptée.
La base contributive n'est pas plus exacte puisque les impôts sont très-variables par la nature des richesses et de l'industrie ; c'est d'ailleurs une base honteuse, puisque ce ne sont pas les métaux, mais les hommes qu'il faut représenter ou administrer. La seule base digne du législateur est celle de la population, parce que les lois sont faites pour les hommes et non pour les terres. Les hommes font l'Etat, ils forment les lois, ils remplissent l'administration, et quoique le terrain nourrisse les habitants, il doit se resserrer ou s'étendre sous le compas de l'administrateur, suivant sou degré d'utilité.
Ce n'est pas qu'on doive négliger la base territoriale, puisque l'administration devient plus pénible et plus dispendieuse dans les grandes distances, mais ce n'est là qu'une base secondaire.
Quant au degré de représentation, le plus petit nombre est préférable ; deux degrés
sont plus rapprochés du peuple, il élira plus directement ses représentants, il
surveillera mieux ses administrateurs ; deux degrés de représentation rendent les
élections plus générales et plus populaires ;
Les municipalités sont à la liberté politique ce que les jurés sont à la liberté civile, c'est-à-dire la base essentielle à établir ; donner à chaque ville, bourg et village, une municipalité indépendante, c'est réunir le principe représentatif et détruire à leur origine tous les liens de l'administration; ne pas laisser à chaque bourg ou village un régime municipal honoré de ce nom, c'est rappeler des idées humiliantes de subalter nation ail lieu de faire naître des rapports plus doux d'intérêt et de réunion.
Je propose donc d'établir deux sortes de municipalités : les unes secondaires, les autres princi~> pales. Voici les articles que je soumets à votre délibération :
1° Déterminer de quel nombre d'individus chaque département sera composé ;
2° Renvoyer aux députés de chaque province le soin d'appliquer cette base de population sur le territoire, pour pouvoir établir par un décret particulier la division des assemblées provinciales ou de département, sauf à elles à perfectionner par la suite ces divisions
3° Arrêter qu'il n'y aura que deux degrés de représentation et d'administration;
4° Déterminer de quel nombre d'individus sera composé chaque arrondissement subordonné à l'assemblée de département ;
5° Etablir dans chaque ville, bourg et village, une municipalité secondaire, et dans certaines villes et bourgs des municipalités principales auxquelles les secondaires ressortiraient pour certains objets;
6° Déterminer le nombre d'habitants nécessaire pour former une municipalité principale, de manière que chaque assemblée provinciale puisse adopter le principe au territoire,
La suite de la discussion a été ajournée, afin de permettre à l'Assemblée de s'occuper d'affaires urgentes.
, évêque d'Autun, présente au nom du comité de constitution uu règle-ment provisoire de police pour la ville de Paris, rédigé sur la demande des administrateurs de là commune.
présente sur l'article 8 un amendement ayant pour objet d'interdire au lieutenant de maire, ou au conseiller assesseur, la faculté de condamner à huit jours de prison ; il fait remarquer que toutes les lois dut royaume n'autorisent un pareil fait que pour vingt-quatre heures, comme simple précaution et non comme peine.
convient que c'est donner trop d'autorité aux magistrats de police ; cependant, eu égard aux circonstances actuelles et dans une ville comme Paris, la police a un plus grand besoin d'une force réprimante ; il propose par sous-amendement de réduire ce pouvoir à un emprisonnement de trois jours.
Cet amendement est mis aux voix et adopté»
propose d'ajouter que l'emprisonnement ne pourra être ordonné que de l'avis de deux notables adjoints.
La question préalable est demandée et adoptée.
L'Assemblée a
pensé que Paris, dont la population égale trois départements du Poitou et surpasse celle des trois départements du Dauphiné, devait former à elle seule un département,
On a jugé que c'était le moyen d'assurer à cette grande ville toute l'étendue de la représentation à laquelle elle a droit de prétendre dans l'Assemblée nationale ; de la rendre non plus par hasard, mais constitutionnellement, capitale du royaume, et de favoriser le plus qu'il sera possible ses approvisionnements, en y intéressant la totalité de l'empire français, et en tarissant la source de tous les prétextes qui pourraient y apporter obstacle.
Il n'est pas inutile de rappeler ou du moins d'indiquer les raisonnements qui établissent la justesse de cette opinion, car on y trouvera les principes de la forme d'administration que l'existence constitutionnelle de département parait devoir imprimer à la municipalité de Paris.
§ I. La ville de Paris, formant un département, sera mieux représentée.
Si la ville de Paris était la capitale d'un département, elle ne pourrait y former qu'un district, et serait environnée de huit autres districts qui composeraient le département le plus peuplé du royaume.
Chacun de ces districts concourrait à fournir des électeurs en raison de ses contributions directes et du nombre de ses citoyens actifs.
Or, on doit remarquer que les contributions directes sont proportionnellement beaucoup plus fortes dans les campagnes que dans les villes, et surtout que dans la capitale; la raison en est qu'une grande partie des contributions des villes, et surtout de la capitale, sont acquittées par des droits d'entrée, c'est-à-dire par des contributions indirectes.
Il en résulte que le nombre des citoyens actifs est proportionnellement beaucoup plus considérable dans les campagnes que dans les villes, et (nous devons en convenir au sein de la première ville du royaume) cela même est un bien ; car dans les campagnes les murs sont plus simples et plus pures, c'est-à-dire, en d'autres termes, que la raison y est plus saine et que les idées y sont plus justes, quoiqu'il y ait, en général, plus de talents dans les villes.
Cependant, il faut que les villes soient représentées ; et la nature des impositions qu'elles affectionnent y diminuant le nombre des citoyens actifs, une ville de six cent mille âmes ne doit pas en présenter beaucoup plus qu'une campagne peuplée de trois cent mille.
Les huit districts qui environneraient Paris ayant une population supérieure à celle de Paris même, il pourrait se trouver qu'à l'assemblée générale de département il n'y eût qu'un tiers d'électeurs fourni par la ville de Paris, et que les deux autres tiers le fussent par les paroisses et communautés de campagne.
Alors pour peu qu'il se fût élevé quelque ani-mosité entre les Parisiens et les campagnes de leur département, une majorité combinée, que la différence des murs et celle des costumes rendraient très-facile, pourrait faire que la totalité des représentants fût choisie dans les districts extérieurs, et que la ville de Paris ne fût aucunement représentée, quoiqu'elle parût l'être in globo dans son département, et que ses citoyens actifs eussent participé aux élections.
On pense bien que 1» chose n'arriverait pas ri-
goureusement ainsi ; mais il suffirait que Paris pût perdre un tiers, ou même un seul des représentants auxquels sa population et ses contributions lui donnent droit, pour que l'arrangement qui l'exposerait à ce danger ne dût pas être agréable aux habitants de Paris.
Il leur est sensiblement plus avantageux que la ville, réunie tout au plus à sa banlieue, forme à elle seule un département dans lequel ses citoyens ne concourront qu'entre eux, et qui sera certain d'avoir dans l'Assemblée nationale toute la représentation qui lui est due : cet intérêt doit vivement toucher les Parisiens, quoiqu'il soit moins pressant que celui dont nous allons parler dans le paragraphe suivant :
§ II. Intérêt de Paris relativement à la subsistance.
Une ville qui renferme six à sept cent mille habitants ne peut subsister qu'autant qu'une immense étendue de pays concourt à son approvisionnement.
Elle ne saurait l'y contraindre par la force.
Elle n'en a le droit vis à vis de personne, et contre une immense étendue de pays elle n'en aurait pas le pouvoir.
La liberté de la circulation des denrées, des conventions, des prix qui présentent de l'avantage aux fournisseurs, et l'évidence impérieuse de ses besoins sont donc le seul gage qu'elle puisse avoir des secours qui lui seront donnés par ses compatriotes.
Elle peut et doit obtenir d'eux; elle ne doit rien leur prendre, et ne pourrait le tenter sans péril.
Ce serait une idée très-injuste et très-inconstitutionnelle d'imaginer qu'aucune municipalité puisse exercer un droit coercitif sur une autre municipalité. Les municipalités sont entre elles comme les hommes, et la révolution a été faite précisément pour que les grands n'opprimassent pas les petits, pour que la puissance fût uniquement employée à protéger le peuple.
Paris, chef-lieu d'un département, n'aurait aucun droit de plus sur le moindre village de ce département. La municipalité de Paris n'aurait même aucune autorité sur le moindre village de son district.
L'assemblée de district, qui prendrait les ordres de l'assemblée de département, les intimerait également à la municipalité de Paris et aux autres municipalités.
Ces ordres, quels qu'ils fussent, ne pourraient rien ajouter à la sûreté des approvisionnements de Paris ; car, encore une fois, cette sûreté ne pourra jamais être garantie que par l'intérêt des fournisseurs, les moyens de payer des habitants, et la liberté de la circulation des"subsistances, qui est et doit être une loi constitutionnelle de l'Etat, dont la confédération n'a pour objet que de faire respecter toutes les propriétés et de pourvoir à tous les besoins en raison de leur urgence.
Or, le degré d'urgence des besoins ne peut se manifester que par le prix qu'offrent les consommateurs. Ceux qui ont le plus de besoins payent le plus cher ; on ne peut ni les priver des secours qu'ils appellent, ni obliger les vendeurs de les donner à perte, pour fournir à des besoins moins pressants. C'est ainsi que les approvisionnements et les prix s'égalisent partout au grand avantage de l'humanité et avec équité pour tout le monde.
Mais, si la liberté de la circulation peut seule
assurer l'approvisionnement des grandes villes, il n'est pas inutile, pour son parfait établissement, après un long espace de troubles et;d'orages, que chacun soit convaincu de l'indispensable nécessité de cette liberté, et de l'impossibilité où seraient les villes de subsister par elles-mêmes et par leur territoire.
Or, lorsque Paris n'aura pour territoire qu'une banlieue, il n'y a personne qui ne sente que cette ville doit tirer son approvisionnement des provinces, et qu'on ne pourrait lui refuser à cet " égard toute la facilité nécessaire, sans démence, sans injustice, sans cruauté : toutes les forces du royaume concourront donc en ce cas à l'approvisionnement de Paris.
Si, au contraire, Paris semblait commander à un département dont la ville serait le chef-lieu, et auquel cependant sa municipalité ne commanderait pas, les départements environnants pourraient croire ou feindre de croire que le département de Paris suffit pour fournir à cette ville tout ce qui peut être nécessaire à sa subsistance; et cependant un département de neuf lieues de rayon ou d'une lieue de rayon, une province, une banlieue, y sont également insuffisants.
C'est à quoi "Paris s'est exposé toutes les fois qu'il a demandé une sorte de préférence dans un arrondissement déterminé. Les arrondissements environnants sont devenus ennemis de Paris. Chaque ville a voulu avoir le sien ; la circulation a été obstruée ; des cantons abondants ont manqué de débouchés pour leurs productions et ont été privés d'une partie de leurs revenus ; d'autres, qui manquaient déjà d'approvisionnements, sont tombés dans un dénûment plus grand encore ; et Paris lui-même, reconnaissant > l'insuffisance de son arrondissement, a été obligé d'avoir recours à des approvisionnements faits en pays étranger, et cela au milieu d'une récolte abondante et dans un royaume fertile, mais où le système des arrondissements, devenu général de fait, malgré le droit naturel et politique, mal- gré les décrets de l'Assemblée nationale, malgré la sanction du Roi, interceptait tous les approvisionnements.
Cependant, quoiqu'un arrondissement de neuf lieues de rayon ou d'environ trois cents lieues de superficie soit aussi incapable de fournir à l'approvisionnement de Paris qu'une simple banlieue, il ne le paraît pas autant ; et l'on objec-rait à Paris comme une richesse un territoire do trois cents lieues, qui nepourrait lui être presque d'aucun secours.
C'est un principe, lorsqu'on veut approvisionner une grande ville, de commencer les achats au - loin, afin de les ramener progressivement sur elle, et de faire participer à son abondance les provinces environnantes. L'institution des arrondissements est tout à fait contraire à ce principe. Au moment de la récolte, la ville, éblouie par les ressources faciles que lui présente son arrondissement, l'épuisé ; et lorsqu'ensuite il faut qu'elle tire de plus loin, ce n'est pas sans alarme ni sans humeur que les villes de l'arrondissement, déjà dénuées de provisions, voient passer les grains destinés à la consommation de la ville principale. On multiplie donc les obstacles à la subsistance des villes par les arrondis-ments qu'on leur attribue.
Si l'on voulait embrasser dans le département de Paris tous les lieux d'où cette ville tire les choses nécessaires à ses besoins, il y faudrait comprendre la Normandie, l'Auvergne, le Limousin, pour ses boeufs ; l'Orléanais, la Bourgogne,
la Champagne et la Guyenne, pour ses vins ; la Provence et le Languedoc pour ses huiles; le Nivernais pour ses bois, etc., etc.
Mais quel est le moyen de faire que toutes les provinces soient pour ainsi dire dans le département de Paris? C'est de n'y en mettre aucune ; c'est de les intéresser toutes, et d'intéresser l'opinion publique, qui se forme à Paris plus qu'ailleurs, à faciliter partout l'échange et la communication des denrées; c'est de lever tous les obstacles qui s'opposent à la liberté du commerce.
Quelques personnes ont cru qu'il serait nécessaire que les moulins qui servent à l'approvisionnement de Paris fussent placés dans le département dont cette ville serait le chef-lieu; leur erreur à cet égard vient de ce qu'elles ont confondu la propriété avec l'administration et l'administration municipale avec celle de département.
La ville de Paris, comme toute autre corporation, peut être propriétaire de moulins et de magasins; sa municipalité peut régir ses magasins ; comme les représentants de toutes les corporations régissent, partout le royaume, leurs propriétés. Un grand nombre d'établissements publics à Paris, et un bien plus grand nombre de bourgeois de Paris, ont des propriétés hors de Paris; ils les administrent comme ils le jugent convenable, et toutes les lois du royaume sont faites, tous les pouvoirs sont établis pour leur en conserver, pour leur en garantir la liberté.
Il n'y aurait aucune sûreté publique ni particulière, l'Etat serait renversé, la Constitution serait nulle si, après que celle-ci aura été complètement décrétée et sanctionnée, on pouvait empêcher un seul particulier de faire travailler ses moulins comme il lui conviendra, d'y porter des grains, d'en retirer la farine, à plus forte raison une ville, à plus forte raison la première ville du royaume. Si Paris achetait les moulins de Moissac, la puissance entière du Roi et de la nation devrait lui en garantir l'usage aussi assuré que celui des moulins de Corbeil ou des moulins de Montmartre qui peuvent lui appartenir.
On ne peut supposer rien de contraire qu'en supposant l'abus de la force, la guerre civile, la dissolution de la société; mais dans ce cas comme dans l'autre, la distance de Pontoise ou de Corbeil à Paris ne serait ni augmentée ni diminuée ; soit que l'on eût compris ou non ces villes dans le département de Paris, les difficultés ou les facilités de la communication seraient exactement les mêmes.
Ainsi, ou il y aura paix et bon ordre, et alors tout le royaume approvisionnera Paris avec d'autant plus de zèle que, ne lui sachant qu'une banlieue, tout le royaume sera convaincu que cette banlieue et Paris doivent être nourris par les provinces ; ou il y aura guerre, désordre, anéantissement de la monarchie, de la république, de tout, et alors il n'y aura plus de puissance qu'à la portée des armes, et la destruction de Paris par la disette deviendrait inévitable ; mais Dieu, la sagesse de l'Assemblée nationale, la bonté du Roi, la modération des Parisiens eux-mêmes, le respect qu'ils doivent au Corps législatif, au pouvoir exécutif, garantiront la patrie d'un tel malheur.
§ III. Paris, capitale du royaume ou d'un département.
Si Paris était compris dans un département, il ne serait considéré par les autres départements
que comme une partie de province. Us ne se regarderaient pas comme ayant des relations avec Paris, mais seulement avec le département de Paris. Et en effet, jamais ils n'auraient avec la municipalité de Paris aucune correspondance directe; il ne pourraient en avoir qu'avec l'assemblée du département dans lequel la ville de Paris serait située ; car ce n'était pas le dérangement de la Constitution que quelques districts de Paris avaient demandé en sollicitant un département de neuf lieues de rayon ; c'était la conformité de régime avec les autres villes.
Il aurait donc fallu établira Paris, au-dessus de la municipalité, une assemblée de district, formée par les représentants de citoyens actifs compris dans Paris, et de ceux qui se seraient trouvés dans les villes et dans les villages qui auraient fait partie du district de Paris.
Au-dessus de cette assemblée de district qui, dans toutes les matières d'administration, commande directement à la municipalité de Paris, il aurait fallu établir encoie l'assemblée de dépar-tament, formée des députés des citoyens actifs des huit districts environnants, et de ceux du district de Paris ; et nous avons vu dans le premier paragraphe que, par le simple usage de la liberté des élections dirigées par quelque mécontentement particulier, soit que ce mécontentement fût bien ou mal fondé, il aurait pu quelquefois arriver que, dans l'Assemblée nationale,il ne se trouvât aucun député direct de la ville de Paris.
Si la municipalité de Paris avait donc eu quelque pétition à faire, elle aurait été tenue de s'adresser à l'assemblée du district dans lequel auraient été comprises la ville et la banlieue; cette assemblée de district, ou en aurait décidé, si la chose avait été de sa compétence, ou bien en aurait référé à l'assemblée de département, qui aurait prononcé si l'objet eût été de son ressort, ou qui en aurait référé elle-même à l'Assemblée nationale et au Roi. Gomme il faut en tout de l'ordre, et un ordre régulier et impartial, Paris n'aurait pu à cet égard avoir aucun droit de plus que Je moindre village.
Cette cascade d'autorités a paru ne pouvoir convenir à la ville de Paris, qui a toujours été regardée comme un département particulier, qui n'a jamais été comprise dans l'intendance où elle était enclavée, et qui même formait à elle seule un gouvernement. Il n'y a point de Parisien qui n'eût été affligé de l'état subalterne auquel il aurait fallu réduire cette grande ville; il n'y en a point qui ne doive applaudir aux citoyens qui se sont occupés des moyens de procurer à la ville de Paris une plus grande existence politique dans l'Etat.
Cette existence politique sera la plus grande possible si la municipalité de Paris est honorée des fonctions d'une assemblée de département ; si elle peut correspondre directement avec les autres départements, avec l'Assemblée nationale et avec le Roi.
Alors on saura que Paris, inférieur en territoire, mais supérieur en contributions et en population aux plus grandes provinces du royaume, vaut et pèse autant et plus qu'aucune de ces provinces. Alors la ville de Paris ne sera plus regardée comme une simple municipalité ; elle sera un des éléments principaux de l'organisation de l'Etat, et ce ne sera que de ce moment qu'elle deviendra véritablement capitale du royaume, non par une simple accumulation de maisons, mais par la constitution qui lui sera donnée.
Nous examinerons dans le paragraphe suivant quelle doit être la forme que la dignité de dépar-
tement oblige de donner en effet à la constitution de Paris, afin qu'il n'y ait dans son sein aucune autorité supérieure à celle de sa municipalité que celle de l'Assemblée nationale et celle du Roi.
§ IV. Comment organiser un département dans la ville de Paris et sa banlieue.
La ville de Paris formant un département, il faut de toute nécessité qu'il présente les mêmes éléments que les autres, et qu'on ne puisse remarquer aucune dissemblance importante entre son organisation et ]a leur.
Il faut donc qu'il s'y trouve des cantons où se tiennent des assemblées primaires, afin que les citoyens actifs y procèdent, en la même forme établie dans les autres cantons du royaume, aux élections pour lesquelles ils ont un droit direct.
Il faut que dans ces cantons de Paris des juges de Paris remplissent les mêmes fonctions qui leur seront attribuées partout ailleurs.
Ces cantons sont déjà formés : leur nombre, leur étendue ont paru proportionnés à celle de la ville. On est accoutumé à y tenir des assemblées primaires; ce sont les soixante districts actuellement subsistants (1). Ils n'auraient à changer que de noms et de fonctions. Ils éliraient un nombre de juges de paix suffisant pour qu'à toute heure de jour et de nuit on pût en trouver un ou deux séant dans la salle commune du canton, aujourd'hui nommé district; la vigilance perpétuelle que demande la police d'une grande ville exige dans chaque canton cette séance permanente des juges de paix, et les districts actuels de Paris en ont contracté l'habitude.
On pourrait encore y conserver, par les mêmes raisons tenant à la multiplicité des détails, un comité composé d'un président, d'un vice-président et de quatre conseillers chargés des fonctions d'administration qui leur seraient déléguées, et notamment de l'inspection des hôtels garnis et autres maisons publiques, et de l'exécution des règlements relatifs à l'illumination et à la propreté des rues.
Il faut que ces cantons soient divisés en sections, qu'ils soient à plusieurs égards une image des petites municipalités champêtres, et dans lesquelles un syndic et deux conseillers,assistés d'un greffier, et tous les quatre élus par les citoyens de leur section, fassent, comme le bureau municipal dans les paroisses de campagne, la répartition des impositions entre les contribuables, et veillent, sous les ordres du comité de leur canton, à tout ce qui concerne la propreté et la sûreté publiques.
On diviserait la banlieue en douze cantons(2),où l'on tiendrait pareillement des assemblées primaires, et où l'on établirait le nombre déjugés de paix qui serait convenable.
L'administration de ces cantons hors des murs et celle des municipalités qui s'y
trouveraient comprises seraient en tout semblables à celle des can-
La totalité de celui de Paris, ville et banlieue comprises, serait donc divisée en soixante-douze cantons, que l'on pourrait partager en huit districts, composés chacun de neuf cantons.
Chacun de ces huit districts aurait, comme ceux des provinces, un directoire et un conseil. Le directoire remplirait précisément les mêmes fonctions que les directoires des districts provinciaux ; il répartirait les impositions entre les cantons et les sections de canton : il ferait entretenir, sous les ordres delà municipalité ou de l'assemblée de département, le pavé, les chemins de son district ; il inspecterait l'administration des établissements publics, collèges, hôpitaux, casernes, qui se trouveraient dans son district, d'après les instructions qu'il recevrait de la municipalité générale qui ferait les fonctions d'assemblée de département.
On n'établirait point de tribunal dans les districts, parce que la seule raison qui ait porté l'Assemblée nationale à placer un tribunal dans chaque district des autres départements est le louable désir de rapprocher la justice des justiciables. Mais cette raison est inapplicable aux' districts du département de Paris, puisqu'il ne s'y trouvera pas un canton, ni pas une section de canton, qui ne soit à une distance très^-rapprochée du Châtelet, lequel exercera les fonctions de tribunal de district sur tous ceux du département.
Entin la municipalité, présidée par le maire, et formée pareillement d'un directoire et d'un con-seil à la foi municipal pour la ville, et de département pour tous les districts, aurait l'administration générale, partagerait l'impôt entre les districts, recevrait et vérifierait les comptes de leurs directoires et de leurs conseils, leur intimerait les ordres qui lui seraient donnés par l'Assemblée nationale et par le Roi, dirigerait les établissement publics qui seraient d'une utilité commune à tout le département, surveillerait tous les autres, exercerait la police générale, administrerait la rivière, convoquerait et présiderait les assemblées générales d'électeurs, remplirait toutes les mêmes fonctions que les assemblées de département des provinces.
La grande municipalité de Paris, correspondant directement avec l'Assemblée nationale et avec le Roi, serait donc parfaitement organisée jusque dans ses moindres ramifications, et comme municipalité, et comme assembléu de département.
Les cantons et les sections de canton do Paris seraient en quelque façon de petites municipalités, dont les officiers seraient revêtus par délégation d'une subdivision du pouvoir administratif.
Les districts, formés de neuf cantons, seraient en tout semblables aux districts des provinces ; la ville de Paris garderait sans inconvénient la plus grande dignité dont elle soit susceptible; la constitution de son département serait complètement analogue à celle des autres départements, et aurait atteint le plus haut degré de perfection que l'on puisse donner à un département urbain.
Il me semble que pour peu que l'on ait connaissance du cur humain, ainsi que de la grande nécessité d'éviter dans l'administration tous les conflits d'autorité et la complication des ressorts inutiles, on jugera que cette constitution pour la ville de Paris et pour son département, formée d'elle-même et, au delà de ses murs, d'une simple banlieue, est incomparablement préférable à celle qui ne mettrait la municipalité de Paris qu'au troisième rang dans l'administration, et qui 3a soumettrait à l'assemblée de son district, qui
serait soumise elle-même à une assemblée de département.
J'offre à la fois ces idées à la commune de Paris et à l'Assemblée nationale, et je désire qu'elles y trouvent ce que je crois y voir, le moyen de concilier tous les droits, tous les intérêts, tous les besoins, et, ce qui est bien plus difficile, toutes les prétentions,
L'Assemblée renvoie au comité de constitution le discours de M. Dupont, et adopte en ces termes le règlement proposé par M. l'évêque d'Autun :
« L'Assemblée nationale, vu le projet de règlement qui lui a été présenté par les maires, lieutenants de maire, conseillers,assesseurs et administrateurs de la ville de Paris, et les observations faites par le comité de constitution ; considérant que la nature des circonstances exige impérieusement que l'action de la police soit rétablie, et qu'il est important de donner dès à présent un moyen provisoire d'activité à cette partie essentielle de l'ordre public, en attendant qu'elle puisse recevoir une organisation régulière, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Chaque comité de district remplira
provisoirement dans son arrondissement, sous l'autorité du corps municipal, les
fonctions de police ci-après désignées.
«Art. 2. Les comités des districts veilleront, chacun dans son arrondissement, aux objets de police journalière, conformément aux ordres et instructions qui seront donnés par la municipalité.
«Art. 3. Il y aura nuit et jour au comité au moins un des membres, qui sera spécialement chargé d'entendre et d'interroger les gens arrêtés pour faits de police, avec pouvoir de les faire relaxer après une simple réprimande, ou de les faire déposer dans les prisons de l'hôtel de la Force. Le secrétaire greffier, dont il va être parlé, enverra tous les matins les procès-verbaux qui auront été dressés au maire ou à son lieutenant, ayant le département de la police.
« Art. 4. Un secrétaire greffier assistera le commissaire de service, et il sera par lui tenu un registre de tout ce qui se fera de relatif à l'exercice de la police. Ledit registre sera paraphé par le président du comité du district.
« Art. 5. Les particuliers arrêtés, prévenus de vols ou d'autres crimes, seront conduits sur-le-champ et directement par les patrouilles devant un commissaire au Châtelet, avec les effets pouvant servir à charge ou décharge ; et, dans le cas où ces particuliers auraient été conduits d'abord aux comités des districts, ils seront renvoyés à l'instant devant un commissaire au Châtelet, à l'effet de commencer la procédure suivant les formes judiciaires.
« Art. 6. Le commissaire au Châtelet qui aura interrogé les prévenus de vols ou autres crimes enverra, dans le jour, une expédition de son procès-verbal au maire ou au lieutenant de maire au département de la police.
«Art. 7. Le lieutenant de maire au département de la police, ou l'un de ses conseillers administrateurs, visitera chaque jour les prisons de l'hôtel de la Force, interrogera les prisonniers arrêtés la veille et envoyés dans cette priscm par les comités des districts ; seront à cette visite invités deux adjoints notables pris alternativement dans chaque district.
«Art. 8. Le lieutenant de maire, ou le conseiller administrateur qui le remplacera, pourra mettre
les prisonniers en liberté, s'il y a lieu, ou, selon la nature des circonstances, les condamner soit à garder prison pendant trois jours au plus, soit à une amende qui ne pourra excéder la somme de 50 livres ; et, dans le cas où ils mériteraient une plus longue détention ou une amende pius forte, il en sera référé au tribunal de police.
« L'amende sera payable à l'instant où elle aura été prononcée, entre les mains du greffier des prisons, qui en comptera au trésor de la ville, et le produit de ces amendes sera employé à la propreté et à la salubrité des prisons. A défaut de payement, le condamné gardera prison, à moins qu'il ne donne bonne et valable caution ; le tout sauf l'appel au tribunal.
« Art. 9. Les prisonniers ci-devant arrêtés et actuellement détenus dans les prisons de police seront interrogés et jugés le plus promptement qu'il sera possible, en ayant égard au temps qui se sera écoulé depuis le jour de leur détention.
« Art. 10. Il sera établi un tribunal de police, composé de huit notables adjoints, élus dans la forme qui sera indiquée par ïe bureau de ville. Il sera présidé par le maire ou par son lieutenant au département de la police, et, à leur défaut, par le plus âgé des conseillers administrateurs au département. Les fonctions du ministère public y seront exercées par l'un des adjoints du procureur syndic de la commune, et les causes jugées sommairement et sans frais.
« Art. 11. Le tribunal de police jugera en dernier ressort jusqu'à concurrence de 100 livres d'amende, ou d'un mois de prison.
« Art. 12. Le présent décret ne sera exécuté que provisoirement et jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'Assemblée nationale sur l'organisation définitive tant des municipalités que de l'ordre judiciaire. »
Messieurs, la réclamation que j'ai l'honneur de vous porter au nom de ma province est relative à l'inexécution de vos décrets, et notamment de celui qui intéresse le plus les hommes sensibles ; je veux parler de la loi provisoire sur la procédure criminelle, ce premier bienfait que vous deviez à la classe la plus malheureuse de l'humanité.
Depuis trois mois, Messieurs, une des plus importantes villes du royaume, Marseille, qui fut le berceau de mes pères, et dont je suis le fils adoptif, Marseille tout entière est sous le joug d'une procédure prévôtale que l'esprit de corps et l'abus du pouvoir ont fait dégénérer en oppression et en tyrannie.
Il était difficile que cette ville ne se ressentît pas de l'agitation du royaume. Plus de sagesse dans son administration municipale aurait prévenu des désordres. C'est pour les punir que la procédure a été prise ; mais des mains cauteleuses ont su la diriger vers un autre but. Les vrais coupables ne sont pas jugés et mille témoins ont été entendus. On a informé, non sur les délits, mais sur des opinions, mais sur des pensées. On a voulu remplacer par cette procédure celle qu'on n avait pas permis au parlement de commencer, ou qu'on avait arrachée de ses mains ; et des haines secrètes, dont le foyer ne nous est pas inconnu, ont rempli les cachots de citoyens.
Ne croyez point en effet que cette procédure soit dirigée contre cette partie du peuple que, par mépris pour le genre humain, les ennemis de la liberté appellent la canaille, et dont il suffirait de dire qu'elle a peut-être plus besoin de caution que ceux qui ont quelque chose à
perdre. Non, Messieurs, c'est contre les citoyens de Marseille les plus honorés de la confiance publique que la justice s'est armée; et un seul fait vous prouvera si les hommes qu'on a décrétés sont les ennemis du bien. M. d'André, à qui l'Assemblée accorde son estime et le Roi sa confiance, ayant fait assembler les districts de Marseille, pour nommer des députés et former une municipalité provisoire, partout la voix publique s'est manifestée ; elle a nommé ces mêmes décrétés; et comme des lois, susceptibles sans doute de quelque réformation, s'opposaient à ce qu'ils fussent admis dans le conseil, où le conseil, où le suffrage de leurs concitoyens les appelait, on a choisi pour les remplacer leurs parents, leurs amis, ceux qui partageaient les principes des accusés, ceux qui pouvaient défendre leur innocence.
Le temps viendra bientôt où je dénoncerai les coupables auteurs des maux qui désolent la Provence, et ce parlement qu'un proverbe trivial a rangé parmi les fléaux de ce pays (l), et ces municipalités dévorantes qui, peu jalouses du bonheur du peuple, ne sont occupées depuis des siècles qu'à multiplier ses chaînes, ou à dissiper le fruit de ses sueurs. Je dois me borner à vous entretenir aujourd'hui de l'inexécution de votre décret sur la procédure criminelle.
Ce décret fut sanctionné le 4.
Le 14, il fut enregistré au parlement de Paris. Le 18, il était connu publiquement à Marseille. Cependant, le 27, des juges arrivés d'Aix le meme jour, et réunis à quelques avocats, ont jugé suivant les anciennes formes une récusation proposée par les accusés. Ce fait est prouvé par plusieurs lettres que je puis mettre sur le bureau.
Par quel étrange événement s'est-il donc fait que Je décret de l'Assemblée ne soit parvenu ni au prévôt, ni à la municipalité de Marseille? Les ministres chercheraient-ils encore des détours ? Voudraient-ils rendre nuls vos décrets en ne s'occupant qu'avec lenteur de leur exécution? ou bien les corps administratifs, les tribunaux, oseraient-ils mettre des entraves à la publicité de vos lois ? Je ne sais que penser de ces coupables délais. Mais ce que personne de nous ne peut ignorer, c'est qu'il est impossible de relever 1 empire écrasé par trois siècles d'abus, si le pouvoir exécutif suit une autre ligne que la notre, s'il est l'ennemi du Corps législatif, au lieu d'en être l'auxiliaire; et si des corps auxquels il faudra bien apprendre qu'ils ne sont rien dans l'Etat osent encore lutter contre la volonté publique dont nous sommes les organes. Je propose le décret suivant:
« Qu'il sera demandé à M. le garde des sceaux et au secrétaire d'Etat de représenter les certificats, ou accusés de la réception des décrets de l'Assemblée nationale, et notamment de celui de la procédure criminelle qu'ils ont dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire, et des commissaires départis, auxquels l'envoi a dû être fait ; et qu'il sera sursis provisoirement à l'exécution de tous jugements en dernier ressort, rendus dans la forme ancienne par tous les tribunaux, antérieurement à l'époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal. »
A peine M. de Mirabeau eut-il fini cette motion,
dénonce le prévôt de Champagne.
dénonce les juges criminels d'Alsace.
Le défaut de circulation des décrets vient du défaut d'enregistrement des cours. Le parlement de Besançon a refusé d'enregistrer le décret sur la jurisprudence criminelle A et ceux qui concernent l'exportation et la circulation des grains, enfin tous les décrets de l'As-semblée nationale.
Je demande que, faute par les cours d'enregistrer les décrets, ils le soient dans les municipalités.
Un membre propose d'ajourner la motion.
Si l'on devait k vous pendre, monsieur, proposeriez-vous l'ajour-? nement d'un examen qui pourrait vous sauver ? Eh bien ! 50 citoyens de Marseille peuvent être pendus tous les jours.
M. *** se plaint qu'il n'est parvenu dans le Beaujolais que les décrets utiles, sous quelque rapport, au pouvoir exécutif.
propose de rendre, relative-¦* ment à la motion de M. Lavie, un décret constitutionnel qui est arrêté et adopté.
demande que six personnes soient chargées de savoir où est l'expédition des différents décrets sanctionnés ou acceptés qui doivent avoir été envoyés dans les provinces.
L'Assemblée juge qu'il n'y a lieu à délibérer sur cette motion.
propose d'ordonner la remise au comité des recherches des diverses pièces relatives r aux dénonciations qui viennent d'être faites pour en être demain rendu compte à l'Assemblée.
(1). Messieurs, j'appuie la mo-tion du préopinant; mais je dois vous faire quelques
observations qui me paraissent importantes. On se plaint sans cesse que les décrets,
les arrêtés de l'Assemblée n'arrivent pas, ou ne circulent pas dans les provinces. Si
tous les faits allégués à cet égard existent, ils ont une cause; il faut la connaître.
Si les agents immédiats du pouvoir exécutif retenaient les décrets émanés de .
l'Assemblée, ils seraient profondément coupables; mais je crois que toute défiance à
cet égard est p injuste et mal fondée. M. le garde des sceaux vous adonné, surtout
dans ces derniers temps, des preuves de sa volonté décidée de suivre en tout la marche
que lui prescrira l'Assemblée; et croyez, Messieurs, que le ministre n'est pas assez
dépourvu de lumières pour ne pas sentir que le seul parti qu'il ait à prendre pour
sauver l'Etat, et rendre à la puissance exécutive toute la force que vous voulez lui
donner et qui est nécessaire au v bonheur et à la paix de la nation, est d'agir
d'après l'impulsion qu'il recevra de vous. Cependant, Messieurs, on paraît inculper
encore ici les ministres ; on paraît croire que c'est par leur
J'ai donc l'honneur de vous proposer de prendre l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale a arrêté que le comité des recherches sera spécialement chargé de rechercher les causes qui peuvent retarder l'expédition ou la circulation de ses arrêtés et décrets, pour que, les auteurs de ce retard étant connus, ils puissent être poursuivis au Châtelet de Paris et punis suivant l'exigence des cas. »
Cette motion est adoptée.
L'Assemblée rend un décret conçu dans les termes suivants:
« L'Assemblée nationale a décrété: 1° qu'il sera demandé à M. le garde des sceaux et au secrétaire d'Etat, de représenter les certificats ou accusés de réception des décrets de l'Assemblée nationale, et spécialement du décret concernant la réformation delà procédure criminelle, qu'il a dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire, et des commissaires départis dans les généralités auxquelles l'envoi en a été fait ; et qu'il sera provisoirement sursis à l'exécution de tous jugements en dernier ressort, et arrêts rendus dans la forme ancienne par quelque tribunal ou cour de justice que ce soit, postérieurement à l'époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal;
« 2° Que toute cour, même en vacation, tribunal, municipalité et corps administratifs, qui n'auront pas inscrit sur leurs registres, dans les trois jours après la réception, et fait publier dans la huitaine les lois faites par les représentants de la nation, sanctionnées ou acceptées, et envoyées par le Roi, seront poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions, et coupables de forfaiture;
« 3° Que les dénonciations faites contre les tribunaux qui auraient refusé d'exécuter les décrets de l'Assemblée, avec les pièces jointes aux dénonciations, seront remises au comité des recherches pour en être incessamment rendu compte à l'Assemblée. »
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
à la séance de l'Assemblée nationale du
nouvelle division de la france en cent dix départements,
Chacun pouvant former une assemblée provinciale, un siège épiscopal, et une ou 'plusieurs cours de justice équivalentes aux présidiaux, par M. Aubry du Bochet (1).
Nota. Pour déterminer davantage l'Assemblée en faveur de celte division, on a fait de ces départements vingt-cinq provinces principales, que l'on a composées d'un million environ d'individus, chacune d'après le calcul de M. Necker, dans le chef-lieu desquelles il semble convenable de placer une cour supérieure de justice, et même un archevêché, si on le juge à propos,
première provïnçe. La Bretagne occidentale.
1er département. Garhaix, Brest, Saint-Pol,
Morlaix, etc.
2e Quimper, Quimperlé, Lorient, Eennebont.
3e Tréguier, Guingamp, Quintin, Saint-Biieuc.
deuxieme province. La Bretagne orientale.
4e Dinan, Saint-Malo, Dol.
5e Ploërmel, Vannes, Guérande.
6e Nantes.
7eRennes, Fougères.
troisième province, La Normandie occidentale,
8e Avranches, Granville, Vire.
9e Goutances, Yalogne, Baveux.
10e Caen, Falaise, Lisieux, Ronfleur, 11e Argentan,
Alençon, Yerneuil,
quatrième province. La Normandie orientale.
12e Evrçux, Rouen.
13e Le Havre, Dieppe, Neufchâtel, Eu,
cinquième province. La Picardie, l'Artois et la Flandre.
14e Abbevilie, Montreuil.
15e Amiens, Montdidier, Péronne.
16e Arras, Béthune, Bapaume.
17e Boulogne, Calais, Saint-Omer.
18e Dunkerque, Bergues, Bailleul et Lille,
19e Douai, Cambrai, Valenciennes, Gharlemont.
sixième province. La Champagne septentrionale, et une partie de VIsle-âe-France.
20e Saint-Quentin, Guise, Laon.
(1) Le travail de M. Aubry du Bochet n'a pas été in séré au Moniteur.
21e Soissons, Château-Thierry, La Ferté-Milon,
Villers-Gotlerets,Grépy, Gompiègne,Noyon.
22e Reims, Ghâlons, Sainte-Menehould.
23e Gharleville, Mézières, Réthel, Sedan.
septième province. L'Ile-de-France et partie de la Champagne méridionale.
24e Meaux, Provins, Sezanne.
25e Nemours, Etampes, Fontainebleau, Melun,
26e Paris, intra et extra.
27e Senlis, Glermont, Beauvais.
28e Pontoise, Mantes et Meulan.
29e Dreux, Chartres, Nogent-le-Rotrou.
huitième province. Le Maine et l'Anjou.
30e Le Mans.
31e Mayenne et Laval.
32* Angers, la Flèche.
33e Saumur, le Lude et Loudun.
neuvième province. La Touraine et l'Orléanais.
34e Tours, Amboise, Loches.
35e Romorantin, Blois, Beaugency. 36e Vendôme,
Châteaudun.
37e Orléans.
38e Montargis, Briare, Gosne et Saint-Fargeau.
dixième province. La Champagne méridionale,
39e Sens, Joigny, Yilleneuve-l'Archevêque,
40e Troyes, Arcis, Bar, etc.
41e Yitry, Saint-Dizier, Joinvilla,
42e Tonnerre, Auxerre, Clamecy, Vézelay.
ONZIÈME PROVINCE.La Lorraine et les Trois-Evêçhe's.
43e Bar-le-Duc, Saint-Mihiel.
44e Verdun, Montmédy, Glermont.
45e Metz et Thionville.
46e Sarrelouis, Sarreguemines.
47e Marsal, Nancy, Toul, Sarrebourg.
48e Neufchâteau, Mirecourt, Epinal.
49e Lunéville, Saint-Dié.
DOUZIÈME PROVINCE. VAlsace.
50e Strasbourg, Hagueneau, Landau.
51e Neuf-Brisach, Colmar et Huningue.
Nota. Pour rendre ces deux provinces égales en population, il faudrait joindre à
l'Alsace les 48e et 49e
départements.
treizième province, la Franche-Comté.
52e Vesoul, Lure.
53e Besançon, Baume.
54e Gray, Dôle.
55e Salins, Lons-le-^Saunier.
quatorzième province. La Bourgogne et le restant de la Champagne.
56e Mâcon, Charoiles, Bourbon-Lancy.
57e Châlons, Beaune, Autun,
58e Dijon, Auxonne.
59e Langres, Ghaumont.
60e Châtillon-sur-Seine, Semur.
quinzième province, Nivernais et Berry.
61e La Charité, Nevers, Saint-Pierre-le-Moutier.
62e Bourges.
63e Issoudun.
64e Châteauroux,
seizième province. Poitou et Aunis.
65e Poitiers ou haut Poitou.
66e Fontenay-le-Comte, ou bas Poitou.
67e Aunis, Iles de Ré, d'Oléron, Brouage et
Saint-Jean-d'Angély.
dix-septième province. Angoumoisy Saintonge, Périgord, Limoges et La Marche.
68e Saintes.
69e Périgueux, Sarlat.
70e Bergerac.
71eLimoges.
72e Guéret.
73e La Dorât,
dix-huitième province. Le Bourbonnais et VAuvergne.
74e Moulins, Montluçon,
75e Tulle.
76e Aurillac.
77e Saint-Flour, Brioude,
78e Clermont, Riom, Ambert, etc.
dix-neuvième province. Lyonnais, Vivarais et Velay.
79e Bourg-en-Bre?se, Gex, Belley.
80e Roanne, Montbrison, Saint-Etienne.
81e Lyon.
82e Beaujolais, Trévoux.
83e Le Vivarais.
84e Le Puy-en-Velav.
VINGTIÈME PROVINCE. Dauphiné,
85e Grenoble, Gap, Embrun, Barcelonnette.
86e Vienne, Valence et Roman.
87e Montélimart, Die, Saint-Buis.
vingt-unième province. La Provence.
88e Forcalquirr, Sisleron, Digne, Senez.
89e Vence, Grasse, Antibes, Fréjus,
90e Toulon, Saint-Tropez,
91e Aix, Marseille, Arles,
Nota : Les deux dernières cours supérieures ci-dessus ne composent que 1,419,000 habitants,
vingt-deuxième province. Le Languedoc vers le Lyonnais.
92e Beaucaire, Nîmes, Alais, Pont-Saint-Esprit-
93e Mende ou le Gevaudan.
94e Rodez, ou le Rouergue.
95e Montpellier, Lodève.
96e Béziers, Narbonne.
vingt-troisième province. Le Roussillon et le Languedoc méridional,
97e Roussillon ou Perpignan.
98e Limoux, Garcassonne, Gastelnaudary.
99e Gomté-de-Foix, Gouserans.
100e Toulouse.
101e Gastres, Albi.
102e Gahors, Montauban ou le Quercy.
vingt-quatrième province. La Guyenne, etc.
103e Agen.
104e Condom et Bazas.
105e Libourne.
106e Bordeaux.
vingt-cinquième province. Pays de Labour, Grandes-Landes, Béarn et Navarre.
107e Bayonne, Albret, Tartas.
108e Navarre, Soûle, Béarn.
109e Bigorre, Nébousan, les Quatre»Vallées.
On ne se permet qu'une seule réflexion sur la nouvelle division territoriale du royaume ; c'est qu'il paraît qu'on en presse un peu trop la décision. S'il en était d'une opération semblable comme de celles qui n'exigent que du raisonnement, on croirait la question suffisamment discutée ; mais, a dit M. Thouret, « établir la Constitution, c'est travailler pour les siècles, et élever un édifice auquel il est très-désirable qu'on ne soit pas dans la nécessité de retoucher souvent. » Or, pour se servir encore de ses expressions, « il doit être également malfaisant et inconsidéré de précipiter ce qui doit être combiné avec maturité. »
A la séance de VAssemblée nationale du
MÉMOIRE
présenté à VAssemblée nationale et communiqué au Comité de constitution, sur les villes d'Aix et de Marseille, -relativement à la division de la Provence, par Charles-François Bouche, député d Aix (1).
Je serais coupable aux yeux de mes commettants, si je laissais sans réponse le mémoire que je vais tâcher de réfuter dans ses parties les plus marquantes; il est certainement la preuve du zèle, des talents et de l'activité des députés de la
sénéchaussée de Marseille ; il prouve combien ils sont dignes de la confiance dont leurs concitoyens les ont honorés ; mais on ne saurait leur
Sardonner de l'avoir produit mystérieusement à :M. du comité de constitution, et de ne l'avoir pas distribué dans les bureaux pour en donner connaissance à tous les membres de l'Assemblée nationale, enfin de ne l'avoir pas communiqué expressément à tous les députés de Provence, ou pour les forcer de lui rendre justice, ou pour les inviter à le combattre.
Les députés de la sénéchaussée de Marseille veulent que cette ville forme un département séparé. Tel est d'abord le fond et le but du mémoire. Voici comment ils s'y prennent.
Pour assurer leur système, ils commencent par se qualifier de députés de la ville de Marseille.
Ce fait n'est point exact, ils sont députés de la sénéchaussée, et non de la ville de Marseille.
Cette observation affaiblit l'intérêt que Marseille est bien capable de faire naître, et que personne n'éprouve plus que moi. Ce genre de dépu-tation manifeste déjà la confusion, bien loin d'être une preuve nécessaire de la séparation que les députés marseillais sollicitent.
Ils disent que leur motion du 2 novembre, tendant à laisser à Marseille une administration séparée, n'a été ni discutée, ni jugée; qu'elle est restée dans son intégrité, et qu'ils en réclament le jugement définitif.
Leur motion a eu le sort de celles de tant d'autres députés ; elle a eu le sort de la mienne, tendant à laisser à la Provence un seul département ou assemblée provinciale, et à laisser aux provinces et villes du royaume le soin de se localiser, à la charge de se conformer aux règles générales que la sagesse de l'Assemblée nationale leur dicterait.
Le décret fut rendu après et sans égard pour la motion des députés de la sénéchaussée de Marseille, et pour les motions de tous les autres députés qui se tinrent et se tiennent pour condamnés, quoiqu'on n'ait pas discuté parle menu et en détail leurs motions particulières. Les députés marseillais savent bien que l'usage de l'Assemblée nationale n'est point, et ne peut pas même être de laisser la liberté à cette manière de discuter; les affaires deviendraient interminables dans une assemblée de douze cents personnes, où oq trouverait douze cents motions à discuter et à juger.
Le 12 novembre, j'eus le courage de me dé^ clarer opposant à tous les décrets qui seraient rendus sur la constitution municipale et provinciale de la Provence, si ses députés n'étaient pas entendus. Je demandai acte de mon opposition ; il me fut refusé, et je me soumis avec respect.
Le 13 novembre, voyant que le procès-verbal ne faisait pas mention môme du rejet de ma motion, je me plaignis avec force; car, enfin, je voulais me justifier aux yeux de mes commettants ; la mention même du rejet de ma motion de la veille me fut refusée encore. Je gardai un silence respectueux ; je me tins pour condamné, et je restai convaincu que l'Assemblée nationale était plus éclairée que moi.
Revenons.
Par son décret général, l'Assemblée nationale jugea donc que la ville de Marseille ne devait pas être distinguée des autres villes du royaume, quant à l'administration. Premier déboutement.
Dans le comité particulier des députés fie Provence,'dont les auteurs du mémoire parlent, on
n'a point agité avec eux la question de savoir si Marseille serait ou non annexée à quelque département provençal, mais si l'on établirait en Provence un ou plusieurs départements ou assemblées provinciales.
Je fus d'avis de n'y en établir qu'un ; mon avis ne fut pas du côté le plus nombreux.
Dès le premier mot que les députés de la sénéchaussée de Marseille prononcèrent sur la séparation de cette ville, tous les membres du comité se réunirent pour les repousser. Second déboutement.
Le 17 décembre, il y eut une assemblée des députés de Provence au comité de constitution. Les députés marseillais essayèrent de remettre sur le tapis la séparation de Marseille. Les députés de Provence se réunirent encore contre eux. Troisième déboutement.
Du calcul qu'ils font, pages 6 et 7 de leur mémoire, il résulte que la Provence contient 859,000 habitants.
Il est de fait qu'elle n'en a que 698,500 ; on en compte communément 700,000. .
11 résulte encore des pages susdites que la Provence a 1,301 lieues carrées de surface.
La Provence ne contient qu'environ 900 lieues carrées de surface, dont plus de la moitié est dans une infertilité rebelle à tout genre de culture. Me défiant de mes faibles lumières, je l'ai fait mesurer par d'habiles géographes, sur des cartes fidèles que je me suis procurées. Je l'ai divisée, sous-divisée, cantonnée, districtée, départemen-tée en cinq systèmes différents, et toujours je me suis convaincu qu'elle n'avait qu'environ 900 lieues carrées de surface.
M. Necker, dit-on, a avancé le contraire dans son ouvrage sur Y administration des finances de France.
Cela est vrai ; mais je prie qu'on observe que M. Necker n'adonné à la Provence que 1,146 lieues et non 1,301 : qu'il lui adonné 754,400 habitants et non 859,000, comme les députés marseillais l'ont écrit dans leur mémoire.
Dans son calcul, M. Necker a compris une partie des terres anciennes de la Provence, et il a donné plus de surface et plus d'habitants.
M. Necker a écrit d'après les états déposés dans les bureaux du ministère. Ces états sont inexacts. J'ai eu, l'hiver dernier, l'occasion fréquente de m'en convaincre. Avec un texte pareil, M. Necker a écrit des erreurs en fait de population et d'étendue, au moins provençales.
A présent, veut-on savoir le pourquoi des calculs exagérés des députés marseillais ? le voici tel que je le présume ; car ils ne m'en ont pas fait la confidence.
Ils ont dû dire : en donnant beaucoup d'étendue, beaucoup d'habitants à la Provence, un seul département paraîtra trop grand; deux ne satisferont pas tout le monde ; trois seront suffisants, et, alors, Marseille se sauve à travers tant de lieues et tant d'individus, et elle forme un quatrième département.
Je ne sais pas si je me trompe, mais je crois avoir pris leur intention sur le fait; il est possible que je les calomnie, en ce cas je leur en demande pardon.
Quoi qu'il en soit, Marseille, peuplée d'hommes intelligents, actifs, laborieux et de bons citoyens, riche, commerçante, savante et guerrière, est faite pour illustrer et soutenir toutes les associations auxquelles on voudra l'adjoindre.
Les députés marseillais, ne pouvant plus espérer d'obtenir par là un département particulier,
demandent à annexer Marseille au département de la Provence orientale.
Les députés de la ville de Marseille sont trop judicieux, je les honore trop pour que je croie que les vieilles querelles de l'an 2440, avec l'occident de la Provence, aient part à cette demande ; mais je sens qu'il n'y aurait point d'égalité parmi les divers départements de Provence, si Marseille passait du côté de l'orient et était réunie aux villes, bourgs et villages du côté de la Méditerranée.
Riche, peuplée et industrieuse comme elle l'est, Marseille accroîtrait par sa masse la maisse de la population et de richesses qui sont, pour ainsi dire, concentrées dans la partie orientale et maritime. Les autres parties, ou pauvres ou médiocres, surchargées d'une multitude de grands chemins, de ponts, de chaussées et d'édifices publics, se trouveraient sans soutien. Il n'est pas certainement dans l'intention de la ville de Marseille de rendre les Provençaux de l'occident et du septentrion malheurëux d'une simple satisfaction dont ils jouiraient, sans accroître sa gloire et son opulence, qui sont au plus haut point possible. Mais, disent les députés de la sénéchaussée de Marseille, l'administration de celte ville est différente et ne peut s'allier avec d'autres.
Je prie ces Messieurs de se ressouvenir que l'administration n'a été différente qu'en ce qu'elle était sous la main tortionnaire des intendants, lorsque l'administration des autres communautés était dans celle des Etats. La vallée de Bar-celonnette et les terres adjacentes pourraient faire la même objection que Marseille; mais elles n'osent pas la faire, parce qu'elles en sentent la faiblesse.
Dans tout le reste, toutes les communautés de Provence se ressemblaient ; mais il ne s'agit plus ici d'une différence d'administration. Bientôt, des Alpes aux Pyrénées, des rivages du Rhin aux bords de l'Océan et de la Méditerranée, toutes les administrations municipales et provinciales seront les mêmes : qui en connaîtra une les connaîtra toutes; ainsi cette objection des députés de Marseille expire de faiblesse.
11 est une observation décisive, la voici :
Si Marseille appartenait au département de l'orient et maritime, tout le dépârtement occidental resterait chargé de la construction et de l'entretien des grands chemins par lesquels on transporte chez elle les productions et les fabrications de la France ; elle jouirait sans contribuer aux frais de ses jouissances : cela ne serait ni juste, ni politique, ni moral ; ce serait outrager les Marseillais que de leur supposer une exemption semblable.
Les pays agricoles, réplique-t-on, ne peuvent s'allier avec les pays commerçants. La partie occidentale n'est que cultivatrice.
Les pays agricoles peuvent se soutenir par eux-mêmes, les pays commerçants ont besoin des pays agricoles. Sans ceux-ci, ceux-là ne seraient rien ou presque rien. Les navigateurs marseillais qui fréquentent les ports de Sardaigne, des Etats du pape, de la Sicile et de l'Afrique, prouvent cette vérité.
Du côté de l'orient, ajoute-t-on, Marseille trouverait des villes commerçantes qui ont les mêmes habitudes et la même profession.
Du côté de l'orient, je ne vois que Toulon, que le commerce de Marseille occupe continuellement, tout le reste est agricole.
Enfin, on dit que Marseille a des dettes.
Elle en aura du côté de l'orient, comme du côté de l'occident, placée sur l'un comme sur l'autre point, elle les payera, parce que ses dettes n'intéressent qu'elle.
Réunie aux pays agricoles, elle sera obligée d'entrer dans des détails qu'elle appelle minutieux et de parcimonie; elle sera gênée dans ses grandes vues, dans les réparations qu'elle est obligée de faire pour son port, ses rues, etc. Voilà ce qu'on objecte encore.
Eh ! fut-elle jamais plus gênée que sous l'administration des intendants, dont la suppression doit être comptée parmi les biens infinis que l'Assemblée nationale a faits à la France ? Sous l'administration des intendants, les administrateurs municipaux de Marseille ne pouvaient pas, sans leur permission écrite, dépenser plus de cinquante livres. En se faisant des associés, Marseille s'acquerra de nouveaux amis ; les détails de parcimonie leur deviendront utiles.
Telles sont les parties les plus marquantes du mémoire que je voulais réfuter. Les députés de la sénéchaussée de Marseille sont trop raisonnables pour trouver mauvais que, lorsqu'ils font tant d'efforts pour cette ville intéressante à tant d'égards, lorsqu'ils prouvent par leur zèle et leurs talents qu'ils furent dignes de la confiance dont elle les honore, je donne de mon côté des preuves que j'aime ma province entière, et que je fasse quelques efforts pour son bonheur. Ce bonheur, je ne l'ai point vu dans la séparation absolue des parties qui n'en faisaient qu'un corps, et j'ai eu le courage de le soutenir jusqu'à trois fois dans le sein de l'Assemblée nationale , et le soutenir dans tous les comités de Provence.
Si la belle, la consolante Constitution que l'Assemblée nationale donne à la France s'affaiblissait jamais; si le gouvernement redevenait entreprenant; si le despotisme , écrasé par des mains courageuses, s'agite un jour sous la main de quelque ministre audacieux ou adroit, si un ennemi étranger entre dans nos terres, trois parties séparées et indépendantes les unes des autres, sous le même ciel et sur le même sol, seront envahies pièce à pièce, une à une, sans qu'elles puissent se défendre.Un esprit d'égoïsme, un caractère de solitude éloigneront les âmes en distinguant les intérêts. Telles sont mes craintes pour ma province, puissent-elles être vaines !
Dans tous les pays delà terre, le gouvernement peut être comparé à un loup affamé, sans cesse brûlé parune faim dévorante. Si vous voulez es-sayerde.le conteniren luiopposant soixante-quinze ou quatre-vingt-cinq petits roquets, il les dévore; mais si, au contraire, vous lâchez contre lui trente-deux dogues, il est effrayé, se retire, et le troupeau est sauvé. C'est l'histoire des départements et des provinces.
Celles-ci réunies constamment à l'Assemblée nationale,leur conducteur et leur centre, auraient eu, ce me semble, bien plus de force : rien, cependant, n'aurait empêché que les provinces fussent divisées en plusieurs districts correspondant, dans leur propre sein, à un centre commun et unique.
11 est possible que l'amour du bien m'ait aveuglé sur le bien même que l'Assemblée nationale a fait et veut faire encore, par l'établissement de tant de petits corps politiques vivant à la porte les uns des autres, et toujours, cependant, sur un terrain différent ; en ce cas, ma bonne foi doit me servir d'excuse. Un cur aimant est toujours en peine pour l'objet aimé; et je con-
viendrai que c'est avec douleur quej'ai vu qu'on ait voulu faire dans ma province trois corps d'un seul déjà faible, épuisé et bien p^tit.
Vers la fin du xie siècle, la Haute-Provence voulut avoir une administration indépendante de celle de la Basse-Provence. Lors du dénombrement général fait en 1200, les habitants de la première furent obligés de déclarer que l'appui des habitants de la seconde leur était absolument nécessaire, puisque sans elle ils ne pourraient ni contenir les torrents qui ravageaient leurs campagnes, ni. payer tous leurs devoirs au comte.
Depuis cette époque, le sort de la Haute-Provence a bien empiré ; elle a perdu pliis d'habitants , de terres et de bois en acquérant plus de dépenses particulières et publiques, plus de digues à construire et plus de chemins à entretenir et à réparer.
Ces raisons, et une foule d'autres que je passe sous silence quant à présent, m'obligent donc de regarder comme très-funeste à la Provence la triple division sous laquelle elle a été meurtrie ; mais ce qui m'épouvante, c'est la cessation des travaux publics entrepris à frais communs-, c'est la liquidation des caisses publiques; c'est la répartition des charges provinciales et nationales ; c'est l'apurement des obligations communes à tous les habitants de la province.
Des provinces ; autant et même plus étendues et plus peuplées, ont eu du moins la prévoyante et sage sobriété de ne se diviser qu'en deux départements. La raison, la politique et la nature appelaient la mienne à n'en former qu'un. Richesse, médiocrité et pauvreté, qui forment les trois caractères locaux, ne peuvent pas se séparer sans se nuire.
Après rn'ètre occupé de la Provence entière, je dois faire quelques réflexions concernant la ville d'Aix. Mon caractère de député me donne le droit de porter mes regards sur la Provence entière ; mais , député de la sénéchaussée d'Aix, je dois surtout le plus grand intérêt à cette ville.
Aix n'a ni terroir fertile, ni commerce, ïii industrie» ni entrepôt. Sans cesse pompée par la ville de Marseille, dont l'aspiration, principalement depuis 1669, se porte sur les hommes et sur les choses d'un bout de la Provence à l'autre, elle n'a jamais pu subsister que par les secours de la politique. L'hiver dernier lui a enlevé ses oliviers, et lui a fait une plaie que trentre ans suffiront à peine pour cicatriser. Tous les cultivateurs et les propriétaires sont donc condamnés à languir dans le besoin pendant cette longue succession d'années.
Depuis cent vingt-quatre ans avant Jésus-Christ, tous les tribunaux civils, religieux, politiques et militaires sont dans le sein de la ville d'Aix.Ges divers établissements attiraient chez elle les Provençaux et les étrangers, et leur concours alimentait ses habitants. Peuplée aujourd'hui d'environ vingt-quatre mille individus, ce serait prononcer contre eux un arrêt de misère et de mort que de ne pas la rendre chef-lieu d'un département et des tribunaux de justice et souverains qui seront établis.
Elle n'a pas été, ni ne sera aussi riche, aussi brillante, aussi heureuse, aussi peuplée que la ville de Marseille ; mais elle est plus ancienne qu'elle; elle est mieux située qu'elle; elle soutint Marseille dans son berceau : cette ville vou-drait-elie déchirer aujourd'hui le sein qui la réchauffa et exténuer celle qui accueillit avec tant d'humanité les dieux et les débris de la fortune
de ses fondateurs, et qui leur fit généreusement don du précieux local que leurs descendants occupent aujourd'hui ?
Plus rapprochée du centre, la ville d'Aix est plus à portée des administrés et des justiciables» On ne lui conteste pas l'avantage de renfermer dans son sein le plus grand nombre d'hommes les plus propres à être administrateurs ou juges, et que l'espérance d'y jouir d'un état acquis à grands frais y avait amenés et fixés.
Qu'on se représente pour un moment une ville, ancienne capitale de sa province et d'une grande souveraineté, accablée de dettes et d'impôts, où sont 24,000 individus sans commerce, sans terroir et sans manufactures, tous utiles, tous bons citoyens; qu'on se représente, dis-je, cette ville privée tout d'un coup des établissements qui l'alimentaient, et sous la foi desquels ses habitants s'étaient rassemblés!... La sensibilité et la justice m'ordonnent de me taire et m'imposent la loi d'attendre , pour la ville d'Aix, des amis et des protecteurs parmi tous ceux qui m'entendent et qui me liront.
Ces déchirantes réflexions ne paraîtront pas hors de propos lorsqu'on saura que Marseille, qui possède tout l'or et presque tous les habitants de la Provence, qui correspond avec toutes les nations de l'univers; qui, en envois ou en retours, en fabrication ou en matières qui attendent la vente, fait un commerce annuel de près de 600 millions; qui est peuplée de près de 90,000 habitants, dans laquelle entrent ou sortent journellement plus de 25,000 étrangers; qui jouit, dans tous les genres, de l'utile, du nécessaire, du commode et du voluptueux, ces réflexions, dis-je, ne paraîtront pas hors de propos lorsqu'on apprendra que Marseille, changeant de système, et consentant de faire partie du département de l'occident, demande de devenir le chef-lieu du département et de l'administration.
Combien l'ambition est quelquefois inconséquente! Ici, pour satisfaire celle qu'on attribue à Marseille, les députés de sa sénéchaussée oublient qu'ils ont tiré de la différence d'administration un de leurs moyens de séparation.
Marseille appelle à l'appui de sa demande sa supériorité dans tous les genres.
Eh ! c'est précisément parce qu'elle jouit de sa supériorité, que la saine politique et la raison publique ordonnent qu'elle ne soit point augmentée. ^ Marseille ne s'aperçoit pas qu'elle s'égorge avec ses propres armes.
L'Assemblée nationale veut rendre tout égal et répandre partout ses bienfaits. Elle détruirait ses décrets et ne les détruirait qu'en faveur de Marseille, si, à l'ascendant inconcevable dont cette ville jouit en Provence, elle réunissait d'autres moyens qui l'accroîtraient, au préjudice d'une 1 ville qui a des droits incontestables à être chef-lieu d'un département et résidence des tribunaux de justice, à divers titres :
1° Elle est peuplée de 24,000 individus qui n'ont de ressources, tant en corps qu'individuellement, que dans l'abord des étrangers.
2° Elle ne peut imposer que sur les consommations et payer ses charges que par elles : moins il y arrivera d'étrangers, moins il y aura de consommations.
3° Avant la mortalité de ses oliviers, elle ne faisait une récolte médiocre que tous les deux ans. On sait que l'olivier ne produit utilement que de deux ans l'un. Ses oliviers étant morts, de trente ans la ville d'Aix ne récoltera rien. Tous les jours, à toute heure, à tout moment, Marseille emmaga-
sine tous les biens, toutes les productions des quatre parties du globe.
4° L'Université d'Aix est désertée, son séminaire n'a jamais été bien fréquenté, son chapitre est peu nombreux, les revenus de son archevêché se consomment ailleurs, ses maisons religieuses vont lui être enlevées.
5° Elle a contracté avec les autres communautés de la province des engagements pécuniaires qu'il faut qu'elle tienne, au moins pour la part dont elle restera chargée après l'apurement général. Elle sera dans l'impossibilité absolue de faire face à ses engagements, si on lui en ôte les moyens.
6° Un palais de justice, presque aussi grand que la moitié du château des Tuileries, est commencé, et est à peine à deux toises hors de ses fondements. Il était destiné à loger quatre différents tribunaux; il aurait pu servir à en loger un cinquième, la cour des Monnaies, si Marseille ne s'était enrichie de la possession de ce tribunal et de la monnaie, depuis trois ou quatre ans. La ville d'Aix n'a pas encore cicatrisé les plaies que cette translation lui a occasionnées. Que fera-t-on de cet édifice, si la ville d'Aix n'est plus ce que sa situation, ses besoins, sa population demandent qu'elle soit?
7o En perdant les détails et la correspondance de l'administration générale qu'elle avait des tribunaux nombreux, divers particuliers riches, l'abord des étrangers, et les consommations, la ville d'Aix perdrait les moyens de faire face aux charges locales, de département et de l'Etat. Le décret que Marseille sollicite, sans autre raison que celle de ne pas dépendre d'une autre ville qui la vaut, à tous égards, par le patriotisme et les commodités locales, et qui vaut mieux qu'elle par son ancienneté et par ses titres, ce décret suffirait-seul pour anéantir la ville d'Aix dans moins de dix ans.
En un mot, il n'est pas, et ne peut pas être dans les équitables intentions de l'Assemblée nationale de mettre d'un côté toutes les ressources, et de l'autre toute la misère et la dépopulation.
Ce que j'ai dit jusqu'à présent ne concerne que la ville d'Aix. J'ai eu pour juges les Provençaux qui m'ont entendu. Je serai jugé par ceux qui me liront. Je vais les appeler plus fortement au secours de mon opinion, et solliciter surtout celle des Provençaux du département d'occident.
Les décrets de l'Assemblée nationale portent que les administrés et les justiciables seront voisins des administrateurs et des juges autant qu'il sera possible. Voilà la loi.
Marseille, située précisément sur le dernier pouce du terrain du département d'occident, obligerait, si elle devenait le chef-lieu de l'administration, les habitants de ce département de faire cinq ou six lieues de plus qu'ils ne feraient si le chef-lieu était à Aix, vrai centre de ce département, et la loi serait éludée, au grand préjudice des administrés et des justiciables. Pour se convaincre de ce fait, il n'y a qu'à jeter les yeux sur la carte.
La même objection peut être faite très-solidement à Marseille, si, réunie, ce qui ne peut pas être, au département de l'orient, elle y portait les mêmes prétentions.
Résumons.
Marseille, voulant former, contre la lettre même des décrets de l'Assemblée nationale, une administration séparée, place sur la lisière la ville d'Aix, qui, dès ce moment, par son site, ne serait plus bonne à rien, pas même à être chef de district.
Marseille voulant, contre l'ordre des choses, appartenir au département de l'orient, produit le meme désavantage contre la Ville d'Aix, et la détruit.
Marseille, portant dans le département de l'orient les mêmes prétentions que dans le département d'occident, détruit encore la ville d'Aix, en a plaçant sur la lisière, et force les administrés et les justiciables de son département oriental de faire sept ou huit lieues de plus pour venir chercher administration et justice; grand inconvénient auquel les habitants des départements doivent s opposer de toutes leurs forces.
Tout, jusqu'à sa richesse et sa population, appelle Marseille au département d'occident de la Provence, et l'y appelle en second. Ses richesses et son commerce lui conserveront toujours l'éclat de la première place. Ayant sous les yeux les décrets de l'Assemblée nationale, la carte de Provence, un état exact de ses forces, un souvenir très-présent des titres d'Aix et de Marseille, une connaissance profonde de l'impossibilité (absolue de la première pour se soutenir, si elle reste sans le titre de chef-lieu de département, et privée des tribunaux de justice; couvaincu de la grande facilité de la seconde à continuer de fleurir, sans ce double secours, j'ai rédigé cette opinion. Eh ! combien de choses il me resterait à dire, si le temps, les circonstances et une suite pressée d'affaires me le permettaient!
Tout ce qu'on a dit, tout ce qu'on dira, tout ce qu'on pourrait dire, en faveur de Marseille, d'agréable et d'avantageux, n'aboutirait jamais qu'à donner des preuves plus fortes de son extrême supériorité sur Aix et les autres villes de Provence, et à ruiner sa cause, puisqu'il s'agit ici de porter du secours aux faibles contre les puissants.
L'Assemblée nationale ne peut prononcer sur cette cause que d'après les règles générales qu'elle a dictées, et qui condamnent Marseille ; mais je prendrai, pour prononcer sur les circonstances qui la constituent, des hommes bien éclairés, bien instruits des localités, de bons et généreux citoyens, les députés de Provence. Si l'un d'eux me convainc de mensonge sur une de mes assertions, je consens d'être regardé comme faux sur toutes, et mon mémoire doit être foulé aux pieds. Personne ne dira jamais de Marseille plus de bien qu'elle n'en mérite ; personne n'en dira jamais plus que moi; mais il faut que justice soit faite, et que lorsque la Provence et toutes les nations commerçantes de l'univers s'épuisent pour Marseille, Marseille ne réponde pas à ce dévouement en dépouillant des voisins qui ne veulent et ne peuvent pas lui nuire, et qui se félicitent de sa gloire.
En traçant ce mémoire, j'ai consulté mon cur, la justice, les convenances et les décrets de l'Assemblée nationale. J'ai osé m'ériger en organe de 24,000 individus intéressants, qui ont compté sur mon zèle, comme ils espèrent tout de la justice des législateurs de la France.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du procès-verbal de celle du jour précédent. Cette lecture a été suivie de celle de plusieurs adresses de villes et communautés portant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale ;
D'une délibération des dignitaires, chanoines et chapitre de l'église collégiale de Lure, par laquelle ils déclarent solennellement adhérer, avec une admiration respectueuse, à tous les arrêtés faits et à faire par l'Assemblée nationale ;
D'une adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communes et ville de Combourg en Bretagne, lesquelles demandent une municipalité et un siège royal ;
D'une adresse et délibération de la communauté de Hauterive en Agénois,contenant félicitations et remerciements à l'Assemblée nationale, et l'adhésion la plus formelle au décret concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen; _ t
D'une adresse du comité municipal de la ville de Bonnétable au Maine, où il exprime son vu de voir accueillir par l'Assemblée nationale la motion de M. l'évêque d'Autun, concernant les biens ecclésiastiques ;
D'une délibération de la ville de Rethel, contenant remerciements et l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale ;
D'une adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Belmont, diocèse de Vabres en haute Guyenne, où ils supplient l'Assemblée nationale de préserver la ville du préjudice immense que lui causerait la destruction de son chapitre collégial, qui, soit pour le bien spirituel de la paroisse, soit pour l'éducation de la jeunesse, lui rend les services le plus importants : ils réclament avec instance sa conservation et môme son amélioration ;
D'une délibération du conseil permanent de la ville d'Auch, où. il adhère au décret de l'Assemblée nationale, du 5 octobre dernier, par lequel elle se déclare inséparable de la personne du Roi pendant la présente session, et applaudit en conséquence à sa translation dans la capitale. A la suite est une rétractation des députés composant la chambre ecclésiastique d'Auch, des supplications qu'ils avaient adressées au Roi, touchant la suppression des dîmes ; à l'exemple de la ville d'Auch, cette chambre adhère formellement aux arrêtés de l'Assemblée nationale des 4 et 10 août dernier ; _ .
D'une adresse de trois religieux bénédictins de l'abbaye de Tiron en Normandie, qui adhèrent, avec un respectueux dévouement, aux résolutions que l'Assemblée nationale pourra prendre touchant les biens ecclésiastiques et les ordres religieux : mais, en cas de suppression, ils la conjurent de leur accorder la liberté avec une honnête pension ;
D'une adresse de M. Mayereaux de Pancemont, curé de Saint-Sulpice, qui instruit l'Assemblée nationale que les religieux de l'abbaye de Samt-Germain-des-Prés distribuent chaque année des aumônes immenses dans la paroisse, et que surtout dans le dernier hiver, si cruel, nul n'a été aussi saintement prodigue que l'ont été ces reli-
gieux : au nom de l'humanité et de la religion il réclame la conservation particulière de l'abbaye de Saint-Germain, soit par estime pour ses religieux, qui de tout temps se sont voués à des études importantes, à de grandes entreprises littéraires, soit par rapport à la précieuse bibliothèque dont ils sont les fondateurs, les gardiens, et qui peut dépérir dans des mains moins habiles, soit à cause des biens infinis qu'ils font dans sa paroisse, dont ils sont les bienfaiteurs habituels ;
D'une délibération de la ville de Valence en Dauphiné, par laquelle elle adhère de nouveau, au péril de la vie et de la fortune de ses citoyens, à tous les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, forme opposition à la tenue des Etats de la province, et proteste contre tout ce qui pourra y être délibéré de contraire aux décrets de l'Assemblée, et ordonne le payement des impositions, charge les receveurs d'user de contrainte contre les redevables en retard, à peine d'en être responsables, et cherche à encourager, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, les dons patriotiques.
M. Hébrard, membre du comité de vérification, a rendu compte des pouvoirs de M. Rderer, député direct de la ville de Metz, et de ceux de M. Tréhotde Glermont, suppléant de M. Le Guil-lou de Kérineuf, député de Quimper démissio-naire : ces pouvoirs étant en règle, MM. Rderer et Tréhot de Glermont ont été admis.
fait lecture d'une lettre, par laquelle le maître de la chambre des bâtiments annonce qu'il résulte,d'une visite très-scrupuleuse faite de la salle construite au manège pour recevoir l'Assemblée, que les députés et le public n'y courront aucuns risques pour leur sûreté et leur santé.
Une lettre de M. le garde des sceaux accompagne l'envoi d'une expédition en parchemin du décret relatif aux parlements, et annonce que la chambre des vacations de celui de Paris a enregistré ce décret.
M. le duc de Bouillon offre plusieurs sommes à prendre sur divers objets, et qui réunies, forment celle de 332,484 livres, excédant de beaucoup le quart de son revenu.
Gejour est destiné à des discussions sur les finances.
, président du comité des finances. Le comité des finances n'a pas, dans ce moment, de point de travail arrêté à présenter à l'Assemblée. Les motifs de son silence sont :
Premièrement, la translation et le défaut d'un local convenable qui ont empêchéjjla réunion de tous les membres qui composent ce comité ;
Secondement, quelques retards dans l'impression des états de finance concernant les revenus, les dépenses et les pensions ;
Troisièmement, la connaissance qu'avait le comité que M. Necker devait incessamment présenter un plan de banque nationale.
Plusieurs membres témoignent des inquiétudes sur les causes qui ont pu faire différer l'impression de l'état des pensions.
calme leurs craintes, en assurant que les épreuves sont déjà entre ses mains.
propose de décréter la suppression de toutes les pensions au-dessus de 300 li-
vres, sous quelque titre que ce soit, sauf aux pensionnaires à les faire rétablir en tout ou en partie, en indiquant l'époque et les motifs des pensions, l'Assemblée se réservant de réduire ou de supprimer toutes celles qu'elle croira suscepti-» bles de suppression ou de réduction.
Le préopinant ne pense pas àl'el'fetdesa motion; il ferait manquer de pain quarante mille personnes avant qu'on eût examiné si elles ont le droit de vivre ; il oublie, dans son zèle patriotique, que beaucoup de pensions et de grâces, très-faiblement tarifées sur v des blessures ou de longs services, s'élèvent cependant au-dessus de 3u0 livres. Peut-on, en attendant, laisser mourir des malheureux, parce qu'ils n'ont pas été tués par les coups de fusil qu'ils ont reçus ?
La motion de M. Bouche est ajournée.
Messieurs, si les orages qu'élève l'établissement de notre liberté > sont inévitables, s'ils servent peut-être à donner aux lois constitutionnelles dont nous nous occupons un degré de sagesse que le calme et le défaut d'expérience ne nous suggéreraient pas, les désordres qui se multiplient dans nos finances sont loin de nous offrir aucune compensation ; il en est même dont l'aggravation peut enfin rendre tous nos travaux inutiles; et, de ce nombre, le désordre le plus fâcheux est, sans contredit, la disparition de notre numéraire.
Une nation habituée à l'usage du numéraire, une nation que de grands malheurs ont rendue défiante sur les moyens de le suppléer, ne peut pas en être privée longtemps sans que le trouble s'introduise dans toutes ses transactions, sans que les efforts des individus pour les soutenir ne deviennent de plus en plus ruineux, et ne pré-parent de très-grandes calamités.
Elles s'approchent à grands pas, ces calamités. Nous touchons à une crise redoutable; il ne nous reste qu'à nous occuper, sans relâche et sans délai, des moyens de la diriger vers le salut de l'Etat.
Observez, Messieurs, que non-seulement le numéraire ne circule plus dans les affaires du commerce, mais encore que chacun est fortement sollicité pour sa propre sûreté à thésauriser, au-^ tant que ses facultés le lui permettent.
Observez que les causes qui tendent à faire sortir le numéraire du royaume, loin de s'atténuer, deviennent chaque jour plus actives, et que cependant le service des subsistances ne peut pas se faire, ne peut pas même se concevoir sans espèces.
Observez que toutes les transactions sont maintenant forcées ; que, dans la capitale, dans les villes de commerce, et dans nos manufactures, on est réduit aux derniers expédiants.
Observez qu'on ne fait absolument rien pour combattre la calamité de nos changes avec l'étranger; que les causes naturelles qui les ont si violemment tournés à notre désavantage s'accroissent encore par les spéculations de la cupidité; que c'est maintenant un commerce avantageux y que d'envoyer nos louis et nos écus dans les places étrangères; que nous ne devons pas nousflat-ter assez d'être régénérés ou instruits pour que la cupidité fasse des sacrifices au bien public; qu'il y a trop de gens qui ne veulent jamais perdre, pour que la seule théorie des dédommagements rie soit pas dans ce moment très-meurtrière à la chose publique.
Observez que les causes qui pourraient tendre au rétablissement de l'équilibre restent sans effet; que l'état de discrédit où les lettres de change sur Paris sont tombées est tel, que dans aucune place de commerce on ne peut plus les négocier.
Observez qu'elles ne nous arrivent plus par forme de compensation, mais à la charge d'en faire passer la valeur dans le pays d'où elles sont envoyées ; en sorte que, depuis Je trop fameux système, il ne s'est jamais réuni contre nous un aussi grand nombre de causes, toutes tendant à nous enlever notre numéraire.
Il est sans doute des circonstances que les hommes ne maîtrisent plus lorsque le mouvement est une fois donné. Mais on a méprisé des règles d'autant plus indispensables, que l'administration des finances devenait plus épineuse ; on a oublié que le respect pour la foi publique conduit toujours à des remèdes plus sûrs, à des tempéraments plus sages que l'infidélité.
On semble s'être dissimulé qu'au milieu des plus grandes causes de discrédit une religeuse observation des principes offre encore du moins les ressources de la confiance.
Rappelez-vous, Messieurs, qu'à l'instant où vous eûtes flétri toute idée de banqueroute, j'ai désiré que la caisse d'escompte devînt l'objet d'un travail assidu. 11 était tout au moins d'une sage politique de montrer que nous sentions la nécessité de son retour à l'ordre, et cependant je fus éloigné à plusieurs reprises de la tribune ; on me força, en quelque sorte, à garder au milieu de vous Je silence sur des engagements qu'il ne pouvait convenir sous aucun rapport de mépriser.
Qu'en est-il arrivé? J'imprévoyance des arrêts de surséance accordés à la caisse d'escompte, en même temps qu'on lui laissait continuer l'émission de ses billets : cette imprévoyance augmente tous les jours le désordre de nos'finances.
La caisse nous inonde d'un papier-monnaie de l'espèce la plus alarmante, puisque la fabrication de ce papier reste dans les mains d'une compagnie nullement comptable envers l'Etat, d'une association que rien n'empêche de chercher, dans cet incroyable abandon, les profits si souvent prédits à ses actionnaires.
Arrêtons-nous, Messieurs, un instant sur ces funestes arrêts de surséance. On a oublié, en les accordant, que la défiance consulte toujours; que sans cesse elle rapproche les événements pour les comparer ; que l'expérience nous montre partout la nécessité du numéraire réel pour soutenir le numéraire fictif; qu'il n'est aucune circonstance où l'on puisse, en les séparant, faire le bien de la chose publique.
Dans quelles contrées ces vérités devaient-elles être mieux présentes à l'esprit ? qui mieux que les Français a connu les désordres auxquels on s'expose dès que l'on détruit toute proportion entre les deux numéraires ?
Il ne faut donc pas s'étonner si les étrangers se sont alarmés dès qu'ils ont vu que nous nous exposions de nouveau aux suites de cette imprudence. Ils ne pouvaient pas méconnaître une conformité évidente entre la banque de Law et la caisse d'escompte : la première avait lié son sort à celui de la dette publique; la seconde en a fait autant.
Il ne faut pas s'étonner si, dans cet état de choses, M. Necker n'a rassuré les étrangers un instant que pour les effrayer sans mesure. Sa réputation même s'est tournée contre le crédit public; en voyant un administrateur aussi cé-
lèbre se servir de la ressource des arrêts de sur-séauce, on a craint que toute ressource ne fût perdue.
A la veille de ces arrêts, les créanciers étrangers balançaient du moins l'effet de leurs craintes par l'effet de leurs espérances. Les uns étaient vendeurs, tandis que les autres étaient acheteurs. Depuis ces arrêts tous sont devenus vendeurs; et comme les billets de la caisse d'escompte sont sans valeur pour les étrangers, il faut bien qu'ils se remboursent avec nos espèces ; aussi est-ce par eux que la sortie de notre numéraire a commencé. Dira-t-on que nos agitations politiques eussent produit le même effet ? Mais les orages d'une liberté naissante sont-ils donc si extraordinaires, que seuls ils aient dû détruire tout notre crédit? Serait-il possible que quelque confiance fût restée, si l'on ne s'était pas permis des opérations qui, dans la plus profonde paix, seraient également destructives de toute confiance?
Observez, Messieurs, que le papier-monnaie ne sert point à la thésaurisation ; c'est même un de ses avantages, s'il est possible qu'il en ait quelques-uns. Mais, par cela seul qu'il ne sert point à la thésaurisation, chacun se presse de s'en débarrasser dans les temps de discrédit. Il occasionne alors une plus grande recherche des métaux précieux, comme l'unique échange propre à calmer les inquiétudes, et des traites sur l'étranger, comme un moyen ou d'arriver à ces métaux, ou de changer de débiteur.
Cependant, loin que les billets de la caisse d'escompte disparaissent, leur nombre s'accroît chaque jour. Chaque jour il devient plus impossible de les éviter dans toutes les transactions importantes ; chaque jour par conséquent un plus grand nombre de citoyens redoute cette fragile propriété. Ainsi, la recherche et la rareté du numéraire augmentent avec les progrès de l'inquiétude inséparable du papier-monnaie. Et jusqu'où ne vont pas les fatalités qui nous poursuivent ? Quiconque veut réaliser des effets se voit contraint à recevoir son payement en billets de caisse. S'il pouvait facilement les convertir en argent, il mettrait cet "argent en sûreté sans l'envoyer hors du royaume. La rareté du numéraire oblige donc le spéculateur à prendre des lettres de change sur 1 étranger, qu'on solde avec nos espèces, et à laisser le produit de ces lettres dans le lieu où elles sont payées. C'est une suite naturelle de son opération; le plus souvent elle n'aurait pas lieu, saus le fâcheux intermédiaire entre les propriétés qu'on veut vendre et l'argent dans lequel on met sa sûreté.
Voilà, Messieurs, comment la caisse d'escompte, en ajoutant au discrédit des effets publics celui de ses propres billets, aggrave les causes qui chassent notre numéraire hors du royaume; et c'est dans cet état de choses que nous sommes obligés de convertir en écus la vaisselle, dont l'urgence du moment nous a fait implorer le secours.
Et qu'on ne dise pas que je répands ici de fausses terreurs, que les billets de la caisse d'escompte ne s'avilissent point, qu'ils sont toujours reçus pour la valeur qu'ils représentent.
Il est des pays où le pain se vend sous une certaine forme; le poids de cette forme varie; le prix seul reste toujours le même : que diriez-vous de celui qui prétendrait que, sous ce régime, le prix du pain ne varie jamais? Qu'importe que le billet de la caisse soit toujours reçu pour la même somme, si le rapport entre la valeur des
choses et celle du billet à changé? Ce rapport n'est plus le même. Dès qu'il s'agit d'un objet un peu considérable, on l'obtient à meilleur marché si, au lieu de payer en billets, on s'acquitte eh argent. La différence est surtout sensible hors de la capitale : en province on ne peut négocier qu'avec beaucoup de peines les lettres de change sur Paris : elles perdent considérablement par l'agio ; et pourquoi, si ce n'est parce qu'on sait qu'elles seront payées en billets dont la conversion en espèces sera ou impossible ou coûteuse ?
J'ignore jusqu'à quel jour les personnes intéressées au crédit des billets de la caisse d'escompte peuvent en maintenir l'usage. Une fois altérés dans leur essence, une fois incapables d'être échangés à l'instant contre l'argent effectif qu'ils représentent, il est impossible que leur discrédit ne s'accroisse sans cesse ; et dès lors, quel avantage nous dédommagerait de ce malheur? qui nous rassurerait contre les pertes obscures et journalières qu'un tel accident occasionne ?
Dans les places frontières du royaume on donne cent livres sur Paris contre quatre-vingt-quinze en écus. Cette circonstance porte nos espèces sur la frontière, d'où elles ont bientôt franchi la limite qui nous sépare de l'étranger.
La rareté des grains cause une autre extraction d'espèces à laquelle on ne songeait pas. Les colonies, ci-devant approvisionnées par les ports de Bordeaux, du Havre, ne peuvent plus l'être de la même manière. Le commerce est contraint d'y suppléer par des écus. Quatre expéditions du Havre portent 800,000 livres pour payer des farines à Philadelphie, destinées pour nos îles; d'autres expéditions semblables se préparent à Marseille, et ne tarderont pas à épuiser le peu d'espèces qui circulent dans cette ville. Les espèces une fois épuisées, le commerce fera prendre des piastres à Cadix.
Si ces piastres devaient venir en France, elles en seront détournées; si elles n'y doivent pas venir, il faudra que les écus de France sortent par un canal quelconque pour payer ces piastres aux Espagnols.
Marseille, fatiguée depuis longtemps par la rareté du numéraire, compte à peiae dix maisons qui ne soient pas dans une très-grande pénurie. Déjà plusieurs négociants sont convenus entre eux d'ajouter dix nouveaux jours de grâce à ceux qui sont en usage, et l'on y craint à tout instant de voir éclater plusieurs dérangements.
Bordeaux manque de numéraire au point que les plus riches commerçants craignent de se voir dans l'impossibilité physique de payer leurs engagements , quoique leur fortune les mette infiniment au-dessus de leurs affaires.
A Nantes, les commerçants ont établi des billets de crédit réciproque, et acquittent ainsi leurs engagements. Un tel moyen ne peut ças durer.
Le Havre ne s'est soutenu jusqu'ici que parce qu'il est dans l'usage de faire tous ses payements à Paris, ce qui épargne à ce port les embarras de la balance.
Les villes intérieures et manufacturières offriraient un tableau plus effrayant. Amiens n'est pas en état de remplir ses engagements pour les achats de grains faits par une société patriotique.
Lyon, qui donnait toujours des secours au commerce, a eu besoin d'être aidé par les banquiers de Paris.
Genève, partageant le discrédit de nos fonds, ne peut faire ses circulations qu'avec Lyon et la capitale. Cette ville éprouve la même pénurie que
nous. Elle s'avance vers la nécessité d'une suspension totale de payements. Cette suspension r une fois déclarée, les suites en sont incalculables. Des situations aussi critiques pressent les pas d une grande catastrophe, et l'état de la capitale est loin d'être rassurant.
A l'époque du premier compte rendu par M. Nec-ker dans l'Assemblée nationale, les 80 millions d assignations suspendues, et 150 millions d'autres assignations ou rescriptions à longue échéance circulaient encore. L'opinion ne les soutient plus,
- elles sont sans cours. Celles qui avaient été renouvelées pour un an, et celles échues en sep-
v tembre, ne sont pas toutes acquittées. Le refus du Trésor royal de recevoir comme du comptant dans l'emprunt de 80 millions celles qui échoient en octobre et novembre, a complété le discrédit de tous ces effets. Ceux qui s'en aidaient, ne le pouvant plus, seront enfin forcés de suspendre . leurs payements.
On ne peut pas sortir tout d'un coup 200 mil-^ lions de la circulation dans des circonstances aussi critiques, sans causer une gêne inexprimable; et s'il doit en résulter des dérangements, ils sont d'autant plus affligeants que les propriétaires de ces effets seront contraints de suspendre leurs payements au sein d'une richesse qu'il n'est pas même permis de croire douteuse.
Ceux-là peuvent seuls échappera cette douloureuse nécessité qui auront pu ramasser en espèces * une somme égale à leurs engagements.
Paris une lois bouleversé par de nombreuses suspensions, la circulation avec les provinces sera complètement arrêtée. Les suspensions de payements s'étendront par tout le royaume. Chacun ne verra dans les débris qu'il pourra recueillir que les moyens de subsister en attendant un nouvel ordre de choses. Quand et comment se for-
- mera-t-il? Les papiers échafaudés sur une base ruinée seront inutilement offerts en échange; ils ne présenteront rien qui puisse tirer de leur inaction les agents de l'industrie productive.
^ Le numéraire actuellement caché, et celui qui circule encore, ne seront mis en usage que comme les provisions dans les temps de famine; chacun, se voyant obligé à la plus sévère parcimonie, craindra de se dessaisir d'une valeur qui, partout et en toute conjoncture, représente du pain, aussi longtemps que tout le pain n'est pas consommé. ~*Lt, dans une calamité aussi générale, si le lien social ne se rompt pas; si, au défaut de la force physique, la force morale le maintient, ne sera-ce pas un miracle auquel personne ne doit oser se fier?
Est-on certain que dés à présent les anxiétés de Paris sur les subsistances ne soient pas autant 1 effet de la rareté de l'espèce, et des alarmes ^ qu'elle répand, que de ces complots si ténébreux, si difficiles à comprendre, si impossibles à démontrer, auxquels on s'obstine à les attribuer?
Les grands approvisionnements, à moins qu'ils n aient été contractés au loin, et sur les ressources du crédit, ne peuvent plus se faire facilement dès que l'espèce est rare. Les fermiers ne sauraient comment employer les billets de la caisse d'escompte. Ces billets ne servent pas à
- payer des journées de travail; et s'il faut que l'habitant de la campagne accumule pour payer ses baux, accumulera-i-il des billets? Ce n'est que l'argent à la main qu'on peut aller ramasser le blé dans les campagnes, et dès lors les avances deviennent impossibles, si les espèces effectives sont toujours plus difficiles à ramasser.
11 faut près de 150,000 livres par jour pour
l'approvisionnement du pain. Cette somme va parcourir les campagnes ; elle ne revient jamais que lentement, et aujourd'hui quelle ne doit pas être cette lenteur tandis que ceux qui cherchent l'argent pour le vendre fouillent partout, et donnent en échange des billets de la caisse d'escompte?
Rapprochons maintenant de la masse de notre numéraire l'effet de toutes ces causes qui le chassent, l'enfouissent ou le dissipent.
Il en faut peu sans doute à chaque individu pour payer ses besoins, lorsqu'il est assuré que la circulation le ramènera dans ses mains toutes les fois que sa provision sera épuisée; mais dès qu il craint les obstacles, il fait une provision d espèces aussi considérable que ses facultés le lui permettent.
Or, même en admettant notre numéraire à 2 milliards, si vous le partagez entre les chefs de famille, ou ceux qui ont à pourvoir à d'autres besoins que les leurs, cette masse ne présente que 400 livres pour chacun d'eux. Sur ces 400 livres, il faut prélever le numéraire qui passe dans l'étranger, celui que la crainte et les spéculations tiennent en réserve. Tenez compte de ces défalcations appauvrissantes, et représentez-vous les especes qui restent pour les transactions indispensables dès que, la circulation étant suspendue, elles ne peuvent plus se multiplier par la rapidité de leur mouvement.
Vous vous demandez sans doute, Messieurs, à quoi ces observations doivent nous conduire? A nous éloigner plus que jamais de la ressource des palliatifs, à redouter les espérances vagues, à ne nous fier au retour d'un temps plus heureux qu'en multipliant nos efforts et nos mesures pour le faire naître, et non à tenter encore, par des ressources usées, à rejeter nos embarras sur ceux qui viendront après nous. Nos tentatives seraient inutiles; le règne des illusions est passé; l'expérience nous a trop appris la perQdie de tout moyen où l'imagination se charge seule de créer les motifs de la confiance.
Si les revenus s'altèrent, que peut-on attendre dune contribution sur le revenu? Quelle contribution ne devient pas onéreuse pour le grand nombre, lorsqu'il faut, pour la payer, se dessaisir de quelques espèces auxquelles on attache sa sécurité? La rareté de l'argent a-t-elle jamais facilité le payement des impôts?
La ressource de la vaisselle pouvait aller loin peut-être; mais si le numéraire continue à se cacher ou à sortir du royaume, à quoi servira la vaisselle?
Qu'attendre d'une caisse d'escompte qui s'exa-ère ses forces et son utilité, qui nous inonde de mets qui s'avilissent, qui croit relever l'opinion qu elle-même a détruite? Sa véritable situation est un secret; les talents de son administration ont été jusqu'ici fort au-dessous de son entreprise; on n'aperçoit que des motifs de défiance dans les volontés qui la dirigent.
On parle d'augmenter son fonds, sans rendre à ses billets leur qualité essentielle, celle d'être exigibles à la présentation ; et, nonobstant la persévérance dans un tel régime, on se flatte de quintupler cette augmentation des billets. Ce projet est une continuation de méprises ; il reposerait déjà sur une erreur, lors même que l'arrêt de surséance serait toléré.
La faculté qu'ont les banques de répandre leurs billets en quantité triple et quadruple de leur numéraire estconstammentsubordonnée aux circonstances. Si l'on peut se livrer à une proportion
qui multiplie le numéraire, ce n'est qu'en se tenant prêt à la diminuer dès que les espèces se resserrent. Hors de cette règle générale, il est impossible de se fier à une banque de secours ; ses billets ne sont plus qu'une charge sur le public, un impôt odieux, un feu pestilentiel qui dévore la substance de l'Etat ; et si quelques gens d'affaires paraissent vouloir s'en contenter, c'est que l'art des reprises leur est familier.
Voyez ce qui résulte maintenant de cette distribution banqueroutière de quelques sacs d'argent que fait la caisse d'escompte pour tempérer le fâcheux effet des arrêts de surséance. On ne peut participer à cette distribution qu'avec de pénibles efforts. Elle s'est convertie en un agiotage onéreux ; on vend à la porte de la caisse d'escompte l'argent qu'il est si difficile d'en obtenir ; il faut perdre sur le billet pour le changer contre des écus, à moins qu'on ne veuille lutter longtemps avec une foule avide ou inquiète, qui nécessairement se composera et se grossira de plus en plus des agioteurs sur nos écus et nos louis.
Il faudra donc établir dans la capitale une différence entre l'argent de banque,c'est-à-dire les billets, et l'argent effectif. Passe encore si cet impôt pouvait retenir ou rappeler notre numéraire ; mais comme dans cet échange l'avilissement porte sur les billets, il ne peut que s'accroître sans cesse et préparer un déficit qu'on voudra remplir en proposant de nouveau de multiplier ces billets. Sont-ce là, Messieurs, je vous le demande, sont-ce là des conceptions dont il soit possible d'attendre la restauration de nos finances?
L'attendrons-nous, cette restauration, des procédés qui rebutent ou offensent les créanciers de l'Etat? Que sous les caprices du despotisme l'on devienne dur, injuste, ou tyrannique envers eux, après avoir tout employé pour Jes séduire, if serait ridicule de s'en étonner ; mais lorsqu'une nation a déclaré qu'elle mettait ses créanciers sous la sauvegarde de son honneur et de sa loyauté, doivent-ils, outre les injustices, essuyer les brusqueries?
Si des circonstances impérieuses, suite de l'imprudence des engagements, obligent à franchir les échéances, est-ce la faute des créanciers? Faut-il abuser de leur impuissance jusqu'à se dispenser de tous égards ? Quel avantage le crédit public peut-il retirer des ruses des mauvais payeurs ? Sont-ce des emprunts profitables à la nation, que ces retards où l'on n'offre pas même aux créanciers de quoi soulager leur attente? Est-ce ménager le crédit que d'épuiser toutes les difficultés, lorsqu'elles doivent se terminer parun payement? que d'annoncer dans des papiers publics des payements de rente qu'on ne fait point, où on laisse en souffrance un grand nombre de rentiers sans les prévenir, sans s'arranger avec eux? Certes, ces misérables expédients éteignent le patriotisme, découragent l'esprit public, aggravent tous les autres maux.
Ce tableau, Messieurs, est loin d'être exagéré ; il me conduit à vous faire observer:
1° Que, s'il est pressant de se garantir de la disetie, il serait heureux de pouvoir assurer les subsistances à la capitale sans trop l'épuiser de numéraire;
2° Qu'il est urgent de s'occuper de la dette publique dans toute son étendue, en sorte qu'elle n'effraye plus par son obscurité, et de prendre avec les créanciers de l'Etat des arrangements qui les éclairent sur leur sort ;
3° Qu'on ne saurait trop se hâter d'établir sur
une base réelle de sages dispositions, des dispositions qui sans détériorer la chose publique, sans contraindre personne, sans exalter les imaginations, conduisent l'Etat à des temps plus propres aux remboursements, et qui donnent, en atten dant, aux propriétaires de la dette la faculté de faire usage de leurs titres, chacun selon sa position ;
4° Qu'il faut s'assurer d'un fonds propre à soutenir la force publique, jusqu'à ce que l'ordre, l'harmonie et la confiance soient solidement rétablis ;
5° Qu'en un mot il faut faire cesser toutes les causes destructives de la confiance, et mettre à leur place des moyens dont l'efficacité se découvre aux yeux les moins exercés, et se soutienne par la solidité et la sagesse de leur propre construction.
J'observe, à l'égard des subsistances, que nous avons dans les Etats-Unis une ressource qui semble nous avoir été préparée pour les conjonctures actuelles. Ces Etats nous doivent en capital 34 millions dont 10 ont été empruntés en Hollande, et 5,710,000 livres d'intérêts seront échus au 1er janvier prochain.
Les seuls intérêts suffiraient à payer chez eux un approvisionnement de plus de deux mois pour la ville de Paris, et le tiers du capital payerait la somme nécessaire pour rendre cet approvisionnement égal à la consommation d'une demi-année. Ce secours soulagerait la capitale dans deux objets importants et inséparables, le numéraire et le pain.
L'union et la concorde sont rétablies dans ces Etats auxquels nous allons bientôt tenir par les rapports intéressants et féconds de la liberté. Nous avons versé notre sang surleur.sol pour les aider à la conquérir ; ils viennent de la perfectionner par l'établissement d'un congrès qui mérite leur confiance.
Ils ne refuseront pas de s'acquitter envers nous, en nous envoyant un aliment qui nous est absolument nécessaire, qui ne nous est rendu rare que par une difficulté qu'ils ont* eux-mêmes connue, et que nous les avons aidé à surmonter, savoir, la rareté du numéraire.
Oui, il n'y aurait qu'une impossibilité absolue qui pût rendre les Etats-Unis sourds à nos demandes, et cette impossibilité n'est nullement présumable; elle leur serait trop douloureuse ; iï leur serait même trop impolitique de ne pas faire de grands efforts en notre faveur, pour que nous devions hésiter de recourir à eux incessamment, dans la juste espérance d'en obtenir des grains et des farines qui ne nous coûteraient que des quittances.
D'ailleurs, en tournant nos regards de ce côté, nous y achèterons, s'il le faut, ces denrées, mais avec moins d'argent qu'en les payant à de secondes mains, et par conséquent notre extraction de numéraire pour cet objet sera moins considérable.
Quant à la dette publique et aux dérangements dont elle nous menace, vous observerez, Messieurs, qu'il est des préparatifs qui, en tout état de cause, sont nécessaires, et qui, faits dès à présent, disposeront les esprits à la confiance et et à tout ce qui peut éloigner ces dérangements. Telles sont toutes les mesures favorables à l'ordre.
Votre comité des finances vous a proposé de séparer la partie qui concerne la dette publique de celle qui a pour objet les dépenses nécessaires à tout gouvernement. Cette séparation n'a aucun inconvénient. La dette nationale actuellement contractée est une obligation étrangère à tous les
rapports politiques, relatifs à la conservation de nos droits.
Cette mesure était infiniment sage. Les gens éclairés ont été étonnés de la voir, pour ainsi dire, oubliée, tandis qu'elle méritait, à tant de titres, d'être immédiatement exécutée ; car c'est la seule qui puisse prouver à la nation qu'on veut enfin adopter envers elle de vrais principes de comptabilité.
Votre comité a senti que les fonds destinés à payer les créanciers de l'Etat doivent être mis à l'abri de toute incertitude, et surtout de cette manutention où les agents de la finance, sans cesse aux expédients, pervertissent l'emploi des fonds, laissent un côté en souffrance pour les besoins d'un autre, etse jettent malgré eux dans le dédale ruineux des injustices ou des partialités. Ces désordres sont autant de justes motifs de discrédit.
Les peuples, peu certains de voir employer à la dette ce qu'on leur demande au nom de Ja dette, prennent et le fisc et la dette en horreur, et les créanciers de l'Etat ne se tranquillisent jamais sur aucune des mesures destinées cependant à leur sécurité. Les changements dans le ministère des finances, la variabilité des systèmes, les relâchements dans la comptabilité, tous ces inconvénients d'un pouvoir exécutif chargé d'immenses détails, seront toujours des fléaux redoutables pour la confiance, si un établissement particulier n'en affranchit pas les créanciers de l'Etat.
Si la meilleure manière d'assurer le payement de la dette et de ne pas eu troubler le décroisse-ment importe à la nation, la puissance exécutive ne saurait non plus former un vu différent ; elle doit se redouter elle-même dans la disposition des deniers.
Ainsi unécaissenationale, uniquement destinée à la dette, et dirigée sous l'inspection immédiate de la nation, est un établissement indiqué par la nature des choses. Une fois dotée de revenus destinés au payement de la dette, c'est au pouvoir exécutif à la protéger dans la perception de ses deniers. Sa comptabilité annuelle à l'Assemblée nationale, et les surveillants qu'elle lui donnera, en assurent un emploi toujours conforme à leur destination. Nulle crainte à cet égard ne serait raisonnable.
Que d'à van tages cet établissemen t ne présente-t-i l pas ! L'ordre et l'économie dans les dépenses du gouvernement étrangères à la dette en sont une suite immédiate ; car, ne pouvant plus changer la destination des revenus, il est impossible qu'on les dilapide.
Cette caisse devient en quelque sorte la propriété des créanciers de l'Etat. Ils acquièrent le droit de la défendre. Ils peuvent suivre pour ainsi dire jour à jour son administration, et voir prospérer les mesures qui assurent leurs remboursements.
Avec cette caisse disparaîtront toutes les objections que l'expérience a consacrées, et qui jusqu'ici n'ont imprimé sur tous les plans d'amortissement que le sceau de la légèreté et du charlatanisme.
Il y a plus : les créanciers de l'Etat pourront en quelque sorte actionner la caisse nationale toutes les fois qu'ils auront à s'en plaindre. Nul ministre, nul préposé, nul commis ne sera redoutable pour eux. On ne pourra plus mettre l'Etat au rang de ces débiteurs qu'on ne peut pas contraindre, contre lesquels on n'ose pas même murmurer. Ce changement donnera désormais au crédit des motifs qu'il n'a encore nulle part.
Par cette caisse on découvrira chaque année avec certitude les excédants qui doivent servir à l'extinction des capitaux. Là, pouvant toujours calculer les effets de la dette sur les ressources destinées à la payer, les représentants de la nation pourront toujours arbitrer ce qui lui convient le mieux, et par conséquent à ses créanciers, ou d'éteindre une portion de la dette égale à ses excédants, ou de les faire servir à quelque entreprise en faveur de l'industrie productive, plus avantageuse que l'intérêt de la dette ne serait onéreux. Car n'oublions pas qu'on ne vit que de ses revenus ; que le créancier de l'Etat est content quand ses renteslui sont payées avec exactitude ; et que si la dette est un mal, il se peut très-bien que, le mal étant fait, le remède ne consiste pas à le détruire le plus tôt possible.
Enfin, la caisse nationale nous donnera l'avantage d'une utiie consultation avec ceux d'entre les créanciers de l'Etat que leur part dans la dette rend importants, ou qui peuvent en représenter un grand nombre.
C'est de leur propre affaire que la caisse nationale s'occupera. Ils ne peuvent pas demander l'impossible, et il est telle dispositio n dans laquelle leur concours sera évidemment une spéculation à leur avantage. On ne peut raisonnablement attendre d'eux ce concours qu'en leur donnant une sorte de caution que les opérations de la caisse seront consacrées entièrement à leur service et à leur sûreté.
Je suppose, pour mieux me faire entendre, qu'une caisse de numéraire effectif fût nécessaire pour soutenir une circulation de billets solidement hypothéqués et destinés à rembourser toutes ces parties arriérées de la dette publique, et à mettre fin à des expédients désastreux ; je suppose que la vaisselle fût le meilleur moyen de produire ce numéraire : peut-on douter que les créanciers de l'Etat, propriétaires de quelque vaisselle, n'eussent intérêt, et ne le sentissent, à la faire concourir à l'établissement de cette caisse.
11 ne faut donc pas différer, Messieurs, l'exécution de cette utile mesure. 11 faut s'occuper sans relâche de l'organisation de la caisse nationale. Vous sentirez avec quel soin on doit y procéder puisqu'il s'agit d'un établissement durable, d'un établissement dont les principes et les règles doivent devenir permanents et résister à toute influence ministérielle.
La caisse nationale, une fois organisée, deviendra votre comité des finances. Elle s'occupera, jour à jour, de tous les plans qui la mettront en état d'accomplir le vu national, ce vu qui, à la face de l'univers, a mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de la loyauté française.
Que manquera-t-il dès lors, je ne dis pas pour rendre à la nation le crédit qu'elle mérite, elle ne l'a jamais eu, mais pour le lui donner? Le retour de la paix et du bon ordre, le rétablissement des forces de l'empire. Vous y marchez à grands pas, Messieurs ; et ne doutez point que cet établissement ne les hâte, en faisant rayonner l'espérance et chez le peuple qu'elle garantira des coups que lui porte l'embarras des finances, et chez les créanciers de l'Etat, sur la propriété desquels sont appuyés un si grand nombre de rapports importants pour la tranquillité publique.
J'ai dit, Messieurs, que nous marchions à grands pas vers le retour de la paix et du bon ordre, vers le rétablissement des forces de l'empire. J'en ai pour garants tous les témoignages qui nous viennent des provinces. Leur confiance dans l'Assemblée nationale n'est point affaiblie ;
elles nous rendent plus de justice qu'on ne voudrait nous le persuader ; elles placent sans cesse, à côté de la lenteur de nos travaux et des fré quentes interruptions qu'ils éprouvent, les difficultés que nous avons à surmonter. Les provinces voient notre zèle, notre dévouement pour les vrais intérêts de la nation, notre ferme résolution de ne pas abandonner, sans le conduire à sa fin, le grand ouvrage qu'elle nous a confié, jusqu'à ce qu'aucun effort, qu'aucune coujuration ne puisse le renverser.
Pourquoi faut-il que de tristes malentendus entre l'Assemblée nationale et les ministres aient donné lieu à un mémoirepublicdansleque!, en repoussant une responsabilité qu'ils ont mal interprétée, ils ont répandu des alarmes capables de produire les maux mêmes qu'ils exageraient!
Etendons un voile sur ces déplorables méprises, et cherchons les moyens de mettre fin à toutes ces contradictions qui ne cesseront de s'élever aussi longtemps que les ministres du Roi seront absents de l'Assemblée nationale.
Tous les bons citoyens soupirent après le rétablissement de la force publique ; et quelle force parviendrons-nous à établir, si le pouvoir exécutif et la puissance législative, se regardant comme ennemis, craignent de discuter en commun sur la chose publique ?
Permettez, Messieurs, que je dirige un instant vos regards sur ce peuple, dépositaire d'un long cours d'expériences sur la liberté. Si nous faisons une constitution préférable à la leur, nous n'en ferons pas une plus généralement aimée de toutes les classes d'individus dont la nation anglaise est composée; et cette rare circonstance vaut bien de notre part quelque attention aux usages et aux opinions de la Grande-Bretagne.
Jamais, depuis que le parlement anglais existe, il ne s'est élevé une motion qui tendît à en exclure les ministres du Roi. Au contraire, la nation considère leur présence non-seulement comme absolument nécessaire, mais comme un de ses grands privilèges. Elle exerce ainsi sur tous les actes du pouvoir exécutif un contrôle plus important que toute autre responsabilité.
Il n'y a pas un membre de l'Assemblée qui ne puisse les interroger. Le ministre ne peut pas éviter de répondre. On lui parle tour à tour; toute question est officielle, elle a toute l'Assemblée pour témoin ; les évasions, les équivoques sont jugées à l'instant par un grand nombre d'hommes, qui ont le droit de provoquer des réponses plus exactes ; et si le ministre trahit la vérité, il ne peut éviter de se voir poursuivi sur les mots mêmes dont il s'est servi dans ses réponses.
Que pourrait-on opposer à ces avantages? Dira-t-on que l'Assemblée nationale n'a nul besoin d'être formée par les ministres? Mais, où se réunissent d'abord les faits qui constituent l'expérience du gouvernement ? N'est-ce pas dans les mains des agents du pouvoir exécutif? Peut-on dire que ceux qui exécutent les lois n'aient rien à observer à ceux qui les projettent et les déterminent? Les exécuteurs de toutes les transactions relatives àla chose publique, tantintérieures qu'extérieures, ne sont-ils pas comme un répertoire qu'un représentant actif de la nation doit sans cesse consulter? Et où se fera cette consultation avec plus d'avantage pour la nation, si ce n'est en présence de l'Assemblée? Hors de l'Assemblée, le consultant n'est qu'un individu auquel le ministre peut répondre ce qu'il veut, et même ne faire aucune réponse. L'interrogera-t-on par décret de l'Assemblée? Mais alors on s'expose à des répon-
ses obscures, à la nécessité enfin de multiplier les décrets, les chocs, les mécontentements, pour arriver à des éclaircissements qui, n'étant pas donnés de bon gré, resteront toujours incertains. Tous ces inconvénients se dissipent par la présence des ministres dans l'Assemblée. Quand il s'agira de rendre compte de la perception et de l'emploi des revenus, peut-on mettre en comparaison un examen qui sera fait sous ses yeux? S'il est absent, chaque question qu'il paraîtra nécessaire de lui adresser deviendra l'objet d'un débat; tandis que, dans l'Assemblée, la question s'adresse à l'instant même au ministre par le membre qui la conçoit. Si le ministre s'embarrasse dans ses réponses, s'il est coupable, il ne peut échapper à tant de regards fixés sur lui ; et ia crainte de cette redoutable inquisition prévient bien mieux les malversations que toutes les précautions dont on peut entourer un ministre qui n'a jamais à répondre dans l'Assemblée. Dira-t-on qu'on peut le mander dans l'Assemblée? Mais le débat précède, et le ministre peut n'être pas mandé par la pluralité, tandis que dans l'Assemblée il ne peut échapper à l'interrogation d'un seul membre.
Où les ministres pourront-ils combattre avec moins de succès la liberté du peuple? où proposeront-ils avec moins d'inconvénients leurs observations sur les actes de législation?où leurs préjugés, leurs erreurs, leur ambition, seront-ils dévoilés avec plus d'énergie? où contribueront-ils mieux à la stabilité des décrets ? où s'engageront-ils avec plus de solennité à leur exécution ? N'est-ce pas dans l'Assemblée nationale ?
Dira-t-on que le ministre aura plus d'influence dans l'Assemblée que s'il n'avait pas le droit d'y siéger ? On serait bien en peine de le prouver. L'influence des ministres, lorsqu'elle ne résulte pas de leurs talents et de leurs vertus, tient à des manuvres, à des séductions, à des corruptions secrètes; et si quelque chose peut en tempérer l'effet, c'est lorsque, étant membres de l'Assemblée, ils se trouvent sans cesse sous les yeux d'une opposition qui n'a nul intérêt à les ménager.
Qu'on me dise pourquoi nous redouterions la présence des ministres? Craindrait-on leurs vengeances ? craindrait-on qu'il marquassent eux-mêmes leurs victimes? Mais on oublierait que ; nous faisons une constitution libre, et que, si le despotisme pouvait supporter des Assemblées nationales permanentes, il les remplirait d'espions auxquels les hommes courageux n'échapperaient pas mieux qu'à la présence des ministres. Ce sont les lois sur la liberté individuelle qui nous affranchiront du despotisme ministériel. Voilà le vrai, l'unique palladium de la liberté des suffrages.
Non, Messieurs, nous ne céderons point à des craintes frivoles, à de vains fantômes ; nous n'aurons point cette timidité soupçonneuse qui se précipitent dans les pièges par la* crainte même de les braver.
Les premiers agents du pouvoir exécutif sont nécessaires dans toute assemblée législative ; ils composent une partie des organes de son intelligence. Les lois discutées avec eux deviendront plus faciles, leur sanction sera plus assurée, et leur exécution plus entière. Leur présence préviendra les incidents, assurera notre marche, mettra plus de concert entre les deux pouvoirs auxquels le sort de l'empire est confié. Enfin, on ne nous demandera pas de ces inutiles comi-
tés où se compromet presque toujours la dignité des représentants de la nation.
Je propose donc, en me résumant, que l'Assemblée décrète :
« 1° Que Sa Majesté sera suppliée de dépêcher incessamment auprès des Etats-Unis, comme envoyés extraordinaires, des personnes de confiance et d'une suffisante capacité, pour réclamer, au nom de la nation, tous les secours en blés ou en farines qu'elles pourraient obtenir, tant en remboursement des intérêts arriérés dont les Etats lui sont redevables, qu'en acquittement d'une partie des capitaux ;
c 2° Que le comité des finances proposera le plus tôt possible à l'Assemblée le'plan d'une caisse nationale, qui sera chargée dorénavant du travail des finances relatif à la dette publique, d'en faire ou d'en diriger les payements, de percevoir les revenus qui seront affectés à ces payements, et en général de tout ce qui peut assurer le sort des créanciers de l'Etat, affermir le crédit, diminuer graduellement la dette, et correspondre avec les assemblées provinciales sur toutes les entreprises favorables à l'industrie productive ;
« 3° Que les ministres de Sa Majesté seront invités à venir prendre dans l'Assemblée voix consultative, jusqu'à ce que la Constitution ait fixé les règles qui seront suivies à leur égard. »
On demande l'impression de cette motion, en exposant que son importance ne permet pas de délibérer sur-le-champ.
représente que les objets qu'elle renferme peuvent se réduire à des termes si simples qu'il sera facile de délibérer sans délai, et que l'Assemblée aurait épargné des moments précieux et des débats très-longs, si les ministres avaient été présents.
Je propose que les ministres, qui sont membres de cette Assemblée, y aient voix délibérative, après avoir été réélus par leurs bailliages et sénéchaussées.
(1). La question qui s'agite aujourd'hui devant vous, Messieurs, quoique réduite à une simple disposition provisoire, et tout à fait détachée de la Constitution, semble néanmoins tellement liée avec la question que vous avez ajournée mardi dernier (2), par l'autorité que donne toujours pour l'avenir l'exemple de ce qui a eu lieu au passé, que je ne puis nr empêcher de vous supplier d'accorder à la discussion de cette question vraiment intéressante tout levtemps, toute la réflexion que sou importance exige. Quelle que soit, suivant un grand nombre de ceux qui ont parlé hier, la nécessité qui nous presse et qui nous commande, il n'en est point de plus impé-rative que celle d'agir sagement, et deux ou trois jours consacrés à l'examen d'un point capital n'entraînent point une perte de temps irréparable, quand une fausse mesure occasionnerait des inconvénients qu'il est de votre sagesse de prévenir, et auxquels une longue suite d'années ne remédieraient pas, si une fois elle était adoptée.
On nous propose d'inviter les ministres du Roi
Je vais examiner, le plus brièvement qu'il sera possible, le degré de poids et d'autorité qu'il convient d'attacher à ces considérations. Une pareille tâche offre deux écueils faciles à éviter, quand on n'aspire qu'à faire valoir la cause de la vérité. Ces deux écueils sont la timide circonspection de la crainte et le langage exagéré de la prévention ; mais pour que la discussion actuelle soit fructueuse, cela ne suffit pas encore, et je crois qu'il importe surtout d'en bannir la composante facilité d'une ambition prochaine ou éloignée.
D'abord, je conviens qu'il est beaucoup de points de l'administration sur lesquels l'Assemblée (qui n'est point une assemblée administrative) ne saurait réunir toutes les connaissances requises. Ce n'est pas dans un jour que l'on devient grand administrateur, et nous pouvons convenir sans honte que nous sommes encore dans l'enfance par rapport à cet art, devenu difficile à cause de la multiplicité des machines dont on l'a compliqué. Mais si les ministres ont dans cette partie l'avantage sur nous, l'expérience a-t-elle prouvé jusqu'ici que leur manière d'administrer les empires est la meilleure possible, et ne pourrait-on pas, sans être taxé de prévention ou de calomnie, affirmer que les ministres sont encore loin de réunir sur les différentes branches de l'administration toute la masse de lumières qui existe dans une nation éclairée? Je suppose que ces points ne sont pas constatés ; et je dis que, si l'Assemblée nationale doit toujours tendre à la plus grande perfection possible, ce ne sont pas seulement les ministres qu'elle doit consulter, mais encore tous ceux qui peuvent ajouter aux lumières qui naissent de la discussion toutes les lumières que fournit la méditation; et par conséquent que le premier devoir de l'Assemblée est cle ne rien décréter d'important avant d'avoir pris tout le temps nécessaire pour peser mûrement et attentivement ses résolutions. Or, cet avantage, elle peut se le procurer, même en ce qui regarde les ministres, sans leur intervention personnelle dans l'Assemblée : car s'ils sont vraiment zélés pour le bien public, il leur sera très-facile de communiquer leurs réflexions, sur le sujet en débat, à des députés qui en feront part à l'Assemblée et qui les feront valoir ; ou de les adresser directement à l'Assemblée, qui ne doit repousser rien de ce qui porte le sceau de la raison, de l'évidence et de l'utilité. On objectera peut-être l'exemple des décrets du 4 août. Je réponds que ces décrets n'étaient point des lois, mais simplement des principes à suivre dans la législation, et qu'en insistant sur leur promulgation, l'Assemblée n'a pas manqué de déclarer qu'elle apporterait, dans la confection des lois qui en résulteraient, la plus grande et la plus respectueuse attention aux observations que Sa Majesté avait eu la bonté de lui communiquer.
Il ne reste donc que les cas urgents, et pour lesquels il faut une prompte détermination. Ici, Messieurs, j'ose faire une question, et je demande si presque tous les cas de cette nature qui se sont offerts pendant le cours de la session n'ont pas eu pour objet les embarras de la puissance exécutive? Je n'en citerai pas d'exemples : ils vous sont tous présents. Mais j'en conclus qu'en provoquant nos décrets, nos ministres ont pu, ont dû même mettre sous nos yeux toutes les considérations qu'il fallait peser, et qu'à cet égard ils ne seraient jamais excusables d'avoir jeté l'Assemblée dans de fausses mesures. Il n'y a pas longtemps que le respectable auteur de la motion vous a fait prendre un décret qui en est la preuve (I).
Je ne m'arrête pas davantage sur cette première considération. Je passe à la seconde, et je prie que l'on veuille bien expliquer nettement et sans détours comment et pourquoi la communication avec les ministres par le moyen d'un comité pourrait être dangereuse? Les membres de l'Assemblée qui composent chaque comité ne sont-ils pas ceux qui réunissent au plus haut degré l'estime et la confiance de tous les députés ; et la vérité ainsi que l'erreur sont-elles moins la vérité et l'erreur parce que en sortant de la bouche du ministre, elles auront passé par les oreilles d'un comité avant de frapper les vôtres? Ne nous abusons pas, Messieurs ; le temps d'un ministre adonné aux affaires de son département, est un temps fort précieux. Un comité peut varier ses heures de conférence ; l'Assemblée ne peut accorder que le temps de sa séance : l'on presse dans le cabinet des objections que l'on ne fait qu'indiquer au public; le petit nombre d'acteurs permet des détails, des explications qui ne sont pas admissibles dans une grande assemblée ; en-lin l'excuse si commode, si satisfaisante, si souvent employée par le chancelier de l'échiquier, dàns la Chambre des communes d'Angleterre, où siège ce ministre, et que l'on propose pour modèle, l'excuse, dis-je : L'intérêt de l'Etat ne permet pas d'en dire davantage, serait d'une faible ressource dans un comité, et pourrait, dans l'assemblée générale, servir utilement l'ignorance ou la mauvaise foi d'un ministre. Je ne crois donc pas que cette seconde considération obtienne auprès de vous plus de poids que la première. Ainsi, examinons en peu de mots quelle influence peut avoir l'exemple tiré de l'Angleterre.
Je ne répéterai point les observations succinctes que j'ai eu l'honneur de vous faire hier très-rapidement, au sujet de la vénalité et de la corruption dont le ministre sait tirer un parti si avantageux, pour assurer son empire et son influence dans le parlement britannique. Personne, je crois, ne contestera la vérité des faits que j'ai indiqués, lorsqu'il est à la connaissance de tout le monde que la majorité du parlement d'Angleterre ne prend même pas la peine de se cacher dans le trafic de ses suffrages. Il est d'ailleurs des observations d'un autre genre qui ont, j'aime à me le persuader, plus d'analogie avec notre situation, et qui suffisent pour établir dans tout son jour la cause que je soutiens.
En effet, si l'on consulte les transactions du parlement d'Angleterre, depuis le
milieu du règne
Mais je suppose que le danger de cette terrible influence ministérielle soit écarté,
évitera-t-on aussi qu'il ne se forme, dans une assemblée où siégeront les ministres du
Roi, un parti ou une opposition, qui, loin d'accélérer les travaux du Corps
législatif, ne serviront au contraire qu'à retarder sa marche et ses décisions? En
effet, il est moralement impossible que sur 1,200 hommes choisis dans toute la nation,
il ne s'en trouve pas
Ce que j'ai dit jusqu'ici répond, si je ne me trompe, à une gran le partie des raisons alléguées en faveur de l'admission des ministres; le dernier exemple surtout prouve (car M. Grenville avait annoncé des vues sages) que l'avantage même d'avoir ses ennemis en présence, ainsi que l'observa hier un des préopinants, n'est pas entièrement exempt de danger, et que si le nouvel ordre de choses ne doit plus laisser d'hommes ineptes au ministère, il peut aussi (dans le cas où la motion serait adoptée) faire perdre à l'Etat des ministres habiles et vertueux.
J'ajouterai qu'en admettant les ministres dans l'Assemblée nationale, même avec la simple voix consultative, la responsabilité si nécessaire, si indispensable pour arrêter loute usurpation de pouvoir, devient un épouvantait chimérique ; car les ministres n'ayant point de commettants, et n'ayant à exécuter que leurs propres projets, quand vous les aurez consacrés et adoptés, i s n'auront, quelque nuisibles ou pernicieux qu'ils soient, de compte à rendre à personne. Vrais dépositaires du pouvoir exécutif, plus puissants que le Roi, dont le veto ne peut qu'empêcher les lois d'exister, ils jouiront en outre de la faculté de faire passer les mauvaises, de modifier les autres à leur convenance,de rejeter tous les projets dont l'exécution dérangerait leurs habitudes, et d'opposer mille objections, mille difficultés aux règlements qui resserreraient le compas de leur autorité.
C'est, écrivait, il y a peu de temps un des hommes les plus instruits d'Angleterre, à un de ses amis qu'il entretenait sur la position actuelle de l'Assemblée nationale, comparée à celle de la Chambre des communes, c'est un spectacle bien humiliant aux yeux de tout homme doué d'une âme sensible, et dont l'esprit est dégagé de préventions, que de voir une assemblée des représentants de tout un peuple, faite pour être composée de députés égaux en pouvoirs, et dont les délibérations devaient être absolument libres, dégradée cependant au point d'être entièrement dirigée et gouvernée par la présence d'un ministre revêtu de toute l'autorité et jouissant de toute Vinfluence du souverain, ne dissimulant même pas l'orgueil qu'inspirent la force et l'assurance de la victoire dans de vains débats qui ne produisent seulement pas l'intérêt d'un combat incertain. L'ordre essentiel aux assemblées représentatives, dont le chef, nommé par elles-mêmes pour présider à leurs délibérations, devait seul jouir de l'autorité et du respect parmi
ses collègues, est bouleversé en faveur de ce délégué royal : le président n'est plus qu'un être secondaire ; et tous les yeux sont tournés vers le véritable maître de l'Assemblée, etc.
Que dirait l'homme qui s'abuse aussi peu sur les vices qui régnent dans la représentation du peuple anglais, s'il entendait appeler son pays en témoignage, pour faire adopter en France la présence des ministres dans l'Assemblée nationale ?
Je crois en avoir assez dit, et surtout avoir assez montré par les faits et par le sentiment des Anglais eux-mêmes, que c'est bien à tort que l'on va puiser des raisons chez eux pour établir l'opinion que je combats.
Il serait peut-être utile de dire encore un mot sur l'indiscrétion d'un pareil moyen, quand il s'agit de redonner au pouvoir exécutif la force qui lui manque. Mais vous sentirez facilement, Messieurs, que si les ministres du Roi sont présents, il faut de deux choses l'une, ou qu'ils dirigent 1 Assemblée par leur influence, ou qu'ils cèdent eux-mêmes aux lumières de l'Assemblée. Dans le dernier cas, ils rabaissent, ils humilient, sans nécessité comme sans utilité, la puissance exécutive|: dans le premier (quoi qu'onaitpu dire contre le mot de liberté, dont je n'exagérerai jamais le sens), l'Assemblée n'est plus libre, et la nation court risque de perdre sa liberté. L'une ou l'autre de ces deux positions est également nuisible à l'intérêt public, et vous-mêmes, Messieurs, l'avez déjà reconnu, lorsque, sur la réclamation de M. le'comte de Mirabeau, vous avez un jour attendu la retraite des ministres pour délibérer, et lorsque, dans une autre occasion, vous avez refusé d'ouvrir et de lire un mémoire que les ministres vous adressaient à l'instant d'une délibération. Les maximes soutenues alors n'ont pu changer si vite. Si elles étaient vraies, elles le sont encore aujourd'hui: ainsi, ni d'après les considérations alléguées, ni d'après l'exemple de l'Angleterre, ni d'après mes propres principes, on ne peut admettre les ministres dans l'Assemblée nationale. Du moins, telle est mon opinion jusqu'à présent, et par les raisons que j'ai recueillies à la hâte, pour avoir l'honneur de les soumettre à votre examen. Si vous jugez cependant que la motion deM. de Mirabeaudôive être admise, par des motifs que je ne saurais ni prévoir ni comprendre, je demande qu'il y soit fait l'amendement suivant :
« Aucun membre de /'Assemblée nationale ne pourra passer au ministère pendant tout le cours de la session. »
iNous ne devons pas oublier que nos commettants nous ont envoyés pour faire uue constitution qui devienne un rempart contre le3 atteintes du despotisme ministériel, et non une constitution qui mette à couvert, protège ou favorise l'ambition des ministres.
remarque que le Jersey, le Connecticut, et la Virginie sont tes seules parties des Etats-Unis qui possèdent des blés... Il pense que la présence du ministre des finances est seule nécessaire dans l'Assemblée.
D'après l'importance du troisième objet, je demande la division et l'ajournement.
, le jeune, appuie cette troisième partie de la motion : ia séduction des ministres, dit-il, est dangereuse hors de l'Assemblée ; mais ici ils
se trouveront les égaux de chaque député, et infiniment au-dessous de la dignité de l'Assemblée.
demande la division des trois objets. Il observe sur le premier, que dans les Etats-Unis les particuliers ne doivent pas, mais que le corps seul est débiteur ; que le corps n'a pas de blés, et que les particuliers seuls en ont ; qu'il faut acheter des uns, et ne pas s'exposer à un refus de la part de l'autre.
Le nouveau congrès vient de prendre des précautions pour le payement des dettes des Etats-Unis. Il est probable que les Américains saisiront l'occasion de secourir la puissance européenne qui a si bien travaillé pour leur liberté. Plusieurs mois s'écouleront jusqu'à l'arrivée de ce secours, mais on le recevra au moment où nos ressources prochaines seront épuisées. Je pense qu'il n'y a nul inconvénient à mettre aux voix les trois articles, en ajournant, -sans rien préjuger, sur l'éligibilité des ministres à l'Assemblée nationale.
Les Etats-Unis ne pouvant solder les intérêts de leur dette, devons-nous espérer qu'ils céderont à notre demande ? pouvons-nous croire que les particuliers vendent au congrès, quand ils auront presque la certitude de n'en être pas payés? Cette observation me détermine à rejeter cet article.
J'observerai sur le troisième, qu'en Angleterre, de vrais amis de la liberté regardent comme infiniment dangereux l'usage dont on s'autorise ici. Le ministre au parlement s'entoure d'une armée à ses gages, il distribue les postes, etc. Les ministres influeront également parmi nous ; ils influeront jusque dans les élections... Il faut s'instruire ; il faut, avant d'adopter cet article, s'assurer si nous ne compromettons pas notre liberté, Je demande l'ajournement.
Les Etats-Unis ont fait une récolte abondante. Le nouveau congrès est autorisé à établir des taxes pour le payement des dettes; la loyauté des Américains, qui nous doivent leur liberté, nous assure assez que leurs engagements avec la France ne seront pas les derniers remplis.
Le second objet de la motion me paraît ne donner lieu à aucune objection.
Je pense que la troisième est pour la nation un des premiers moyens de prospérité, de grandeur et de liberté. Nous avons souvent gémi sous des ministres ineptes, et le despotisme des ministres ibeptes est le fléau le plus humiliant pour des hommeslibres; mais,admisparmi vous, dans quatre jours vous n'aurez pas un ministre, ou bien il ne sera pas inepte.
Je sais le danger des grands talents unis avec de mauvaises intentions ; mais que pourrait faire le ministre qui les posséderait, lorsqu'il trouvera au milieu de vous de grands talents et des intentions pures? Les ministres verront enfin des hommes qui ne les craindront pas, tandis qu'ils sont condamnés à ne voir que des flatteurs, des secrétaires occupés à leur préparer les moyens de nous opprimer. L'homme vendu rougira devant celui qui aura acheté sa voix ; son embarras, son inquiétude, tout le démasquera. Vous savez s'il faut redouter les intrigues du cabinet. Un ministre est-il l'ennemi de la nation, c'est un ennemi invisible quand il n'est pas ici ; s'il y est admis, il sera connu, et dans toute" espèce de
combat je ne sais rien de plus dangereux que d'avoir à se battre sur rien et contre personne.
Je pense qu'il est nécessaire de faire observer à quelques opinants, qui craignent pour notre liberté, qu'il ne s'agit ici que d'une disposition momentanée et nécessitée par les circonstances. Je m'oppose à l'ajournement.
J'adopte les trois propositions. Si, par exemple, le ministre des finances avait siégé dans cette Assemblée, il aurait répondu à M. de Mirabeau ; il aurait repoussé des terreurs qui peuvent porter atteinte à la fortune publique et aux fortunes particulières. La caisse d'escompte a déjà trois mémoires au comité des finances. J'y ai observé trois choses : premièrement, ce n'est pas elle qui, l'année dernière, a sollicité une suspension de payement; secondement, les secours importants qu'elle a donnés à l'Etat : cette observation, infiniment exacte, mérite quelques ménagements ; troisièmement, si le gouvernement remboursait à la caisse tout ce qu'il lui doit, elle satisferait sur-le-champ à tous ses engagements.
Je ne conclus à rien au sujet de la caisse d'escompte, parce que M. de Mirabeau n'a pas pris de conclusions à son égard.
M.*** Les commerçants ne feront plus d'opérations sur les blés avec l'Amérique ; ils redouteront la concurrence avec le gouvernement ; alors si la démarche proposée n'a pas de succès, quelle sera notre détresse !
On a représenté comme douteuse la créance que nous avens sur l'Amérique ; les titres que le comité a entre les mains tendent à en prouver la solidité. L'embarras des Etats-Unis pour les payements vient du défaut de numéraire ; vous leur offrez le moyen de payer autrement, et cet embarras disparaît.
La discussion est fermée. On demande successivement l'ajourpement sur les trois articles. Après quelques discussions sur cette demande, les deux premiers sont ajournés ; la délibération sur l'ajournement, du troisième, se trouvant deux fois douteuse, est remise à demain.
lit une lettre de M. le garde des sceaux. Ce ministre désirerait connaître l'intention de l'Assemblée sur la permission demandée par la ville de Besançon et par plusieurs autres cités d'ouvrir des emprunts dont le produit serait destiné à acheter des blés pour leur subsistance. Ce mémoire est renvoyé au comité des rapports.
présente le projet d'un comité de révision qui serait chargé d'examiner et de répondre aux demandes peu importantes qui se multiplient.
L'Assemblée décide qu il n'y a pas lieu à délibérer.
Un de MM. les trésoriers annonce un grand nombre de dons patriotiques.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du pro-cès-verbal de celle d'hier; on a lu ensuite plusieurs adresses des villes et communautés, portant remerciements et félicitations à l'Assemblée nationale, et adhésion à ses décrets :
D'une adresse des officiers municipaux et comité patriotique de la ville de Montauban, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale et notamment à celui par lequel elle s'est irrévocablement liée à la personne sacrée du Roi;
D'une adresse de la garde nationale de la même ville contenant deux délibérations ; l'une où elle adhère au décret de l'Assemblée nationale concernant la contribution patriotique du quart des revenus, l'autre où elle arrête que tous les individus qui composent son corps feront à la nation l'hommage libre de leurs boucles et autres effets quelconques, tant en or qu'en argent;
D'une adresse du comité permanent de Les-parre en Guyenne, où il exprime des sentiments de félicitations, reconnaissance et dévouement envers l'Assemblée nationale ,
D'un arrêté du conseil permanent de la ville de Privas en Yivarais, portant que tous ceux qui mettront obstacle à la perception des impôts actuellement existants seront déclarés mauvais citoyens et perturbateurs du repos public ;
D'une délibération delà communauté de Mont-bonnot, et autres du mandement, en Dauphiné, où elles considèrent la convocation faite par la commission intermédiaire des Etats de la province et du doublement comme nulle, illégale et dangereuse, et adhérent avec le plus entier dévouement à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen ;
D'une délibération des Carmes déchausses de la ville de Marseille, par laquelle ils offrent tous leurs biens à la nation, qu'ils évaluent à 1,862,000 livres, s'abandonnant avec confiance à la justice et à l'humanité de l'Assemblée nationale pour la pension convenable à leur accorder;
D'une délibération du même genre des Carmes déchaussés de la ville de Lyon; ils évaluent leurs biens à 450,000 livres ;
D'une délibération des habitants de la ville de Dieulefit en Dauphiné, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale. Ils s'engagent par les liens les plus sacrés à se réunir à tous les bons citoyens pour en soutenir l'exécution ;
D'une délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Bourgom en Dauphiné, où ils adhèrent aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus, applaudissent à la lettre écrite à la commission intermédiaire parles députés de la province, et protestent expressément contre toute assemblée des Etats convoquée sans autorité légitime,
comme pouvant contrarier les décrets de l'Assemblée et préjudicier à la tranquillité publique. Pour manifester de plus en plus leur patriotisme, les officiers municipaux et habitants invitent tous les contribuables à acquitter incessamment leurs impositions courantes, et à payer dans le mois de janvier prochain celle des premiers six mois de l'année prochaine. Ils font en outre don à la nation de la somme de 16,685 livres 14 sous 3 deniers, due à la communauté sur les Etats du Roi, en conformité de la quittance du garde du Trésor royal, du 7 décembre 1724, jointe à la délibération.
a fait lecture d'une lettre du sieur Paris, architecte, préposé aux travaux de la salle des Tuileries, destinée aux séances de l'Assemblée, par laquelle le sieur Paris annonce que cette salle sera prête pour recevoir l'Assemblée lundi prochain 9 de ce mois; mais que, si l'Assemblée veut s'y transporter lundi, il est nécessaire qu'on puisse enlever dès aujourd'hui après midi, et même de bonne heure, les objets employés dans la salle actuelle, et qui doivent servir dans la nouvelle.
Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut tenir sa séance de lundi prochain, 9 novembre, dans la salle des Tuileries.
L'Assemblée se prononce pour l'affirmative.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la troisième partie de la motion de M. le comte de Mirabeau relative à l'entrée des ministres dans l'Assemblée.
(l) Messieurs, depuis quelque temps nous voyons se produire des motions imprévues dont les auteurs pressent la décision.
C'est un désordre dangereux et funeste, puisqu'il tend à concentrer toutes les déterminations de l'Assemblée entre un petit nombre de membres qui savent se concerter et se combiner d'avance pour diriger seul tous les mouvements.
J'approuveen principe les deux premiers points de la motion de M. de Mirabeau, à cette exception près que je trouve excessivement dangereuse l'extension qu'on veut donner à la caisse nationale.
Quant à l'admission des ministres, je m'étonne que des amis de la liberté aient appuyé de leurs suffrages un projet aussi vicieux en principe que dangereux dans ses conséquences et pernicieux dans ses effets. Nous n'avons pas le pou voir d'accorder à des étrangers une influence nationale ; nous ne pouvons créer de notre propre autorité des membres du corps législatif, qui ne peuvent l'être que par l'action du peuple ; qu'on ne veuille point nous en imposer par la distinction de voix délibérative et consultative; elles forment l'une et l'autre le double caractère que le peuple français nous a transmis. Prétendre en livrera des étrangers lamoinde partie, sans sa participation, c'est un sacrilège constitutionnel, un crime de lèse-patrie.
Accorder k des ministres voix consultative, n'est ce pas tout leur accorder? N'est-ce
pas accorder à des hommes souvent peu citoyens, à des hommes choisis, excités par le
gou-
Quant à l'utilité de cette admission, je n'en vois aucune ; nous avons des comités dans toutes les parties de l'administration ; ces comités peuvent conférer avec les ministres, et leurs instructions ainsi transmises peuvent produire les heureux effets que vous eu attendez. Ainsi je pense que nous ne pouvons pas en principe et que nous ne devons pas en politique nous occuper de cette troisième partie de la motion faite hier par M. le comte de Mirabeau. Peut-être, quand nous nous prononcerons difinitivement sur l'admission des ministres dans le corps législatif, je dirai, comme en Angleterre, que la confiance du peuple doit être au-dessus de tout, mais alors c'est Je citoyen que je veux y voir et non le ministre. M. de Mirabeau, au contraire, veut y voir le ministre plutôt que le citoyen ; il y a sans doute dans cette proposition un sens mystique, sans quoi il est évident qu'une pareille proposition serait le renversement de tout bon principe et de toute bonne politique.
Mes cahiers me défendent d'opiner devant les ministres, je ne puis donc adopter la proposition de M. de Mirabeau. Nos principes me le défendent encore; nous avons voulu séparer les pouvoirs, et nous réunirions dans les ministres le pouvoir législatif au pouvoir exécutif, en leur donnant la voix consultative, qui, sans contredit, tient de bien près à la voix déiibérative ; nous les exposerions à être le jouet des hommes ambitieux, s'il s'en trouvait dans cette Assemblée. Leur admission ne produirait pas le bien que vous attendez. Elle serait dangereuse, elle serait inutile, toutes les fois que vous vous occuperiez de la Constitution. Quand vous aurez à vous plaindre d'eux, ne pouvez-vous pas les mander? On a craint les conférences des comités ; mais on conférera toujours, et vous amènerez deux inconvénients, en cherchant à en éviter un.
Je propose de joindre à la question de savoir si les ministres auront voix consultative, celle de la voix déiibérative, parce que l'une est l'autre. Je demande l'ajournement de toutes deux.
Mais, dans le cas où la motionne M. de Mirabeau serait adoptée, je présente, pour en balancer l'effet, un article presque entièrement extrait de mon cahier :
« Les représentants de la nation ne pourront obtenir du pouvoir exécutif, pendant la législature dont il seront membres, et pendant les trois années suivantes, aucune place dans le ministère, aucune grâce, aucun emploi, aucune commission , avancement, pension et émolument, sous peine de nullité et d'être privés des droits de citoyens actifs pendant cinq ans. »
La question semble détachée de la Constitution et n'être que provisoire ; mais l'autorité du passé sur l'avenir lie les faits à tous les temps.
M. de Mirabeau appuie son opinion sur trois choses : premièrement la nécessité des éclaircissements ; mais les ministres peuvent, sur le point qui est en débat, communiquer leurs lumières à l'Assemblée, qui ne doit rien rejeter de ce qui tend à l'instruire; secondement le danger des comités: je demande qu'on m'explique ce danger; les membres qui les composent, choisis par l'Assemblée, sont dignes de sa confiance.....dans les
conférences avec les ministres, on peut entrer dans des détails plus minutieux ; on peut s'éloigner de cette circonspection que commande une assemblée nombreuse ; la vérité y gagne ;'et ces-sera-t-elle d'être la vérité, quand elle passera dans les oreilles de MM. du comité, avant de frapper les vôtres? troisièmement, l'exemple de l'Angleterre. Il y a dans le parlement de cette nation une majorité corrompue, et qui ne prend même pas la peine de cacher le trafic de ses voix.....En examinant les notes de cette assemblée, on voit un grand nombre de motions utiles rejetées par la majorité ministérielle ; c'est elle
qui a occasionné la perte des colonies.....les
passions y sont toujours actives, et dans cette lutte continuelle. L'Assemblée, réduite au rôle de spectatrice, n'a d'existence réelle que dans les changements des ministres. L'auteur anglais des Lettres de Junius dit, en parlant du parlement d'Angleterre: « C'est un spectacle bien humiliant aux yeux de l'homme sensible, qu'une assemblée représentant tout un peuple soit dégradée par la présence d'un ministre.... L'ordre essentiel est détruit, le président n'est qu'un être secondaire, et les yeux sont tournés sur le ministre..... »
Ce n'est donc pas chez les Anglais que l'auteur de la motion devait chercher des exemples.....
En admettant les ministres, la responsabilité devient une chimère ; n'ayant pas de commettants, ils n'auraient personne à qui répondre. Il faut, ou que les ministres dirigent l'Assemblée, ou qu'ils cèdent à l'Assemblée : dans le premier cas nulle liberté ; dans le second, avilissement
du pouvoir exécutif...... Ainsi, ni d'après les
considérations présentées, ni d'après l'exemple de l'Angleterre, ni d'après nos propres principes, les ministres ne peuvent être admis.
Si cependant cette motion était décrétée, je vous demanderais d'adopter l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous proposer et qui est ainsi conçu :
« Aucun membre de l'Assemblée nationale ne pourra désormais passer au ministère pendant la durée de la session actuelle. »
On applaudit, on crie :,Aux voix !
L'Assemblée délibère, et n'adopte pas l'ajournement proposé par M. Lanjuinais.
On lit les articles additionnels, présentés par MM. Lanjuinais et Blin.
Celui du premier est mis à la discussion.
en demande la division , et la réduit à peu près aux mêmes termes que ceux de M. Blin.
La question que l'on vous propose est un problème à résoudre. Il ne s'agit que de faire disparaître l'inconnu, et le problème est résolu.
Je ne puis croire que l'auteur de la motion veuille sérieusement faire décider que l'élite de
la nation ne peut pas renfermer un bon ministre ;
Que la confiance accordée par la nation à un citoyen doit être un titre d'exclusion à la confiance du monarque ;
Que le Roi qui, dans ces moments difficiles, est venu demander des conseils aux représentants de la grande famille, ne puisse prendre le conseil de tel de ces représentants qu'il voudra choisir ;
Qu'en déclarant que tous les citoyens ont une égale aptitude à tous les emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents, il faille excepter de cette aptitude et de cette égalité de droits les douze cents députés honorés du suffrage d'un grand peuple ;
Que l'Assemblée nationale et le ministère doivent être tellement divisés, tellement opposés l'un à l'autre, qu'il faille écarter tous les moyens qui pourraient établir plus d'intimité, plus de confiance, plus d'unité dans les desseins et dans les démarches.
iNon, Messieurs, je ne crois pas que tel soit l'objet de la motion, parce qu'il ne sera jamais en mon pouvoir de croire une chose absurde.
Je ne puis non plus imaginer qu'un des moyens de salut public chez nos voisins ne puisse être qu'une source de maux parmi nous ;
Que nous nepufssions profiter des mêmes avantages que les Communes anglaises retirent de la présence de leurs ministres ;
Que cette présence ne fût parmi nous qu'un instrument de corruption ou une source de défiance, tandis qu'elle permet au parlement d'Angleterre de connaître à chaque instant les desseins de la cour, de faire rendre compte aux agents de l'autorité, de les surveiller, de les instruire, de comparer les moyens avec les projets, et d'établir cette marche uniforme qui surmonte tous les obstacles.
Je ne puis croire, non plus, que l'on veuille faire cette injure au ministère, de penser que quiconque en fera partie doit être suspect par cela seul à l'Assemblée législative ;
A trois ministres déjà pris dans le sein de cette Assemblée, et presque d'après ses suffrages, que cet exemple a fait sentir qu'une pareille promotion serait dangereuse à l'avenir ;
A chacun des membres de cette Assemblée, que s'il était appelé au ministère pour avoir fait son devoir de citoyen, il cesserait de le remplir par cela seul qu'il serait ministre;
Enfin à cette Assemblée elle-même qu'elle ferait redouter un mauvais ministre, dans quelque rang qu'il fût placé, et quels que fussent ses pouvoirs, après la responsabilité que vous avez établie.
Je me demande d'ailleurs à moi-même: est-ce un point de constitution que l'on veut fixer ? Le moment n'est point encore venu d'examiner si les fonctions du ministère sont incompatibles avec la qualité de représentant de la nation ; et ce n'est pas sans la discuter avec lenteur qu'une pareille question pourrait être décidée.
Est-ce une simple règle de police que l'on veut établir? C'est alors une première loi à laquelle il faut peut-être obéir, celle de nos mandats, sans lesquels nul de nous ne saurait ce qu'il est; et, sous ce rapport, il faudrait peut-être examiner s'il dépend de cette Assemblée d'établir pour cette session une incompatibilité que les mandats n'ont point prévue, et à laquelle aucun député ne s'est soumis.
Voudrait-on défendre à chacun des représen-
tants de donner sa démission ? Notre liberté serait violée.
Voudrait-on empêcher celui qui aurait donné sa démission d'accepter une place dans le ministère? C'est la liberté du pouvoir exécutif que l'on voudrait limiter.
Voudrait-on priver les mandants du droit de réélire le député que le monarque appellerait dans son conseil? Ce n'est point alors une simple loi de police qu'il s'agit de faire; c'est un pointde constitution qu'il faut établir.
Je me dis encore à moi-même: il fut un moment où l'Assemblée nationale ne voyait d'autre espoir de salut que dans une promotion de ministres qui, pris dans son sein, désignés en quelque sorte par elle, adopteraient ses mesures et partageraient ses principes.
Je me dis : le ministère sera-t-il toujours assez bien choisi pour que la nation n'ait aucun changement à désirer ? Fût-il choisi de cette manière, un tel ministère serait-il éternel ?
Je me dis encore : le choix des bons ministres est-il si facile qu'on ne doive pas craindre de borner le nombre de ceux parmi lesquels un tel choix peut être fait ?
Quel que soit le nombre des hommes d'Etat que renferme une nation aussi éclairée que la nôtre, n'est-ce rien que de rendre inéligibles douze cents citoyens qui sont déjà l'élite de cette nation ?
Je me demande : sont-ce des courtisans ou ceux à qui la nation n'a point donné sa confiance, quoique peut-être ils ne se soient mis sur les rangs que pour la solliciter, que le Roi devra préférer aux députés du peuple ?
Oserait-on dire que le ministre en qui la nation avait mis toute son espérance et qu'elle a rappelé par le suffrage le plus universel et le plus honorable, après l'orage qui l'avait écarté, n'aurait pu devenir ministre, si nous avions eu le bonheur de le voir assis parmi nous?
Non, Messieurs, je ne puis croire à aucune de ces conséquences, ni par cela même à l'objet apparent de la motion que l'on vient de vous proposer. Je suis donc forcé de penser, pour rendre hommage aux intentions de celui qui l'a faite, que quelque motif secret la justifie, et je vais tâcher de le deviner.
Je crois, Messieurs, qu'il peut être utile d'empêcher que tel membre de l'Assemblée n'entre dans le ministère.
Mais comme, pour obtenir cet avantage particulier, il ne convient pas de sacrifier un grand principe, je propose pour amendement l'exclusion du ministère aux membres de l'Assemblée que l'auteur de la motion paraît redouter, et je me charge de vous les faire connaître.
Il n'y a, Messieurs, que deux personnes dans l'Assemblée qui puissent être l'objet secret de la motion. Les autres ont donné assez de preuve de liberté, de courage et d'esprit public, pour rassurer l'honorable député ; mais il y a deux membres sur lesquels lui et moi pouvons parler avec plus de liberté, qu'il dépend de lui et de moi d'exclure, et certainement sa motion ne peut porter que sur l'un des deux.
Quels sont ces membres? Vous l'avez déjà deviné, Messieurs; c'est ou l'auteur de la motion, ou moi.
Je dis d'abord l'auteur de la motion, parce qu'il est impossible que sa modestie embarrassée ou son courage mal affermi ait redouté quelque grande marque de confiance, et qu'il ait
voulu se ménager le moyen de la refuser, en faisant admettre une exclusion générale.
Je dis ensuite : moi-même, parce que des bruits populaires répandus sur mon compte ont donné des craintes à certaines personnes, et peut-être des espérances à quelques autres ; qu'il est très-possible quel'auteurdela motion ait crucesbruits, qu'il est très-possible encore qu'il ait de moi l'idée que j'en ai moi-même; et dès lors je ne suis pas étonné qu'il me croie incapable de remplir une mission que je regarde comme fort au-dessus, non de mon zèle ni de mon courage, mais de mes lumières et de mes talents, surtout si elle devait me priver des leçons et des conseils que je n'ai cessé de recevoir dans cette Assemblée.
Voici donc, Messieurs, l'amendement que je vous propose: c'est de borner l'exclusion demandée à M. de Mirabeau, député des communes de la sénéchaussée d'Aix.
Je me croirai fort heureux si, au prix de mon exclusion, je puis conserver à cette Assemblée l'espérance de voir plusieurs membres, dignes de toute ma confiance et de tout mon respect, devenir les conseillers intimes de la nation et du Roi, que je ne cesserai de regarder comme indivisibles.
invoque, dans la même vue que M. Lanjuinais, le cahier de Dra-guignan.
La motion est contraire aux principes ; elle est honorable à l'Assemblee pour le désintéressement qu'elle prouve ; mais il est impossible de l'adopter.
Le plus grand avantage que nous puissions retirer des assemblées législatives permanentes doit consister à connaître les hommes utiles ; et il serait étonnant que ceux qui, par de grands talents et de grandes vertus, auraient mérité la confiance ne pussent en obtenir des témoignages.
Je demande au moins l'ajournement.
L'Assemblée rejette la proposition de M. de Mirabeau.
demande la division de la proposition de M. Lanjuinais.
dit que la division est de droit.
prend les voix et la division est prononcée.
La première partie de la motion de M. Lanjuinais, conforme à celle de M. Blin est décrétée en ces termes :
« Aucun membre de l'Assemblée nationale ne « pourra obtenir aucune place de ministre pen-« dant la session de l'Assemblée actuelle. »
Le surplus de la motion est ajourné à l'épo-ue où l'éligibilité des ministres et autres agents u pouvoir exécutif sera discutée constitution-nellement.
Je viens de recevoir de M. le garde des sceaux un mémoire dont je donne lecture : il est de la teneur suivante :
« M. le garde des sceaux s'empresse, en sortant du conseil, de faire part à M. le président:
« 1° De l'acceptation donnée par Sa Majesté aux neuf articles de Constitution qui lui ont été présentés hier ;
« 2° Qu'elle a consenti et fera exécuter les trois
autres décrets qui lui ont été présentés en même temps.
« 11 sera incessamment envoyé à l'Assemblée, pour rester dans ses archives', des expéditions dans la forme prescrite par un des articles de la Constitution.
« Les renseignements demandés par l'Assemblée sur l'envoi des décrets ci-devant sanctionnés par le Roi seront incessamment fournis,
« Ladispersion desbureaux des secrétaires d'Etat, suite delà translation de la cour dans la capitale, apporte quelque retard à cette opération, et oppose un obstacle momentané à l'empressement des ministres du Roi. »
, évêque tfAutun, fait une motion tendant à la conservation des biens ecclésiastiques (1). L'Assemblée a décrété, le 2 de ce mois, que tous les biens ecclésiastiques étaient dans la disposition de la nation. Malgré la conviction intime où j'ai toujours été que ce décret était utile, et par-dessus tout juste, je ne me consolerais pas d'avoir appelé vos regards sur cet objet s'il n'en résultait qu'un mal particulier et non un bien immense pour l'Etat. Il s'agit du salut de la nation, et il tient essentiellement à la manière dont votre décret sera exécuté.
Quand vous avez reconnu à tout citoyen laper-mission de chasser sur son terrain, les moissons d'autrui ont été ravagées ; quand vous avez supprimé les droits féodaux, en ordonnant le remboursement, les archives ont été brûlées.... Dans ce désordre général, les biens ecclésiastiques peuvent être considérés comme ouverts à tout le monde.... 11 est impossible de faire promptement des règlements clairs et précis pour assurer à la nation la disposition entière de ces biens. Je propose, d'après ces considérations, cinq articles à décréter:
1° Qu'en conséquence du décret du 2 de ce mois, qui déclare que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, pour empêcher le divertissement des titres, ainsi que l'enlèvement du mobilier employé à l'usage des églises, chapitres, monastères, ou autres communautés ecclésiastiques, tous les juges royaux, sous quelque nom qu'ils soient connus, se transporteront sur-le-champ dans le lieu de chacun de ces établissements, ainsi que dans le chef-lieu des bénéfices de toute nature compris dans l'étendue de leur ressort, se feront représenter tous les titres, les réuniront en un même lieu, et apposeront, au nom de la nation, le sceau de leur juridiction sur les chartriers et dépôts qui les contiendront, et que lesdits juges dresseront pareillement inventaire de tout le mobilier servant à l'usage des églises, chapitres, monastères et autres communautés ecclésiastiques, particulièrement des bibliothèques et manuscrits, et que les marguilliers et fabriques, curés, doyens et supérieurs desdits établissements, seront constitués gardiens tant du scellé que du mobilier, et veilleront pour la nation à leur pleine et entière conservation ; le tout sans autres frais de procédure que ceux du transport ;
2° Que, le vol qui serait fait à la nation étant le plus grave de tous les crimes de
ce genre, les personnes de toute qualité, coupables de divertissements, soit d'effets,
soit de titres attachés aux établissements ecclésiastiques, seront punies des peines
établies par les ordonnances contre le
3° Que les biens ecclésiastiques, les produits et récoltes, et notamment les bois, sont placés sous la sauvegarde des tribunaux, assemblées administratives, municipalités, communes et gardes nationales, que l'Assemblée constitue gardiennes de ces objets, et que tous pillages, dégâts et vols, particulièrement dans les bois, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables des peines portées par l'ordonnance des eaux et forêts;
4° Que, sans préjudice des poursuites qui seront faites par les officiers de maîtrises, les officiers chargés, dans chaque juridiction royale, de l'exercice du ministère public, sont autorisés à poursuivre au nom delà nation, concurremment et par prévention avec les maîtrises, les personnes prévenues de ces crimes, et donneront, ainsi que les procureurs du Roi des maîtrises, connaissance à l'Assemblée nationale des dénonciations qui leur seront apportées, et des poursuites qu'ils feront à cet égard;
5° Qu'il sera particulièrement veillé par lesdits officiers des maîtrises à ce qu'il ne soit fait aucune coupe de bois contraire aux règlements, à peine d'être responsables à la nation de leur négligence.
propose d'ajouter à la motion ci-dessus l'article suivant :
6° Qu'il sera sursis, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, à la disposition de tous béné-fïces autres que les archevêchés, évêchés, cures, dignités et canonicats des églises cathédrales : en conséquence, toutes expectatives, provisions en cour de Rome, résignations et permutations de bénéfices autres que ceux ci-dessus énoncés, sont dès à présent défendues.
line faut pas de grands efforts pour justifier la motion de M. l'évêque d'Autun ; elle a pour objet la conservation des biens ecclésiastiques qui appartiennent au culte et aux pauvres. Elle n'a été présentée qu'en partie au comité, qui ne l'a pas rejetée, et assurément le mo* ment de la représenter est venu.
Je propose à l'Assemblée de décréter les articles qui forment la motion suivante (1):
1° Il sera incessamment, et sur l'avis des assemblées d'administration, procédé à la réduction du nombre des archevêchés dans tout le royaume, et, en attendant, le Roi sera très-humblement supplié de ne nommer à aucun de ceux qui sont actuellement vacants, ou qui pourront vaquer par la suite.
2° Il sera pareillement procédé à la réduction du nombre des canonicats, prébendes, chapelles, chapeilenies et autres bénéfices, dans les églises métropolitaines et cathédrales. Et jusque-là il ne pourra être nommé à aucun desdits bénéfices.
3°Toutes les abbayes et prieurés en commende, ensemble tous les canonicats,
prébendes, chapelles, chapeilenies et autre bénéfices des églises collégiales et
généralement tous les bénéfices qui ne sont pas à charge d'âmes, de quelque nature et
sous quelque dénomination que ce soit, seront et demeureront éteints et supprimés à la
mort de ceux qui en sont actuellement pourvus.
5° Toutes les maisons religieuses dans lesquelles il n'y a pas vingt profès seront censées ne pouvoir observer la conventuaJité; en conséquence elles sont éteintes et supprimées. Sont exceptées toutefois de la présente disposition les maisons de l'un et de l'autre sexe qui sont actuellement consacrées à l'éducation de la jeunesse, à l'exercice de l'hospitalité, ou au soulagement des pauvres malades.
6° Les sujets des maisons ci-dessus éteintes et supprimées seront transférés dans d'autres maisons du même ordre, congrégation ou observance. Pourront néanmoins, ceux qui sont engagés dans les ordres sacrés, rentrer au siècle après qu'ils auront obtenu des archevêques et évêques diocésains des cures, vicaireries et autres fonctions dans les églises paroissiales.
7° Les maisons religieuses qui ne sont actuellement consacrées ni à l'éducation de la jeunesse, ni à l'exercice habituel de l'hospitalité, ni au soulagement des pauvres malades, ne pourront, à compter de ce jour, recevoir aucun novice, ni admettre personne à faire profession, jusqu'à ce qu'il ait été avisé aux moyens de les employer à quelque objet d'utilité publique : pourquoi chacune d'elles est invitée à fournir des mémoires aux assemblées administratives des lieux.
8° Dans toutes les maisons qui pourront à l'avenir recevoir des novices, il ne pourra plus être fait que des vux simples, lesquels ne lieront point les religieux et religieuses aux monastères, et ne leur feront perdre aucun des droits civils.
9° Les revenus de tous les bénéfices qui, d'après les dispositions ci-dessus, demeureront vacants, ou seront éteints et supprimés, ainsi que ceux des maisons religieuses qui sont éteintes et supprimées, seront administrés par les assemblées provinciales et municipales des lieux, et le produit, après l'acquit des charges, versé dans la caisse nationale.
10° Tous les bénéficiers qui sont actuellement absents du royaume, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit, seront tenus d'y rentrer, et de venir résider daus le lieu de la situation de leur bénéfice, dans le délai de deux mois, à compter de ce jour ; sinon et faute par eux de le faire dans le temps prescrit, tous les revenus de leurs bénéfices, échus et à échoir, demeureront de plein droit acquis et confisqués au profit de la caisse nationale ; et il est enjoin t aux officiers municipaux des villes de la situation des bénéfices d'en poursuivre le recouvrement, à peine d'en répondre en leur propre et privé nom.
11° Tous les bénéficiers qui ont obtenu la permission de couper des quarts de réserve et autres futaies dans les bois dépendants de leur bénéfices, seront tenus de représenter au comité ecclésiastique, dans Je délai de deux mois, tant les permissions que les procès-verbaux de délivrance et de récolements, ensemble les pièces justificatives de l'emploi qu'ils ont dû faire du prix de la vente desdits bois; et en cas de négligence ou de retard de la part d'aucuns d'eux, le môme comité demeure autorisé à se faire délivrer par les
grands-maîtres des eaux et forêts, tous extraits de procès-verbaux qu'il jugera nécessaires, pour être ensuite sur le tout statué par l'Assemblée nationale ce qu'il appartiendra.
12° line pourra être à l'avenir fait aucun bail d'église, ni aucune vente de bois, même taillis, appartenant aux gens d'église, qu'après trois affiches et publications de quinzaine en quinzaine, à la chaleur des enchères, et eu présence des officiers municipaux des lieux.
13° Tous les baux et ventes de bois, consentis par le possesseur d'un bénéfice en la forme ci-dessus prescrite, sont exécutoires contre les successeurs au même bénéfice.
M. l'évêqued'Autun vous propose une vraie prise de possession. Vous ne pouvez vous emparer des propriétés d'un corps, par lequel elles sont possédées depuis quatorze siècles, que dans des moments pressants, quand les moyens ordinaires sont reconnus insuffisants pour les besoins du royaume. Je demande l'ajournement des cinq articles, et je propose de s'occupera fixer la masse de ces besoins.
Vous avez décrété, au commencement du mois dernier, que des renseignements sur les biens ecclésiastiques seraient demandés à toutes les provinces. Pourquoi ne pas attendre qu'ils soient donnés ? La motion de M. l'évêque d'Autun a déjà été présentée et discutée dans le comité ecclésiastique, qui l'a rejetée.
Il serait bien extraordinaire de mettre tous nos biens en interdit. De toutes les opérations de la justice, l'inventaire est la plus dispendieuse. 11 sera gratuit ou rétribué. S'il est gratuit, il ne se fera pas ; s'il est rétribué, c'est unedépense aussi considérable qu'inutile. Une considération peut déterminer votre sagesse à s'en abstenir. Cet inventaire pourrait occasionner une insurrection subite, qu'il faut prévenir, loin de l'accélérer. Si, par une voie de fait, vous vous emparez des titres, vous arrêtez notre jouissance.... Il y a
Î)lus, vous avez décrété que nos biens étaient à a disposition de la nation : il y a loin d'une disposition à une prise de possession. Si c'est un acte conservatoire que vous voulez faire, il est inutile; personne n'est plus intéressé à la conservation de nos biens que les titulaires dont le sort dépend aujourd'hui de vous.
Je propose de réduire la motion au seul article qui déclare que nos biens sont sous la sauvegarde de la nation.
, abbé régulier d'Abbe-court (1). Messieurs, Vous avez décrété Je 2 de ce mois, que la disposition de tous les biens ecclésiastiques appartenait à la nation.
La seule chose qui l'intéresse est donc de connaître tous les biens dont elle peut disposer. Les moyens pour y parvenir ne sauraient vous être indifférents. Il est néanmoins des égards auxquels les ministres d'une religion sainte ont droit de prétendre : tout ce qui tend à les avilir diminue nécessairement, parmi les peuples, le respect de la religion elle-même, et affaiblit ce lien sacré des sociétés.
11 est dans vos principes, Messieurs, de protéger, de défendre, et de ne pas avilir
ni dégrader des individus qui ne sont pas coupables.
Pourquoi recourir à des moyens humiliants et de rigueur, à des moyens toujours employés contre la fraude, tantôt pour empêcher des successions d'être spoliées, tantôt pour conserver à des créanciers le gage qu'un débiteur de mauvaise foi voudrait leur enlever ? Pourquoi sans motif réel, sans prétexte plausible, recourir à ces moyens flétrissants, lorsqu'il en existe d'honnêtes, qui vous feront bien mieux atteindre le but que vous vous proposez.
Vous désirez, Messieurs, avec justice et raison, une connaissance exacte de tous les biens ecclésiastiques ; ordonnez que les titulaires des bénéfices, les chefs des maisons religieuses, fassent un déclaration certifiée de tous leurs biens, et qu'ils en deviennent personnellement responsables.
Quel serait l'effet de l'apposition des scellés suivis d'un inventaire? De garantir ce qui se trouverait compromis sous les scellés : de produire contre le titulaire la responsabilité des biens légalement constatés. Eh bien! Messieurs, sa déclaration au contraire aurait un effet rétroactif, et Je rendrait même responsable des divertissements qui l'auraient précédée; la fausseté de sa déclaration, tôt ou tard reconnue, présenterait un véritable corps de délit, auquel serait toujours applicable la peine déjà décrétée contre les coupables de divertissement.
Il est donc vrai de dire que la déclaration exigée du titulaire lui impose des obligations infiniment plus étendues et plus strictes qu'un acte conservatoire qui lui est étranger.
D'ailleurs, comment cette déclaration pourrait-elle être suspecte? Quelle est l'espèce de propriété sur laquelle le titulaire pourrait espérer de faire illusion ?
Ce n'est pas sur les propriétés foncières et immobilières reconnues par tout un canton pour faire partie de tel ou tel bénéfice, surtout après le décret qui met à la disposition de la nation les propriétés ecclésiastiques sous la surveillance des pravinces ; ce ne peut pas être sur les propriétés mobilières destinées au culte : un grand nombre de témoins découvriraient cette infidélité grossière;
Depuis surtout que vous avez excité la vigilance des fabriques, des municipalités, des peuples mêmes, en invitant à porter aux hôtels des monnaies les objets d'orvet d'argent superflus à la décence du culte.
Serait-ce sur le mobilier à l'usage des personnes des religieux ou religieuses? Mais ces, objets ne sont vraisemblablement pas entrés dans vos vastes combinaisons. Us sont trop au-dessous de la dignité de l'Assemblée, qui ne voudra pas s'occuper d'objets si minutieux, et dépouiller les titulaires, même les plus inutiles , en les réduisant au dénûment le plus absolu.
De plus, ceux qui ont le plus à craindre les suppressions semblent encore avoir un intérêt plus particulier à ne rien omettre dans leurs déclarations, puisque le tiers du revenu du bénéfice applicable à l'entretien et à la subsistance du titulaire doit, au moins, dans tous les cas, lui être conservé, et que ce tiers ne peut être déterminé que proportionnellement à la masse totale du revenu.
Ainsi donc, Messieurs, puisqu'il est démontré que les déclarations des titulaires doivent donner une connaissance plus parfaite et plus exacte des biens du clergé, que celle de l'apposition des scelles suivis de l'inventaire, je conclus que, pour empêcher le divertissement des titres, et l enlevement des effets appartenant aux églises et sacnslies, les titulaires des bénéfices, chefs de communauté et tous autres possédant biens ecclésiastiques, seront tenus de faire dans le plus bref délai leurs déclarations de toutes leurs possessions et effets dépendant des sacristies et églises de leurs bénéfices, ou maisons d ordre, dont ils seront personnellement garants et responsables envers la nation.
11 n'est pas question d'une prise de possession, mais d'un acte d'administration, d inspection et de conservation. La motion de M. 1 évêque d'Autun n'est donc pas susceptible d ajournement.
L'Assemblée a le droit d'ordonner l'apposition du scellé sur les chartriers et de faire faire l'inventaire du mobilier ; mais je pense que, si ces dispositions pouvaient etre utiles, elles seraient déjà tardives, et qu en montrant de la confiance, on empêcherait plus sûrement le divertissement que l'on paraît redouter. 1
Ondemandel'aiournement de toutes les motions présentées dans le cours delà séance.
On vient de reconnaître que vous avez droit et intérêt à délibérer sur la conservation des biens ecclésiastiques ; on a dit qu'on ayau eu le temps d'emporter des titres, c'est un fait qu il faut empêcher au plus tôt de se reproduire, aussi je demande qu'on délibère sur-le-champ sur la motion de M. l'évêque d'Autun et qu on ajourne les autres.
La motion de M. Martineau est ajournée.
consulte l'Assemblée qui décide quelle délibérera immédiatement article par article sur la motion de l'évêque d'Autun.
Les suffrages ont été pris sur l'ajournement du premier article de la motion ; l'Assemblée l'a ajourné.
Sur le second article de la même motion, l'Assemblée a rejeté l'ajournement, et elle a décrété ce second article dans les termes suivants
« Les biens ecclesiastiques, les produits et récoltes, et notamment les bois, sont placés sous la sauvegarde du Roi, des tribunaux, assemblées administratives, municipalités, communes et gardes nationales, que l'Assemblée déclare conservateurs de ces objets, sans préjudicier aux jouissances des titulaires ; et tous pillages, dégâts et vols, particulièrement dans les bois, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables, des peines portées par l'ordonnance des eaux et forêts, et autres lois du rovaume ».
Sur le troisième article, l'Assemblée a rejeté 1 ajournement, et a décrété ce troisième article en ces termes: « Les personnes de toute qualité, coupables de divertissement, soit d'effets, soit de titres attachés aux établissements ecclésiastiques seront punies des peines établies par les ordonnances contre le vol, suivant ianaluredes circonstances et l'exigence des cas. »
Sur le quatrième article, l'Assemblée a de même rejeté l'ajournement, et a décrété ce quatrième article dans les termes suivants :
« Sans préjudice des poursuites qui seront faites par les officiers des maîtrises, dans les ma-
SS?8»*8 le",r C0l31Pét(?nce> les juges ordinaires sont tenus de poursuivre, par prévention avec les maîtrises, les personnes prévenues de ces délits, et donneront, ainsi que les procureurs du Roi des maîtrises, dans les matières de leur connaissance a 1 Assemblée nationale, des dénonciations qui leur seront apportées, et des poursuites qu'ils feront a cet égard. »
Sur le cinquième article, l'Assemblée a encore rejete 1 ajournement, et a décrété ce cinquième et dernier article de la première motion, ainsi qu il suit :
« Il sera particulièrement veillé par les officiers des maîtrises à ce qu'il ne soit fait aucune coupe de bois contraire aux règlements, à peine d'être responsables a la nation de leur négligence.
L Assemblée a ensuite été aux voix sur la proposition d'ajourner la motion de M. Treilhard relative à la suspension de la disposition des bénéfices autres que les archevêchés, évêchés, dignités et canonicats des églises cathédrales ; et elle a rejeté l'ajournement. Ensuite plusieurs amendements qui ont été successivement proposés avant paru de nature à prolonger la discussion, il a été proposé d'ajourner la continuation de 1 examen de la matière à Jundi prochain à deux heures ; ce qui a été adopté.
a représenté que le règlement prescrivait à l'Assemblée de procéder aujourd'hui à la nomination d'un nouveau président et de trois secrétaires, dont le temps est expiré; mais l Assemblée, ayant éprouvé l'embarras de laire des élections dans le local où elle se trouve maintenant, et l'heure étant d'ailleurs trop avancée, a arrêté qu'elle y procédera lundi, lorsqu'elle sera séante aux Tuileries.
lève la séance.
Séance du
(Dans la salle du Manège aux Tuileries.)
a rendu compte de l'acceptation et de la sanction royale apposées aux décrets de l'Assemblée nationale.
Il a été arrêté que, dans la formule des lois, les décrets de l'Assemblée seraient copiés sans intitulé ; qu'elles seraient envoyées au nom du pouvoir exécutif à tous les tribunaux et à toutes les municipalités, par les voies que le gouvernement jugerait à propos d'employer ; qu'enfin le pouvoir exécutif se fera certifier l'envoi des lois, et qu'il en justifiera à la réquisition de l'Assemblée.
Il a été pareillement arrêté qu'il serait délivré à chaque député une carte signée
des secrétaires et destinée à constater sa qualité. 11 en sera remis d'autres pour
faire reconnaîire les suppléants, les députés du commerce et ceux de la commune de
Paris. Les billets d'entrée pour les personnes étrangères à l'Assemblée seront remis
au secrétariat chaque jour, et délivrés sans distinction à
Un exprès de Vernon est venu demander samedi à M. le Président si la procédure prévôtale, faite d'après les anciennes formes, sur la sédition qui a eu lieu dans cette ville, est valable.
a répondu que cette procédure était nulle, puisqu'elle avait été commencée après la publication du décret rendu sur la procédure criminelle.
L'Assemblée confirme cette réponse.
On fait lecture d'un mémoire par lequel le chevalier de Viîlemotte représente que la translation de l'Assemblée au Manège lui fait perdre sa place d'écuyer, ses appointements et les avantages qu'il retirait de cet établissement ; il invoque la justice de l'Assemblée. Son mémoire est envoyé au comité des finances.
Sur la lecture du procès-verbal, un membre observe qu'à l'article 1er de la motion de M. l'évêque d'Àutun, il devait être ajouté après ces mots : sans préjudicier à la jouissance, ceux-ci : des titulaires.
U est reconnu que cette expression ne devait point entrer dans l'article; mais l'Assemblée en décrète l'addition.
On passe à l'ordre du jour, qui consiste dans la suite de la discussion du plan du confite sur la division du royaume.
Depuis plusieurs jours nous agitons les questions les plus importantes; mais il serait difficile de parvenir à un résultat, si nous n'adoptions pas un ordre de travail. Je vous le proposerai ; mais avant tout, je vais vous communiquer mes réflexions.
J'examinerai d'abord s'il est avantageux de diviser le royaume, tant pour les assemblées communales que pour les élections à l'Assemblée nationale.
Ces divisions deviendront un jour utiles, soit pour le ressort des nouveaux tribunaux, des diocèses. On sait que les divisions actuelles sont on ne peut pas plus fautives ; et par la suite elles ne peuvent être convenables. Il s'agit donc de savoir en combien de parties vous diviserez le royaunptQ.
Le comité de constitution vous propose une division de quatre-vingts départements ; un autre plan vous propose une division de cent vingt. Je choisirais la première \ car la seconde est trop multipliée, trop coûtéuse* trop embarrassante pour les représentés. La correspondance serait trop difficile.
Je passe à la seconde division, celle des. assemblées communales qu'il faut établir dans chaque assemblée provinciale.. Je pense, à la différence du comité, que ces assemblées varieront selon les localités, selon les villes, les bourgs, les villages plus ou moins considérables. Il s'agit de savoir maintenant de quelle manière vous ferez ces arrondissements. Je pars d'un point : je suppose que vous preniez les généralités et les pays d'états; je suppose que vous déclarerez qu'il y aura dans telle généralité tant d'assemblées provinciales; les députés des généralités, des pays d'états, s'assembleront, fixeront les chefs-lieux des assemblées provinciales, détermineront l'arrondissement des assemblées communales.
J'estime que les députés qui se trouveront dans ces assemblées se réuniront ensuite pour déterminer les chefs-dieux des assemblées de districts.
La seule difficulté sera pour les assemblées primaires ; et c'est ici que les choses deviennent plus minutieuses ; car il sera très-diflieile de choisir le chef-lieu des assemblées primaires et de former des cantons. Il serait avantageux que toutes ces opérations fussent faites par l'Assemblée ; car il faut, avant d'organiser les municipalités, savoir comment les législatures seront composées, et sans doute vous ne vouiez vous retirer que quand vous aurez des successeurs nommés selon le nouveau régime.
Il n'y a qu'une difficulté : c'est celle de savoir si vous voulez franchir les limites des provinces.
Il est très-nécessaire, vous a-t-on dit, de rompre les anciennes habitudes, les préjugés, il faut confondre les provinces. Ce raisonnement est spécieux. Les provinces ont été divisées, mais pourquoi? mais quelle en était la cause? c'était les immunités, les privilèges. Tel était le germe des divisions ; mais dès que le même régime sera uniforme pour toutes les provinces, ne craignez plus l'esprit particulier des habitants des provinces.
Cependant si les habitants de ces provinces, pour gagner les chefs-lieux, sont obligés de faire trop de dépense; si la population l'exige, il faudra alors rompre les limites des provinces; c'est un échange qu'il faudra faire de gré à gré.
J'ai examiné la division des provinces; je vais maintenant examiner la constitution des assemblées, soit part rapport à l'Assemblée nationale, soit par rapport aux assemblées primaires.
La division des opinions ne vient que parce que l'on a considéré les objets sous différents rapports. Sans doute vous laisserez, au moins pour la collecte des impôts, une municipalité à chaque bourg et à chaque village.
Ceux qui connaissent l'administration des affaires savent combien il est difficile de faire des rôles dans les campagnes.
Vous savez que les assemblées des départements sont nombreuses ; qu'elles s'assemblent comme les assemblées provinciales ; le moyen de remédier à ces inconvénients eût été de les admettre par égalité dans le nombre des personnes. Quant aux élections, le plan de M. de Mirabeau paraît le plus juste; les fractions qu'il vous présente sont également justes.
Il s'agit de savoir si électeurs iront aux assemblées communales ou aux assemblées provinciales. Il me paraît que l'on est d'aceord quant aux degrés de représentation, parce qu'il importe de rapprocher le représentant des représentés. Il s'agit de savoir si les électeurs iront à l'assemblée du district, et si là ils choisiront les députés à l'Assemblée nationale : mais il est possible que chaque district n'ait pas un député ou deux députés à nommer ; ou s'il ne faut pas que les électeurs de toute la province se réunissent, et j'insiste pour ce dernier parti.
Maintenant il s'agit de savoir quelles seront i les bases de la représentation. Le comité vous en propose trois. L'idée de ce comité est plus ingénieuse que solide : car il est impossible, d'après des bases irrégulières, de parvenir à un juste résultat; la base territoriale, la base de population, la base de contribution sont irrégulières, prises ensemble. Plus vous réunirez d'irrégularités, plus vous vous éloignerez du but. L'on convient que ce n'est pas le territoire ni la fortune qu'il faut représenter. Le droit de représentation est un droit personnel, c'est celui du citoyen. Le sol, dit-on, est plus ou moins fertile, telle ville est plus ou moins riche, tel canton est
plus ou moins peuplé : de cela même je conclus qu'o» ne doit prendre pour base ni contribution, ni territoire, puisque les variantes sont à l'infini, tant pour la contribution que pour l'étendue du territoire.
Plus on simplifie les objets, plus ils sont aisés à saisir, et le comité les multiplie.
Plus les bases sont régulières, plus le résultat est simple; mais les bases du comité ne sont pas régulières, donc elles sont vicieuses ; je terminerai par vous proposer, non pas des articles, non pas un plan, mais un ordre de travail, un enchaînement d'idées que voici (1):
CHAPITRE PREMIER.
Division du royaume.
1° Le royaume sera-t-il divisé en 80 grandes parties les plus égales possibles, ou en un nombre plus ou moins considérable?
2° Chacune de ces parties sera-t-elle divisée en districts ?
3° Le nombre de ces districts sera-t-il égal dans toutes les administrations provinciales ?
4° Chacun de ces districts sera-t-il divisé en cantons ?
5» Le nombre de ces cantons sera-t-il égal dans tous les districts?
6° Sera-t-il nécessaire d'établir des cantons pour les villes et bourgs un peu considérables?
7° Dans ces divisions et subdivisions conser-vera-t-on inviolables les limites des provinces, ou bien pourra-t-il être fait entre les territoires limi-trophesdes échanges, des séparations, des réunions, suivant les convenances et la nature des choses?
CHAPITRE II.
Du mode d'opération.
1° Les députés de chaque généralité et de chaque pays d'états, d'après le nombre d'administrations provinciales accordées à chacune de ces généralités, à chacun de ces pays d'états, s'assembleront-ils en bureaux particuliers pour convenir des chefs-lieux et des arrondissements de ces administrations, ou suivra-t-on une autre marche pour parvenir à ce travail ?
2° Les députés de chaque administration provinciale se réuniront-ils ensuite entre eux pour déterminer les chefs-lieux de district et leurs arrondissements, ou bien attendront-ils que les assemblées provinciales soient formées pour que les membres fixent ces districts et ces arrondissements ?
3° Les députés formeront-ils également les cantons, ou attendra-t-on que les districts soient établis pour composer un canton?
CHAPITRE III.
De Vadministration.
1° Y aura-t-il dans chaque ville, bourg et village du royaume un bureau municipal?
2° Quelle règle de proportion observera-t-on pour le nombre des membres dont ces
bureaux seront composés
4° De combien de membres chaque assemblée de district sera-t-elle composée?
5° Ce nombre sera-t-il égal dans tous les districts ?
6° Par qui ces membres seront-ils choisis ?
7° Quel procédé emploiera-t-on pour cette nomination ?
8° De combien de membres chaque administration provinciale sera-t-elle composée?
9° Ce nombre sera-t-il égal dans toutes les assemblées ?
10° De quelle manière procédera-t-on au choix de ces membres ?
CHAPITRE IV.
Des élections.
1° En quel nombre les citoyens actifs doivent-ils se trouver dans les assemblées primaires?
2° Ces assemblées nommeront-elles des électeurs qui feront choix des députés pour l'Assemblée nationale, ou les électeurs éliront-ils d'autres électeurs à qui ce choix sera confié ? ou en d'autres termes, y aura-t-il deux ou trois degrés d'élection?
3° Dans le cas où il n'y aurait que deux degrés, dans quel endroit se rendront les électeurs choisis par les assemblées primaires pour nommer les députés à l'Assemblée nationale : dans le chef-lieu du district ou dans le chef-lieu des administrations provinciales ?
4° Ces administrations provinciales ou de département auront-elles des députés à l'Assemblée nationale, à raison de l'étendue de leur territoire, de leur population et de leur contribution, ou ne prendra-t-on qu'une ou deux de ces bases ?
(1). Permettez-moi, Messieurs, de vous faire observer combien l'ordre du travail a été violé dans tout le cours de cette discussion. Vous aviez décrété que le plan de votre comité serait seul examiné et discuté ; cependant il vous en a été lu et remis un autre, quoique votre décret ne permette pas qu'il entre en concours de suffrages. Il ne s'agissait, quant à présent, que des trois premiers articles du projet de votre comité, c'est-à-dire de la seule partie de son travail, qui concerne la division du royaume en quatre-vingts départements, subdivisés" en communes et en cantons : cependant on a parlé sans cesse des bases de la représentation, du nombre des degrés d'élection, et même de la formation des municipalités.
Cette confusion des matières, des idées et des questions a altéré la simplicité de l'objet sur lequel vous avez à statuer. Revenons-y maintenant, et tenons-nous y fixement; car on gagne la moitié du temps et l'on s'épargne la moitié delà peine en procédant avec méthode.
Comment voulez-vous composer les nouveaux départements qu'il est indispensable de
créer p^our former à l'avenir les districts d'élection à la législature et les
ressorts des assemblées administratives ? Voilà tout ce que vous avez à décider en cet
instant.
Un honorable membre, député d'Auvergne, prétendit fortement, mercredi dernier, que la nouvelle division du royaume ne devait pas être faite par égalité de surface territoriale, mais par égalité de population. Il voulait que l'Assemblée déterminât d'abord combien il faudrait de milliers d'âmes pour composer un département d'élection et d'administration, et il proposa de se fixer à 500 ou 600,000 âmes ; il ajouta que cela fait, le reste était facile, parce qu'il ne s'agirait plus que de réunir autant de territoire qull en faudrait pour fournir ces 500 ou 600,000 âmes. On voit qu'en résultat ce ne serait point l'étendue territoriale qui servirait à former les départements dont on rechercherait et balancerait les populations respectives; ce serait au contraire la population qui, recherchée et constatée d'abord, serait l'élément des départements, et servirait à en régler ensuite l'étendue et les limites.
Cette méthode me paraît la plus vicieuse de toutes. Son exécution expose, bien plus que te plan du comité, à l'inconvénient d'enfreindre les limites connues, et de sacrifier même les convenances naturelles et économiques : car, former un département par 500 ou 600,000 âmes, c'est réunir et coalitionner autant de lieux et de communautés qu'il en faut pour trouver ce nombre d'hommes ; il faudra donc joindre au pays voisin celui qui n'aura pas cette somme de population, ou une partie de celui qui aura une population excédante. Il faudrait donc violer les limites actuelles, franchir les montagnes, traverser les fleuves, et confondre, comme on nous l'a tant reproché, les habitudes, les coutumes et les langages. Ce n'est pas que je trouve cela si désolant, si terrible, si impraticable sans faire le moindre mal à personne, qu'on s'est plu à le supposer; mais je suis bien aise de montrer que le plan de l'honorable membre n'est pas plus exempt de cette sorte d'embarras que celui du comité, qui d'ailleurs, a, par-dessus le sien, plusieurs grands avantages.
Sa méthode a de plus cet autre inconvénient, réellement intolérable, de n'établir la division des départements que sur la base variable de la population; en sorte qu'il serait nécessaire d'étendre ou de resserrer alternativement les limites territoriales de chaque département, suivant qu'il deviendrait plus ou moins peuplé. C'est un grand mal, sans doute, d'obliger de retravailler, d'époque à époque, tout le terrain du royaume, pour proportionner de nouveau, et circonscrire différemment les départements. Cela est surtout impraticable pour des districts administratifs, parce que rien ne serait si fâcheux pour les adminis trateurs que cette instabilité de leurs ressorts, et rien ne serait plus préjudiciable aux gouvernés, qui se verraient transportés alternativement d'un chef-lieu à un autre, et successivement agrégés à des divisions différentes. Dans l'ordre représentatif, c'est encore un avantage d'avoir des districts fixes, dès qu'il est impossible, par une combinaison très-sim
tera sans la moindre difficulté, de rectifier l'inégalité de valeur politique qui peut se trouver entre des territoires de surface égale, en les balançant sans cesse par leurs forces de population et de contribution. C'est ce que le plan du comité remplit de la manière la plus satisfaisante.
Enfin, je demande si c'est au moins à quelque avantage dans la célérité de l'exécution que l'honorable député d'Auvergne sacrifie tous ceux qui sont attachés à la fixité des divisions territoriales. Il me semble qu'il se serait étrangement trompé s'il l'avait cru. L'étendue de terrain, telle qu'on voudra l'adopter, et les limites connues qu'il peut être convenable de respecter, sont des bases sur lesquelles on peut opérer dès à présent. Mais comment connaître, constater et balancer la population du royaume, par fractions de 500 à 600,000âmes, et comment fixer la démarcation des territoires qui contiennent réellement chacune de ces fractions de la population totale ? Comment reconnaître les chefs-lieux convenables , et attacher à chaque chef-lieu tel canton, telle ville, tel village, comme nécessaires pour former, et comme ne devant pas excéder les 500 ou 600,000 âmes qui doivent composer le département ? La division, suivant le plan du comité, est au moins tracée sur la carte, et peut être perfectionnée en peu de temps ; mais l'honorable membre a-t-il le tracé de la sienne, et combien nous demande-t-il de mois pour nous le présenter ?
M. de Mirabeau vous a soumis un autre plan plus étendu ; il y admet la nécessité d'une nouvelle division ; il propose cent vingt départements, au lieu de quatre-vingts : il les veut égaux, de manière que chacun forme la cent vingtième partie du royaume. Il ne les veut pas égaux en surfaces, mais en population. 11 dit cependant encore : en valeur foncière.
Cette division a le même vice que celle proposée par M. de Biauzat, puisqu'elle repose sur la même base variable, qui obligera, d'époque à autre, de changer les limites des départements.
Pourquoi cent vingt départements, au lieu de quatre-vingts ? Je sens bien que s'il ne s'agissait que des districts de représentation ou d'élection, il serait assez indifférent qu'il y en eût ou cent vingt ou quatre-vingts; puisque,dans l'une comme dans l'autre hypothèse, il est possible de n'admettre que le même nombre de degrés d'élection intermédiaire. Mais comme il faut, outre les districts ou départements d'élection à la législature, encore ceux d'administration, et comme il est infiniment désirable de ne pas multiplier , sans nécessité, les divisions territoriales, M. de Mirabeau doit penser, comme le comité, qu'il faut adopter pour division commune, tant dans l'ordre représentatif que dans l'administratif, celie qui convient le mieux à l'administration, en convenant également à la représentation.
Très-certainement, cent vingt districts administratifs, ne contenant chacun que 36,000 citoyens actifs, ou 200,000 âmes , réduiraient -chaque administration provinciale à de trop petits ressorts. En Normandie, en Bretagne, il y aurait dix assemblées provinciales ; il y en aurait plus que de bailliages principaux. L'étendue fixée par le comité paraît le dernier terme possible du rétrécissement des districts administratifs.
S'il est vrai qu'il y aentoutdesbornes indiquées par la raison et prescrites par la nature ou par la connaissance des choses, il faut autant éviter de trop affaiblir les corps administratifs, que de leur
donner de trop grandes forces dont ils pourraient abuser. Des administrations mesquines et rétré-cies à l'excès manqueraient d'énergie et de zèle, parce que la faiblesse de leur établissement diminuerait à leurs propres yeux l'opinion de leur importance.
La multiplication de ces corps multiplierait inévitablement les dépenses, parce qu'il y a une grande partie de leurs frais nécessaires et habituels qui seront les mêmes pour un petit ressort que pour un plus grand.
Le plan de M. de Mirabeau multiplie encore , et beaucoup plus que celui du comité, les découpures et les scissions intérieures des provinces, quoiqu'il présente dans l'exécution un bien plus grand respect pour l'esprit de province, que M. de Mirabeau n'en a par ses principes déclarés, et qu'il n'est politique d'en consacrer par le code constitutionnel.
Cependant, il ne remédie pas mieux que le comité à l'inévitable nécessité de réunir, en faisant une nouvelle division raisonnable, quelques fractions du territoire d'une province à celui de la province voisine ; car une province très-faible, comme il y en a quelques-unes , qui ne serait qu'un demi-cent vingtième du royaume, ne pourrait pas faire seule un département. Et si d'autres provinces se trouvent former un cent vingtième et demi, ou deux cent vingtièmes et demi du royaume , que ferait-on de l'excédant ? Le second des articles proposés indique le résultat pour ces deux cas : il ne défend de comprendre, dans le même département, les habitants de certaines provinces, qu'avec cette exception: à moins qu'il ne s'agisse de quelque fraction peu considérable. Ainsi les provinces ne sont pas plus garanties par le plan de M. de Mirabeau que par celui du comité, de la distraction de quelques an-fractuosités de terrain de leurs frontières.
Si je cherche maintenant quels avantages on peut trouver à la division de 120 départements, pour la préférer à celle de 80, j'avoue qu'il m'est impossible de les reconnaître.
Est-ce l'avantage d'une plus prompte exécution? Je crois que M. de Mirabeau ne diminue point du tout ni les difficultés, ni la lenteur de la formation des assemblées : car quelles sont ici, entre nous, et pour opérer dans notre sein, les données acquises, et réciproquement démonstratives, pour nous mettre à portée de convenir, de constater et de marquer sur la carte, que telles parties du territoire de chaque province sont la cent vingtième portion du royaume, à raison de 36,000 citoyens actifs, et de la valeur foncière du terrain?
Est-ce pour éviter les transpositions de quelques parties du territoire des provinces ? Nous avons déjà vu qu'elles deviennent inévitables pour les excédants de population, que M. de Mirabeau les suppose et les prononce même par son second article , et que son plan n'est pas plus irréprochable, à cet égard, que celui du comité.
Est-ce pour éviter de prendre la terre pour base, plutôt que les hommes, en vertu du grand principe, que les citoyens et non le sol sont l'objet du gouvernement et de l'administration ? Mais je vois que M. de Mirabeau vient de compter la valeur foncière comme la population; je vois qu'il convient de la convenance d'accorder trois députés sur six, à raison du territoire; je vois qu'il reconnaît que les trois autres députés accordés d'après la population proportionnelle, corrigent suffisamment l'inégalité qui peut se
trouver entre les valeurs des surfaces égales ; je vois que M. de Mirabeau est parfaitement dans les principes du comité; qu'il ne croit pas que l'on administre moins pour les hommes, en les classant, par territoire, afin de faciliter et d'améliorer l'administration ; qu'il n'y a enfin de différence entre le comité et lui, sur ce point, qu'à l'avantage du comité, d'une part, en ce que le comité rectifie mieux l'inégalité de la base territoriale, en joignant à la proportion de la population celle des contributions foncières, et, d'autre part, en ce que M. de Mirabeau fait ses districts territoriaux variables d'après la population, au lieu que le comité les rend fixes et permanents, comme ils doivent l'être, sans perdre jamais la balance exacte de leur population respective.
Jusque-là rien certainement n'est déterminant en faveur du plan de M. de Mirabeau ; mais il est appuyé sur un dernier motif, celui de rapprocher davantage l'administration des hommes, celui de supprimer les communes, comme étant un intermédiaire inutile, qui complique la machine., et en rend les mouvements moins réguliers et moins rapides.
Je vous demande, Messieurs, une attention favorable sur cette partie de notre discussion.
Le plan de votre comité embrasse toujours deux ordres de choses dans le même cadre : savoir, la représentation nationale, et l'administration provinciale.
Pour que l'administration soit bonne, active, vigilante, efficace, il est du plus haut intérêt d'avoir, au-dessous de l'assemblée provinciale, des corps administratifs subordonnés, intermédiaires entre l'assemblée supérieure et les communautés des villes, bourgs et villages. C'est avec les lumières et l'autorité de l'expérience la plus précieuse, que je réclame ces corps intermédiaires ; mes commettants, qui en ont éprouvé l'utile service, m'ont expressément chargé de vous en demander la conservation ; et c'est par le plus pur zèle pour notre bien commun, que je vous supplie de ne pas décider ce print sans y avoir donné toute l'attention qu'il mérite.
Le ressort moyen, ou commun, de chaque administration contiendra au moins 8 à 900 communautés ou collectes. Les fonctions du corps administratif sont de répartir l'impôt entre ces communautés, de prendre connaissance des représentations sur le trop imposé, de distribuer les secours et les modérations, à raison des pertes ou calamités accidentelles. Le corps administratif doit diriger les travaux publics, suivre leur exécution dans tous les points de son ressort où ils sont portés, surveiller les ingénieurs, les entrepreneurs, les cantonniers, où il y en a d'établis, vérifier toutes les plaintes. 11 doit autoriser, modérer ou empêcher les dépenses des communautés, surtout quand il ea peut résulter une contribution locale. Il doit s'occuper de tous les objets d'encouragement et d'amélioration intérieure. Il doit enfin prononcer sur les mémoires et les requêtes des particu-liers.
Il est impossible que ce corps fixé au chef-lieu de son ressort fasse tout cela, et le fasse bien, s'il n'est pas aidé, dans les divers arrondissements, par des correspondants, ou administrateurs subordonnés, qui voient de plus près que lui> chaque partie du territoire, qui lui fournissen t d'eux-mêmes, ou qui lui fassent passer, quand ils en sont requis, les éclaircissements relatifs aux faits et aux individus.
Est-ce un homme seul que vous préposerez en chaque arrondissement pour instruire le corps administratif, poilr provoqueret diriger ses mouvements, ou pour faire exécuter ses ordonnances? Ce corps ne vaudrait guère mieux alors qu'un intendant; car il aurait beau être composé de membres nombreux, il ne verrait, ne connaîtrait, ne déciderait, n'exécuterait que par un seul homme. Etablissez, au contraire, des administrations subordonnées, qui, sans pouvoir rien décider par elles-mêmes, puissent seulement délibérer sur tout ce qui importe à leur district, présenter leurs pétitions au corps administratif, rendre compte de toutes les localités, éclairer sur les affaires des particuliers, et tenir la main à l'exécution des décisions, vous produirez par là deux grands avantages.
Premièrement, un corps dont les membres se surveillent, s'encouragent et mettent en commun leur zèle et leurs efforts, présente à la chose publique plus de moyens d'activité et de motifs de confiance qu'un seul homme. Les connaissances sont plus diversifiées dans le corps, la surveillance partagée plus certaine, et la masse du travail commun plus considérable.
Secondement vous employez par là plus de citoyens ; vous attachez, vous animez au succès de la chose publique, par l'attrait de la coopération; vous formez enlin des sujets : et si l'on me dit que cela mettra trop de monde en activité, je demanderai si l'on a cet excès à craindre, quand, les sujets ne manquant pas, il s'agit de former l'esprit public à l'habitude des affaires dans une aussi grande nation que la nôtre? j'ajouterai ce que M. de Mirabeau a écrit, dans l'exposition de son propre plan sur l'intérêt « de rapprocher l'administration des hommes et des choses et d'y admettre un plus grand concours de citoyens, ce (lui augmente sur-le-champ les lumières et les soins, c'est-à-dire la véritableforce et la véritable puissance ».
Les administrations communales, loin d'être un intermédiaire inutile, sont, au contraire, un établissement infiniment avantageux et désirable; et loin qu'elles puissent compliquer la machine et en embrasser les mouvements, elles sont de première nécessité pour rendre ces mouvements plus réguliers, plus sûrs et plus rapides.
J'ai dit que je parlais sur cet objet, éclairé par l'expérience. L'assemblée provinciale de la Normandie est une de celles qui ont obtenu le plus de succès; c'est à ses assemblées de district qu'elle doit tout ce qui a réussi dans le détail et dans la pratique. Tout les membres de sa commission intermédiaire sont convaincus que si ces utiles coopérateurs manquaient à l'administration, elle perdrait le plus efficace de ses moyens. Tout le pays en a cette opinion d'après l'épreuve, et mon cahier me charge d'en demander expressément la conservation.
Je sais qu'il n'en a pas été de même partout ; mais partout il en devait et pouvait être de même. J'ai vérifié, dans quelques administrations voisines, d'où provenait la différence ; je l'ai reconnu clairement, indubitablement : je suis sûr qu'elle ne tient pas à la nature de l'établissement; et la Constitution peut d'ailleurs contribuer beaucoup à rendre les administrations de districts ou de communes aussi utiles dans toute la France que les nôtres l'ont été et le sont encore.
L'exemple de la Provence ne fait autorité qu'en ma faveur. Lisez, Messieurs, à la page 16
du plan de M. de Mirabeau, ces propres expressions: assemblées par districts, qu'on appelle vi-gueries.,., et plus bas : les fonctions des assemblées de districts ou viyueries consistent à régler quelques dépenses locales.... 11 ne manque au plan du comité, pour être exactement conforme à l'état de la Provence^ que d'appeler les communes vigueries.
A l'égard des assemblées communales, dans Yordre représentatif, c'est une tout autre question : on peut ou les y employer, ou les en écarter. Si vous voulez placer le second degré d'élection dans les communes, au lieu de le porter aux départements, alors les assemblées communales serviraient dans l'ordre de la représentation comme dans celui de l'administration. Si, au contraire, vous voulez placer le second degré d'élection au département sans passer par les communes, les assemblées communales ne subsisteraient alors que pour l'administration. Mais ce n'est point là un point de question que vous soyez appelés par l'ordre du jour à décider en ce moment. N'anticipons point sUr l'ordre naturel du travail, et ne multiplions point les difficultés en confondant les objets. Il ne s'agit, quant à présent, que de savoir si chaque département sera ou ne sera pas subdivisé en communes. Or, il suffit, pour l'établissement de cette subdivision, et pour l'institution des assemblées communales, qu'elles soient bonnes et indispensables comme corps administratifs.
Il ne reste plus qu'un mot à dire sur le dernier degré de la division, qui est celle de chaque commune en cantons. Elle est nécessaire polir la formation des assemblées primaires dont on ne peut ni raisonnablement ni avantageusement placer le siège en chaque paroisse ou village: Quand il s'agit de mettre en mouvement une masse de population aussi considérable que celle du royaume de France, les paroisses ou villages, qui surpassent le nombre de 40,000, sont des éléments trop faibles et trop multipliés pour être employés avec succès. Il y a d'ailleurs de trop grandes illégalités de population et de valeur politique entre les paroisses ou villages,
our que ces divisions irrégulières puissent éta-
lir les premières bases d'une représentation proportionnelle.
Cette vérité a été sentie par M. de Mirabeau lui-même, qui, exigeant pour chaque assemblée J primaire le nombre de 500 citoyens actifs, est forcé d'abandonner la circonscription des paroisses, et de réunir autant de villes ou villages qu'il en faut pour compléter ce nombre. Les paroisses et les villages forment des districts utiles pour la régie municipale et pour la répartition individuelle des impôts; mais ce seraient des éléments vicieux et disconvenables dans l'ordre tant représentatif qu'administratif.
Ne voulons-nous pas d'ailleurs, pour la solidité et la perfection de notre Constitution, définir, classer et séparer avec soin toutes les différentes espèces de pouvoirs ? Gardons-nous donc 4 de confondre le pouvoir municipal, qui a sa nature propre et son objet à part, avec les pouvoirs nationaux qui s'exercent tant par la législature, que par l'adminis tration générale. Les pouvoirs nationaux existent et sont exercés pour l'intérêt et pour les besoins communs de toute la nation ; le pouvoir municipal n'a trait qu'à l'intérêt privé et aux besoins particuliers de chaque district municf-palisé. Tout Etat a commencé par de petites agrégations élémentaires qui se sont réunies
pour former les sociétés plus puissantes et plus étendues qu'on appelle nations. Chacune a séparé de la masse des pouvoirs dont elle était essentiellement feVêtue la portion de ces pouvoirs qu'il était nécessaire de mettre en commun pour former le gouvernement général ; mais elle a dû réserver celle qui lui élail nécessaire pour l'administration dê ses affaires intérieures, domestiques et étrangères à la grande administration nationale. Ainsi, la municipalité est, par rapport à l'Etat, précisément ce que la famille est par rapport à la municipalité dont elle fait partie. Chacune a des intérêts, des droits et des moyens qui lui sont particuliers ; chacune entretient, soigne, embellit son intérieur, et pourvoit à tous ses besoins, en y employant ses revenus, sans que la puissance publique puisse venir croiser cette autorité domestique, tant que celle-ci ne fait rien qui intéresse l'Ordre général.
Il ne faut pas conclure de là que les municipalités soient indépendantes des pouvoirs publics; disons qu'elles sont soumises_ à ces pouvoirs, mais qu'elles n'en font pas partie ; disons qu'elles y sont soumises comme les individus, comme les familles privées, qu'elles doivent l'obéissance aux actes de la législature, et qu'elles dépendent du pouvoir exécutif» soit par les corps administratifs dans tout ce qui est du ressort de l'administration générale, soit par les tribunaux dans tout ce qui est du ressort du pouvoir judiciaire.
Il ne faut pas conclure davantage que les officiers municipaux ne puissent être chargés d'aucunes fonctions relatives à l'administration générale. Ils n'ont sans doute aucun droit a Ces fonctions, par la nature du pouvoir municipal ; mais les corps administratifs peuvent les préposer à quelques détails de l'administration publique, auxquels ils se trouvent naturellement plus propres que de simples particuliers qu'il serait nécessaire d'en charge!'. Telles sont, dans l'ordre administratif, là répartition individuelle de l'impôt, la surveillance sur les travaux publics dans le ressort de la municipalité, et dans l'ordre judiciaire, l'autorisation de terminer sommairement, et comme juges de paix, les procès minutieux. Quelles que soient à cet égard les dispositions de la Constitution, elle devra pourvoir attentivement à ce qlie leé fonctions qui pourront être confiées aux officiers municipaux en qualité d'agents et de délégués de l'administration générale soient clairement distinguées de celles cfui sont du ressort naturel de l'administration municipale;
L'intérêt de maintenir en éVidériCê cette distinction des deux pouvoirs fournit une raison puissante à ajouter à celles qUi Ont été déjà exposées, de ne pas constituer les municipalités éléments, soit des â^embléèS êlèCtrices pour la législature, soit des corps administratifs. Il ne faut donc pas confondre les districts des assemblées primaires avec ceux des municipalités ^ et cette dernière considération mérite d'étré remarquée eritre les autres motifs qui ont déterminé le comité à VOUS proposer rétablissement des catïto'ris.
Il est impossible que vous ne soyez pas convaincus que le plan de Votre comité a plusieurs avantages trèS-frappants sut celui de M. de Mirabeau. Je me propose maifitëttânt de montrer qu'ils ne diffèrent pas aussi essentiellement qu'on pourrait le croire au premier coup d'oeil.
1° M. de Mirabeau ne prend point les divisions des paroisses et des villages pour bases de ses assemblées primaires : il forme des assemblées
par fractions égales de population, et désire !>00 Citoyens actifs pour chacune. Il n'y a de différence entre le comité et lui, que parce que le comité, prenant aussi la population pour base, croit que le taux moyen de 600 citoyens actifs par assemblée primaire est le plus convenable.
2° M. de Mirabeau, en réunissant plusieurs paroisses ou villages pour atteindre au nombre de 500 citoyens actifs, fait faire l'élection séparément en chaque paroisse ou village par la portion des électeurs qui sV trouvent, précisément comme nous faisons ici par bureaux l'élection des officiers de l'Assemblée nationale. La méthode du comité qui réunit tous les membres de chaque assemblée primaire, pour élire en commun, est bien préférable : 1° parce qu'elle met tous les électeurs à portée de s'éclairer réciproquement sur le choix des sujets ; 2° parce que la répétition du scrutin, nécessaire lorsque le premier tour n'a point produit d'élection, est moins embarrassante et moins lente, si les électeurs sont réunis, que s'ils sont dispersés dans plusieurs villages; 3° parce que la méthode du comité a l'avantage d'effacer les districts de municipalité, comme districts élémentaires, soit de la représentation nationale, soit de l'administration générale. .
3° Le produit des élections est le même dans le plan de M; de Mirabeau que dans le plan du comité : tous deux donnent également 720 députés pour composer ia législature.
4° M. de Mirabeau fait députer directement par les électeurs nommés dans les assemblées primaires, eii les portant sans intermédiaire à l'assemblée du département. Le plan du comité se prête âu même résultat de la députaliop directe au second degré, si l'Assemblée le préfère ; et cela de deux manières, soit en réunissant en assemblée de département tous les électeurs nommés dans les neuf communes» pour élire ensemble heUf représentants, soit en réunissant les électeurs de trois communes en une assemblée d'élection directe qui nommerait trois représentants.
5° M. de Mirabeau adopte pour bases de la représentation proportionnelle d'abord celle du territoire à laquelle il accorde trois députés sUr six, et concurremment celle de la population à laquelle il attache les trois autres députés. Ainsi, des trois éléments que le comité fait entrer dans la proportion des députations, M. de Mirabeau en adopte deux; et c'est d'ailleurs en Suivaiit exactement le procédé que le comité propose, qu'il en réglé la combinaison. Lés deux plans sont donc d accord jusque-là ; mais celui du comité me semble avoir un degré de perfection de plus, en ce qu il emploie aussi l'élément de la contribution directe nécessaire, lorsque la base territoriale est admise, pour rectifier, par la balance des Valeurs, l inégalité réelle qui peut résulter dë l'égalité fautive d.6s siirfacës.
6° M. de Mirabeau distitigbe en chaque départe* ment deux espèces d'assèmblées : l'utte pour élire les députés de la législature, l'autre pour administrer ; et il les fait inégales en nombre. Lé comité distingue aUësi Ces deux sortes d assemblées ; il les propose de même inégales en nombre; ét il avait déjà manifesté son adhésion au désir que vous avez annoncé, que les assemblées d'élection fassent plus nombreuses qu il ne l'avait indiqué d'abord.
7° M. de Mirabeau reconnaît» comme le comité, la nécessité d'une nouvelle division territOria e du royaume : le comité professe, comme lui, la
convenance de respecter, autant qu'il est possible, les anciennes limites des provinces; mais, comme
îS'Si ^K-r ; ,de.,Mlrat}eau est obligé d'annoncer 1 impossibilité d opérer une nouvelle division sans rencontrer quelques transpositions inévitables de territoire.
8° Enfin, M. de Mirabeau et le comité diffèrent sur le nombre des départements, et sur 1'institu-uon des assemblées communales ; mais il ne doit pas rester douteux, au moins dans l'ordre admi-SSfS Kl q"e1on° départements sont infiniment
Fitinn lStaui ' etclue' P°ur rendre l'administration véritablement active, vigilante et éclairée des corps intermédiaires et subordonnés sont d un avantage que rien ne peut remplacer.
pn^C°rC!"s Que, quand après l'épreuve d'une aussi instructive que celle qui est !pΫ il S a comparaison des deux pro-
£ [Ij"este pour résultats : 1° que les bases vraiment essentielles sont les mêmes ; 2° que sur les
E? mn îe d^sP.anté la supériorité des avantages se montre réellement d'un côté, il ne devrait plus rester d embarras ni d'hésitation dans les es-pri es*
JSSJ ?uPPlier> Messieurs, en finissant, de recueillir toutes vos forces et de redoubler de P°ur écarter courageusement les futiles temn?î'inifât tendraient à balancer plus long-ÎSïon ' v/ f de Ia genereuse décision que la
?uSnnen^fPnHSaïme et i,h0Ilneur de la Constitution attendent de votre patriotisme Dienes
,a PatT'.^ votre ardeur s a-« du pnx 8loneux qui vous attend ! Quand vous aurez prononcé sur l'objet de la discussion actuelle, deux seuls points importants vous resteront à fixer ; savoir : les bases de la ESf0î- P^Ç^ionneHe et le nombre des hipn marm^ * ' et le vu commun
vn?sn' q in P^omet une décision prompte, vous n aurez plus à régler que des articles de fL Jî simPles conséquences des principes adop-npii ni! susceptibles de discussion. En très-n!,erps^v0us pouV5z terminer cette importante partie de votre travail, qui comblera les vux si pressants de la natioA et les vôtres.
frtJïnd^nl: que les Provinces s'occuperont de î p leurs.coi:Ps administratifs, vous décréte-JhîZ °r^amsation des municipalités. Ainsi la rptnnp ^ ^pouvoirs les plus intéressants pour le retour de i ordre se trouvera formée presque au même moment. Enfin, le temps qui sera néces-s'étabHr^différentes classes d'assemblées pour «m,n i et se mettre en activité, vous suffira fions 6 constitt,ti°nnel de leurs fonc-
CA°^on,s ^onc Pas a ceux Qui paraîtraient désespérer de la chose publique; son salut est dans nos mains, et il est sûr, si nous avançons
H!?011' dans. J.a carrière. Hà tons-no us de rapprocher nos opinions, puisque nous sommes constamment unis d'intentions et de vues Dis-
Sïn0«a^ llbre1me|lt P°ur nous éclairer, mais gardons-nous de trop prolonger de trop funestes délais par des débats superflus. Les délais sont nos seuls ennemis redoutables; un jour perdu un decret constitutionnel suspendu, voilà les sujets d une juste inquiétude pour la nation des
finUnV/amfhair63 esPérances.pour les mal intentionnés, et pour nous, celui d'une responsabilité trèb-seneuse envers nos commettants.
nnmeK?isC0Urs ?e Thouret est accueilli par de nombreux applaudissements.
trouve une allegone ingénieuse et dit :
Pas tant de plans pour bien faire. L histoire rapporte qu'un sculpteur, faisant une statue, ne consulta que son génie; pour en faire une autre il consulta tout le monde : la première tut un chef-d'uvre et la seconde une monstruosité ; alors l'artiste s'écria : 0 Athéniens, voilà votre ouvrage.
propose de statuer sur les trois premiers articles du comité.
présente un plan de délibération en ces termes :
1° Sera-t-il procédé à une nouvelle division du royaume, pour la formation des départements de représentation et d'administration?
. ^es premiers départements seront-ils au nombre de 80, plus ou moins?
3° Ces départements seront-ils divisés en districts ?
4° Les districts seront-ils au nombre de neuf dans chaque département, plus ou moins?
se déclare opposant à toutes délibérations sur cette matière, attendu que l'Assem-blee, dit-il, n'est pas instruite, et qu'elle a ordonné l'impression d'un projet présenté par M. Bengy de Puyvallée, qu'elle ne connaît pas encore. 1
demande à répondre demain à M. Thouret ; l'Assemblée y consent. J
fait dans ce moment plusieurs annonces.
Les citoyens du district des Feuillants présentent une adresse d'hommages et de félicitations.
Le garde des sceaux envoie une lettre dont il est donné lecture ainsi qu'il suit :
« Le Roi a été informé hier au soir de l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen, en enregistrant la loi qui la proroge; Sa Majesté n a pas cru devoir différer un instant de manifester son animad version contre l'arrêté de cette chambre, et de donner aux peuples les preuves de l'union intime de Sa Majesté avec l'Assemblée nationale, d'où dépend le bonheur commun de tous ses sujets.
« M. le garde des sceaux faitpasser à M. le président 1 arrêt que les circonstances exigent : le Roi accepte le décret du 7 de ce mois, qui interdit aux membres de l'Assemblée l'entrée au ministère et le décret relatif à la milice nationale du Havre.
« Signé : CHAMPION DE CiCÉ, Archevêque de Bordeaux. »
Voici l'arrêt du conseil :
« Sur le compte qui a été rendu au Roi par la chambre des vacations du parlement de Rouen du 6 de ce mois, en enregistrant les lettres patentes qui la prorogent, Sa Majesté n'a pu voir qu'avec autant de surprise que de mécontentement un arrêté qui ne peut qu'exciter la fermentation, égarer 1 esprit de ses fidèles sujets, et élever des doutes sur une union d'où dépend le bonheur commun; Sa Majesté jugeant nécessaire de dissiper les alarmes qui pourraient être la suite d'un pareil acte, le Roi en son conseil casse et annule l'arrêté, et tait très-expresses inhibitions à cette chambre de
récidiver, avec impression, affiche et publication du présent arrêt. »
L'arrêté du parlement n'était pas joint au paquet.
Plusieurs membres veulent délibérer sur-le-champ.
(de Nemours). Vous ne pouvez délibérer sans avoir pris connaissance de l'arrêt de la chambre des vacations du parlement de Rouen.
L'envoi de l'arrêt du conseil est une dénonciation suffisante.
consulte l'Assemblée qui décide qu'une communication authentique de ce décret sera demandée à M. le garde des sceaux.
L'ordre du jour appelle la discussion sur la motion de M. Treilhard concernant la suspension à la nomination aux bénéfices.
Je modifie ma motion dans les termes suivants (1) :
Article 1er. L'Assemblée nationale arrête que le Roi sera supplié de surseoir à la nomination des bénéfices, excepté toutefois aux archevêchés, évêchés et cures; il sera pareillement sursis à toute nomination et disposition, de quelque nature qu'elle puisse être, de tous titres à collation ou patronage ecclésiastique qui ne sont pas à charge d'âme.
Art. 2. Ceux qui seront pourvus à l'avenir d'archevêchés et évêchés ne pourront jouir des revenus qui y sont actuellement attachés, que jusqu'à concurrence des sommes qui seront incessamment déterminées, sans néanmoins que les titulaires d'archevêchés et évêchés, dont les revenus seraient inférieurs auxdites sommes, aient droit de prétendre à un supplément.
Art. 3. Dans les vingt-quatre heures de la publication du prégent décret, le juge ordinaire du chef-lieu de chaque bénéfice, autre que les cures et maisons employées actuellement au soulagement des malades et à l'éducation publique, apposera les scellés sur les chartriers, manuscrits et bibliothèques desdits bénéfices. Ne seront néanmoins compris sous cette apposition les bibliothèques actuejlement ouvertes au public, ainsi que les baux, livres et autres papiers nécessaires pour la perception des cens, rentes et revenus, lesquels seront laissés. par le procès-verbal du juge, à la charge et garde du bibliothécaire, du titulaire ou des syndics ou procureurs des maisons. L'Assemblée nationale se réserve, au surplus, de décréter incessamment par qui et de quelle manière il sera procédé à la levée desdits scellés.
(de Nemours) propose de surseoir à la nomination des archevêchés et évêchés afin de n'établir, à l'avenir, qu'autant d'évêchés qu'il y aura de départements, et de n'être pas obligé de donner des retraites aux personnes dont les places seraient supprimées, ce qui sera pour la nation une économie de trois millions.
L'Assemblée adopte cet amendement.
dénonce un nouvel abus : dans plusieurs provinces les collateurs nomment aux cures
des étrangers. Il demande que, pour
demande et obtient la parole. Il se plaint de ce que M. Treilhard a ajouté à sa motion des articles qui n'y étaient pas compris et des dispositions absolument nouvelles. Vos moments sont trop précieux, dit-il, pour cette discussion , et ce n'est pas en surprenant des décisions, dans un moment critique, que l'on doit présenter des décrets à la nation. Le dernier jour on avait excepté les églises cathédrales et collégiales, aujourd'hui l'on n'en fait pas mention. La question des évêchés est très-délicate, je demande que les articles proposés par M. Treilhard soient ajournés.
Je demande qu'il soit fait une exception en faveur des abbayes régulières des provinces belges, parce que les religieux de ces abbayes étaient curés primitifs.
L'amendement de M. d'Estourmel est rejeté.
met aux voix la motion principale qui est décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que le Roi serait supplié de surseoir à toute nomination de bénéfices, excepté toutefois les cures; il sera pareillement sursis à toute nomination et disposition, de quelque nature qu'elle puisse être, de tous titres à collation ou patronage ecclésiastique, qui ne sont pas à charge d'âmes. »
On demande, et l'Assemblée prononce l'ajournement du surplus de la motion.
, secrétaire , lit l'arrêté du parlement de Rouen, en date du 6 de ce mois.
Arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen, du 6 novembre 1789.
« La chambre, considérant qu'à une époque désastreuse de troubles de tout genre, d'insurrections réfléchies contre tous les principes, et d'atteintes portées à l'autorité sacrée du plus juste et du meilleur des rois, la résistance même la mieux fondée ne ferait peut-être qu'accélérer l'exécution des projets sinistres qui semblent menacer encore jusqu'aux ruines de la monarchie ;
« Que si d'un côté, et en maxime générale, les magistrats ne doivent écouter que l'impérieux cri de leur conscience, sans composer avec leurs devoirs ; de l'autre cependant et dans des conjonctures si cruelles que jamais sans doute les fastes de l'histoire n'en fourniront un second exemple, il est de la prudence de ces mêmes magistrats de prévenir, par une sorte de flexibilité, les nouveaux maux incalculables que plus de fermeté pourrait entraîner :
« En effet, ce n'est pas au moment où la plupart des citoyens semblent volontairement frappés d'un aveuglement absolu, qu'il peut être opportun de faire luire la lumière.
« Quand partout les lois sont attaquées, calomniées et avilies, vouloir opposer leur puissance, serait évidemment les livrer à de nouveaux outrages.
« Quand le premier monarque de l'univers, accablé de chagrins aussi cuisants qu'immérités, daigne faire taire en lui tout autre sentiment que celui de son inépuisable tendresse pour ses peu-
pies : enfin, quand on a vu ce prince, digne à jamais du respect des nations, bravant tous lés dangers, venir au milieu de sa capitale essayer encore, par l'exemple de ses vertus et des témoignages touchants de sa popularité, de ramener ses sujets égarés; de vrais et tidèles magistrats ne peuvent que bénir tant de bonté, et gémir en si" lence sur l'erreur de leurs concitoyens.
« Par ces différentes considérations, la cbambre des vacations a arrêté d'enregistrer provisoire-ment ia déclaration du Roi du 3 de ce mois, portant prorogation des vacances du parlement et des séances de ladite chambre.
a Déclare néanmoins que si elle se détermine à procéder à cet enregistrement, ce n'est que pour donner au seigneur Roi de nouvelles preuves de son amour inviolable, de son respect profond et de sa soumission sans bornes, et aussi dans la crainte de contrarier les vues de Sa Majesté et d'augmenter peut-être par une juste résistance les troubles affreux qui déchirent l'Etat; mais qu'au surplus il ne pourra en aucun cas être tiré de conséquence dudit enregistrement, attendu que ladite chambre y a procédé sans liberté ni qualité suffisantes, et uniquement entraînée par la force des circonstances; qu'en conséquence elle ne cessera jamais de regarder ladite déclaration comme lui attribuant indûment une compétence formellement contraire au titre même de son institution, comme interdisant et dépouillant injurieusement» et par une force inouïe, des magistrats dignes de la confiance de leurs justiciables, comme tendant, par l'absence forcée des parlements, à établir plus que jamais l'anarchie dans lé royaume, comme contraire aux droits et ahx vrais intérêts de la province qu'on veut, arbitrairement et sans aucun motif raisonnable, priver des lumières et des travaux du plus grand nombre de ses juges supérieurs; surtout enfin comme entraînant infailliblement la ruine des justiciables, dont toutes les affaires resteront nécessairement, par l'immense diminution du nombre de leurs jtigeS, datis 1 état de stagnation le plus affligeant.
« Arrête en outre qu'expéditions en forme du présent seront envoyéeâ à Monseigneur le garde des sceaux et à M. le comte de Saint-Priest, et que M. de Guichainville, doyen, leur écrira pouf les prier de mettre ledit arrêté sous les yeux de Sa Majesté, et lui protester que jamais elle n'aura de sujets plus fidèles que les magistrats qui composent la chambre des vacations de son parlement de Rouen ; qu'ils ne veulent vivre que pour servir et respecter son autorité légitime, ainsi que les lois dont on leur a confié le dépôt, et qu'ils périront plutôt que de consacrer jamais les atteintes qu'on pourrait y apporter. »
(1). Messieurs, tandis que la première cour du royaume donnait l'exemple de la soumission à vos décrets et de l'administration gratuite de la justice, une autre cour vient de donner celui de "mépriser l'autorité souveraine de la nation. Vous venez d'entendre l'arrêté du 6 novembre. Je ne vous dirai pas que c'est là une violation répréhensible du droit national, un abus d'autorité, une prévarication dans les fonctions, une véritable forfaiture. Je dirai plus, Messieurs, c'est un crime de lèse-nation par les paroles incendiaires employées dans cet arrêté.
Quelle serait donc votre situation? quel serait
Ce serait le signal d'une insurrection d'autant plus dangereuse, qu'elle serait excitée par quelques membres de ces corps qui, joignant au droit de vie et de mort une grande influence sur la fortune des citoyens, conservent encore des souvenirs d'une antique puissance.
C'est alors que vous sentiriez le danger d'une désobéissance aussi marquée envers la seule autorité légitime, celle de la nation.
La moindre indulgence serait ici faiblesse, et la faiblesse un véritable oubli de vos devoirs : car, lorsqu'il s'agit de corruptioh, l'exemple devient bientôt contagieux, et les suites sont faciles à prévoir. Vous devez donc, Messieurs, donner un grand exemple à tous les corps qui sont revêtus de quelque pouvoir dans le royaume; voyez ce qu'a fait le pouvoir exécutif, et voyez ce que les législateurs doivent faire.
Je propose de renvoyer l'arrêté de la chambre des vacations du parlement de Normandie devant le tribunal que vous avez chargé provisoirement de prendre connaissance des crimes de lèse-nation pour le procès être fait aux auteurs dudit arrêté pour causes de forfaiture; et, qu'en attendant, il soit donné aux présidiaux de son ressort droit et attribution de juger conformément aux pouvoirs donnés par le précédent décret à la chambre des vacations.
Messieurs, en appuyant la motion (1), je soutiens que l'arrêté de la chambre des vacations présente une véritable forfaiture; que celte chambre, en obéissant d'une manière dérisoire, a véritablement encouru l'empachement ou l'accusation nationale par les expressions insolentes dont elle s'est servie; car les termes les plus forts ne pourraient s'élever à la hauteur de ce délité Je demande que l'arrêté soit envoyé au Ghâtelet de Paris, chargé de juger les crimes de lèse-nation.
pense que, selon les règles et les principes, il faut nommer quatre commissaires, qui seront chargés de poursuivre au nom de la nation...
Je demande que le président se retire par devers le Roi pour remercier Sa Majesté de la célérité avec laquelle elle a proscrit l'arrêté séditieux du parlement de Rouen.
Plusieurs amendements, relatifs à l'attribution à donner aux tribunaux qui devront remplacer la chambre des vacations du parlement de Rouen, sont proposés.
La suite de la discussion est ajournée à demain ; la nomination des officiers l'est également.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
L'Assemblée s'est réunie aprè3 avoir procédé
dans les bureaux à l'élection d'un nouveau président et de trois secrétaires. La séance a commencé par la lecture du procès-verbal de celle du jour précédent, et de plusieurs adresses portant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale
1° Adresse des dames religieuses de l'abbaye royale de Notre-Dame de Soissons, ordre de Saint-Benoît, qui demandent leur conservation et celle des maisons religieuses; elles assurent à l'Assemblée qu'il n'est aucune d'entre elles qui ne préfère la mort à leur destruction ou désunion.
2° Adresse de la ville de dois en Dunois, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale-, elle demande une justice royale.
3° Cahiers des remontrances, pétitions et doléances fournis par la communauté de Mialet en Limousin, lors de la convocation des Etats généraux.
4° Adresse des habitants de la ville de Ghâte-laudren en Bretagne, où ils adhèrent avec une respectueuse admiration aux décrets de l'Assemblée nationale, et surtout à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus.
5° Adresse de la communauté de Sommerànce en Champagne, où elle adhère aux décrets de l'Assemblée nationale des 4 août et jours suivants, et la supplie delà mettre en possession de ses bois et pacages» qu'elle dit avoir été usurpés par les religieux de l'ordre de Saint-Bernard de Ghehery.
6° Adresse de la municipalité de la ville de Beaumont en Gâtinais, tendant à obtenir un bailliage royal.
7° Délibérations de la ville de Saillans en Dau-phiné, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et les protestations les plus fortes contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire.
8° Adresse de la communauté des Feuillants de l'abbaye de Belle-Fontaine, où ils abandonnent tous îeurs biens à la nation, s'en rapportant à ce que l'Assemblée nationale jugera nécessaire pour la conservation de leur existence.
9° Adresse de la municipalité de la ville de Chalon-sur-Saône, qui demande l'interprétation du décret de l'Assemblée nationale sur les gabelles, étant à cel égard en contestation avec les agents de la Ferme.
10° Adresse de la ville de Guéménée en Bretagne, qui demande l'interprétation de l'article IV du décret de l'Assemblée nationale, du 6 octobre dernier, concernant la contribution patriotique.
11° Délibération de la ville de Couches, où elle prononce la confiscation de marchandises, chevaux et voitures contre les faux-sauniers et contrebandiers.
12° Adresse du comité général et permanent de la ville de Gaen en Normandie où il exprime d'une manière énergique les sentiments d'admiration et de reconnaissance dont il est pénétré pour l'Assemblée nationale, la supplie de s'occuper sans cesse de l'organisation des assemblées provinciales et des municipalités, et soumet à sa sagesse un plan de municipalité propre à ladite ville de Gaen.
13° Arrêté du juge royal de la ville de Pertuis en Provence, de rendre la justice gratuitement, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à un nouvel ordre judiciaire.
1.4° Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Montmédy, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets
de l'Assemblée nationale; néanmoins ils réclament avec instance l'abolition entière de la gabelle, et offrent de compenser dès à présent cet impôt par une contribution égale à sa perception, pour être versée immédiatement entre les mains de l'administration.
15° Délibération des huissiers-commissaires-priseurs de Paris, par laquelle ils offrent gratuitement et sans aucune rétribution, non-seulement les prisées et les ventes d'effets appartenant à la chose publique, mais également le service, comme huissiers dans l'intérieur de la salle de l'Assemblée nationale; ils la supplient d'accueillir favorablement leurs offres.
16° Adresse des religieux bénédictins du monastère de Notre-Dame-de-Novy en Champagne, où ils supplient l'Assemblée nationale de les conserver, offrant de fournir à l'Etat tous les secours qui seront en leur pouvoir.
17° Adresse des officiers de judicature et municipaux du marquisat de la Pierre et bourg de Golionges, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée. Ifs offrent de rendre la justice gratuitement, renoncent à tous leurs privilèges particuliers et demandent une justice royale.
a arinoncé que le maire de Paris avait demandé à obtenir audience : l'Assemblée a décidé qu'elle lui serait accordée demain à deux heures.
a fait lecture d'une lettre de M* de Sassenay, député à l'Assemblée nationale, par laquelle il annonce avoir donné sa démission ; ce député ayant un suppléant, M. le comte de Rully, prêt à le remplacer, l'Assemblée a consenti à le recevoir.
a également annoncé que MM. Darche, Petiot, Picard de la Pointe, et de Harchies, membres de l'Assemblée nationale, avaient demandé des passe-ports pour une absence de quinze jours; ces passe-ports leur ont été ac* cordés.
fait lecture d'une lettre de M. Duval d'Eprémesnil, député de la vicomté de Paris, qui demande la permission de se rendre à Malfosse, près Bolbec, où il est appelé par la mauvaise santé de son épouse.
La permission lui est accordée.
La discussion est reprise sur le plan de division du royaume.
Messieurs, je n'ai pas besoin de vous faire sentir l'importance de l'examen qui vous occupe; si le plan que Vous aurez adopté s'exécute dans les provinces, la plus heureuse des révolutions sera consommée, le crédit rétabli, et la force publique affermie. Tous nos succès tiennent à ce succès; il renferme à la fois toutes nos espérances et toutes nos craintes, et jamais plus grande cause ne l'at plus digne de votre attention.
De grandes objections se sont élevées contre le plan du comité et contre le mien, je me propose de les discuter et de les comparer ; mais, avant tout, je dois vous tracer la marche des idées qui m'ont conduit à vous proposer un plan particulier sur une matière que vous aviez confiée aux mains les plus habiles.
Mon objet n'a point été de chercher des objections ; je me suis au contraire défié de la facilité
d'attaquer un plan quelconque; mais j'ai voulu appliquer la théorie du comité à des divisions réelles qui me fussent connues ; et, sans m'en apercevoir, j'ai fait en cela l'objection la plus invincible contre ce même plan que je me proposais de soutenir.
J'ai pris des cartes géographiques, j'ai tracé des surfaces égales de trois cent vingt-quatre lieues carrées, et qu'ai-je aperçu? Là, une surface entière n'était composée que de landes, de déserts ou de hameaux ; ici, dans la même surface, plusieurs grandes villes se trouvaient rapprochées ; partout j'avais le même territoire ; mais je n'avais nulle part ni la même valeur, ni la même population, ni la même importance, et je me disais : si on a voulu faire des départements inégaux, il ne valait pas la peine de leur donner la même surface ; si on a voulu les rendre égaux, comment se fait-il qu'on ait choisi précisément la mesure la plus inégale ?
J'ai tenté vainement de refaire les divisions de mille manières ; j'ai mis les mêmes surfaces, tantôt en triangles, tantôt en carrés ; mais c'est en vain que j'ai épuisé toutes les figures géométriques ; la distribution inégale de la population et des richesses se jouait de mes efforts. J'étais d'ailleurs sans cesse arrêté par cette donnée principale, que ce n'est pas précisément le royaume, mais chaque province qu'il faut diviser ; et, réduite par cela même à un moindre nombre de combinaisons, l'inégalité des mêmes surfaces n'en devenait que plus évidente.
Je me suis dit ensuite : le principal objet de la nouvelle division du royaume est de détruire l'esprit des provinces, comme on a cherché à détruire l'esprit de tous les corps ; or, est-il bien yrai que quatre-vingts divisions remplissent ce but important ?
Les gouvernements actuels sont inégaux: vingt d'entre eux, en ne supposant que quatre-vingts divisions dans le royaume, subiraient trois ou quatre divisions ; par cela même, vingt autres gouvernements, restant tels qu'ils sont, conserveraient, avec leurs anciennes limites, le germe des anciennes prétentions. Yoilà la première idée qui m'a fait porter le nombre des départements jusqu'à cent vingt.
D'un autre côté, j'ai, découvert une foule d'objections contre l'établissement de sept cent vingt communes, que l'on suppose devoir être de trente-six lieues carrées ; il est facile de voir que ces sous-divisions seraient encore plus inégales que celles des départements.
Sur une moindre surface, les lacunes de la population doivent être plus sensibles. Entre des espaces plus resserrés, les compensations en tous genres sont moins faciles. Cette prétendue unité d'administration, que l'on veut mettre dans le royaume, serait ainsi formée d'éléments qui n'auraient aucune proportion.
Il est évident pour quiconque connaît le royaume, qu'il y aurait des divisions de six Jieues sur six, qui ne renfermeraient pas même assez d'habitants pour former une assemblée primaire ; et je demande sous quel rapport et pour quel objet un tel district serait alors érigé en commune ?
Il est évident que plusieurs autres surfaces de la même étendue renfermeraient à peine neuf mille âmes, c'est-à-dire quinze cents citoyens actifs, c'est-à-dire trois assemblées primaires : je demande donc encore à quoi servirait une administration communale pour un aussi léger intérêt, pour une aussi modique population.
Il est évident que l'on trouverait plusieurs surfaces de trente-six lieues carrées, où il n'y aurait qu'une seule ville ; je demande si, dans un tel district, l'assemblée communale serait autre chose que l'assemblée de la ville ?
11 est évident que plusieurs divisions de trente-six lieues carrées seraient composées d'une seule ville et d'un petit nombre de villages : je demande encore si les députés qui seraient envoyés par les assemblées primaires de la ville ne seraient pas en trop grand nombre relativement aux députés des assemblées primaires des villages, s'ils n'auraient pas sur ces derniers une prépondérance trop sensible, s'ils ne décideraient pas du sort du scrutin dans toutes les élections, s'ils ne dirigeraient pas l'administration d'une manière absolue ?
Ce dernier motif est celui qui m'a décidé le plus fortement contre l'établissement des communes : nous avons attaqué tous les genres d'aristocratie ; celle que pourraient exercer les villes sur les villages serait-elle moins dangereuse?Les petites agrégations politiques ne cessent de la redouter ; plus elles sont faibles, plus elles craignent d'être opprimées. Le but de toute bonne société ne doit-il pas être de favoriser les habitations de la campagne, je dis plus, de les honorer, de leur faire sentir à elles-mêmes leur propre importance ?
D'ailleurs, en considérant cette multitude d'assemblées intermédiaires que le comité vous propose d'établir, je me suis demandé : ne peut-on pas créer une bonne administration sans en trop multiplier les ressorts ? La représentation accordée au peuple serait-elle moins bonne si elle n'était pas indirecte ?
Les objections que je me suis faites contre l'établissement de six mille quatre cent quatre-vingts cantons, chacun de quatre lieues carrées, m'ont paru encore plus insurmontables.
Et d'abord, comment peut-on supposer que chaque surface de quatre lieues carrées aura six cents citoyens actifs, ce qui suppose trois mille six cents âmes ? Qui de nous ne sait pas qu'en divisant le royaume en six mille quatre cent quatre-vingts surfaces égales de quatre lieues carrées, il y en aurait au moins la moitié sur lesquelles on ne trouverait pas un seul village, pas un seul hameau ?
Le comité répond que, dans un système quelconque, les déserts ne comptent pour rien ; mais ce n'est pas une exception, c'est un cas presque général qu'on lui oppose. Tout son système est fondé sur la répartition de vingt-cinq millions d'âmes sur la totalité de la surface du royaume ; mais ne se serait-il pas aperçu que l'excédant de population de toutes les surfaces de quatre lieues carrées où se rencontrent de grandes villes emporte à une très-grande distance la population qu'il a supposée dans les autres surfaces ?
En ne parlant même que des lieux d'une population commune, combien de villages, avec quatre lieues de surface, n'auront pas cependant plus de douze cents âmes, c'est-à-dire, plus de deux cents citoyens actifs 1 Et dès lors comment serait-il possible de former des assemblées primaires dans ces cantons, quoique, d'après le plan du comité, tout canton doive renfermer une assemblée primaire ?
On observe dans le plan du comité que ce qui manquera en population dans quelques cantons se trouvera en excédant dans les autres ; mais cela ne répond à rien : car là où il y aura excédant, les assemblées primaires seront multipliées; mais
là où la population sera nulle ou insuffisante, le plan du comité ne dit point comment on y sup -pléera.
Je me suis dit encore, Messieurs : le comité suppose, à la page 9 de son rapport, qu'il y aura toujours une assemblée primaire dans chaque canton, quelque faible que soit la population. Il ajoute cependant à la page 12, « que chaque assemblée primaire nommera un député par deux cents votants », ce qui suppose douze cents âmes dans chaque canton : or ces deux dispositions ne sont-elles pas contradictoires? Il y aura certainement des cantons qui n'auront pas 200 votants ; je demande dans ce cas si de pareils cantons n'auront point d'assemblée, ou s'ils auront un député sans avoir 200 votants.
Dira-t-on que la formation de l'assemblée primaire exigera souvent la réunion de plusieurs villages ? L'objection reste la même ; car par cela seul que les cantons doivent être bornés à une surface de quatre lieues carrées, il sera dès lors tout aussi difficile de trouver deux villages dans un espace aussi resserré, que d'y en trouver un seul qui, par ses propres habitants, puisse former une assemblée primaire.
Le même embarras subsiste, si l'on considère les cantons dans leur rapport avec les assemblées communales : comment trouvera-t-on toujours neuf cantons dans chaque commune, c'est-à-dire au moins cinq mille quatre cents âmes dans une étendue de six lieues sur six lieues ? N'y aura-t-il pas une foule de ces divisions où chaque canton n'ayant que deux cents votants ne pourra envoyer qu'un seul député, où l'assemblée communale ne sera formée par conséquentque de neuf personnes? Et quelle proportion y aurait-il entre ces communes et celles qui seront composées de neuf assemblées primaires complètes, c'est-à-dire de 17,400 personnes?
Il y a plus encore, Messieurs : c'est que, d'après le plan du comité, chaque canton peut avoir plusieurs assemblées primaires ; que le nombre de ces assemblées n'est pas même limité ; qu'il est dit cependant par le neuvième article : « que chaque assemblée primaire députera directement à l'assemblée de la commune » ; et par l'article onzième : « que chacune de ces assemblées députera un membre sur deux cents votants ». Il pourra donc arriver qu'un canton ait cinq ou six assemblées primaires ; que la totalité des cantons d'une commune ait trente ou quarante assemblées de la même nature. Or voyez ce qu'il résulterait d'une pareille opposition. Trente assemblées primaires complètes formeraient des communes de quatre-vingt-dix membres, tandis que d'autres communes n'auraient que neuf députés ; il y aurait ainsi des assemblées communales qui seraient plus nombreuses que celles des départements; elles seraient d'ailleurs toutes inégales entre elles, quoique pour une étendue égale de territoire. Ne serait-il pas à craindre que cette extrême différence ne donnât à certaines communes une prépondérance funeste sur toutes les autres, soit pour l'administration du département, soit pour la députation à l'Assemblée nationale ?
Quel est donc le principe qui a dirigé le comité? Il a voulu distinguer le pouvoir municipal du pouvoir national. Selon lui, le premier n'a trait qu'à l'intérêt privé, le second est relatif à l'intérêt de tous ; mais cette distinction est inutile.
Les assemblées municipales doivent être peu nombreuses et permanentes ; les assemblées électives doivent être générales et momentanées : ce premier caractère suffirait donc pour les distin-
guer, et les pouvoirs municipaux et nationaux ne seraient pas confondus, quand même on n'adopterait pas le plan du comité.
Mais cette distinction n'est-elle pas une vaine subtilité ? Ne faut-il pas les mêmes éléments à tout l'empire, et le royaume est-il autre chose qu'une grande municipalité? Toute municipalité ne doit être désormais que l'assemblée représentative, plus ou moins nombreuse des habitants d'une communauté, comme une assemblée de département sera l'assemblée représentative d'un district, et le corps législatif l'assemblée représentative du royaume. Accoutumons les citoyens à choisir librement les organes de leur volonté, et à n'obéir, dans tout ce qui tient à l'administration publique, qu'aux représentants de la volonté générale ; lions, par ce principe, toutes les parties de cet empire, et affermissons ainsi les fondements de la félicité nationale.
Après avoir considéré toutes les difficultés d'exécution dans le plan du comité, je me suis senti entraîné à former un autre plan général, et voici la progression de mes idées.
Premièrement, j'ai pensé qu'il était possible d'augmenter le nombre des départements de manière que les assemblées communales devinssent inutiles sans que l'administration perdît de sa force ou de sa surveillance ; le nombre de cent vingt assemblées m'a paru remplir ce but : il ne permettrait de laisser à aucune province son étendue actuelle, se prêterait à des divisions plus exactes, et produirait des fractions moins considérables dans la division des provinces.
Une pareille division ne supposant que des surfaces de quatorze lieues, sur quinze lieues, et trente-six mille citoyens actifs pour chaque département, l'administration serait aussi rapprochée qu'elle devrait l'être ; il n'y aurait presque pas de chef-lieu plus éloigné de sept ou huit lieues de l'extrémité du district. Beaucoup de départements n'auraient pas plus de cent villes ou villages ; d'autres n'en auraient pas cinquante ; plusieurs n'en auraient pas dix : comment pourrait-on supposer qu'une pareille administration fût trop étendue?
2° M. Thouret a fait l'aveu que la division du comité ne peut être exécutée que par les assemblées de département, et qu'il faut se borner à la formation provisoire de ces assemblées : j'ai pensé que dans l'état malheureux d'anarchie où se trouve le royaume, rien ne serait peut-être plus dangereux qu'une telle conduite. Ne laissons pas aux provinces le soin d'exécuter un plan à peine ébauché : mille obstacles naîtraient de l'amour même du bien, et combien de difficultés ne susciteraient pas ceux qui nous ont rendu jusqu'à présent nos fonctions si difficiles !
Dans le plan que je propose, l'Assemblée se suffit à elle-même. Chaque province a parmi nous trente, quarante et même cinquante députés : chacun connaît parfaitement son district, son bailliage, sa sénéchaussée ; et la réunion de toutes nos connaissances locales suffira pour compléter la division.
3° J'ai admis pour principe, dans le plan que j'ai formé, de ne donner d'autre égalité aux départements que celle de population et d'importance. J'ai déjà montré que l'égalité de territoire ne peut pas être prise pour base des départements, à moins de vouloir les rendre nécessairement inégaux. J'ai adopté l'égalité qui est dans la nature des choses, celle qui est relative à l'administration, celle qui donne des droits égaux ; elle sera facile à déterminer par les députés de cha-
qv»e province. Il n'est aucun député qui ue connaisse la propriété delà sienne, sa population,sa contribution, sa force et son poids relatif, le rapport de telle ville à telle autre ville, de tel village à tel autre village ; il n'en est aucun qui ne connaisse quelles sont les villes, quels sont les villages qu'il est plus à propos de réunir, pour établir les communications les plus faciles et choisir les chefs-lieux les plus convenables.
4° Je n'ai pas non plus supposé qu'il fallût une population rigoureusement égale ; je pense, au contraire, Messieurs, que la véritable égalité politique résulte d'une foule de données qui doivent être compensées les unes par les autres. La valeur réelle du sol lient lieu de son étendue ; l'industrie supplée au territoire ; l'inégalité de population est compensée par les richesses : c'est en combinant tous ces moyens qu'il sera facile de donner à chaque département une égalité susceptible de la même administration et de la même députation dans l'Assemblée nationale.
5° J'ai pensé qu'en promettant à chaque ville et à chaque village de nommer un nombre de' députés relatif à telle quotité de population, il serait facile, par cela seul, de corriger l'inégalité des agrégations politiques, et de ne leur don ner qu'un concours véritablement proportionnel, soit à l'administration, soit à l'élection. D'un autre côté, il m'a paru évident, qu'après avoir accordé la moitié de la députation pour l'Assemblée nationale à la seule qualité de département, il n'y aurait point d'inconvénient d'en accorder l'autre moitié à des quotités de population égales entre elles. Il est plus vrai qu'on ne pense, que des quotités égales de population, prises en masse, supposent à peu près la même somme de contribution.
Ce n'est point par l'effet du hasard que les hommes sont distribués sur la terre : la population suppose les subsistances ; les subsistances désignent les valeurs ; les valeurs règlent les impôts : la seule donnée de population tient donc lieu de beaucoup d'autres, et je ne l'applique d'ailleurs qu'à corriger l'inégalité très-légère qu'on n'aurait pu éviter en fixant les départements.
Je vais maintenant répondre, Messieurs, d'une manière plus directe aux objections qu'a proposées M. Thouret dans la dernière séance.
Il a voulu prouver que la division en départements ne devait pas avoir pour base la population, mais l'étendue territoriale ;
Qu'il est plus convenable d'établir quatre-vingts départements que cent vingt;
Que la division dn royaume en sept cent vingt communes peut offrir les plus grands avantages;
Qu'il faut également admettre la division par six mille quatre cent quatre-vingt cantons ;
Que le plan que j'ai eu l'honneur de présenter ressemble, dans ses grandes buses, à celui du comité.
M. Thouret veut prouver que l'étendue territoriale doit être prise pour base de la division des départements, parce qu'il y aurait des inconvénients à prendre la population pour base.
Je réponds : Il pourrait être démontré que la base de population est insuffisante, sans qu'on fût autorisé à conclure que l'étendue territoriale est une meilleure base ; mais, dans mon plan, je n'ai pas adopté la population pour base unique.
Selon M. Thouret, cent vingt départements exigeront aussi des fractions de provinces qu'il faudra joindre à d'autres provinces. Cette objection est commune aux deux systèmes ; mais je réponds qu'elle est plus forte dans le sien, parce qu'en
simple règle d'arithmétique, des divisions plus fortes donneront des fractions plus considérables.
Je dis encore que, dans mon système, l'égalité de département devant être fondée sur la combinaison de plusieurs données, les fractions seront beaucoup plus faciles à éviter que dans son système, qui n'admet qu'une seule donnée d'égalité.
Autre objection de M. Thouret. En admettant la population pour base, il sera nécessaire de resserrer ou d'étendre les limites de chaque département, toutes les fois que leur population changera; ce qui serait intolérable.
JNe vaudrait-il pas mieux s'exposer à changer la division des départements, lorsque la différence dans leur population serait remarquable, que d'établir des départements sans population?
M. Thouret se fait dans son plan tout le mal qu'il craint dans celui des autres ; il s'embarrasse fort peu que ses départements soient peuplés, et il s'inquiète beaucoup de ce que dans mon système la population pourra cesser d'être égale.
Il craint que mes départements ne deviennent inégaux par l'accroissement ou le décroissement de la population; comme si les départements qu'il préfère ne deviendraient pas moins inégaux par la même cause ! Qu'importe d'ailleurs cette objection dans mon système ? La population n'est pas ma seule base ; elle est compensée par le territoire, par les arts, par l'industrie: dans mon plan, un désert ne vaudra qu'un désert; une ville pourra valoir cinquante lieues de surface. Les départements proposés par le comité seront égaux aux yeux des géographes et des géomètres ; j'aimerais mieux qu'ils parussent égaux aux yeux des hommes d'Etat.
Troisième objection. Dans le plan du comité, on a soin de rectifier l'inégalité de valeur politique qui peut se trouver entre des surfaces égales, en les balançant sans cesse par la force de population et de contribution.
Cette inégalité est précisément moins corrigée dans le plan du comité que dans le mien. J'accorde une égalité de députation à des masses à
eu près égales en valeur et en importance.
. Thouret accordé cette députation à des masses seulement égales en surface.
Voici la seconde partie des arguments de M. Thouret.
Pourquoi établir 120 départements au lieu de 80? Il faut une division commune qui se prête tout à la fois à la représentation proportionnelle et à l'administration ; et sous ce rapport le nombre de 80 départements est plus convenable.
Cette première difficulté suppose précisément ce qui est en question. Je crois que la division que j'ai proposée suffit sans intermédiaire pour l'administration du royaume et pour la formation de l'Assemblée nationale. Il s'agit donc de prouver que je me trompe, et non pas le supposer.
Mais 120 départements qui n'auraient chacun que 36,000 citoyens actifs ou 200,000 âmes ne formeraient-ils pas de trop petits ressorts pour chaque administration provinciale ?
La division par 120 départements a trois avantages qui lui sont propres. Elle rapproche l'administration des personnes administrées et fait concourir un plus grand nombre de citoyens à la surveillance publique.
Elle n'exige plus aucune sous-division, ni l'établissement des assemblées communales, et par cela seul la marche de l'administration est considérablement simplifiée.
Enfin elle est plus propre que toute autre à détruire l'esprit des grands corps.
Mais en Bretagne, mais en Normandie, continue M. Thouret, il y aurait 10 départements; il y en aurait plus qu'on n'y compte dans ce moment de bailliages.
Il faut précisément que la Normandie et la Bretagne aient deux divisions, pour que telle autre province en ait deux ou telle autre trois : je demande lequel vaut mieux, de s'exposer à laisser plusieurs provinces telles qu'elles sont, ou donner quelques divisions de plus aux grandes provinces?
J'observe d'ailleurs que la division que j'ai proposée n'est que d'un tiers moins forte que celle que l'on m'oppose ; chaque déparlement devrait être de 300,000 âmes, d'après le plan du comité : or, qu'importe que deux provinces aient 10 divisions, ou qu'elles n'en aient que 7 ?
Les dépenses seront plus fortes avec 120 départements qu'ailée 80.
Elles seront moins fortes sans assemblées communales qu'avec 720 communes.
On a multiplié les découpures des provinces et on les morcelle davantage que dans le plan du comité.
Il est très-vrai que je multiplie davantage les divisions de chaque province, et en cela, je crois détruire plus efficacement l'esprit de ces grands corps ; mais je m'exposerai moins à réunir les citoyens d'une province avec ceux d'une autre ; j'aurai moins de grandes fractions, je blesserai moins d'intérêts et j'arriverai au même but,
M. Thouret finit cette partie de sa discussion par demander quels sont les avantages de la division en 120 départements ; est-ce, dit-il. pour éviter la translation d'une province à l'autre ? mais cet inconvénient reste le même.
J'ai déjà montré que cet inconvénient était beaucoup moindre.
Est-ce pour éviter de prendre la terre pour base plutôt que les hommes? Mais dans ce plan Von a égard à la valeur foncière tout comme à la population.
Cette objection se résout d'elle-même. Si je prends deux bases, je n'en prends pas une seule; et d'ailleurs je n'ai jamais entendu que l'égalité des valeurs foncières fût une égalité de surface.
Dans le plan qui est opposé à celui du comité, l'on accorde 3 députés sur 6 au territoire.
Ge n'est pas au territoire, mais à la qualilé de département, que j'accorde trois députés. Or d'après mon plan, l'égalité des districts ne sera pas une égalité de territoire.
On reconnaît dans le même plan que les trois autres députés seront accordés d'après la population, pour corriger l'inégalité qui pourrait se trouver entre des valeurs de surfaces égales.
Je réponds, mais c'est pour répondre à .tout, et même à des citations inexactes. J'ai dit seulement que, l'égalité rigoureuse de population servant de seule base pour former la moitié de la députation à l'Assemblée nationale, on corrigera par ce moyen l'inégalité, soit de population, soit d'importance, qu'on n'aura pu éviter dans la formation des départements.
M. Thouret a voulu prouver la nécessité d'établir des communes. Vadministration, a-t-il dit, ne sera jamais active, vigilante, efficace, si l'on ne place pas des corps subordonnés et intermédiaires entre iAssemblée supérieure et les communautés des villes et des villages.
Je réponds à M. Thouret : Voulez-vous parler des assemblées d'élection ou de celles d'adminis-
tration ? S'il s'agit des premières, vous ne prouverez pas facilement qu'il faille des intermédiaires entre la volonté des premiers mandants et le Corps législatif. Ne voulez-vous parler que des assemblées d'administration ? Je conviendrai que si l'on admet 80 assemblées principales, les sous-divisions seront nécessaires; mais si on établit 120 départements, je regarde les sous-divisions comme inutiles, et je l'ai démontré.
M. Thouret ajoute que ses commettants l'ont chargé de demander la conservation des assemblées secondaires; que la Normandie en a retiré des avantages, et que si l'on n'admettait que 120 départements, sans sous-divisions, le ressort moyen aurait environ 900 communautés, ce qui formerait certainement une trop grande étendue,
Je réponds que nous ne pouvons pas écouter le mandat d'une province plutôt que celui de toute autre; que la Normandie retirera plus d'avantages de dix grandes assemblées que d'une foule de petits districts sans activité et sans pouvoir ; et d'ailleurs il est impossible que le ressort moyen d'un département soit, je ne dis pas de 900 communautés, mais de 300 et de 200. Chaque département, en les supposant égaux en nombre, ne sera que d'environ 200,000 âmes: or, c'est déjà beaucoup d'admettre que 200,000 âmes forment plus de 200 communautés, un village étant compensé par l'autre, et les petites agrégations étant compensées par les villes.
Je dis plus : il y aura au moins 25 départements sur 120 qui n'auront qu'une grande ville et quelques villages. D'autres ne seront formés que de 20, que de 30 communautés. Comment de pareilles assemblées auraient-elles besoin de 9 sous-divisions, dont chacune serait divisée elle-même en 9 autres divisions ?
Que l'on place dans un département quelconque Marseille, Lyon, Bordeaux, Rouen, Bennes, Nantes ou Toulouse ; comment parviendrait-on à former 9 communes parmi les petites agrégations qu'il faudrait joindre à chacune de ces villes ?
J'ajoute encore que si 200,000 âmes supposaient 900 communautés ou collectes, comme le dit M. Thouret, chaque communauté n'aurait donc que 222 personnes, c'est-à-dire 37 citoyens actifs; encore faudrait-il supposer que les communautés fussent égales.
Mais il est nécessaire de prouver que les sous-divisions en 720 communes ne sont pas nécessaires, lorsque je puis démontrer qu'elles sont impossibles,
Si les 80 départements étaient égaux, ils auraient chacun 300,000 âmes, mais comme dans le plan du comité l'on n'a égard qu'au territoire pour fixer l'égalité respective des départements, il est permis de supposerqu'il y aura telle de ces divisions où la population sera quatre fois moindre que dans une autre. Un tel département n'aurait donc alors que 75,000 âmes. Si l'on divise maintenant cette population en 9 communes, et chaque commune en 9 cantons, on n'aura que 150 citoyens actifs par canton et 1,388 par commune. Mi ,
Ce n'est point assez. Il est encore possible de supposer qu'il y ait des communes égales en surface, et quatre t'ois moins peuplées que d'autres ; elles n'auraient donc alors que 347 citoyens actifs, et chaque canton n'en aurait que 36.
M. Thouret ne s'est pas moins trompé lorsqu'il a cru que la division actuelle de la Provence en vigueries pouvait autoriser la division par communes.
En eflet, si les assemblées des vigueries sont
utiles en Provence, c'est qu'il n'y a dans ce moment qu'une grande assemblée administrative pour 800,000 âmes.
J'ai dit en second lieu qu'une foule des vigue-ries de la Provence avait en étendue environ le quart de sa valeur foncière ; et de là je conclus que ces districts ne seraient plus nécessaires si on établissait quatre départements principaux dans la Provence.
Il me restait à répondre à la dernière partie du système de M. Thouret ; il a prétendu que le plan que j'ai proposé était conforme à celui du comité, et qu'ainsi ces deux plans ne pouvaient pas être opposés l'un à l'autre.
Veut-on parler d'une conformité dans les principes? j'avoue que j'admets plusieurs principes du comité de constitution ; mais je ne reconnais point que les moyens proposés par le comité soient les meilleures déductions de ces mêmes principes.
Veut-on parler d'une conformité dans les moyens d'exécution 1 nos deux plans sont sous les yeux de l'Assemblée ; elle pourra décider que le plan du comité doit être préféré ; mais elle ne décidera certainement point que deux plans aussi opposés soient les mêmes.
Je finis cette trop longue discussion. Votre décision est attendue des provinces ; elle l'est même avec inquiétude. Jamais la situation des affaires publiques n'exigea plus de sagesse, plus de facilité dans les moyens d'exécution, et, j'ose le dire, plus de ces ménagements heureux que la prudence sait concilier avec les principes.
Ce discours est vivement applaudi.
, désirant répondre à quelques objections, en demande communication, pour user de représailles avec M. de Mirabeau, auquel il avait confié le sien.
L'Assemblée y consent.
(1). Messieurs, deux principaux systèmes d'organisation politique vous ont été présentés : l'un par votre comité de constitution ; l'autre par M. le comte de Mirabeau ; je me propose de les discuter successivement, et de vous soumettre un résultat différent.
PROJET DU COMITÉ.
Ce projet embrasse quatre grands rapports : la formaticm de l'Assemblée nationale ou du corps législatif; celle des assemblées administratives provinciales; celle d'assemblées administratives inférieures ; enfin les municipalités.
Le comité propose de partager la France en quatre-vingts départements égaux en surface;
De diviser chaque département en neuf arrondissements, sous le nom de communes;
De sous-diviser chaque arrondissement ou commune en neuf cantons ;
De rassembler tous les habitants de chaque canton par assemblées primaires, dont le nombre moyen serait de six cents votants.
Dans cette hypothèse, chaque canton doit nommer un député sur deux cents votants ;
et, en supposant les cantons égaux, ils nommeraient chacun trois députés. Ces députés
de cantons, au nombre de vingt-sept (trois par canton), doivent
Ces quatre-vingt-un députés doivent nommer les députés à l'Assemblée nationale.
C'est une autre opération, ce sont presque d'autres éléments pour former l'assemblée provinciale.
Les assemblées primaires ou de cantons doivent nommer, non plus un député sur deux cents votants, mais un sur cent, c'est-à-dire six par canton, en continuant de supposer les cantons égaux.
Ces députés de cantons, réunis au nombre de cinquante-quatre dans chaque commune, doivent y nommer une assemblée administrative communale de vingt-six membres.
Les neuf administrations communales doivent e lire chacune six députés pour former l'assemblée administrative provinciale, au nombre de cinquante-quatre membres.
C'est un troisième genre d'opération pour former les assemblées municipales.
Les assemblées primaires doivent nommer un député par assemblée, de quelque nombre de votants qu'elles soient composées, et ces députés doivent se réunir dans le chef-lieu de l'arrondissement communal et y former l'assemblée municipale.
Quatrième genre d'opération. Nomination d'un bureau municipal dans chaque localité.
Ij me semble,Messieurs, qu'il suffit d'énoncer les différents termes de ce projet pour se convaincre qu î ne peut pas être adopté. La seule difficulté de 1 executer vous lerait une loi de le proscrire, dans un temps surtout, où les hommes ne se tenant presque plus que par leurs habitudes, non-seulement il faudrait les leur faire quitter, mais il faudrait exiger d'eux plus de concordance pour les vaincre, qu'il ne leur en reste en les conservant.
Mais les inconvénients de détail me paraissent bien plus graves.
Formation de l'Assemblée nationale.
Première opération. Assemblée primaire dans chaque canton (les cantons doivent être de quatre lieues de surface), et députation à la commune de trois députés par canton.
Cette réunion des habitants de plusieurs paroisses, communautés ou villages, répandus sur une surface de quatre lieues, pour se former en assemblées primaires, est une difficulté capitale.
Il faut faire quatre lieues, deux pour aller, deux pour venir, et je suppose les cantons réduits a des carrés parfaits, sans quoi la difficulté s augmente.
Il faut vaincre les intempéries du temps.
Il faut avoir un jour entier à donuer à ces as-semblees, peut-être davantage ; car vous connaissez les longueurs de toutes les opérations dans les assemblées nombreuses, et les assemblées primaires pourront monter jusqu'à huit cent quatre-vingt-dix-neuf votants.
Il faut pourvoir à sa subsistance pendant la duree de ces assemblées ; peut-être, et vraisemblablement, à son coucher.
Croyez-vous, Messieurs, qu'on puisse raisonnablement exiger, je ne dirai pas ces mouvements, mais ces sacrifices, des laboureurs, des journaliers, des habitants ordinaires de la campagne et n'est-ce pas exposer les assemblées primaires
à la nullité ; n'est-ce pas les livrer à l'accès des seules personnes aisées ou ambitieuses, que de les environner de tant de difficultés?
La formation de ces assemblées peut se concevoir dans une grande ville, où l'on ne se déplace que de sa maison à l'église ; mais je ne crains pas de dire qu'elles seraient impraticables et impratiquées dans nos campagnes.
Seconde opération. Réunion des vingt-sept députés de canton dans les chefs-lieux d'arrondissement, sous le nom d3 commune, et nomination de neuf députés pour se rendre au chef-lieu de chaque département.
Cette seconde opération n'est pas difficile; mais elle me paraît chétive, et rappeler les réductions si souvent critiquées, prescrites par le règlement du 24 janvier.
Ce règlement ordonnait aux premières députa-tions de se réduire au quart : le projet du comité propose la réduction au tiers ; la nomination de neuf députes par vingt-sept autres est-elle effectivement autre chose que cette réduction?
Troisième opération. Réunion dans le département des quatre-vingt-un députés des communes ou arrondissements, et nomination par ces quatre-vingt-un députés de neuf députés à l'Assemblée nationale.
Cette troisième opération a un premier défaut, celui de commettre à quatre-vingt-une personnes seulement le choix de neuf députés à l'Assemblée nationale, et, par sous-division, la députation d'un membre de celte Assemblée à neuf électeurs seulement.
Elle a un second défaut radical, de ne produire à l'Assemblée nationale que des arrière-délégués ou des délégués au troisième degré, ce qui anéantit, pour ainsi dire, la représentation, à force de l'éloigner de sa source.
^ Un partisan de ce projet, qui a senti cette difficulté, l'a présentée comme un mal nécessaire, ataché à la grande population de la France ; mais ce mal n'est point forcé : l'auteur du second projet que j'ai à discuter vous a déjà prouvé qu'il ne l'était pas, et je compte le prouver, à mon tour, d'une autre manière.
Le second défaut du projet que j'examine est tel qu'on ne peut pas l'y corriger. Placez, en effet, la nomination des députés à l'Assemblée nationale dans les communes, au lieu de la placer à un degré plus haut dans les départements ; vous avez, dans le système du comité, sept cent vingt communes, répondant aux sept cent vingt députés xlont il propose de composer l'Assemblée nationale : on serait forcé, dans cette supposition, de renoncer à toute espèce d'égards à la diversité de population dans chaque commune.
L'auteur des Observations sur le Rapport du Comité, fortement imbu des mêmes principes, a proposé de transporter dans les départements les vingt-sept députés qui doivent se réunir dans chaque commune, et là, de leur faire collectivement nommer les députés à l'Assemblée nationale, par proportion à la population de chaque commune; mais les opérations nécessaires pour atteindre cette proportion sont si compliquées, qu'il finit presque par y renoncer lui-même, en ajoutant que cette modification tiendrait encore au système de réduction qu'il désapprouve. Le système du comité a un troisième défaut : clui de rompre la balance ou l'équilibre entre haque province et la capitale. La capitale doit ormer un département, fort des six à sept cent ille habitants dont elle est peuplée; et il pro-ose de diviser les provinces en quatre-vingts
départements, ce qui, les réduisant à une population moyenne de trois cent mille âmes, les exténuerait de moitié, par comparaison au département de la capitale. Les provinces sont actuellement au pair avec la capitale, par leur population et l'influence nécessaire qui en résulte; pourquoi rompre cette heureuse harmonie? on craint l'esprit de province! mais l'esprit de cité n'a-t-il aucun danger? Il n'existe pas, dira-t-on; maisa-t-on des garants qu'il ne se formera jamais ; et existe-t-il d autre moyen de le balancer, de le détruire, que par des influences contraires? L'esprit de province ne peut plus exister, dès qu'il n'existe plus de distinction ou de privilèges. Il 11e peut plus exister que l'esprit des gens à argent et 1 esprit de luxe contre l'esprit d'agriculture et d économie ; et il convient que ces deux esprits se balancent. Les provinces ont fait leurs p"euves vis-à-vis les créanciers du gouvernement; il est donc au moins inutile de les affaiblir. Si la division proposée existait, il faudrait la détruire-gardons-nous donc d'en être nous-mêmes les instruments.
Ainsi, Messieurs, ce premier chapitre du projet du comité me paraît inadmissible sous ses divers points de vue.
Formation des assemblées provinciales.
Première opération. Assemblée primaire dans chaque canton ; nomination d'un député sur cent votants, ou de six députés par canton, en continuant de les supposer à l'égalité.
Vous vous rappelez que les assemblées primaires ? ont dû nommer que trois députés pour préparer la nomination à l'Assemblée nationale. Je demande d'abord : pourquoi une assemblée primaire, différente de la première, pour préparer les députa-lions à l'assemblée provinciale ? N'est-ce pas déjà une assez grande difficulté que de rassembler une fois les habitants de quatre lieues de surface sans les rassembler de nouveau pour une opération qui peut concourir avec la première ?
Je demande, en second lieu : pourquoi trois députés seulement, pour préparer l'Assemblée nationale, et six pour préparer l'assemblée provinciale ? La première, bien plus importante que la seconde, n'exigeait-elle pas, au contraire, un plus grand nombre de coopérateurs ?
Seconde opération. Réunion de ces cinquante-quatre députés de canton dans chaque commune; nomination par ces cinquante-quatre députés, de vingt-six personnes, qui formeront l'assemblée administrative communale.
Troisième opération. Nomination par ces vingt-six personnes, de six députés, pour former l'assemblée provinciale, au nombre de cinquante-quatre dans le département.
J'ai fait remarquer que la réduction des députés destinés à préparer l'Assemblée nationale était au tiers de vingt-sept à neuf; celle-ci est à la moitié, de cinquante-quatre à vingt-six.
Je demande : 1° pourquoi ce dédoublement, cette réduction des cinquante-quatre députés de cantons, à vingt-six, afin de leur faire nommer les six députés à l'assemblée provinciale?
2° Pourquoi, du moins, ne pas faire choisir, du premier bond, ces vingt-six députés par les neuf cantons dans leurs assemblées primaires, lors surtout qu'on pouvait même leur en départir le choix dans une sorte de proportion avec leurs forces respectives ?
Ce ne sont là peut-être que des singularités;
mais il en résulte un vice réel: c'est que l'assemblée provinciale ne se forme encore qu'au troisième degré de députation ou par des arrière-délégués de délégués. '
Premier degré : députation à la commune par les assemblées primaires.
Deuxième degré : nomination de vingt-six membres, par les députés des assemblées primaires.
Troisième degré: nomination de l'assemblée provinciale par ces vingt-six membres.
Il était si simple de faire nommer les six députés de chaque commune, à l'assemblée provinciale, par les cinquante-quatre députés de canton, ou d'assemblées primaires, qu'il ne m'a pas été possible de concevoir pourquoi on les faisait procéder à une réduction préalable à vingt-six.
Formation des assemblées administratives inférieures.
Cette formation est comprise dans les opérations précédentes. C'est la réduction des cinquante-quatre députés de canton à vingt-six, ou leur choix de vingt-six personnes dans la commune, qui doit y former une assemblée administrative inférieure.
Cette composition a le premier défaut de faire nommer au second degré les membres qui doivent composer celte assemblée, au lieu de les faire nommer au premier degré, à raison de trois par canton, lorsque ce nombre se prête même à une répartition proportionnelle aux forces respectives de chaque canton.
11 est vrai quepouravoir trois députés par canton, il faut porter à vingt-sept, au lieu de vingt-six, le nombre des membres de l'assemblée administrative communale; mais le comité ne donnant aucun motif pour le retranchement de cette unité, il ne peut pas y avoir d'inconvénient à la rétablir. On pourrait peut-être remarquer que le nombre vingt-sept ne se serait pas prêté à une régénération par moitié ; mais le nombre treize, moitié de vingt-six, ne se prêtant pas non plus à la division en neuf cantons, il n'était pas plus difficile d'avoir à régénérer ou remplacer une fois le nombre treize, et une fois le nombre quatorze, et ainsi alternativement, que d'avoir chaque fois à remplacer le nombre treize.
Ce troisième chapitre du projet du comité a un second défaut : c'est de nous accabler de sept centvingt assemblées administratives inférieures. J'emploie celte expression parce que, pour peu que ces assemblées tombent en discordance avec leurs assemblées supérieures de département, le corps législatif et le pouvoir exécutif pourront être effectivement accablés de la multitude de leurs réclamations. Si l'Assemblée nationale a jamais à calmer les mécontentements de sept cent vingt sous-département* réclamant à l'enviles secours, les encouragements, les préférences pour les ouvrages publics, je craindrais qu'elle ne pût y suffire.
De plus, j'ose affirmer qu'une administration permanente^ sur six lieues de diamètre, ne peut produire aucun avantage réel, qui, du moins, ne soit surpassé par la dépense ; qu'il ne faut pas une assemblée particulière pour sous-diviser l'impôt à quelques communautés ; qu'un commis suffit pour inspecter des routes sur une étendue de six lieues, etc.
C'est l'édit de création des assemblées provinciales qui a produit le système des assemblées administratives inférieures, dont le comité n'a
fait que changer le nom. L'idée de ces assemblées en sous-ordre pouvait se présenter dans de grandes provinces soumises à une seule administration, en les y appliquant en petit nombre ; mais on ne peut pas invoquer cet exemple, en commençant par diviser les provinces en départements, *et on doit bien moins encore l'imiter avec profusion.
J'oserai, Messieurs, vous citer une sorte d'expérience. Le Dauphiné fut assujetti aux assem-blées provinciales en 1787 ; l'année suivante il secoua le joug et régénéra librement son ancienne constitution ; il usa de sa liberté pour rejeter les administrations inférieures. C'est par les membres mêmes de ses Etats, répandus dans toute la province, après leur séparation, que la commission intermédiaire fait exécuter les décrets des Etats. On a économisé par là des mouvements et ; des dépenses, et l'expérience n'y a fait trouver encore aucun abus.
Je crois donc, Messieurs, qu'il sera de votre pru- -dence d'attendre le vu même des assemblées , provinciales que vous établirez, avant que de leur donner des administrations inférieures.
Formation des municipalités.
Députation d'un membre par l'assemblée primaire, réunion de ces membres dans la commune pour y former un corps municipal commun à toutes les villes, bourgs ou villages de l'arrondissement.
Les administrations municipales sont par essence les agents des villes, bourgs et communautés pour leur police locale et l'administration de leurs propriétés particulières ; pourquoi donc réunir les municipalités de plusieurs villes, bourgs ou communautés sur six lieues carées ? pourquoi éloigner de trois, quatre, cinq ou six lieues, l'administration locale et souvent journalière d'un territoire circonscrit et particulier ? pourquoi exiger plusieurs lieues de chemin d'un laboureur, d'un journalier qui auront affaire à l'administration de leur village? ou propose, il est vrai, d'établir un bureau municipal dans chaque municipalité, sous la dépendance de l'assemblée municipale établie dans l'arrondissement communal ; mais pourquoi ces deux degrés d'admi- , nistration municipale? pourquoi une assemblée municipale dans le chef-lieu de l'arrondissement communal, à côté de l'assemblée administrative communale? pourquoi ne pas confier à cette assemblée le ressort municipal? pourquoi ce double emploi pour les neuf mêmes cantons de la même commune? voilà des questions que je n'ai pas pu résoudre.
Je vois résulter encore de ces divers établisse- . ments des longueurs très-nuisibles dans les affaires, parla multitude des recours; du bureau local municipal à l'assemblée municipale; de , l'assemblée municipale à la communale ; de la 1 communale à la provinciale ; et enfin, de celle-ci, j à l'Assemblée nationale.
Il paraît que le système du comité a pris nais- i sance dans l'ouvrage de M. l'abbé Sieyès, intitulé : Quelques ïdées de Constitution applicables à la ville de Paris. La ville de Paris v est considérée, comme un département, et on divise le royaume en départements. La ville de Paris y est divisé! en districts ; on divise les départements di rovaume en communes ; les districts de Paris sj sous-divisent en quartiers ; on sous-divise le* communes en cantons; il n'y a de changement
que dans les noms ; les communes répondent aux districts, et les cantons aux quartiers ; et comme les assemblées-des quartiers de Paris seront naturellement de cinq à six cents personnes, on propose de former les assemblées primaires du royaume à pareil nombre; et comme la municipalité de Paris descend et se divise dans ses districts, on propose de remonter la municipalité des villes, bourgs et villages des provinces dans les arrondissements, qui, sous le nom de communes, correspondraient aux districts.
Mais je réponds: 1° que l'organisation d'un grand royaume agricole ne peut non plus se former à l'imitation d'une grande ville de richesses et de commerce, qu'une grande cité ne pourrait se former à l'imitation d'un grand peuple agricole ; que les différentes villes, bourgs ou communautés ne peuvent non plus renoncer à leur unité particulière pour se donner une municipalité commune dans leur arrondissement, que Paris ne pourrait renoncer à la sienne pour se donner autant de municipalités particulières que de districts; que si le siège du gouvernement et les besoins du commerce ont rassemblé une multitude immense dans Paris, la nature et les besoins d'agriculture ont séparé les habitants de nos campagnes à de grandes distances ; que si les habitants de Paris peuvent se rassembler à tout instant, sans frais, et presque sans peine, nos laboureurs dispersés ne le pourraient pas sans de grandes pertes de temps, sans des dépenses au-dessus de leurs moyens, et souvent sans des peines au-dessus de leurs forces.
Paris, sans doute, doit être considéré comme une provi nce, parce que sa seule population, indépendamment de ses richesses, met cette ville au pair d'une province effective ; mais, pour cela, il ne faut pas morceler les provinces, sans quoi Paris serait au pair de deux ou trois à la fois.
Paris doit avoir sa municipalité intérieure et locale, organisée sur sa grande population ; mais nos villes de province, dont quelques-unes ont aussi leur importance, nos bourgs, nos villages, qui, comme Paris, ont leur unité particulière, leurs biens, leurs affaires propres, doivent pareillement avoir leur municipalité propre, à la même proximité, avec la même commodité, et surtout avec économie.
Jen'ai point parlé delà fréquence des assemblées primaires pour régénérer les municipalités, les assemblées communales, pour subvenir aux vacances de places,aux transitions d'une assemblée à l'autre, pour nommer des maires et lieutenants de maires, etc., quoique je regarde cette fréquence comme un obstacle constant à la durée de l'édifice, en supposant qu'on vint à bout de l'élever.
SECOND PROJET.
Diviser la France en cent vingt départements égaux en population et en importance.
Etablir deux assemblées dans chaque département ; une d'élection, une d'administration.
Former les assemblées d'élection par un député de chaque ville, bourg, paroisse et communauté, sur cent habitants, en réunissant par rapprochement les communautés qui n'auraient pas le nombre d'habitants nécessaire pour fournir un député électeur.
Réunir ces électeurs dans chaque département, et leur faire nommer neuf députés à l'Assemblée nationale, proportionnellement néanmoins à la population respective de chaque département.
Former enfin l'assemblée administrative du département par un député de chaque ville, bourg ou communauté,sur cinq cents habitants, en réunissant par rapprochement les bourgs et communautés au-dessous de ce nombre.
Ce projet ne contient rien sur les municipalités.
Il est spécieux par sa simplicité; il évite les principaux inconvénients du premier : les assemblées trop nombreuses, et de membres trop séparés les uns des autres ; la complication des mouvements ; la représentation à un degré trop éloigné, etc., mais il en conserve plusieurs :
1° Il conserve celui de la réunion de plusieurs villages, lorsque chacun d'eux ne pourra pas fournir cinq cents habitants pour députera l'assemblée administrative ; sorte de rechute dans les assemblées primaires, facile dans les villes, mais impraticable dans des paroisses éparses.
2° Ce projet prenant uniquement la population pour base de ses divisions, il arrivera, clans un pays dénué de villes, occupé par des bois, des landes, de grandes montagnes, qu'il faudra réunir une grande étendue de territoire pour former un département : ce n'est pas que je n'aie remarqué que l'auteur du projet associe l'importance à la population, mais, le sens de ce mot n'étant pas déterminé, je ne puis pas en faire d'application.
3° Enfin, ce projet a l'inconvénient majeur, selon moi, de diviser, de morceler encore plus les provinces que le premier, de rompre leurs habitudes, de les exposer à de longs débats pour la liquidation de leurs affaires communes, etc.
Je ne vous dirai plus que chaque province doit être au pair de la capitale, avoir une influence, une unité pareille à la sienne; j'embrasse de plus grands intérêts.
Je suppose que, par une fatalité qui n'arrivera pas, sans doute, mais que l'imagination peut se figurer; je suppose, dis-je, qu'une Assemblée nationale vînt à être subjuguée, séduite, séparée; où serait le refuge de la liberté, si ce n'est dans l'unité considérable des provinces ? La capitale pourrait-elle seule faire renaître la liberté de ses cendres? N'est-ce pas l'unité duDauphiné, l'unité de la Bretagne, qui ont déconcerté le despotisme ministériel, qui ont ouvert, qui ont facilité l'établissement cle la liberté publique ?
Votre génie s'emparera de ces idées sans les développer davantage. Je n'ajouterai plus qu'une considération particulière :
Le Dauphiné avait le droit contractuel d'octroyer librement l'impôt ; il s'est librement interdit d'en user, sans en délibérer dans les As semblées nationales.
Des privilèges, des distinctions, sont loin de son patriotisme.
Mais je ne présume point assez de mes pouvoirs, pour croire avoir la faculté de consentir à séparer ma province d'elle-même, et vous m'excuserez sûrement, pour ma sûreté vis-à-vis de mes commettants, de réserver ainsi que je le fais mon consentement particulier.
Je crois donc qu'il faut embrasser d'autres principes.
Le premier est, pour proportionner l'influence réciproque de la capitale et des différentes provinces, de diviser le royaume en grands départements, approchant, autant qu'il sera possible, de l'égalité, en conservant les limites caractérisées des provinces.
Le principe adopté, les membres de l'Assemblée s'assembleront par généralités ; ils peuvent
proieter le ressort ou la limite des assemblées provinciales, pour votre première séance.
La nature, autant que les hommes, a fait Je plus souvent les limites des provinces, comme celles des empires. L'empire français est borné au levant par des montagnes ; au nord, par des places fortes ; obstacles factices, mais îmita-tifs des obstacles naturels ; au couchant, par la mer, etc.
Plusieurs provinces connaissent des causes semblables de limitation : le Dauphiné est borné au levant et au nord par les Alpes; au midi et au couchant, par un grand fleuve. La Provence et d'autres provinces ont pareillement des limites naturelles. Gomment désunir, pour unir ailleurs, des choses dont la nature elle-même a déterminé le rapprochement ? .
Personne ne peut me disputer le principe que les départements doivent avoir une influence égale et réciproque dans les Assemblées nationales ; que l'unité de vues qui pourrait animer les habitants de la capitale pour l'intérêt de leur cité doit être balancé par l'unité de vues des habitants d'une province. .
Gela posé, la capitale ayant une population d environ sept cent mille âmes, j'estime qu'on doit diviser le royaume en trente-six départements; ce qui, donnant à peu près la même population de 700,000 âmes pour terme moyen, égalisera chacun d'eux au département de Paris en les égalisant entre eux.
La natuie et l'expérience des temps ont fait presque tous les frais de cette division. Plusieurs provinces ont précisément une population approchante de celle de la capitale ; et l'ancienne division du gouvernement en 32 généralités a appris que leur territoire n'était pas au-dessus des forces d'une seule administration.
Quelques provinces sont trop étendues ; mais leur administration est actuellement divisée, ou elles en demandent la division. La Normandie est divisée en trois administrations ; la Champagne, dit-on, en demande deux : d'autres provinces peuvent former le même vu, en conservant des moyens de rapprochement pour la liquidation de leurs affaires communes. Ajoutez la ville de Paris, et sa banlieue, pour un département, on arrive sans secousse, presque sans novation, au nombre de trente-six que je propose.
Considérez d'ailleurs les avantages précieux de cette grande division. Vous ne voulez pas sans doute établir quatre-vingts ou cent vingt tribunaux souverains ; le désuvrement et l'ignorance qui suivraient d'aussi petits établissements doivent en dissuader, autant que la dépense et la difficulté de trouver le nombre de sujets nécessaires pour les remplir. Je sais qu'on peut réunir plusieurs départements pour former une cour souveraine; mais alors, par quels départements les candidats seront-ils présentés, si vous rendez les magistratures plus ou moins électives ? où sera le contre-poids municipal des compagnies de justice, qui auront au contraire,dans leurres-sort, plusieurs administrations provinciales?
La félicité humaineest composée de liberté civile et politique, et peut-être plus encore de la première que de la seconde. Tandis que vous veillerez sur celle-ci, ne privez pas les provinces de la faculté de veiller immédiatement à la garde de l'autre.
Et puis vos départements incorporés n'auront-ils pas à payer leurs cours souveraines, leurs autres établissements communs ? Pour régler leurs contributions respectives, il faudra bien
qu'ils communiquent : voilà donc des correspondances nécessaires, qui ramènent à l'unité que je propose. 11 faut déjà, de l'aveu du comité, de ces correspondances, pour liquider les affaires communes actuelles de provinces qu'il propose de diviser : il retombe donc lui-même dans l'inconvénient prétendu de l'esprit de province, et il y retombe avec le danger de le voir illégalement reproduire.
Cessons de parler d'esprit de province ; il n'est pas plus convenable de le supposer, qu'il ne le serait d'en supposer un particulier à la capitale. Cet esprit pourrait naître d'une disproportion d'influence, et c'est nous qui l'aurions fait germer en voulant le détruire.
Voulez-vous remplir le vu des provinces ? laissez-leur l'unité qu'elles ont et qui leur est nécessaire. Ordonnez ce que les Etats de Dauphiné avaient déjà réalisé; ne fixez pas dans les capitales les sessions des assemblées provinciales ; faites-les circuler dans chaque chef-lieu d'arrondissement d'électeurs : par là les déplacements seront réciproques; toutes les parties des provinces seront vues et visitées ; toutes les plaintes seront immédiatement entendues par les ad minisîratiot! s provinciales ; le numéraire q u'elles dépensent sera reversé dans les différentes parties de leurs territoires.
Je crois, Messieurs, que vous combleriez la félicité de la France en étendant cette idée aux sessions de l'Assemblée nationale. Vous verriez tout alternativement par vos yeux, les administrations provinciales, les tribunaux souverains, les universités : tous les grands établissements seraient alternativement soumis à votre censure immédiate; et si quelque esprit particulier venait à germer, vous l'écraseriez par votre présence et le poids de votre patriotisme. Vous vous êtes déclarés inséparables d'un Roi citoyen ; il a pris l'engagement solennel de visiter ses provinces ; vous marcheriez sur ses pas, ou plutôt vous lui ouvririez la voie du bien qu'il veut y faire.
Quel sujet de rivalité pourrait-il rester alors dans aucune partie de l'empire, et qui voudrait vivre ailleurs que sous le climat et le gouvernement français ?
Ne nous le dissimulons pas: le morcellement de la France amènerait, tôt ou tard, la direction de toute l'administration de l'Assemblée nationale, parce que de petites administrations provinciales ne pourront pas embrasser des objets d'une utilité un peu générale, et nos assemblées provinciales deviendraient illusoires.
Je conclus donc : 1° à ce que, pour proportionner l'influence réciproque de chaque province et de la capitale, le royaume soit divisé en trente-six départements d'une population égale, autant qu'il se pourra, en conservant les limites des provinces, et que la ville de Paris, avec la banlieue qui lui sera assignée, soit érigée en département, eu égard à sa population;
2° Qu'il soit établi, dans chaque département, une assemblée administrative provinciale, qui, dans la ville de Paris, pourra se confondre avec, l'assemblée administrative municipale;
3° Qu'il soit sursis à l'établissement d'assemblées administratives inférieures jusques après le premier mois de la prochaine sessiun des assemblées provinciales, pour connaître leur vu sur ce sujet;
4° Que chaque département soit divisé en six arrondissements, aussi égaux qu'il se pourra, pour réunir les députés électeurs, soit à l'Assem-
blée nationale, soit à l'assemblée provinciale (1);
5° Que les membres de l'Assemblée nationale, assemblés par la généralité, soient chargés de », lui présenter incessamment leurs observations sur le territoire qui doit être provisoirement compris dans chaque département et dans chaque arrondissement et sur les chefs-lieux d'arrondissement, et qu'il soit réservé de ne statuer définitivement sur cet objet qu'après avoir entendu les assemblées provinciales ;
6° Que les assemblées provinciales tiennent leurs sessions alternativement, tous les deux ans, dans chaque chef-lieu d'arrondissement ;
7° Que l'Assemblée nationale tienne alternativement les siennes, tous les deux ans, dans chaque chef-lieu de département ;
» 8° Qu'il soit établi une administration municipale purement élective, dans chaque ville, bourg, ? paroisse ou communauté du royaume.
On demande et l'Assemblée ordonne l'impres-v sion et la distribution du discours de M. Pison du Galland.
La suite de la discussion est renvoyée à demain.
annonce que le recensement du scrutin pour les officiers de l'Assemblée n'a produit aucune majorité pour la présidence. MM. l'archevêque d'Aix, Thouret et Emmerv ont partagé les voix, mais d'une manière très-iné-gale.
La majorité a été plus décidée à l'égard des secrétaires : MM. Rabaud de Saint-Etienne, Salo-* mon et le vicomte de Mirabeau ont réuni le plus grand nombre de suffrages.
On s'occupera aujourd'hui d'une nouvelle nomination du président.
» On reprend la discussion concernant l'arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen.
lit une motion rédigée en ces termes :
L'Assemblée nationale, considérant que l'arrêté pris le six de ce mois par la chambre des vacations du parlement de Normandie, et qui lui a été communiqué par les ordres du Roi, est un attentat à la puissance souveraine de la nation ;
« A décrété et décrète : 1° que M. le président ^ se retirera devers le Roi, pour le remercier, au nom de la nation, de la promptitude avec laquelle il a proscrit cet arrêté, et réprimé les écarts de ladite chambre ;
« 2° Que cette pièce sera renvoyée au tribunal auquel elle a attribué provisoirement la connaissance des crimes de lèse-nation, pour le procès être instruit contre les auteurs de l'arrêté, ainsi •> qu'il appartiendra;
« 3° Que pendant cette suspension, les présidiaux de son ressort jugeront définitivement toutes matières civiles,' leur attribuant à cet effet tout pouvoir et juridiction nécessaires ;
« 4° Que les procès déjà jugés par les présidiaux, et portés par appel au parlement de Rouen, seront renvoyés chacun au présidial le plus voisin de celui qui aura prononcé;
« 5° Que tous les procès criminels portés par appel, de suite ou autrement, au
parlement de
Plusieurs membres demandent la division de la motion.
désire qu'on suspende dès ce moment la chambre des vacations de toutes fonctions ; quel'on nomme des commissaires chargés d'aviser aux moyens de la remplacer sur-le-champ, et de pourvoir dans son ressort à l'administration de la justice.
aîné. Si je n'écoutais que les impressions que l'homme et le citoyen ont dû recevoir à la lecture de cet arrêté, je voterais pour les mesures correctionnelles et pénales qu'on vous a proposées, mais je ne prendrais pas conseil de la sensibilité et de l'amour-propre d'un représentant de la nation.... (De violents murmures se font entendre.) Nous avons affaire à un adversaire formaliste ; il faut mettre de notre côté les formes, comme nous avons le fond pour nous. Le Roi a fait, par son arrêté du conseil, ce qu'il devait faire, puisque l'arrêté tend à soulever le peuple contre ses représentants et à jeter le royaume dans l'anarchie en feignant de la craindre ; il le devait encore à son autorité, puisqu'il avait sanctionné le décret qui mettait en vacance les magistrats de Normandie; mais les termes dont le Roi s'est servi sont si dignes de son amour pour ses peuples, qu'il faut délibérer une adresse de remerciements à Sa Majesté. On vous a proposé d'interdire la chambre des vacations ou de la remplacer par d'autres officiers, mais ce serait là un jugement pénal provisoire, que l'Assemblée doit s'interdire ; il suffit de renvoyer au Châtelet, qui ne laissera pas ce crime impuni. v
La chambre des vacations est répréhensible, mais sa faute ne peut tomber sur une province entière : la justice est due à tous, et les peuples ne consentiront jamais à perdre leurs juges naturels. Mes commettants m'ont enjoint de réclamer la conservation et l'inamovibilité des tribunaux de la province, et que leur échiquier soit conservé. Je propose de décréter que M. le président se retirera devers le Roi, pour le remercier de la célérité qu'il a mise à casser l'arrêté de la chambre des vacations, à cause de l'attentat qu'elle a commis contre l'Assemblée nationale, et que sur le surplus on déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
Messieurs, après avoir lu le décret de l'Assemblée du 3 de ce mois, qui porte que toutes cours et tribunaux, même en vacation, seront tenus de transcrire sur les registres les lois qui leur seront envoyées, sous peine d'être poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions et coupables de forfaiture, la chambre des vacations a bien inscrit sur les registres le décret du 3 novembre, mais il est difficile de reconnaître son obéissance dans les termes qu'elle a employés ; on y reconnaît plutôt tous les caractères de la forfaiture. C'est en rappelant aux peuples du royaume les chagrins du meilleur des rois, que nous aurions voulu lui épargner au prix de notre sang, que cette chambre a voulu consacrer cette résistance, qu'elle se permet de regarder comme fondée... On vous a dit que le tribunal du Châtelet ne pou-
vait pas juger les membres du parlement; mais ce tribunal n'est-il pas actuellement chargé de connaître des crimes d3 lèse-nation? et ce tribunal a mérité ]a confiance générale. Si vous craignez de renvoyer un parlement au Châtelet, il y a dans ce préjugé une arrière-pensée d'aristocratie....
On a proposé de nommer des commissaires de . 'Assemblée pour suivre cette affaire ; cette mesure est raisonnable, elle n'indique pas que nous ayons, condamné la chambre des vacations, nous ne faisons à son égard que ce qui se pratique en Angleterre. Dans la législature anglaise la Chambre des communes juge s'il y a lieu à l'accusation.
Ce jugement n'existe pas en quelque manière pour l'accusé, il n'existe que pour la chambre, et ce premier jugement est précédé d'un grand examen et suivi de l'accusation. Ici vous avez un motif d'accusation fondé sur un fait public et dont l'accusé convient ; il vous est dénoncé par un acte du pouvoir exécutif. Vous pouvez donc accuser et nommer des commissaires à l'accusation; l'Assemblée nationale, après avoir détruit les ordres, ne doit pas redouter les corporations. Le procès nous apprendra, ce qu'il importe de savoir, si ce sont ici des membres de la chambre des vacations qui ont seuls agi, ou s'il existe encore un ensemble de résistance.
appuie l'opinion de M. de Clèr* mont-Tonnerre.
Un autre membre dit que, le pouvoir exécutif ayant, prononcé, l'Assemblée n'a plus rien à faire; il cite Montesquieu, lorsqu'il dit que rien ne prouve plus le despotisme que la multiplicité des accusations de lèse-majesté. Il faut, a-t-il ajouté, ne plus parler de crime de lèse-nation, que vous ne l'ayez défini ; remerciez le Roi, et déclarez n'y avoir lieu à délibérer.
En qualité de
Président du parlement de Normandie, et même e président de la cbambre des vacations, je ne me présente qu'avec beaucoup de timidité.... (Les marques d'approbation de l'Assemblée encouragent l'orateur.) Je sais que l'esprit de corps doit céder à l'esprit public; mais les métamorphoses subites sont bien difficiles. Quoique président, je n'ai participé en aucune manière à l'arrêté ; je ne i'ai même connu que lorsqu'il a été envoyé à M. le garde des sceaux. J'ai entendu proposer plusieurs partis violents, mais.aucune inculpation raisonnée; ici point de délit constaté, et je ne puis concevoir comment on peut proposer des peines. La chambre a obéi aux décrets de l'Assemblée ; un témoignage de dévouement au Roi, témoignage peut-être indiscret, peut contenir des erreurs, mais le corps du délit ne se trouve pas dans les expressions insolentes. Je ne veux point faire la guerre aux mots ; je ne suis ici que suppliant.
Je vous prie de jeter vos regards sur ces corps antiques ; ils ont vu un torrent d'esprit public se transporter au delà des bornes que votre sagesse voulait lui prescrire; c'est au milieu de ces désordres qu'ils ont vus, au milieu de l'étour-dissement universel, si j'ose le dire, qu'ils ont fait entendre leurs plaintes. N'y a-t-il pas de la cruauté à ne pas souffrir un crfde plainte à celui qui souffre? Les magistrats que vous poursuivez ne doivent-ils pas être accablés de chagrin quand ils perdent leur état et leur existence? C'est leur opinion et non leur désobéissance que vous allez
punir. Des magistrats livrés à la fureur du peuple, fugitifs, expatriés, séparés de leurs familles désolées.... (Aces mots l'orateur verse des larmes; son émotion se communique à tous les auditeurs, et des applaudissements réitérés lui prouvent les impressions favorables que sa sensibilité vient de produire sur l'Assemblée.) Il m'est pardonnable de défendre mes confrères, avec lesquels j'ai vécu, et dont je dois partager les malheurs.
Je vous supplie, Messieurs, de considérer dans quel abîme vous allez plonger ces magistrats ; je ne résume pas mon opinion, vous me permettrez de n'en point avoir dans une affaire qui m'est presque personnelle.
Il n'y a rien à ajouter à ce qu'a dit le préopinant en faveur des magistrats de Normandie. Il a rempli avec une sensibilité rare un devoir sacré ; mais j'ose dire qu'il a laissé la question de côté.
Si l'on considère ce discours sous le rapport de l'humanité, il n'y a pas un mot à répondre ; mais si l'on veut le regarder comme une justilication du parlement, il est facile de faire disparaître tous les moyens dontil est étayé. Le corps du délit est évident dans les principes anti-constitutionnels sur l'enregistrement; les réserves qui l'accompagnent et les qualifications qui y sont jointes forment un corps de délit constant, qui "entraînent à forfaiture ; il ne reste que la forme dans laquelle il doit être poursuivi; il me semble que ce délit est un crime de lèse-nation, pour la poursuite duquel il faut renvoyer devant le tribunal compétent, et nommer des commissaires.
observe que la charbbre des vacations ne peut enregistrer que provisoirement, et que ces mots, sans tirer à conséquence, ne peuvent pas la rendre plus coupable; il a ajouté que la chambre n'avait fait ni imprimer, ni afficher, ni envoyé au bailliage de son ressort l'arrêté du 6.
Un député de Nevers propose un décret portant que l'arrêté sera rayé des registres, et le Roi supplié d'envoyer des commissaires pour assister à la radiation, et que la chambre des vacations sera tenue d'enregistrer, à peine de forfaiture.
On demande aussitôt de mettre aux voix la division, l'ajournement et la question préalable.
appuie la division.
prouve qu'elle ne peut être accordée; il dit seulement que le parlement de Normandie ne peut être puni pour uii délit particulier à la chambre des vacations, et qu'ainsi il suffisait de demander que le Roi nommât une autre chambre de vacations parmi les autres membres du parlement.
Voici ma motion :
« Que le Roi sera supplié de nommer une autre chambre des vacations, prise parmi les autres membres du parlement de Rouen, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions que la précédente, laquelle enregistrera purement et simplement le décret du 3 novembre. »
On demande de nouveau la division des articles.
La division est accordée.
Les trois articles de la motion de M. Target amendée sont successivement mis aux voix et décrétés en ces termes :
« L'Assemblée nationale,considérant que l'arrêté pris le six de ce mois par la chambre des vacations du parlement de Normandie, et qui lui a été communiqué par les ordres du Roi, est un attentat à la puissance souveraine de la nation, a décrété et décrète :
« 1° Que M. le président se retirera devers le Roi pour Je remercier, au nom de la nation, de la promptitude avec laquelle il a proscrit cet arrêté, et réprimé les écarts de ladite Chambre ;
« 2° Que celte pièce sera envoyée au tribunal auquel l'Assemblée a attribué provisoirement la connaissance des crimes de lèse-nation, pour le procès être instruit contre les auteurs de l'arrêté, ainsi qu'il appartiendra ;
« 3° Que le Roi sera supplié de nommer une autrechambredes vacations, prise parmi les autres membres du parlement de Rouen, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions que la précédente, laquelle enregistrera purement et simplement le décret du 3 novembre, présent mois. »
, attendu l'heure, a renvoyé à demain matin le nouveau scrutin pour l'élection d'un président, a levé la séance, et l'a remise à demain, à l'heure ordinaire.
Séance du
Un de MM. les secrétaires a fait lecture des adresses ci-après:
Adresse de M. Desbois de Rochefort, curé de Saint-Andrédes-Arcs, où il demande: 1° la suppression de toute espèce de casuel ecclésiastique ; 2Ô qu'à l'avenir aucune sépulture ne soit faite dans l'enceinte des villes, et notamment dans celle de Paris ; 3° que dans la capitale il soit fait incessamment une nouvelle distribution des paroisses, et qu'une paroisse soit composée de 20,000 individus ; 4° que dans cette nouvelle distribution des paroisses, on affecte à celles qu'il sera jugé nécessaire d'établir les églises et les bâtiments des communautés religieuses ; 5° enfin, que les revenus destinés aux curés et vicaires de chaque paroisse soient pris sur le séquestre de l'abbaye de Saint-Uermain-des-Prés. des biens des Célestins et autres.
Adresse des citoyens de la commune de Paray en Charolais, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale; ils t'ont le serment de se réunir à tous les bons Français pour voler au secours de l'Etat en danger, dénoncent d'avance comme traîtres à la patrie tous ceux qui oseraient convoquer les états de Bourgogne avant la forme décrétée par l'Assemblée, et protestent contre tout ce qui pourrait y être traité, comme attentatoire à la liberté publique.
Délibération de la communauté des Carmes déchaussés de la ville de Toulon, par laquelle ils offrent à la nation tous leurs biens, s'abandon-nant à la sagesse et à la justice de l'Assemblée pour pourvoir à leur subsistance.
Délibération des officiers municipaux de la
ville de Houdan, qui proposent à l'Assemblée nationale de payer dans le délai d'un mois, à compter du jour de la réponse qui leur sera faite, le montant des impositions extraordinaires de cette année, moyennant une remise proportionnée.
Délibérations des communautés de Seby, d'Ar-bomatre et d'Amont, sénéchaussée de Saint-Sever en Guyenne, par lesquelles elles adhèrent avec une respectueuse reconnaissance aux arrêtés du 4 août dernier, et notamment à l'article qui contient le sacrifice de tous privilèges particuliers des provinces, corps et communautés.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Courtenay, contenant félicitations,remerciements, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale.
Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville d'Orgelet en Franche-Comté, par laquelle ils adhèrent avec transport au décret de l'Assemblée concernant la contribution patriotique du quart des revenus, et déclarent qu'ils sont disposés à toutes sortes de sacrifices pour assurer la tranquillité des représentants de la nation, le salut de l'Etat, et la gloire du monarque.
Délibération du comité permanent de la ville de Narbonne, par laquelle il dénonce à l'Assemblée nationalel'imprimé intitulé: Déclaration de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, comme séditieux et attentatoire à l'autorité de l'Assemblée nationale. Il déclare adhérer, au nom de la commune de cette ville, à la renonciation de ses privilèges particuliers, aux vues déjà manifestées dans l'Assemblée sur la division des provinces, et se dévouer absolument pour l'exécution de ses décrets sanctionnés par le Roi.
Adresse des religieuses du prieuré de la Colombe, transféré en l'abbaye de l'Etrées, au diocèse d'Evreux, qui réclament avec instance leur conservation : les curés, syndics et principaux habitants des lieux et paroisses voisines, font la même supplication. Ils attestent que de tout temps les pauvres ont trouvé dans le couvent de l'Etrées des secours de tout genre, en santé comme en maladie, et qu'il est pour toute la province une maison d'édification, d'austérité, et de la plus parfaite concorde.
Délibération du conseil permanent de la ville de Fiorac en Cévennes, contenant la plus parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus ; il exprime la plus vive satisfaction sur le séjour du Roi et de l'Assemblée nationale dans la capitale.
Après la lecture des adresses, il a été observé qu'il était infiniment urgent d'organisé les municipalités dans le plus court délai -, en conséquence, il a été demandé que l'Assemblée tînt une seconde séance, tons les soirs, depuis 8 heures jusqu'à 10.
La discussion de cet objet a été renvoyée à lundi prochain.
Un membre de la députation d'Alsace a rendu compte des poursuites exercées par le prévôt de la maréchaussée deHàguenau, notamment contre plusieurs membres de là municipalité de ce lieu.
Il a ajouté que trois particuliers avaient été constitués prisonniers, et que leur procès s'instruisait avec la plus grande vivacité.
L'Assemblée, d'après les motifs qui lui ont été exposés, a décrété qu'il serait demandé un sursis au Roi ; elle a ordonné en même temps que copie entière de la procédure serait envoyée au comité des recherches.
M Wartel a demandé qu'on lui accordât un
passe-port illimité, au moyen de ce que son suppléant était présent. Il a été décrété que le passeport ne serait accordé qu'après la vérification des pouvoirs du suppléant.
a dit ensuite qu'il avait mis sous les yeux du Roi Je décret rendu la veille, relativement à la chambre des vacations du parlement de Rouen ; que Sa Majesté, satisfaite des remerciements contenus dans la première partie de ce décret, avait promis de prendre en considération la demande de l'Assemblée nationale, relative à la formation d'une nouvelle chambre des vacations, composée d'autres magistrats du même parlement.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet concernant la division du royaume en départements.
(1). Messieurs, après avoir entendu une discussion longue, où chacun s'est occupé d'une partie d'un plan qui a quelque étendue, et s'est moins attaché à répondre au préopinant qu'à établir son propre système, l'esprit est souvent plus embarrassé qu'éclairé ; on se représente tout à la fois une foule d'avantages et d'inconvénients; on se retrace une multitude d'objections et de réponses ; on perd l'idée de l'ensemble, et l'on s'éloigne de la décision plus qu'on ne s'en rapproche. C'est alors que se fait sentir le besoin d'un résumé, et surtout d'une comparaison des différents projets, considérés sous toutes leurs faces, pour se recomposer à soi-même des principes qui puissent nous fixer. Je viens donc moins ici pour défendre le plan de votre comité que pour vous mettre à portée de l'apprécier, en le plaçant sous vos regards à côté de tous les autres.
Une première idée qui me saisit, et qui certainement doit vous frapper, c'est que les difficultés qui sont communes à tous les systèmes de division du royaume ne peuvent être alléguées contre aucun, et ne présentent pas de motifs pour se déterminer.
Je m'explique.
Presque personne, ce me semble, n'a cru pouvoir vous proposer de laisser le royaume dans l'état actuel de ses divisions par provinces, et de donner, par exemple, une seule administration supérieure à toute la Champagne, une seule à toute la Lorraine, et une administration pareille au pays d'Aunis ou aux Quatre-Vallées. Nous nous accordons tous à sentir la nécessité d'une division nouvelle.
Si l'on voulait suivre les divisions actuellement subsistantes, pourquoi prendrait-on pour règle les provinces, et non pas les généralités, qui etaient des départements administratifs ? Nous placerions alors une seule administration en Poitou, une seule en Guyenne, une seule en Bourgogne;, et trois en Normandie ; et le Roussillon et l'Aunis, avec la Saintonge et le Berry, en auraient une toute semblable. Nous comprenons encore que cela ne peut pas être; un tel plan serait de l'inégalité la plus vicieuse.
Nous ne nous trouverions pas mieux si nous voulions adopter la circonscription des gouvernements ou celle des diocèses, ou celle des bailliages et juridictions.
Il faut donc créer un nouvel ordre, puisque au-
Cela posé, je vous prie d'observer qu'un des honorables membres propose d'abord 203 divi- . sions, ensuite 125 ; qu'un autre vous en conseille 120, un autre 70, un autre 80, plus ou moins ; un autre en demande 40. M. Pison du Galand en demande 36 ; je crois que le Dauphiné serait dans son plan à peu près le 36" du royaume. Le nombre 80 est celui que votre comité a trouvé le plus raisonnable. Je vous prie encore de remarquer qu'aucun de ces nombres ne s'accorde ni avec 35 provinces, ni avec 33 généralités, ni avec 175 grands bailliages, ni avec 13 parlements, ni avec 38 gouvernements, ni avec 142 diocèses.
S'il est avoué qu'une répartition nouvelle est indispensable, il faut écarter, dès le commencement, les objections qu'on tire de l'inconvénient de subdiviser les provinces : car, dans tous les systèmes, elles seront subdivisées.
Je crois que je répondrai raisonnablement à ces inconvénients. En ce moment il suffit que, tout le monde apportant un plan de subdivision, personne n'ait le droit de dire qu'on ne doit pas subdiviser.
Est-ce arbitrairement que votre comité croit que la division en 80 parties est la meilleure? Et quand je dis 80 parties, je crois n'avoir pas besoin de répéter ce qu'on vous a déjà fait observer tant de fois, et ce que le tracé de la carte vous a démontré, qu'il ne s'agit pas de cette absurde idée, que des personnes nous ont prêtée, de tirer sur ia France des lignes bien droites qui la partagent en carrés géométriques. On ne le croit plus ; et cependant quelques opinants ont apporté dans leurs discours des restes de cette idée, parce que l'esprit, une fois frappé, a peine à cesser de l'être, et qu'il est commode de pouvoir avec le mot d'échiquier jeter du ridicule sur un projet dont on ne veut pas.
Cette division en 80 parties est-elle donc arbitraire? Non, Messieurs, elle n'est pas arbitraire de la part de votre comité, quoiqu'il ne puisse pas être rigoureusement démontré qu'elle soit la seule qu'on doive admettre. Voici ce que nous ayons voulu : c'est que de tous les points d'un département, on puisse arriver au centre de l'administration en une journée de voyage. Or, tel est l'avantage que cette division nous procure le plus généralement. Nous avons calculé que si la ligure clu département pouvait être régulière, la demi-diagonale jusqu'au centre serait de onze à douze lieues. Si l'on m'oppose les départements qui seront plus longs que larges, les départements dont le chef-lieu ne sera pas au centre, je répondrai que, pour juger d'une vue politique, il s'agit de savoir, non si son exécution est infail- -lible, mais si le plus souvent elle est utile, et si le grand nombre y trouve sa commodité ou son bonheur. Il est commun à tous les systèmes d'administration, que les règles soient heurtées par , les circonstances ; et cependant tous les systèmes d'administration doivent poser sur des règles. Tel citoyen ne jouira pas du bien qu'on a voulu lui faire ; mais la masse des citoyens en sera plus heureuse, et chacun sait que c'est là le seul succès auquel il soit permis d'aspirer.
Ici s'élève une grande opposition entre les différents projets de partage.
Plusieurs des préopinants veulent que les di- * visions qu'ils proposent soient réglées, non sur l'étendue du territoire, mais sur celle delà population.
Plusieurs autres, en proposant plus ou moins
de divisions que votre comité, les attachent comme lui à l'espace.
Les premiers s'élèvent à des vues de droit public qui ne leur seront certainement pas contestées. Les constitutions sont établies pour les hommes, efnon pas pour les choses ; l'homme seul est l'objet des lois ; c'est à lui que tout se rapporte : il faut donc régler les divisions de l'empire sur le nombre des hommes. Le principe est certain; mais la conséquence l'est-elle? Si les membres qui ont présenté ces idées justes avaient à combattre un système dans lequel l'homme ne fût compté pour rien, et l'espace pour tout, il me paraît douteux encore qu'il fallût régler les arrondissements sur la population ; et voici mes raisons r
Il y a deux manières de donner à la population toute l'iufluence politique : l'une, d'avoir des espaces inégaux, également peuplés, qui exerceront la même influence ; l'autre, d'avoir des espaces égaux, inégalement peuplés, qui influeront d'une manière inégale.
Laquelle des deux méthodes est préférable?
Les divisions, une fois établies, doivent avoir de la fixité, sans quoi il faudrait de temps en temps décomposer çt recomposer le royaume, ce qui serait une source de troubles, de difficultés et de désordres. Un grand mouvement est aujourd'hui nécessaire : on ne doit pas l'économiser cette première fois ; mais, la Constitution une fois faite, c'est le repos qu'il faut obtenir.
Ceux qui pensent qu'à l'élément de la population doit se joindre celui des richesses, des productions, de l'industrie, prépareraient encore plus de mobilité dans les départements, s'ils voulaient que chacun représentât une combinaison égale de tous ces éléments réunis ; les proportions se détruiraient sans cesse, ou sans cesse il faudrait y retoucher. La population varie, l'industrie s'accroît ou diminue, la culture et les produits prospèrent ou dépérissent, des manufactures s'établissent ou disparaissent, un commerce s'étend ou se resserre. Toutes ces causes de richesses sont dans une agitation perpétuelle. Fondez vos divisions sur ces bases mobiles, vous ne l'aurez fait sans doute que parce que la représentation politique doit s'y proportionner ; mais si elle le doit aujourd'hui, elle le devra dans dix-ans et vous n'aurez que deux manières de la rapprocher de ses principes : ce sera d'induire l'inégalité" de représentation dans vos premiers départements, ou d'en faire de nouveaux ; les renouveler d'époque en époque,on en sent les inconvénients intolérables ; changer le nombre des représentants dans chaque division,ce sera précisément le plan dont quelques personnes ne veulent pas, et auquel pourtant il faudra revenir.
L'un des principaux raisonnements qu'on oppose à l'égalité des espaces, c'est qu'ils sont trèsrinégalement riches, fertiles et peuplés. Ce raisonnement, je le rétorque : si l'on donne aux divisions les moins favorisées une telle étendue qu'elles comprennent le même nombre de citoyens, dans les pays frappés de stérilité elles seront immenses ; mais l'objet de nos travaux et de notre espoir, c'est que les pays stériles s'amélioreront, et que la richesse, l'industrie, le bonheur y pénétreront sous le régime de la liberté et des" encouragements : si nos vux sont satisfaits, en peu de temps nos divisions ne vaudront plus rien, et il faudra les refaire.
J'ajouterai que nous nous exposerions, en suivant ce système, à mettre sous une administration commune des hommes qui ne pourraient pas
se rapprocher. En Flandre, 200,000 hommes, à 1,500 par lieue carrée, ne couvriraient que 133 lieues; c'est un canton de onze sur onze. Dans les Landes, à 75 hommes par lieue carrée, il faudrait une espèce de royaume, un territoire de 2,700 lieues, le dixième de la France, pour rassembler 200,000 habitants ; ce serait 52 lieues sur 52 que nous subordonnerions au même régime ; il serait absolument impraticable : tout lien serait impossible entre des hommes ainsi éparssur la surface des déserts, et la langueur de la nature y demeurerait invincible.
Comparez à ceplan celui qui sépare laFranceen départements dè 18 à 20 lieues sur 18 à 20 ; l'espace restant toujours le même, vous n'aurez point à corriger votre ouvrage d'époque en époque. Un pays deviendra moins fertile et moinspeup!é,ilenverra moins de représentants ; un autre deviendra plus riche, plus habile, il en enverra davantage : l'administration ne changera pas. L'un de nos départements aura 600,000 hommes, un autre 30 ; qu'importe, si le rapport de leur influence dans l'administration générale est soumis à ces propositions ? n'avez-vous pas tout à gagner, d'un côté, dès que le principe est conservé, sans bouleverser le royaume, et tout à perdre de l'autre, si vous 11e pouvez rentrer dans le principe qu'en détruisant et refaisant sans cesse, ou si, pour éviter ce mal, vous éprouvez la nécessité de joindre l'inégalité de la représentation à l'inégalité du territoire ?
Je dirai, surtout, que plus un pays est pauvre, plus il faut pourvoir aux moyens de le seconder. On a demandé pourquoi votre comité accorde également 54 hommes choisis pour l'administration d'un département riche et pour celle d'un département infertile.C'est pour cela même: le premier ades affaires qui consistent à se maintenir ; dans le second, les hommes aussi ont des affaires, et sûrement plus d'affaires ; elles consistent à se créer, à s'améliorer, à se multiplier, à s'enrichir, à enrichir le royaume du fruit de leurs succès. 11 n'a tenu qu'à une semblable institution que les Landes fussent cultivées sans appeler les Maures, que la craie de la Champagne, nu moins dans sa vaste circonférence, se couvrît de manufactures et d'hommes, dont l'industrie payerait les productions qu'ils n'ont pas.
On nous oppose qu'il y aura des cantons, même des communes, qui n'auront pas une ville, pas un bourg, pas un village. Je crois cette assertion fort exagérée ; car, enfin les Landes, que j'ai parcourues ont des habitants ; mais je réponds que dans l'espace qui n'aura pas un homme, il n'y aura pas de députés, que ce sera là une exception, et qu'une exception n'est pas même une objection contre la règle. Je réponds qu'il n'y a point de système de division qui ait l'effet magique de peupler les déserts, que c'est là l'effet justement espéré d'une bonne administration ; que pour l'établir, il faut que les citoyens actifs dans une surface de quatre lieues, ne fussent-ils que 30, 40 ou 50, puissent concourir par l'un d'entre eux au choix des administrateurs publics : qui pourrait se plaindre que les habitants des Landes de Bordeaux, de ce terrain immense qui esta créer, eussent huit ou neuf représentants à l'Assemblée nationale ?
Pourquoi, dit-on, le comité attribue-t-il dans tous les départements les plus arides, comme dans le plus féconds, une partie fixe des représentants au territoire "? C'est pour cela même : c'est qu'il faut que la voix du pauvre soit entendue dans
les assemblées de la nation ; c'est que la naîion lui doit plus de soins qu'à l'homme heureux ; c'est que les plans d'amélioration doivent s'étendre dans son désert; c'est que la population des hommes laborieux ne doit pas en être repoussée par la crainte d'y jouir à peine des droits de citoyen. Le vrai principe de la représentation est sans doute le nombre des hommes ; mais tout principe utile est un principe vrai, et il est utile que tout pavs de 3 ou 400 lieues soit représenté : s'il est peuplé, il le sera davantage, et cela doit ê!re ; s'il ne l'est pas, il faut qu'il le soit moins, mais il faut qu'il le soit encore, à cause de sa misère et de ses besoins. Que craint-on ? L'excès de son influence ? il ne vient demander que des secours. La violation du principe ? Prenons garde que les Etats ne se gouvernent pas sans règle, mais que la métaphysique des règles doit y être tempérée par la morale et par l'utilité publique: c'est ce que votre comité a cru faire, en accordant le tiers de la représentation à l'étendue du territoire, et deux tiers au nombre des hommes et à leur contribution publique.
S'il est vrai que la contribution bien réglée, dans un Etat libre, soit l'image de la richesse, et que la population soit aussi la mesure de la richesse, il n'y a aucun inconvénient à donner une double base" à celte partie de la représentation, puisque ce sont deux éléments qui, sortant de la même cause, en attestent d'autant mieux la présence.
On dit que tenir compte de la contribution, c'est favoriser l'aristocratie des riches : je ne le crois pas, car il faudrait ne tenir compte de rien, pas même de la population, qu'on sait être le signe le plus certain de l'opulence d'un pays. Ce n'est pas le canton fertile qu'il faut craindre, c'est l'association etl'influencedes hommes riches. Aux particuliers opulents nulle préférence, aux pays abondants et peuplés une plus grande représentation, aux pays pauvres et déserts une représentation moindre, mais certaine et fixe : si votre comité n'a pas fait tout cela dans son plan, il a échoué, car c'était là son objet.
On demande comment on pourra connaître les accroissements ou décroissements de la population et des contributions; votre comité l'a dit dans ses rapports : par le nombre des citoyens actifs de chaque canton, par le nombre des députés qu'ils enverront aux assemblées des communes; et voilà pourquoi, dans ce premier degré, nous n'avons eu égard qu'à la seule population ; par les états de répartition des impôts qui seront faits dans les assemblées de département, rien ne sera plus facile. Au reste, n'est-il pas évident, comme je l'ai dit, qu'aucune objection n'est bonne si elle frappe sur tous les systèmes? Je demanderai donc comment on connaîtra la population, la richesse et l'industrie d'un canton, pour régler là-dessus les premieres divisions ; comment on en connaîtra les variations, pour rectifier* ensuite, d'une manière quelconque, les inégalités qui peuvent s'introduire.
Quelques préopinants ont trouvé que le plan du comité est trop compliqué : une assemblée de département, neuf assemblées communales, et dans chacune neuf cantons. Commençons par retrancher ce mot de cantons; ce ne sont point, eu effet, des administrations inférieures : ce ne sont que des espaces de quatre lieues carrées, où les citoyens actifs se rassembleront tous les deux ans, pour choisir la moitié de leurs administrateurs et les électeurs chargés de nommer les représentants de la nation. Voyons ensuite si ce
qu'on appelle la complication est moins grande dans les autres projets. Ceux qui regrettent la division par provinces avouent qu'il faut des administrations secondaires, et puis ils placent sous celles-ci autant de municipalités organisées qu'il y a de villes, de bourgs et de villages. Les degrés sont-ils en moins grand nombre, et ce plan est-il plus simple ? Tous ceux qui veulent 80, 70, 40 divisions admettent des administrations subordonnées : dans cette ébauche d'assemblées provinciales, en 1187, chaque élection avait la sienne ; eh ! peut-on en effet s'en passer? L'un des honorables membres a cru qu'en étendant les divisions à 120, l'administration supérieure pourrait arriver, sans intermédiaire, jusqu'aux plus chétives municipalités des villages : je dirai un mot dans un moment sur la vraie nature des municipalités ; mais supposons qu'elles puissent être des éléments de l'administration générale, je ne pense pas qu'il soit possible de confier la régie de 216 lieues carrées dans les bons pays, du double dans les provinces pauvres, de dix fois autant dans les pays déserts (car voilà son système dans toute son étendue), je ne crois pas, dis-je, qu'on puisse confier toutes les particularités de cette régie à une seule assemblée de 72 hommes: on n'opère utilement que sur ce qu'on connaît bien ; l'affection de canton est nécessaire, lorsqu'il s'agit d'arriver jusqu'aux der-niersdéta.ls ; on ne peut pas exiger que des citoyens administrateurs fassent le sacrifice entier de leur temps, pendant plusieurs années; il ne faut pas que les assemblées supérieures soient obligées d'employer des commis gagés,des agents, des espèces de subdélégués ; il ne faut pas que le pauvre ait dix, quinze et vingt lieues à parcourir pour parler aux administrateurs ; il faut qu'à chaque affaire, il les trouve en quelque sorte sous sa main ; il faut que ses plaintes soient entendues promptement, qu'il aille, obtienne justice revienne en un jour: cela tient plus qu'on ne pense au bonheur de l'humanité. Enfin, les administrations sont des écoles de patriotisme et de droit public; il faut les multiplier, si vous voulez répandre l'esprit de liberté, inspirer l'amour delà Constitution et préparer à la nation de dignes représentants.
Mais les frais! nous dit-on ; remarquez que sur 54 administrateurs, dans les assemblées supérieures, il y en a 44 à qui votre comité ne demande qu'un mois par année ; que sur 27 dans les assemblées secondaires, il ne demande pareillement qu'un mois à 21. Nous serions bien malheureux si, après la Constitution faite et la libel lé établie, l'esprit d'intérêt était encore assez vif pour ne pouvoir pas trouver en France quelques hommes qui s'honorassent de donner un mois par an au bien public, pendant quatre années de leur vie.
Il faut donc des administrations intermédiaires, elles sont indispensables ; et dèslors, je nevois dans le plan du comité aucune complication qui ne se retrouve dans les autres, ou plutôt il n'y en a pas ; notre erreur vient de ce que l'imagination, enveloppant la France entière, s'embarrasse dans ce grand nombre d'assemblées, et nous ne pensons pas que dans chaque département elles s'organiseront toutes à la fois avec la plus grande simplicité, et que partout on opérera sans s'occuper de ce qui se passe ailleurs.
M. de Puyvallée a fait beaucoup d'objections; il me semble qu'il est facile de les résoudre.
Le comité a dit que les assemblées primaires de chaque canton choisiront un député sur 200 ci-
toyens actifs, pour former l'assemblée des électeurs dans les communes. M. de Puyvallée en conclut que les assemblées primaires qui n'auront pas 200 citoyens actifs ne seront aucunement représentées: c'est une erreur qui peut venir de ce que le comité ne s'est pas assez expliqué : il n'avait pas prévu qu'on lui supposerait une intention aussi contraire à ses principes. Toute assemblée primaire, quelque peu nombreuse qu'elle puisse être, nommera un député ; mais comme le nombre de ces assemblées est à peu près de 600 citoyens actifs, c'est en envisageant ce nombre que' celui des députés a été déterminé à un par deux cents.
Les citoyens domiciliés dans une ville, qui payeront une imposition directe dans les campagnes, jouiront au lieu de leur domicile, en rapportant la preuve de la contribution qu'ils payent ailleurs, de tous les droits de citoyen actif. Cette seconde erreur ne peut pas être imputée au comité ; car son rapport est très-clair.
M. de Puyvallée dit que chaque commune, plus ou moins peuplée, doit avoir un nombre égal de représentants, sans quoi elle sera évidemment opprimée.Pour cela, je ne l'entends pas, et d'autant moins que M. de Puyvallée incline pour une représentation proportionnelle à la population .
Il faut avouer que le comité aurait peine à sortir d'embarras si, lorsqu'il accorde une représentation au territoire, on le ramène à la population seul"e et si, lorsqu'il a égard à la population, on lui demande une représentation égale, sans rapport au nombre de citoyens.
Le même membre dit que, dans le plan du comité, la tranquillité publique est en péril; car les ressorts municipalisés sont indépendants : ils le sont du pouvoir législatif, sans quoi il y aurait confusion de pouvoirs ; ils le sont de la puissance executive, puisque, disposant d'une force armée nationale, ils ne peuvent être réprimés par la force militaire, qui ne peut agir que sur la réquisition des officiers municipaux. Ceci sort de la question ; car il y a un décret de l'Assemblée qui ordonne qu'on traitera de la division du royaume avant de s'occuper des municipalités ; mais je crois qu'il est bon d'en dire un mot, parce que certainement il y a du malentendu sur cet objet ; et j'ai toujours remarqué que les nuages dont les têtes sont offusquées, même sur un point étranger, mais voisin, nuisent secrètement à la partie qu'on traite.
Dans l'esprit de votre comité, et je le crois juste, les municipalités sont une chose à part de l'administration générale du royaume ; elles n'en sont pas même une portion subordonnée: voici comment nous les concevons. Chaque famille a sa maison; le père, l'époux y régnent; et, pourvu qu'il n'y blesse pas les lois publiques, l'administration domestique est son domaine : sous ce point de vue, chaque maison est un petit Etat dans l'empire et forme un tout séparé qui existe par lui-même. Les municipalités sont du même genre ; ce qui est de leur ressort, c'est tout ce qui appartient aux sociétés particulières des villes, des bourgs, des villages, tout ce qui n'a pas été mis en niasse commune, tout ce qui peut s'administrer à part, sanâ embarrasser l'action de la machine politique.
Ainsi, les biens des communes, les rues et les travaux publics qu'elles font avec leurs deniers pour leur propre usage, les établissements qui leur sont destinés particulièrement, la police de détail, les soins qu'elles se donnent pour la sa-
lubrité, c'est à cela que se borne leur administration. Elles ne peuvent requérir de la force armée des citoyens" que ce qu'il leur en faut pour atteindre au but de cette administration particulière. Tout ce qui excède ces bornes rentre sous l'empire du gouvernement. Les émeutes populaires, le droit de commander aux troupes nationales, la sûreté générale, les grands chemins, les canaux, la subsistance des peuples, l'encouragement du commerce et de la culture, l'éducation et l'instruction publiques , les ateliers de travaux, la répartition, la perception des impôts, les caisses provinciales, forment le département des administrations politiques.
Purs agents, sous presque tous ces rapports , du pouvoir exécutif suprême, elles se servent des municipalités pour l'assiette et la répartition des impôts entre les individus; elles les emploient, en qualité de communes, pour l'exécution du détail des différentes parties d'administration générale ; et, sous ce point de vue, elles sont subordonnées aux assemblées de département et aux assemblées communales : dans leurs limites, ces municipalités ont pleinement le gouvernement domestique et intérieur de leurs affaires.
Cependant les villes, bourgs et villages n'ont jamais eu de gouvernement sans une inspection supérieure : pour vendre, pour acquérir, pour couper leurs bois, pour plaider, pour faire usage de la force, pour régir leurs actions, il fallait qu'elles fussent autorisées; et c'était un intendant qui les tenait sous sa dépendance. D'un autre côté, l'aristocratie des riches, des seigneurs, des hommes entreprenants les subjuguait : voilà ce que Je comité a voulu éviter. S'il a diminué l'arrondissement des administrations publiques, pour les rendreplus utiles,et pour qu'elles ne déployassent pas contre l'autorité nationale une force qui n'était bonne que sous le despotisme , il a étendu les municipalités, pour qu'elles pussent se maintenir et échapper à toutes les petites autorités locales; il ne les a pas soumises à un intendant, à un subdélégué, à Dieu ne plaise ! mais à des administrations formées par elles-mêmes et composées de leurs représentants. Ces administrations exerceront la vigilance confiée jusqu'à présent à des commissaires; ces administrations seront les vraies municipalités : les villes, bourgs et villages ne seront que des bureaux municipaux revêtus des mêmes fonctions qu'autrefois; et si l'Assemblée préfère de conserver leur ancien nom, elle est bien la maîtresse de les appeler des municicipalités secondaires.
Après ces éclaircissements, il est évident que les municipalités ne brisent point l'unité de l'empire, qu'elles ne peuvent rien usurper sur l'administration publique, qu'elles leur sont soumises pour tous les objets de son ressort, et que l'objection de son indépendance est absolument mal fondée.
M. de Puyvallée craint l'aristocratie des villes et voudrait les séparer absolument des campagnes.
Le comité est loin de penser ainsi. C'est dans l'état de séparation que ces haines sont nées ; c'est dans l'union qu'elles doivent s'étendre. 11 est étrange, à ce qu'il nous semble, que le désir de la paix conduise au projet de diviser. Chaque canton rural, chaque assemblée primaire, où les campagnes domineront, enverra un député au chef-lieu de la municipalité. Les campagnes auront plus de députés que la ville. Occupés en-
semble du bien commun de tous, ils apprendront des villes que la terre les nourrit ; ils apprendront des villes que la consommation est l'agent de la culture; le commerce ne sera plus indifférent aux productions; les producteurs sauront que le commerce donne l'impulsion, le mouvement et la valeur aux denrées : c'est alors, seulement alors, que nous formerons une nation. Ce n'est pas en séparant les gens, de crainte qu'ils ne se battent, c'est en les rapprochant, en les forçant à s'aimer, qu'on tue l'aristocratie et qu'on fait des citoyens. Si nous n'avons pas ce but, nous travaillons en vain à la régénération publique.
Je crois qu'avec les mêmes principes, qui seront toujours ceux de votre comité, et bien sûrement les miens, je puis répondre à cette espèce d'inimitié qu'un honorable membre suppose entre les villes de commerce et les propriétaires cultivateurs. Je confesse qu'il m'est impossible de m'habituer à de telles idées. Est-ce que le commerçant n'a pas un intérêt sensible à la prospérité du pays où il est établi? Vendra-t-il à qui ne pourra pas acheter? L'abondance des denrées ne diminuera-t-elle pas Je prix de la main-d'uvre? N'est-ce pas de la culture que les fabriques tirent leurs matières premières? S'il craint que le propriétaire ne veuille rehausser le prix de ses productions, ne veut-il pas lui-même vendre ses marchandises au plus haut prix possible? Le désir du gaiii est-il moins vif en lui? Pourquoi donc haïr? et ne faut-il pas enfin que dans cette variété d'industries qui occupent les hommes , tous arrivent au moyen de vivre, sans vouloir la destruction de personne? Peut-il y avoir sans cela une société civile ? Sera-ce un moyen de l'établir que de ménager des idées si funestes? Comme le mélange des hommes dans les conversations détruit les préjugés, le mélange des citoyens dans les assemblées politiques tempère seul leurs aversions et concilie leurs intérêts. Qui de nous serait assez injuste pour blâmer l'opiniâtreté des habitudes aristocratiques, s'il n'était pas prêt à sacrifier le cur les préjugés de province, les distinctions des villes, les intérêts de professions? Ce n'est rien d'avoir fait à la patrie l'hommage des privilèges , si on ne lui immole pas encore un faux, un très-faux sentiment d'intérêt personnel : cela est peut-être encore difficile ; mais n'est-ce pas à ce but que doivent tendre nos institutions politiques? Gardons-nous donc de nourrir ces erreurs de l'égoïsme, et, loin de séparer les uns des au très les agents du commerce et les agents de la production, confondons-les dans les mêmes assemblées patriotiques; apprenons-leur à s'aimer; qu'en s'approchant ils se connaissent, et que tous les militaires, gens d'église, gens de loi, commerçants, cultivateurs, déposant leurs préjugés au sein de la patrie, ne soient plus que des citoyens.
L'une des objections qu'on a le plus répétées, c'est que Paris, considéré comme département, aura plus de représentants que chacun des autres départements du royaume, 11 est juste qu'un plus grand nombre de citoyens ait plus de représentants. Que craignez-vous? L'esprit de la capitale? Vous oubliez toujours que la liberté fait renaître l'esprit public. D'ailleurs, si les intérêts les plus mal entendus mettaient en opposition les vues de la capitale et celles des provinces, les députés de Paris trouveraient des contradicteurs dans tous les députés provinciaux; un esprit commun réunirait ceux-ci contre les prétentions de cette grande cité, et dans ce choc inégal, si quelque
chose était à craindre, c'est que Paris, toujours seul, toujours combattu par tous, n'eût pas la force de se défendre, même dans les choses raisonnables. C'est à l'Assemblée nationale à faire pour jamais disparaître ces défiances, qui sont le fléau de la liberté et le plus grand obstacle à l'établissement d'une bonne Constitution.
11 est difficile, dit-on, d'exécuter le plan du comité de constitution.
Réunissons-nous pour ce travail, et dans huit jours il sera prêt, si chacun de nous, convaincu de ses avantages, veut sincèrement y réussir.
La division de la France en 80 parties une fois décrétée, il ne faudra que marquer les chefs-lieux et la circonscrjption des territoires.
Les lleuves, les rivières, les montagnes, ces obstacles de la nature, seront nos premiers guides ; nous essayerons de respecter aussi les frontières des provinces, et jusqu'à ces répugnances idéales qui ne présentent pas les moindres difficultés.
Ce premier pas fait, les députés de chaque canton de la France feront eux-mêmes les subdivisions des départements en commun, et, plus instruits des localités, ils combineront l'égalité des répartitions avec la situation des lieux et la considération des habitudes, et ils fixeront les villes d'assemblée.
Alors le décret de l'Assemblée nationale, parvenant aux municipalités des endroits indiqués, partout à la fois dans le royaume, les municipalités assigneront, dans l'étendue du terr ritoire communal, le lieu où s'assembleront les citoyens habitants d'un espace de quatre lieues carrées; ils choisiront les vingt-sept membres de chacune des assemblées communales; celles-ci nommeront chacune, soit dans leur se:n, soit ailleurs, six membres pour aller former la grande assemblée au chef-lieu du département, et déjà la machine politique se trouvera établie. Les municipalités des villes, bourgs et villages se formeront en même temps, et, chaque assemblée primaire envoyant un député au chef-lieu de la grande municipalité, l'organisation sera complète, et tout sera terminé.
Le plus grand nombre des préopinants a supposé qu'il était utile de conserver les relations des provinces ; on n'arrive, ont-ils dit, que par degré à l'amour de la patrie ; ce sont les affections de famille, de voisinage, de canton, qui préparent le cur à ce sentiment plus général du patriotisme; dans la désorganisation universelle, chacuu s'est attaché à resserrer les liens particuliers, devenus d'autant plus chers que les autres se relâchaient : si on les brise encore, il n'y aura plus rien qui unisse les hommes, il n'y aura plus de base à l'association politique.
Je vous prie, Messieurs, de vouloir bien observer que ces idées générales, qui sont très-vagues, n'ont aucune application au plan du comité.
C'est de proche en proche, c'est entre voisins habitués à se connaître, à se communiquer, à traiter, à vivre ensemble, que les nouvelles administrations doivent être établies. MM. les députés sont priés d'avoir égard, dans leurs répartitions, à tous les rapports naturels de proximité, de correspondance et de commerce; on les engage même à ménager, autant qu'il sera possible, les limites des provinces. Prenez garde d'ailleurs que " si, dans certaines parties, les divisions anticipent d'une province sur l'autre> ce sera pour attacher ensemble des hommes rapprochés par le voisinage, unis parles rapports d'affaires,par une conformité
du langage et des murs; d'ailleurs, parmi cette variété de départements qui divisent actuellement la France et qui se croisent dans tous les sens, tel qu'il n'est pas de la même province est du même gouvernement, ou de la même généralité, ou du même bailliage, ou du même diocèse. La nouvelle association économique s'élèvera donc presque partout sur des unions déjà formées.
J'ajoute que, tous les avis tendant également à subdiviser les provinces, l'objection frappe sur tous les systèmes et ne peut par conséquent être proposée contre aucun d'eux en particulier.
Mais je vais plus loin et je distingue les attachements naturels que la Constitution doit toujours renforcer, des biens factices qu'elle doit insensiblement affaiblir. Les premiers portent à la fraternité et à la concorde, les autres aux préférences et aux privilèges : ceux-là inspirent l'amour, ceux-ci disposent à la haine. Ainsi, que l'esprit de famille se fortifie, que les habitudes de voisinage deviennent plus chères, que les relations de commerce et les correspondances s'étendent: voilà les premiers éléments du patriotisme ; mais à quoi peuvent servir aujourd'hui dans la réunion politique des Français tout ce qui les divisait autrefois? Les provinces ont abandonné leurs privilèges, c'est-à-dire les avantages qui pouvaient se calculer; il faut encore qu'elles abandonnent ce qui reste d'orgueil de canton, de rivalités et de jalousies, de préférences idéales. Le bonheur de tous est désormais dans l'union de tous. La force des provinces fut un bien lorsqu'il s'agissait de résister au pouvoir absolu : elle doit à présent se confondre et s'accroître dans la force commune. Vous avez supprime la distinction des ordres ; personne en France ne doit plus en ambitionner aucune : les noms mêmes devraient peu à peu s'effacer, et le temps n'est pas loin, je l'espère, où, fiers d'être Français, les citoyens ne voudront plus être désignés autrement que par ce titre de gloire.
A Sparte, sur les monuments publics, on écrivait : Un Spartiate a fait telle action mémorable. Ils ne voulaient pas même que le nom du citoyen fut inscrit et apprît aux autres à prét'érer l'a-mour-pronre à la patrie. Les peuples modernes sont loin de tant de vertu; mais pourquoi, dans un moment de renaissance, nos institutions ne tendraient-elles pas à nous en rapprocher?
Il y a des restes d'affaires dans quelques provinces d'états; il y a des dettes; il y a des propriétés communes. Sans doute ces affaires doivent être terminées par ceux qu'elles intéressent ; c'est une liquidation à régler. Quelques-unes de ces dettes peuvent concerner la nation tout entière; elles les prendra à sa charge : d'autres ne concernent que l'ancienne association; les membres qui la formaient se chargeront de les acquitter. Une commission, détachée de l'ensemble de l'administration générale, s'occupera de ces objets; mais ce serait une grande erreur de penser que des dettes contractées par un corps administratif les rendissent nécessairement éternels, et que quelques embarras du moment fussent regardés comme un obstacle à une utile régénération.
Il me reste à vous parler d'un objet sur lequel nous serons tous bientôt d'accord.
C'est au nom du comité de constitution que je déclare que, dans l'ordre de la représentation, il croit, comme la plupart des honorables membres qui ont été entendus, qu'entre le citoyen actif et le représentant de la nation il ne doit y avoir qu'un degré intermédiaire d'électeurs. Je déclare également, au nom du comité, qu'il est
convaincu que le nombre des électeurs qui choisiront les représentants nationaux doit être considérable. Ainsi les citoyens feront choix d'un électeur sur deux cents" ou même sur cent votants. Ils se réuniront au chef-lieu du département : il s'y formera autant d'assemblées qu'il y aura de fois six cents électeurs ; et toutes ces assemblées choisiront les représentants de la nation, que le département doit envoyer à l'Assemblée nationale, à raison de son territoire, de sa population et de ses contributions.
Je crois avoir éclairci toutes les objections, et je n'ai plus qu'à vous inviter, Messieurs, à terminer promptement une délibération d'où dépend le salut du royaume, et qui, depuis plusieurs mois, est attendue avec la plus vive impatience.
(1), député de Carcas-sonne (2). Messieurs, le comité de constitution a proposé de diviser le royaume en quatre-vingts départements, chaque département en neuf communes et chaque commune en neuf cantons. Il donne une administration provinciale à chaque département, une assemblée communale à chaque commune, une assemblée primaire (celle-ci chargée seulement d'élire quelques députés) à chaque canton, et enfin un bureau municipal à chaque ville, bourg ou village. Il supprime nos municipalités actuellement existantes; il n'en crée qu'une seule dans chacune de ses communes ; chaque municipalité aura, suivant ce projet, uri ressort de trente-six lieues carrées, qui s'étendra par conséquent collectivement sur les villes et lieux qui y seront renfermés, de manière que les villes, les bourgs et les villages qui étaient accoutumés, au moins dans la province du Languedoc, à trouver dans leur enceinte leur maire ou leurs conseils qui y exerçaient la police, leurs conseils politiques qui administraient leurs affaires, seront forcés de se contenter d'un bureau municipal et d'aller chercher souvent à trois ou quatre lieues leurs officiers de police.
Tout est nouveau dans ce système, jusqu'à l'acception des termes dans lesquels il est rendu. Le comité appelle commune l'agrégation des cités situées sur un espace de trente-six lieues carrées. Il veut nous faire entendre par municipalité l'administration collective de cette même surface, et des villes et lieues qu'elle renferme. J'entendrai au contraire par commune et par municipalité. en prenant ces mots dans leur sens ordinaire, une cité particulière et l'administration particulière encore de chaque ville, bourg ou village.
M. le comte de Mirabeau a présenté un projet bien plus simple. Il partage le royaume en cent vingts départements , il établit une assemblée provinciale dans chacun ; il donne une administration municipale à chaque ville, bourg ou village. 11 a appuyé son plan sur les usages de la Provence. Je me rappelle avoir entendu à cette occasion un membre du comité tenir ce langage : « On veut nous faire adopter des lois provençales, placées à l'autre extrémité du royaume ; elles nous sont absolument inconnues ; espère-t-on de nous les faire agréer ? »
Je supplie cet honorable membre de remarquer que son observation peut fournir des
armes bien
Mon projet consisle à diviser le royaume en provinces et les provinces en districts. Je donnerais une assemblée provinciale à chaque province, une assemblée secondaire ou subordonnée à chaque district et enfin une municipalité à chaque ville, bourg ou village.
Les députés de chaque municipalité composeront l'assemblée du district, ceux du district formeront l'assemblée provinciale; mais ils viendront aussi à l'Assemblée nationale.
Ainsi, comme le comité, j'établis des assemblées provinciales, qu'il appelle le département, et des assemblées secondaires,qu'il nomme communales et que je qualifie de districts ( 1); mais je supprime ses cantons, et je pense autrement que lui sur l'article des municipalités.
Conformément à l'avis de M. de Mirabeau, je donne une municipalité à chaque ville, bourg ou village ; je compose des députés de chaque municipalité l'assemblée du district ; je fais partir de chaque district les membres de l'Assemblée nationale, mais j'ajoute à son projet une assemblée provinciale, au-dessus de celles du district. Vous jugerez, Messieurs, si mon projet n'a pas les inconvénients qu'on a cru apercevoir dans les autres; j'ai,pensé qu'il en aurait les avantages. Pour les faire connaître, je demande à l'Assemblée de me pardonner un exposé rapide du régime sous lequel h province du Languedoc a vécu jusqu'à ce jour; elle pourra y trouver, si je ne me suis pas trompé, d'excellentes choses, a côté des vices qui font l'objet de nos réclamations.
Le Languedoc avait son administration particulière connue sous le nom d'Etats, composée de quatre-vingt-douze membres environ ; nous nous plaignions de|ce qu'elle n'était pas représentative: les ecclésiastiques étaient toujours les vingt-trois évêques, les vingt-trois nobles, les seigneurs de quelques terre3 privilégiées, et les autres, les maires ou les députés privés de quelques villes ; nous demandons qu'elle soit à l'avenir purement élective.
La province était ensuite divisée, d'abord en trois sénéchaussées; cette division remonte à une époque très-reculée, peut-être à celle où il n'y avait que trois sièges royaux de ce nom dans-son territoire. Elle n'entrait actuellement en considération que dans le partage de quelques contributions, de quelques emprunts et de quelques dé-)enses. Mais à côlé de cette division, je prie 'Assemblée d'observer que le Languedoc est partagé en vingt-trois diocèses, et que chacun d'eux peut être regardé ou comme une commune dans le sens du comité, ou comme un district dans le mien.
Chacun de ces diocèses a son administration particulière, surveillée par les Etats. Ces administrations, dont l'assemblée principale est connue sous le nom d'assiette, est composée d'un envoyé des députés des Etats ou commissaire du Roi, de l'évêque, d'un baron et des députés des villes et lieux du diocèse, qui y envoient quelques membres annuellement ou par tour avec les villages voisins.
Chaque diocèse est ensuite partagé en presque autant de municipalités ou consulats
qu'il y a de villes, bourgs ou villages ; j'ai dit presque,
Chaque ville, bourg et village, ou communauté, ou consulat, ainsi qu'on les nomme dans la province, a son administration particulière, ou sa municipalité.
Cette administration est composée d'un maire, lieutenant de maire, ou consul, d'un certain nombre de conseillers politiques ou municipaux proportionné à l'importance du lieu, d'un syndic, des habitants forains, d'un procureur du roi ou fiscal et d'un secrétaire greffier.
Tous ces officiers sont électifs; j'observe cependant, pour la plus grande exactitude, que quelques seigneurs de fiefs, ou confirmaient quelques élections des consuls, ou les choisissaient sur une liste présentée par le conseil municipal. Ce conseil gère les affaires de la cominuue, il surveille la répartition des impôts, et les maires ou consuls qui le président exercent d'ailleurs la police sur l'enclave du territoire.
Il me reste, Messieurs,à vous observer en peu de mots comment les contributions y sont réparties.
Le Languedoc a son territoire encadastré, et pour la répartition de l'impôt réel ou de la taille, les Etats avaient fait procéder à l'estimation générale de la province. Les experts avaient évalué, je suppose, le diocèse de Toulouse 100 livres ; celui de Carcassonne, 50 livres ; celui de Saint-Pons, 25 livres ; ce cadastre ou compois général servait de mesure pour le partage de la taille, en telle sorte que, dans la supposition que la province ne fut composée que de ces trois diocèses et qu'elle eût 175,000 livres à imposer, elle en aurait mis 100,000 sur Toulouse, 50,000 sur Carcassone et 25,000 sur Saint-Pons.
Chaque diocèse à son tour avait fait procéder à son cadastre particulier. Ici le territoire de la ville de Carcassonne était évalué 24 livres, par exemple ; celui deMontolieu, 12; celui de Saissac, 4 ; et c'était sur ces évaluations, et en suivant les mêmes procédés, que les diocèses partageaient les sommes demandées par les Etats, et celles qu'elles étaient autorisées à imposer pour leurs dépenses particulières.
Chaque comité, enfin, ou municipalité a le compois de son territoire ; là, les possessions d'Antoine sont évaluées 6 livres ; celles de Pierre, 3 ; et c'est sur ce tableau qu'elles font la répartition des sommes demandées par le diocèse et de celles qu'elles sont autorisées à imposer pour leurs propres affaires.
A l'égard de la capîtàfion, les Etats fixaient arbitrairement la position de chaque diocèse, ceux-ci celle de chaque municipalité, et les municipalités l'article de chaque redevable.
Ainsi le Languedoc avait une assemblée provinciale, qui était ses Etats ; des assemblées du district et subordonnées, qui étaient ses administrations diocésaines, et enfin une municipalité dans chaque ville, bourg ou village.
J ai l'honneur de proposer ce même régime épuré, pour modèle, non pas parce que nous y sommes accoutumés,mais parce que je le crois infiniment avantageux et que je suis persuadé que l'Assemblée national e ne voudra pas le rejeter
par cela seul qu'il existe, si d'ailleurs il est bon en lui-même; c'est ce qu'il me reste à démontrer.
J'ai proposé de faire une première division de la France en provinces, et les provinces, Messieurs, je les laisse telles qu'elles existent.
Je sais tout ce que le comité a dit contre ce système: il craint que les habitants des provinces ne s'isolent les uns des autres, il redoute l'esprit de division entre elles, mais surtout il appréhende les masses imposantes que quelques-unes peuvent présenter.
dis objections méritent d'être prises en considération ; voici comme je me propose de les combattre :
J'observe d'abord que,lorsque le comité a divisé la France en quatre-vingts départements, il a déclaré qu'ils ne seraient pas composés des débris de quelques provinces, mais qu'ils n'en seraient que des portions. Je demande qu'il me soit permis de l'interroger sur les motifs qui l'ont décidé à ces ménagements ; si ces départements doivent être indépendants les uns des autres, pourquoi s'est-il imposé la gêne d'en enclaver un certain nombre sur les limites de nos anciennes provinces? S'il veut leur permettre de se réunir, pourquoi ne pas leur en indiquer le moyen ?
Mais répondons à ces objections.
Les provinces s'isoleront les unes des autres et l'esprit de parti les divisera entre elles.
Je soutiens que, lorsque les provinces seront soumises à un régime uniforme,lorsqu'elles n'auront ni privilèges ni préséance les unes sur les autres, l'esprit de système et de parti n'est pas plus à craindre entre elles qu'entre les départements. Croyons, Messieurs, que cet esprit de parti qu'on nous allègue sans cesse n'est qu'une chimère ou un fantôme qu'on essaye de nous opposer pour nous faire adopter de nouvelles idées que leurs auteurs ont cru bonnes sans doute, mais que vous avez à juger telles, avant de les adopter.
Les provinces existantes, dit le comité, conserveront leurs masses imposantes ; sans doute elles les conserveront ; et c'est pour qu'elles les conservent, que je propose de les maintenir. Ces masses n'ont été qu'avantageuses jusqu'à ce jour ; elles ne seront rien tout le temps que le gouvernement général se maintiendra dans de bons principes, mais elles l'y ramèneront par leur conire-poids lorsqu'il s'en écartera; et certes la capitale (1) n'en doit pas voir avec jalousie sur la circonférence dont elle est le centre. Un prince conquérant, n'espérez pas devous mettre à l'abri de son influence, dicterait des lois, prescrirait ses volontés à de petits départements ; il n'osera faire que des propositions à de grandes provinces.
Plus votre Constitution sera parfaite, Messieurs, plus vous devez vous attendre à des attaques vigoureuses; de grands corps y résisteront avec plus d'avantage, ue grandes provinces peuvent offrir de grands secours, et entreprendre de grands^ travaux. Le Languedoc a donné des vaisseaux à la patrie ; il a creusé des ports; il a ouvert des canaux et des routes, qui font l'admiration des étrangers et la richesse de son commerce.
11 me reste à soutenir mon projet par un moyen qu'on a essayé d'emporter, mais qu'on n'a pas détruit.
Le Languedoc a contracté des dettes ; on offre de les mettre sur le compte du royaume
; mais comme on n'entend parler que cle celles qui ont été faites pour le compte du l
oi, cette offre n'est point un secours, parce qu'il est juste que
Mais je veux parler des dettes que la province a contractées pour ses établissements, pour ses monuments et pour ses travaux publics : comment en fera-i-on le partage? En fera-t-on faire le remboursement par les départements où ces monuments sont établis? Cette division ne serait pas juste, parce qu'ils profitent à toute la province. Les partagera-t-on ? Il est des départements qui, pour ouvrir leurs chemins, réclament les secours de leurs compatriotes déjà dotés.
Comment fera-t-on contribuer à l'entretien des établissements publics ? Le haut Languedoc n'a point de ports ; il se sert de ceux du bas Languedoc, qui sont d'un entretien dispendieux. Ici une partie d'un canal ne coûte presque rien, là on ne peut le conserver qu'à grand frais; d'un côté il n'y a point de ponts, de l'autre leur entretien ou celui des chaussées rainerait un département. Les chemins sont quasi achevés dans la partie du milieu ; ils sont à peine commencés dans les petites extrémités. Dans un département on trouvera des biens patrimoniaux; dans d'autres il n'y en aura d'aucune espèce. Pour cette dépense, c'est Ja province entière qui a pris des engagements ; pour celle-ci, elle agit en corps de sénéchaussée. Là c'est un diocèse, d'un autre côté c'est une municipalité, qui s'est chargé de la dépense.
Si la division du comité l'emporte sur mon projet, si le royaume ne se charge pas de toutes nos dettes, j'appuie de toute ma force la motion de M. le marquis de Vaudreuil, qui vous a demandé d'autoriser le Languedoc à s'assembler en corps de province, pour régler toutes les difficultés dont je vous ai esquissé te tableau.
J'ai dit, en second lieu, Messieurs, que les provinces dont les assemblées prépareront les hommes à l'examen et à la discussion de l'administration générale du royaume devaient être sous-divisées en districts. Les districts auront chacun leur administration particulière, composée des députés des municipalités ; mais ces administrations, dont le nombre variera et sera proportionné à la population, à l'étendue et à la contribution, seront subordonnées aux assemblées provinciales. dont elles seront les éléments, et de la même manière que le comité subordonne les administrations communales à celles du département. Aussi, il ne m'a laissé rien à dire pour justifier cette sous-division. Je prie l'Assemblée de vouloir bien se rappeler ici ce que j'ai dit plus haut, que les députés des assemblées de district composeront l'assemblée provinciale, mais qu'ils formeront aussi l'Assemblée nationale.
Oui, Messieurs, je fais partir les merrbres de l'Assemblée nationale d'une assemblée extraordinaire du district : 1° parce que, les districts étant en plus grand nombre, la représentation sera plus territoriale; 2° parce que les députés seront mieux connus par leurs électeurs ; parce qu'ils seront des représentants plus immédiats et plus véritables par conséquent que les envoyés de l'assemblée provinciale ; mais encore et principalement parce que les districts seront à portée, par leurs députés directs, de réclamer l'intervention de l'assemblée provinciale. Où en serions-nous, Messieurs, si les Etats provinciaux avaient formé l'Assemblée nationale, et que nos élections dans les bailliages ne nous eussent pas fourni le moyen de faire entendre nos plaintes? Quelque représentatives que vous rendiez les assemblées provinciales, il s'y glissera des abus, et vous
devez laisser au peuple le moyen d'en solliciter la réforme.
J'ai dit en troisième lieu qu'il fallait donner à chaque ville, bourg ou village une administration particulière, sous le nom de municipalité. Le comité de constitution n'en veut établir que sur des étendues de 36 lieues carrées. Il veut qu'elles embrassent les villes et les villages qui y sont situés; il craint que, trop multipliées, elles ne soient le plus souvent mal composées, par la difficulté de trouver des personnes en état de les remplir.
Et moi, je soutiens que les grandes municipalités proposées par le comité mettront une division intestine dans ses communes, anéantiront l'esprit public et établiront une aristocratie en faveur des villes ou des gros bourgs sur les villages.
En fait d'administration, Messieurs, on peut consulter la pratique,peut-être, de préférence sur la théorie. Il existe encore dans le Languedoc des municipalités qui s'étendent sur plus d'un bourg ou village. Ces réunions sont une source de divisions ; et si nos Etats et si nos tribunaux nous ont fait quelque bien, c'est quand ils ont accueilli favorablement les demandes en séparation, lorsqu'elles étaient praticables.
« Vous prenez tout pour vous, disent les habitants du village à ceux du bourg ou de la ville dont ils dépendent. Les officiers de poljce sont toujours pris parmi vous ; ce n'est que pour vous et au milieu de vous qu'ils agissent et qu'ils exerçenl leurs fonctions ; et cependant vous nous faites contribuer à leur salaire. Vous nous faites contribuer à l'entretien du pavé de vos rues; vous ne nous permettez pas de réparer nos sentiers. Nous payons vos illuminations sans en profiter. Nous contribuons aux gages de yos maîtres, de vos instituteurs, nos enfants ne reçoivent pas leurs leçons... » Faites cesser, Messieurs, ces justes réclamations, donnez une municipalité à chaque ville, à chaque bourg, à chaque viilage, qui pourront administrer par eux-mêmes ; rendez ces municipalités impuissantes pour faire le mal, en les faisant surveiller par les assemblées du district ; défendez-leur de rien entreprendre sans y être autorisées, non pas par un intendant, mais par les assemblées du district elles-mêmes, et comprenez que vous aurez donné alors à votre administration un degré de perfection qui vous donnera de nouveaux droits à la reconnaissance générale des peuples. Par là vous attacherez les citoyens aux campagnes, vous piquerez l'émulation de tous les propriétaires, de tous les cultivateurs, cette classe si précieuse, quelque modiques que soient leurs possessions ; vous intéresserez tous les hommes à l'administration ; vous leur ferez pratiquer les vertus qu'il faut avoir pour mériter la confiance de ses concitoyens, qui surveillent de près leurs voisins. Ce ne sera d'ailleurs que dans ces municipalités, et ceci est bien fait pour intéresser votre justice, que vous trouverez, comme l'a dit M. de Biauzat, les personnes capables et en état de répartir les contributions avec justice et égalité. Rendez, Messieurs, rendez vos lois conformes aux murs et aux usages des hommes qu'elles doivent régir. Les Français ne sont pas comme les Tartares, dispersés sur la surface de l'horizon ; ils sont réunis dans les villes, dans les bourgs, dans les villages. Ces villes, ces bourgs, ces villages sont séparés; donnez-leur aussi une administration particulière et séparée.
Je conclus à ce que le royaume soit divisé en
provinces; que les provinces soient telles qu'elles sont aujourd'hui, qu'elles soient sous-divisées en districts, dont le nombre sera proportionné à la population, à l'étendue et à la contribution ; qu'il y ait une assemblée provinciale dans chaque province, une administration secondaire et subordonnée dans chaque district et une municipalité dans chaque ville, bourg ou village; que les députés des municipalités forment l'assemblée du district, que ceux du district composent l'assemblée provinciale, mais qu'ils viennent formeraussi l'Assemblée nationale.
Et à cet effet je fais la motion expresse que l'Assemblée veuille bien d'abord délibérer sur les deux questions :
1° Laissera-t-on le royaume divisé en provinces telles qu'elles sont, sauf à les sous-diviser en districts, ou bien le divisera-t-on en un plus grand nombre de départements indépendants les uns des autres ?
2° Donnera-t-on une municipalité à chaque ville, bourg ou village ou bien n'en établira-t-on que sur l'administration collective des villes et lieux situés sur une étendue donnée ?
J'ai l'honneur de déclarer, au nom d'une partie de la dé-putationdu Languedoc, et notamment de la sénéchaussée de Nîmes, dont les membres, suivant le vu de leur cahier, se regardent comme députés de tous les Français, qu'elle consent et adhère à la division que l'Assemblée adoptera.
député de la Franche-Comté (1). Messieurs, deux plans vous sont présentés pour lacomposition des municipalités et des assemblées provinciales.
Par l'un la France se trouve divisée en quatre-vingts départements de dix-huit lieues sur dtx-huit; eî par l'autre en cent vingt, d'une étendue par conséquent beaucoup plus faible encore.
Tout en applaudissant à l'uniformité qui résulterait de ces deux plans, et à leur vaste ensemble, je ne puis m'empêcher, pour l'acquit de mon devoir, d'en exposer les inconvénients pour les provinces d'une étendue médiocre, qui peuvent très-bien se régir, sans se diviser, et même pour la Constitution que vous voulez établir.
D'abord on n'a peut-être pas assez examiné si la représentation immédiate, au lieu de cette échelle électorale que l'on nous établit, ne nous conviendrait pas mieux. Du moins est-il sûr que la représentation immédiate est en usage en Angleterre et en Amérique et que l'on s'y en trouve bien. La constitution américaine régit cependant un pays beaucoup plus vaste que la France, et paraît, par toutes les causes et d'étendue de sol, de religion et de commerce, destinée à régir un peuple infiniment plus nombreux.
Chez ces deux nations, on a déféré presque tous les droits politiques aux seuls
propriétaires. D'autres considérations vous ont conduits, Messieurs, à d'autres
résultats ; à la bonne heure : mais si nous nous sommes déjà embarrassés de deux
degrés d'élection, il faut espérer que nous nous préserverons du troisième : je veux
dire de l'assemblée communale ; car, du moment que vous aurez pour les élections nos
assemblées primaires déjà décrétées, et le doublement dans les assemblées provinciales
pour élire au corps
Voyons maintenant la division du royaume en 80 ou 120 départements et, par suite, celle des provinces en trois, quatre, cinq assemblées administratives, et en tout autant, sans doute, de cours ou conseils supérieurs, car, pourquoi pas? Il y a autant de raison, pour le moins, de rapprocher la justice des justiciables, que les administrants des administrés.
Or, voici ce que je trouve dans l'écrit d'un membre très-distingué de cette auguste Assemblée (1), et cela me paraît d'une prudence et d'une sagesse faites pour entraîner.
« Sans doute, dit-il, un gouvernement énergique, placé dans une constitution libre et forte, un gouvernement dont les peuples auraient déjà éprouvé la douceur et la bonne foi, pourrait se livrer à cette grande et brillante entreprise; mais au moment où, dans la dissolution de tous les pouvoirs, les hommes sont malgré eux entraînés vers les anciennes liaisons, où ils s'y attachent plus fortement que jamais ; lorsque le gouvernement n'a pas la force de les rallier à lui et ne fait pas offrir à leurs yeux l'imposant spectacle dune seule patrie, d'un seul intérêt, d'une grande et majestueuse association ; vouloir alors rompre les seuls liens qui les lient entre eux, ne serait-ce pas augmenter dans tout le royaume le trouble et la confusion, fournir aux mécontents des prétextes et des occasions, et aux mal-intentionés des moyens pour empêcher l'ordre de se rétablir ? »
Vous voulez, Messieurs, diviser les provinces pour faire disparaître, a-t-on dit, cet esprit particulier qui est une sorte de corporation.
Mais quel inconvénient pourrait avoir cette intégrité, cette unité de provinces, du moment que leurs privilèges sont abolis? Ce sont les privilèges seuls qui tont l'esprit particulier, parce que ce sont eux qui font autant de centres qui marquent des jouissances exclusives; mais, les privilèges abolis, il ne reste plus à leur place que 1 intérêt général et l'esprit public.
11 fallait sans doute abolir les privilèges, mais, cette grande victoire remportée, arrêtons-nous. Au delà, ce serait un déchirement dont nous n'avons peut-être pas calculé les effets : l'époque du moins paraît assez mal choisie pour cela ; et je crois, Messieurs, que vous apercevez déjà que toutes les provinces ne s'y prêtent pas d'une manière fort explicite. Et si, quand il s'agira d'exécuter, une certaine résistance venait à se manifester, n'en pourrait-il pas résulter quelques embarras ?
Pour rendre l'administration plus facile et la rapprocher davantage des objets à
administrer, il convient sans doute de diviser quelques provinces en plusieurs
chefs-lieux ; je le sais. Nos grandes provinces peuvent être susceptibles de
Laissons donc ces provinces du second ordre comme elles sont ; et si vous voulez diviser, ne divisons que les grandes masses, surtout si nous comptons pour quelque chose l'économie en fait d'administration. Car vous ne voulez sans doute diviser ces petites provinces en trois ou quatre départements que pour établir dans chacune trois ou quatre administrations provinciales, et peut-être par suite autant de tribunaux supérieurs.
Mais indépendamment de l'isolement absolu où ces sections vont placer les habitants de ces provinces les uns à l'égard des autres, en les concentrant dans leurs nouveaux départements particuliers, en triplant ou quadruplant les machines où une seule suffirait, vous triplez et quadruplez les frais.
Si vous avez trois départements, portant trois administrations provinciales , en Alsace , en Franche-Comté et autres provinces de cette étendue, il leur faut par province trois hôtels au lieu d'un pour les séances, trois commissions intermédiaires , trois secrétaires-greffiers et leurs commis, trois receveurs généraux, trois brevets d'impositions, trois comptes, six procureurs généraux syndics.
Vous triplez tout; vous rendez la correspondance plus coûteuse, plus lente pour les provinces, et plus laborieuse, plus incommode pour le gouvernement et pour l'Assemblée nationale. Voyez plutôt, Messieurs, sur la carte, si de pareilles provinces ont besoin de tout cet attirail (1). Et ce sera bien pis, si chaque département érigé une fois en petite province indépendante, veut avoir aussi son tribunal supérieur.
Il résultera de cette section en trois départements, une scission en Franche-Comté, qui sera du plus grand éclat.
La ville de Besançon supporte à elle seule des charges militaires fort considérables. Les seuls logements militaires pour cette ville montent au moins à 80,000 livres annuellement, sans l'entretien et fourniture des casernes. Les deux autres départements, comme indépendants, comme ayant rompu l'unité, se refuseront à contribuer à cette charge. Voilà un département écrasé ou .d'infinies réclamations.
L'administration de chaque province indique presque partout de grands ouvrages
publics et trop souvent de grandes calamités à secourir; mais en morcelant, en
atténuant encore les provinces médiocres, toutes vont se trouver au-dessous de ces
objets majeurs de toute bonne administration. Chaque département, quoique dans la même
province, deviendra étranger au département
Je vois, Messieurs, germer pour la Franche-Comté quelque chose de véritablement fâcheux.
Un ouvrage célèbre y était commencé : c'est la jonction du Rhin à la Saône par le Doubs ; de là, route nouvelle pour le commerce, jonction nouvelle des deux mers.
Cette navigation doit traverser la province et en particulier la ville de Besançon ; mais comme cela est à une distance assez forte des villes de Vesoul et de Lons-le-Saulnier, qui sont à peu de chose près aux extrémités de la province, et qui auront ou aspirent, du moins chacune, à avoir leur département et corps administratifs indépendants , ces administrations particulières ne voudront pas plus contribuer à la navigation du Doubs que le Maine ou la Bretagne ; et voilà la navigation du Doubs manquée, le plus heureux projet avorté, et déjà de grands fonds consumés en pure perte (t).
11 en est de même des routes : elles vont se faire à prix d'argent et par un impôt considérable ; mais à cet égard les trois départements sont fort inégaux ; de là surcharge pour un, ou pour deux, au profit du troisième, si l'Assemblée nationale ne détermine pas, ainsi que les députés de Besançon ont l'honneur de le lui demander, que les charges publiques et communes d'une même province, telles que les roules, canaux de navigation, entretien de fortification et autres dépenses militaires seront supportées par tous les départements, au marc la livre de leurs impositions. Je finis, Messieurs, sur ces détails; mais vous sentez à quels éclats de discorde cela réserve une petite province jusqu'à présent unie et tranquille.
Et quel si grand bien, quels si grands avantages attend-on de ce bouleversement?
C'est, a dit un des opinants, que les assemblées provinciales, trop étendues, pourraient être trop fortes contre le pouvoir exécutif, et indociles peut-être un jour à l'égard de l'Assemblée nationale : lui seul a eu la franchise de faire l'objection.
Mais, Messieurs, au moment où vous fondez la liberté, vous ne réservez pas apparemment à vos successeurs le pouvoir de forger des fers aux pro-viuces. Qu'ils ne leur donnent comme vous que des lois sages, que de bonnes lois, et elles adoreront le régime auquel elles vont être associées. Que le pouvoir exécutif connaisse ses limites et s'y renferme, et tout ce qui émanera de lui, dans les provinces, y sra chéri ei respecté. Un concert entre les provinces ne peut se supposer que quand elles seront au comble de l'infortune; et ce point extrême n'existera que quand le pouvoir exécutif, aura envahi, ou que la législature sera devenue aristocratique. Alors, Messieurs, vous avez vous-mêmes érigé en principe celle maxime que les pu-blicistes avaient développée : que c'est un des droils de l'homme de résister à l'oppression .-époque pour lors de la dissolution ou de la régénération des empires ; et c'est la que nous en sommes.
Eh ! Messieurs, voyez les Romains: ont-ils haché,
Et je peux vous fournir de même, dans nos temps modernes, chez nos voisins, et jusque dans l'autre hémisphère, des exemples de peuples qui ont su fonder la liberté, calculer profondément la représentation, sans morceler, sans diviser les provinces, les contrées, les cantons.
Les Anglais, les Suisses, les Américains ont laissé leur surface territoriale telle qu'elle était lorsqu'ils l'ont arrachée au despotisme. Une prévision imaginaire d'une indépendance chimérique et à venir, mais offensante certainement pour nos provinces, n'a pu les décider à rompre toutes les habitudes des peuples, et une longue expérience a déjà fait voir à quelques-unes ue ces nations qu'elles avaient raisonné avec sagesse.
Et une assez bonne singularité, peut-être, c'est qu'on ait pensé à trouver les provinces assez faibles, assez petites, et jamais Paris trop gros !
Paris a une population plus forte que ma province. Eh bien! dans le plan du comité de constitution, Paris restera Paris, sera à lui seul une province, n'aura qu'une assemblée administrative, ou point du tout, si cela lui convient; et ma province sera coupée, divisée en. trois! Suspendons là nos réflexions.
Mais je vous le demande, Messieurs, qui est-ce qui peut être à craindre de Paris ou des provinces? La liberté, la domination, dit M. de Montesquieu, d'après l'histoire, étaient à Rome, et l'esclavage dans les provinces (1).
Aussi rien ne doit plus donner profondément à penser aux députés des provinces, que cette hachure qu'on en fait, jusqu'à les porter à cent vingt, tandis que Paris reste dans son intégrité première et sa colossale énormité. C'est véritablement placer dans un des bassins de la balance un poids de cent milliers, et dans l'autre un poids de quatre onces. Maintenant, Messieurs, peignez-vous 1 effet : il faut donc que Paris ne pèse pas plus qu'une de nos petites provinces au nombre de 120, ce qui ne se peut; ou que nos provinces arrivent au taux de Pans, et cela est facile, mais ne se peut que par la division du royaume seulement en trente-six. telle qu'elle a été proposée par le dernier opinant.
Une défectuosité, ce semble, plus sensible encçre dans le plan soumis à votre examen, c'est l'influence par la surface et non point par la population. Ace compte, les rochers du Jura compteront auiant dans ma province que les rives fécondes de la Saône, les montagnes d'Auvergne que les bords de la Loire, parce que, dès que vous eoupez par le sol, le plus mauvais, le moins populeux pèsera autant dans la balance politique, sans supporter cependant autant de charges. C'est à regret, Messieurs, que j'ai hasardé cette discussion après celles que vous avez entendues; mais mon devoir et l'intérêt de mes commettants m'en ont fait une loi suprême (2).
Je propose donc : 1° que les provinces petites ou médiocres, telles que sont celles
que j'ai désignées, soient laissées dans leur unité; qu'il soit
2° Que l'on supprime comme redondant et inu-^ tile le degré iniei inédiaire ou assemblée communale;
3* Que la représentation se détermine par la population et la force contributive, et non point par la surface ;
4° Que chaque ville, bourg et paroisse de cam-V pa^ne obtienne sa municipalité. Il pourrait paraître étrange,en effet, qu'ayant deux mille villes -i dans le royaume, vous n'établissiez que sept cents municipalités.
Ces vues, Messieurs, peuvent ne pas présenter cet ensemble séduisant et calculé du plan ou des ^ plans qui vous ont été soumis; mais elles contiennent certainement ce qui peut nous suffire. Elles ont du moins l'avantage, après lequel nous soupirons tous, d'accélérer notre uvre ; et si nous atteignons ce qui peut suffire, on saura bien que c'est par l'empire des circonstances si nous ne poursuivons pas ce qui pourrait être mieux.
Une grande partie de l'Assemblée témoigne beaucoup d'impatience d'aller aux voix.
-V
observe qu'on a ajourné à ce ma-? tin la réponse qu'il s'est proposé de faire à M. de Mirabeau au nom du comité.
Beaucoup de membres demandent qu'il soit entendu.
L'Assemblée délibère et accueille cette demande.
(1). Messieurs, cette discussion excessivement prolongée est arrivée à ce point ^ de maturité qui n'oblige plus à réfuter les objections superficielles, et qui, aux approches de la décision, ne permet d'envisager que les considérations principales qui doivent la déterminer.
Votre comité de constitution, en examinant hier de nouveau le projet de division du royaume qui vous a été présenté par M. le comte de" Mirabeau, a vérifié que la plupart des vues qu'il rem-ferme lui avaient été soumises dans plusieurs ** projets que la méditation la plus sérieuse l'a forcé de rejeter.
* Ce n'est point par une réfutation détaillée de tout ce qui vous a été dit hier, mais par le réta-bassement des vérités fondamentales qui ont décide la préférence de votre comité pour le projet qu'il a eu l'honneur de vous présenter, qu'il &e propose de le défendre en ces derniers instants. 4k Puisque Je seul poiu t de la division du royaume est mainten ant à décréter, je ne m'occuperai k d'aucun autre objet.
Je commence par la division principale en y départements. M. de Mirabeau soutient que
son plan est préférable sous trois rapports : 1° par la matière, s'il est permis de
s'exprimer ainsi, dont il compose ses départements ; 2° par sa manière de les former ;
3° par Je nombre qu'il en détermine. * Sous Je premier rapport, M. de Mirabeau
emploie, pour composer l'égalité de ces départements, tous
Je ne demanderai pas à ceux qui ont cru apercevoir de grandes difficultés dans l'exécution du plan du comité, comment ils pourraient trouver celui-ci pratica le, et quelle espérance ils conçoivent de mettre en activité, dans le cours de cette session, cent vingt assemblées provinciales dans cent vin^t districts à former, par la recherche, la vérification et la balance constatée de toutes les espèces de forces et de valeurs que M. de Mirabeau prétend calculer en chaque département et proportionner entre tous.
Mais je dirai que ce que M. de Mirabeau désire, le comité Je sait; et quand M. de Mirabeau laisse ignorer et chercher par quels moyens il atteindra son but, le comité y arrive tout d'un coup par la méthode qui paraît s'en éloigner si fort, celle d'adopter d'abord des divisions territoriales fixes, et de balancer ensuite ces divisions par leurs forces respectivesde population et de contribution, qui supposent et représentent toutes les espèces de valeurs politiques. Par là, la justice est satisfaite, parce que, dans l'ordre représentatif, chaque département n'influe et n'est compté que pour ce qu'il vaut en effet. Par là, les départements ne sont plus égaux seulement aux yeux des géo-mètres;ils lesont parfaitement à ceux de l'homme d'Etat. Par là, enfin, le comité répond, d'un seul mot, à un grand nombre de réflexions accès-. soires et de reproches de détail, qui ne sont que la répétition déguisée de la prétendue inégalité politique résultant de l'égalité des surfaces.
Sous le second rapport, M. de Mirabeau met en opposition son projet de rechercher et de constater chaque cent vingtième partie du royaume et valeur de territoire, de population, d'industrie et de richesses, pour composer ensuite des départements territoriaux de chacune de ces cent vingtièmes parties, avec le projet du comité, qui consiste à diviser le royaume en districts territoriaux, pour les balancer ensuite réciproquement par toutes leurs valeurs politiques.
Cependant, ces deux procédés conduisent exactement au même résultat essentiel, qui est de compter beaucoup moins le sol que les hommes et d'attacher l'égalité d'influence, non à l'égalité des surfaces, mais à celle du nombre et de l'importance des citoyens. En effet, M. de Mirabeau veut qu'on compte, par exemple, chaque cent vingtième de population, et que chaque étendue de terrain qui Ja contiendra soit circonscrite pour former un département. Le comité propose de marquer des territoires à peu près égaux, et de mettre en équilibre, par un moyen certain, simple, que M de Mirabeau adopte lui-même, les forces respectives de population qui se trouvent en chaque département. N'est-il pas clair que par l'un et par 1 autre procédé la population est également composée et considérée ? quelle différence réelle, et digne du moindre intérêt, peut-on établir ici, quand l'effet est exactement semblable ?
Je me trompe, Messieurs ; il existe réellement des différences entre ces deux manières d'opérer ; mais elles sont toutes à l'avantage de votre comité. Je vais en rappeler deux.
La première est que le plan du comité établit
des divisions fixes et permanentes, au lieu que celui de M. de Mirabeau oblige à les changer, et à recomposer différemment les départements, à raison des vicissitudes locales de la population, et des valeurs foncières et industrielles, si sujettes à mobilité- Or, c'est un vice intolérable dans l'ordre administratif que cette variabilité des départements; et les inconvénients en sont si sensibles, que M. de Mirabeau n'a pas pu les nier. Elle n'est pas moins abusive dans Vordre représentatif, parce qu'il faudra que les inégalités qui surviendront soient portées à un excès bien frappant avant qu'on se décide à retravailler la division du royaume. Or, en attendant cette réforme qui sera toujours tardive, l'injustice subsistera longtemps dans les proportions de la représentation.
La seconde différence est qu'en réglant les limites de chaque département sur chaque cent vingtième de la population et des valeurs foncières et industrielles, il faudra que dans les pays très-peu peuplés, et où par cette raison les valeurs sont moindres, le département comprenne, pour réunir le cent vingtième de la population, une étendue immense dont les administrateurs ne pourront pas surveiller toutes les parties, et dont les extrémités seront à une trop grande distance du chef-lieu, pendant que dans les pays où une grande population est pressée dans un petit espace, le corps administratif n'aurait pas plus de territoire à gouverner qu'il n'y en a actuellement dans le ressort obscur de quelques subdéiégations. L'étendue de trois cent vingt-quatre lieues, attribuée par votre comité à chaque administration, ne donne point lieu à ces excessives disproportions, il n'a point adopté arbitrairement, ni par aucune convenance géométrique, le nombre de quatre-vingts départements. 11 a examiné d'abord quelle étendue moyenne de territoire convenait à l'exercice d'une bonne administration, d'une part, pour que les citoyens fussent à portée du siège des affaires, d'autre part, pour que le corps administratif fût occupé, sans être surchargé : et cette étendue moyenne étant réellement celle qu'il adopte, c'est elle qui a indiqué le nombre de quatre-vingts départements, parce qu'elle se trouve répétée quatre-vingts fois dans le territoire du royaume.
Cependant ce nombre de quatre-vingts départements n'est pas si absolu qu'on ne le puisse réduire ou augmenter de quelques-uns, si les observations faites par MM. les députés, sur le vu de la carte, en établissent la convenance.
Je passe au troisième rapport sous lequel M. de Mirabeau insiste à la préférence de son plan ; il consiste en ce que le nombre de 120 départements lui paraît plus avantageux que celui de quatre-vingts.
Voyons d'abord dans l'ordre représentatif. Le moyen principal de M. de Mirabeau est qu'en diminuant les districts, on diminue le nombre des électeurs, et qu"on parvient par là à faire députer directement au second degré.
Je réponds que si cet avantage de la députation directe au second degré peut s'obtenir de même par la division en quatre-vingts départements, le plan de M. de Mirabeau n'offre plus de motifs de préférence, quant à la représentation. Or cela est possible de plusieurs manières : 1° en portant tous les électeurs nommés par les assemblées primaires directement à l'assemblée du département; et j'observe qu'il faudrait que la population d'un département s'élevât au-dessus de 360,1)00 âmes pour que l'assemblée électrice fût
composée de plus de 600 électeurs, à raison d'un pour deux cents votants dans les assemblées primaires ; 2° en réunissant les électeurs nommés dans trois communes en une seule assemblée, qui élirait trois députés, à raison des trois bases de la représentation proportionnelle. Nous approfondirons davantage ce point de la députation directe au second degré, lorsque cette question sera à l'ordre du jour ; mais on sent bien qu'il est impossible qu'elle ne soit pas praticable aussi bien en 80 départements qu'en 120 ; ce qui suffit pour écarter sur ce point l'objection de M. de Mirabeau.
Examinons maintenant si le nombre de 120 départements est préférable à celui de 80 dans Vordre administratif. M. de Mirabeau compte en sa faveur trois avantages :
Le premier est de rapprocher plus l'administration des hommes, en resserrant les districts. Cependant il est indubitable qu'un département plus grand d'un tiers, qui aura des communes, rapproche plus l'administration des hommes qu'un département moindre en étendue d'un tiers, mais n'ayant pas de communes ; car il est clair que chaque administration communale est plus près de tous les points de son arrondissement, que le département, quoique réduit au cent vingtième du royaume, ne l'est de toutes les parties de son ressort.
Le second avantage est de faire concourir plus de sujets à Vadministration. La réponse est la môme que sur l'article précédent. 80 départements, avec des assemblées communales subordonnées, emploient et attachent plus de citoyens à l'administration, que 120 départements sans assemblées communales.
Le troisième avantage est de supprimer les administrations intermédiaires. Je réponds que, si M. de Mirabeau cherche à rapprocher l'administration des hommes, et à y faire concourir plus de sujets, il est contradictoire qu'il tende à écarter les administrations intermédiaires. J'ajoute que, puisqu'il compte les deux premiers articles comme des avantages, il est étonnant qu'il mette sur la même ligne ce troisième qui les détruit. Je dis enfin que, quand M. de Mirabeau avoue l'utilité des communes avec 80 départements, rien n'est moins démontré, comme on le verra, que leur inutilité même avec 120 départements, et l'intérêt de les supprimer.
Il me paraît donc certain que, dans la balance des motifs présentés à l'appui de l'un et de l'autre plan de division, ceux qui sont allégués pour le nombre de 120 départements sont bien éloignés d'être prépondérants.
Mais, en réfléchissant plus particulièrement sur les fonctions administratives, il est impossible de ne pas sentir qu'on ne doit pas les diviser au point de trop scinder l'administration générale, de trop multiplier les expéditions et les correspondances, de trop déprécier les corps administratifs dans leur propre opinion et dans celle du public par leur exiguïté, de priver enfin leur émulation et leur zèle d'une suffisante importance d'occupation et d'influence.
M. de Mirabeau conçoit, dans son plan, des administrations telles qu'elles n'auraient dans leur ressort qu'une ville et quelques villages : que seraient de pareilles administrations ? Elles auront, dit-on, une aussi forte population que celles qui régissent 5 à 6 fois plus de territoire qu'elles. Mais, en administration, ce n'est pas la population seule, c'est encore l'étendue qu'il faut considérer. Ce n'est que quand il y a beau-
coup de collectes que la répartition de l'impôt, et les accessoires qui en dérivent occupent l'administrateur ; ce n'est que quand il a un territoire, que les travaux publics peuvent donner matière à ses soins ; ce n'est enfin que quand il surveille de nombreuses communautés, que leur régime lui fournit des affaires. Une administration provinciale bornée à une seule ville et à quelques villages serait un établissement dérisoire.
J'ai fait remarquer que, dans le même plan, il arrivera, par l'excès contraire, que d'autres administrations auront un ressort si étendu que l'habitant des extrémités correspondra péniblement avec le centre. C'est qu'il est de vérité incontestable que la division administrative doit être faite par territoires : 1° afin d'y observer la juste proportion qui répond à la mesure des forces de l'administrateur, pour les employer à profit, et ne jamais les excéder; 2° afin de conserver les districts fixes et permanents, de manière que les citoyens ne se trouvent pas transportés alternativement d'une administration à une autre.
M. de Mirabeau fait valoir encore, à l'appui de sa division, qu'en découpant davantage les territoires, il affaiblit plus Vesprit de province. Je ne crois point à cet effet, puisqu'il respecte presque religieusement les frontières, pour flatter davantage l'opinion. Je n'y crois point, surtout à cause de la multiplicité de ses divisions. S'il y en a dix en Normandie, on ne les considérera que comme celles des bailliages, moins que celles des diocèses, beaucoup moins que celles des généralités. D'ailleurs, si les divisions administratives doivent rompre un jour l'esprit de province, cet effet sera suffisamment opéré par le travail du comité : un coup d'il sur la carte en convaincra. Si, au contraire, ces divisions ne doivent pas produire l'effet que vous en espérez, celles de M. Mirabeau y seraient encore moins propres que les nôtres, puisqu'il évite davantage la transposition des territoires.
Je viens maintenant à la question des communes, et je me hâte de réitérer une déclaration qui doit abréger plusieurs difficultés. Le comité s'en rapporte absolument et adhère d'avance à l'opinion que l'Assemblée préférera sur l'emploi des communes dans l'ordre représentatif. Vous réduirez, Messieurs, le second et dernier degré d'élection aux communes, ou vous les porterez au département, sans passer par les communes. Si c'est ce dernier parti que vous adoptez, les communes s'effaceront dans Y ordre représentatif.
Mais est-il bon de les supprimer dans l'ordre administratif, ou plutôt n'est-il pas du plus grand intérêt de les y établir? Voilà ce qui reste à décider.
M. de Mirabeau reconnaît l'utilité des communes, s'il n'y a que 80 départements ; et ce n'est qu'en portant les assemblées provinciales à 120, qu'il trouve les communes inutiles. Ainsi, les communes ne sont pas d'une inutilité absolue, mais seulement relative : par conséquent, avant de prononcer contre les communes, il faudrait qu'il fût décidé d'abord qu'il vaut mieux avoir 120 assemblées provinciales que 80. C'est cette question-là même que nous venons d'examiner, et il me semble qu'elle ne peut guère paraître douteuse.
M. de Mirabeau fait entrer dans le nombre des motifs d'adopter les 120 départements l'avantage de supprimer les communes, en les rendant inutiles. Mais, quand on commencerait par être d'ac-
cord de la préférence à donner à 120 départements sur 80, la conséquence ne serait pas que les communes fussent inutiles. Je sens bien que, dans l'hypothèse de quelques départements, du nombre des 120, n'ayant, comme on l'a dit, qu'une ville et quelques villages, l'administration, qui n'aurait presque rien à faire par elle-même, n'aurait pas besoin de coopérateurs; mais dans les départements au taux moyen de ressort et d'étendue, et dans ceux dont le territoire excéderait ce taux moyen, les communes seraient encore nécessaires. 11 en faudrait moins de 9 en quelques départements, mais enfin il en faudrait, ou bien on supposerait que le corps administratif pourrait, de son chef-lieu, suivre tous les détails de sa surveillance, et s'éclaircir par lui-même de toutes les localités et de toutes les circonstances relatives aux faits et aux individus de tout son ressort.
Pour rendre cette impossibilité sensible, calculons le ressort moyeu d'un département sur 120. M. de Mirabeau a dit qu'il avait réduit ceux du comité d'un tiers, et qu'ainsi les siens étaient de 12 lieues sur 12. Il y a ici quelque erreur de sa part. Les départements au comité ont 324 lieues, à raison de 18 sur 18. M. de Mirabeau n'a pas dû prendre le tiers des dimensions comme équivalant au tiers des carrés. 12 lieues sur 12 ne donneraient que 144 lieues, qui ne seraient pas les deux tiers, mais moins de la moitié de nos départements. Les siens, puisqu'ils sont réduits d'un tiers, donnent 216 lieues, ou 14 1/2 sur 14 1/2, au taux moyen, et plusieurs l'excéderaient. 120 divisians de 144 lieues carrées, à raison de 12 sur 12, ne formeraient au total que 17,280 lieues carrées, qui ne rempliraient pas, à beaucoup près, l'étendue du royaume.
On doit voir maintenant que la réduction des départements de M. de Mirabeau n'est pas telle qu'elle entraîne, pour la plupart, l'inutilité des coopérateurs intermédiaires.
J'ajoute qu'il faudrait que l'établissement des communes eût des vices propres bien intolérables, pour que l'intérêt de s'en délivrer devint le motif déterminant de préférer 120 départements, qui sont en effet moins convenables, sous tous les rapports, que 80.
Voyons donc ce qu'on objecte de si important contre ces communes qui ont, d'ailleurs, le mérite reconnu de rapprocher l'administration des hommes, d'étendre sa vigilance et son activité, d'employer beaucoup de citoyens, et d'être les meilleures écoles d'administration et d'esprit public.
1° On objecte que les inégalités de population et de valeur entre les départements dèviennent encore plus graves entre les communes, parce qu'elles sont moins faciles à compenser dans un plus petit espace.
Je réponds : 1° que le moyen qui détruit cette objection à l'égard des départements l'anéantit de même pour les communes, puisque le même procédé sert à balancer toutes les valeurs entre celles-ci comme entre les départements. Je réponds : 2° que les communes ne sont balancées et n'ont besoin de l'être que dans l'intérieur de chaque département. Une commune de landes arides, comparée avec une commune de gras et riches pâturages du Cotentin, présenterait une inégalité monstrueuse ; mais dans les limites du même département, où la différence des sols est moins considérable, les rapports de valeur sont beaucoup moins éloignés.
2° On objecte qu'iJ y aura des communes dans
lesquelles il ne se trouvera pas même le nombre de citoyens nécessaires pour une Assemblée primaire.
Je réponds que l'assertion est très-exagérée, si l'on considère qu'il y a trente-six lieues dans le ressort d'une commune. Je crois bien qu'il y aura des communes beaucoup moins peuplées que d'autres et qui, par cette raison, seront moins représentées au "département, mais elles seront représentées proportionnellement et au tant qu'elles ont droit de l'être relativement aux autres. Entin, si l'on suppose que dans tel département il v aura une partie de son territoire tellement inhabitée, qu'elle ne puisse pas absolument fournir à une assemblée, soit d'éleelion, soit d'administration , eh bien ! il estclair qu'un tel désert est à compter comme un lac, ou comme une mer; il est comme n'existant pas; il n'aura ni assemblée primaire, ni commune. Dans tous les plans, dans tous les systèmes possibles, un désert ne peut être compté; on aura égard, en formant les départements, à ces exceptions rares qui ne peuvent pas prévaloir contre un bon plan d'organisation générale.
3° On objecte qu'îV se trouvera, dans plusieurs communes, des villes assez fortes pour dominer sur les campagnes de leurs districts.
Je réponds que cela est beaucoup moins dangereux dans les administrations communales que dans celles des départements, parce que les premières ne décident et n'ordonnent rien, mais sont seulement exécutrices. M. de Mirabeau devait-il faire cette objection pour les communes, lorsqu'il établit ce reproche d'une manière infiniment plus grave contre ses départements ? Dans ceux qu'il propose, toutes les villes auront une influence marquée, puisque Lyon, par exemple, Rouen, Bordeaux, Marseille, domineraient invinciblement les faibles campagnes qui leur seraient adjointes pour compléter le taux de population du département. C'est par là que le plan du comité a de grands avantages, parce qu'en étendant les ressorts, il met la campagne plus en force contre les villes, et parce qu'en attachant les députés au territoire, même par commune, il assure aux campagnes une part importante de députation qui balance ce que les villes ont de plus en population. C'est encore à cela que servent très-utilement les députés attachés à la contribution directe, parce que les campagnes ont beaucoup plus de députés de cette espèce que les villes.
4° On objecte l'extrême embarras de rétablissement des communes, qui nous oblige, dit-on, d'en confier l'exécution aux provinces.
Je réponds que ce n'est pas plus des communes que des départements que l'établissement est confié aux provinces, mais seulement des cantons, dont on peut se passer pour la première formation des assemblées. En quoi donc l'établissement des communes est-il si embarrassant particulièrement ? Il ne s'agit que de subdiviser chaque département : l'exécution, étant partielle et simultanée en chacun, ne sera ni plus difficile ni plus longue pour 80 départements que pour un seul.
Enfin, Messieurs, je viens aux cantons sur lesquels il y a peu de choses à dire, parce que cet objet est le moins important de tous. Les cantons ne sont point une division politique qu'il soit nécessaire d'organiser si régulièrement. Leur usage se réduit, dans tous les cas, à indiquer l'étendue moyenne du territoire où il peut se former une assemblée primaire et des lieux de rassemblement. Le comité a pensé que cette étendue moyenne serait, dans l'état commun de la France,
de quatre lieues carrées. Ainsi le mot canton n'équivaut réellement et simplement qu'à la désignation de quatre lieues carrées de pays.
line serait pas raisonnable d'assigner autant d'assemblées primaires qu'il V a de paroisses et de villages, parce qu'il y en aurait un trop grand nombre, qu'elles seraient trop inégales, et que les hommes en crédit y auraient trop d'influence. M. de Mirabeau lai-même réunit plusieurs paroisses ou villages pour avoir toujours cinq cents citoyens votants en chaque assemblée primaire. Il établit ainsi les cantons par le fait, puisqu'il arriverait indubitablement que chaque territoire, réuni par une élection commune, finirait par se regarder comme corporé, et formant un district d'élection séparé des autres.
M. de Mirabeau ne déplace pas, il est vrai, les habitants de chaque village ou paroisse, qui ont un député à nommer en commun ; mais je crois cela moins avantageux pour assurer les bons choix et pour prévenir les lenteurs et les embarras de la répétition des scrutins.
Le comité a fait entrer dans ses motifs pour assigner aux assemblées primaires une autre base que la division des villes et des villages, celui de marquer par là la distinction du pouvoir municipal et des pouvoirs nationaux. Nous traiterons plus amplement cette matière quand nous en serons à la formation des municipalités. En fait, cette discussion devient inutile ici ; car M. de Mirabeau ne compte pas lui-même chaque population municipalisée comme élément ou règle de ces assemblées primaires, puisqu'en les fixant à cinq cents votants, il divise les municipalités plus peuplées, ou réunit celles qui le sont moins.
On a renouvelé contre les cantons les objections d'inégalité de population et d'importauce politique qui ont été faites contre les départements et contre les communes. Mais elles sont encore moins considérables ici, puisque les assemblées primaires ne nomment qu'à raison de la seule population, qu'elles ne nomment que les électeurs qui doivent choisir les représentants et les administrateurs, et qu'enfin les cantons ne sont absolument rien, dans notre organisation, sinon les indications des lieux de rassemblement.
Je dois expliquer de nouveau que le canton le moins peuplé, pourvu qu'il ne soit pas un désert, aura une assemblée primaire, et que dans ces cas d'exception, toute assemblée primaire aura un député, fût-elle moindre de deux cents votants. Ne regrettons pas, Messieurs, d'attacher ainsi le plus faible degré de l'influence politique à ces lieux moins favorisés par la nature, où. loin d'augmenter les causes de la dépopulation, il faut au contraire faire cesser tous les dégoûts qui pourraient en éloigner de nouveaux habitants, et réunir tout ce qui est capable d'y en attirer.
Permettez-moi, Messieurs, de vous soumettre une réflexion qui me paraît déterminante sur l'ensemble de cette discussion.
C'est au projet de votre comité que vous avez accordé la priorité. A-t-on prouvé qu'il fût matériellement impraticable, ou malfaisant politiquement? ne reste-t-il pas démontré qu'il remédie beaucoup à l'état vicieux des divisions actuelles et qu'il produit, sous une infinité de rapports, de grands avantages? qu'y a-t-il donc contre ce plan? Des objections particulières, la plupart communes à tous les plans de division nouvelle, quelques-unes tenant, ou à des affections locales, ou à des systèmes arbitraires ; toutes enfin fondées, moins sur ce que le plan de votre co-
mité n'est pas bon, que sur ce que, dans la rigueur de la perfection spéculative, il n'est pas ce que chacun se figure de mieux possible. Eh! Messieurs, adopteriez-vous jamais aucun plan, décréteriez-vous jamais cette laborieuse partie de la Constitution, si vous attendiez un plan sans objection possible, sans quelque inconvénient partiel, ou un système tellement parfait, non-seulement en masse, mais encore pour toutes les localités, que quelqu'un nel'improuve pas, et que personne ne puisse désirer quelque chose de mieux? Voici le moment d'avoir le courage et la modération de la raison, pour ne pas sacrifier le bien que nous tenons, et sur lequel nous pouvons opérer actuellement, à la vaine et trompeuse prétention d'un mieux exagéré.
On demande de toutes parts d'aller aux voix.
L'Assemblée délibère sur cette demande, et la première question est ainsi posée :
Fera-t-on une nouvelle division du royaume, oui, ou non?
Le décret est pour l'affirmative.
La seconde question est conçue en ces ternit s:
Les départements seront-ils au nombre d'environ quatre-vingts, oui, ou non ?
, député de Corse. Quel que soit le nombre des départements, je demande qu'il soit dit que la Corse formera un département séparé.
Cet amendement est ajourné.
Le mot environ est trop vague; il faut tixer la latitude en exprimant que le nombre des départements sera de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq.
(L'article est admis avec cet amendement).
annonce que le second scrutin pour la nomination du président n'a pas encore donné une majorité absolue. Sur 440 votants, M. l'archevêque d'Aix a eu 214 voix. M. Thouret, 149, et M. Emmery, 75 ; deux voix ont été perdues.
Une députation delà commune de Paris est introduite.
, portant la parole, expose que le Trésor public a besoiu de toutes ses ressources, et qu'il est essentiel de prévenir les obstacles qui pourraient s'opposer dans la capitale à la perception des impôts. Cette perception était autrefois confiée à divers pouvoirs : le prévôt des marchands était chargé des impositions qui se perçoivent sur les habitants et sur les maisons; et le lieutenant de police, comme commissaire du conseil, de celles que payent les corps et communautés. Cesdeux officiers présidaient une commission du conseil, autorisée à juger les modérations des cotes, etc., etc.
Le maire de Paris et les officiers municipaux sont-ils revêtus de ce pouvoir, et comment l'exer-ceront ils ?
Un de MM. les lieutenants de maire lit un dé cret rédigé pour répondre à cette question.
La députation a encore un autre objet :
Des députés du comité provisoire de Troyes sont venus demander les secours de la commune de Paris auprès de l'Assemblée nationale contre les vexations qu'exercent sur ce comité des tribunaux judiciaires. La commune a autorisé quatre de ses membres à aller témoigner à l'Assemblée nationale l'intérêt qu'elle prend à la situation fâcheuse du comité delà ville de Troyes.
L'Assemblée nationale examinera vos demandes et les arrêtés qui les contiennent.
Un billet de M. le garde des sceaux annonce que le Roi a accepté les articles de constitution qui lui ont été dernièrement présentés, et l'envoi est accompagné des expéditions de plusieurs décrets sanctionnés.
Ce ministre communique en même temps à l'Assemblée une lettre du substitut du procureur général du parlement de Normandie, adressée à M. de Saint-Priest, et un nouvel arrêté de la chambre des vacations du même parlement.
On fait lecture de cette lettre, ainsi conçue:
« J'ai reçu l'arrêt du conseil ; en conformité de vos ordres, je l'ai présenté à ces messieurs qui ont pris l'arrêté ci-joint. Je puis vous assurer, monseigneur, que l'arrêté n'a reçu aucune publication. Voici à ce sujet l'arrêté de la chambre des vacations, du 10 novembre 1789 :
« La chambre a accordé acte au procureur général de la présentation qu'il a faite d'un arrêt du conseil qui casse l'arrêté pris par ladite chambre le 6 du même mois, et arrête, pour la décharge dudit procureur général, que ladite présentation lui vaudra signification au greffe de la cour ; arrête en outre que M. de Guinchainville, doyen, écrira à M. le garde des sceaux pour le prier d'assurer le seigneur Roi que la chambre, en prenant un arrêté contenant l'expression de sa douleur profonde sur les malheurs de l'Etat, ainsi que de son amour inviolable pour la personne de Sa Majesté (arrêté uniquement destiné à passer sous ses yeux sans pouvoir recevoir aucune publicité), ne peut ni ne doit être soupçonnée d'avoir cherché à exciter aucune fermentation, ni à égarer les esprits de ses fidèles sujets, et encore moins à élever des doutes, ni sur les principes dudit seigneur Roi, ni sur son intime union avec l'Assemblée nationale. »
Cette espèce d'acte rétroactif ne paraît faire aucune sensation sur l'Assembiee. On le renvoie au comité des rapports.
La séance est levée à trois heures,
FIN DU TOME IX.
PREMIERE SERIE
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première série
TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE
DU TOME NEUVIÈME
lre sëuie. t. ix,
Roi de la déclaration des droits et des articles de la
Constitution votés (ibid.); -texte de ladrw de l'adresse (6 oc-
tobre, p. 352 et suiv.); - le commet dede Mirabeau propose en vain de la discuter immédiatement (ibid.,p.355); - incident sur son impression (9 october, p.383).
fnhrp SrefS1,°v et lanpoRslbllité de sa réforme (2 octobre 1789, t. IX, p. 270 et suiv.).
l'ait une motion sur la discipline et l'obéissance des troupes (p. 481). Parle sur la motion du comte de Mirabeau concernant la dette des Etats-CJnis (p. 714).
Parle sur l'amendement de Guillaume, relatif aux ordres émanés du Roi (p. 212) ;sur l'organisation du Corps législatif (p. 219), (p. 227). Nommé trésorier patriotique (p. 49a). Nommé inspecteur (p. 654).
Parle sur la motion du comte de Mirabeau concernant les blés des Etats-Unis, la création d'une caisse nationale et la présence des ministres dans l'Assemblée (p. 714).
renvoi au comité militaire (ibid., p.41). Motion du duc d'Aiguillon tendant à resserrer les liens de l'obéissance militaire, en prescrivant aux troupes la plus stricte soumission aux ordonnances subsistantes (23 octobre, p. 484) ; renvoi au comité militaire (ibid.).
hommage de l'ouvrage intitulé : Traité sur les principes du commerce entre les nations, et d'une estampe représentant le siège de Calais (ibid.); adresses des comités permanents des villes de Toulon et de Saint-Brieuc (ibid.); délibération de la commune de Besançon (ibid. et p. Suiv.»; adresse de 300 citoyens de la ville de Paris (ibid., p. 2) ; arrêté des officiers du bailliage de Sérents (ibid.) ; adresse de la ville de Pontrieux(t'in'd.) ; adressede la
municipalité de la ville de laRochefoucauld (ibid.); adresse des villes de Clermont-Ferrand etd'Argenton en Berry (ibid.); dons patriotiques de Gaume, aumônier de la manufacture de Sèvres, et de Lemoine, avocat au parlement (ibid., p. 4); plaintes d'un député de la province du Maine au sujet de vexations commises à l'endroit du commerce des grains (ibid.); renvoi au pouvoir exécutif (ibid.) ¦ dons patriotiques d'un citoyen de Paris, procureur à la cour des comptes; des officiers du siège de l'amirauté de Baveux, du sieur Demonville, imprimeur de l'Académie française; du sieur Bouzu, directeur de l'imprimerie; de Hunel, avocat du Roi au bailliage d'Amiens; de Jourdain d'Héricourt fils (17 septembre, p. 23 et suiv.) ; adresses de l'assemblée générale, des communes de Saint-Malo, du comité patriotique de Limoges, du comité électif de la ville de Bernay, de la ville d'Arles, de la ville d'Albin en Rouergue, de Hugues de la Garde, président de la chambre des comptes de Dauphiné; de Jean-François iViagenthies, de la ville de Bagncux-les-Juifs en Bourgogne, de la ville de Saumur, des officiers du régiment de Beau-voisis, de la ville du Blanc en Berry et de la ville de la Youlte en Yivarais (ibid., p. 24); don patriotique d'un chevalier non profès de l'ordre de Malle (ibid,, p. 24); dons patrioiiques des sieurs Germain frères, des commissionnaires de la halle aux draps de Paris, de madame Leroy, de Charles Potras et de la demoiselle Gos (18 septembre, p. 28);
adresses de la compagnie des volontaires patriotes de Sedan, des villages de Sainl-Masul , Plovier, Franconnière et Châteauneuf-d'Isére; des habitants de Ville-Sargnau, de la communauté de Cuzorid (ibid., p. 31) ; délibérations de la ville de Die en Dauphiné, de la communauté de Cabris en Provence, de la ville de Florac en Cévennes (ibid.) ; arrêté des officiers de la sénéchaussée de Montélimart (ibid.); adresse de la noblesse immédiate de la Basse-Alsace (ibid.). Don patriotique de la pension académique de Nantes (18 septembre, p. M) ; mention de la prestation de serment de la garni; on de la ville de Metz (ibid.). Don patriotique de la veuve Lepré-vôt (19 septembre, p. 41 ) ; adoption d'une proposition de Camus tendant à faire imprimer, ch ique semaine, l'extrait du registre des dons patriotiques [ibid., p. 42);
décision relative à la nomination de trois trésoriers chargés de garder l'argenterie et les bijoux donnés (ibid.). Don patriotique du peintre Sauvage (ibid.) ;
adresses des milices bourgeoises des villes de Nîmes, Sancoins, Rue, Toulon, Saint-Maxim in, Ortres , Beaugency et Luçon (ibid.)', déclaration de la noblesse de la sénéchaus-ée de Draguignan en faveur des arrêtés du 4 août (ibid.). Dons patriotiques de la maison religieuse de Belle-Chasse et d'un député des communes (21 septembre, p. 53) ; délibération de la municipalité de Versailles concernant les 6,000 hommes de troupes requis par elle (ibid,) ; discussion y relative : comte de Mirabeau, de Foucaud,, Biouzat, Fréteau, comte de Mirabeau (ibid. et p. suiv.);
l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer (ibid., p. 54) ; adresses concernant les abandons faits dans la nuit du 4 août, et délibération de la communauté de Corbarieu du Haut-Languedoc, constatant que l'abandon de 200,000 livres, fait par le marquis de Puy-Laroque, a précédé d'un mois les arrêtés du 4 août (t id.). Don^ patriotiques de Curt, député de la Guadeloupe; de Belouart, capucin (21 septembre, p. 55); d'un écolier de treize ans, de la dame Paignon d'Anneville, des habitants deBèze, d'Aignay-le Duc, d'un curé, de Pelauque-Béraut et des dépuiés de la généralité de Lorraine et Barrois (ibid., p. 92) ; adresses des habitants d'Aignay-le-Duc , d'Etallante, Melleran, Saint-Beron, Montmoyen, Beau-notte, Origny, Quémigny, Quéminerol, Cone, Beau-lieu, Moitr n, Bellenot, Duesmes et Mauvilly; des corporations d'arts et métiers de Toulouse, des habitants de Pézenas, de la compagnie de l'arquebuse de Provins, des habitants de Saint-Pierre de Lanneray, de Pouzanges, de Romans, de Sûnt-Esprit-les-Bayonne (22 septembre, p. 98). Mémoire du clergé d'Asace et délibération des chambres ecclésiastiques de Strasbourg et Wissembourg refusant d'à Ihérer aux décrets du 4 août (ibid. et p. suiv.) Dons patriotiques d'une demoiselle de Nîmes, de Samary, curé et député
de Carcassonne; d'Augeoin, invalide à Blois; d'Edel-mann, compositeur de musique; de Xavier, bourgeois de Paris; d'Albert, propriétaire de bains; de Mangin, entrepreneur de travaux, des officiers du bailliage de Loudun, de Gaud, commissaire des guerres; du comte de Failly, député nu b illiage de Vitry-le-Français ; de_ Colson, député du clergé du bailliage de Sarregue-mines et du Roi et de la Reine (ibid., p. 99N ; discussion au sujet du sacrifice fait par ces derniers de leur argenlerie : Boery, comte de Mirabeau, de Toulongeon, Deschamps (ibid.); le président est chargé d'aller supplier le Roi de conserver sa vaisselle et est remplacé au iauteuil. par La Luzerne (ibid.); rentre en annonçant que le Roi persiste dans s i résolution (ibid.,p. 101). Dons patriotiques de Berthier, gouverneur de l'hôtel de la guerre ; de Frétel, paumier du duc d'Orléans; des employés et ouvriers de la manufacture de Réveillon (ibid., p. 102) ; le général marquis de Montalembert, admis à la barre, fan hommage de plans en relief dressés par lui pour la défense du royaume (ibid.)-, le président le remercie au nom de l'Assemblée [ibid.). Dons patriotiques de li ii de Sainte-Aulaire de Montplaisir, de Dupré, député des communes de Carcassonne; de dix curés, membres de l'Assemblée; de David, delivreur des écuries de Monsieur ; de Girout, Latour et autres ciioyens attachés au service d'une terre de la comté d'Évreux en Normandie ; de Knapen fils, de la garde nationale de Paris (23 septembre, p. 122). Lettre du ministre de la guerre, comte de La Tour-du-Pin-Paulin, adressée au président, pour le prévenir des mesures prises dans le but de protéger Je siège de l'Assemblée contre des menaces de violences (ïbid.)$
lettre de Bailly, maire de Paris, au ministre de la guerre, demandant, au nom de la capitale, l'éloigne-ment du régiment de Flandre (ibid., p. 123); autre lettre du comte de Saint-Priest, ministre de l'intérieur, sur le même objet [ibid.); adresses de la sénéchaussée de Gourdon en Quercy, de la municipalité de ÎS'oves en Provence, de la communauté de Reeuville dans le comté de Grignan, de la ville de Saint-Biieuc, de la ville el communauté de Sainte-Affrique en Rouergue, de la ville de Villiers en Anjou, de la ville d'Argentat dans le Bas-Limousin, des officiers municipaux et des représentants du bailliage de Sarrelouis, des communes de Savenay, dipcèse de Nantes ; de la ville de Saint-Marcellin en Dàuphiné, de la commune du bourg de Tardets, au pays de Sou le, de la commune de la ville de Saint-Denis (Ile-de-France), des villesd'Uzerche etMur-de-Barrés(i/n'i.).
Dons patriotiques du "sieur Buis, de Desvernay, curé de Yrllefranche et député; des comédiens italiens ordinaires du Roi, d'un député de l'Alsace, de Despaux, chirurgien-d ntiste à Paris, et des sieurs Rousseau, traiteursà Versailles (ibid., p. 125). Lettre du duc de Cliarost offrant à la nation une somme de 100,001) livres (24 seplembre, p. 138); le président, est chargé de lui transmettre les remerciements de l'Assemblée (ibid.). Dons patriotiques d'un membre des communes du sieur Georgelin, correspondant des Etats de Bretagne, des sergents-majors et sergents d'un régiment de Besançon, des députés de la paroisse de Ville-Labbé, des membres du comité de la Société publique de Strasbourg, de Dupont (de Nemours), du sieur Cruel de Sormancourt (ibid.) ; adresses de la ville de Gauge en Languedoc, de la ville de Saint-Girons en Couserans, du comité permanent de la ville d'Auch, du comité patriotique de la ville de Sainte-Menéh uld, de la ville d'Aix en Provence, du corps ecclésiastique de la ville d'Am-bert en Auvergne et de la ville même d'Ambert, de la paroisse de Bizé en Champagne, delà ville de l'Ile-Jourdain, de la ville d'Ardres en Auvergne, de la ville de l'Ile-Bouchard, de la ville de Tarare dans le Lyonnais (ibid. et p. suiv.) : délibérations des électeurs des trois ordres, officiers municipaux el conseil de la ville d'Amiens, du comité national et permanent de la ville d'Alençon, de la ville de Montlouis en Roussillon, et du comité permanent de la ville de Saint-Agnau en Berry (ibid. p. 139); adresses de la ville de Peyrehorade et Igaas, sénéchaussée de Dax, des ordres réunis, députés, électeurs et membres du comité général de la ville deCaen (ibid.). Don patriotique du sieur Bouillard d'Orgeval, président des
traites de la ville de Brie-Comte-Robert (ibid.). Dons patriotiques de dame Denys Duporzon de Pon-trieux, d'une anonyme, du sieur Jourdain, avocat à Rennes; d'une anonyme, du sieur Chevalier Lefebon, d'un anonyme, de deux citoyens de $garde nationale de Paris, de Fieffé, ancien notaire à Paris ; de Vale-rian-Duclos et Richard, députés de Nîmes (ibid., p. 169). Dons patriotiques des clercs de notaires de Paris, de Bausereau de Ceruz, avocat à Beaune; des loueurs de carrosses de Paris, du sieur Prudhomme, officier du Roi; d'un députe du clergé, de Banère de Yieuzac, de d'Aude, curé de Saint-Perra\, et d'un anonyme, Auvergnat domicilié à Paris (25 septembre, p. 1S2). Adresses des villes de Langeac, Ardes, Besse, Briou ie, Issoire, Lezoux et Vicie le-Comte en Auvergne; de la ville de Blesle et des bourgs d'Auliat, Allagnat, Beauregard, Brenat, Buron, Bouzel, Beaune, Châtrât etPasredon. Bort, Cournon, Champeix, Chau-riat, Dallet, Dreuil-en-la-Roche, Durtol, Fiat, Jussat, Pont-du-Chàt-au, La Roche-Donnezat, le Crest, les Martres, Lempdes, Laps, Le Cendre, Lemply, Mon-taigu-le Blanc, Monlou, Mirefleur, Vechers, Vobanaut, Nabouzat, Orbeil, Orsonnette, Orcet, Ornon, Orleat, Plauzat, Pignol, Parent, Perignat, Romaignat, Saint-Jean-d'Heur, Solignat, Saint-Maurice, Saledes, Saint-Saturnin, Saint-Sandoux, Saint-Babel, Seychalles, Teix-Forifrède et Nadailhat, Vassel et Yrondes ; du sieur Alongeot, des communautés de Chapelle-Birond en Agénois et de Châleauneuî-sur-le-Cher ; délibération do la ville de Tarascon en Provence, déclaration du sieur Gouilliart, procureur du Roi au bureau' des finances de la généralité de Soissons (ibid., p. 185). Dons patriotiques des sieurs Chevrier, chef de bureau de la caisse d'escompte ; Boucher, Pajou, sculpteur du Roi; d'un citoyen bien pauvre, du sieur Broyon, des artistes typographes de Paris, des sieurs Baudoin, imprimeur de l'Assemblée nationale, et Faucier, ancien notaire au Châtelet de Paris (ibid.). Dons patriotiques d'un cultivateur, de Carré, de Trémille, en Poitou, de Mosneron de Launay, député du commerce de Nantes, et du marquis d^ Solin, président du comité permanent du bailliage de Bour-bon-Lancy ; de la Comedie-Française, el du sieur Gervaise, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris (26 septembre, p. 186). Dons patriotiques d'un groupe d'employés des maisons de commerce de Paris ; d'un anonyme (Bertier), par l'entremise de Boulainvilliers, prévôt de Paris ; des sieurs Chassey, Merlin, député de Douai; Rousseau, Baudin, Canary, Gilbert et de Bauve ; de la comtesse de Mau-repas , de quelques religieux de Saint-Martin-des-Cliamps, et des gardes nationaux soldés du district des Filles-Saint-Thomas de Paris (28 septembre, p. 196 et suiv.). L'Assemblée agréeun plan de monument à la. gloire du Roi, offert par un des huissiers de l'Assemblée (ibid., p. 197^; invitation adressée à l'Assemblée par la municipalité et la garde nationale de Versailles, d'assister à la bénédiction des drapeaux de la milice bourgeoise (ibid., p. 200); adresses d'un comité d'associationdes villes de Domme, Belvès , Montpasier, Villefranche, Molières, Monti-gnac, Terrasson, Saint-Cyprien , Beaumont, Biron ; Lignières en Touraine, Gorron en Bretagne, No-zeroy en Franche-Comté, de Lusignac en Poitou, de Gannat en Bourbonnais, de Chàteau-Porcien en Champagne, de Charonne ; du bourg de Rumigny ; de la communauté de La Pommeraie et du corps de ville de La Rochelle (ibid.). Dons patriotiques de plusieurs citoyens de la ville de Romans, de Goulard, député du clergé; de l'abbé Castan de la Courtade, du sieur Guilhote Dupont, de Rez, l'un des médecins ordinaires du Roi; des sieurs Aubrelicque, receveur général des aides; Boquet de Liancourt, avocat du Roi; Gravin, changeur; de deux surs de l'hôpital de la Salpêtrière, du sieur Barberet, de Charles-Henri Groux, avocat au Parlement ; d'un membre de l'Assemblée, des personnes attachées au comte de Grillon, de Filleau, lieutenant du premier chirurgien du Roi à Etampes, et Lezay de Marnésia (ibid.) ; projet de décret motivé par la multiplicité des dons patriotiques (ibid.) ; adoption (ibid.) ; adoption de la proposition de Baudouin, imprimeur de l'Assemblée, tendant à l'impression gratuitede l'état de toutes les pensions (ibid).). Le président annonce que
désormais les séances ouvriront à neuf heures du matin (29 septembre, p. 201). Adresses de la commune de Clamart-sous-Meudon, de la ville de Gen>ac, sénéchaussée d'Albret; du bourg de Cucurron en Provence, de la ville et du comité permanent de Saumur, de la ville et commune de Maringues, des officiers municipaux de la ville deCorbigny-les-Saint-Léonard, de la ville de Lourdes, du régiment national de la ville de Saintes, et de la ville de Courpierre en Auvergne (ibid., p. 212 et suiv.). Dons patriotiques des huissiers à cheval et à verge au Châtelet de Paris, de la ville de Romans et dedeux brigades du corps royal des colonnies (ibid.) ; lettre des supérieurs, vicaire général et procureur général de la congrégation de Cluny, au sujet de l'offre faite par quelques religieux de Saint-Martin-des-Champs (p. 2î3). Dons patriotiques du district de Saint-Magloire de Paris (30 septembre, p. 222). Adresses d'une compagnie des Invalides de Paris, des ofliciers municipaux de la ville de Cambrai, des États de la même ville et du Cam-brésis, des officiers municipaux et des officiers des justices seigneuriales de la ville de Courville, de la ville de Saint Gêniez en Rouergue, de la ville de Sisteron en Provence, des communautés de Tarascon et Varilles, de la ville de Saint-Ibau, des communautés de Montant, de Saint-Quire, de Saint-Paul, de Lissac, de Bénac, de Coûté et de Rieux-de-Port ; de la ville de Mazères , de la province de Foix , delà ville de Romorantin, de la chambre ecclésiastique de Colmar (ibid., p. 223). Don patriotique du sieur David, de Paris (ibid.). Dons patriotiques de la marquise de Massol et des syndics de la librairie (1er octobre, p. 226) ; de Necker (ibid., p. 230et suiv.). Adresses de la ville de Prade, province de Rous-sillon, des vingt-deux communautés formant le bé-gareau d'Oloron, de la commune de Strasbourg, de la ville de Valenciennes, des religieux bénédictins de l'abbaye du Bec-Hellouin, et de l'abbaye de Bonne-val, des religieux de l'abbaye de Saint-Sergelès-Angers (ibid., p. 253) ; liste de dons patriotiques lue par un des trésoriers (ibid.); adresses de la ville de Saint-Dizier, de la communauté d'Allan, des villes de Pamiers, du Mas-d'Azil, de Foix, La Bastide, Tarascon, d'Aumazan ; des communautés du Vernet, de Saverdun, de Montaud , de la vallée de Signer et de Bonac , de la communauté de Schelestadt, de la commune de la ville de Castelmoron , des officiers municipaux et de l'étal-major de la milice citoyenne de Séez, du prinee-évêque de Strasbourg (ibid., p. 239) ; protestation de cinq religieux de la maison do Saint-Martin-des-Champs contre la lettre d'autres religieux de la même maison lue le 28 septembre (ibid.) ; dons patriotiques de Rodolphe de Montfort, d'un contrôleur des actes et d'un ecclésiastique (ibid.). Députation des bas officiers de l'hôtel des Invalides offrant un don patriotique (3 octobre, p. 338); don patriotique du clergé de Paris (ibid.). Adresses delà ville de Lignières en Touraine, du clergé et des communes de la ville de Yerneuil, des ofliciers de l'élection de Montluçon (ibid., p. 339). Le président est chargé d'aller supplier le Roi d'établir des cordons de troupes sur les frontières pour empêcher l'exportation des grains (ibid. et p. suiv.). Target demande que le président soit chargé d'aller prier le Roi de veiller à l'exécution du décret sur la circulation des blés (5 octobre, p. 46). Maillard, suivi d'un grand nombre de femmes, se présente à la barre et demande que l'on punisse les gardes du corps et les accapareurs de grains (ibid. et p. suiv.) ; l'Assemblée décide que le président se rendra à l'instant chez le Roi non-seulement pour en obtenir l'acceptation pure ef simple de la déclaration des droits et des dix-neuf articles de la Constitution votés, mais encore pour réclamer toute la force du pouvoir exécutif relativement aux subsistances de Paris (ibid., p. 473); le président, ^remplacé par La Luzerne, sort, vers cinq heures, accompagné de douze députés(ibid.) ; un de ces derniers, Guillotin, rapporte vers huit heures la réponse du Roi au sujet des subsistances ; donne lecture de l'ordre donné par le Roi pour faire transportera Paris des blés retenus àSenlisel àLagny (ibid.); arrêté de l'Assemblée concernant la disette de grains (ibid. et p. suiv.) ; la séance, commencée à neuf heures du matin, est levéo à neuf heures et demie
du soir, puis reprise presque aussitôt (ibid., p. 348) ;
le président lit l'acceptation pure et simple du Roi des articles de la Constitution votés et de la déclaration des droits (ibid.); il retourne eusuite, sur la demande du Roi, près de ce dernier, avec les membres présents (ibid.) ; le Roi les assure qu'il n'a jamais songé et ne songera jamais à se séparer de l'Assemblée (ibid.) ; nouvelle reprise de la séance: discussion du projet de décret sur la réforme de quelques articles du Code criminel (ibid.); interruption causée par les femmes restées dans la salle et réclamant la délibération sur les grains (ibid.); Mirabeau demande que le président protège la liberté de discussion (ibid.);le président fait évacuer la salle envahie et la séance continue jnsqu'à trois heures du matin (ibid.). Le comte de Mirabeau n'est pas d'avis que l'Assemblée se déplace pour se rapprocher du Roi (6 octobre, p. 349);discussion: Uémeunier, Regnaudde Saint-Jean-d'Angély (ibid.) ; l'Assemblée décide qu'elle enverra au Roi une députation de trente-six membres (ibid.) ; le comte de Mirabeau propose de décréter que l'Assemblée et le Roi sont inséparables (ibid.) ; Barnave l'appuie (ibid.); adoption de cette motion amendée (ibid.);
noms des membres de la députation (ibid.) ; Barnave annonce que le Roi a l'intention de se transporter à Paris (ibid.) ; Démeunier propose de nommer une seconde députation pour accompagner le Roi à Paris (ibid.) ; adoption (ibid.) ;
d'Eymar, qui a porté la parole au nom de la première, rapporte son discours et celui du Roi (ibid. et p. suiv.) ; noms des membres de la députation chargée d'accompagner le Roi (ibid., p. 350);
Mirabeau demande que l'on délibère sur le projet de décret du comité des finances relatif au plan de Necker (ibid.) ; reprise de la discussion sur ce projet et adoption (ibid. et p. suiv.). Lecture des dons patriotiques inscrits dans le registre à ce destiné (ibid. p. 354) ; adoption d'une double motion relative à la rentrée des fonds et à la vente des objets envoyés (ibid.). Adresse du bourg de Vi-verol en Auvergne, des citoyens de tous les ordres de la ville d'Uzès en Languedoc, de la ville de Castelmoron, sénéchaussée d'Albret; de la ville de Foval au diocèse de Lavaur, de la communauté de Coarraze en Béarn, de la ville de Vertus en Champagne, des villes de Moulins, Tannay, Douzy et Corbigny en Nivernais, et du comité électoral de la ville de Ver-neuil dans le Perche (ibid.). Lettre de deux Anglais, Robert et Hercule Crémont, témoignant du zèle le plus ardent pour la liberté de la France (7 octobre, p. 379);
Robespierre demande et l'Assemblée ordonne la traduction, la lecture et l'impression de cette lettre (8 octobre, p. 382). Incident au sujet du retour au Roi à Paris et du projet de translation de l'Assemblée : Dufraisse-Duchey, Goupil de Préfeln, Tron-chet, duc de Liancourt, Grégoire, vicomte de Mira-bea.u (ibid. et p. suiv.). Doléances de la municipalité de Versailles (ibid., p. 385) ; réponse du président (ibid.). Dons patriotiques de Ri'.lhié, receveur des gabelles à Sancerre; d'Antoine Gamein, curé de Chevannes en Bourgogne; des écoliers et clercs du collège irlandais de Paris, de Lally-Tollen-dal (ibid, et p. suiv.); admission à la barre d'une députation extraordinaire des grandes villes de commerce (ibid., p. 386). Target demande si le comité des subsistances s'est occupé de l'instruction destinée à éclairer le peuple sur le danger des moyens qu'il emploie pour se procurer des subsistances (9 octobre, p. 388); le président répond que c'est à lui qu'il appartient d'écrire une lettre circulaire et qu'il n'y avait pas lieu d'envoyer une instruction (ibid.).
Lettre du Roi tendant à faire nommer des commissaires chargés de choisir un local à Paris pour l'Assemblée (9 octobre, p. 390) ; discussion : deux membres, Treilhard, Goupil de Préfeln, Populus Du-quesnoy (ibid.) ; décret de nomination des commissaires (ibid.); noms des six commissaires (ibid.);
décret de translation (ibid.)' Adresses de la ville de Pont-l'Evêque, de la ville de Billom en Auvergne, des municipalités de Vassel, Bouzel, Eglise-Neuve, Pérignat-ès-Alliers, Saint-Bonnet, Montaigu Lilenois, Saint-Jean-de-Glaines, Reignat, Montmorin, Jayet, Espirat, Neuville, Saint-Georges, Choriat, Dreuil-en-Laroche,
Estandeuil, Bassol, Isserteaux, Chas, Beauregard, Saint-Dier, Bally, Mozun, Verlaison, Mesel; des villes d'Ambert, Courpière, Issoire, Latour, Maringues, Mun-taigu en Combrailles., Salers, Vodables : des municipalités d'Antoin, d'Autezat, Baignols, Belismes el la Barge, Cebazat et Montpeyroux, Courte-Serre, Frede-ville, Le Broc, La Chapelle-Agnon, Les Martres d'Ar-trières, Maylieu, Mirefleur, Moncel, Mont-Redon, Plau-sat, Saint-Flour près Courpières, Saint-Gervais-sous-Meymont, Sauzet-le-Froid et Sauriat ; de la communauté de Pforts ; des communes de l'Ile-JoUrdain en Armagnac, des villes de Lavaur, Rochechouart, de Saint-Benoît-du-Sault, de la commune de Néelle, du comité électif de la ville de Vernay, du comité de Sainte-Ménéhould, du district de Saint-Lazare, des villes de Confolens, Saint-Brieuc, de la municipalité de Brieulles-sur-Bar, des citoyens de Thionville, des officiers de gabelle de Chollet et des habitants de tous états de la ville de Laval (ibid., p. 390 et suiv.).
Lecture des dons patriotiques (ibid., p. 391). Adresses du prévôt royal de Boisset-en-Carladès, des habitants des Pyrénées, des villes de Puy-l'Evêque en Quercy et de Saint-Malo, de la vallée d'Aillant en Bourgogne, des villes de Sierk et de Strasbourg (10 octobre, p. 404). Lecture des dons patriotiques {ibid.) ; don patriotique d'Anson (ibid., p. 409). Nomination d'un nouveau président : Fréteau (ibid.). Lettresde plusieurs religieux bénédictins confirmant l'offre des religieux bénédictins de Saint-Martin-des-Champs (ibid., p. 407) ; lettre du comité municipal de Metz concernant le marquis de Bouillé (ibid.) ; décret de l'Assemblée tendant à l'astreindre à prononcer textuellement la forme du serment (ibid.). Dons patriotiques inscrits sur le registre à ce destiné (ibid.).
Lettre de Saint-Priest, dénoncé par Mirabeau (ibid. et p. suiv.). Discours d'installation du nouveau président (12 octobre, p. 408.); les commissaires envoyés à Paris annoncent que l'Assemblée pourra se réunir provisoirement à l'Archevêché (ibid. p. 411) ; elle décide qu'elle cessera ses séances à Versailles après celle du matin du 15 octobre, et qu'elle ira siéger à l'Archevêché le 19 suivant (ibid.);
elle arrête, en outre, qu'on lui rendra compte dans la séance du soir d'une pétition du sieur Marat (ibid.) ; élection de trois secrétaires : le marquis de Rostaing, le chevalier Alexandre de Lameth et l'abbé Thibault (ibid.). Lecture des dons patriotiques (ibid., p. 412). Lettre du garde des sceaux annonçant: 1° que le Roi a sanctionné le décret sur l'intérêt de l'argent et celui sur la procédure criminelle ; 2° que le ministre de la justice a visité lui-même le Châtelet pour hâter la préparation des locaux en exécution du second décret (13 octobre, p. 418 et suiv.).
Adresses des villes de Sisieron, de Saint-Maximin, de la communauté deBrignoles, des villes de Casiel-lane et de Saint-Paul; de la communauté de Barjols; des villes d'Ant, de Tarascon, de Digne, de Lambesc, de Pertuis, de Seyne et de Saint-Remy; des communautés dePignans, des Mées, de Trets, de Valette, de Saint-Césaire, de la Verdière, de Levens, de Gas-sin, de Bras, de Fos-Amphoux, d'Albiosc, de Rou-moules, de Thorame-Basse, de Saint-Julien-le-Mon-tagnier, de Cassis, de Lespenne, d'Eyragues, de Lavernegues, de Cottignac, de Regusse, de Bausset, de Bargemont, de Grimaud, de Varages, de Carcès, de Bézaudun, de Sillonnet, de Barles, de Verdaches, de Malvaux et de Vence; des communautés de Pierre-feu, de Néoules, de Peyroules et d'Allons, de la ville de Senez, des communautés de Dubraye, de Moriès, do la Martre, de Vergons, de Venelles, de Quinson, de Ginasservis, de Bonnes, de la Ciotat, d'Entrecasteaux, de Roquebrussanne, de Lourmarin, d'Estoublon, de Montagnac, de Bourmont, de Noves, de Grans, de Signes, de Gensenos, de Saint-Andiel, de Vallauris, de Camdumy, d'Artignosc, de Saint-Nazaire, de Mezoargues, de Puy vert, de Baudinard, de Tavernes, de Château-Renard, d'Eynière, de Maillanne, d'Aubagne, de la Cadière, de Lançon, de Rians et de Pourcieux ; de la noblesse des sénéchaussées de Dra-guignan et Castellane, de la ville de Rieumes; des communautés de Colonzelle, de Montregur, de Salles, de Chantemerle ; des villes de Grignan, de Rugles, du Buis, de l'Arbresle, de Pau ; de la communauté de Recey , des villes de Pithiviers, de Gannat etdeLons-
le-Saunier; des communautés des habitants d'E[)ône et de la ville de Bar-suf-Aiibe (ibid., p. 438 et suiv.).
Lecture des dons patriotiqùés (ibid., p. 439) ; offres patriotiques de plusieurs ddriimtinautés d'Alsace (ibid. et p. suiv.). Requête de Mâfat arrêté pour un libelle contre l'Assemblée (14 octobre, p. 441) ; renvoi au comité des rapports (ibid.). Déptitation d'une portion du commerce de Paris (ibid.,p. 444). Disposition s piises pour la translation des services de l'Assemblée à Paris (15 octobre, p. 454) : décret supprimant la distinction des costumes dos députés, des places dans la salle des séances et des rangs dans les cérémonies publiques (ibid.). Première séance, tenue à Paris, au palais de l'Archevêché (19 octobre, p. 457) ; le président rend compte de ce qui s'est passé pendant les trois jours de suspension des séances: arrestation du vicomte de Caraman; opposition de la municipalité de Boulogne-sur-Mer ait départ du duc d'Orléans pour l'Angleterre et interceptation des subsistances nécessaires aux garnisons des frontières (ibid.). Dons patriotiques (ibid. et p. suiv ). Députation de la commune de Paris, ayant à sa tôle le maire, Bailly, accompagné de Lafayette ; discours de Bailly (ibid., p. 458 et suiv.) ; réponse du président (ibid., p. 459); discours du comte de Mirabeau (ibid. elp. suiv.) ; réponses de Bailly et de Lafayette (ibid., p. 460) ; l'Assemblée vote des remerciements à la commune et à la garde nationale (ibid.)] Gouy d'Arsy demande que l'Assemblée se transporte en corps auprès du Roi (ibid , p. 461); adoption (ibid., p. 463). Le comte de Clermont-Tonnerre propose d'assigner un jour de la semaine aux affaires étrangères, à la Constitution et aux finances (20 octobre, p. 469) Robespierre demande, au contraire, que les questions qui intéressent la paix publique soient traitées sans désemparer (ibid.) ; ajournement (ibid., p. 470). L'Assemblée se rend aux luiieries: discours du président au Roi (ibid.); réponse du Roi (ibid.) ; discours du président à la Reine (ibid. et p. suiv.); réponse delà Reine (ibid.).
Lettre des membres du comité national d'Alençon au sujet de l'arrestation du vicomte de Caraman et du détachement de Picardie(21 octobre,p. 471); renvoi au comité des recherches (ibid.). Délibération de la ville de Moulins ; mémoire du clergé de la province de Hainaut ; adresses des officiers de la ville d'Avranches, des citoyens de tous les états de la ville et communauté de Villeneuve-l'Agénois, de la ville de Pouilly-sur-Loire, de la ville de l'Argentière en Viva-rais, delà commune de Baud en Bretagne, de la communauté de Saint-Sever en Gascogne, de_ la ville da Bagnols en Languedoc, de la communauté de Syan de la même province, et de la milice nationale d'Uzès (ibid. el p. suiv.). Députation de la commune de Paris introduite pour rendre compte d'un meurtre commis sur la personne d'un nommé François, boulanger (ibid., p. 472); de Foucault etBarnave proposent de voter immédiatement une loi martiale (ibid.) ; l'Assemblée décrète que les projets du comte de Mirabeau et Target auront la priorité, que le comité de constitution s'occupera sur-le-champ de la rédaction de la loi sur les attroupements; qu'il sera enjoint au comité des recherches de procéder aux informations nécessaires pour découvrir les fauteurs des troubles, et au comité de police de transmettre au comité des recherches tous les renseignements qui lui seront parvenus; que le comité de constitution proposera, le 26 courant, un projet de loi pour l'établissement d'un tribunal chargé de juger les crimes de lèse-nation, et que les ministres indiqueront les moyens et les ressources que l'Assemblée peut leur fournir pour les mettre en mesure d'assurer les subsistances (ibid.)-, autre députation de la commune de Paris demandant le vote de la loi sur les attroupements (ibid. et p. suiv.) ; le président répond que l'Assemblée ne lèvera pas la séance sans l'avoir décrétée (ibid., p. 473). Voir le mot Attroupements. Admission aux honneurs d# la séance d'un vieillard de cent vingt ans (22 octobre, p. 476) ; _ discussion sur l'arrestation du duc d'Orléans (ibid., p. 478) ; ajournement (ibid.). Adresses de la compagnie des volontaires de Chinon, de quelques religieux de l'abbaye de Cluny, des marches-communes du Poitou et de la Bretagne, de la communauté de Beau-
men en Périgord, de la communauté de Saint-Etienne, Roqueversière, de Valfrancesque, diocèse de Mende, et de la vilie d'Issoire en Auvergne (22 octobre, p. 483). Lettre du comité d'Alençon relative à l'affaire du vicomte de Caramun (ibid.) ; il demande l'anéanti.-sement de la procédli re faite à son sujet (ibid.) ; honneurs de la séance offerts à un vieillard de cent vingt ans (ibid., p. 484). Adresses des villes d'Albert, de Rochefortet d'Abbeville, des différents corps de la garnison de Strasbourg, de la ville de Montélimart, des officiers municipaux et comité de la ville de Saint-Etienne en Forez, des officiers municipaux de Cbàteauneuf d'Isère, de Saint-Marcel, de Plovier, de Fauconnières et du régiment national de Valentinois, des villes de Paimpol et de Mons (24 octobre, p. 514). Dons patriotiques de Laborde de Méréville, des chanoines réguliers de Saint-Victor et d'une confrérie de Paris (ibid., p. 515). Adresses du bourg de Grandela en Brie, des électeurs, députés et autres notables habitants de la province du Roussillon, des villes d'Ambert, Besse, Brioude, ls-oire, Montaign en Combrailles, Olliergues, S^int-Amaml-le-Cber, Thiers, Vodables; des bourgs d'An-toin, Apchon, Aubusson, Augerolles, Anthezat, Besse en Chandeze, Cebazai, Chanonat, Chambons, Cola-mine^lc-Bwiirg, Colamines-le-Puy, Compains, Coudât en Ferrières, Condittes, Montpeyroux, Espinehal, Granderolles, l'Etang et Village, la Chabasse, Mauriat, Manlieu, Marrrt, Mémont, Mezel, Mentrodat, Murols, Olenet, Oreines, Picherat-de-Reignat, Salliems, Saint-Anastase, Saint-Barihélemy, Aydat, Saint-Genest, Champespe, Saint-Julien-sur-Aydat, Saint-Nectaire, Saint-Tours, Saint-Victor, Sayat, Sermentison, Tré-jiaux, Trijat, Valbelaix, Vuzeilles et Viltemontreix en Auvergne (27 octobre, p. 589). Adresses de l'Isle-en-Dodon en Comminges, des électeurs unis du bailliage de Château-Thierry, des habitants de Gen-lis et Vichy, des représentants de la commune de Montpellier, de la ville d'Ussel en Limousin, de la ville de Hajetman en la sénéchaussée de Saint-Séver, de la ville de Sainte-Marie en Béarn, des habitants du bameau de Pouilly en Nivernais et de la ville de Saint-Genest de Ridevol en Rouergue (28 octobre, p. 594). Le maire de Paris rend compte de troubles qui ont éclaté à Vernon à l'occasion des approvisionnements de Paris (ibid., p. 597); répression des coupables (29 octobre, p. 600); le président félicité la commune de Paris de sa vigilance pour le maintien de i'oidre (ibid.), remercie les c toyennes du district de Saint-Martin-des-Champs de l'offrande de leurs bijoux (ibid.). Adresses de la ville de Saint-Sever-Cap en Gascogne, des représentants de la commune de Besançon, des villes de Durât en Agenois et de Saint-Claude en Franche Comté , de la communauté de Baliros en Béarn, de la vi le deLamballeen Bretagne, de quatre bénédictins de la communauté du prieuré de Saint-Nicolas-d'Acy, prés Senlis (30 octobre, p. 601). Adresses des officiers de la sénéchaussée des Lannes, de la communauté de Saint-André-de-Valborgne en Cévennes, des officiers du bailliage et siège présidial et du siège prévôtal de Vesoul en Franche-Comté, des villes de Saint-Marcellin en Dauphiné, de Joinville et de Fumay en Champagne, d Eu, de Donzi en Nivernais, et du comité de Saint-Pérai en Vivarais (31 octobre, p. 613). Adresses des villes d'Aspect au pays de Communes, de Romans, ie Vienne,et Tain en Dauphiné,de Saint-Rommede Tarn; des communautés de Château-Neuf, Saint-Maurice, Tan-con, Saint-Martin-de-Lixi, Coublan deChassigny, Saint-Igni et Fleury en Bourgogne; des villes de "Montivil-liers en Caux et Saint-Malo, des communautés d'Annot et d'Allan en Provence, de la ville de Pujols en Agé-nois, du bourg de Saint-Seine-l'Abbaye en Bourgogne, des religieux bénédictins de Saint-Mai tin-des-Glands en Lorraine, des villes de Latour-d'Auvergne et Pezenas (3 novembre, p. 652 et suiv.); arrêté de la ville de Toulouse dénoncé dans l'adresse de Pezenas (ibid., p. 653). Adresses du sieur Vaukempen de Bouiard, procureur du Roi des eaux et forêts du département de Saint-Oiner ; de la paroisse et juridiction de Sainte-Livrade en Guyenne, du conseil permanent de la ville d'Ag le en Languedoc, du comité municipal de la ville de Ligny en Barrois , du corps des marchands-fabricants gantiers de la ville de
Grenoble, de Ja communauté de Claix, élection de Grenoble; de la ville de Saint-Vallier en Dauphiné (4 novembre, p. 670). L'Assemblée décrète que le comité de constitution sera chargé d'apporter à la prochaine séance tous les décrets qui n'ont pas encore été présentés à l'acceptation et que le président se reliiera par devers le Roi pour le prier de les accepter (ibid. et p. suiv.). Adresses de la commission intermédiaire du Dauphiné, de la commune de Cosne, de la milice nationale de Selongey en Bourgogne, de la commune de Satnt-Dié et de plusieurs maisons de religieux, bénédictins de la province de Franche-Comté (5 novembre, p. 678 et suiv.). Lecture des articles de Constitution décrétés depuis le 5 octobre (ibid., p. 679); lecture et approbation de la rédaction ordonnée le 10 octobre, relativement à l'intitulé des décrets -sanctionnés et à l'époque de leur mise à exécution (ibid.). Adresses des dignitaires, chanoines et chapitre de l'église collégiale de Lure ; des communes et ville de Combourg de la communauté de Hauterive en Agénois, des villes de Buiinétable au Maine, de Rethel, deBelmont, d'Auch; de trois religieux bénédictins de l'abbaye de Tiron en Normandie, du curé de Saint-Sulpice et delà >ille de Valence (6 novembre, p. 703 et suiv.). Adresses des officiers municipaux, du c mité patriotique et de la garde nationale ne la ville de Moniauban; du comité permanent de Lesparre en Guyenne, du conseil permanent de Privas en Vivarais de la communauté de Monthonod, en Dauphiné, des carmes déchaussés de Marseil'lle et de Lyon, des habitants de la ville de Dieulefit en Dauphiné , des officiers municipaux et des habitants de la ville de Bourgoin en Dauphiné (7 novembre, p. 715). Première séance tenue au manège des Tuileries (9 novembre, p. 721); réclamation d'un sieur de Villemotte à qui la translation de l'Assemblée a fait perdre sa place d'écuyer (ibid., p. 722); renvoi au ministre des finances (ibid.). Adresses des bénédictines de Notre Dame de Soissons, de la ville de Clois en Dunois, de la communauté de Miallet en Limousin, de la ville de Châtelauo'ren en Bretagne, de la communauté de Somnierance en Champagne, des villes de Beaumont en Gàtinais et de Saillans en Dauphiné, des feuillants de l'abbaye de Bellefontaine, des villes de Châlon-sur-S ône, de Guéménée, de Conches et de Caen ; du juge royal de la ville de Pertuis en Provence, de la viile de Montmédy, des huissiers com-missaires-priseurs de la ville de Paris, des bénédictins de Notre-Dame de Novy en Champagne, des officiers de judica'ure et municipaux du marquisat de la Pierre et bourg de Collonges (10 novembre, p. 731). Adresses de Desbois de Rochefort, curé de Saint-André-des-Arts ; des citoyens de la commune de Paray en Charolais, do la communauté des carmes déchaussés de Toulon, de la ville de Hondan, des communautés de Séby, Arbormatre et Amont en Guyenne ; des villes de Courlenay, Orgelet et Nar-bonne ; des religieuses du prieuré de la Colombe et de la ville de Florac en Cévennes (11 novembre, p. 743).
(t. IX, p. 441), (p. 460); sur la nouvelle division du royaume (p. 680). Présente un tableau relatif à la nouvelle division du royaume (p. 698 et suiv.).
sur un projet dedécret présenté parNecker (p. 233);
sur la proposition du comte de Mirabeau tendant à faire décréter inséparables l'Assemblée et le R>i (p. 349); sur l'organisation du Corps législatif (p. 381 et suiv.). Refuse au président le droit de donner des passe-ports aux. députés(p. 389). Parle sur la motion de Cocherel concernant la sûreté personnelle des députés (p. 397). Demande que les congés pour cause de maladie ne soient accordés que sur certificat de médecin (p. 404). Parle contre la proposition d'une marque distinctive pour les députés (p. 406) ; sur les biens ecclésiastiques (p. 423 et suiv.) ; sur la motion du duc d'Aiguillon concernant les adresses (p. 453). Appuie la proposition de voter une loi martiale (p. 472). Nommé secrétaire (p. 552). Parle sur la convocation des Etats du Dauphiné (ibid.). Parle sur la motion de Mirabeau concernant les enfants de faillis au point de vue de l'éligibilité (p. 595), (p. 666); sur la nouvelle division du royaume (p. 673); sur les biens du clergé (p. 721), sur la nouvelle division du royaume (p. 728); sur l'arrêté pris par la chambre des vacations dupailement de Rouen (p. 742).
Parle sur la réponse du Roi, du 4 octobre 1789, à une demande de sanction (p. 344 et suiv.); sur l'organisation du Corps législatif (p. 380\ (p. 396 et suiv.); sur les prétentions de la Navarre (p. 410).
Fait un rapport sur les élections de la Martinique (p. 444 et suiv.). Parle sur les muniripaliiés (p. 590), (p. 596) ; sur les conditions d'èlégibilité pour être'député (p. 599) ; sur l'exception en faveur des fils de Emilie {ibid.) ; sur l'acceptation royale (p. 670) ; sur lanouvelle division du royaume (p. 691); sur l'arrêté de la chambre des vacations du parlement ae Rouen (p. 730).
Lanjuinais demande l'ajournement de la discussion (13 octobre, p. 415); nouveau libellé de la motion du comte de Mirabeau (ibid.) ; Lanjuinais propose d'ajourner cette question (ibid.)', ouverture de la discussion : Montlosier, Camus, abbé de Rastignac, abbé Dillon (ibid. et p. suiv.); suite de la discussion : abbé d'Eymar, Barnave, Maury, abbé Gouttes, Malouet (ibid.,p. 419et suiv.); Maury, comte de Mirabeau, de Bonnal, Duport, Thouret, de Béthizy, Treilhard, Grégoire* de Béthisy, de Custine, Chasset, Bureaux de Pusy (23 octobre, p. 484 etsuiV.).
Opinions, non prononcées, du comte de Clermont-Toniierre* de Durand de Maillane, de Mayet, de Mil Ion de Montherlant, de Viefville des Essarts (p. 496 et suiv.) ; suite de la discussion : Dupont (de ï\!emours), Pellerin, Garât jeune (24 octobre, p. 517 et suiv.) ; Lebrun, vicomte de Mirabeau, comte de Mirabeau, Maury, Thouret (30 octobre, p. 602 et suiv.) ; duc de La Rochefoucauld, Jallet, de Bois-gelin, Pétion de Villeneuve, Cortois de Balore, abbé de Montesquiou, d'Estourmel (31 octobre, p 613 et suiv.); Briois de Beaumetz, La Poule, Besse, Darché, Hennet, Le Roux, Bécherel, comte de La Galissonnière, comte de La Marck,Le Chapelier, comte
de Mirabeau, Malouet (2 novembre, p. 629 et suiv.) ;
adoption de la molion du comte de Mirabeau amendée (ibid.j p. 649). Opinion, non prononcée, de Talleyrand-Périgord (ibid. et p. suiv.). Motion de ce dernier tendant à la conservation des biens ecclesiastiques (7 novembre, p. 718 et suiv.) ; discussion : Treilhard, Marlineau, de Cazalès, Maury, de Coulmiers, Target, de Montesquiou, Barnave {ibid., P.- 719 et suiv.); ajournement du jer article (ibid., p. 721) ; adoption des autres articles (ibid.).
Demando la suppression d'une phrase du procès-verbal relative à l'offre des religieux de Saint-Martin-des-Champs (p. 201). Parle sur les biens ecclésiastiques (p. 484). Proteste contre le décret qui suspend 1 émission des vux monastiques (p. 598).
sur les passe-ports des députés (p. 389) sur les municipalités (p. 592).
qualification de Roi de Navarre (p. 410)-_sur les
municipalités (p. 442), (p. 461), (p. 589), (p. 597) ; -
sur la nouvelle division du royaume (p. 690). _Pré-
fenn1"1. tableau relatif à cette nouvelle division (p. 699 et suiv.). Demande la suppression des pensions au-dessus de 300 livies(p. 704) - l'ajournement de la discussion sur la nouvelle division du royaume (p. 728).
Brun de Lacombe. Sa lettre sur les municipalités et les districts renvoyée au comité de constitution (t. IX, p. 457) ; _ texte de cette lettre (p. 463 et suiv.).
suiv.). Projet proposé par Duclos-Dufresnoy (6 octobre, p. 355 et suiv.;.
£ar lettre, l'Assemblée qu'il est obligé de_ se rendre à ausanne pourra santé de sa femme (t. IX, p. 613).
tution relatifs au pouvoir judiciaire et à la proposition des lois (ibid). Donne des explications au sujet des plaintes de l'Assemblée relatives à la publication tardive et incomplète de ses décrets (p. 473 et suiv.). Communique une note relative à l'exécution des décrets sur l'exportation et la circulation des grains (p. 674); un arrêt du Conseil relatif à l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen en enregistrant la loi qui la proroge (p. 728 et suiv.).
rend compte de son entrevue avec le Roi qui a promis de répondre le lendemain (p. 47). Son opinion, non prononcée, sur les municipalités et le veto (p. 57' et suiv.). Est chargé d'aller supplier le Roi de conserver son argenterie (p. 99); rapporte la réponse du Roi (p. 101). Remercie le marquis de Montalembert de son offre patriotique (p. 102);
les acteurs de la Comédie-Française et le sieur Gervaise, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, de leurs dons patriotiques (p. 186 et suiv.).
Proclame l'élection du nouveau président et des nouveaux secrétaires (p. 196) ; remercie l'Assemblée en quittant le fauteuil (ibid.). Prend la défense des juifs d'Alsace persécutés (p. 201). Parle sur l'organisation du Corps législatif (p. 221); sur le projet de décret présenté par Necker (p. 231); sur les municipalités (p. 461). Demande qu'un jour par semaine soit assigné aux affaires étrangères à la Constitution et aux finances (p. 469). Son opinion, non prononcée, sur les biens ecclésiastiques (p. 496 et suiv.).
Parle sur la convocation des Etats provinciaux (p. 554); sur la motion du comte de Mirabeau, con-
cernant les blés des Etats-Unis, la création d'une Caisse nationale et la présence des ministres dans l'Assemblée (p. 714) ; sur l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen (p. 730), (p. 741 et suiv.)-
texte de l'article (ibid.). Target propose de s'occuper de l'organisation des assemblées provinciales (22 septembre, p. 99 et suiv.); Kabaud appuie cette proposition (ibid., p. 100); Camus se plaint de ce que les travaux n'avancent pas (ibid.). Le duc de Mortemart demande et obtient que l'on délibère sur la définition du gouvernement français (ibiil.); lecture de l'article 1er du chapitre II : « Le gouvernement français est monarchique, etc. » (ibid.); amendements proposés par de Lubersac, Roussier et Target (ibid.); texte de l'article adopté (ibid.). Lecture de l'article deuxième : a Aucun acte de législation ne pourra être considéré comme loi, etc. » (ibid.); discussion : Le Chapelier, Monnier, Manry, comte de Lameth, Tronchet, Bouche, Guillotin.LeCha-pelier, Garat, Mounier, Tronchet, de Lally-Tollendal, comte de Mirabeau, Bouche (ibid. et p. suiv.); lecture de l'article amendé (ibid.), p. 101 et suiv.); adoption (ibid., p. 102). Discussion de l'article troisième : « Le pouvoir exécutif suprême résilie exclusivement dans les mains au Roi » : Lameth, Bouche (23 septembre, p. 123); adoption (ibid.); reprise delà discussion sur cet article: Bouche, Lameth, Bouche, Boucholte, deLaLuzerne, Delacour, Mounier, Target, vicomte de Mirabeau, Duport, comte de Mirabeau, un membre dj la noblesse, Pétion de Villeneuve, de La Luzerne, Fréteau, Le Berthon Sbid. et p. suiv.);
texte de l'article 3 amendé et définitivement adopté (ibid., p. 124). L'Assemblée décide l'insertion, entre l'article i> et l'arlicle 4, des articles décrétés sur la sanction royale (ibid.); lecture de l'article 4 concernant le pouvoir judiciaire, et discussion : Des-c'hamps, Pétion de Villenfuve, Garat, Pison du Ga-land, Duval d'Ëprémesnil, Fréteau, Pison du Galand, Target, Clermont-Lodève, Garat (ibid.); adoption de l'article amendé (ibid.). Le comte de Mirabeau propose de traiter ensuite la question de la régence, et Mounier, de s'occuper de l'organisation des municipalités (ibid.). Rapport de Thouret sur les bases de la représentation proportionnelle (29 sept., p. 202
et suiv.). Rapport du même sur l'établissement des assemblées administratives'et des municipalités (ibid., p. 206 et suiv.). Richier demande la distribution à chaque député d'une carte correspondant au projet de la nouvelle division de la France (ibid., p. 210);
Target répond que cette carte sera non-seulement soumise aux députés, mais encore envoyée aux provinces pour être corrigée selon leurs vux (ibid.).
Rapport par Target sur le projet de plan constitutif du Corps législatif (ibid. et p. suiv.). Fréteau propose de statuer sur quelques articles du chapitre Ier, non encore mis en délibération, et en particulier sur la responsabilité des ministres (ibid., p. 211); discussion sur cet objet : Démeunier, un membre de la noblesse, Fréteau, comte de Mirabeau, Guillaume, Fréteau, Le Barthon, Anson (ibid. et p. suiv.); adoption de l'article amendé (p. 212). Discussion du projet d'organisation du Corps législatif : Démeunier, Legrand. Treilhard, Martineau, Target, plusieurs membres (30 septembre, p. 219) ; adoption de l'article 1 er(ibia.). Discussion de l'ar-ticle 2 : Malouet, plusieurs membres, Target, un membre, de La Luzerne, un membre, Anson. Rewbell, La Poule, Goupil de Préfeln, Buzot, Duport, vicomte de Mirabeau, Petion de Villeneuve, Démeunier, Le Bar-thon, marquis de Bonnay, Démeunier, Malouet, Le Pelletier de Saint-Fargeau (ibid. et p. suiv.); adoption (ibid., p. 220). Discussion de l'article 3: Goupil de Préfeln, un membre, Target, Martineau, Target, Martineau, Garat, Emmery, de La Luzerne, de Virieu, deux membres, Pison du Galand, duc d'Aiguillon, Dubois de Crancé, Duport, de Clermont Tonnerre, chevalier de Lameth, Pétion, de Clermont-Tonnerre, duc d'Aiguillon, de Mirepoix, d'Aiguillon, comte de Cri lion (ibid. et p. suiv.); adoption (ibid. p. 222). Discussion de l'article 4 : Martineau, Démeunier, Barnave, Morin, duc de La Rochefoucauld, Andrieu, comte de Mirabeau. Target, comte de Mirabeau, Anson, comte de Mirabeau, Defermon, Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, comte de Mirabeau, de Boisgelin, comte de Mirabeau, plusieurs membres (l®r octobre, p. 226 et suiv.). Adoption de la première partie de l'article 4 (ibid., p. 228); discussion sur l'ajournement de la seconde partie : abbé d'Eymar, Pétion de Villeneuve, comte de Mirabeau (ibid.) ; ajournement (ibid ). Déclaration des droits de l'homm,e en société (Voir ces mots). Lecture par Démeunier des 19 premiers articles de la Constitution décrétés (2 septembre, p. 237) ; adoption de cette classification (ibid.). Bouche demande qu'on reprenne le travail de la Constitution (7 octobre, p. 379). Discussion de l'article 5 du projet relatif à l'organisation du Corps législatif : de Boisgelin, Démeunier, Barrère de Vieuzac, comte de Mirabeau, Deschamps, Brostaret, Pétion de Villeneuve (ibid. et p. suiv.); adoption (ibid., p. 380). Articles : duc de Mortemart, Pison du Galand, Fréteau, comte de Mirabeau, de Cazalés, duc de La Rochefoucauld, Monilosier, Blin, due du Châtelet, Robespierre, de Boisgelin, Glezen, Fréteau, comte de Mirabeau, Barnave, d'Aigalliers, Duport, Pétion de Villeneuve, de Lubersac, de Beaumeiz (ibid. et p. suiv.); adoption (ibid., p. 382). Articles 7 et 8 : adoption sans discussion (8 octobre, p. 383). Article 9 : Robespierre, Duport, Démeunier, Fréteau, Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, Pétion de Villeneuve. de Boislandry, comte de Mirabeau, Fréteau, de Boisgelin, Robespierre, Le Barthon, Target, comte de Mirabeau, Fréteau, Garat ainé (ibid. et p. suiv.); Target, Lanjuinais, Tronchet, Briois de Beaumetz, Barrère de Vieuzac, Target, Camus (10 octobre, p. 396 et suiv.) ; Adoption de l'article modifié (ibid., p. 397). Discussion sur l'adjonction du titre de roi de Navarre : Target (12 octobre, p. 408). Lecture d'une lettre de Polverel, député des Etats de Navarre (ibid. et p. suiv.); d'un mémoire des Etats de Navarre (ibid., p 410); suite de la discussion : Noussitou, Bouche, Barrère de Vieuzac,
La Ville-Leroux, Emmery, Salicetti, comte de Mirabeau, Lanjuinais, de Bousmard (ibid. et p. suiv.) ; rejet (ibid., p. 411). Voir Division générale du royaume, Municipalités.
La Touche tendant à sa formation (6 octobre 1789, t. IX, p. 354); discussion : Malouet, Curt, marquis de Rostaing (ibid. et p. suiv.); adoption et iixa-tion à douze du nombre des membres [ibid., p. 355);
noms décès membres (13 octobre, p. 414).
discussion : Le Pelletier de Sain -Fargeau, Bro-cheton, de Lachèze, duc de La Rochefoucauld, Goupil de Préfeln (3 octobre, p. 339); reprise de la discussion interrompue par des clameurs (5 octobre, p.348';;adoption des quinze premiers articles (8 octobre, p. 387) ; adoption des articles 16 et 17 (9 octobre, p. 389 el suiv.); adoption des artic es 18, 19, 20 el 21 {ibid p. 392 et suiv.); adoption de l'article 21 proposé par Guillotm, et des articles 23,24.25,26, 27et 28 (ibid., p. 393); article additionnel proposé par un membre (ibid.); ajournement (ibtd.). Proposition, par Guillotin, de six articles relatifs aux suppliciés (ibid.) ; addition de douze articles proposée par Guillaume (ibid. et p. suiv.); ajournement (ibid., p. 394) ; adoption du préambule (ibid.) ; l'Assemblée décrète la présentation de ce préambule et de ses 28 articles votés (ibid.) ; lecture de ces 28 articles (ibid. et p. suiv.).
0
demande du renvoi de ce projet de décret dans les bureaux (ibid.) ; cette demande est rejelée (ibid.) ; discussion : Gillet de la Jacqueminière, baron de Monl-boissier, Faydel (ibid. et p. suiv.) ; Daude, Grégoire (19 septembre, p. 52 et suiv.) ; Dupré, Enju-bault de La Roche, Roger (21 septembre, p. 92 et suiv.) ; envoi au comité de rédaction du projet d'arrêté proposé par le comité des finances et des trois amendements adoptés (ibid., p. 98). Le président du comité demande que ce comité, en rendant compte des pensions, puisse indiquer les réductions et suppressions utiles et possibles (22 septembre, p. 103) ;
adopté (ibid.) ; un membre demande que l'on
imprime la liste des pensions, un autre (Duvald'Epré-mesnil), qu'on y ajoute uu état détaillé des traitements sur les régies, les fermes, les fourrages, les postes, les pays d:Etats (ibid.); l'Assemblée décrète l'impression de l'étal nominatif des pensions, traitements, dons, etc., avec la date el les motifs des-dites pensions, traitements, dons, etc. (ibid.). Anson, au nom du comité, présente un projet de décret tendant à faire confectionner des rôles pour imposer les privilégiés (ibid.j ; discussion : de Rochebrune, Dubois de Crancé, Devillas, Bouche, de Custine, Daude (ibid. et p. suiv ). Anson est chargé de rédiger un nouveau projet de décret (24 septembre, p. 181) ; leclure du nouveau projet de décret (25 septembre, p. 182 et suiv.) ; discussion : baron de Monlboissier, Grégoire, abbé Goulard, comte de Virieu, de Macaye, Gaultier de Biauzal, de Rochebrune, Viguier, Simon de Maibelle, Frèteau, Gdlet de la Jacqueminière, Anson, Kréteau (ibid., p. 18 4 et suiv.). Lecture par Anson du décret mndifié dans la séance du matin (ibid., p. 185); discussion : marquis d'Estourmel (ibid.); texte du décret adopté (ibid., p. 186); reprise de la discussion à propos du procès-verbal: Dupont, Démeunier, Gouiard, curé de Roanne, Démeunier, de Castellane, de Clermont-Lodève, Dillon, curé du Vieux-Pouzauges (26 septembre, p. 187) ; adoption d'un amendement présenté par G >ulard et appuyé par Dillon, tendant à lever l'exemption de la ta\e commune dont ne veulent plus bénéficier les curés congruistes (ibid.). Le vicomte de Noailles donne sa démission de membre du comité des finances (28 septembre, p. 197). Le marquis d'Ambly dénonce le refus du comité de donner à l'imprimeur l'état des pensions (30 septembre, p. 219). Rapport sur les dépenses actuelles du département de la guerre (2 octobre, p. 240), (p. 257 et suiv.). Nouvelles plaintes au sujet du retard apporté à l'impression de l'état des pensions (Voir Pensions).
Rapport d'Àlquier sur le mandement de Min-tier, évêque de Tréguier (ibid., p. 453 et suiv.).
Rapport de Defermon sur les troubles survenus a Rouen (21 octobre, p'. 4"6) ; décrel ponant que l'assemblée municipale et électorale de Rouen fera exécuter le plan d'organisation arrêté par elle le 2
octobre, à l'exception de l'article 5, et que le comité ues recherches sera tenu d'informer sur les causes des troubles (¦ibid.). Rapport par Lepelletier de Saint--rargeau sur des violences exercées contre un habitant de Gien accusé d'avoir mouillé du blé (23 octobre, p. 495) ; l'Assemblée décrète la restitution de 1 amende auquel le peuple l'avait condamné (ibid.). Rapport par Defermon sur les craintes formulées par la municipalité de Pëzenas au sujet de ses actes 9"'; pourraient être cassés par les cours souveraines [îbid.); 1 Assemblée décrète qu'ils ne pourront être casses\ (ibid.). Rapport par Rousselet concluant à la prohibition des vux monastiques perpétuels (28 oclo-597) ; l'Assemblée décrète leur suspension (ibld.). Rapport de Defermon surune dénonciation portee contre un membre de la municipalité de Nevers accusé de malversation (30 octobre, p. 611 et suiv.) : renvoi au pouvoir exécutif (ibid., p. 612).
renvoi au Châtelet (ibid.). Noms des nouveaux membres élus (20 octobre, p. 468). Le président prie le comité de s'occuper des troubles de Troyes à cause du nombre considérable des personnes arrêtées (2-t octobre, p. 517); le duc de La Rochefoucauld propose de décréter que le pouvoir exécutif sera chargé de prendre des mesures pour proléger la vie des prisonniers menacée (ibid.). Renvoi à ce comité de plaintes relatives aux poursuites exercées par le prévôt de la maréchaussée de Hagueneau contre des ej^ores de la municipalité de ce lieu (H novembre,
la libre circulation des grains, et qu'elle indique les moyens de garder Besenval en prison aussi sûrement et à moins de frais (2 octobre 1789, t. IX, p. 223 et suiv.); réponse du président (ibid., p. 224). Incident au sujet du titre de Messieurs au lieu de Messeigneurs employé par l'orateur de la députation, Lanjuinais (ibid.). Députation chargée de prier 1 Assemblée de hâter sa translation à Paris (10 octobre, p. 405); réponse du président (ibid., p. 406).
Bailly prie l'Assemblée, au nom des soixante administrateurs de la commune, de décréter un règlement provisoire qui serve de base à leurs fondions, et déposé un projet de règlement sur le bureau (3 novembre, p. 666).
adoption (ibid.). '
' à une demande de sanction (t. IX, p. 346); sur les biens ecclésiastiques (p. 720 et suiv.).
putés (p. 398) ; sur la publication tardive et incomplète des décrets (p. 464;;sur les biens ecclésiastiques (p. 494) ; sur la motion du comle de Mirabeau concernant les blés d'Amérique et la présence des ministres dans l'Assemblée (p. 713).
Forez. Parle sur la, nouvelle division du royaume (t. IX, p. 672 et suiv.).
sur l'organisation du corps législatif (p. 217) , (p. 220), (p. 227). Donne lecture de la déclaration des droits de l'bomme modifiée et des dix-neuf premiers articles de la Constitution (p. 236 et suiv.). Propose de se rendre près du Roi le 9 octobre 1789 (p. 349) ; de nommer une députation pour l'accompagner à Paris (ibid.). Parle sur l'organisation du corps législatif (p. 380), (p. 383). Demande que l'imprimeur de l'Assemblée n'imprime rien sans l'agrément du bureau (p. 388) que l'on garantisse l'inviolabilité des députés (p. 388). Parle sur la question de savoir si le président a le droit de donner des passe-ports (p. 189) ;sur l'impression de la liste des absents (p. 450); sur le conseil du Roi (p. 451);
sur les conditions d'éligibilité (p. 470) , (p. 478) , (p. 591), (p. 59?), (p. 597), (p. 598) ; sur l'inconvénient de refuser la parole sur la position de la question (p. 599); sur la nouvelle division du royaume (p. 673) ; sur la nomination des suppléants (p. 679) ; sur le règlement provisoire de police pour Paris (p. 691) ; sur l'arrêté pris par la Chambre des vacations du parlement de France (p. 730) ; sur la nouvelle division du royaume (p. 759).
sur le projet d'arrêté concernant la liberté individuelle (p. 414).
Parle sur la condition du domicile pour l'éligibilité ( p. 478) ; contre l'inexécution des décrets (p. 697).
sur les municipalités (p. 461); sur les conditions d'éligibilité (p. 478) ; sur les biens ecclésiastiques (p. 517 et suiv.) ; sur les conditions d'éligibilité (p. 597) ; sur le règlement provisoire de police pour Paris (p. 691 et suiv.).
Propose de renvoyer le procès-verbal au comité de rédaction (p. 197). Parle sur l'organisation du Corps législatif (p. 220), (p. 221); sa motion concernant l'établissement des assemblées provinciales (p. 224 et suiv.). Parle sur le projet de décret présenté par Necker (p. 232 ; sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à une demande de sanction (p. 344); sur l'organisation du Corps législatif (p. 382), (p. 383); sur les municipalités (p. 441); sur le conseil du Roi (p. 451) ; sur les attroupements (p. 474), (p. 475; ; contre la quatrième cundttion d'éligibilité consistant dans le payement d'une imposition directe de la valeur de trois journées de tra-V àl (p. 479). Sa seconde motion sur les assemblées provinciales (p. 480 et suiv.). Parle sur les biens ce-clésiastiques (p. 484 et suiv.); sur la convocation des états du Dauphiné (p. 552).
sur les lieux privilégiés (ibid.).
Demande le rappel à l'ordre de Volney (p. 36);
un état détaillé d3s traitements sur les régies, les fermes, les posies, etc. (p. 103). Parle sur l'article 4 du chapitre IIde la Constitution (p. 124); sur l'exposé financier de Necker ip. 193 et. suiv.), (p. 195);
sur un projet de décret présenté par ce dernier (p. 23-2).
Adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-MarceJ.lin au sujet de la convocation extraordinaire des états du Dauphiné; ils demandent quelle conduite ils doivent tenir pour se conformer aux ordres de l'Assemblée (26 octobre, p. 5521; le président (Fréteau) déclare qu'il a remontré au Roi le danger qu'il y aurait à lai-ser les états s'occuper d'autre chose que de la répartition des im ôts ou des mesures relatives à la contribution patriotique (ibid.) ; discussion : Barnave, Duporl, La Poule, Arnoult, Rewbel, de Blacons, Dupont, comte de Mirabeau, duc ûe La Rochefoucauld, Lanjuiiiais, Petion de Villeneuve, de Blacons, Glezen, Dupont, Lavie, comte de Mirabeau, Pison du Galand, Alexandre de Lameth (ibid. et p. suiv.) ; l'Assemblée décrète d'abord que nulle convocation, ou assemblée par ordre, ne pour ra voir lieu, comme contraire à un décret de l'Assemblée (ibid., p. 554); suite de la discussion ; Le Chapelier, Clermunt-Tonnerre, de Blacons, Target, de Cazalès, de Virieu, comte de Mirabeau (ibid. et p. suiv.). Seconde partie du décret: Il sera sursis à toute convocation de provin. es et d'éiats ; le président demandera au Roi si c'est avec son consentement que des commissions intermédiaires ont convoqué les états de leurs provinces et, dans la négative, les mesures les plus promptes devront être prises pour en empêcher la réunion (ibid., p. 555);
le duc de La Rochefoucauld demande qu'on envoie une adresse aux provinces sur les résolutions de l'Assemblée (ibid.); adoption (ibid.). Le Roi
déclare que la permission de convoquer les états du Dauphiné lui avait été demandée, mais qu'il n'avait pas eu l'intention de l'accorder sans consulter l'Assemblée (27 octobre, p. 589).
(2 octobre, p. 234 et suiv,) ; nouvelle rédaction duprojet de décret [ibid., p. 235 et suiv.); discussion : de Lachèze, Target, Camus, Target, Fréteau, Le Chapelier, de Custine {ibid., p. 236). Pétion de Villeneuve, Robespierre, Lavie, Fréteau, duc de Mortemart (ibid., p. 237 et suiv.) ; ajournement (ibid. p. 238). Plan général d'un nouveau régime des finances présenté par d'Allarde {ibid), p. 274 et suiv.). Reprise de la discussion sur le projet de décret du comité des finances et adoption de ce projet amendé (6 octobre, p. 350 et suiv.).
Demande que l'on discute l'article relatif à la responsabilité des ministres (p. 211); que les décrets soient sanctionnés dans une déclaration signée du Roi (ibid. et p. suiv.). Parle sur la responsabilité des ministres (p. 212). Parle sur le projet de décret relatif au plan proposé par Necker (p. 236), (p. 238);
sur l'organisation du corps législatif (p. 380), (p. 381), (p. 383 et suiv.), (p. 384), (p. 385). Nommé président (p. 406). Son discours d'installation (p. 408). Répond à une députation d'une portion du commerce de Paris (p. 444) ; à une députation des juifs des Trois-Evêchés, de Lorraine et d'Alsace (ibid.) ; à Bailly venant féliciter l'Assemblée de son installation à Paris (p. 458 et suiv.).
Ses discours au Roi et à la reine (p. 470 et suiv.).
Répond à l'orateur d'une députation de gens de couleur (p. 478); à des députés extraordinaires de la province d'Anjou (p. 517). Refuse la prolongation de ses fonctions démandée par Lavie (p. 522). Ses remontrances au Roi au sujet de la réunion des états du Dauphiné (p. 552). Son discours en quittant le fauteuil (p. 593). Parle sur la motion d'Alexandre de Lameth relative aux parlements (p. 665), (p. 666).
octobre 1789, t. IX, p. 515 et suiv.); réponse du président (ibid., p. 517), Projet de remplacement de cet impôt présenté par Cigongne (28 octobre, p. 597);renvoi au comité des finances (ibid.). Voir Comité des finances.
le renvoi au pouvoir exécutif d'une plainte portée contre un membre de la municipalité de Nevers (p. 612). Appuie la motion de Target relative à i'inslruction publique (ibid.). Parle sur l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen (p. 741).
sur les subsistances (p. 474); sur la convocation des états provinciaux (p. 553).
4 août (t. IX, p. 31). Son opinion, non prononcée, sur la sanction royale (p. 62); Parle sur l'organisation du Corps législatif (p. 220) ; sur la procédure criminelle (p. 339) ; sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à ui.e demande de sanction (p. 344); sur des menaces adressées à des députés (p. 383); sur la translation de l'Assemblée (t. IX, p. 390).
Demande qu'un signe extérieur distingue les députés (p. 389) ; que l'Assemblée se transporte en oorps auprès du Roi (p. 461 et suiv.).
en faveur des juifs d'Alsace persécutés (p. 201); sur le procès-verbal à propos de la propriété des biens ecclésiastiques (p. 202) ; sur le voie intervenu à ce sujet (ibid.) ; sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à une demande de sanction (p. 344) ;
sur la translation de l'Assemblée à Paris (p. 383) ;
pour l'ajournement de la discussion sur les biens du clergé (p. 408) ; contre la quatrième condition d'éligibilité consistant dans le payement d'une imposition directe de la valeur de trois journées de travail (p. 479i ; pour l'exception en faveur des fils de famille (p. 599); sur la motion de Treilhard relative aux bénéfices (p. 729).
texte de ce rapport (p. 257 et suiv.).
relative à la dédicace faite par Palissot d'une édition des uvres de Voltaire (t. IX, p. 182). Parle sur l'exposé financier de Necker (p. 193).
sur la formation d'un comité militaire (p. 233 et suiv.) ; sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à une demande de sanction (p. 346).
Parle sur la convocation des états du Dauphiné
(p. 554); sur les conditions de l'éligibilité pour être député (p. 600). Fait une motion sur les parlements et sur les chambres de vacations (p. 664). Parle sur l'inexécution des décrets (p. 697) ; sur l'arrêté pris par la Chambre des vacations du parlement de Rouen (p. 742).
sur les droits de franc-ficf (p. 199); sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à une demande de sanction (p. 346).
sur la proposition d'une marque distinctive pour les députés (p. 406); sur la qualification à donner au Roi (p. 411) ; sur les biens du clergé (p. 415),
sur les lieux privilégiés (p. 440) ; sur la condition du domicile pour l'éligibilité (p. 478) ; sur la convocation des états provinciaux (p. 553); sur l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen (p. 741).
sur l'organisation du corps législatif (p. 381); sur les attroupements (p. 453) ; sur le décret relatif aux subsistances (p. 468); sur les attroupements (p. 475); sur les troubles de Troyes (p. 517) ; sur la convocation des états du Dauphiné (p. 553). Demande qu'on envoie une adresse aux provinces^ au sujet des résolutions prises par l'Assemblée relativement aux états provinciaux (p. 555). Parle sur les municipalités (p. 591); sur les biens du clergé (p. 613 et suiv.); sur la motion d'Alexandre de Lameth relative aux parlements (p. 665); sur la nouvelle division du royaume (p. 688); sur la motion de Mirabeau concernant les blés des Etats-Unis, la création d'une caisse nationale et la présence des ministres dans l'Assemblée (p. 714).
mité de la marine (t. IX, p.354). Demande que le comité des recherches examine sa conduite incriminée par des libelles (p. 478).
chaussée de Morlaix. Sa motion sur les guévaises et le domaine congéable (t. IX, p. 169).
tion est de se transporter à Paris (6 octobre, p. 349) ; le déclare de nouveau, en ajoutant qu'il donnera des ordres pour que l'Assemblée puisse y continuer ses travaux (ibid., p. 350). fccrit au président pour demander que l'Assemblée nomme des commissaires chargés de choisir un local pour elle à Paris (9 octobre, p. 390). Répond au discours de félicitations du président (p. 470).
de Lanjuinais et de Bliu : Aucun membre de l'Assem blée nationale ne pourra obtenir aucune place de ministre pendant la session de l'Assemblée actuelle (ibid.).
Combat celle du vicomte de Mirabeau enlevant aux membres de l'Assemblée le droit de prendre part aux élections prochaines tout à la fois comme candidats et comme électeurs (p. 46 et suiv. ). Demande pourquoi la municipalité de Versailles a requis six mille hommes de troupes (p. 53 et suiv.). Parle sur le veto suspensif (p. 54), (p. 55) ; sur le sacrifice fait par le Roi de son argenterie (p. 99) ; sur l'article 2 du chapitre II de la Constitution (p. 101) ; sur l'article 3 (p. 123 et suiv.). Demande que l'on traite la question de la régence (p. 124). Parle sur l'exposé financier de Necker (p. 191 et suiv.), (p. 192), (p. 193), (p. 194 et suiv.), (p. 195 et suiv.).
Accuse d'inexactitude le procès-verbal (p. 197). Parle sur la proposition d'adresse aux électeurs concernant l'exécution du plan de Necker {ibid.); sur le procès-verbal, à propos de l'offre des religieux de Saint-Martin-des-Champs (p. 202). Demande que l'on décide si un ministre peut être député (p. 212).
Parle sur l'organisation du corps législatif (p. 227), (p. 228) ; sur un projet de décret présenté par Necker (p. 231), (p. 232). Lit un projet d'adresse aux commettants au sujet des finances (p. 238), (p. 338). Parle sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à une demande de sanction (p. 345). Invite le président à faire respecter la liberté de discussion opprimée le 5 octobre (p. 348). S'oppose à ce que l'Assemblée se déplace pour se rapprocher du Roi (p. 349). Propose de décréter qu'ils sont inséparables (ibid.). Demande que, pour prouver sa force, l'Assemblée reprenne, le 6 octobre 1789, la discussion sur le projet de décret relatif au plan de Necker et sur l'adresse aux commettants (p. 350); renouvelle sa demande sur ce dernier point (p. 355). Parle sur l'organisation du oorps législatif (p. 380 et suiv.), (p. 381), (p. 384), (p. 385) ; sur la question des passe-ports des députés (p. 388 et suiv.); sa motion à ce sujet (p. 389). Dénonce le mot attribué au ministre de Saint-Priest sur les douze cents députés (p. 398). Combat la proposition d'un nouveau décret sur l'inviolabilité des députés (p. 404 et suiv.).
Demande à édifier l'Assemblée sur une réponse du comte de Saint-Priest (p. 408). Sa motion au sujet des biens du clergé (ibid.). Parle sur la question de savoir si le titre de Roi des Français est insuffisant (p. 411). Formule en articles sa motion sur les biens du clergé (p. 415). Parle sur les municipalités (p. 442). Présente un projet de loi sur les attroupements (ibid. et p. suiv.). Parle sur la publication des décrets (p. 469). Demande que le pouvoir exécutif indique les ressources dont il a besoin pour assurer les subsistances de Paris (p. 475) ; que l'on continue la discussion sur les biens du clergé (p. 484). Parle sur la convocation des états provinciaux (p. 553), (p. 555). Fait une motion concernant les faillis et enfants de faillis au point de vue de l'éligibilité (p. 590 et suiv.)» (p. 595) ;
une autre motion relative à l'inscription civique (p. 596). Appuie l'amendement de Prieur à l'article relatif aux conditions d'éligibilité pour être député (p. 599). Apostrophe le président Camus (ibid); établit en principe que toute question posée doit être résolue (p. 600). Parle sur les biens ecclésiastiques (p. 607 et suiv.), (p. 639 et suiv.). Son plan de division du royaume (p. 659 et suiv.). Parle sur le règlement provisoire de police pour Paris (p. 691); contre l'inexécution des décrets (p. 696 et suiv.), (p. 697) ; contre la motion de Bouche relative aux pensions qui dépassent 300 livres (p. 704).
Demande que l'on réclame des Etats-Unis des secours en blés et en farines, tant en remboursement
des intérêts arriérés qu'en acquittement d'une partie des capitaux; que le comité des finances présente le plus tôt possible le plan d'une caisse nationale, et que les ministres soient invités à venir prendre dans l'Assemblée voix consultative (p. 705 et suiv.). Défend cette dernière partie de sa motion (p. 716 et suiv.). Parle sur la nouvelle division du royaume (p. 731 et suiv.).
blesse du bailliage de Montfort-l'Amaury. Parle sur la formation d'un comité militaire (t. IX, p. 234) ; sur la motion du comte de Mirabeau relative à la présence des ministres dans l'Assemblée (p. 711).
cussion : Le Chapelier, Le Pelletier de Saint-Fargeau (22 octobre, p. 478). L'âge pour être éligible est fixé à vingt-cinq ans (ibid.) ; discussion sur la troisième condition : Lanjuinais, duc de Mortemart, Dubois de Crancé, Le Pelletier de Saint-Fargeau, Populus, Malès. Biauzat (ibid.). La troisième condition est d'être domicilié de fait, au moins depuis un an, dans l'arrondissement des assemblées primaires (ibid., p. 479). Quatrième condition : Grégoire, Duport, Biauzat, Robespierre, Dupont (de Nemours), Defermon, Démeunier (ibid.); la quatrième condition est de payer une imposition directe de la valeur locale de trois journées de travail (ibid.). Cinquième condition : Thibault, Bouche , Pétion de Villeneuve, comte de Mirabeau, Barrère de Vieuzac, marquis de Foucault, Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, un abbé, Leleu de la Ville-au-Bois, Camus, comte de Mirabeau, duc de La Rochefoucauld, de Montlosier, Dieuzie, Faydel, de Lachèze, Gourdan, Démeunier, Clermont-Lodève, Populus, de Bonnay, vicomte de Noailles, Le Couteulx de Canteleu , comte de Mirabeau (27 octobre, p. 589 et suiv.); adoption de la première partie de la proposition du comte de Mirabeau ; exclusion des faillis, banqueroutiers ou débiteurs insolvables (ibid., p. 592); discussion sur la seconde partie de la proposition, tendant à exclure les enfants des faillis : Mougins de Roquefort, Prieur, de Dieuzie, Martineau, Blin, marquis de Monspey, Barnave, comte de Mirabeau, Démeunier, Tronchet, Le Pelletier de Saint-Fargeau ("28 octobre, p. 594 et suiv.); adoption avec cette réserve : sauf les enfants dotés avant la faillite (ibid., p. 595). Adoption sans discussion du paragraphe portant que ceux qui auront fait cesser les causes d'exclusion rentreront dans leurs droits (ibid., p. 596). L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer qua^t à présent sur l'exclusion des interdits et des repris de justice (ibii.). Adoption d'une motion du comte de Mirabeau relative à l'inscription civique (ibid.). Discussion de l'article concernant la double condition d'être citoyen actif et de payer une contribution d'au moins dix journées de travail : Dupont (de Nemours), comte de Virieu, Target, Bouche, Démeunier (ibid., p. 597) ; adoption (ibid.).
Salité de Paris pour la libre entrée des effets des éputés (13 octobre, p. 437). Installation de l'As-blée à l'archevêché de Paris (p. 456 et suiv.). Discours, non prononcé, de Sillery sur la translation de l'Assemblée à Paris (p. 464 et suiv.). Voir Règlement provisoire de police pour la ville de Paris.
F. 741 et suiv.). L'Assemblée décrète le renvoi de arrêté au Chàlelet, et la nomination d'une autre chambre des vacations (ibid., 743). Lettre du substitut du procureur général du parlement de Normandie, accompagnée d'un nouvel arrêté de la chambre des vacations du même parlement (11 novembre, p. 759) ; renvoi au comité des rapports (ibid.).
blée décrète que des passe-ports illimités ne seront accordés à ceux qui les demandent qu'après qu'ils auront été remplacés par leurs suppléants, et que, huit jours après la première séance de l'Assemblée à Paris, il sera fait un appel nominal de tous les membres qui la composent (ibid. et p. suiv.).
sur la nouvelle division du royaume (p. 686 et suiv.).
nouvelles plaintes à ce sujet (6 novembre, p. 704).
Le duc d'Aiguillon, président du comité des finances, répond que les épreuves sont entre ses mains (ibid.). Bouche propose de décréter la suppression de toutes les pensions au-dessus de 300 livres {ibid.).
Mirabeau combat cette motion qui est ajournée (ibid.).
sur les conditions d'éligibilité (p. 598), (p. 599) ; sur les biens du clergé (p. 625) ; sur la nouvelle division du royaume (p. 722 et suiv.); sur l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen (p. 730).
pression commise dans le procès-verbal n° 81 (t. IX, p, 382).
Fréteau de Saint-Just (10 octobre, p. 406).
Camus (28 octobre, p. 593).
Eression signalée dans le n° 84 (9 octobre, p. 391). ésignation impropre rectifiée (12 octobre, p. 408). L'Assemblée décide qu'à l'avenir la rédaction du procès-verbal sera contrôlée par tous les officiers des Jjureaux (19 octobre, p. 458). Réclamations à propos des expressions milices nationales et troupes du Roi (20 octobre, p. 468); maintien de ces expressions (ibid.). Explications données par le marquis deRostaing, un des secrétaires, au sujet d'une adresse du clergé de Dax, contenue dans un extrait du procès-verbal du 29 octobre, malgré la non lecture de cette adresse (30 octobre, p. 612); l'Assemblée ordonne la suppression du faux extrait et décrète que les extraits ne pourront être donnés sans un ordre des secrétaires et que son imprimeur ne pourra rien imprimer d'émané d'elle sans un ordre du président ou des secrétaires (ibid.). Addition décrétée au procès-verbal du 7 novembre, et concernant un article voté sur les biens ecclésiastiques (9 novembre, p. 722).
sur l'organisation du Corps législatif (p. 219); sur le prêt à intérêts (p. 337 et suiv.); sur la réponse du Roi du 4 octobre 1789 à une demande de sanction (p. 346); contre les journaux étrangers (p. 397);
sur les municipalités (p. 441); sur le baron de Besenval (p. 445) ; sur la convocation des états du Dauphiné (p. 552); sur l'amendemeut relatif aux fils de famille au point de vue de l'éligibilité (p. 599).
#
térieur. Sa lettre relative à l'éloignement du régiment de Flandres (t. IX, p. 123). Sa lettre au sujet d'une sortie qu'il aurait faite contre l'Assemblée nationale (p. 407 et suiv.).
Lafare, Bureaux de Puzy, Faydel : 28 septembre 1789. De Rostaing, Alexandre de Lameth, abbé Thibault :
12 octobre.
Target, Thouret, Barnave : 26 octobre.
u ]>' reje' (ibid). Renvoi au comité des recherches d une note communiquée par lagarde des sceaux et relative à 1 exécution des décrets sur l'exportation etla circulation des grains (4 novembre, p. 674). voir Assemblee nationale, Comité des subsistances.
Suppléants. Le vicomte de Beauharnais demande qu'il no soit plus admis que ceux qui ont été élus avant la réunion des trois ordres (15 octobre 1789, t. IX p. 450); Martineau combat cette motion (ibid.); l'Assemblée décrète que les suppléants ne seront plus nommés à l'avenir que par tous les citoyens réunis ou légalement représentés (ibid.). Lettre du parde des sceaux demandant si, pour la nomination régulière des suppléants, il suffit de réunir ensemble les électeurs du clergé, de la noblesse et des communes (5 novembre, p. 679) ; discussion: Target, Démeunier, de Volney, Sallé de Choux, Brunet de Latuque, Mau-riet de Flory, Pison du Galand (ibid.). L'Assemblée décrète que lorsqu'il s'agira d'élire des suppléants, en cas de mort ou de démission des députés de l'Assemblée nationale actuelle, tous les citoyens qui ont le droit de voter aux assemblées élémentaires seront rassemblés, de quelque condition qu^ils soient, pour faire ensemble la nomination médiate ou immédiate de leurs représentants, soit en qualité de députés, soit en qualité de suppléants, et que les électeurs auront la liberté d'élire leur président et autres officiers (ibid. et p. suiv.). L'Assemblée décrète qu'il sera remis à chaque suppléant une carte destinée a constater sa qualité (p. 721).
cession à la couronne (t. IX, p. 3). Appuie celle du duc d'Aiguillon concernant les deux jours par semaine à consacrer aux finances (p. 47). Propose de s'occuper de l'organisation des assemblées provinciales (p. 99 et suiv.). Présente un amendement au premier article du chapitre II de la Constitution (p. 100). Parle sur l'article 3 (p. 123). Présente un amendement à l'article 4 (p. 124). Parle sur l'abolition des droits de franc-iief (p. 199) ; sur le vote relatif à la suppression d'une phrase du procès-verbal concernant les religieux de Saint-Martin-des-Cliamps (p. 202). Annonce la distribution aux députés et 1 envoi aux provinces d'une carte correspondant à la nouvelle division projetée de la France (p. 210). Son rapport sur le projet de plan constitutif du Corps législatif (ibid. et p. suiv.) : le défend (p. 219), (p. 221 et suiv.), (p. 227). ' Parle sur le projet de décret, du comité des finances relatif au plan proposé par Necker (p. 236); sur le prêt à intérêts (p. 338). Demande que le président soit chargé d'aller prier le Roi de veiller à l'exécution du décret sur la circulation des blés (p. 346).Annonce le 6 octobre 1789, que le Roi a l'intention de se transporter à Paris (p. 349). Parle sur l'organisation du corps législatif (p. 385) sur l'instruction familiere destinée à éclairer le peuple au sujet du danger des moyens qu'il emploie pour se procurer des subsistances (p. 388); sur l'organisation du Corps législatif (p. 396), (p. 397;;contre laproposition dune marque distinctive pour les députés (p. 406)-
sur la qualification de Roi de Navarre (p. 408) ; _
sur les subsistances (p. 440);sur les municipalités (p. 441) ; sur le baron de Besenval (p. 445) ; sur la question des pas.se-ports (p. 450). Présente un plan, au nom du comité de constitution, sur les attroupements (p. 452).Propose, au nomd'un comité spécial, une nouvelle rédactiun du décret sur le conseil du Roi (p. 467 et suiv.). Se plaint de la publication incomplète des décrets du 4 août (p. 468). Parle sur les conditions d'éligibilité (p. 470). Présente au nom du comité de constitution, une nouvelle rédaction du projet de loi sur les attroupements p. 474). Nommé secrétaire (p. 552). Parle sur la convocation des états provinciaux (p. 554 et suiv.)-
sur les conditions d'éligibilité (p. 597). Proposé de suspendre l'émission des vux monastiques (ibid.) ;
s'oppose à la protestation de Bonnal contre le décret de suspension (p. 598). Parle sur les conditions d'éligibilité pour être député (ibid. et p. suiv.).
Fait une motion concernant l'instruction publique et 1 éducation nationale (p. 612). Parle sur la motion d Alexandre de Lameth relative aux parlements sp. 664 et suiv.); sur lanomination des suppléants p. 679) ; sur l'inexécution des décrets (p. 697). sa motion relative à l'arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Rouen (p. 741); sur la nouvelle division du royaume (p. 744 et suiv.).
Vérification des podvoirs.
Elections
65° Do de Chabrol fils, nommé pour remplacer de Langeac, député de la noblesse de la sénéchaussée da
Riom (16 septembre 1789, t. IX, p. 1); validation {ibid.);
66° De la Guadeloupe : rapport par Barrère de Vieu-zac (22 septembre, p. 102 et suiv.); admission de Chabert de La Cliarrière et Curt, comme députés; du marquis de Dampierre et de Boivin, comme suppléants (ibid., p. 103) ;
67° Du baron de Carondelet, nommé pour remplacer Dupont, député démissionnaire du bailliage de Lille (30 septembre, p. 222); validation (ibid.)-,
68° Des députés de la Martinique; rapport par Barrère de Vieuzac (14 octobre, p. 4i4 et suiv.); admission d'Arthur Dillon et Moreau de Saint-Méry (ibid., p. 445) ;
69" De la Corse: contestation au sujet de l'élection de Buttafoco : l'Assemblée décide qu'elle ne sera pas réformée, mais que le sieur Guibega pourra assister anx séances^ dans la tribune des suppléants, sans néanmoins être considéré comme suppléant (4 novembre, p. 674) ;
70° Des villes de Metz et de Quimper : rapport parHé-brard (6 novembre, p. 704) ; validation des pouvoirs de Rderer et de Tréhot de Clermont (ibid.).
propose de faire imprimer et distribuer les états des finances du royaume et les états particuliers des départements (ibid.) ; adoption (ibid.). Le comte de Glermont-Tonnerre rend compte de son entrevue avec le Roi qui a promis de répondre le lendemain (ibid.); réponse du Roi contenant promesse de promulgation (21 septembre, p. 53). Discussion sur la durée du veto suspensif: Meunier, Guillotin, de Cazatès, Fréteau, de Mortemart, Guillotin, Pétion de Villeneuve, un membre, comte de Mirabeau, de Béthisyde Mézières, marquis de Bonnay, Rewbell, de Mirabeau (ibid, p. 54 et suiv.); l'Assemblée décide que le veto suspensif cesfeia à la deuxième législature (ibid., p. 55). Opinions sur le veto, non prononcées, de Barrère de Vieuzac (ibid. et p. suiv.); du comte de Clermont-Tonnerre (p. 57 et suiv.); de Gaultier de Biauzat (p. 60 et suiv.); de Goupil dePréfeln (p. 62); de Goupilleau (p. 62 et suiv.); de La Réveillière de Lépeaux (p. 65 et suiv.); de Meyniel (p. 67 et suiv.); de N. (p. 68 etsuiv.);de Polverel (p. 70 et suiv.), (p. 72 et suiv.); de Rabaud de Saint-Etienne (p. 75 et suiv.); du duc de Liancourt (p. 77 et suiv.); de Robespierre (p. 79 et suiv.) ; de Sallé de Choux (p. 83 et suiv.); de Deséze (p. 85 et suiv.); de Treilhard (p. 90 et suiv.); de Voidel (p. 91 et suiv.). Le président annonce que le Roi a répondu qu'il examinerait le décret sur le prêta intérêts,qu'il accordait sa sanction aux décrets sur le droit de franc-fief et sur la perception des impositions, qu'il avait fait garnir la frontière de troupes pour empêcher l'exportation des grains, qu'il accordait une sanction conditionnelle aux dix-neuf arlicles de la Constitution votés et qu'il refusait de s'expliquer sur la déclaration des droits (5 octobre, p. 342 etsuiv.); discussion sur cette réponse: Muguet de Nanthou, Robespierre, Bouche, Prieur, Duport, Goupil de Pré-feln, vicomte de Mirabeau, le comte de Virieu, Pétion de Villeneuve, Grégoire, Barrère de Vieuzac, Ulry, Chasset, le comte de Mirabeau, marquis de Monspey, comte de Mirabeau, marquis de Monspey, Maury, Camus, de Richier, de Coulmiers, comte de Montbois-sier, de Toulongeon, duc de La Rochefoucauld, Rewbell, Glezt n, Garat aîné, comte de La Galissonnière, de La Luzerne, Charles de Lamelh (ibid., p. 343 et suiv.) ; l'Assemblée décide que le Roi sera supplié de donner une acceptation pure et simple de la déclaration des droits de l'homme et des dix-neuf articles de la Constitution qui lui ont été présentés [ibid., p. 346); noms des douze députés chargés d'accompagner le président chez le Roi (ibid.).
fin de la table alphabétiqi
Demande que l'on s'occupe avant tout de l'organisation des pouvoirs (t. IX, p. 47). Parle sur les impositions des privilégiés (p. 183); sur l'exposé financier de Necker (p. 193); sur le procès-verbal (p. 201); sur l'organisation du Corps législatif (p. 221i ; sur un projet de décret présenté par iNecker (p. 232) ; sur la réponse du Roi, du 4 octobre 1789, à une demande de sanction (p. 344); sur la convocation des états provinciaux (p. 555) ; sur les conditions d'éligibilité (p. 597).
e et analytique du tome ix.
Paris. Imprimerie Paul Dupont, rue Jean-Jacques-Rouaseau, 41 (Hôtel des Fermes). (1C, 6-7.)
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